B987352101_PFP3_2012_325.pdf
- extracted text
-
Bulletin de la Societe
des Etudes Oceaniennes
N°325
AYRIL / JUILLET 2012
Societe
Oceaniennes
Etudes
des
Fondee LE 1 er JANVIER 1917
do Service des Archives de Polynesie frangaise, Tipaerui
B.P. 110,
98713 Papeete, Polynesie franqaise
•
Tel. 41 96 03
Fax 41 96 04
-
Facebook : Societe des Etudes Oceaniennes
•
e-mail: seo@archives.gov.pf • web : etudes-oceaniennes.com
•
web : seo.pf
19472002015 63
Banque de Polynesie, compte n°12149 06744
CCP Papeete, compte n°14168 00001 8348508J068 78
Composition du Conseil d'Administration 2012
President
M. Fasan Chong dit Jean Kape
Vice-President
M. Constant Guehennec
Secretaire
M. Michel Bailleul
Mme Moetu Coulon-Tonarelli
Secretaire-adjointe
Tresorier
M. Yves Babin
M. Daniel Margueron
Tresorier-adjoint
Administrateurs
M. Christian Beslu
Mme Eliane Hallais Noble-Demay
M. Robert Koenig
Membre d'Honneur
M. Raymond Vanaga Pietri
Bulletin
DE LA SOCIETE
des Etudes Oceaniennes
(POLYNESIE ORIENTALE)
N°325
-
Avril / Juillet 2012
Sommaire
Avant-Propos du president
Fasan Chong dit Jean Kape
et la Polynesie
Le regard de I’etranger : Paul Gauguin
p.
2
p.
4
Riccardo Pineri
La vengeance legendaire de ‘Apeku'a,
de la legende d’Apakura
version
p. 23
marquisienne
Aymeric Hermann
de petroglyphes et du
Etude, moulage et tirage d’un grand panneau
tiki de Taaoa, a Hatiheu, Nuku Hiva
Pierre Ottino
p. 56
L’ananas (painapo ) en Polynesie franjaise
Jean-Pierre Ehrhardt
De la methode a l'angoisse.
reflexions libres au sujet du suicide et
p. 38
p. 64
de la mort
Bruno Saura
p. 78
En marge d 'Oceania
Robert Koenig
Inauguration du phare de Haapape,
p. 86
le 25 avril 1868
Extrait du Messager de Tahiti
de deux articles
au pays de l’absurde, presentation
p. 90
Periple
Constant Guehennec
En retard sur notre civilisation ? Septembre
The Chinago, juillet 1909
a Gilles Artur
-
1869 Auguste Vacquerie
-
Jack London
p. 110
Hommage
Jean Guiart
Assemblee generale du 23 fevrier 2012
de tresorerie
Bilan Moral Budget previsionnel et compte
modification des statuts de la S.E.O.
de
P. V. de T assemblee generale Proposition
et modification des statuts
Assemblee generale extraordinaire
p-112
-
-
-
p. 127
Avant-propos
Chers membres de la Societe des Etudes Oceaniennes,
Chers lecteurs du BSEO,
Avant tout merci de votre fldelite a notre Bulletin, a votre Bulletin !
Pour ce deuxieme numero de l’annee, nous tenons a adresser nos
vifs remerciements d’abord aux auteurs qui ont propose une contribution,
ensuite au tandem de notre comite de redaction qui se charge des details
de publication apres que le comite de lecture a arrete les articles a publier.
Nous tentons une experience : elle conceme deux articles lies au fonctionnement de la
guillotine a Papeari, l’un ecrit en frangais (par Auguste Vacquerie, 1869), l’autre en anglais (par Jack London, 1909). Beaucoup de
nos lecteurs comprennent la
langue de Shakespeare et le BSEO est egalement distribue a 1’etranger.
Outre les articles retenus, vous trouverez dans ce numero les comptes
rendus de l’A.G.O. et de 1’A.G.E. de cette annee, les bilans moral et financier 2011, le budget previsionnel 2012 ainsi que les statuts de la S.E.O.
modifies par l’Assemblee generate extraordinaire.
Suite aux deux Assemblies generates, le Conseil d’administration s’est
reuni plusieurs fois, pour travailler notamment sur le projet d’une nouvelle
convention qui regira les rapports entre la S.E.O. et le Service de patrimoine
archivistique et audiovisuel (S.P.A.A.), la nouvelle entite qui gere desormais
l’ancien Service des Archives et le batiment ou est installee la S.E.O.
Pour la « Joumee intemationale des sites et monuments historiques»
du 18 avril 2012, les administrateurs ont participe dans leur quasi-totalite
a cet evenement, aussi bien a l’ancienne
presidence du Pays qu’au
Archives de Tipaerui, ou une visite guidee de notre Bibliotheque a ete
organisee a la grande satisfaction du public.
En juin, quelques visites ont ponctue notre existence : le vice-president du Pays, Anthony Geros, nous a encourages dans notre entreprise, et
l’inspectrice generale des bibliotheques de France, Madame Claire Vayssade, a apprecie son passage a notre Bibhotheque.
2
N°325
-
Avril /Juillet 2012
Pour ce premier semestre, il est a noter que la S.E.O. a
participe a
quatre salons : celui de Paris, celui de Moorea et celui de St. Malo.
La S.E.O. a egalement tenu un stand pendant les deux jours du Festival des
Tuamotu a la Maison de la Culture de Papeete.
En juillet, notre secretaire et moi-meme avons suivi une formation
dispensee au Musee de Tahiti et des lies par des experts venus de France
sur les
patrimoines, leur conservation, leur restauration...
Quant a nos publications, le livre Oceania a ete reedite en mai et a
fait l’objet d’une large mediatisation. On s’active maintenant a la reedition
du dictionnaire de Tepano Jaussen pour la rentree scolaire 2012 ; le travail
remarquable du premier eveque de Tahiti n’est plus complete par un
lexique de l’Academie tahitienne ; ce chantier exige une reflexion et une
presentation plus modeme de ce Dictionnaire numerise pour la premiere
fois en 2012.
Nous rappelons que la S.E.O. se trouve dorenavant au quatrieme
etage du batiment des Archives de Tipaerai ou elle dispose d’un peu plus
d’espace qu’auparavant et surtout d’une salle de consultation qui fait sas
avec le secretariat. Nous remercions vivement le S.P.A.A.
qui nous aide a
ameliorer 1’accueil du public et met a notre disposition des vitrines pour
exposer en toute securite certains ouvrages rares et tres anciens. D’autres
ameliorations interviendront au fur et a mesure de l’avancee des travaux
de restauration des locaux.
Nous pensons deja au prochain Bulletin, consacre au theme du
Voyage qui est aussi le theme du Salon du livre de Papeete, prevu en
decembre 2012. Je renouvelle ici mon appel a tous ceux qui veulent bien
participer au dernier numero de cette annee.
Enfin, bien que cela ait ete presente dans le bilan moral et discute en
questions diverses a l’AG.O., il apparait neanmoins opportun de rappeler
le besoin de rajeunissement du Conseil d’administration a Toccasion de
son renouvellement l’annee
prochaine. Merci d’avance aux membres
volontaires de se rapprocher de votre Conseil d’administration!
Bonne lecture, ‘la ora na!
Le president Fasan Chong dit Jean Kape
3
Le regard de l’etranger :
Paul Gauguin et la Polynesie
a Gilles Artur in memoriam
Homo viator
Dans l’ancienne culture polynesienne, le mot de ra’i reva designe les
minces nuages transports d’ile en Tie au gre des alizes et qui, tels des
oiseaux, franchissent les sommets de l’Aorai ou du Temehani et parfois se
rassemblent pour se deverser sur l’ocean. Ce mot designe egalement les
qui devalent les pentes de l’Orofena, ruisseaux ephemeres et
violents mais benefiques pour la terre et qui se transforment a leur tour
en nuages migrateurs. Le mot de ra’i reva est essentiel pour comprendre
l’unite du monde polynesien ou tous les phenomenes sont marques par la
1
dimension du voyage Paul Gauguin fut avant tout un ra’i reva, un de ces
cours d’eau
.
1
Cette comprehension est necessaire pour eviter I'erreur majeure d'une certaine ethnologie qui lit la culture
polynesienne comme si elle etait le prolongement de la mythologie des«bois sacres»des Celtes.
Pineri)
(doc.
m Sfi/Z/etin Jc !a Jociete- dea &tude& Gccanic/mes
2
voyageurs« d’energie superieure» comme l’ecrit Nietzsche Nous essaierons de montrer non tellement le rapport de Gauguin au voyage, theme
.
maintes fois traite, mais comment l’oeuvre de Gauguin va entierement sous
le signe de l’appel du dehors, de la quete endurante du sens de l’existence
et de la mise en lumiere du caractere
d’etrangete de l’ceuvre d’art.
Le Perou, la Bretagne, la Martinique, Arles, Tahiti, les lies Mar-
quises, le projet ultime du voyage en Espagne, sont autant de faisceaux
d’intensite sur la carte de navigation de l’existence du peintre, occasions
d’epanouissement du “moi” profond dans l’enjeu createur. 11 sera done
question d’elucider les rapports de Gauguin et de la Polynesie a travers
l’element concret de l’ceuvre d’art, comme l’exigera Gauguin lui-meme
dans une de ses demieres lettres: «1’oeuvre d’un homme, e’est l’explication de cet homme » 3 Le risque avec Paul Gauguin e’est que les cliches
.
tires de sa vie puissent recouvrir 1’enjeu de sa peinture et masquer la
necessaire explication des rapports de l’acte createur et de l’existence, le
difficile dialogue de la subjectivity et du monde
4
.
Je pars pour etre tranquille, pour etre debarrasse de l’influence de
la civilisation. Je ne veux faire que de Part simple, tres simple ; pour cela
j’ai besoin de me retremper dans la nature Merge, de ne voir que des sauvages, de vivre leur vie, sans autres preoccupations que de rendre, comme
«
le ferait un enfant, les conceptions de mon cerveau avec l’aide seulement
2
Dans Humain trap humain (II, 228), Nietzsche fait une topologie des voyageurs, en mettant en evidence cinq
de concevoir le voyage :« Parmi les voyageurs, on distinguera cinq degres: ceux du premier degre, le
fagrns
plus bas, sont les gens qui voyagent et sont vus se faisant, ils sont proprement menes en voyage, comme aveugles; les suivants voient reellement le monde eux-memes; le troisieme tirent de leur vision quelque experience
vecue; les quatriemes assimilent le vecu de fagon vivante et I'emportent avec eux; enfin, il y a quelques personnes d'energie superieure qui doivent necessairement, apres I'avoir vecu et assimile, revivre pour finir tout ce
qu'elles ont vu et le projetant au dehors, en actes et en oeuvres, des qu'elles sont revenues chez elles.»
3
Paul Gauguin, lettre a Charles Morice, avril 1903
"C'est du manage hostile de I'artiste et de I'homme que jaillit la creation.J'unite de I'artiste se joue en marge
de lui-meme. Car I'artiste n'est pas exemplaire, il est etranger", Rectification, 1959-1962, in Roger van Rogger
4
Catalogue de I'exposition Roger van
6
Rogger, Pictura-Edelweiss, 1964, p.59
A
L'AtTejJTiOO De SiUHSAerUe_ceUSET2^5TEiJK. DU WUStE <SAU<JU|»J & rbPEA&
bulletin de la focie/e des Slades Ocean
t
des moyens d’art primitifs, les seuls bons, les seuls vrais ». Cette celebre
declaration de Gauguin a Jean Huret avant son depart pour Tahiti, semble
resumer le parcours createur du
sa recherche du
peintre et ouvrir une page nouvelle dans
rapport entre “art” et “nature”. Ces phrases s’inserent
dans la tradition qui remonte jusqu’a Montaigne de Tidentification de la
“
spontaneite primitive, accessible uniquement par les moyens
d’expression “simples”, propres a Tenfant et au sauvage, comme Gauguin
le repetera plus tard, a son retour en France : Pour faire neuf, il faut
“nature
a la
«
remonter aux sources, a Thumanite en enfance ». Mais depuis longtemps
Gauguin a fait T experience de Timpossibilite de la peinture de se transporter purement et simplement dans les lieux eloignes dans l’espace et
dans le temps, de considerer les mondes anciens dont la Bretagne lui a
offer! la persistance et les demiers eclats, au cceur meme de la civilisation
moderne, comme des realties objectives auxquelles on peut avoir acces
sans passer par la profonde mutation de ses modes de representation. Les
mondes anciens ne sont pas constitues par ce qui est naif et arriere, maladroit ou “pur”, mais contiennent encore le premier eclat du choc du
sacre, comme l’ecrit Rene Huyghe, dont notre temps a perdu le sens,
jusque dans sa religion ».
«
La lutte avec I’ange de la peinture
La Vision apres le sermon
,
tableau peint en septembre 1888, est le
resultat de recherches poursuivies dans des multiples directions depuis
des annees par le peintre : ses interets pour les primitifs europeens, pour
Cimabue, Giotto, Holbein, Diirer, et leur “stylisation” au moyen des elements plastiques (trait, couleur, plan) en rupture avec la representation
du monde medieval et en opposition a la rationalite de la Renaissance; la
passion partagee avec Van Gogh pour les arts du Japon et leur pratique du
“cloisonnisme” ainsi que pour Tart du vitrail des maitres venders depuis
le Xle siecle. Tous ces precedes de relecture et d’interpretation ont comme
finalite une construction de monde plutot que sa reproduction, comme
Tavait deja donne a penser Baudelaire dans le Salon de 1859 : un bon
tableau, fidele et egal au reve qui Ta enfante, doit etre produit comme un
monde ». C’est Gauguin lui-meme qui donne la cle de lecture, dans la
«
8
N°325 Avril / Juillet 2012
-
lettre a Van Gogli de septembre 1888 : “Pour moi dans ce tableau le paysage et la lutte n’existent que dans l’imagination des gens en priere par
suite du sermon c’est pourquoi il y a contraste entre les gens nature et la
lutte dans son paysage non nature et disproportionnee”. Un double foyer
constitue ce tableau : au premier plan des paysannes bretonnes en priere,
ecoutant les paroles du pretre et a l’arriere-plan le sujet du sermon : la
lutte de Jacob et de l’ange. L’enjeu est de montrer comment une “image”
prend la place de la perception objective, comment le tableau, pour montrer la communion de Tame de ces paysannes et du sujet de la predication,
passe par des deformations coherentes: vue plongeante, horizon surhausse, couleur anti-naturaliste du pre ou a lieu le combat. Ce qui etait
devenu une certitude pour le “naturalisme”, que l’image retinienne traduit la verite de la perception immediate, que l’oeil “photographie” 5 la
realite, est ici remis profondement en question : le monde n’apparait pas
d’abord sous le mode des sensations mais deja sous des rapports abstraits: directions verticales, obliques, horizontales, opposition fond-figure,
implication de memoire et de sensation, de perception et d’imagination.
6
comme
Le monde est deja organise par la «langue de l’ceil qui ecoute
l’ecrit Gauguin, en equilibre delicat entre le souvenir et la construction
apres-coup, entre I'homme qui regarde et l’homme qui se projette aux
sources du visible. L’image n’est ni une reproduction d’un donne stable ni
un masque depose sur le reel mais ce par quoi nous entrons en relation
avec Ini, croisement du sensible et du non-sensible et a travers laquelle
nous sommes toujours deja in medias res. La vision nait du fond des
choses et au milieu du monde, deployant ses singularity dans un style
individuel: Tout mon oeuvre est calcule, medite longuement», a soin de
7
preciser Gauguin
»
,
«
.
5
«La nature! la verite! ce n'est pas plus Rembrandt que Raphael, Botticelli que Bouguereau. Savez-vous ce qui
sera le comble de la verite bientot ? C'est la
photographie quand elle rendra les couleurs, ce qui ne tardera pas.
Et vous voudriez qu'un homme intelligent suat pendant des mois pour donner I'illusion de faire aussi bien qu'une
ingenieuse petite machine I»Paul Gauguin, Oviri, Gallimard, 1974, p. 139.
6
Ibid., p. 178
'Ibid., p.138
9
S&u/fetw de fa Jocicte des- Slades Ocea/iA
Partant d’une realite de prime abord familiere, le peintre introduit la
dimension etrangere qui brouille la pretendue evidence du monde, relativise la representation « locale ». A l’engagement dans la croyance des
paysannes bretonnes en tant que lien du sujet percevant au monde et
qu’aucun objectivisme » ne peut reduire, repond l’engagement dans
«
l’oeuvre de la part du peintre. Comme Jacob qui declare “J’ai vu Dieu face
a face et ma vie a ete sauvee”
(Genese, 32) Gauguin se lance dans la lutte
avec l’ange de la peinture pour retrouver le visage de l’Absolu dans le
monde. Les formes primitivistes de la peinture extra-europeenne, le rappel
a la tradition picturale “primitive” europeenne qui precede la mise en
place de la perspective de la Renaissance et l’illusion “naturaliste”, repondent a ce meme besoin de voir les choses grandement 8 que Gauguin
partage avec Baudelaire, une de ses references parmi les plus constantes,
et avec la “barbarie de Cezanne”, comme l’appelle Maurice Denis. La
legon des peintres primitifs libere la peinture de Gauguin de la soumission a un enregistrement de sensations, fut-ce de type superieur comme
dans rimpressionnisme, et l’ouvre a la decouverte d’une regie, d’un schematisme du visible. Cet heritage complexe va moduler son rapport au
monde polynesien, la Polynesie devenant a ses yeux le domaine depositaire
d’images originelles qui renvoient au monde asiatique, a la rehgion bouddhiste, au christianisme.
La Polynesie, depuis les peintres et les ecrivains des premieres expeditions maritimes, joue dans 1’imaginaire occidental le role du mirement», pour reprendre un terme de marine, d’effet de refraction qui fait
parartre un objet plus eleve qu’il ne Pest reellement. Si le mirage »fait
paraitre les objets renverses, le mirement les releve et les projette a
perte de vue. II existe plusieurs formes du regard sur le monde polynesien
de la part du monde occidental: celui du mensonge romantique qui
»
«
«
«
«
8
»
C'est Baudelaire qui parle d'une« barbarie inevitable, synthetique, enfantine, qui reste souvent visible dans
un art
parfait (mexicaine, egyptienne ou niniviste), et qui derive d'un besoin de voir les choses grandement, de
les considerer surtout dans I'effet de leur ensemble».«L'art mnemonique»in Charles Baudelaire, Le peintre de
la vie moderne.
10
N°325 Avril / Juillet 2012
-
embellit la realite en
deposant un voile sur le monde et se bornant a en
les
reproduire cliches; celui de la certitude realiste qui veut aller au
plus
court, qui arrache avec le voile la peau du monde ; celui enfin qui trouve
dans la Polynesie un de ces« hauts lieux » qui
de
a l’in-
permettent
passer
terieur du monde que Ton regarde, pour le voir dans la fission du visible
et de l’invisible.
Entre le desir de tout autre chose et la
meut depuis
nostalgie de ce qui a ete, se
longtemps la figure du voyage dans la culture occidentale.
Entre la logique de l’identite et l’appel de l’alterite absolue, il
figure tantot
l’experience cumulative qui conduit le meme a s’approprier de son
profonde et souvent le desir de la perte dans la dimension etrangere. Hegel et Baudelaire sont les noms propres, dans la pensee du XIXe
siecle, de cette oscillation. Chez Hegel, le voyage est la ruse necessaire
pour que le sujet retrouve la possession de ce que lui-meme a mis en danessence
ger : l’identite du moi. La fuite vers l’ailleurs est la modalite souveraine
pour rentrer en possession de la subjectivite momentanement degue. Avec
Baudelaire et Gauguin
se fait
jour une autre voie de la modernite, une
autre approche de l’exotisme comme l’a bien compris
Segalen qui
implique egalement son changement de sens. Le savoir amer que
donne le voyage selon Baudelaire, implique la fin de la certitude que celuici puisse aboutir a un omphalos du monde, a un centre qui mettrait fin a
«
»
tout voyage et a toute quete.
L’unite du monde et le dualisme de l’image
Que demande-t-il Gauguin a la Polynesie ? La meme chose qu’il
demande a la peinture, c’est-a-dire de resoudre “l’antinomie du monde
sensible et de l’intefiectuel” 9 de mettre fin au dualisme de citation et d’ap,
parition. A propos d’un de ses premiers tableaux peints a Tahiti en
1891,vahine no te tiare, Gauguin ecrit: «je travaillai vite avec passion. Ce
flit un portrait ressemblant a ce que mes yeux voiles par mon cceur ont
10
apergu. Je crois surtout qu’il fut ressemblant a l’interieur ». Paraphrasant
9
P. Gauguin, Oviri, cit. p. 179
10
Ibid., p.110
11
-^1 (ftuf/etin cle fa dociete de& &tude& Gcea/uemteA
le poete Joe Bousquet, nous pouvons dire que l’intention de Gauguin est
de «peindre les choses dans le regard qu’elles nous font ». La beaute
reside dans le mystere de l’incamation, dans le fait que l’exterieur et Tin-
terieur, le materiel et le spirituel se nouent dans le tissu-texte du sens. La
couleur en elle-meme est expression primitive: le rouge hematite, le jaune
chrome que nous retrouverons dans de nombreux tableaux posterieurs.
Dans ce tableau Gauguin reprend les couleurs-symboles du monde poly-
nesien, le rouge de la royaute et le jaune eclat de la vie, et il en fait le fond
du tableau. Nous comprenons mieux alors 1’affirmation du peintre dans
Noa Noa, « les dieux d’autrefois se sont garde un asile dans la memoire
des femmes ». Telle Mnemosyne qui protege le divin en le gardant captif,
la peinture de Gauguin est a la recherche de T eclat disparaissant de Fancien Tahiti pour le prendre sous garde, comme nous le rappelle Jean Sta-
robinski a propos de l’etymologie du mot « regard » : « la racine ne
designe pas primitivement l’acte de voir, mais plutot Tattente, le souci, la
garde, l’egard, la sauvegarde, affectes de cette insistance qu’exprime le
prefixe de redoublement ou de retoumement. Regarder est un mouvement
qui vise a reprendre sous garde... L’acte du regard ne s’epuise pas sur
place : il comporte un elan perseverant, une reprise obstinee, comme s’il
etait anime par Tespoir d’accroitre sa decouverte ou de reconquerir ce
qui est en train de lui echapper »."
C’est dans ia orana Maria (Je vous salue Marie) un des premiers
tableaux peints a son arrivee a Tahiti en 1891, que se revele a nouveau,
comme deja en Bretagne, le projet de Gauguin de proceder a une hybridation de mondes, ou convergent les signes d’appartenance multiples et
le desir de les voir fusionner dans Tespace du tableau. “Belle fable”,
de logos et d’aisthesis, de perception sensible et d’idealite du
melange
signe, ce raccourci vers le sacre est leste par le poids des references qui
font du tableau plutot l’objet d’un “regard du dehors” que d’un “regard
du dedans” auquel tend toute sa peinture depuis La Vision apres le sermon
11
J. Starobinski, L'ceil vivant, Paris, Gallimard, 1961, p. 11
12
N°325
-
Avril /Juillet 2012
et que le monde polynesien lui ouvrira a des moments bien precis. La
peinture de Gauguin sera pleinement elle-meme lorsqu’elle saura depasser
le hiatus entre le discours et la peinture, que Gauguin reconnait lui-meme:
Mon Dieu, que c’est difficile la peinture quand on veut exprimer sa pen12
see avec des moyens picturaux et non litteraires
«
»
.
Se fait jour ici, dans ses premiers tableaux a Tahiti, le conffit entre
icone et idole, qui s’etait deja manifesto avec le tableau la belle Angele de
1889, conffit qui marque toute l’histoire de Timage dans le christianisme.
Prendre le christianisme au serieux signffie pour Gauguin comprendre
qu’il est la “rehgion de la modemite” (Nietzsche) parce qu’il est d’abord
phenomenes, ce qui imphque une distance par rapport a tout naturalisme, de tout determinisme biologique ou provenant du
monde ambiant. Le christianisme a ete vecu par Gauguin d’une fagon complexe et contradictoire parce qu’il a signffie d’abord pour lui une question
portee sur le visible et la possibility ou non de figurer le divin, sur l’opacite
ouvert
aux sens des
du monde et l’eclat lumineux que la peinture arrive a saisir. Entre christianisme et enjeu pictural se nouent chez Gauguin les demiers grands hens
qui sont ceux de toute l’histoire de la peinture occidental depths Giotto,
autour d’une double figuration : l’image du Christ comme representation
de la souffrance humaine que Gauguin concentre dans la passion de l’arest
tiste et le culte de la Vierge Marie, qui comme le rappelle Pontevia
un des evenements majeurs de l’histoire de l’Occident. C’est bien des evenements, dont les principales phases sont datables, et c’est un evenement
majeur, parce que c’est peut-etre bien le dernier exemple, en Occident,
«
de la naissance d’une divinite. » 13
La tentahve de proceder a une hybridahon des formes, ne va pas sans
le sentiment chez Gauguin d’une distance par rapport au monde polynesien, comme nous pouvons l’observer dans te tiare farani, le bouquet de
fleurs de France, de 1891. Dans le regard surpris du jeune homme et dans
12
Ibid., p.167
13
Jean-Marie Pontevia, La peinture, masque et miroir, William Blake &Co Edi., 1993, p. 69
13
bulletin de /a doa'e/ei des Slades 0icea/iicfi/ica
le sourire moqueur de la jeune fille, se lit le sentiment d’etrangete qui
caracterise la rencontre du peintre et des deux jeunes tahitiens. Le bou-
quet, au centre de la representation, est compose, comme le signale le titre
tahitien, par des fleurs d’importation, il est la presence d’un ailleurs
vie profonde des natures
comme origine de toute visibility de la
mortes», selon la definition proustienne. Ce tableau introduit la question
du rapport du visible et du monde qui ne cessera d’etre present dans
toute la peinture de Gauguin : comment s’il n’y a que des opinions, des
croyances locales et partielles, des points de vue dependants des parametres culturels, pouvoir deduire 1’existence d’un monde commun ? Comment peut-il y avoir un regal’d commun sur le monde a partir de l’addition
de regards sectoriels ?
«
Les deux tableaux consacres au theme de la « boudeuse »faamrurna
et te faaturuma (1891), deportent le spleen baudelairien de la grande ville
europeenne vers 1’Oceanie. Dans ce dernier tableau, Gauguin construit
espace en miroir, avec l’interieur de la case polynesienne et le personnage
un
feminin au premier plan, en deuxieme plan la veranda et en arriere plan
sur la pelouse, faisant face au spectateur, un personnage a cheval qui
observe. Se constitue ici un double foyer, ou l’etrangete provient du fond
meme de la realite observee, comme Gauguin le montre dans tous ses
tableaux dont la Polynesie est le motif dominant, et notamment dans celui
du deuxieme sejour eialia ohipa de 1896. Dans cet« interieur », qui n’a
pas le meme sens qu’en Occident, dans cette piece ouverte a l’exterieur et
qui s’ouvre a nous, les deux personnages repris du bas-relief du temple
javanais de Borobudur, posent leur regard distant sur le spectateur. A Farriere-plan, dans l’embrasement du paysage jaune d’or vient s’encadrer un
homme a chapeau colonial qui s’attarde a observer la scene et fait face au
spectateur, d’une distance qui n’est pas uniquement spatiale, reductible
deux
par le mouvement, mais ontologique. L’element commun des
la
tableaux, faaturuma et eiaha ohipa, est la representation de representa-
tion, le lieu d’une interrogation sur l’acte meme de voir et de percevoir
ce qui
que nous retrouverons egalement dans te rerioa, Le reve, de 1897,
implique encore une fois que Gauguin ne veut pas montrer une realite
14
N°325
«
objective », faire une peinture
«
-
Avril /Juillet 2012
documentaire » mais rendre compte
d’une vision, d'ou la juste observation de Robert Goldwater :
«
on dirait
que Gauguin observe toujours en etranger le spectacle qui s’offre a
lui ». 14 Le titre du tableau de 1896 eiaha ohipa peut en effet se preter a
une double
lecture, signifier deux horizons perspectifs, langagiers et cul-
turels, totalement dissemblables. Si Ton traduit« ils ne travaillent pas »,
l’accent est mis sur l’absence de F effort et du travail en tant que negation
d’une des valeurs essentielles de la civilisation occidentale. Si par contre
acceptons de traduire par
nous
«
ils font rien », comme le suggere Coo-
15
l’accent est mis sur le desoeuvrement, non en tant qu’absence
per
d’ceuvre mais comme le ressourcement de celle-ci dans une opacite essen,
tielle qui fascine le voyageur au contact avec la civilisation polynesienne
parce qu’elle touche la son centre enigmatique essentiel. Ce que l’ceuvre
montre, c’est 1’absence de travail, mais cette absence elle-meme se produit
a travers l’ceuvre.
