B987352101_R230.pdf
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-
ENCYCLOPEDIE DE LA POLYNESIE 9.
vivre
en
Polynésie 2
ENCYCLOPEDIE DE LA POLYNESIE
l'Encyclopédie de la Polynésie, les habitants de la
Polynésie française ont à leur disposition, pour la
première fois, un inventaire complet et détaillé du
monde dans lequel ils vivent. Pour la première fois, la
somme des connaissances acquises sur tout ce qui
Avec
pays en ce moment du XX* siècle est
publiée pour décrire les 11 Biles qui le composent, pour
faire revivre les hommes et les sociétés des temps
passés, pour faire l'inventaire des richesses que leur
concerne ce
offre leur environnement et dresser le tableau de la vie
quotidienne dans la Polynésie d'aujourd'hui.
Une encyclopédie de toute la Polynésie fran¬
çaise : si Tahiti et sa capitale Papeete restent l'organe
vital du Territoire, il est aussi vrai que les archipels qui
le composent jouent un rôle déterminant. Par
conséquent, tout au long des 9 volumes de l'Encyclo¬
pédie, Australes, Tuamotu, Gambier, Marquises et
Société sont évoqués, à la fois pour leur appartenance
à l'ensemble polynésien et pour leurs caractères
spécifiques. Ainsi, qu'il s'agisse d'histoire, d'archéo¬
logie, d'économie ou de l'étude des milieux naturels,
l'Encyclopédie apporte un témoignage de la richesse
et de la diversité des îles.
Une encyclopédie thématique : dans cet esprit, une
énumération alphabétique des sujets serait apparue
comme une restriction à l'ampleur du propos. Alors
que la répartition de ces 9 volumes en thèmes
successifs permet une compréhension plus complète
et plus profonde des sujets, où l'on verra que, bien
souvent, l'exploration du passé éclaire les conditions
du présent et les possibilités de l'avenir.
Une encyclopédie visueile ; à notre époque où la
communication par l'image joue un si grand rôle, il
paraît évident de lui donner une place prépondérante
dans un ouvrage de cette importance. Cartes,
schémas, dessins et photographies occupent plus de
la moitié des pages, ajoutant ainsi à l'information écrite
une vision concrète et attrayante de celle-ci.
Une encyclopédie pour tous : qu'il s'agisse du
peuplement de la Polynésie et de sa culture ancienne,
de ses ressources et de la gestion attentive de son
environnement, ou de l'état actuel de son organisation,
il va de soi que le désir de la connaissance passe par le
plaisir de son approche. Textes et illustrations ont
donc été conçus dans un souci de simplicité qui laisse
intacte la rigueur scientifique. Dans chaque volume,
une bibliographie permet de connaître les sources de
la documentation ou d'aller plus avant dans l'étude
d'un sujet. Enfin, un index et un glossaire éclairent les
termes techniques et facilitent la lecture.
Une
encyclopédie des Polynésiens : un ouvrage de
conception représente un outil de travail pour les
une source de références pour les élèves
et les étudiants, un moyen d'information pour tout
esprit curieux. Il permet à tous ceux qui sont nés ou qui
vivent en Polynésie de la mieux connaître et, pour tous
ceux de l'extérieur, de découvrir une
image différente
de celle des cartes postales.
Mais, les dimensions de l'Encyclopédie de la Polynésie
dépassent ces aspects pratiques. Comme tout pays en
plein essor, la Polynésie française est confrontée à ce
défi que constitue l'insertion de sa croissance démo¬
graphique et économique dans le cadre géographique
et politique qui est le sien. Des 9 volumes de cet
ouvrage se dégagent l'historique et le bilan des
ressources dont dispose ce pays. En conséquence
cette
enseignants,
directe, ils mettent l'accent sur ses richesses poten¬
tielles, mais aussi sur la fragilité des équilibres naturel
et humain dont chaque Polynésien est le garant.
En couverture : Une jeunesse heureuse vivant dans un
environnement social et spatial préservé. Tel est le
redoutable défi que doivent relever les responsables
du Territoire, s'ils veulent lui conserver son identité
tout en maîtrisant les conséquences d'une ouverture
au monde extérieur qu'ils ne sont pas en mesure de
refuser, (cl. Cl. Rives et B. Vannier).
.’.ïi
A'â.jA.'tii
ENCYCLOPEDIE
DE
LA POLYNESIE
ENCYLOPÉDIE DE LA POLYNÉSIE
produite par Christian Gleizal
© 1986 C. Gleizal/Multipress pour la première édition
2“™ édition © 1990 C. Gleizal/Éditions de L’Alizé
Editée et
Tous droits réservés. Il est interdit de reproduire, d'utiliser dans une banque de
données ou de retransmettre par quelque moyen que ce soit cet ouvrage,
partiellement ou totalernent, sans l'autorisation préalable écrite des éditeurs.
ENCYCLOPEDIE DE LA POLYNESIE
vivre
en
Ce neuvième volume de
Docteur de 3e
Polynésie 2
l’Encyclopédie de la Polynésie
cycle
en
a
été réalisé
sous
la direction de
François Ravault,
Géographie, Directeur de Recherche à l’O.R.S.T.O.M.,
Jacques Bonvallot, Docteur de 3e cycle, Directeur de recherche à i’O.R.S.T.O.M.,
Marc Cizeron, Diplômé d’État du Service social. Assistant social au Service des Affaires sociales,
Karin Daussat, Licenciée en Sciences humaines (Sociologie), Enseignante, François Merceron, Agrégé de l’Université,
Lycée du Taaone, Thierry Nhun-Fat, Docteur de 3e cycle en Statistiques, Responsable du département Études
et Programmation au Service du Tourisme, Jean-Marc Pambrun, Maître en Sciences sociales et Sciences humaines,
Directeur du Département des Traditions du Centre polynésien des Sciences humaines,
Jean-Marius Raapoto, Titulaire d’un D.E.A. en Phonétique, Conseiller à l’Assemblée territoriale,
Francis Rougerie, Licencié et D.E.A. ès Sciences, O.R.S.T.O.M., Bruno Saura, Titulaire d’un D.E.A. d’Études politiques,
José Wiid, Licencié de Géographie, ancien éléve de l’École pratique des Hautes Études, Consultant,
avec
la collaboration de
:
Conception et production : Christian Gieizai
Maquette et coordination de la réalisation technique : Jean-Louis Saquet
Assistante de production : Catherine Krief
Illustrations et cartographie : Catherine Visse et Jean-Louis Saquet
particulièrement pour ieur précieuse coilaboration Messieurs Yannick Amaru, Bureau de la Programmation,
Mission d'Aide financière et de Coopération régionale, Haut-Commissariat ; Gérard Baudchon, Directeur,
Nous tenons à remercier
Bruneau, Adjoint, Institut territorial de la Statistique ; Théodore Céran-Jérusalemy, Secrétaire général de l’U.S.A.T.P. ;
Dupuy, Chef du Service de l’Aménagement du Territoire ; Jean-Paul Le Caill, Directeur de l’Office territorial de l’Habitat social ;
J.-P. Petitjean, B.E.T.P.E.D., Vice-Rectorat ; B. Teissier, Chef du Service de l’Inspection du Travail et des Lois sociales ;
Simako Yon Yuc Chong, Directeur adjoint de la Caisse de Prévoyance sociale.
et Emile
M.
L’iconographie de ce volume a été rassemblée grâce à l’aide qui nous a été apportée par :
Christian Vernaudon, Directeur général, Patrick Robson, Directeur des Relations publiques, Hyacinthe Cao, photographe
au Service de l’Information et des Relations avec la Presse de la Présidence du Gouvernement : Philippe Guesdon, Chef du service,
Roland Gloaguen, adjoint, Gilles Hucault, photographe ; au Service des Archives territoriales : Pierre Morillon, Chef du service ;
à rO.P.A.T.T.I.
:
à l’Office territorial de l’Action culturelle : M. Stein, Directeur, Mme Do Carlson ;
Président du C.A. ; le Musée de l’Homme ; le Bishop
Photographies
:
à la Société des Études océaniennes
Muséum ; la Mitchell Library.
:
M. Paul Moortgat,
J.-Cl. Bosmel, J. Bouchon, H. Cao, D. Charnay, D. Darqué, M. Folco, G. Hucault, Ch. Pinson,
Cl. Rives, A. Sylvain, B. Vannier, G. Wallart, P. Zarlenga, T. Zysman.
DATE
/V-
INV.
N“ BIB
PPN
COLL.
COTE
Type Ex.
CHRISTIAN GLEIZAL/LES
ÉDITIONS
DE
L’ALIZÉ
:
Le lever des trois
couleurs le 11
à Ua Pouaux
Les habitants des
qui votent massivement
contre l’indépendance
(elle recueille 20%
environ des suffrages à
l’échelle territoriale),
restent très sensibles à
tout ce qui symbolise
l'appartenance à la
République une et
indivisible. Mais cet
attachement à une Mère
Patrie qui les a
longtemps ignorés avant
de les faire très
largement "profiter” de
la "solidarité nationale”
est-il profond et
durable ? Les Tahitiens
quant à eux pratiquent
de moins en moins la
reconnaissance du
ventre.
Avertissement
beaucoup de
responsabilité
dans ce retard : il s’est trompé en confiant la rédaction de certains
thèmes à des personnes qui se sont révélées incapables de remplir
leurs obligations dans des délais raisonnables et sans cesse
repoussés. Il a dû faire face à ces défaillances avec la collaboration
de la petite équipe qui a accepté de le suivre jusqu’au bout dans
Le dernier volume de
l’Encyclopédie paraît
retard. Le maître d’œuvre
a
bien entendu
une
avec
part de
l’aventure.
Que Thierry Nhun-Fat, François Merceron, Jean-Marius Raapoto,
Bruno Saura et José Wild, qui a bien voulu accepter la
responsabilité de revoir les trois derniers sujets du chapitre 16,
en
soient remerciés. Tout
comme
légendage de leurs illustrations...
Une dernière remarque.
les rédacteurs
L’Encyclopédie
a
été
qui ont assuré le
pour ses
divers
de liberté. Ils ont pu s’y exprimer en dehors
de toute pesanteur institutionnelle. Cela vaut notamment pour les rédacteurs
qui sont aussi des acteurs de la vie politique et culturelle de ce Territoire.
Leurs contributions n’engagent qu’eux-mêmes et non les institutions dans
lesquelles ils militent.
L’Encyclopédie n’est pas un espace de pouvoir. Bien au contraire...
intervenants
un
espace
François RAVAULT
Sommaire 9
Les rapports
La stratification sociale
12
La stratification sociale
14
16
18
10
Les
sociaux
9
:
la situation sociale
en
k. daussat, j.-m. pambrun
1962
J.-M. Pambrun
des rapports de classes
L’évolution des formes de réflexion sociale
Les groupes de réflexion
Les syndicats patronaux
20
Les
22
Les
J.-M. Pambrun
: vers
syndicats de travailleurs
syndicats de travailleurs
K. Daussat
des négociations aux grèves
du syndicalisme dur au retour à la
:
:
négociation
problèmes sociaux
La
28
La santé
30
La
32
L’alcoolisme
33
L’habitat
36
La
38
Le
M. Cizeron
44
46
48
50
52
54
12
13
M. Cizeron
F. Ravaull
délinquance
chômage
M. Cizeron
F. Ravaull
Culture et identité
60
Aliénation et refus de l’aliénation culturelle
Page de gauche
Les
64
Culte et culture du
66
L’institutionnalisation de la culture
68
Les manifestations culturelles
70
Les fêtes et manifestations institutionnelles du 14
française est devenue un
pays “riche” : le P.I.B.
par habitant a été
multiplié par 17 entre
1962 et 1983. Une
"richesse” qui, en dépit
de l’extension de la
couverture sociale, a été
très inégalement
76
La formation de
78
Le centre ville
répartie. Des inégalités
qui sont vécues avec le
sourire dans les îles où
n’existe pas encore une
conscience de classe. Il
n’en va pas de même à
Tahiti, où elles
contribuent
au
F. Ravault
....
l’agglomération
F. Ravault
F. Merceron
Les banlieues
F. Merceron
Papeete diffuse son mode de vie
Papeete oriente l’activité économique
Papeete structure l’espace
F. Merceron
86
F. Merceron
F. Merceron
Archipels
F. RAVAULT. F. MERCERON
92
Société et espace dans les années 1960
Une économie “traditionnelle” en déclin
94
Une économie
96
Des richesses découvertes
98
Le désenclavement des îles
102
Tahiti
le Tiurai
82
qui s’ouvre
sur
ou
Des espaces sous influences
Un monde rural qui change
F. Ravault
F. Ravault
le marché local
redécouvertes
...
F. Merceron
F. Merceron
F. Merceron
F. Merceron
...:
F. Ravaull
aujourd’hui
105
f. ravault. b. saura, t. nhun-fat. j. wild. j.-m. raapoto
aujourd’hui
B. Saura
Politique nucléaire et présence française
F. Ravault
La vie politique
B. Saura
L’économie : une crise qui s’annonce
T. Nhun-Fat
Le Territoire
114
Vers de nouvelles relations sociales
J. wnd
116
La culture ma’ohi
118
Le
aujourd’hui
Ma’ohi face à sa propre culture
J.-M. Raapoto
J.-M. Raapoto
Quel devenir ?
121
F. ravault. j. wild. j. BONVALLOT. f.
Vingt-cinq
ans
d’histoire,
Des
126
Un environnement
128
Problèmes fonciers
130
Le modernisme
132
Le culturalisme
134
La troisième voie
137
138
ressources
un
bilan
gaspillées
de plus en plus dégradé
humaines
124
Bibliographie
caractéristiques géographiques des îles
Carte et
développement de la
140
Index
indépendantiste.
142
Annexes
revendication
-
80
112
16
juillet
F. RA VA ULT, F. MERCERON
La formation de la ville coloniale
110
Tuamotu et une
résidence confortable à
Tahiti. La Polynésie
sources
73
107
la
Polynésie aujourd’hui ;
un tare de pêcheurs aux
livresques du “renouveau culturel”
passé
62
100
et page suivante :
Deux “visages” de
b. saura
57
89
15
J■-M. pambrun
fondement de la vie sociale et associative
L’assujettissement de la vie associative à la loi et ses conséquences
Un relais entre la société et les Églises : les associations d’inspiration confessionnelle
Les associations sportives
L’occupation du temps libre et l’organisation des loisirs
Le système associatif au service des identités collectives
La vie culturelle et artistique entre les pupu et les fédérations
La notion de pupu :
Les îles du Vent
Les
F. Ravaull
M. Cizeron
drogue
Culture et renouveau culturel
84
14
et
M. Cizeron
La vie associative
41
K. Daussat
....
M. CIZERON, F. RA VAVLT
protection sociale
25
K. Daussat
K. Daussat
K. Daussat
ROUGERIE. b. saura. T. NHUN-FAT
F. Ravault
JJ. Bonvallot et F. Rougerie
F- Ravault
B. Saura et J. Wild
B. Saura et J. Wild
F. Nhun-Fat et J. Wild
S^p3H
jup^kw rMk.
9 Les rapports
sociaux
En dépit des contradictions
développent en son
le
pouvaniste qui
est se l’expression
la sein-contradictions
société territoriale dont
“néo¬
mouvement
-
traditionnelle” des années 60 ne présente pas, à notre avis, tous les caractères d’une
société de classes (voir volume 8, pp. 9-24). Pour les raisons suivantes, entre autres.
Parce que, dans une aussi petite communauté qui demeure encore essentiellement
rurale, les rapports de parenté traversent encore très largement les catégories
socio-
la charge conflictuelle des antagonismes socio-économiques existants
entre les privilégiés du système colonial et les Ta'ata Tahiti s’en trouve atténuée
d’autant. Parce que, seconde raison, les Églises qui ont très largement contribué à la
formation de ladite société, garantissent sa reproduction, sa conservation, en la
“verrouillant” idéologiquement et politiquement, un contrôle social qui bien entendu
retarde ou compromet l’action sociale qui permettrait au peuple polynésien de
ethniques
:
transformer sa condition.
Une situation qui, en un quart de
siècle, s’est modifiée radicalement comme le
l’analyse contenue dans ce chapitre. Avec les mutations démographiques et
économiques qui ont entraîné le développement de l’urbanisation et du salariat, avec
l’émergence d’un “État” territorial techno-bureaucratique qui s’accompagne corréla¬
tivement, en dépit de certaines apparences, d’un déclin de l’influence des Églises au
plan du contrôle social, avec la formation, dans le cadre du système éducatif et
■médiatique, d’une intelligentsia locale qui contribue à l’idéologisation du débat
politique, au sens le plus large du terme... de nouveaux rapports sociaux se sont
progressivement constitués. Ils traduisent la formation, encore inachevée, d’une
société territoriale “moderne” où s’opposent globalement, non sans de multiples
montre
complexité de la vje patronale et syndicale l’atteste par
exemple amplement - deux classes : d’une part une bourgeoisie hétérogène
(patrons, commerçants, fonctionnaires...) où se fondent progressivement des
individus appartenant essentiellement aux catégories socio-culturelles popa'a,
“demies” et chinoises ; d’autre part le peuple polynésien qui, s’il ne constitue pas
encore un vrai prolétariat, est, en dépit de son niveau de vie relativement élevé, de plus
en plus conscient des inégalités dont il est victime.
Cette analyse vaut essentiellement pour les îles du Vent et tout particulièrement
pour la “zone urbaine” de Tahiti. Dans les archipels, lechangementsocial n’a pas (pas
encore ?) opéré de telles transformations. Nous y reviendrons.
contradictions internes
■
-
la
La stratification
sociale : la situation
en 1962
Indépendamment du rôle joué par les
acteurs sociaux que sont les popa’a
et les Chinois, la vie sociale en Polynésie
pendant la période coloniale se caractérise
essentiellement par l’ambiguïté des relations
qu’entretiennent deux catégories socio-cultu¬
relles : les Ta’ata Ma’ohi, qui sont les héritiers
de l’ancienne civilisation ma’ohi, et les ’Afa
Tahiti, improprement appelés “Demis”, qui
sont plus métissés. Un métissage qui acquiert
nouveaux
toute sa
signification sociale quand il est issu
mariages successifs contractés entre les
premiers colons européens et les filles de
des
l’ancienne aristocratie des ari’i.
Cette stratification constitue la matrice
laquelle s’inscrivent les rapports sociaux
antagonistes qui se développent dans le Terri¬
toire depuis 25 ans : à une bourgeoisie divisée
en
plusieurs fractions politiques, couches
ethniques et catégories socio-culturelles,
s’oppose un monde du travail plus homogène
qui, à la ville comme au district, rassemble les
Ta’ata Ma’ohi. Et c’est par rapport à ces deux
classes que se situent les popa'a et les Chinois
qui jouent un rôle de plus en plus important
dans
dans la vie sociale.
fV" Vivre au district en ÎÔ6
'
Une foule bon enfant,
des fruits, un certain
type d'habitat... le tout
fond de cocotiers.
Autant d'images "rétro"
sur
regarderont pas
nostalgie tous ceux
qui ont connu le Tahiti
■5d'aufrefois.
que ne
sans
9
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Les Ta’ata Ma’ohi absorbés
par
le salariat
de
Si l’on s’en tient aux données très approxi¬
matives du recensement de 1962 (voir vo¬
lume 8, p. 9), les Ta’ata Ma’ohi représentent
à cette date les trois quarts de la population
polynésienne. Témoins vivants du dépérisse¬
ment de l’ancienne civilisation, ils ont élaboré
un mode interne
d’organisation sociale qui
intègre, tout en les déformant, les valeurs et
d’antan et certains modèles déstruc¬
turants de l’Occident. Mais, si cette intégra¬
les
us
tion des valeurs du
système colonial réinter¬
usage permet à la commu¬
prétée à son propre
nauté polynésienne de conserver une certaine
spécificité dans l’ordre socio-culturel, elle
n’est pas pour autant toujours maîtrisée dans
l’ordre socio-économique. Dès lors, pour les
Ta’ala Ma’ohi, c’est le début d’une longue
lutte entre la préservation de cette identité et
leur intégration dans les nouveaux types de
rapports sociaux liés au mode de production
capitaliste naissant.
Bien
avant
1963
(voir
volume
8,
16-17), l’économie du pays se trouvait
engagée dans un processus de sous-développement dû à l’effondrement de la production
de coprah et de vanille, à l’épuisement pro¬
gressif des gisements de phosphate de
Makatea et à la baisse considérable des profits
procurés par la plonge nacrière. Cette crise du
pp.
10
libérant quelques milliers
constitution
d’une réserve de main-d’œuvre qui sera très
rapidement mobilisée entre 1959 et 1966 pour
la construction de la piste de l’aéroport de
Faaa, le tournage des “Mutinés de la Bounty”
système colonial,
et
travailleurs,
l’édification
en
va
permettre la
des
sites
du
C.E.P.
Cette
activité, jointe à l’extension du
marché du travail à Papeete, provoquera une
dernière
série de
nouveaux
courants
migratoires
sans
vers la capitale, et ce jusqu’à la
des
années
soixante.
Le
processus
conversion massive des Ta’ata Ma’ohi
précédent
fin
de
au
salariat était irrémédiablement engagé.
Le double
mirage des ’Afa Tahiti
En 1962, les ’Afa Tahiti, qui représentent 10%
de la population, sont encore pour la plupart
grands propriétaires terriens. De ces
propriétés, acquises essentiellement lors de
l’application du Code civil à la fin du XIX'
de
ils tirent l’essentiel
les rentabilisant
directement, soit en profitant de l’accumu¬
lation de capital constituée par la rente
prélevée sur le produit de l’activité de leurs
métayers.
Bien que divisée depuis l’après-guerre
siècle et
de
leurs
au
début du XX',
revenus,
soit
en
politique et institutionnel entre
partisans d’une plus ou moins grande
autonomie et ceux du statu quo, cette élite
dans l’ordre
les
terrienne
ne se résoud pas à surmonter le
paradoxe de sa situation. Bornée entre ses
origines polynésiennes et son adhésion aux
occidentales,
valeurs
contradiction entre
sa
animée d’une sainte
revendication identi¬
attachement pour la mère patrie,
elle fait très vite son choix. Certains Demis
taire et
son
demeurent fidèles à leurs attaches
rurales,
plupart, à la faveur des milliards
déversés par l’État, vont former une nouvelle
bourgeoisie urbaine, dont le niveau de vie
mettra en évidence de façon plus criante
encore les nouvelles inégalités socio-écono¬
miques. Une position sociale qü’elle confor¬
tera tout en accroissant ces clivages quand ses
enfants, partis faire leurs études en Erance et
en Amérique, reviendront sur le Territoire
pour devenir fonctionnaires, employeurs dans
l’industrie et le commerce, cadres supérieurs
du secteur privé, membres des professions
mais
la
libérales.
Les Chinois au seuil
de la puissance économique
à elle (11%
population totale) reste encore
en marge de la société polynésienne. Après
l’échec des plantations de coton à la fin du
XIX' siècle, une grande partie de la maind’œuvre chinoise a préféré rester à Tahiti et
occuper le seul créneau économique dispoLa communauté chinoise, quant
environ de la
LES RAPPORTS SOCIAUX
égard à son statut d’étranger : le
Jusqu’en 1964, date de la natura¬
lisation d’une bonne partie d’entre eux, les
nible,
eu
commerce.
instances locales et l’administration coloniale
s’opposent à l’assimilation. En leur interdi¬
propriété immo¬
bilière, on leur a refusé en effet la possibilité de
se rendre propriétaires des terres indigènes
tant convoitées par les ’Afa Tahiti et les
popa'a. On se méfie aussi de la contamination
sant
en
1934 l’accès à la
communiste.
Pourtant,
en
\962 (voir volume 8,
p.
11),
déjà des positions économiques
importantes. Admirés des uns pour leur
opiniâtreté au travail agricole au sein de la
société polynésienne, détestés des autres pour
ils occupent
affaires, les Chinois, tout
traditions ancestrales,
sont dans les années soixante au seuil d’un
décollage économique fulgurant et d’une
leurs réussites en
en
conservant leurs
Page de gauche :
Le truck, où s’entassent
hommes et
marchandises, est le
symbole et le moyen
La “quille” : scènes
vécues à l’aéroport.
La présence massive
militaires dans les
années 60-70 a
beaucoup contribué à la
dégradation des
demeure relativement
isolé en raison de
l’insuffisance des
infrastructures
routières.
rappeler que les
“bidasses” affectés en
Papeete et le district qui
Une famille chinoise
dans les années 60.
Dans les familles
asiatiques vivant au
district, ce sont
institutionnelle du pays.
Les Popa’a Farani :
à l’hostilité
Avant
les
de la méfiance
bouleversements induits par
le
la minorité de Popa’a Farani ne
en 1962 que 2 696 personnes (moins
de 5% de la population totale). Employées en
C.E.P.,
comptait
dans le secteur tertiaire, elles
occupent principalement des postes de fonc¬
tionnaires
ou
exercent
des professions
libérales. Ces deux secteurs d’activité, géné¬
reusement développés par le système colonial,
majorité
leur
sont
en
fait
Ce
réservés.
droit
de
préemption fera naître, en particulier dans la
fonction publique, une compétition sociale
engagée par les ’Afa Tahiti où viendra se cris¬
talliser l’essentiel de leurs aspirations.
Jusqu’en 1962 les Popa’a Farani ne font
que colporter dans une ambiance paternaliste
et bon enfant l’aspect pseudo-idyllique de la
société coloniale. Et ce, jusque dans les rangs
de la bourgeoisie “demie” et autonomiste qui
à en dénoncer le caractère
parasitaire. Avec l’installation du C.E.P., la
couche ethnique blanche va se modifier, tout
s’évertue pourtant
en
s’accroissant considérablement. Avec les
des
logements individuels, elle représente une po¬
pulation active de 7 500 personnes à la fin des
3 650 militaires vivant en caserne ou dans
années soixante. L’insertion de ces nouveaux
arrivants dans la société polynésienne ne se
fera pas : leur indifférence à l’égard de la popu¬
lation indigène va créer des tensions, sinon des
heurts, avec les jeunes
nalisation croissante
Tahitiens. Cette margi¬
ne
leur interdira pas
de jouer un rôle de plus en plus
important dans la vie sociale du pays.
pour autant
de
relation existant entre
privilégié de la vie de
intégration progressive à la vie politique et
relations entre la
communauté popa’a et
la communauté locale.
On doit
pourtant
Polynésie ne sont pour
rien dans la décision
d’implanter le C.E.P.
dans le Territoire.
généralement les aînés
qui tiennent le magasin
fondé par les parents ou
les grands-parents.
Les cadets sont plutôt
maraîchers dans les
districts suburbains,
planteurs de vanille
(comme métayers) à
Moorea
ou aux
îles
simples
agriculteurs. Une
occurrence qui se
présente fréquemment
quand ils sont intégrés
Sous-le-Vent
ou
familles ma'ohi par
le biais des relations
matrimoniales.
aux
John Teariki a été en
politique (voir vol. 8,
117-118) le principal
légataire de l'héritage
transmis par Pouvanaa
a Oopa, le fondateur
pp.
d’un nationalisme
grands groupes de professions
fonction de ieur importance relative (1962-1983)
Classement des
en
authentiquement ma’ohi
(voir vol. 8, pp. 18-21).
1983
1962
Grands groupes
de
nombre
%
nombre
%
10 352
38,38
7 459
12,89
Ouvriers
5 941
22,02
18 136
31,35
Employés
4 316
16
11 826
20,44
indépendants
2 462
9,12
4 984
8,61
Cadres moyens
1 299
4,81
8 366
14,46
1 204
4.46
865
1,49
556
2,06
3 264
5,64
257
0,95
2 567
4,43
192
0,71
130
0,23
89
0,34
262
0,45
310
1,15
4
0,01
26 978
100
57 863
100
professions
Exploitants agricoles
patrons pêcheurs
et
Employeurs et
travailleurs
Ouvriers
agricoles
Militaires et assimilés
Cadres
supérieurs
Clergé
Professions libérales
Mal définis
Population active
11
VIVRE EN
POLYNÉSIE
La stratification
sairement devenir le fer de lance d’une bour¬
geoisie dominante
sans mélange.
sociale :
vers des rapports
de classes
L’effritement de la communauté
chinoise
l’instar
A
Lorsque s’achèvent les grands travaux
atomiques, ce sont des
qui sont rapatriés vers
Papeete et viennent s’entasser dans les bidon¬
villes péri-urbains et suburbains.
