B987352101_PFP3_2010_320.pdf
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Bulletin de la Société
des Etudes Océaniennes
y?
Société
des
Etudes
Océaniennes
Fondée le 1er janvier 1917
c/o Service des Archives de Polynésie française, Tipaerui
B.P. 110,
•
98713 Papeete, Polynésie française • Tél. 41 96 03 - Fax 41 96 04
e-mail : seo@archives.gov.pf • web : etudes-oceaniennes.com • web : seo.pf
Banque de Polynésie, compte n°12149 06744 19472002015 63
CCP Papeete, compte n°14168 00001 8348508J068 78
Composition du Conseil d'Administration 2010
Présidente
Mme Simone Grand
M. Fasan Chong dit Jean Kape
Vice-President
Secretaire
M. Michel Bailleul
Mme Moetu Coulon-Tonarelli
Secretaire-adjointe
Trésorier
M. Yves Babin
M. Pierre Romain
Tresorier-adjoint
Administrateurs
M. Christian Beslu • M. Constant Guehennec
Mme Eliane Hallais Noble-Demay
M. Robert Koenig • M. Daniel Margueron
Membres Correspondants
M. Bernard Salvat • M. Darrell T. Tryon
Membre d'Honneur
M. Raymond Vanaga Pietri
.
.
.
■
Bulletin
de la Société
des Etudes océaniennes
(Polynésie orientale)
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Sommaire
Avant-propos
p.
4
p.
6
p.
26
p.
32
Les Mokorea
Corinne Mac Kittrick
Aparté
Constant Guéhennec
Rapport fait à M. le Commandant Commissaire impérial,
par la Commission d’inspection des cultures en 1866
Bonet, Labbé, Pemet
Espace Débat
A propos de ’la ora te ’lira
Bernard Pichevin
p. 131
A propos de l’article «Après une quête longue et tâtonnante de lapersonnalité
juridique dans les missions, les décrets Mandel (1939) »
par monsieur Joseph Le Port, Frère de l’instruction chrétienne de Ploërmel.
Michel Bailleul
p. 134
Un silence assourdissant...
Robert Koenig
p. 137
Avant-propos
Chers membres, chers lecteurs,
Le présent bulletin commence par un article sur les Mokorea, êtres
légendaires décrits par Corinne Mc Kittrick aux îles Tuamotu, Australes,
Gambier et Sous-le-Vent.
Il est suivi d’un précieux rapport de 1866, déniché par Constant Guéhennec. Rédigé par trois membres de la Commission agricole après ins-
pection autour de l’île de Tahiti en 1865, il est destiné au Commissaire
impérial. Méticuleux et passionnant état des heux des cultures vivrières
et spéculatives, il éclaire sur la
mentalité des auteurs, leurs codes de lan-
gage hiérarchique et de connivence, leurs certitudes et ambiguïtés. Il informe sur la singularité de situations foncières observables aujourd’hui
et
«
l’origine probable de locutions péjoratives encore énoncées comme
vérités ». S’y révèlent les mécanismes mentaux ayant conduit à l’intro-
duction de pestes végétales, témoins parmi d’autres de l’absence de « bon
sens paysan »
présidant au lancement de nombreuses aventures agricoles.
Ce document est à hre absolument tant il participe à la compréhension
du présent.
Dans T« Espace débat » où sont accueillis des textes d’au maximum
2000 mots ou 6000 signes, Bernard Pichevin et Michel Bailleul réagissent
à des articles parus dans le n°319 et Robert Koenig s’indigne de l’arrêté
n°1331 reproduit dans ce même n°319Cet espace comme tout le bulletin, vous appartient cher lecteur
auteur.
4
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Lors de la prochaine assemblée générale en mai 2011, deux postes
d’administrateur seront à pourvoir : l’un qui n’a pu l’être l’an passé et
celui de Pierre Romain qui rentre définitivement en métropole. Nous le
remercions de sa fructueuse collaboration amicale et lui souhaitons
bonne santé et courage.
Merci de nous faire parvenir vos actes de candidature dès que
possible.
Le Conseil d’administration de la SEO vous souhaite à tous, une
bonne et heureuse année 2011.
Bonne lecture
Simone Grand
5
A Moetu Coulon grâce à qui ce travailfut réalisé
Les Mokorea
Les rares personnes ayant entendu parler des Mokorea, savent qu’il
s’agit d’être étranges, peuplant les légendes d’îles des lliamotu et des Austraies, souvent confondus avec la meherio ou sirène.
Qu’est-ce ? Qui sont-ils ? A quoi ressemblent-ils ? D’où viennent-ils ?
Où vivent-ils ?
Nous tenterons de répondre à ces questions en nous basant sur les
textes du début et du milieu du 20Ème siècle et sur une enquête
réalisée en
octobre 2009 auprès de Tukihiti de Raraka âgé de 81 ans et résidant à
Tahiti ainsi qu’auprès de marna Ru de Huahine aux îles Sous-le-Vent.
Eugène Caillot et Frank Stimson semblent avoir été les rares auteurs
à s’être intéressés aux Mokorea.
Avec ces auteurs et informateurs, nous visiterons les Tuamotu du
(Vahitahi, Fangatau, Hao,
Amanu), les Gambier (Mangareva) ainsi que les Australes (Tubuai, Raivavae), sans oublier Huahine et ferons connaissance avec ces êtres myscentre (Fakarava, Makemo, Anaa) et de l’est
térieux.
6
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Description physique du Mokorea
Consultons le dictionnaire des languespa’umotu de Frank Stimson p. 310
Traduction de Yan Peirsegaele
: « S. The name of a
supernatural being or demon, with
long, exceedingly thick blonde hair
up to twelve feet long; although it
has long, shewer-like nails, and on
Anaa is hair\> all over and has long
sharp teeth, it is supposed to have
the power of winning the affection
ofhuman beings, who willingly give
up wife ofhusbandfor its sake; in
Anaa it is also said to be one ofthe
half-human hoahoamaitu, which
either live a solitary life, or with a
partner, but which can alter its
appareance at will. ANA, FAG »
Mokorea
S. Nom d’un être ou démon surnaturel
à la chevelure longue, excessivement
épaisse et blonde, pouvant aller
jusqu’à 3,50 mètres de long ; il a des
ongles longs en forme de brochette, et
sur l’atoll de Anaa est recouvert de
poils et a des dents longues et affûtées,
on lui prête le pouvoir de gagner l’affection des êtres humains, qui ensuite
renoncent volontairement
à leur
femme ou à leur mari pour cette créature. A Anaa, on dit également que
c’est l’un des demi-humains hoahoa-
màitu, qui peuvent soit vivre une vie
solitaire ou avec un conjoint, mais qui
ont le pouvoir de changer leur apparence à volonté. Anaa, Fangatau
Consultons les notes microfilmées de J. Frank Stimson
Récit de Paea a Avehe de Vahitahi • Traduction de Y. Peirsegaele
This particular mokorea had really
Ce Mokorea avait la particularité
long hair which he parted in the
middle. At night, he would lie down
with this woman on halfofhis hair.
The other halfofhis hair he used to
cover the woman and himself. This
Mokorea also had really longfingernails. When he went fishing he used
his fingernails to spear the fish.
d’avoir une très longue chevelure,
qu’il partageait au milieu. La nuit, il
s’allongeait avec cette femme sur une
moitié de sa chevelure. L’autre moitié
lui servait de couverture pour la
femme et pour lui-même. Ce Mokorea
avait également de très longs ongles. Il
s’en servait d’ailleurs à la pêche pour
harponner les poissons. (...)
7
Œn/leUn de- la {Société des- Stades Océan
L’action de ce récit se passe à Fangatau.
Une recherche linguistique a été réalisée sur le nom
du Mokorea
décrit ci-dessus. Il semble avoir été le seul Mokorea à posséder un nom :
Tâne-mata-tïna’o, (Homme-yeux-braises rougeoyantes).
Tinao: is, a fire kept in old rotten wood, for purpose of smoking
out mosquitoes. (Davies J.) [feu entretenu avec du vieux bois pourri
Menm 1
et dont la fumée est destinée à chasser les
moustiques].
Ce Mokorea a donc des yeux rouges comme de la braise.
Eugène Caillot (1914 p. 57) nous hvre la légende de l’île de Hao.
Kairarua, héroïne de la légende, a vécu parmi les Mokorea dans le
monde souterrain. Une fois revenue sur son de, elle a raconté sa vie parmi
le peuple des Mokorea.
Extrait
Traduction de Guillaume Taimana
(...) huru taga mea roroa te huru
(...) ils avaient de longs cheveux qui
huru e taea hia te poro vaevae e te
leur tombaient jusqu’au bas des pieds,
mikao rima e mea roro ia ko ta raua
et leurs ongles étaient très
kia kauri oka pam.
En 1992, Th Kaha
longs ;
c’était leurs harpons pour pêcher le
poisson.
participe au concours d’écriture lance
par l’Académie tahitienne avec un texte intitulé Mokorea. Il nous fournit
une autre
description du Mokorea, qui complète celle de Kairarua.
Extrait du Heipuarii2
Traduction de Corinne Mc Kittrick
Te huru no teie pupu ta’ata, mai te
Ces personnes nous ressemblent, sauf
ta’ata nei iho a te huru, tera ra, e
que leurs corps sont glissants. On ne
meapahe’ehe’e roa to ratou tino,
e’ita e mau ‘ia tape’a atu ia ratou. E
peut les attraper. Elles ont des cheveux
roux comme de la bourre de coco.
‘ehu to ratou mai te puru
Leurs cheveux arrivent aux genoux, et
rouru
1
Tu Kaha Menemene est né en 1898 à Hao. Il fut agriculteur et ensuite capitaine de bateau. En 1963, il participa
à des émissions radiophoniques. Il participa de nombreuses fois à des concours de ‘orero.
1
Tu Kaha Menemene (1997). Teie te 'a'amu no te Mokorea. Heipuarii. Papeete, Multipresse, p. 71.
8
N°320 - Septembre / Décembre 2010
ha’ari e mea roroa ra, e tae’a i te
peuvent même être plus longs. Leurs
turi ‘cime, ‘e e hau atu i te roa. E ‘m
cheveux leur servent à cacher leur
riro te rouru ‘ei hum i to ràtou tino.
corps.
Une légende3 de l’île de Makemo nous signale que les Mokorea peuvent sentir l’odeur des hommes.
La tradition orale rapporte que les Mokorea vivent nus, leurs longs
cheveux leur servent à cacher leur nudité. Ignorant le feu et son usage,
leur nourriture, légumes et poissons, est mangée crue.
Les particularités
Pour les habitants des îles Tuamotu et plus spécialement du Centre et
de l’Est, les Mokorea sont un peuple souterrain qui craint la lumière du
jour et le feu.
Kairarua, à son retour du monde souterrain,
a décrit le
pays des Mokorea
Extrait de Caillot (1914 pp. 58-59)
Trad. G. Taimana
Kua toreu roa te haga haga viru no
Il y avait de grandes ressources sur
te reira henua, no te paeau katiga :
cette terre, en fait de nourriture : il y
taro, meia, hakari, kuru te haga
katiga katoga no tahiti katoga. Kaore
to taua henua ra e kai haga ki te
katiga kama e katiga ore anake.
avait des taro, des bananes, des coco-
tiers, des maiore, et toutes les espèces
de plantes comestibles indigènes.
Dans ce pays-là, les gens ne man-
geaient pas de nourriture cuite ; ils la
mangeaient crue.
A Fakarava ou Tubuaf les Mokorea ne sortent que la nuit. Tandis que
dans d’autres îles, à Makemo par exemple, les Mokorea sortent le jour et
peuvent quelques fois être aperçus prenant le soleil dans les pandanus.
La caractéristique intéressante et mais aussi la plus insoüte de la vie
des Mokorea est qu’ils ne connaissaient pas la délivrance de la femme
enceinte par les voies naturelles.
3
http://site.voilà.fr/taravao/listetravaux.htm
9
bulletin de la Société des études Océaniennes
Les légendes rapportent que les Mokorea ouvrent
le ventre de leurs
femmes enceintes sur le point d’enfanter pour sortir le bébé et qu’elles
mourraient invariablement des suites de cette éventration.
Selon les différentes légendes, la manière de mettre au monde un
enfant par les voies naturelles, sans passer par l’éventration, a été ensei-
gnée aux Mokorea soit par un homme (de l’atoll de Makemo), soit par
des femmes : Kairarua de Hao ou Hei-ariki de Fakarava.
Extrait de Caillot (p. 58)
Trad. G. Taimana
Te peu ki rave hia ki reira ia hapü te
C’était la coutume, que les femmes
vahiné e fatata ki te fana egatore ki
enceintes et prêtes d’accoucher, se fai-
te makuahine kia tae mai te tama-
saient ouvrir le ventre, pour en faire
riki ki vaho. Ka kite ra taua vahiné
ra Kairarua ki te reira
huru, reko
atura : « Keiaha e na reira teie tona
sortir l’enfant. Quand la femme Kairarua eut connaissance
«
de cela, elle dit :
Il ne faut pas faire comme cela, je
ravea, naku e hakafanau. » (...)
vais vous indiquer la façon de faire,
Kite iho ra to taua henua ki raro ki
c’est moi qui vais faire l’accouche-
haga, tamau atu
ra ràtou ki te na reira ; (...)
ment. » (...)
te reira hakafanau
quand les habitants de la terre d’en
bas connurent cette manière de faire
les accouchements, ils l’adoptèrent ;
(...)
OROVARU OU VAHINE KATEA
On retrouve des Mokorea dans d’autres archipels, mais sous le nom
de Orovaru aux îles Australes et de Vahiné Katea à Huahine aux îles
Sous-le-Vent.
Aux îles Australes
Menemene a Tu4 raconte comment une Orovaru a été capturée par
les habitants du village de Mahu dans l’île de Tubuai. Après sa capture,
l’Orovaru se mit en ménage avec un homme de l’île et ils eurent un enfant.
4
Tu Kaha Menemene (1997). Teie te 'ii'amu no te Mokorea. Heipuarii. Papeete, Multipresse. p. 72
10
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Un jour, elle décida de rentrer dans son pays en laissant son enfant. Elle
ne revint
jamais. La descendance de cet enfant fut nombreuse.
Etant donné cette descendance nous pouvons penser que les Mokorea ou Orovaru
appartiennent à l’espèce humaine.
Selon Frank Stimson, à Raivavae, une habitante de l’île, Taïhara-
vahiné, a enseigné aux Orovaru la manière adéquate de mettre les enfants
au monde.
(F. Stimson)
Trad. Y. Peirsegaele
Parturition myth fragment
Fragment du mythe de l’accouchement
A woman, Taïhara-vahine, from land
Une femme, Taihara-Vahine, originaire
unidentified went to Vaihii; and
found the women all dying in childhood5 on accoun t of the cesarian
birth operation practices in that
land. Taïhara-vahine fought the
women of Vaihii the
regular birth
method. The rejoicing ofthe people is
recorded in chantfragment, «Ua ora
d’une terre inconnue, se rendit à Vaihii. Elle y découvrit que toutes les
femmes, à l’accouchement, décédaient
du fait des césariennes pratiquées sur
cette terre. Taihara-Vahine apprit aux
femmes de Vaihii la méthode adé-
quate. La joie du peuple est illustrée
dans le fragment de chant «Ua ora
Vaiihii i Taïhara.»
Vaihii i Taïhara».
Orovaru was advanced by Piahuru as
the name ofancient personage ivhose
Orovaru a été avancé par Piahuru
home was in a hole in the earth.
qui vivait dans un trou dans la terre.
comme nom de l’ancien
personnage
Il semble que les habitants de Tubuai et de Raivavae leur aient donné le
mot désignant le trou par lequel ces femmes accédaient au monde des
humains ou à leur monde : orovaru (trou d’eau, fondrière).
5
Note du traducteur : Le texte original donne «childhood» (enfance) mais cela n'a pas de sens que les femmes
pendant l'enfance. Cela voudrait dire que ce sont les enfants qui sont le plus touchés en grandissant,
après être nés par césarienne, alors qu'il semble plus logique que ce soit les mères qui décèdent...
meurent
11
Çftu/letin de la Société- des études &céa/i
Aux îles Gambier
Dans Histoire des religions de l’archipel des Tuamotu, Eugène
Caillot rapporte une croyance de l’île de Mangareva, île des Gambier,
située à l’extrême sud-est des Tuamotu, selon laquelle, autrefois, les habitants de cette de venaient de l’océan et ne connaissaient pas non
plus l’en-
fantement par les voies naturelles.
Voici ce qu’écrit Eugène Caillot (1932) au sujet des anciens Manga-
réviens :
«
(...) Il était, autrefois, de notoriété publique à Mangareva que ses
habitants appartenaient à une race étrangère, qui était la plus belle du
monde, et dont ils constituaient la plus remarquable famille. Les vieux
prêtres mangaréviens disaient que cette race sortait du poisson et que
(...), la race mangarévienne venait de sous terre, du pays-bas. »(...)
Quand une femme devenait enceinte, on la reléguait dans une case
particulière, située dans un Üeu écarté. Elle devait y vivre, hors de tout
contact avec les habitants, si ce n’est quelques femmes qu’on laissait
auprès d’elle pour la servir. Les mois de gestation étaient comptés
d’après les phases de la lune qui suivaient le commencement de la grossesse. Mais le processus naturel de l’accouchement était inconnu et à
la neuvième lune, lorsque la femme commençait à souffrir des douleurs
de l’enfantement, un vieux prêtre arrivait près d’elle, lui ouvrait le ventre
et retirait l’enfant, tandis que la mère mourait. Cette
opération se faisait
«
avec un morceau de nacre fendu en biseau.
(...) les douleurs de l’enfantement arrivèrent, et se rappelant alors ce
que lui avait dit un de ses amants, la jeune femme s’écria : «Tagaroa
ma rei ni vau !» Immédiatement deux autres femmes se
présentèrent,
portant chacune une gerbe d’herbe appelée aretu, et l’une d’elles plaça
sa gerbe derrière le dos, tandis
que l’autre étendait la sienne par terre.
Il en résulta, dit la tradition, que les douleurs de la mère
augmentèrent
et qu’elle mit au monde son enfant tout naturellement.
C’est depuis lors que toutes les femmes adoptèrent cette façon d’accoucher et refusèrent de se laisser ouvrir le ventre par le sinistre prêtre. »
A Huahine (îles Sous-le-Vent)
Marna Miria appelée aussi marna Ru, originaire de Huahine, raconte
qu’une vahiné Katea (terme utilisé dans cette île) vint se promener dans
12
N°320 - Septembre / Décembre 2010
notre monde et regagna son monde avec un enfant qu’elle croyait aban-
donné. Des années plus tard, la femme Katea revint dans notre monde et
rencontra le père de l’enfant. Elle lui proposa
de la suivre dans le monde
souterrain. Selon marna Ru, il existait une ouverture, un chemin, une route
qui menait au monde souterrain, où se trouvaient un district et une grande
ville. Comme dans tous les récits sur les Mokorea, pour mettre les enfants
monde, les femmes du monde souterrain étaient éventrées. C’est cet
homme, père de l’enfant, qui apprit aux gens du monde souterrain la
manière adéquate de mettre au monde les enfants. (B. Saura 2005)
au
Le pays des Mokorea
Le nom désignant le monde des Mokorea « Hawaiki » semble être
une constante dans les récits.
En effet, deux auteurs et un informateur donnent la même information.
Eugène Caillot écrit :
«
Les Mokorea viendraient du temps d’Hawaiki Nui, époque d’un seul
peuple et d’une terre unique dont Fakarava était le centre, avant que les
terres ne se séparent et que ne montent les eaux de l’océan. »
Tù Kaha Menemene révèle :
«
(...) e ferma tel raw a’e i teie ferma ta tatou e parahi nei ; ‘e te
i’oa o taua ferma ra ‘o «Vaiari», parau-ato’a-hia «Havaiki» ‘e te
pupu ta’ata e noho ra i reira e «Mokorea». [Il existe un heu de vie
sous notre terre, son nom est Vaiari, appelé aussi Havaiki ; et les habitants, qui y vivent, sont les Mokorea t'\
Tukihiti précise, dans sa narration, que le premier nom de l’île de
Fakarava est Havaiki. Il souligne : « ‘O Havaiki, Fakarava ia, tepü o teie
ao no te mau Mokorea. »
[Havaiki, c’est-à-dire Fakarava, représente le
centre du monde pour les Mokorea.
6
}.
Tu Kaha Menemene ( 1997). Teie le ‘a'amu no te Mokorea. Heipuarii. Papeete, Multipresse. p. 71
13
§; bulletin- de- lay Société- de& études- Océaniennes
Chemins utilisés par les Mokorea pour entrer dans le monde
des hommes
Pour accéder au monde des hommes, les Mokorea passent soit par
des grottes, sur l’atoll de Anaa, une grotte, à Tamatahoa, leur sert de passage ; soit par des koropihi ou des koko, dont voici la définition :
Dictionnairepa’umotu (p. 253) : koropihi • Trad. Y. Peirsegaele
P. To spout-, bubble-, gush- up; as
P. Jaillir, bouillir, gicler, comme de
seawaterfrom a hole. TKU, AMN
l’eau de mer à partir d’un trou.
Takume, Amanu
S. A hole-, crevice-, fissure- in a reef
S. Un trou, une crevasse, une fissure
from which water -gushes, -spouts
dans ma récif, à partir de laquelle l’eau
up;
gicle, jaillit ;
koropihi'; // mâpihi Anaa, Vahitahi
=
koropihi'; // mapihi ANA, VHI
=
Dictionnaire pa’umotu (p. 240) : koko •
Trad. Y. Peirsegaele
S. A whirlpool having a descending
S. Un tourbillon avec un vortex des-
vortex; [the descending current need
Cendant ; [le courant descendant n’a
not be strong] ANA
pas besoin d’être fort) Anaa
A deep hole, just offthe reef; a low;
Un trou profond juste à la sortie du
often an entrance ofa passage-way
from the lagoon to the sea outside
the reef VHI, TAP
récif, une partie basse, souvent une
entrée d’un passage du lagon vers le
large, à l’extérieur du récif. Vahitahi et
zone de dialecte Tapuhoe (centre de
l’archipel des Tuamotu).
Ces accès sont visibles sur les îles de Niau ou de Fakarava (au village
de Tetamanu) ou encore à Anaa.
A Makemo, le trou d’eau se trouve à terre. Il est désigné sous le nom
de Vainatika. On raconte que ce trou communique avec l’océan. La coutume veut que toute personne visitant pour la première fois l’île de
Makemo se baigne dans ce trou d’eau.
14
N°320 - Septembre / Décembre 2010
A Hao, le trou d’eau porte le nom de Teroma-e-nohohaga-Tapairu.
ïükihiti donne une description des deux trous d’eau utilisés par les
Mokorea.
Te koropihi, e ‘âpo’o i ni’a i te a’aupae moana. E ‘apo’o mai te
‘apo’o no Arahoho. (Le koropihi est un trou sur le récif du côté océan.
C’est un trou comme le trou de Arahoho7).
Te koko, e ‘apo’o i roto i te miti i roto i te roto. (Le koko, est un trou
dans la mer du lagon).
Un koko (Anaa - Tuamotu) - Photo Moetu Coulon
Tukihiti insiste sur le fait que ces trous d’eau communiquent avec
l’océan.
Autres récits sur les Mokorea
La légende ci-dessous nous a été donnée par Tane Tukihiti-ltiarea, né
le 28 avril 1928 à Raraka, une île des Tliamotu du Centre où il a grandi. Il
n’est venu à Tahiti qu’en 1962, à l’âge de 32 ans. Il n’a pas été fait d’enre-
gistrement de nos conversations.
1
Nom du trou du souffleur sur la côte Est de Tahiti.
15
jfe bulletin de la Société des- études &céaniemie&
Récit de Tukihiti
•
Trad. C. Mc Kittrick et Miriama Temataua
‘o Fakarava ia i teie mahana. Havaiki, teie
A l’époque, le nom de Fakarava était
i’oa màtamua o teie motu no Fakar-
de Fakarava
I te ‘anotcm ra, i Havaiki,
Flavaiki. C’est le premier nom de l’île
ava.
Të vai nei hô’ë vahiné, ‘o Hei-ariki,
tôna i’oa,
‘aore ra ‘o Tui-Ariki e
Il y a une femme, Hei-ariki ou Tui-
ariki et son mari.
tana tâne.
Ce couple vit sur l’île de Havaiki.
E ora nei teie piti ta’ata i ni’a i te
Je ne connais pas le nom de cet
motu no Havaiki.
homme.
Aita vau i ‘ite i te i’oa o teie ta’ata.
Ce n’est pas son histoire. C’est This-
Aita teie ‘a’amu nô raua. Teie
toire de Hei-ariki et du Mokorea.
‘a’amu no Hei-ariki e te Mokorea.
L’homme et la femme se disputent tous
E tatama’i noa teie piti ta’ata i te
les jours.
mau mahana ato’a.
Hei-ariki s’enfuit mais revient toujours
E horo ‘o Heiraki e fa’ariri i tepae
auprès de son mari.
miti e ho’i atu i te fare i pïha’i iho i
tana tane.
Hô’ë mahana, ‘ua tama’i raua, ho’ë
Mais ce jour-là, la dispute est très forte.
tama’i hum rahi.
‘o Hei-ariki i Te-
Elle se rend du côté de Te-tâmanu.
tamanu. I tera ra tau, ‘aita teie vahi
Mais à cette époque-là, cet endroit ne
i topahia i teie i’oa, ‘Aita vau i ‘ite i
a’e ‘aita ihoa e i’oa.
porte pas ce nom. Je ne connais pas le
premier nom de cet endroit. Peut-être
n’avait-il pas de nom tout simplement.
Horo atu
ra
te i’oa matamua no teie vahi, Penei
‘Ua pàrahi ‘o Hei-ariki i te pae miti.
Hei-ariki est assise au bord de la mer.
E ta’i noa atu o na, e amuamu
Elle pleure et elle ressasse.
ato’a.
Hei-ariki a une très grande envie de se
Hina’aro rahi ta Hei-ariki ia
suicider.
ha’apohe ia na.
Pô atu ra, te ta’i noa mai ra ‘o Hei-
Il fait nuit et Hei-ariki est toujours là,
ariki.
à pleurer.
Te ‘ite mai nei i te hô’ë ta’ata te hi’o
Elle remarque qu’un homme l’ob-
noa mai ia na.
serve.
16
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Aita roa ‘o Hei-ariki i tau’a atu ia
Elle ne fait pas attention à lui.
na.
‘Ua tapiri mai teie ta’ata i pïha’i iho
Cet homme s’approche de Hei-ariki et
ia Hei-ariki no te tau’aparau ia na.
engage la conversation avec elle.
Il demande à Hei-ariki pourquoi elle
Ani atu ra ‘oia ia Hei-ariki no te aha
o na e ta’i noa ai.
pleure.
Pàhono atu ra ‘o Hei-ariki e ‘aita
Hei-ariki lui répond qu’elle ne veut
roa
atu o na e hina’aro e ho’i i
pas rentrer près de son mari.
pïha’i iho i tana tane.
Ani atu ra teie ta’ata a ‘ape’e ia na :
«
Ho atu taua i raro i Havaiki,
moana
topatari ! »
Ape’e atu ra ‘o Hei-ariki i teie
ta’ata. ‘Ua haere râua i ni’a i te
L’homme lui demande de le suivre :
«
Allons ensemble sous terre, à
Havaiki, l’océan profond ! »
Hei-ariki suit cet homme. Ils vont sur
le récif.
a’au.
I reira te vai nei hô’ë
‘apo’o,
koropihi, i roto i te a’au, ‘apo’o
Là, il y a un trou, koropihi, sur le
récif, il est profond.
hôhonu mau.
Ani atu ra teie ta’ata ia Hei-ariki ia
L’homme lui demande de sauter dans
‘ou’a i roto i teie ‘apo’o.
le trou.
‘Aita ‘o Hei-ariki i fari’i. Ri’ari’a
Hei-ariki refuse, par peur peut-être.
paha.
Parauparau noa atu ra i p ïha ’i iho i
teie ‘apo’o.
Ils sont là debout devant le trou à dis-
Tae atu ho’ë taime, ‘ua türa’i teie
Il finit par la pousser dans le trou et la
ta’ata ia Hei-ariki i roto i te ‘apo’o
suit tout de suite après. Lui seul sait
pape, e ‘ape’e atu na mûri. ‘Ua ‘ite
comment ouvrir et fermer cet accès.
cuter.
teie ta’ata nafea i te ‘ïriti e te ‘ôpani
i te ‘üputa o teie ‘apo’o.
EMokorea, teie ta’ata.
I te taera’a raua i roto i tera ao, te
Cet homme est un Mokorea,
i te ho’ë rurura’a rahi. Terâ ra, pou
Quand Hei-ariki arrive dans ce
monde-là, le monde des Mokorea, un
pays sous Havaiki, Hei-ariki voit une
grande réunion. Mais, toutes les per-
roa te mau ta’ata te ta’i noa mai ra.
sonnes
fenm no te mau Mokorea, e fenua i
raro a’e i
Havaiki, ‘ua ‘ite ‘o Hei-ariki
pleurent.
17
bulletin d& la Société des. études. Océaniennes
Ani atii ra ‘o Hei-ariki e no te aha
Hei-ariki pose des questions sur cette
teie rurura’a e no te aha teie mau
réunion et pourquoi les gens pleurent.
ta’ata e ta’i noa ai ?
On lui répond qu’une femme enceinte
Pahonohia mai, no te mea e pohe
va mourir.
hô’ë vahine hapii.
I te taime fanaura’a, e ‘atorehia te
Au moment de donner naissance, la
vahine hapii, e tapiihia i torn ‘ôpii
femme enceinte est éventrée, on lui
no te ‘ïriti mai te ‘aiü e, a
pohe atu
ai te marna.
coupe le ventre pour retirer l’enfant et
la mère meurt.
Parau atu ra ‘o Hei-ariki e ‘ua ‘ite o
Hei-ariki se propose d’aider la femme
na i te
à mettre son enfant au monde.
fa’afanau i te tamari’i, e, e
ora mai te ‘aiü e tôna marna.
ora mai nei te ‘aiü e tôna mama.
Hei-ariki s’en occupe, et le nouveauné et sa mère sont sauvés.
Na Hei-ariki i ha’api’i i te nüna’a i
C’est Hei-ariki qui enseigne au peuple
Rave atu ra ‘o Hei-ariki i teie ‘ohipa,
raw a’e te
fa’afanaura’a i te mau
en
dessous, comment faire accoucher
une femme.
vahine.
I te taime, ‘o Hei-ariki i ta’i noa mai
Quand Hei-ariki pleurait au bord de
te pae miti, ‘ua rave mai o na i roto
mer, elle avait dans ses mains un uu
i tôna rima hô’ë ohi uu ‘aore e ouru
ou ouru8 en Mihiroa9.
na roto i te reoMihiroa.
est tombée, elle n’a pas lâché ce ouru.
o na i
E, i te taime
Et, quand elle
topa i roto i te ‘apo’opape,
‘ua tape’a noa o na i teie ouru.
Hô’ë mahana, ‘ua reva ‘o Hei-ariki e
Un jour, Hei-ariki et le Mokorea partent
te Mokorea i Rurutu na raro a’e i te
pour Rurutu sous la terre et la mer.
fenua e te moana.
Havaiki est le centre du monde sous
‘0 Havaiki, Fakarava ia, te pii o teie
terre pour les Mokorea.
ao 110 te mau Mokorea.
E, te vai nei i raro a’e i te fenua te
mau
‘ë’a no te haere i teie motu e
Et, il y a des chemins sous la terre
pour aller d’une île à l’autre.
tera motu.
8
Suriana marilima.
9
Une des langues pa'umotu.
10
Hawaii en langue tahitienne.
11
VI// ou Tamanu : Calophyllum inophyllum ou laurier d'Alexandrie.
18
N°320 - Septembre / Décembre 2010
E, na Hei-ariki i tanu te oum mata-
C’est Hei-ariki qui plante le premier
mm i Rumtu.
ouru à Rurutu.
I mûri atu, ‘m haere ram i te fenua
Ensuite, ils partent à Vaihi10. C’est là
Vaihi. I reira, i Vaihi, i ha’amata ai
que Hei-ariki commence à penser à
‘o Hei-ariki i te mihi i torn fenua ‘o
son île Havaiki.
Havaiki.
Na mua ‘o Hei-ariki i fa’aru’e i te
Avant de quitter Vaihi, Hei-ariki prend
fenua Vaihi, ‘ua rave o na i te tahi
des graines de ‘ati, c’est-à-dire du
huero ‘ati, e tàmanu ïa.
tàmanu'1.
I tôna ho’ira’a mai, ho’i ‘afaro noa
Hei-ariki rentre directement dans son
atu ra ‘o Hei-ariki i tôna fenua,
pays, Havaiki.
‘o
Havaiki ia.
‘Ua ho’i mai o na na roto ihoa i teie
Elle rentre en empruntant le même
‘apo’opape i ni’a i te a’au.
trou situé sur le récif.
Tanu atu ra '0 Hei-ariki i te mau
Hei-ariki plante les graines de ‘ati à
huero ‘ati i tera vahi, topa-atu-hia
cet endroit, et on donna le nom de Te-
te i’oa Te-tamanu.
tàmanu à ce lieu.
Te hoho’a 0 teMokorea, e ta’ata mai
Les
ia tatou.
humains comme nous.
Tera ra tô ratou mai’u’u mea huru
Leurs ongles sont longs.
Mokorea
ressemblent
aux
roa.
E tô ratou ‘iri, meapahe’ehe’e, e, e
mea
fifi roa i te haru ia ratou no tô
Leur peau est glissante. C’est pour cela
que les Mokorea sont difficiles à attra-
ratou ‘iripahe’ehe’e.
per.
No te haru ia ratou, e haru ‘oe i tô
Pour les attraper, c’est par les che-
ratou rouru e ta’amu atu ai i ni’a i
veux, et les attacher avec sur un arbre,
te tumu ra’au, te tumu
le pandanus.
fara.
Mea au roa ia ratou i te ta’oto’oto i
Les Mokorea aiment à somnoler dans
ni’a i te mau ra’au fara. I tera
les pandanus. C’est à ce moment-là
12
'biro en langue tahitienne - Famille de Congridae [Conger cineæus Rüppell]. Tukihiti dit que le koiro est un
poisson très rare.
19
bulletin de, la Société des études Océaniennes
taime, e nehenehe ‘oe e haru i te
que tu peux attraper le Mokorea,
Mokorea.
Aita to ratou e ‘ahu. To ratou rouru
mea roa maita’i e,
e rim to ratou
rouru e ‘ahu no ratou,
Les Mokorea n’ont pas de vêtements.
Ils ont de longs cheveux, qui leur servent de vêtements.
‘Aita ta te Mokorea e ahi,
Les Mokorea n’ont pas le feu.
E ‘amu noa ratou te ma’a ota.
Ils mangent la nourriture crue.
E haere mai ratou i ni’a i te fenua
Ils viennent sur l’île pour voler les taro
no te
‘eia i te taro e te mau mci’a
et tout ce qui pousse pour manger.
ato’a a te ta’ata no te ‘amu.