Le pays de l’interieur
Tendue vers la trace des dieux enfouis, la peinture de Gauguin est
solidaire du passage entre la figuration medievale et les bouleversements
introduits par la perspective de la Renaissance. Daniel Arasse a bien montre « la modernite
paradoxale des primitifs italiens », avec Ambrogio
Lorenzetti et ses fonds d’or, Simone Martini et les courbes du corps de la
Vierge, Giotto et les gestes qui ouvrent un monde nouveau, Piero di Cosirno
et ses doutes profonds sur les destinees de la societe modeme. La peinture
des primitifs inventifs (Francastel) demeure encore dans la proximite
de la trace du divin dans le monde, avant que la perspective geometrise l’es»
«
pace et fasse de l’ceil rationnel la mesure de toute chose. Parmi toutes les
references qui alimentent le « musee imaginaire » de Gauguin, 1’ceuvre de
Piero di Cosirno joue un role de cristallisation majeur. Dernier des peintres
«primitifs
»
de Florence, Piero di Cosirno le « salvatico », le sauvage
14
R. Goldwater, Paul Gauguin, Nouvelles Editions Francises, Paris, 1959, p. 28
15
D. Cooper, Lugano French Paintings from Russia, in«The Burlington Magazine», decembre 1982
15
S{ bulletin de !a Society des 6/ttdcs &ce(uue/mes
l’appelle Giorgio Vasari, fuit les hommes et il est parcimonieux
dans l’usage du feu, sachant trop bien la difficult^ pour l’homme de le
comme
conserver, apres l’avoir ravi aux dieux. Il faut s’attarder sur le tableau que
Gauguin peint en 1896, de retour a Paris, mahana no atua, «le jour des
dieux ou apparaissent les deux figures de gisants dans la zone centrale
du tableau, evoquant les deux dormeurs du tableau de Piero di Cosimo
»
Vulcano ed Eolo de 1487 et que nous retrouverons dans la gravure sur
bois Manau tupapau, L’esprit des morts veille, de 1893-94. La solidarity
des langages plastiques de Piero di Cosimo et de Gauguin consiste dans la
suppression des details realistes au profit des gestes hautement significatifs, le choix de plans qui ne suggerent pas l’illusion de la perspective mais
aplats, la simplification et la concentration dramatique.
Dans ses analyses remarquables, Erwin Panofski a mis en evidence le sujet
sont traites par des
du tableau de Piero di Cosimo, sa volonte de retracer « les origines de
l’histoire humaine », 1’opposition de Phumanite au travail representee par
Vulcain et Eole et de rhumanite qui s’eveille ou qui est encore endormie:
le commun des hommes, represente par le personnage pelotonne au
premier plan, dort encore » (Panofski). Dans Scene de chasse, l’homme
«
qui etrangle le lion ouvre la scene primitive de l’inconscient collectif dans
lequel vient prendre place la statue Oviri, etrange figure, cruelle
enigme », comme Pecrira Gauguin dans sa dedicace a Mallarme. Un autre
tableau, La Mort de Procris de Piero di Cosimo nous reconduit irresisti«
blement vers Arearea.
«
La verite c’est Part cerebral pur, c’est Part primitif,
le plus savant de tous », affirme Gauguin, nous montrant par la que les
sources du « sauvage civilise » comme il se definit
16
lui-meme, sont non
un
primitivisme romantique », (R. Goldwater)
pas dans Pattrait pour
mais dans la passion des origines. Dans mahana te atua Gauguin regarde
les mondes anciens comme une chose lointaine et inaccessible, merveilleusement indifferente, s’accomplissant en elle-meme dans des rythmes et
de rites dont la couleur se fait le temoin immemorial. L’etranger et le famiher ne sont pas des categories sociopolitiques, comme le proche et le loin«
16
Paul Gauguin, Oviri, cit., p.222
16
Paul Gauguin "TeTiare Farani", 1891
(doc. Pineri)
^bulletin de la rSociete de& &tude& &\cea/uen/ieS'
tain
ne renvoient pas d’abord a des
concepts spatiaux, mais a des dimenoriginaire de soi, la
sions ontologiques qui associent l’etre-soi a l’ecart
familiarite au monde et sa dimension radicalement etrangere. Comme le
fait remarquer Rainer Maria Rilke dans son essai consacre a la naissance
du paysage dans 1’art occidental 17
on sait combien nous
voyons mal les
choses au milieu desquelles nous vivons; il faut souvent que quelqu’un
,
«
vienne de loin pour nous dire ce qui nous entoure; il fallut done commencer par ecarter de soi les choses
pour devenir capable par la suite de s’apd’elles
d’une
procher
fagon plus equitable et plus sereine, avec moins de
familiarite et avec un recul respectueux car on ne commengait a comprendre la nature qu’a l’instant ou on ne la comprenait plus;
lorsqu’on sentait
qu’elle etait autre chose, cette realite qui ne prend pas part, qui n’a point
de sens pour nous percevoir, ce n’est qu’alors que Ton etait sorti d’elle,
solitaire, hors d’un monde desert.” Cette volonte d’exprimer les choses a
partir d’elles-memes, associee a un recul respectueux », l’imphcation
de l’immediat et du lointain, de l’eclat de la presence et du renvoi a un
ulterieur, constituent la logique qui porte l’experience artistique de Gauguin. La Polynesie de Gauguin est aussi indeniablement une Polynesie de
l’interieur, qui annonce les expeditions dans lesquelles un pays» et une
ame
echangent leurs identites fermees, comme dans l’ecriture de
et
Segalen de Saint-John Perse. Travaillee par des courants souterrains,
des magmas immemoriaux qui emergent d’une nuit interieure
pour se
figer dans la couleur, la peinture de Gauguin montre que les formes de
l’Eden surgissent a partir d’un abime sans fond, d’un reel en
perpetuelle
gestation, traversee par des eclats fantomatiques ou ce n’est pas une realite
deja donnee dans ses representations que le peintre veut montrer, mais
une realite vue du dedans:
la vie exterieure et cependant intime 18
comme Gauguin definit la realite
polynesienne, pour en retrouver le
moment d’emerveillement, l’intelligibilite premiere. Nous pouvons done
«
«
«
»
«
»
,?
R. M. Rilke, Prose, editions du Seuil, 1974, p 370
18
Test bien la vie en plein air, mais cependant intime,dans les fourres, les ruisseaux ombres, ces femmes chu-
chotant dans un immense palais decore par la nature elle-meme, avec toute les richesses queTahiti renferme.
De la, toutes ces couleurs fabuleuses, cet air embrase, mais tamise, silencieux" Oviri, 169
18
Paul Gauguin "Eiaha Ohipa", 1896
(doc. Pineri)
Qhdletui civ fa ifoc/ete de& fotudes Oceasue/we&
reprendre pour Gauguin la juste remarque de Roger Munier dans son livre
sur Rimbaud :
Ce n’est pas l’autre du monde qu’il veut atteindre, c’est
le monde meme en son autre visage”. C’est la figure feminine qui permet
a Gauguin de saisir de 1’interieur la forme-monde
polynesienne, depuis
la grande fresque de 1897 D’ou venons-nous ? Que sommes-nous ? Oil
“
allons-nous ? Centre ideal d’une composition oil interviennent un certain
nombre d’autres tableaux, qui furent montres a la galerie Vollard a la fin
de l’annee 1898, cette fresque est consacree aux origines de l’humanite,
aux « cours et recours » des ages du monde et donne a la couleur
son
but essentiel, de devenir un contrepoint chromatique apte a saisir la com-
plexite du monde, comme il l’explique dans une lettre a Fontainas de
mars 1899 :
Pensez aussi a la part musicale que prendra desormais la
«
couleur dans la peinture moderne. La couleur qui est vibration de meme
que la musique est a meme d’atteindre ce qu’il y a de plus general et partant de plus vague dans la nature : sa force interieure »,
L’offrande et le retrait
Les tableaux de 1899, Femmes sur le bord de la mer, Deux tahi-
tiennes, Rupe rape, Matemite, Trois tahitiennes sur fond jaune, Faa iheihe
(Pastorale tahitienne), et Te avae no Maria (Le mois de Marie), rassemblent les figures feminines sous le mode de l’offrande de fleurs, de fruits,
et dans celle qui est l’offrande des offrandes: la matemite. Saisis dans le
geste de donation, tous ces personnages gardent en meme temps leurs
19
distances, la pudeur de la reserve La beaute se configure chez Gauguin
comme la puissance retenue d’un devoilement, et l’image picturale se tient
a la lisiere du visible et de l’invisible, dans ce mouvement d’attente et de
don, de reserve et de profusion qui est a la fois le cceur manifeste de l’etreau-monde polynesien et le veritable tempo de l’ceuvre d’art, instant du passage, du devenir humain du divin, comme le rappelle Yves Bonnefoy,
«1’invisible ce n’est pas la disparition, mais la delivrance du visible 20 ».
.
”
20
R. Pineri, Les passeurs de signes, Musee de Tahiti et des lies, Somogy, 2003
Y. Bonnefoy, Un revefait a Mantoue, Paris, Mercure de France, 1967, p. 101.
20
N°325 Avril /Juillet 2012
-
Les jeunes femmes du tableau Deux tahitiennes sont a la fois « figures
du songe » (Saint-John Perse) et« rayons du monde » (Merleau-Ponty),
qui se tiennent a la frontiere de la terre natale et de la peinture, images
justes entre deux lointains, images de rappel qui sollicitent la memoire
des mondes disparus et images d’appel qui ouvrent une dimension inedite
de l’etre, nous conduisant dans l’inconnu d’une autre ouverture du
monde. L’etre est ce mouvement meme qui sourd de l’interieur des personnages et en fait retour. II n’est pas hors de son devenir. Les peintures
de 1899 reprennent, a partir d’un autre horizon, les questions soulevees
dans La vision apres le sermon, et repondent a la solitude des consciences,
a la
fragmentation des monades fermees sur elles-memes par l’affirmation
que l’etre est ce qui demande de nous creation pour etre connu.
Le dernier sejour aux Marquises relance la quete humaine et pic-
turale du peintre, tendue vers le sens de la presence que la Polynesie
21
impose si puissamment au peintre et a tous ses visiteurs ainsi que vers
le rappel au sentiment du temps, heritage rnajeur de la culture eurotemoins
peenne. Les natures mortes », qui sont depuis longtemps les
,
«
visibles dans l’oeuvre de Gauguin de l’interrogation sur le temps et montrent que les problemes plastiques ne cessent de faire signe vers les questions du sens de l’existence, alternent a la fin de sa vie avec les autres
compositions. C’est dans le tableau nature morte aux oiseaux exotiques de 1902 que Gauguin opere une mise en presence de tous ses
motifs, ses interrogations sur le propre et l’etranger, ses incertitudes sur
«
»
la destinee de l’existence et de l’oeuvre. Devant la statue de Hina, deesse
de la Lune et de la Mort dans la mythologie polynesienne, que Gauguin
a son arrivee a Tahiti, est dresse une sorte d’autel pictural
avait
sculpte
avec les emblemes de la vie du
peintre : les oiseaux multicolores, la
gourde du voyageur, les fleurs d’opuhi. Illustrations visibles d’un monde
invisible, ces choses nomment les symboles de l’aventure exotique,
21
«Toujours la meme chose et cependant jamais la meme chose», affirme Gauguin a propos
de Part marquisien
si complexe et si raffine, et ces phrases d'Avant et apres peuvent s'appliquer a la lettre a la realite polynesienne
en son entier.
21
bulletin fife la Society de& tstudea 0cea///<
rassembles sous le signe de la caducite. La table sur laquelle est deposee
la nappe blanche est en fait un coffre de marin, une malle de voyage qui
suit Gauguin depuis ses annees d’apprentissage comme pilotin et que nous
retrouvons dans d’autres tableaux, notamment dans
«
nature morte au
couteau », « nature morte aux pamplemousses » et dans une autre ver-
sion qui porte le meme titre « nature morte aux oiseaux exotiques ». Le
terme de « nature morte » reprend son sens aussi precis que tragique. Il
s’agit bien de la fin du mythe exotique occidental et de ses demieres manifestations, avec le Romantisme europeen, de l’utopie de l’appropriation.
L’oeuvre de Gauguin rencontre ici son impossibility son dehors absolu qui
excede tout exotisme et toute propriete ». L’essence de la creation artistique se realise au moment meme oil la subjectivite (individu, race, culture) renonce a se faire l’origine de l’oeuvre d’art, et l’artiste a devenir
«fabricates de dieux (Segalen), a chaque fois qu’elle atteint le lieu de
son impouvoir : le passage du divin, a la fois ouverture, trace, ecriture et
couleur. A la frontiere de deux cultures, la polynesienne et l’occidentaie,
Gauguin n’aura cesse de devenir le passeur de signes sur des aretes d’in«
»
tensite, de tisser les possibilites de l’ceuvre et d’en mettre en evidence les
limites. Interrogation qui prend conge de toute « explication » pour
demeurer dans la proximite de 1’enigme du monde, le regard de 1’etranger
se
dirige maintenant vers la source secrete du visible : la finitude de l’etre
qu’evoque son dernier autoportrait aux lunettes», moins une image du
peintre que de l’ecart de soi a soi, renvoi au regard dont l’autre est le
«
depositaire.
Riccardo Pineri
*Ce texte a fait I'objet d'une communication au colloque« Gauguin entre deux cultures», Paris, Musee d'Orsay,
16-17 decembre 2003.
22
La vengeance legendaire
de ‘Apeku‘a
Structure et semantique de cinq variantes
de la version marquisienne
de la legende d’Apakura
La legende relatant la vie de Taheta et de sa sceur Apeku’a est attestee
dans plusieurs lies de l’archipel des Marquises, et notamment dans les lies
de Ua Pou et d’Hiva Oa. Nous traiterons ici de l’episode relatant la mort
de Potateuatahi (nomme Potaatemau dans le groupe Sud) et la guerre de
revanche organisee par sa mere (‘Apeku’a) contre son meurtrier, Haneamotua (nomme Hateamotua dans le groupe Sud).
Les versions traitees sont celles qui ont ete recueillies et transcrites
dans la langue vernaculaire par Henri Lavondes (1966) et par Edward
Handy (1930, qui les ont ensuite publiees avec une traduction (franqaise
pour le premier et anglaise pour le second).
bulletin da la Society dcx &tude& 0ceamen/i£&
Toutes les versions mises au jour par H. Lavondes proviennent de File
de Ua Pou (groupe nord de Farchipel). La premiere version presentee,
«
Haneamotua » (Vallee de Hakahau), est celle qui, selon ses propres
termes, soutient le mieux la comparaison avec celle presentee par Handy.
Concemant l’enregistrement de la deuxieme version, « Potateuatahi» (vallee de Hoho’i), Lavondes decrit « un conteur doue, intelligent, qui sait
profond [... ] mais sa version est la plus pauvre
Talieta (vallee de Hakaotu), corresen details». La troisieme version,
pond, d’apres Lavondes, a la version la plus fruste et la plus depouillee.
C’est par ailleurs la seule a rapporter F episode de la hache pour abattre
Ti’ate’ani, episode egalement present dans la version de E. Handy, ou Farmettre en lumiere le sens
«
»
bre est nommedm ani te ani\ Concemant la quatrieme version, « Tekao
a’akakai no Hakatauniua » (vallee de Hikeu), Lavondes souligne que Finformateur« montre des facilites verbales mais des inventions comblent les
manques de connaissances» (Lavondes, 1966).
Handy n’est pas aussi loquace sur la provenance de «sa » version, et
indique seulement qu’elle a ete recueillie dans la vallee d’Atuona, lie
d’Hiva Oa dans le groupe sud de Farchipel. Comme tous les recits transcrits par Lavondes, celui de Handy rapporte la mort de Pota-a-te-mau et
la guerre de revanche organisee par sa mere, Apekua, contre son meurtrier Hatea-motua.
Cet episode constitue une unite narrative que Lavondes nomme lui-
legende de ‘Apeku'a (Lavondes, 1975 : 344). Aux Marquises,
il constitue un episode central encadre par des evenements posterieurs ou
meme «la
»
anterieurs. A Hiva Oa, le jeune homme victime de meurtre est presente
1
Un arbre remarquable a proximite du tohua t/pe/re a Taaoa (Hiva Oa) est connu pour avoir eu au moins quatre
noms, dont Ti'ati'ate'ani. Une analyse xylologique de la souche vestige a ete effectuee par Jennifer Huebert (Universite d'Auckland), et confirme qull s'agit bien d'un temanu (callophyllum inophyllum). Dans les traditions orales
de llle (source: Suzanne Tetuanui-Peters, SCP), les mythes d'origine de I'archipel marquisien evoque cet arbre,
lequel etaient poses tous les oiseaux de la region, qui fut un jour coupe pour en faire une pirogue. En tombant,
sur
ses branches donnerent un oiseau
particulier a chaque ile (Tamara Marie, communication personneile). Une
courte reference a cette histoire est faite dans la description de«la promenade touristique de M. Le Bronnec»
(Bailleul, 1994:20).
24
Carte de I'archipel des Marquises
QSu/fctin lie la Jociete c/es Stude& 0iceantefwe&
l
comme descendant du heros
ravant
Kae, dont les aventures sont contees aupa-
(Handy, 1930). Les variantes du meme recit recueillies dans File
de Ua Pou (Lavondes, 1966 ; Von den Steinen, 1934) presentent les evenements posterieurs mettant en scene Vakauhi, fils ou neveu uterin de
Taheta (frere de Apeku’a), et relatent des aventures similaires a celles de
Rata, avec toutes les sequences de la construction de la pirogue et les
voyages du jeune heros.
Cet episode constitue la version marquisienne de la legende d’Apa-
kura « attestee en Polynesie de maniere discontinue depuis Rennel jusqu’a
(Lavondes, 1975 : 343). Tres tot, Percy Smith s’est interesse
a ces occurrences et les premiers numeros du Journal
ofthe Polynesian
Society presentent differentes versions Maori de Nouvelle-Zelande et de
2
Rarontonga (Smith, 1898z? et b, 1899, 1917), ainsi qu’une version
Moriori de Chatham (Shand, 1895).
La version rarotongienne de la legende de Rata presente, selon H.
Lavondes, un certain nombre d’elements communs avec la legende d’Apakura (1975 :345-353).
Dans la version mangarevienne (Buck, 1938 :329), le fils d’Apakura
(elle-meme unique fille de Toa-apakura) se nomme Tunui-te-maku, et
meurt a Tahiti en voulant echapper a la mort sur File de Ra’iatea (Buck,
1938 :326-329).
En Polynesie occidentale, la legende est attestee aux Samoa (Schultz,
1909) et a Tokelau (Me Gregor, 1937 :87-88), ou Pherome porte respectivement le nom de Apakura et d’ Apa’ula, et dans 1 'outlier de Bellona
(Lavondes, 1975 : 344), ou Fheroi'ne est nominee ‘Apakunga.
Neanmoins, seules les versions marquisiennes presentent un developpement important de toutes les etapes du conflit vengeur envers le
meurtrier du fils d’Apakura.
Mangareva
2
»
En se basant sur les genealogies rarotongiennes, Smith suppose que le personnage d'Apakura vecu autour de
I'an 875 de notre ere (Smith, 1899:15).
26
0
5
Carte de I'archipel de Ua Pou et situation des differentes vallees
oil ont ete recueillies les versions de Lavondes (noms soulignes)
10 km
Q&uf/etin de !a Society de& Utiides &cc<i/u'c////cx
Malgre un traitement approfondi de ce recit mythique par H. Lavondes lui-meme 3 (Lavondes, 1975), un certain nombre d’aspects linguis-
tiques et structurels n’ont pas ete pris en compte. Par exemple, les details
relatifs aux contextes et aux termes lies a l’utilisation des outils en pierre
(ici 1’herminette) ont ete ignores. Or, l'archeologue interesse par les premiers occupants de la Polynesie orientale
aux seuls
vestiges materiels
-
-
done restreint a l’accoutumee
voit dans 1’evocation de telles activites dans
la langue vemaculaire une opportunite pour approcher des usages et des
intentions autrement plus difficiles d’acces
4
.
Dans un premier temps, nous presenterons la structure du recit, en
prenant en compte les personnages et les actions mises en oeuvre. Nous verrons que l’herminette y tient un role central. Nous
analyserons ensuite la
semantique relative a l’utilisation de l’herminette. Nous tacherons de retrouver l’etymologie des principaux termes employes. Enlin, nous proposerons
une
interpretation du systeme de reference a l’ceuvre dans ce recit mythique.
La structure du recit
Les cinq versions recueillies par Lavondes et Handy proposent une
progression similaire du recit, en deux temps.
L’histoire debute avec le meurtre du jeune Pota. Elle se poursuit par
la mobilisation des moyens humains et materiels necessaires a la contre-
attaque. Cette premiere periode se caracterise par une omnipresence du
discours essentiellement directif, et marque par l’utilisation des modes
,
imperatif et futur (« fagonnez »,
3
«
demain on coupera », etc.).
Lavondes s'etant principalement interesse aux rapports de parentes, aux cycles des vengeances successives,
comportements adoptes par les differents acteurs (opposition laches/braves), et a I'opposition terre/mer
(Lavondes, 1975:57-70).
aux
4
Nous sommes conscients que ces recits«expriment une pensee d'un type special, largement etrangere a celle
de la culture oil ils ont ete recueillis»(Lavondes, 1968:420) puisqu'il s'agit en I'occurrence d'une culture post-
coloniale. Neanmoins, le recours a une methode qui,« dans ses moyens sinon dans ses fins, s'ecarte de celle de
I'ethnographie et se rapproche de celle de I'histoire, de I'archeologie et de la philologie» (idem), devrait permettre I'utilisation de ce materiel.«L'attention portee au vocabulaire et plus particulierement aux mots qui,
dans une litterature orale, paraissent revetus d'une forte charge culturelle, peut etre consideree comme I'un des
instruments d'une telle methode » (idem).
28
N°325
-
Avril /Juillet 2012
Dans un deuxieme temps il est question des actions teclmiques
(passees) : l’arbre est abattu, la pirogue faconnee et finalement, Apeku’a
venge la mort de son fils en prenant la tete de son meurtrier. Cette periode
est marquee par l’utilisation du passe et des verbes d’action (« on abattit»,
«il tomba », « on le faconna »).
Quelle que soit la version, le recit est toujours compose de ces deux
temps qui se repondent dans une structure en miroir (A/B/C-C/B/A) au
sein de laquelle chaque etape est marquee par une fonction particuliere
de rherminette (tableau ci-dessous). De cette maniere, le premier element
du premier temps du recit (le meurtre de Pota) prefigure le dernier ele5
ment du deuxieme temps (la revanche sur Haneamotua) Et inversement:
le premier element du deuxieme temps (l’abattage de l’arbre) est annonce
par le dernier element du premier temps (recherche du materiau pour
construire la pirogue). Le tableau suivant resume cette symetrie : les
fleches designent le sens logique du recit dans les colonnes, et les lignes
indiquent les etapes symbohques marquees par les differentes fonctions
.
attributes a 1’herminette.
Fonction
Premiere periode
de I'herminette
Pota est decapite par Haneamotua
('Apeku'a demande a sesfreres de
vengerla mort de son fils)
Arme
(sacrificielle)
Taheta repond a I'appel de sa soeur et
commande a ses artisans de construire
Outil
de charpente
une
pirogue pour partir en guerre
On designe I'arbre qull faut couper
Outil de
pour confectionner la pirogue
bucheronnage
Deuxieme periode
A llssue du conflit arme, 'Apeku'a
prend la tete d'Haneamotua (qui orne
ensuitela prouedeia pirogue)
La pirogue est creusee et fagmnee
par les artisans
L'arbre est abattu par les artisans
Structure du recit et fonctions successives de I'herminette en pierre
(le deroulement des actions est indique par le sens des fleches)
5
D'ailleurs, les informateurs rapportent le dialogue improbable entre le bourreau et sa victime:«—Tu pleures,
Oui, il s'abattra». Selon les versions, Ti'a-te-'ani indique la pirogue ou I'arbre
Ti'a-te-'ani s'abattra-t-il pour toi ?
-
abattu pour la fa^onner.
29
(Ru/leti/t de la Society des Ptades Oceanienne&
L’element stable et omnipresent dans tout le recit est l’herminette
(Apanui, te toki mam, te haa tutuia), utilisee a la fois comme outil et
effet, tous les precedes techniques mis en oeuvre sont
effectues a l’aide de cet instrument: choix de l’arbre, abattage de l’arbre,
comme arme. En
fagonnage de 1’exterieur et de l’interieur de la pirogue, puis enfin prise de
la tete d'Haneamotua pour en omer la proue.
A noter justement, cette henninette mentionnee comme 1’arme de la
vengeance. En Polynesie centrale, tout comme en Nouvelle-Zelande, les
annes utilisees au cours des combats
rapproches sont plutot les lances,
les couteaux, ou differents types de « casse-tete » 6 Dans ce recit, le role
.
d’instrument de decapitation tenu par rherminette semble done purement
metaphorique, et participe en cela a la configuration symbobque du recit.
Les termes du discours
Des lors que nous comparons les tenues
employes pour designer les
actions techniques engagees au moyen de l’outil en
pierre, au sein de cha-
cune des versions
proposees, nous constatons une variabilite de sens
accordee a certains mots. Cette variabilite ne conceme pas les actes euxmemes, car ceux-ci precedent toujours d’une meme technique: une per-
cussion directe-lancee. C’est precisement de ce type de geste dont il est
question, sur des objets differents: l’arbre, la pirogue ou I’ennemi.
Dans les differentes versions du recit livre a Lavondes et Handy, les
termes pour designer les actions entreprises (ou a
entreprendre) recou-
vrent des significations differentes selon les contextes:
koti / kokoti
protoforme *koti. 1
Employe a la fois pour designer l'abattage de 1’arbre (« cut down the
tree ») et le fagonnage de la pirogue (« the cutting of the canoe ») dans
-
6
Plusieurs types d'armes peuvent etre consideres comme fonctionnellement proches. Aux Marquises, les u'u en
bois ont ete utilises en tres grand nombre, en Nouvelle-Zelande, le mere et le patu sont fai;onnes d'un seul tenant,
dans un os massif, ou une matiere lithique: la jadeite (pounamu) est privilegiee pour son aspect esthetique et
de rares exemplaires en basalte ont ete trouves aux lies de la Societe (Lavondes, 1971). Bien plus maniable
qu'une
herminette, cet objet est compose d'un ou deux tranchants lateraux destines a frapper I'adversaire sur le haut
du crane.
30
N°325 Avril / Juillet 2012
-
la version d’Atuona. Le meme terme designe Taction de « trancher le
couper la pirogue » et « couper un membre humain » dans la
version de Hakaotu.
cou »,
«
II convient neanmoins de se premunir d’une polysemie hasardeuse.
En effet, si Ton compare les differentes versions du mythe entre elles, nous
observons une grande variabilite dans l’utilisation du terme koti (ou
kokoti ): « couper »l’arbre, la pirogue, un membre humain,«trancher»,
etc. D’ailleurs la
nesiens,
protoforme *koti se retrouve dans tous les archipels polycorrespondant recouvrent des utili-
ou les termes vemaculaires
sations aussi tres differentes.
II est done probable que ce terme designait toute action de decoupe,
quel que soit le geste ou les matieres premieres mises en oeuvre, a l’instar
des verbes francais et anglais« couper et« cut», dont le sens est precise a posteriori, par le contexte du discours ou au moyen d’un complement de maniere en frangais:
couper d’un seul coup ou couper en
cut down »,
morceaux »..., ou par le complement verbal en anglais:
cut out»... Neanmoins, Buck (1932) indique l’utilisacut through »,
tion du meme terme koti pour couper un arbre et pour decapiter un
»
«
»
«
«
«
«
homme.
tuaki / tua’i
-
protoforme *tulaki
Designe aussi bien Taction d’« abattre Parbre », de tailler la
pirogue et de fagonner l’arbre dans les versions de Hakahau et
Hakaotu. II designe egalement« abattre la pirogue ».
En Polynesie orientale, les termes correspondant sont employes dans
«
«
»
»
le sens de « renverser » ou « mettre a terre ».
Aux Fidji, Hazlewood (1872) releve le terme dulak/a pour designer
Paction de «lever a une main » un patu pour defier un ennemi.
protoforme *talai
Signifie a la fois«fagonner l’arbre et«fagonner la pirogue
ta’ai
-
»
»
dans
la version de Hoho’i.
Dans toutes les langues polynesiennes, les derives de cette racine
designent toujours le travail du bois avec un outil.
31
SHu/Zetin de /a Society de& &tude& &ceanienne&
protoforme *taa.la
Utilise pour designer Faction de frapper a la nuque
ta
-
«
»
et de «tailler
la pirogue » dans la version de Hikeu.
Dans toutes les langues polynesiennes, les derives de cette ratine
designent Faction de frapper
«
»
ou de « battre »,
parfois dans un contexte
guerrier, mais aussi pour la confection du tapa.
hina / hika
protoforme *siga.a, ou *siga.b,
Employe pour designer la defaite de l’ennemi (« overcome ») et
l’abattage de Farbre («fell the tree»).
Ce terme, present dans tous les archipels polynesiens, designe gene-
ralement Faction de « faire tomber » ou de «faire passer d’une position
verticale a une position horizontale », s’agissant d’objets, d’individus, ou
des deux.
Mais le POLLEX indique Fexistence d’une deuxieme racine (notee
*siga.b) qui semble moins repandue. Dans les archipels orientaux, le
meme terme est utilise dans le contexte guerrier: a Hawai’i, hina designe
l’issue d’une lutte entre deux adversaires, « knock down » (Pukui et
Elbert, 1986), et en Nouvelle-Zelande, hinga renvoie plutot a un combat
collectif («to be defeated in battle ») et notamment a la mort des vaincus
(Source: Pollex on-hne).
Aux Tonga, la racine de Polynesie centrale a donne hinga, qui
designe a la fois faire tomber et expulser (Churchward, 1959)«
»
«
»
Nous sommes tentes d’interpreter cette evolution dans le domaine des pra-
tiques: le conflit aboutirait soit au bannissement des vaincus
7
,
soit a leur
execution.
