B987352101_PFP3_2011_322.pdf
- Texte
-
Societe
Fondee
LE
1 er
do Service des Archives de
B.P. 110,
•
e-mail:
98713
Oceaniennes
Etudes
des
JANVIER
Polynesie franqaise, Tipaerui
Papeete, Polynesie frangaise
seo@archives.gov.pf
•
1917
•
Tel. 41 96 03
-
web : etudes-oceaniennes.com
Fax 41 96 04
•
web
Banque de Polynesie, compte n°12149 06744 19472002015
CCP Papeete, compte n°14168 00001 8348508J068 78
Composition
du
M. Fasan Chong
:
seo.pf
63
Conseil d'Administration 2011
dit
President
Jean Kape
Vice-President
M. Constant Guehennec
Secretaire
M. Michel Bailleul
Mme Moetu Coulon-Tonarelli
Secretaire-adjointe
Tresorier
M. Yves Babin
Tresorier-adjoint
M. Daniel Margueron
Administrateurs
M. Christian Beslu
Mme Eliane Hallais Noble-Demay
M. Robert Koenig
Membres Correspondants
M. Bernard Salvat
*
M. Darrell! Tryon
Membre d'Honneur
M. Raymond Vanaga Pietri
Bulletin
de la Societe
des Etudes oceaniennes
(Polynesie orientale)
N°322 -Mai/Aout 2011
Sommaire
Avant-propos
Jean Kape
p.
Le voyage de la Manureva
-
Michel Bailleul
du voyage
Chronologie
4
Presentation du texte
p.
7
p.
12
p.
14
Le voyage de la Manureva
Transcription et mise en forme : Michel et Edwige Bailleul
Yvonne de Harven
Interview de Francis Moeava
Peltier, le fils d’Yvonne
et
Charly
Michel Bailleul
p. 140
Espace Debat
Reflexions.
..
sur
la SEO et son devenir
Michel Bailleul
A
propos.
..
p. 159
du Voyage en Oceanie dans le temps missionnaire,
: pp. 21-44
paru dans le BSEO n°321
Simone Grand
Compte-rendu
de TAssemblee
p. 162
generale
p. 166
Bilan Moral 2010 de la SEO
Simone Grand
p-
169
Compte de tresorerie 2010
p. 173
Budget previsionnel 2011
P-174
Avant-propos
Chers membres, chers lecteurs, chers amis,
premier avant-propos de
Bulletin
plume, je
presidents qui ont
oeuvre et permis a notre Societe une longevite remarquable, presque centenaire aujourd’hui. Et plus particulierement aux trois demiers, que j’ai
eu le privilege de cotoyer : le regrette Paul Moortgat, Robert Koenig et
Pour
ce
voudrais d’abord rendre
hommage
a
notre
tous
sous ma
les anciens
Simone Grand.
derniere, le 17 juin 2011, le Conseil
d’administration s’est trouve dans 1’obligation de revoir sa composition
avec le reste de l’equipe. C’est ainsi que le C.A. du 21 juin m’a designe
pour succeder a Simone Grand et Constant Guehennec comme vice-president. L’equipe que j’ai desormais la charge d’animer pendant un an et
Suite
a
la demission de cette
pour modeste ambition de terminer la mandature en
serenite et de respecter nos obligations. Elle s’efforcera aussi
demi
a
cours avec
d’apporter
amenagements dans la gestion pour limiter, voire gommer les
deviances qui ont contribue a engendrer des tensions, prejudiciables au
certains
bon fonctionnement et
Etant
mesure
a
l’image
pris par de multiples obligations ailleurs
mes
en
binome pour falre ce travail. Ce comite
seront proposes et les soumettra a l’avis du
les textes qui
recevra
nous
un
forme du Bulletin pour l’edition. Je tiens
remercier ici Robert Koenig et Christian Beslu, deux des plus
comite de lecture avant la mise
anciens
nouveau
4
pas
personnellement la confection de nos Bulletins, comme
predecesseurs, j’ai propose au C.A. de mettre en place un
comite de redaction anime par
a
et n’etant
d’assurer
le faisaient
done
de la Societe.
en
administrateurs, d’avoir bien voulu accepter de
comite.
se
charger de
ce
II serait souhaitable d’inciter certains membres
a
participer
aux
du comite de
lecture, afin de les familiariser avec la vie de la
Societe, dans l’espoir de les voir un jour rejoindre le Conseil d’administration. Des membres plus jeunes venant sieger au C.A., vu la
moyenne
d’age actuelle tres elevee et preoccupante, verraient que la Societe n’est
pas un cercle esoterique ni inaccessible.
travaux
prochain Conseil d’administration se penchera sans doute sur
l’opportunite ou non de la revision de nos statuts pour clarifier, assouplir
Le
ou
instituer certains
points.
Nous tiendrons
nos
membres informes.
Je voudrais par ailleurs adresser ici nos remerciements a notre
collegue et secretaire, Michel Bailleul, qui a bien voulu accepter de preparer ce BSEO n°322, consacre pour l’essentiel au passionnant recit de
voyage de madame Yvonne de Harven aux lies Australes en 1938, a bord
de la goelette Manureva. Vous y trouverez aussi le proces-verbal de
l’assemblee
generate ordinaire, du 17 juin 2011, avec notamment le bilan
de l’exercice ecoule et le budget previsionnel de l’annee.
Bonne
lecture,
‘la
na!
ora
Le
Fasan
Chong
president,
dit Jean Rape
5
Le voyage de la Manureva
aux
du 28
lies Australes
septembre
au
4 novembre 1938
par
Yvonne de Harven
Transcription et raise en forme
Michel et Edwige Bailleul
:
Presentation
Le texte
Harven. II
a
sur
lequel
ete remis a
nous avons
pour auteur Yvonne de
pour etre transmis a la Societe des
travaille
Robert Koenig,
a
Etudes Oceaniennes, par Francis Moeava Peltier, fils de l’auteur (Yvonne
Montreal 1992) et de son compagnon Charly
de Harven, Alger 1903
(Charles Peltier, Alger 1911 Montreal 1999).
-
-
bulletin da la docieta des 6/ude.t Ocewui’/mas
II
compose de 54 feuilles A4.
se
bord de la
goelette Manureva
dont la transcription avec une machine a ecrire a ete arretee a un peu plus
C’est
un
texte ecrit
essentiellement
a
,
de la moitie.
II
decompose en :
36 pages dactylographies;
65pages, plus !4 de page, manuscrites;
6 pages Va de croquis et de photos.
Toutes ces pages sont des photocopies.
se
-
-
-
Les feuilles sont maintenues par
une
rehure
a
spirales.
dactylographies presentent parfois quelques difficultes de
lecture et quelques lacunes. La moitie inferieure de la page 32 est manusLes pages
crite, de la meme
contre
ecriture que les autres pages manuscrites. Celles-ci par
lisent aisement.
se
Nous
avons
vite remarque,
qui
en ce
conceme
la
partie dactylogra-
phiee:
que celle-ci recele des fautes d’orthographe qui ne sont pas du fait
de l’auteur. (Ces fautes n’apparaissent pas dans la partie manuscrite, ce
-
qui
ne
veut pas dire
qu’il n’y a aucune faute.)
que celui qui avait commence la transcription dactylographique
(il s’agit, selon F.M. Peltier, de Charly, son pere) n’avait pas toujours respecte 1’orthographe des noms propres adoptee par l’auteur.
-
«'i» pour les lettres u,
les entend. Un «h» est intercale quand deux voyelles se sui-
L’auteur ecrit
e, i telles
qu’il
vent mais
se
Nous
-
Les
prononcent separement
avons
noms
-
qu’on
Les
de lieux
:
les connait
«e» et
(exemple:
fait les choix suivants
noms communs
-
de personnes.
8
«ou»,
«Moherai'» pour Moerai).
:
dans le texte presente ici,
ces noms
apparai-
aujourd’hui.
d’origine tahitienne (plantes, objets d’artisaen
etc) apparaitront italique tels que l’auteur les a orthographies.
L’orthographe de 1’auteur est egalement respectee pour les noms
tront tels
nat,
systematiquement
N°322-Mai/Aout 2011
Le
-
nom
orthographie
de la
goelette, qui apparait a presque toutes les pages,
«Manoureva». Francis Moeava Peltier
d’ecrire Manureva. (Yvonne de Harven pensait
tains si
son
texte venait a etre
qui parfois
ne
nous a
des lecteurs
demande
metropoli-
publie.)
Nous n’avons pas respecte
-
a
systematiquement les passages a la ligne
s’imposent pas.
Ce voyage se deroule du 28 septembre au 4 novembre 1938.
L’auteur ne donne pas toujours l’indication de la date. Nous
du texte
jour le jour,
decoupage
complete (meme si l’auteur ne l’a pas fait),
opte pour
Nous
est
un
avons ete
confrontes
au
a une
ce
avec
qui
avons
mention de la date
«aere»
difficulte dans la
la lecture.
chronologie.
Des
le troisieme jour, la narratrice commence a se tromper : 30 octobre au
lieu de 30 septembre. Les 2 et 3 octobre, elle ecrit septembre ; elle fait
octobre. Ce n’est que le 29 octobre (a la fin
du voyage) que le comptage des jours reprend correctement. Le 31 octobre, Yvonne de Harven ecrit: « je passe presque toute cette journee a
suivre le 3
septembre par le 3
completer les notes que j’ai prises au cours du voyage ». Nous pensons
qu’il y a peut-etre deux erreurs: celle de l’auteur, mais aussi celle du
transcripteur dans la partie dactylographiee qui correspond au debut du
voyage.
Cette narration est d’un
C’est d’abord
rares a
mais
grand interet.
recit« d ‘aventures
touristiques».