To ratou ‘ïna’i, e koiro ia. Te koiro,
Le poisson que mangent les Mokorea
puhi taria hum rahi. E, e ‘amu ota
est le koiro12. Le koiro est une grande
e
noa te Mokorea i te koiro.
tüpapa’u, e
ta’ata ratou. E ora nei teie nüna’a i
anguille à oreilles. Les Mokorea mangent le koiro cru.
Aujourd’hui, les gens pensent que les
Mokorea sont des tUpapa’u'7’. Mais,
ils ne sont pas des tüpapa’u. C’est un
peuple, qui vit sous la terre, du côté de
raro a’e i te
Fakarava.
I teie mahana, e mana’o te mau
ta’ata e tüpapa’u te Mokorea. ‘Aita
roa atu te Mokorea e
fenua, i te mau pae no
Fakarava ma.
I teie mahana,
‘aita te mau ta’ata e
fdrereifa’ahou nei i te Mokorea,
Aujourd’hui, les gens ne rencontrent
plus les Mokorea,
Te vai nei e tom nüna’a te ora nei :
Il y a trois peuples. Il y a les hommes,
te ta’ata, tatou ia, te Mokorea e te
c’est-à-dire nous, il y a les Mokorea et
unauna.
il y a les unauna.
Te unauna, e huru varua ratou.
Les unauna sont comme des esprits.
E’ere ratou e tüpapa’u.
Ils ne sont pas des tüpapa’u.
Teie te i’oa o te ‘apo’opape, ‘üputa
Voici le nom des trous d’eau, voies
no te Mokorea.
d’accès pour les Mokorea.
Epiti ‘üputa tci ratou :
Te koropihi, teie ia ‘apo’opape i ni’a
i te a’au pae moana. E ‘apo '0 mai te
Ils ont deux passages :
Le koropihi, un trou d’eau sur le récif
du côté de l’océan. C’est un trou
13
Revenant, fantôme.
14
Nom du trou du souffleur sur lo côte Est de Tahiti, district de Tiorei.
20
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Arahoho14.
‘àpo’o nôArahoho.
comme le trou de
Te koko, te ‘apo’o pape ia i roto i te
Le koko, un trou d’eau dans le lagon
miti i roto i te roto.
intérieur.
Aita te Mokorea i ‘itehia iRaraka.
On n’a
IMakemo, te vai ra hô’ë ‘apo’opape
i ni’a i teferma. Te i’oa o teie ‘apo’o
Raraka.
jamais vu de Mokorea à
A Makemo, il y a un trou d’eau à terre.
‘o Vainatika.
Le nom de ce trou est Vainatika.
E pipiha teie
Ce trou s’ouvre dans l’océan.
‘apo’o i roto i te
moana.
Hi’o na ae ‘oe i teie ‘apo’o, mea
Quand on regarde ce trou, il est vrai-
hum hôhonu mau.
ment très profond.
Au cours de notre discussion, Tukihiti raconte qu’il a rencontré, un
jour, une femme originaire des îles Cook. Il lui a parlé des Mokorea et elle
a répondu que, dans son
pays, on les appelait des Vahine-tetea.
Tukihiti dit aussi avoir connu Ht Menemene.
Pour lui, Vaiari est : « / raw a’e. Tô ‘oe taime hope’a, tô ‘oe
‘apo’o. » (C’est en dessous. C’est ta fin, ton trou.)
Un deuxième récit nous est donné par Taria Peketeavai Putaratara15,
né le 25 octobre 1948 à Amanu qu’il a quitté à l’âge de 22 ans pour aller
à Hao, à environ deux heures de kau (bateau) de Amanu. Il est très souvent retourné à Amanu et y habite aujourd’hui avec sa femme Temou.
Il dit que sa famille maternelle a pour ancêtre me Mokorea...
Voici son récit :
Texte scandé par Taria Peketeavai Putaratara •
Te mokorea e ta’ata, e ta’ata tera.
Trad. C. Mc Kittrick
Mokorea est une personne, c’est un
être humain.
Mai roto mai te koropihi.
Elle arrive par le koropihi16.
E vahiné teie Mokorea.
C’est une femme cette Mokorea.
E haere mai ona no te motoro teie
Elle vient pour séduire ce jeune
15
Les rencontres ont eu lieu nu service de la traduction en octobre et novembre 2010.
16
Un trou sur le récif côté océan.
21
Œulletin da la Société de& êtude& Océaniennes
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135*
N°320 - Septembre / Décembre 2010
BIBLIOGRAPHIE
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The Peobody Museum of Salem Massachusetts and the Royal Institute of Linguistics and Anthropology The
Hogue, 623 p. Réédité par la SE0 en 2008.
Les cornets de notes de Frank Stimson sont conservés ou Peodbody University (Massachusetts). Microfilmés, ils
sont consultables à lo
bibliothèque de l'Eglise de Jésus Christ des Saints des derniers Jours à Papeete. Microfilm
n° 761846.
25
Aparté
V
a
île Tahiti
Etat des cultures en 1865
Rapport fait à M. le Commandant Commissaire impérial
par la commission d’inspection des cultures
Un mot pour souligner le contexte de l’époque. En France c’est le
retour de Napoléon III et l’avènement du Second Empire fin 1852. Tahiti
vit sous le régime du Protectorat depuis 1843 structure de gouvernance
qui durera jusqu’en 1880.
En 1865, le commandant des Etablissements français de l’Océanie et
commissaire impérial aux îles de la Société est depuis un an, le « fan-
tasque et tatillon » Emile de la Roncière qui a succédé au capitaine de frégate Louis Eugène Gaultier de la Richerie. On sait que de la Roncière avait
défrayé la chronique judiciaire en France dans les années trente quand il
était jeune officier de cavalerie, pour agression sexuelle sur une jeune fille
bien née. Condamné à 10 ans de réclusion criminelle il fût gracié en 1843
et réhabilité en 1848. À Tahiti ses méthodes d’administration brouillonnes
et expéditives lui vaudront beaucoup d’ennemis et des inimitiés
jusqu’à
Paris qui le rappellera pour le prier de rendre des comptes. Son succèsseur en
1869 sera le capitaine de vaisseau Michel de Jouslard.
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Pourquoi mettre en exergue aujourd’hui ce rapport d’experts sur
l’état des cultures en 1865 ? Pour souligner tout d’abord cette volonté politique des gouvernants fraîchement implantés, de mettre en valeur les reset domier au travail de la terre un élan nouveau
afin d’assurer plus durablement une autosubsistance des populations
autochtones. Ce plan de renouveau du travail de la terre n’est pourtant pas
teinté d’angébsme. Il faut donner du travail à tous, autochtones certes,
mais aussi à ceux venus d’horizons lointains, beachcombers, soldats
démobilisés souvent d’origine paysanne et gens des des, comme ceux des
Cook. Enfin il faut penser à la possibilité d’exporter une part importante
de la production agricole. Un projet ambitieux sûrement, mais il faut se
rappeler que la guerre de Sécession en Amérique du Nord avait contribué
à geler la production de coton dans les Etats du Sud des USA. Le coton était
donc devenu un produit apprécié à l’export. De cet engouement pour la
culture du coton et son rapport marchand naîtra le projet de « la grande
plantation » à Atimaono. Dans cet Etat des cultures en 1865, on parle
d’ailleurs d’une note additionnelle sur la « plantation Soarès » inspectée
deux ans après son démarrage à Atimaono. Nous n’avons pas jugé utile de
pubher cette note car le dossier « plantation Soarès » d’Atimaono est si
copieux en évènements, si riche par ses acteurs, qu’il mérite un long artisources naturelles du pays
cle plus explicite.
Autre sujet d’intérêt pour ce rapport 1865 est cette promenade
autour de l’île. On y découvre des noms de beux bien identifiés, parfois
des noms de terres, souvent le nom de personnages de la société polynésienne dont certains ont laissé une descendance jusqu’à nos jours. A noter
cette particularité : les interprètes de la société du moment parlaient nom-
mément des sommités du pays : reine ou roi, princes ou princesses, et des
notables venus d’ailleurs pourvus de charge dans l’architecture coloniale.
Rarement ils citaient le nom du vulgum pecus, ce commun des mortels
qui travaillait la terre à Mahina ou à Papeari. Les auteurs de ce rapport ont
fait l’effort de le rencontrer lui aussi et de citer son nom.
Un mot justement des signataires de ce rapport qui ne manquent pas
d’intérêt.
27
ÎLE
TAHITI
ÉTAT
DES
CULTURES
EX
MIL HUIT CENT SOIXANTE-CINQ.
PAPEETE.
IMPRIMERIE DU GOUVERNEMENT.
18GG
RAPPORT
FAIT
A M. LE COMMANDANT COMMISSAIRE IMPÉRIAL
PAR
PAPEETE.
IMPRIMERIE
DU
GOUVERNEMENT.
1866.
ILE TAHITI
RAPPORT
fait
à M. le Commandant Commissaire Impérial
par
LA COMMISSION D’INSPECTION DES CULTURES1
Monsieur le Commissaire Impérial,
Après l’inspection de l’établissement Soarès et Cie, dont nous avons
fait l’objet d’un rapport spécial2, nous devions, conformément à vos instractions, examiner les diverses cultures entreprises dans l’île de Tahiti,
apprécier leur valeur foncière, leur rapport actuel, et celui qu’elles peueffectués dans ce
sens, soit par les indigènes, soit par les Européens.
Le rapport que nous avons l’honneur de vous adresser, et que nous
nous sommes efforcés de rendre aussi complet que possible, présente la
situation agricole du pays au moment de notre tournée, c’est-à-dire du 18
septembre au 30 octobre. Nous notons en passant cette courte période
pendant laquelle le travail de la terre a pris un développement marqué.
vent atteindre ; constater, enfin, les progrès généraux
1
Cette Commission a été instituée par un arrêté en date du 31 janvier 1865 et organisée par une décision du
14 septembre dernier.
2
Ce rapport, publié d'abord en 4 pages, puis inséré dans le Messager du 11 novembre 1865, est reproduit à
la fin de cette brochure. (Voir pages 83 et suivantes.) NDE. Cf Aparté de Constant Guéhennec qui se propose
de le présenter dans un prochain n°).
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Devant l’activité qui se manifeste, il nous serait difficile d’apprécier
l’extension que prendra la culture, grande ou petite, dans un temps peu
éloigné, mais ce que nous pouvons affirmer, c’est qu’elle a reçu cette
année une vive impulsion. S’il nous est permis d’assigner une cause à ce
mouvement dans un pays où l’indolence et le statu quo étaient, au moins
chez les indigènes, à l’ordre du jour de temps immémorial, nous n’hésiterons pas à l’attribuer à la mesure ordonnée de faire assurer, par la
Caisse agricole, aux producteurs de coton un débouché pour leurs pro-
duits, de créer, en un mot, sur la place, un marché régulier, accessible à
tous, véritable égide du planteur, du petit planteur surtout, contre le
caprice du monopole primitif.
Stimulés par la certitude d’écouler le fruit de leur labeur, de retirer
un revenu certain, palpable, de ces terres fécondes qu’ils négligeaient dans
la crainte de ne pas être rétribués de leurs fatigues, heureux surtout d’être
payés, non plus en denrées, comme jadis, mais en numéraire dont ils peuvent disposer à leur gré, les Européens répandus dans l’île ont accueiffi
avec bonheur cette mesure ; ils ont donné à leurs efforts une nouvelle
énergie. Les Indiens, qui ne cultivaient guère que leurs vivres, et dont les
rares produits n’étaient payés qu’en marchandises, trop souvent appréciées au-dessus de leur valeur raisonnable, ont saisi avidement le moyen
qui leur était offert de se procurer par un peu de travail un bien-être dont
ils n’avaient pas l’idée. Cette garantie a même développé chez eux des instincts, des aptitudes que l’on est étonné, à bon droit, d’y rencontrer ; ils
ont senti les avantages de l’association, et nous pourrons citer plus loin tel
chef de district qui a engagé les propriétaires grands et petits de son village
à ne faire de toutes leurs parcelles réunies qu’une seule et vaste exploitation : estimant avec raison que les frais seraient moindres, les produits
plus abondants, et que chacun des sociétaires y gagnerait.
Nous ne devons pas non plus oublier, Monsieur le Commissaire
Impérial, de signaler parmi les causes de cet élan subit, inattendu, qui
entraîne dans la voie du progrès l’agriculture à Tahiti, les conseils, les
exhortations que vous n’avez cessé de prodiguer aux indigènes. Les districts se souviennent de la tournée que vous fîtes au mois d’août, et les
indigènes font dater de cette époque leurs premiers travaux agricoles
33
bulletin da la Société dc& &t/de,( 0icea/ue/mes
sérieux. La distribution gratuite de graines de coton de qualité supérieure
leur a facilité les moyens de se livrer à ces occupations nouvelles pour
beaucoup en demandent encore, d’autres cherchent à se procurer
les instruments de travail qui leur manquent.
eux ;
Le coton n’a pas été l’objet unique de ces récentes entreprises. A côté
de ce produit, seul admis, cette aimée, à profiter des avantages pécuniaires
offerts par la Caisse agricole, il faut mentionner le café, qui tend à devenir
l’objet d’une exploitation régulière, et qu’il sera utile de faire bénéficier
aussi de la mesure prise pour le coton. Les procédés employés pour sa
récolte, les soins à lui donner, laissent, il est vrai, encore à désirer ; mais
l’expérience de chaque jour amènera en cela les modifications nécessaires, et Tahiti, avec son beau climat et la fertilité sans égale de son sol,
arrivera promptement à compter sur les marchés à café d’Europe, où cette
denrée est de plus en plus demandée.
La canne, dont la culture est en ce moment concentrée autour de
Papeete, ne peut encore, eu égard au prix élevé des salaires, à la rareté
des bras, assurer des bénéfices bien sensibles à ceux qui l’exploitent en
sucre. Cependant, la beauté, la qualité des produits obtenus, rhum ou
sucre, sont telles, qu’il est certain que l’île, dans un temps donné, trouvera
dans l’industrie sucrière une véritable source de richesses. Des colons
n’ont pas hésité à faire, dans cette conviction, la dépense de machines coûteuses. L’équilibre entre le prix du travail et celui des denrées s’établira
sans doute et
permettra de reprendre une exploitation dont il reste de
nombreux vestiges sur divers points de l’île, vestiges que les bestiaux
errants achèvent de faire disparaître.
Les cocotiers, qui, dans l’état actuel, ne sont guère utilisés au point
de vue de l’industrie, malgré leur grand nombre, leur belle venue et l’excellence du terrain de l’île pour leur culture, sont, en ce moment, plantés
quantité considérable sur diverses propriétés, et pourront, dans
quelque temps, fournir à l’exportation de l’huile de meilleure qualité,
mieux préparée surtout que celle qui circule sur la place.
Les procédés tout primitifs employés à sa confection, procédés que
de légères modifications pourraient améliorer, ne donnent qu’une quantité
moindre d’une huile infecte et ne permettent de faire concurrence aux
en
34
N°320 - Septembre / Décembre 2010
produits d’aucun autre pays. Encore n’est-ce pas à Tahiti, mais bien dans
les îles environnantes qu’est concentrée cette fabrication.
Le brou, matière d’une utilité immédiate dans un pays de marins, et
de pêcheurs, est ici à peu près perdu.
La vanille, dans les premiers temps de son exploitation, a donné à
ceux qui s’en occupaient des bénéfices notables, mais elle est en ce
moment trop dépréciée sur la place pour dédommager les colons des
soins minutieux qu’elle exige. Néanmoins, elle pourra fournir, dans des
conditions plus favorables, son contingent à l’exportation.
La liste des ressources naturelles du pays, capables d’augmenter sa
richesse en contribuant à l’alimentation des marchés étrangers, serait
longue : le manioc, le gingembre, le curcuma, l’indigo enfin, qui croît partout ici à l’état sauvage, mais que l’élévation du prix du travail oblige de
négliger, pourront un jour devenir l’objet d’une culture régulière, profitable. L’île abonde encore en matériaux de construction : les bois inaltéra-
blés, les pierres, les terres argileuses, le sable, la chaux, tout est là réuni
sous la main pour faciliter la construction de grands bâtiments d’exploitation. Toutes ces ressources ne demandent que de l’intelligence et des
bras.
L’impulsion remarquable donnée à la culture en général et à celle du
coton en particulier, à Tahiti, se trouve encore gênée, ralentie par des obs-
tacles qui ne tarderont pas à tomber. Le libre parcours des bestiaux, dont
les Indiens eux-mêmes reconnaissent les désastreux effets, condamne à
l’abandon et à l’envahissement par les goyaviers des districts entiers. Il a
fallu que le mal fût bien grand pour que, dans certains districts, les indi-
gènes aient cru devoir prendre, par anticipation, une mesure dans l’exécution de laquelle le gouvernement n’a fait que les suivre. C’est avec une
sorte de fierté que l’assemblée de Papenoo nous disait, par l’organe de
son orateur : « Nous sommes les fils aînés de la décision qui abolit la vaine
pâture ». Ils n’ont pas, pour cela, renoncé à posséder des bestiaux. A
Papenoo, à Mahaena, ils ont créé des parcs fermés : ils y gagnent la sécurité de leurs cultures ; ils y gagnent aussi de ne pas être obligés, comme à
Afaahiti, à Vairao, de construire autour de leurs cases de véritables fortifications pour se mettre à l’abri de ces incommodes voisins. Les bestiaux
35
Œulletài do Uv Société de& études Qcéaniemie&
y trouvent aussi leur profit. Mieux soignés, moins exposés aux mille accidents qui déciment les troupeaux errants, ils sont dans des conditions
avantageuses pour que des étrangers, comme nous l’avons vu à
Mahaena, aient cru devoir les placer dans des parcs appartenant à des
indigènes et les confier à leurs soins.
assez
Si le gros bétail dévaste les cultures, brise les enclos, les porcs errants
ne font pas
moins de ravages, surtout sur les routes, qu’ils fouillent pro-
fondément, et qu’ils disposent à devenir, aux premières pluies, d’infranchissables bourbiers. Tous ces animaux, du reste, passés à l’état sauvage,
dépérissent rapidement ; ils cherchent aux flancs des collines, dans les
ravins, une nourriture précaire : ils succombent, sans soins, aux moindres
accidents inhérents à ce genre de vie dans un pays aussi profondément
découpé. Au bout de quelques générations, ils ne constituent plus qu’une
race amoindrie, maigre, dont la viande est d’une qualité inférieure, et qu’il
deviendrait urgent de renouveler.
La facilité de modifier le régime actuel des bestiaux, dans les districts
où règne encore la vaine pâture, est évidente, et les intéressés devront
chercher ailleurs que dans l’impossibihté de mieux faire les objections
qu’ils pourront présenter pour sa conservation. Les indigènes, nous
l’avons dit, ont pris les devants dans certains districts ; le pays offre ailleurs
tout autant de moyens aisés de parquer les animaux. Des vallées étroites
à leur entrée, inutiles en ce moment, faciles à fermer; des marais capables
de former d’excellents prés salés, et dont le dessèchement nécessiterait
peu de travaux, tout cela peut être enclos avec moins de peines et de frais
que ne s’en sont imposés, pour entourer isolément leurs cases, les gens
de ces districts. Toutes ces enceintes partielles, additionnées, effraient
l’imagination par la somme énorme de temps perdu et de travail qu’elles
représentent, dépensée pour en arriver à abandonner sans conteste à
quelques bêtes à cornes un territoire tout entier.
C’est là ce que nous avons constaté, et qui fort heureusement va disparaître. Partout, les assemblées des districts ont accueilli avec faveur,
presque avec enthousiasme, la proposition par nous faite, en exécution de
vos instructions, de supprimer définitivement la vaine pâture, et ce en
réservant dans chaque district, et suivant le besoin, une ou plusieurs
36
N°320 - Septembre / Décembre 2010
vallées où les propriétaires de bestiaux trouveraient à les parquer moyenliant rétribution au profit des détenteurs du sol.
Et cela n’a lieu de surprendre personne : à côté de la question d’intérêt matériel, il y a aussi,
Monsieur le Commissaire Impérial, une question de haute justice, d’équité
toute naturelle. Un grand nombre de ceux qui possèdent des
troupeaux
de bestiaux errants, au grand détriment des propriétaires du sol, n’ont pas
à eux, dans les districts que ravagent leurs animaux, un seul morceau de
terrain. D’un autre côté, les Indiens de certains villages, condamnés aux
courses et aux
déprédations des troupeaux appartenant à des étrangers,
n’ont pas à eux une seule tête de bétail, ou n’en ont qu’un nombre insignifiant. Aussi avons-nous, dans quelques-unes des assemblées générales
réunies à ce sujet, entendu cette proposition approuvée de tous : « Nous
sommes prêts même à sacrifier le peu de bestiaux
que nous possédons, si
cela doit nous débarrasser des troupeaux des autres ».
Telle est, Monsieur le Commissaire Impérial, la situation présente en
ce qui concerne la question de la vaine
pâture. Les indigènes ont hâte d’y
voir domier une solution définitive, et leur unanimité à cet égard nous permet d’avancer avec certitude qu’ils prêteront un concours actif à l’exécution de toute mesure ayant pour but de faire cesser d’une manière
générale le libre parcours des bestiaux.
Il reste une autre cause, moins grave, il est vrai, mais assez sérieuse
pourtant, de la lenteur que mettent certains districts, soit à suivre le mouvement général, soit à exécuter les travaux de routes, si nécessaires à
l’agriculture ; elle se trouve dans la construction encore inachevée de leurs
cases métriques. Outre des contestations fréquentes au
sujet de la possession des terrains qu’elles occupent, contestations qui leur occasionnent
des déplacements et interrompent toutes leurs affaires privées, il faut
compter aussi la mauvaise volonté de ceux qui, mums déjà d’une maison,
grâce au travail commun, s’embarrassent peu de loger à leur tour leurs
compatriotes. D’un autre côté, ceux qui n’ont pas encore de cases, et qui
ont contribué à la construction de celles de leurs voisins, voudraient maintenant, comme à Faaone, aller s’établir à une distance considérable du
point choisi primitivement pour l’établissement dn village, et exigent qu’on
vienne leur bâtir leurs maisons à cet endroit de prédilection. De là des
37
dv lu Jociété des études ôcéume/mes
'
récriminations, du temps perdu, les cultures négligées, les routes abandonnées. Le bon sens des Indiens ne les trompe pas à ce sujet, et tous soupirent
après l’achèvement de ces éternelles cases métriques, qui, aux termes de
l’ordonnance qui en prescrit la construction, devaient, sous peine d’une
amende de 100 à 200 francs, être terminées à la fin de l’année 1862.
Tel est, Monsieur le Commissaire Impérial, le résumé de quelques
générales que nous avons pu faire pendant notre
tournée dans les districts de l’île. Un exposé détaillé des diverses cultures
unes des observations
entreprises, soit par des Européens, soit par des Tahitiens, pourra donner
plus complète de l’état présent du pays au point de vue agricole,
et de ce qu’il pourra devenir un jour. Nous n’avons pas cru devoir faire
deux catégories de planteurs, indigènes et étrangers ; l’objet est le même
une idée
des deux parts, les moyens employés n’offrent aucune différence dans Tes-
pèce. Seules, les proportions sur lesquelles opèrent les premiers sont
moindres : la pratique, les moyens d’agir, l’esprit d’initiative dont disposent
les seconds expliquent cette infériorité dans l’importance des travaux ; les
Indiens, conviés depuis trop peu de temps à pareil emploi de leurs forces
et de leurs terres, n’en sont pas encore là.
Nous n’avons pas era devoir, non plus, faire des catégories des genres
de cultures ; les colons et les indigènes, sauf de rares exceptions qui
seront signalées au paragraphe qui concerne spécialement chacun d’eux,
ne se bornant presque jamais à une seule espèce de denrée, et profitant
des dispositions du terrain, des différences dans sa qualité, pour varier
leurs produits, intercaler ou annexer à l’exploitation principale des plantâtions secondaires.
La Commission a d’abord examiné tout ce qui se trouvait de cultures
dans les environs de Papeete, dans le rayon le plus immédiat de l’influence
européenne, et c’est avec les données déjà acquises pendant cette tournée,
autant sur les domaines exploités par des particuliers que sur la grande
plantation Soarès, à Atimaono, qu’elle a commencé dans les districts une
minutieuse inspection des ressources agricoles qu’ils peuvent offrir.
Nous avons donc l’honneur, Monsieur le Commissaire Impérial, de
vous exposer ce tableau, pour la formation duquel nous avons suivi le programme tracé par vos instructions.
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
Environs de Papeete
Route de Haapape
C’est dans cette direction, grâce au voisinage de la ville et à d’autres
circonstances que nous allons signaler, que s’accumulent le plus de plan-
tâtions, d’étendue variable, exploitées, soit par des indigènes, soit par des
Européens. Trois vallées, en effet, celles de Fautaua, d’Haamuta, de Pirae,
s’ouvrent largement du côté de la mer, et ont formé à leur entrée de
grands dépôts d’alluvion. Ces terres de rapport, aussi bien que celles des
vallées elles-mêmes, sont excellentes ; sauf, surtout à leur évasement,
quelques longues tramées de blocs de toute taille, entassés, roulés, cimentés par une mince couche d’humus mêlé de sable, qui semblent provenir
d’un changement de cours dans ces rivières torrentielles, ou de la débâcle
de quelques vallées latérales, jadis transformées en lacs par une cause
quelconque. Tout le reste de la partie plate consiste en une terre forte,
humide, que nous avons trouvée fraîche encore après la longue sécheresse
dont nous voyons le ternie.
Cette zone est extrêmement large et se prolonge bien avant dans les
terres, surtout en face de l’ouverture des vallées que nous venons de nommer. Une étroite bande,
marécageuse auprès de Papeete, sablonneuse à
mesure qu’on se
dirige du côté de Taunoa, la sépare de la mer. C’est là,
sur les deux côtés de la
route, que se trouvent concentrés en ce moment
le plus de genres de cultures.
N° 1.— HAMEL (Louis), Français. Établi immédiatement au-delà de
Fare-Ute, sur un terrain ingrat, marécageux, dévasté par les tourlourous ;
sablonneux du côté de la mer, meilleur cependant du côté de l’intérieur.
Il possède en tout cinq hectares, dont quatre et demi étaient défrichés, et un demi-hectare planté et en rapport au mois d’octobre. Il travaillait activement, à cette époque, à mettre le tout en exploitation, tant en
coton qu’en maïs, cannes à sucre ou légumes.
39
bulletin de la Société des études* Ocean
Le coton, malgré les mauvaises conditions dans lesquelles il a été
semé, a réussi à force de soins ; il est de qualité supérieure, provenant de
graines données par MM. Brander et Stewart ; il a été planté en mars, mais
les graines ont dû être renouvelées souvent dans la partie la plus défavorisée de la propriété. Il n’avait encore, du reste, en octobre, rapporté que
50 francs.
M. Hamel a eu à lutter, dans la mise en valeur de ce terrain, contre
des obstacles sérieux. Aidé d’un seul Indien, payé à 2 fr. 50 c. par jour, il
a
dû, pour rendre une partie de sa propriété nous ne dirons pas cultivable,
mais praticable, creuser de profondes tranchées, ménager un écoulement
aux eaux dans un sol mouvant,
établir, en un mot, tout un système de drainage à ciel ouvert, qui lui a permis d’asseoir ses cultures et même sa maison sur un terrain sec et solide.
L’homme qui l’a aidé dans ce travail et dans la construction de ses
deux cases, que nous pouvons estimer valoir 500 fr., est un indigène de
l’archipel de Cook, dont M. Hamel apprécie les services. Nous aurons à
revenir plus d’une fois sur cette race d’indiens, les seuls que l’on ait pu
employer d’une façon régulière, suivie, sur les plantations, et dont tous les
colons s’accordent à se louer. Ils ont été jusqu’ici, sur la petite exploitation, la sauvegarde du travail de la terre, auquel répugnent les Tahitiens
lorsqu’ils n’y sont pas intéressés directement à titre de propriétaires. Les
Indiens des archipels voisins offrent, d’ailleurs, à divers degrés, les mêmes
qualités et les mêmes ressources à l’agriculture que ceux de la provenance
précitée.
M. Hamel ne possède pas de bestiaux.
Enfin, ce propriétaire nous a formulé, au sujet de l’état général de sa
plantation, une observation que nous avons entendu faire presque partout,
dans cette partie de la campagne. Les nombreux massifs de goyaviers,
conservés intacts sur des terrains inexploités, sont devenus, pour les voisins, un véritable fléau : des légions de rats, inattaquables dans ces asiles,
y pullulent en liberté, et en sortent la nuit pour aller dévaster le coton mûr
en mangeant les graines,
ronger, en un mot, tout ce qui s’offre à leur dent.
Rien de ce qui nuit à l’agriculture ne doit être dédaigné, et, tout singulier
qu’il soit, nous avons cru devoir signaler cet inconvénient.
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
N° 2. — HURIA, Tahitien. Sur le côté gauche de la route de Papeete
à Haapape ; le terrain y est d’une bonne qualité, l’humus noir, profond,
bien arrosé en toute saison.
Le propriétaire a défriché et planté, en juin, environ 38 ares sur les-
quels les lignes de cotonniers alternent avec des lignes de mais. Il possède
aussi quelques cocotiers.
Les graines de coton qu’il a semées les premières provenaient de
chez M. Brander. Faute d’habitude ou de soins, ce premier semis a avorté ;
celles qui ont produit le coton existant proviennent de la Caisse agricole.
Cet homme ne possède, en fait de bâtiments, que sa case tahitienne ;
il travaille avec courage et désirerait s’agrandir, mais il est seul, et doit,
par semaine, deux jours de corvée pour les travaux communaux de son
district.
N ° 3- — BONNET (Auguste). Placé dans la même zone et dans les
mêmes conditions que le terrain précédent, le fonds est excellent, bien
arrosé. Cette propriété a été achetée en 1861, et depuis a été spécialement
exploitée en légumes et arbres fruitiers.
Nous n’avons pu avoir de renseignements sur sa surface qui est considérable, en grande partie défrichée, sinon cultivée. En ce moment elle
comporte une assez grande variété de cultures :
Mille cocotiers environ ;
Une certaine quantité de cacaoyers, 30 environ, datant de 1862, bien
venus, mais qui une première fois ont perdu leurs fleurs. Ils étaient de
nouveau en
pleine inflorescence en octobre ;
Une belle collection d’arbres fruitiers, jeunes encore, mais de bonne
venue, ainsi que des eucalyptus de trois ans;
Une tarotière, placée dans les meilleures conditions d’irrigation et de
terrain ;
Un potager, enfin, la plus sérieuse des exploitations de cette pro-
priété. Il est très grand, parfaitement entretenu, aussi varié que possible
en ce pays. L’homme de peine qui se trouvait sur les beux n’a
pu nous
donner le chiffre, même approximatif, de son revenu. Sa formation date
de deux ans.
41
(bulletin de lev Société/ de& études ôcéam
Des caféiers avaient été plantés aussi chez M. Bonnet, mais leur exposition trop directe aux rayons du soleil leur a été fatale ; elle en a causé la
destruction.
Une maison et deux cases, que nous estimons valoir en tout 1500 fr.,
sont les seules constructions qui s’élèvent sur ce terrain.
M. Bonnet emploie sur sa plantation, depuis trois ans, les mêmes travailleurs : ce sont deux indigènes de l’archipel de Cook, qui paraissent
actifs et intelligents,
N° 4. — RENVOYÉ. Se trouve dans les mêmes conditions que le pré-
cèdent, au point de vue de la situation et de la qualité du terrain. La surface totale de ce qui est cultivé est ainsi divisée :
Coton, 2 hectares, défrichés il y a moins de deux ans, plantés il y a
quatorze mois environ ;
Cannes à sucre, 1 hectare ; cocotiers, 100 pieds.
Le coton est de première qualité ; les graines proviennent de chez M.
Hort, et, malgré le voisinage de quelques cotonniers tahitiens dont nous
avons conseillé la destruction, n’ont pas encore dégénéré. Ces deux hectares avaient fourni, au mois d’octobre, une petite récolte vendue partie à
la Caisse agricole, partie à M. Hort. Aujourd’hui, M. Renvoyé estime à 880
francs le produit qu’il a retiré de son coton.
La canne est destinée à être portée au moulin ; elle est belle et dans
les meilleures conditions. C’est pour agrandir ce genre de plantation que
l’on continue à défricher sur ce terrain.
Une tarotière, un potager, tous les deux bien tenus, complètent cette
propriété, où le travail est très-soigné et conduit avec intelligence.
M. Renvoyé ne possède pas d’animaux sur sa plantation, sauf deux
belles chèvres. Une assez joüe maison d’habitation et deux cases indigènes,
dont la valeur totale peut aller à 2,700 francs, s’élèvent au milieu des cultures.
M. Renvoyé, pour tous ces travaux, exécutés en dix-sept mois, a
employé deux hommes d’une façon régulière, payés à 60 fr. par mois,
mais non nourris. Il a dépensé jusqu’à présent, en journées de travail,
2,l60 francs. Lors de notre passage, au mois d’octobre, quatre journaliers,
42
N°320 - Septembre / Décembre 2010
dont un Tahitien seulement et trois indigènes de Mangia, étaient
aux travaux de la
occupés
propriété ;
N° 5. — WENNELSTEIN.
Établi sur un terrain appartenant à sa
femme, au village de Pare, toujours dans la même zone, mais dans des
conditions un peu moins favorables que les précédents, à cause du voisinage de la mer. Ce planteur cultive avec un soin extrême environ un demihectare d’un sol ingrat, bien nettoyé, propre maintenant à donner de
beaux produits. Il a planté son premier coton en avril, et ne s’est arrêté
dans son travail que lorsque le terrain lui a manqué.
Il a déjà recueilh une petite quantité de coton longue-soie,
provenant
de graines données par M. Hervé. Les premières, fournies par M. Brander,
mais semées par un homme encore inexpérimenté et dans un mauvais
moment, ont avorté. Il cultive aussi un peu de manioc. Une seule case
d’habitation de peu de valeur,
M. Wennelstein travaille seul, et voudrait cependant
s’agrandir d’un
hectare environ, surface d’un terrain qui l’avoisine, couvert de goyaviers,
repaire de rats, et ne renfermant, en fait d’arbres utiles, que six cocotiers.
Il voudrait le planter en coton. Cet homme est un bon travailleur ; il offre
de payer en huit mois, avec les produits du terrain lui-même, ce
qu’on lui
aurait avancé pour payer ce dernier. La reine en exige 1000 francs d’achat
ou 200 francs de
loyer, sommes qu’il n’est pas encore en mesure de pouvoir payer,
N° 6. — TAMARII Tahitienne, au village de Pare. Le terrain, entouré
de tarotières anciennes ou en culture, est excellent, d’une surface indéterminée. Elle fait continuer le défrichement de son terrain, commencé en
juillet, et se prépare à planter à mesure qu’il avance. Elle a semé ainsi,
avec des graines provenant de la Caisse
agricole, un quart d’hectare environ
qui n’avait encore rien produit en octobre, et elle se disposait à en faire
autant sur toute sa propriété. Le système de défrichement
qu’emploient les
Tahitiens en cet endroit consiste à couper simplement et à brûler sur place
le goyavier, ce que nous avons d’ailleurs vu faire en bien d’autres beux, mais
principalement sur les nouvelles plantations européennes.