L’apparition du “travailleur nu”, sans
travail et sans terre, n’ayant à sa disposition
que sa seule force de travail, et l’affirmation
d’une classe bourgeoise sont les deux éléments
constitutifs des nouveaux types de rapports
sociaux qui caractérisent cette époque,
économie mercantile à
et
qualification des secteurs publics et
privés. Environ 8 000 d’entre eux étaient
manœuvres et ouvriers, spécialisés ou non. Ce
nouveau prolétariat, qui se distingue par une
certaine homogénéité socio-culturelle, l’occu¬
pation des postes d’exécution dans la division
faible
se
classe sociale dominée
“demie”
de
la
une
économie de type
et
constituent ainsi entre l’immobilier
l’import-export des fortunes parmi les plus
enviables.
salariés à des postes subalternes et compo¬
saient près de 80% de la masse salariale à
façon croissante et
couche
la
capitaliste, les Chinois occupent très vite de
façon largement prédominante les secteurs de
l’industrie et du commerce privé aux échelons
les plus élevés de la hiérarchie. Ils augmentent
considérablement leurs acquisitions immo¬
public et
professions libérales. L’apparition de cette
nouvelle catégorie socio-culturelle de Chinois
nés de parents chinois et polynésiens ou
français - correspond essentiellement à une
perte de la culture identitaire ancestrale et à
une nouvelle répartition des rôles sociaux et
politiques dans l’ensemble de la communauté.
Ce rééquilibrage des hégémonies sociales
et
économiques entre les couches socioethniques “demie” et chinoise allait tendre
finalement à une plus grande homogénéisa¬
tion de la classe bourgeoise et à un fraction¬
nement politique plus net dans la course à la
direction et à la gestion des affaires du pays.
des
L’emprise néo-coloniale
nouveaux Popa’a Farani
des
A
fin des années 70, les
la
forment
une
Mais
au sein de la
s’affirmer progres¬
fil des années : celle de l’accès
une
nouvelle tendance
communauté chinoise
sivement
d’une
au
partie d’entre
va
eux,
les plus métissés,
aux
Popa’a Farani
catégorie socio-ethnique parti¬
culière. Près de 70% sont des fonctionnaires
d’État
;
le tiers restant
différentes
En 1971, 13000 7û'a/a A/û’o/r/environ étaient
et une
de
bourgeoisie, la catégorie ethnique d’origine
chinoise allait se retrouver divisée sur le plan
politico-institutionnel avec la création, en
1975 et 1976, de deux partis politiques. L’un
proche des autonomistes, l’autre de l’U.T,U.D.R. Projetés en moins de dix ans d’une
bilières
La prolétarisation
des Ta’ata Ma’ohi
faiblement rémunérés,
carrières administratives du secteur
-
d’installation des sites
milliers de travailleurs
sociale du travail
options économiques
aux
activités
se
du
répartit entre les
privé. La
secteur
tendance à l’isolement et à l’auto-réclusion du
premier
suit.
groupe
s’affirme dans la décennie qui
En revanche, ceux du secteur
privé qui
condition de salariés
va
se
structurer
consolider
de
en tant que
économiquement : un
prolétariat sous-employé et de plus en plus
touché par le chômage, dont la situation
demeure précaire, tout comme celle des
laissés-pour-compte de l’expansion ; petits
propriétaires indivis pratiquant encore l’au¬
tosubsistance, métayers au bord de la paupé¬
risation, s’interrogeant sur l’avenir de leurs
enfants qui pourraient bien venir gonfler les
rangs des salariés.
Les
une
’Afa Tahiti :
bourgeoisie dominante
'Afa Tahiti souffrent à présent d’une
double frustration et d’une auto-culpabilisa¬
tion. Ayant épousé de plus en plus les valeurs
occidentales, ils ne peuvent réaliser leurs
ambitions sans conquérir au préalable la
puissance économique. Mais celle-ci passe
nécessairement
par
l’appropriation des
moyens de production et l’utilisation de la
force de travail offerte par les Ta’ata Ma’ohi,
ainsi que par l’acceptation de l’assistance
budgétaire de l’État français.
Ces dilemmes, qu’il leur faut résoudre en
assumant pleinement la logique du système
capitaliste et le nouveau rôle d’exploiteur qui
en
découle pour eux, sont d’autant plus
pressants à régler que la compétition socio¬
économique avec les bourgeoisies d’affaires
chinoise et européenne est d’ores et déjà
engagée. N’ayant pu ni trancher le cordon
ombilical qui la reliait à la France, ni refuser le
choix du développement d’un mode de
production à dominante capitaliste, la caté¬
gorie socio-culturelle “demie” allait néces¬
Les
12
■
I
ï
■
Le développement d’un
salariat dans lequel ils
occupent des postes
subalternes constitue un
élément déterminant de
la prolétarisation des
Polynésiens (voir
graphique p. 13).
D'autant qu’en 1962
(l’exemple de Makatea
est à cet égard probant
s’agissant des insulaires
Australes), les
Polynésiens occupaient
des îles
bien souvent des
emplois subalternes.
Une nouvelle
catégorie
socio-culturelle
chinoise. Dans les
années 1960, les Chinois
sont exploitants
agricoles ou
commerçants. Ils le sont
toujours aujourd’hui,
mais bon nombre
d'entre eux se sont
orientés vers les
nouvelles activités de
services ou ont intégré
la fonction publique.
La naturalisation
française et les mariages
inter-ethniques ont
contribué à accélérer
cette évolution.
LES RAPPORTS SOCIAUX
Polynésie à la recherche d’un
qu’ils espèrent rémunérateur
vont
nourrir une bourgeoisie petite et
moyenne qui noue des alliances avec ceux qui
viennent
contrat
en
local
sauront
le
mieux
défendre
ses
intérêts
particuliers.
Cette couche popa’a va se
montrer dès lors plus active que par le passé
dans les décisions et les choix politiques du
pays. Une large majorité d’entre elle ne cache
pas d’ailleurs son désir de voir la présence de
l’État français se maintenir.
Importance relative (au-dessus de 5 %) et
classement des grands groupes
de professions
en
fonction des
groupes
Une nouvelle classe
d’État ?
Aujourd’hui, la Polynésie compte approxi¬
mativement 170 000 habitants. 68,5% sont des
Ta'ata Ma’ohi, 11,6% sont des Popa’a, 9,5%
’Afa Tahiti, 4,5% Chinois et 4,1% sont des
mariages contractés
“Demis” chinois issus de
entre
des Chinois et des
Polynésiens d’une
part et entre des Chinois et des Popa’a d’autre
part. Les 1,7% qui restent sont composés
d’ethnies venues de l’extérieur. Le dosage
particulier de ce nouveau découpage
s’explique par la simple mise en évidence du
métissage inter-ethnique d’une partie de la
communauté chinoise.
nouveau
Il révèle surtout le
drame identitaire
qui
se
joue depuis
quelques années au sein de la communauté,
sous la pression des événements politiques,
économiques et culturels qui ont agité la
société polynésienne depuis 15 ans.
Le taux de salariat qui était de 50% en
socio-ethniques
1962 est actuellement de
78%. 11 intéresse
touche essentiel¬
lement les professions subalternes exercées
principalement par les Ta'ata Ma’ohi. Le
chômage structurel qui s’est substitué
largement au travail saisonnier et à temps
partiel frappe un nombre important de
travailleurs de faible qualification. En 1984,
plus d’un millier de demandes d’emplois n’ont
pu être satisfaites. Si l’on relève enfin qu’en
1983, 48 700 personnes étaient encore à la
recherche d’un emploi, il faut en conclure que
le développement trop rapide des nouvelles
formes prises par le mode de production capi¬
environ 45 000 personnes et
1962
POLYNÉSIEN
1983
1962
EUROPÉEN
1983
Professions et groupes
socio-ethniques. Les
pourcentages donnés
n'ont qu'une valeur très
relative, compte tenu de
la difficulté d'identifier
les catégories socio-
1962
1983
CHINOIS
ethniques en zone
urbaine (voir p. 77).
Trois enseignements
peuvent néanmoins en
être tirés : les popa'a
affirment leur position
responsable de la crise grave que
polynésienne.
A côté d’un prolétariat ma’ohi de plus en
plus important, la classe bourgeoise continue
à s’enrichir en accumulant profits et plusvalues sur les marchés de la production et de la
distribution. Néanmoins, c’est l’hypertrophie
démesurée du secteur tertiaire qui semble le
mieux caractériser la période actuelle. En
vingt ans, le nombre de salariés du secteur
public s’est accru de 462%. Cette fonction¬
narisation à outrance d’une partie de la classe
bourgeoise est symptomatique des retombées
financières d’une assistance budgétaire de
l’État français toujours plus grande, d’une
accumulation du capital privé non réinvesti
dans les secteurs productifs du pays et d’une
nouvelle conception de la façon de gérer et
d’administrer socialement et économique¬
taliste est
traverse
actuellement la société
ment le
Territoire.
assiste en effet, depuis quelques
années, à l’éclosion d’une nouvelle classe de
On
gérants, d’hommes d’appareil étatique, de
techniciens du pouvoir politique et économi¬
que. Issus des différentes couches socioethniques de la classe dominante, ils se
trouvent renforcés par l’arrivée massive de
cadres supérieurs et d’administrateurs popa’a.
Ce nouveau phénomène est significatif de
l’émergence d’un micro-capitalisme d’État, né
de l’alliance du capitalisme privé et de l’État
territorial en gestation. Sans constituer pour
autant un monopole, cette nouvelle fraction
de la classe bourgeoise tente de réaliser à la
fois les conditions de son hégémonie sociale,
politique et économique.
leur profil socio¬
économique donne à
penser qu’ils se fondent
progressivement en
milieu urbain dans les
deux grandes classes
sociales en formation :
bourgeoisie
hétérogène et le
prolétariat.
une
dominante ; les
"Polynésiens” se
prolétarisent ; quant aux
Chinois et aux Demis,
lil
1962
1983
DEMI
Ci-dessus
:
Le haut-commissaire
recevant ie bureau et ia
commission
permanente de
i'Assembiée territoriaie.
Réception du 14 juiiiet
chez ie hautcommissaire. Les
méfaits dont se rendent
1962
AUTRE
1983
m Cadres
I etExploitants
agricoles
patrons pêcheurs
I Ouvriers agricoles
moyens
m Employés
Ouvriers
(Employeurs
et
HH Militaires et assimilés
travailleurs indépendants
I Cadres supérieurs
I Clergé
coupables certains
popa'a permettent à un
pouvoir territorial qui ne
maîtrise pas le devenir
politique, social et
économique de la
Polynésie française,
d'agiter l'épouvantail de
l'immigration. Un
discours idéologique
reposant sur une
certaine déformation de
la réalité (voir p. 77)
qui, dans ce contexte,
vise à réaliser le
consensus à son
profit.
13
VIVRE EN
POLYNÉSIE
L’évolution
des formes de
réflexion sociale
Une réflexion limitée
l’idéologie religieuse
par
Jusqu’en
nésiens
1972, l’univers social des
reste
confiné
au
cadre de la
Poly¬
commu¬
villageoise, en particulier dans le monde
rural. Base du système économique et social,
la
communauté
organise les formes
spécifiques touchant la participation à la vie
nauté
sociale et l’action
Les
relations
à
sur
le devenir de la société.
sociales,
les
regroupements
économique ou idéolo¬
gique, tels que lespupu ’ohipa ou les amuira’a,
s’inscrivent dans cet espace et sont encadrés
par les Églises qui en assurent la cohésion.
d’individus
En
but
effet, la réflexion
sur
la situation et
impulsée par les diffé¬
rentes
confessions, et en particulier par
l’Église évangélique. Mais la morale chré¬
l’avenir de la société est
tienne, essentiellement conservatrice, fait
barrage à toute réflexion révolutionnaire qui
pourrait remettre
l’ordre social
établi, même si, dans le même temps, elle tient
en
pendant
période
Le district est
toute la
coloniale l'espace de
référence d'une société
néo-traditionnelle où les
Églises (en bas, un
temple à Rimatara dans
les années 1930)
impulsent et animent les
activités socio¬
économiques (àgauche,
le lancement d'un cotre
à Maupiti en 1930).
14
cause
qui reflètent les
antagonismes existant dans la société poly¬
nésienne. La tutelle exercée principalement
par l’Église évangélique, garante de l’ordre et
de la paix sociale, est telle qu’elle empêche que
les discours d’opposition élaborés en son sein
se concrétisent par la formation de groupes de
pression.
Ainsi
en
1963, lors du projet
d’implantation du Centre d’Expérimentation
du Pacifique, l’Église évangélique s’y oppose
en
adoptant une résolution. Mais elle
n’engage aucune action véritable. Cet
immobilisme dans l’action et cette impuis¬
des discours contradictoires
sance
à concrétiser
ses
décisions font, alors
la majorité de ses coreligionnaires sont
opposés au nucléaire, qu’aucun groupe de
pression ou d’opposition ne se constitue.
Les deux autres formes de participation
sociale présentes aux côtés des Églises sont les
partis politiques et les syndicats. Mais, autant
les premiers développent des discours se
référant à l’idéologie religieuse, autant les
seconds ne constituent pas à proprement
parler des groupes de réflexion portant sur le
changement social. Tout en luttant pour
que
l’amélioration
des
générées
le
par
conditions
salariat,
demeurent conservateurs.
les
de
travail
syndicats
L’émergence des
de réflexion
groupes
partir de 1972, la réflexion développée sur
polynésienne
prend une forme plus radicale avec
l’émergence de nouveaux groupes de réflexion
A
l’état et le devenir de la société
dont le fer de lance est l’association la Ora te
dépassent le cadre d’une
opposition formelle s’en tenant aux discours
et aux vœux pieux ; ils tentent au contraire de
s’ériger en groupes de pression animés par la
Natura. Ces groupes
volonté d’infléchir le
sens
de l’évolution de la
société.
Ces groupes s’opposent à ceux qui
adhèrent à l’idéologie dominante et agissent
pour maintenir l’ordre social existant, comme
à ceux qui disent prôner une société nouvelle
mais
ne
font rien pour
la changer. Ils témoi¬
gnent en fait de l’irruption de la modernité liée
à l’installation du C.E.P. Le
salariat, la moné¬
tarisation
de
créent
nouvel univers social et culturel
un
dont les traits
de
ces
sophie.
l’économie
et
principaux expliquent l’origine
le contenu de leur philo¬
groupes et
primauté de l’individu et non plus de
plus important
caractérise désormais les nouveaux
La
la communauté est le trait le
qui
l’urbanisation
LES RAPPORTS SOCIAUX
sociaux générés par la modernité.
l’image religieuse ancienne
véhiculée par le missionnaire, celle du droit au
rapports
Par
ailleurs,
bonheur
sur
terre et de la croyance en une
détermination surnaturelle, se voit peu
à
peu
supplantée par la diffusion d’une nouvelle
image de l’Occident qui donne la possibilité
aux hommes d’agir sur leur propre destin.
Enfin, le contact et la diffusion des idées
nouvelles, ainsi que leur brassage par les
jeunes Demis retournant sur le Territoire
après des études supérieures faites en
Métropole, constituent un autre des traits
marquants de la période.
modifications s’ajoute une restruc¬
turation de la société. L’accroissement des
A
ces
inégalités entre
une
masse
une
minorité possédante et
d’individus démunis caractérise
une
aux
société plus
rigide,
antagonismes
aux
accrus.
contradictions et
Tous
ces
change¬
ments amènent une intensification et une
diversification de la vie politique, associative
et culturelle qui seront favorables à l’éclosion
groupes de pression rassemblant
individus issus de milieux différents mais
des
des
qui
partagent grosso modo une même conception
de la société, de l’analyse de ses problèmes et
perspectives d’avenir. Ils ne se situent
à l’instar des partis politiques, dans la
perspective d’une prise de pouvoir. Ils se défi¬
nissent simplement par la nature de leur
réflexion qui porte sur la nécessité ou non du
changement social et politique.
de
ses
pas,
l’individua¬
lisme) qui caractérisent le nouvel univers
socio-culturel ont du mal à pénétrer en milieu
Tous
ces
traits (et notamment
polynésien. Une pénétration d’autant plus
difficile que les Églises et les partis politiques
continuent à exercer leur tutelle sur les masses
et de
façon protectionniste.
les structures
En outre,
de fonctionnement de
ces
comme
les règles
nouvelles formes
d’organisation restent calquées sur les formes
de regroupement de type occidental. En cela
elles s’opposent à celles traditionnelles qui
prévalent dans la société polynésienne, et
empêchent ainsi une réelle implantation de
leur part dans les milieux populaires. En effet,
les Polynésiens n’intègrent toujours pas la
démarche occidentale d’une adhésion indivi¬
une organisation. Les formes de parti¬
cipation passent toujours par la commu¬
nauté : on n’adhère pas à un groupe mais on
duelle à
un groupe. Ces groupes de
peuvent donc espérer s’implanter
appartient à
réflexion
ne
le processus d’individualisation
sociaux en cours sera achevé, au
risque d’anéantir les règles de fonctionne¬
que lorsque
des rapports
de la vie communautaire.
Enfin, les nouvelles conceptions sur la
société et les théories du changement social
forment le contenu d’une réflexion dont seule
ment
partie de l’intelligentsia locale a l’apanage.
nouveaux concepts et valeurs qui corres¬
pondent à une véritable révolution
idéologique et intellectuelle ne peuvent encore
atteindre largement la grande majorité des
Polynésiens.
une
Les
Les lotissements
sociaux de la zone
urbaine, où les
logements sont
attribués en fonction de
critères socio¬
économiques.
consacrent à leur
manière la disparition
des liens de solidarité
socio-culturels qui
fondent dans le monde
rural l’existence des
communautés.
Un changement de
société. Les familles
étendues, regroupées
en communautés
rurales encadrées par
les Églises, ont constitué
jusque dans les années
1960 les cellules de base
de la société
polynésienne. La
monétarisation de
l’économie,
l'urbanisation et le
développement de la
consommation
accélérés par
l'installation du C.E.P.
ont
profondément
bouleversé cette
qui
perdure encore dans les
archipels.
structure sociale
15
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Les groupes
réflexion
se
de
La diversité des groupes de réflexion qui
constituent à partir des années soixante-dix
est
évidemment fonction du choix des thèmes
qu’ils privilégient : l’environnement naturel, le
nucléaire, la paix, la condition de la femme,
pour ne citer que les principaux. Histori¬
quement, la première organisation “moderne”
à avoir été fondée est la Ora Te Natura, créée
le 28 août 1973.
la Ora Te Natura
problèmes de protection de la nature, jusqu’à
constituer un groupe de pression”. Les six
premiers mois, une campagne de sensibilisa¬
tion de l’opinion est menée à l’aide d’affiches,
d’autocollants, dans la presse et à la télé¬
vision, de débats dans les écoles ; l’association
diffuse également un bulletin d’informations.
Les principaux thèmes de la campagne
portent sur les pesticides, les ordures ména¬
gères, l’abattage intensif d’arbres, la protec¬
tion de sites tels que l’atoll de Tetiaroa et celle
du milieu
en
général.
De 1974 à 1976, ses actions sont
nom¬
breuses, et même si la OraTeNatura s’oppose
pouvoir local en lui intentant
procès, dont elle sort souvent victorieuse.
le cadre reste la défense de l’environnement.
qui la conduit à poser le problème de la
présence du C.E.P.
A partir de 1976, la OraTeNatura centre
Ce
alors
son
action
contre
les essais nucléaires
français.
Mais, au lieu de mener une
campagne de sensibilisation, de créer un
courant d’opinion sur les causes et l’origine de
leurs méfaits, l’organisation opte pour une
action supranationale en liaison avec des
organisations internationales comme
Greenpeace.
Par ses prises de position de plus en plus
radicales et l’absence d’actions réelles, la Ora
Natura perd peu à peu son caractère
ouvertement au
Te
des
d’association
de
défense
de
la
nature
et
la Ora Te Natura est née de la rencontre
l’Église évangélique et de
Jeunes diplômés de l’Enseignement supérieur.
A l’origine, son but était la protection de la
nature menacée depuis l’implantation du
Centre d’Expérimentation du Pacifique, mais,
pour répondre à une carence du Territoire en
matière de politique d’aménagement, l’asso¬
ciation allait avoir pour objectif “de créer un
courant d’opinion partant de la base, sur les
d’anciens cadres de
la Ora Te Natura. En
1974, lorsqu’elle est
créée, cette association
de défense de la nature
dispose d'un local, d’un
journal, d'une
subvention territorialeet
de l’enthousiasme de
ses animateurs :
Do Carlson, J.-P. Barrai,
Ph. Siu, J. Drollet...
16
En 1976, ses prises de
position antinucléaires
contribuent à la
diminution de son
audience. Depuis 1982,
elle n’a plus d'activité
et ses membres se sont
dispersés dans des
partis politiques ou
d’autres groupes de
réflexion
:
la Mana,
Comité pour la Paix,
Here Ai’a, Ligue
internationale des
Femmes pour la Paix et
la Liberté
...
Ci-dessous :
Tortue à Scilly.
Des
rapports sans suite, des
associations aux
réunions sporadiques,
de nombreuses
proclamations
politiques... les discours
concernant la défense
de la nature sont
beaucoup plus
nombreux que les
actions effectivement
menées. Pendant
ce
temps-là, les chercheurs
constatent que la
dégradation de
l’environnement
se
poursuit
(voir pp. 126-127).
LES RAPPORTS SOCIAUX
apparaît dès lors comme une organisation
politisée. Désenclavée de la vie sociale locale,
la Ora Te Natura n’est plus aujourd’hui qu’un
sigle.
Le Comité pour
une
Natura, le Comité pour la Paix n’est pas
organisation politique si l’on
en
croit
ses
Néanmoins, la nature des organi¬
sations fondatrices, comme le la Mana Te
Nunaa ou le Here Ai’a, le contenu de son
manifeste, le type de ses actions qui privi¬
légient les manifestations, et le sens de ses
déclarations attestent le caractère politique de
ce groupe de réflexion.
Son objectif est de regrouper le peuple
polynésien afin de lutter pour la suppression
des essais nucléaires en Polynésie et la dénu¬
cléarisation complète du Pacifique. Son
action, limitée à l’organisation d’une manifes¬
statuts.
tation annuelle dans les
rues
de
Papeete,
ne
permet pas au Comité de s’implanter dans la
réalité sociale. Le 25 février 1984, il n’a réuni,
selon certaines estimations, que
personnes.
organisations de type occidental ont
toujours eu du mal à s’implanter en Polynésie.
médecins
Les
association
comme
la section
800 à 1 500
polyné¬
Ligue des Femmes pour la Paix et
la Liberté, qui a été créée en 1981, n’a plus
aujourd’hui qu’une vingtaine de membres.
A contrario, de par son caractère “tradi¬
tionnel”, un groupe de réflexion comme le
Conseil des Femmes est bien mieux inséré
dans le tissu social. Il regroupe en
Planning familial a été créé à l’initiative de
métropolitains, d’assistantes
sociales et de cadres de l’Église évangélique,
conscients des problèmes engendrés par une
démographie galopante. Son but initial était
Le
sienne de la
Créé à l’initiative d’anciens militants de la Ora
Te
Le
Une
la Paix
Planning familial
Du C.I.F.P.L.
au Conseil des Femmes
effet, depuis
1981, treize associations qui, pour la plupart,
pratiquent l’entraide dans le cadre de leurs
activités artisanales. Une pratique qui est très
largement impulsée et contrôlée par les Églises
et
notamment, dans le cadre qui nous
préoccupe, par l’Église mormone. Sur plus de
2 000 membres du Conseil, 1 205 font partie de
la Société des Secours de l’Église de JésusChrist des saints des derniers jours (pieux de
Pirae et Papeete en particulier) qui adhère au
Conseil depuis sa création. Le Conseil des
Femmes, est-il besoin de le préciser, ne remet
pas en cause les clivages sociaux ; ce faisant, il
s’inscrit dans la durée.
de freiner le taux d’accroissement naturel
intervenant
la natalité
en
de la
contraception, ün premier centre est créé en
1972 à Papeete. Le mouvement essaime
ensuite à Taravao, à Papara et à Raiatea. Ces
centres
sur
mènent
une
moyen
action d’information et
importante
en particulier en
contraception, de prévention et de
d’éducation
matière de
au
,
suivi médical de la grossesse.
Plusieurs raisons expliquent
larité du
chaleur
la popu¬
succès. D’une part, la
accueil toujours ouvert à la
Planning et
d’un
son
discussion, le souci de réduire les contraintes
administratives ; d’autre part, le soutien
apporté par l’Église, dont les points de vue
convergent avec les siens, notamment dans un
domaine particulièrement important : tout
comme elle, et contrairement à son homo¬
logue métropolitain, il est contre l’interrup¬
tion volontaire de la grossesse.
Le Conseil des Femmes
regroupe, autour de la
Société de Secours de
l’Église des Saints des
Derniers Jours, diverses
associations : Groupe de
Solidarité des Femmes
de Tahiti, Tuterai Nui,
Club Soroptimist,
Te Vahiné Polynetia,
Tiare Rau, Comité de la
Croix Rouge,
Te Vahiné Ura, Pu Maohi,
Tamatea, Tumuhau,
Tiare Moorea.
L’amélioration de la
condition de la femme
constitue un des
objectifs poursuivis par
les groupements de
solidarité féminins. Une
action qui, pour la
majeure partie d’entre
est conçue et
menée en termes
d’assistance et ne remet
eux,
pas en cause les clivages
sociaux qui sont
responsables de la
condition féminine.
Le Comité économique
et social, qui a été
institué par le statut de
1977, est une chambre
de réflexion et de
propositions. Ses
compétences sont fort
limitées
:
le
gouvernement local
reste maître de son
ordre du jour et il
désigne les
groupements
professionnels et
associatifs qui y sont
représentés.
17
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Les
syndicats
patronaux
En Polynésie française, les premiers
syndicats patronaux sont créés dans les
années vingt. En 1948, il en existe une dizaine,
ainsi qu’une Union patronale des E.E.O. qui
regroupe industriels, entrepreneurs et com¬
merçants.
Ces organisations ne seront
reconnues et définies qu’en 1952 par le Code
du travail toujours en vigueur aujourd’hui.
Les
sienne de l’Hôtellerie fondée
fessionnels
1973 et 80
crée
la
1969 et la
en
1979. Dans le même temps se
Associations et
Confédération des
sont
avant
Les débuts d’une restructuration
La création de la C.A.S.P.P.F. marque
le
syndicalisme
patronal. Jusque-là, il n’y avait que des
syndicats ou des unions regroupant des tra¬
vailleurs
indépendants. La C.A.S.P.P.F.
rassemble 12 syndicats sur les 59 existants.
début d’une restructuration du
par ces
tout
B?®*
Le syndicalisme
patronal s’est développé
en adaptant ses objectifs
et ses structures à la
nouvelle donne
socio¬
économique.
Regroupant au départ
les producteurs de
coprah ou les
exportateurs de vanille,
il a d’abord attiré, dès
les années 1950, les
patrons de l’hôtellerie et
des entreprises de
services, avant de
prendre sa
configuration actuelle.
18
en
polynésienne de l’Hôtellerie et des
touristiques. Leur nombre
augmente ensuite rapidement : ils sont 50 en
Eédération
Industries
Syndicats patronaux de Polynésie française
(C.A.S.P.P.E.).
prémices
objectifs poursuivis
syndicats pro¬
économiques.
Ainsi, en 1940, les exportateurs de vanille se
regroupent pour améliorer les conditions de
commercialisation de ce produit. Dans les
années 1950-1960, la majorité des syndicats
qui se créent intéressent les transports, le
commerce, le bâtiment, les travaux publics, le
tourisme et ses activités annexes (hôtels, bars,
restaurants...). Dans les années soixante-dix,
malgré un déclin des productions tradition¬
nelles, nombreuses sont les créations d’orga¬
nisations qui regroupent les travailleurs
indépendants de l’agriculture, de l’élevage et
de la pêche.
Les
Cependant, à la fin des années soixante,
syndicats demeure faible : ils
sont 32 environ regroupés dans trois organi¬
sations : la Confédération syndicale inter¬
professionnelle créée en 1968, l’Union polyné¬
le nombre de
Par
ailleurs,
avec
la
promulgation du code
du travail, il adù prendre
en compte l’existence
des organisations
syndicales de
travailleurs salariés.
à gauche :
Jean-Claude Michaux,
En bas,
qui fut jusqu’à la prise
de participation
majoritaire de la
Lyonnaise des Eaux, le
responsable du groupe
(familial) Martin
(électricité, brasserie,
imprimerie...), incarnait
certaine force
d'action patronale
une
représentée à la
bien
C.A.S.P.P.F.
Le Conseil des
Employeurs, qui a
remplacé la C.A.S.P.P.F.
en 1983, est, à l'image du
C.N.P.F. métropolitain,
le parti des patrons, et
pour ce faire, il n'hésite
pas à intervenir dans le
débat socio¬
économique pour peser
sur la politique du
gouvernement local. Les
entreprises adhérentes
rassemblaient 18 000
des 45 133 salariés du
Territoire en 1985. Il est
actuellement présidé
par
au
J. Guilpain (en bas,
centre).
La C.G.P.M.E. a été
créée en 1984 pour
représenter des
entreprises de moins de
100 salariés. Son
fondateur est
M. Le Hebel
(ci-dessous).