Les touristes sont
epoque. On n’a aucune indication de son statut
devine dans ce couple une certaine aisance financiere.
Tahiti
on
un
a
cette
social,
jeunes personnes (Charly a 27 ans, Yvonne 35), Frangais epris de pittoresque et d'aventures, fraichement debarques en
Oceanie ». Ils ne precisent pas depuis combien de temps ils sont arrives
Ce sont de
«
Tahiti par le navire « Gommissaire Ramel ». Ils ont eu le temps de
faire connaissance avec le microcosme. Ils sont avertis que la Mission
Protestante va entreprendre une tournee d’environ un mois aux lies Ausa
trales. C’est
une
occasion
vetements ordinaires
(ils
unique,
et
ils
regretteront de
avec
quelques
emmene
des effets
s’embarquent,
ne
pas avoir
9
i
bulletin de
/a
tfoc/c/e
de&
Studcs Otcca/nen/ies
plus distingues), des provisions (la nourriture n’est pas comprise dans le
prix du voyage), des cadeaux (en particulier des cigarettes), de l’argent
et un tout petit chien, Bobby, recueilli dans la me a Papeete (et introduit a
bord clandestinement).
plaisant. Yvonne de Harven note tout. Sa vision europeenne
populations est souvent a connotation coloniale (par exemple : Raivavae, lie lointaine, tres sauvage... »), mais elle
sait prendre du recul et nuancer ses jugements. Elle est globalement ravie
C’est
un
recit
«
des lies et de leurs
»
«
de
ses
encore
contacts avec
les gens de
ces
repandu tous ses bienfaits...
lies oil
ou ses
«
la civilisation
»
n’a pas
mefaits.
Elle brosse le portrait des notables qu’elle cotoie : l’administrateur
Frederic Ahnne (« fils d’un instituteur missionnaire, assumant actuelledu gouverneur, Monsieur de Gery, la fonction de conseiller
(il s’agit de Edouard Ahnne), l’agent de police Hoffman a Tubuai,
ment aupres
prive
Natapu, le grand juge de Rurutu, madame Lucette Maitere, institutrice et
infirmiere a Rimatara, et aussi de toutes les petites gens qui animent son
»
quotidien,
oublier
sans
Mais avant tout,
l’equipage avec le capitaine Nee.
ce
voyage est
une
tournee du
la tete d’une
pasteur Vernier
delegation protestante.
Montelimar, 1966),
premiere est de maintenir et de renforcer les liens entre la direction de l’Eglise a Taliiti et les paroisses eloignees
(Papeete, 1883
Ce voyage
a
-
a
trois finalites. La
des Australes. La seconde est d’aller installer dans leurs nouvelles fonctions deux pasteurs
serviront
Papeete.
a
De
installer
ce
a
Rurutu. La troisieme est de recolter les fonds
La narratrice observe
populations.
monsieur
par
Elle
ne
1’emprise
de la
porte pas vraiment de
Vernier, mais
on
devine dans
ses
religion protestante
sur
jugement, par respect
notes
qu’elle
a
les
pour
n’en pense pas
periple n’est qu’une succession de cultes et de tamaaraa donen l’honneur de la delegation ; les cultes ont lieu jusqu’a quatre fois
jour, se prolongent tard dans la nuit. Elle est a la fois admirative et
moins:
nes
qui
canalisation d’eau dans l’ecole des pasteurs
dernier point de vue, ce sera un voyage reussi.
une
ce
scandalisee devant la ferveur irreflechie des fideles reunis dans les
tern-
pies ou dans les salles de chants. Elle ne manque pas parfois de souligner
l’hypocrisie des situations (ainsi quand monsieur Vernier demande a
10
N°322
-
Mai /Aout 2011
Charly de ne pas descendre a terre a Rurutu en short, pour ne pas choquer la population ! Ou encore, lorsqu’apercevant des nuages annonciateurs de
enfin
se
vent, le pasteur improvise
avancer
le bateau
en
panne
un
culte
au
large
bord pour prier Dieu de faire
de Maiao... a noter qu’il ne
a
-
passerarien!).
Nos deux voyageurs seront, selon les mots memes de monsieur
Vernier « gaves au maximum de nourriture et de cubes ».
Ils
garderont un souvenir enchante des paysages insulaires et des
relations humaines qu’ils ont nouees au fil de ces 38 jours.
II est dommage que les notes ne decrivent pas l’arrivee a Tahiti...
Nous
avons
Francis Moeava
Moorea et lui
a
finalise
cette
publication apres
Peltier, realise
Martinique...
et
une
tres
avoir
pris contact avec
interessante interview, moi a
la
Michel Bailleul
Les
photos
du
Voyage
de la Manureva sont de Charles Peltier
(Charly).
11
bulletin
c/c /a
ifocicJe
c/e,t
Sfccc/e,c 0ivea/ue/i/ie&
Voyage de la Manureva
Annee
1938, du 28 septembre
au
4 novembre
Chronologie
Les dates
au
en
italique gras sont celles de T auteur, qui correspondent
calendrier de 1938.
Les autres mots en
italique sont les indications
Les autres dates sont les dates rectifiees
de T auteur
reconstitutes.
ou
Depart de Tahiti le mercredi 28 septembre (remorquage)
jeudi 29 septembre : en face de Tahiti
vendredi 30 septembre : idem
samedi ler octobre : vent (tempete) vers
10 heures
dimanche 2 octobre : fin de la tempete
lundi 3 octobre: en mer
mardi 4 octobre
: en mer
mercredi 5 octobre
jeudi 6 octobre
:
: en vue
arrivee
a
de Raivavae le soir
Raivavae
Le lendemain vendredi 7 octobre
Le lendemain samedi 8 octobre
: a
Raivavae
depart de
:
Raivavae /
tingue Tubuai le soir
Lorsque nous nous reveillons dimanche 9 octobre:
bien la vegetation de Tubuai / soir: remorquage puis
en mer
on
dis-
distinguons tres
nous
vent
/
-
passe
-
debar-
quement
Le pasteur vient
nous
chercher a 6hl/2 lundi 10 octobre
: a
Tubuai
Tubuai: mariage d’Hoflman / depart
Assez bonne nuit mercredi 12 octobre : arrivee a Rurutu (l4h)
Le lendemain jeudi 13 octobre : a Rurutu visite des maisons de Moerai
Le lendemain mardi 11 octobre:
a
-
Le lendemain vendredi 14 octobre
Le lendemain samedi 15 octobre
retour a Moerai
dimanche 16 octobre
12
: a
Rurutu
: a
: a
Rurutu
Rurutu
-
-
Auti
visite des maisons d’Auti
-
N°322
lundi 17 octobre
Rurutu
: a
mardi 18 octobre
: a
Rurutu
-
-
visite des maisons d’Avera
20 octobre
jeudi
vendredi 21 octobre
:
Mai/Aout 2011
depart pour Avera
Le lendemain matin mercredi 19 octobre
Le lendemain
-
: a
: a
-
retour a Moerai
Rurutu
Rurutu
depart de Rurutu
samedi 22 octobre : pas mentionne
dimanche 23 octobre : arrivee a Rimatara le matin
lundi 24 octobre
mardi 25 octobre
: a
:
Rimatara
-
tour
de File
-
accident baleiniere
depart de Rimatara
Le lendemain mercredi 26 octobre: retour
Le lendemain matin
jeudi 27
octobre
:
imprevu
promenade
Rurutu
a
-
depart de Rurutu
-
tempete
Vers trois beures du matin vendredi 28 octobre:
en mer
-
tempete
toute
la joumee du lendemain
samedi 29 octobre
: en mer
Le lendemain dimanche 30 octobre
Sur lepont des
: en mer
mercredi 2 novembre
jeudi 3 novembre
-
du Mitiaro
: en mer
de Moorea
en vue
: en mer
: en mer
-
mise
A I’aube du vendredi 4 novembre:
vee
de Maiao
qnatre henres du matin lundi 31 octobre
mardi ler novembre
-
: en vue
a
l’eau de la baleiniere
en mer
-
retour
de la baleiniere
-
arri-
remorquage
13
(bulletin
de /a
Society de& &//de& Ocea/ue/mes
Manureva
a
quai
a
Papeete
Voyage de la Manureva
lies Australes
aux
en
1938
par Yvonne de Harven
partira dans trois jours, vient de nous apprendre notre
ami tahitien Parai'ta; elle aura a son bord monsieur Vernier, Directeur de
La Manureva
la Mission Protestante
tion protestante. A
en
cause
Oceanie, madame Vernier
de
cela, la goelette fera le
plus que de coutume.
profiteriez vous pas de ce
et toute une
delega-
circuit des quatre lies
Australes et s’y attardera
«
nous
-
Pourquoi
ne
voyage
»,
demande-t-il ?
RAIVAVAE... TUBUAI... RURUTU... RIMATARA... lies
sibles seulement
dangereuses
aux
et de ce
navires
a
faible tirant d’eau
magnifiques acces-
a cause
de leurs passes
fait tres rarement visitees par les touristes.
La Manureva... derniere
14
exceptionnel
goelette a voile...
N°322 -Mai/Aout 2011
Tout cela est bien tentant pour des Francais
d’aventure, fraichement debarques en Oceanie.
epris de pittoresque
et
decide, nous partirons !
Nous partirons... a la condition cependant que le Gouverneur nous
en donne l’autorisation, car personne, les Francais comme les
etrangers,
ne peuvent debarquer dans ces lies sans une autorisation
signee par Monsieur le Gouverneur des Etablissements Frangais de l’Oceanie, et visee par
C’est
les services de Police.
