B987352101_PFP1_2013_021.pdf
- Texte
-
LitteR
Itlftff
nouemBRE 2013
Te hotu ITla'ohi
Ramées de littérature
polynésienne
Emancipations
{•■
•
(
’
'
'
■
.
:
-
Littéramaohi
Publication d’un groupe
d’écrivains autochtones de la Polynésie française
Directrice de la publication :
Chantal T.
Spitz
Farepoiri Motu !Araara
Huahine
E-mail
:
hombo(3)mail.pf
Numéro 21
/ Novembre 2013
Tirage : 600 exemplaires - Imprimerie : STP Multipress
Mise
en
Couverture
Peinture
page :
:
A
Backstage
an’so Le Boulc’h
rupestre, grotte de Eiaone, Hiva Oa, Marquises Sud
Photos : Rolando Insoddisfatto
N° Tahiti Iti
:
755900.001
Revue
Littéramaohi
Ramées
de Littérature
Polynésienne
-
Te Ho tu Maolii
-
Liste des auteurs
de Littérama’ohi n°21
Guillaume Colombani
Annie Coeroli-Green
Isabelle Tai
Flora Aurima-Devatine
Manuela Macori
Danah Drollet-Tauafu
MeariManoi
Rarahu Flohr
Mataa’ia’I
Malia Fotutata
Adeline Michoux
Emilie Tiare Gonzalez
Heinarii Grand
Hamid Mokaddem
Moeava Grand
Romaine Moreton
Simone Grand
Frédéric Ohlen
Te’ura
Philippe Guerre
Opu’u
Karoli S Pallai
Isidore Pliro
TitauaPeu
Yvette Holt
Hong-My Phong
Jean-Claude Icart
Odile Purue-Alfonsi
Georgette Kollen-Colombani
Nicolas Kurtovitch
Nathalie
Sébastien Laplaque
Chantal T. Spitz
Sinita Manukula Tahimili
Mareva Leu
Angelo Ariitai-Nuffer
Ernest Salmon
Salmon-Hudry
■
Isabelle Tai
Edgar Tetahiotupa
Teuraheimata
a
Tixier
Goenda a Turiano-Reea
SOMMAIRE
LITTERAMA’OHI N°21
Novembre 2013
Liste des auteurs
nous
p.
p.
14
p.
16
p.
17
p.
20
p.
22
p.
24
p.
33
p.
35
p.
La revue Littérama’ohi - Les membres fondateurs
Ils
4
5
9
11
.p.
Sommaire
manquent
p.
Hommage
Flora Aurima-Devatine
Hommage et gratitude
Odile Purue-Alfonsi
Une envolée discrète
Annie Coeroli-Green
Ils
sont
partis
Te’ura Opu’u
Ta vie, un roman
Dossier
«
Emancipations »
Mareva Leu
Aujourd’hui je t’enterre
Edgar Tetahiotupa
Que serais-je sans toi
Guillaume Colombani
De
l’émancipation
Nathalie Salmon-Hudry
Emancipation
Odile Purue-Alfonsi
Emancipation alliée de la liberté
L’émancipation
..
p.
.p.
37
38
p.
39
p.
41
p.
44
p.
45
.p.
47
p.
53
p.
55
p.
58
p.
68
p.
73
p.
75
p.
79
P-
81
p.
88
.p.
96
Goenda a Turiano-Reea
‘Ua fa’ati amâ b Iesu ia be
Flora Aurima-Devatine
Par l’écrire
Moeava Grand
Je m’émancipe
Isidore Hiro
Apropos d’émancipations
Simone Grand
Emancipation et ti’amâra’a ont-ils le même sens ?
Mataa’ia’i
Amers
relents, sillons d’agonie
Titaua Peu
Triste
pantin désarticulé dans de tristes tropiques
Hamid Mokaddem
Ce que s’émanciper veut dire en Kanaky/Nouvelle
Calédonie
Chantal T. Spitz
Décolonisation des
esprits et émancipation politique
Créations autochtones
Teuraheimata a Tixier
Rangiroa... Tôù here ia ôe tôù fenua
Danah Drollet-Tauafu
Femmes de ma vie
Hong-My Phong
Peu de farani
Rarahu Flohr
Dérive
Meari Manoi
A hura mai
Goenda a Turiano-Reea
Râhiri, Râ haruhia i te 132raa o te Heiva !
Edgar Tetahiotupa
Merci
en
marquisien
p.
92
Emilie Tiare Gonzalez
Le
symbolisme de la tête
p. 96
Simone Grand
Rob
p.
109
p.
114
p.
117
p.
119
p.
121
.p.
125
p.
132
p.
137
p.
139
p.
140
p.
141
p.
144
p.
148
p.
149
p.