7
Les cas d'exil suite aux conflits armes sont omnipresents en Polynesie. A titre d'exemple: Vayda (1958) evoque
le voyage entrepris par Taupe et son clan depuis I'atoll de Manihiki (Cook du Nord), alors qu'il s'y disputait le
rang de M/avecson frere. Aux Gambier, Laval (1938) et Emory (1939) evoquent la defaite des allies de Mataira
face au chef Ma-te-toa dans file de Mangareva, et leur fuite vers I'atoll deTemoe.
A la periode recente, les raids meurtriers successifs des guerriers Parata de Ana'a vers differents atolls des Tuamotu du Nord et de I'Ouest pendant toute la deuxieme moitie du XVille siecle ont egalement provoque I'exil de
la population de Rangiroa vers ITIe de Tahiti au XVille et au tout debut du XIXe siecle (Ottino, 1965:26,30;
Torrente, 2010:337-343).
32
N°325
-
Avril /Juillet 2012
La forme *siga.b semble done constituer un developpement poste-
rieur, correspondant a un gbssement semantique depuis le terme gene-
rique jusqu’au terme specifique. Nous remarquerons que le sens
specifique (relatif a une confrontation entre deux adversaires) n’a ete
repertorie que dans les archipels occupes par les societes polynesiennes
les plus hierarchisees, ou les competitions (et les luttes) pour le prestige
etaient les plus intenses.
Les couples significatifs
(ou unites constitutives du recit)
La structure du recit et les termes techniques employes marquent
done des interrelations entre les differents objets de Taction technique :
l’arbre et la pirogue sont designes dans une relation metonymique, Tennemi est mis a terre comme on abat Tarbre, et il est tue comme on
faqonne la pirogue.
Nous interpretons ces couples comme des« unites constitutives» du
recit mythique, telles que les decrit Levi-Strauss: « les veritables unites
constitutives du mythe ne sont pas les relations isolees, mais les paquets
de relations, et [...] e’est seulement sous forme de combinaisons de tels
paquets que les unites constitutives acquierent une fonction signifiante»
( 1958 : 233 234 ).
-
A Tinstar des« paquets de relations» dont parle Levi-Strauss, il nous
semble que les couples dont il est question developpent un « systeme de
reference » 8 {idem), au sein duquel Tactivite guerriere se mele aTactivite
artisanale.
8
«Un systeme de reference [...la deux dimensions: a la fois diachronique et synchronique, et reunissant ainsi
les proprietes caracteristiques de la 'langue' et celles de la 'parole'.»(Levi-Strauss, 1958:234)
33
^ $$.id/ctin dc ta SacUtA de& &tttde& &ceanicnne&
Trois couples resultant des trois combinaisons possibles entre arbre,
pirogue et ennemi semblent se cristalliser au sein de deux ensembles
signifiants.
Le premier ensemble concerne la relation arbre/pirogue et permet
d’avancer l’idee que «la pirogue est dans l’arbre », ou meme que «l’arbre est deja la pirogue ». Ce type de conception n’est d’ailleurs pas etrangere a la realisation technique en general, lorsque celle-ci se fonde sur
des schemes conceptuels preetablis, comme par exemple dans la taille des
matieres htliiques prehistorique de type Levallois ou laminaire. En cela, le
faconnage des haches en pierre Wano d’lrian Jaya est tout a fait exphcite:
«
Les lames de hache, on le sait et on le dit chez les Wano, sont preexis-
tantes dans le bloc-carriere ; le role de l’exploitant et du tailleur est de
degager le rocher sain de sa gangue amorphe.
»
(Petrequin et Petrequin,
1993 : 117 ).
Le deuxieme ensemble concerne la relation du vegetal (qu’il soit
naturel ou transforme) a l’homme: l’ennemi doit etre « abattu » comme
Ton abat l’arbre et « coupe » comme on coupe le bois ou comme on
fagonne la pirogue, et notamment sa proue. D’ailleurs, deux informateurs indiquent que la tete de l’ennemi est destinee a orner la proue du
navire.
La derniere etape de la construction de la pirogue de guerre n’est
done menee a son terme qu 'apres la confrontation avec I’ennemi. De
toute evidence, elle ne constitue pas simplement un moyen de transport
privilegie ou prestigieux: sa construction elle-meme encadre et institue le
conflit, elle constitue egalement un symbole qui le prefigure et qui le
conclut.
Synthese interpretative
Que ce soit dans la progression narrative ou dans l’utilisation des
termes techniques, les cinq variantes de ce recit mythique offrent done a
voir les dualites suivantes: abattage de l’arbre/abattage de la pirogue, abattage de l’arbre/victoire sur l’eimemi, fagonnage de la pirogue/decoupe des
membres de l’ennemi.
34
N°325 Avril /Juillet 2012
-
Ces combinaisons semblent se rapporter a la fois a des valeurs
boliques mais aussi a une conception technique,
symde
puisque l’abattage l’ar-
bre, la confection de la pirogue et le meurtre de l’ennemi se rapportent a
moyen d’action sur la matiere: la percussion directe-lancee.
Le systeme de reference dont il est question integre une dimension
un meme
didactique, puisqu’aux differentes actions entreprises correspond un geste
particular. Ce geste renvoie egalement a Pomnipresence de rherminette
dans le recit. En effet, si les utilisateurs et les destinataires changent, te
toki constitue toujours le principal vecteur de Faction. A la fois outil de
bucheronnage et de charpente (utilisation reelle) et instrument de la vengeance d’Apeku’a (utilisation symbolique), Fherminette tient un role primordial dans la ritualisation de la pratique guerriere.
Par ailleurs, Tissue positive ou negative des evenements en cours
depend, pour les acteurs du recit mythique, de Pefficacite technique (et
symbolique) de Faction entreprise: en Foccurrence, il faut la bonne
hache (‘Apanui ou te toki mana ) pour abattre le bon arbre (le
temanu) et faqonner la pirogue necessaire aux chefs ( Ti’ate’ani ou
,
Ani ani te ant).
De fait, les procedures materielles qui se succedent dans la production de cette pirogue de guerre participent d’une ritualisation des actes
techniques (Lemonnier, 2005 a et b). Et, comme le rappelle souvent l’ethnologue P. Lemonnier, la technologie culturelle doit non seulement permettre de comprendre, a travers la reconnaissance des chaines
operatoires, la maniere dont divers elements (energies, outils, gestes,
«
connaissances, acteurs, materiaux) sont mis en relation au cours de processus
qui modifient un systeme materiel [...] mais aussi la maniere dont
les acteurs ‘pensent’ de tels systemes» (Lemonnier, 2005«: 25). Et pour
cause, il nous semble justement qu’ici, la totalite du recit de revanche
contre Haneamotua prescrit une maniere de
faire la guerre.
En dernier point, le chevauchement entre les activites artisanales et
des pratiques guerrieres ritualisees nous amene a nous interroger sur le
statut des tuhuka dans la societe marquisienne pre-europeenne : est-il
35
bulletin dc, la Society des &tude& 0cea/u'ea/ies
possible que ces techniciens formes depuis l’enfance pour assurer la reabsation de travaux techniques se soient situes, dans certains cas au moins,
a la confluence de ces deux spheres de la realite sociale ? Quoi qu’il en
soit, en tant que depositaries des savoir-faire ancestraux, les artisans dont
il est question ici semblent avoir ete efficaces 9 tant dans le domaine technique que dans celui du symbolique.
,
Aymeric Hermann
Remerciements
Je remercie vivement Bruno Saura, Guillame Molle, Pierre et Marie-Noelle Ottino-Garanger
ainsi que Tamara Marie pour leurs commentaires et leurs corrections successives qui m'ont
permis de clarifier mon propos, de I'enrichir, et d'eviter quelques ecueils.
9
Selon les termes de Marcel Mauss:«J'appelle technique un acte traditionnel efficace (et vous voyez qu'en ceci
il n'est pas different de I'acte magique, religieux, symbolique). II faut qull soit traditionnel et efficace. II n'y a pas
de technique et pas de transmission, sll n'y a pas de tradition. C'est en quoi I'homme se distingue avant tout
des animaux: par la transmission de ses techniques et tres probablement par leur transmission orale.»(Mauss,
2006 : 371 ).
36
N°325 Avril / Juillet 2012
-
Oi
BAILLEUL M., 1994, Hiva 0a en 1922. Promenade
touristiqueavec Monsieur Le Bronnec, Bulletin de la Societe des Etudes
Oceaniennes, 163-164:19-23.
fO
cn
-Q
CO
BUCK P.H., 1932, Ethnology ofManihiki and
Rakahanqa, Bishop Museum Press.
CHURCHWARD C.M., 1959, Tongandictionary, Oxford
University Press, Londres.
DORDILLON R.I., 1931, Grammaireetdictionnairede
lalangue des lies Marquises, Institut d’Ethnologie de Paris, 446 p.
HANDY C.E.S., 1930, Marquesan Legends, Bernice Puahi Bishop Museum Bulletin, 69,138
p.
HAZLEWOOD D., 1872, A Fijian and an English and Fijian
dictionary, Sampson Low, Londres.
LAVONDES A., 1971, Un patu aux lies de la Societe, Journal de la Societe des Oceanistes, t. XVII: 55-58.
LAVONDES H., 1966, Recits Marquisiens (2epartie), ORSTOM, 266 p.
LAVONDES H., 1968, Le vocabulaire des valeurs culturelles dans la litterature orale des iles
Marquises, in: Congress of
anthropological and ethnological sciences, 8:420-421.
LAVONDES H., 1975, Terre etMer, Pour une lecture dequeiquesmythespoiynesiens, These dedoctorat, Universite ParisV
-
Rene Descartes, volume 1,480 p., vol.2,290p.
LEMONNIER P., 2005a, Mythiques chaines operatoires, Techniques et culture, 43-44:25-43.
LEM0NNIER P., 2005b, L'objet du rituel. Rite, technique et mythe en Nouvelle-Guinee, Hermes, 43:121-130.
LEVI-STRAUSS C., 1958, Anthropologiestructurale, Plon, 454 p.
MAUSS M., 2006 (le ed 1950), Sociologie et anthropologie, PUF, 482 p.
MAC GREGOR G., 1937, Ethnology of Tokelau, Bernice P. Bishop Museum Bulletin,
146,183p.
OTTINO P., 1965, Ethno-histoire de Rangiroa (archipeldes Tuamotu, ORSTOM, Papeete.
PETREQUIN P. et PETREQUIN A.-M., 1993, Ecologie d'un outil: la hache de pierre en Irian Jaya (Indonesie), Monographies
duCRA, 12, Paris, CNRS.
PUKUI M.K. et ELBERT S.H., 1986, Hawaiian Dictionary, University of Hawaii Press.
SCHULTZ E., 1909,The Samoan version ofthe story of Apakura, Journal ofPolynesian Society, 18(3): 139-142.
SHAND A., 1895,The Moriori people ofthe Chatham Islands: their traditions and history, Journal ofPolynesian Society, 4
(3): 161-176.
SHARP A. 1956, Ancient voyagers in the Pacific, Polynesian Society Memoir, 32, Wellington.
SMITH P., 1898a, Hawaiki, the whence ofthe Maori, being an introduction to Rarotonga history, part I, Journal of
Poly-
nesian Society, 7(3): 137-177.
SMITH P., 1898b, Hawaiki, the whence ofthe Maori, being an introduction to Rarotonga history, Part II Journal of Polynesian Society, 7(4): 185-223.
SMITH P., 1899, Hawaiki, the hence ofthe Maori, being an introduction to Rarotonga history, Part III, Journal of Polynesian
Society, 8(1): 1-48.
SMITH P., 1917, Notes on the Ngati-Kuia tribe ofthe South Island, New Zealand, Journal of Polynesian Society, 26(3): 116124.
STEINEN, K. (von den), 1933-1935, Marquesanische Mythen, Zeitchrift fiir Ethnologie, Berlin, 1933-1934, n°65, p.1-44,
326-373; 1934-1935, n°66, p. 191-240; version franpise, vol. 1:1997, vol. II: 1998, vol. Ill: 1999: Mythes marquisiens:
Te hakatu tumu o te ati 'enana, editions Haere po no Tahiti, Papeete.
TORRENTE F., 2010, Ethnohisloire deAna'a, un atoll des Tuamotu, These de doctorat, Universite de la Polynesie franpise,
368 p.
VAYDA A.P., 1958, A voyage by Polynesian exiles, Journal ofthe Polynesian Society, 67 (4): 324-329.
POLLEX on-line (pollex.org.nz) consulte en septembre 2011.
37
Etude, moulage et tirage
d’un grand panneau de
petroglyphes et du tiki de Taaoa
pour la salle patrimoniale de Hatiheu,
tie de Nuku Hiva,
archipel des ties Marquises, Polynesie frangaise
Archeologie et valorisation du patrimoine
Depuis la fin des annees 1980, les Marquisiens ont entrepris, par le
biais d’associations relayees par les communes, de sauvegarder des elements de leur patrimoine oral, archeologique et environnemental, mis a
mal par les processus d’acculturation, les modes de vie, les amenagements
contemporains puis, a la veille de l’an 2000, le developpement economique et celui des infrastructures (voirie notamment, pistes de penetration, batiments administratifs et communaux, lotissements, captages et
adductions d’eau..La Polynesie frangaise et l’Etat se sont associes a ces
initiatives qui permettent d’accompagner ces communautes dans leur
recherche vers un developpement choisi, harmonieux et durable. La mise
place, toute recente, en janvier 2011, de la communaute des communes des lies Marquises, la premiere en Polynesie frangaise, pourrait
facifiter la gestion d’un patrimoine commun a l’archipel et reparti sur Penen
semble de ses lies.
N°325 Avril / Juillet 2012
-
^organisation des festivals comme manifestations culturelles (en
moyenne tous les 4 ans, avec de plus petites manifestations intercalaires
depuis 2006) a oriente un volet de l’archeologie dans des entreprises
d’etudes et de restaurations de sites connus, particulierement
remarquables, parfois classes (classement remontant aux annees 1950), ou qui
meriteraient de 1’etre. Cette science a ainsi cesse, aux
yeux des commuunique, orientee
nautes locales, d’etre une recherche exterieure a sens
principalement vers la collecte d’objets, de donnees et d’informations,
pour devenir un partenaire, oeuvrant de concert a la recherche scientifique, comme a la sauvegarde de leur patrimoine et au developpement de
projets, tant culturels qu’economiques. Cet equilibre est cependant delicat
et difficile a tenir, car le faible investissement du
Pays ne permet guere le
de
cette
ni
developpement
disciphne, ^augmentation du nombre, particulierement faible, de ses agents. Ce qui serait pourtant indispensable au bon
deroulement des recherches, des actions preventives ou des interventions
d’urgence, et de leur acceptation par les populations. Faute d’archeologues ou de personnes liabilities, les projets culturels implantes sur les
sites archeologiques risquent de se faire sans intervention archeologique
et done au detriment de ces sites et d’une part des informations qu’ils
recelent.
Ainsi, a la suite de, et parallelement aux etudes et restaurations de
structures archeologiques, le projet de moulage d’un grand panneau a
petroglyphes a egalement ete voulu dans le but de relancer l’interet pour
le patrimoine culturel, en mettant l’accent sur une valorisation de Part
lithique, nouvelle en Polynesie sous cette forme et plus a meme de seduire
tant la recherche que la museologie, mais aussi la population locale et des
responsables et decideurs, a priori peu sensibles a la valeur, l’interet et la
fragilite d’oeuvres qui, pourtant, sont emblematiques du patrimoine culturel de ces lies et affichees comme telles, a l’interieur de la Polynesie
comme a l’usage national ou sur la scene internationale. Cependant, ce
projet s’integre avant tout dans des actions de protection et de valorisation
de ce patrimoine, qui seront des valeurs ajoutees aux demarches
«
»
entreprises ces dernieres annees pour faire inscrire les Marquises au
39
m ($u//ciirt dc /a Society des Studcs Qceaniennes
Patrimoine Mondial de 1’UNESCO. La culture et l’archeologie etant de com-
petence du Pays, le ministere de la Culture de Polynesie franqaise semble
avoir pris conscience, apres plusieurs destructions volontaires de sites ou
d’elements archeologiques, par des particuliers et dont la presse s’est faite
1’echo, de la necessite d’une legislation efflcace et adaptee au Pays. II y travaille dorenavant depuis quelques temps.
Ces travaux de recherches et de valorisation de sites ou d’elements
patrimoniaux, foumissent done a une culture, essentiellement fondee sur
l’oralite et le visuel, des elements d’informations precis, des references et
des arguments de reponse vis a vis de l’exterieur, des lieux authentiques utilises a des fins pedagogiques et culturelles. Ces derniers ont ete restaures
avec une
part de la population qui a ainsi reinvest! son patrimoine et sa cul-
ture par la mise au jour, l’etude et la mise en valeur d’une part de son patri-
moine archeologique et environnemental. Ces sites, par l’interet touristique
qu’ils suscitent, constituent egalement un atout economique pour les habitants de l’archipel, peu pourvu d’autres ressources. En effet, les sites archeologiques sont un des points forts systematiquement proposes aux visiteurs.
«
Biodiversite et ressources culturelles »
Integres a une vegetation et une avifaune interessante, rare et parfois
endemique, ces sites beneficient ainsi du volet environnemental qui jouit,
depuis quelques annees et heureusement, des projecteurs de l’actualite, des
investissements et des recherches. L’accent mis sur la biodiversite et les
especes a proteger ou en voie de disparition est particuherement impoitant
et crucial. On peut esperer que cet investissement sur la biodiversite et les
ressources naturelles
s’accompagne bientot de la meme attention vis a vis
des actions, realisations et creations humaines, qui resultent de et affichent
une « biodiversite »tout aussi etonnante,
interessante, prometteuse et fra-
gile! Les sites archeologiques, les constructions architecturales, les objets,
les petroglyphes et la statuaire..., fruits des anciens Marquisiens, soit des
etres biologiques disparus, sont tout autant, si ce n’est plus parfois, en voie
de disparition que nombre de sujets plus « biologiques ». Ainsi nombre
d’oeuvres, visibles ou caches, petites ou grandes..., a decouvrir, inventorier,
40
N°325 Avril / Juillet 2012
-
etudier... sont, comme bien d’autres, des « especes» en danger. Elies ne
beneficient pourtant guere de l’interet des organismes et decideurs
actuels... la biodiversite culturelle, la reconnaissance de l’alterite et de la
difference des cultures, vivantes comme passees, est moins a l’ordre du
jour qu’on ne le dit. Elle est pourtant aussi precieuse, vitale a l’espece
humaine que Fair qu’elle respire et l’eau qui arrose ou baigne ses rivages.
Elle fait partie de son quotidien, de son identite, de son essence et est done
indispensable a son existence et son developpement.
Le upe ou carpophage des Marquises, Ducula galeata, de la famille
des columbides, est endemique a Nuku Hiva et figure parmi les 2 especes
d’oiseaux marquisiens « gravement menacee d’extinction » sur la liste
rouge de l’UICN, il est protege car en voie de disparition, la population a
ete informee, les services et les agents prevenus, de tres fortes amendes
plates-formes lithiques de l’habitat marquisien sont endemiques a l’archipel, les tiki (statue commemorant un ancetre) sont uniques et endemiques -sous cette forme- aux lies Marquises.
Aucun ne beneficie d’une quelconque protection et chaque jour certains
sont deteriores, pilles ou totalement detruits, aucune amende n’est prevue
et les rares plaintes n’ont, jusqu’a aujourd’hui, jamais abouti. Ils ne figusont prevues. Les paepae ou
rent sur aucune liste rouge officielle. Leur preservation, leur survie et leur
transmission aux generations futures sont compromises.
Sites archeologiques de la vallee de Hatiheu
et salle patrimoniale
Les travaux archeologiques sur Hatiheu, menes depuis 1996, s’inscrivent dans cette demarche d’etude, de valorisation et de reappropriation
culturelle dont 0 a ete question. Ils permettent, sur File principale de Earchipel, de poursuivre la mise en valeur d’un site remarquable qui est deja
fort apprecie : celui des habitats de Kamuihei, Tahakia et Teiipoka. L’ensemble sera probablement propose pour une inscription au Patrimoine
Mondial de l’UNESCO, par les habitants de l’archipel, le Pays et la France.
Un des atouts supplementaires de cet ensemble, outre son environnement
et son agencement architectural, reside dans les nombreux
petroglyphes
41
(Rultetin dc /a Joctcfe des (abides Ocea/iiciines
presents sur plus d’une centaine de rochers. Cette densite n’est pas gene-
rale, loin s’en faut, a d’autres sites ou d’autres lies. Apres l’etude et lavalorisation in situ d’espaces ceremoniels et de structures d’habitations
anciennes, qui pourraient et devraient se poursuivre, une demarche complementaire vise done a presenter et a valoriser ce patrimoine par des elements choisis de celui-ci, dans un lieu plus accessible, abrite et un
contexte plus« urbain ».
Ainsi a Hatiheu, sur File de Nuku Hiva, au sein du village actuel, la
nouvelle salle patrimoniale de la vallee est en cours de montage, dans les
locaux de 1’ancienne ecole, liberee en decembre 2010 avec l’inauguration
de la nouvelle ecole. Cette salle etait prevue depuis longtemps par Madame
Yvonne Katupa, maire deleguee de cette partie nord de File de Nuku Hiva.
Elle permettra de conserver et d’exposer la collection d’objets archeolo-
giques trouves lors des campagnes de fouilles, ou de collectes de surface,
a Hatiheu meme ou dans des vallees voisines, avec les informations et elements necessaires a leur identification et comprehension.
En complement a ces artefacts, lithiques essentiellement pour le
moment, et afin d’enrichir la salle de pieces remarquables d’une toute
autre valeur, deux moulages viennent d’y etre installes. Les tirages d’un
grand panneau a petroglyphes et celui d’un tiki viennent d’y etre installes.
En effet, le moulage d’un grand rocher basaltique (long de 5m et d’une
surface de 8m 2 environ) comportant des motifs anthropomorphes associes
a des representations animalieres, a ete effectue tout recemment (janvierfevrier 2011) et celui d’un tiki de 1,25m sur 1,30m, lors d’une mission
sur Hiva Oa debut fevrier 2011. Leur
exposition dans la toute nouvelle salle
patrimoniale, permet de presenter a un public, plus nombreux que celui
qui a la possibility de se deplacer sur les sites-memes ou se trouvent les
originaux, une copie fidele de ces oeuvres symboliques. Ceci dans un
contexte d’exposition et d’eclairage qui fourniront au visiteur un cadre et
les elements necessaires a une bonne decouverte et une meilleure com-
prehension de cette art-iconographique polynesien meconnu. Ulterieurement et afin d’enrichir ces pieces, il serait important de faire de meme
42
N°325
avec d’autres
morphe),
ce
-
Avril / Juillet 2012
petroglyphes et d’autres tiki (statuaire lithique anthropo-
qui permettrait de saisir une part de la richesse et de la varia-
bilite de cet art lithique, encore peu connu, car en grande partie enfoui
sous la dense
vegetation de sites peu visites, ou inconnus de beaucoup. La
presentation de tirages fideles est egalement destinee a mettre l’accent sur
la pensee cognitive et symbolique des anciens Marquisiens, peu abordable
par d’autres temoins materiels. Son exposition permettra aussi d’aborder
la fragilite de cet art lithique et la necessite de le preserver.
Projet de moulage d’un grand petroglyphe de Hatiheu
De precedents sejours aux lies Marquises nous ont permis de relever
de nombreuses pieces d’art lithique : petroglyphes et tiki notamment, qui
constituent un patiimoine unique en Polynesie, mais helas aussi de constater leur vulnerabilite et des degradations de plus en plus evidentes (alteration naturelle, incendies volontaires ou non, destruction et
vandalisme... pas toujours inconscients). Le moulage et la prise d’empreinte de certaines pieces, ou parties de pieces, permettraient d’avoir un
releve fidele des oeuvres, avant des deteriorations ulterieures. Cependant
ce travail ne
peut se faire que par un specialiste reconnu et au fait des
techniques les plus recentes et des precautions d'usages. Monsieur Claude
Tribouillard, responsable de 1’atelier de moulage, au sein de I’lIFR de chimie de l’universite Pierre et Marie Curie a Paris, travaille depuis une trentaine d’annees dans un but de protection, de restauration et de
conservation du patrimoine. Il a ainsi, avec Jean Clottes, specialiste de Part
parietal prehistorique, effectue le moulage au silicone des grandes girafes
du Niger, il a egalement moule des sols archeologiques, des empreintes
de dinosaures, travaille dans des grottes ornees avec des archeologues,
ainsi que sur des monuments historiques... Depuis peu, il est president
de l’association pour la connaissance et revolution du moulage, dont le
siege est a la manufacture nationale de porcelaine de Sevres.
Claude Tribouillard, a qui j’avais expose l’interet et les difficultes de
preserver l’exceptionnel patrimoine culturel marquisien, lors de stages
d’initiation et de formation aux techniques de moulage, dont j’ai pu
43
Sia/fetin dc fa Society des S/ades &ceame/mes
beneficier grace a la formation pemianente de 1’IRD, a pu ainsi accumuler
les fonds necessaires a la preparation de ce projet, qui remonte a plusieurs annees. La mission conjointe s’est ainsi deroulee en janvier et fevrier
2011, apres mon affectation aux lies Marquises, qui, entre autres, facilitait
grandement sa realisation. Son financement a ete assure par PUPMC,
l’IRD, le CIRAP (Centre international de recherches archeologiques sur la
Polynesie, de Puniversite de Polynesie frangaise), ainsi que la municipality
de llle de Nuku Hiva. La societe Prodemmia (specialist dans les produits
de moulage) a fourai le silicone et le platre necessaires au moulage. C’est
ainsi pres d’une tonne de materiel qui a ete acheminee de Paris a Taluti,
puis sur Pile de Nuku Hiva, aux Marquises.
En dehors d’un moulage effectue dans les annees 1950 sur le grand
tiki Takaii de Puamau, au nord-est de Hiva Oa, par une equipe norvegienne et des recents tirages effectues pour le petit musee de Hokatu sur
Pile de Ua Huka, ce projet d’etude et de moulage de pieces d’art parietal,
a ete une premiere en Polynesie frangaise, notamment par Pampleur de
la piece moule (3 et 8m ), les produits de protection de Poriginal, les
techniques de moulage, ainsi que le type de silicone utilise : un silicone
2
polyaddition, habituellement employe en coulee dans Pindustrie de precision -automobile, aeronautique... et jamais encore par estampage sur
des pieces archeologiques et Iithiques. La tres haute performance de ce
silicone, avec une fidelite de 2 a 5 microns, permet un rendu exceptionnel
de Pempreinte et une copie pour ainsi dire identique. A l’heure actuelle
on ne peut trouver mieux... si ce n’est par la stereolythographie qui permet une reproduction sans toucher Poriginal.
-
Ce projet pourrait deboucher sur une etude et une valorisation ulterieure plus ambitieuse de Part lithique de la region. Ces tirages pourraient
permettre, par exemple et apres accord des Marquisiens et des proprietaires, d’enrichir des musees et des expositions, aux Marquises bien sur,
mais aussi a Tahiti meme, en France, voir ailleurs, pour mieux faire connaitre cet art en sensibilisant un large public. Conserver une « empreinte-
memoire » fidele de Poriginal, c’est egalement une fagon de le proteger,
44
N°325
-
Avril / Juillet 2012
d’observer et de constater revolution des roches originales en
aussi d’alimenter la recherche sur l’etude de l’art
plein air et
oceanien, peu connu et
peu accessible pour ce qui est de son volet lithique et parietal.
Dans un premier temps, nous esperons au moins
que ce travail de
moulage stimule une campagne de protection de cet art, qui ne demande
guere d’investissement, peut etre rapide et toute simple, avec des moyens
accessibles et locaux par la construction legere et esthetique de
petits abris
constitues d’une charpente et d’une couverture legeres, en bois et
palmes
de cocotiers tressees ou pandanus... une fois a l’abri des
intemperies,
pluie et soleil, ces oeuvres seraient deja sauvees car a l’abri. Les autorites
pourraient alors prendre le temps necessaire a la venue de specialistes et
a l'appbcation de traitements
adaptes: demoussage doux, consobdation
etude
de
lames
minces
et
apres
application de produits adaptes durant plusieurs mois, moulages si necessaires, abris et protections plus durables...
Choix du rocher a petroglyphes
Le choix de ce rocher a petroglyphes decoule de plusieurs raisons.
Au depart nous avions pense a un autre rocher, connu de
quelques rares
personnes seulement car situe dans un endroit eloigne, tres peu frequente
et enfoui sous une dense vegetation. Cela aurait ainsi donne a voir une
oeuvre
quasi inconnue et difficile d’acces. Mais les conditions de travail et
de transport auraient augmente les difficultes de l’operation de facon trop
importantes pour le temps ahoue a l’operation et les moyens dont nous
disposions. Nous avons done choisi ce rocher de Kamuihei-Teiipoka, et
pour d’autres raisons egalement... D’une part il etait connu et facilement
reconnaissable par les visiteurs. Par contre l’exposition de son tirage dans
un heu accessible, avec un
eclairage approprie, en facihtait la visibihte et
l’identfficahon des motifs; ceci permettait de montrer la richesse des dessins, pas toujours revelee in situ, dans la nature, sous les arbres, la mousse
et les lichens. D’autre part, la prise
d’empreinte de ce rocher participait a
la valorisation de l’ensemble du site visite, par la presentation d’un de ses
elements remarquables dans une salle, comrne ehe assurait l’enrichissement de cette salle par une rephque exceptionnehe, et qui n’a, actuehe-
ment, pas son pareil en Polynesie frangaise.