Nous
demande par lettre rautorisation de visiter les lies du Slid
temps celle de sejoumer quatre semaines a Rurutu. Monsieur
avons
et en meme
Tranchant, l’aimable administrateur de la Manureva, a bien voulu avoir la
gentillesse de presser un peu monsieur Pers, secretaire du Gouverneur,
afin que tout soit en regie pour le depart qui aura lieu dans deux jours le
mercredi 28 septembre 1938.
Mardi soir nous sommes en possession de Fautorisation de visiter les
lies, mais celle d’y sejoumer nous est refusee.
Colere de Charly, mon compagnon de voyage.
*
Mercredi 28
septembre
Aussi, mercredi matin, de bonne
Pers pour lui demander la raison de
heure, retourne-t-il voir monsieur
ce refus. II lui est repondu que la
police seule est responsable de cela. Charly court aux services de la police
ou on lui annonce que ce refus vient du bureau du Gouverneur. Impossible d’eclaircir la chose...
La Manureva
nous
en
quittera Papeete vers trois heures de l’apres-midi,
faisons monter
nos
bagages a bord vers
midi avant d’aller
mais
dejeuner
ville.
Un
agent de police
est
la,
nous
attendant, pour nous avertir que mon-
parler deux heures.
Inquietude... Va-t-on nous empecher de partir ?
sieur Pers demande
a nous
a
Le maa tahiti que nous mangeons d’habitude avec tant de plaisir
dans le fameux petit restaurant chinois ou dejeune chaque jour Alain
Gerbault, nous semble moins savoureux aujourd’hui. Partirons-nous ?
15
fT&u/tetin de /a Joae/e des S/ctdes 0c.can/cnncs
precises, Charly se trouve dans le bureau de monsieur
aimablement lui donne l’autorisation de sejourner a Rurutu
A deux heures
Pers
qui
tres
le desirons.
comme nous
II y a toujours beaucoup de curieux aux departs et aux arrivees si pittoresques de la Manureva, mais aujourd’hui la foule des flaneurs est
des nombreux amis de monsieur Vernier
accrue
venus
lui souhaiter bon
voyage.
Le
temps
est
splendide, le ciel lumineux, le soleil d’autant plus ecra-
sant que pas le moindre souffle de vent n’en calme
sieur Tranchant decide-t-il de faire remorquer la
du port
ou nous
trouverons
un
quai,
au
sur
lequel beaucoup
d’amusants souhaits de bon vent,
s’agitent;
un
Alors je
glissement
tres
commence a
mon-
goelette jusqu’a la sortie
peu de brise.
Nous franchissons les derniers l’etroite
goelette
l’ardeur : aussi
on
doux,
passerelle qui
d’animation regne. On entend
mains, des mouchoirs qui
voit des
partis.
nous sommes
examiner
rebe la belle
ce
bateau
sur
lequel nous allons vivre
plusieurs jours.
La Manureva dont le
est
une
goelette
a
nom en
Tahitien
signifie l'oiseau des cieux
«
deux mats de 65 tonneaux entierement construite
»
en
bois.
depart elle m’avait procure bien souvent un vif plaisir visuel;
avec ses grandes voiles blanches (trois foes, une brigantine et une voile
latine), glissant sur l’eau tres bleue, elle cree un spectacle magnifique dont
Avant
ce
lasse pas.
A la base du mat de misaine, il y a une petite construction en bois que
le mat separe en deux parties: la partie avant sert de dortoir aux marins,
on ne se
celle arriere sert de cuisine. C’est
ment occupee par
qu’un
tres
une
le foumeau, aussi
petit espace
ou
il
se
cuisine
ne
tient
minuscule, presqu’entiere-
reste-t-il
accroupi
au
a
malheureux cuisinier
demi
asphyxie
par de
grosses volutes de fumee.
Il y a bien deux tirages d’installes, un de chaque cote suivant le sens
du vent, mais ils ne servent guere qu’a bruler la main des imprudents qui
16
N°322
-
Mai / Aout 2011
circulent par mauvais temps et ne voient dans ces petits tubes qu’un point
d’appui providentiel les empechant de passer par dessus bord.
De chaque cote du bateau, se trouvent: une baleiniere pouvant contenir 20 personnes et
de personnes
au
embarques.
A l’arriere
forme
une
plus.
«
craft» pouvant
prendre a son bord une douzaine
Deux tonneaux d’eau sont
a
proximite, prets ay etre
du
grand mat, le toit de la cale reservee aux passagers
petite plate-forme dont le centre, sur une superficie de deux
metres carres,
ce
un
peut se lever de trente centimetres environ. Par beau temps,
centre est maintenu
leve
a
1’aeration de cette cale qui
comme le poing.
Hublot
«
gros
l’aide de
possede
comme
morceaux
encore
le poing
»
de bois
et
permet ainsi
quatre petits hublots gros
de la Manureva
17
bulletin
dc la
docielc des Sluder (9i'ccame/mes
Autour de cette
plate-forme, un etroit espace qui reste libre sert de
pont promenoir et mene a la plage arriere (ou se trouve la barre) qui servira de salle
a
manger.
A l'extremite du pont,
perchee au-dessus de l’eau, on peut voir une drole
de petite cabine munie d’un rideau flottant au vent et qui n’est autre que le
petit coin ou «les rois vont seuls». Cette constmction existe depuis peu de
et
temps
represente pour la Manureva le summum du progres et du confort.
Je descends la petite echelle raide qui mene a l’interieur du bateau
et le spectacle le plus effarant se presente alors a mes yeux.
Le fond de la cale
a
ete entierement recouvert
de matelas et de
cous-
sins; 5 femmes et 6 enfants y sont vautres, la minuscule niche de bois que
le subrecargue nomme pompeusement« notre couchette » se trouve tout
fait
fond; elle
bagages et pour l’atteindre il faut marcher sur les matelas, les couvertures, enjamber tous ces
a
au
est entierement occupee
corps tasses les uns a cote des autres.
Monsieur et madame Veraier possedent
couchettes;
le
Capitaine
a
aussi la
sienne,
par
nos
une
cabine minuscule
mais
comme ces
sont separees du dortoir que par une cloison de bois
a
deux
cabines
atteignant
a
ne
peine
metre, tandis que le haut est en grillage, monsieur et madame Vernier
auront la joie, durant toute la traversee, de participer aux bruits et... aux
un
odeurs de la cale
Il
ne
commune.
faut pas songer dormir ici; le pont est tres encombre aussi car
au complet, trente passagers et une douzaine de matelots,
le bateau est
mais
nous
nous ne
trouvons
une
petite place
sur
le toit des
bougerons guere pendant toute la duree
Maintenant que
j’ai
cabines, place dont
du voyage.
sommairement examine la
goelette, je jette
un
coup d’ceil rapide sur les passagers: outre monsieur et madame Vernier
dont j’ai deja parle, il y a madame Bob du Pont, son frere Steven et une
jeune
amie. Tous les trois sont des demis-blancs. La
mere et
la tante de
madame Bob du Pont, imposantes masses de chairs gelatineuses, sont etaen has, pres de notre couchette, en compagnie du petit Johnny, le
sep-
lees
tieme enfant de Steven.
Cet enfant age de quatorze mois vient d’etre donne a la vieille tante et
habitera desormais Rurutu. Cette habitude extremement frequente de
18
N°322
donner
ses
enfants m’a toujours revoltee.
Parfois,
-
Mai / Aout 2011
meme avant sa
nais-
sance, le bebe est retenu par des amis ou parents, exactement comme en
France on retient un petit chien. Tres souvent, I'enfant est donne, parce
que, ayant ete confie, pour une journee, a des amis qui tout le jour
durant, le bourrent de friandises, le soil venu lorsqu’on vient le chercher,
exprime par ses cris le desir de ne pas quitter ce nouveau logis.
Madame Vernier a, parait-il, souvent essaye de lutter, mais en vain,
-
contre cette triste coutume.
Voyons, dit-elle, chaque fois qu’elle le peut, a une femme venant
de donner son enfant, c’est tres mal et cela ne te fait-il pas de peine ?»
Oui, beaucoup repond alors la maman.
Alors pourquoi as-tu consenti ?»
Hi comprends, ses parents adoptifs ont tellement insiste que je n’ai
«
-
»
-
-
-
pu faire autrement.
»
depeint admirablement le caractere nonchalant des Tahitiens.
plupart du temps, les adopteurs sont des gens ages sans enfants,
Ceci
La
soit parce que les leurs sont morts,
les auraient
encombres,
ou
ou
habitant
epoque oil des bebes
lie eloignee. L’enfant adopte
donnes
une
a une
pourra leur servir de domestique des Page de dix ans. A noter, cependant,
que les Tahitiens etant d’un naturel doux et bon, les enfants adoptes sont
general bien traites.
II y a des cas, cependant, ou je suis pleine d’admiration pour les
adopteurs, par exemple quand il s’agit d’adopter un enfant de lepreux.
Lorsque des lepreux ont des enfants, on ne leur donne pas l’autorisation
de les garder ; avant meme que le bebe soit baigne, il est enveloppe de
linges neufs et quitte la sinistre vallee d’Orofara et ces enfants trouvent
toujours amateurs... N’est-ce-pas merveilleux ?...