LES RAPPORTS SOCIAUX
multiplication ainsi que les modifica¬
syndicalisme patronal
polynésien s’inscrivent logiquement dans le
nouveau contexte juridico-institutionnel mis
en place par la nouvelle réglementation du
Cette
tions structurelles du
travail et des lois sociales.
effet, sont créées les commis¬
sions mixtes paritaires qui réunissent les
représentants des syndicats patronaux, ceux
des syndicats de travailleurs, sous la direction
de l’Inspection du travail et des lois sociales.
L’objet de ces commissions est la négociation
En 1974
d’accords
en
destinés
notamment
conditions de travail
en
à
fixer
d’horaires, qu’il s’agisse d’une entreprise
tout
un
secteur
les
matière de salaires et
ou
de
d’activité. Ces accords sont
appelés aussi conventions collectives.
Face à ce nouveau rapport de forces, la
C.A.S.P.P.F. voulut s’affirmer
comme
étant
représentant du patronat polynésien et
son unique interlocuteur. Mais elle se heurta à
deux séries d’obstacles : d’abord à l’esprit de
chapelle entretenu par les syndicats patro¬
naux qui continuent à défendre des intérêts
corporatifs, ensuite à la nouvelle donne
politique créée par le statut d’autonomie de
gestion de 1977 qui favorise l’apparition d’une
nouvelle conception du patronat polynésien.
En effet, le pouvoir territorial fait alors
appel à l’ensemble des patrons, en tant que
le seul
Ci-dessus
:
syndicale, par
biais de l'élection des
L’action
délégués,
surtout
au
le
se développe
sein des
entreprises d’une
certaine taille. Ici,
l’Électricité de Tahiti.
nouveaux
partenaires économiques et
sociaux, afin de déterminer des politiques
économiques étendues au niveau du Territoire
et non
limitées à
l’entreprise.
La constitution du
monopole
Le 15 octobre 1983, la C.A.S.P.P.F. devient le
Conseil des Employeurs. Ce conseil se
caractérise par des structures qui permettent
de regrouper de manière cohérente syndicats
professionnels et interprofessionnels. Ainsi, le
Conseil des Employeurs a notamment pour
adhérent l’Union patronale qui avait refusé
jusque-là d’entrer à la C.A.S.P.P.F. En 1985,
le Conseil comprend 16 syndicats patronaux
qui regroupent 392 adhérents. Jusqu’en 1984,
il est la seule organisation dite représentative
du patronat polynésien. Siégeant dans les
différents
organes de consultation
économique et sociale, il a en effet le
monopole de la représentation syndicale dans
les organes bipartites, placés sous la tutelle de
l’Inspection du travail et composés pour
moitié d’employeurs et pour moitié de travail¬
leurs, comme dans les organes tripartites
comprenant en plus les représentants du
gouvernement local. Organisées par celui-ci,
les réunions tripartites portent sur l’emploi, la
formation et la protection sociale.
Le
patronat divisé
Ce paysage se modifie avec la création en 1984
d’une nouvelle organisation patronale ; la
Confédération des Petites et Moyennes Entre¬
prises de la Polynésie française
(C.G.P.M.E.P.F.) qui affirme vouloir repré¬
senter le patronat réel et considère que le
Conseil des Employeurs ne défend que les
intérêts du grand patronat de gestion. La
C.G.P.M.E.P.F. s’adresse aux entreprises de
moins de 100 salariés. Encore récente, elle a
action d’information auprès
surtout mené une
des
syndicats patronaux indépendants, non
au Conseil des
Employeurs. La
adhérents
C.G.P.M.E.P.F.
intervient
dans
quatre
privilégiés : la fiscalité, l’envi¬
ronnement économique, le Code du travail et
le chômage.
domaines
en dépit de la fai¬
implantation - en avril
1985 elle ne compte que 250 entreprises
adhérentes -, oblige néanmoins les parte¬
naires socio-économiques à reformuler leurs
relations et elle modifie le rapport de forces
avec les organisations de travailleurs salariés.
Cette division entre patrons, qui est encore
formelle, risque fort de modifier les décisions
et les
accords relatifs au développement
économique et social du Territoire.
La
C.G.P.M.E.P.F.,
blesse relative de
son
En haut, à droite :
L’évolution des formes
de commerce (ici, la
galerie marchande du
centre Moana Nui) a
contribué à mettre en
valeur la différence de
taille des entreprises et à
faire éclater le monopole
du Conseil des
Employeurs.
A droite :
La vallée de la Tipaerui,
aux confins occidentaux
de la commune de
Papeete, concentre une
bonne partie de l'activité
industrielle de Tahiti :
brasseries, menuiseries
métalliques, garages,
etc.
19
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Les syndicats
de travailleurs :
des négociations
aux
Ces succès attestent l’implantation du
syndicalisme dans le monde du travail. Son
avenir n’en est pas garanti pour autant : la
liberté syndicale reste formelle et la répression
n’épargne pas les militants. Le licenciement de
105 travailleurs de la municipalité de Papeete,
le 8 mai 1953, pour leur appartenance syndi¬
cale, en témoigne et reste encore gravé dans les
grèves
L’idée
créer des
syndicale, c’est-à-dire la volonté de
organisations représentatives des
travailleurs afin d’améliorer leurs conditions
de travail, est née en 1946-1947.
essentiellement diffusée par des
Elle
a
été
métropo¬
expatriés, sympathisants communistes
et pro-C.G.T., et surtout par le mouvement
politique pouvaniste.
litains
de syndicats voient le
jour : des syndicats adhérents à la C.G.T. et
des syndicats adhérents à la C.F.T.C. et
fondés
par
des membres du Comité
Pouvanaa. En 1947, les dix syndicats profes¬
sionnels C.G.T. se regroupent et forment la
première union de syndicats : l’Union des
Syndicats tahitiens. En 1956, les syndicats
professionnels C.F.T.C. s’organisent de leur
Ainsi deux types
sein de la Confédération des Travail¬
leurs
chrétiens du Pacifique, elle-même
affiliée à la Confédération internationale des
côté
au
Syndicats chrétiens. Les syndicats de cette
époque revendiquent pour les Polynésiens
l’extension des lois métropolitaines en matière
de droit du travail et de protection sociale.
Les
mémoires.
Vers une structuration
du syndicalisme polynésien
De 1955 à
1972, le développement du syndi¬
calisme reste lent, à la mesure des progrès et de
la diversification du salariat dans l’économie.
En
1956,
la
majeure partie des salariés
(38% de la population active) sont
fonctionnaires, quand ils ne travaillent pas sur
recensés
à la Compagnie française des Phos¬
phates de l’Océanie (C.F.P.O.) ; 18 syndicats
professionnels seulement les représentent.
le port ou
Dans les années
soixante, de nouvelles orga¬
public
privé, à l’initiative des
deux centrales qui essaient de structurer le
mouvement syndical : le Syndicat autonome
des Fonctionnaires indépendants (S.A.F.L),
créé le 10 septembre 1958, et la Fédération des
Syndicats de Polynésie française (F.S.P.F.),
nisations
comme
se
créent dans le secteur
dans le secteur
fondée le 10 février 1962
Syndicat
général
des
-
fédération issue du
Fonctionnaires et
Agents de la Fonction publique. Ces deux
supplantent la C.T.C.P.,
centrales
l’U.S.T./C.G.T. et l’U.S.T./F.O.
Elles assument désormais la responsa¬
syndicale. Non sans succès
puisque, en 1966, à la suite d’une grève de 11
jours déclenchée dans la fonction publique
bilité de l’action
pour obtenir l’alignement des salaires sur ceux
de la Métropole, les fonctionnaires locaux
intégrés dans la fonction publique métro¬
politaine.
Par ailleurs, elles essaient d’améliorer
leur implantation dans le secteur privé, ce qui
conduit la S.A.F.L à changer de sigleen 1967 :
elle devient le Syndicat autonome des Travail¬
leurs polynésiens (S.A.T.P.). Ces deux orga¬
sont
nisations mènent alors
une
action unitaire afin
de contribuer à l’amélioration de la
sociale des travailleurs salariés.
protection
Elles sont
l’origine des premières conventions
collectives signées avec le patronat.
Le recours à des actions de grève est
fréquent mais limité à des entreprises capables
d’en supporter le coût économique. La
aussi à
F.S.P.F. et le S.A.T.P. interviennent enfin
pour l’application du
Code du travail du 15 décembre 1952 et la
auprès du Territoire
promulgation de décrets territoriaux fixant la
composition des commissions mixtes
paritaires comme préalable nécessaire à
l’obtention de conventions collectives dans le
secteur
privé. L’objectif est atteint
en
1974.
premiers conflits
De 1948 à 1954, aucun nouveau syndicat n’est
officiellement créé, mais la vie politique et
syndicale reste très agitée.
avril 1951, intervient le premier
important dans le monde du travail
polynésien. A l’initiative des deux syndicats
professionnels des dockers (C.G.T. et
C.F.T.C.) une grève d’un mois est déclenchée
dans le port de Papeete. Les revendications
portent sur la planification horaire de la
journée de travail, l’élaboration de tarifs
spéciaux pour les heures supplémentaires, la
En
conflit
création d’un bureau d’embauche de la maind’œuvre de
Papeete et l’adoption d’une classi¬
profession.
fication de la
Le conflit est dur. Le gouverneur envoie
des soldats tahitiens en armes qui, si l’on en
croit certains
témoignages, refusent d’ouvrir
le feu par solidarité avec les grévistes. Les
dockers jettent les marchandises par-dessus
bord et obtiennent
satisfaction, après que les
commerçants aient fait pression auprès des
autorités.
Un autre conflit d’un mois a lieu à
Makatea
en
Le
gouvernement central
dans le cadre d’une
1953, à la Compagnie française
politique générale
Phosphates de l’Océanie. La grève est
déclenchée par le Syndicat des Travailleurs de
des
concernant l’Outre-Mer
où se multipliaient les
conflits sociaux
Makatea C.F.T.C. et C.G.T.
conjugués à l’action
politique menée par Pouvanaa a Oopa, alors
député, et son parti politique, le R.D.P.T. majoritaire à l’Assemblée territoriale - sont
responsables de l’adoption du Code du travail
pour les territoires d’outre-mer en 1952 et de la
création de la Caisse de compensation des
prestations familiales, le 28 septembre 1956.
L’Office de la Main-d’Œuvre quant à lui est
Ces deux conflits,
créé le 3 août 1957.
premier code du
travail a été institué en
1952 par le
développement du
syndicalisme à Tahiti est
inséparable de l’action
politique menée par les
Le
comités Pouvanaa et le
R.D.P.T. Nous avons
déjà souligné (voir
volume 8, p. 21) la
dimension sociale de
l'action menée par le
Metua et par son
second,
J.-B.
Céran-Jérusalemy.
(voir p. 25). Des conflits
qui n’ont pas disparu
pour autant, la grève
déclenchée en 1953 à
Makatea l’atteste.
LES RAPPORTS SOCIAUX
Un univers
syndical éclaté
C.E.P. et
polynésiens qui naît d’une scission
nomistes
s’associer
D’autre
1976, la Centrale
mouvement
le
part,
de
ces
syndicales qui annonce la fin du
monopole de la F.S.P.F. et de TU.S./
S.A.T.P., une diversification qui est insé¬
parable de la crise des idéologies dont elles se
réclament. Désormais, chaque organisation se
préoccupe surtout de son implantation à
l’occasion des élections des délégués du
personnel et de l’obtention de la subvention
territoriale correspondante.
rations
nouvelles
syndical a
le thème de
l’autonomie, le sort des travailleurs ayant
toujours été considéré comme en dépendant.
En 1972-1973, alors que la mobilisation auto¬
nomiste contre la présence du C.E.P. est
importante dans le monde syndical, la
confédérations.
toujours
Charles Taufa joua un
rôle décisif entre 1953 et
1963 pendant la période
de développement du
Les dockers ont
toujours
déclenché
en
1951 le
premier "conflit
important" qu'ait connu
le Territoire.
1956
U.S.T./C.G.T.
C.T.C.P./C.I.S.C.
C.G.T.
Travailleurs
des
Chrétiens du
Syndicats F.O.
U.P.S.C.T./F.P.C.T.O.M.
polynésienne
des Syndicats de
Coopération technique
Centrale
Fédération du
Personnei de Coopération
Technique d’Outre-Mer
Fédération des
F.S.P.F. (10 février) 1962
Syndicats des Travailleurs polynésiens
issue du regroupement Syndicats de la Fonction publique
et du S.G.F.A.F.P. (Syndicat général des Fonctionnaires
et
Agents de la Fonction publique)
C.D.T.P./C.F.D.T.
démocratique des Travailleurs polynésiens
/
U.T.S.D.
1974
/
y
Union territoriale des
Syndicats démocratiques
T
1979
1977
issu du S.G.F.A.F.
mars
1964
1976
S A F I
1958
Pacifique
Union
1964
Organigramme historique des unions de syndicats de 1947 à 1984
U.T.S./F.O.
Union territoriale
Centrale des
Syndicats tahiîiens
1947
mars
sur
syndical. Ils ont
à la création de la
F.S.P.F. Son départ a
marqué un changement
d’attitude de cette
fédération qui a
abandonné la lutte pour
la négociation.
15
combat
été à la pointe du combat
syndicalisme qui aboutit
Union des
Le
centré
été
mouvement.
diversification croissante des confédé¬
une
politique autonomiste affecte les
d’émergence
conditions
du
renouveau
au
On assiste donc dans les années 70-80 à
de la C.T.A.P.
fonde 8. Par ailleurs, trois nouvelles confé¬
dérations voient le jour : en
prend position pour le maintien du
agit pour anéantir les actions de
boycott organisées par les syndicats du
Pacifique. Elle est rejointe dans ses positions
par le S.A.T.P. Seule la C.D.T.P. refuse de
F.S.P.F.
C.T.A.P., qui est issue de la C.D.T.P. ; en
1974, l’Union territoriale des Syndicats démo¬
cratiques, qui est intégrée à la F.S.P.F. en
1979 ; et en 1977, l’Union des Syndicats auto¬
A partir de 1973, la configuration de l’univers
syndical polynésien se transforme. Avec
l’augmentation massive du nombre des sala¬
riés, le mouvement syndical se diversifie : la
F.S.P.F. crée 14 syndicats et l’U.S./S.A.T.P.
en
polynésiens, la
des Travailleurs autonomistes
S.A.T.P. (5 juillet)
Syndicats autonomes
polynésiens
les
des Travailleurs
'
U.T.S.D.
uTS./SjA.T.P. (31 août)
Union des
affiliation à la
1967
Syndicats "S.A.T.P.”
1978
F.S.P.F.
disparaît
C.T.A.P. (24 février)
Centrale des Travailleurs autonomistes polynésiens
(tendance C.T.U.) 1984 22
mars
U.S.A.P. (2 septembre)
C.T.A.P.
Union des
autonomistes
Syndicats
polynésiens
F.I.S.T. Intersyndicale
^î’Fédération indépendante des Syndicats
1984 28 mars
U.S.C.P.F.
F.S.P.F.
des Travailleurs
Syndicats
Polyné¬
française
C.S.I.P. (28 mars)
Union des
Confédération
des Cadres de
sie
créée
en
Union des
25 mai
1984 2 avril
U.D.S.A.
U.T.T.IL.
Travailleurs
de Tahiti et
C.T.A.P.
(mai 1984)
Union
H^i
U.S./S.A.T.P.
U.S./S.A.T.P.
(avril-mai 1984)
Syndicats Indépendants
de Polynésie
SOLIDARITÉ (7 juillet)
des Mes
1982
démocratique
des Syndicats de
l’Aéronautique
F.I.S.T.
des
-
accord d'union
U.D.S.A. - C.T.A.P.
(décembre 1984)
AU PUPU MAOHl
1980
1984
21
VIVRE EN
Les
POLYNÉSIE
syndicats
de travailleurs :
du syndicalisme
au
retour
à la
L’intensification
de la vie syndicale
dur
négociation
Ainsi, jusqu’en 1980, la vie syndicale se
déroule
sous
le
signe de la négociation. Les
légal et les
actions menées restent dans le cadre
centrales formulent leurs revendications par le
biais des institutions placées sous la tutelle de
l’Inspection- du travail. Le climat social et
syndical demeure relativement calme : les
syndicats et le patronat portent leurs conflits
devant le Tribunal du travail.
1980, la vie syndicale
mal organisé, refuse
d’aller plus loin dans la satisfaction des reven¬
dications des organisations. Les procédures
juridiques se multiplient. Une nouvelle confé¬
dération naît : la Confédération des Syndicats
indépendants de Polynésie (C.S.l.P.). Créée à
l’initiative de six syndicats professionnels
autonomes déçus par les autres organisations,
la C.S.l.P. a une conception offensive de
Mais, à
s’anime.
partir de
Le patronat,
l’action. Son but est de défendre les intérêts
qu’elle juge menacés à la fois
le patronat, les instances territoriales et le
des travailleurs
par
français. Organisation
d’opposition, la C.S.l.P. définit une nouvelle
conception des moyens d’action : négocier,
mais établir au préalable un rapport de force
gouvernement
favorable
aux
travailleurs
d’activité
Le
ou au
bloquant
au
Territoire tout entier.
temps des grèves
Pour la
appelle
première fois, en 1982, la C.S.l.P.
à la grève générale. Mais le
mouvement
n’est suivi que par
leurs
rue.
en
Elle
les dockers. La
mobilisant les travail¬
dehors de leur lieu de travail, dans la
C.S.l.P. innove aussi
a
pour
en
objectif la grève générale afin
sa revendication globale d’amélio¬
ration de la condition des travailleurs poly¬
d’imposer
nésiens et d’obtention d’un nouveau Code du
Fin 1981, l’arrivée du texte métro¬
travail.
politain, qui ressemble beaucoup au code de
1952, déçoit l’ensemble des confédérations.
La grève de l'hôtellerie
d’octobre 1983 est une
date importante dans le
syndicalisme
polynésien, en ce sens
qu'elle fut longue
(40 jours) et marquée
par une vive tension
entre grévistes et forces
de l'ordre. Elle consacre
par ailleurs une rupture
dans le syndicalisme :
les accords de Matavai
montrent que la majorité
des organisations
syndicales refuse la
grève générale prônée
par la C.S.l.P.
22
en
production économique. La C.S.l.P.
envisage des actions de grève dépassant le
cadre de l’entreprise, étendues à un secteur
besoin la
LES RAPPORTS SOCIAUX
négociation, car une
métropolitaine, présidée par
MM. Santarelli et Mangin, doit arriver en
août 1982. De plus, le Territoire organise des
syndicats des dockers et de la C.S.l.P. qui
objet de “conduire à un progrès
social
significatif, compatible avec les
capacités contributives des salariés, des
entreprises et du Territoire”.
Les
syndicats de travailleurs sont
remis
Mais le climat est à la
mission
réunions consultatives. La table ronde d’avril
1982
a
pour
confrontés
à
une
résistance
patronat qui souhaite que
conditions de travail des
courtoise du
l’évolution des
employés soit
dans le commerce,
invoque pour cela
le coût économique que la satisfaction des
revendications représente pour l’entreprise.
Une tactique efficace, car les confédé¬
rations ne réagissent pas, à l’exception des
progressive,
surtout
l’hôtellerie et le bâtiment. 11
manifestent
mécontentement.
leur
La
projet
janvier 1982.
C.S.l.P. travaille à l’élaboration d’un
de code de travail dès le mois de
Ce “code du travail ma’ohi" de 440 articles est
aux
autorités
en
juin.
De la fin 1982 à la
mi-1983, la tension sociale
Santarelli et
progresse.
le soin de définir le contenu réel du nouveau
Code
du
travail.
Dès
lors, les syndicats
méfiants et insatisfaits réclament la création
mixte chargée de
projet, en présence de
l’Inspection du travail. La C.S.l.P. et la
d’une
commission
l’élaboration
du
un
front
un
commun
texte
en
qu’elles
proposent comme instrument de concerta¬
tion, texte qui reprend à 90% le contenu du
code ma'ohi. Mais leurs appels aux autres
ne
sont
pas
entendus. Les
territoriales répondent en ins¬
taurant une commission tripartite placée sous
la direction du Conseil de Gouvernement,
mais sans représentation de l’Inspection du
instances
Les avant-projets
Mangin s’en tiennent à des prin¬
cipes généraux, laissant aux autorités locales
syndicale
constituent
confédérations
Une tension sociale exacerbée
et
F.S. P.F.
décembre 1982 et élaborent
travail, alors que le thème du premier volet des
réunions de cette commission est la réglemen¬
tation du travail.
négociation provoque la division
syndical : d’un côté la F.S.P.F. qui
participe aux réunions et signe les accords qui
y sont conclus ; de l’autre, toutes les autres
confédérations qui considèrent que l’absence
de l’Inspection du travail est illégale. Elles
Cette
du monde
L’U.T.T.IL. a été créée en
1984 à partir de
l'U.S.A.P. Elle prône
l'unité syndicale à la fois
contre le patronat et la
F.S.P.F. Son dirigeant
actuel est John Tefatua.
A Tia I Mua, qui apparaît
sur la scène syndicale en
1985, est opposée aux
essais nucléaires, ce qui
ne l’empêche pas d’être
très bien représentée au
sein du personnel
employé par le C.E.P.
Elle revendique
actuellement
2 500 adhérents. Son
président est
Hiro Tefaarere.
qpiofè
En bas, à gauche :
La F.S.P.F., créée en
1972, prône la
négociation comme
moyen de défense des
intérêts des travailleurs.
Elle est la seule
N* 17
•
JUIN 1987
organisation syndicale
qui soit présente aux
réunions tripartites. Son
responsable depuis
1981, M. Ahini, a cédéla
place à
Mme Lucie Lucas on
1987.
A droite :
L’U.S.A.T.P., créée
1978
en
tant
en
qu’émanation du
S.A.F.I., a signé en 1985
un accord avec la
centrale métropolitaine
Force ouvrière. Elle est
dirigée actuellement par
Chang, son
président, et par
Terarefa
Théodore
Céran-Jérusalemy, son
secrétaire général.
Elle publie un
périodique
:
Omore.
WLL7TIH DE LIAISON OFFIOEl DE rUHION DES
SYNDICATS AUTONOMES DES TRAVAILUURS DE
FOIYNESIE
23
POLYNÉSIE
VIVRE EN
demandent la constitution d’une commission
prônant le retour à la négociation et à la paix
la C.S.l.P. qui refuse de se
soumettre.
Ainsi, l’U.S. / S. A.T. P., la
C.T.A.P. et l’U.S.A.P. considèrent les reven¬
dications des travailleurs de l’hôtellerie
interprofessionnelle en vue de
signer des conventions territoriales sous la
tutelle de l’Inspection du travail. L’ensemble
des organisations font éclat de leur méconten¬
sociale,
tement.
comme
territoriale
niser
mais la C.S.l.P. est la seule à orga¬
manifestation pacifique place
une
Tarahoi le 20
juin 1983.
qui
grève qui la conduisent
La C.S.l.P. entame dans les mois
suivent des actions de
à
se
marginaliser par rapport aux autres
d’opposition. Le conflit hôtelier
centrales
d’octobre-novembre 1983 met
en
évidence les
divergences existant entre les organisations
syndicalisme
négociation
Retour
au
et
de la
étant
à une négociation qui se déroule
désormais dans le cadre des consultations
s’associer à la
légitimes, mais refusent de
grève déclenchée par la C.S.l.P.
le 26 octobre à l’hôtel Tahara’a. Une action
qui s’étend ensuite à l’ensemble du secteur
hôtelier.
Toutes ces organisations désa¬
morcent le conflit en signant les accords de
Matavai du 18 novembre 1983. Accords qui
restent en deçà du contenu des revendi¬
cations minimales.
En
1985, le syndicalisme polynésien est donc
revenu
tripartites. La grève n’est envisagée que pour
la défense d’intérêts corporatifs : elle est alors
menée par des intersyndicales constituées
pour la circonstance.
Dans ce climat, les travailleurs, qui ont
été échaudés par la grève de l’hôtellerie,
délaissent la C.S.l.P. mais aussi des organi¬
sations
la
comme
F.S.P.F.
et
l’U.S.A.P.
L’U.S./S.A.T.P. et A Tia i Mua, ex-conseil
syndical de la C.F.D.T., ont en revanche le
vent en poupe.
Toutes deux prônent la négo¬
ciation, mais s’agissant de la présence du
C.E.P., que A Tia i Mua réprouve, elles ne
portent pas le même jugement. La grande
affaire intéressant le monde du travail actuel¬
lement reste la difficile négociation relative au
Code
du
travail.
Une
négociation qui
implique des appuis extérieurs. A Tia i Mua
est affiliée à la C.F. D.T. métropolitaine et
l’U.S./S.A.T.P. a signé un accord avec Force
ouvrière. Les centrales ont-elles fait le bon
choix ?
Nombre de
Évolution de la représentation syndicale
délégués obtenus en pourcentages (1982-1986)
37,71 %
syndicalisme de
négociation. Les
syndicats, exception
faite de la C.S.l.P. qui
prônait un syndicalisme
d'opposition, sont
acquis au principe de la
négociation, par
entreprise, par secteur
d'activité {ci-dessous :
les dockers) ou par
centrale syndicale.
Un
Les négociations
tripartites traduisent
la volonté
des responsables
gouvernementaux
d’instaurer la paix
sociale par une politique
contractuelle.
Évolution de la
représentativité
syndicale. Ce graphique
n’est pas facile à
interpréter car la vie
syndicale tahitienne est
caractérisée par les
scissions et les fusions.
Il n’en fait pas moins
apparaître un certain
tassement de la
représentativité de la
F.S.P.F. au profit de
l’U.S.A.T.P. Les chiffres
de 1986 ne rendent pas
compte, semble-t-il, de
l’influence réelle de
A Tia i Mua.
20,16%
15,94%
12,84%
9,57 %
9,36%
1982
24
1983
1984
1985
1986
10 Les
problèmes sociaux
La société coloniale
avait bien entendu ses problèmes
“sociaux"
qui étaient
soit
la répression,
à l’alcoolisme,
soit pris
charge
traités par
chichement par
nous pensons
en
une “colonie” dont le budget était limité, nous pensons plus
particuliérement à la santé.
En générant un certain nombre de déséquilibres qui, dans l’ordre démo¬
économique se sont traduits notamment par une urbanisation sauvage, et dans l’ordre
psychologique par le profond malaise qui peut résulter du décalage qui s’est institué
entre l’évolution des structures économiques et celle des mentalités, l’irruption brutale
de la modernité a aggravé certains problèmes anciens ; elle en a aussi créé de
nouveaux : l’habitat insalubre, la délinquance, la drogue. Problèmes qui ne se posent
évidemment pas dans les mêmes termes et avec le même degré de gravité selon les
groupes concernés : ruraux encore protégés par l’organisation sociale néo¬
traditionnelle dans les “archipels” ; résidents des îles du Vent intégrés à la société
moderne et bénéficiant d’un statut socio-économique privilégié ; déracinés de lazone
urbaine et parmi eux de nombreux jeunes qui n’appartiennent pas à celle-ci et ne sont
plus intégrés à celle-là.
Les relations organiques entre les divers problèmes traités dans ce chapitre n’ont
pas besoin d’être soulignées. Ce sont bien évidemment dans les quartiers insalubres
dont l’existence atteste le développement d’une urbanisation non maîtrisée que l’on
rencontre le plus de chômeurs et de délinquants, et que les conditions sanitaires sont
les plus déplorables.
Les pouvoirs publics (relayés par l’initiative privée) ont, depuis une vingtaine
d’années, consacré des moyens financiers considérables à la résorption des
“problèmes sociaux”. Obtenant des résultats importants dans certains domaines,
comme celui de lasanté, mêmesi, géographiquement, ils sont encore insuffisamment
répartis. En revanche, en raison de la spéculation foncière et de l’insuffisante
adaptation du système éducatif (ce facteur n’est pas seul en cause !), ils n’ont pas fait
beaucoup reculer l’habitat insalubre et ils n’ont pas su enrayer la montée du chômage.
Quant à certains problèmes plus spécifiques (alcool, drogue, délinquance), on
s’attache davantage à endiguer leurs effets qu’à s’attaquer à leurs causes profondes
qui sont socio-économiques et culturelles.
La
protection sociale
certain nombre de
le pouvoir
colonial métropolitain a, dans les années 50,
doté le Territoire d’institutions (l’ancêtre de la
Caisse de Prévoyance sociale ; le Service des
Affaires sociales S. A.S.) dont la mission était
d’atténuer les inégalités et d’assurer aux plus
Lié notamment par un
internationales,
conventions
-
démunis de
minimum
ses
de
ressortissants ultra-marins
ressources.
Ce système
un
de
protection et d’aide sociale s’est considé¬
rablement développé et complexifié au cours
de ces vingt-cinq dernières années. Au point
de connaître aujourd’hui une “crise de
croissance” qui remet en cause son
organisation et son fonctionnement.