45
d&idletin dc /a iSocietc de& &tude& 0tceanicmic&
Le choix de ce rocher, outre sa belle dimension, fut egalement guide
par les motifs graves, qui sont facilement identifiables par des visiteurs,
contrairement a d’autres signes moins evidents. Des cercles, des yeux, des
figures anthropomorphes et d’autres animalieres... y sont reconnaissables. Le type de representation a done influe notre choix et notamment la
sur la cenpresence, rare aux Marquises, de motifs de tortues. En effet,
taine de rochers reperes sur ce site d’une dizaine d’hectares, seul ce
rocher porte des images de tortues. C’est egalement le seul dont la
silhouette naturelle est justement et singulierement celle d’une tortue. La
la partie la
presence de ce rocher, sur la partie la plus elevee du site, soit
plus tapu (tabou), ainsi que la decouverte, lors de fouilles anterieures, de
cranes humains disposes sur des carapaces et plastrons de tortues, permettent d’approcher la signification et l’importance de ces gravures, dont
l’interpretation est toujours delicate voire impossible, sans elements de
recoupements et de comparaisons. Ainsi pour les Marquisiens, la tortue
avait la reputation de plonger profondement, ce qui lui permettait d’atteindre le havaiki, ou au-dela polynesien, le plus prestigieux, celui reserve
animal, qui nage comme vole un oiseau, vit
dans la mer mais vient egalement sur terre, jouait le role de medium pour
des vivants et
passer d’un monde a l’autre, de celui des ancetres a celui
aux pretres et aux chefs. Cet
inversement. Ce rocher, couvert d’une douzaine de tortues et oriente vers
rocher-tortue » allait y retourner (charge de Fame de defunts prestigieux!?), sa position en amont d’un
la pente et done vers la mer, comme si ce
«
site religieux et funeraire, l’orientation meme du panneau principal, cote
ouest soit en direction de 1’ havaiki, tout cela enrichit fortement la parti-
cularite et l’interpretation des motifs, plus symboliques que figuratifs,
sur la roche, en permettant d’entrevoir la reelle complexite de
piquetes
leur signification. Ce rocher et ces motifs ont done l’avantage didactique
a des
de
passer de motifs reconnaissables par tout un chacun,
pouvoir
significations nettement moins evidentes, beaucoup plus complexes et
symboliques qu’il n’y parait. Ils permettent ainsi d’entrevoir 1’interet et la
richesse de ces oeuvres qui, loin de graffltis maladroits, montrent que la
simplicity des traces n’est qu’apparente, que cette simplicity n’est due qu’a
une perte de memoire et une
46
ignorance
«
nouvelle », et que l’ancienne
Parpae : plate-forme lithiquc ifhabilation
©mi
^«k
o
•
0
Tohut ou panic dc tohua : site communautaire
50 m
Structure pa\^c autre que parpae
Gros rochcr A pitroglyphes
Mur ou mure! (cnclos. sou linemen!)
A 'o'* : banian (Ficus prolix a)
»
Nord
ct pente gfneralc du terrain
Ruisscau ou lit de ruissellement
Urn ma : fosse-silo dcstinte a corners cr Ic fruit
1.'ensemble de
dc farbre A pain sous forme de pile fermentte
Tahakia, Kamuihei et Teiipoka
Bassin de nrtenue
Plan du site de Tahakia-Kamuihei-Teiipoka, a Hatiheu, et localisation du rocher moule.
Q&ulJcli/i da /a Jocieta dcx Studea Oceania
culture marquisienne, comme ces motifs, etait beaucoup plus riches et
complexes que ce que Ton peut en dire aujourd’hui. Une phrase de K. von
den Steinen a propos du tatouage peut ainsi etre reprise mot a mot pour
s’appliquer aux petroglyphes, aux motifs iconographiques et a la culture
ancienne :
ce n’est pas parce que le Marquisien ne sait plus rien a son
«
sujet que le tatouage n’a pas d’histoire », ecrivait l’auteur allemand apres
son sejour aux Marquises en 1897-98.
Une autre raison enfin nous a incite a choisir ce rocher. En effet, depuis
la valorisation de ce site de Hatiheu, sa restauration en 1999 et son entretien
regulier, il est de plus en plus visite, et ce superbe rocher est de plus en plus
connu et examine... Depuis quelques annees, des traces de grattage avec
du bois mais aussi des pierres, voire la pointe de couteaux ont ete observees, notamment en 2010... Le choix de ce moulage a done aussi ete fortement guide par un souci de preservation, de conservation d’une memoire
plus fragile qu’il n’y parait, d'une image fidele de l’original en 1’etat, avant
des degradations ulterieures, helas possibles, voire probables... La mise en
place d’un panneau explicatif a proximite du rocher, comme la presentation
de sa copie et les explications disponibles dans la salle patrimoniale permettront d’informer les visiteurs de l’importance de ces oeuvres uniques, de
leur fragilite et des gestes a ne surtout pas faire. Ces actions et presentations
palieront, au moins nous l’esperons, meme si e’est insuffisant, a une protection ou une presence physique et permanente sur le terrain, qui n’est
guere envisageable pour le moment... et sans doute pour fort longtemps.
Cette operation de moulage effectuee a Hatiheu, une premiere en
Polynesie, s’integre done a la preservation et valorisation du patrimoine
archeologique de l’archipel. Elle permet d’en apporter, sous forme de
copie, un element majeur pour le presenter dans un lieu public, abrite et
tres accessible. Elle pourrait egalement, nous l’escomptons naivement, stimuler l’interet pour une campagne ulterieure d’etude, de sauvegarde et
de protection de Part lithique, plus systematique et ambitieuse... elle participe deja au projet de l’inscription de l’archipel des lies Marquises, en
tant que bien mixte en serie, au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Pierre Ottino
48
moule .
ete
a
,
2
8m
d'environ
princpale,
face
la
Seule
0
rocher.
PM, c
du
motifs
des
dr"
releve
B:
0
$>
if
>
*>i
£
Zr
~~J-C
Sfauf/etin de- ta Societc de& Slade,t &tcea/ii€ftnc&
Apres 4 couches d'agents de protection et de demoulage (Teepol et alcool polyvinylique), puis le colmatage des
anfractuosites trap profondes avec de la terre glaise non grasse, la peau de silicone polyaddition a ete appliquee
en 5 couches successives, sans interruption, afin d'eviter ia polymerisation complete du silicone avant ia fin des
differentes passes.
Sur la peau de silicone, une chape de platre armee de filasse en epouse la forme. Cette chape est charpentee
pour la consolider, et maintenue par des cordes avant son retrait.
50
N°325
-
Avril / Juillet 2012
La chape decollee est transportee a pied par une quinzaine de personnes sur 2 km jusqu'a I'atelier, improvise
pres de la salle patrimoniale.
La peau de silicone, qui a epouse les moindres details (2 a 5 microns de fidelite), est alors decollee du rocher,
facilement grace aux agents de demoulage, recueillie et transportee dans une bache pour la proteger.
51
bulletin dc /a Society de& &Uide& Oceanie/uies-
La chape est etayee et la peau de silicone reajustee.
Debut du tirage au platre.
52
N°325
-
Avril/Juillet 2012
Le tirage est egalement armee de filasse, puis charpente pour le rigidifier.
La peau qui adhere au tirage est decollee delicatement.
53
tTbulletin dc' fa Societc de& Sts/dcs Ocea/iic/i/i ex
Le tirage est transports jusqu'a la salle patrimoniale.
RehaussS par des pieds puis fixe au sol, il est alors patine (alcool a 90°, gomme laque et pigments naturels).
Claude Tribouillard, responsable de I'atelier de moulage de I'UPMC, est a droite de son assistant, Romeu Moreira,
et a gauche d'Yvonne Katupa, maire dSISguSe de Hatiheu; a droite: Debora Kimitete, r adjoint du maire de
Nuku Hiva. Fixe dans le meme pendage que I'original, il reste a realiser I'habillage et la decoration (pieds, sol,
fresque sur les murs du fond, spots avec pares-flux pour mieux reveler les motifs...).
54
N°325
-
Aval / Juillet 2012
Le rocher apres nettoyage a I'eau des agents de protection et de demoulage. Cette photo aurait pu etre prise avant
les diverses operations du moulage, qui n'ont laisse aucune trace. Le sol et rochers environnants avaient ete pro-
teges avec des plastiques et des toiies de jute.
Tirage patine, vue de detail.
Pierre Ottino
-
Archeologue a 1’IRD membre de UMR 208 : Patrimoines locaux
-
Construction et valorisation des patrimoines et des territoires aux Suds, face aux enjeux
mondiaux de la conservation, de la biodiversite et du developpeinent durable.
55
L’Ananas {Painapo)
en
Polynesie francaise
Classification et origines
L’Ananas est une plante herbacee perenne de la classe des Monoco-
tyledons, de 1’ordre des Farinales et de la famille des Bromehacees. Tous
les cultivars explodes dans le monde appartiennent a Yespece Ananas
comosus
(L.) Merr.
Jadis appele fara popaa par les Polynesiens parce que ses feuilles
ressemblent a celle du fara (Pandanus), 1’ananas est maintenant appele
painapo qui vient de l’anglais pinneaple nom qui evoque la ressemblance a Bananas avec la pomme de pain.
L’ananas est originaire de l’Amerique tropicale pour les uns, du sud
du Bresil et du Paraguay pour les autres. Christophe Colomb a ete le premier a introduire les ananas en Europe apres les avoir decouverts a la
Guadeloupe en 1493- Introduit a Tahiti en 1789 (date de la Revolution
francaise) par le capitaine Bbgh lors du passage de la Bounty, Bananas a
trouve des conditions tres favorables au point que sa qualite est jugee
exceptionnelle aussi bien sous sa forme de fruit qu’en jus.
«
»
Description
La plante adule qui se presente sous la forme d’une rosette de feuilles
atteint 1 m de haut et s’inscrit dans le volume d’une toupie de 1,30 a
1,50 m de diametre maximum (J. F Leroy, 1968). Sa tige, en forme de
massue, presente sur toute sa surface des racines adventives, de 70 a 80
N°325
-
Avril /Juillet 2012
feuilles en forme de gouttiere qui deversent a la base de la plante les moindres gouttes de pluie. Avec leurs tissus aquiferes, elles constituent le reservoir d’eau de la plante. Leur face inferieure, flnement striee, est recouverte
d’une succession de minuscules parapluies formes de cellules mortes dont
la presence regularise les echanges gazeux entre la plante et l’atmosphere.
Le systeme radiculaire est fragile et superficiel. L’inflorescence multiple est
6
composee de nombreuses fleurs de type trimere (3 sepales, 3 petales,
etamines et un pistil tricarpellaire) qui sont« autosteriles» chez la plupart
descultivars (Leroy J.F., 1968).
Le fruit est forme de la coalescence de fruits individuels ou « yeux »,
de brochees sous-jacente et de 1’axe de l’inflorescence. II est surmonte
d’une formation en rosette semblable au plant lui-meme: la couronne qui
peut etre utilisee au meme type que les rejets pour les nouvelles plantations.
Au sommet du pedoncule floral apparait un troisieme type de rejet:
la bulbille, tres prisee comme materiel de plantation.
Le cycle total de la plantation a la premiere recolte est de 12 a
24 mois suivant le terrain, le materiel vegetal utilise et le type de culture
»
pratiquee. La seconde recolte, obtenue a partir des« cayeux (rejetons)
survient un an a dix-huit mois apres la premiere.
Quatre groupes de cultivars existent dans le monde:
-le groupe Cayenne, qui comprend la « Cayenne lisse » et le
« Sweet»les
plus utilises dans le monde,
le groupe Spanish dont fait parti « le Red Spanish » cultive essentiellement en region CaraYbes, dont le fruit est exporte aux Etats-
-
Unis et le « Singapour Canning » qui est a la base des conserves
malaises,
le groupe Abacaxi qui s’exporte mal en frais et ne convient pas a la
fabrication des conserves; il a sa place dans les jardins familiaux
-
des zones intertropicales et
-
le groupe Queen aux feuilles piquantes, aux yeux proeminents de
en Polynesie frangaise est de la variete
taille. L’ananas
produit
petite
Reunion.
Queen Tahiti», proche du Queen Victoria cultive a La
L’ananas de Polynesie est de petite taille : sa chair, d’un jaune fence
«
«
»
57
bulletin do la Socleto des &tado& Ocean
est sucree et tres
parfumee. On trouve aux lies de la Societe et aux Mar-
quises des ananas sauvages et des ananas cultives. Selon les estimations
du Service de l’Economie rurale, la production d’ananas etait de 1131
tonnes en 1975 et de 1890 tonnes en 1985.
Les plantations actuelles alimentent la consommation locale ainsi
qu’une usine de jus de fruits a Moorea. Nous verrons plus loin 1’evolution
des surfaces plantees (en hectares) et les achats d’ananas (en tonnes) de
l’usine de jus de fruit a Moorea.
Ecologie et culture
Peu exigeant en eau puisque 60 mm d’eau par mois lui suffisent,
1’ananas peut etre cultive sous une vaste gamme de temperatures
moyennes. La moindre gelee lui est fatale.
Sa croissance est d’autant plus rapide
que la temperature moyenne
est elevee. Les hauts rendements (evalues sur une
premiere recolte et celle
issue des cayeux) et une bonne quantite sont obtenus lorsque la
ture se maintient entre 20 et 25 °C
tempera-
(LeroyJ.F., 1968).
II prefere les sols legers, drainant bien, ou les sols en pente. II est culfive a moindre frais sur des sols pourvus de
potassium et, a un degre
moindre, de magnesium.
Sa culture prevoit une lutte incessante contre les ennemis naturels de
la plante et les plantes adventices qui la concurrencent.
Contre ces demieres, on recourt aux herbicides chimiques. On tend
meme a recouvrir
l’emplacement des futures rangees d’ananas d’un film
de polyethylene; celui-ci facilite 1’echauffement du sol et la lutte contre les
mauvaises herbes, limite les deperditions d’eau et active la croissance.
En region pluvieuse, les ananas sont disposes sur des bandes surelevees pour eviter l’exces d’eau.
La Polynesie frangaise est encore indemne des principales maladies
graves de l’ananas et de ses principaux ennemis comme la maladie de Wilt
(due a un virus transmis par une cochenille) et les symphiles. Tahiti est,
de plus, peu touchee par les nematodes et le phytophtora qui, dans d’autres pays producteurs, necessitent des traitements pesticides
reguliers. La
culture de l’ananas ne necessite aucun traitement insecticide ni fongicide.
58
N°325
Avril /JuilJet 2012
-
Plantations et production
Les surfaces plantees en ananas sont reparties sur les lies du Vent:
environ 150 hectares plantes en 2007 sur Moorea et 60 hectares sur Tahiti.
Sur les 4125 tonnes produites en 2008, 1901 tonnes sont absorbees
l’usine
de jus de fruits de Moorea (47 %), approvisionnee par le
par
COPAM (Cooperative des Producteurs d’Ananas de Moorea) ; le reste,
53%, est commercialise pour la consommation en frais: bord de route,
marches, grossistes, stations sendees.
En dehors des lies du Vent, les lies Sous-le-Vent (160 tonnes en
2008) sont producteurs. Les Marquises (9 tonnes) et les Australes (5
tonnes) le sont a un degre bien moindre, comme le montre le tableau 1.
Tableau 1
-
Production en tonnes des differents archipels en 2008
Tahiti
Moorea
I.D.V.
I.S.L.V.
Marquises
Australes
Total
1339
2612
3951
160
9
5
4125
La production de jus d’Ananas de Moorea
Depuis le milieu des annees 1980, cette production, selon le departement Dag du Service de Developpement Rural, a connu trois phases.
Une phase d’augmentation de la production stimulee par la garantie
d’achat de toute la production par l’usine de jus de fruits de Moorea obtenue alors par le Territoire de la Polynesie franqaise (creee en 1982). Cette
derniere a achete pres de 3000 tonnes d’ananas en 1991, mais une gosse
partie fut jetee sans etre transformee en jus.
La deuxieme phase commence avec la privatisation de l’usine de jus
de fruits de Moorea qui revient a des niveaux d’approvisioimement en ana-
adequation avec les ventes de jus de fruits. L’usine ramene finalement ses volumes d’achats a 1200 tonnes / an par la mise en place de
nas en
quotas de protection. Cette chute brutale des achats de l’usine entraina
Tabandon de la culture d’ananas par de nombreux petits planteurs et, par
voie de consequence, une diminution importante des surfaces plantees.
La troisieme phase debute en 2001 avec Tentree du groupe Brasserie
de Tahiti dans le capital des jus de fruits de Moorea. Cette phase corres-
pond a Taugmentation des ventes de jus d’ananas et correlativement a ses
59
($/d/cle/i de !a ifoaete des Slades Ocean
besoins en fruits. Des besoins auparavant de 1200 tonnes / an, on passe
a 1500 tonnes en 2002 pour atteindre
1900 tonnes en 2008. L’usine s’ap-
provisionne aupres de la COPAM (creee en 1973 avec 50 producteurs).
La production locale n’a pu suivre cette augmentation des besoins,
d’une part par manque de production et, d’autre part, en raison de la
concurrence du marche du frais ou les
prix sont plus eleves (environ
100 F/kg contre environ 50 F/kg a l’usine).
Pour cette raison, les responsables de l’usine de Moorea et les repre-
sentants des producteurs de Moorea sollicitent l’appui des services publics
pour les aider a augmenter la production d’ananas en vue de repondre
aux besoins croissants de l’usine.
Tableau 2 Evolution des surfaces (ha) et achats (tonnes) de I'UJ.F.M.
-
selon le Service de Developpement Rural
If L1!L*I
MjhTfl
Ujjj
1207
1262
1241
1200
1200
106,5
111,6
Achats
d'Ananas
1492
1358
1580
1672
1410
1952
1605
1500
1600
1700
1900
2000
1800
100
106
107
140
150
155
de I'UJ.F.M.
Prevision
d'achats
J.F.M
Surface de
production (ha)
111,6
11537
de Moorea
Les principaux problemes de la filiere ananas qui ont ete identifies
furent la difficulty d’acces du foncier sur File de Moorea qui contraint les
producteurs a exploiter des terres souvent pentues et caillouteuses.
Correlativement, la difficulte de mettre en place des techniques de production plus intensives sur ces terrains diffkiles qui limitent les rendements
«
a des niveaux relativement bas
»
(200 tonnes / ha / an) et des couts de pro-
duction importants.
Enfin, une production insuffisante et souvent trop irreguliere des
I.S.L.V., des Marquises par inorganisation du marche et manque de technicite des producteurs.
60
N°325
-
Avril /Juillet 2012
Les perspectives commerciales demeurent relativement bonnes:
-
augmentation du marche du frais qui fait dire a certains producteurs ce qu’il n’y a jamais assez de fruits surtout en debut d’annee
production est plus basse.
augmentation parallele des besoins en fruits de Moorea estimes a
ou la
-
2000 tonnes pour 2008.
L’utilisation culinaire de 1’Ananas
L’ananas participe aux entrees, accompagne les plats et se retrouve
aux desserts.
Ainsi, le poisson marine a l’ananas (la Va’a Tahiti) est une
speciality fort prisee sur le territoire.
Autre speciality prisee : le filet de pore avec chutney d’ananas grille
sur lit de mesclun. On commence par melanger tous les ingredients du
chutney (des de poivrons rouges et verts, d’oignons rouges, une tasse
d’ananas frais, du gingembre, des echalotes, de coriandre hachee (1 cuillere a the) de la poudre de cumin) ensemble. On prepare le chutney pendant que le grill est en train de se rechauffer. On enduit les filets de pore
avec un peu d’huile d’olive. On assaisonne de sel et de
poivre, on saupoudre de poudre de chili. On coupe l’ananas en tranches (7 mm d’epaisseur). On fait griller le filet de pore de chaque cote jusqu’a obtenir une
temperature interne de 70°C environ pendant 10 a 12 minutes. Pendant
d’ananas. On
que le filet est en train de griller, on fait revenir les tranches
minutes.
On
laisse
5
retire l’ananas et le pore du gril.
reposer
Sur un nid de feuilles de mesclun, on etage les morceaux d’ananas.
Le pore est tranche sur le biais en tranche de 7 mm et on le dispose au
centre du plat tout contre l’ananas grille. Enfin, on dispose le chutney sur
les tranches de pore.
La creme d’ananas est un dessert obtenu en mixant un yaourt, 10 cl
d’ananas non-sucre, une demi-cuillere a cafe de miel liquide et une cuillere a cafe de jus de citron.
En matiere de boisson, le jus d’ananas est a la fois desalterant et
sucre. Il intervient dans le milkshake ananas-menthe. Ici, 1’ananas est mLxe
avec
1 yaourt, du lait et de la menthe. Le mixage durera une minute,
jusqu’a l’obtention d’une creme que Ton versera dans un verre.
61
bulletin/ d& la Society de& &tude& Ocea/il1
L’utilisation cosmetologique.
Le monoi painapo est obtenu en faisant macerer les « yeux » dans
de l’huile de coco. II est recherche pour son activite emolhente et anti-
inflammatoire.
L’utilisation medicinale et medicale.
Le fruit vert etait un abortif, largement utilise par les Tahitiennes
(Petard Paul, 1986) avant 1’implantation de la medecine occidentale.
L’ananas est une bonne source de vitamine C, B6, de manganese et
de cuivre.
Dans le tableau suivant figurent les constituants de 100 g de partie
comestible (selon Random etal., 1961).
Tableau 3
II contient un groupe d’enzymes digestives appeles bromehne. D’ou
la presence de l’ananas dans les regimes pour obeses et dans le traitement
de la constipation. La bromehne aurait egalement comme proprietes:
-
d’interferer avec la croissance des cellules maliques et les tumeurs
(en reduisant la formation des nitrosamines selon des savants de
1’universite de CorweO).
-
-
d’inhiber l’agregation plaquettaire
une action anti-inflammatoire
a l’aide d’ecorce
-
-
d’ananas)
le debridement de la peau ainsi que
l’amelioration de l’absorption de certains medicaments comme
l’amoxicilline.
62
(demontree par l’ablation des cors
N°325
-
Avril / JuiUet 2012
Selon le Dr. Weil, pere de la medecine alternative, la bromeline est
un traitement efficace
pour les ecchymoses et les hematomes. Elle favorise
la guerison des blessures en reduisant la douleur et l’enflure (due a Tin-
flammation); elle reduit l’inflammation post-operative, soulage les symptomes associes a la sinusite. Combinee aux antibiotiques et a la trypsine,
elle peut aider au controle des infections des voies urinaires. EOe soulage
les symptomes de l’arthrite rhumatoide.
Les resultats de differents essais cliniques sont en faveur d'une action
anticoagulante et sedative dans l’angine et la thrombophlebite.
Conclusion
L’ananas reste le fruit le plus cultive en volume en Polynesie frangaise
%
(IEOM, 2009). Sur les 4125 tonnes produites en 2008,1951 tonnes (47 )
sont absorbes par l’usine de jus de fruits de Moorea. Son importance dans
l’alimentation locale (53 % ) justifie la poursuite des plantations.
Son interet medical meriterait d’etre approfondi: outre ses vertus
digestives et anti-inflammatoires, bananas pourrait donner naissance a des
remedes anticancereux et antihemorragiques.
La production de bananas tend vers baugmentation. Cela necessite
l’amelioration des techniques culturales et bextension des surfaces de production. C’est la raison pour laquelle le Service de Developpement rural a
recensant les surfaces de produccree depuis 2008
une filiere ananas
tion, mettant en place des stages de formation, introduisant des techniques
pour ameliorer la fertilisation, etablissant un suivi comptable des producteurs, la rnise a disposition des surfaces (50 ha de terres domaniales a Moorea), et la mise a jour de la cartographie des parcelles implantees en ananas.
«
»
J.-P. Ehrhardt
CL
ra
cn
o
CO
Grepin F. et M., La Medecine Tahitienne traditionnelle, Cahiers du Pacifique, n°19, septembre 1976.
Grotto D., 101 aliments qui peuvent vous sauver ia vie, Editions Francois Doucet, Quebec (Canada).
Lecerf Jerome (S.E.R./DAG), La Filiere Ananas en 2008, Bilan du Programme 2005-2010.
I.E.O.M., La Polynesie frangaise, juin 2009, p. 246.
Leroy J.F., Les Fruits tropicaux. P.U.F., France, n°237, p. 126.
Petard P., Quelques plantes utiles en Polynesie franqaise et Raau Tahiti, Editions Haere Po, Papeete, Tahiti,
p. 354.
63
De la methode a l’angoisse
Reflexions libres
sujet du suicide et de la mort
dans les societes polynesiennes
au
1
L’ouvrage “culte” d’Emile Durklieim, Le suicide (1897), qui constitue la premiere etude sociologique de ce phenomene particulier, fonde
aussi la sociologie scientifique. A cette discipline, il offre une methode
basee sur le traitement de donnees statistiques, a partir desquelles sont
etablies des relations, des variations, des co-variations, entre taux de suicide et veuvage, appartenance religieuse, activate professionnelle, etc. L’am-
bition du pere de sociologie n’est autre que la mise en evidence des
largement inconscients des conduites sociales qui poura
raient, tort, apparaitre comme des conduites simplement individuelles.
Durkheim fonde, en effet, la sociologie scientifique par une rupture avec
les explications psychologiques emanant tant des individus enclins au suideterminismes
-
-
cide que de leur entourage ou des commentateurs, a posteriori, d’un acte
suicidaire. Avec lui, le suicide cesse d’etre un acte individuel pour devenir
un fait
1
sociologique.
Cet article reprend I'essentiel d'une communication au Premier colioque international de psychiatrie en Poly-
nesie frangaise, sur le theme "Prevention du Suicide, des maladies psychiatriques et des addictions", qui s'est
tenu a Punaauia, Tahiti, en mars 2011.
N°325
-
Avril /Juillet 2012
Bien que forme pour partie a l’ecole de Durkheim, et revendiquant
cette education, l’auteur de ces lignes n’ambitionne pas ici de livrer
autre chose que des observations que d’aucun considerera comme relevant helas de la psychologie spontanee. Il s’agit de constats et de
reflexions personnelles, non d’une etude sociologique du suicide en
Polynesie frangaise qui meriterait d'etre entreprise selon les regies de
la discipline. Neanmoins, ces constats et reflexions pourront servir, a
d’autres, dans la construction d’une recherche plus elaboree et plus
methodique sur le sujet. Le choix du titre de cet article, “de la methode
a l’angoisse”, en hommage a l’ouvrage de l’ethnopsychiatre Georges
Devereux (1980). De I’angoisse a la methode dans les sciences du
comportement, temoigne aussi d'une revendication partielle de la subjectivite, en l’occurrence. Rappelons que Devereux a fait le pari que la
part de subjectivite inherente au chercheur en sciences humaines n’etait
pas necessairement un obstacle a son travail; pour peu qu’elle soit mise
en evidence et mise a profit, elle pouvait meme devenir une condition
importante de celui-ci.
Precisement, une connaissance assez intime du vecu des Polynesiens
(de l’ensemble tahitien) des miheux populates a donne a l’auteur de ces
lignes, non pas une mesure exacte, mais une idee approximative de ce que
pouvait representer l’idee de la mort pour les suicides qu’il a croises ou
connus. Le fait que ces personnes n’aient pas vraiment ete des
proches
permettra peut-etre aussi d’envisager leur geste, sans douleur affective
extreme, ni culpabilite particuliere ; en essayant “simplement” et momentanement, de se mettre a leur place.
Les mots pour le dire
La premiere personne que nous voudrions evoquer recevra le nom
fictif Pascal. Pascal done hit le premier d’une longue serie de relations,
de camarades qui se sont pendus, a Tahiti, a Huahine, a Rurutu ou dans
lie, entre 1985 et 2005. Tous avaient entre 20 et 30 ans, parfois
plus. Aux yeux de l’observateur exterieur, rien n’indique que ces
suicides aient ete deprimes, inscrits dans une trajectoire de la degringolade, de l’enfoncement, qui semble marquer, ailleurs et parfois aussi en
une autre
un peu
65
bulletin de- la Society des Stades Oceania
Polynesie francaise, le projet suicidaire
2
.
II n’est pas certain que se suici-
der ait ete chez ces personnes un projet. Plutot une rencontre, comme
celle d’un nouveau camarade qu’elles ont suivi, un soil' ou elles avaient
fume du paka (abreviation de pakalolo : cannabis) ou bu de l’alcool,
qu’elles consommaient jusque-la sans consequences violentes autres que
d’eventuelles insultes ou bagarres. Pascal s’est pendu : ‘ua tari ‘o na id
na. Le suicide par
pendaison semble si general en Polynesie franqaise que
(employe aussi, sans longueur sur la voyelle “a” pour designer un regime de bananes qui pend : tari mei’a ), est, en langue tahitienne, le plus spontanement employe pour evoquer le suicide de
quelqu’un dont on ignore le mode operatoire exact. E aha, ‘ua tari ‘o
na id na ?
:
Quoi, il s’est pendu/suicide ?». Les locuteurs du tahitien
emploient parfois aussi le terme ha’apohe, construit sur la base du prefixe
d’action ha’a, suivi du verbe ou nom poke signifiant “mourir, eteindre”.