154
Auteurs invités
Adeline Michoux
Les aventures de Haari
Manuela Macori
Maeva
Louis-Karl Picard-Sioui
Extraits du recueil De la paix en jachère
Frédéric Ohlen
La nuit tout est
plus clair
Jean-Claude Icart
Le vieux nègre dans le temple
Nicolas Kurtovitch
En
nos
latitudes
‘Epeli Hau’ofa
Notre
mer
d’îles
Sinita Manukula Tahimili
Kakala o Uvea
Malia Fotutata
L’alphabet futunien
Philppe Guerre
Moires delà mémoire
Yvette Holt
Anonymous prémonitions (extraits)
:
Romaine Moreton
Taxi driver
Sébastien Lapaque
Georges Simenon à Tahiti
Karoli S. Pallai
Flora Devatine en
Hongrie
Pina’ina’i
Patrick Amaru
Evahineau
p-
157
p.
158
p.
161
p.
162
p.
165
p.
167
P-
175
P-
177
Les fleurs du destin
p.
181
L’heure des tupapau
Le lézard de Fautaua
p.
182
p-
La bataille du 25 octobre 1918
p.
183
184
Je songe à ceux qui dorment pour toujours
p.
186
p.
187
Quête d’identité..
P-
189
Efenuatô’u
P-
191
P-
193
P-
195
P-
196
.p.
195
Heipuni a mate
.•
Angelo Ariitai-Neuffer
Mâramaotepô
Heinarii Grand
L’assemblée des 3 peuples
Moeva Grand
Une terre, un
peuple, un homme
Romaine Moreton
Don’t let it make you over
Te’ura
Opu’u
Je rêve éveillée
Odile Purue-Alfonsi
Mon aïeule
Ernest Salmon
Nathalie Salmon-Hudry
Des racines, une vraie liberté
d’avenir
Chantal T. Spitz
Isabelle Tai
L’histoire d eMuntaryfakalan
Goenda a Turiano-Reea
Hoani
Hitivai Tracqui
Perdue
en
forêt
L’artiste
Rolando Insoddisfatto
Littérama’ohi
Ramées de Littérature
-
Polynésienne
Te Hotu Ma’ohi
-
La
revue Littérama’ohi a été fondée
par un groupe
de la polynésie française associés librement :
Patrick Amaru, Michou Chaze, Flora Devatine,
d’écrivains autoch-
tones
Danièle-Tao’ahere Helme, Marie-Claude
Chantal T. Spitz.
Le titre
et
Teissier-Landgraf, Jimmy M. Ly,
les sous-titres de la revue traduisent la société
polynésienne d’au-
jourd’hui :
-
«Littérama’ohi», pour l’entrée dans le monde littéraire
de son identité,
et pour l’affirma-
tion
-
«Ramées de Littérature
Polynésienne», par référence à la rame de papier,
à sa culture francophone,
Te Hotu Ma’ohi »,
signe la création féconde en terre polynésienne,
Fécondité originelle renforcée par le
ginseng des caractères chinois intercalés
entre le titre en français et celui en tahitien.
à celle de la
pirogue,
-
-
«
La
-
-
-
pour objectifs :
de tisser des liens entre les écrivains
revue a
originaires de la Polynésie française,
des auteurs origicontemporaine,
de faire connaître la variété, la richesse et la
spécificité
naires de la
Polynésie française dans leur diversité
de donner à chaque auteur un
espace de publication.
Par
ailleurs, c’est aussi de faire connaître les différentes facettes de la culture
polynésienne à travers les modes d’expression traditionnels et modernes que
sont la
peinture, la sculpture, la gravure, la photographie, le tatouage, la musique,
le
chant, la danse... les travaux de chercheurs, des enseignants...
objectifs, c’est avant tout de créer un moupolynésiens.
Les textes peuvent être écrits en français, en tahitien, ou dans n’importe
quelle autre langue occidentale (anglais, espagnol,... ) ou polynésienne (mangarévien, marquisien, pa’umotu, rapa, rurutu... ), et en chinois.
Toutefois, en ce qui concerne les textes en langues étrangères comme pour
ceux en reo ma’ohi, il est recommandé de les
présenter dans la mesure du possible avec une traduction, ou une version de compréhension, ou un extrait en
langue française.
Et pour en revenir aux premiers
vement entre écrivains
Les auteurs sont seuls
responsables de leurs écrits et des opinions émises.
général tous les textes seront admis sous réserve qu’ils respectent la
dignité de la personne humaine.
En
Invitation
au
prochain numéro :
Ecrivains et artistes polynésiens,
cette
revue
de réflexion
est
sur
la vôtre
:
tout
la littérature,
auteurs, sur l’édition, sur
article bio
biblio-graphique vous concernant,
sur l’écriture, sur la langue deériture, sur des
et
la traduction, sur l’art, la danse,...
ou sur tout autre
sujet concernant la société, la culture, est attendu.
Les membres fondateurs
ils nous manquent
numéro
I
spécial
H
le premier sans nos compagnons
qui s’en sont allés de l’autre côté du miroir
parce que
de nombreuses contributions
pour le thème que pour les créations littéraires
parce que
tant
d’auteurs autochtones
et
d’auteurs invités
les textes des lectures de pina’inai
en
musiques en danses
trouvent leur place dans la dernière partie de ce numéro
parce que
mises
en
scène
‘
la littérature autochtone est plus que jamais vivante
les liens avec les auteurs d’ailleurs s’étendent
vogue la pirogue Littérama’ohi
dans les flots impétueux de la création
afin de partager les mots et les idées
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V.