Mais revenons a nos moutons. Deux jeunes Americains, pasteurs
Mormons se rendant a Tubuai, seront aussi nos compagnons de voyage.
en
Tous les autres passagers sont des Tahitiens: voici le chef d’Arue, Petero
Michelli, long type maigre parkint tres bien le Frangais, qui eut certaine-
italiens, son nom et son profil le prouvant bien ; le pasteur du meme district Tearo, faisant bien 120 kgs, son neveu et son petit
neveu, mignon petit gargon de six ans; le pasteur de Moorea; enfln, deux
ment des ancetres
19
(bulletin
5
Jocicte (fe s Staefes Gccanietuies
(fc fa
jeunes nouveaux pasteurs accompagnes de leurs nombreuses fam ilies. Ils
viennent d’etre
nommes a
Rurutu et la ceremonie de leur installation
aura
lieu lors de notre passage dans cette lie. Puis un etrange gargon aux
longues et epaisses moustaches, a la tignasse invraisemblable, boucles
noires lui descendant
«
Pourquoi
-
«
-
C’est
un
venait-elle pas de
Desormais
ne
sur
les yeux,
de
coiffure,
sa
tete.
du voyage,
cours
est tres
bruyante
Samson
ne
lui
cheveux ?»
ses
le
nous
d’une purete
etre par sa
autour
nuque.
cheveux ?»lui a-t-il ete demande.
signe de force, repondit-il, la force de
nommerons
Les autres passagers sont
profil
tes
coupes-tu-pas
femme de Rurutu rentrant dans
au
couvrant sa
assez
son
remarquable,
une
Elle
insignifiants a part cependant une
ile. C’est
un
une
veritable
forte
et
robuste femme,
profQ grec accentue peut-
merveilleuse natte de cheveux sombres enroulee
a une
nous
Samson.
la
voix de contralto
nommerons
le
«
magnifique. Au
car pleine de vie, elle
puissante
diable
»,
et
et remuante.
Voici maintenant le
Capitaine Nee, magnifique type de vieux loup de
regard profond, infiniment sympathique. Ce vieux loup de mer est
visionnaire ; instruit d’etrange fagon, il affirme qu’un tresor est
cache a Pinaki, une des lies des Tuamotu : il sait exactement ou se trouve
ce tresor, derriere un grand mur parait-il. Sur de lui, il affreta il y a
quelques mois une goelette et partit avec plusieurs marins a la chasse au
mer au
aussi
un
tresor, chasse qui faillit toumer tragiquement; une tempete d’une violence
l’ayant oblige, tres pres du but, afin d’eviter de briser la goelette
inoui'e
sur
les
recifs,
a
Une chose
trouve
rentrer a
repond
Ce
qui
avec un
l’inquiete beaucoup
le fameux tresor
lui
Papeete
bateau
en assez
c’est la part
piteux
etat.
qui lui reviendra s’il
il n’a pas abandonne son projet. A Papeete on
invariablement: « Trouvez d’abord le tresor, on verra ensuite ».
n’est pas
sans
car
l’ennuyer un peu.
Capitaine ne sait pas le moindre mot de Frangais par contre Anai le
subrecargue parle notre langue couramment.
L’equipage se compose de six homines, tous de solides Rurutu auquel
il faut ajouter le cuisinier aux mains calleuses et d’une salete peu encourageante, le cuistot assassin comme nous l’appellerons desormais. En effet,
Le
20
N°322
ce
cuisinier
a sur
la conscience
il faut le reconnaitre
:
tout se
crimes. Un malheureux
un
fait
assassinat
en
Mai / Aout 2011
-
qu’il n’a pas
communaute a
Martiniquais, egare,
on se
commis
Rurutu,
seul,
meme
demande
les
comment
dans leur lie, avait parait-il, par son arrogance, le don d’exasperer les
naturels du pays qui deciderent un jour de s’en debarrasser ; ils le ficeledone et le jeterent purement et
tarda pas a rendre le dernier soupir.
rent
simplement dans
une mare ou
il
ne
relisant je nraperqois que j’ai oublie un passager: Bobby, notre
bebe chien age de un mois, qu’entre parenthese nous avons introduit clanEn
me
destinement sur la Manureva. Les chiens, a Tahiti, par leur nombre, sont une
plaie. Les Tahitiens bons et nonchalants, ne tuent jamais les chiens
veritable
nouveaux-nes, mais par contre neuf fois
sort. De
sur
dix les abandonnent
fait existe une foule de chiens errants vivant de fruits
Bobby est le fils
bananier
ou nous
ou
d’une chienne sauvage : il est ne dans le
ses freres et sceurs.
a
leur triste
d’ordures.
creux
d’un
l’avons decouvert avec
goelette qui nous a amenes a la sortie du port nous a maintenant
depuis nous n’availcons guere; je ne m’en plains d’ailleurs
pas, car ainsi, nous aurons la joie de contempler, jusqu’a la nuit, Tahiti,
spectacle merveilleux dont on ne peut se lasser.
Les matelots ont descendu les deux pavilions, franqais et rurutu.
La
abandonnes et
Celui de Rurutu est fait de trois couleurs: blanc rouge jaune
milieu du rouge une etoile blanche.
La Manureva
appartient
aux
indigenes
de Rurutu, qui
se
avec au
partagent
benefices; elle fut d’ailleurs construite la-bas par eux.
Cinq heures; on vient d’apporter sur la plage arriere le diner des pasteurs: riz, corned-beef, the, pain. Il est sage de diner avec le jour, le pont
les
de la Manureva
ne
possedant aucun moyen d’eclairage,
les imiter et entamer
nos
provisions de
aussi allons
route. La nourriture n’etant pas
comprise dans le prix du passage, nous vivrons pendant
de conserves, de biscuits de mer, de quelques bananes.
Si le vent
a
nous
est
favorable,
Raivavae, la Manureva etant un
brises,
mais le vent
nous
nous
quelques jours
d’ailleurs dans trois jours
fin voilier sachant profiter des moindres
nous serons
sera-t-il favorable ?
21
f$u//etin
Joc/c/c des tjtudes Oiceamcfi/icdi
dc /a
Le soleil vient de
sombre,
coucher ; Tahiti devient rapidement
il fait delicieusement doux et la soiree s’annonce fort
Un des
dire
en
nouveanx
se
pasteurs,
agreable.
grand gargon regard reveur, vient de
sur la plage arriere ou tout le monde se
un
tahitien le culte du soir
une masse
au
matelots. Maintenant, au milieu d’un silence profond, un chant rauque tres beau dans son etrangete monte vers le ciel, un
ciel lumineusement pur; tous chantent, homines et femmes, et la minute est
trouve
reuni, passagers
et
merveilleuse, infiniment emouvante... comme on est loin de la vie trepidante,
decevante, enervante, d’Europe. Les cantiques ne ressemblent en rien a ceux
d’Europe, ils sont etranges, sauvages, ce sont des paroles bibliques chantees
des titres paiens. Une fois le culte tennine se passe une amusante ceremonie qui se renouvellera d’ailleurs deux fois par jour durant tout le voyage;
sur
tout
le monde
sans
prononcer
un
mot se serre
gravement la main. Oui, qua-
poignees de main a dormer en quelques minutes et certaines de ces
poignees sont plutot rudes, entre parentheses celle d’un jeune colosse de
dix neuf ans dont j’aurai Toccasion de reparler.
Cette nuit nous n’aurons pour tout matelas qu’une natte de pandanus
rante
tressee dont le
maussade
nous
precieuse ; je
bonheur
peoe\ mais par contre au lieu d’un plafond bas et
aurons le plus beau des cieux. La minute est infiniment
nom
est
suis tellement heureuse
en ce moment
que des larmes de
de moi,
presqu’aux yeux ; Charly
bManureva se balance doucement, un silence profond regne, la grande
voile se dresse orgueilleuse, voici le Scorpion et cette Croix du Sud, qui
me laissa petite fille si souvent reveuse.
Nous nous sommes endormis sans nous en apercevoir et ma foi, malgre l’inconfort de notre ht», nous nous reveillons bien en forme et bien
decides a profiter de notre journee.
me
viennent
«
1
Peoe:pe'ue.
22
est tres tres pres
N°322
*
-
Mai / Aout 2011
Jeudi 29 septembre
Comme hier pas le moindre souffle de vent, aussi
sommes-nous tou-
jours face de Tahiti, a peu pres a hauteur de la passe de la Boudeuse.
Rien a signaler durant cette journee si ce n’est l’accablant soleil dont
en
il fallut
defendre durant les heures les
plus chaudes. Notre peoe qui
pendant la nuit nous sert de matelas, fait usage de tente durant la journee,
une tente sous
laquelle, il est vrai, nous sommes obliges de rester couches.
Nous tuons le temps en faisant un peu d’anglais; pour nous
obhger a
travailler, nous n’avons pas apporte de lecture, sauf cependant quelques
se
numeros
de Marianne 2
.
Rompant la monotonie de cette longue journee, les enfants du bord
souvent et ces petites voix claires et pures sont tres
agrea-
chantent tres
bles
a
ecouter.
Ils chantent
ou se
gavent de bananes. Un peu partout
sur
le pont
se
trouvent des
regimes de bananes, ils se servent sans s’inquieter de savoir a
qui appartiennent ces fruits. Sans exagerer chaque enfant doit consommer
une trentaine de ces bananes par jour.
Une de
enfants, Ruth, six ans environ, est la plus adorable petite
qu’on puisse rever. Imaginez d’immenses yeux noirs tres expressifs dans un petit visage allonge, au chaud colons d’un brim cuivre que sa
ces
creature
robe d’un rouge vif met encore en valeur ; une bouche tres charnue au
sourire merveilleux, de droles de petites dents ecartees d’un blanc eblouis-
sant, des cheveux
tres
d’un noir d’ebene, laissant echapper sur le front
petites boucles rebelles.
Petite Ruth... Ton image restera toujours gravee dans ma memoire
tresses
bombe mille
tant tu
savais, femme
en
miniature, deployer de grace
chacun de tes gestes harmonieux.