Signataire de la “Déclaration universelle
des Droits de l’Homme”
l’Organisation
fondée
en
(1948), membre de
internationale
du
Travail
1919 dans le cadre de la Société des
Nations, confrontée par ailleurs, dans ses
colonies, à une certaine agitation sociale, la
pouvait
conformer, en
protection
sociale, à un certain nombre de principes
reconnus par les instances internationales. Ce
qu’elle a fait le 15 décembre 1952, en instituant
France
ne
que
se
matière de droit du travail et de
le Code du Travail Outre-Mer et
dans les E.F.O. le 28
de
article
son
en
septembre 1956,
237,
une
créant
en vertu
Caisse
de
Compensation des Prestations familiales
(devenue la C.P.S.) dont l’organisation et le
fonctionnement
-
les modalités essentielles
n’en ont pas été affectées par une délibération
territoriale du 29 janvier 1987 -, concoctés par
dés fonctionnaires du ministère de la F.O.M.,
sont, dans une très large mesure, semblables à
ceux des organismes de même nature créés
dans les colonies africaines (Cameroun...) à la
époque.
même
Conçu dans cet esprit paternaliste, le
statut de la C.P.S., que nous ne saurions
analyser en détail, combine, selon un éminent
spécialiste, les dispositions qui régissent la
Mutualité agricole métropolitaine (structure
entièrement autonome) et la Sécurité sociale,
dont la structure comporte trois instances :
ru.R.S.S. A.F. qui encaisse les cotisations ; la
Caisse nationale de la Sécurité, organisme
tripartite (État, employeurs, salariés) qui
définit dans la concertation les grands
équilibres financiers... ; les Caisses dépar¬
tementales enfin, dont l’État est absent, qui
traitent concrètement les dossiers.
La combinaison fonctionnelle que nous
d’évoquer ne permet pas pour autant
le système local au système
métropolitain. Pour deux raisons essentielles
qui tiennent au statut colonial de la C.P.S.
assumé aujourd’hui par le gouvernement
territorial : les pouvoirs publics sont repré¬
venons
réduire
de
sentés à
son
conseil d’administration alors
qu’en Métropole, ils n’interviennent pas au
niveau des Caisses départementales et bien
entendu de la Mutualité ; les partenaires
sociaux représentés au C.A. ne sont pas élus
par
la Caisse, mais nommés par le
La
Polynésie française
système
est dotée d'un
dé protection et d’aides
sociaies de pius en
étendu : la C.P.S.
plus
comptait à elle seule
48 627 immatriculés en
1985 contre 22 770 en
1982. La société de
consommation n’en a
moins ses
marginaux, ses
“hombos" (ci-contre)
pas
et
ses
ses
exclus,
clochards
(ci-dessus).
25
VIVRE EN
POLYNÉSIE
gouvernement local sur proposition
employeurs et des syndicats.
Une couverture sociale
des
complexe
pour mission essentielle de gérer
l’ensemble des régimes de protection sociale
La C.P.S.
institués
a
en
faveur des salariés,
agriculteurs,
pêcheurs, artisans ... et assurés volontaires.
Une réglementation extrêmement complexe
et évolutive (le “recueil” édité par la C. P.S. en
1983 qui ne prend pas en compte notamment
les six délibérations du 29 janvier 1987,
recense,
sauf
erreur,
nous contenterons
de
78 “textes”) dont nous
signaler la mise en place
initiale : prestations familiales en 1956 ;
accidents du travail et maladies profession¬
nelles en 1957 ; aide aux vieux travailleurs
salariés (régime en voie d’extinction) en 1961 ;
retraite des travailleurs “salariés” et “indé¬
en 1968 et en 1974 ; assurance
maladie invalidité en 1974 ; protection sociale
du monde rural (R.P.S.M.R.) enfin, en 1979,
pendants”
un régime qui grosso modo assure aux agri¬
culteurs, pêcheurs... la même couverture
sociale qu’aux salariés. En 1985, le volume
prestations versées par la C.P.S. au
titre de ces régimes a été de 12 500 millions de
francs CFP. Quant au budget global de l’insti¬
total des
tution, il s’est élevé à 16 200 millions de francs
CFP, soit 35% environ par rapport au budget
Le R.P.S.M.R.
en
revanche est
de 52,7% en 1985), d’une
contribution de l’État (17,8%) et cette même
année, d’une subvention du Territoire de
450 millions de francs CFP (19,4%).
Cette
analyse
essentielle”
“mission
sommaire
très
la
de
les cotisations
patronales et salariales dont les taux et les
répartitions sont fonction des régimes : actuel¬
lement, 5,6% (employeurs) et 2,8% (salariés)
du salaire brut pour l’assurance maladie ;
3,5% et l,75%pour la retraite ; 6%environ à la
charge des seuls employeurs pour les
prestations familiales...
de
la
serait
C.P.S.
incomplète si nous ne signalions pas qu’elle
“la surveillance médicale des
travailleurs salariés... pour déterminer (leur)
assure
aptitude (médicale) à leur poste de travail” ;
une tâche qui, en Métropole, est effectuée par
les
centres
médicaux inter-entreprises.
Dernier domaine d’intervention depuis que la
C.P.S. a pratiquement cessé toute activité en
faveur de l’habitat social (voir pp. 33-35),
l’action menée par Te Service social des
Salariés
en
matière socio-éducative
:
d’une
part, le Service a ses travailleurs sociaux, en
matière d’aide sociale stricto sensu, d’autre
part, quand il
s’agit,
par
l’intermédiaire du
(F.A.S.S.)
de distribuer des secours alimentaires ou vesti¬
mentaires, de prendre en charge des frais de
cantine scolaire, des bourses de colonies de
Fonds d’Action sanitaire et sociale
vacances...
La C.P.S.
institution
: une
des
dépenses de la
C.P.S. Si l'on s’en tient à
la signification des
chiffres représentés
dans ce graphique, on
constate que,
giobaiement, les
recettes continuent
à
crise
protège pas contre tous les
le chômage (voir pp. 38-40) n’est pas
indemnisé dans le Territoire -, la C.P.S.
garantit à ses assurés une “couverture sociale”
qui n’a cessé de s’améliorer au fil des ans et
qui, depuis la signature du troisième volet des
-
tripartites, vaut bien, au niveau de
régimes tout au moins (retraite,
assurance-maladie) celle de la Métropole. Une
charge financière dont le poids spécifique n’a
cessé de s’alourdir avec la multiplication des
immatriculations ( 113,6% de croissance entre
1982 et 1985, dont 70,3%pourle R.P.S.M.R.)
et avec l’augmentation des besoins, en matière
accords
certains
Certes, en dépit de
1982 et 1983 en ce qui
concerne l’assurance-maladie), les régimes des
salariés demeurent bénéficiaires ; la C.P.S. a
encore
des “réserves” qui lui permettent
d’effectuer des placements financiers (prêts au
Territoire notamment : A.T.R...) dont les
de
santé notamment.
certaines alertes (en
intérêts
concourent
l’équilibre de
à
son
budget. Le R.P.S.M.R., en revanche, connaît
depuis 1983 un “trou” qui est devenu verti¬
gineux : de l’ordre de 3 à 4 milliards en 1986.
L’institution
croissance”
de la C.P.S. tous
Évolution des recettes et
en
Même si elle ne
risques
traverse
dont
la
donc
une
gravité est
Évolution des recettes et des dépenses
Pour financer la couverture sociale des
recouvre
régime
concurrence
territorial.
salariés, la C.P.S.
un
entièrement financé par les pouvoirs
publics sous la forme notamment d’un prélè¬
vement effectué sur les taxes para-fiscales (à
presque
“crise de
propor-
2 320 902 991
régimes confondus
remporter sur les
dépenses, même si le
taux d'augmentation a
été plus rapide pour
celles-ci que pour
celles-là (104% contre
86%) ces dernières
années.
Le nouveau siège de la
C.P.S. Avec la mise en
place en 1986 de locaux
plus vastes et plus
fonctionnels
-
l'ancien
siège qui est occupé
aujourd'hui par certains
syndicats était situé
rue Dumont d’Urville -,
la C.P.S. est plus à même
de remplir une mission
de plus en plus
complexe. Toute une
partie de la classe
politique et certains
syndicats locaux ont
toutefois déploré le
caractère ostentatoire et
coûteux de la
construction.
26
3 085 887 931
LES
poids dans le Territoire. Les
bien évidemment techniques
(la “restructuration”), mais aussi et surtout
socio-économiques, dans la mesure où le
financement de l’institution dépend de la
tionnelle à
solutions
son
en
sont
bonne santé du Territoire
en
la matière, et
politiques, dans celle où la C.P.S. est un enjeu
majeur à ce niveau : pour le Territoire qui en
fait un>“outil de sa politique sociale” ; pour les
syndicats comme l’U.S.A.T.P. ou Atia i Mua
qui entendent être davantage associés à sa
gestion.
Quant au R.P.S.M.R., il pose un
problème spécifique ; ce régime ne relève pas
vraiment de la protection sociale : les béné¬
ficiaires ne cotisant pas, ils ne sont pas
astreints, en raison de la nature de leurs
activités, à déclarer un minimum d’heures de
Quiconque plante quelques tara ou
fait le coprah une fois l’an, peut s’inscrire au
R.P.S.M.R... et soulage d’autant le budget
“Aide sociale” des communes, ce qui ne peut
travail.
mécontenter
l’État. Le R.P.S.M.R. relève de
l’assistance sociale...
Une aide sociale très diversifiée
en 1953, le Service des Affaires sociales
(S.A.S.) est la principale institution publique
mise au service des plus défavorisés.
En 1985, une centaine de personnes, dont
près de 70 travailleurs sociaux “de terrain”,
font partie de ce service qui s’est fixé comme
Créé
Les allocations familiales versées
aux
Accroissement annuel
Nombre d’allocataires
Nombre d'enfants
Une assistante sociaie
travaii dans un
district de Tahiti. Les
assistantes sociales,
comme l’ensemble des
“travailleurs sociaux”
font face à de multiples
au
dans les mairies et lors des visites sur le
effectuent
861 472 995
(%)
16 085
48 919
un
terrain,
travail social de “généralistes”
répondant à des demandes aussi variées qu’un
financier
secours
ou
une
sans
spécialisées.
11 n’est pas
oublier
constitution de
problèmes
conjugaux, d’éducation scolaire, d’habitat, de
chômage, etc. Ces équipes sont saisies par les
intéressés eux-mêmes ou par des organismes
comme
les dispensaires, le Tribunal, les
écoles. Pour traiter certains problèmes, tels la
réinsertion des délinquants, l’hygiène
mentale,
la
prévention des endémies,
l’adoption, les mineurs relevant de mesures
judiciaires etc., le S.A.S. s’est doté d’unités
dossiers,
les
inutile de signaler
pour
finir
que, pour faire face à ses multiples tâches, le
S.A.S. manque actuellement de travailleurs
sociaux
salariés
1980
Prestations versées (en F)
objectifs principaux la mise à la disposition de
les Polynésiens de techniciens du social
proches de leur domicile qui puissent les aider
à résoudre leurs problèmes ; le développement
des actions de secours aux plus défavorisés ; la
promotion du secteur médico-social ; le
soutien des activités de type communautaire.
Des
équipes pluri-disciplinaires,
comprenant
des spécialistes (assistants
sociaux, éducateurs spécialisés, animateurs)
et du personnel auxiliaire, sont réparties en
secteurs géographiques (au nombre de 15) et
en sections spécialisées (10). Les équipes de
secteur, grâce aux permanences installées
tous
polynésiens qualifiés.
En dehors de la C.P.S. et du R.P.S.M.R.,
quelques
C.E.P.,
institutions
C.E.A.
le
possèdent leurs
Certaines
comme l’Armée, le
et l’hôpital
Mamao
propres
administrations
services sociaux.
comme
1983
vice-
embryonnaires et leur rôle est essentiellement
administratif.
Parmi les autres
intervenant dans le
organismes territoriaux
domaine
sanitaire
et
citer : le Centre de Rééducation
de la Parole (C.E.D.O.P.) qui
social,
on peut
assure
la scolarisation des enfants déficients
de l’Ouïe et
;
l’Institut médico-pédagogique
(LM.P.) “Raimanutea” et l’Institut médicoéducatif (l.M.E.) “Tiaitau” qui accueillent à la
journée des enfants handicapés mentaux ; le
auditifs
qui accueille
jour les mineurs handicapés physiques ; le
Centre
d’Accueil
des
Personnes
âgées
(C.A.P.A.) de Taravao, public, qui héberge
des personnes âgées délaissées ou en perte
d’autonomie ; les foyers privés “Moria” et du
“Bon Pasteur” qui accueillent des adolescents
Centre de Fraternité chrétienne
de
dont les difficultés familiales
ou
sociales
ne
maintien dans leur milieu ;
le foyer privé “Hure piti” à Tahaa qui reçoit
des adolescents pré-délinquants ; l’Office
territorial de l’Habitat social (O.T.H.S.) qui
aide à la résorption de l’habitat insalubre
tandis
que
l’Agence territoriale de la
Reconstruction (A.T. R.) assure le relogement
permettent pas un
familles
victimes
des
naturelles.
1982
le
rectorat, les mairies, l’O.T.A.S.S. en sont
aussi dotées, mais ces services demeurent
des
(1980-1985)
1981
PROBLÈMES SOCIAUX
1984
1985
1 052 064 220
1 303 702 600
1 576 752 616
1 816 661 798
2 066 448 561
22,1
23,9
20,9
15,2
13,7
19 060
16 251
19 224
18 572
18 822
48 005
56 903
55 686
52 296
catastrophes
structure des
prestations servies aux
en 1985. A eux
seuls, le Service de
l’Assurance maladieinvalidité qui a émis
141 088 mandatsen 1985
et celui des Allocations
saiariés
familiales (voir tableau)
distribuent 78,2% des
prestations versées par
la C.P.S.
tâches. Le Service social
de la C.P.S. s’efforce
plus particulièrement
d'acquérir une meilleure
connaissance des
situations des familles
les plus démunies et
d’intervenir plus
rapidement au niveau
des prestations à servir
sur le Fonds d'Action
sanitaire sociale et
familiale.
Structure des
prestations servies
aux
salariés (1985)
27
VIVRE EN
POLYNÉSIE
La santé
connaissances qui entraînent une abondance
d’affections aiguës des bronches, oreilles, de
maladies de peau (mycoses, pyodermites), de
Selon un médecin polynésien ayant une
grande expérience du terrain, “il existe en
Polynésie une pathologie de pays développé et
une
pathologie de pays du Tiers-Monde”.
Mieux vaudrait dire de pays mal développé. Si
les maladies de surcharges et le manque
d’activités physiques caractérisent les pays
développés, la pathologie du Tiers-Monde
résulte de conditions socio-économiques défa¬
parasitoses.
Maladies
et
Encore faut-il nuancer ce jugement en
fonction du contexte : la vie à Tahiti n’est pas
celle des îles où le Polynésien n’est pas coupé
de ses racines, où les coutumes sont encore
vorables.
Assimilé
à
souffre de
l’Occident,
le
vivaces, les bidonvilles Inexistants. De plus,
se côtoient : l’une moderne,
préventive, l’autre traditionnelle, dont la
Territoire
déséquilibres alimentaires (trop de
glucides et de lipides, pas assez de fibres) et
d’une discontinuité des activités physiques,
pourtant privilégiées. Obésité, hypertension,
diabète,
goutte,
dyslipémie, cancers
notamment des voies respiratoires et de
l’appareil digestif - distinguent cette
pathologie.
Au regard des pays sous-développés, on
rencontre
l’insalubrité
promiscuité, le
manque
dans
l’habitat,
“classiques”
endémiques
deux médecines
plus à démontrer quand le savoir
implique est encore correctement
connu et utilisé à bon escient, ce qui n’est pas
toujours le cas...
Quoi qu’il en soit, les maladies existent et,
valeur n’est
qu’elle
partout, elles touchent surtout les
sujets les plus exposés : les jeunes enfants,
créant parfois de véritables handicaps (surdité
à la suite d’otites chroniques) ou entraînant
comme
la
d’informations et de
conséquences graves sur le plan cardiaque
(rhumatisme articulaire aigu). Outre ces
maladies somme toute classiques, le Territoire
est le lieu d’endémies diverses. On peut citer ;
la
ciguatera, toxémie consécutive à
l’absorption de poissons empoisonnés dont on
recense en moyenne 600 cas pour 100 000 indi¬
vidus chaque année ; la filariose lymphatique,
maladie parasitaire propagée par les mous¬
tiques, qui peut conduire à l’éléphantiasis : si elle régresse aux îles du Vent, la
situation dans les autres archipels demeure
préoccupante ; la tuberculose et la lèpre, deux
bacilloses qui sévissent toujours et demandent
une vigilance constante même si l’effort pro¬
phylactique est soutenu ; la dengue, virale et
contagieuse, sorte de grippe due aux
moustiques que l’on rencontre assez fréquem¬
ment, mais les cas mortels sont rares ; les
des
maladies
sexuellement
transmissibles
(M.S.T.) dont le développement est specta¬
culaire depuis quelques années (progression
de 54% en 84 par rapport à 83) : la syphilis et
les gonococcies se taillent la part du lion ; le
rhumatisme articulaire aigu (R.A.A.),
complication d’angines pas ou mal soignées,
qui constitue un problème majeur pour le
Gaston Flosse visitant te
Centre hospitaiier
territoriai de Mamao.
Cet hôpital, qui
fonctionne depuis 1970,
est bien équipé. En 1986.
les “autorisations
de programme" se sont
élevées à
1 884 100 000 francs, soit
(interventions
chirurgicales,
évacuations
sanitaires). Une section spécialisée d’éradi¬
cation et de prophylaxie du R. A. A. a été mise
en place en 1983 au sein de la Santé
publique.
ministère de la Santé.
de santé
Territoire et
dont
le coût social est élevé
L’organisation des services
24,5% du budget du
Une statistique portant sur 887 décès (dont
quelques enfants de moins de 1 an) enregistrés
en 1984 montre que 204 cas de mortalité (23%)
MINISTÈRE
DE LA
SANTÉ, DE
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
ET DE L’ENVIRONNEMENT
T
CENTRE
HOSPITALIER
TERRITORIAL
DE MAMAO
’fq INFORMATIONS
DIRECTION DE LA SANTl PUBLIQUE
BUREAU TECHNIQUE
-
-
-
ÉCOLE TERRITORIALE
D'INFIRMIERS/IÈRES
LIAISON
RÉCHERCHES
-
-
Statistiques
BUR. ADMINISTRATIF
-
Archives
Planification
Organisation
Évacuation
-
-
sanitaire
CENTRE DE TRANSFUSION
Comptabilité
-
Inspection des
Pharmacies
Matériel
Personnel
MAGASIN
D’APPROVISIONNEMENT
SANGUINE
DIR. PHARMACIE
PHARMACIE
D’APPROVISIONNEMENT
DISPENSAIRE DE MAMAO
OIRCONSORIPTiONS MÉDICALES
SERVICES CENTRAUX
■
OENTRE MÉDICO-SOCIAL
DES FONCTIONNAIRES
C.M. Tahiti Côtes Est et Ouest
C.M. Tahiti Côte Sud
C.M. Moorea
C.M. Iles Sous-le-Vent
C.M. Marquises Nord
C.M.
HOPITAL
VAIAMI
Marquises Sud
C.M. Australes
C.M. Tuamotu-Gambier
Éducation sanitaire
Hygiène publique territoriale
Hygiène dentaire
Hygiène scolaire
Centre de Protection infantile
Centre de Protection maternelle
Centre médico-sportif
Prophylaxie du R.A.A.
Handicapés
Section de Lutte contre les
Toxicomanies
28
LES
sont
imputables
maladies de l’appareil
aux
cardio-vasculaire, 115 (13%) à des tumeurs,
52 (7%) à des affections de l’appareil respi¬
ratoire.
Pour faire face
aux
différentes formes de
maladie, trois options médicales s’offrent
aux Polynésiens. D’une part, les médications
traditionnelles (raau Tahiti) qui sont encore
très utilisées pour des raisons culturelles et
économiques (les médicaments occidentaux
sont chers et, même avec une prise en charge
des caisses d’assurance maladie, l’avance de
la
fonds à effectuer
lourde).
Ces
au
moment de
l’achat reste
remèdes à base de plantes
réelle efficacité (maladies
gorge) comme être
(tumeurs, calculs, etc.).
L’effet
psychologique est une des
composantes de cette pratique.
D’autre part, la médecine privée qui
compte des généralistes, des spécialistes, des
dentistes qui consultent surtout en zone
peuvent
avoir
une
peau, maux de
totalement inopérants
de
urbaine. Deux
Papeete.
La
placée
Santé
cliniques modernes existent à
publique enfin, qui est
l’autorité de la direction de la
publique qui dépend elle-même du
médecine
sous
Ministère
s’exerce
du même
(20), sans oublier les hôpitaux (Centre
hospitalier territorial de Mamao, hôpital
psychiatrique de Vaiami à Papeete, hôpitaux
secondaires à Taravao, Afareaitu, Raiatea,
Taiohae, Atuona, Mataura).
projets de la direction de la Santé
publique sont nombreux et portent en
particulier sur des investissements qui
devraient permettre de réduire le nombre des
évacuations sanitaires vers la Métropole, la
Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie.
Ces évacuations sont onéreuses et parfois
problématiques en raison notamment de leurs
répercussions psychologiques. Sur les 262
évacuations extérieures opérées en 1984, 232
Les
plus
peuplées. Partout
dans les îles les
ailleurs, et notamment
aux Tuamotu, les soins
dentaires sont donnés
prioritairement aux
enfants des écoles à
l’occasion des tournées
1985
1986
112
125
140
312
358
404
460
Infirmiers
Chirurgiens-dentistes
23
26
25
25
Pharmaciens
8
6
7
8
Adjoints de soins
141
148
162
180
Page de gauche :
Cet organigramme du
Service de la Santé
fonctionnement
inscrites au budget
territorial sont passées
Médecins
de 2 236 779 000 F à
5 799 751 000 F, soit un
taux d'augmentation de
160% environ.
Tuamotu).
et la prophylaxie des
Polynésie sont conditionnés par
les facteurs humains et géographiques : il a
fallu adapter les moyens à l’existence de
166 000 habitants répartis dans 115 îles
éparpillées dans un environnement océanique
dont la surface est égale à celle de l’Europe.
Dans ces conditions, la planification, l’orien¬
traitement
Le
maladies
tation
en
la
et
activités
en
coordination des différentes
matière de santé deviennent
capitales.
Une infirmerie dans les
Ci-dessous :
Les consultations
en
cliniques privées qui
comptent
respectivement 102 et
86 lits, on pratique la
chirurgie et on met les
essentiellement
données au Centre
pour
patients peuvent aussi y
consulter médecins
ophtalmologiques sont
ces
Vent et de 0,12 aux
Tuamotu-Gambier.
mettant
services à la
généralistes et
spécialistes.
médicalisation (nombre
d'agents sanitaires par
rapport à la population)
était de 0,38 aux îles du
Vent et aux Marquises,
de 0,27 aux Australes,
de 0,23 aux îles Sous-le-
en
disposition des civils (service
des grands brûlés de l’infirmerie, hôpital des
Armées Jean Prince, caisson de décompres¬
sion de la Base marine ; hôpital de Hao aux
ses
hospitalier territorial de
Mamao et dans les
cliniques Cardella et
Paofai.
Personnel sanitaire de la
Santé publique de 1983
à 1986. En 1983, selon
diversité des
interventions
sectorielles et
géographiques de cet
organisme. Entre 1984et
1986, les dépenses de
traitement de certaines maladies
ce type
(la clinique Cardella
ayant été fondée en
1965) mis en service
Au-dessous :
Personnel médical du
secteur privé de 1977
1986. Le personnel a
Iles, celle de Moerai à
Rurutu. La répartition de
l’équipement sanitaire
public était la suivante
1983 selon
l'I.T.STAT. : les îles du
Vent comptaient 5,2 lits
1 000 habitants
(21,6 à Papeete) ; les
Marquises 12,8 ; les
Australes 6,8 ; les îles
Sous-le-Vent 5,7 et les
Tuamotu-Gambier 2,2.
à
augmenté do 241% en
dix ans. Entre 1983 et
1986 ce taux a été de
41,5% environ (42,13%
dans le secteur public).
Personnel médical du secteur privé de
publique montre la
Territoire.
établissement de
l'I.T.STAT., le taux de
88
Médecins
été
le
enfants au monde. Les
dans le Territoire. Dans
administratives.
1984
1983
prises en charge par les caisses et 30 par
Parallèlement, il existe un
système d’évacuations inter-îles assurant le
transport des malades vers les hôpitaux les
plus proches (Taiohae aux Marquises,
Raiatea aux îles Sous-le-Vent). L’armée
apporte également son concours au
ont
La clinique Paofai qui a
ouvert ses portes en
1982, est le second
Tahiti, les chirurgiensdentistes sont affectés
pubiique de 1983 à 1986
dispensaires
secours
Soins dentaires dans les
Personnel sanitaire
en
urbains (au nombre de 7), ruraux (6), infir¬
meries (15), centres médicaux (9) et postes de
archipels. En dehors de
de ia Santé
Cette médecine
nom.
essentiellement
PROBLÈMES SOCIAUX
1977 à 1986
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
29
34
36
50
53
85
86
94
91
115
15
18
20
25
25
26
26
30
33
35
31
34
47
60
Pharmaciens
11
13
13
Chirurgiens-dentistes
19
21
25
29
POLYNÉSIE
VIVRE EN
drogue
La
montagneux de l’île. Cela ne facilite pas la
Étrangère à la culture polynésienne, la
drogue, telle qu’elle se définit en Occident, a
été
assez
récemment introduite. Elle trouve à
les archipels un terrain
expansion et, si elle n’y fait pas
encore de véritables ravages, il est difficile de
savoir ce que réserve l’avenir.
Tahiti
et
favorable à
dans
son
Modèles occidentaux
narcotiques ont existé
polynésienne, la drogue (raau
taero) elle, est un phénomène très récent,
absent de l’histoire locale jusqu’au milieu du
XX^ siècle. Son usage remonte aux années du
boom économique qui a coïncidé avec le
début de l’accélération des échanges interna¬
tionaux.
Les
Polynésiens ont d’ailleurs
l’habitude d’accuser les étrangers d’avoir
introduit la drogue, à Tahiti d’abord, dans les
archipels ensuite. Le fait est que les drogues
utilisées sont des produits non indigènes à la
Polynésie. En même temps que ces produits
étaient importés, des comportements
également venus du dehors s’installaient dans
la population polynésienne touchée par le
phénomène (prosélytisme du drogué, début
du trafic).
Ce problème récent touche essentielle¬
ment les jeunes et, à ce titre, si l’usage de
Si certaines formes de
dans la culture
l’alcool
commence
gendarmes qui essaient de les
repérer. 11 existe d’ores et déjà un trafic de
cannabis en Polynésie, un trafic dont les
conséquences sont d’autant plus graves que,
toujours en raison des conditions climatiques,
le cannabis tahitien est quarante fois plus fort
que ses homologues californien ou méditer¬
tâche
rarement
des
ranéen.
Une autre plante souvent utilisée est le
champignon. Il s’agit d’un petit champignon
fragile (Panaelus cyanescens) qui pousse sur
les excréments des bovins. Cette plante, après
récolte, est bouillie, écrasée dans un tissu
(selon la technique employée pour obtenir le
lait de coco) et le jus qui en est exprimé est bu
par le consommateur. D’autres préparent ce
champignon en omelette. Les propriétés
hallucinogènes en sont connues dans de
nombreux pays. Cette drogue est moins à la
mode que le cannabis et emporte moins la
sa
“joints” (feuilles et
parfois mélangées à
du tabac) ou beaucoup plus rarement sous la
forme de résine (le hashish) ou de gâteaux, la
drogue la plus utilisée en Polynésie est le
pakalolo - un vocable d’origine étrangère qui
semble indiquer que la plante qui sert à la
fabriquer a été “importée” des îles Hawaii,
ou
-
en
fleurs de cannabis
notamment de l’île de
Maui où il existe
tout
à
fait
comparable, les plantations clandestines se
sont multipliées dans le Territoire depuis
quelques années. Le climat tropical humide
qui règne en Polynésie française est en effet
favorable et à une croissance rapide des pieds
de cannabis, et à la dissimulation des planta¬
tions sous l’épais couvert végétal de l’intérieur
30
entre
les
États-Unis,
Hawaii,
ce
les
1977
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
Faits constatés
-
36
19
22
07
14
52
43
36
-
12
08
10
65
35
38
08
10
38
26
34
27
09
04
1983
1984
1985
Personnes mises
en cause
dont
majeurs
dont mineurs
22
23
-
19
21
11
-
03
02
01
-
-
Évolution de la consommation de stupéfiants (1976-1985)
un
production mondialement réputé.
Quoi qu’il en soit, dans un
naturel
des
Évolution du trafic de stupéfiants (1976-1985)
centre de
environnement
à
problème nouveau qui concerne
jeunes, les autorités se sont
trouvées prises de court. 11 existe naturel¬
lement une législation, des sanctions prévues
pour l’usage et le trafic de drogue. Ces
Face à
surtout
1976
Qu’elle soit consommée
limité
Sanctions et actions
communauté.