43
bulletin de la Société de& Stades ôiLceanterine&
N° 7. — FOSTER et ADAMS. Placée, comme la précédente, entre la
route et la mer, la propriété de MM. Foster et Adams se trouve dans des
conditions analogues d’exposition et de qualité de terrain, mais elle offre
bien plus d’importance sous le rapport de l’étendue et de la puissance des
moyens d’exploitation. Elle est tout en plaine, sur un fonds de terreau noir,
résultant de l’accumulation des débris végétaux, bien arrosée, grâce à une
source
qui ne tarit jamais et maintient la terre humide en toute saison. Elle
de six pièces, d’une superficie totale de huit hectares, consa-
se compose
crés en entier à la culture de la canne à sucre. La mise en œuvre est faci-
litée par l’ouverture de routes de cinq mètres de large, dont l’une a 420
mètres de longueur en ligne droite et vient se terminer à cent mètres seu-
lement de la mer.
Lors de notre passage, le défrichement était presque complet et se
poursuivait avec activité. Malgré les gros arbres qui le rendaient, en certains endroits, excessivement laborieux, l’on pouvait prévoir l’instant où
les huit hectares tout entiers allaient se trouver couverts de cannes séparées par de longues lignes de mais.
MM. Foster et Adams ont commencé le défrichement en février 1865
et se sont mis à planter immédiatement des cannes à sucre, dont nous
avons admiré la belle venue et la fraîcheur. Au mois de février ou de mars
1866, ils pourront commencer à tirer parti de cette première plantation
et n’auront plus qu’à recueillir, à mesure, le produit des plantations suc-
cessives, qui alimenteront désormais leur moulin sans interruption. Cette
première récolte s’annonce, au reste, comme devant être extrêmement
avantageuse.
L’installation de l’usine à vapeur, qui fonctionne à présent, a cornmencé en juin 1865, et le montage définitif de la machine qui sert à MM.
Foster et Adams à extraire le sucre des cannes des plantations environ-
nantes, date du 29 juillet. Le produit, en cassonade, était de belle qualité,
et tendait d’une manière sensible à s’améliorer encore,
grâce au soin tout
particulier qu’apportent ces producteurs à perfectionner cette denrée,
dont le prix, sur la place, est encore assez élevé.
En attendant qu’ils puissent utiliser leurs propres cannes, MM. Foster
et Adams prélèvent sur celles que l’on porte à leur moulin un droit en
44
N°320 - Septembre / Décembre 2010
nature d’un tiers du produit, qui s’est élevé jusqu’à présent à ce que repré-
senteraient trois hectares et demi de cannes, environ dix mille livres de
sucre, trois cents gallons de mélasse et autant de sirop.
La moyenne des journées de travail a donné quatre cents livres de
sucre bien
égoutté, et d’un beau grain.
Leur intention est de ne pas se borner à l’exploitation de la canne à
sucre, mais bien d’y joindre la fabrication du rhum ; aussi ont-ils demandé,
à cet effet, les appareils nécessaires qui sont déjà en route pour Tahiti.
La propriété comporte, en outre des cultures :
1° Deux bâtiments d’exploitation, pour les machines, étabüs sur le bord
d’un ruisseau qui ne tarit jamais, valant
6,625 francs.
2° Une distillerie inachevée dont les matériaux sont sur place, et représentent une valeur de
3,815 francs.
12,500 francs.
3° Une maison d’habitation et son entourage
4° Une cuisine, une écurie, un magasin et diverses
dépendances
2,820 francs.
2,985 francs.
5° Étables, hangars, matériaux
La machine, de 2 à 3 chevaux, achetée à M. Rouffio 5,000 fr., payables par
semestres de 1,250 francs, prise au domicile de ce dernier par MM. Adams et
Foster, à leurs frais, a coûté jusqu’à présent :
Prix d’achat
5,000 francs.
Réparations et changements, etc
Chaudières, [matériel, etc
1,600 francs.
Enfin, MM. Foster et Adams attendent :
Un alambic complet
Chaudières
Machines
Moulin à sucre
Machine à égrener.
Machine à nettoyer.
Plaques de tôle pour toit (3 tonneaux)
1,350 francs.
,.
4,000 francs.
1,500 francs.
2,250 francs.
7,500 francs.
1,750 francs.
250 francs.
2,400 francs.
Que l’on ajoute à cela la chaux, les 4,500 briques employées, etc. ; le
prix de la terre, primitivement achetée 7,865 francs ; celui d’une nouvelle
45
i
bulletin de fa Société des, &Index Gceam
acquisition, 1,340 francs, et l’on trouvera une dépense sérieuse dont
l’avance indique, chez MM. Adams et Foster, autant de confiance en l’avenir que de foi dans les ressources du pays.
Deux tombereaux et un buggy complètent le matériel de cet établissement.
Deux mulets, deux chevaux, deux vaches, deux veaux dans un parc,
seize porcs renfermés dans un autre parc, des volailles, seize pintades, six
paons vivent sur la propriété, contribuant à son exploitation, à son bienêtre ou à son agrément.
Des arbres fruitiers, des manguiers, une belle treille entourent le
principal corps de logis et terminent, avec un champ de manioc, la série
des cultures de cette plantation.
MM. Adams et Foster, qui ont commencé à moudre le 18 août seulement, emploient en moyenne dix indigènes, tous originaires de l’archipel de Cook payés à 60 fr. par mois sans la nourriture. Ils sont assez
satisfaits du travail de ces hommes, que surveillait et dirigeait, à l’époque
où nous y passâmes, un nommé Tumu, de Mangia, au service de la maison depuis six ans environ, et sur la plantation depuis trois ans bientôt.
Cet Indien, depuis le mois d’octobre, a quitté brusquement l’habitation,
donnant ainsi une preuve de l’incurable versatilité de cette race, et du
peu de fonds qu’il faut faire sur son emploi dans un travail de longue
haleine.
Deux Européens sont attachés aux détails de la machine et de la
batterie.
MM. Foster et Adams ne formulent aucune plainte, aucune réclamation ; ils ne font que répéter ce que nous avons entendu partout, qu’il est
toujours difficile, quelquefois impossible de se procurer des travailleurs,
à quelque prix que ce soit.
N° 8. — LAHARRAGUE,
Toujours sur le côté gauche de la route de
Papaoa, mais au-delà de la rivière de Fautaua. Cette partie de la campagne,
située sur la rive droite de la rivière, est loin de valoir, comme terrain, les
riches couches d’humus de la rive gauche ; le sable, les cailloux surtout y
abondent.
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
Cette propriété a été achetée en partie à l’administration, il y a huit
ans, en partie à la renie, il y a environ six ans. Elle comprend une maison
d’habitation, un jardin planté de diverses cultures potagères, et, enfin,
deux hectares de cocotiers et de cannes à sucre.
Le prix de revient, pour son entretien et son exploitation, est, jusqu’à
présent, d’environ 100 fr. par mois, que ne couvrent pas encore les rendements.
N° 9- — KEAN. A gauche de la route de Papaoa ; placé aussi dans des
conditions de terrain moins favorables que les propriétés situées entre
Pare et Papeete.
La terre est moins riche, plus sablonneuse, et de larges et profondes
veines de cailloux roulés indiquent, à une époque reculée, quelque grande
débâcle de la rivière de Fautaua. Nous avons retrouvé les traces de ce cata-
clysme, trop considérable pour n’avoir été qu’un simple changement de
cours de la rivière, sur toute la ligne des terrains qui s’étendent de la plantation de M. Pater à la plage. Nous aurons à signaler le même fait, mais
dans des proportions bien moins considérables à l’entrée de la vallée de
Pirae.
La surface de cette exploitation, complètement défrichée par arrache-
ment, est de quatre hectares à peu près, mis nouvellement en culture et
plantés de coton et de mais qui n’ont pas encore donné de récolte. L’entretien général est bon, et la fin de la sécheresse activera l’arrivée à bon
terme de ces semis entrepris à une époque défavorable.
Une case estimée 500 francs s’élève sur le terrain ; un seul Indien, de
Raiatea, est employé d’une façon régulière aux travaux de culture.
M. Kean demande à s’agrandir dans la direction de certaines terres
en friche qui le ümitent, et désirerait que la Caisse agricole lui en facilitât
les moyens.
N° 10. — ROBIN, à Taunoa. Terrain d’une grande étendue, tout en
plaine, et présentant dans ses diverses parties des différences de qualités
assez sensibles. Placé comme les précédents entre la route et la mer, il
offre une superficie de 25 hectares, dont six en marais, que M. Robin
47
Œuüetin de la Jociété de& OhideA I iceatuœrmess
compte rendre en partie à l’agriculture par des travaux, tandis qu’il transformera le reste en un réservoir, ressource précieuse pour l’irrigation et
un établissement industriel.
Une autre partie de cette propriété consiste en une mince bande de
terrain, la plus voisine de la mer, et qui subit les inconvénients de cette
proximité ; les grandes brises, la mer elle-même, y ont couché les cotonniers ; les pierres, dont quelques-unes sont le reste d’un maraë, le sable,
enfin, font de cette parcelle ce qu’il y a de plus ingrat sur la plantation.
Le reste est une terre riche, forte, dont la culture ne peut manquer
d’être avantageuse, et dont huit hectares sont déjà défrichés par arrachement, à l’aide d’une chèvre qui, tout en enlevant les plus grosses souches
de goyaviers, remue profondément le terrain.
Quatre hectares et demi, dont une partie était en plein rapport, sont
plantés en coton. Ce coton, de première qualité, provient de graines fournies par M. Brander, triées avec un soin tout particulier par M. Robin, qui
est arrivé, de cette façon, à des résultats dignes d’être signalés. Des
semences résultant de ce choix minutieux ont donné un coton
d’une Ion-
gueur, d’une beauté, d’un soyeux bien supérieur à celui dont elles provenaient. Il est vrai que les plants mis à part avaient été surveillés, soignés
relâche, et que la quantité recueillie de ce beau coton est encore
mais il n’en résulte pas moins que la plante est perfectible
par la culture elle-même, et que le dépérissement que l’on redoute dans
l’espèce actuellement répandue sur les plantations peut être retardé ou
sans
assez faible ;
même évité à force d’attention dans le choix des semences.
M. Robin, au mois d’octobre, avait produit, depuis le mois de novem-
bre 1864,1,068 kilogrammes de coton, et continuait cette récolte qui était
loin encore d’être achevée.
A la principale exploitation sont annexées des cultures diverses, mais
d’une importance infiniment moindre. Des arbres fruitiers de différentes
espèces, une pépinière de caféiers placée dans d’excellentes conditions
d’ombre et de fraîcheur, peuvent entrer en ligne de compte parmi les ressources de la plantation, sur laquelle s’élèvent sept bâtiments, dont une
maison d’habitation, une salle à manger, une cuisine munie d’un four, et
des servitudes.
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
Trois Indiens, originaires de l’archipel de Cook, sont employés d’une
façon régulière par M. Robin, qui leur donne 30 francs par mois et les
nourrit ; mais ces trois hommes, bien qu’ils soient de rudes travailleurs,
ne suffisent pas, et nous entendions répéter là ce que nous devions entendre partout : les bras manquent. Heureux encore les colons qui ne s’en
trouvent pas privés d’une façon absolue, comme il arrive à quelques-uns !
M. Robin s’est établi sur ce terrain en 1849, C’est le 1er novembre
1862 qu’il a commencé à le planter en coton. Telle qu’elle est en ce
moment, l’acquisition de cette propriété est le résultat d’une œuvre de
patience et d’opiniâtreté, inaugurée en 1862 par l’achat successif de parcelles de terres, continuée pendant treize ans, et terminée seulement, le
13 avril 1865, par une acquisition définitive. Pour mettre en valeur cette
grande surface tout en plaine, M. Robin voudrait avoir dix journaliers, dix
engagés, sur le travail desquels il lui soit possible de compter : il n’a pas
encore pu réaliser ce chiffre. M. Robin se plaint aussi des déprédations
commises chez lui par d’incommodes voisins, espèce de tribu enfouie
dans des massifs de goyaviers enclavés sur son terrain. La nuit, après de
bruyantes réunions, les hommes, qui ont bu et joué, perdent un peu le respect de la propriété et commettent sur les terres des voisins des dégâts ou
des vols plus irritants que réellement considérables, mais qui n’en sont
pas moins une gêne pour le colon.
M. Robin désirerait aussi, mais dans un but industriel, amener sur sa
propriété une partie de la rivière de Fautaua, à l’aide d’une prise d’eau en
amont de la route de Papaoa, et développer une chute qui lui permît de
faire fonctionner un moulin ; mais jusqu’à présent trop de difficultés se
sont opposées à l’exécution de ce projet.
N° 11. — PAOFAI, Tahitien, que ses fonctions à la Cour des Toohitu
et ses relations avec les Européens ont vite amené à reconnaître
les avantages de la culture. Son terrain, toujours dans la même zone que les précédents, est de bonne qualité, bien défriché en partie, et planté à mesure
que disparaissent les goyaviers. La surface entière est de trois hectares et
demi, sur lesquels un hectare à peu près est cultivé en coton et en maïs,
et porte en outre une cinquantaine de cocotiers.
49
bulletin de la Société des études Océan
Le coton, dont les graines proviennent de la Caisse agricole et de chez
M. Robin, a été planté en août, et, malgré les conditions défavorables de
cette plantation en pleine sécheresse, pourra donner une belle récolte.
Une maison, celle du propriétaire, est bâtie sur le terrain, qui comporte
en outre deux
chevaux, des porcs, etc.
Paofai emploie à mettre en valeur cette propriété, jadis mutile, quatre
Indiens, payés à la tâche, à raison de 6 fr. le umi (2 ares)3, défriché et
prêt pour la culture. C’est moins que la moyenne des prix généralement
trouvés. Ces hommes sont Tahitiens, soumis aux travaux communaux ; et
la seule demande que formule Paofai est qu’on exonère de ces travaux les
ouvriers qu’il emploie et surveille lui-même, mais dont il ne peut attendre,
dans les conditions actuelles, aucun service régulier.
N° 12.
TAIMAI, Tahitien. Placé comme le précédent sur le côté
gauche de la route, tout en plaine et droit en face de l’ouverture de la vallée de Pirae. Le terrain est encore d’une excellente qualité. Sa surface est
d’un peu plus d’un hectare, soit 10,188 mètres carrés, sur lesquels un
tiers est défriché et planté avec soin en coton, dont les graines proviennent
—
de chez M. Labbé. Le défrichement continuait avec activité, et de nouvelles
plantations le suivaient à mesure qu’il découvrait la terre. La mise en
œuvre de ce terrain qui n’a pas encore produit, les semis ne datant que
d’un mois, est fort bonne ; le nettoiement est aussi complet que possible.
L’Indien travaille en famille avec son gendre, un infirme, nommé Tevahitira, qui l’aide avec courage.
Il possède en outre une case métrique4 et une culture de vivres parfaitement entretenue.
3
Note de la SEO : te 'umi, ancienne mesure de longueur équivalent à 10 'eta'eta (soit la valeur de 10 brasses x
1,80m = 18 mètres linéaires) ; c'est à dire une traduction bien différente de celle apportée par le rapporteur
qui cite une mesure de superficie (2 ares).
1
Pour regrouper les populations, le commissaire impérial de La Richerie adressa le 6 mars 1861 aux chefs et
conseils de districts une circulaire autoritaire visant à obliger chaque autochtone à se construire autour de
l'habitation du chef une « belle case indienne » ou « case métrique ». Contresignée par la reine Pômare, cette
circulaire fut suivie de l'ordonnance n°l 56 du 21 mai 1862, fixant au 31 décembre 1862, la date limite d'exécution sous peine d'amende. Ces ukases restèrent lettre morte après son départ.
50
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Taimai demande, comme aide de la part du gouvernement, qu’on lui
fournisse, à quelque titre que ce soit, les outils qui lui manquent.
N° 13. — BRANDER. Plantation assez vaste et qui est loin d’avoir
acquis tout son développement, car elle s’étend, par de récents défrichements, sur le côté droit de la route. Le terrain tout en plaine à gauche, où,
malgré quelques légères différences de niveau, il est partout d’excellente
qualité, est plus en pente et s’élève vers la montagne, à droite. De ce côté,
deux hectares ont été nouvellement défrichés et plantés en coton, il y a
deux mois, pendant la sécheresse, ce qui a un peu retardé la végétation.
La surface propre à la culture s’agrandissait de jour en jour par de nouveaux défrichements.
A gauche est une plantation plus ancienne, en plein rapport, où se
trouvent des cultures variées, mais où domine le coton, qui en couvre cinq
hectares, et qui y a été planté il y a vingt mois. Des sillons de maïs et plus
de 400 cocotiers n’occupent qu’un rang secondaire dans le revenu de la
propriété, sur laquelle on récolte, sèche, nettoie et égrène même le coton,
grâce aux facilités offertes par de nombreux corps de logis et les larges
varangues de la maison d’habitation. Le produit, au reste, est de qualité
supérieure, malgré une légère modification dans le système de culture
généralement suivi, modification qui consiste à laisser pousser ensemble
plusieurs plants, qui se prêtent de cette façon un abri mutuel et se soutiennent l’un l’autre contre les brises qui pourraient les coucher.
La propriété, qui est en même temps un domaine d’agrément,
contient six bâtiments, dont trois maisons d’habitation, parmi lesquelles
une fort grande, et des servitudes, écuries, etc.
En exceptant la maison de maître, dont le prix, insignifiant à l’achat,
s’est augmenté par des réparations dans une proportion que nous ne pouvons apprécier, le reste nous a paru valoir 3500 à 4000 francs. A cette
exploitation sont attachés aussi trois mules et un certain nombre d’animaux de basse-cour.
L’homme qui est chargé de la direction des travaux est un nommé
Peter (Philippe), originaire des îles du Cap-Vert, bon et actif travailleur
lui-même, qui emploie six hommes, dont cinq viennent de Mangia et sont
51
Œnt/elin de ta Société des Stades &céatue/u
payés à l’année, à raison de 30 francs par mois, plus la nourriture. En
outre, les journaliers, hommes ou femmes, sont payés à raison de 4 francs
pour un sac de coton pesant 60 kilogrammes.
N° 14. — GOODING. Se trouve dans les mêmes conditions de terrain
et de situation que les précédents, plus près
de la mer; cependant il ne
s’occupe guère que de jardinage, sur une terre de trois-quarts d’hectare,
mais planterait du coton s’il pouvait s’agrandir en entamant les fourrés de
goyaviers inutiles qui l’environnent. Un nommé Mauin travaille seul sur
cette culture et lui fait rapporter d’assez beaux produits : melons, légumes,
etc. Il l’a louée pour deux années à son propriétaire,
auquel il doit pour
la location une partie du rapport.
N° 15. — CUSHING. Dans la même région et sur un excellent terrain
se trouve cette
propriété que nous avons trouvée déserte : de beaux coco-
tiers en assez grand nombre, des maiore, une tarotière, tout cela de belle
venue, sont les seules cultures que nous y ayons remarquées.
N° 16. — MAIRAHI, originaire de Pitcairn. Le terrain, plus léger que
du côté de Papeete, est encore de très-bomie qualité, tout en plaine et dans
les meilleures conditions ; sa surface totale est de près de quatre hectares,
sur
lesquels un hectare et un tiers sont défrichés et soixante-quinze ares
mis en culture et plantés en coton. Le défrichement et la plantation continuaient au mois d’octobre. Le coton, de premier choix, a été planté dès le
début en mars, et, depuis, successivement à mesure que la terre se trouvait
prête pour la culture. Il provient de graines fournies par M. Holtbusen. La
sécheresse inaccoutumée de cette année a nui à la production, qui n’était
encore que d’une centaine de livres à notre passage ; mais le propriétaire
travaille courageusement, aidé de sa mère seulement, et de meilleures circonstances pourront l’indemniser de ce qu’il a dépensé de fatigues sur ce
terrain, dont la main d’œuvre est très soignée. Mairahi emploie à cette culture le temps que lui laissent les travaux communaux ; il se plaint des
inconvénients que présentent, pour une exploitation régulière, ces corvées
répétées. Il est trop pauvre pour s’exonérer; il n’a même pas les outils qui
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
lui seraient nécessaires et qui lui permettraient d’étendre son défrichement. II possède deux cases indiennes.
N° 17. — FARAIPAJMI, Tahitien, dans la même région. A défriché en
juillet, planté en coton un mois après, quelques ares d’un terrain travaillé,
nettoyé avec beaucoup de soin. Les graines provenaient de la Caisse agricole.
D’autres parcelles de terres plantées en coton, insignifiantes par elles-
mêmes, mais qui, réunies, forment un total assez important, sont répandues sur tout cet espace, et jusque dans le village de Pare. Ces plantations
sont presque toutes récentes ; quelques-unes sont en rapport, et leur nombre tend à augmenter sans cesse. Des femmes, des infirmes utilisent dans
beaucoup d’endroits leur séjour à la maison, en l’entourant d’une miniature de champ de coton, généralement de qualité supérieure. Nous ne
nous arrêterons pas à ces essais de culture, bien, caractéristiques pourtant, mais d’un trop minime intérêt absolu.
N° 18. — HOLTHUSEN. Placé entre la route et la mer, ce terrain ne présente qu’à demi la richesse de certaines zones intermédiaires entre la plage
et les montagnes. Sur la propriété elle-même, la qualité varie, et dans une par-
tie, un sable maigre, recouvrant ou accompagnant la limite d’un de ces épanchements de cailloux dont nous avons parlé plus haut, n’a pu se prêter à la
culture qu’à force de soins et de pénibles travaux. Les herbes tombées sur
place ont un peu amendé le terrain, mais lorsqu’il s’est agi de le retourner, la
charrue ordinaire s’est trouvée impuissante à rompre les mailles formées
dans ce sol par les racines des goyaviers. M. Holthusen ne perd pas courage
et il espère qu’une nouvelle expérience donnera de meilleurs résultats.
La propriété est d’une surface de six hectares complètement défrichés
et plantés en coton provenant de graines fournies par M. Brander et
diverses personnes. Le produit en est de première qualité, de celles dont
les variations des marchés d’Europe n’atteignent le prix que peu ou point.
Cette plantation, commencée en mai 1864, a déjà rapporté 6,000
kilogr. de coton à 1 fr.75, et peut donner encore une bonne récolte journalière. Elle contient une maison d’habitation et nourrit un cheval.
53
_
WæL Œilfie!in de ta Joeiété des- études (Océaniennes
M. Holthusen emploie deux Indiens, Tahitiens d’origine. Les travail-
leurs qu’il avait auparavant étaient de Mangia, mais après, leur départ, il
n’a pu les remplacer par des gens de la même race. Du reste, le prix du
défrichement est le même que celui que nous avons trouve partout, 10
francs le umi (2 ares), soit 500 francs l’hectare. M. Holthusen demande
que le gouvernement, soit directement, soit par le moyen de la Caisse
agricole, lui facilite les moyens d’acquérir les terrains qui l’avoisinent et
qui ne sont jusqu’à présent que d’inutiles fourrés de goyaviers. La propriété qu’il occupe en ce moment est à M. Caillet ; il n’en est que le locataire, et désirerait travailler sur un fonds dont il fût le propriétaire.
N° 19. — BOISSEAU. Placée en face de l’entrée de la vallée de Pirae,
toujours arrosée par un cours d’eau qui, en pleine sécheresse, coulait à
pleins bords, cette propriété possède en général un sol excellent. Elle se
trouve sur le côté droit de la route, et est divisée en deux parties séparées
par un chemin, offrant des différences de qualité assez tranchées, selon
leur plus ou moins de proximité de la rivière.
Premier enclos.
Immédiatement sur le bord de l’eau, reposant
sur un terrain gras et fort. Ce morceau de terre, d’un hectare et demi en
totalité, en présente plus de la moitié en pleine culture, tandis que le reste
se garnit de jeunes caféiers. La partie exploitée renferme : 1° cent
soixante-quatorze pieds de caféier, âgés de cinq ans, de belle venue, dans
de bonnes conditions ; 2° plusieurs rangs de vanille, qui jusqu’à présent
ont donné 10 kilogr. de produit; 3° plusieurs carrés de tabac très-soignés ;
4° enfin, des cocotiers, au nombre d’une vingtaine.
Deuxième enclos.
C’est sur le deuxième enclos, le plus rapproché du flanc gauche de la vallée de Pirae, que se trouve cette fraction de
la propriété Boisseau, contenant les maisons d’habitation, au nombre de
deux, d’une valeur de 3,800 francs. Sa surface est de 15 hectares, plaine
et montagne, sur lesquels deux hectares et plus sont plantés en cocotiers,
au nombre de 700 à peu près, à 6 mètres sur 5 de distance entre les
rangs. Bien que plantés il y a quatre ans, ils sont malingres; et de plus en
plus, à mesure qu’on s’approche de la montagne, ce terrain porte les
traces d’une révolution géologique qui a modifié ses qualités : moms riche,
—
—
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
plus arénacé, caillouteux même par traînées, il est cerné de toutes parts
par d’épaisses couches de terreau d’une fertilité remarquable. A quelques
dizaines de mètres de la rivière de Pirae, toujours coulante ; à peine audessus, parfois même au-dessous de son niveau, la surface du sol a été
attaquée en vain pour avoir de l’eau ; un puits a été prolongé en pure
perte jusqu’à 13 mètres et s’est éboulé au moment où l’on commençait
à avoir de l’eau. Ici nous trouvons donc, sur la rive gauche de la rivière
de Pirae, l’analogue de ce que nous avions observé sur la rive droite de
celle de Fautaua.
Un seul travailleur, M. Delpierre, est chargé de l’entretien de cette
plantation ; il le fait avec un soin minutieux, incessant, bien qu’un accident
résultant de la nature même de ses opérations journalières l’ait presque
privé de l’usage d’un bras5.
N° 20.
—
CHEBRET. Sur la rive gauche de la rivière de Pirae, entre
la route de Papaoa et la montagne. Là le terrain qui touche la rivière est
excellent, profond, humide en toute saison. Sa surface est de deux hectares, plantés en totalité, sur lesquels quatre ares à peu près le sont en
coton, nouveau encore, provenant de graines fournies par M. Labbé. Des
rangs de mais sont intercalés entre les hgnes de cotonniers. Des arbres
fruitiers s’élèvent sur cette propriété, dont la culture principale est un
potager d’une grande étendue, parfaitement soigné et entretenu.
La maison d’habitation peut valoir 1,500 francs. M. Chebret travaille
seul d’habitude, mais quand les occupations de sa profession l’appellent
ailleurs, il prend des Indiens ; il emploie en ce moment un indigène de
Raiatea.
5
Ce terrain, en bon état, bien exploité, porte la trace des travaux auxquels le libre parcours des bestiaux
condamnait jadis les colons. D'épais enclos de pierres, qui ont coûté au moins cinq francs la brasse courante,
ont du primitivement être élevés autour de chaque plantation que l'on désirait mettre à l'abri des ravages des
troupeaux étrangers. Ces dépenses considérables sont devenues inutiles aujourd'hui dans une partie de file,
mais elles sont encore d'obligation, pour tous ceux qui veulent entreprendre une culture quelconque, dans les
districts ou règne toujours la vaine pâture.
55
N° 21. — LABBÉ (J.). Cette propriété, située dans la vallée de Pirae,
en amont des deux
précédentes, et s’étendant sur leurs flancs dans la
direction de la route, offre des terrains de nature variable, mais dont la
partie basse, celle qui avoisine la rivière, est d’excellente qualité. Elle doit
cette richesse autant à sa composition qu’à la facilité qu’elle présente de
pouvoir être arrosée, en toute saison, par un cours d’eau qui ne tarit
jamais. En revanche, la pente de la montagne a une certaine hauteur, et
les sommets sont arides et ne portent que des broussailles ou de rares
bouquets de cocotiers.
Nous avons pu faire ici la même remarque que chez M. Chebret, au
sujet des immenses lignes de pierres sèches, jadis accumulées pour servir
de barrières contre les bestiaux, devenues inutiles à présent. La propriété
tout entière aune surface d’environ 65 hectares, sur lesquels 35 hectares
sont le résultat d’achats successifs, depuis 1859 jusqu’en juin 1865. Trente
hectares ont été acquis depuis cette dernière époque jusqu’à ce jour; 25
hectares sur ces 65 peuvent être cultivés d’une manière avantageuse; tout
le reste se trouve dans la partie aride des montagnes qui forment la vallée
de Pirae. La portion cultivée peut se diviser ainsi :
1° Six hectares contenant 10,000 pieds de caféiers, dont 2,800 en
plein rapport, plantés en juin 1862. Ils ont produit, en mars dernier, environ 100 kilogr. de café, et sont en ce moment chargés de fruits et de
fleurs. Les 7,200 pieds de caféiers complémentaires n’ont été plantés
qu’en février et mars 1864.
2° Trois hectares plantés en cotonniers Géorgie longue-soie, en
novembre 1864 et mai 1865. Les semis faits en mai 1865 ont avorté ; la
sécheresse inaccoutumée et prolongée de cette année n’a pas peu contribué à cet accident. La récolte porte donc tout entière sur le premier hectare et demi ensemencé, et a fourni, jusqu’à présent, 1100 kilogr. de coton
qui ont été üvrés à la Caisse agricole.
3° Deux hectares plantés en cocotiers, au nombre de 320, dont une
partie date de I860 et commence à produire.
4° Un hectare et demi planté en taro, soit 10,000 pieds environ, utilisés en partie pour la nourriture des engagés et des journaliers de M.
Labbé ;
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
5° Un hectare planté en manioc.
6° Un hectare et demi cultures diverses : tabac, vanille, cannes à
sucre, herbe de Guinée, sorgho, légumes, arbres à fruits indigènes et exo-
tiques.
7° Deux hectares défrichés et prêts à être mis en culture, qui seront
plantés en coton aux premières pluies.
8° Un hectare, enfin, comprenant une prairie, faisant partie d’un parc
entouré d’une muraille en pierres sèches, renfermant trois vaches laitières
et 20 porcs.
Le tout représente 18 hectares en pleine exploitation.
M. Labbé a payé le travail de main-d’œuvre à raison de 1,000 fr, par
hectare pour la plantation de caféiers ; 650 fr. par hectare pour la plantation de cotonniers ; enfin, pour les taro, 1,000 fr., en moyenne, par hec-
tare, dont le rapport annuel sur place serait dé 500 francs.
A la propriété appartiennent aussi trois chevaux et une voiture servant
à l’exploitation. M. Labbé possède, en outre, quelques ruches d’abeilles :
ces mouches
précieuses se sont parfaitement acclimatées ici. Un des membres de la Commission, à Papeete même, en a trouvé un jour un essaim
nomade dans un local où se trouvaient quelques gâteaux de cire. Elles ont
été introduites à Tahiti en février 1863, et donnent en ce moment d’excel-
lent miel.
Un travailleur français et dix engagés à l’année sont employés d’une
façon régulière sur cette plantation ; des journaliers en nombre variable,
toutes les fois que M. Labbé peut s’en procurer (ce qui n’arrive pas toujours), sont aussi utilisés pour la mise en culture ou l’exploitation de cette
propriété.
Les bâtiments sont au nombre de sept ; ils consistent en maisons
d’habitation, cuisine, écurie, hangars, poulaillers, etc., le tout évalué
approximativement à 4,500 fr.
Jusqu’à ce jour, les dépenses totales de M. Labbé, pour créer ce
domaine, s’élèvent à 37,395 francs.
Déjà possesseur d’une grande partie de la vallée de Pirae, d’une crête
à l’autre, et décidé à en faire le siège d’une importante exploitation, M.
Labbé avait l’intention d’acquérir le reste de cette vallée, improductif en
57
Œtt/JeJin de la Société des- études- Océanienues
ce moment.
Il voulait, dans l’intérieur de ce bassin, donner de grandes
proportions à sa plantation de caféiers et couvrir de cotonniers la partie
limitée par la route impériale de ceinture ; mais l’incendie du 27 janvier
1865, et les dépenses nécessaires à la réédification des bâtiments détruits
par le feu, obligent M. Labbé à invoquer, pour la réalisation de son projet
d’agrandissement, l’aide de l’administration. Il ne peut sans cela, en ce
moment, acheter les parcelles de terre délaissées qui compléteraient sa
propriété et qu’il rendrait à l’agriculture.
M. Labbé est membre de la Commission, et, comme tel, ne peut être
juge dans sa propre cause. Nous ne donnerons donc ici que l’appréciation
de ses deux collègues, qui s’accordent à reconnaître chez ce planteur la
forte volonté d’arriver à un résultat sérieux, l’opiniâtreté nécessaire pour
mener à bonne fin son entreprise, et de profondes connaissances pratiques résultant d’une longue expérience et d’un travail sans relâche. M.
Labbé achète pour cultiver et cultive de suite ; et ce n’est pas seulement
dans l’espoir d’être largement dédommagé de ses peines, mais aussi dans
celui de voir utiliser enfin les ressources de ce beau pays, qu’il emploie
créer ici une plantation de la nature et
de l’importance de celles qui font l’ornement de nos autres colonies.
tous ses soins, toute son énergie à
L’examen seul de sa propriété, l’attention minutieuse dont chaque culture
qu’il y entretient, le plan général d’après
lequel il en dirige les travaux, suffisent pour établir et confirmer éloquemment l’appréciation que nous venons d’en faire.
est l’objet, l’activité incessante
N° 22.— SUE. A l’entrée de la vallée de Haamuta, et sur la rivière
même qui lui donne son nom. Le terrain est excellent sur presque toute
la surface de la propriété et ne devient moins bon que sur le versant du
vallée de celle de Pirae ; encore là, de grands
arbres, d’espèces différentes, annoncent-ils une certaine puissance de
végétation.
Acquise en août 1859 au prix de 18,711 francs, elle présente une
superficie totale de quatre hectares, complètement défrichés et consacrés
à diverses plantations. Une portion a été transformée en prairie, sur le
bord de la rivière. A l’ombre, et dans de bonnes conditions, se trouvent
coteau qui sépare cette
58
N°320 - Septembre / Décembre 2010
des caféiers âgés de quatre ans, plantés à deux mètres de distance, et couvrant un espace de 22 ares, mais dont malheureusement un grand nombre
a été détruit. Une tarotière et une collection assez variée d’arbres fruitiers
se
partagent le reste du terrain.
Quatre maisons d’habitation ou de servitude, plusieurs cases de style
indien sont construites sur la propriété, qui nourrit sur son pâturage un
troupeau de moutons mérinos composé de cinq bébers, trois brebis et
deux agneaux, en fort bon état. La basse-cour renferme des porcs, des
oies, dindes, etc., et des poules dites japonaises, qui commencent à se
naturabser. M. Sue, d’ailleurs, a toujours mis le plus grand soin à introduire ici, même à prix élevé, des espèces nouvelles.
M. Sue ne formule aucune demande, mais il se plaint de ses voisins,
de l’un surtout, possesseur d’une enclave au milieu de sa terre, et qui,
grâce à cette facilité, est l’auteur ou la cause de mille déprédations. Cette
petite langue de terre inculte est aujourd’hui la propriété d’un nommé
Avaeino ; son ancien propriétaire se nommait Matara.