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/e t'aime
Photo : Rolando Insoddisfatto
LittéRama’OHi
» 21
Flora Rurima-Devatine
Auteure de poèmes traditionnels en
et de
tahitien, de poèmes libres enfrançais,
nombreux articles dans de multiples domaines touchant divers as-
pects de la société, de la culture, de la littérature, de la poésie tahitiennes.
Hommage et Gratitude
à
Aimeho
Eugénie
En
commun
La générosité
du cœur
Le sourire permanent
Une timidité inattendue
En
également
L'appartenance à Littérama’ohi
commun
Triturant et mêlant
Les mêmes idées
Sur la culture
La littérature
Solange
La modeste
Efficace
Discrète
La bienveillance
En toutes circonstances
Toujours avec le sourire
Aimeho
Personnage
Au verbe haut
Sous
sa
désinvolture
Une sensibilité extrême
Une immense tendresse
Eugénie
La chaleureuse
A l’aise
en
toutes circonstances
Mère Secours aidant
Autant
quelle le pouvait
Toujours présente
Elle manque et manquera.
Notes
Solange Drollet, avocate, grande juriste du droit du travail en Polynésie, auteur d'ouvrages de droit, et de
nouvelles publiées dans la revue Littérama’ohi, a participé vivement à la diffusion de célle-ci.
Aimeho Charousset, le poète, le conteur, auteur de
légendes poétiques, a soutenu activement lAssociation
Groupe Littérama’ohi ces dernières années de sa courte vie, organisant les lectures publiques de Litté-
rama’ohi
au
Marché de Papeete.
Eugénie Le Gayic, psychologue, ancien Chef du Service de la culture et du patrimoine, secrétaire de lAssodation Groupe Littérama’ohi, elle a été un membre très actifde l’aventure Littérama’ohi, dès la
première heure.
LittéRama’oHi
# 21
Odile Purue-RIfonsi
Née à Rikitea Mangareva
dans l'archipel des Gambia: Mère defamille,
membre de Littérama’ohi, revendique
sa souche
par l’écriture en langues mangarévienne etfrançaise de ses souvenirs d'enfance. Traductrice des textes du site internet de l’Assemblée
Territoriale en langue mangarévienne.
retraitée de l'Education Nationale,
■
■
•
■
f
'
Une envolée discrète
L’un après l’autre,
discrètement, nos littérateurs
Aimeho, Solange, Eugénie, se sont envolés
Dans le brouillard astral comme un exode,
Nous épargnant sans doute le dérangement,
Et semant la peine et le triste désarroi.
Reflets émouvants
d’images, de représentations
Qui convergent ensemble dans la méditation.
Des questions effarées fusent de tous côtés
Qui ? Comment ? Encore jeune ! Pourquoi !
Des ressentiments d’une vie si brève,
Encore inachevé
ou
à mi-parcours
d’un devoir
les attendait.
Ils laissent en écho le timbre volubile de leurs voix
impriment à jamais, comme une relique, leurs écrits.
Triste Marché de Papeete qui se retrouve orphelin
De leurs présences drôles et généreuses
Et
-
De leurs timbres
loquaces et particuliers.
Litterama’ohi, héritière avérée de leurs textes
Les retiendra inévitablement
en
souvenirs.
La destinée
prévisible de notre existence fugitive
Inspire la philosophie suivante :
Nous naissons pour engendrer
Nous vivons pour exister
Nous
mourons
la
En mémoire de
effacer.
s’achemine fatalement vers la mort,
parfums d’amour et d’espérance. »
pour perpétuer et pour nous
Avec sagesse nous raisonnons « Si vie
Alors ! Dépêchons-nous de la fleurir des
nos
littérateurs
disparus
j Rnnia Coeroli-Green
Traductrice en français de «
ney
Qiii suis-je ? Journal de Mary Talence-Syd1937 » de Anita Heiss, histoire d’une enfant aborigène de la « géné-
volée » et de textes d'écrivains du Pacifique. Traductrice en anglais
de textes de Patrick Amaru. Publie des poèmes dans Litterama’ohi dont
ration
certains
Ils
traduits en tahitien par Isidore Hiro.
sont
Ua reva ratou
partis
Ils sont partis.
Ua
Dans le parc,
Irotoiteàüâ,
du musée,
o
plus de Jean-Marc,
aita
sur
les routes,
ratou.
te Âna Vaha
Rau,
faahou o Jean-Marc,
nià i te puromu,
na
plus de chapeau,
plus de vêtements bariolés,
plus deÀimeho.
Solange,
reva
aita
faahou terà taüpoo
aita
faahou terà àhu û huru rau ra
o
Àimeho ia, aita faahou.
O
Solange nei hoi,
envolée
ua
maùë ia
comme un
mai te arèrè ra,
ange,
Eugénie
Eugénie iti hoi ë
vite partie,
ôiôi i te reva,
la même
avec
énergie
e
iti ra,
huru iti nona ra
taua
quelle avait dans sa vie.
te îèïè i roto i tona ôraraa.