Bien que la mer se montre tout
balance
avouer
2
fait
«
pacifique
fortement, mais Charly
plusieurs femmes tahitiennes souffrent
que
nous en
Marianne: Journal
»,
peu mievre
la Manureva
et moi n’en eprouvons aucun
assez
alors que
a
un
eprouvons
politique et litteraire,
domadaire de I'elite intellectuelle francaise
une
a
mer.
se
malaise
Je dois
certaine fierte.
gauche, publie a Paris de
etrangere». (Source: Wikipedia)
oriente
et
du rnal de
en
1932
a
1940.
Pacifiste, «heb-
23
Shif/elin de /a Jociele dev &tude& Gceanietmes
*
Vendredi 30
*
Samedi ler octobre
septembre
Joumee identique a celle de jeudi toujours en face de Tahiti que Ton
ne veut meme plus contempler.
Reveil
deprimant,
Nos nuits et
mencent a nous
nos
encore
toujours Tahiti.
et
journees passees couches
courbaturer
singulierement.
sur une
planche,
com-
L’inconfort de notre lit n’est
comparaison du malaise que nous eprouvons a vivre
dans la salete ; pas le moindre petit endroit reserve a la toilette : nous la
faisons sur le pont dans une minuscule cuvette que j’ai eu l’heureuse idee
rien
cependant
en
peu de choses.
dix heures du matin, un vent violent mettant la
d’emporter et naturellement
Brusquement,
mer en
furie
se
vers
elle
se resume a
leve ; les voiles bien tendues, la Manureva file
a
toute
allure, chevauchant avec aisance les plus grosses lames. Je commence a
apprecier hautement la navigation a voile, malheureusement les gros
moment, s’etaient amonceles au-dessus de
nos tetes, viennent d’eclater et une pluie tropicale s’est abattue sur le pont.
Panique generate et ruee vers la chambre commune, tandis que le capinuages noirs
taine
qui, depuis
un
s’empare de la barre.
La Manureva est maintenant
ainsi
a etre
malade,
atmosphere
tout
au
moins
secouee en
assez
peu
demoralisante de la chambre
tous sens et
a mon
aise,
commune :
je
commence
surtout
dans cette
des enfants brail-
se font entendre, on se passe ou plus exactele
nez, des« pots de chambre » servant a triple
passe
usage. Assis tristement sur le bord de notre pseudo-couchette, Charly et
moi faisons grise mine. Mais la vieille femme couchee pres de nous a pitie
lent, des bruits incongrus
ment on vous
sous
de moi, et m’offre Thospitalite de son matelas ; mes tempes sont serrees,
j’ai grand besoin de sommeil, j’accepte son invitation jusqu’au lendemain
la tempete fit rage pendant 24 heures.
Je dormis d’ailleurs presque continuellement et ne hit reveillee que de
temps a autres par les craquements sinistres de notre petit bateau ou par
des cris d’enfants plus aigus que de coutume (a noter qu’ils se relayerent
soir,
car
pour
pleurer sans arret.)
24
A deux
ou
trois
reprises la Manureva s’inclina si
N°322
-
Mai / Aout 2011
dangereusement qu’elle eut grand peine a reprendre son equilibre. Je revertoujours les visages angoisses des femmes et des enfants a ce moment- la.
heures, le pauvre Charly les passa recroqueville dans la couchette a
se battre avec les fourmis, les cafards ou encore avec
Bobby qui ne souffrant pas du mal de mer, eprouvait le desir de manger ou de jouer.
rai
Ces 24
*
Dimanche 2 octobre
tempete semble terminee bien que la Manureva soit cependant
toujours fortement balancee, mais grace a Dieu, nous avons tout a fait le
La
pied marin. Nous remontons sur le pont, quelle joie de pouvoir respirer
a pleins poumons l’air pur et vivifiant du
large, mais quelle deception d’apcette
n’a
meme
prendre que
tempete
pas eu l’avantage de nous mener
rapidement vers le but de notre voyage, car en effet durant la nuit, la
Manureva fuyant l’ouragan qui aurait pu causer sa perte, prit une toute
,
direction que celle de Raivavae.
Nous reprenons possession de notre domaine, 2
autre
m
2
environ de
planches.
La Manureva marche
a assez
pour que le bain de soleil soit
un
bonne allure et il fait sufflsamment frais
plaisir ; je me regarde brunir avec le plus
grand plaisir car j’eprouvais toujours une certaine gene a etre si demodee
avec ma
peau trop blanche.
Apres 24 heures de jeune, notre repas compose de sardines, de pain
rassis, de cafe au lait, nous semble succulent.
Cette joumee de dimanche, agrementee de quatre cultes, passe assez
rapidement. La nuit du dimanche au lundi, par contre fut extremement
penible a cause du froid, un froid humide, nous penetrant jusqu’aux os,
paralysant nos membres deja engourdis par la durete de notre matelas de
planches.
*
Lundi 3 octobre
Le vent
a cesse
de
souffler,
la Manureva n’avance
plus
que tres len-
tement.
Madame Bob du Pont siffle inlassablement pour
tume
du pays
appeler le vent,
cou-
parait-il.
25
(RuUclin
Nous
confort,
tie la
tfoc/c/e de& Slades Qiccamcfi/ics
conimencons a nous
meme
commence a
le besoin de
adapter parfaitement bien a notre vie sans
laver, si torturant les premiers jours
nous
s'attenuer.
journees passent agreablement; lecture de Marianne etudes
d’anglais, bavardage avec les uns et les autres. Monsieur Vernier, ne a
Papeete, connait admirablement 1’Oceanie et ses habitants, et on eprouve
Les
un
,
veritable
plaisir a 1’ecouter en parler.
Une bonne entende regne
a
bord
:
blancs et
fratemels. Je compare la vie
passagers,
celle vecue sur la Commissaire Ramel alors que
tous sont
de
civilises
indigenes,
menee sur
nous
matelots
ou
la Manureva
a
voguions vers Tahiti:
obliges de vivre, cote a cote, pendant trente
se detester. Pendant les demiers quinze jours
poignee
cinq jours, etait vite arrivee a
sans escales, la situation menaqant de tourner au drame, le commissaire
du bord avait meme juge bon de faire la recolte des revolvers.
Sur la Manureva, l’atmosphere est aimable, souriante, bienveillante et
cette
«
»
heureuse.
Charly a passe une bonne heure a fabriquer un sac de couchage avec
notre peoe ; nos couvertures, qui, trop petites, laissaient toujours Tun de
nous decouvert, grace a ce sac ne bougeront plus desormais.
Apres un coucher de soleil splendide, un de ces couchers qui vous
font regretter de n’etre ni un poete ni un peintre pour en chanter la beaute
toute la gamme des oranges d’une violence
ou en fixer les couleurs
-
inouTe contrastant
elle
un
avec
des bleus tres tendres
froid terrible. Voici done le moment
couchage
:
y penetrer,
deja
enroule dans
-
la nuit est
venue
d’experimenter
et avec
notre sac
de
couverture, est chose peu
secouee par un veritable fou-
une
facile, surtout, lorsque comme moi on est
rire. Cependant apres bien des efforts, nous voici installes.
Comme «il fait bon chaud a trois la-dedans, a trois car Bobby s’est
glisse silencieusement pres de nous. Par exemple la durete de ma couche
me fait eprouver le besoin de me retoumer cinq fois par heure au moins,
operation difficile, aussi Charly se reveille chaque fois et grogne. 11 est si
insupportable que je me decide a descendre dans la chambre commune
ou Ton m’offre immediatement une place. Je passe le reste de la nuit entre
diable qui me serre tendrement dans ses bras.
une vieille femme et le
»
«
26
»
N°322
-
Mai /Aout 2011
La vielle femme tousse et crache
sans arret, d’une faqon vraiment
peu
elle
doit
etre
appetissante;
tuberculeuse, maladie qni mine un grand nombre
de Tahitiens. Par dessus le marche, je viens de m’apercevoir qu’une de ses
jambes, celle qui touche la mienne, est enorme, elle a certainement lefeefee, nom tahitien de 1 ’elephantiasis. C’est une maladie tres frequente en
Oceanie et dont on n’a trouve
encore
ni la
ni le remede. Les
cause
uns
disent
qu’elle donnee par la piqure de certains moustiques, d’autres qu’elle provient de l’eau que l'on boit, ceci etant base sur le fait que les Chinois
qui ne
est
boivent que du the
Est-ce
sonnes
d’un
atteints tout
en sont
fait
contagieux ? On ne le sait pas.
exceptionnellement.
signale plusieurs cas de per-
On
contracte cette maladie pour avoir habite
ayant
malade,
mais par contre, tres souvent
atteint, alors que penser
est
a
Les Tahitiens
un
?
pretendent qu’un
homme marchant
sol souille de l’urine d’un malade contractera
Ils
vous
sans
pieds
nus sur un
nul doute le fee-fee.
racontent la-dessus mille histoires de vengeance.
Heureusement,
des
l’ancienne maison
seul membre d’une famille
c’est
une
de fievre venant
maladie
intervalles
a
evolution lente ; elle debute par
eloignes d’abord, puis plus
enflammes; l’acces termine on s’aperrapproches;
ganglions
goit qu’une jambe, un bras, ou un sein reste un peu enfle, enflure qui plus
acces
les
a
assez
sont tres
tard deviendra hideuse. J’ai vu souvent des pauvres etres trainant lamentablement des jambes a peu pres quatre fois de la grosseur des jambes
ordinaires.