Nous avons parlé de l’excellente quabté du terrani de cette propriété,
de sa surface, de sa fraîcheur due au voisinage d’une rivière qui, comme
celle de Pirae, coulait abondamment en pleine saison de sécheresse. La
constitution des coteaux, moins arides que dans l’autre vallée, et portant
assez haut une couche de terre végétale d’une nature légère, quoique assez
féconde, nous a inspiré la réflexion que nous avons eu souvent l’occasion
de faire en d’autres endroits, que la vigne se trouverait là dans les meilleures conditions pour réussir, et, par les soins d’un homme spécial, intelligent et actif, qui formerait des vignerons, pourrait doter l’île d’une
nouvelle et précieuse source de richesses, le vin.
N°23,— CHAMPS. Situé dans la vallée de Haamuta, en amont de la
précédente et près de la rivière, qui, à l’aide d’une prise d’eau, sert à irriguer largement le terrain en toute saison. Le sol est excellent : c’est une
terre d’alluvion profondément pénétrée et engraissée de détritus végétaux,
bien nettoyée, bien travaillée du reste.
La superficie de cette propriété défrichée ou mise en culture, est
d’environ deux hectares, ainsi partagés :
59
bulletin de la Société des ètnde& Océaniennes^
1° En café, 40 ares à peu près, contenant 1,200 pieds nouvellement
plantés ; un millier d’autres pieds, dont les survivants généralement beaux,
avaient été plantés il y a cinq ans ;
2° Quatre-vingt-quinze ares environ de coton (Sea-Island) assez
beau, planté en octobre et novembre derniers ;
3° Vingt ares de cannes à sucre, qui ne sont pas exploitées industriellenient, et que M. Champs cultive plutôt comme essai, en attendant la création de plus grandes facilités pour la mouture et la mise en œuvre de cette
denrée ;
4° Une tarotière de 18 ares, bien entretenue ;
5° Enfin, 25 à 30 ares en grande partie défrichés et qui vont être mis
en culture incessamment.
M. Champs possède en outre sur sa propriété un grand nombre d’arbres fruitiers d’origines diverses. A côté des cocotiers et des maiore, etc.,
il a des avocatiers, des manguiers, des litchés, des pruniers, des mûriers,
des pommes cannelles, des jambosiers, des sapotilliers, etc., etc., un cam-
phrier enfin et un pêcher de cinq ans qui a fleuri, mais n’a pas encore
donné de fruits. La main d’œuvre est payée à raison de 2 francs 50 par
jour aux deux Indiens originaires de Mangia qui sont employés d’une
façon suivie sur cette plantation. Lors de notre passage, M. Champs, qui
travaillait au défrichement du coteau dans sa partie inférieure, employait
dix journaliers, tous de Mangia, et signalait la difficulté de se procurer des
Tahitiens pour un travail suivi.
Une maison d’habitation propre et salubre, une buanderie, une cuisine avec four, ont été construites par le propriétaire lui-même, et représentent une valeur de 2,000 fr. environ. Enfin, 50 à 60 têtes de gros bétail,
en ce moment à Papeari, et possédées en commun avec le sieur Bottiger,
doivent entrer en ligne de compte dans la valeur d’exploitation agricole de
M. Champs.
Cette propriété, fondée en 1859, est parfaitement soignée ; son
entretien, sa propreté, et par suite son bon état, ne laissent rien à désirer.
L’irrigation y est bien distribuée, et grâce à elle, les cultures peuvent, ici,
braver les sécheresses les plus prolongées. M. Champs désirerait agrandir
sa plantation par l’acquisition d’un terrain voisin, appartenant à un Indien
60
N°320 - Septembre / Décembre 2010
nommé Farai. Il ne se plaint, comme d’ailleurs tous les colons établis
dans cette direction, que des vols continuels de certains groupes d’indi-
gènes établis dans le voisinage, et toujours à l’affût pour s’emparer, au
moindre défaut de surveillance, des fruits ou même des animaux des
Européens.
N° 24. — THUNOT. Dans la vallée de Haamuta, au-dessus du précé-
dent, et dans une position analogue, sur la rive droite. La partie basse est
le coteau, quoique recouvert d’une
couche de terre végétale qui paraît de bonne qualité, souffrait un peu de
un bon et riche terrain bien arrosé ;
la sécheresse prolongée de cette année.
La surface totale de la propriété est de 4 hectares, vallon et colline,
entièrement défrichés, mis en culture et ainsi divisés :
1° Deux hectares de caféiers, 4,000 pieds à peu près, datant de trois
ans et cinq ans, de belle venue, et placés dans de bonnes conditions de
fraîcheur et d’ombre dans la partie basse de la plantation. Sur le coteau,
où le défrichement a dû être fort laborieux et n’en est pas moins complet,
les caféiers ont souffert du soleil, contre lequel les cocotiers intercalés,
500 environ, sont encore trop jeunes pour les défendre;
2° Une plantation de cotonniers, sur le nouveau défrichement, a eu
à subir les mêmes inconvénients d’une saison exceptionnelle ;
3° Enfin un beau jardin potager, bien irrigué, bien entretenu, et orné
d’une grande variété d’arbres fruitiers indigènes ou étrangers. Des goyaviers de Chine, des lucumas, des pruniers du Pérou, des pommes roses,
etc., etc., et surtout des cacaoyers en assez grand nombre pour devenir la
base d’une exploitation avantageuse, entourent les carrés de légumes ainsi
que la maison principale, ce qui fait de cette campagne un lieu d’agrément
aussi bien que de rapport. La vanille y occupe aussi quelques allées. Toute
plantation, comme nous l’avons dit plus haut, est pleine
de fraîcheur, et ruisselait de toutes parts pendant cette saison de sèche-
cette partie de la
resse, grâce à une prise d’eau bien distribuée et assez considérable.
La propriété renferme deux maisons, d’une valeur de 1,000 francs à
peu près, ainsi qu’un petit nombre d’animaux domestiques : des porcs,
trois ânes, etc.
61
bulletin/ de/ la Société de#/ étude#/ Océan
Le sieur Olive, qui habite Tahiti depuis huit ou neuf ans, surveille le
travail de la culture sur cette plantation, dont il a constamment pris soin
dès sa fondation. Tout a été exécuté par lui sur ce terrain avec l’aide d’in-
digènes originaires de l'archipel de Cook, dont deux seulement sont, en
ce moment, employés d’une façon régulière. Un seul, depuis notre passage, a été conservé, au prix de 65 francs par mois.
M. Thunot, qui a défriché et planté entièrement le terrain qu’il possède, désirerait s’agrandir vers la partie supérieure de la rivière, où des
espaces assez considérables, montagne et vallée, demeurent sans rapport
et pourraient cependant être cultivés avantageusement. Il s’adresse, dans
cette intention, au gouvernement, et demande son concours autant pour
l’achat lui-même que pour l'établissement d’un chemin qui lui permette
d’arriver jusqu’à ces nouvelles acquisitions.
La propriété actuelle, fondée en 1859-1860, a été primée, depuis la
création des primes, pour la culture du caféier, qui commence seulement
aujourd’hui à rapporter en proportion insignifiante. Cette longue attente
ne décourage point M. Thunot, non plus que la perte de ses semis de
coton et de ses jeunes caféiers ; ils ont été victimes de la sécheresse sur le
coteau. Tout cela est replanté, et, les pluies aidant, réussira à établir sur
ces pentes une autre verdure que celle du goyavier.
N° 25. — CLARK (James). Dans une position analogue à celle de M.
Thunot, mais sur l’autre côté du chemin, sur un terrain bien arrosé, et
propre à tous les genres de cultures. C’est la partie de la vallée où s’est
accumulé et vient encore s’accumuler tout ce qu’il y a de débris entraînés
des hauteurs, propres à fournir de précieux engrais. La surface totale est
de six hectares environ, au moins de ce qu’il y a de défriché et de cultivé.
Cinquante à soixante ares sont consacrés à la canne à sucre, de belle qualité. Un peu plus d’un hectare est planté en cocotiers. Un peu plus d’un
dixième d’hectare est planté en coton, dans de bonnes conditions, mais
sur l’origine duquel nous n’avons pu avoir de renseignements. Une tarotière bien irriguée, de belle venue, longe la rivière. La propriété renferme
une maison de forme indienne, assez ancienne. Deux indigènes de l’archipel de Cook sont employés d’une façon régulière sur cette plantation,
62
N°320 - Septembre / Décembre 2010
où ils habitent une seconde case de peu de valeur, et entretiennent
quelques animaux de basse-cour.
N° 26. — PATER. Sur la rive droite de la rivière de Fautaua, à Touverture de la vallée et sur la route de ceinture. Cette position est bien choi-
sie, mais des circonstances exceptionnelles ont amené, à une époque
indéterminée, une véritable avalanche de cailloux sur ce terrain qui,
jusqu’à une certaine profondeur, en est presque uniquement composé. Le
défrichement est complet cependant ; mais outre la peine et les dépenses
de ce travail dans de pareilles conditions, M. Pater a à subir un autre
inconvénient : celui d’une inévitable sécheresse presque continue, sur ce
sol qui ne peut empêcher l’eau de filtrer et de fuir.
La surface totale de la propriété est d’environ cinquante hectares,
dont quarante en montagne : sur les dix hectares de terrain plat, il y en a
six et demi complètement défrichés et plantés, dont quatre en cotonniers
(Sea-Island).
Une partie de ces cotonniers, plantés à 1 mètre de distance dans un
sol remué, défriché à fond, est cependant, en dépit de tous les soins, d’assez chétive apparence ; la sécheresse et surtout la nature de la terre
y
contribuent pour une large part. Dans la partie Est, au contraire, le sol
s’amende ; le voisinage de la montagne boisée y entretient une certaine
humidité ; les pierres deviennent plus rares, et le coton, de belle venue,
reprend ses proportions normales.
La plantation de cotonniers a été inaugurée en avril 1864, par la mise
en culture de deux hectares et demi.
Le prix de revient a été de 3,503 fr. 50 c; le rendement en coton de
3,519 kilogr., représentant une valeur de 6,158 fr. 25 c.
En mai 1865, un nouveau terrain d’un hectare et demi a reçu des
graines de même espèce. Le prix de revient a été de 1,939 fr. 50c ; le rendement a été nul et la récolte perdue.
La plantation de cocotiers date de 1857 ; une surface d’un peu plus
d’un hectare porte 170 arbres nés à cette époque. Le prix de revient ne
peut être apprécié d’une façon exacte ; le rendement a été à peu près nul
jusqu’à présent à cause de leur jeunesse.
63
Çûidletin de la Société de& études ôcca/u',
Un second carré d’un hectare et un tiers a été planté en 1861 et
contient 200 arbres de nul produit pour longtemps encore. Ces deux plan-
tâtions ont été faites sur de bonnes mesures, la distance entre les pieds
étant de 9 mètres sur 5.
La propriété contient une maison d’habitation, une cuisine, une écu-
rie, d’une valeur totale de 3,000 francs. Un puits, d’une nécessité absolue
à cette époque de l’année, était déjà profondément creusé dans ce sol
mobile sans que l’on fût arrivé à l’eau ; on a réussi depuis. Quelques
arbres fruitiers, des animaux en petit nombre complètent l’ensemble de
l’exploitation.
Ce sont des indigènes de Mangia qui ont exécuté le défrichement, à
raison de 10 francs par are. Une partie de la mise en culture est l’œuvre
des Tahitiens, mais le propriétaire déclare qu’il ne les emploie qu’à défaut
d’indigènes de l’archipel de Cook, à cause du peu de fonds à faire sur un
travail réguüer et suivi de leur part.
M. Pater a eu à lutter contre de grandes difficultés dans cette exploi-
tation qui ne l’a pas toujours payé de ses peines. Il cherche aujourd’hui à
étendre la surface du bon terrain qu’il possède à côté de veines si ingrates,
et demande à cette fin la suppression d’un chemin qui traverse ses coton-
niers, et dont l’utilité est complètement nulle. L’emplacement dont il
occupe une partie a, du reste, été acquis par M. Pater à la Caisse agricole,
à raison de 200 francs l’hectare. Il voudrait aussi étendre sa propriété en
achetant des terres contiguës sur une longueur de 200 mètres environ,
appartenant aux nommés Etaeta et Tapati, et demande pour cela le
concours de l’administration.
N° 27. — PICARD Frères. Dans la même direction et dans la même
région que la précédente, sur la rive gauche de la rivière de Fautaua, mais
sur un terrain bien plus favorable, bien plus homogène, grâce à l’absence
du fond de galets que nous avons signalé dans une partie de la propriété
de M. Pater. La superficie totale de la plantation est de quatre hectares et
demi complètement défrichés et mis en culture, et partagés ainsi :
1° Deux hectares en coton Sea-lsland, planté depuis un an environ
sur un espace défriché par la méthode d’arrachement. Les goyaviers y
64
N°320 - Septembre / Décembre 2010
repoussent cependant, mais ne demandent plus que peu de travail pour
disparaître à jamais : le sol est assez pauvre dans cette partie ;
2° Un hectare et un tiers de cannes à sucre, plantées depuis vingt
mois, de bonne qualité et bien entretenues ;
3° Un hectare planté en cocotiers, il y a environ neuf ans, à 5 mètres
de distance les uns des autres, au nombre de 400 à 500 ;
4° Enfin, un jardin potager bien soigné, arrosé et entretenu occupe
le reste des quatre hectares et demi et constitue un bon rapport.
Les dépenses de MM. Picard se sont élevées depuis 1857, époque à
laquelle ils ont commencé l’exploitation de cette propriété, à la somme de
20,500 francs, dont :
2,000 fr. pour l’achat du terrain,
de travaux de clôture,
2,750
750
pour le défrichement,
230
pour l’achat de plants de cannes à sucre et cocos,
600
pour l’achat des outils,
13,000
pour les journées d’ouvriers employés à la culture ou à l’entretien,
1,170
pour la coupe et le charroi de la canne.
20,500 fr.
Jusqu’à ce jour la plantation a rapporté :
Produits du jardinage
17,200 fr.
600 fr.
1,350 fr.
Vente du bois à brûler provenant du défrichement
Rhum provenant des cannes à sucre
805 fr.
Récolte du coton
Total
19,955 fr.
Au sujet de ce chiffre, nous ferons remarquer que les cocotiers,
morte valeur jusqu’à présent, commencent à rapporter, et que ce
produit
pendant un certain nombre d’aimées. Nous
ferons remarquer aussi que la récolte du coton, pendant les six derniers
mois, a été presque nulle à cause de la sécheresse.
va désormais aller en croissant
65
Œid/etm de la Jociété der Stades &céanieane&
Le produit brut de la canne, portée à l’usine de M. Rouge, sur la
rivière, a été de 10,000 gallons de jus, quantité accusée par ce dernier. Ils
auraient fourni 360 gallons de rhum sur lesquels l’usine en aurait retenu
120, à titre de prime, ce qui porte à 1/3 la retenue du propriétaire du moulin ; tous les frais de coupe et de transport restant à la charge du planteur.
Sur la propriété s’élèvent une maison d’habitation peu considérable,
et deux hangars d’une valeur totale de 500 à 600 francs. Elle est desservie
par trois chevaux, employés aux charrois ; et enfin, nourrit des animaux
de basse-cour, porcs, etc.
MM. Picard, qui ont créé leur plantation et d’habitude travaillent seuls,
emploient cependant, dans les moments d’urgence, des Indiens journaliers,
mais n’ont pas d’ouvriers permanents. En temps ordinaire, ils suffisent à
l’entretien de la propriété, dont la tenue est généralement bonne. Comme
la plupart des planteurs européens de cette partie de la campagne, ils se
plaignent des vols et des déprédations des Indiens voisins ou passagers. Sur
un terrain situé près de là, et
appartenant à Etaeta, président du tribunal
d’appel, vivent six à sept indigènes de Raiatea, dont la principale industrie
consiste à se procurer, aux dépens des cultures voisines, des cannes à
sucre, des cocos, etc., et quelquefois même des cochons.
N° 28. — CROFT (Thomas). Dans la vallée de Fautaua, sur la rive
droite, à la base des grandes pentes, qui se rapprochent de plus en plus à
qu’on remonte la rivière à partir de cet endroit.
C’est un défrichement nouveau, couvert primitivement d’une végétation excessivement riche et touffue, ce qui semblerait indiquer un sol
fécond, humide et longuement engraissé.
Un peu plus d’un hectare et demi a été défriché et mis en culture en
café ; mais il y a encore trop peu de temps pour qu’il ait pu donner un
produit quelconque. Les frais d’exploitation ont été payés à raison de 2 fr
50 c. par journée de travail deneuf heures.
M. Croft voulait donner plus d’étendue à cette culture, mais le haut
prix de la main d’oeuvre et le manque d’aide pécuniaire de la part de la
Caisse agricole, à laquelle il s’était adressé, l’ont mis dans la nécessité de
suspendre ses travaux.
mesure
66
N°320 - Septembre / Décembre 2010
N° 29- — AGAISSE. Dans la vallée de Fautaua, en aval du précédent,
et sur la rive gauche. Le terrain est dans de bonnes conditions. La
proxi-
mité du cours d’eau et les grandes ombres des crêtes voisines y entretiennent une humidité qui manquent dans les parties plus
larges. Il y a là,
depuis la plantation de M. Croft jusqu’au point où se trouve M. Agaisse,
des pentes boisées, pleines d’ombre et de fraîcheur, où les caféiers se
trouveraient dans leur terrain d’élection et donneraient les résultats les
plus avantageux.
Cette propriété comprend un jardin assez étendu où se trouvent
diverses cultures, et un terrain d’un hectare et demi à deux hectares cornplètement défriché dans sa plus grande partie, et bientôt prêt a être mis
en valeur (octobre 1865). Plusieurs
indigènes étaient occupés à ce travail.
Deux maisons d’habitation, d’une valeur estimative de 3,000 francs,
s’élèvent au milieu du jardin.
N° 30. — BORDES. Placé sur la rive gauche de la rivière dans une
position analogue, sur un terrain qui paraît de bonne qualité. C’est encore
une plantation nouvellement
entreprise sur laquelle un hectare déjà était
entièrement défriché. Le travail continuait, exécuté par deux Européens,
mais aucune culture n’apparaissait encore. Une case indienne neuve était
construite sur ce terrain, qui va se trouver prêt à être ensemencé à la fin
de la sécheresse.
N° 31. — VINCENT. Sur la rive gauche de la rivière de Fautaua, au-
dessus du précédent, dans une bonne situation, à l’endroit où la vallée
s’élargit. Le terrain est en général fécond, mais, comme nous avons eu
occasion de le signaler ailleurs plusieurs fois, il est traversé par une veine
de cailloux roulés qui ont augmenté les frais et les difficultés des défrichements. C’est une plantation nouvelle, exploitée en cannes à sucre.
Sa surface totale est d’un peu plus de deux hectares. Le travail n’y est
pas terminé et continue. Il est fait par environ dix Indiens d’origines diverses.
Jusqu’à présent, bien entendu, cette propriété, dont l’exploitation paraît
entreprise dans les meilleures conditions, n’a rien rapporté. Elle a coûté,
depuis trois mois qu’elle a été commencée, plus de 2,000 francs, ainsi répartis :
67
Œu/letin de la Jociété des études &cêant
Frais d’annonces
20 fr. 50 c.
Achat du terrain
1,325
00
Défrichement
505
00
Plantation
117
50
Achats de plants
50
00
Total
2,018 fr. 00 c.
auxquels il faudra ajouter le prix du travail inachevé, et celui d’une case
construite sur la plantation.
N° 32. —JOHNSTON et ROUGE. Sur la rive gauche de la rivière de
Fautaua, limitrophe du précédent. Cette propriété occupe une large expansion de la vallée. Le terrain offre les qualités et les défauts de toutes les
parties qui forment le fond aplani de ce bassin. A côté d’un sol fécond,
rempli sur une grande épaisseur de substances fertilisantes, se trouvent
de longues veines de cailloux, de galets arrondis. Cependant, grâce à de
longues années d’exploitation régulière, active, aidée d’une irrigation bien
entendue, la grande généralité du sol est excellente, et n’a eu, depuis le
mois de novembre 1857, époque de sa mise en culture, besoin d’aucun
amendement. Une prise d’eau qui sert à faire tourner le mouhn, et dont
les dérivations traversent le champ de cannes, y a toujours, en toute saison, entretenu une précieuse humidité.
La superficie totale de cette plantation est de dix hectares, cultivés
entièrement en cannes à sucre, provenant toutes, sans avoir été renouvelées, des plans primitifs, et n’ayant pas sensiblement dégénéré. Elles sont
exploitées en sucre et en rhum, avec l’aide d’un certain nombre d’indiens,
ordinairement des indigènes de Mangia, quelquefois des Tahitiens. Les
rendements, surtout ceux dont s’occupe spécialement M. Johnston, sont
de bonne qualité, et le rhum pourrait subir, sans désavantage, la comparaison avec certains produits de la Réunion. Les moyens industriels dont
dispose M. Johnston consistent en un moulin, mis en mouvement par une
prise d’eau bien établie provenant de la rivière, et formant chute sur une
roue à augets. La canne est broyée entre des cylindres de fonte, et le vesou
évaporé et purifié dans une batterie munie de six chaudières. Au mouün
est annexé une distillerie en pleine activité et bien disposée.
68
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Cette sucrerie, fondée en 1857, au mois de novembre, a coûté à
MM. Rouge et Johnston la somme de 75,000 francs, en achats de ter-
rains, défrichements, moulins, machines, construction de maisons, etc.;
tout cela reste, mais ce qui est en pure perte maintenant et entre cependant pour un chiffre énorme dans le total des dépenses, est cet immense
enclos en pierres sèches, destiné jadis à mettre les cultures à l’abri des
bestiaux errants, et payé à raison de 5 francs la brasse. C’est encore une
trace des avantages que procurait aux colons sérieux la
liberté de la
pâture.
Depuis six ans, MM. Johnston et Rouge retirent de leur plantation une
moyenne de 20 tonneaux de sucre et de 2,000 gallons de rhum :
20 tonneaux de sucre à 70 centimes le kilogr., donnent
2,000 gallons de rhum à 5 francs
Soit
14,000 fr.
10,000 fr.
24,000 fr.
par an, 144,000 pour six ans, sur lesquels il faut défalquer les frais courants d’entretien, de culture, de fabrication, etc.
Le haut prix de la main-d’œuvre est encore un obstacle à ce que de
pareilles exploitations, dirigées cependant avec intelligence et activité, donnent à ceux qui les entreprennent des bénéfices rapides.
Les indigènes de Mangia sont rares et coûtent cher, les Tahitiens
paresseux et irréguliers, surtout dans les environs de Papeete ; encore
manquent-ils parfois. Enfin, l’industrie du sucre, à son début dans le pays,
sur une grande échelle s’entend, ne pourra lutter de quelque temps avec
les grands étabhssements sucriers, largement outillés, disposant d’un personnel nombreux et bien dressé, qui envoient leurs produits de la côte
d’Amérique à Tahiti. M. Johnston en faisait la remarque, et elle est vraie.
En attendant il s’attache à soigner la qualité, et réussit aussi bien pour le
sucre que pour le rhum. L’emploi de ce dernier, dans bien des circonstances, serait plus avantageux et surtout plus hygiénique que celui de certaines eaux-de-vie de provenance hypothétique.
La propriété comprend, outre le moulin et un magasin où se trouvaient cinq à six tonneaux de sucre, tant à M. Johnston qu’à M. Rouge,
tout prêts ou encore sur l’égouttoir, une distillerie contenant une grande
69
Üj||j bulletin/ de Uv Société des Stades Océaniennes/
quantité de jus en pleine fermentation, destiné à la préparation du rhum,
et deux maisons d’habitation ; ce qui constitue dans ce pli de vallée un
centre industriel assez considérable.
M. Johnston paraît posséder à fond la pratique de la fabrication du
sucre, aussi bien que la culture de la canne ; il emploie ses connaissances
et son énergie non-seulement à en retirer le produit, mais, ainsi que nous
l’avons dit plus haut, à le perfectionner. Sa plantation est bien aménagée
et bien tenue ; quoique parfois, comme a tous les planteurs, il lui arrive
de manquer de bras. Il ne formule qu’une plainte, qui a trait aux vols
incessants des Indiens, qui moissonnent ses cannes à leur profit ; et qu’un
désir, celui de trouver un débouché à ses produits, ce à quoi le gouvernement pourrait peut-être l’aider.
N° 33. — RIRO, indigène de Raiatea. En descendant la vallée de Fau-
taua, vers la route de ceinture, dans une bonne situation auprès de la
rivière. Le sol, nouvellement défriché, paraît de bonne quahté. Un hectare
à peu près a déjà produit en coton longue-soie, provenant de graines fournies par la Caisse agricole, la valeur de deux sacs de 3.0 kilogrammes.
Ce terrain, récemment acheté par cet Indien, n’était pas encore corn-
plètement débarrassé de ses broussailles. Il y travaillait activement, et
manifestait l’intention de tout semer en coton, comme la partie déjà cultivée qui l’avait si rapidement dédommagé de ses peines.
Il ne possède sur son champ qu’une case indigène.
N° 34. — GUILLASSE. Placé dans les mêmes conditions de terrain et
de situation, mais sur une plus vaste échelle que le précédent. Le sol y paraît
bon, et de nature à être planté avantageusement en coton et en cannes.
La surface totale de la propriété, plaine et montagne, s’étendant sur
les deux flancs de la vallée jusqu’aux crêtes, et traversée par la rivière de
Fautaua, est un peu plus de neuf hectares, dont six et demi environ sont
défrichés et plantés en coton et cannes à sucre. C’est une plantation nouvelle
qui date d’un an à peu près, et sur laquelle un hectare environ avait déjà produit du coton lors de notre passage. Le travail, favorisé maintenant par la fin
de la sécheresse, reprend sur le terrain destiné aux cannes à sucre.
70
N°320 - Septembre / Décembre 2010
M. Guillasse fait exploiter cette terre par le nommé Riro, indigène de
Raiatea, limitrophe, qui lui doit la moitié de la récolte. Le défrichement a
été fait à la tâche, le bois réservé. Les deux premiers hectares et demi ont
coûté 500 francs ; le reste du défrichement est revenu au même prix. Ce
travail, du reste, était bien exécuté et aussi complet que possible. C’est l’indigène Riro qui a commencé comme fermier la mise en culture de la terre
ainsi préparée. Cet homme paraît travailleur et intelligent.
Une case servant à l’exploitation est construite sur la propriété et n’a
qu’une valeur insignifiante.
N° 35. — TAUMIHAU, Tahitien. Toujours à l’ouverture sur la route
de la vallée de Fautaua, doit au voisinage de la rivière, bien diminuée
cependant à cette époque, une certaine humidité relaüve qui lui permet
de travailler d une façon avantageuse. Un hectare et demi de nouvelle plantation, coton et mais, offre une bonne apparence ; l’entretien est satisfaisant, la terre soignée. Ce sont encore des indigènes de Raiatea, voisins du
propriétaire foncier, qui cultivent, plantent ou défrichent, et continuent
l’exploitation, dont nous avons vu les premiers essais, à condition de lui
donner la moitié de la récolte. Ce système d’ailleurs est bon, et, s’il était
suivi partout, soustrairait aux goyaviers de vastes territoires dont les propriétaires, appelés par leurs affaires à Papeete, ne peuvent pas, naturellement, surveiller eux-mêmes l’exploitation. Le système des fermages
concilierait tous les intérêts, et les fermiers ne manqueraient pas s’ils trouvalent chez tous les possesseurs de terres en friche la même bonne volonté
et les mêmes conditions que chez les deux propriétaires que nous venons
de citer.
N°36. — TIHANIU, Tahitien. Dans les mêmes conditions de situation
et de qualité de terrain. La partie défrichée et mise en
culture en ce
moment forme un hectare et demi, bien nettoyé, bien entretenu, planté en
coton et maïs, mais trop récemment pour avoir déjà produit.
Cet homme appartient à la catégorie peu nombreuse des Tahitiens
travailleurs, dans un certain rayon autour de Papeete ; il a avec lui un indigène de Penrhyn ; la plantation est le fruit de leur travail commun.
71
bulletin de la Société des- études 0icea/uen/iev
N° 37. — SALLES. Nous avons quitté la vallée proprement dite de Fau-
taua, et nous sommes à la limite de son expansion la plus large, du côté de
Papeete. Le terrain est bon et beau encore, mais n’a pas la richesse, la puissance végétative des couches qui, à
partir des dernières pentes, de ce côté,
s’étendent jusqu’à la mer. Il est aussi plus sec, ce qui provient, il est vrai,
de la saison exceptionnelle que nous venons de traverser.
La superficie totale est de 3 hectares 1/4, tout en cannes, au milieu
desquelles s’élèvent 200 pieds de cocotiers. Le défrichement a été cornmencé il y a trois ans, et la plantation date d’un peu plus de deux ans. Elle
est revenue à M. Salles, le travail achevé, à 1,100 fr. l’hectare, et a fourni
jusqu’à présent deux coupes, dont la seconde n’était pas achevée lors de
notre passage
(18 septembre).
La première coupe, qui avait porté sur deux hectares environ, avait
produit 200 gallons de rhum et 1,500 kilogr. de sucre. Depuis l’année dernière, la plantation a été agrandie de plus d’un hectare ; la production
subira donc une augmentation proportionnelle, toutes circonstances
égales.
Les frais d’exploitation sont assez considérables. Un seul homme suffit
d’habitude à l’entretien de la propriété ; mais, en ce moment, huit à neuf
sont employés à la coupe, à raison de 2 fr. 50 c. par jour. La moyenne de
ce qu’ils débitent est de 600 à 700 cannes dans leur journée, ce qui
porte
de 4 fr. 50 à 4 fr. 70 le millier de cannes coupées et prêtes à être portées
au moulin. Là ne s’arrêtent pas les frais ; le charroi des cannes, la main
d’oeuvre, le bois nécessaire à la manipulation du sucre ou du rhum restent, comme la coupe, à la charge du propriétaire : l’usine prélève, comme
prime, le tiers du produit brut. L’augmentation du nombre des mouüns
fera sans doute baisser, au moins dans les environs de Papeete, le taux de
la mise en œuvre de la canne, taux qui se répercute fatalement sur le prix
du sucre et du rhum sur la place, et empêche les producteurs d’entrer en
concurrence avec les
importateurs.
Cette plantation nous a paru soignée et bien dirigée ; sa disposition
est bien entendue. Les touffes de cannes, d’espèces diverses, mais toutes
avantageuses, Tahiti en majorité, Java rubanées, sont plantées à 2 mètres
72
N°320 - Septembre / Décembre 2010
entre sillons, les cocotiers à 8 mètres ; distances que nous regardons
parfaitement rationnelles.
Enfin, sur le terrain s’élève une maison d’exploitation, servant de boucherie, d’une valeur indéterminée.
comme
N° 38. — LANDES. Cette propriété, sous le nom général de Fareopu,
occupe, à droite de la route qui conduit à Papaoa, la base et une minime
partie des pentes inférieures du massif de collines qui s’étend entre l’ouverture de la vallée de Fautaua et la vallée où se trouve l’établissement de
la Mission, Le terrain y est excellent, comme dans toute cette zone, riche
en matières assimilables par
la végétation.
La surface totale est de 2 hectares 3/4 complètement défrichés et mis
en
culture, entretenus du reste avec beaucoup de soin. Sur ces deux hec-
tares trois-quarts nous avons :
1° Un hectare coton, première qualité, dont une partie seulement a
déjà produit et donné une récolte achetée 900 francs par la Caisse agricole : elle n’a porté que sur 32 ares, ensemencés les premiers ;
2° Trente-cinq ares d’herbe de Guinée, bonne denrée qui constitue,
en certaine saison, pour les bestiaux, une précieuse ressource, trop peu
répandue encore, à notre avis, et à la croissance de laquelle se prêteraient
de vastes terrains, négligés comme impropres aux cultures industrielles ;
3° Un hectare quarante ares de cannes à sucre plantées il y a quatre
ans, et qui ont déjà rapporté 1,500 francs, y compris la nourriture de deux
chevaux.
4° Enfin, vingt ares en prairie.
Un certain nombre d’arbres fruitiers, de diverses espèces, au nombre
de 80 ; 40 maiore et autant de cocotiers doivent être comptés parmi les
agricoles de cette plantation, qui nourrit, en fait d’animaux,
jument et trois moutons, et sur laquelle s’élèvent deux maisons d’habitation ou d’exploitation.
ressources
une
N°39- — ÉTABLISSEMENT DE LA MISSION. Limitrophe de la plantation dont nous venons de parler, et s’étendant au sud-est de Papeete,
dans des conditions topographiques toutes particulières. Cinq vallées plus
73
Œu/letin de la Société des études ôiceaniewiea
profondément encaissées, plus ou moins prolongées vers la
crête centrale de l’île, viennent se confondre en une seule à l’endroit où
ou moins
s’élèvent les bâtiments de la propriété, s’évasant largement et laissant
entre les coteaux qui les séparent des bassins aplanis d’une grande
richesse de sol, et parfois d’une grande étendue. Une pareille disposition
rend ce territoire propre à toutes les cultures, surtout lorsque le ruisseau,
aujourd’hui tari, qui le traverse, y amène les eaux de la montagne et le
sature d’humidité pour de longues périodes de sécheresse. Plus régulière
encore sera cette ressource précieuse de l’irrigation lorsqu’une prise
d’eau, pratiquée au fond de l’une des vallées, à un point où la masse
liquide n’a encore subi ni l’évaporation ni l’absorption d’un sol spongieux, conduira jusqu’au centre des cultures, fraîches et intactes, ses
nappes fertilisantes. C’est un projet de Mgrd’Axiéri, dont les résultats
seront avantageux non-seulement pour la Mission, mais encore pour
toute cette partie de la ville de Papeete, privée d’eau potable, dans cette
direction, jusqu’à Fare-Ute.
Un terrain ainsi constitué doit présenter nécessairement de nombreuses variations dans la qualité du fonds ; en effet, sans parler de l’intérieur où il revêt le caractère général des vallées tahitiennes, le confluent
des bassins secondaires l’offre sous plusieurs aspects. Riche, fort à la partie inférieure des pentes, et même sur celle de la partie est, il est plus pauvre sur les ressauts du sol qui séparent les ravins de la partie ouest, et
devient enfin, comme au flanc de la colline du sémaphore, cette argile
rouge, presque stérile, où cependant, nous a fait remarquer Mgr d’Axiéri,
le bananier de Rio pousse avec une merveilleuse vigueur. Somme toute, le
terrain est bon, et les seules traînées de pierres que l’on y rencontre proviennent de maraë et n’entrent pour rien dans sa constitution.
La superficie totale de la propriété est encore indéterminée. La partie
défrichée s’accroît tous les jours, et la partie cultivée dépasse six hectares,
et de beaucoup, si nous faisons entrer en ligne de compte les parcs, le jardin, le champ d’herbe de Guinée, etc., etc.