Parti
Ua
aussi
atoà
Maco
oMaco
Maamaatuaiahutapu
Maamaatuaiahutapu
au nom
i te iôa
si
long,
avec
qui
on a
tant
«
reva
hoi
i te roroa,
taata mau ra
i te
ri,
àuë, n’a plus Papa Penu
«
âreàreà,
àuë, aita faahou Papa Penu
et Mama Roro »,
eo
Culture et gentillesse,
« Allez ! Pas de tristesse
Taata
».
«
Mama Roro
no
te
»,
pëu-tumu e te maitai
Haere !... Eiaha
e
haapeàpeà ».
omage
Litteaama’oHi « 21
Rnnie Coeroli-Green
Ils
sont
partis
Sans bruit,
la pudeur
dans le
Ua reva ratou
Aita i poroi
mà te
cœur,
âàu,
haehaa
te
0
mai,
haehaa
la pudeur
mà te
dans la mort
tae roa i te
quand il faut remercier
âfea e vaiiho ai
un
corps usé
parfois abusé,
quand il faut quitter même
ceux
qu’on aime,
quand vient le moment
de laisser là
e
tout
ce
qu’on croyait
important,
et qui maintenant
apparait dérisoire,
tout ce qu’on croyait
hoê tino tei paruparu
haavîhia i te tahi taime,
i te
e
pohe
tei
âfea e faataa ê ai
herehia,
i tei
âfea
e
tae mai ai te taime
vaiiho ai i te hoê vahi
te mau
ôhipa atoà i manaôhia
faufaa,
e mea
i teie nei
e
ua
te
ôhipa faufaa ore
ôhipa atoà i tiàturihia
riro ei
mau
indispensable,
e mea
faufaa,
des histoires
e mau
àamu
qui s’effacent déjà,
0
des vies-châteaux de sable
ratou, mai te
Ayant souffert
Parfois l’enfer,
ils sont partis
dans l’intimité,
I faarùrù mai
avec
la
dignité
souhaitée,
respectée.
Restent des
te riro i te moè taùe noa
fare-ône ra te huru.
na
i te
I te tahi taime aita
ua reva
ratou
ma
i
e
àti rahi
faaàuraa i te àti,
mau
ratou
noa e
to ratou
iho,
te tura
hiaàihia ra,
àurarohia.
empreintes
Toê mai te
mau
De leur passage,
I te ôraraa ra,
De leur courage
Face aux craintes,
To ratou itoito
De leurs
To ratou paari
personnalités
de leur humanité.
I
mua
i te
mau
tapaô
fifi,
to ratou maitai.
19
Ils
ont transmis
Ua vaiiho mai
leur amour
i to ratou
de la culture,
i te
de la nature
i te natura
de leur pays,
i to ratou
de leurs amis,
de leurs enfants,
i to ratou
mau
i ta ratou
huaài tamarii,
de leur famille.
i to ratou
mau
here
peü-tumu,
fenua âià,
hoâ,
opü fetii.
Oui, ils sont partis.
Ôia nei, ua reva ratou.
Et je prie
E te taù nei âu
pour que le meilleur
calme leur douleur
ia
Et que
les couleurs
E ia
D’une
autre vie
No te tahi atu huru ôraraa
repeignent leur cœur.
Ils sont partis
Mais
ce
n’est pas fini.
fanaô i te tahi maitai hau
tamarü i to ratou
ei
mau
atu â
mauiui
ànapanapa mai te ùnaùna
tamàhanahana i to
ratou àau.
Ua reva ratou
Terâ râ, èere ia ê, o te
hopeà iho ra
ia...
Hom age
LittéRama’OHi
Te'ura
» zi
Opu'u
Jeunefemme de 27 ans, maman
d’une merveilleuse petitefille de S ans.
Travaillant dans le tourisme en tant quagent de réservation.
c'est comme penser trop haut ce que tout le
monde pense tout has.
Cherchant le courage de surpasser cette douleur aussi vive qu'une blés-
Pensant que rêver éveiller,
sure
à
l'arme blanche.
A toi qui nous a
quittées,
Reposes en paix parmi les étoiles,
Nous savons que
tu veilleras sur chacune de nous.
Ta vie, un roman...
Entre Terre et Mer, tu voyages aux grés
des courants.
Majuscules, minuscules, tu galopais à chaque des lignes.
Amour, tendresse, joie, tu partageais selon tes humeurs.
Noel, anniversaire, baptême, mariage, tu y assistais avec joie.
Chanter, danser, tu bougeais aux rythmes des instruments de ton pays.
Inévitable, marquante, tu es dans la mémoire des gens
Parler, échanger, débattre, tu animais avec ardeur.
Apprendre, conseiller, tu dispensais selon tes enseignements.
Travailleuse infatigable, aux services de tout le monde,
tu
omage
inspirais à travers tes actes.
Innover, imaginer, tu encourageais les personnes qui te croisaient.
Ovation, télévision,
photo, tu y échappais à chaque évènement mondain.
tu étais dans ton rôle de mère et grand-mère.