A noter
qu’un blanc retournant en Europe guerira sans medication
condition toutefois de
console,
*
ne
pas attendee trop longtemps. Cette idee
je resterai desormais sur le pont.
a
me
mais tout de meme,
March 4 octobre
Midi, le subrecargue, muni d’un modeste reveil en guise de chronometre de precision, d’un almanach nautique pour 1938, consciencieusement fait le point: les calculs tres laborieux durent au moins une heure
mais c’est avec satisfaction que nous apprenons n’etre plus tres loin de
Raivavae si toutefois les calculs sont exacts, les Tahitiens
de naviguer
au
ayant l’habitude
juge.
27
fTbiillcti/i c/e /a Society c/ca &tue/e& 0cea/i/e/i/ies
Plus d’une fois la Manureva est
trouver
pu
avertis:
ajoute,
«
parait-il
rentree
bredouille, n’ayant
voyage ; d’ailleurs monsieur Tranchant nous a
C’est 1’aventure, nous a-t-il dit, mais ne craignez rien, a-t-il
le but de
son
Polynesiens sont des marins nes a qui Ton peut se confier ».
les
soir, Nee, le capitaine, fait
Vers le
plus grand
monter
deux matelots
mat afin de scruter rhorizon... mais helas, rien
a
en
haut du
signaler, il
faudra certainement passer une nuit a bord.
Mais que se passe-t-il ? Un des pasteurs mormons, le visage decompose, semble bien malade... Depuis le depart, six jours deja, il n’a pas eu
nous
utiliser la petite cabine a rideau flottant perchee au-dessus de 1’eau et
maintenant des douleurs au ventre le font affreusement souffrir.
a
pense silencieusement a une
crise d’appendicite et chacun pense aussi a
Immediatement, chacun des blancs
occlusion intestinale
notre isolement
pas de terre
en
ou a une
milieu de cette immensite. Pas de docteur, pas de T.S.F.,
vue, une poignee d’hommes impuissants sur un minuscule
au
le capitaine gravement fait un doux et lent massage (a noter que tous les Tahitiens sont
de remarquables masseurs), on prepare un the purgatif qu’on fait absor-
bateau soumis
ber
au
bon vouloir du vent. Chacun
malade par petites gorgees.
Madame Bob du Pont a des pilules
s’affaire,
au
ronde, chacun eprouvant
purgatives qu’elle distribue
pas tous nous disputer demain matin
siege... et chacun d’en rire.
nous
*
a
la
soudain le besoin d’en absorber... mais n’allonsun
certain et
unique petit
Mercredi 5 octobre
Il fait
presque nuit lorsque je me reveille; je scrute l’horizon
de decouvrir cette terre tant desiree, rien, toujours rien.
encore
dans
l’espoir
Cependant vers dix heures, un fort vent de nord-est se leve et pour la premiere fois, la Manureva peut montrer ce dont elle est capable en Slant a
toute allure.
heures de vitesse resteront pour moi un merveilleux
voiles
bien tendues font entendre de petits claquements secs,
souvenir: les
Ces
quelques
brefs, obsedants, Pair vivifiant du large penetre a larges brassees dans mes
poumons, la Manureva
28
«
l’oiseau du ciel
»
fortement inclinee semble
N°322
«
voler
»
sur
cette immensite d’un bleu
la violence de
magniflque,
Mai / Aout 2011
-
presque arrogant par
coloris; heures merveilleuses de vie intense, terriblement impressionnantes par cette course effrenee, cette course a la mort.
Cependant un matelot scrutant inlassablement l’horizon, est toujours
de garde en haut du grand mat ou il se tient par miracle. Soudain il crie :
Fenua, Raivavae ! Explosion de joie... Les Tahitiens sont doues d’une
ses
«
»
extraordinaire et
n’est que deux heures apres avoir entendu ce cri
de victoire que les passagers blancs arrivent a apercevoir une petite tache
noire qui grandit lentement: vers le soir on apercoit enfin les cocotiers ;
vue
nous sommes
dangereuse,
*
ce
tout pres mais la nuit est presque
nous ne
venue
et la passe etant tres
la franchirons que demain matin seulement.
Jeudi 6 octobre
petit jour, la Manureva
Au
dirige vers la passe ; deux piquets
fer en marquent l’entree qui est a peine plus large que notre bateau.
Le
Capitaine
a
silence maintenant
se
crie d’une voix rude
».
Puis s’adressant
:
«
a ses
Gardez les enfants
matelots il
a
en
ajoute
:
seule personne commande a bord, c’est moi, ne l’oubliez pas. »
Le subrecargue debout sur le bastingage surveille les pates de
de
bas et
«
Une
corail,
tandis que le Capitaine gravement tient la barre. Il semble d’ailleurs
connaitre parfaitement bien la passe de Raivavae et etre tout a fait sur de
lui,
car
il
ne
fait pas diminuer la vitesse vertigineuse
Manureva. Les passagers,
debout, silencieux,
minutes. Le moment difficile est passe... Comment
croches,
a une
avec
laquelle
vivent d’emouvantes
avons nous
telle allure, franchir l’etroit couloir menant
calmes dans
file la
maintenant ? Je
sans
ani-
lagon
aux
pu
au
sais...
ne
lequel
naviguons
tout
d’abord
de
hauts
rochers
sombres
longeons
qui plongent
presque directement dans l’eau bleue et limpide du lagon, puis une plage
de sable blond, bordee de cocotiers romantiques et d’orgueilleux filaos.
Enfin le premier village apparait avec son temple au toit rouge. Le Capitaine joyeux crie a tue tete:
Ohe, tuez le cochon, nous arrivons!
eaux
nous
Nous
«
»
29
bulletin
dc la
Jocte/e
dcs
Slades 0icea/uc/i/ies
Arrivee
De
nous
nouveau une
devons
mouiller,
plage
a
Raivavae
toute doree
sous
le soleil puis le
village
oil
Raima.
II est sept heures du matin. A peu de distance du wharf, le Capitaine
fait jeter l'ancre. Mais avant de descendre, monsieur Vernier fait dire un
culte d’arrivee
:
les beaux cantiques sauvages
au
milieu de cette nature
merveilleuse sont tres emouvants.
Raivavae
La baleiniere vient de
nous
deposer
sur
le wharf
ou a
notre
grande
trouvent la
surprise peu de personnes nous attendent, quelques gamins
seulement, tres intimides d’ailleurs.
Ce wharf, fait de morceaux de coraux reconverts de terre sur laquelle
se
gazon vert, est long de pres de deux cents metres, mais
par contre fort etroit, une seule personne peut y marcher de front. Apres
1’avoir franchi, nous faisons quelques pas encore et arrivons dans le vila
pousse
un
job
lage qui se trouve tout pres de 1’eau; de tres beaux arbres le protegent du
vent du large.
La toute la population de Raima est massee pour nous accueillir.
Au premier abord Raima n’est pas job ; ses maisons faites de pierre,
30
N°322
-
Mai/Aout 2011
des toits de toles peintes en rouge, sont loin d’avoir le charme des
cases tahitiennes faites de bois et de bambous et coiffees de
feuilles de pandanus ou de cocotiers.
avec
delicieuses
Ce sont les
lies Australes
a
premiers missionnaires qui
construire
touristes aimant le
toit de tole doivent
Les maisons
ces
pittoresque
beaucoup
indigenes des
grand dommage pour les
pour les indigenes qui sous leur
demeures
et aussi
:
ont
appris
aux
c’est
souffrir de la chaleur.
sont pas groupees ; une dizaine seulement sont alile
d’un
mauvais
gnees
long
chemin, les autres que Lon apergoit de ci de la,
cachees dans la verdure, se trouvent assez eloignees les unes des autres.
ne
Apres les premieres salutations les domiciles
sont
assignes a chacun,
naturellement il n’existe pas d’hotel: monsieur et madame Vernier
seront les invites du pasteur, un beau vieillard grand et sec, aux blanches
car
moustaches, aux yeux petillants de malice sous des sourcils en broussailles, qui rit souvent d’un bon rire sympatliique et qui semble tres lieureux
de revoir monsieur Vernier.
logerons chez le vieux chef qui possede une grande maison composee d’une vaste veranda et de plusieurs chambres. La notre, tres
propre, est sommairement meublee, mais elle possede un lit, un grand lit
Nous,
avec
nous
de bons ressorts, un doux matelas, un lit... que je
a la seule pensee d’y coucher ce soir.
caresse avec
atten-
drissement
Apres ce bref examen,
rejoignons monsieur et madame Vernier.
Est-ce le fait d’avoir ete balancee pendant huit jours sur foManureva,
mais la terre ferme me donne l’impression de bouger terriblement. Vais-je
nous
terre, souffrir du mal de mer ?
La maison du pasteur ne possede qu’une seule piece aux fenetres
etroites; elle est neuve car le pasteur vient de la faire construire en l’hona
neur
de
sa
nouvelle epouse ;
remaria il y
en
effet, las
d’un veuvage premature, il se
plus de cinquante ans)
(il
quelques
jeune personne qui doit peser au moins 150 kg. Elle est
l’heureuse maman d’un bebe de trois mois, semblant en avoir neuf et qui
avec une
a
mois
a
certainement
tres
des cheveux dores faisant
joli contraste avec sa peau
brune. D’ailleurs, j’ai retrouve cette magnifique teinte auburn chez de
nombreuses femmes de Raivavae, qui toutes aussi sont de grandes et fortes
comme sa mere a
un
31
iT&u/Ictin
Joaelc des Slttdes Oceeuu'e/mcs
de /a
cependant, il faut reconnaitre que madame la pasteur detient le
record du poids: en ce moment elle est occupee a allaiter son bebe ; de
ma vie je n’ai contemple un sein aussi imposant. Nous la laissons a cette
douce occupation et partons en promenade a travers le village; nous n’alIons d’ailleurs pas loin, car les habitants de la cinquieme maison nous
invitent a venir partager leur repas. Sous la veranda, de larges feuilles de
bananiers posees a meme le sol contiennent un tas imposant de popoi,
sorte de fine puree de taros legerement fermentee, tandis qu’a cote une
quarantaine d’oranges sont a notre disposition.