1° Les caféiers, entretenus avec le plus grand soin, et déjà primés en
1862, couvrent une surface d’un hectare. La Mission a pris à cœur cette
culture, et ne néglige rien, essais ou renseignements, qui puissent l’aider
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
à la faire progresser. Quelques pieds sont remarquables, surtout dans les
parties ombragées ; presque tous sont d’une belle venue, tous sont l’objet
d’un soin attentif, et les plants détruits par un accident quelconque sont
aussitôt scrupuleusement remplacés. La méthode qui paraît la plus avantageuse pour cette opération est celle des semis. En dehors de la plantation
principale s’étendent aussi de longues lignes de jeunes caféiers, cachés
encore sous les feuilles qui les protègent. Mgr d’Axiéri pense, et cela est
vrai pour certaines espèces, que cet arbuste peut braver impunément le
grand soleil, à la condition d’avoir la partie inférieure de la tige abritée
par ses propres feuilles. Il fait sur le caféier de Tahiti l’expérience analogue
et espère réussir.
2° Un hectare et demi est consacré à une plantation de cocotiers
d’âges divers, au nombre de 1,158 qui n’ont encore été d’aucun rapport.
3° Le coton recouvre, sur les diverses parties de la propriété, un
assez grand nombre de carrés de surface variable, tantôt constituant uniquement l’espèce de la culture, tantôt associé au maïs qui prend en certains endroits des proportions remarquables. La somme de la superficie
de ces parcelles, en comptant celles que l’on ensemence ou prépare en
ce moment, dépasse un hectare et demi. Le coton, planté à différentes
époques, y offre toutes les périodes de son évolution, depuis la graine qui
germe jusqu’à la capsule qui a déjà fourni une certaine quantité de produit. L’espèce dominante est le longue-soie, ponpon vert très-beau, trèssoyeux, dont un Chinois, travaillant sur un terrain affermé, a déjà recueilli
une petite quantité. Il s’y trouve aussi des espèces mêlées, toutes bonnes
d’ailleurs, telles que celles d’Egypte et de Syrie, mais en proportion
minime. En ce moment, le défrichement, la préparation de la terre et les
semis de cette plante sont poussés avec activité sur tous les terrains affermés qui se trouvent sur la propriété.
4° Le manioc recouvre deux hectares ; il est d’une belle venue, et
destiné à la nourriture des indigènes. Ce végétal pourrait, entre des mains
expérimentées, devenir une précieuse ressource, non seulement pour la
consommation de la place, mais encore pour l’exportation à l’état de
farine ou de tapioca. En attendant que l’on puisse disposer des moyens
industriels capables d’en retirer tout ce qu’il peut produire, il rend des
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'%l§i
de* la Société des études Océaniennes
services qui ne sont pas à dédaigner. Le goyavier disparaît, radicalement
étouffé, des terrains que recouvre le manioc, et laisse ainsi, plus tard, le
sol libre pour d’autres cultures. Comme nourriture, il est d’une préparation rendue bien facile par un procédé employé à Mangareva, et que nous
a communiqué le chef de la Mission : il consiste a laisser macérer huit à
dix jours les tubercules dans l’eau tranquille, puis cinq à six dans l’eau
courante ; l’épiderme, le paquet de fibres centrales, se séparent parfaitement par la malaxation, et la pulpe, lavée, purifiée, peut immédiatement
être utilisée. Ces renseignements sont bons à noter dans un pays où la
moindre difficulté dans la mise à profit d’une denrée, même de première
nécessité, suffirait pour rebuter les indigènes.
5° Un certain nombre de champs de tabac, cultivés à ferme, accompagnent en différents endroits les cultures dont nous venons de parler ou
des cultures plus spécialement tahitiennes, ignames, patates, etc. Le tabac
est de bonne qualité et bien soigné.
A toutes ces plantations nous devons ajouter, enfin, un champ d’herbe
de Guinée destinée à la nourriture des animaux, un champ de cannes, une
belle prairie bien enclose, dans laquelle errent en liberté un taureau, trois
vaches, un veau, et un parc à cochons assez étendu.
Un jardin renfermant une collection nombreuse et variée d’arbres
fruitiers, des malpighies ou pruniers du Pérou, des papayes, un obvier, des
barbadines, des sherrymoria, des arbres de Chine, une belle vigne qui
donne sa troisième récolte de l’année, etc., etc., complète l’ensemble de
cette propriété.
Un grand nombre de bâtiments d’habitation ou d’exploitation y ont
été élevés. Outre le principal corps de logis, les logements des travailleurs
et les cases des gens qui cultivent à ferme, sur différents points, il y a
encore deux maisons, des hangars, des ateliers, une scierie circulaire
munie d’un manège, une forge, une menuiserie, une pompe, etc., etc., tout
cela construit ou disposé avec entente, entretenu avec le plus grand soin,
mais dans des conditions toutes spéciales qui empêchent d’en apprécier
la valeur au prix de la place.
Outre les animaux dont nous avons parlé, il y a aussi sur la propriété
une mule, une jument, quatre chevaux ; des oiseaux divers, des tourte-
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
relies, des abeilles enfin, dont les ruches, sur lesquelles elles sont en
pleine activité, ont été disposées dans des conditions remarquables de
bien-être pour les mouches, de propreté et d’élégance.
Le matériel roulant se compose de cinq charrettes.
Outre des travailleurs et des serviteurs qui, à différents titres, vivent
sur cette propriété, dix hommes d’origines diverses mettent en culture les
différentes parties de la plantation qu’ils ont prises à ferme. Il y a des naturels des îles Sandwich, un Chinois, un nègre, etc., etc. Ces trois nationalités
sont de beaucoup ce qu’il y a de meilleur comme travail et activité. Les
conditions auxquelles ils ont obtenu un terrain à cultiver sont infiniment
plus avantageuses que ce que nous avons observé jusqu’ici dans les transactions analogues entre fermiers et propriétaires. Outre la dépouille du
terrain défriché, qui constitue, en bois de chauffage, une certaine somme
destinée à couvrir les premiers frais, le colon s’approprie les quatre cinquièmes de la récolte de la première année et les deux tiers pendant les
années suivantes. Aussi culture et défrichement sont-ils poussés activement
par les intéressés.
Les caféiers, qui, ainsi que nous l’avons dit plus haut, ont été en 1862
l’objet d’une distinction particulière, et qui sont encore maintenant surveillés et entretenus avec le plus grand soin, avaient été primés à raison de
50 centimes par pied pour les 2,400 plantés alors. Nous avons pu constater par nous-mêmes que cette plantation n’a pas périclité, et, à ce sujet,
Mgr d’Axiéri nous a fait remarquer que, sur la prime accordée en 1862,
les trois premières annuités seules avaient été payées. C’est, au reste, la
seule observation qu’il ait eu à adresser à la Commission en ce qui
concerne la propriété dont il dirige les intérêts.
Ce terrain, qui a coûté primitivement la somme de 20,000 francs,
et dont la valeur s’est considérablement accrue, constitue aujourd’hui
l’une des belles exploitations des environs de Papeete, Nous devons
avouer, d’un autre côté, qu’il serait difficile, pour ne pas dire impossible,
à des efforts individuels, quelle que fût leur énergie, d’accomplir une
oeuvre analogue à ce que peut ainsi réaliser l’esprit d’association,
affranchi des besoins de la famille, des intérêts personnels et des inquiétudes sur l’avenir.
77
psppm
Kgtt bulletin de la Société des- études- OcéaniennesN° 40. — ROUFFIO. Dans un pli de la colline qui porte le séma-
phore, sur un terrain bon dans sa partie inférieure, mais s’appauvrissant
sur les pentes, pour devenir enfin tout à fait stérile dans le voisinage des
crêtes. Il manque d’eau en temps ordinaire, mais le sol conserve assez
d’humidité pour faire pousser avec vigueur un assez grand nombre de
cocotiers, de cinq à six ans, et un demi-hectare environ de cannes à sucre.
Deux maisons d’habitation, une écurie sont les constructions élevées sur
la propriété, et peuvent être estimées à environ 4,000 francs. Une autre
construction servant de décharge accompagne les deux maisons.
N° 41.
THOMAS. Dans une petite vallée latérale, sur un des côtés
de celle de Sainte-Amélie, dans une situation favorable, et sur un terrain
—
fécond, bien qu’il manque d’eau courante en temps ordinaire. La surface
du défrichement est de deux hectares, plantés en coton, mais, etc., etc., et
des vivres d’espèces diverses. Commencée en octobre 1864, cette petite
propriété a coûté 2,000 francs ; plus, pour sa mise en culture et l’entre¬
tien, 1,200 francs; soit 3,200 francs.
Elle a rapporté jusqu’à présent :
Coton livré à la Caisse agricole
196 francs.
Coton à livrer (100 kilogr.)
175
Maïs
400
Patates douces
200
Pommes de terre d’Europe
100
Bois à brûler (du défrichement)
100
Herbe de Guinée et sorgho
300
Soit, pour le Total
1,471 francs.
L’entretien général est bon ; un chemin, fait par M. Thomas lui-
même, établit une communication commode avec la vallée de Sainte-Améhe. Le chiffre du revenu, d’ailleurs, est une preuve éloquente des soins
qu’a donnés son propriétaire à cette petite plantation.
N° 42.— D’assez vastes terrains, situés dans la partie moyenne de la
vallée de Sainte-Amélie, ont été, depuis quelques mois, débarrassés des
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
fourrés de goyaviers qui les couvraient, et constituent maintenant un
champ d’une grande étendue, bien défriché, presque entièrement planté
en maïs et en herbe de Guinée.
Nouvellement semé, le maïs n’a encore rien rapporté, mais l’herbe
de Guinée commence à devenir, pour les chevaux des transports, une ressource
avantageuse.
Cette propriété, achetée par M. Chauvé, capitaine d’artillerie, à divers
possesseurs, au commencement de 1865, comprend environ, d’une crête
à l’autre, dix hectares, sur lesquels plus de trois sont défrichés et plantés.
Le défrichement, commencé en mai et immédiatement suivi de la mise en
culture, se poursuit activement.
Quel que soit l’usage futur de ces terrains destinés aux exercices du
tir, quel que soit l’emploi des denrées spéciales qu’y a établies M. Chauvé,
quel que doive être enfin leur propriétaire définitif, nous n’en avons pas
moins à signaler ces travaux, qui ont conquis à l’agriculture, soustrait aux
broussailles près de quatre hectares du sol, préparé la terre à recevoir
tous les genres de plantations, et dont les produits ont déjà pu être utilisés
par l’un des services de la colonie.
Route de Faaa
La constitution du sol, sa disposition, sa qualité sont bien différentes
de ce que nous avons trouvé dans l’Est, à mesure qu’on s’éloigne de
Papeete dans la direction de Faaa. Les montagnes se rapprochent de plus
en plus de la mer, pour aller enfin y baigner leur base même à la pointe
de Faaa, et dans cet espace de terrain ne s’ouvrent qu’en un petit nombre
d’endroits pour former des vallées cultivables. La vaste zone littorale, si
riche, si féconde, que nous avons signalée sur la route d’Haapape, manque
ici, ou n’est représentée qu’au sortir de la ville, dans la ville même, par
des terres basses, telles que celles occupées par M. Charbonnier, le jardin
de la troupe, celui de l’artillerie, etc., etc., dont les cultures ne rentrent
pas dans le cadre de notre rapport.
L’eau fait aussi défaut, entre le pont de l’Uranie et Faaa ; la vallée de
la Reine, qui en est si abondamment pourvue à sa partie supérieure, en
79
bulletin de> la Société des études Otcea/ue/i/iex
manque vers son ouveiture ; il en est de même des petites vallées perpendiculaires à la route, qui en présentent des flaques ou même des sources
d’une importance minime, et surtout d’une existence précaire. Il semble
qu’entre les hauteurs et la mer il y ait là une ceinture de terrain spongieux,
qui absorbe les cours d’eau à la descente, pour les laisser sourdre en
minces filets ou s’étaler en mares sur le bord extrême de la plage ou
même dans la mer.
Le sol laisse aussi à désirer sous le rapport de la qualité ; la plupart
des crêtes, composées d’argile ferrugineuse, de sable rouge, lavées, ravinées par les pluies, effritées par le soleil, sont complètement arides ; les
vallons et la grande vallée de la Reine, malgré ses traînées de pierres, se
sont un peu enrichis de la dépouille des hauteurs, et offrent de bons ter-
rains à une culture régulière. Ailleurs même, comme sur le territoire de
Faaa, dans le village, par exemple, de véritables promontoires, se rattachant aux montagnes de l’intérieur, ont poussé des veines d’un sol fertile,
d’une nature toute différente, au milieu des barres d’argile rouge. Ils présentent alors tous les avantages des bons terrains.
N° 43. — SENTENAC. Au fond de la vallée de la Reine, dans une partie où elle est encore abondamment arrosée, à peu de distance de la pre-
mière cascade. Cette propriété, jadis assez soignée, est abandonnée à peu
près aujourd’hui, par suite de circonstances toutes particulières. Sa surface totale, plaine et montagne, est d’environ 70 hectares, sur lesquels sept
sont défrichés et plantés.
Elle contient :
1° Un grand nombre de cocotiers de trois ans, couvrant une partie
du terrain et poussant vigoureusement ;
2° Un demi-hectare de vanille, forcément négligée depuis un an ;
3° Un demi-hectare de maïs ;
4° Enfin, trois hectares de caféiers de trois ans, qui ont trouvé là d’excellentes conditions de succès, car il s’en rencontre dans le nombre qui
ont produit, cette année, une certaine quantité de graines. Il est fâcheux
que le propriétaire actuel de cette culture se trouve hors d’état, par son
âge et la place qu’il occupe en ville, d’entretenir ce qui avait été si bien
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commencé, et soit forcé de laisser ainsi, non seulement sans perfectionnement, mais encore en pleine décadence, un terrain d’une valeur réelle.
N° 44. — MORRIS et DELANO. Cultivent ensemble, dans la vallée de
la Reine, un terrain assez vaste, dont la qualité est bonne, mais qui présente quelques longues et profondes traînées de cailloux, surtout aux environs du Ht tari de la rivière de la Reine. La surface est de
sept hectares,
qu’ils ont commencé à défricher en avril, à planter en juin, mais dont la
mise en culture n’est pas encore terminée. Tout ce terrain est en plaine et
portera du coton. Il n’a encore, bien entendu, rien produit.
Sur l’autre côté de la route, M. Morris possède plus spécialement
cinq hectares, plaine et versants, qu’il a plantés, la première partie en
ignames, la seconde en cocotiers, au nombre de 1,500 environ, il y a
quelques mois à peine.
Les constructions sont au nombre de deux : une habitation euro-
péenne et une case indienne, que l’on peut estimer en bloc 400 francs.
Ce terrain, qui a été acheté par l’entremise de la Caisse agricole, a été
défriché par des travailleurs des lliamotu et quelques Tahitiens, aux conditions ordinaires.
MM. Morris et Delano formulent une demande, dont l'accomplissement rendrait de bien grands services aux
cultures de cette vallée : c’est
qu’on obvie, par des travaux appropriés, à la disparition en effet complète
des eaux de la rivière, qui, un peu au-dessous de la propriété de M. Sentenac, est absorbée peu à peu par le terrain et finit par s’évanouir tout-àfait entre les galets. Qu’il soit possible ou non de le combattre, cet
inconvénient est sérieux. Il est dommage en effet que ce beau bassin
demeure privé d’eau dans la partie la plus heureusement située et disposée pour tous les genres de cultures, tandis que la partie ingrate/inabordable, du ravin, roule à pleins bords le précieux liquide.
N° 45. — MOSES. Dans la vallée de la Reine, sur un terrain de bonne
qualité, qui possède en outre une source assez abondante par moments.
C’est encore une plantation nouvelle, consacrée au coton et aux cocotiers.
La surface totale n’est pas déterminée. Un demi-hectare à peu près est mis
81
bulletin de la Jociété dc.t ètude& Océan
culture, et sur cet espace quelques ares seulement sont plantés en ce
fournies par M. Brander.
Cette petite plantation, bien soignée et bien entretenue, a déjà fourni
un peu de coton longue-soie. Elle contient deux cases tahitiennes, et est
exploitée par un Tahitien et un indigène de Mangia.
en
moment en coton, provenant de graines
N° 46.
—
SILVA, Portugais, et MANOEL, Espagnol. Dans la vallée de
la Reine, dans une bonne position, à la base des hauteurs du côté gauche,
sur un bon terrain
exempt de roches, fécondé et rafraîchi par une source
qui donne naissance à un ruisseau.
La surface totale est d’environ sept hectares, plaine et versants, mais
quelques ares seulement sont plantés en coton. Il est vrai que le défrichement et la culture avancent sans interruption.
Ces colons, qui travaillent seuls, n’avaient commencé que depuis trois
mois (lors de notre passage). Ils veulent étendre leur culture de coton
dans la plaine, et planter des caféiers sur les pentes ; mais ils ont employé
toutes leurs avances à commencer leur exploitation, et réclament l’aide de
la Caisse agricole pour continuer un travail qu’ils paraissent d’ailleurs
avoir entrepris d’une façon sérieuse.
Ils veulent aussi cultiver un peu de tabac.
Une case de peu de valeur a été bâtie sur le terrain.
N° 47. — LOUIS (Jean). Nous n’avons pu avoir de renseignements
exacts sur la surface de cette propriété, située aussi dans la vallée de la
Reine. Le terrain en plaine, de deux hectares environ, nous a paru bon,
défriché et planté avec soin, mais abandonné pour le moment. Il est par-
tagé entre un champ de coton en rapport et un champ de cannes assez
belles. Des cocotiers encore jeunes, en assez grand nombre, complètent,
avec des bouquets de bananiers, cette plantation, sur laquelle s’élève une
case. Personne n’y était employé à cette époque.
N° 48. — PURÜ, Tahitien. Dans des conditions de terrain, et de position analogues à ceües du précédent. Il possède une petite propriété de
cinq ares environ, cultivée à l’européenne, sur laquelle il a planté du coton
82
N°320 - Septembre / Décembre 2010
dont les graines lui ont été données par la Caisse agricole, et 39 jeunes
cocotiers. Cet homme paraît intelligent et laborieux, et nous pensons qu’il
serait bon d’encourager chez les indigènes cette tendance que manifestent
quelques-uns à perfectionner leurs cultures dans le sens européen.
N° 49. — FIOLE! Placé dans une des meilleures parties de la vallée,
sur un sol
excellent, dont la surface en plaine est assez considérable.
La superficie totale est indéterminée ; celle des cultures est de plus
de deux hectares, plantés entièrement en cannes à sucre, de belle venue,
destinées à la nourriture du bétail et des chevaux.
Un grand nombre de cocotiers, d’âges divers, entourent ou proion-
gent la propriété du côté de la montagne. L’entretien général est bon. Une
maison d’habitation à l’européenne s’élève sur cette plantation.
N° 50. — CAPE (Antony). Dans la vallée de la Reine, en se rappro-
chant de son ouverture. Le terrain, plaine et montagne, est bon, riche en
humus, du moins dans la première partie. La surface totale est de 1 hectare 78 ares, dont environ 60 à 70 ares en montagnes, impropres à une
culture industrielle. Le reste, un peu plus d’un hectare, est défriché et cultivé avec soin.
Un tiers d’hectare est consacré à la culture du coton longue-soie
(Sea-lsland), provenant de graines fournies par M. Moses et la Caisse agricole. Semées au mois de juin et de juillet, ces graines ont eu à souffrir de
la sécheresse, et la récolte a été presque entièrement perdue, sauf une
quantité insignifiante.
Les dépenses avaient été, pour la préparation du terrain, de 238 fr. 50
c, payés à deux hommes à raison de 40 francs par mois chacun, plus leurs
vivres. Les fermiers, Tetiva et sa femme, de Raiatea, ont l’intention d’étendre
cette culture sur un plus grand espace dès que la saison sera favorable.
Le maïs et la canne à sucre se partagent le reste du terrain, avec des
arbres fruitiers, manguiers, maiore, etc., et un petit carré de manioc.
Trente-cinq cocotiers en pleine production, et donnant une moyenne
de 3,000 cocos par an, représentent un revenu de 150 fr. D’autres
cocotiers, au nombre de 100, avaient été plantés du côté de la montagne,
83
Œuttetin de ta Société des études 0céa/iic/i/
il y a trois ans. Ils ont tous été, sauf 25, volés par des Indiens ou détruits
par des animaux errants.
Cette propriété, du nom de Paevai Tipaerui, a été confiée, il y a trois
ans, à Tetiva, indigène de Raiatea, qui s’y est établi avec sa femme, et a
commencé à mettre le terrain en l’état où il se trouve aujourd’hui. Tous
les bénéfices, comme toutes les charges de l’exploitation, lui étaient réservés. Ils ont tiré de ce petit terrain tout le parti possible ; l’entretien est bon,
les soins constants, et, grâce à eux, le minime échantillon de coton qu’ils
ont obtenu de leur récolte perdue était d’une qualité remarquable.
La seule réclamation qu’ils aient à formuler concerne les inconvénients du voisinage du parc de M. Georget, dont les clôtures, trop faibles,
sont souvent rompues par les bestiaux, qui piétinent alors à leur aise les
cultures voisines.
M. Cape fait remarquer la grande difficulté qu’il y a à trouver des tra-
vailleurs : il a dû payer 20 francs par 180 mètres carrés le défrichement
et la préparation du sol ;
60 francs par mois ses journaliers, et encore ne
pouvait-il compter sur un travail régulier.
En ce moment, un seul travailleur, de Mangia, est employé sur cette
culture par les fermiers.
N° 51. — THIÉBAUT. Dans la vallée de la Reine; le terrain est de
bonne qualité, et en plein défrichement à l’époque de notre passage. Sa
surface, encore indéterminée, paraît assez considérable en plaine. Il doit
y planter du coton.
N° 52. — GEORGET. Occupe, à l’entrée de la vallée de la Reine, et
sur une de ses
pentes, un terrain sur la surface duquel nous n’avons pu
avoir de données certaines, mais que l’on peut diviser en trois zones parfaitement distinctes :
1° Cultures. — Elles occupent, en plaine et montagne, la rive gauche
de la partie inférieure de la vallée de la Reine. Tout ce que nous avons pu
y constater est une certaine quantité de cannes à sucre, destinées à la
nourriture du bétail, et, le long des pentes, une grande quantité de coco-
tiers nouvellement plantés, ainsi que le commencement d’une plantation
84
N°320 - Septembre / Décembre 2010
de caféiers; le tout, d’ailleurs, paraissait bien soigné et bien entretenu.
Nous n’avons pu savoir combien de travailleurs étaient employés sur
ce
terrain, qui contient une case pour un homme de peine.
2° Potager. — Tout en plaine, et dans les meilleures conditions.
Ce jardin, d’une surface d’un quart d’hectare, est parfaitement cultivé
et arrosé. Le sol est riche et profond. Les légumes divers y sont de belle
venue, et servent à l’approvisionnement personnel de M. Georget.
Un Européen est employé sur cette culture.
3° Enfin, le Parc à bestiaux, qui se trouve tout à fait sur la route de
Faaa, et qui constitue une étendue assez considérable de terrain soustrait
aux
goyaviers et appliqué à une exploitation européenne.
Depuis cet endroit jusqu’à Faaa, l’on ne rencontre plus sur la route
que les cocotiers de la Reine, et le domaine de M. Faucompré, dans une
vallée étroite perpendiculaire à la côte. Cette plantation, que l’on dit assez
importante et parfaitement entretenue, nous est restée fermée.
Plus loin, à l’entrée même du village de Faaa, se trouve la plantation
de cannes à sucre et de caféiers de M. Bonnefin, qui, d’après les renseignements que nous avons pu nous procurer au dehors, comptait primitivement 11 hectares de cannes et caféiers, et en compte maintenant 16,
défrichés ou en culture. Nous savons aussi que sur cette exploitation, dans
la paitie inférieure, se trouvent une distillerie établie sur une petite rivière,
et un moulin à moudre la canne, mis en mouvement par un manège.
Quant aux détails relatifs à la culture elle-même, à son rapport, à l’entretien des caféiers, jadis proposés pour une prime, au nombre d’hommes
employés, etc., etc., nous n’avons pu les obtenir de M. Bonnefin.
Il existe à Faaa un travail de culture fait dans des conditions assez
remarquables pour qu’il mérite d’être cité, bien qu’il ne présente rien d
analogue avec les plantations industrielles dont nous avons plus spécialement à nous occuper. C’est, entre la route et la mer, une vaste tarotière,
embrassant une superficie de trois hectares au moins, plantée et exploitée
à frais communs par les habitants, à l’endroit où s’étalait un marécage inutile et gênant, devenu aujourd’hui une source de denrées alimentaires ou
d’un revenu assuré pour ceux qui ont contribué à ce travail.
85
(bulletin de/ la Société/ des études/ Océa/iie/i/ies
N° 53. — HERVÉ. Possède à l’extrémité du village, et du côté de la
montagne, une propriété placée sur une de ces veines de bonne terre dont
signalé la présence au milieu des bancs d’argile rouge. Le sol
riche, le terrain en général bien abrité ; les
conditions, somme toute, avantageuses pour l’agriculture.
La superficie tout entière est de 30 à 40 hectares, plaine et montagne,
sur lesquels cinq sont défrichés et trois et demi à
quatre mis en culture en
divers produits.
Deux hectares sont plantés en coton et mais, et sur cette surface, une
partie, qui date d’un an, a rapporté 200 kilogr. de longue-soie ; une autre
partie n’était plantée à cette époque (10 octobre) que depuis quinze jours.
Les graines avaient été fournies par M. Gibson.
Une certaine quantité de manioc, une vanilhère très-bien entretenue,
mais de peu de rapport en ce moment, à cause de la dépréciation de ce
produit sur la place ; un beau carré d’ignames de plusieurs variétés, occupent une partie du terrain restant, avec 200 jeunes plants de caféiers, bien
ombragés et bien soignés, et 200 cocotiers encore de récente plantation.
M. Hervé possédait en outre, de l’autre côté de la route, un potager
auquel il tenait beaucoup, en raison des soins qu’il lui donnait, et que le
nous avons
en effet est un humus fort
ras de marée du commencement de
1865 a détruit.
Il a aussi, dans le jardin qui entoure sa maison, quelques arbres frui-
tiers, et à cela l’on peut ajouter une vache laitière, un veau, quatre porcs,
des volailles, etc.
Les constructions consistent en une maison d’habitation et deux
dépendances, étable, etc., que M. Hervé a construites lui-même et que l’on
peut estimer un peu plus de 2,000 francs.
Ce colon, établi depuis six ans, a commencé il y a deux ans à défricher et à planter ; il travaille seul et courageusement à étendre ses cultures, à l’amélioration desquelles il emploie un esprit attentif et
observateur, ne perdant aucune occasion d’augmenter son expérience
d’agriculteur. Dans ce pays, où l’Européen peut non-seulement surveiller
les travaux de la terre, mais encore mettre la main à l’œuvre, c’est sur des
colons comme celui-ci que l’on doit compter pour former le noyau d’une
véritable population agricole.
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
M. Hervé ne se plaint que des ravages des porcs laissés obstinément à
l’état errant par ses voisins indigènes, et ne demande qu’à s’agrandir de
quelques terres voisines, encore livrées aux goyaviers, pour étendre ses cultures. Il aurait besoin pour cette opération de l’aide de la Caisse agricole.
N° 54. — RILLOT, Sur la gauche de la route de Faaa ; établi sur un
terrain de bonne qualité, dont le travail entrepris et poursuivi avec vigueur,
date de quatre mois à peine. Un hectare de terre est débroussé et nettoyé ;
une moitié est
déjà plantée, l’autre est prête à l’être dès que la saison le
permettra. En attendant les pluies, M. Rillot continue à défricher. Son
intention est de planter en coton tout le terrain dont il pourra disposer.
Comme le précédent, M. Rillot est un travailleur sérieux, appliqué à
son œuvre et décidé à faire rendre à cette terre ce
qu’elle peut produire.
Il travaille seul et ne formule ni plainte ni demande.
N° 55. — S. M. POMARE IV. D’assez vastes terrains, qui jadis appartenaient à la reine, et sont maintenant entre les mains de M. Salmon et
Maheanu, s’étendent au-delà de Faaa sur les deux côtés de la route, et sont
devenus le théâtre d’un travail assez actif. Ils sont divisés en trois parcelles,
dont le sol est de bonne qualité, bien qu’elles soient situées dans une
région cernée par de larges veines d’argile rouge. Un petit cours d’eau
arrose les parties les plus déclives de cet ensemble, et y entretient un peu
de fraîcheur.
La première fraction, exploitée par Maheanu, qui s’étend sur la droite
de la route, a une surface de 18 hectares en tout, sur lesquels une partie
seulement est cultivée. Ce sont des terrains plats, qui pourraient se prêter
à de vastes plantations, et dont le sol, connue nous l’avons dit, est d’une
grande richesse.
Cette propriété est plantée en coton, maïs et cocotiers, entremêlés un
peu sans ordre. Le coton, âgé de quatre mois, et qui a sensiblement souffert de la sécheresse, couvre quatre hectares, avec un nombre indéterminé
de cocotiers de trois à quatre ans, qui déjà ombragent d’une façon nuisible
la première culture et lui déroberont encore bien plus l’air et le soleil
lorsqu’ils se seront développés.
87
j§i bulletin/ de/ Ici Société des études (Océaniennes/
Le maïs mûr recouvre une surface que l’on peut évaluer à deux hectares. La plantation
de coton avait été inaugurée dans la partie de la propriété qui se trouve avant le cours d’eau, dès le 25 décembre 1864.
La deuxième parcelle, qui se trouve sur la route en face de la précédente, est plantée en cocotiers, maïs et coton. Le défrichement s’y poursuit, et les semailles suivent immédiatement le défrichement à mesure qu’il
découvre le sol. Quatre hectares et demi sont ainsi livrés à la culture.
Cette propriété a jadis été primée, puis est passée à d’autres mains.
C’est M. Salmon qui s’en occupe maintenant.
La troisième fraction, dans des conditions de sol et de position ana-
lopes aux précédentes, est plantée presqu’en totalité de cocotiers âgés de
quatre ans. Des cotonniers y ont été semés ; quelques-uns sont de telle
venue, mais un grand nombre a été envahi par les herbes. La superficie
totale est de sept hectares.
N° 56. — ROBINSON. A gauche de la route de Faaa à Punaauia, sur
un bon
terrain, riche et léger à la fois. La surface de la propriété est d’un
hectare et demi, complètement défrichés et plantés en coton et maïs.
Le premier est de première qualifié ; les graines proviennent de chez
M. Holthusen et de la Caisse agricole. Il est encore nouveau.
Le maïs est de belle venue.
Les bâtiments élevés sur le terrain ne se composent que d’une petite
maison d’habitation et d’une case indigène de peu de valeur. Les animaux
consistent en des porcs, au nombre de cinq.
M. Robinson travaille avec l’aide de journaliers tahitiens. L’entretien
général de sa propriété est fort bon, et dénote un soin extrême dans tous
les détails de l’exploitation.
N° 57. — BRANDER, à Faaa. Limitrophe du précédent, et dans une
position analope sous tous les rapports : exposition et qualité du sol. La
surface totale est de trois hectares et demi, défrichés et plantés en coton,
caféiers et cocotiers.
Le coton, longue-soie, provenant de graines fournies par M. Holthusen, couvre deux hectares. Il offre dans sa qualité quelques légères variétés,
88
N°320 - Septembre / Décembre 2010
toutes belles, mais qui n’ont pas toutes le même éclat et le même soyeux.
C’est une remarque que nous avons faite dans presque toutes les plantadons recevant directement la brise du large.
Les caféiers, dont quelques plants, bien ombragés et abrités, sont
d’une beauté remarquable, sont, en général, sur le reste de la culture, chétifs et souffrants : ils couvrent une surface d’un hectare et demi.
Les cocotiers, au nombre de 800, ont été plantés en novembre 1864.
Sur la propriété s’élèvent une maison d’habitation et trois petites
cases à l’indienne comme
servitudes, le tout pouvant être estimé à la
1,200 francs. Les animaux sont un cheval et cinq porcs.
Cette plantation, jadis primée pour les caféiers, est confiée aux soins
du nommé Henry Smith.
somme de
N° 58. — MACHETEAU. Établi dans une région où domine l’argile
rouge, qui, du reste, porte à sa surface assez de détritus végétaux pour
constituer un humus léger et fécond. Sur une surface assez étendue, il a
planté 200 cocotiers à 7 mètres de distance, trop jeunes pour rapporter.
M. Macheteau fait activement défricher ; il avait déjà, en octobre, plus
d’un hectare et demi prêt à être mis en culture ; il n’attendait pour cornmencer que les premières pluies.
Il emploie à ce travail un Européen.
N° 59- — ORSMOND. Propriété traversée par la route de ceinture,
dans d’excellentes conditions, bien arrosée, et, dans la partie inférieure
surtout, paraissait ne se ressentir en aucune façon de la saison sèche. Sa
surface entière est de 18 hectares, dont une partie seulement est défrichée
et mise en culture, mais sur lesquels le travail avance rapidement.
En septembre, deux hectares et demi étaient cultivés en maïs et
coton ; de jeunes cocotiers étaient plantés en grand nombre, et dans la
partie la plus élevée, le fermier, M. Lathrop, faisait disposer une plantation
de caféiers dans une bonne situation.
Une partie des deux hectares et demi plantés a été ensemencée en
mai 1864, et avait déjà produit une récolte de mais et de pois avant d’être
plantée en coton. La culture d’une autre partie date de juin 1864 ; la dernière, enfin, n’a été mise en œuvre qu’en juillet 1865.
89
Œtd/etin de la Société des études ôcéanien/ies
Le produit total en coton longue-soie, provenant
de graines fournies
par MM. Brander et Stewart, a été de 500 kilogr. jusqu’au mois de sep-
tembre 1865, époque de notre visite. Deux Indiens des îles Sandwich ont
été employés aux travaux de défrichement d’une partie de la propriété ; le
prix de revient a été de 150 francs par hectare, le fermier travaillant luimême, il est vrai. L’exploitation générale a été retardée d’un mois par le
ras de marée du commencement de l’année.
Les constructions consistent en une maison habitée par l’homme
chargé de la direction de la propriété, et estimée 1,000 fr. à peu près.
Le fermier est un nommé Lathrop, travailleur infatigable, qui a, pris
à bail ce terrain pour huit ans. Il s’est engagé à payer le quart de la récolte
comme fermage.
Il n’emploie en ce moment qu’une femme pour l’aider à la récolte
du coton.
N° 60. — FULLER. Établi sur un terrain appartenant à la reine, bien
placé, a défriché depuis peu et planté deux hectares en coton, trop nouavoir rien produit. Il habite une case assez grande, seule
veau pour
construction élevée sur le terrain.
N° 6l. — TEO, indigène des Sandwich. Sur un petit terrain nouvel-
lement défriché et planté, d’un demi-hectare environ, dont les premières
parties semées ont déjà produit.
N° 62. — PUGENS (Louis). Dans une petite vallée transversale,
dénuée d’eau, bien qu’elle porte les traces d’un courant violent qui a mul-
tiplié les cailloux dans ce terrain. Le propriétaire a tiré de ce sol tout le
parti possible. Il a étabh, au heu d’une pente assez raide, une série de terrasses séparées par des murs en pierres sèches retirées du fonds même ;
et grâce à ce laborieux défrichement, défie maintenant les averses qui eussent emporté les terres meubles.
Il cultive du maïs, du manioc, mais surtout du tabac, très soigné, dont
la plantation s’étend bien loin le long de la vallée. Il le manipule lui-même,
et obtient des produits de bonne qualité.