Seule parmi tout ce monde, je me sens depuis ton départ.
Nourricière et protectrice,
Déterminé
Photo : Rolando lnsoddisfatto
LittéRama’OHi
# 21
iïlareua Leu
Joyeuse plume révoltée à ses heures, intolérante à l'intolérance, épicurienne
depuis l’enfance et “émancipée" dès l’adolescence. Amoureuse de son pays,
passionnée par sa culture, engagée pour sa jeunesse : des sources d'inspiration
infinies, inépuisables, intarissables."
Crédit photo : Matareva
Aujourd’hui je t enterre...
«
Aujourd’hui je t’enterre ». Ces mots résonnent encore dans sa tête et ébran-
lent son âme comme le fa dièse de l’Emmanuel ébranle, elle le suppose, les fondations de File de la Cité. Elle ne sait pas si « ça finira par passer » un jour. Peut
elle ne l’espère même plus. Elle n’était pas assez bien, pas assez
», pas assez toi. Ou alors elle était trop mal, trop « de travers »,
trop elle. Elle a aussi cru que d’avoir réussi où tu échouas, d’avoir fait -grâce à
toi- ce que tu rêvas de faire mais que tu ne pus finalement pas faire parce quelle
débarqua au moment où tu aurais pu le faire peut-être, eut finalement raison
de la tendresse quelle espérait. Que parce quelle vint asphyxier tes aspirations,
il te sembla légitime de faire pareil avec ce que tu crus être les siennes.
être. En réalité,
«
comme
«
ce
il faut
C’est pas comme ça que je vois les choses », alors pas question que qui que
soit ne les voit pas-comme-toi. C’est drôle, mais ça l’énerve ! Vingt-trois ans
plus tôt, c’était symétriquement identique. Calculus 101 ! Hélas, les maths n’ont
jamais été son point fort. Or, si la logique avait été vraie, le résultat aurait pu être
diamétralement opposé. Peut être. Elle n’y songe même plus. Elle pensait trop
pas-comme-toi. Elle pensait trop par elle. Pour ça, elle n’était peut-être pas digne
de la compréhension quelle aurait pu espérer.
23
Dossier
Dix ans que vous me mentez ! »
Et soudain tout s’éclaire ! Tu-enterré devient
vous-méprisé, laissant place à je-exclu. Exclusion, déception, trahison. Les mots
s’enchaînent, les sentiments se bousculent. Je ne se sent plus à sa place et
déplace. Je est blessé et blesse en retour. Vous est cassé. Nous est broyé. La sève
des pieds s’épand par de profondes écorchures. Les coeurs saignent et les larmes
coulent. La faute à qui ? À personne ? À nous ? À vous 1À tu? Ou alors à je-autoaveuglé ? Elle a réponse. Pour je, tu n’avait pas mérité sa confiance. Pour tu, je
s’était voilé la face. Elle, qui porte encore la cicatrice de sa naissance, doit maintenant apprivoiser celle, plus profonde, du
rejet.
Easy and comfy ? Not quite actually !
«
Aujourd’hui je t’enterre ». Convictions inébranlables. Plaidoyer impeccable.
C’est violent, certes, mais au moins c’est final. C’est brutal,
mais c’est irrémédiable. C’est féroce, mais c’est sans appel. Qu’y a-t-il de plus
définitif que la mise-sous-terre ? Rien. Presque rien. Rien, saufla non-venuesur-Terre. Alors on en revient au début. À la racine du mal, là par où il doit être
«
Verdict implacable.
traité.
Et bien soit !
Aujourd’hui elle s’émancipe. Aujourd’hui tu libère je des entraves
de sa naissance.
Aujourd’hui je enterre tu. Et tu n’a pas le don de résurrection !
Si je et tu suffisaient
Si seulement !
à faire nous, ce verdict serait odieusement acceptable.
LittéRama’OHi
« 21
Edgar Tetahiotupa
Enseignant, anthropologue, membre du réseau Asie-Pacifique, du CNEP,
du projet DobeS, de l’association C.I.E.L., de Littérama'ohi, des To’ohitu
de l'association Ati ti'a (Moorea), président de l'association Te ui hou 0 te
Fenua Enata... De manière générale, s’intéresse à la culture et aux
langues polynésiennes.
Que serais-je sans toi !
Les
propos1 qui suivent ne rentrent pas à proprement parler dans le sens que
définit l’émancipation : « action de s’affranchir d’un lien, d’une entrave, d’un
état de dépendance d’une domination, d’un préjugé » (Larousse internet).
eux, l’idée d’affranchissement apparaît, comme une
de partir à la découverte de l’autre.
Néanmoins, à travers
manière de se libérer,
Je vous propose d’écouter Moihau2 et John Martin. La première va nous expliquer comment l’apprentissage des langues française et anglaise lui ont permis
de partir à la rencontrer l’autre. Quant au second, il nous entraînera dans une
aventure, vécue par lui-même, lors de la seconde guerre mondiale. Il nous
comment, grâce à la langue tahitienne, ses compagnons d’armes et
lui-même purent sortir d’un piège tendu par des Italiens et des Allemands.
racontera
1
2
mm
Ils
ont été
recueillis
marquisien pour Moihau, en tahitien pour John Martin.
pseudonyme, ses propos ont été recueillis en 1996 lors d’une enquête sur le
bilinguisme et la scolarisation en Polynésie française.