Ha’apohe veut done dire : “faire mourir, causer la mort”. ‘Ua ha’apohe
‘o 11a id na signifie : “Il (ou elle) s’est donne la mort”. Mais l’usage du
mot tari est plus ordinaire, presque generique, car il renvoie au mode de
suicide le plus banal dans les milieux polynesiens: la pendaison.
ce terme, tari
«
»
«
«
»
D’autres termes pour “dire” le suicide peuvent etre rencontres, a
l’oral comme a l’ecrit. Le texte en langue tahitienne de l’ecrivain Emile
Hiro (1997 :128) relatif a la douleur de la “reine” legendaire Maeva de
Huahine, aux temps anciens, qui n’arrivait pas a se remettre de son veuvage et souhaiter mourir, recourt a une autre expression, bien plus rare :
No te teimaha teie nei ‘ati, ua ‘opua ‘0 Maeva vahine e fa’a’a’u
iana" : “A cause du poids de son malheur, la femme Maeva decida de se
fa’a’a’au “agir sur ses entrailles”. Le mot a mot de l’expression donne :
prefixe d’action ha’a + nom ‘a’au : entrailles, siege des emotions -;
d’ou fa’a’a’au “agir sur les entrailles”. Ici, le mode operatoire du suicide
n’est pas precise, mais l’intensite de l’emotion devient synonyme d’inten«
-
-
-
tion suicidaire.
2
Pour la construction du parcours suicidaire chez I'adolescent frangais, voir notamment Meunier et Tixier (2000).
66
N°325
-
Avril /Juillet 2012
Pascal lui, egalement dans 1’ile de Huahine, durant la decennie 1990,
s’est pendu, comme la plupart des autres jeunes gens qui se sont donne
la mort, et dont l’auteur de ces lignes avait connu pour partie la vie. Seul
l’un d’entre eux a “mange des medicaments” (‘iui ‘amu ‘o na i te ra’au).
II s’agit de Terii, qui disposait de medicaments parce qu’il souffrait de pro-
blemes de schizophrenic. Contrairement aux autres suicides rencontres,
lui n’avait clairement plus gout a la vie depuis un bon moment.
II y a aussi les femmes, pendues, d’autres jeunes gens : celle de Nor-
bert, qui, lui laissant deux enfants, s’est tori (pendue) a un arbre derriere
leur maison, un soil de brouille avec son mari qui buvait devant la mai-
son
; et celle de Viriamu, qui s’est pendue dans le salon de la maison ou
dormaient leur trois enfants, parce qu’elle ne supportait pas, dit-on, d’etre
trompee. Ces morts de meres de famille interrogent plus encore que celles
d’hommes celibataires, d’hommes sans projet particulier de vie, mais sans
projet particulier de suicide non plus, semble-t-il.
En fait, ce qui parait exterieurement caracteriser ces morts et ces
mortes, a l’exception du cas de Terii, c’est leur absence de projet de suicide. Alors, devrait-on considered avec Christine de La Lande (2007), l’irnpulsivite comme cause, ou au moins trait caracteristique du suicide chez
les natifs de la Polynesie frangaise ? II y a quelque chose de genant a
Tenoned de cette affirmation, meme a titre d’hypothese : comme si les
Polynesiens etaient forcement impulsifs et non pas reflechis, emotifs et non
pas “rationnels”, avec tout ce que cela suppose de possibles interpretations devalorisantes. Pourtant, lorsque l’auteur de ces lignes a pose la
question autour de lui a des Polynesiens de culture, de savoir “pourquoi
les gens se suicident, ici, les Tahitiens ?” (No te aha te ta’ata e ha’apohe
ai id ratou, i ‘5 nei, te ta’ata Tahiti ?), la plupart ont effectivement
repondu, passe l’inventaire des problemes affectifs et famihaux possibles,
3
en faisant reference a l’impulsivite des Tahitiens, irritables, susceptibles
qu’un petit “rien” pourrait pousser a l’extreme, a la violence, a la violence
,
extreme, soudaine.
!
"
'Ua 'ite 'oe, te tahi mau ta'ata Tahiti, e ta'ata riri ha noa ratou, ta'ata 'iria. 'la riri ana'e ratou, e tari ratou ia
ratou".
67
djulletin de la Jodete (lex Stm/es 0icea/ue/i/iCiS
Un petit rien, soit. Mais quel “petit rien” ? Et puis, pourquoi cette vio-
lence extreme retournee contre soi, sans peur, semble-t-il, de la mort,
puisque c’est de cela qu’il s’agit ?
Peur de la mort ?
Pour nombre d’Occidentaux, la vie des Polynesiens est faite de tas de
“petits riens”, au regard des multiples combats que vivent, au quotidien,
les hommes et femmes d’autres societes. En Polynesie, pas de froid, pas
de preoccupations pour la facture de chauffage, pas d’inquietude quant a
l’habillement a renouveler en fonction des saisons. Pas vraiment d’an-
goisse du chomage, pas trop de stress du travail, pas de ciels bas, pas
d’absence de famille, pas de non affiliation religieuse. Tahiti, c’est le paradis, et au paradis, on ne suicide pas. D’autant plus qu’au paradis, en principe, on est deja mort. Nous y reviendrons.
Malgre tout, les “petits riens” des uns et des autres, en Polynesie,
vraiment trois fois rien, pourrait-on croire, s’averent parfois un insupportable rocher de Sisyphe pour ceux qui les affrontent sans jamais avoir
connu ou meme imagine “pire”.
Au rang des causes apparentes du suicide, les difficultes conjugates,
les problemes familiaux et affectifs semblent dominer. C’est a la fois
en
parce que pour les Polynesiens, la famille represente beaucoup,
mais
termes de gratifications comme de contraintes et de deceptions,
aussi parce que les autres “motifs” qui justifieraient 1’acte suicidaire,
n’ont guere de place, de sens dans ces lies. Ils sont vraisemblablement
tres rares les cas de suicide d’un Polynesien accompagnant son geste
d’une lettre exposant ses mauvais resultats scolaires ou sa detresse du
chomeur de longue duree. II en va de meme des crimes et debts qui
conduisent a l’enfermement, un jour, derriere les murs de la prison de
Nuutania, dans 1’ile de Tahiti: si la proportion de condamnes pour des
affaires de mceurs depasse les normes de l’entendement (en comparai-
frangaises), ce n’est pas parce que les Polynesiens
seraient plus portes vers “la chose”, mais parce qu’il y a tout de meme
ou de faux monnayeurs, en
peu de debts fiscaux majeurs, de hold-up
son des normes
68
N°325
-
Avril / Juillet 2012
Polynesie francaise. Ces lies connaissent, en revanche, une serieuse criminalite de proximite, des meurtres entre parents et amis; et aussi
beaucoup de suicides pour une brouille conjugate, pour une “broutille”, pour une dispute avec son pere, une vexation. A defaut d’autres
“raisons valables” de se suicider.
La recurrence des disputes et tensions familiales dans lesquelles
s’inscrivent nombre de suicides en Polynesie peut conduire a l’hypothese
que le suicide y serait tout particulierement un appel lance aux autres,
l’element d’une “communication interpersonnelle”, pour reprendre les
termes de Pierre Morisette (1987), qui lui-meme se base sur les travaux
de Diana et Louis Everstine :
“La representation symbohque d’un suicide reussi est la « mort » ou
la « mort vivante » de la personne qui survit. La personne significative a
le role de celle qui survit mais qui, par symbofisation, a ete assassinee”
(Everstine, 1983:208).
Ce desir de communiquer, de faire parvenir un message, s’avere en
fait un coup severe inflige a l’autre. Pour le punir, pour se venger. La
replique est certes disproportionnee, mais la, le suicide est sur de gagner,
d’avoir le dernier mot. “Te reira ta ‘oe ma’a" : “voila ta ration, voila ce
que tu merites” dira-t-on en langue tahitienne. Une expression qui correspond au frangais “qa t’apprendra!”. Le suicide signifie que maintenant,
l’autre ne l’oubliera plus, qu’il ne pourra plus l’oublier, ou plutot, qu’il
aura desormais une vraie raison de tenter de l’oublier.
Reste a savoir pourquoi retourner contre soi cette violence extreme,
au lieu
d’agresser son pere, sa mere, sa femme, son mari, de percer les
roues de leur
voiture, de mettre le feu a leur maison ou de s’enfuir tres
loin. II est certes difficile de fuguer dans des lies de petite taille, difficile
d’y passer inapercu, de reconstruire clandestinement sa vie. Le suicide
serait-il une forme extreme de l’exil, d’un exil impossible, autrement ?
Mais l’effroi que provoque la pensee de la mort ne devrait-il pas proteger
de telles tentations ? A moins que la mort ne soit pas effroi, pas qu’effroi,
en
Polynesie...
69
4
dbu/letin de /a Sociele des Sletdes &cea/ue/vies
Nous ne faisons pas reference a l’attraction que la mort pent exercer
1
La question est ici de savoir si la mort repredans
des
sente,
l’imaginaire
Polynesiens, le meme espace vide, lugubre,
sur
n’importe quel individu
.
denue de sens, que pour d’autres peuples, et surtout que dans l’Occident
contemporain. Certes, la generalisation est difficile, le “rapport a la mort”
dependant pas simplement de la culture dans laquelle un individu evolue. Ce rapport n’est a l’evidence pas le meme chez l’enfant, l’adolescent,
ne
le jeune adulte, ou chez une personne agee, ou encore un malade en fin
de vie. Mais toutes choses etant egales par ailleurs, il sernble que chez les
Polynesiens, en raison d’un heritage prechretien largement reevalue au
contact d’un christianisme parfois mieux compris qu’on ne le croit, la
mort ne fait pas veritablement peur, et surtout, qu’elle ne represente pas
dans ces lies un non-sens.
Les temps pre-chretiens
Les temps anciens, prechretiens, se caracterisaient par la conception
de la personne comme un esprit incarne dans un corps 5 Du vivant de
.
cette personne, son esprit pouvait
parfois voyager, s’evader dans le po,
l’univers immateriel, l’espace des ancetres et des divinites. C’est le cas de
la fameuse “transe de Ariipaea vahine”, reine de Huahine, qui durant un
mois, voyagea dans l’univers des esprits, d’apres la narration qu’en fait
Teuira Henry dans Tahiti aux temps anciens (1955 : 228-230). La scene
est dite se derouler a un moment ou les Polynesiens savaient qu’existait
une nouvelle
rehgion (le christianisme) mais ne l’avaient pas encore adop-
tee ; cette “transe” peut done etre datee des annees 1805 a 1810. Sans
qu’il soit possible d’en identifier la cause, la reine Ariipaea vahine connut
un etat second proche en tout point de la mort. Durant plusieurs
semaines, son esprit se dissocia de son corps. Il voyagea dans l’au-dela,
4
Esquirol
-
cite par Moron (1999:13)
-
ecrivait, en 1838 :"ll n'est pas d'individu qui n'ait eu des idees de suicide,
et meme le desir de se precipiter lorsqu'il s'est trouve sur un lieu eleve, ou aupres d'une croisee, ou de se noyer
lorsqu'il passaitsurun pont".
5
Nous avons conscience des limites de cette presentation des representations de la personne, dans les temps
anciens, sous Tangle d'un dualisme corps/esprit, alors que la realite etait plus complexe, mettant notamment
en jeu des principes de vie et des forces de croissances, composant la personne.
70
N°325 Avril /Juillet 2012
-
rencontrant nombre de divinites du pantheon polynesien. II s’eprit meme
d’un esprit amant, dans Tile de Ra’iatea. Pendant ce temps, la reine, que
Ton croyait morte, fut pleuree a Hnaliine et son corps transport^ depuis
Fare jusqu’au village voisin, Maeva, au marae (temple) nomme Manunu.
Au moment ou le grand-pretre s’appretait a proceder a ses funerailles, il
eprouva une apparition du dieu Tane lui intimant de ramener le corps de
la reine jusqu’au village de Fare, sur une pirogue. En cours de chemin, un
oiseau blanc
-
‘otu’u
-
dans lequel s’est incarne l’esprit de la reine, vient
se poser sur la
pirogue. L’esprit reprit possession du corps et la reine se
reveilla. Plus tard, en visite dans File voisine, Raiatea, berceau de la rehgion et de l’aristocratie tahitienne, d’oii elle-meme est partieliement originaire, elle reconnaitra les lieux caches qu’elle avait visites avec son
“fiance” del’au-dela. (Teuira Henry, 1955 : 230).
Des incursions sporadiques d’une si longue duree dans le pd, l’uni-
immateriel, sont exceptionnelles. D’ordinaire, les figures du pd communiquent avec les vivants, non par le voyage de l’esprit des vivants dans
le pd, mais par l’intermediaire de leurs reves, par l’inspiration des specialistes {tabu’d), ou la possession de non specialistes {taura, ta’ata uru
hid). Apres la mort, l’esprit s’en allait durablement rejoindre les autres
defunts et l’ensemble des entites divines et spirituelles residant dans le pd.
Le caractere sombre du pd (terme qui designe d’abord la nuit, dans un
sens non religieux) montre qu’il s’agit d’un espace inconnu, mysterieux,
effrayant pour les vivants qui ne le connaissant pas, bien qu’a l’experience,
vers
a la
visite, il s’avere rempli d’ancetres accueillants et de personnes agrea-
bles. Dans les traditions tahitiennes (comme dans “la transe de Ariipaea
vahine”), ce sont souvent les entites du pd qui renvoient vers le ao (l’univers des vivants) les vivants qu’un desordre physique (une sorte de coma,
dans le cas de la reine de Huahine) ou qu’un desordre moral/mental
entrainant le desir de mourir (dans le cas de Pere-i-tai, qui va etre presente ici) ont rapproche du pd un peu trop tot vite.
-
-
L’histoire de Pere-i-tai, la belle princesse de Fa’a’a, dans File de Tahiti,
fait suite dans l’ouvrage de Teuira Henry a celle de la belle Tepua, de
71
(Ral/e/iti tie la dociete de& 6ltit/e,i &cetu>ie/utc&
Hitia’a o te ra, egalement a Tahiti, qui ne se remit pas de l’assassinat de
son amant Ma’iruru, par son mari Ta’arei, et “se laissa tomber dans une
profonde melancolie et mourut peu de temps apres” (Teuira Henry
1951 : 604). Quant a la detresse de Pere-i-tai, la belle princesse de
Fa’a’a, elle etait d’ordre social, et non amoureux. Elle avait ete “exposee
au ridicule devant des etrangeres” (Teuira Henry 1951 : 615) par l’ir-
ruption de son frere Mata’i-rua-puna, venue la chercher alors qu’elle battait des ecorces vegetales pour fabriquer 1’etoffe tapa. Pere-i-tai n’aurait
apparemment pas du etre derangee dans cette activite hautement feminine, la transgression du frere signifiant, au moins, qu’il meconnaissait
les regies de vie dans Tile tres sacree de Raiatea ou tous deux se trouvaient mais dont ils n’etaient pas originaires; voire qu’il ignorait la separation des activites des hommes et des femmes, ce qui pourrait laisser
entendre qu’il entretenait une relation intime avec sa soeur. En consePere-i-tai “se precipita dans un trou noir situe au bord de la
quence,
riviere et qui conduisait au royaume des Tenebres ou se trouvaient
quelques uns de ses ancetres. La voyant disparaitre, son frere s’elanga a
poursuite. Tous deux descendirent verticalement, traversant des etendues bquides et des regions tenebreuses (...) Enfln ils arriverent au Pd,
region des Tenebres ou se tiennent les ames des defunts. Ils y retrouverent leurs ancetres qui leur souhaiterent la bienvenue et ils demeurerent
sa
pendant une annee au cours de laquelle Pere-i-tai reussit a
oubber son grand chagrin (...) A la fin de leur annee de sejour, Pere-i-
avec eux
tai et son frere regurent l’ordre de retourner au monde des vivants; ils
furent conduits a un long tunnel qui debouchait dans la grotte de Manotahi a Tahiti et tout a coup, furent projetes jusqu’a la surface de la mer”
(Teuira Henry 1951: 615-616).
Ainsi, les traditions tahitiennes prechretiennes font-elles etat de
nombre de morts volontaires, de personnes ayant perdu le gout de vivre,
et
pour des raisons souvent affectives, parfois culturelles (ou sociales;
ayant entrame un grand stress). Elies recherchent done un refuge
royaume des defunts, dont on sait qu’il communique
vivants.
72
au
avec l’univers des
N°325
-
Avril /Juillet 2012
Un christianisme bien compris ?
Vinrent au XIX6me siecle les conversions polynesiennes au christia-
nisme, l’apprentissage d’un autre rapport a la vie, a la mort. Les concepts
de pd et de ao evoluent, la divinite supreme est desormais un dieu de
lumiere, le royaume des cieux est eclaire, il ne se confond pas du tout avec
le pd. Certes, les enseignements different selon les Eglises, mais le contact
avec les esprits des defunts est interdit de toutes, meme si l’Eglise catholique, dans laquelle les fideles prient pour leurs morts (contrairement aux
protestants) et demandent parfois a des figures spirituelles d’interceder
pour elles aupres de Dieu, offre une ambigui'te theologique certaine.
Le message de la religion chretienne, c’est a la fois que les fideles ne
communiquent pas avec les morts, mais aussi et surtout que la mort ne
represente pas une fin. Elle est un commencement. Il convient done de
l’accueillir avec espoir, avec joie. En realite, personne en Polynesie fran-
gaise, a notre connaissance, n’affiche vraiment une mine rejouie a un
enterrement, surtout dans le cas d’un suicide ou d’une mort soudaine.
Seuls quelques zeles chretiens tieiment en ces circonstances a faire preuve
d’un comportement “orthodoxe” (conforme a la “doxa”, au discours offi-
ciel) exemplaire, en contenant autant que faire se peut leurs emotions.
Les zeles chretiens, qui n’ont theoriquement pas peur de la mort,
savent bien entendu qu’ils ne doivent pas la rechercher. Mais peut-on aller
plus loin, et penser que la religion chretienne protegerait du suicide, dans
ces lies comme ailleurs ? Theoriquement, oui, puisque le discours chretien
devalorise le suicide. Interroges sur les “raisons du suicide”, nombre de
Polynesiens des miheux populates nous ont ainsi repondu que les gens
qui se suicident “ne croient pas en Dieu” (« 'aita ratou e ti’aturi i te
Atm »). Cela signifie que les suicides ne croient pas suffisamment ou pas
veritablement en Dieu ; faute de quoi, ils auraient trouve dans leur foi et
dans leurs pratiques religieuses communautaires, la force de surmonter
(fa’a’oroma’i) leurs souffrances.
Nous mettrons, sur ce point, un bemol a Taction reconfortante de
Tintegration religieuse, s’agissant particulierement de Taccueil reserve
73
d&ullcti/t d& fa Society cfe& Staefes 0tceamenne&
dans certaines Eglises aux homosexuels, ou plutot, des tourments que le
discours d’un christianisme consemteur, rangeant l’homosexualite au
rang des peches et des attitudes qui deplaisent a Dieu, provoque chez certains chretiens. La religion pousse a l’espoir comme au desespoir. Il sem-
ble que bien rares sont les homines d’Eglise
6
,
qui ont veritablement pris
en compte la souffrance homosexuelle, dans une Polynesie frangaise repu-
tee pour une acceptation relative des homosexuels. C’est sans doute un
motif recurrent, dans nombre de suicides contemporains: non pas l’ho-
mosexualite, mais la souffrance homosexuelle.
Pour les homosexuels comme pour les autres, la mort est un episode
de re-affiliation sociale avec ceux qui s’etaient detoumes d’eux, ceux avec
qui ils s’etaient brouilles. Car un suicide est veille, honore, couronne. Il
arrive que ses proches le blament en raison de son geste (comme il n’a
jamais cesse d’etre blame a propos de tant d’autres gestes beaucoup moins
graves), mais il est pleure. On lui manifeste son affection. Toute la famille
est la, reunie, comme au depart de celui qui s’envole en avion pour un long
voyage. A fa’aitoito i to ‘oe tere !», “Bonne chance dans ton voyage!”:
ces paroles lancees au mort, ces encouragements l’accompagnent, comme
ils accompagnent les vivants qu’on conduit a l’aeroport et qui s’en vont
vers un pays lointain. Dans l’esprit de tous, il est sur qu’un jour, on se
retrouvera. Dans le cas des morts, n’est-il pas dit qu’ils vont au ciel rejoindre Dieu et leurs parents decedes ? Tous ensemble, on pense qu’ils attendent ceux qui viendront plus tard, dans cette deuxieme maison qu’est la
mort, qui reunit toute la famille. Une maison calme, enfin, ou tout le monde
s’entend bien, ou personne ne vocifere. Un endroit presque sympatliique.
«
6
La Communaute du Christ (ex-Eglise Sanito
en
-
ou
Eglise reorganise de Jesus-Christ des Saints des derniers Jours,
Polynesie -) avait organise en septembre 2002 une grande journee de reflexion au sujet de 1'homosexualite,
dans sa congregation de Tarona (Fare'ute, a Papeete). II s'agissait de reflechir a I'ordination a la pretrise (il existe
de nombreux degres de pretrise dans cette Eglise) de personnes connues pour etre homosexuelles; voire, d'organiser des groupes religieux specifiques aux homosexuels, si tel etait leurdesir. Cette reflexion s'integrait dans
le cadre d'une reflexion de I'Eglise mere, aux Etats-Unis, sur ces sujets. Compte tenu de la presence, dans la Communaute du Christ en Polynesie, d'un certain nombre de fideles homosexuels et/ou effemines, assumant plei-
nement leur difference, e'est I'Eglise de Polynesie qui avait ete chargee d'ouvrir la reflexion.
74
N°325 Avril / Juillet 2012
-
Ainsi, parce qu’issus d’une culture traditionnelle dans laquelle les
esprits survivent a la mort, largement remodelee par un christianisme relativisant la douleur de la mort, les originaires de
Polynesie frangaise
seraient-ils parfois enclins, de fagon “impulsive”, a faire le grand saut vers
la vie eternelle, “pour un rien”, sans avoir elabore un reel projet suici-
daire. Cette hypothese permet certes de comprendre le suicide, de le rendre plus acceptable. Elle ne convainc pourtant que pour partie. Elle risque
surtout de deplaire aux tenants du discours anti-Occidental, selon
lequel
ce sont les bouleversements socioculturels nes de 1’acculturation de la
societe polynesienne, qui constitueraient le principal facteur morbide
sous-jacent a nombre de ces suicides; non les valeurs de la tradition, et
encore moins le vecu dans un ordre familial et social traditionnel
polyne-
sien. Car pour certains, les suicides des temps presents manifesteraient
plutot une crise de la societe, de type anomique, pour reprendre le vocabulaire de Durkheim. En matiere de suicide, “ce que l’homme a de caracteristique, c’est que le frein auquel il est soumis n’est pas physique, mais
moral, c’est-a-dire social (...) Seulement, quand la societe est troublee,
que ce soit par une crise douloureuse ou par d’heureuses mais trop soudaines transformations, elle est provisoirement incapable d’exercer cette
action ; et voila d’ou viennent ces brusques ascensions de la courbe des
suicides”, ecrivait Durkheim (1983 : 279-280). En fait, le probleme
majeur avec l’approche du suicide sous Tangle de Tanomie, est qu’on ne
sait pas sur quelle periode cette explication doit etre envisagee, prise en
compte. Durkheim ne paraissait pas Tappliquer a un traumatisme qui
s’etendrait sur deux cents ans, comme Tacculmration occidentale en Polynesie frangaise. Les “brusques ascensions de la courbe des suicides”
concernent chez lui des periodes de quelques annees au plus. Pourrait-
apphquer le concept d’anomie a Tensemble des transformations qiront
Polynesie frangaise depuis qu’elles sont entrees en
contact avec TOccident, marquees par un effondrement demographique
on
connues les ties de la
extreme, la christianisation, la colonisation, le choc economique, social
et culturel des annees I960, puis la fin de la periode d’abondance qui
s’etait mise en place, et la crise actuelle (a la fois identitaire, pohtique,
economique) ? Il serait sans doute fallacieux d’imaginer que tous ces
75
m bulletin dc /a doa'ele des St/tdes 6ceametu>es
changements auraient produit une augmentation des comportements suicidaires, meme si nous n’excluons pas que les conflits de valeurs puissent
devenir chez certains individus des elements de perturbation, des facteurs
de souffrance. La plupart des suicides que nous avons connus ne nous
semblent pas lies a l’anomie de la societe, laquelle conduirait plutot, a nos
yeux, a des comportements a risque (File de Borabora, ou les accidents
de la routes sont si nombreux, causant la mort la mort de bien des jeunes
hommes, nous paraissant devoir, a ce sujet, etre enquetee en priorite).
Pourquoi Pascal et les autres ont-ils voulu tres fort mourir, au point
d’y parvenir ? II est vrai que dans ces lies, si la mort n’est pas forcement
effrayante, elle n’est pas la grande faucheuse qu’on se represente en Occident, squelette errant a la bouche deformee, vetue de noir, assassine. A
Tahiti, la mort est une idee pas absolument derangeante, meme si la diffusion de series televisees americaines comme “Les experts”, “Millenium”
et “Bones”, commence a proposer un regard degoute, degofitant, sur le
devenir des corps morts. Pour le reste, la mort n’est jamais etrangere a la
vie dans ces lies ou chacun assiste depuis son enfance a nombre de veil-
lees funeraires car chacun y a beaucoup de parents. Alors, la mort faisant
vraiment partie de la vie, qui nous dit, en fin de compte, que la vie sera
totalement absente de la mort ?
Notre demiere interrogation, plus scientifique, et aussi plus provoca-
trice, s’adresse aux psychiatres, ou plutot, a la psychiatrie. Les psychiatres,
qui sont des medecins, ont coutume de penser et de dire qu’un suicide ne
survient pas sans annonce, sans signes preambles que l’entourage aurait du
prendre au serieux. En France, aux Etats-Unis, une grande partie des suicides avaient consulte leur medecin, leur psychiatre dans la semaine precedant leur passage a l’acte. Le suicide serait done previsible. II affecterait
particulierement les personnes notoirement deprimees, soignees, “a
risque”. II est possible, mais seule une enquete a la fois sociologique et psychologique pourra l’etablir, que tel ne soit pas toujours le cas en Polynesie
franqaise. Non pas simplement parce que les personnes souffrantes n’ont
du
pas toujours acces a des soins psychologies, en raison de la distance,
tout
76
N°325
-
Avril /Juillet 2012
cout, de la honte sociale, et partant de la, ne sont pas repertoriees comme
des sujets “a risque”. La raison pourrait etre ailleurs : si la mort ne fait pas
vraiment peur aux Polynesiens et si l’impulsivite ou remportement caracterisent les situations de conflits prives, le psychiatre peut-il veritablement
prevoir les suicides a venir ? De toute fagon, personne ne pense que la psychiatrie puisse etre une science exacte. II n’est qu’a voir les querelles d’experis, en matiere de determination de la “responsabilite” d’une personne
accusee de
crime, pour s’en convaincre. Certes, le psychiatre ne se trouve
pas dans la position scientifique de l’historien ou de l’economiste, qui
excellent dans l’analyse des signes “avant coureurs” d’une crise, a poste-
riori, mais echouent voire se refusent a pouvoir predire 1’avenir. Le cas des
suicides en Polynesie frangaise nous parait relativiser plus encore la pretention de la psychiatrie a prevoir le futur des individus. Ceci ne remet pas
utilite, loin de la, mais signifie qu’elle doit peut-etre faire face
ici a des defis particuliers auxquels. Le reconnaitre est sans doute le premier pas a accomplir pour tenter de relever ces delis.
en cause son
Bruno Saura, Universite de la Polynesie frangaise,
Equipe Eastco (Equipe d’accueil Societes traditionnelles
et contemporaines en Oceanie)
Qi
CL
ru
cn
o
CO
Durkheim, Emile (1897, edition originale). Le suicide. Etude desociologie. Paris, Quadrige/Puf, 1983,463 p.
De la Lande de Calan, Christine (2007). Tentative de suicide et impulsivite a Tahiti. Memoire de Master 1
(Paris VIII, IED), 120 p.
Devereux, Georges (1980). De Tangoisse a la methode dans les sciences du comportement. Paris, Flammarion; reedition 1998, Aubier, 474 p.
Durkheim, Emile (1983). Le suicide. Etude desociologie. Paris, Puf/Quadrige, 463 p.
Everstine Diana Sullivan, et Everstine, Louis (1983). People in Crisis: Stategic Therapeutic Interventions. New York, Brunner-Mazel, 258 p.
Henry, Teuira (1951). Tahiti aux temps anciens. Paris, Musee de I'Homme, Societe des Oceanistes, n°1,
722 p. (edition originale 1928. Ancient Tahiti. Honolulu, Bishop Museum, Bulletin n°48,651 p.).
Hiro, Emile Terilero'o (1997)."Huahine,'otei parau-ato'a-hia'o Matalrea", /o Collectif (Academie tahitienne, FareVana'a). Heipuarilll. Papeete, 224 p., pp. 125-141.
Meunier, Alain et Tixier, Gerard (2000). Le grand blues. Faire face a la tentation du suicide chez un jeune.
Paris, Payot, 246 p.
Morisette, Pierre (1987). "Hypothese sur le comportement suicidaire en tant que communication impersome\\e",SantementaleauQuebec, 12/1, pp. 14-19.
Moron, Pierre (1999). Le suicide. Paris, Puf, Que sais-je ? n°1569,127 p.