90
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Il possède une petite maison et deux cases qui lui servent d’ateliers
et que nous pouvons estimer 500 francs.
Comme partout, mais surtout dans cette partie de Me, la plantation
souffre de la sécheresse.
Ce colon, qui, pour cause de maladie, n’a pu commencer à travailler
qu’il y a sept mois, est plein de courage et fort industrieux,
N’° 63. — VALEX. Possède une propriété assez étendue, dans un bon
terrain, en plaine, dont trois-quarts d’hectare environ sont plantés en coton
longue-soie, qui commençait à produire à cette époque (1er octobre) et doit
être en plein rapport aujourd’hui. Le voisinage de cotonniers tahitiens avait,
en quelques endroits, par voie de fécondation artificielle, altéré la qualité du
produit, mais dans des proportions insignifiantes. Il est presque impossible
d’éviter complètement cet inconvénient, qui ne disparaîtra qu’avec le coton
tahitien lui-même, et nous l’avons trouvé sur presque toutes les cultures.
Les travaux continuent sur cette propriété, dont les défrichements
sont aussi complets que possible, et qui parait bien entretenue.
Les seules constructions existant alors étaient deux petites cases de
peu de valeur.
M. Valex se plaint énergiquement des maraudeurs indigènes, qui, là
comme partout, profitent du moindre défaut de surveillance pour voler.
N° 64 — MIGNEUX. Sur le côté de la route de ceinture, sur un bon
terrain, bien que, dans toute cette partie de Me, le sol soit loin de valoir
les riches dépôts que nous avons signalés à l’est de Papeete. La propriété,
étendue, et sur laquelle le travail continue, présente deux hectares
complètement défrichés et trois-quarts d’hectare environ plantés en coton
longue-soie, provenant de graines de la Caisse agricole, et sur le point de
donner des produits.
Semé dans la saison sèche, dans un terrain assez aride par lui-même,
ce coton ne rendra pas ce qu’il eût pu rapporter, bien qu’il soit entretenu
avec le plus grand soin par le propriétaire, qui travaille seul, et qui seul a
tout fait sur cette plantation, jusqu’à la maison qu’il habite, et qui était
encore inachevée à cette époque.
assez
91
bulletin do Ici Société de& èticde& Océanienne
Il est établi depuis le mois de janvier, et a commencé à défricher en
février.
M. Migneux n’a à formuler ni plainte ni réclamation. Il désirerait
avoir les moyens de s’agrandir du côté de l’ouest, où se trouvent des terrains inutiles aujourd’hui, mais qui pour lui seraient une acquisition
pré-
cieuse, en ce qu’ils lui procureraient de l’eau, qui lui manque absolument
sur ceux
qu’il possède.
N° 65. — LEPONT. Sur un terrain de bonne qualité, jadis recouvert
d’une épaisse végétation, en plein défrichement. La surface totale de sa pro-
priété est de 50 à 60 hectares, plaine et montagne, mais cette dernière est
presque partout, derrière la partie plate, tellement ardue, verticale, qu’il ne
faut pas songer a en faire le théâtre d’une culture. En bas se trouvent cinq
à-six hectares, sur lesquels deux et demi sont complètement défrichés et
nettoyés, prêts à recevoir du coton dès que la saison sera favorable.
Eu attendant, il entretient diverses cultures du pays, assez soignées.
Il possède une petite maison d’une valeur médiocre.
Pour la mise en oeuvre de ses terrains, qui se poursuit sans relâche,
M. Lepont n’a pu employer que des journaliers, auxquels il donne 2 fr. 50c,
mais sur le travail desquels il ne peut compter d’une façon régulière. C’est
ce que nous avons vu
partout où l’on était forcé d’avoir recours aux Tahitiens.
M. Lepont se plaint des vols nombreux commis par ses voisins indi-
gènes, les mêmes probablement que ceux qui exercent chez M. Yalex des
déprédations du même genre.
Punaauia et Paea
Tandis que les montagnes, qui suivent, à des distances variables, les
contours de la plage, conservent leur éternelle verdure, étalant jusqu’à
leur sommet le luxe d’une magnifique végétation, le rivage lui-même subit,
à partir du point où nous sommes rendus jusqu’à Maraa, un changement
remarquable dans la nature de son sol. Des bandes de terrain sablonneux,
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
stérile, étroites d’abord et séparées par de larges zones encore fertiles,
disputent la plaine à la culture. Interrompues un instant aux environs de
Punaauia, qui doivent au voisinage de la vallée de Punaruu plus de fraîcheur et de fécondité, ces surfaces mouvantes se rapprochent de plus en
plus, se réunissent enfin, et vont former, après une succession de bassins
desséchés, les dunes désolées de Paca. Le ras de marée du commencement de 1865 n’a pas peu contribué à transformer en désert cette lisière
sablonneuse : des plantations ont disparu sous le gravier ; des cours d’eau
ont cessé de couler ; des arbres rougis, morts sur place, attestent encore
la violence du phénomène et l’étendue des espaces qu’il a envahis.
Cependant, sur une terre comme celle de Tahiti, la végétation n’a jamais
dit son dernier mot : le sable, à son tour, recule devant elle ; le chiendent
fixe et engraisse en se détruisant ce terrain mobile ; l’humus se reforme et
suit lentement, mais invinciblement sa marche du pied de la montagne vers
la mer, et les pluies aideront à cette œuvre de résurrection. Enfin, ce qui est
caractéristique, et prouve combien il existe de bons terrains, même dans
cette région, la plus aride de Me, c’est que c’est là, dans ces deux districts,
que la culture du coton a reçu l’élan le plus énergique, que les travaux individuels se sont le plus multipliés, aussi bien chez la population indigène que
chez la population européenne. Aussi, en présence de ces efforts, nous
sommes fondés à espérer que les ravages du ras de marée du 3 février n’auront constitué qu’un retard réparable dans les progrès du bien-être général
de ces districts, et la réussite de ceux qui ont vu leurs propriétés ravagées,
leurs cultures presque anéanties dans l’espace d’une nuit.
N° 66.
—
DARLING et BUCHIN. Sur un terrain étendu, bien nettoyé
et d’une borne qualité, quoique privé d’eau. La surface entière est de cinq
hectares, complètement défrichés, et qui sont destinés à recevoir du maïs
et du coton. Un demi-hectare environ est semé, mais n’a rien produit
encore. C’est une plantation nouvelle, commencée le 3 juillet. Un Américain, M. Lamphear, s’est chargé, pour la somme de 5,000 fr. par an, de
faire valoir cette propriété, et il y déploie une activité remarquable. Il a été
obligé à des retards dans l’ensemencement par la sécheresse de la saison.
Ses graines proviennent de chez M. Pater.
93
Œti/Jclin iltj la Société dcx 8tude& ôcéa/iie/inev
Il possède une maison que l’on peut estimer 1,800 à 2,000 fr., une
vache et un veau.
M. Lamphear se plaint de l’instabilité, de
l’irrégularité du travail indigène ; et, en effet, il a souvent été réduit aux expédients pour achever son
défrichement, assez facile pourtant, grâce au peu de développement des
goyaviers. Ainsi, ce sont des femmes, au nombre de quinze pendant une
semaine, à 2 fr. par jour, au nombre de quatre pendant trois semaines, qui
ont exécuté presque tous ses travaux. Un hectare et demi sur les
cinq a été
défriché à l’entreprise pour 125 fr. ; en ce moment, deux hommes, Tahitiens du district, sont employés journellement sur ce terrain, mais il
ya
toujours de la difficulté à se les procurer, et, comme les femmes placées
dans le même cas, ils disparaissent une fois payés. D’un autre côté, les travaux des routes, la construction du
pont de Tapuna et de ceux de Punaruu,
ont compliqué ces embarras, dont les colons sont enfin venus à
bout, mais
en payant 2 fr. 50 la
journée au heu des 2 fr. payés par le gouvernement
aux travailleurs libres.
Tout compté, le défrichement de ces
cinq hectares n’est revenu, en
définitive, qu’à 735 francs.
N° 67. — DARLING, dans le village même de Punaauia.
bien entretenue, plantée de vivres indiens, ou réservée au
Propriété
pacage d’un
beau troupeau de moutons, en parfait état, renfermés dans un enclos où
ils peuvent s’abriter.
Le troupeau se composait de 29 têtes, dont six
agneaux, un béüer
d’âge et trois petits béliers.
Outre ce troupeau de bêtes à laine, M. Darling possède dans la vallée
de Punaruu, loin des défrichements, un certain nombre de bêtes à
cornes,
parfaitement isolées et parquées.
Dans ce même district de Punaauia,un grand nombre
d’indigènes se
côtés, ils se sont mis à
défricher, dans la limite de leurs terrains et de leurs moyens. Les facilités
qu’ils avaient à se procurer des graines à la Caisse agricole, celles qu’ils
trouvaient par son intermédiaire pour l’écoulement de leurs
produits
sont adonnés à la culture du coton ; de tous les
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
contre de l’argent comptant ; les conseils et l’exemple de la cheffesse et
de son mari, les ont entraînés rapidement dans cette voie. Nous joignons
à ce rapport la liste de plus de quatre-vingts propriétaires ou fermiers, qui,
selon l’époque à laquelle ils ont commencé, ont tous défriché, planté ou
récolté du coton d’excellente qualité, sur des terrains dont la superficie
varie de six hectares à un demi-hectare. Nous ne parlerons en détail que
de ceux qui nous ont le plus frappés, par la suite et l’énergie inattendue
de leurs efforts chez des gens de leur race :
Pohuetea,
Aifenua,
Tefaaaue,
Paave,
Tuane,
Maie,
haafifi,
Matau,
Farani,
Teriitahi,
Aono,
Faaave,
Maitiuri,
Tinomanu,
Toofa,
Tanetua,
Tautahaa,
Tautu,
Toetoe,
Metuaore,
Tahiia,
Otoore,
Haavahia,
Marti,
Puta,
Hamaina,
Tehiupa,
Horohia,
Poroi,
Tane,
Taua,
Titohi,
Tetuaahoro,
Teaumanava,
Paetua,
Tipae,
Hunahia,
Hoomoni,
Marti,
Tcmarii,
Maiaho,
Eia,
Puaita,
Oopa,
Fanaupo,
Anivai,
Faero,
Riaria,
Teiho,
Maihota,
Maitiuri,
Fau,
Faarovau,
Maehu,
Punua,
ïliauri,
Tiaiho,
Marna,
Teehu,
Airima,
Ereere,
Maihope,
Hupehupe,
Paraubia,
Ihahu,
Aitou,
Tau,
Teraituatini,
Tamu,
Harua,
Papa,
Viria,
Manu,
Tapare,
Airima,
Fariue,
Maiino,
Hira,
Teharuru,
Taoto,
Raupua,
Taliiri,
Homai,
Tautahaa.
Teaua,
N° 68. — HAAFIFI, Tahitien. Etabli sur de bons terrains, dont il a
défriché à fond un hectare et demi pour y planter du coton. Il attendait les
pluies pour commencer avec avantage, et cultivait du tabac en attendant.
95
Œu/lcli/i de la Jociété des études Ûcéa/ue/i/ies
N° 69. — TAAMU, originaire de Tonga-Tabu. A déjà défriché et planté
plus d’un hectare, bien qu’il ait commencé il y a peu de temps seulement,
et qu’il soit réduit à ses propres ressources. Semé au mois d’août, à
mesure qu’il nettoyait le terrain, son coton, dont les graines proviennent
de la Caisse agricole, n’avait pas eu le temps de produire ; il continuait
cependant à étendre son défrichement, qui doit s’être considérablement
accru depuis.
Tout le temps dont il pouvait disposer, lors de notre passage, consistait dans le samedi de chaque semaine, seul jour que lui laissassent libre
les travaux des routes.
N°70. — MAHIÉ. Dans les bons terrains du district de Punaauia, a
défriché et planté, en juin, plus d’un demi-hectare de coton et de maïs.
Les graines du premier provenaient de la Caisse agricole et ont déjà donné
une
petite récolte.
Il utilise son maïs pour sa nourriture.
N° 71. — TAPARE. Dans le district de Punaauia et sur des terrains
dont la qualité va s’améliorant à mesure qu’on se rapproche de la vallée
de Punaruu, pour s’appauvrir, il est vrai, de l’autre côté. Cet Indien est en
plein travail de défrichement; il avait nettoyé un quart d’hectare, et planté
quelques ares de coton dont les graines proviennent de la Caisse agricole.
Son intention était de mettre en culture, coton et maïs, le plus tôt possible,
les soixante ares qui constituent sa propriété.
Tous ces terrains, dont quelques-uns sont situés dans le village même,
sont complètement en plaine, et assez éloignés encore de la base de la
montagne, autant que permettent d’en juger les massifs de burao qui masquent les pentes inférieures.
N° 72. — POHUE et AIHENUA, cheffesse de Punaauia. Sur d’excellents
terrains de chefferie, à quelque distance de la plage et derrière le village ;
plus de trois hectares sont défrichés et nettoyés. Le travail continue encore,
et s’étend. Deux hectares et demi ont été plantés, la première partie en
novembre 1864, le reste à mesure que le sol se découvrait. Ce qui avait été
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N°320 - Septembre / Décembre 2010
planté en novembre a commencé à produire en avril et a rapporté 1,500
francs. Ce résultat les a encouragés, et leur intention est de mettre en culture le reste des vastes et fécondes terres de chefferie dont ils disposent.
Outre le coton qui est très-beau, ils ont six ou sept ares cultivés en
tabac, bien entretenu et de bonne qualité, qui a déjà produit 500 francs.
Pohue et Aifenua ont donné à la culture du coton les plus grands
soins. Ils ont prêché d’exemple, ont engagé les gens du district à faire
comme eux et à s’attacher non-seulement à la plantation et à l’entretien
de la plante, mais encore à la qualité du coton récolté. En joignant à cette
exploitation les cultures commencées à Papeuriri par Pohue, l’on trouvera
qu’il est à la tête de la plus sérieuse plantation indigène de l’île.
N° 73. — PAAVE. Dans les mêmes conditions que les précédents, et
établi aussi sur une terre de chefferie d’excellente qualité. Les défriche-
hectare deux tiers et la plantation un hectare, semé
juin avec des graines provenant de Pohue. La première partie plantée
a donné une petite quantité de coton de très belle qualité.
ments comprennent un
en
Le reste du défrichement a été semé en octobre.
Il y a aussi du tabac sur cette plantation, et, comme sur presque
toutes, des lignes de mais alternant avec le coton.
Paave, trouvant plus d’avantages à demander à la terre des ressources
qu’il était certain d’en retirer par un travail régulier, est un des rares
Indiens qui se soient fait exonérer des corvées à prix d’argent.
Les femmes Eia, Puauri et Maoaï, etc., défrichent et cultivent aussi
activement que le leur permettent les moyens à leur disposition. La pre-
mière même a déjà une terre en plein rapport, qui lui a donné quelques
sacs de coton,
du tabac, des vivres indiens, etc.
N° 74. — PARAUHIA. Sa plantation est nouvelle, et tandis que le
défrichement continue sur d’excellents terrains, il n’a encore que cinq ou
six ares qui commencent à rapporter. Les graines proviennent de la Caisse
agricole.
L’entretien général est fort bon sur cette petite propriété et le défri-
chement aussi complet que possible.
97
N° 75. — AIRIMA. Se trouve dans le même cas et dans les mêmes
circonstances que le précédent. Il a cependant semé un peu plus tard, en
août, ses graines qui avaient été fournies par Pohue, et c’est, à notre avis,
à l’extrême sécheresse de l’époque de l’ensemencement que l’on doit attrlbuer la présence du ver sur beaucoup de pieds de coton.
Il n’y avait encore que cinq ou six ares plantés, de belle venue, du
reste, avec des sillons de maïs intercalés.
N° 76. — TIAHO. Dans la même zone de terrain que les précédents,
entre la route et la montagne; le sol y est très bon, grâce au voisinage de
cette dernière, véritable source de matières fertilisantes pour les propriétés
situées à son pied. Sans interrompre son travail qu’il veut pousser
jusqu’aux pentes, à travers le terrain d’un nommé Fati, il a planté, il y a
environ cinq ou six mois, cinq ares environ, sur lesquels le coton a été
l’objet des plus grands soins et a pris un beau développement. Il cornmence à rapporter. Les graines provenaient de la Caisse agricole.
N° 77. — TIPEE. A entrepris sur une bomie veine de terrain un défri-
chement assez vaste, qu’il continuait activement lors de notre passage. Sur
la partie déjà prête, douze ares avaient été mis en culture et ensemencés
avec des
graines provenant de chez M. Stewart. Le coton était encore trop
jeune pour avoir produit.
Il a planté du mais entre les lignes de cotonniers.
N° 78. — TANETUA. Propriété indienne assez importante, commencée vers le mois de juillet, et sur laquelle le défrichement continue. Un
hectare et demi est déjà planté en coton avec du maïs intercalé ; un demihectare est prêt à être nus en culture.
Le coton, trop jeune pour avoir rien rapporté encore, provient de
graines longue-soie de la Caisse agricole. Il est de belle venue, haut de
0m60 en moyenne, planté à 2 mètres de distance entre les pieds.
Tanetua possède aussi quelques cocotiers. Cet indigène a commencé
à défricher à l’époque où M. le Commissaire Impérial a fait dans ce district
la tournée pendant laquelle les hui-raatira ont demandé l’autorisation
N°320 - Septembre / Décembre 2010
d’aller travailler leurs terres. Il emploie aux diverses parties de l’exploitation sept personnes, parents ou amis de sa famille.
TX° 79. — CADOUSTEAU. Sur un terrain assez ingrat, jadis meilleur,
mais sur lequel le ras de marée a entassé de véritables dunes de sable. M.
Cadousteau a dû, à la suite de ce désastre, abandonner le bord de la mer
qu’il habitait et créer à nouveaux frais du côté de la montagne, sur un sol
moins dévasté, une plantation de cotonniers. Un jardin, une maison, un puits, tout avait disparu sous le gravier, dont les masses ont roulé
bien au-delà du tracé actuel de la route de ceinture, et dont les parties les
plus ténues recouvrent encore le terrain de la nouvelle plantation.
La superficie totale de la propriété est de 42 hectares, plaine et montagne ; la surface cultivée, par suite du retard que nous venons de signaler,
n’est que de deux hectares, dont près d’un hectare en coton longue-soie, un
peu malingre, ce qu’il doit à une sécheresse encore augmentée par la nature
même du sol. Les graines, provenant de chez M. Gibson, ont été semées
immédiatement après le ras de marée, et n’ont encore (octobre) rien produit.
Les caféiers, bien entretenus, sont au nombre de 2,000 environ et
recouvrent un espace d’un hectare ; ils sont âgés de trois ans. Les cocotiers, de trois ans aussi, sont au nombre d’environ 200.
Sur cette propriété s’élèvent une maison d’habitation, deux hangars,
une servitude, et un four, que nous pensons devoir estimer en totalité à
1,200 ou 1,500 francs.
M. Cadousteau travaille seul avec sa famille sur sa plantation, à laquelle
il donne les plus grands soins, et sur laquelle il a repris avec une nouvelle
énergie le rétablissement de tout ce qui existait avant son désastre.
un peu
N° 80. — TAEHA et OTAUTU. Établis sur une des rares parcelles de
bon terrain qui précède Paea, et qu’ils nettoient activement. Ils ont planté
soin, après un bon défrichement, du coton et du maïs sur un espace
d’un hectare environ, depuis trop peu de temps pour avoir déjà obtenu une
avec
récolte. Les graines du premier proviennent de la Caisse agricole. La surface
du terrain qu’ils attaquent maintenant, toujours pour y semer du coton, est
encore
plus considérable que celle qu’ils ont déjà mise en culture.
99
Œul/etin de la Société dc& Ôùidc.t Gcéa/ùen/i
N°81. — TAHUPE, à Paea. A déjà défriché un tiers d’hectare, dans
une situation
avantageuse, et planté quelques ares de coton, qui, ensemencé en août, n’a pas encore rapporté. Il avait manqué de graines en
commençant, ne sachant où s’en procurer ; tranquille sur ce point maintenant, il ne demande, comme, du reste, le district tout entier, que le loisir
et les moyens de pousser les défrichements et la culture.
N° 82. — TATUA, Paea. A défriché et planté depuis peu de temps
quelques ares de coton, mais il est à présent gêné par l’espace, malgré son
désir de continuer. Son intention est d’agrandir sa plantation sur les terrains qui s’étendent entre le village et la montagne et qui appartiennent à
M. Darling.
N° 83. — MAHUAHURI, Paea. Dans les mêmes conditions que le pré-
cèdent, a planté en coton, provenant de graines fournies par M. Patrick,
une surface de dix ares, et sa plantation, bien que nouvelle, lui a déjà rapporté une somme de 90 francs. II désirerait agrandir son exploitation, et
se trouve dans le même cas que le précédent vis à vis de terres limitrophes.
N° 84. — MAITIA, Paea. Situé, comme les précédents, sur cette
lisière fertile qui sépare le village des premières pentes, a planté en coton
d’excellente qualité un petit terrain de deux ares environ, très bien entretenu. Il continue le nettoyage
du terrain qu’il veut ensemencer, et sur
lequel il travaille seul.
N° 85. — FAAIAU, Paea. A mis en culture et fait valoir un terrain dont
il a la jouissance, mais dont M. Darling est le propriétaire, en même temps
qu’un morceau lui appartenant. Cette propriété est assez vaste, et bien placée devant l’ouverture d’une grande vallée ; aussi le sol y est-il de bonne
qualité, plus riche, moins sablonneux qu’aux environs. Elle est plantée en
coton, maïs, cocotiers. Le coton et le maïs, plus spécialement cultivés sur
la partie de M. Darling, occupent 75 ares à peu près, bien plantés, bien
entretenus, et ensemencés avec des graines provenant de la Caisse
agricole, de MM, Labbé et Patrick. Cette culture est nouvelle et n’a encore
100
N°320 - Septembre / Décembre 2010
que très peu produit. En attendant qu’elle soit en rapport, Faatau continue
le défrichement, qu’il veut pousser jusqu’à la montagne et affecter à la
même culture. Sur ce qui lui appartient en propre, il a planté l6l cocotiers dans de bonnes conditions.
N°86.
—
MAHII, Paea. A défriché et dernièrement planté un quart
d’hectare à peu près, qui n’a pas encore produit ; la main d’œuvre est très
soignée, et l’origine des graines (Caisse agricole) garantit la qualité de la
future récolte. Le sol, du reste, est excellent sur ce point et le coton de
très-belle venue. Mahii possède, au pied même de la montagne, un défrichement de même surface, prêt à être ensemencé. Cet Indien travaille seul,
et suffit à l’entretien de sa plantation.
N° 87. — TEHEI, Paea. Sur une propriété assez considérable, dont
partie seulement, un quart d’hectare à peu près, est défrichée et plantée en coton. Semé dans la mauvaise saison, quoique dans un terrain qui
une
vaut le précédent, le coton est moins avancé et n’a rien produit. Les
graines ont été fournies par M. Labbé.
Cet homme, qui paraît laborieux et actif, a l’intention de pousser son
défrichement jusqu’au pied de la montagne (216 mètres sur 36), pour
le planter en coton, mais il est seul et ne pourra peut-être pas suffire à
cette tâche.
Il possède deux chevaux.
N° 88. — TETOOFA, chef de Paea. A beaucoup contribué à faire
entreprendre la culture du coton par les Indiens de son district, et a prêché d’exemple en se mettant a l’œuvre. Il avait, au commencement d’octobre, un cinquième d’hectare de coton longue-soie, provenant de graines
fournies par M. Stewart, qui commençait à donner de beaux produits. A
la fin d’octobre, trois-quarts d’hectare se trouvaient prêts à recevoir les
semences dans une autre partie de son terrain, et les travaux de défrichement continuaient. Enfin, nous avons pu remarquer que Tetoofa apportait
beaucoup de soin, aussi bien à la culture de la plante qu’à la manipulation
du coton récolté.
101
Çûu/IcJin de la Société des Stades* Gcéa/Uennes
N° 89. — PATRICK, Paea. Etabli depuis sept ans à l’extrémité du
village de Paea, dans un terrain d’une qualité médiocre, au moins sur
plusieurs points, et dont la partie inférieure a encore été appauvrie
par l’apport du sable, lors du ras de marée du commencement de
l’année.
La surface tout entière est de quatre hectares, dont un hectare et demi
restait seul à défricher à cette époque. Les deux autres hectares et demi,
bien entretenus, se partageaient ainsi :
Coton, un hectare, planté en décembre et janvier, provenant de
graines fournies par MM. Stewart et Gibson. Bien cultivé et récolté avec
soin, ce coton, de très-belle qualité, a déjà donné 500 kilogr. achetés par
la Caisse agricole, et 100 kilogr. étaient encore en magasin chez M.
Patrick, prêts à être expédiés.
Les caféiers, au nombre de 1,500 à 2,000 pieds, sont répandus sur
une surface de plus d’un hectare, et sont d’assez belle venue, bien que trop
exposés au soleil en beaucoup d’endroits.
Quatre cents cocotiers, une sorte de prairie et un jardin complètent
l’ensemble de ces cultures.
Une maison, et dépendances, que nous pensons devoir estimer 2,000
francs, un four à pain, etc., constituent les bâtiments de la plantation. Les
animaux qu’elle nourrit sont neuf moutons et une jument : le matériel
d’exploitation consiste en une voiture.
Toute la propriété de M. Patrick est enclose d’une épaisse muraille
en pierres sèches ou coraux, qui, construite par ce colon lui-même, lui a
causé plus de peines et de perte de temps que ne l’aurait fait un long défrichement. C’est encore un souvenir de la vaine pâture.
Ce planteur, qui a fait par lui-même tous les travaux de son exploitation, tient en grande partie de sa femme les terres qu’il cultive. Il est
industrieux et travailleur, et a tiré de ce terrain tout le parti possible. Il y
a dans son voisinage des terres d’une meilleure qualité que les siennes,
d’une surface d’un hectare et demi à deux hectares, qu’il désirerait
acquérir pour les planter en café ; ces terres sont en friche et encore couvertes de broussailles. Il demande, pour cette acquisition, le concours de
la Caisse agricole.
102
N°320 - Septembre / Décembre 2010
N° 90. — DEXTER (William), Paea. Sur un vaste terrain plat, que son
peu d’élévation au-dessus de la mer expose aux inondations, et qui doit à
cette cause d’être d’une qualité inférieure à ce que nous avons vu ailleurs.
Cependant, le sable même est encore fécond à Tahiti, et sans autre préparation qu’un nettoyage, malgré la sécheresse, ces terrains se sont chargés
de cotonniers d’une belle venue.
La propriété tout entière est d’une superficie de douze hectares à peu
près, dont une grande partie en plaine ; trois hectares environ sont défrichés et plantés en coton et maïs dans les intervalles, le tout entretenu avec
soin et bien cultivé ;
Le défrichement a commencé au mois de décembre 1864, avec dix
travailleurs de l’archipel de Cook, dont on n’a eu qu’à se louer. Trois individus de la même race ont été employés à la plantation, commencée le 1er
1865. Depuis cette époque, le coton, bien que retardé par les effets
du ras de marée du 3 février qui avait bouleversé et couvert de cailloux et
mars
de sable des terrains tout préparés à recevoir la graine, a déjà donné 150
kilogrammes de produits bruts, et M. Dexter en a encore autant en magasin. Ce coton, provenant de graines fournies par MM. Stewart et Brander,
est de première qualité.
Une maison d’habitation et deux servitudes dépendent de cette propriété, commise à la garde d’un Européen qui réside sur les fieux. Ces
bâtiments nous ont paru valoir environ 1,000 à 1,200 fr.
N° 91. — DEXTER (Georges W), Paea. Dans la même position que
le précédent, sur un terrain que la mer a parcouru en toute liberté lors du
marée, doit cependant au voisinage plus immédiat d’une montagne
escarpée, riche en débris végétaux et en sources, plus de fraîcheur et plus
de richesse dans la composition du sol.
La superficie totale de la propriété, plaine et montagne, est considérable, mais huit hectares seulement sont défrichés et mis en culture en
coton, maïs, cannes à sucre, vivres indiens, etc., etc.
Le coton (4 hectares), provenant de graines apportées de Californie,
est d’une excellente qualité, et dans certaines parties de la propriété a pris
un développement extraordinaire. Il est à craindre seulement que le
ras de
103
Œu/lc/iu de la Société des études, Océanâ
voisinage de cotonniers tahitiens, nombreux et de belle venue aussi sur
plusieurs points de la plantation, n’influe sur la qualité du Sea-lsland. L’un
des carrés de l’exploitation a été semé il y a deux ans ; le second, il y a un
an. De nouveaux
terrains, jusqu’à la base de la montagne, pourront encore
recevoir du coton lorsqu’ils seront défrichés. En ce moment quatre hec-
beaucoup est perdu sur
pied, malgré toute la diligence qu’y peuvent apporter les intéressés. Le
produit total de cette année, en coton de provenance californienne (1er
carré) et Sea-lsland (2e carré), a été de 2,000 kilogrammes. Il eût été plus
fort, sans les ravages du ras de marée.
Les quatre autres hectares, consacrés à diverses plantations du pays,
ont rendu 4,000 kilogrammes de légumes, cannes, etc., etc. Ils contienlient aussi du manioc, un carré de patates, des féi, etc. Une belle allée de
papayers et de féi traverse toute la propriété et sépare les carrés, facilitant
ainsi les communications d’une extrémité de la plantation à l’autre.
tares de cotonniers sont en plein rapport, mais
Les bâtiments consistent en une bonne maison d’habitation, qui
constitue souvent, pour les voyageurs, un précieux abri, dans ce pays où
manquent les auberges. Il faut y joindre trois servitudes, que nous pensons
devoir estimer, en tout, à une valeur de 3,000 francs.
M. Dexter n’emploie que des indigènes de Mangia, au nombre de
deux en ce moment, auxquels il donne 75 francs par mois. Il possède 6
moutons, 3 vaches parquées, 2 veaux, 19 porcs, 2 chevaux, 2 juments, et
enfin une voiture.
N° 92. — AFAI, ancien gardien de la petite propriété Oméran, corn-
plètement anéantie par le ras de marée, et dont il ne reste qu’un puits à
demi-comblé par les sables. Possède sur le côté gauche de la route de
ceinture une plantation nouvelle assez importante, qui s’étend jusqu’à la
montagne. Plus éloigné que les précédents de la rivière Vaitupa, qui, bien
que peu considérable, a conservé jusqu’au milieu de la saison sèche un
peu de fraîcheur aux terres environnantes, Afai a eu à souffrir du manque
d’eau sur un sol appauvri déjà par l’apport du sable. Cependant, le coton,
la canne, le tabac, bien plantés et bien soignés, poussent parfaitement et
gagnent du terrain.
104
N°320 - Septembre / Décembre 2010
D’ailleurs, dans cette partie, plus de quatre hectares de surface,
appartenant à divers propriétaires, sont en plein défrichement ou déjà cultivés, presque partout, en coton, maïs et tabac, et les travaux continuent
avec activité.
N° 93. — MATI, indigène des îles Sandwich. Sur un terrain de bonne
qualité, au delà des régions sablonneuses que nous venons de traverser.
Le pays, en cet endroit, change d’aspect et de nature ; avec
la fraîcheur
reviennent et la richesse de la végétation et la fécondité du sol.
La surface de cette propriété, nommée Titimu, est assez grande, mais
cinquième d’hectare seulement appartenait à Mati, qui l’a complèteà sucre, coton de très-bonne
qualité, féi, etc., ainsi que d’autres vivres indiens. Son travail est très-soigné, et il ne dépend pas de lui qu’il ne l’étende sur une plus grande surface ; il essaie de s’agrandir de terrains voisins, encore enfouis sous les
goyaviers et les burao, et a déjà acquis, par échange, quelques parcelles
qu’il a commencé à défricher.
Trop nouvellement établi pour avoir rien produit, car il ne s’est fixé
sur ce terrain que depuis le mois d’août, Mati plante du coton à mesure
qu’il nettoie le sol. Il paraît être un travailleur intelligent et énergique, mettant dans son exploitation une suite et une régularité rares chez les Tahiun
ment défriché et planté en cocos, cannes
tiens. Il se fait aider de sa femme et de ses trois filles.
Il possède en fait d’animaux une truie et une jument ; encore a-t-il
depuis échangé cette dernière contre une parcelle de terre voisine.
Il demande qu’on favorise les nouvelles acquisitions qu’il désirerait
faire et qu’il a les moyens de payer.
N° 94. — YWAN, associé de TUCK, employé chez M. Stewart.
Établis
propriétés connues sous les noms de Mara et Tahiii, dans une bonne
position, sur un sol fécond et propre à toutes les cultures. De ces deux terres,
la première a été seule jusqu’à présent mise en œuvre par les occupants ; elle
comporte une surface de trois hectares, dans les meilleures conditions.
Etablis depuis six mois seulement, ces colons poussent le défrichement avec activité, et plantent immédiatement. Ils ont déjà semé des
sur deux
105
Ç&ulletin de /a Jociété des études* Océaniennes
cotonniers, installé un jardin potager ; leur plantation renferme, en outre,
des cocotiers, des féi, des bananiers et autres vivres indiens.
Une case assez propre est la seule constaiction qui ait encore été éle-
vée sur cette plantation.
M. Ywan, arrivé à Tahiti en février, paraît un travailleur actif. Son
œuvre de
quelques mois (il n’a commencé l’exploitation que le 22 avril)
et le défrichement inauguré il y a quelques semaines le prouvent de reste.
La terre Tahiri, qui, à cette époque, ne leur avait pas encore été livrée,
formait avec la terre Mara un bloc pour lequel ils avaient déposé 500
francs en garantie de paiement. Elle leur fait défaut, maintenant qu’ils voudraient pousser leurs travaux de ce côté, et ils désireraient qu’on pût la
leur remettre. La surface totale est de dix hectares à peu près, plaine et
montagne.
La seule plainte qu’ils formulent concerne les voisins indigènes, qui
vivent précisément sur cette terre de Tahiri, et qui, disent-ils, les volent à
qui mieux mieux.
Papara, Papeuriri, Papeari
Nous avons cru devoir réunir sous le même paragraphe ces trois dis-
tricts, qui offrent dans leur aspect général, dans la nature de leurs terrains,
le régime de leurs eaux, les plus grandes analogies. C’est là, à Atimaono,
pied d’un amphithéâtre de montagnes qui laissent entre elles et la mer
cultivable, que se trouve la plantation Soarès, dont nous
avons eu l’occasion de nous occuper déjà, et dont la prospérité, en dehors
de toute autre considération, plaide en faveur des districts qui en sont le
siège. Mais Atimaono n’est pas le seul point où se trouve réunie la même
somme d’avantages : les grandes vallées, les surfaces étendues, les cours
d’eau intarissables, se succèdent sans interruption jusqu’à l’isthme ; tout
cela à travers une végétation exubérante, sur un sol engraissé à des profondeurs inconnues par la lente décomposition de forêts séculaires. L’on
est d’autant plus saisi de l’aspect de ces beaux districts, que l’on vient de
quitter la bande sablonneuse suivie jusque près de Maraa, et l’interminable
au
un vaste espace
106
N°320 - Septembre / Décembre 2010
forêt de cocotiers qui la recouvre. Aux grottes même, la montagne verti-
cale, inaccessible, baigne sa base dans la mer, mais à partir de ce point, elle
s’éloigne peu à peu du rivage, et ne s’en rapproche plus qu’à de longs intervalles, largement ouverte par de profondes vallées. Ce n’est que bien loin,
au-delà de Papeari, que cesse la ceinture que forment ces terrains plans,
couverts de bois, si féconds, si richement arrosés. En revanche, par suite de
l’éloignement du centre industriel de l’île, et surtout au peu de temps qui
s’est écoulé depuis que Tahiti est entrée résolument dans la voie du travail
de la terre, il n’y a que peu de blancs occupés à tirer partie de ces magnilïques terrains. Nous ne parlons pas, bien entendu, de la plantation Soarès,
brillante exception, qui ne saurait trouver en ce pays de terme de comparaison. D’un autre côté, à partir de Maraa, la vaine pâture règne en maîtresse
absolue, et y revêt tous les inconvénients que nous avons cités plus haut.