-
assez
l’Amérique du Sud (via le Chili et l’île de
Pâques), l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Néanmoins, les autorités réalisent parfois
d’impressionnants coups de filet.
On peut toutefois noter que l’usage des
solvants par inhalation procède d’une démar¬
che psychologique assez proche de celle qui
conduit aux drogues dures, beaucoup plus
que celui du cannabis. Ce qui revient à dire
qu’il existe en Polynésie un terrain favorable
au développement potentiel de ces drogues. 11
faut également remarquer que 80% de leurs
utilisateurs passent par le stade du cannabis.
au-dessous de
pakalolo et les autres drogues
se
étrangers assez
trafiquants qui sont
parfois arrêtés à l’aéroport de Faaa ne sont
qu’en transit, Tahiti étant une simple plaque
reste
tournante
-
Le
à
fortunés. De même, les
faveur des toxicomanes.
14 ans, celui de la
drogue peut commencer
plus tôt. Des enfants d’une dizaine d’années
sont connus à Tahiti pour avoir “sniffé”
(inhalé) des diluants, éther et autres produits.
Par ailleurs, si l’alcoolisme touche surtout les
couches les plus défavorisées de la population,
l’usage de la drogue se répand à partir des
classes sociales plus aisées, dans toutes les
catégories sociales. Cela s’explique par un
effet de mode les modèles occidentaux, cali¬
forniens, hawaïens, “rasta” jamaïcains y sont
pour beaucoup -, et par un besoin des jeunes
de se singulariser par rapport au monde des
adultes qui consomment de l’alcool mais pas
de drogue. A cela s’ajoutent le désir de braver
un interdit et le sentiment de
s’intégrer à une
des produits de synthèse
répandre chez les enfants et
chez les jeunes.
Beaucoup de produits
chimiques peuvent être utilisés. Les plus
courants sont l’éther et les diluants, faciles à se
procurer dans le commerce et à consommer
par inhalation. De graves troubles broncho¬
pulmonaires peuvent résulter de l’usage de ces
produits ; les effets psychologiques sont
également à prendre en .compte. Enfin, le
jeune consommateur polynésien utilise
parfois des mélanges qui peuvent le conduire à
l’hôpital. Tout est alors utilisé : tabae plus
médicaments, médicaments seuls...
D’une manière générale, les drogues dites
“dures” (L.S.D., héroïne, cocaïne, morphine)
n’ont pas encore fait leur apparition en
Polynésie française. Tout au plus, leur usage
L’usage
commence
Faits constatés
et élucidés
Personnes mises
en cause
dont
majeurs
dont mineurs
1976
1977
1979
01
75
81
38
54
95
102
88
143
01
50
82
126
69
100
97
80
120
01
41
58
108
41
65
75
67
93
09
24
18
28
35
22
13
27
-
1980
1981
1982
LES PROBLÈMES SOCIAUX
être très lourdes pour les
planteurs et les vendeurs (amendes, emprison¬
nements). Mais il s’agit essentiellement de
répression, peu de structures étant prévues
pour la prévention. Dans ce domaine, les
initiatives privées sont venues plus
rapidement que les initiatives de l’État ou
dernières peuvent
celles du Territoire. Elles sont essentiellement
Églises, regroupées
sein du
Églises de
Polynésie française. Réflexion, information et
même prise en charge d’anciens drogués sont
réalisées par cet organisme. Une action qui,
le fait des
Comité des Œuvres sociales des
dans la
mesure
absorbés par
au
où les travailleurs sociaux sont
de multiples tâches, supplée celle
pouvoirs publics qui ne peut être que
répressive (utilisation de l’arsenal législatif) ou
médicale (cure de désintoxication). Une
action le plus souvent individuelle qui
n’aboutit pas toujours aux résultats
des
escomptés.
L’usage de la drogue se double d’attitudes
marginales, d’un rejet de l’école, du travail...
Le jeune drogué ayant néanmoins besoin
d’argent pour se procurer son pakololo
pourra être conduit à commettre des vols, à
moins qu’il ne plante lui-même des pieds de
cannabis et
Dans
Le
haut
dénominations comme
témoigne cette
affiche placardée dans
en
les locaux de la Police
urbaine, est de loin la
drogue la plus
consommée
en
Polynésie puisque,
selon le docteur
Bertrand, médecin-chef
de l'hôpital Vaiami, dont
les propos sont
rapportés par le Comité
économique et social,
drogués”
repérés dans le
les “7 132
Territoire
se
répartissaient de la
manière suivante en
1986 : "6 000 fumeurs de
pakalolo (soit 84%) ;
1 000 utilisateurs de
solvants ;
100 consommateurs de
champignons
hallucinogènes ;
30 usagers de produits
stimulants et
2 d'opiacées".
une
lourde peine.
ne sert pas
à grand-chose
risque ainsi
traiter le
niveau
relativement
risées, il est
limités
encore
aux
couches
défavo¬
plus difficile d’adopter une
stratégie unique. Seul un travail médico-social
d’équipes pluridisciplinaires doublé d’un
travail
d’information et de sensibilisation,
pourrait, parallèlement à l’action anti-drogue
de la police et aux recherches de réponses
éducatives nouvelles face aux problèmes de la
jeunesse, venir à bout du phénomène de la
drogue, en Polynésie française comme
ailleurs.
international de la
:
pakalolo, qui est
de multiples
connu sous
ne
conditions, la toxicomanie fait
partie d’un tout et il
Page de gauche,
en
ces
problème isolément, tant au
juridique que médical. Le problème
étant plus diffus au sein de la société que ceux
de
l’alcoolisme ou de la délinquance,
de
Page de gauche :
Évolution du trafic et de
la consommation des
stupéfiants entre 1976 et
1985. Qu’il s'agisse des
faits constatés ou des
mises en
la consommation
personnes
cause,
stupéfiants a
augmenté beaucoup
plus vite que leur trafic,
ce qui en soi n'a rien
des
d'étonnant. A noter que
ces données ne reflètent
la "face émergée de
l’iceberg-drogue” et
la période
que
que, pour
1976-1982, elles ne
coïncident pas toujours
avec les chiffres
élaborés par
Bernard Schlemmer
p. 36) en dépit de
leur commune origine :
le Groupement de
Gendarmerie.
(voir
jouent un
dans la
répression du trafic
Les douaniers
rôle important
drogue. Avec le passage
du temps, leurs prises
ont changé de nature.
Dans les années 70
(cl-dessus), ils
saisissaient surtout du
haschich ; aujourd'hui
(à droite), c'est la
cocaïne qui est surtout
en cause
si l'on en croit
statistiques citées
par le Comité
économique et social :
“2 kg le 14 juillet 1985 ;
7,700 kg le 8 janvier
1986 ; 3,250 kg le 28 mai
ces
1986”.
En haut, à droite :
La Police nationale
(ici le Commissariat de
Bruat) et la
l'avenue
Gendarmerie,
conformément à leur
mission, défèrent à
judiciaire les
planteurs de cannabis,
les trafiquants et les
l’institution
consommateurs de
drogue qu'elles ont
appréhendés.
31
VIVRE EN
POLYNÉSIE
L’alcoolisme
partie intégrante du compor¬
social des Polynésiens, l’alcool est un
Devenu
tement
Territoire. Et contre
des fléaux du
ses con¬
séquences dramatiques, les campagnes de
luttes antialcooliques n’ont pas beaucoup
d’efficacité.
Culture et
symboles
Bien
l’arrivée
avant
des
racines de ’ava servaient à
Européens,
la
forme de stupé¬
Polynésie. Des
son
élaboration
:
mâchées et imprégnées de salive, elles étaient
délayées dans de l’eau, selon le même procédé
qu’utilisaient les Indiens d’Amazonie avec le
manioc.
L’installation des Occidentaux
a trans¬
l’introduction de
coutumes, et
l’alcool et des techniques
ces
de distillation a
accru production et consommation.
Dans un premier temps, des alcools à
base de fruits divers (oranges, v; Tahiti, fruit
du pandanus, etc.) font leur apparition, à tel
point que de nombreux écrivains du XIX*^
siècle s’épanchent sur les ravages de l’alcool
parmi la population. Dans un deuxième
temps, les importations (vin, whisky, bière,
etc.) prennent le relais. Jusqu’à une époque
encore récente, il était fréquent que le salaire
des
ouvriers
ceux
de la plantation
d’Atimaono, par exemple - soit payé en
alcool. Actuellement, la bière, fabriquée sur
place, est la boisson alcoolisée la plus
qui,
statistiquement
(consommation
peu
élevé des cyrrhoses
est
un
Si l’alcool est associé à la fête, il est aussi
chargé de symboles. Avec le rite de la cir¬
concision et la fin de l’obligation scolaire, il
marque pour les garçons le passage à l’âge
adulte. 11 a la réputation de faciliter les
relations humaines notamment quand il s’agit
en
témoigne
-
les
compagne.
conséquences néfastes relevant
laquelle on ne peut échapper.
Les gros buveurs, les grands “bringueurs” sont
appréciés, et l’état d’ivresse, par sa fréquence
ou son intensité, peut être sujet de fierté. Ce
phénomène touche également les femmes et
les jeunes filles, mais dans une proportion
moindre que les hommes.
ses
dégâts parmi les
couches défavorisées, on ne saurait ramener
son
usage aux seules causes culturelles.
L’aspect social est tout autant manifeste et, en
ce
sens, l’alcoolisme est l’une des consé¬
quences de la pauvreté, de l’insatisfaction et
qui en sont victimes,
un mal qu’ils tentent d’oublier en s’adonnant
massivement à la boisson pendant le week¬
ceux
Une
l’évolution
différentes
modèle anglo-saxon.
augmentation
depuis quelques années qui reflète
consommation
constante
32
au
du
niveau
ses
A MA'ITI ANA 'E I TE ORA
E'IA'ARO PUAIHIA
Évolution des importations
alcooliques (1983-1985)
de boissons
A
Nombre de bouteilles 75 cl.
-
importées
165 735
154 484
CHAMPAGNES CHAMPAGNES CHAMPAGNES
ET VINS
ET VINS
ET VINS
MOUSSEUX
MOUSSEUX
MOUSSEUX
1983
total en litres
673 931
B
-
en
total en litres
litres
662 527
650 095
Autres alcools
H RHUMS
1985
1984
total
importés
en
litres
■whisky ■ AUTRES
vie
dans
les
catégories sociales. Le vin et la
Métropole, il
n'y a aucune commune
comme en
mesure
entre les
espaces publicitaires
consacrés aux boissons
alcoolisées et ceux (ici,
une affiche du Service
de la Santé) essayant
d’en dissuader la
consommation.
L’importation des
“boissons alcooliques"
est une source
importante de rentrées
le
gouvernement territorial
qui a encaissé
2 317 749 F de droits en
1985,
un
chiffre
en
augmentation de 17,7%
par rapport à 1983.
3 203 702
La conduite en “état
d’ivresse” a été
responsable de 1,9 puis
13,3 et 8,8% de la
mortalité enregistrée
lors des accidents de la
route en 1981, 1982 et
1983.
A
CO
LU
CC
CO
<
Z
<
Z
Û
Q
ÛC
O
CO
Z
>
216 300
LU
ÛC
O
Page de droite
CO
Z
:
La consommation de
bière (fabriquée
localement à
concurrence de 92,5%
>
1986) a augmenté de
43% entre 1980 et 1986.
Contrairement aux
autres "boissons
en
JM.340
1984
1985
total
total
total
3 634 022
4 277 090
3 285 980
total
total
total
A-f B
A-b B
A-P B
4 927 185
:
à mettre en relation avec
l’alourdissement de la
fiscalité.
(X
1983
4 307 953
gauche
Évolution des
Importations de
“boissons alcooliques”
(1983-1985).
A l'exception des "vins
fins”, elles ont baissé en
volume, un phénomène
en
de
La lutte antialcoolique.
En Polynésie française
fiscales pour
3 780 490
importante
L’alcool faisant surtout des
end, conformément
Par
L’alcoolisme contribue à
d’une fatalité à
du mal de vivre de
l’adolescence.
bringues. Une violence qui n’épargne pas
proches du buveur et notamment sa
les
Dans les classes popu¬
Une consommation
dès
l’alcool
laires, l’absorption d’alcool est chose normale,
abus et
adonnent
délirium, perte des facultés. 11 est le respon¬
sable des rixes qui trop souvent éclatent à
l’occasion des sorties dans les boîtes de nuit et
courante.
son
par
l’institution familiale, surtout
quand, assimilé à un état “normal”, il revêt
une valeur d’exemple pour les enfants qui s’y
déstabiliser
habitant) place la Polynésie dans le peloton de
tête des pays qui s’adonnent à la boisson.
Avec les conséquences que l’on sait.
Même s’il est mieux supporté en Polynésie que
dans d’autres pays - le nombre relativement
-
d’aborder les filles.
moins
sont
facteur de déchéance physique et
mentale du buveur : vieillissement prématuré,
fabrication et l’usage d’une
fiants étaient répandus en
formé
populaires,
boissons
bière,
concernés que le whisky qui est plus volontiers
consommé par les nantis. Une augmentation
3 948 507
alcooliques"
on ne
note
aucun
infléchissement de la
tendance.
Page de droite, en haut :
Évolution et Impact des
accidents de la route
(1976-1985). Le nombre
(tués et
blessés) des accidents
de la route a augmenté
d’un peu plus de 10% en
des victimes
Ce chiffre est à
relation avec
l’amélioration du réseau
routier puisque dans le
même temps plus de
40 000 voitures ont été
immatriculées.
10
ans.
mettre
en
LES
répercussions économiques aussi, quand un
ou plus des revenus du ménage sont
Églises réussissent
Les
tiers
faire souscrire
consacrés à l’achat des boissons alcoolisées.
moraux
Faut-il
d’accident
signaler
de
enfin
circulation,
la
qu’en
la
matière
Polynésie
détient le triste record des décès par kilomètre
de route utilisé et que l’alcool est le principal
accidents mortels ?
regard de cette réalité, différents
de lutte ont été mis en place avec plus
responsable de
Au
ces
moyens
ou moins de bonheur. Le
plus souvent, on
lui-même, plus rarement ses
racines socio-culturelles. Dès lors, les résultats
combat le mal
à la hauteur des espérances.
Ligue antialcoolique, les associations
d’anciens buveurs, le Conseil des Églises de
Polynésie française et un récent Centre
d’Alcoologie dépendant du Ministère de la
Santé publique travaillent dans le sens de la
prévention, de l’information et des soins
ne
sont pas
La
volontaires. Leurs actions
des formes diverses.
se
manifestent
sous
-
aux
à travers
assez souvent à
buveurs des engagements
une
signature symbolique
du type “Croix bleue” - pour une durée variant
de quelques mois à plusieurs années. Le
Centre d’Alcoologie travaille dans un but
curatif (cures de désintoxication). Ce système,
fondé sur le volontariat de la part des
alcooliques désireux de se faire soigner, se
double d’une action d’information puisque
près de 60 personnes sont en permanence
suivies par l’équipe de ce centre.
Les
associations
d’anciens
mérites de telle
ou
telle boisson.
VICTIMES
ACCIDENTS CORPORELS
Mortels
Non mortels
TOTAL
Tués
Blessés
TOTAL
521
1976
0
0
295
33
488
1977
0
0
289
33
470
503
1978
0
0
315
39
460
499
526
1979
41
289
330
45
481
1980
49
286
335
58
519
577
1981
35
250
285
43
450
493
1982
30
312
342
31
518
549
1983
34
284
318
36
493
529
548
574
1984
42
298
340
47
501
1985
46
319
365
50
524
Production locale et
L’habitat
En dépit d’une activité soutenue qui a
progressé au même rythme que celui de
l’ensemble de l’économie, le secteur Bâtiment
publics (voir vol. 8, pp. 130-132) a
incapable de faire face à l’énorme demande
de logements créée par une urbanisation trop
rapide. A côté de logements “officiels”, dotés
du permis de construire, dont le confort et le
luxe attestent, en bord de mer et dans certains
lotissements de montagne, le statut privilégié
de leurs occupants, s’est développé un habitat
dit “insalubre” selon la terminologie officielle,
qui, dans les cas extrêmes, reflète une réalité
sociale rappelant celle qui prévaut dans les
et Travaux
été
bidonvilles du Tiers-Monde. Pour des raisons
qui sont surtout foncières, la politique de
l’habitat social suivie par le Territoire n’a pas
eu tout l’impact désiré.
phénomène majeur
Un
Évolution et impact des accidents de la route (1976-1985)
Années
buveurs
leur soutien aux personnes
récemment engagées dans le processus d’arrêt
d’absorption d’alcool, afin de leur éviter les
rechutes, de favoriser leur réinsertion sociale,
familiale,
professionnelle.
Malgré cela,
l’alcoolisme continue à se développer, plus ou
moins encouragé par les publicités vantant les
apportent
importations de bière en hectolitres
123 784
PROBLÈMES SOCIAUX
Conséquence notamment des migrations en
provenance des archipels qui se sont accrues
avec
l’implantation du C.E.P., l’habitat
“insalubre” s’est considérablement développé
depuis 20 ans. En 1969, selon une enquête de
la SCET-Coopération effectuée à Papeete,
Pirae et Eaaa, il concernait “22 000 personnes
environ (vivant) dans 3 960 logements dont
2 650 dans la seule commune de Papeete”. En
1982, si l’on en croit une étude de la Setil
menée dans l’ensemble de l’agglomération
urbaine,
ces
chiffres passent respectivement à
21 100 et 3 936. Ee
phénomène touche 2 l%du
“parc immobilier” et 22% de la population
“supposée” (96 220 habitants). Il y revêt deux
formes dont l’aspect n’est sans doute pas sans
signification sociale (origine géographique
des résidents ?) : une forme concentrée en
“quartiers” (59% des habitations en moyenne)
qui s’est surtout développée à Papeete et à
Faaa ; une forme “dispersée” (41%) dont la
fréquence, sur la côte ouest notamment, a
distance de
Papeete. Au point de devenir exclusive dans le
Tahiti rural où, en 1982, elle affectait la tota¬
tendance à s’accroître avec la
lité du parc immobilier. L’enquête de la Setil
n’a malheureusement pas été actualisée. En
1987, selon l’Office territorial de l’FIabitat
(O.T.H.S.), “les quartiers insalubres
social
qui ont été recensés en 1982 avec
différence que les enquêteurs de l’Office
ont constaté une densification plus forte du
nombre d’habitants dans ces quartiers’’.
sont ceux
cette
Une
grande misère matérielle
et sociale
Les
“matériels” ou plus spécifi¬
“sociaux” qui servent à définir
critères
quement
l’habitat “insalubre” sont nombreux et
controversés. Dans l’ordre matériel, selon
J.
Champaud, géographe à l’O.R.S.T.O.M.,
c’est la
“précarité” qui prévaut. Précarité de
l’environnement : les quartiers insalubres sont
souvent situés dans des zones marécageuses
ou
inondables
(près de l’embouchure de la
Fautaua par exemple) ou sur des pentes raides
de bas de versants ; précarité des équipements,
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
qu’il s’agisse de la voirie ou des divers réseaux ;
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Second critère, “l’incertitude concernant
électrique, adduction d’eau,
eaux
pluviales ou usées ;
précarité des matériaux de construction :
matériaux de récupération, planches, pinex...
Autant de phénomènes qui ne s’additionnent
pas forcément en un même lieu et qui sont
susceptibles d’évoluer dans le temps, ce qui
branchement
évacuation
juridique dans l’occupation du sol et
logement”. Ce n’est pas ici, contrairement à
une idée reçue en forme d’explication passepartout, l’indivision qui est la principale
raison de cette incertitude. Pour la simple
raison que les insulaires, qui forment la
majeure partie des occupants des
“bidonvilles”, ne détiennent pas, dans leur très
grande majorité, de droits fonciers à Tahiti.
L’incertitude du titre d’occupation doit être
recherchée
ailleurs ; toujours selon
l’O.R.S.T.O.M., les habitants des logements
insalubres, dans leur majorité, ne sont pas
propriétaires ou co-propriétaires des terrains
qu’ils occupent. A titre grâcieux parfois,
beaucoup plus souvent comme dépourvus de
bail et dépendants dans ce cas du bon vouloir
d’autrui. Est-il besoin de le préciser, dans ce
cas de figure, les familles hébergées par des
fetii ou des amis sont doublement
dépendantes. Au total, toujours selon
des
conduit actuellement
le statut
du
l’Office territorial de
l’Habitat social à effectuer
une
distinction
opérationnel entre les quartiers où
l’insalubrité ressort plutôt de l’assainissement
et ceux où la “qualité” de l’habitat est d’abord
d’ordre
en cause.
Dans l’ordre
social, l’habitat insalubre
définit d’abord par la densité d’occupation
des logements qui peut créer des situations de
se
promiscuité insupportables (jusqu’à 20 occu¬
pants par pièce selon une enquête effectuée
par les assistantes sociales de l’O.T.H.S. en
1981 et dépouillée par l’O.R.S.T.O.M.). Une
situation aggravée quand le même logement
est occupé par plus d’une famille, ce qui, selon
la même enquête, est le cas de 53,3% des 900
familles candidates au relogement.
Statut foncier et mode
63,6% des familles
l’enquête “dépendent d’autrui
l’O.R.S.T.O.M.,
concernées par
d’occupation juridique dans ies quartiers insalubres de l’agglomération urbaine
MODE D’OCCUPATION
STATUT FONCIER
Nombre de
Nombre
Propriété
Nombre de
cas
Propriété
Propriété
Les
Location
Propriété/
Location
quartiers
individuelle
PAPEETE
23
11
3
9
4
9
5
FAAA
17
9
1
7
1
13
3
1
2
2
5
2
indivisée
deux
PIRAE
7
2
3
2
ARUE
7
3
3
1
PUNAAUIA
7
1
1
5
MAHINA
5
1
1
3
PAEA
1
TOTAL
1
6
1
1
3
1
67
13
27
cas
Sans
loyer
Location
loyer
sans
Inclassables
2
3
1
1
3
1
1
27
7
36
17
Ci-dessus :
statut foncier et mode
L’habitat insalubre à Tahiti
d’occupation juridique
(1982). Outre la
complexité des
Nombre total
d’habitations
En
quartiers
Isolé
Nbre
%
198
10
5
113
92
Nbre de Qlers
Nbre Mais.
%
Nbre Mais.
situations, ces chiffres,
qu’il faudrait actualiser,
montrent que l'habitat
insalubre se développe
davantage en propriété
individuelle
qu'en
propriété indivise.
S'agissant de celle-là, et
à condition de prendre
en compte les
superficies concernées,
Habitat insalubre
Total des hab.
3
%
il serait intéressant de
connaître les revenus
certains
propriétaires tirent de
que
MAHINA
1 960
5,7
85
4,3
4
54
7
ARUE.
1 312
146
11
7
PIRAE
2 592
294
11
7
172
4 753
6,6
122
PAPEETE
1 727
4,7
36
23
1 195
25
532
11
FAAA
3 859
933
24
17
620
16
313
8
PUNAAUIA
2 204
470
21
7
220
10
250
11
10
1,4
145
8,6
PAEA
1 688
168
18 368
3 936
1 125
273
TEVA 1 UTA
940
TAIARAPU O.
620
COTE OUEST
2 685
816
ZONE URBAINE
PAPARA
HITIAA O TE RA
1
23
67
2 435
24
0
0
294
31
0
0
0
294
31
249
40
0
0
0
249
40
1 501
0
273
24
816
840
347
41
0
0
0
347
41
1 250
368
29
0
0
0
368
29
COTE EST
2 090
715
23 143
5 467
TOTAL
24
67
2 435
3 032
L’habitat insalubre à
Tahiti.
Selon cette enquête
réalisée en 1982,
l’habitat insalubre était
en zone rurale un
phénomène strictement
“isolé". Cette assertion
nous paraît erronée et de
façons
aujourd’hui dépassée si
toutes
l’on
TAIARAPU E
715
l’habitat insalubre.
se
réfère par
exemple à l'existence du
quartier dit
de La Carrière, situé au
fond de la vallée de la
Tahuruu qui, en matière
d’assainissement
comme de qualité de
l’habitat, présente tous
les caractères de
l’insalubrité.
34
LES
en
de logement, une majorité
dépendance et cohabitation”.
matière
cumulant
2 364
logements sociaux en 26 ans
l’implantation du C.E.P. que les
pouvoirs publics se sont préoccupés pour la
première fois de résoudre l’habitat insalubre
en créant, entre 1962 et 1964, des lotissements
sociaux, trois précisément, à Pirae et Faaa,
pour 236 logements construits. Après une
pause de six années (le boom), il a fallu
C’est avant
toutefois
attendre
les
années
70,
et
la
publication du Rapport SCET-Coopération,
pour voir un tel programme se développer en
se déplaçant progressivement dans l’espace et
dans le temps. Entre 1971 et 1982, 60% des
1 603 logements (4 lotissements sur 12) ont été
édifiés à Faaa ; un taux qui est passé à 16%
(1 lotissement) entre 1982 et 1986, la
commune
de
Papeete, qui avait été
complètement négligée jusqu’alors,
bénéficiant de 30% (3 lotissements) des 478
nouvelles réalisations, contre 27% pour la
commune d’Arue
(2 lotissements) et 13%
(1 lotissement) pour celle de Punaauia.
PROBLÈMES SOCIAUX
Le développement de ce programme
d’habitat social répond incontestablement à
une volonté politique, partagée par tous les
peut accorder “une aide à la construction” et
une “aide à l’amélioration des logements” -,
qui se manifeste en
la création d’un Fonds spécial de
l’Habitat social (F.H.S.). Il convient toutefois
de noter que, dans une première période qui
s’achève en 1974, lesdits gouvernements ont
très largement délégué leurs responsabilités en
la matière à des institutions comme la Setil, la
Socredo ou la C.P.S. qui ont mis en oeuvre
une politique de l’habitat social axée sur la
construction de grands ensembles destinés à la
location et surtout à la location-vente (de 15 à
sociales
qu’en
quelle
gouvernements,
“couleur”. Une volonté
1967
25
soit
leur
avec
ans).
gouvernement territorial va intervenir
Le
directement à compter
de 1975, d’abord en
davantage à contribution le F.H.S.,
ensuite en instituant en 1979 l’O.T.H.S., un
mettant
établissement
public
territorial
doté
de
l’autonomie financière et dont les ressources
budget de 2 milliards environ)
proviennent actuellement du Fonds
d’intervention et de Solidarité (F.LS.).
A côté d’interventions ponctuelles - il
(un
rO.T.H.S.
mission essentielle “de
d’habitations
pour
a
mettre en œuvre un programme
de lots à construire et de les
ou
vu d’une enquête menée par le
Service des Affaires sociales à des bénéfi¬
attribuer
au
(qui ne sont pas)
d’une habitation (et ne
ciaires
ressources
déjà propriétaires
disposent pas) de
mensuelles supérieures à 4 fois le
SMIG”.
L’O.T.H.S.
a
innové par rapport à ses
en mettant en œuvre des
lotissements de taille plus réduite, puis tout
prédécesseurs
en substituant “l’accès à la
propriété” à la “location-vente”. Une raison
majeure, semble-t-il, à ce changement : le
récemment,
niveau de vie relativement élevé de certains
logés” : l’enquête sociale réalisée pour
l’attribution des 120 logements de Taapuna H
à Punaauia (en projet) a révélé que 74% des
1 248 candidats répertoriés disposaient de
“mal
ressources
égales
ou
supérieures à 3 fois le
SMIG. Reste à savoir si ce “type de gestion”
convient aux couches les plus défavorisées de
la population, à tous ceux qui vivent en
“bidonvilles”. Une réalité fort mal connue
actuellement.
Page de gauche :
Une situation et une
solution. Pour éradiquer
les formes d'habitat les
FARE ROI
MATAVAI
plus précaires, le
Territoire s’oriente vers
la construction de petits
logements de type
Autre innovation qui paraît fort peu
adaptée au mode de vie des candidats au
logement ; la construction de petits immeu¬
bles ; un choix motivé par le coût des terrains.
Un effort insuffisant
H.L.M. Un choix motivé
par des considérations
économiques,, mais qui
paraît fort peu adapté au
Le Territoire
considérable
mode de vie des familles
à reloger.
effort
a
en
fait depuis 1971 un effort
matière d’habitat social. Un
qui s’est accéléré récemment puisque
rO.T.H.S. doit livrer 224 logements en 1987 à
Punaauia et à Pirae (contre 96 en moyenne les
cinq années précédentes) et 190
en 1988 dont
(Mission et Tipaerui)
accueillir les habitants de quartiers
VAIAHi
deux “cités de transit”
destinées à
insalubres voués à la réhabilitation. Cet effort
n’en demeure pas moins insuffisant, puisque,
l’O.T.H.S., “les besoins annuels en
logement ne sont pas inférieurs à 400 unités
selon
pour
la seule île de Tahiti”. Cette évolution
intégrant la seule résorption des quartiers
insalubres en 10 ans, ainsi que les besoins dus
à l’accroissement de la population sociale.