77
En marge d ’Oceania
Plus de quatre-vingts ans apres la premiere publication en 1931, la
Societe des etudes oceaniennes reedite a Tahiti ce livre devenu mythique,
Oceania, et remet en question les liens entre Memoire et Histoire.
Passons en revue les differentes personnalites a l’origine de ce grand
travail publie a l’occasion de l’Exposition coloniale de 1931.
Les gouverneurs
11 y a d’abord le gouverneur des Etablissements francais d’Oceanie,
Leonce Jore (ne le 21 mai 1882 a Nossi-Be a Madagascar, decede a Vevey,
Suisse, le 29 septembre 1975). Haut-fonctionnaire de l’administration
coloniale et docteur en droit, il est gouverneur par interim au Niger en
1923, au Senegal en 1926, des Efo en 1929, en Nouvelle-Caledonie en
en
1932 (puis en 1938), il est aussi Commissaire general de la Republique
dans l’ocean Pacifique et Haut-commissaire aux Nouvelles-Hebrides.
Selon le pere O’Reilly dans Tahitiens, il “reprend en main le personnel administratif”, cree l’enseignement professionnel, met fin a la
naturalisation automatique des Chinois et retablit l’equilibre budgetaire
de la colonie
-
malgre la crise economique (p. 283).
(doc Carol, Illustration denial 1931)
Q&u/fciin de /a Society des Qltidcx Ocean
Leonce Jore rend hommage a son predecesseur, le gouverneur Gustave
(ne a Toulouse le 15 mars 1870, decede le 31 juillet 1936).
Julien
Son nom est attache a la conquete de Madagascar et a sa curiosite pour
les langues malgaches et arabo-malgaches. Charge de cours sur les
langues et civilisations a l’Ecole coloniale et a l’Ecole des langues orientales, il est nomme en 1915 a la tete des EFO ; il lui adapte son economie
aux necessites de la Grande guerre et est responsable du recrutement des
Poilus tahitiens. Il est a l’origine de la creation, le l janvier 1917 de la
SEO, fondee sur le modele de l’Academie malgache.
er
Le bureau de la SEO
en
Le bureau de la SEO, responsable de l’edition d'Oceania a ete elu
Edouard Ahnne, president, Charles Berard, vice-president, Yves
1930,
Malarde, secretaire-archiviste, F. Auge-Daulle, tresoriere, Rene Bruneau,
conservateur du Musee et bibliothecaire; en 1931 Estelle Bodin est nommee secretaire-bibliothecaire-conservatrice du Musee et Alfred Cabouret,
tresorier (BSEO n°34, 35,40).
Si nous n’avons pas (encore) pu retrouver les traces de Charles Berard ni de Rene Bruneau, les autres membres du bureau de la SEO sont
mieux connus.
Edouard Ahnne (l
er
decembre 1867-7 avril 1945). Arrive a Tahiti
1892 comme missionnaire de la Societe des missions de Paris, directeur de l’Ecole protestante des gargons, elu president de la SEO de
en
1923 a 1945, il est a l’origine de l’edition, en 1928, des manuscrits
de sa tante, Teuira Henry, a Hawaii et auteur de 14 articles dans le
BSEO.
F. Auge-Daulle (1877-1974) arrive a Tahiti en 1925. Institutrice
d’abord, puis fonctionnaire des Postes et de la Sante, elle s’interesse a
la theosophie. Elle publie dans le BSEO le recit d’une excursion au lac
Vaihiria en 1927 et l’un des premiers articles sur la danse tahitienne en
1932.
Alfred Cabouret (1875-1968) arrive a Tahiti vers 1911. Comptable
dans differentes societes neo-zelandaises de la place, il est tresorier de la
SEO de 1931 a 1953.
80
(cliche Koenig)
bulletin de la docictc des Slades- Ocean
Estelle (ou Esthel ?) Bodin (1909- ?) appartient a une grande famille
de Tahiti et remplit entre 1928 et 1933 differentes fonctions dans le bureau de la SEO.
Pour la couverture d 'Oceania, Edouard Ahnne a d’abord fait
appel
peintre Octave Morillot (1878-1931) qui ne donne pas suite a sa demande (PV du 18 novembre 1930) puis a madame Massainoff, dont nous
ne savons pas (encore)
grand chose; son mari, Alexis, propose 1’aide de
au
sa femme lors de la reunion du bureau du 23
janvier 1931 qui choisit le
legendes mangareviennes
en russe,
reprises en francais entre 1931 et 1954 (puis en 2009) dans le
BSEO. Certaines de ses photos dans les lies paraissent en cartes
postales
et il defend l’idee de plantations de tabac en Oceanie et celle de transfertitre de l’ouvrage. II publie en 1927 plusieurs
mer le
Pacifique en lac americain.
Mais que reste-t-il de cette Exposition coloniale a Paris ?
Le Musee permanent des colonies est devenu successivement, en 1931
“Musee des colonies et de la France exterieure”, en 1935 “Musee de la
France d’Outre-Mer”, en I960 “Musee des Arts africains et oceaniens”
puis en 1990 “Musee national des Arts d’Afrique et d’Oceanie” : le MAO
ferme ses portes en 2003 et ses collections enrichissent cedes du nouveau
Musee du quai Branly). Dernier avatar, peut-etre, de ce Palais de la Porte
Doree, d se transforme en 2004 en “Cite nationale de l’histoire de 1’immigration” puis, en 2007, en “Musee de l’histoire de 1’immigration”.
C’est ainsi que se construisent les deux de memoire et d ne subsiste
que quelques vestiges de l’Exposition.
La tapisserie de pierre
La tapisserie de pierre est Fun des derniers ensemble du Palais des
Colonies: ce bas-redef de 1130 m 2 symbole du Gout modeme de 1 ’Art
,
,
moderne et de 1 ’Art deco se deploie sur la fagade et les deux ailes du ba-
timent, d montre les richesses agricoles, minerales et maritimes des colonies et leur apport a la metropole. Il a ete sculpte sur des pierres du
Poitou d’apres des modeles en terre crees par Alfred Jeanniaux, et cette
vision exotique d’une epoque passee peut se voir encore
puisque I’ensemble est classe aux Monuments historiques.
82
aujourd’hui
Koenig)
(cliche
iHuUetifb i{& fa tfocielo de& Etudes Qceamejme&
La partie consacree a l’Oceanie se trouve sur l’aile droite (revers
Est) et les Etablissements frangais de l’Oceanie y sont representes par
leur cinq archipels: les Gambier avec les Tnamotu sont associes a la
plonge, les Marquises et les lies de la Societe a leur production agricole.
Nulle mention n’est faite de Makatea, pourtant la Societe frangaise des
phosphates exportait 251 000 tonnes de phosphates en 1929 !
Une liste chronologique de noms, des croisades a la Hie Republique,
est gravee sur le mur Ouest dediee “aux fils qui ont etendu l’empire de
genie et fait aimer son nom au-dela des rners”. Entre Godefroy de
Bouillon (chef traditionnel de la l croisade et premier souverain du
son
c
royaume de Jerusalem) et Paul Dislere (legislation et administration coloniale), on peut relever pour le Pacifique oriental les noms de Bougain-
ville, de Laperouse, de Dumont d’Urville (pour leurs voyages autour du
monde), celui d’AnnaJavouhey (enseignement et assistance aux colonies)
et de Dupetit-Thouars (Etabhssement a Tahiti).
Les danseuses et la fresque de VIllustration
La revue L’Illustration a consacre en mai 1931 un nurnero special
l’Exposition coloniale, nous avons pu y relever les photos de la fresque
de l’Oceanie et de quelques danseuses tahitiennes...
L’Exposition ferme ses portes le 15 novembre 1931 (500 000 visiteurs ce jour-la! 9 millions depuis le 6 mai), elle est rapidement demontee, ses vestiges disperses dans la capitale et en province.
Aujourd’hui il ne reste guere que le batiment, la statue d’Athena en
casque gaulois qui represente la France coloniale et imperiale pres du
a
metro de la Porte doree... et la reedition d 'Oceania par la S.E.O.
Robert Koenig
84
(doc. Carol, Illustration de mai 1931)
17* Aunt*.
*1'
—
!"■
—
63
Samedi 23 avril 1868.
—
MESSAGER DE TAHITI
Journal Officiel des Etablissements francais de i Oceanic,
PARAISSA5T TOCS LZS SASED15 A 3 UEDP.ES DO BOIR.
Matjjuti 17.
-
IS
K* 17.
IEI
Poor la A bonnes
M©
l
*IP
IS It
If
Malian* raaa 25 eperera 1868.
%
| /am cpnftantj
la Anioacn, i iilrnKr
Imprlmerle du Couccmemenl.
aUfaa
Mc.l«ll(te.
»
li|»f *
M
i
mnvIM u fj.mlla cclilf 4« prixdtla
«•
Inauguration
du phare de Haapape
le 25 avril 1868
Papeete, le 25 avril 1868
Fiat lux etfacta est
«
Le phare est allume »
Le peuple oceanien voit enfin aujourd’hui son magnilique pays dote
d’un phare du a une administration frangaise active et intelligente.
Le 23 avril 1868, le phare de Haapape a ete inaugure en presence de
Mgr Pompallier, eveque d’Auckland.
Une veritable fete avait ete organisee a cette occasion par M. le Commandant Commissaire imperial.
A neuf heures du matin, M. le comte de la Ronciere et ses hotes sor-
taient de l’hotel du gouvernement. Les nombreux invites, formant cortege,
suivaient, les uns en voiture, les autres a cheval.
Un charmant kiosque de verdure, du au bon gout de MM.
Angrand et
Treze, et eleve sur le bord de la mer, oil on jouissait de la plus agreable
fraicheur, recevait les voyageurs et leur faisait oublier une route parcoume
sous un soleil brulant.
N°325 Avril /Juillet 2012
-
Apres la visite au phare, Mgr Pompallier, accompagne d’un pretre de
la mission, a ete visiter [sic] le district. Les enfants catholiques l’avaient
accueilii a sa descente de voiture en chantant un himene.
A midi les convives prirent place autour d’une table somptueusement
servie. Le contentement peint sur tous les visages indiquait assez combien
etait profonde la sympathie de chacun pour le chef de la colonie.
Au dessert, M. le comte de la Ronciere a prononce les paroles sui-
vantes, et porte un toast a la sante de l’Empereur et de son auguste famille.
«
Messieurs,
Si des circonstances independantes de notre volonte ont
retarde l’inauguration de ce phare, je suis d’autant plus heureux
de pouvoir y proceder aujourd’hui, et de vous offrir cette petite
fete, que nous avons parmi nous un eminent compatriote, un respectable prelat qui, depuis plus de trente ans, parle au nom de la
France aux peuples de la Polynesie.
Je remercie Mgr d’Auckland de bien vouloir m’aider a presider cette reunion.
L’inauguration d’un phare, Messieurs, est toujours une fete
qu’on celebre au nom de la civilisation et du progres.
Ici c’est aussi une fete toute nationale, car c’est a une initiative toute frangaise que ce monument est du.
Dans leurs voyages a travers ce vaste Ocean qui nous
entoure, les navires qui viendront le reconnaltre apprecieront ce
bienfait et beniront la France.
Cette securite donnee a la navigation sera, j’espere, aussi
pour cette lie, deja si riche en elements de prosperite, un element
qui ne pourra qu’aider a son developpement agricole,
commercial et moral.
nouveau
Envoyes par l’Empereur pour travailler a cette oeuvre civilisatrice, continuous nos efforts pour nous rendre dignes de notre
mission, dignes du Souverain qui, au miheu de ses graves preoc-
cupations europeennes, donne chaque jour de nouveaux temoignages de la haute protection qu’il etend sur ce pays.
87
(Rul/elin da la tfociete (lex Studex &ceanienne&
Nous boirons, Messieurs, a la sante de 1’Empereur, a celle de
l’lmperatrice, a celle du Prince Imperial.
Vive l’Empereur!»
Cette sante a ete accueillie avec enthousiasme.
M. le chef du service de sante, recemment promu au grade de medecin principal, s’est rendu l’interprete de tous en portant un toast a M. de
la Ronciere.
Mgr Pompallier a remercie la France, dans ses representants, de Tappui qu’il a toujours trouve pres d’eux dans ces mers et de l’accueil bienveillant qui lui a ete fait par le Commandant Commissaire Imperial.
Mile Pompallier a gracieusement remercie les ordonnateurs de la
fete, ajoutant, non sans emotion, que son oncle et elle garderaient le meilleur souvenir des receptions dont ils ont ete l’objet.
On s’est souvenu, non sans regrets, de 1’absence de Mme la comtesse
de la Ronciere, et un toast lui a ete chaleureusement envoye au dela des
mers pour le retablissement de sa sante.
Puis, comme en France tout Unit par des chansons, on a chante et,
qui plus est, on a chante juste.
Tout a une fin ; il fallut songer au retour.
Le depart eut lieu a sept heures du soil
.
Plus de soixante indigenes portant des torches et formant la haie,
pavilion et tambour en tete, reconduisirent le Commandant et ses convives
jusqu’a l’hotel du gouvemement.
Sur la route, les populations des districts saluaient de leurs vivats.
Le phare dont l’inauguration vient d’avoir lieu est du a l’initiative du
comte de la Ronciere, qui l’a, pour ainsi dire, apporte dans ses bagages
en venant de France.
Construit en moellons et coraux, avec angles en pierres de taille, le
phare a 25 metres de hauteur. Son feu, qui est fixe, s’apergoit a quinze milles.
Une magasin et une maison pour deux gardiens competent cet etablissement.
88
On lit au-dessus de sa porte :
CONSTRUCT EN 1867
POMARE IV REINE
T
LE C™ DE LA RONCIERE COMD COMMISSAIRE IMPERIAL
T
M. DE LA TAII.I.F, CAP DU GENIE
M. TR£ZE GARDE
Dessin a la plume de Paul Huguenin, 1904
bulletin do la Jociolo de& &tade& 0iceamc/mes
Periple au pays de l’absurde
II y a tout juste un siecle, sous la plume de Jack London paraissait
“Quand Dieu ricane” (“When God laughs & other short stories”) un
recueil de douze nouvelles. Son auteur y depeint une societe peu amene
emphe de personnages aux destins contraries. On est loin de ses premiers
ouvrages ou il vantait l’amour de la nature, l’exuberance d’une vie aventureuse qu’on decouvre dans “L’appel de la foret”, “Croc-Blanc” ou “Martin Eden” pour ne citer que quelques titres; c’est sans doute qu’on a trop
vite catalogue l’ceuvre de Jack London comme destinee a une jeunesse
conventionnelle, eprise de grands espaces et de neige immaculee. Or Jack
London, petri tres tot par les idees novatrices d’un sociahsme naissant,
aspire a une societe plus egalitaire et surtout plus juste pour les malaimes. Il a lu Marx, a adhere au principe de la revolution mexicaine qui
nait au debut du XXe siecle, et reve d’un chambardement qui reformerait
la societe americaine de son temps 1
.
Sa vie durant Jack London a ete avide de decouvertes et de rencontres
qui vont alimenter la trame de son oeuvre. En 1907 et 1908, il entreprend
Pacifique a bord du Snark, suivant en cela ses predecesseurs Melville et Stevenson. Il fera escale dans l’archipel hawaiien,
2
puis aux Marquises, a Raiatea et a Tahiti Il a bien sur appris cette triste
histoire d’Atimaono survenue une quarantaine d’annees auparavant, la
une croisiere dans le
.
condamnation a mort et l’execution miserable d’un coolie chinois 3 tra,
vailleur parmi d’autres venus de 1’Empire du Miheu pour grappiller un
semblant de vie meilleure sous un ciel plus serein.
1
"Vous avez opprime la classe ouvriere en serrant la vis, maintenant, c'est elle qui vous tient, elle serre a son
tour, et vous poussez de grands cris [...]. Combien de greves avez-vous gagnees en reduisant les ouvriers a la
famine ?" extrait de "Le reve de Debs", 1909.
2
II conte sa relation de voyage "The cruise of the Snark" publie en 1911
-
son commentaire surTahiti de 1907 est
world, inhabited by thieves and robbers and liars,
also by several honest and truthful men and women. Wherefore, because of the blight cast upon Tahiti's wonsans fioritures :"Tahiti is one of the most beautiful spots in the
derful beauty by the spidery human vermin that infest it..."
J
C'est a dessein que j'utilise le vocable /coolie/, litteralement /travailleur agricole/, un terme qui ferait reference
en chinois et en
90
japonais a la souffrance et a la durete du travail.
N°325 Avril /Juillet 2012
-
“Quand Dieu ricane” contient une nouvelle, “The Chinago”, qui nous
concerne a Taliiti. Jack London y relate avec force un fait pitoyable, survenu a Atimaono en 1869, et ne se gene pas pour jeter Topprobre sur Tailtorite coloniale, en particular sur le gendarme assistant aux hautes
oeuvres; London lui prete un discours ou l’absurde le dispute a Titrationnel, c’est la rencontre de deux entites, le boutreau et le condamne a mort,
pareils a deux aimants aux poles discordant.
Ou est Tabjection ? Etait-ce le fait qu’aujourd’hui encore on hesite a
affirmer que Thomme execute n’etait peut-etre pas le vrai coupable ? Etaitce le fait qu’on ait, par respect du sacro-saint principe tantot republicain
tantot imperial, fabrique une guillotine a Taliiti ? Etait-ce le fait que cette
guillotine a d’abord servi a trucider des pores et comble de la deraison...
a trancher des troncs de bananiers qui jamais, au grand jamais, n’ont
commis la moindre faute envers Tespece humaine ? On se retrouve soudain transporte dans la peau d’un personnage de Kafka, en heros absurde
dans une situation extravagante, on est dans “le Proces”
4
.
J’allais oubber de signaler le nom du gendarme assistant aux hautes
oeuvres, en faisant reference a un personnage apprecie de la serie des
“gendarmes” que les amateurs de films comiques connaissent bien : il
s’agit du truculent Cruchot immortalise par Louis de Funes. Cnichot sous
les Tropiques, 5 a ne s’invente pas et cela prete a sourire, meme si on reste
dans le tragique.
Ce fait divers inhabituel s’est ebruite en son temps jusqu’a Paris.
Auguste Vacquerie etait poete, homme de lettres reconnu par ses pairs et
joumaliste a ses heures; il est toutefois reste un auteur quelque peu oublie
aujourd’hui. Or il a ecrit un article plein d’interet sur le sujet Atimaono.
Vacquerie etait un proche de Victor Hugo et son frere, Charles Vacquerie
a laisse un nom dans l’Histoire : il etait Tepoux de Leopoldine fille de Victor Hugo. En 1843, lors d’une balade des jeunes epoux sur la Seine a Villequier, leur barque chavira, Charles et Leopoldine, agee de 19, ans
trouverent la mort. “La moitie de ma vie et de mon cceur etait morte”, dira
4
Franz Kafka, auteur tcheque de culture allernande, etait contemporain de Jack London; il a ecrit "Le proces"
publieen 1925.
91
.4
d&nHelin </(■ ta Jociete dcs &htde& 0cea/ucn/ies
Victor Hugo qui longtemps apres, resta bouleverse par ce drame. On dit
qu’il s’initia au spiritisme afin de dialoguer avec sa chere disparue.
Auguste Vacquerie etait un romantique certes mais sans doute pas un
romantique beat qui noircirait du papier avec le trop plein de son ressentiment. On ne saurait done I’opposer a Jack London, pelerin d’un mieuxvivre, tantot temoin vigilant tantot fougueux acteur dans un monde
tumultueux ou l’humain n’est pas toujours la mesure de toute chose. Leurs
textes sur Atimaono, que nous presentons au lecteur sont complementaires et apportent un eclairage edifiant. Ils donnent a penser, a nous passagers du XXIe siecle, qu’il faut encore et toujours faire mentir ce vieil
adage du dramaturge Plaute, qui hante toujours toute societe humaine :
i’homme est un loup pour 1’homme”. Peu avant Vacquerie et London qui
hausserent le ton de la revolte, e’etait Zola avec Jean Jaures bien seuls a
tenter de sauver le soldat Dreyfus. On a connu aussi Paction de Voltaire
dans l’affaire Calas au milieu du XVIIIe siecle. Ces chantres de la pensee
humaniste ont tous en commun la vision d’un monde ou 1’autre n’est pas
l’envers d’un decor incertain, mais un autre vrai soi-meme. La puissance
du reve humaniste parait sans limite.
Citons pour tenniner, cette epigraphe sibylline que nous livre London
en exergue de son article :
“The coral waxes, the palm grows, but man
departs.”— Tahitian proverb, qu’on pourrait traduire par “le corail croit,
le palmier grandit, mais 1’homme quitte ce monde”.
Ce que London ne nous dit pas e’est qu’il a emprunte cette formule
a Robert-Louis Stevenson dans son ouvrage “In the South Seas”.
Je ne sau-
rais dire ou et sous quelle forme Stevenson a recueilli ce Tahitian proverb ;
peu importe, e’est un hommage a 1’etre Polynesien que d’etre cite par
deux grands auteurs qui toujours invitent au voyage avec delectation.
Constant Guehennec
92
En retard sur
notre civilisation ?
“Void ce qu’a fait a Tai'ti 5 , il y a quelques mois le representant de
l’empire frangais: a la suite d’une rixe entre travailleurs chinois d’une
plantation d’Atimaono dans laquelle rixe un homme avait ete tue, le tribunal criminel de Papeete avait prononce quatre condamnations a mort.
L’enormite de cette peine, qui quadruplait le talion emut l’opinion
publique et Ton essaya d’obtenir du gouverneur qu’il sursTt a l’execution
et qu’il demandat a l’empereur d’user de son droit de grace. Le gouverneur ne voulait pas mais on decouvrit un ancien reglement qui faisait le
sursis et le recours en grace obligatoires lorsqu’ils etaient reclames par
deux membres du conseil d’administration. Il en resultat un conflit entre
le conseil et le gouverneur et compromis: le gouverneur se resigna a laisser vivre trois des Chinois et on lui donna le
quatrieme.
Une parenthese. Ce gouverneur etait M. Emile de La Ronciere
condamne lui-meme autrefois pour attentat sur une jeune fille. Ses amis
disent qu’il etait innocent. J’y consens volontiers, n’etant certes pas de ceux
serait
pour qui condamne est synonyme de coupable. Mais cette iimocence
une aggravation. Si M. de La Ronciere est coupable c’est affreux ce criminel
qui punit; s’il est innocent, c’est pire, cet homme qui ayant eprouve par
s
lui
"Aujourd'hui et demain" par Auguste Vacquerie, chapitre IX Sous I'Empire, pp. 45-48, Michel Levy freres, editeur,
1875, Paris.
Qjulietin de /a Society des Studes &ccan
meme la faillibilite des
un
juges, applique un jugement et, avec cette opiniatrete,
6
jugement irreparable. Vous figurez-vous Lesurques guillotinant!
II s’agissait de guillotiner le Chinois dont le gouverneur avait du se
contenter. Mais ici une difficulty se presenta. Ces lies de l’Oceanie sont tel-
lement en retard sur notre civilisation qu’on n’y avait jamais guillotine personne.
Ceci ne gena pas le gouverneur. Ces insulaires ne savaient pas tuer ?
eh bien, il leur apprendrait. Les lemons de guillotine commencerent aussitot. Il fallut d’abord fabriquer l’instrument, puis on dressa l’echafaud sur
le lieu meme de la rixe et on fit des essais. On guillotina des troncs de
bananiers, des pores et des moutons. Quand le gouverneur fut content de
la maniere dont les tetes tombaient, on lava la machine, on la peignit, on
l’attifa et on convoqua le public. La foule accourue de partout, le patient
fit son entree.
Il y eut un moment de desappointement: on s’etait trompe de Chinois. Celui qu’on avait amene etait un des trois qui avaient un sursis. On
le ramena, mort a moitie mais le gouverneur imperial ne compta pas cela
pour un supplice. Il fallut aller chercher l’autre Chinois a Papeete; comme
on ne l’avait pas prepare a
mourir, un missionnaire eut deux heures pour
le convertir au christianisme. Quand le Chinois fut converti, baptise,
confesse, blanchi, absous, pardonne, on le conduisit a l’echafaud.
Mais lorsqu’on voulut lever le couperet dans la rainure, le couperet
ne bougea pas. On fit effort, il resista, On alia chercher un
charpentier qui
fit lacher prise au bois; mais alors le couperet, contraint a monter, refusa
de redescendre. Les coups de marteaux n’y purent rien. Il ne ceda pas.
Il y a des moments ou Ton croirait que les choses ont une ame et ne
veulent pas participer aux crimes des hommes.
Le charpentier ne suffisant pas, il vint des aides. Ils furent obliges de
demonter la machine, de racier le goudron de la rainure, de donner du
jeu et de remettre tout en place. Cela pris quarante-cinq minutes, pendant
6
Vacquerie se refere sans doute a Joseph Lesurques injustement mele a I'affaire du "Courrier de Lyon", une
diligence attaquee en 1796 dans le sud de Paris. Six hommes furent inculpes pour vol et assassinats et condamnes, trois d'entre eux dont Lesurques furent guillotines. C.6.
94
N°325
-
Avril /Juillet 2012
lesquelles le patient etait la, hagard, brule de fievre, torture, tue vingt fois.
On finit par “reussir”.
Monsieur de La Ronciere a ete remplace. Cela veut-il dire qu’il ne
sera pas
replace ailleurs et qu’on ne le punira pas comme les eveques
punissent les cures qui ont scandalise une paroisse, en leur en livrant une
autre ? La destitution, meme absolue et irrevocable ne suffirait qu’avec la
promesse que cette premiere execution sera la demiere et avec le renversement immediat de cet echafaud si monstrueusement inaugure. Et ce qu’il
faudrait encore, ce serait que l’echafaud ne fut pas renverse seulement la-
bas, mais ici, mais partout et que cette abominable execution obtint sa
grace a elle en rendant le service de tuer le meurtre legal.
La destitution que nous demandons, c’est celle du bourreau.”
Septembre 1869,
Auguste Vacquerie
95
The Chinago
“AH CHO did not understand French 1 He sat in the crowded court.
room, very weary and bored, listening to the unceasing, explosive French
that now one official and now another uttered. It was just so much gabble
to All Cho, and he marvelled at the stupidity of the Frenchmen who took
long to find out the murderer of Chung Ga, and who did not find him
at all. The five hundred coolies on the plantation knew that All San had
done the killing, and here was All San not even arrested. It was true that
all the coolies had agreed secretly not to testify against one another; but
then, it was so simple, the Frenchmen should have been able to discover
that All San was the man. They were very stupid, these Frenchmen.
All Cho had done nothing of which to be afraid. He had had no hand
in the killing. It was true he had been present at it, and Schemmer, the
overseer on the plantation, had rushed into the barracks
immediately afterward and caught him there, along with four or five others; but what of that?
Chung Ga had been stabbed only twice. It stood to reason that five or six
so
men could not inflict two stab-wounds. At the most, if a man had struck
but once, only two men could have done it.
So it was that All Cho reasoned, when he, along with his four com-
panions, had hed and blocked and obfuscated in their statements to the
court concerning what had taken place. They had heard the sounds of the
killing, and, like Schemmer, they had run to the spot. They had got there
'Harper's Monthly Magazine, numero dejuillet 1909.
N°325 Avril / Juillet 2012
-
before Schemmer—that was all. True, Schemmer had testified that,
attracted by the sound of quarrelling as he chanced by, he had stood for
at least five minutes outside; that then, when he entered, he found the prisoners
already inside; and that they had not entered just before, because he
had been standing by the one door to the barracks. But what of that? All
Cho and his four fellow prisoners had testified that Schemmer was mis-
taken. In the end they would be let go. They were all confident of that. Five
men could not have their heads cut off for two stab-wounds.
Besides, no
foreign devil had seen the killing. But these Frenchmen were stupid. In
China, as Ah Cho well knew, the magistrate would order all of them to the
torture and learn the truth. The truth was very easy to learn under torture.
But these Frenchmen did not torture—bigger fools they! Therefore they
would never find out who killed Chung Ga.
But All Cho did not understand everything. The English Company that
owned the plantation had imported into Tahiti, at great expense, the five
hundred coolies. The stockholders were clamoring for dividends, and the
Company had not yet paid any; wherefore the Company did not want its
costly contract laborers to start the practice of killing one another. Also,
there were the French, eager and willing to impose upon the Chinagos the
virtues and excellences of French law. There was nothing hke setting an
example once in a while; and, besides, of what use was New Caledonia
except to send men to five out their days in misery and pain in payment of
the penalty for being frail and human?
Ah Cho did not understand all this. He sat in the court-room and
waited for the baffled judgment that would set him and his comrades free
to go back to the
plantation and work out the terms of their contracts. This
judgment would soon be rendered. Proceedings were drawing to a close.
He could see that. There was no more testifying, no more gabble of
tongues. The French devils were tired, too, and evidently waiting for the
judgment. And as he waited he remembered back in his fife to the time
when he had signed the contract and set sail in the ship for Tahiti. Times
had been hard in his seacoast village, and when he indentured himself to
labor for five years in the South Seas at fifty cents Mexican a day, he had
thought himself fortunate. There were men in his village who toiled a
97
$$,uiletln de la ifacielv des &tude& Gcea/iie/i/ic#
whole year for ten dollars Mexican, and there were women who made nets
all the year round for five dollars, while in the houses of shopkeepers there
were maid servants who received four dollars for a year of service. And
here he was to receive fifty cents a day; for one day, only one day, he was
to receive that princely sum! What if the work were hard? At the end of the
five years he would return home—that was in the contract—and he would
never have to work again. He would be a rich man for life, with a house
of his own, a wife, and children growing up to venerate him. Yes, and back
of the house he would have a small garden, a place of meditation and
in the several
repose, with goldfish in a tiny lakelet, and wind-bells tinkling
trees, and there would be a high wall all around so that his meditation and
repose should be undisturbed.