Aussi, jusqu’à présent, la nature seule a fait tous les frais du mouvement commercial de ces districts, en fournissant uniquement à l’exportation des bestiaux, des tripans6, et les belles oranges de Papeuriri.
Dans un pays où tout est à créer, sauf le sol, si libéralement doué
d’ailleurs, aucune des ressources que présente ce dernier ne doit être
négligée. C’est la raison qui nous fait parler du filon d’argile blanche, fine,
douée de toutes les qualités extérieures des bonnes terres à faïence, que
renferme le district de Papeari, et qui correspond à un filon du même
genre, placé dans une situation symétrique de l’autre côté du port Phaéton,
dans le district de Vairao. Ce dernier est plus pur, plus blanc, moins souillé
de débris organiques que celui de Papeari, et peut offrir à des colons intelligents de précieux éléments de première installation, sans parler du parti
industriel qu’un homme du métier ne manquerait pas d’en tirer. Nous ne
parlons pas de l’admirable disposition que présentent les belles vallées de
ces districts pour la culture du café ; on pourrait en faire un centre de production immense de cette précieuse denrée ; mais le premier coup de
hache n’est pas donné, et nous avons déjà parlé ailleurs de ce même sujet.
6
Sans doute dérivé du malais tripang, pour l'holothurie ou rori.
107
ii Œiit/eUn de la Société des études- Océan
N° 95. — HAMBLIN (William), à Maraa. Établi sur une étroite lisière
de terrain plan, adossé à la montagne, verticale en cet endroit. Le terrain,
d’une bonne qualité, est par le fait même de sa position, mélangé de cailloux
en certaines
parties. La surface totale de la propriété est indéterminée ; celle
de la partie cultivée est d’à peu près trois-quarts d’hectare, sur lesquels un
quart environ est planté en coton longue-soie, qui, pour une cause ou l’autre, a subi les effets d’un mélange qui a un peu altéré sa qualité.
Deux-tiers d’hectare environ sont consacrés à diverses destinations,
et
plantés en caféiers, qui ont pris un développement remarquable sur cer-
tains points au moins. Personne ne résidait sur le terrain lors de notre pas-
sage, et n’a pu compléter nos renseignements.
N° 96. — FLORES (Antonio), à Papara. Dans le village même, pos-
sède une petite propriété attenant à sa maison, de 40 ares à peu près, et
une tarotière sur la
plage. Le terrain a les qualités communes aux terrains
de toute cette région. M. Florès se livre aux cultures multiples qui, jusqu’à
présent, ont presque été une nécessité pour les petits colons. Ainsi il a cinq
ares de vanille, sur neuf rangs, jeune et n’ayant encore rien produit ; un
carré de cannes à sucre de quelques ares ; des cacaoyers, une tarotière
sur la plage, etc., etc.
M. Florès s’est construit une maison demi-européenne, demiindienne, de charpente et de clayonnage, que nous estimons à une valeur
de 500 francs, y compris un hangar ou servitude.
N° 97 — Un assez vaste terrain, encore divisé en plusieurs compartiments par des enclos en pierres sèches, entoure la petite chapelle catho-
lique de Papara. Ce terrain, défriché, nettoyé, prêt à recevoir n’importe
quelle culture, ne porte que des bananiers rangés avec soin, des patates et
du manioc, sur une superficie qui, pour le premier carré, est de 40 ares,
et pour le second, de 32. C’est l’ancienne résidence du ministre anglais
autrefois établi à Papara. Le terrain est une propriété nationale tahitienne.
N° 98. — THIÉBAUT, Papara. Dans les mêmes conditions que les
précédents, possède une propriété d’un hectare, entourée d’un enclos en
108
N°320 - Septembre / Décembre 2010
pierres sèches. La superficie presque entière a jadis été mise en culture,
mais elle manque d’entretien dans l’état actuel. La vanillière seule a continué longtemps d’être l’objet de soins assidus, et elle se trouve, par conséquent, en meilleur état ; elle couvre une dizaine d’ares. Une autre
vanillière, plus jeune, fait suite à la première, et forme cinq rangs qui n’ont
pas encore produit.
La première a donné, en grande quantité, de très-belles gousses ;
mais, ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire, cette denrée est dépréciée sur la place, et sa valeur oscille entre de telles limites qu’il est impos-
sible d’en évaluer le revenu..
D’autres cultures sont répandues çà et là, mais paraissent avoir été
abandonnées : quelques caféiers assez âgés, des treilles, des mûriers. Une
grande quantité d’indigo y croît aussi en liberté. Voilà encore une de
négligées qui abondent dans l’ile. Mais surtout en ce qui
concerne particulièrement cette dernière, l’on ne peut même pas prévoir
l’époque où le nombre des bras, l’accroissement des moyens industriels,
l’abaissement des salaires, permettront de l’exploiter avec profit.
Sur le terrain s’élève une maison qui a dû avoir une certaine valeur,
mais qui, dans son état actuel de délabrement, peut être estimée 600 francs.
La propriété tout entière a été vendue pour la somme de 4,000
assez
ces richesses
francs.
N» 99- — HORT, Papara. M. Hort possède, sur un terrain magni-
fique, dont la fraîcheur est entretenue par le voisinage de la rivière, une
plantation de caféiers placée dans les plus belles conditions, mais qui, en
ce moment, est envahie par les goyaviers. Outre les caféiers d’un certain
âge, dont quelques-uns sont très-vieux, cette plantation porte aussi une
véritable pépinière de jeunes individus qui peuvent servir à la création de
cultures considérables.
Trois hectares à peu près sont couverts par des plants, mais n’appartiennent pas à la même personne. Les nommés Mahi et Tapiroa possèdent
à eux deux la valeur d’un hectare, M. Hort les deux autres.
L’on ne peut guère considérer cette caféière comme ayant été jusqu’à
présent une exploitation industrielle, mais elle réunit tous les éléments
109
j§5 Ç&idletin de la- Société- des- études Océaniennes-
nécessaires pour le devenir : position, nature du sol, et surtout l’âge et la
belle venue d’un grand nombre des caféiers, qui permettraient d’en
recueillir actuellement les produits.
N° 100. — VICTOR (Charles). Nous passerons sous silence quelques
autres Européens établis à Papara ; ils ne cultivent pas, soit qu’ils reculent
devant la perspective de leurs barrières détruites et leurs plantations envahies par les bestiaux errants, soit qu’ils trouvent dans l’élève, à peu de
frais, de ces mêmes bestiaux, plus de bénéfices assurés que dans le travail
de la terre. Nous pousserons immédiatement notre inspection jusque chez
M. Charles Victor, qui possède un petit terrain enclavé au milieu de la propriété Soarès, partageant, par conséquent, les mêmes conditions agricoles
que nous avons signalées dans notre rapport sur cette dernière. M. Victor
se livre à diverses cultures, mais spécialement à celle de la vanille, qui
recouvre une surface d’une vingtaine d’ares, sur plusieurs rangs espacés
de 2m50 à 3 mètres. Les fruits en sont nombreux et de belle venue, et elle
est bien ombragée et entretenue avec le plus grand soin.
Les autres cultures consistent en arbres fruitiers du pays.
Une maison d’habitation que nous estimons valoir un millier de
francs et deux petites cases indiennes sont les bâtiments de cette propriété.
M. Victor a à son service un indigène de Mangia, payé à raison de 2
fr. 50 c. par jour, et qui n’est pas attaché à l’établissement d’une manière
permanente.
N° 101. — BASQUES, à Papeuriri. Ne cultive, sur un terrain de
médiocre étendue, que des vivres indiens. Il y renoncerait volontiers pour
toute autre plantation, surtout le coton, s’il pouvait
étendre sa propriété.
Il sollicite pour cela l’aide de la Caisse agricole.
N° 102. — LAIDET. Etabü à Papeuriri, sur une propriété où tout est
l’œuvre de ses mains, tâche dans laquelle il a été favorisé d’ailleurs par
l’excellente disposition et la qualité du sol. Comme toutes les terres sur
lesquelles on a tenu à garder intact quoi que ce soit, celle-ci est enclose
de véritables fortifications contre les bestiaux errants, et ce n’est pas
110
N°320 - Septembre / Décembre 2010
toujours suffisant. Ces enclos partagent en deux parties la plantation, qui
forme une surface totale de cinq hectares cultivables, dont deux hectares
et demi sont complètement défrichés et renferment diverses cultures. Dans
l’un des enclos, un hectare est cultivé en coton et a donné 200 üvres de
récolte. Les graines provenaient de chez M. Stewart. Tout le reste est planté
en caféiers et cocotiers ;
le tout entretenu avec le plus grand soin.
Les caféiers, âgés de quatre ans, n’ont commencé à produire qu’il y a
un an, et ont
rapporté 20 liv. de café. M. Laidet les a replantés il y a deux
mois. Il les laisse à dessein un peu engagés dans les broussailles, parce qu’il
a era remarquer que
le puceron n’attaque jamais les plants ainsi couverts.
Dans le second enclos, qui contient la maison et le jardin, se trouve
une vanillière assez
considérable, mais qui ne peut plus rapporter ce
qu’elle coûte de peines et de soins minutieux, depuis qu’à Papeete la
vanille est descendue à 5 ou 6 francs la livre, le plus souvent payable en
marchandises. Il s’y trouve aussi des cacaoyers qui n’ont encore rien rapporté, des arbres fruitiers, etc., etc. Tout cela souffre un peu du manque
de pluie, dont se plaignent tous les colons cette année.
Ce travailleur, qui cultive avec intelligence, est industrieux et expérimenté. Sa maison d’habitation, qu’il a construite lui-même et que nous
pensons devoir estimer à 2,000 francs, est commode et jolie ; son poulail1er en pierres, et surtout son puits couvert, sont des travaux à imiter même
ailleurs qu’à Papeuriri.
M. Laidet, comme tous ceux que nous avons consultés, se plaint du
manque de bras et du taux des salaires ; il travaille seul, et suffit à peine
souvent à l’entretien ou à la défense de sa propriété ; en effet, l’enclos si
coûteux qui la ferme ne suffit pas toujours, et le propriétaire à dû creuser
un fossé d’enceinte le long de la partie qui regarde la montagne.
Du reste, M. Laidet est lui-même chargé de tout un troupeau qui jouit
des bénéfices de la vaine pâture : 60 porcs, 47 bêtes à cornes appartenant
à M. Lamotte, 10 à M. Fiolet, errent en liberté sur le territoire environnant.
N° 103. — PICKETT. Les trois frères de ce nom possèdent à Papeuriri
un terrain assez vaste
qui ne contient que quelques vivres indiens et des
caféiers en petit nombre, d’assez belle venue. Leur principale industrie
111
j^j j j jl bulletin de/ la Société de& études Océaniennes'
jusqu’à présent est l’élève des bestiaux, dont ils possèdent 20 têtes errant
en liberté. Pour cultiver, ils demandent à s’agrandir par l’entremise de la
Caisse agricole.
N° 104. — GIBSON. Au village de Papeuriri, dans un endroit où la
montagne laisse une surface considérable de terrain plan, mais légèrement
sablonneux, entre elle et lamer. La superficie de la propriété actuelle et
celle d’une vaste terre que M. Gibson fait défricher en ce moment, dans le
voisinage, pour y planter du coton, n’est pas déterminée, mais est fort
étendue.
En ce qui concerne les cultures, négligées depuis quelques années,
elles offrent encore des restes importants, et surtout les plus grandes facilités pour être reconstituées. Le coton, planté il y a quelques années, est
le premier qui ait été semé dans lie ; les graines en avaient été demandées
Amérique par M. Gibson.
La canne est destinée, jusqu’à présent, à la nourriture des bestiaux;
il en est de même d’un très-beau carré de mais qui sert aussi à la basseen
cour.
Le reste consiste en un peu de vanille et des vivres indiens, manioc,
etc.
Depuis longtemps, deux hommes indigènes suffisaient aux travaux
qu’exigeait l’état actuel de la propriété ; le nombre en a été augmenté
selon le besoin. En ce moment, quinze travailleurs sont occupés à défricher le terrain dont nous avons parlé plus haut.
Les bâtiments consistent en une belle et vaste maison de plaisance et
d’habitation, formant le centre de plusieurs autres coips de logis, magasins, servitudes, etc., etc., construits avec le plus grand, soin et dont la
valeur approximative est de 15,000 à 20,000 francs.
N° 105. — VARGAS (Jose-Manoel), à Papeuriri. A sa propriété sur
un bon
terrain, légèrement parsemé de gravier en ce moment, résultant
de son envahissement par la mer ou la rivière limitrophe à diverses
époques. Cette situation, dans l’angle formé par la mer qui inonde la plage
et un cours d’eau sujet à déborder, lui ravit une partie des avantages qu’il
112
N°320 - Septembre / Décembre 2010
devrait sans cela au voisinage de ce dernier, source inépuisable de fraîcheur pour le sol aux plus fortes sécheresses de l’année.
M. Vargas possède une vingtaine d’ares en toute propriété, mais il a
la jouissance d’une bien plus grande superficie. Il n’a point le plan du terrain qu’il a payé, et sur lequel il est établi depuis juin 1863.
Il ne cultive pas de coton.
Son café, très-soigné, n’a guère produit encore que six livres. Il est
de belle venue, quoique sur une terre menacée du débordement de la
rivière.
Le cacao n’a pas encore donné de récolte.
Le tabac, la culture principale, vient parfaitement, tant sur le propre
terrain de M. Vargas que sur celui dont il a la jouissance. Il lui a rapporté
750 francs en 1863, 300 francs en 1864 ; mais il ne compte, cette année,
à cause de la sécheresse, que sur une somme de 200 francs. Ce tabac, mis
en carottes et
manipulé par lui, est porté à Papeete et vendu aux navires.
Les cannes, destinées à la nourriture des bestiaux, couvrent un quart
d’hectare. Le manioc, que le propriétaire exploite en fécule, et qu’il mani-
pule lui-même, lui assure un petit revenu.
Il possède en outre 2 chevaux, 30 porcs, et 50 bêtes à cornes à l’état
errant, dont il vend de temps en temps un individu à Papeete.
M. Vargas voudrait s’agrandir du complément de la terre dont il culfive une partie, mieux placée, comme sécurité du côté de la mer et de la
rivière. Il voudrait y ajouter quatre ou cinq hectares de bonnes terres à
demi-défrichées, situées derrière les siennes, pour augmenter et varier ses
cultures, auxquelles il adjoindrait le coton.
Il tiendrait à obtenir ces terrains, n’étant plus sûr de garder la portion
qu’il cultive chez un autre. A la suite de difficultés au sujet des cases
métriques et de leur territoire, il n’a pu faire ratifier un marché de vente
dont il était convenu avec le propriétaire. Aujourd’hui, celui-ci refuse de
conclure. M. Vargas paierait d’ailleurs, sans avances, ces achats, pour lesquels il réclame simplement l’entremise de la Caisse agricole.
N° 106. — POHUE, chef de Papeuriri. A fait défricher au mois de
septembre, et planter à partir du 5 octobre, plus de trois-quarts d’hectare
113
Œid/ctin de la Société des- études- Océaniennes
de coton, dont les graines avaient été fournies par M. Stewart. Le défriche-
ment, pour lequel on employait la méthode usitée sur la plantation Soarès,
marchait avec une extrême rapidité, et chaque jour augmentait l’étendue
de la plantation.
Ce chef possède déjà, à Punaauia, une belle exploitation cotonnière,
dont nous avons parlé. C’est lui qui, juste appréciateur de la valeur et de la
grande surface des belles plaines du district, a proposé à tous les propriétaires de terres de s’associer pour former de toutes ces parcelles une vaste
plantation, exploitée à frais communs, à la culture et aux bénéfices de
laquelle tous concourraient. Cette application de l’instinct d’association,
que possèdent les Indiens, à la grande culture industrielle, est remarquable.
N° 107. — MALLET. Après le défrichement en activité, mais récent
de Mme Henry, qui néanmoins embrasse déjà plusieurs hectares, la première culture régulière que l’on rencontre est celle de M. Mallet, Français,
étabü sur un sol d’excellente qualité, dont la surface totale, plaine et mon-
tagne, est de douze hectares au moins.
Un hectare seulement est défriché et mis en culture en coton et tabac.
Le coton, qui couvre un demi-hectare, provient de graines fournies par M.
Gibson, et a déjà rapporté 304 francs. 11 est fort beau, de qualité supérieure. Cependant M. Mallet, sur des renseignements assez singuliers, et
dans tous les cas erronés, s’occupait à le détruire, en plein épanouissement, lors de notre passage, pour le remplacer par des graines provenant
de chez M. Stewart. Nous l’avons arrêté à temps pour sauver une partie
d’une belle récolte de fort beau coton. Il veut agrandir cette culture, et
défriche à cette intention.
Le tabac, qu’il travaille lui-même, et qu’il vend tout préparé en
carottes, lui a rapporté cette année 200 fr. Il couvre avec quelques vivres
indiens le reste de la plantation.
M. Mallet a l’intention de planter du café dans la montagne, mais il
manque de bras pour entreprendre un travail de quelque importance.
Il possède quatre têtes de bétail et un cheval.
En ce moment, il est occupé à s’enclore à grands frais, pour renforcer ses barrières renversées continuellement par
114
les bestiaux errants. Non
N°320 - Septembre / Décembre 2010
seulement il verrait avec reconnaissance la mesure du parcage des bes-
tiaux, mais encore, en nous faisant remarquer que les plus déprédateurs
de ces animaux étaient les porcs, il proposait d’enfermer de suite ces der-
niers, et, pour sa part, se disposait à leur bâtir immédiatement un enclos.
Il se plaint aussi des excursions nocturnes des Chinois, qui déjà se
sont introduits dans sa maison et ont tenté de le faire une seconde fois.
Ce colon, qui s’est installé sur cette terre avec la ferme intention de
la mettre sérieusement en valeur dans toutes les limites des moyens dont
il pourrait disposer, l’a acquise par l’entremise de la Caisse agricole. C’est
un travailleur
N° 108.
intelligent et actif.
—
Dans le village même de Papeari, quelques timides essais,
de petits carrés isolés au-devant des cases, représentent seuls la culture
du coton, au milieu d’assez pauvres jardins de vivres indiens et de cocotiers inexploités. Ce sont des femmes qui ont entrepris ces petites plantations ; ainsi l’Indienne Tihiva a planté en coton, provenant de graines
fournies par M. Gibson, un carré de quelques mètres de côté ; il est de
belle venue, et a déjà produit un sac d’une trentaine de livres, de la meilleure qualité. Une autre femme, du nom de Fanao, a planté aussi et récolté
quantité pareille du même coton.
Sauf quelques plants de cannes qui réussissent admirablement, et un
peu de manioc, les habitants de ce district n’ont aucune culture. Tous possèdent des animaux nourris sur le commun, dévastant à leur aise toute la
campagne ; les uns sont propriétaires de 11, 12, 15 têtes de bétail ; les
autres sont chargés, en outre, de troupeaux étrangers. Aussi le bétail estil de beaucoup trop nombreux pour l’alimentation précaire que lui offrent
ces régions boisées ; les échantillons que nous en avons vus sont
maigres
et dégénérés. Sans compter les troupeaux des blancs, plus de l60 bêtes à
une
cornes vivent à l’aventure sur ce beau territoire.
Les habitants accueillent cependant avec plaisir la proposition d’abo-
hr le libre parcours des bestiaux ; mais ceux qui leur avaient expliqué la
question avant nous l’avaient fait d’une manière singulière. Il s’agissait non
pas d’enclore les animaux, mais bien d’enceindre solidement les terres
cultivées. C’était faire la part, et bien petite, à grands frais, de la culture,
115
au bénéfice des bêtes errantes :
c’était la culture qui se trouvait parquée,
et le district restait le domaine de ces gênants voisins. Après les éclaircissements qu’ils ont reçus à cet égard, ils ont paru accueillir avec plaisir la
proposition analogue, mais d’effet contraire, de restreindre le parcours
des bestiaux au bénéfice de la culture.
N° 109. — BOTTIGER. Établi au milieu des bois, sur un terrain non
mesuré, mais dont il met en œuvre un hectare à peu près ; il n’a
de cultures que des vivres indiens et du tabac fort beau, bien soigné, qui
encore
lui rapporte environ 300 francs par an.
Il voudrait s’agrandir pour défricher et planter du coton et du café ;
ce dernier surtout se
développe d’une façon prodigieuse sous, ces grands
ombrages. M. Bottiger demande dans ce but l’aide de la Caisse agricole.
Il a bâti lui-même la maison qu’il habite et son enclos.
Il a en cheptel un troupeau de 70 bêtes à cornes et 4 truies, appartenant à M. Champs, et vivant en liberté sur les propriétés du district.
Yairao, Teahupoo
Jusqu’à Taravao, à partir de chez M. Bottiger, l’on ne rencontre plus
que le désert, mais le désert enseveli sous une magnifique végétation,
coupé de rivières coulant à pleins bords en pleine saison de sécheresse.
De vastes plateaux que l’on pourrait utiliser s’ils ne manquaient d’eau, permettent de plonger le regard, du côté de l’intérieur de lie, sur un véritable
océan de forêts, suivant les ondulations du terrain et dessinant de larges
et profondes vallées : tout cela muet, improductif, inexploré même, bien
qu’on nous ait parlé d’un sentier quelquefois suivi par les Indiens pour
aller à Tiarei par les montagnes.
La presqu’île de Taiarapu, de Taravao à Teahupoo, offre sur son
rivage, que découpe profondément le port Phaéton, un aspect plus riche
encore peut-être que le district de Papeari. La mer y offre des ports nombreux et bien abrités ; la terre, de vastes surfaces planes, dont une partie,
près de Taravao, pourrait être facilement transformée en prairies artifi-
116
N°320 - Septembre / Décembre 2010
cielles ; la montagne, enfin, de larges vallées qui n’attendent que le caféier.
Mais toutes ces richesses sont encore perdues pour l’homme ; personne
n’a touché à ce splendide domaine de la nature sauvage.
C’est surtout vers Teahupoo que le monde des plantes revêt toute sa
puissance, tout son luxe ; la couleur même annonce plus de vigueur ; rien
ne donne dans l’île une idée de cette
explosion de vie végétale. Là encore,
sauf deux ou trois points où la montagne vient baigner sa base dans la mer,
il y a des surfaces cultivables inattendues, sur le sol le plus riche que l’on
puisse imaginer.
N° 110, —JOSE (Antonio). Cultive un terrain de bonne qualité, d’environ un demi-hectare. Il se livre principalement à la plantation du
cacaoyer et du caféier, mais n’a pu encore les exploiter d’une façon
sérieuse. Trente cacaoyers nouveaux n’ont rien produit, trois déjà anciens
portent des fruits.
Un grand nombre de caféiers sont atteints du puceron, quelques-uns
sont déjà morts.
Sa principale exploitation consiste dans l’élève du bétail. Il possède
40 bêtes errantes, 30 porcs, et 10 chevaux, dont 5 sauvages, et déclare
avoir déjà perdu 22 têtes par suite de ce système d’élevage.
Les bâtiments de sa petite plantation consistent en une maison d’ha-
bitation et un hangar, que nous pouvons estimer en tout à 1,000 francs.
La seule plainte qu’il ait à formuler concerne les vols périodiques de
bestiaux ou vivres auxquels il est exposé, lors de la récolte des oranges,
de la part des indigènes qui viennent en bandes fabriquer du cidre avec
ce fruit
(avaanani),
N° 111. — DARCIN, à Vairao. Établi depuis 1847 dans le pays, pos-
sède deux hectares et demi de terrain excellent, dont il a défriché et cultivé
avec soin un hectare et demi. Toute sa
propriété est enclose d’une véritable
fortification pour la mettre à l’abri des animaux.
Une grande partie de cette surface est consacrée à des vivres, manioc,
bananiers, féi, etc., etc. Deux cents pieds de caféiers bien entretenus ont
fourni, jusqu’à présent, en moyenne, 38 livres par an, la consommation
117
Ç&id/etin da la Société da& études &ccanienne&
du propriétaire. Le coton, qu’il n’a semé que comme essai, quarante pieds
environ, vient avec vigueur. C’est du longue-soie, qu’il voudrait planter sur
plus grande étendue, et c’est dans cette intention qu’il demande à
s’agrandir par l’entremise de la Caisse agricole. Enfin, il a 113 cocotiers
déjà anciens.
Il possède, en outre, 19 bêtes à cornes, rentrant le soir dans un
parc,
une
et 60 porcs.
Ce colon est fort actif et très-industrieux. Sa maison, qui est commode
et bien entendue, est son œuvre. Il a mis à
profit la belle terre blanche des
environs, et s’en est servi pour construire un four bâti dans de telles condifions de solidité que, seul, sur l’habitation de M. Milliard, il est resté intact
au milieu des bâtiments
N° 112.
—
emportés par le ras de marée du 3 février.
MILLIARD, Vairao. Ne possède guère que des bestiaux. Les
terrains qui environnaient sa maison, sa maison elle-même ont été boule-
versés par le ras de marée. Il voudrait acheter du terrain pour cultiver, et
demande pour cela l’entremise de la Caisse agricole. Les terres qu’il a en
vue ne contiennent
pas moins de 30 hectares. Il a, d’un autre côté, des titres
de donation de terrains de la paît de la reine, mais non régularisés.
Il possède en ce moment environ 200 têtes de bétail, un cheval et 30
porcs.
N° 113. — VEHIAIUA, chef du district de Teahupoo. Cultive en coton,
mais et tabac une surface qui s’accroît chaque jour par le défrichement,
mais qui est traversée par une de ces veines de pierres analogue à ce
que
nous avons
signalé dans d’autres parties de l’île. Le tabac est cultivé pour
sa consommation et celle des siens.
Les graines de coton qu’il a employées proviennent de la Caisse
agit-
cole. Une partie de son terrain, un demi-hectare, a été plantée en août,
septembre. Le défrichement continue, et livrera au coton
trois-quarts d’hectare.
Le maïs est en plein rapport.
Il n’a qu’une vache, et nous assura que la plupart des
Européens possesseurs de troupeaux n’ont pas de
propriétés dans le district.
une autre en
encore
118
N°320 - Septembre / Décembre 2010
N° 114. — TAOETOROA, oncle du précédent, à Teahupoo. Avait déjà
préparé et planté quelques ares de terrain au mois d’août. Le coton qu’il
a semé est de belle venue, mais n’a encore rien produit. Un demi-hectare
est en ce moment prêt à en recevoir de nouveau, toujours de la même provenance (Caisse agricole). Le reste de la propriété, dont la surface est mal
déterminée, est cultivé en vivres indiens, en tabac, ou garni de cocotiers
inexploités, au moins en huile.
Là, aussi, nous avons trouvé un ht de cailloux, dirigé presque exactement dans le sens de la grande coupée qui communique avec la vallée
de Tautira.
Tautira, Pueu, Afaahiti
Moins favorisés par la nature que les districts de l’autre côté de la
presqu’île, moins peuplés, et en contact moins direct avec Papeete, ces
trois districts présentent cependant des parties d’une remarquable beauté.
La vallée de Tautira n’a rien à envier aux vallées des autres cantons de l’île,
et l’on trouve encore, en beaucoup d’endroits, de larges étendues
d’excel-
lentes terres, couchées entre la base des montagnes et la plage. Il est vrai
que là, non-seulement la culture, mais la notion même de la culture man-
quent complètement, sauf des exceptions si rares que nous ne pouvons
manquer de les citer.
Le voisinage du fort, à Taravao, a concentré en cet endroit un peu de
travail et de mouvement, mais dans des proportions bien restreintes, et
qu’un état de lutte permanente avec les bestiaux privilégiés n’est pas fait
pour diriger vers l’exploitation agricole. Là cependant il y a, sur les deux
côtés de l’isthme, de vastes plateaux dont l’irrigation serait possible, et qui,
en tous cas,
offrent déjà une vigoureuse végétation ; des terrains bas, des
marais d’un dessèchement facile. Mais, là aussi, il manque des bras,
comme dans toutes les
parties de l’île.
De tous ces districts, le mieux disposé pour la culture est Tautira, où
la plaine a une certaine étendue ; à Pueu les habitants ne paraissent décidés
ni à planter, ni à supprimer la vaine pâture, et cependant ils ne possèdent
119
Œid/etin de- ta Société des études- Océan
pas de bestiaux. Le motif qui les fait agir dans cette circonstance est assez
difficile à définir ; eux-mêmes ne l’expliquent pas bien clairement.
A Afaahiti, rien, n’est planté, rien n’est cultivé, même dans les enclos
formidables dont ils entourent leurs cases. Ils n’ont pas de bestiaux à eux,
mais n’hésitent pas, au dire des voisins, à prélever une dîme sur ceux des
environs. C’est un pauvre district, contenant une vingtaine de hui-raatira,
dont une partie est souvent employée à des corvées personnelles par leur
chef titulaire, Ariiaue.
Enfin, pour terminer ce qui a rapport à l’examen général de ces districts, nous ferons remarquer que le régime des eaux y est tout différent
de ce qu’il est sur le côté opposé ; les rivières y sont larges et profondes,
les pluies fréquentes, tandis que l’autre versant n’a que des ruisseaux et
se trouve
garanti des pluies par les montagnes,
N° 115. — MANO, Tautira. Possède et fait valoir un assez grand nom-
bre de pieds de caféiers, au Pari, à la pointe extrême de la presqu’île. Bien
que cela ne constitue guère une plantation régulière, nous avons cru
devoir le citer comme une exception dans ces districts.
N° 116. — ARATO, Pueu. A défriché, dans un sol excellent, un hectare et demi, dont le travail est terminé, et
qui est prêt à recevoir les
le propriétaire tient de M. Brander.
Quelques autres habitants vont, disent-ils, se mettre à l’œuvre et en
faire autant. La belle venue des cannes, du tabac et des vivres indiens cultivés par quelques-uns d’entre eux est une garantie de la bonne qualité du
semences que
terrain.
N°117. — Au fort (Taravao) qui domine l’isthme se trouve annexé
jardin potager, parfaitement entretenu, et auquel nous accordespéciale, en raison du système d’irrigation, aussi simple
que bien entendu, qui amène, d’une assez grande distance (1,400
mètres), l’eau sur ce plateau élevé.
M. de Lespiney, commandant le poste, pendant la sécheresse extraordinaire de 1865, eut l’idée ; autant pour arroser le jardin (ce qu’il eût
un vaste
rons une mention
120
N°320 - Septembre / Décembre 2010
été impossible de faire suffisamment sans cela) que pour éviter aux
hommes de la garnison la pénible corvée d’aller chercher leur eau à une
grande distance, d’amener sur le plateau une partie d’une petite cascade
située dans la montagne et qui ne tarit jamais. La matière première était
sous la main, et le bambou fit les frais d’un aqueduc, qui, tantôt élevé
sur des perches, tantôt au niveau du sol, tantôt au-dessous, n’a jamais
cessé de débiter un jet de la grosseur du bras dans un bassin creusé au
milieu du jardin. Ce système est d’usage commun en Chine et dans
l’Inde ; il avait été employé chez M. Stewart pour le service de la maison
d’habitation, mais M. de Lespiney n’en a pas moins le mérite de l’avoir,
le premier à Tahiti, appliqué à un service d’utilité publique. Nous
venions de visiter des plaines desséchées, des récoltes perdues par le
manque d’eau, et nous pensions que cet appareil, si simple et si peu
coûteux, modifié suivant l’importance des cultures, les eût sauvées. La
chose est faisable, car à une moindre distance que celle qu’a franchie
M. de Lespiney, il est possible de trouver à peu près partout une prise
d’eau à un niveau convenable.
N° 118. — DEVOUGE, à Afaahiti. Établi dans les environs du fort, sur
une des
pentes du coteau, sur de beaux terrains, dont une partie, celle qui
est sur le plateau, manque d’eau dans les années de
sécheresse. La super-
ficie totale est de 64 hectares, sur lesquels trois sont complètement défrichés et nettoyés. M. Devouge nous a dé- claré avoir jadis acheté et payé à
la reine 250 hectares, dont les 64 qu’il possède actuellement lui auraient
seuls été livrés.
Il a semé, il y a peu de temps, des graines de coton provenant de chez
MM. Stewart et Gibson, qui lui ont déjà donné des produits de bonne qua-
lité. Il avait aussi planté trois-quarts d’hectare de graines mêlées, dont les
animaux errants n’ont pas laissé de vestiges.
Quatre cents pieds de cocotiers qu’il avait plantés sur sa propriété
ont eu le même sort. Aussi M. Devouge est-il tout prêt à se conformer,
pour sa part, au parcage des bestiaux, bien qu’il en possède un certain
nombre. En effet, l’entretien et la réparation des clôtures lui prennent un
temps précieux et lui coûtent un travail renouvelé sans cesse.
121
Œalletin do la Société de& ètude& &céa/ite/isie&
Il possède 35 têtes de bétail, mais en considère une douzaine comme
perdues, ayant été volées par les indigènes. Il avait plusieurs chevaux, dont
des larcins successifs ont réduit le nombre à un ; il a aussi un troupeau
de 120 porcs.
La principale industrie de M. Devouge est la fabrication de l’eau-de-
vie à l’aide des fruits sucrés du pays, ananas, évi, etc., etc. Son alambic est
de la capacité de 2 hectolitres, et lui fournit annuellement 1,200 à 1,500
litres de produits spiritueux vendus à Papeete, et qui, sur place du moins,
et après une année
d’âge, sont de très bonne qualité.
M. Devouge n’a aucune demande à formuler ; il se plaint seulement
des déprédations de ses voisins indigènes.
Hitiaa, Mahaena, Tiarei, Papenoo
Nous mettons ces quatre districts sous le même paragraphe, en raison des
analogies frappantes qu’ils présentent, non-seulement sous le rap-
port de la position, mais encore sous celui de la constitution physique.
Partout, dans l’Ouest, une lisière de terrain plus ou moins large sépare la
mer de la base des
montagnes ; ici, on ne trouve que des vallées plus ou
moins étendues, plus ou moins profondes, qui s’ouvrent sur la mer, sépa-
rées par de hautes crêtes qui viennent s’y terminer brusquement. Dans
l’Ouest, le récif qui suit le rivage y forme partout des ports et des abris ;
ici la mer du large bat en côte avec toute sa violence, sauf du côté d’Hitiaa,
où se trouve un port assez commode. Toutes les vallées de l’Est, en
revanche, sont arrosées par des cours d’eau considérables, encore dangereux dans leurs caprices, mais que l’industrie humaine pourrait dompter et faire servir à ses intérêts.