Chacun se sert avec ses doigts, a meme le tas, de ce popoi que je
n’apprecie pas particulierement d’ailleurs, les indigenes semblent eux en
raffoler, car l’enorme tas est vite englouti. Par contre les oranges sont merveilleuses, si merveilleuses que j’aimerais chanter en leur honneur de
pai'ens cantiques: Gloire, gloire, aux oranges de Raivavae, juteuses a
souhait, sucrees a point etc. etc. ».
Comme celles de Tahiti, elles proviennent d’orangers sauvages, or
aucune des oranges europeennes (espagnoles, algeriennes ou autres) ne
femmes:
«
peuvent
meme
leur etre comparees. Apres
nous
etre
gaves
sans
retenue
magnifiques fruits, nous quittons ces braves gens, non sans les avoir
chaleureusement remercies, et poursuivons notre promenade.
Dans la cour d’une maison, assez eloignee du village, nous apercevons deux grands enfants de douze a quatorze ans, gargon et fille, entiePauvres enfants, dit madame Vernier, ils n’ont pas d’argent
rement nus.
de
ces
«
maintenant que tous les
enfants doivent avoir
portent des vetements europeens,
pour s’acheter des vetements.
Polynesiens
Evidemment,
ces
honte de leur nudite et
vetements et
»
a cause
cependant tant des leurs, depuis qu’ils portent des
de cela sont morts de la tuberculose.
les vetements que Ton porte sont
constamment mouilles, soit par la transpiration, soit par la pluie tres frequente pendant pres de six mois de l’annee, et dont les naturels ne font
Dans
un
comme
pays
aucun cas a cause
rationnel de vivre
l’Oceanie
de la chaleur qui
ou
l’accompagne,
plus
nus.
Raivavae, tie lointaine,
depourvue d’instituteurs, de
car sans cela ce ne serait plus
tres sauvage, est
gendarmes et de fonctionnaires mais elle a
32
il est infiniment
-
N°322
l’Oceanie
Chinois» dont
-
Mai / Aout 2011
visitons le
magasin ; quelques pieces
cotonnades, quelques barres de savon bleu fabriquees a Papeete, des
touques de petrole, quelques nattes de riz de Chine, quelques boites de
-
son
«
nous
de
corned-beef
ou
de
saumon
americain, voila
a
peu pres toutes les
chandises qui gamissent l’humble boutique.
Par contre, devant son echoppe, ce Chinois
mar-
possede une fort belle
plantation de cafeiers qui doit lui rapporter plus que son commerce. Une
aux cheveux gris est venue nous rejoindre chez le Chinois, nous
supphant d’aller lui rendre visite ; elle est tres exuberante, tres joyeuse,
avec une physionomie intelhgente, ouverte, agreable a regarder. Elle nous
entraine litteralement, et a peine arrivee chez elle, nous propose une omelette de si bon coeur que nous l’acceptons immediatement. Une omelette
femme
point, de quinze ceufs pour quatre personnes, nous est servie sur
une table gamie d’une nappe blanche et de vaisselle impeccable. Comme
boisson, chaque personne a devant elle un coco pose dans un bol, dont
cuite
a
parfumee desaltere si bien.
Je garderai toujours un delicieux souvenir de ce frugal repas pris
dans une atmosphere agreable ; pendant que nous mangeons, la brave
femme nous parle de sa nombreuse famille et surtout de la joie que lui
procure notre venue. Joie sincere sans aucun doute, l’expression de son
visage le prouvant bien. Le repas termine, elle nous donne comme guide
son fils, un solide gaillard de dix-huit ans: il va nous mener visiter un
marae qui se trouve parait-il assez pres de sa demeure.
A la suite du jeune garcon, nous empruntons un joli sender montant
tres rapidement au sonunet d’une petite colhne d’ou nous jouissons d’une
vue magnifique: au miheu d’une masse de verdure extravagante, de-ci del’eau fraiche et
la paraissent des toits rouges; puis, si loin que Ton puisse voir, les eaux
lumineusement bleues du Pacifique ; pres du wharf la Manureva, voiles
baissees est la au repos: nous la contemplons avec attendrissement et avec
un peu de crainte, elle semble si petite... Apres avoir degringole de l’autre cote ce que nous venons
de monter,
nous
arrivons
au marae ,
antique
temple pai'en polynesien.
Il
tiki
-
ne
plus grand chose de ce temple (les immenses
pa'ielines qui gamissent le jardin du musee de Papeete, ont
reste
idoles
d’ailleurs
-
33
fDiiillctin dc /a Joa'cle des &//des &t■ceamenne&
pris id). II reste seulement quelques immenses blocs sans forme bien
definie, mais le decor reste le meme : toutes les varietes les plus sacrees
de la flore gigantesque d’Oceanie se trouvent reunies la: tamanu (callophyllum), aito (casuarina), hutu (barringtonia), aux larges feuilles luiete
santes
d’un vert sombre.
decor, d’ailleurs magnifique, opprime
Ce
bide ; nous nous eloignons rapidement et
de ciel bleu, je respire plus librement.
Nous visitons ensuite
une
par
sa
beaute
un
peu
lorsqu’enfin j’apergois
immense tarodiere
mor-
un
peu
(champ de ble des Poly-
nesiens).
Les feuilles des taros,
johe forme, sont tres decoexige beaucoup de travail et surtout une
enorme quantite d’eau, ce qui oblige les malheureux travailleurs a rester
larges,
d’une tres
ratives. La culture des taros
des heures entieres dans l’eau et la boue.
Notre
guide
nous
propose alors de revenir
a
Rairua
en
faisant
un
leger detour.
«
Combien de kilometres
-
aurons-nous a
franchir ?
»
demande
monsieur Vernier.
Quatre kilometres seulement, lui est-il repondu.
Quatre kilometres... alors c’est entendu. II est midi. En marchant
d’un bon pas nous serons a Rairua dans une heure, ce qui sera tres bien,
-
-
et la
promenade
En effet
semble devoir etre
nous
ties Australes ont
agreable.
»
empruntons un delicieux sous-bois longeant la mer.
une temperature nettement plus froide qu’a Tahiti.
Les
Les
saisons y sont surtout mieux marquees si bien que la flore est legerement
differente : les cocotiers y sont beaucoup moins beaux, moins nombreux
aussi; le long des plages de sable blond, ils
sont meme en
partie rempla-
par des filaos appeles aussi arbres de fer, qui supportent mieux les
vents froids venus du sud : apres Raivavae, a part File de Rapa, il n’existe
ces
aucune
autre terre avant
d’atteindre le
pole
austral.
manguiers et les maiores y poussent encore
de fruits; certaines annees froides meme pas du tout.
i
Les
3
More: «orbre
34
a
pain». Ce
mot
designe oussi le fruit de cet orbre
mais donnent peu
N°322
-
Mai/Aout 2011
Le bois de santal existe ici.
Les orangers, extremement
des arbres immenses,
tres hauts, magnifiques en ce moment parce que surcharges de fruits : le
sol d’ailleurs en est couvert et personne lie songe meme a les ramasser.
nombreux,
sont
Les papayers fournissent de
grandes quantifies aussi de ces excellentes
se servir comme legume et comrne fruit
mais les
et
se
contentent
de
les
dedaignent
porter a leurs
cochons entierement noirs comme ceux de Tahiti, qui circulent en liberie
a travers toute Tile, comme d’ailleurs les dindons, les
coqs, les poules sauvages, comme les chevres, les taureaux et les vaches.
papayes dont on peut
gens de Raivavae les
«
a
-
notre
-
Mais comment faites
pour traire
vous
vos
vaches ? ai-je demande
guide.
nous ne les trayons pas, nTa -t-il dit en riant, les veaux se chartravail. Nous n’aimons pas le lait, nous n’en buvons jamais,
cependant, parfois, quand une maman ne peut allaiter son enfant,
-
Mais
gent de
ce
quelques hommes vont attraper au lasso une vache qu’ils ramenent au village oil elle demeurera jusqu’a ce que Tenfant soit en age de manger».
En voyant toutes ces betes vivre, se reproduire en hberte, je pense au
magnifique Uvre de Jean Giono Que majoie demeure.
II y a aussi de splendides chevaux sauvages, mais beaucoup d’autres
sont
asservis, les naturels du pays hommes
et
femmes circulant
a
travers
leur lie presque toujours a cheval.
Tout a Theure une fois de plus
j’ai regrette amerement de ne pas etre
fixer le magnifique spectacle auquel j’ai assiste :
peintre ; j’aurais aime
imaginez un petit sender de
terre
battue
-
une
d’un rouge violent
masse de verdure oil tous
terre
-
frayant difficilement un passage a travers une
les tons de vert se melent agreablement et qui ne laisse passer qu’a interse
valles des bout de ciel d’un bleu
tres
pur.
Brusquement deux
sauvages
vent, montant le
longue magnifique
meme cheval, a califourchon sans selle, viennent d’apparaitre au galop de
charge. Elies nous voient, arretent brusquement leur fougueuse monture
creatures, leur
et
dire
bonjour.
pour
nous
chevelure flottant
Elies semblent
au
personnifier la joie de vivre.
Elies
rient... elles ont de belles dents d’une blancheur eblouissante que le chaud
coloris de leur peau cuivree accentue encore, des levres sensuelles, un
35
fcjgj muUetin dv la
Societe des &tude& Ocea/ue/i/ie&
regard franc, leurs beaux seins lourds pointent sous la simple robe de
cotonnade, tout leur etre respire la sante : un geste d’adieu, et
elles repartent au galop.