La principale cause de ce retard : l’impré¬
voyance
des années 1964-1970 et, bien sûr, le
“foncier”. Ici encore, globablement - les
situations varient selon les quartiers - ce n’est
pas l’indivision qui, en freinant
des terrains constructibles, est
l’acquisition
la première
responsable. Mais bien plutôt, en zone
urbaine, le coût desdits terrains appropriés
individuellement. A Papeete, le mètre carré
vaut 9 000 F à Mamao Colline et 15 000 F à
Vaininiore. S’agissant, par exemple, de là
construction des deux “cités de transit” de la
Tipaerui (immeubles collectifs),
prix du terrain représente 14% de la charge
financière totale. Aussi, ne faut-il pas
Mission et de
le
Les lotissements
sociaux dans la zone
urbaine autour de
Papeete.
Signalons l’existence
plus de 350
hors "zone urbaine” du
lotissement Maire Nui à
Tautira qui comporte
60 logements en
location-vente mis en
service en 1980.
s’étonner si le Territoire compte mener un
certain nombre d’opérations de résorption des
quartiers insalubres
en
collaboration
il
appel à la “solidarité” de
commune
de
Papeete
;
a par
avec
la
par
la
ailleurs fait
l’État qui,
bouche du ministre Bernard Pons, a
d’intervenir.
promis
35
VIVRE EN
La
POLYNÉSIE
délinquance
ciente. Ces conditions d’existence difficiles,
problèmes sociaux, la délin¬
quance, qui relève bien davantage des infrac¬
tions de la correctionnelle que de la crimi¬
nalité, est sans doute le problème dont la
représentation est la plus déformée, parce
qu’elle concerne surtout les jeunes, parce que
les comportements de déviance et (ou) de
marginalité - le phénomène “hombo” en porte
témoignage - sont spécifiques du conflit de
normes
culturelles que traverse la société
polynésienne. Un conflit que l’on retrouve à
un tout autre niveau de gravité quand il s’agit
d’interpréter le “crime” de viol qui demeure le
plus répandu.
Dans ce contexte, la répression, qui n’est
De tous les
pas toujours comprise par les intéressés,
demeure la réponse la plus courante à la délin¬
qui a
familiale traditionnelle sur
l’enfant,
conduisent
généralement celui-ci à une
inadaptation scolaire, puis à l’échec scolaire
proprement dit ; ces deux éléments pouvant se
conjuguer, soit avec une démission parentale
tives, soit
carences
inadaptée
aux
Parvenu
est
éducatives et affec¬
en
stade de l’adolescence, le
catégorie des infractions
classées, citées dans
varier à la baisse selon la
tendance à rechercher
la sécurité dans la compagnie de ses sembla¬
bles : se forment alors des groupes marginaux
dont le phénomène “hombo” est l’expression
et la forme la plus répandue. L’histoire des
“hombos”, terme qui vient de l’espagnol
honihre, remonte aux années soixante qui
voient les jeunes de l’époque s’identifier à des
jeune
en
difficulté
aura
l'ordre de leur
croissante
en 1982 : -5% pour les
“attentats aux moeurs” ;
900% pour la rubrique
occurrence
“stupéfiants” ; 171%
pour le “vandalisme” ;
-1,4% pour la violence ;
26% pour le “vol” qui, en
1982, concernait à lui
seul 55% des personnes
mises en cause.
“anti-héros” de bandes dessinées, à des hors-
quance.
La délinquance et
spécifiques
ses
surpeuplement dont la
presse locale se fait
périodiquement l'écho.
Des problèmes que la
“convivialité" propre au
milieu carcéral ne
passé de 914 à 1 248
d'augmentation de
36,5%. Un taux qui peut
réalités actuelles.
au
prison connaît quelques
problèmes de
dix ans, soit un taux
éducation trop rigide et
avec une
à gauche :
Détenus à Nuutania. La
Nuutania,
été inaugurée en
1970, est capable
d’accueiiiir 300 détenus.
Seion B. Schlemmer, le
nombre des “personnes
mises en cause" pour
divers crimes et délits
et
entraînant des
Page de droite,
Ci-dessous :
La prison de
jointes à la baisse de l’emprise religieuse
■
permet pas toujours
de résoudre.
Page de droite, à droite :
Un numéro spécial de
Tauhiti. L'un des mérites
de la revue de la Maison
de la Jeunesse-Maison
de la Culture de
Papeete, dirigée par
Henri Hiro, est d'avoir
su montrer la relation
existant entre les
problèmes culturels et
les problèmes sociaux.
Une relation trop
souvent occultée par
certains “culturalistes”
locaux.
caractères
Polynésie française, la délinquance, et
la délinquance juvénile, relève
bien davantage du délit que du crime. Elle
En
notamment
recouvre
surtout en
effet tout
un
ensemble
les lois punissent
de peines simplement correctionnelles : vols,
cambriolages, escroqueries, chèques sans
provision... Les meurtres, assassinats, viols
passibles de la cour d’assises sont infiniment
plus rares.
11 n’empêche ; la presse dans ses articles,
les responsables politiques, judiciaires et
religieux dans leurs déclarations et la popu¬
d’infractions peu graves que
lation dans
ses
commentaires, renvoient du
phénomène une image plutôt inquiétante,
sinon préoccupante. Une image qui, selon le
sociologue B. Schlemmer, est celle “d’une
fraction sans cesse croissante de la jeunesse
tahitienne vivant de plus en plus “en marge”
de la société, recourant de plus en plus systé¬
matiquement à des activités délictueuses, pour
satisfaire à des besoins sans cesse plus sophis¬
tiqués, usant de plus en plus facilement de
violence, et se montrant de plus en plus réfrac¬
taire à l’autorité, se révélant de plus en plus
inapte à une réinsertion dans le tissu social”.
La délinquance relève donc en Polynésie
de deux catégories de comportements que l’on
a l’habitude de distinguer en d’autres pays : les
jeunes délinquants polynésiens sont tour à
tour ou
simultanément des “déviants”
ou
différentes.
polynésien
En
jeune délinquant
MINEUR
ADULTE
Juge
Juge d'instruction
\
pour
X
SURSIS
SURSIS
de PLACEMENT
mesure
d'A.E.M.O.
liberté surveillée (délégué
liberté surveillée)
RÉCIDIVISTE
PRIMAIRE
/
V
avec
EMPRISONNEMENT
mise à
FERME
l'épreuve
Juge d'application des peines
LIBERTÉ
^
CONDITIONNELLE
I
LIBÉRATION
(comité d'aide aux
libérés
en projet -)
-
enfants
mesure
DÉTENTION PRÉVENTIVE
Polynésie, l’histoire du jeune délinquant
débute souvent par une venue au monde dans
un
milieu déjà touché par l’inadaptation
sociale et la marginalisation : les symptômes
les plus visibles en sont la violence familiale,
l’éthylisme et une situation sanitaire défi¬
36
DÉLIT
juridique du délinquant
des
“marginaux”. Ils choisissent plus ou moins
délibérément de transgresser seuls ou en
groupe les normes de la société à laquelle ils
appartiennent tout en vivant une désorgani¬
sation psychologique et sociale qui résulte de
leur appartenance à deux cultures aux normes
Portrait du
Parcours
\
SEMI
LIBERTÉ
à la
LES
la-loi de rhistoire américaine
ou européenne,
mexicains, etc. Les “hombos”
ont leur territoire : quartier urbain ou secteur
géographique (district, vallée, section kilomé¬
à des bandits
trique
ou tout simplement lieu-dit).
En groupe ou isolément, le jeune en
difficulté va évoluer vers une petite délin¬
constituée de délits mineurs tels que
d’écoles, larcins, etc. Cette situation
va se prolonger durant toute l’adolescence
sans pour autant déboucher fatalement sur
une délinquance plus grave. Le moment le
plus critique se situe néanmoins entre la fin de
la scolarité obligatoire, fixée à 14 ans en
Polynésie, et le service militaire. Durant ces
années vides, les jeunes adultes ont coutume
de faire leurs expériences dans la communauté
quance
saccages
des “châteaux”
-
ces
lieux de rassemblement et
d’hébergement que les “hombos” édifient
pour le groupe. Le passage à la délinquance
ordinaire se traduit rarement par des crimes
de sang. Il s’agit généralement d’activités
délictueuses qui portent principalement sur
les vols,
la conduite
en
état d’ivresse
ou sans
permis, la culture et la vente de cannabis,
l’implication dans des bagarres, etc. Plus
fréquemment, l’individu, après son service
militaire, va reproduire le schéma familial de
ses parents : la délinquance va se transformer
en
violence
et
en
instabilité
familiale,
lesquelles vont entraîner les mêmes
conséquences pour la génération suivante.
La grande délinquance paraît assez peu
répandue sur le Territoire. Les trafiquants de
drogue arrêtés à l’aéroport sont le plus
souvent des étrangers en transit ; il n’existe pas
de réseaux pour receler et écouler les
marchandises volées. 11 n’y a pas non plus
apparemment de “milieu” polynésien, même
si quelques affaires de détournements de
fonds défraient périodiquement la chronique.
Les attentats à l’explosif sont extrêmement
rares et, quand on les constate, ils sont surtout
le fait des fractions les plus dures de l’indé¬
pendantisme polynésien.
Alors que le proxénétisme est extrê¬
mement peu développé en Polynésie, le viol,
en
constante
augmentation depuis une
quinzaine d’années, constitue le crime le plus
répandu. Un constat qui est très symptoma¬
tique du conflit de normes culturelles que
traverse la société polynésienne. S’agissant du
second “crime” qui demeure sans doute le
sujet de polémique le plus actuel, on peut plus
particulièrement noter que la notion de viol
est à la croisée de deux conceptions : l’une,
normative et héritée de l’histoire et du droit
occidental, veut que l’outrage soit criminel et
puni comme tel ; l’autre, spécifique à la culture
polynésienne, considère encore que cet acte
relève de la coutume du motoro. Il n’est pas
rare en tout cas que les viols soient collectifs et
qu’ils soient perpétrés par de très jeunes
adultes.
PROBLÈMES SOCIAUX
répression
délinquance
Prévention et
de la
Pour endiguer l’existence et la montée de la
délinquance, malgré les projets du Territoire
en
matière de prévention, malgré le rôle
dissuasif exercé par la gendarmerie, la
répression est encore la réponse la plus
courante
au
problème. Les projets de
réinsertion sociale des délinquants mineurs ou
majeurs, encore trop peu nombreux, ne se
sont pas encore affranchis d’une vision trop
alarmiste des choses.
Le seul pas
important qui ait été fait en
jeunes délinquants
matière de réinsertion des
depuis quelques années est l’ensemble des
mesures
d’assistance éducative qui sont
prononcées par le Juge des Enfants dans
l’intérêt des mineurs pré-délinquants. Ces
mesures permettent de suivre le mineur sur le
plan scolaire, éducatif et psychologique tout
en le maintenant dans sa famille. Pour ce
qui
est des adultes, les peines d’amendes ou
d’emprisonnement sont prononcées par les
tribunaux correctionnels
ou
suivant le même schéma
qu’en France. A cet
effet, il existe
une
la
cour
d’assises
maison d’arrêt établie
sur
de Faaa. Cet établissement
la
héberge
en
permanence environ
150 détenus et
prévenus qui, pour 98 % d’entre eux, sont de
commune
sexe
masculin.
«enTRe i'iMnee x*
iwpojee
coNHE^iewe ipeMCjer ter iwmstgKntts
jteimiufiNTes atsTinees a anoatik
us
iHjvirlces socîAteSfSenseifT les
HoBIBICS SOtCAriFS, 3>AIU l£ Tire J>e
SoeiCTe ENiiMe«R
inAfArre awx
.
RCALtres
Extrait du débat
29
TotyHesietiHesK
sur
septembre 1976-
la
délinquance juvénile du mercredi
los olvidados les oubliés
Un "château"
dans PAPEETE le 20.12.76.
37
VIVRE EN
POLYNÉSIE
chômage
Le
Au même titre que
d’autres problèmes
l’habitat, le chômage, dont le
développement est récent dans le Territoire,
sociaux
comme
est “une
retombée indirecte de
C.E.P.’’.
du
Tout
en
l’implantation
s’inscrivant dans
le
démographique et socio¬
économique ainsi créé, il n’en conserve pas
moins, pour certaines catégories de chômeurs
nouveau
tout au
contexte
moins,
un
certain nombre de
carac¬
spécifiques dont essaient de tenir compte
les pouvoirs publics dans la politique menée
pour le résorber.
tères
Polynésie des années 60, qui connaît
économie
une
coloniale
encore
essentiellement
rurale, les chômeurs ne sont pas recensés. Il
faudra d’ailleurs attendre le recensement de
les démographes de
s’emploient à quantifier le
phénomène. Ce qui ne signifie pas que le
problème du sous-emploi (et de l’insuffisante
rémunération des emplois) ne se posait pas
dans une économie en pleine crise. Une
situation à laquelle les ruraux ont réagi en
émigrant vers la Nouvelle-Calédonie dans les
années 50 et, déjà, vers la zone urbaine de
1977
pour
l’I.N.S.E.E.
que
Tahiti.
problème que le C.E.P. va permettre
de régler directement ou indirectement (et
provisoirement) en assurant le plein emploi.
Ceci pendant près de deux décennies, si l’on
considère qu’en 1977, selon les données du
recensement, le taux de chômage (1 689 chô¬
meurs) ne dépassait pas 3,8%. Un taux qui
s’est brusquement accru depuis lors puisque
en
1983, toujours selon les recenseurs, il
atteint 11,2%, “7 322 personnes n’occupant
pas un emploi (ayant déclaré) être à la
recherche d’un emploi”.
Depuis lors, faute de statistiques fiables les demandeurs ne sont pas tenus de s’inscrire
au
Service de la Main-d’œuvre (devenu
l’Agence pour l’Emploi et de la Formation
professionnelle le 19 décembre 1985) et les
employeurs de proposer leurs offres
d’emploi -, il n’est pas possible de décrire
précisément l’évolution du chômage. Tout au
plus, si l’on rapporte les “offres nouvelles
d’emplois” aux “demandes nouvelles
Un
d’emplois”, note-t-on pour
amélioration de la situation
1986 une légère
puisque ce ratio,
année-là, est de 1,77 contre 1,85 en 1984
1,93 en 1985.
En 1983, selon l’I.T.STAT., le chômage
touchait surtout les femmes, les jeunes, les
personnes faiblement qualifiées et les Poly¬
nésiens. Ce qui ne saurait surprendre et n’a pas
cette
et
beaucoup changé, si l’on
croit certaines
l’A.E.F.P. qui a
analysé la situation des demandeurs d’emplois
“non satisfaits” en 1986 : le chômage concerne
d’abord des jeunes de 18 à 24 ans (à
concurrence de 53,5%), des personnes sans
diplôme (36,1%) ou peu formées (22% sont
titulaires d’un C.E.P.) et qui par conséquent
sont
pas ou peu qualifiées puisqu’elles
informations fournies par
38
en
chômage
certaine
une
:
spécificité
La limitation des
compétences de l’Agence
responsable du manque de
statistiques. S’agissant de
certaines
catégories de sans-emploi, le
phénomène revêt des caractères spécifiques
qui interdisent par exemple de l’assimiler à
son
homologue métropolitain, plus
facilement quantifiable, du moins en théorie.
Certes, en milieu urbain, “le chômage est
n’est pas seule
fiabilité
des
économiste
Le concept de chômage est lié à celui de
salariat. Aussi ne faut-il pas s’étonner si, dans
la
Le
évidemment,
développement récent
Un
recherchent des emplois de manœuvres
(24,6%), d’ouvriers spécialisés (11,6%) ou
d’employés non qualifiés (15,3%).
comme
de
l’a
noté
l’O.R.S.T.O.M.
un
socio-
dans
un
ouvrage à paraître, la conséquence d’une part
de l’afflux excessif d’insulaires attirés par la
possibilité d’y trouver des emplois et aussi par
l’ensemble du contexte que l’on pourrait
appeler socio-culturel propre à la ville
(cinémas, boutiques, sports, etc.), d’autre part
l’arrivée
de
sur
le
marché
du
travail
de
catégories de jeunes qui ont grandi et étudié en
(descendants de parents arrivés en ville
depuis plus ou moins longtemps : migrants de
la première et de la deuxième générations) et
qui sont souvent insuffisamment formés sur le
plan professionnel”.
ville
Ceci étant, il semble, selon une étude de la
Chambre de Commerce et d’industrie datant
1979, que “le nombre
recensés est probablement
de
de chômeurs non
considérable dans
groupe intermédiaire entre un groupe
parfaitement moderne vivant en économie de
marché en ville et un groupe presque entière¬
un
ment traditionnel en zone rurale, (ce groupe
intermédiaire) pouvant être estimé à 30% de la
population active et se distinguant par une
autoconsommation partielle, un habitat en
bidonville urbain et un salariat temporaire”.
Faut-il ajouter, mais cette remarque
concerne plus particulièrement le milieu rural,
que la structure familiale, à travers des
actifs
I
élèves, étudiants
■
personnes au
militaires du
foyer |
contingent |
chômeurs
autres inactifs
i
■
En haut :
Le Service de
l’Économie rurale a été
doté par le Comité de
Gestion des Chantiers
de Développement de
26% environ des crédits
qui lui ont été affectés en
1987. En 1986, ces
dotations avaient
surtout
servi, dans les
archipels notamment,
à mener des “travaux
forestiers”.
Que font les jeunes ?
Ils sont “chômeurs”
dans une proportion qui
est
supérieure à celle de
l'ensemble des actifs
(11,2%), mais surtout ils
sont sous-employés, à
concurrence de 20,1%,
comme
semblent
l'indiquer les taux
affectant les “personnes
au foyer" et les
“autres inactifs”.
emplois d’aides familiaux dans le
dans celui du
secteur du
coprah et de
la pêche, “joue un rôle d’amortisseur” par
rapport au marché du travail. Dans ce cas,
dans la conjoncture qui est actuellement celle
de l’agriculture, notamment dans les
archipels, mieux vaut parler de sous-emploi
que de chômage.
commerce comme
De la politique de l’emploi
au traitement du chômage
Pendant
le
“boom
économique” (voir
volume 8, pp. 28-29), le gouvernement
territorial (au sein duquel l’Etat exerçait les
responsabilités essentielles) ne s’est guère
préoccupé des conséquences que pourrait
avoir sur le plein emploi une diminution, voire
une cessation (“l’après C.E.P.”) des activités
de cet organisme. Il a fallu attendre la
conjoncture difficile des années 70 - une
mission effectuée par le démo-économiste
Bernard Grossat y a sans doute très largement
contribué
pour que les pouvoirs publics
raisonnent “en terme de remplacement des
-
LES
activités induites
déduites de la présence du
(et) en terme de création nette
d’emplois” et mettent en oeuvre une politique
de relance diversifiée des activités (dont
G. Blanchet nous a décrit les “résultats
ou
C.E.P.
mitigés”), impliquant dans le cadre des orien¬
un gros effort en matière
d’enseignement technique et de formation
professionnelle.
tations choisies
1968, selon une enquête de l’époque,
celui-là (44 classes réparties dans trois établis¬
sements privés et deux publics) est essen¬
En
ménager et commercial. Quant à
celle-ci, qui est davantage orientée vers les
métiers de la mécanique, du bâtiment et des
travaux publics, elle est dispensée dans une
dizaine d’organismes comptant 70 stagiaires
en moyenne. A la rentrée scolaire 1985-1986,
si l’on excepte les étudiants fréquentant le
tiellement
C.N.A.M. et la classe de préparation aux
“hautes études commerciales” (voir volume 8,
94-95), le “second cycle court” de l’ensei¬
technique (dont font partie les
Centres d’Education aux Technologies appro¬
priées au Développement (C.E.T.A.D.) qui
sont de “petits lycées professionnels ruraux”,
a accueilli dans 13 établissements publics et
trois privés, 2 919 élèves répartis dans 139
classes préparant aux examens sanctionnant
une formation professionnelle dans le secteur
pp.
gnement
industriel
et
le
secteur
tertiaire dont
rhôtellerie : C. A.P. classiques (22 spécialités) ;
C.A.D. (option industrielle) et C.A.P.D.
(option Activités familiales, artisanales et
touristiques) pour les C.E.T.A.D. ; B.E.P.
(12 spécialités). Dans le “second cycle long”
(4 établissements publics et un privé), les
effectifs scolarisés dans 44 classes étaient les
suivants : 896 en ce qui concerne les prépara¬
tions aux cinq baccalauréats et aux deux
brevets
de Technicien (Tourisme et
Hôtellerie), 100 pour le B.T.S. (trois spécia¬
lités) qui relève de l’enseignement supérieur
des lycées.
En terme de “flux de sortie”, la même
année, le système a produit, tous niveaux de
Autre forme originale d’enseignement
professionnel dont l’impact est plus limité
(4 établissements pour 127 élèves en 1986-
confondus, 955 diplômés dont 45,6% orientés
vers le tertiaire, 32,8% vers l’industrie, 9% vers
l’hôtellerie et le tourisme, 2,6% pour la santé et
9,9% pour le secteur “employé technique de
milieu familial où ils mettent
A côté de ces formations classiques
reproduisant le modèle métropolitain, y
compris dans le cas des C.E.T.A.D. dont la
Nul
ne
Les
jeunes demandeurs d’emploi (1983)
formation
et
I
□
L, ,l
tous
d’activités
secteurs
collectivité”.
formule initiale
toire
a
créé
en
été “normalisée”, le Terri¬
1978 les Centres de Jeunes
a
1987), les Maisons familiales rurales, fondées
1981. Associations régies par la loi de 1901,
les M.F.R., qui fonctionnent encore actuelle¬
en
ment avec
le
concours
d’une subvention de
(16 276 000 FCP en 1985), pratiquent
pédagogie de l’alternance qui voit les
l’Etat
une
passer successivement une semaine
dans rétablissement et “deux semaines dans le
élèves
en pratique les
enseignements reçus dans le domaine de la
pêche, de la culture ou de l’élevage”.
Les “chômeurs” étaient 1 689
7 322
en
1977 et
1983. Combien sont-ils aujourd’hui ?
le sait. Force est de constater que la
en
(C.J. A.) - ils sont aujourd’hui 21 qui accueillent (en 1986-1987) 1 015 jeunes en
Adolescents
situation d’échec scolaire, appartenant aux
milieux les plus défavorisés puisque en maijuin 1984, ils étaient issus en moyenne, d’une
famille de huit personnes avec un revenu
mensuel familial moyen de 66 000 francs CFP.
L’objectif poursuivi est de préparer les jeunes
active en les intégrant au “tissu
économique communal”. Pour ce faire, les
maîtres, qui malheureusement ne sont pas
tous suffisamment formés, essaient de les
“responsabiliser” (les C.J.A. sont constitués
en coopératives) et de les réhabiliter par une
pédagogie appropriée.
à la vie
14 000
(
PROBLÈMES SOCIAUX
Secondaire général
13 000
Technique public -|- privé
12 000
C.J.A.
11 000
10 000
9 000
-8 000
Évolution des effectifs
l’enseignement
technique et de
renseignement
secondaire générai
(1971-1986). En taux
de
d’accroissement moyen
annuel (18,5%), les
effectifs de
l'enseignement
technique ont progressé
plus vite que ceux de
l’enseignement
secondaire général
(10,6%). Un progrès qui
ne doit pas faire trop
illusion si l’on veut bien
considérer qu’au départ
ceux-ci étaient 4,9 fois
plus nombreux que
ceux-là. Le
développement de la
7 000
-
6 000
scolarisation dans les
Centres de Jeunes
Adolescents (cliché du
bas) constitue en
revanche
un
élément
beaucoup plus positif.
5 000
4 000
'3 000
2 000
1 000
'0
Ci-dessus :
Le Centre de Formation
professionneiie pour
Aduites (C.F.P.A.) de
Pirae a été ouvert en
1978. Il comporte
"quatre sections de
20 stagiaires chacune,
réparties dans les
spécialités suivantes :
maçonnerie : deux
sections ; serrurerie :
une section ;
menuiserie :
une section" (Agence
pour l’Emploi et
Formation
la
professionnelle Rapport d’activité,
1986).
39
VIVRE EN
POLYNÉSIE
“politique de l’emploi, initiée après le “boom”
et poursuivie sans relâche depuis lors par tous
les gouvernements, a globalement échoué. En
quelques années, la question du chômage et de
son
traitement est devenue une “priorité
absolue” pour les pouvoirs publics comme
pour les partenaires à vocation sociale :
employeurs, syndicats. Églises, groupements
associatifs... Nous ne discuterons pas ici d’un
dossier dont le règlement à moyen et à long
termes dépend de l’efficacité des programmes
de développement qui pourraient être mis en
œuvre
dans
le cadre de choix de société
pouvoir citer toutes les
privées (stages de l’AFODEP, du
alternatifs. Faute de
initiatives
G.E.F.O.P., de la C.C.I., des J.R.P...), nous
contenterons d’évoquer brièvement la
politique suivie par les pouvoirs publics
étatiques et territoriaux.
nous
et
le Territoire ; ces chantiers, au nombre de
170
1980, ont fourni du travail à 1 179 allo¬
en
cataires pour un coût global de 246 millions de
francs CFP dont 41,5% pour les archipels.
Quant à la politique du Territoire, elle
d’abord traduite par la mise en place d’un
s’est
certain nombre de “structures et instruments”
selon la formule du Tahoera’a : création dans
le cadre des seconds accords
en
tripartites signés
l’Emploi, de la
1984 d’un Haut Comité de
Formation
professionnelle et de la Formation
sociale qui, dans ces différents domaines, est
une
de
“instance de réflexion, de concertation et
coordination” ; création du Fonds
l’Emploi et de la Formation
professionnelle qui est l’instrument de
territorial de
“des
actions
originales en
d’emploi et de formation profes¬
financement
matière
sionnelle ; transformation de l’ancien Office
Tout
en
apportant
son
concours
financier à certaines réalisations territoriales
(construction du C.F.P.A. de la Punaruu par
exemple), l’Etat en tant que tuteur des
communes, s’est efforcé de lutter contre le
chômage en créant des “chantiers de dévelop¬
pement permettant de donner une activité
salariée aux demandeurs d’emplois”. Sous le
contrôle
du
recrutent des
haut-commissaire,
travailleurs
du
marché
du
travail
et
de
placement et
d’adaptation des actions de formation aux
besoins des entreprises.
Tout
en
restant
un
organisme de
placement aux compétences limitées, l’Agence
à désormais
un
rôle.essentiel dans le domaine
jeunes dont l’apprentis¬
vient d’être réformé ; dans celui de la
formation professionnelle des adultes qui est
assurée par le C.F.P.A. de Pirae (et bientôt de
la Punaruu) ou par exemple par les profes¬
de la formation des
sage
sionnels de l’hôtellerie. Les stages en tous
genres, destinés à diminuer à court terme le
taux de chômage, se sont multipliés ces
derniers mois. Il est
encore
préjuger les effets.
trop tôt pour en
gauche :
L’Agence pour l’Emploi
et la Formation
professionnelle qui a été
créée par un arrêté du
10 mars 1986, comporte
trois départements :
"Études et Statistiques’’ ;
“Emploi” et “Formation
professionnelle des
Adultes (F.P.A.) et
Apprentissage”. Son
les maires
temporaires payés
SMIG qui sont affectés à des travaux
demandés par le Service de l’Économie rurale
conseil d’administration
est tripartite (Territoire,
les communes elles1980, leur financement est
assuré conventionnellement à parité par l’État
mêmes. Lancés
en Agence territoriale de
l’Emploi et de la Formation professionnelle
qui doit être un outil efficace de connaissance
A
au
(reboisement...)
de la Main-d’œuvre
Employeurs,
Travailleurs).
ou par
en
Le Haut-Comité pour
Mal
œuvres
Fémmai de ménage
l’Emploi et la Formation
professionnelle, institué
par une délibération de
l’Assemblée territoriale
1984, est
du 11 octobre
composé de trois
membres du
gouvernement, de
trois membres de
l’Assemblée territoriale,
de cinq membres de
“statut spécial” dont
trois chefs de services
administratifs, de
32 représentants,
titulaires et suppléants,
des Employeurs et des
Travailleurs, traités
un pied d’égalité. ■
sur
Offres et demandes
Employés
non
qualifiés
d'emploi :
niveau de
(1986)
Ouvriers
spécialisés
qualification
iTotal des offres 3 030
:i
iTotal des demandes 5 367
■Ouvriers
qualifiés
Non
précisé
Les niveaux de
qualification des offres
et les
l’économie territoriale
qualifiés”.
carences
Agents
de maîtrise
Techniciens
40
du
système éducatif : 60,8%
des offres d'emploi ne
d’emploi. Tout en
requièrent pas de
amplifiant les
tendances, l’Agence de qualification
l’Emploi touche surtout particulière. Quant aux
le secteur Bâtimentautres, les demandes
sont bien incapables de
Travaux publics. Ce
graphique illustre bien les satisfaire, sauf dans
les faiblesses
le cas, très significatif,
structurelles de
des “employés
ef des demandes
Cadres
11 La vie associative
DuPolynésiens
groupe d'entraide
traditionnel
à l’association
reconnue
d’utilité publique,la vie
les
ont toujours
témoigné
haut degré
d’inclination
un
associative. Une activité
pour
jugée parfois excessive qui, tout en étant enracinée dans les
mentalités, va prendre de nouvelles formes avec l’introduction des diverses
dispositions du Code civil relatives au contrat d’association. Le Droit français va donc
se substituer progressivement à la coutume dans la constitution et
l’organisation des
groupes associatifs qui se sont multipliés depuis un siècle.