Well, he had worked out three of those five years. He was already a
wealthy man (in his own country), through his earnings, and only two
on Tahiti and the
years more intervened between the cotton plantation
he
was losing money
now
meditation and repose that awaited him. But just
because of the unfortunate accident of being present at the killing of Chung
Ga. He had lain three weeks in prison, and for each day of those three
weeks he had lost fifty cents. But now the judgment would soon be given
and he would go back to work.
Ah Cho was twenty-two years old. He was happy and good-natured,
and it was easy for him to smile. While his body was slim in the Asiatic way,
his face was rotund. It was round, like the moon, and it irradiated a gende
complacence and a sweet kindliness of spirit that was unusual among his
countrymen. Nor did his looks belie him. He never caused trouble, never
took part in wrangling. He did not gamble. His soul was not harsh enough
for the soul that must belong to a gambler. He was content with little things
and simple pleasures. The hush and quiet in the cool of the day after blazing toil in the cotton field was to him an infinite satisfacdon. He could sit
for hours gazing at a solitary flower and philosophizing about the mysteries
and riddles of being. A blue heron on a dny crescent of sandy beach, a silrose across the lagoon,
very splatter of flying-fish, or a sunset of pearl and
could entrance him to all forgetfulness of the procession of wearisome
days and of the heavy lash of Schemmer.
98
N°325 Avril / Juillet 2012
-
Schemmer, Karl Schemmer, was a brute, a brutish brute. But he
earned his salary. He got the last particle of strength out of the five hundred
slaves; for slaves they were until their term of years was up. Schemmer
worked hard to extract the strength from those five hundred sweating bodies and to transmute it into bales of fluffy cotton ready for export. His dom-
inant, iron-clad, primeval brutishness was what enabled him to effect the
transmutation. Also, he was assisted by a thick leather belt, three inches
wide and a yard in length, with which he always rode and which, on occa-
sion, could come down on the naked back of a stooping coolie with a
report like a pistol-shot. These reports were frequent when Schemmer
rode down the furrowed field.
Once, at the beginning of the first year of contract labor, he had killed
a coolie with a
single blow of his fist. He had not exactly crushed the man’s
head like an egg-shell, but the blow had been sufficient to addle what was
inside, and, after being sick for a week, the man had died. But the Chinese
had not complained to the French devils that ruled over Tahiti. It was their
own lookout. Schemmer was their
problem. They must avoid his wrath as
they avoided the venom of the centipedes that lurked in the grass or crept
into the sleeping-quarters on rainy nights. The Chinagos—such they were
called by the indolent, brown-skinned island folk—saw to it that they did
not displease Schemmer too greatly. This was equivalent to rendering up
to him a full measure of efficient toil. That blow of Schemmer’s fist had
been worth thousands of dollars to the Company, and no trouble ever
came of it to Schemmer.
The French, with no instinct for colonization, futile in their childish
play-game of developing the resources of the island, were only too glad to
see the English Company succeed. What matter of Schemmer and his
redoubtable fist? The Chinago that died? Well, he was only a Chinago.
Besides, he died of a sunstroke, as the doctor’s certificate attested. True,
in all the history of Tahiti no one had ever died of sunstroke. But it was
that, precisely that, winch made the death of this Chinago unique. The doctor said as much in his report. He was very candid. Dividends must be
paid, or else one more failure would be added to the long history of failure
in Tahiti.
99
d&idletuv de, la Society (lex Studex Gceei/u'e/uiex
There was no understanding these white devils. Ah Cho pondered their
inscrutableness as he sat in the court-room waiting the judgment. There
telling what went on at the back of their minds. He had seen a few
of the white devils. They were all alike—the officers and sailors on the ship,
the French officials, the several white men on the plantation, including
Schemmer. Their minds all moved in mysterious ways there was no getting
at. They grew angry without apparent cause, and their anger was always
dangerous. They were like wild beasts at such times. They worried about
little things, and on occasion could outtoil even a Chinago. They were not
temperate as Chinagos were temperate; they were gluttons, eating prodigiously and drinking more prodigiously. A Chinago never knew when an act
would please them or arouse a storm of wrath. A Chinago could never tell.
What pleased one time, the very next time might provoke an outburst of
was no
the white devils that screened
anger. There was a curtain behind the eyes of
the backs of their minds from the Chinago’s gaze. And then, on top of it all,
efficiency of the white devils, that ability to do things, to
make things go, to work results, to bend to their wills all creeping, crawling
things, and the powers of the very elements themselves. Yes, the white men
were strange and wonderful, and they were devils. Look at Schemmer.
Ah Cho wondered why the judgment was so long in forming. Not a
Ah
man on trial had laid hand on Chung Ga. Ah San alone had killed him.
San had done it, bending Chung Ga’s head back with one hand by a grip
of his queue, and with the other hand, from behind, reaching over and
driving the knife into his body. Twice had he driven it in. There in the
court-room, with closed eyes, Ah Cho saw the killing acted over again—
the squabble, the vile words bandied back and forth, the filth and insult
flung upon the venerable ancestors, the curses laid upon unbegotten generations, the leap of An San, the grip of the queue of Chung Ga, the knife
that sank twice into his flesh, the bursting open of the door, the irruption
of Schemmer that drove the rest into the corner, and the firing of the
revolver that brought help to Schemmer. Ah Cho shivered as he lived it
the
over. One blow of the belt had bruised his cheek, taking off some of
skin. Schemmer had pointed to the bruises when, on the witness-stand, he
had identified Ah Cho. It was only just now that the marks had become no
was that terrible
100
N°325
-
Avril / Juillet 2012
longer visible. That had been a blow. Half an inch nearer the centre and it
would have taken out his eye. Then Ah Cho forgot the whole happening in
a vision he
caught of the garden of meditation and repose that would be
his when he returned to his own land.
He sat with impassive face, while the magistrate rendered the judgment. Likewise were the faces of his four companions impassive. And they
remained impassive when the interpreter explained that the five of them
had been found guilty of the murder of Chung Ga, and that All Chow should
have his head cut off, Ah Cho serve twenty years in prison in New Caledo-
nia, Wong Li twelve years, and All Tong ten years. There was no use in get-
ting excited about it. Even All Chow remained expressionless as a mummy,
though it was his head that was to be cut off. The magistrate added a few
words, and the interpreter explained that All Chow’s face having been most
severely bruised by Schemmer’s strap had made his identification so positive that, since one man must die, he might was well be that man. Also,
the fact that All Cho’s face had been severely bruised, conclusively proving
his presence at the murder and his undoubted participation, had merited
him the twenty years of penal servitude. And down to the ten years of Ah
Tong, the proportioned reason for each sentence was explained. Let the
Chinagos take the lesson to heart, the Court said finally, for they must learn
that the law would be fulfilled in Tahiti though the heavens fell.
The live Chinagos were taken back to jail. They were not shocked nor
grieved. The sentences being unexpected was quite what they were accustomed to in their dealings with the white devils. From them a Chinago
rarely expected more than the unexpected. The heavy punishment for a
crime they had not committed was no stranger than the countless strange
things the white devils did. In the several weeks that followed, Ah Cho several times contemplated Ah Chow with mild curiosity. His head was to be
cut off by the guillotine that was being erected on the plantation. For him
there would be no declining years, no gardens of tranquility. Ah Cho philosophized and speculated about life and death. As for himself, he was not
perturbed. Twenty years were merely twenty years. By that much was his
garden removed from him—that was all. He was young, and the patience
of Asia was in his bones. He could wait those twenty years, and by that time
101
bulletin da la tfoc/e/a de& Studes 0icea/ue/i/ies
the heats of his blood would be assuaged and he would be better fitted for
that garden of calm delight. He thought of a name for it; he would call it
The Garden of the Morning Calm. He was made happy all day by the
thought, and he was inspired to devise a moral maxim on the virtue of
patience, which maxim proved a great comfort, especially to Wong Li and
Ah Tong. Ah Chow, however, did not care for the maxim. His head was to
be separated from his body in so short a time that he had no need for
patience to wait for that event. He smoked well, ate well, slept well, and
did not worry about the slow passage of time.
Cruchot was a gendarme. He had seen twenty years of service in the
colonies, from Nigeria and Senegal to the South Seas, and those twenty years
had not perceptibly brightened his dull mind. He was as slow-witted and
stupid as in his peasant days in the south of France. He knew discipline and
fear of authority, and from God down to the sergeant of gendarmes the only
difference to him was the measure of slavish obedience which he rendered.
In point of fact, the sergeant bulked bigger in his mind than God, except on
Sundays when God’s mouthpieces had their say. God was usually very
remote, while the sergeant was ordinarily very close at hand.
Cruchot it was who received the order from the Chief Justice to the
jailer commanding that functionary to deliver over to Cruchot the person
of Ah Chow. Now, it happened that the Chief Justice had given a dinner the
night before to the captain and officers of the French man-of-war. His hand
was shaking when he wrote out the order, and his eyes were aching so
dreadfully that he did not read over the order. It was only a Chinago’s life
he was signing away anyway. So he did not notice that he had omitted the
final letter in Ah Chow’s name. The order read “All Cho,” and, when Cruchot presented the order, the jailer turned over to him the person of Ah
Cho. Cruchot took that person beside him on the seat of a wagon, behind
two mules, and drove away.
Ah Cho was glad to be out in the sunshine. He sat beside the gendarme and beamed. He beamed more ardently than ever when he noted
the mules headed south toward Atimaono. Undoubtedly Schemmer had
sent for him to be brought back. Schemmer wanted him to work. Very
well, he would work well. Schemmer would never have cause to complain.
102
N°325 Avril / Juillet 2012
-
It was a hot day. There had been a
stoppage of the trades. The mules
sweated. But it was Ah Cho that bore the heat with the least concern. He
had toiled three years under that sun on the plantation. He beamed and
beamed with such good nature that even Cruchot’s heavy mind was stirred
to wonderment.
“You are very funny,” he said at last.
All Cho nodded and beamed more ardently. Unlike the
magistrate,
Cruchot spoke to him in the Kanaka tongue, and this, like all the
Chinagos
and all foreign devils, Ah Cho understood.
“You laugh too much,” Cruchot eluded. “One’s heart should be full
of tears on a day like this.”
“I am glad to get out of the jail.”
“Is that all?” The gendarme shrugged his shoulders.
“Is it not enough?” was the retort.
“Then you are not glad to have your head cut off?”
All Cho looked at him in abrupt perplexity and said:
“Why, I am going back to Atimaono to work on the plantation for
Schemmer. Are you not taking me back to Atimaono?”
Cruchot stroked his long mustaches reflectively. “Well, well,” he said,
finally, with a flick of this whip at the off mull, “so you don’t know?”
“Know what?” Ah Cho was beginning to feel a vague alarm. “Won’t
Schemmer let me work for him anymore?”
“Not after to-day.” Cruchot laughed heartily It was a good joke. “You
see, you won’t be able to work after to-day. A man with his head off can’t
work, eh?” He poked the Chinago in the ribs and chuckled.
All Cho maintained silence while the mules trotted a hot mile. Then
he spoke: “Is Schemmer going to cut off my head?”
Cruchot grinned as he nodded.
“It is a mistake,” said All Cho, gravely. “I am not the Chinago that is
to have his head cut off. I am Ah Cho. The honorable judge has determined
that I am to stop twenty years in New Caledonia.”
The gendarme laughed. It was a good joke, this funny Chinago trying
to cheat the
guillotine. The mules trotted through a cocoanut grove and
for half a mile beside the sparkling sea before All Cho spoke again.
103
“I tell you I am not Ah Chow. The honorable judge did not say that my
head was to go off.”
“Don’t be afraid,” said Cruchot, with the philanthropic intention of
making it easier for his prisoner. “It is not difficult to die that way.” He
snapped his fingers. “It is quick—like that. It is not hke hanging on the
end of a rope and kicking and making faces for five minutes. It is hke
killing a chicken with a hatchet. You cut its head off, that is all. And it is
the same with a man. Pouf!—it is over. It doesn’t hurt. You don’t even
think it hurts. You don’t think. Your head is gone, so you cannot think. It
is very good. That is the way I want to die—quick, ah, quick. You are lucky
to die that way. You
a
might get leprosy and fall to pieces slowly, a finger at
time, and now and again a thumb, also the toes. I knew a man who was
burned by hot water. It took him two days to die. You could hear him
yelling a kilometre away. But you? Ah! so easy! Chck!—the knife cuts your
neck like that. It is finished. The knife may even tickle. Who can say?
Nobody who died that way ever came back to say.”
He considered this last an excruciating joke, and permitted himself
to be convulsed with laughter for half a minute. Part of his mirth was
assumed, but he considered it his humane duty to cheer up the Chinago.
“But I tell you I am Ah Cho,” the other persisted. “I don’t want my
head cut off.”
Cruchot scowled. The Chinago was carrying the foolishness too far.
“I am not Ah Chow—” Ah Cho began.
“That will do,” the gendarme interrupted. He puffed up his cheeks
and strove to appear fierce.
“I am not Ah Chow—” Ah Cho began again.
“Shut up!” bawled Cruchot.
After that they rode along in silence. It was twenty miles from Papeete
to Atimaono, and over half the distance as covered by the time the Chinago
again ventured into speech.
“I saw you in the court-room, when the honorable judge sought after
our
guilt,” he began. “Very good. And do you remember that Ah Chow,
whose head is to be cut off—do you remember that he—Ah Chow—was
a tall man? Look at me.”
104
N°325
-
Avril / Juillet 2012
He stood up suddenly, and Cruchot saw that he was a short man. And
just as suddenly Cruchot caught a glimpse of a memory picture of Ah
Chow, and in that picture All Chow was tall. To the gendarme all Chinagos
looked alike. One face was like another. But between tallness and shortness he could
differentiate, and he knew he had the wrong man beside him
on the seat. He pulled up the mules abruptly, so that the pole shot ahead
of them, elevating their collars.
“You see, it was a mistake,” said All Cho, smiling pleasantly.
But Cruchot was thinking. Already he regretted that he had stopped
the wagon. He was unaware of the error of the Chief Justice, and he had
no way of working it out; but he did know that he had been given this
Chinago to take to Atimaono and that it was his duty to take him to Atimaono. What if he was the wrong man and
they cut his head off? It was
only a Chinago when all was said, and what was a Chinago anyway?
Besides, it might not be a mistake. He did not know what went on in
the minds of his superiors. They knew their business best. Who was he
to do their thinking for them? Once, in the long ago, he attempted to
think for them, and the sergeant had said: “Cruchot, you are a fool! The
quicker you know that, the better you will get on. You are not to think;
you are to obey and leave the thinking to your betters.” He smarted
under the recollection. Also, if he turned back to Papeete he would
delay the execution at Atimaono, and if he were wrong in turning back
he would get a reprimand from the sergeant who was waiting for the
prisoner. And, furthermore, he would get a reprimand at Papeete as
well.
He touched the mules with the whip and drove on. He looked at his
watch. He would be half an hour late as it was, and the sergeant was bound
to be angry. He put the mules into a faster trot. The more Ah Cho persisted
in explaining the mistake, the more stubborn Cruchot became. The knowl-
edge that he had the wrong man did not make his temper better. The
knowledge that it was through no mistake of his confirmed him in the
belief that the wrong he was doing was the right. And, rather than incur
the displeasure of the sergeant, he would willingly have assisted a dozen
wrong Chinagos to their doom.
105
uf/ctin dc fa Society dcs Slt/dcA Ocean
As for Ah Cho, after the gendarme had struck him over the head with
the butt of the whip and commanded him in a loud voice to shut up, there
remained nothing for him to do but to shut up. The long ride continued
in silence. All Cho pondered the strange ways of the
was no
foreign devils. There
explaining them. What they were doing with him was of a piece
with everything they did. First they found guilty five innocent men, and next
they cut off the head of the man that they, in their benighted ignorance, had
deemed meritorious of no more than twenty years’ imprisonment. And
there was nothing he could do. He could only sit idly and take what these
lords of life measured out to him. Once, he got in a panic, and the sweat
upon his body turned cold; but he fought his way out of it. He endeavored
to resign himself to his fate by
remembering and repeating certain pas-
sages from the “Yin Chih Wen” (“The Tract of the Quiet Way”); but,
instead, he kept seeing his dream-garden of meditation and repose. This
bothered him, until he abandoned himself to the dream and sat in his
garden listening to the tinkling of the wind-bells in the several trees. And lo!
sitting thus, in the dream, he was able to remember and repeat the passages from the “Tract of the Quiet Way.”
So the time passed nicely until Atimaono was reached and the mules
trotted up to the foot of the scaffold, in the shade of which stood the impadent sergeant. Beneath him on one side he saw assembled all the coolies
of the plantation. Schemmer had decided that the even would be a good
object-lesson, and so had called in the collies from the fields and compelled them to be present. As they caught sight of Ah Cho they gabbled
among themselves in low voices. They saw the mistake; but they kept it to
themselves. The white devils had doubtlessly changed their minds. Instead
of taking the life of one innocent man they were taking the life of another
innocent man. Ah Chow or All Cho—what did it matter which? They could
never understand the white
dogs any more than could the white dogs
understand them. Ah Cho was going to have his head cut off, but they,
when their two remaining years of servitude were up, were going back to
China.
Schemmer had made the guillotine himself. He was a handy man, and
though he had never seen a guillotine, the French officials had explained
106
N°325
the principle to him. It was on his suggestion that
execution to take place at Atimaono instead of at
-
Avril /Juillet 2012
they had ordered the
Papeete. The scene of the
crime, Schemmer had argued, was the best possible place for the punishment, and, in addition, it would have a salutary influence upon the halfthousand Chinagos on the plantation. Schemmer had also volunteered to
act as executioner, and in that
capacity he was now on the scaffold, experwith
the
instrument
he
had made. A banana tree, of the size and
imenting
consistency of a man’s neck, lay under the guillotine. All Cho watched with
fascinated eyes. The German, turning a small crank, hoisted the blade to
the top of the little derrick he had rigged. A jerk on a stout piece of cord
loosed the blade and it dropped with a flash, neatly severing the banana
trunk.
“How does it work?” The sergeant, coming out on top the scaffold,
had asked the question.
“Beautifully,” was Schemmer’s exulting answer. “Let me show you.”
Again he turned the crank that hoisted the blade, jerked the cord, and
sent the blade crashing down on the soft tree. But this time it went no more
than two-thirds of the way through.
The sergeant scowled. “That will not serve,” he said.
Schemmer wiped the sweat from his forehead. “What it needs is more
weight,” he announced. Walking up to the edge of the scaffold, he called
his orders to the blacksmith for a twenty-five-pound piece of iron. As he
stooped over to attach the iron to the broad top of the blade, All Cho
glanced at the sergeant and saw his opportunity.
“The honorable judge said that Ah Chow was to have his head cut
off,” he began.
The sergeant nodded impatiently. He was thinking of the fifteen-mile
ride before him that afternoon, to the windward side of the island, and of
Berthe, the pretty half-caste daughter of Lafiere, the pearl-trader, who was
waiting for him at the end of it.
“Well, I am not Ah Chow. I am All Cho. The honorable jailer has made
a mistake. Ah Chow is a tall man, and you see I am short.”
The sergeant looked at him hastily and saw the mistake. “Schemmer!”
he called, imperatively. “Come here.”
107
bulletin de fa doc/e/e des dtade& Ocean
The German grunted, but remained bent over his task till the chunk
of iron was lashed to his satisfaction. “Is your Chinago ready?” he
demanded.
“Look at him,” was the answer. “Is he the Chinago?”
Schemmer was surprised. He swore tersely for a few seconds, and
looked regretfully across at the thing he had made with his own hands and
which he was eager to see work. “Look here,” he said, finally, “we can’t
postpone this affair. I’ve lost three hours’ work already out of those five
hundred Chinagos. I can’t afford to lose it all over again for the right man.
Let’s put the performance through just the same. It is only a Chinago.”
The sergeant remembered the long ride before him, and the pearltrader’s daugther, and debated with himself.
“They will blame it on Cruchot—if it is discovered,” the German
urged. “But there’s little chance of its being discovered. Ah Chow won’t
give it away, at any rate.”
“The blame won’t lie with Cruchot anyway,” the sergeant said. “It
must have been the jailer’s mistake.”
“Then let’s get on with it. They can’t blame us. Who can tell one Chinago from another? We can say that we merely carried out instructions
with the Chinago that was turned over to us. Besides, I really can’t take all
those coolies a second time away from their labor.”
They spoke in French, and Ah Cho, who did not understand a word
of it, nevertheless knew that they were determining his destiny. He knew,
also, that the decision rested with the sergeant, and he hung upon that official’s bps.
“All right,” announced the sergeant. “Go ahead with it. He is only a
Chinago.”
“I’m going to try it once more, just to make sure.” Schemmer moved
the banana trunk forward under the knife, which he had hosted to the top
of the derrick.
Ah Cho tried to remember maxims from “The Tract of the Quiet Way.”
“Live in concord,” came to him; but it was not applicable. He was not
going to live. He was about to die. No, that would not do. “Forgive malice”—yes, but there was no malice to forgive. Schemmer and the rest were
108
N°325
-
Avril / Juillet 2012
doing this thing without malice. It was to them merely a piece of work that
had to be done, just as clearing the jungle, ditching the water, and planting
cotton were pieces of work that had to be done. Schemmer jerked the
cord, and Ah Cho forgot “The Tract of the Quiet Way.” The knife shot down
with a thud, making a clean slice of the tree.
“Beautiful!” exclaimed the sergeant, pausing in the act of lighting a
cigarette. “Beautiful, my friend.”
Schemmer was pleased at the praise.
“Come on, All Chow,” he said, in the Tahitian tongue.
“But I am not Ah Chow—” Ah Cho began.
“Shut up!” was the answer. “If you open your mouth again I’ll break
your head.”
The overseer threatened him with a clenched fist, and he remained
silent. What was the good of protesting? Those foreign devils always had
their way. He allowed himself to be lashed to the vertical board that was
the size of his body. Schemmer drew the buckles tight—so tight that the
straps cut into his flesh and hurt. But he did not complain. The hurt would
not last long. He felt the board tilting over in the air toward the horizontal,
and closed his eyes. And at that moment he caught a last glimpse of his
garden of meditation and repose. It seemed to him that he sat in the garden. A cool wind was blowing, and the bells in the several trees were tinkling softly. Also, birds were making sleepy noises, and from beyond the
high wall came the subdued sound of village life.
Then he was aware that the board had come to rest, and from muscular
pressures and tensions he knew that he was lying on his back. He opened
his eyes. Straight above him he saw the suspended knife blazing in the sunshine. He saw the weight which had been added and noted that one of
Schemmer’s knots had slipped. Then he heard the sergeant’s voice in sharp
command. All Cho closed his eyes hastily. He did not want to see that knife
descend. But he felt it—for one great fleeting instant. And in that instant he
remembered Cruchot and what Cruchot had said. But Cruchot was wrong.
The knife did not tickle. That much he knew before he ceased to know.”
Jack London
109
Bosmel)
Hommage
a Gilles Artur
1928
-
2003
On pouvait estimer Gilles Artur, pour sa tranquillite et son serieux.
II etait moins flamboyant que son associe Freddy Drilhon, plus joumaliste
de metier que lui, qui avait travaille a Tahiti pour le RDPT et Pouvana'a a
0‘opa, et etait l’auteur d’un roman polynesien agreable que personne ne
cite jamais, pourquoi on ne sait. Ils ont tous les deux eu des fins tristes,
Gilles Arthur d’un cancer.
Pour Drilhon c’est plus complique. II vivait a Noumea et au Vanuatu
avec une demoiselle
Rolland, de Port Vila. II 1’abandonnera pour une jour-
naliste suisse fort connue, Katarina von Arxt. Le couple avait elu domicile
dans un ancien monastere, mais comme la dame etait lancee dans une
carriere journalistique de toute premiere importance et se sentant ecrase,
Drillion est parti se refugier dans le bien de sa mere, un manoir en Ecosse
adosse a une usine de whisky. On le retrouvera un jour dans la neige, ivre
et mort de froid au cours de la nuit. II a moins souffert que Gilles Artur.
Ils s’etaient associes a plusieurs pour une expedition chez les Big
Nambas, au nord-ouest de Malekula, le peintre Michel Lablais, qui a rapporte une moisson de croquis et d’aquarelles, Drillion et sa compagne,
et lui, se partageant le travail la ou Jean Guiart venait de passer tout seul
cinq mois d’une enquete ethnologique classique, naviguant tranquillement
d’un village a l’autre. Ils etaient venus pour la periode ceremonielle et
ont vu, et enregistre, des evenements dont l’ethnologue n’avais qu’une
connaissance intellectuelle. Leur photographies et leur film l’interessaient.
II pouvait commenter utilement des choses dont eux ne savaient rien et
Drilhon, dans l’ouvrage qu’il a ecrit, dit d’enormes betises qu’il aurait
evite en laissant relire le manuscrit. Mais les gens sont comme qa. Leur
vanite est trop forte pour imaginer qu’on pourrait leur rendre service en
Jean-Clude
(photo
N°325 Avril / Juillet 2012
-
Ies relisant. Dans tous les cas, il avait promis a Artur qu’ils ecriraient l’ouvrage et monteraient le film ensemble. Il n’en a rien ete et Artur s’est senti
trahi. Drilhon voulait tirer seul le profit de
et, en definitive,
l’operation
en
verite, ce profit etait financierement trop mince a l’epoque pour le par-
tager. Drillton n’avait pas de genie et cela se voyait en le lisant et en ecoutant son commentaire d’un
film muet. Il nous servait les platitudes
habituelles des conferenciers de la salle Pleyel
Le pere Patrick O’Reilly voyait tout cela de loin. Il connaissait la fa-
mille de Gilles Artur, de la grande bourgeoisie catholique nantaise. Son
pere possedait le journal qui est devenu Ouest-France. Comme il ne s’etait
pas saborde en 1942, a l’occupation afiemande de la zone Sud, dite zone
fibre, son journal sera requisitionne a la liberation. Il y aura un proces,
le delegue CGT des employes du journal viendra temoigner en faveur du
grand bourgeois, mais l’eveque de Nantes Ini refusera un temoignage en
sa faveur. Il perdra le proces et le journal sera
repris par une autre equipe
issue du Mouvement Republicain Populaire.
Le pere O’Reilly considera qu'il y avait eu la une grande injustice.
Pour cette raison, il presentera la candidature de Gilles Artur pour etre
le conservateur du musee Gauguin qu’il venait de faire construire et
d’inaugurer, grace a la fondation Singer-Polignac. Un musee Gauguin sans
Gauguins, il fallait etre le pere pour y avoir pense. Artur reussira bien.
Son intelligence et son esprit de suite feront merveille.
Le 15 juin 1965, lors de l’inauguration du Musee Gauguin, cree par
la Fondation Singer-Polignac au jardin botanique de Papeari, Gilles Artur
en est nomme officiellement conservateur.
Specialiste de l’oeuvre de Gauguin, il enrichit la bibliotheque du
Musee, cree l’Atelier des tropiques pour y accueillir les artistes et l’association des Amis du Musee Gauguin, et developpe le mecenat. Il fonde les
editions Avant et Apres puis la librairie du Vaima.
Gilles Artur incarne le Musee Gauguin pendant 33 ans, jusqu’en
1998, organisant expositions, concerts et conferences qui drainent un
vaste public. A son depart, cette institution entrera dans une regrettable
periode de desherence culturelle.
Jean Guiart et Robert Koenig
111
Societe des Etudes Oceaniennes
ASSEMBLEE GENERALE DU 23 FEVRIER 2012
Bilan Moral 2012
Chers membres de la Societe des Etudes Oceaniennes, permettez-moi
d’abord de vous adresser les bons voeux de votre Conseil d’administration
fait de la conjoncture
pour cette annee 2012 qui s’annonce inquietante du
economique difficile qui secoue le Pays depuis quelques mois deja. Voici
succinctement le bilan moral de l’annee ecoulee.
Le Bulletin
La S.E.O. a publie trois bulletins en 2011:
Le BSEO N°321, sorti en debut juillet, conceme les articles presentes par : Vaki Gleizal sur « La mission d’Edouard Raoul en 1887 » ;
Constant Guehennec sur le « Voyage en Oceanie dans le temps missionnaire » ; Jean-Louis Candelot sur les « Ancres, poids de peche ou ex-voto
de tortue ? » ; Daniel Margueron sur
«
Pierre, Andre et Vahine
»
; Jean-
Marc Pambrun sur le « Mauvais traitement de la tradition orale en ethno-
Hommage a Jean-Marc
Pambrun et quelques reactions dans 1’ Espace Debat.