Les conditions dans lesquelles se trouvent placés ces districts, par leur
éloignement du centre commercial et la difficulté des communications, les
général qui s’opère en ce moment dans
le reste de Me. Les vivres indiens sont cultivés dans les villages ; quelques
particuliers ont planté un peu de coton, mais les magnifiques terrains
a tenus en dehors du mouvement
122
N°320 - Septembre / Décembre 2010
d’Hitiaa sont toujours couverts de forêts, et le grand
cirque de Papenoo,
que dominent tous les sommets de l’ïle, n’a même pas été exploré.
Toutes ces terres sont de qualité excellente jusque sur les hauteurs.
Le climat, plus humide, toujours pluvieux, de ce côté de
l’île, ne les laisse
jamais manquer d’eau. Des indigènes avaient su apprécier tous ces avantages, et l’on retrouve des vestiges de leurs plantations sur les bords de la
route, plantations qui, malgré leur assez grand développement, végétèrent
toujours sous l’empire de la vaine pâture et l’absence de débouchés, et
auxquelles la concentration forcée des populations vint enfin, en 1862,
porter le dernier coup.
C’est ainsi que les cultures de Maraetata et Rutia furent abandonnées.
Le nommé Opio, à Faone, a dû louer son moulin à cannes, devenu inutile
;
un autre a laissé sur le terrain
moulin, chaudières et fourneaux, couchés
en désordre parmi les hautes herbes.
Dans tous ces districts, néanmoins, on soigne les cultures
indigènes :
le taro, le manioc, la canne, le tabac surtout, viennent bien, mais sous
l’oeil du maître, autour des cases, sauf à Tiarei, Mahaena et
Papenoo, où
les habitants ont su se mettre à l’abri des déprédations des bêtes errantes.
A Mahaena, c’est un parc parfaitement fermé et
entretenu, qui a sa comptabilité en règle, avec les noms des propriétaires, les
partages de frais
communs, etc., etc. Ainsi ils possédaient à notre passage :
72 boeufs ou vaches, dont 5 venaient d’être vendus ;
22 chevaux, dont 1 venait d’être vendu ;
291 porcs, dont 14 vendus récemment;
57 chèvres.
Les animaux étaient magnifiques et bien
soignés, à tel point qu’une
quinze ans, en aurait
déjà produit 46, dont 38 ont été livrées à leur propriétaire.
seule bête, confiée à ce parc par M. Darüng il y a
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
A Papenoo, ils ont l’intention de diminuer encore
l’espace qu’ils
avaient livré aux animaux, et de les renfermer dans une vallée où leurs
propres troupeaux et ceux de quelques Européens seront en sûreté. Leur
immense vallée leur offre toutes facilités pour cela.
123
N° 119. — BUTCHER, à Faone. Cultive une petite propriété qu’il a
couverte de cocotiers. C’est la seule de ses cultures qui pourrait
offrir un
intérêt industriel, si l’on savait tirer ici du coco ce qu’il peut donner.
N° 120. — FRASER, à Hitiaa. Commence une plantation de coton
assez
importante dans une petite vallée. Le mur d’enceinte est déjà fait, le
terrain préparé. Il forme le vœu que l’on facilite les communications par
terre entre les diverses parties du district.
N° 121. — HENRY, à Hitiaa. Établi sur un bon terrain en plaine, bien
arrosé et propre à toutes les cultures. Il a défriché complètement deux
hectares, dont un, planté en coton et mais, n’a encore rien produit à cause
de la lenteur du travail causée par le manque de bras. Le défrichement n’a
pu commencer qu’en juillet, et la plantation en août, par le moyen des
hommes du district, pris à l’entreprise, quand les corvées ne les retenaient
pas. Le travail de la terre lui revient ainsi à 250 fr. l’hectare, dont 150 fr.
pour le défrichement et 100 fr. pour la culture, l'ensemencement, etc.
Il a semé des graines provenant de chez M. Stewart, et défriche à la
manière employée sur la plantation Soarès.
M. Henry possède aussi un troupeau de 42 têtes de bétail, dont une
partie est parquée et le reste dans la vallée de Papeia.
Une johe et confortable maison d’habitation, un jardin, des arbres
fruitiers achèvent de donner à cette plantation un air d’aisance et de civilisation qui contraste avec l’état un peu sauvage des environs,
N° 122.
—
TEPATUA. A planté plusieurs mètres carrés de coton, pro-
venant de graines de chez M. Brander. Il a quelques produits encore insi-
gnifiants, de belle qualité. Les gens de ce district paraissent mal renseignés
sur la question de la culture du coton. Ils planteraient, disent-ils, mais ils
n’ont pas de graines, et ne savent comment, plus tard, écouler leurs produits ; mieux renseignés, surtout sur la gratuité de la distribution des
graines, ils viendront sans doute en chercher.
N° 123. — TAÏMETUA. Comme le précédent, a semé du coton sur un
espace restreint qu’il veut agrandir, surtout à la vue de ses produits, qui
N°320 - Septembre / Décembre 2010
sont de très belle qualité, mais en quantité encore insignifiante. Il a semé
des graines provenant de la Caisse agricole.
N° 124. — ROURA. A défriché et mis en état de recevoir du coton un
hectare de bonnes terres.
A défaut du coton, les gens du district ont planté jusqu’à présent, et
plantent encore, des milliers de cocotiers.
N° 125. — TAI, à Tiarei. À défriché il y a un an et planté en janvier
quelques ares de coton, avec des graines provenant de chez M. Brander.
Son intention était d’étendre sa culture, mais l’érection des cases
métriques ne lui a pas permis de travailler d’une façon régulière à cet
agrandissement.
N° 126. — TAUTE. A planté un are à peu près de coton qu’il a semé
graines provenaient de la Caisse agricole, et les produits qu’il
obtenus, insignifiants comme quantité, sont magnifiques comme qualité.
Quelques plants seulement ont été altérés par le voisinage du coton tahitien.
en mars. Les
a
N° 127. — MOEINO, Tiarei. A déjà défriché d’une façon complète
près d’un hectare et demi d’un riche terrain, et plante maintenant. Six ares
avaient été nettoyés et semés en août avec des graines provenant de la
Caisse agricole, mais la sécheresse a retardé sa croissance. Il est vrai que
c’est peut-être à cette même sécheresse que ce coton doit l’absence du
borère7 dans ses bourgeons.
Moeino continue à défricher et à planter, mais il est seul et n’a pas
toujours à sa disposition les outils nécessaires.
N° 128. — HAUMU, chef mutoi, Tiarei. S’est mis à l’oeuvre et a atta-
qué, pour la défricher en entier, une surface de plus d’un demi-hectare
qu’il plantera en coton. Quatre ares, commencés en septembre, sont déjà
7
II s'agirait d'un lichen.
125
bulletin de la Jociété des études Océaniennes
défrichés ; un are est planté avec des graines en revenant de chez M.
Stewart. Le travail est bon et le défrichement bien entendu. Il manque de
bras et surtout des outils nécessaires.
N ° 129. — METUARO, Tiarei. A déjà défriché un hectare et demi
d’un sol riche et bien situé, et continue le nettoyage du terrain. Il a cornmencé en juin, et près d’un hectare a été ensemencé depuis cette époque
avec des
avec des
graines provenant de la Caisse agricole. Les semis se poursuivent
graines de chez M. Stewart. La mise en œuvre est fort bonne et le
défrichement s’effectue par la méthode de la plantation Soarès.
Metuaro se plaint aussi du manque de bras, et offrait de
comme travailleurs
prendre
payés les prisonniers ou débiteurs de l’État qu’on vou-
draft mettre à sa disposition.
L’on ne peut attribuer le nombre imprévu des cultures à Tiarei, et
l’ensemble avec lequel tous se sont mis à l’œuvre, faisant des essais et
acquérant ainsi l’expérience qui leur manquait, qu’à l’influence du chef
Hitoti, que son éducation européenne a mis à même d’apprécier les véritables intérêts de son pays, et la nécessité de ne négliger pour lui aucun
des moyens de civilisation.
Haapape, Papaoa
Le district d’Haapape, qui termine l’île du côté du nord, participe
à
la constitution physique des districts de l’Est, mais étend sur des espaces
infiniment plus grands sa plaine couverte de forêts. Aussi beaux, aussi
riches qu’à Hitiaa, ces terrains, qui pourraient devenir le théâtre d’une
exploitation de premier ordre, ont l’inappréciable avantage d’être voisins
du centre commercial de l’île, d’avoir un port et des communications
faciles avec tous les points de la côte. Malgré ces ressources, Haapape est
à peu près nul sous le rapport de la culture, et le chef titulaire, toujours
absent, ne peut guère encourager les efforts qui seraient tentés.
Du côté de Papaoa, le pays revêt peu à peu le caractère qu’il conservera
jusque vers Maraa, sur le même côté de l’île. La largeur de la zone riveraine
126
N°320 - Septembre / Décembre 2010
va en
augmentant à partir des sables de ïahara ; le sol n’a pas cette richesse,
la végétation cette exubérance si remarquable dans les vallées de l’Est. Il est
partout fécond et puissant encore cependant, et pourrait enrichir celui qui
l’utiliserait ; mais à Papaoa, moins encore peut-être qu’à Haapape, le travail
de l’homme n’a disputé sa richesse à la terre. Des vivres indiens forment
toutes les cultures des habitants, sauf deux ou trois petits carrés plantés en
coton à titre d’essai devant les cases métriques, et entretenus par les femmes.
N° 130 — CONTRAUT. Établi à Haapape dans les meilleures conditions de sol et de position, possédait depuis 1855 un terrain d’un hectare,
qu’il a porté à neuf depuis quelques mois. Il n’a, en fait de cultures, qu’un
enclos bien entretenu attenant à sa maison, et occupé par un jardin potager d’un quart d’hectare, un hectare en féi, de nombreux cocotiers, des
arbres fruitiers et une belle vanillière.
M. Contraut utiliserait bien le reste des terrains en friche qu’il a en
plaine, mais les bras manquent ; les gens du district sont souvent employés
aux corvées commandées par leur chef, et la population capable de travailler se trouve diminuée d’autant. Avec l’intention de planter du coton,
il recule devant les prix qui lui sont demandés pour le défrichement pur
et simple : ce n’est pas moins de 450 à 500 francs l’hectare.
La vanille est belle et couvre une grande étendue de son jardin, mais
ce produit est déprécié en ce moment. Elle lui a rapporté jusqu’à 2,000
livres, à 60 francs la livre en moyenne ; aujourd’hui, il n’en peut trouver
plus de 25 francs.
Il occupe un Espagnol en ce moment, mais, pour les travaux de sa propriété, il n’a jamais employé que des Mangaréviens ou des indigènes de
Rarotonga. Cette terre forme la dépendance d’une assez jolie maison d’habitation, accompagnée d’une servitude. Nous estimons le tout à 4,000 francs.
M. Contraut possède un cheval. Ce propriétaire se plaint assez vivement des déprédations de ses voisins indigènes ; déprédations qui nous
ont été signalées assez généralement.
N° 131. — TAHURAHI, Papaoa. A planté un are et demi environ de
coton, dont les graines provenaient de la Caisse agricole et qui n’a pas
127
Çdiii/lelin de /a Jociété des études* Océanienn
encore produit. Deux autres petits terrains, l’un d’un are et
demi, l’autre
de deux ares, appartenant aux nommés Taro et Maa, ont été préparés et
ensemencés dans les mêmes conditions. Ces trois personnes sont les
seules qui, à cette époque, avaient planté à Papaoa autre chose que des
vivres indiens.
Tel que nous avons l’honneur de vous le soumettre, Monsieur le Cornmissaire Impérial, ce tableau n’est que l’expression fort imparfaite de ce
qu’est actuellement lHe au point de vue agricole et de ce qu’elle peut devenir. Certainement, beaucoup de choses ont été faites, bien des
progrès réahsés, et l’on peut, au seul examen des vœux d’agrandissement, au genre
de demandes que formulent les planteurs, se convaincre que les mesures
protectrices de l’agriculture récemment prises agissent de plus en plus
énergiquement. Cependant, jusqu’à ce jour, une mince hsière seulement
du territoire cultivable de l’île a été attaquée par le défrichement, qui
n’embrasse guère plus de 1,200 hectares en dehors de la belle plantation
de la Compagnie Soarès, et quelque restreinte que soit sa surface comparée au pays tout entier, les efforts de l’homme y marquent à peine leur
trace. De grands terrains cultivables existent à Haapape. Dans l’Est, dans
la presqu’île même, sur le rivage, des bois impénétrables recouvrent et
dissimulent des espaces dont on ne peut apprécier l’étendue, où la voix
humaine trouble rarement les animaux errants qui les parcourent en
liberté. Ce ne sont pas, en outre, des terres de qualité ordinaire, que ces
couches d’humus d’une épaisseur qui passerait pour fabuleuse en Europe,
et résultent de la lente accumulation des détritus
végétaux à la surface du
sol. Des siècles ont travaillé à composer cet engrais que l’industrie
humaine ne saurait épuiser de longtemps.
Les bois qui ont contribué à la création de ce
précieux terreau, et qui
étalent à sa surface leur puissante végétation, forment presque partout une
sorte de trompe-l’œil qui a pu induire en erreur ceux qui,
jusqu’à présent,
ont essayé d’évaluer la superficie du sol cultivable à Tahiti. Partout où
une trouée a été
128
faite, où l’on a pu plonger le regard jusqu’au pied de la
N°320 - Septembre / Décembre 2010
montagne, l’on a trouvé des distances inattendues, des espaces propres à
même pas l’existence.
Si, dans la portion même de l’île que traversent les routes, où sont
tous les genres de cultures, dont on ne soupçonnait
accumulées les habitations, les plantations, l’activité, nous en sommes
sujet de l’importance des ressources
agricoles de Tahiti, que devons-nous penser des parties qui nous sont à
peu près inconnues, de cet intérieur qu’il n’est encore possible de
contempler qu’à distance, et qui offre peut-être à des exploitations de
tous genres des richesses dont nous n’avons pas l’idée ? La vigueur avec
laquelle les plus grands arbres s’élancent sur des pentes abruptes, sur
des sommets impraticables, donne la mesure de ce que doivent être le
fond des vallées, les bassins qu’ils dominent, réceptacle naturel des
débris organiques, de toutes les substances fertilisantes que la végétation
encore à cet état d’incertitude au
entretient et renouvelle sur leurs flancs. Et ces bassins ne sont pas tou-
jours, à coup sûr, des ravines étroites, de gigantesques déchirures ; plus
d’une fois, après avoir franchi une gorge resserrée entre des murailles à
pic, dissimulées par des massifs d’arbustes ou le sombre feuillage des
grands arbres, l’on s’est trouvé dans un véritable cirque, au fond large,
aplani, qui, débarrassé des broussailles et des bosquets qui ne permettent
pas d’abord d’en apprécier la surface, prend des proportions considérablés. Des centaines de mètres séparent réellement des pentes qui semblaient se confondre à leur base.
Enfin, nous ne devons pas passer sous silence le magnifique privilège
que cette île favorisée possède à côté de tant d’autres. Nous voulons parler
de son climat, de sa salubrité exceptionnelle, reconnue depuis sa découverte, célébrée par tous les voyageurs qui se sont succédé sur ses rivages.
Les Européens peuvent ici, sous la zone tropicale, travailler impunément
aux champs, à l’ardeur du soleil ; les défrichements, les terres remuées
n’ont eu pour l’hygiène publique aucun des terribles inconvénients qui
signalent, dans les autres colonies, ce genre de travaux. Les colons isolés
dans l’ile, éloignés de tout secours médical, fatigués par le rude labeur de
la culture d’une terre vierge, mal logés souvent, réduits parfois à une nourriture complètement en dehors de leurs habitudes, n’ont cependant fourni
qu’un contingent minime au chiffre de la mortalité annuelle, qui a porté,
129
bulletin de- la Société des Stades- ôcéa/ùeanes
dans des proportions bien autrement considérables, sur les
Européens de
Papeete, auxquels ne manquaient ni le bien-être ni les soins.
De tout ce qui précède, de l’état des cultures que nous avons l’honneur de mettre sous vos yeux, et des quelques considérations dont la Cornmission a cru devoir l’accompagner, il est facile de se convaincre,
Monsieur le Commissaire Impérial, que Tahiti subit en ce moment une
véritable transformation. Une pareille transition, le passage du sommeil à
l’activité, d’une insouciance séculaire à l’exploitation raisonnée de
richesses négligées, ne peut se faire en un jour. Mais le mouvement est
donné ; tous le subissent plus ou moins directement, tous profiteront de
son heureux
résultat. Aussi, après ce qu’elle a vu, ce qu’elle a constaté, la
Commission n’hésite pas à avoir foi dans l’avenir de cette belle
contrée, et
à espérer, comme vous, que Tahiti, sans beaucoup d’énergie et
de persé-
vérance, pourra rivaliser, un jour, avec les plus beaux domaines coloniaux
de la France.
Nous avons l’honneur d’être,
Monsieur le Commissaire Impérial,
Vos très-respectueux serviteurs,
Les Membres de la Commission :
BONET, secrétaire-général,
LABBÉ, propriétaire-agriculteur,
PERNET, pharmacien de la marine.
(La graphie d'époque a été respectée pour les mots comme pour les chiffres)
Espace Debat
A Propos de...
’la ora te 'lira
J’ai lu avec intérêt, dans le BSEO 319, l’article de Jean Rape relatif au
’Ura.
L’auteur mentionne l’ancien nom 'Enua Manu de Atiu, mais pas
Fenua Ura qui était celui de Scilly ou Mauae. Il m’a donc semblé intéressant de rappeler les quelques éléments ci-après.
Citant Forster, Douglas Oliver a écrit que les habitants des îles de la
Société allaient parfois à Scilly, ou Fenua Ura, pour y chercher des plumes
rouges1 :
The redfeathers ofparrots are employed in ornaments for their war-
riors, [...]. The O-Taheitee parrot has but few and very dirty red
feathers, but more to the West are islands, which have fine parroquets remarkablefor beautifid redfeathers. One ofthese isles is low,
and destitute ofinhabitants, at about ten days sailfrom O-Taheitee
and is called Whennuraoora the Land of redfeathers, to which the
peoplefrom the Society-Isles sometimes resort, in order to procure
some ofthese redfeathers, for they are the most valuable article of
commerce, and there is nothing which a Taheitean would not give
or prant in order to
acquire some ofthese precious feathers. (J. Fors-
ter 1778: 366-367)
1
Oliver, 1974, Ancient Tahitian Society, University Press of Hawaii : 856-857.
bulletin da la Société des Stades Océanienne#
«
Les plumes rouges de perroquets sont utilisées comme ornements
[...]. Le perroquet de Tahiti n’a que peu de
plumes rouges, très sales, mais il y a plus à l’Ouest des îles qui ont de
jolis perroquets remarquables pour leurs belles plumes rouges. Une de
ces îles, basse et dépourvue d’habitants, est à environ dix jours de mer
de Tahiti, et est appelée Fenua Ura, la Terre des plumes rouges ; les
gens des îles de la Société s’y rendent parfois pour se procurer
quelques-unes de ces plumes rouges, car elles sont l’article de cornmerce le plus précieux, et il n’y a rien qu’un Tahitien ne donnerait ou
n’accorderait pour acquérir quelques-unes de ces précieuses plumes. »
pour leurs guerriers,
Il ressort de ce texte qu’à l’arrivée des premiers navigateurs euro-
péens il y avait bien des perroquets à plumes rouges à Tahiti, mais qu’ils
étaient beaucoup moins beaux que ceux de Fenua Ura.
On retrouve une île nommée Enuakura dans une des versions de
l’histoire de Hiro.
Selon le récit de Tati Salmon, la mère Faimano de Hiro était de Tahaa,
autrefois nommée également Upolu, où Moeterauri la rencontra2. Dans laversion de Rarotonga de l’histoire de Hiro, c’est bien à Kupolu que Moeterauri
rencontra la mère de Iro : il semble cependant s’agir ici
d’Upolu des Samoa3.
Mais une autre version de cette histoire, celle d’Aitutaki, précise que Iro
naquit et grandit à Enuakura où Moeterauri, venu de Havaiki, aurait connu
Akimano4 ; le texte ne donne aucune indication sur la localisation de cette île.
On a, enfin, des références à un marae Fenuaura :
Le fils Marama de Hiro figure dans plusieurs généalogies sous le nom
de Marama toa i Fenuaura ; c’est le cas notamment de celles de Quatre-
fages, Smith, Salmon et Henry5.
2
Salmon, 1951 (1904), « L'histoire de Pile de Borabora et la généalogie de notre famille du marae Vaîotaha »,
B.S.E.O. n° 97:317-319.
3
Nicholas, (transloted by), 1892, «Genealogies and historical notes from Rarotonga», Journal of the Polynesian
Society, vol. 1:22 et 25.
4
Large, (translated by), 1903, «The Aitutaki version of the story of Hiro», Journal of the Polynesian Society,
vol. 12:133.
5
Quatrefages, 1866, Les Polynésiens et leurs migrations : 195-197. — Smith, 1893, «The genealogy of the
Pômare family of Tahiti», J.P.S., vol. 2:26. — Salmon, 1951 (1904), op. cit. : 323. — Henry, 1968, Tahiti
aux
temps anciens : 255.
132
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Et, par ailleurs, une généalogie des îles du Vent mentionne, parmi les
ancêtres lointains de Nuu de Punaauia, une femme du marne Fenuaura et
du mataeinaa de Vaiapu, dont la localisation n’est pas mentionnée6.
Je terminerai par deux remarques concernant l’article lui-même :
l’auteur mentionne Mano ’Ura comme ancien nom de Paea : j’ai
pour ma part toujours vu employer les noms de Mano tahi et Mano rua
pour désigner les deux subdivisions de Te Oropaa, Punaauia et Paea ;
-
-
pour mémoire, l’auteur reprend une erreur manifeste de Tahiti
temps anciens à propos du Tamatoa qui aurait offert son maro ura
après sa conversion : il ne peut s’agir de Tamatoa II,
qui a vécu au milieu du 18ème siècle ; c’est son petit-fils Tamatoa III qui
régnait » à Raiatea dans les années 1815-1830 ; l’ouvrage le nomme
d’ailleurs, à tort également, Tamatoa IV7.
aux
aux missionnaires
«
Bernard Pichevin
6
Peel, n.d., Généalogies de Tahiti: 62.
7
Voir mes commentaires à ce sujet dans «E parau no te tupuna o te mau arii no Raiatea», B.S.E.O. N° 318 :
24-25.
133
Espace Debat
A Propos de...
L’article
«Après une quête longue et tâtonnante de la personnalité
juridique dans les missions, les décrets Mandel (1939) »
par monsieur Joseph Le Port, Frère de l’instruction chrétienne de Ploërmel
L’auteur de cet article fait découvrir au lecteur qui l’ignorait :
que les lois qui ont agité la France au début du XXè siècle à propos
des rapports entre l’État et l’Église ne sont pas applicables systématique-
ment en Polynésie française (autrefois
-
Établissements français d’Océanie) ;
que la résistance de l’Église catholique aux lois de la République a
été pour le moins très vive, ses instances faisant tout pour rejeter une des
conquêtes essentieües de la Révolution, je veux dire la liberté absolue de
conscience ;
que cette République, en la personne de Georges Mandel, est une
entité tolérante et réaliste, en tendant la main à une institution qui, sur le
-
territoire national, pour l’essentiel et au moins en apparence, finissait bon
gré, mal gré, par se fondre dans le moule républicain qu’elle avait tant vilipendé, dépassant d’ailleurs les bornes de la décence.
Il y aurait beaucoup de remarques à faire quand à l’objectivité et au
ton des propos de l’auteur. Je n’en ferai que quatre portant sur des points
précis.
Page 46, il est écrit : « On peut remarquer que les agitations et manifestations parisiennes de la période révolutionnaire ne produisent que
peu d’échos dans les Colonies. »
N°320 - Septembre / Décembre 2010
(Je rappelle que les colonies de cette époque sont, pour ne retenir que les
plus importantes : Saint Domingue, la Martinique, la Guadeloupe, St Louis
du Sénégal, Me Bourbon (Réunion), Me de France (Maurice) et les cinq
comptoirs de l’Inde.) C’est faire peu de cas de la Société des Amis des
Noirs, avec l’abbé Grégoire, de l’abolition puis du rétablissement de l’esclavage, de la révolte de Saint Domingue, colonie qui conquiert son indépendance et fonde une République.
Page 56, il est écrit à propos du rapport Cloué de 1870 : « texte
[...] où s’accumulent soupçons, insinuations, et faits qu’il n’a sans doute
pas eu le loisir de vérifier tous [...] ».
Il faut savoir que, dans les années 1865-1880, le personnel ecclésiastique
aux Marquises est vieillissant, et l’autorité de l’administration
française est
réduite par manque de moyens. Les religieux semblent privilégier leurs
activités agricoles et commerciales, allant jusqu’à créer une pseudo-monnaie de jetons de zinc servant à payer le travail ou les productions indigènes (coton par exemple), et que le « Kanak » vient échanger à la
mission contre des produits commerciaux. Il ne s’agit pas là de soupçons
ni d’insinuations, comme l’écrit l’auteur plus haut.
Page 71, l’auteur fait un parallèle entre les dragonnades qui ont précédé la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 et les expulsions effectuées
par l’armée en 1904. La révocation (dont l’auteur dit qu’elle était inique,
c’est-à-dire injuste) était la volonté d’un souverain « absolu » s’estimant
le maître des consciences de ses sujets. Les expulsions du début du XXè
siècle étaient, quant à elles, la réponse à la désobéissance à la loi de la
République. Je rappelle que les Congrégations étaient un véritable État
dans l’État, accrochées à la vision d’un passé révolu et ne voulant - je simplifie - n’obéir qu’à « Rome », comme le répète souvent l’auteur.
Ma quatrième remarque porte sur les pages 72 et 73, où il est écrit trois
fois que « Paris » (il s’agit sans doute du gouvernement français) a « oublié »
les termes des traités internationaux au sujet des missions religieuses. Cornment peut-on imaginer une politique menée par des responsables qui
oublient » ? L’auteur, lui, oublie qu’après le conflit mondial, la santé économique de la France est gravement menacée, et que le mot d’ordre pour
les colonies est plus que jamais : autosuffisance. C’est pourquoi la Mission
«
135
i
bulletin/ de/ la Société des ètude& Océanienne
Polynésie se voit reconnaître les coudées franches en ce qui concerne
l’enseignement ; il est moins coûteux d’accorder des autorisations et des
subventions à une structure en sommeil, mais prête à fonctionner, que de
mettre en place une structure lourde dévoreuse de budget.
en
Je conclurai sur deux points.
Le premier point porte sur l’action missionnaire au XIX' siècle. Je
relève page 39 que l’auteur se demande si tout était respectable dans « la
culture et les coutumes des nations colonisées ». Il est bien évident que
les cultures et les coutumes des peuples que les « Occidentaux » euro-
péens et américains découvraient étaient souvent très éloignées des leurs.
Ce qui pose problème, c’est que, a priori, les missionnaires (et souvent
eux seuls) ont considéré qu’il n’y avait quasiment rien de respectable. Les
exemples en Polynésie ne manquent pas, allant de la rage de destruction
des idoles aux propos méprisants envers les cultures et les coutumes.
Mon second point portera sur cette extrême réticence de l’Église à
accepter les acquis de la Révolution de 1789- Il est étonnant de lire, dans
le journal catholique L’Avenir, dont le rédacteur en chef était Lamennais,
en 1830, les propos suivants : « Nous demandons [...] la liberté de
conscience ou la liberté de religion, pleine, universelle, sans distinction
comme sans privilège ; et par conséquent, en ce qui nous touche, nous
catholiques, la totale séparation de l’Église et de l’État. {...] Dès lors nous
croyons qu’il est du devoir du gouvernement de s’entendre avec le pape,
et cela sans aucun retard, pour résider de concert le Concordat devenu
légalement inexécutable depuis que, grâces à Dieu, la religion catholique
a cessé d’être religion d’État [...] ». Lamennais et son journal ont été
condamnés par le pape. Il faudra un siècle et les évènements parfois brutaux que l’on connaît (mais de qui sont-ils le fait ?) pour que l’Église
reconnaisse que, d’une part, la religion est du domaine privé et que, d’autre part, les lois françaises sont faites pour tout le monde en France
même si, outre-mer, pour des motifs tout simplement budgétaires, leur
application est différée, voire oubliée.
...
Michel Bailleul
136
Espace Debat
A Propos de...
un silence assourdissant...
Jamais on a autant parlé de culture - jamais on a autant conjugué le
terme patrimoine sur tous les tons, sur tous les modes - indicatif, subjectif, hypothétique et même impératif. Jamais on a autant figé les mots
dans des formules mortifères, « dans la plus pure des traditions », par
exemple, en oubliant bien sûr que tradition et trahison partagent la
même racine étymologique : transmettre, donner.
Ce vacarme habituel, ce boum-boum des leitmotive cache mal,
aujourd’hui, le silence assourdissant qui entoure l’arrêté n°1331 du
conseil des ministres du 4 août 2010, un arrêté qui abroge, et qui affecte,
et qui nous concerne tous, membres de la Société des études océaniennes
ou non.
Abroger, il faut le rappeler, vient du latin rogere, interroger, demander, et abroger, c’est tout simplement demander la suppression de
quelque chose. Affecter vient aussi du latin facere, faire, et affecter, c’est
bien sûr feindre et aussi attribuer et toucher.
De quoi s’agit-il en ce début de mois d’août 2010 ?
D’un arrêté qui met fin à l’arrêté du 31 décembre 1921 (confiant à
la Société des études océaniennes l’administration de la Bibliothèque et
du Musée de Papeete), et qui affecte les collections de ce Musée au profit
du Musée de Tahiti et des îles.
Ç&ulletUi d& la Société de& Stacies' Gcea/iien/ieS'
90 ans après.
Pourquoi ? L’arrêté ne le dit pas.
La Société des études océaniennes a-t-elle failli à sa mission ? Silence.
La Société des études océaniennes a-t-elle bien rempli sa mission ?
Silence.
L’arrêté abroge et gomme 90 ans d’histoire dans ce pays.
L’arrêté affecte au Musée de Punaauia les collections du Musée de
Papeete. Fort bien. Mais la gestion de ces objets - c’était le souci de Parrêté créant la Société des études océaniennes le 1er janvier 1917 « considérant la nécessité et l’urgence de recueillir, conserver ou protéger, avant
qu’ils ne disparaissent, les derniers témoins de la civilisation maorie » a-t-elle été bien faite ? Silence. Mal faite ? Silence. Encore et toujours.
L’arrêté gomme 90 ans d’histoire, ce n’est plus une affectation de ges-
tion, c’est une digestion.
Le conseil d’administration de la Société des études océaniennes n’a
pris connaissance de cet arrêté que le 19 août1 et de manière non officielle
même si certains membres du bureau l’ont appris plus tôt et de la même
manière. Est-ce une raison bien suffisante pour rester silencieux ?
Je comprends fort bien qu’un permis d’inhumer soit signé dans le
silence respectueux des témoins. Mais cela n’a, peut-être, rien à voir avec
le silence assourdissant qui entoure l’arrêté n°1331 du 4 août 2010.
Sauf qu’il résonne et fait écho à un autre silence assourdissant.
Celui de la tablette de l’île de Pâques, une des fiertés du Musée de
-
Tahiti et des îles.
Tablette confiée par les Pères de Picpus à l’association Tenete, qui
l’avait confiée elle-même au Musée de Tahiti et des îles et qui l’a lui-même
prêtée en 2008 pour une expo à Paris. Cette tablette n’a pas voulu revenir
à Punaauia. Elle n’avait plus confiance après ce qui a été écrit ici et le
refus, ici, de pubüer la réponse de là-bas.
1
II a été dit au CA que cet arrêté ne concerne pas la Bibliothèque de la Société. Nous voilà bien rassurés.
138
N°320 - Septembre / Décembre 2010
Question de « propriété » ? Non. Même pas. Plutôt perte de confiance.
Le problème de la propriété légale et légitime des objets des arts pre-
miers est délicat, tout le monde en convient.
Mais ce n’est pas un simple problème de gestion. Non. C’est d’abord
question de confiance. Et j’ose croire que, pendant 90 ans, la Société
des études océaniennes a su incarner cette confiance qui a permis d’en-
une
richir les collections du Musée de Papeete puis celles du Musée de
Punaauia.
Et ces 90 ans d’histoire ont été gommés par l’arrêté du 4 août dans
un silence assourdissant.
Il faut raisonnablement espérer que cet arrêté* puisse lui-même être
abrogé.
Robert Koenig,
un
des administrateurs de la Société des études océaniennes
23 août 2010
‘Arrêté reproduit dons le numéro 319, p. 170.
139
Publications de la Société des Etudes Océaniennes
Prix réservé aux membres, en vente au siège de la société/Archives Territoriales de Tipaerui
Dictionnaire de la langue tahitienne
parTepano Jaussen (llèmc édition)
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Décennie 1920
5 000 FCP
Décennie 1930
Décennie 1940
4 500 FCP
4 000 FCP
42 €
38 €
34 €
Décennie 1950
3 500 FCP
29 €
Décennie I960
3 000 FCP
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Histoire de Vile d’Oparo
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Histoire des religions de l’archipel Pa’umotu
par Eugène Caillot
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Dictionnaire de la langue marquisienne
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Dictionnaire de la langue paumotu
par J.F. Stimson et D.S. Marshall (2ème édition)
Dictionnaire de la langue mangarévienne
par Edward Tregear (2ème édition)
Etat de la société tahitienne à l’arrivée des Européens,
par Edmond de Bovis (2ème édition)
Journal de James Morrison, second maître à bord de la Bounty,
traduit par Bertrand Jaunez
Chefs & notables au temps du Protectorat (1842-1880),
par Raoul Teissier.
Généalogies commentées des arii des îles de la Société,
par Mai’arii
Papatumu - Archéologie
Les Etablissements français d’Océanie en 1885
(numéro spécial 1885-1985)
Tranche de vie à Moruroa,
par Christian Beslu
Naufrage à Okaro
par Christian Beslu
Les âges de la vie - Tahiti & Hawai’i aux temps anciens
Par Douglas Oliver.
Tahiti au temps de la reine Pômare,
par Patrick O’Reilly.
Tahiti 40,
par Emile de Curton
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des Bulletins de la S.E.O. :
Anciens numéros du BSEO
.
Le Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes
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Imprimé à Tahiti par l'imprimerie STP Multipress
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^oton
^ossyfium bazbaâense
Avec Corinne Mc Kittrick, découvrons les Mokorea, ces êtres étranges
du monde du dessous.
Rédigé par trois membres de la Commission agricole après inspection autour de l’île de Tahiti en 1865, le rapport destiné au Commissaire
impérial est un méticuleux état des lieux des cultures vivrières et spéculatives et un précieux témoin de l’état d’esprit de l’époque. Il est à lire abso-
lument tant il participe à la compréhension du présent.
Notre espace débat accueille des courriers de lecteurs réagissant à
des articles parus dans les précédents numéros et l’indignation d’un membre du Conseil d’administration.
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 320