Moihau
est un
en
25
Dossier
Àla conquête du français et de l’anglais
Moihau
«
et le
français
Concernant le travail scolaire
enfants apprennent vite
(hana hâmani) [...] aujourd’hui (tënei â), les
(koi). Peut-être que cela est dû aux nouveaux moyens
(raveà), comme la télévision. À notre époque, il n’y en avait pas. Ce que nous
avions, c’était la radio (ratio) et le dictionnaire. Cela suffisait pour nous rendre
heureux. On jouait avec le dictionnaire. Je ne sais pas si les enfants de maintenant se
plairont à jouer à ça. C’est comme ça que l’on faisait. Un élève choisit
dans le dictionnaire un mot que les autres devront chercher dans le dictionnaire. Le premier (te ènana àmua)
qui trouve devra l’expliquer (takitaki te auraa)
aux autres. À ce moment-là, on lui donne un bon
point. Avec dix bons points,
il a droit à un livre de bibliothèque de l’école qu’il
peut garder pendant une
quinzaine de jours. Avec l’aide de notre professeur, nous avions obtenu l’autorisation du directeur d’emporter les livres à la maison. Nous lisions (tatau) à
l’école aussi. Parfois, on avait envie aussi d’emporter les livres à la maison [mais
on ne
pouvait pas]. Pour ce faire, nous recopions (patu) le récit dans le cahier.
Àla maison nous le lisions encore et encore (ma ùka iho, ma ùka iho). On arrivait à retenir par cœur tout le paragraphe. C’est comme ça
que l’on faisait, parce
qu’on n’avait pas d’argent pour acheter des livres. On n’avait pas de photocopieuse, ni d’imprimantes... Qui étaient les enfants qui avaient des livres ?
C’étaient les enfants de “riches” : les enfants de médecins,
de l’administrateur3,
des
gendarmes. Ils avaient des bibliothèques. On essayait d’en faire des amis.
Comme ça, on pouvait lire d’autres livres. Sinon, la seule solution, c’était de
copier dans le cahier. Comme si au temps de ces jeunes-là [de son époque], ils
se sont rendus
compte (haatià, accepter) qu’il fallait s’ouvrir au monde (te tau
meapupuà io he ao maama, litt., les choses étincelantes de ce monde lumineux),
les nouvelles (tekao hou), d’autres histoires, des faits divers qui arrivaient de
métropole (fenuafarâni, litt., terre française). Pour apprendre l’histoire des pays,
on
regardait (tiàhi) dans le dictionnaire. Lorsqu’on n’était pas d’accord sur un
sujet, on se référait au dictionnaire. C’était le seul livre qui nous permettait d’approfondir nos connaissances. On n’en avait pas d’autres. Maintenant, je sais que
tous les ans, il y a
beaucoup de livres qui parlent (hakaïte, litt., montrer) de la
vie d’ici (te oraïa o te henua). À cette
époque, il n’y avait pas ça. Après il y a eu la
*
C’est l’équivalent d’un sous-préfet.
manciptos
LitteRama’oHi
» 21
Edgar Tetahiotupa
télé, la radio. La radio, c’était pour écouter, tu écoutais les informations de tel
endroit, de tel endroit. La télé, tu vois aussi les images, il n’y a pas que le son. »
Moihau et l’anglais
À Taiohae, dit Moihau, l’accent
(hakako oko 00 ; litt., apprentissage très fort)
l’anglais. Lorsque j’étais jeune, je parlais anglais, je n’avais pas honte.
Je discutais avec des Américains (Menïke) arrivés sur des yachts (iake). Lorsque
notre professeur d’anglais est averti de la présence de voiliers américains. Il partait chercher ces Américains pour une rencontre (haatutuki) avec nous, leur
disant que s’ils voulaient connaître les histoires du pays, il fallait qu’ils viennent
avec nous. Nous, nous étions
obligés de nous débrouiller pour discuter avec
ces
gens-là... Nous ne restions pas seulement en classe. Nous pouvions [aussi]
les rencontrer sur la route. ‘Allez, allez, venez là disait-il (le professeur), vous
avez
quelqu’un avec qui exercer !”. Ils nous laissaient là. Nous avons commencé,
prudemment (moû, lentement), pour arriver (ensuite) à bien parler (korero)
[...] lorsque tu t’y habitues (matau), il n’y a plus de difficultés. À cette époque,
j’avais seize ans, dix-sept ans. Lorsque les gens avaient besoin d’aide, ils nous
appelaient pour que nous expliquions aux Américains ce qu’étaient les objets
exposés ainsi que les motifs gravés, leur donner le prix de chacun [...]. On servait d’intermédiaire, moi j’ai servi d’intermédiaire pour le français et l’anglais,
durant cette période (area èhua). Pour notre village (mataèinaa), on était
devenu des spécialistes des langues (tuhuka èo). Les gens du village étaient
contents. Ils disaient qu’on était des enfants intelligents, les familles en étaient
lières (kaiè). »
«
était mis
«
te
sur
hâmani, e tiôhi au mei te tai a matou hee mai i tenei à, mea koi oko
toiki i tenei â, mea koi oko. Na te tau raveà oti, teâ tau raveà télévision. la matou
Te hana
dictionnaire, oiaa ta matou haakoakoaia, to
au ite e aha nei te toiki (i) tenei tai e
vaè nei (te) keu atii aa. Ômua, matou i ôto (o) to matou pâôto hâmani, oiaa ta
matou keu. Too tïtahi te dictionnaire, ù pao, ua peàu te tekao, ùmihi ôe tïtahi
pona tekao i ôto no te haa..., haarere hoi, haaùmihi... Tenei peàu ôe e tahi
pona teào, mei te mea ônohuu tatou i ôto (o) te pâôto hâmani, ùmihi tatou o ai
i teâ tai
ahe mea. Ta matou e ratio,
matou tai.