Nous marchons, nous marchons toujours et commengons a avoir des
craintes serieuses sur les notions de distance de notre guide. A noter que
c’est a peu pres le cas de tous les Tahitiens; ils vous annoncent froidement, au cours d’une promenade, qu’il reste trente km a franchir alors
qu’il n’en reste que cinq ou vice-versa; en tous cas ils ne vous diront pas
qu’ils ne savent pas.
mauvaise
Je
une
lasse de porter
commence a etre
fillette qui
nous
suit
spontanement. De temps
sons, leurs habitants
a
nous
depuis
autres
un
long
nous nous
simples que
Monsieur Vernier sait trouver pour
plaisanterie facile qui
arretons
dans d’humbles mai-
ayant demande d’entrer avec
leurs bons yeux d’hommes
la
bebe chien ; heureusement
moment vient de s’en charger
mon
nous ne
eux
tant
de desirs dans
pouvions leur refuser.
affectueux, inventer
des mots
dechainera leur bon rire et surtout il sait rire
avec
eux.
fois on nous offre bananes, popoi et oranges que nous ne
naturellement
pouvons
pas refuser. Par contre les jeunes enfants sont de
veritables sauvageons, ils poussent des cris de terreur a notre approche ;
Chaque
ils voient si rarement d’hommes blancs.
Il est deux heures et demie et
franchi
une
riviere peu
profonde
portes par le robuste guide)
tre ou
cinq maisons,
«
un
nous
marchons toujours; apres avoir
(monsieur et madame Vernier ont ete
nous
arrivons dans
grand temple
pleure
La vieille femme du pasteur
un
modeste
village;
qua-
».
de joie ;
a
tour de role elle nous
tient tous les
quatre bien serres contre sa poitrine et nous embrasse inlassablement. Toutes les femmes du village l’imiteront d’ailleurs. Nous nous
trouvons exactement
monter tout
a
fait
au
de l’autre cote de Rairua ; maintenant il nous faut
de File (300 metres environ) puis redes-
sommet
cendre de l’autre cote afin d’atteindre notre but.
Le soleil est
accablant; a present que nous nous elevons, il n’y a plus
de verdure pour en attenuer l’ardeur; la grimpe est rude, nous ruisselons
de
36
sueur.
N°322
-
Mai /Aout 2011
Cependant nous void enfin au sommet de la colline ; la, nous
sommes largement
recompenses de nos efforts par le spectacle s’offrant
a notre vue et
nous
que
pouvons contempler a l’ombre d’un tres beau
lilao, unique arbre de l’endroit d’ailleurs. Cette crete se trouve a peu pres
au milieu de 1’Tle ; de
chaque cote descended rapidement des terres
rouges piquees de blocs de lave noire menant a une masse de verdure qui
s’etend jusqu’au bord du lagon. Dans le lointain des deux cotes, on
apergoit la mer qui brise sur les recifs.
Peniblement
nous nous remettons en
route, quittant avec regret Torndouble paysage enchanteur; nous nous hatons, nos
montres marquant plus de trois heures, on doit nous attendre
pour le
bre bienfaisante et
dejeuner,
avec
quelle impatience ?
La piste est
fois
nous
ce
peine tracee,
mauvaise, remplie de fondrieres, pardevons passer dans des champs de plantes piquantes, si bien
que
a
tres
jambes sont couvertes d’egratignures, en plus nous sommes
encombres de Bobby que Charly et moi portons a tour de role car sa
petite bonne nous a abandonnes au dernier village : le pauvre animal
mes
pauvres
«
est
»
d’ailleurs
Enfin
bon
a
moitie mort de chaleur.
nous
arrivons dans la reposante
et comme c’est
agreable
zone
de verdure. Comme il fait
de marcher dans
un
sentier
a
peu pres
convenable!
«
-
Autrefois,
nous
guide, nos chemins et nos ponts
depuis quelques annees, le Gouvemement
raconte notre
etaient tres bien entretenus:
or
preleve sur chaque habitant une taxe de 50 francs par an pour l’entretien
des routes que naturellement il n’entretient pas du tout. Depuis nous laissons a l’abandon nos chemins, ne voulant
pas et payer la taxe et faire le
travail.»
ner
Voici le village; bien que quatre heures viennent de sonner, le dejeun’est pas tout a fait pret, il acheve de cuire au four tahitien.
Pour preparer un de ces fours, il faut d’abord creuser a meme le sol
grand trou, puis en gamir le fond de grosses pierres que Ton chauffe a
blanc. C’est le moment alors de poser les aliments sur ces pierres qui
seront d’abord recouvertes de feuilles de bananiers puis d’une epaisse
un
couche de terre.
37
bulletin d& fa dociele des Studcs Ocean
four ordinaire, le poisson, cuisant a cote des viandes ou des
legumes, leur communiquerait, sans nul doute, son gout; dans le four
tahitien, chaque aliment garde exclusivement son propre gout: il est vrai
Dans
un
que viandes, poissons ou legumes sont enveloppes soigneusement de
feuilles de bouraou (espece geante d’hibiscus a larges feuilles epaisses)
fonnant autant de paquets separes.
Au bout de deux heures environ tout est cuit
a
entier, poulets, bananes etc, bien que
choses soient de gran-
toutes
ces
point: cochon de lait
deurs differentes.
grande table a ete dressee dans la maison du pasteur, nappe
blanche, bouquets de fleurs, imposant tas d’oranges; naturebement il n’y
Une
pain ni vin.
(Le Gouvemement, dans l’espoir de preserver la race, interdit Pimportation d’alcool d’aucune sorte.)
Ici, de gros morceaux de taros qui ressemblent a des pierres ponces
remplaceront le pain, tandis qu’a Tahiti, c’est la mai'ore, fruit de l’arbre a
pain. On nous demande enfln de passer a table : seul le maitre de maison nous tiendra compagnie, tous les autres mangeront apres nous nos
restes qui seront certainement considerables, car outre un cochon de lait
entier, plusieurs poulets et bananes cuits au four tahitien, il y a d’autres
poulets en sauce, des assiettes de corned-beef (ce qui represente pour eux
un gros sacrifice d’argent mais aussi sans doute le summum du chic), des
omelettes froides aux herbes, des crepes de l’epaisseur d’un doigt. Le desa
ni
»
«
sert se
compose
d’oranges et de
morceaux
de poe.
pate de fruit elastique comme des caramels mous,
dessert delicieux. On le prepare avec des bananes ou des papayes
Le poe, sorte de
est un
cuites et ecrasees,
de
coco
-
melangees a de la farine de manioc,
le tout cuit
four tahitien
au
Une tasse de cafe tiede termine
niere
pres
goutte avalee, Charly
a un
kilometre du
Pres du
ou au
ce
du
sucre
et
du lait
bain-marie.
gigantesque repas. A peine la dera la riviere qui se trouve a peu
et moi filons
village.
petit pont,
nous
apercevons Michelli et le pasteur d’Arue,
nous nous eloignons discretement a la
couverts de mousse de savon ;
recherche d’un petit coin
38
tranquille
que
nous
trouvons
bientot d'ailleurs.
N°322
-
Mai /Aofit 2011
Cette riviere
qui serpente sous une tonneUe de verdure ininterroma
l’endroit
oil nous nous arretons, une sorte de ravissante pisforme,
pue
cine naturelle.
A faible hauteur au-dessus de la
incline,
en une
courbe harmonieuse,
formee pour
savonnons
berge
de
et
de
l’eau,
un
bouraou
a
branches ; la voici, transporte-manteau. Tandis que nous nous
une
ses
quelques instants,
voluptueusement, je pense sans regrets aux johes salles de bain
modemes,
car
en
celle-ci
ne
peut
Sur le chemin du retour,
etre comparee a aucune
nous nous amusons a
d’entre elles.
observer les
meres
poules occupees a caser, pour la nuit, leur progeniture: une d'entre elles,
une grosse brave mere poule, juchee tres haut sur la derniere branche
d’un manguier, exhorte par de retentissants « cot, cot, cot une dizaine
de poussins a la suivre; ceux- ci, malgre tous leurs efforts, ne parviennent
pas a atteindre la premiere branche. Alors elle redescend, et suivie de
»
toute sa braillarde et
logis,
brusquement.
nouveau
venir
car
petite bande, repart,
elle sait que le soleil
a
toute
venant
de
allure, en quete d’un
coucher, la nuit va
se
Lorsque nous rejoignons le village, on nous attend deja pour le diner,
quoique deux heures a peine se soient ecoulees depuis le dejeuner. Ce
diner a lieu chez le chef, la composition du menu est exactement la meme
que pour le dejeuner. La soiree est vite terminee, chacun ayant hate de
rejoindre enfin un
*
lit confortable.
Vendredi 7 octobre
lendemain, apres le petit-dejeuner, nous repartons nous ebattre
dans l’eau limpide de notre merveilleuse piscine puis a neuf heures et
demie, en compagnie de monsieur et madame Vernier, nous partons de
l’autre cote de File au village de Anatonu, ou nous devons dejeuner.
Le petit sender que nous empruntons est ravissant; bien qu’il longe la
mer de tres pres, nous n’apercevons l’eau lumineusement bleue du lagon
que de temps a autres, lorsque la vegetation tres touffue nous le permet.
Le
plusieurs ponts a moitie casses. A part le bruit de la mer
se brisant sur les recifs, le plus profond silence regne. Les arbres ne sont
Nous traversons
pas habites
comme en
Europe par une multitude de joyeux petits oiseaux,
39
G&nf/etin (lc fa ijoctc/e {/es &///
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 322