Aujourd’hui, le monde associatif se présente comme un édifice hétérogène et
complexe où les rapports politiques, économiques, sociauxetcultureissecroisent, se
combinent et interfèrent
qu’on puisse toujours en distinguer les ramifications.
Près de deux Polynésiens sur trois participent de près ou de loin à l’activité
associative qui touche, dans tous les secteurs de la vie sociale, toutes les classes
d’âges, les ethnies des deux sexes et l’ensembie des catégories socio¬
professionnelles.
sans
cipation de membres recrutés selon l’objet, la
taille et la durée de l’entreprise, au sein de la
famille restreinte, de la famille étendue ou du
voisinage.
L’entraide sous-tend par conséquent
l’activité du pupu, mais son fonctionnement et
son dynamisme dépendent aussi de
l’esprit de
compétition et des besoins de prestige qui
animent
ses
membres.
“traditionnelles”
La notion de pupu renvoie à un
phénomène sociologique universel : celui de la
propension des hommes à se regrouper pour
toutes sortes de
motifs
:
la défense de leurs
droits, la diffusion de leurs idées, la recherche
d’avantages divers, la réalisation collective
d’un projet quelconque, etc. En un sens
générique, le terme de pupu peut se traduire
par celui de groupe, recouvrant ainsi toutes les
formes correspondant à une terminologie plus
connue : guildes, confréries, corporations de
métiers, compagnonnages, associations
Une pêche au caillou en
1934 dans l’archipel de
la Société.
le pêche
nelle”, qui est
souvent
organisée à Tahaa
ou à
Bora Bora à l’occasion
du passage d’un visiteur
de marque, est l’une des
dernières formes
socio¬
économiques profanes
pouvant mobiliser
politiques, sociétés secrètes, troupes artis¬
tiques... Autant d’associations relativement
autonomes
dans leur fonctionnement dont
l’existence relève d’un haut niveau de diver¬
sification des activités sociales.
du pupu qui “tradi¬
les temps anciens,
constitue une forme de groupement parfai¬
tement intégrée à une société dont l’organi¬
sation atteint un moindre degré de
Tel n’est pas le cas
tionnellement” depuis
complexité.
était et reste encore une
des rapports
de réciprocité des tâches et de redistribution
des produits et des bénéfices. Ces rapports
s’organisent en vue de la réalisation de
travaux spécifiques comme la récolte du
coprah, la mise en culture d’une tarodière ou
la pêche au grand filet. Ils requièrent la parti¬
En
effet, le
pupu
forme d’association reposant sur
Autant
de valeurs
à l’œuvre dans les
regroupements associatifs d’aujourd’hui.
L’évolution du pupu
Pendant toute la
période coloniale, et jusque
60, l’activité des pupu a été très
largement orientée et contrôlée par les
représentants des Églises (curés, pasteurs,
dans les années
La notion de pupu :
fondement de la vie
sociale et associative
encore
diacres) intervenant dans le cadre paroissial.
A des fins spécifiquement religieuses si le
service de l’Église (entretien des lieux de culte,
etc.) est en cause ; à des fins socio¬
économiques plus profanes quand le pupu
prend en charge la construction d’un fare ou
l’aménagement d’une tarodière. Ce faisant,
l’activité du pupu est un facteur de cohésion
sociale, surtout quand elle permet la prise en
charge de certains secteurs économiques :
l’agriculture et la pêche dans certaines îles
des Australes par exemple, à la fin des années
60.
Plus
près de
nous,
les maires savent
utiliser les pupu dans la réalisation de travaux
d’utilité communale ou territoriale. A des fins
qui, dans le contexte socio-économique
d’aujourd’hui, ne sont pas toujours
productives.
pêche des ature
grand fiiet" est
pratiquée à Tahiti par
des équipes de 8 à
La
“au
12 personnes
(pagayeurs, jeteurs de
filet, plongeurs) qui,
dans 50% des 28
cas
analysés par
G. Blanchet en 1982,
étaient composées
surtout de parents et
d'alliés.
i’ensemble d’une
communauté villageoise
dans le cadre d’une très
41
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Des associations artisanales aux partis
politiques, en passant par les syndicats et les
groupes de réflexion, la notion de pupu reste
quand même présente même si, dans certains
cas, elle a
souvent perdu son caractère
spontané et originel et ne sert qu’à forger le
générale, on peut dire que
qui sous-tendent l’activité despupu
D’une manière
les valeurs
perdurent, sans pour autant avoir l’efficacité
d’autrefois. C’est le cas des troupes de danses
folkloriques, des pupu himene ou groupes de
chants traditionnels et des formations musi¬
label de l’association, du mouvement ou de la
qui fonctionnent très souvent comme des
de bienfaisance, répartissant entre
leurs membres les produits de leurs presta¬
tions. Produits tout à fait dérisoires, et par là
même considérés uniquement comme des
revenus d’appoint.
On peut dire aussi que c’est par l’inter¬
médiaire de l’activité culturelle et artistique
que s’expriment le plus les valeurs du pupu.
cales
Avec
certains
secteurs
informels
devenu
tuer
comme
de la cohésion et de l’efficacité de son propre
du fait des valeurs implicites qu’elle
Ce qui implique, entre les membres
du pupu, l’existence d’un consensus préalable
des plus larges. En d’autres termes, un accord
minimum, portant sur un certain ordre social,
politique, économique ou religieux.
groupe,
recouvre.
de
la
les derniers îlots de résistance involon¬
à la disparition du pupu et à la
pénétration des nouvelles formes instituées de
taire
regroupement.
un
à l’idée que chacun est conscient de la nécessité
d’avoir recours à cette notion pour être assuré
pêche au grand filet des
ature, les amuiraa paroissiaux et quelques
associations
artisanales, les groupes à
vocation artistique semblent en effet consti¬
l’économie
permanence du vocable,
véritable leitmotiv, renvoie en effet
corporation. Cette
œuvres
Le
tama’ara'a,
expression majeure de
la convivialité
en
Polynésie. Il n’y a pas
dans le Territoire de
toujours
le ’amuiraa
Une forme de pupu
manifestation sociale de
présente
quelque importance,
qu’elle soit "civile” ou
religieuse (en haut :
femmes râpant des tara;
:
qui peut se traduire par rassem¬
groupement, est certainement la
forme de regroupement associatif la mieux
conservée du pupu, et aussi la plus élaborée et
Le ’amuiraa,
blement
ou
plus complète. Aujourd’hui le ’amuiraa
spirituel de
l’activité paroissiale des différentes Eglises. Il
la
constitue la base et le ferment
ci-contre
:
fourniture de
vaisselle pour préparer
la table où vont manger
les personnes
participant à
l'inauguration du temple
Paofai) sans
de
tama'ara'a, où sont
consommées
d’importantes quantités
de nourriture. La
préparation en est
assurée par le “groupe”
qui est au centre de
l’événement avec le
concours bénévole de
nombreux aides.
Un pupu
de tresseuses
travaillant dans
lare amuira'a.
Le tressage est
un
accompli
conservé
non
quotidiennement (4 à
5 jours par semaine) et à
tour de rôle pour chacun
ses membres.
A Rurutu, avec la
création par le Territoire
des associations
artisanales et les
de
caractère
le
prestige de leur district ;
les récompenses sont
d’abord destinées à
payer les frais engagés
pour la confection des
costumes.
changements socio¬
économiques, l'Église
évangélique contrôle et
impulse de moins en
individuelle.
individuelle, le groupe
travaillant
son
lucratif, les
membres des pupu
participant à un
dansant
essentiellement pour
activité est strictement
économique de cette
des
concours
moins cette forme
d'activité qui devient
mais la
:
archipels, la danse a
encore très largement
finalité socio¬
en commun,
42
Ci-dessous
Un groupe de danse
Tuamotu. Dans les
de
plus en plus strictement
LA VIE ASSOCIATIVE
rassemble les individus faisant
même réseau familial
partie d’un
appartenant à une
même aire géographique et culturelle.
Il est à la base de regroupements divers,
ou
particulier au sein de l’Église évangélique :
haapüra'a tapati (écoles du dimanche), les
u’i api (jeune génération). Le ’amuiraa, dans
une certaine mesure, fait contrepoids à la
hiérarchie ecclésiale, même s’il contribue à son
renforcement par l’énergie qu’il déploie lors
des différentes activités d’ordre économique
(entretien, réfection et construction des
édifices religieux) et par les dons qu’il verse
lors des grands rassemblements populaires
organisés à l’occasion de la célébration de la
en
fête du Me.
les
Un ’amuiraa peut regrouper un effectif de
800 à 900 personnes et une paroisse protes¬
peut se composer de sept ’amuiraa. Le
’amuiraa est peu ou pas du tout implanté en
tante
zone
urbaine, signe qu’il a nécessairement
besoin pour se
constituer, et
se
maintenir,
d’une base communautaire peu
compatible
l’individualisme engendré par l’urba¬
nisation.
Cependant, le ’amuiraa ne
fonctionne pas de façon spontanée et sans
avec
règles précises. La nécessité d’un consensus
idéologique stable et continuel sous-tendu par
des leaders-catalyseurs appartenant à un
corps institutionnel est une condition indis¬
pensable à son établissement.
C’est
au
sein
des
’amuiraa
chorales
souvent
que
se
himene et des
paroissiales, celles-ci et ceux-là étant
recrutent les membres des pupu
constitués
des
mêmes
individus.
plupart des districts de Tahiti
des archipels, les pupu himene témoignent à
fois de la pérennité de ce type de chant
Présents dans la
et
la
traditionnel
et
de
religieuse qui suscite
regroupement.
la
force
ces types
l’idéologie
spécifiques de
de
Les himene tarava sont,
selon R. Mesplé, des
chants polyphoniques
comportant de six à
dix voix, interprétés
a cappella et en reo
ma'ohi exclusivement,
par de nombreux
choristes hommes et
femmes. La zone de ces
chants traditionnels
semble se limiter aux îles
de la Société et
aux Australes.
Ci-dessous :
La capacité de
mobilisation par
l’Église
protestante de ses
'amuiraa et de
ses
paroisses apparaît
pleinement lors de
l'inauguration de
nouveaux temples ou
lors de leur réfection,
fut le cas de
celui de Paofai en 1981.
comme ce
43
POLYNÉSIE
VIVRE EN
L’assujettissement
qui ne va pas empêcher les
proliférer.
A ce jour, 2 200 associations déclarées,
environ, ont été enregistrées au Service des
associative. Ce
associations de
de la vie associative
à la loi
et
Affaires administratives, les deux tiers d’entre
ayant été créées durant ces vingt
dernières années. En 1986, le régime des asso¬
ciations en Polynésie se présente donc sous la
elles
conséquences
ses
forme d’une architecture compacte,
L’introduction du contrat
d’association
Les titres I et II de la loi du 1er
relative
applicables
français de l’Océanie
du
13
juillet 1901
d’association
contrat
au
rendus
ont
été
Établissements
aux
par un décret n°46-432
1946. Si le droit de se former
mars
qu’à
cette date, diverses dispositions avaient été
prises afin de permettre aux associations de se
fonder légalement.
A cette époque, les
librement
associations
le
association
en
se
fut
ne
reconnu
formaient essentiellement
sous
régime des Sociétés de Secours mutuel. Les
démarches de constitution étaient adressées
au
gouvernement de la
colonie qui les autori¬
sait par arrêté de gouvernement.
C’est dans ce cadre juridique
particulier
qu’un décret du 7 août 1934 porta extension
aux colonies des dispositions du décret métro¬
politain du 25 juin 1934 sur le contrôle des
subventions aux sociétés privées. A partir de
date,
cette
les
associations recevant des
au budget du gouver¬
subventions inscrites
de
nement
la
colonie
furent
tenues
de
communiquer leurs budgets et leurs comptes
annuels sous peine, en cas de refus, de voir leur
subvention supprimée. Cette mesure
concernait essentiellement les
oeuvres
de bien¬
faisance, amicales et diverses sociétés
collectivités privées.
Les associations
ou
étrangères ne dérogèrent
vide juridique de la liberté d’asso¬
ciation, puisque un décret du 18 avril 1939
avait été pris afin de permettre aux gouver¬
pas au
neurs
du Territoire relevant des Ministères des
Colonies,
leur autorisation de
d’accorder
constitution et d’exercice d’activités
ciations
La
étrangères.
notion
de
aux asso¬
reconnaissance d’utilité
publique ne fut introduite sur le Territoire
qu’en 1946 par le décret n°46-740 du 16 avril
qui vint préciser les modalités d’application de
la déclaration des associations la sollicitant.
1964 marque un changement important
dans les rapports entre le gouvernement local
et les associations. C’est en effet à partir de
cette date que
subventions
les modalités et le contrôle des
accordées
sur
les
fonds
du
Territoire furent déterminés. Cette nouvelle
“politique des subventions” allait avoir des
conséquences importantes sur le devenir de la
vie associative.
Un phénomène
exacerbé
associatif
De l’arrêté du 4 avril 1964 à celui du 15 février
1983 pris en Conseil de Gouvernement de la
Polynésie française, les modalités d’attri¬
bution
et
accordées
en
se
de
sur
contrôle
subventions
les fonds du Territoire vont aller
renforçant,
augmentant
mainmise des autorités
44
des
publiques
uniforme
toutes sortes de groupements, quels
qu’en soient les buts et l’objet. A tel point que
les différents services de tutelles concernés ne
pour
ainsi la
la vie
sur
peuvent en faire le recensement qu’à partir
d’un seul critère
:
les dossiers constitués
en vue
de l’obtention d’une subvention.
Aujourd’hui, la vie associative est donc
un
véritable phénomène socio¬
devenue
logique, dans lequel se condensent de façon
complexe les rapports culturels,
économiques, religieux, politiques et insti¬
tutionnels. Le corporatisme et l’esprit de
chapelle entretenus par un système
très
d’attribution des subventions clientélistes sont
deux
principaux caractères qui ont
profondément la vie associative
des
marqué
durant la décennie écoulée.
Un autre trait remarquable est que le
développement du mouvement associatif a
conduit le Territoire à rechercher la colla¬
boration des associations
ou
à susciter leur
création pour leur confier des tâches d’intérêt
collectif ou général. Entre les associations
simples à caractère temporaire dont les idées
ou
les activités peuvent porter atteinte à
LA VIE ASSOCIATIVE
l’autorité du
pouvoir et celles qui émanent
directement de la volonté de
ce
dernier, la
panoplie est étendue. Elles ont pourtant un
trait commun : la propension exacerbée des
Polynésiens à se regrouper dans tous les
secteurs
de la vie.
L’importance et le dynamisme
des associations
La vie associative n’a pas la même impor¬
ni le même dynamisme selon les
tance
secteurs.
Le sport
est le principal
réservoir
associatif, puisque près de 700 associations
sportives ont déposé à ce jour leurs statuts au
Service des Affaires administratives. Viennent
ensuite, tous secteurs confondus : les associa¬
ou
d’inspiration
de bienfaisance et asso¬
ciations à vocation scolaire, péri-scolaire ou
para-scolaire. Sans oublier les clubs, ligues et
autres groupements de loisirs ou à caractère
ludique. Environ 700 associations se
répartissent dans cet ensemble avec une
prédominance scolaire et religieuse.
Un troisième ensemble de quelque 300
associations regroupe les artisans, les artistes,
les groupes et amicales folkloriques, les
mouvements de renouveau et de résurgence
culturels,
les
sociétés philanthropiques
chinoises et les groupements à vocation
touristique.
Le reste se répartit entre les partis
politiques, constitués selon la loi de 1901, les
tions
confèssionnelles
religieuse, les
œuvres
La grande diversité
formes que revêt
différentes
associations
d’anciens
combat¬
corporations professionnelles, les
syndics de propriétaires, les groupes de
tants, les
réflexion, les sectes et associations de
méditants, et bien d’autres groupes inclas¬
sables.
Ce foisonnement n’est pas excessif car, à
la différence de beaucoup de pays européens,
il est moins
un
mouvement
associatif concerté
inquiéter les pouvoirs publics qu’un
indispensable entre ceux-ci et la popu¬
pouvant
relais
lation. Cette réalité donne à penser que les
choix de société opérés par les différents
gouvernements et les aspirations virtuelles des
individus trouvent temporairement une aire
de
compromis dans cet exercice de convivia¬
puissant qu’est la vie associative.
lité riche et
des
aujourd'hui le
mouvement associatif
éclate lors des défilés du
14 juillet ou de la fête de
l’Autonomie interne. Les
espaces de liberté que
associations sont
censées représenter
sont fortement limités
ces
par la dépendance
politique que créent
subventions.
les
45
POLYNÉSIE
VIVRE EN
Un relais entre
la société
et les Églises :
les associations
Territoire
secours
des Saints des
de
Les
1842, de la
mars
un
nombre
important d’associations inspirées par toutes
les confessions présentes sur le Territoire ont
vu le jour. C’est dire le rôle moteur qu’elles ont
joué dans l’organisation de la vie associative.
Mais c’est l’Église protestante qui a su le
mieux s’inspirer des formes de regroupements
traditionnels.
former
œuvres
évangélique
catholiques
L’Église catholique n’a
d’un
mouvement
multiples.
Depuis
pas
associatif
aux
finalités
l’Église
1954.
Dans
sa
déclaration
constitutive,
jeunes
qui, ayant trouvé dans l’Évangile de
se veut
gens
Jésus-Christ la
“une association de
de leur vie
morale, et
convaincus que cet évangile est la seule force
source
véritablement efficace pour la régénération de
l’individu et la transformation de la société,
cherchent à faire partager à leurs camarades
les certitudes qu’ils sont heureux de posséder”.
Aujourd’hui l’U.C.J.G. s’occupe princi¬
palement de l’organisation des groupes
locaux, foyers de jeunes, camps de vacances,
centres de préapprentissage, de formation
rurale. Élle mène aussi des activités sportives.
L’association
a
créé
en
1985
une
section de
volley-ball. Mais son activité prédominante
reste l’organisation des centres de vacances et
de formation des adolescents où elle détient
un
record
fants
avec
A
l’hébergement de 9 382
en¬
décembre 1982 et novembre 1983.
côté de l’U.C.J.G., l’Église évan¬
entre
gélique contrôle deux forts mouvements de
jeunesse qui s’intéressent à des classes d’âges
différents : le Comité protestant des Centres
de Vacances (C. P.C.V.) qui existe depuis 1967
et
le Comité protestant des Écoles du
Dimanche (C.P.E.D.).
C.P.E.D.
recoupent
œuvrant
Ceci étant, C.P.C.V. et
poursuivent des objectifs qui
ceux
dans
de
les
l’U.C.J.G.,
mêmes
C.P.E.D., quant à lui, joue
46
tout
secteurs.
au
en
Le
niveau du
des
bien d’autres. Fondée
est
au
Les associations de
jeunesse à encadrement
religieux représentent
une grande part des
associations. Les Scouts
de France (à gauche),
photographiés ici dans
les années 60, sont
aujourd’hui 200, les
Scouts Liahona de
l’Église mormone
(à droite) 490, quant à
l’U.C.J.G. de
l’Église
évangélique
(ci-dessous), elle
compte environ
11 000 membres.
en
1971, l’A.M.D.J.
l’instrument de concertation et de réflexion
sein de l’Église ; elle regroupe à l’heure
jeunesse populaire des quartiers et
paroisses. Elle a pour but d’évangéliser et
de promouvoir le monde des jeunes et de déve¬
lopper leurs aptitudes sur les plans physique,
moral, culturel, social, civique, affectif et
spirituel. L’A.M.D.J. est animée par un
actuelle la
des
conseil
quinzaine d’années,
pastorale et spirituelle des
une
Reconnue
officiellement
par
les divers
régimes politiques qui se sont succédé à Tahiti
depuis 1797 et parvenue à la pleine autonomie
le 1er septembre 1963, l’Église évangélique de
Polynésie française a pu ainsi s’enraciner
profondément dans le tissu social polynésien.
Forte de ses institutions scolaires, elle s’est
toujours intéressée à la jeunesse en favorisant
la mise en place, à côté des écoles du dimanche
et des u’i api, d’un mouvement de jeunesse
puissant et dynamique : l’Alliance des Unions
chrétiennes des .leunes Gens en Polynésie
(l’U.C.J.G.), créée par décision du Conseil
supérieur des Églises tahitiennes le 26 août
l’U.C.J.G.
se réalise de plus en plus par le biais
séminaires, sessions, retraites organisés
par les divers mouvements de jeunes tels que
l’Association Monde des Jeunes (A.M.D.J.),
le
Mouvement eucharistique des Jeunes
(M.E.J.) et les Scouts de France pour ne citer
que les principaux. A côté d’eux, divers
groupements d’apostolat complètent ces
structures de participation : la Légion de
Marie, l’Association familiale catholique, le
Rosaire vivant, le Renouveau charismatique
chrétiens
et
d’existence légale
en
Polynésie. Elle a, en revanche, depuis le
fameux décret Mandel de 1939, la capacité de
gérer les ressources des associations qu’elle
pourrait créer. Une situation qui, jointe aux
vicissitudes originelles de son implantation, a
favorisé le développement dans sa mouvance
l’animation
L’association dans
aux
vocation essentielle demeure la formation des
cadres à l’animation.
l’Église de Jésus-Christ
Derniers Jours,
l’organi¬
réservés
ans. Son objectif prioritaire
spirituellement les jeunes. Le
C.P.C.V. tient un rôle important dans
l’organisation des Centres de vacances mais sa
est de
confessionnelle
Depuis la création, le 17
centres de vacances
enfants de 6 à 12
d’inspiration
Société de
rôle déterminant dans
un
sation des
d’administration
essentiellement
LA VIE ASSOCIATIVE
composé de jeunes représentant les différentes
sections paroissiales ou de quartier où l’asso¬
ciation est présente. Elle déploie l’essentiel de
ses activités dans l’organisation des centres de
des centres de loisirs où elle tient
vacances et
place importante.
En organisant des centres de vacances et
de loisirs, des camps d’adolescents, le M.E.J.,
dont la création est plus récente, occupe une
place prépondérante dans l’animation de
groupes d’enfants et d’adolescents. 11 fait plus
particulièrement porter ses efforts sur les
une
milieux scolaires. Les Scouts de France, quant
à eux, se sont développés à partir de 1947. Le
mouvement a connu son
années 70. Il
une
décliné ensuite avant d’amorcer
a
reprise, il
Jeunesses
y a peu.
adventiste,
mormone
Les
et sanito
différentes
présentes
âge d’or au début des
sur
confessions
minoritaires
le Territoire ont éprouvé, elles
aussi, le besoin de susciter des regroupements
au
meilleure
Ainsi
La
jeunesse polynésienne
propagation de la foi.
sein de la
en
est-il
de
la
pour une
Fédération
des
Missionnaires
volontaires
ciation
française, créée
en
développer les capacités intellectuelles,
spirituelles, civiques et physiques de ses
membres
en
organisant des structures
d’animation et de formation appropriées. Son
enseignement repose sur le principe qu’il faut
aider les autres sans jamais exiger aucune
contrepartie. Elle rassemble un effectif de 500
jeunes environ. Pour l’avenir, le Mouvement
de la Jeunesse mormone s’est fixé un objectif :
de la Polynésie
1964, qui devient en 19791a
Jeunesse adventiste de Polynésie française
(J.A.P.F.). La J.A.P.F. a pour mission de
les
coordonner
activités
des
sociétés
de
jeunesse des Églises adventistes du Septième
Jour de la Polynésie française par la création
de
structures
d’animation et de formation
éducatifs, colonies de
d’études sociales et reli¬
gieuses, centres pédagogiques pour les
animateurs, sessions d’éducation populaire et
d’éducation physique et sportive.
diverses
clubs
:
vacances,
camps
Le Mouvement de Jeunesse
mormone a
de l’installation de
Jésus-Christ des Saints des
Derniers
Jours.
L’association
la
plus
dynamique issue de ce mouvement est celle
des Scouts Liahona, fondée en juin 1956, qui
rassemble tous les jeunes membres de l’Église
âgés de 12 à 16 ans. Les objectifs de l’assojour
l’Église de
vu
le
au moment
Les dangers qui guettent
la jeunesse motivent la
création de ces
mouvements
: ce
aussi bien le
déracinement des
jeunes filles
sont
venues
des
îles, que l’oisiveté des
adolescents ou les
conditions de vie des
enfants dans les
quartiers insalubres de
la
zone
Tahiti.
urbaine de
des
Liahona
Scouts
visent
à
la formation des cadres.
L’Église sanito dispose de deux
ciations de
jeunesse
:
asso¬
le Mouvement de la
Jeunesse sanito, et le Mouvement Scouts et
Éclaireurs sanito qui lui est intégré. Le
premier a vu le jour en 1968. Il a pour but de
promouvoir une conduite, un idéal et une
morale basés sur l’exemple de la vie de JésusChrist. Le second, créé en 1973, veut offrir aux
jeunes la possibilité de s’épanouir pleinement
grâce à des activités saines et eonstructives ; il
n’en néglige pas pour autant l’aspect socioéducatif de
sa
travaillent
en
mission. Les deux mouvements
concertation et sont
dans certaines
communes
Sous-le-Vent
par
de Tahiti et
présents
aux
îles
l’intermédiaire de leurs
centres de vacances.
prière à la prison de
Nuutania. Les Églises,
en contribuant au salut
des âmes, aident les
délinquants à se
réinsérer dans la
société.
47
VIVRE EN POLYNÉSIE
Les associations
de
sportives
Le
sport constitue certainement le
premier réservoir associatif en Polynésie
française. Suscitées pour des motifs parfois
ambigus où l’idéal sportif et les intentions
politiques ne sont pas toujours nettement
séparés, les associations et les structures
d’encadrement sportif ont proliféré depuis les
années 60. A tel point que le secteur associatif
est
devenu
une
véritable
doute grâce à cette formidable impulsion
portée universelle que naîtra l’Union des
Jeunes Gens de Papeete, le 19 décembre de
cette même année. Cette union laissera peu de
traces dans les annales sportives locales et il
faudra attendre 1913 pour voir apparaître la
première association sportive qui prendra le
nom
de Jeunes Tahitiens (J.T.) et qui
s’adonnera à la pratique du football.
En 1922, deux associations sportives
voient le jour à quelques semaines d’inter¬
sans
institution
aux
prolongements tentaculaires, soumis parfois
aux pressions de certains
groupes d’influence.
Fe’i Pi, créée à l’initiative d’élèves et
d’anciens élèves du collège Lamennais, et
Tamarii Tahiti qui reprend à son compte le
valle
nom
et
:
de Jeunes Tahitiens
“Les Unis
et Teva
1896,
restaure les
le
baron
Pierre de
Coubertin
jeux Olympiques à Athènes. C’est
créées
:
jusqu’à la mort” (Z’alamort) qui
1925 “Des vrais amis”, Nahoata
de Taravao. Toutes ces équipes de
regroupées le 21
mars
sein de la Fédération océanienne des
athlétiques.
subventions que lui
accorde le pouvoir
politique.
Le marathon
International de Tahiti
n’arrive à réunir chaque
année qu'une centaine
de participants. Cette
discipline, qui demande
un entraînement long et
régulier que le climat ne
favorise pas, suscite peu
d'engouement et est
pratiqué en majorité par
des popa'a. Un récent
sondage donne une
explication
sociologique à ceci, en
montrant que près de
50% des marathoniens
en France font partie de
la catégorie des cadres
supérieurs, professions
libérales et patrons de
Ci-contre
et
:
Fernand Chavez, le plus
populaire des coureurs
de grand fond.
La modernité est
présente dans les sports
depuis la T" Guerre
mondiale, lorsque les
combattants, de retour
d'Europe, introduisirent
ou développèrent la
pratique du football, du
cyclisme et de la boxe
qui restent les plus
populaires des sports
d'importation. Les goûts
des jeunes s’orientent
plus aujourd’hui vers le
motocross, le bicross
le skate-board,
raîtra, celle des Sports d’Océanie (F.S.O.) qui
des sociétés sportives aux îles SousMarquises et aux Tuamotu. Mais
elle ne vivra que peu de temps.
Après bien des vicissitudes, liées essen¬
tiellement au problème de la répartition des
subventions entre les disciplines sportives et,
par contrecoup, à celui de l’autonomie des
ligues et comités au sein de la F.G.S.S., celle-ci
n’arrive plus à faire face à cette situation qui
regroupe
le-Vent,
21
dépendant des
d’industrie.