e
E keu i ôto i te dictionnaire. Aê
te ènana ômua na
ôa koàka ia ïa. Pao
ua
takitaki mai te
aura
teâ pona
tekao
paotü. Tukuia na îa un bon point. Koàna anaè ia ïa ônohuu bon point, koàna ia ia
e tahi livre
bibliothèque. Ônohuu ma ima â i ôto (o) to ïa ima. Aè au ite teâ keu,
27
Dossier
(e) keuia nei (i) tenei â. Teâ livre bibliothèque mei (mi) ôto o te haè hàmani, no
aê tuu hânoaia te livre bibliothèque ia ôe (no te) kave io he haè. To matou
professeur (de)français, na ïa e tauturu ia matou. Haatiàia (e) te directeur teâ mea
hana atii aa. No te mea aê anaè aê koàka ta màtou livre
bibliothèque kave io he
haè. Tatau io he haè hàmani, ua pao, ù vai. Tenei kaki matou (e) vaè tatau te livre,
aê atu â e hana. Tenei ta matou tatau, mea
patu io he cahier, e patu matou teâ
ààmu o teâ livre io he cahier. la
pao, àve io he haè, tatau ma ùka iho, ma ùka iho.
E mau koekoe te patuia te
paragraphe paotù. Tenei, atii à te hana, aê moni no te
hoko te livre, aê photocopieuse, aê imprimante. Tenei o ai te tau toiki enà me teâ
tau hàmani a àtou ? Te tau toiki enà me teà tau hàmani a àtou, te tau toiki
(a) te
tau
poi moni. Te toiki a te... me he mea te taotê, te kômanà, te mutoi, teina tau
toiki, bibliothèque ihoa ta àtou i to àtou haè. Tenei e vaèia màtou e hoa me teâ
tau toiki. E koàka ia ù e hano e tatau te tau hàmani kê atu. Mi
(mei) te mea aôè
teâ hoa a ôe mi (mei) te haè hàmani atu... oiaa anaiho
patupatu i no he cahier.
te mea,
Me he mea,
teâ tai toiki, ua tihe ihoa àtou i ôto i te haatiàia, te mea e, ia pepeùia
àtou i ôto i te tau, tau mea pupuà io he ao mààma, tekao hou, tïtahi atu tau ààmu
haatihetia mai nei mi te fenua farani. Tenei e tahi aneiho mea ta màtou e koàka
e
tatau i ôto
(o) te dictionnaire : à teâ èhua mea..., ua teka teâ èhua, ua teka teâ
Ma keina màtou te hakako
henua, teina henua. Oiaa â hua
kaituto anaè màtou, mea hee i ôto (o) te dictionnaire. Aê hoi livre me he
mea i tenei â. Oiaa aneiho ta matou hàmani no te taki te tekao
hôhonu, dictionnaire, teâ Larousse hein ! Tenei â, ua ite au paotü te èhua enà mea nui te tau
hàmani hou, tau hàmani hou hakaite hoi te oraia o te henua. Teâ tau ahe mea,
mui iho â tihe mai ai te télé, ratio. A teina no te
puaika ia te radio, hakaôko pü ana
ôe te tekao hou (i) tupu à i teâ vahi, teâ vahi, i hakaiteia mai. Ma ôto i te télé â, e
mea...
te ààmu teina
mea, e
ite hoi to ôe mata... aê te
puaika aneiho.
I Taiohae â, te èo menike ihoa te mea hakako oo. E teà tai hou o ù, ua tekao èo
menike au, aê hakaika. Ua tekao me te Menike, me he mea aê hakaika... ma
he iake oiaa ta màtou poi tekatekaoia. Ite anaè to màtou tumu hàmani, enà me
te
iake menike, ua hano ia teâ, teâ tau Menike, ua kave mai haatutuki me màtou,
haaparakë. Ena ihoa ïa e peàu ia teâ tau Menike : kàkl ôtou e ite te tau, te tau
tekao no te henua paotü, hano ôtou parakê me teâ tau toiki. Tenei ùmihi ia
màtoiu te raveà ia koàka ia màtou e hakaite teâ tau
poi te tekao hou o te henua.