Le BSEO N°322, sorti en mi-septembre, parle essentiellement d’un
logie
»
; Eliane Hallais Noble-Demay en
«
»
recit de voyage sur la Manureva d’Yvonne de Harven, agremente d’un
entretien entre le fils de cette demiere et notre secretaire Michel Bailleul,
qui a prepare ce numero. Le compte de tresorerie 2010 presente dans
ce
l’objet d’un rectificatif dans le numero suivant, suite a un
decalage de ligne dans la presentation de la colonne des recedes.
numero a fait
Le BSEO N°323, sorti avant Noel, a ete prepare par le Comite de lecture et par le Comite de redaction nouvellement mis en place et anime par
collegues Robert Koenig et Christian Beslu. II porte essentiellement sur
Me’eti’a, l’ile mysterieuse », un article de l’ethnologue Frederic Torrente.
nos
«
N°325 Avril /Juillet 2012
-
On y trouve aussi dans ce numero le portrait du coUectionneur Remy Car-
bayol, par Christian Beslu et un compte rendu d’ouvrage de Julie Gueguen.
La parution de nos bulletins fait l’objet habituellement d’une mediatisation par une conference de presse, des interviews radiophoniques ou
televisuelles, par publication sur notre site web et sur notre page Facebook, nouvellement creee.
II s’est avere malheureusement que les frais d’envoi du Bulletin en
dehors de la Polynesie frangaise sont tres importants, ce qui amene
aujourd’hui le C.A. a vous proposer de reviser les tarifs d’abonnement: 56
euros pour la France et l’Outre-Mer
frangais et 72 euros pour les autres pays.
Les Salons
Nous avons ete presents a trois Salons en 2011: Paris, salon tenu par
la presidente Simone Grand, Papeete et Raiatea. Les Salons locaux nous
ont ete benefiques, malgre la crise qui touche le Pays. Nous avons en effet
depasse les ventes de l’annee demiere. Lors de ces Salons, nous avons egalement pu obtenir des nouvelles adhesions et des renouvellements d’adliesion. Le Salon de Raiatea, qui a ete tenu par notre tresorier adjoint Daniel
Margueron, s’est revele une vraie surprise en terme de recette. A cette
occasion, il a ete possible de distribuer le flyer nouvellement edite pour
promouvoir la Societe. Ce document, qui sera reactualise regulierement,
sera envoye a nos adherents avec le prochain BSEO et sera egalement disponible au secretariat pour le public. Outre les Salons, la S.E.O. a ete presente a certaines manifestations locales ou elle a pu vendre quelques
en Outre-Mer (ECOLPOM) en
ouvrages: Colloque Pluribngue sur l’Ecole
mi-novembre ; Journee du ‘Uru (Seminaire Matari’i) en fin novembre ;
Premiere exposition philatelique de Polynesie frangaise en decembre ou
notre ami et grand collectionneur Christian Beslu tenait un stand; il a bien
voulu accepter de presenter quelques BSEO, a cette occasion.
Le C.A. est favorable par principe a une participation aux Salons
metropolitains, meme s’ils n’apportent pas beaucoup de recettes, car c’est
une bonne tribune pour le rayonnement de la Societe. Mais, il reste vigilant
engagement definitif par rapport aux parametres organisationnels et notamment vis-a-vis de notre interface qui est 1’A.E.T.I.
sur notre
113
bulletin </e /a Societe des Slades Oceanicanes
Le Conseil d’administration
Comme vous avez pu le constater dans nos bulletins, le C.A. a ete
recompose en juin, suite a la demission de la presidente Simone Grand.
Il a siege a plusieurs reprises au cours d’annee pour debattre diverses
questions relatives a la marche de la Societe, parfois en formation Comite
de lecture, Comite de redaction ou Comite salon. Il a notamment debattu
de la necessite de reviser les prix de nos publications. Il a desormais ete
institue des prix differents pour les non-adherents, qui sont apphcables a
partir de janvier 2012, afin de chercher a equilibrer notre budget, d’une
part, et de donner un sens a l’opposition
«
adherent et non-adherent »,
d’autre part.
Le C.A. a egalement decide de convoquer les membres en Assemblee
generate extraordinaire (A.G.E) cette annee afin de proceder a quelques
modifications de nos statuts.
Il a decide en outre d’accepter la presence de quelques membres, a
titre d’observateurs, lors de ses reunions en C.A. ou en Comite de lecture,
afin de les interesser au fonctionnement de la Societe et de les encourager
a
s’impliquer ensuite en tant qu’administrateur.
Representation de la S.E.O. dans d’autres structures
La S.E.O. est representee dans ces trois structures:
Conseil d’administration du Musee de Tahiti et des des Fare Manaha,
-
par Robert Koenig et Yves Babin ;
Au Conseil d’administration de l’Association des Editeurs de Tahiti et
des lies (A.E.T.I.), par Yves Babin ;
A la Commission des sites et monuments naturels, par Eliane Hallais
Noble-Demay.
Autres
Il est a souligner que la S.E.O. a recrute une nouvelle secretaire,
avril 2011, en la personne de Tetuanuimarurau Raufauore
dite Tetuanui, suite au retour de Malia Latalo a Wallis et Futuna. Les
depuis le l
er
administrateurs sont unanimes a reconnaitre les qualites professionnelles et humaines de madame Raufauore, qui s’acquitte de ses missions
114
N°325
-
Avril /Juillet 2012
consciencieusement. Elle participe par ailleurs au suivi de la comptabilite
de la Societe, suivant les consignes instituees par le president. Compte tenu
des heures supplementaires effectuees et justifiees par ces consignes, le
C.A. a decide en consequence d’augmenter ses heures de travail hebdo-
madaire de 5 heures, soit une heure de plus par jour, passant desormais
a un horaire de
8h-12h, du lundi au vendredi.
Par ailleurs, il convient de remercier le Pays qui heberge gracieusement la S.E.O. dans le batiment du Service des Archives, ainsi que chef de
ce service et ses
eux. Nous
agents pour les bons rapports que nous entretenons avec
regrettons certes le depart de l'ancien chef de service, Pierre
Morillon, une figure emblematique, qui a pris sa retraite en fin d’annee.
Mais nous sommes heureux de la prise de fonction de son remplagant,
Jean-Francois Cauvin, qui a accepte de relever le defi de restructurer la
nouvelle entite, le SPAA (Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel), suite au regroupement de certains services decide par le gouvemement. Il nous a deja fait part de ses propositions pour harmoniser nos
actions, notamment pour l’accueil du public. D’autres changements vont
probablement intervenir rapidement dans nos habitudes pour accompagner les mesures envisagees afin d’optimiser l’occupation de l’espace...
La S.E.O. se trouve deja au 4™ etage depuis le l fevrier.
ie
cr
Enfln, votre C.A. s’efforce de finir la presente mandature en remplissant les missions de la Societe tout en esperant que la baisse de nos recettes
s’aggraver davantage. Il espere fortement par ailleurs que d’autres
membres vont se porter volontaires pour rejoindre le C.A., qui sera renoune va pas
vele l’annee prochaine. Une demarche de sensibilisation en ce sens a ete
effectuee, notamment aupres de certains membres afin de faire baisser la
moyenne d’age des membres de votre Conseil d’administration.
Tel est le bilan moral que nous soumettons a votre approbation.
Le president
Fasan CHONG ditjean Kape
115
Societe des Etudes Oceaniennes
Budget Previsionnel 2012
approuve par l'assemblee generate du 23 fevrier 2012
En banque au 31/12/11
CCP
57 029
BP
1 750 562
Recettes
Defenses
i
450 000
Report au 31/12/11
1807 591
Fonctionnement
Cotisations
1000 000
Salaire + cods CPS
1 500 000
900 000
Livres/bibliotheque
Livres/boutique
50 000
Salon du livre/Paris
30 000
Salon Paris
310 000
60 000
Salon St. Malo
30 000
Salon Raiatea
120 000
Salon Papeete
50 000
Salon Taravao
70 000
Salon Raiatea
40 000
Salon Papara
60 000
Salon Taravao
15 000
Salon Mahina
60 000
Salon Papara
15 000
Salon Moorea
60 000
Salon Mahina
15 000
Autres salons
40 000
Salon Moorea
20 000
Subventions
1200 000
Autres salons
20 000
Dons
1200 000
BSEO 324
700 000
BSEO 325
700 000
Ventes directes
Ventes en librairies
Salon Papeete
1 355 000
BSEO 326
Total
8 242 mi ;i
50 000
700 000
Reed. T. Jaussen
1 300 000
Reed. Oceania
710 000
Representation
Imprevu
Provisions (a reporter)
30 000
Total
10 000
1 807 591
8 242 591
Le president, le tresorier
116
N°325
-
Avril /Juillet 2012
697
971
6
Total
624
194
7
o
Total
I
697
971
6
624
194
7
Total
117
Societe des Etudes Oceaniennes
Assemblee Generale Ordinaire
Le 23 FEVRIER 2012
L’Assemblee generale de la Societe des Etudes Oceaniennes est
ouverte le jeudi 23 fevrier a 14 heures 30 dans la grande salle de conferences du Service du Patrimoine
archivistique et audiovisuel a Papeete,
vallee de Tipaerui.
Elle est presidee par Monsieur Fasan CHONG, dit Jean KAPE, president.
II y a 20 presents et 14 procurations.
Le quorum de !4 des membres de la SEO residant a Tahiti, soit 24,5
membres sur 98 cotisants a jour de leur cotisation, est atteint; T Assemblee
peut en consequence se tenir et debattre valablement.
Apres les mots d’accueil du President, Fordre du jour est approuve.
Le proces verbal de la precedente Assemblee Generale n’a fait l’objet,
jusqu’a ce jour, d’aucune remarque. II est approuve.
Presentation du rapport moral 2011 par Monsieur le President
Annexe au present compte rendu.
II est projete sur le mur et lu par Madame Eliane Noble-Demay.
Monsieur Blanchard regrette la non-annonce du depart de la Presi-
dente a la demiere Assemblee generale. II remercie l’actuel President pour
avoir ramene la serenite.
Le rapport est approuve a l’unanimite et quitus accorde.
Presentation du rapport financier
Les deux tableaux sont annexes au present compte rendu.
1) Presentation du compte de tresorerie par Yves Babin, tresorier.
Quelques explications sont donnees par le President, notamment sur
la presentation adoptee, avec moins de lignes.
118
N°325 Avril / Juillet 2012
-
Interventions:
-
Monsieur Petard: la baisse des ventes en librairie va-t-elle continuer ?
Reponse du tresorier: tous les libraires ont de grosses difficultes. Sur
le fond, il faudrait trouver une nouvelle demarche de marketing.
-
Monsieur Bossuet: a comm recemment la SEO grace a ses contacts
philateliques avec Christian Beslu. Pour lui, nos bulletins ne sont
pas visibles en librairie. Il demande des precisions sur le cout des
salons.
Reponse du tresorier : ce n’est pas faute d’avoir souvent insiste sur
ce point aupres des libraires. Quant aux salons, Il est necessaire de
reduire les couts; pour celui de Paris et celui de Saint-Malo, ce sont des
membres du CA qui maintenant font coincider un voyage personnel en
metropole avec cette manifestation pour nous y representer.
-
Monsieur Blanchard: s’inquiete de la diminution de notre tresorerie. Il est tres critique sur le choix de presentation de notre compte
financier (qui, en particulier, ne prend pas en compte nos stocks)
Le compte et le quitus sont approuves a l’unanimite.
2) Presentation du budget previsionnel pour 2012 par Yves Babin,
tresorier.
Interventions:
-
Monsieur Blanchard : Il estime que la prevision de recettes est
insincere, car les subventions et les dons ne sont pas assures. Il ne
faudrait pas les inscrire, mais mandater le bureau pour en chercher. Il faut aussi bien faire la difference entre mecenat et partenariat. Il faudrait voir a faire reconnaitre la SEO comme une
institution d’utilite pubhque.
-Monsieur Ellacott: croyait qu’on l’etait deja. Ce serait une
demarche a lancer le plus tot possible, en profitant de la tendance
actuelle « pro-culture ».
-
Monsieur Raust: cette reconnaissance n’est pas difficile a obtenir,
mais l’interet n’est pas evident.
-
Monsieur le President precise que sans l’inscription de ces hgnes
dons et subventions, on ne peut rien faire.
119
O&u/letwj de !a iSociete* de& Strides Oceaniennea
-
Monsieur Raust: est d’accord; il faut inscrire une subvention pour
pouvoir la demander.
-
Monsieur Constant Guehennec : on pourrait en demander a la
mairie de Papeete.
-
Monsieur Bossuet: avons-nous deja touche des subventions ? Pas
depuis tres longtemps! Et avons-nous regu des dons ? Il y a longtemps. Pour lui, compter sur des dons futurs, c’est compter avec
de la monnaie de singe.
-
Monsieur Blanchard revient sur la presentation des chiffres: une
autre presentation ferait apparaitre une situation moins inquietante.
Le budget previsionnel est approuve par 30 voix. Il y a 4 abstentions.
Resolutions
•
Modification des tarifs d’abonnement et des modes de paiement hors
territoire (a cause des frais postaux et des frais de banque exorbitants):
5 000 FCFP pour la Polynesie (sans changement),
56 € pour France et COM,
72 € pour les autres destinations.
Approbation a Punanimite.
Questions diverses
•
Renouvellement des membres du Conseil d’administration en
2013 : il est urgent d’interesser des membres de notre association dans le
sens d’un
•
rajeunissement des«instances dirigeantes »...
Conferences: une societe savante se doit de se faire connaitre.
Monsieur Blanchard suggere de faire rentrer la SEO dans un ensem-
ble d’associations qui donnent des conferences, telles Venus 2012, Pros-
cience, et d’associer notre nom dans les annonces. Monsieur Petard
suggere de nous associer a l’exposition sur Formose.
Plus rien n’etant a l’ordre du jour, le President remercie les presents;
la seance est levee a 16 h 10.
Le President, le secretaire
120
Status de la Societe des Etudes Oceaniennes
(Modification du 23 fevrier 2012 )
Blits ET COMPOSITION DE LA SOCIETE
XlTRE I
Article 1
ER
: L’association dite “Societe des
Etudes Oceaniennes” qui
resulte de la transformation de la “Societe d’Etudes Oceaniennes” institute
par arrete du ler janvier 1917, a pour buts:
de grouper les personnes s’interessant a l’etude de toutes les ques-
tions se rattachant a l’anthropologie, l’ethnographie, la philosophie,
les sciences naturelles, l’archeologie, l’histoire, aux institutions,
mceurs, coutumes et traditions de la Polynesie;
de reunir et de conserver les documents susceptibles de favoriser
-
ces
etudes;
de faciliter les echanges de vues par des reunions;
-
-
-
d’organiser des conferences, expositions;
de publier un organe periodique appele Bulletin de la Societe des
Etudes Oceaniennes.
Sa duree est illimitee. Son siege social est a Papeete.
Elle est regie par la loi du ler juillet 1901 et par les presents statuts.
Article 2 : La Societe se compose :
-
-
-
-
de membres d’honneur,
de membres titulaires,
de membres correspondants,
et de membres a vie.
Le Conseil d’administration peut conferer la qualite de membre d’honneur aux personnes dont le
patronage est susceptible de contribuer au
le buUetin
gratuitement.
prestige de la Societe et a son succes; ils regoivent
les
conditions
ceux
Les membres titulaires sont
qui remplissent
d’admission et versent a la Societe une cotisation annuelle dont le montant
est fixe ainsi qu’il est precise ci-apres.
121
6
dSid/eliri dv la Joc/ete dvx &tude& 0icea/nc/mcdi
Les membres correspondaiits sont choisis sur
presentation des mempersonnes et organismes residant hors du Pays, pouvant aider aux recherches
entreprises, foumir des
ouvrir
des
renseignements utiles,
enquetes, procurer des documents, en
un mot, aider de
quelque fagon que ce soit a la prosperite de la Societe.
Le statut de membre titulaire
s’acquiert en souscrivant par un bulletin
d’adhesion et se renouvelle par le paiement de la cotisation.
Quand l’adhesion intervient en cours d’annee le nouveau membre
regoit les Bulletins
edites depuis le ler janvier de l’annee en cours.
La qualite de membre a vie est
conferee, apres avis du Conseil d’adaux
d’au
ministration,
moins 65 ans, qui auront verse une
membres, ages
somme
importante d’au moins 100.000 cfp. Les societaires ayant acquis
bres du Conseil d’administration, panni les
la qualite de membre a vie avant 2012 conservent cet
Article 3 : La qualite de membre se
-
-
-
avantage.
perd :
par la demission ou le deces,
par le non-paiement de la cotisation,
par la radiation motivee prononcee par le Conseil d’administration.
Les membres demissionnaires ou radies ne
aucun remboursement des sommes versees
peuvent pretendre a
par eux pour cotisation ou
don. Ils ne pourront etre admis a nouveau au sein de l’association
qu’apres decision du Conseil d’administration.
Titre II
Administration & Fonctionnement
Article 4 : La Societe est administree
par un Conseil d’administration
compose au plus de 14 administrateurs qui elisent en leur sein :
-
-
-
-
-
-
-
122
un
un
un
president,
vice-president,
secretaire,
un
secretaire-adjoint,
un
tresorier,
un
tresorier-adjoint,
8 administrateurs au plus.
N°325
-
Avril / Juillet 2012
Les administrateurs sont elus par l’Assemblee generale pour 3 ans.
Les candidats au Conseil d’administration devront etre membres de
la Societe depuis au moins un an et faire acte de candidature par ecrit,
aupres du president, au moins 14 jours avant la date de l’Assemblee generale qui doit proceder au renouvellement du Conseil d’administration.
Le president represente la Societe en justice et dans tous les actes de
la vie civile : il doit jouir du plein exercice de ses droits civils.
II peut se faire representer par un membre du Conseil d’administradon pour un ou plusieurs objets determines.
Toutes les fonctions de membre du Conseil d’administration sont gratuites.
Article 5 : Le Conseil d’administration se reunit au moins quatre fois
la
par an et chaque fois qu’il est convoque par son president ou sur
demande de la moitie des membres.
La presence de la moitie des membres du Conseil d’administration
est necessaire pour la validation des deliberations.
La qualite de membre du Conseil d’administration se perd au bout de
trois absences consecutives sans fournir de procuration.
Pour remplacer un administrateur ayant perdu sa qualite, le Conseil
d’administration peut pourvoir a son remplacement, par vote parmi les
adherents, a la majorite simple. Le mandat du nouvel administrateur prendra fin en meme temps que ceux qui sont en cours de mandature.
Les deliberations sont prises a la majorite des voix des membres presents et/ou represents, la voix du president etant preponderate.
Il est tenu proces-verbal de chaque seance : redige par le secretaire
ou le secretaire de seance, il est signe par le president apres accord des
membres du Conseil d’administration lors de la seance suivante.
Article 6 : Le Conseil d’administration est investi des pouvoirs les
plus etendus pour faire ou autoriser tous actes et operations concemant
la Societe et qui ne sont pas reserves a l’Assemblee generale.
Article 7 : L’Assemblee generale se compose des membres d’honau moins 21 jours
neur, titulaires et a vie de la Societe. Elle est convoquee
123
uHelin da la Jocieta de& Stade& 0tceamc/mcs
a l’avance
par voie de presse, par courriel, par telecopie et par site web.
L’Assemblee generale se reunit chaque annee au cours du premier trimes-
tre, aux jours, heure et beu indiques dans l’avis de convocation du president ou de la moitie des membres du Conseil d’administration.
-
L’Assemblee generale, pour deliberer valablement, doit
comprendre au moins le quart des societaires residant a Tahiti. Si cette
condition n’est pas remplie, l’assemblee est convoquee a nouveau
1 semaine plus tard dans les formes
prescrites aux presents statuts,
sans condition de
-
quorum.
Elle est presidee par le president ou le
vice-president ou a defaut
par un membre du Conseil d’administration delegue par lui. Les
fonctions de secretaire sont remplies par le secretaire du Conseil
d’administration ou a defaut par un membre de l’assemblee designe par le president.
-
L’ordre du jour est arrete par le Conseil d’administration. II
inscrit que des propositions emanant de lui et celles
n’y est
qui lui ont ete
adressees quinze jours au moins avant la date de la reunion.
Article 8 : Pour l’election du Conseil d’administration, le vote en
assemblee generale a lieu a scrutin secret uninominal, a la
des voix des membres presents ou representes, le vote
majorite simple
par procuration
nominale etant admis. Chaque membre present ne peut
porter que 3
(trois) procurations.
Article 9 : L’Assemblee generale ordinaire entend le
rapport du pre-
sident et du tresorier sur leur gestion et sur tous les autres
-
-
-
-
objets.
approuve ou redresse les comptes de l’exercice clos le 31 decernbre precedent.
vote le
budget de l’exercice suivant qui lui est soumis.
fixe le montant des cotisations.
autorise toutes acquisitions d’immeubles et meubles necessaires a
l’accompfissement des buts de la Societe, tous echanges et ventes
de ces meubles et immeubles ainsi que toutes constitutions
d’hyet
tous
potheques
emprunts.
124
N°325 Avril / Juillet 2012
-
-
d’une maniere generate, elle delibere sur toutes les propositions
portees a l’ordre du jour touchant au diveloppement de la Sociiti
et a la gestion de ses interets.
-
ces deliberations doivent etre
prises a la majorite simple des voix
des membres presents et representes.
Article 9 : Les deliberations des assemblies font l’objet d’un
procesverbal signe par les membres du Conseil d’administration. Ce proces-ver-
bal constate le nombre des membres presents ou
representes aux
assemblies ordinaires et extraordinaires.
Les copies ou extraits de ces proces-verbaux sont signis par le pri-
sident et le secretaire de la siance.
Titre III
Dotations & Ressources annuei i.es
Article 11: Les ressources de la Sociiti se composent:
-
-
-
-
-
-
des cotisations de ses membres,
des subventions qui peuvent etre accordies,
des dons,
des ressources criies a titre exceptionnel,
des produits du micinat et partenariat,
de la publiciti.
Le president est chargi de radministration flnanciere de la Sociiti et
ordonnance les dipenses.
Article 12 : II est tenu au jour le jour une comptabiliti deniers pour
recettes et pour dipenses et s’il y a lieu une comptabiliti-matiere.
Article 13 : Le fonds de reserve comprend les iconomies rialisies
sur les ressources annuelles et
qui auraient iti porties au fonds de reserve
en vertu d’une dilibiration de l’assemblie
ginirale ordinaire.
La Sociiti est dipositaire des biens et collections qu’elle ditient
actuellement comme de tous ceux qui pourront Ini ichoir dans l’avenir.
125
bulletin de la Society de& St des
it
ceamcfi/ies
En cas de dissolution, la
bibliotheque, comme les biens et les colleclegs au
profit de la Polynesie frangaise. Apres acceptation, le Pays affectera la
bibliotheque au service du patrimoine archivistique et audiovisuel ‘Te piha
tions dont elle est proprietaire, seront remis a titre de dons ou de
faufa’a tupuna’ et les biens et les collections au Musee de Tahiti et des lies
‘Te fare Manaha’.
Titre IV
Modifications de Statuts et Dissolution
Article 14 : Les statuts ne peuvent etre modifies
que sur la proposi-
tion du Conseil d’administration ou de la moitie des membres titulaires
qui en saisissent le president.
L’Assemblee extraordinaire specialement convoquee a cet effet ne
peut modifier les statuts qu’a la majorite du 1/4 des membres titulaires
residant en Polynesie frangaise.
Si cette condition n’est pas satisfaite, l’Assemblee est
nouveau au moins 1 semaine
convoquee de
plus tard et cette fois, elle peut valablement
deliberer quelque soit le nombre des membres
Article 15 : L’Assemblee
presents.
generate extraordinaire appelee a se proconvoquee specialement a cet
noncer sur une dissolution de la Societe est
effet et doit comprendre les 3/4 des membres de la Societe a
cotisation. La dissolution ne peut etre decidee
jour de la
qu’a la majorite des 3/4 des
membres presents ou representes. Si la condition de
quorum n’est pas
remplie le Conseil d’administration de la Societe saisit le tribunal de
Papeete competent pour statuer sur cette demande de dissolution.
Le President, le secretaire
126
Societe des Etudes Oceaniennes
Assemblee Generale Extraordinaire
Le 23 FEVRIER 2012
L’Assemblee
generale extraordinaire de la Societe des Etudes
Oceaniennes est ouverte le jeudi 23 fevrier a 16 heures 10, a la suite
immediate de l’Assemblee generale ordinaire, dans la grande salle de
conferences du Service du Patrimoine archivistique et audiovisuel a
Papeete, vallee de Tipaerui.
Elle est presidee par Monsieur Fasan CHONG, dit Jean RAPE,
president.
II y a 18 presents et 15 procurations.
Le quorum de 14 des membres de la SEO residant a Tahiti, soit 24,5
membres sur 98 cotisants a jour de leur cotisation, est atteint.
Le President Jean Rape expose la raison de cette AG extraordinaire.
II s’agit de faire quelques modifications dans nos statuts. Le texte est
projete au mur et commente. Apres debat, des modifications ont ete
apportees aux articles 2, 3, 4, 5, 7, 8,11 et 13.
Le texte avec les modifications est annexe a ce compte-rendu.
II est demande trois modifications par rapport aux textes proposes:
-
ramener a 3 le nombre de
un membre
-
procurations pouvant etre detenues par
present a l’AG ;
dans les recettes, remplacer « sponsoring » par « partenariat et
mecenat» ;
-
dans les recettes egalement, ajouter « publicite ».
Compte-tenu de ces trois
remarques, les modifications sont
approuvees a l’unanimite.
Le President remercie les membres presents; la seance est levee a
16 heures 40.
Le President, le secretaire
127
Publications de la Societe des Etudes Oceaniennes
Prix reserve aux membres, en vente au siege de la Societe/Service du
•
patrimoine archivistique et de I'audiovisuel
Dictionnaire de la langue tahitienne
Tepano Jaussen (ll tme edition)
•
Mgr Dordilion (3
•
imc
edition)
J.Frank Stimson et Donald S. Marshall
Mangareva Dictionary
Edward Tregear
•
Etat de la societe tahitienne a l’arrivee des
Journal de James Morrison, second maitre a bord de la
20 €
2 000 FCP
20 €
2 000 FCP
20 €
1 000 FCP
10 €
2 000 FCP
20 €
1 200 FCP
13 €
Bounty
Traduction Bertrand Jaunez
Chefs et notables au temps du Protectorat (1842-1880)
Raoul Teissier
•
2 000 FCP
Europeens
Edmond de Bovis
•
17 €
A Dictionary of some Tuaniotuan dialects
•
•
2 000 FCP
Dictionnaire de la langue marquisienne
Genealogies commentees des arii des lies de la Societe
Mai’arii Cadousteau
1 500 FCP
15 €
•
Papatumu Archeologie
1 200 FCP
13 €
•
Les Etablissements francais d’Oceanie en 1885
1 200 FCP
13 €
•
Tranche de vie a Moruroa
2 200 FCP
20 €
2 000 FCP
20 €
2 500 FCP
24 €
1 500 FCP
15 €
1 500 FCP
15 €
-
(numero special 1885-1985)
Christian Beslu
•
Naufrage
a
Okaro, epopee de la corvette Alcmene (1848-1851)
Christian Beslu
•
Les ages de la vie
•
Tahiti au temps de la reine Pomare
•
Tahiti 40,
-
Tahiti & Hawai’i aux temps anciens
Douglas Oliver
Patrick O’Reilly
Emile de Curton
•
Collection des numeros disponibles
des Bulletins de la S.E.O.:
Anciens numeros du BSEO, nous consulter
•
Omai, ambassadeur du Pacifique
E. H. Mac Cormick
•
1 000 FCP
9€
Dictionnaire reo api
Pierre Montillier
•
200 000 FCP 1676 €
Oceania
-
Legendes et recits polynesiens
Tout envoi postal comprend des frais de port, nous consulter.
5 000 FCP
2 200 FCP
25 €
Le Bulletin de la Societe des Etudes Oceaniennes
Le Bulletin de la Societe des Etudes oceaniennes
(B.S.E.O.)
parait depuis mars 1917.
Le Bureau de la Societe
accepte les articles qui paraissent
dans son Bulletin mais cela n’implique pas qu’il
epouse les theories
qui y sont ou qu’il fasse siens les commentaires et assertions
des auteurs qui, seuls, en prennent toute la
responsabilite.
Aux lecteurs de former leur appreciation.
Le Bulletin ne fait pas de publicite.
Le Bureau
Les articles publies dans le B.S.E.O., exceptes ceux dont I'auteur a reserve ses droits,
peuvent etre
traduits et reproduits, a la condition expresse que I'origine (n°, date et
et I'auteur soient mentionnes.
pages)
Pour toute communication relative a la Societe ou a son
Bulletin,
sadresser au President de la S.E.O.,
B.P. 110 98713 Papeete, Tahiti
,
Pour tout achat de Bulletins
,
Polynesie francaise.
echange ou donation de livres,
-
s’adresser au siege de la Societe.
Le B.S.E.O. est envoye gratuitement it tous les membres de la Societe.
Cotisation pour l’an 2012 :
membres residents en Polynesie frangaise: 5 000 F. CFP
membres residents en France metropolitaine et Dom-Tom : 42 € plus frais de port.
Reglement: mandat ou virement postal. Autres pays: 70 $ US par transfert bancaire
N° ISSN: 0373-8957
Imprime a Tahiti par I’imprimerie STP Multipress
Mise en page: Backstage
All sommaire de ce NUMERO : Gauguin et la Polynesie, line
legende ancienne et un nouveau musee aux lies Marquises, une
reflexion sur le suicide et sur la guillotine de Papeari, une presentation de Pan an as et le rappel de l’inauguration du phare de
la pointe Venus en 1868 ainsi que les nouveaux statuts de la S.E.O,
N° ISSN: 0373-8957
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 325