Ma he tekao moû e e e, ua korero ihoa. Ua korero, aê hakaina hakaùa. [...]. Aê
hakako aneiho i ôto (o) te pàôto hàmani... akoè â ma he uapü. Ite anaè teâ mea
‘Allez, allez, venez là, vous avez quelqu’un avec qui exercer ! » U pao, titii ia
:
suo
LitteRama’oHi
» 21
Edgar Tetahiotupa
matou
mea
me
hua Menike â. Parakë matou. Ua mâtau anaè ôe...
aê hana nui. Teâ tai ônohuu
ma ono
to
ua
iô ihoa me he
ù, ônohuu ma hitu, tekatekao ma
he èo menike, tekatekao me te poi paotü. Kaki anaè te
ènana tïtahi mea, ù taaau
inei, a taki aè (ôe) e hia moni tenei mea, i mua (i) te Menike”.
A teâ mea e ùù, teâ mea e mea, atii â ta ia hana, oiaa, e mea moni to ïa. No to
mâtou mataèinaa, ua iô mâtou me he tau tuhuka èo, te èo farani me te èo
mai: ‘Â mai aè
ma
menike. Teia
Peàu hoi,
na mâtou e àuaha. Koakoa oko to te fenua, no hua tau toiki nei.
hua tau toiki maama â, me he mea kàiè te tau huaa.
Merci à la langue
tahitienne
Voici l’histoire racontée par John Martin
du temps où il était dans le Bataillon
Pacifique où il eut à lutter contre les Allemands et les Italiens, en Afrique,
durant la seconde guerre mondiale. La langue tahitienne Fa sauvé, ses compagnons d’armes et lui.
du
Ecoutons-le
:
Nous avons été encerclés par l’ennemi, des Allemands et des Italiens à
Bir-Hakeim. Deux ou trois jours avant, on nous a dit d’aller à un endroit
«
en
dehors de Bir-Hakeim, à Rotonda-Signali. Il y avait des ennemis, c’était
a dit
qu’ils allaient quitter cet endroit et nous avions
des Italiens. On nous
reçu
instruction, notre Bataillon, d’occuper cet endroit.
Nous
allés là-bas,
en fait c’était un piège qu’ils (italiens - Ailemands) nous avaient tendu. Il n’y avait que le bataillon qui est allé là-bas,
quelques-uns de nos camarades sont restés à Bir-Hakeim. Lorsque nous y
sommes arrivés, nous avons été bombardés
par l’aviation. Nous sommes arri«
sommes
vés le soir.
«
Le soir commençait
à tomber, on nous a attaqués.
[... J.Nous sommes
restés deux jours
là-bas. Nous avions des soldats à l’entour, ils avaient des
automitrailleuses, ce n’était pas des chars. Ils surveillaient, c’était des Sudafricains.
Note - Pour plus
d’informations, lire Le bataillon des guitaristes, François Broche, éditions Fayard,
1970. Sur internet taper Reconnaissance à Rotonda-Signali.
29
Dossier
«
Ils surveillaient. Ils nous
ont
dit qu’ils
(italiens - Allemands), parce que
c’était un
piège, ils étaient en train de nous encercler. Cependant, notre
colonel, le colonel Broche téléphona au Général Koenig qui était à BirHakeim pour lui dire ce qui s’y passait.
avons tout de suite
reçu une réponse: restez, tenez bon. C’était
cela durant toute la journée. Le lendemain, la troupe anglaise sud
africaine est venue nous dire: “ils s’approchent, nous nallons pas rester,
«
Nous
comme
nous
allons partir”.
Alors Broche eut l’idée de téléphoner en tahitien.
C’était André Snow
qui était à Bir-Hakeim et, chez nous, c’était Totin Thunot [Jean Thunot],
à Rotonda-Signal! Nous avons alors parlé en tahitien, la
réponse n’arrivait
pas aussi vite que d’habitude. Et lorsqu’elle arriva, le message du général
Koenig nous disait de rentrer urgemment. Nous sommes partis à l’instant
même et nous n’avons pas été pris au
piège.
«
La raison, c’est que les Allemands et les Italiens avaient des voitures avec
la radio. Lorsqu’ils entendaient des messages en français envoyés à Bir«
Hakeim pour demander ce qu’il fallait faire, ils avaient vite
«
Ils
compris.
répondaient sur notre ligne, ils disaient de rester, de tenir encore.
nous
coupions la liaison, pour économiser l’énergie parce que
Ensuite
nous
utilisions les batteries des voitures.
Nous
fait cela deux fois, trois fois
français, nous avons tout de
réponse en français : tenez bon, ne partez pas. Mais lorsque
nous avons adressé un
message en tahitien, ils n’ont plus rien compris, les
Allemands. Il y avait André Snow à la radio, là-bas, à Bir-Hakeim. Il a traduit (le message) en français, puis l’a remis au général Koenig.
Fait partie de Litterama'ohi numéro 21