A la suite de dissensions internes au sein
de la F.G.S.S., une seconde fédération appa¬
ou
disciplines où le “fun"
(l’amusement) est
indissociable de l’effort.
aux
conduire à la création du Comité territorial
Sports de Polynésie française (C.T.S.) le
janvier 1972.
des
associatifs, est
commerce
1932 au
Sports
F.G.S.S.
va
Le sport, comme les
autres mouvements
48
sont
en
football seront
En
1926. Entre 1924
1932, d’autres associations
deviendra
Abrégé d’histoire sportive
en
Cependant, le sport ne prend vraiment
qu’à partir de la création de la Fédé¬
ration générale des Sociétés Sportives des
Établissements français de l’Océanie
(F.G.S.S.) en 1947. Cette fédération reste
associée au nom du docteur Cassiau qui l’a
marquée de son empreinte. La société sportive
Fetia, fondée en 1948 au sein de l’École des
Frères, fournit pendant de longues années
d’innombrables sportifs et dirigeants à la
son essor
LA VIE ASSOCIATIVE
En 1951, la F.G.S.S. comptait déjà 5 000
licenciés pour une centaine de sociétés spor¬
tives. En 1970, ses effectifs sont pratiquement
identiques alors même que le nombre de clubs
et de disciplines a augmenté. Aujourd’hui, les
dernières statistiques établies ou estimées par
le Service territorial des Sports font appa¬
raître un effectif global de plus de 35 000 licen¬
ciés toutes disciplines confondues, pour
environ 700 associations sportives. Autant
dire que si le nombre de licenciés par
association (50) n’a pas changé depuis 1951, la
pratique sportive, en revanche, a beaucoup
augmenté, puisqu’elle concerne 22% de la
population.
Fils chéri du sport polynésien, le football
qui rassemble à ce jour près de 8 000 licenciés,
soit près de la moitié de l’effectif réel des
pratiquants, est la discipline reine en Poly¬
nésie. Avec ses 155 clubs regroupés au sein de
la Ligue de Football de Polynésie, il se place
du point de vue du nombre de licenciés loin
devant le volley-ball (4 371), le basket-ball
(2 203), le tennis ( 1 686), la chasse sous-marine
( 1 506), la pirogue ( 1 188), le rugby ( 1 050), le
karaté (877), l’athlétisme (868), la pétanque
(648) et la boxe (610).
Autres disciplines sportives représentées
au sein de la F.G.S.S., le cyclisme, le golf,
l’haltérophilie, le hand-ball, le judo, le moto¬
cyclisme, la natation, le parachutisme, le surf,
le tennis de
table, le tir à l’arc, la voile, sans
oublier bien entendu les sports équestres
qui
pratiqués par 300 adeptes environ.
La population scolaire participe elle aussi
à ce dynamisme sportif. Deux associations
ont pour vocation d’organiser et de déve¬
lopper la pratique des sports dans le cadre
scolaire : l’Association du Sport scolaire
sont
polynésien (A.S.S.P.) regroupe à l’échelon de
l’enseignement secondaire, technique et
professionnel une trentaine d’associations
comptant quelque 3 800 licenciés ; l’Union
sportive de l’Enseignement du 1 er Degré de la
Polynésie française (U.S.E.P.), créée en
janvier 1962, compte quant à elle 12 000 li¬
cenciés environ, répartis en 87 associations
scolaires sportives. L’athlétisme est la disci¬
pline la plus recherchée en milieu scolaire.
Caractères du sport
polynésien
point fort du sport
polynésien parce qu’il renvoie à une
conception du jeu fortement enracinée dans
Le
football
est
le
les mentalités. Nul
ne
sait très bien à quand
l’apparition du ballon rond sur les
stades polynésiens, mais il est certain que bien
avant l’arrivée des
Européens, les Poly¬
nésiens connaissaient plusieurs variantes du
jeu de balle. L’une d’elles, appelée luiraa,
donnait lieu à des compétitions pouvant
opposer plusieurs districts. On poussait la
balle avec le pied en tentant de l’envoyer à
l’intérieur des limites du camp adverse. Quand
une équipe avait marqué un but, des cris de
triomphe accompagnaient la victoire.
A l’origine, le sport polynésien était
d’abord un jeu. Individuel ou collectif, son
caractère ludique primait avant tout et il
n’était pas rare, comme dans le teka ou lancer
du javelot, de voir les vainqueurs honorer les
vaincus en les invitant à déguster avec eux des
remonte
Traditlon dans la vie
sportive. Les
Polynésiens excellent
naturellement dans les
disciplines qui
s'enracinent dans
une
pratique ancienne, qu'il
s'agisse de courses de
pirogues où ils
obtiennent de bons
résultats sur le plan
international
(Moiokai...), de surf où,
être les égaux des
Australiens ou des
Américains, ils sont
parmi les premiers, ou
encore de planche à
voile, de hobby-cat ou
de chasse sous-marine.
sans
noix de
coco vertes.
les Polynésiens
prédilection pour le jeu
bref, la dépense physique de courte durée, le
sport-loisir. Pour cette raison et pour d’autres
qui sont liées aux obligations de la vie
conjugale et professionnelle, on reproche
souvent aux Polynésiens leur manque d’opi¬
niâtreté et de persévérance dans la pratique du
sport. La durée moyenne de la carrière du
sportif en Polynésie est en tout cas moins
longue qu’en Métropole. A cela s’ajoute une
certaine répugnance à l’entraînement
personnel intensif, encore que les adeptes du
culturisme semblent constituer une exception.
Autre trait caractéristique du sport poly¬
nésien qui constitue un paradoxe : dans la vie
Aujourd’hui
semblent avoir
encore,
une
l’assistanat
Le dynamisme et la
prolifération d’associations sportives sont en
des associations, le bénévolat et
ménage.
font
bon
effet
le résultat de deux facteurs détermi¬
l’énergie fantastique déployée par un
personnel d’encadrement sportif en grande
partie bénévole qui se voue au dévelop¬
pement de la vie sportive en Polynésie et
nants :
l’attribution
de
subventions
territoriales
importantes à la plupart des associations
en 1985, plus de 300 millions
de francs CFP ont été ventilés sur l’ensemble
sportives. Ainsi,
du secteur
sportif, tous services confondus.
49
VIVRE EN
POLYNÉSIE
L’occupation
du temps libre
et l’organisation
les autres formes de loisirs sont tout aussi
certaines couches de la société.
concours
et autres formes de loisirs
passe pas sans qu’il y ait
maints tournois d’échecs ou de bridge qui sont
réservés à quelques cercles d’initiés. Ce
qui n’empêche pas les Jeunes Polynésiens de
pratiquer ce Jeu international d’origine
encore
rue
ou
dans certains snacks
du centre ville. Toutefois, il
supplante pas
variante locale, \t fa’anu’u, qui est pratiqué
à tout âge dans les cours de récréation comme
sur les chantiers, lors de la
pause de midi.
Les Jeux d’argent ne sont pas non plus
absents des préoccupations individuelles. Des
paris pris sur les combats de coqs Jusqu’aux
ne
sa
soirées
du
Lion’s
où,
Club
que
s’ils habitent les
des
transports
en
leur permet guère d’avoir
qu’ils en aient les moyens, aux
(trucks)
ne
sous
couvert
Derniers
touche
Jours
aux
et
activités
l’association
de
U'i
formation
api,
extra¬
accès, si tant est
lieux de divertissement concentrés à Papeete.
scolaire, était abandonné
tion.
publics commencèrent à se
préoccuper du développement de ces diffé¬
rentes activités. C’est ainsi qu’est créé le
Bureau des Sports, rattaché à la direction du
Service de l’Enseignement, qui aura pour
tâche d’élaborer une politique du sport à
l’école. Ce bureau vient relayer la Fédération
générale des Sociétés Sportives. Le dispositif
est complété en novembre 1961 et en Janvier
Ce
qui ajoute à leur ennui
C’est
en
partie
et à leur frustra¬
pour tenter
accru,
aux
de pallier un
conséquences
sociales diverses, que de nombreuses asso¬
ciations et institutions publiques ou privées se
ne se
indienne dans la
commun
D’autant
l’irrégularité
désœuvrement
jeux, les
L’année civile
apparentée à l’Union chrétienne de Jeunes
Gens métropolitains. Enfin, le secteur de
l’éducation populaire, c’est-à-dire tout ce qui
adolescents de condition modeste, il
la baignade, le Jogging et la
reste
districts,
jeux, les compétitions de caractère ludique et
Les
leur
télévision.
Si le sport tient une place prépondérante
dans la vie quotidienne des Polynésiens, les
par
confessionnelle, tels les Éclaireurs de France,
les
Scouts
de
France,
les
Éclaireurs
unionistes, les Éclaireurs adventistes, les
Éclaireurs de Jésus-Christ des Saints des
et aux
des loisirs
prisés
possibilité de se passionner pour le surf ou la
motocyclette. Ceux qui disposent d’un peu
d’argent de poche pratiquent les Jeux électro¬
niques et vont au cinéma. Quant aux enfants
sont
occupées de mettre en œuvre à longueur
une politique de la Jeunesse.
d’année
Les associations de formation
de jeunesse et d’éducation
populaire
De 1947 à
1961, le développement du sport sur
le Territoire et
son contrôle ont été assurés par
les animateurs bénévoles de la Fédération
générale des Sociétés Sportives. Les
problèmes de la Jeunesse et l’organisation de
ses loisirs étaient quant à eux pris en
charge
par les mouvements de Jeunesse d’inspiration
plus diverses.
aux
initiatives les
En I960, les autorités administratives et
les
services
1962 par deux associations dont la fonction
d’animer et de contrôler les activités
est
sportives et socio-éducatives péri-scolaires : il
s’agit de l’Union sportive des Écoles primaires
L’ennui qui règne dans
les îles contribue à faire
fuir les
jeunes vers
Papeete. Rares sont
ceux qui continuent à
pratiquer les jeux
traditionnels (échasses,
jeux de ficelles...) ou qui
se contentent de jouer à
la pétanque, aux cartes,
au
football
ou au
volley-ball dans les
cocoteraies.
d’œuvres de bienfaisance, on Joue
à la roulette
ou au black-Jack dans des cadres feutrés et
raffinés, l’éventail est important. 11 faut encore
signaler l’apparition, depuis cinq ans, des jeux
électroniques qui côtoient les Jeux plus
anciens comme le taviriraa des fêtes de Juillet,
le keno ou Jeu de hasard sans parler des autres
Jeux d’origine asiatique autorisés ou
clandestins.
nationale
Enfin, si le loto
n’existe
ou
la loterie
Polynésie, les
multiples tombolas organisées à longueur
pas
en
d’année par toutes sortes d’associations les
remplacent largement quant au volume des
engagées par les acheteurs de billets et
versées au profit des gagnants.
Les concours sont légion, qu’ils prennent
la forme de Jeux radiophoniques ou qu’ils
soient organisés par la Fédération de BodyBuilding de Polynésie française pour élire le
plus bel athlète ou par le Club canin pour
désigner le meilleur chien de défense, sans
compter les concours de tressage de feuilles de
cocotiers ou de pandanus organisés par les
associations artisanales. Quant aux inévi¬
tables élections de “Miss”, elles figurent à
l’affiche des grandes fêtes culturelles comme
celle du Juillet (Miss Tiurai), elles contribuent
à la publicité d’une boîte de nuit (Miss Pianobar) ou elles constituent l’une des animations
organisées par des associations sportives
(Miss Dragon, Miss Moto-club).
sommes
Ces manifestations
ne
suffisent évidem¬
occuper les soirées et à meubler les
loisirs du week-end. Selon l’importance de
ment pas
à
Polynésiens vont au cinéma
fréquentent les restaurants, les disco¬
thèques et les boîtes de nuit ; ils peuvent
leurs revenus, les
ou
ils
s’offrir un week-end à Moorea ou
du “traditionnel” tour de l’île.
se
contenter
Cette discrimination économique Joue
aussi chez les Jeunes. Les plus fortunés ont la
50
Jeux de hasard. Est-ce
un
effet de la
conjoncture, le
lavirira'a (loterie) du
Tiurai devenu Heiva est
en
perte de vitesse. Ce
qui n'est pas le cas des
tombolas dont la
prolifération est telle
font
que les tirages se
souvent attendre.
LA VIE ASSOCIATIVE
Comité du Sport scolaire tahitien pour
l’Enseignement secondaire.
En ce qui concerne l’organisation des
loisirs de la jeunesse et des activités socioéducatives extra-scolaires, les années 60 ont
vu l’éclosion de quantités d’associations et la
mise en place, en 1966, d’un organisme public
et du
dénommé Service territorial de la Jeunesse et
va
être celle de la diversification des activités
période est essen¬
tiellement marquée par le dynamisme déployé
par la Fédération des Œuvres laïques et par la
associations. Cette
et des
1978 du Comité territorial de la
Jeunesse. La Fédération des Œuvres laïques
mène en effet une réflexion sur tous les
création
en
et
française (1964), la Jeunesse
adventiste de Polynésie française (1964), la
Fédération des Œuvres laïques de Polynésie
française (1966), le Comité protestant des
cheval de bataille de cette association. Dans la
Fédération
des
Œuvres
de
Jeunesse
de
Polynésie
depuis 1944.
1970 pour que soient
bases de l’organisation de la
formation et de l’activité scolaire, péri¬
scolaire et extra-scolaire. La décennie qui suit
Il faut attendre
posées
les
L’accès aux loisirs est
fonction du niveau de
vie : cinéma, surf, moto,
boîte de nuit pour ceux
qui disposent de
suffisants.
Téiévision de groupe,
sports coiiectifs pour
revenus
les autres.
Jeunesse et de
l’Éducation populaire et le
Service territorial des Sports.
fera de la Fédération des Œuvres
et des mouvements
Gens (1969). Sans
d’entraînements aux
méthodes d’Éducation active qui existaient
centres
1984, le Service
pratique, le développement des centres de
vacances
oublier
des Jeunes
en
question du système scolaire devient même le
Centres de Vacances ( 1967), le Mouvement de
Jeunesse sanito (1968), l’Alliance des Unions
les
Ainsi,
ensemble d’actions concrètes. La remise en
laïques en 1975 le premier mouvement de
jeunesse du Territoire. Quant au Comité terri¬
torial de la Jeunesse, créé dans le but d’assurer
chrétiennes
structures.
territorial de la Jeunesse et des Sports a été
scindé en deux : le Service territorial de la
problèmes qui touchent à l’école, à l’éducation
à la jeunesse, une réflexion suivie par un
Sports. Les associations les plus
marquantes créées durant cette période sont la
des
des
la coordination des activités des
associations
qui en sont membres, il
regroupe à l’heure actuelle quelque 25 asso¬
ciations
de
formation
de jeunesse et
d’éducation populaire.
Si les années 70 ont été une période de
développement et de diversification, on assiste
en revanche aujourd’hui à un cloisonnement
L’élection d’une
Miss Tahiti est le tribut
au nombrilisme
insulaire (le plus beau
annuel
pays,
les gens les plus
accueillants, les plus
belles femmes I).
Miss Tahiti est pour un
an au
service de la
promotion touristique
du Territoire, d'autres le
sont au service d’un
club, d’une amicale
régionale, d’une banque
d’une
différence sexuelle
ou encore
(Miss Raerae).
51
VIVRE EN POLYNÉSIE
Le
système associatif
service
des identités
collectives
au
en
spécifiques, qu’il s’agisse des Chinois de
Polynésie, des métropolitains originaires de
différentes régions de France ou des femmes.
Les associations
de la communauté chinoise
Le fait associatif chinois
a
évolué
en
Polynésie
quatre périodes à peu près distinctes.
La première se situe au temps
l’aversion
et de
l’isolement,
et
de
correspond à
Les associations
chinoises ont évolué en
fonction de l'histoire de
la communauté.
Autrefois
essenfiellement
tournées vers le secours
mutuel et l'éducation,
elles s'efforcent
aujourd'hui de préserver
identité culturelle
menacée par
une
l'Intégration progressive
des Chinois à la
communauté
territoriale.
Page de droite
en haut :
La défense de leurs
droits et de la condition
féminine n'a jamais
beaucoup mobilisé les
Polynésiennes. Un
certain nombre
d'associations
constituent le Conseil
des Femmes ; le pouvoir
politique et les positions
sociales dominantes y
sont bien représentés.
52
sur le Territoire (18721911). En 1872, c’est la Société de Secours
mutuel qui assume l’ensemble des activités
sociales de la communauté. Mais la formule
n’étant pas adaptée à ses besoins, elle devient
Vivant en Polynésie, on a l’habitude de
considérer la revendication culturelle ou iden¬
titaire comme un phénomène local, alors
que
d’autres groupes sociaux expriment leurs
différences en formant des associations
en
l’arrivée des coolies
Le nouveau temple
chinois, inauguré en
1987, atteste la volonté
des associations
chinoises de préserver
une identité socioculturellede plus en plus
menacée.
1911 la Société civile immobilière Sin Ni
Tong qui, comme son nom l’indique, ne
poursuivait pas un but purement philan¬
thropique. A côté, le Kuo Min Tang des
progressistes, fidèles du docteur Sun Yat Sen,
voyait le jour en 1898.
La seconde période se place durant
l’effondrement
de
l’Empire chinois et
l’installation
fédérale des
de la nouvelle
République
cinq peuples (1911-1922), et se
caractérise par des rivalités personnelles et par
des dissensions politiques. Prenant prétexte
de l’utilisation des ressources de la Société
Sin Ni Tong, les différentes factions tentent à
plusieurs reprises de prendre le contrôle de
l’association. Cette lutte intestine aboutit à la
scission du Kuo Min Tang, à la création du
Kuo Men Tong et à la fondation, en mai 1921
par les “neutres”, de l’Association philan¬
thropique Chun Fa fui Kon dont les statuts ne
lui assignent que des buts à vocation
humanitaire.
Ces
quatre
associations regroupent
chacune aujourd’hui entre quatre cents et
cinq
cents membres.
Deux autres associations
régionales, qui existent toujours elles aussi,
ont été créées à la même
époque : Nem Hoi et
Chec
Kong Tong. Actuellement celle-ci,
réputée société secrète, compte deux cents
membres.
Est-il
besoin
de
le
préciser, des
événements comme la mainmise de la commu¬
nauté chinoise sur le secteur commercial et la
naturalisation d’une bonne partie de ses
membres ont favorisé depuis la naissance de
l’Association philanthropique
sensibilités
rivales.
Depuis
d’années,
l’émergence de
une
dizaine
l’apparition de nouveaux
enjeux culturels, politiques, socio¬
économiques, ce mouvement s’est accéléré :
une
dizaine d’associations ont vu le jour.
Parmi
les
avec
plus marquantes, l’Assoeiation
qui affirme renouer avec la
philosophie chinoise traditionnelle, et l’asso¬
ciation Physigma, constituée autour des
Wen
Fa
LA VIE ASSOCIATIVE
jeunes Chinois ayant fait leurs études aux
États-Unis, qui cherche à intervenir tant à
l’intérieur qu’à l’extérieur de la communauté.
La communauté chinoise célèbre
dans le cadre de
ses
associations
encore
respectives le
Jour de l’An chinois, le “Double-six” ou anni¬
versaire du Kuo Min Tang et le “Premier dix”
qui commémore la révolution de 1949.
Les associations
Composées en grande partie de
militaires, fonctionnaires et membres des
professions libérales,
manifestations
des
régionales
comme
ces amicales organisent
à l’occasion de fêtes
la Saint-Nicolas
pour
les
gens du Nord ou les gens de l’Est et (ou) pour
célébrer la fête des Mères, Noël ou le Jour de
l’An.
produit de ces manifestations,
les recettes des tombolas qui sont
Le
comme
organisées, sont destinés généralement à leurs
régionales
œuvres en
partie de la communauté d’origine
métropolitaine est regroupée au sein
d’amicales qui couvrent à peu près l’ensemble
des régions de l’Hexagone et des départements
Une bonne
d’Outre-Mer. Ainsi, on trouve du nord au sud
et de l’est à l’ouest : l’Amicale des Gens du
Nord, l’Amicale des Corses, l’Amicale des
Gens
de
l’Est, l’Amicale des Bretons,
l’Amicale des Gens du Sud-Ouest. Et pour
les
départements d’Outre-Mer, l’Amicale antilloguyanaise et l’Amicale de l’océan Indien. Ces
associations regroupent chacune en moyenne
100 à 150 membres actifs qui correspondent à
environ 50 ou 70 familles.
faveur des enfants nécessiteux, des
détresse, quand ils
pas à alimenter leur caisse et à
malades et des familles
ne
servent
financer
les
activités
en
de
loisirs
de
leurs
membres.
Deux traits essentiels caractérisent l’état
d’esprit qui anime
associations. Dans tous
les cas, on se regroupe pour s’adapter aux
nouvelles conditions de vie du pays, ou à
défaut pour lutter contre une sensation
d’isolement et d’ennui, voire pour échapper à
un environnement social que d’aucuns jugent
hostile. Un état d’esprit - il s’agit du second
trait qui n’est pas toujours favorable à la vie
culturelle qui, le cas échéant, s’exprime dans
ces
-
privilégiés : la cuisine et la
jamais atteindre la dimension
artistique, à la notable exception de l’Amicale
antillo-guyanaise dont la prestation du
groupe de danse a été fort appréciée lors du
deux domaines
danse,
sans
organisé à Tahiti
Festival des Arts
en
1985.
Les associations de femmes :
de l’apolitisme au conservatisme
composées essentiellement
Les associations
sinon
exclusivement
assez
bien
certains
forme
femmes
de
motifs
les
réels
illustrent
pour
lesquels
d’individus utilisent cette
juridique de regroupement qu’est
groupes
Dans la plupart des cas, les
objectifs des fondateurs n’apparaissent pas
l’association.
dans les statuts des associations. Les moyens
ne sont pas plus explicites, mais ils
expriment beaucoup mieux le cadre des
activités réelles de leurs membres, qui, en
l’occurrence, peuvent s’inscrire dans un
certain contexte politique, surtout quand,
dans les préambules de leurs statuts, ces asso¬
ciations éprouvent le besoin de se référer à
l’apolitisme. En Polynésie, il existe environ
quatorze associations de femmes désignées
comme telles et regroupant près de 2 000
d’action
membres. Treize d’entre elles sont fédérées au
sein du Conseil des Femmes, créé en juin 1982.
La dernière est une organisation à part
entière,
en
conflit
avec
le Conseil des Femmes,
a été fondée en 1981 : la Section poly¬
nésienne de la Ligue internationale des
qui
Femmes
Paix
la
pour
et
la
Liberté
(F.LF.P.L.). Celle-ci s’intéresse, si l’on en
croit ses statuts, à la condition et aux droits de
la femme
au
en
sein
du
Polynésie française, tout comme,
Conseil, le Groupement de
Solidarité des Femmes de Tahiti, Tuterai nui.
Soroptimist. Toutes
être classées en deux
près distincts : les associations à
Tiare Moorea et le Club
les
li
!
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autres
peuvent
groupes à peu
vocation artisanale et les sociétés de
Ji
secours
justification de leur
représentation au Conseil des Femmes tient
au fait qu’elles sont animées par une forte
majorité de femmes.
Quelques traits caractérisent la plupart
de ces associations. En premier lieu, elles sont
dirigées ou ont été créées à l’initiative de
femmes appartenant à la bourgeoisie locale.
C’est ce qui explique en partie qu’aucune
mutuels.
La
seule
hormis la F.LF.P.L., nedénonce
systèmes d’oppression et d’exploitation
dont
les
femmes des milieux les plus
d’entre elles,
les
défavorisés sont
les victimes. C’est
ce
qui
se limitent à des actions
de bienfaisance et d’aide sociale en faveur des
explique aussi qu’elles
par le biais de l’information et
propositions émises au sein des organismes
où le Conseil des Femmes est représenté. 11
faut signaler dans cet ordre d’idées, la mise en
place d’une antenne polynésienne de
“Femmes Avenir” en avril 1985, organisation
qui a pris position contre l’indépendance de la
plus démunis,
de
Nouvelle-Calédonie
et
l’influence
du
communisme.
Les associations
régionaies (Ici,
l'association antillo-
guyanaise) se sont
multipliées depuis
25
ans.
Elles attestent
dans
une
certaine
refus de
mesure un
s'intégrer à la
communauté
territoriale.
53
VIVRE EN
POLYNÉSIE
La vie culturelle
et
artistique entre
les pupu
et les fédérations
Les associations artisanales
à la recherche d’une politique
Si l’on accepte la définition suivant laquelle
l’artisanat est la condition socio-économique
de l’artisan et que ce dernier est celui qui
exerce une
Environ 166 associations, dont la grande
majorité date de 1979, ont été recensées à ce
jour. Auparavant, la production artisanale
était plus le fait d’associations culturelles à
vocation polyvalente, de groupements
informels animés par des maires ou des
pasteurs, et de magasins de curios à but
commercial et touristique. Ce grand boom
artisanal correspond à la fois à un regain
d’intérêt des Polynésiens eux-mêmes pour
leur culture matérielle et à la création d’un
nouveau
milieu
activité
régime de protection sociale
rural, destiné à créer
économique rentable. 11
activité manuelle pour son propre
on comprend les raisons pour
lesquelles les artisans polynésiens, même
regroupés en association, travaillent et
vendent leurs produits à titre individuel.
Diverses tentatives pour leur faire adopter une
formule juridico-gestionnaire proche de la
coopérative ont eu lieu, mais sans succès. La
précarité des revenus qui résultent actuelle¬
ment de cette activité ne les incite pas à risquer
de mettre leurs gains dans un fonds dont ils
auraient
la
gestion commune. Pour le
moment, l’association se justifie largement
par les aides et subventions dont elle peut
compte,
bénéficier.
La danse, expression
artistique d’une réalité
sociale, est devenue
une
touristique prise
charge par des
groupes professionnels.
Les groupes de district,
comme celui qui
accueillait le général
activité
en
de Gaulle en 1956, ne se
forment plus qu'à
l'occasion d’événements
exceptionnels
ou
lors
des fêtes de juillet.
himene sont
l'expression
Les pupu
encore
d'une unité
communautaire
(district, quartier,
commune...).
54
une
ne
en
nouvelle
faut
pas
plus négliger le caractère incitatif des
Ainsi, durant les
huit premiers mois de l’année 1985, 26 asso¬
ciations nouvelles ont vu le jour.
Des raisons accidentelles peuvent aussi
présider à leur constitution. Ainsi, le clienté¬
lisme politique conduit parfois à mettre en
présence deux associations concurrentes au
sein d’un même village. Quant à leurs effectifs,
variables, ils peuvent aller des quelques
membres d’une famille jusqu’à 250 individus.
Dans le but de pouvoir bénéficier d’une
subvention plus importante, et de défendre
efficacement leurs intérêts, de plus en plus
non
subventions territoriales.
CULTURE ET RENOUVEAU CULTUREL
d’associations se regroupent au sein de fédé¬
rations. Ainsi le Pu Maohi F.A.A.T.l,
regroupe 35 associations environ, et
Fédération artisanale de la Polynésie
la
39.
c’est un phénomène tout à fait récent,
Enfin, et
certaines associations artisanales se veulent
être
formes
des
de
contre-pouvoir
proposant à leurs membres de
en
concevoir et de
des
modes
de
développement
économique différents des choix officiels.
C’est le cas de la Fédération Te Anapurotu qui
regroupe des associations artisanales des îles
réaliser
Sous-le-Vent.
Les troupes de danse
particulière du pupu
réalisent
formes
: une
forme
ambigu
danse,
point de rencontre de trois
d’expression artistique tradition¬
le
:
la danse elle-même, le chant et
l’instrumentation. Jusque dans les années
nelles
jeudi 3 octobre au dimanche 6 octobre 1985
organisées dans les jardins de l'Assemblée territoriale
Du
par
l'Association HARRISOM SMITH
Les floralies
organisées
par l’association
Harrison Smith
regroupent les amateurs
de plantes autour du
souvenir du donateur du
Jardin botanique de
danse traditionnelle restait
dynamique dans la plupart des
districts des archipels. Mais, très vite, une
nouvelle distinction allait s’opérer en son sein
avec l’apparition des troupes professionnelles
opposées aux groupes des districts, classés dès
soixante,
vivante et
C’est le groupe
rassemblement d’individus. Il est le cordon
qui relie les danseurs entre eux et
la tradition. Il contribue aussi par ses
activités et sa vie propre à aider socialement et
ombilical
groupes folkloriques, terme
servant à désigner les troupes de
Les
catégorie des amateurs.
Heiva qui, à compter de
1956, pose les bases de la “nouvelle” danse
traditionnelle. Lui succèdent à partir de 1960
de nombreux groupes, pour la plupart issus
du premier, tels Tiare Tahiti, Temaeva, Tahiti
Nui, Maeva Tahiti, Feti’a et bien d’autres.
Durant cette période, la somptuosité des
costumes oblitère l’expression corporelle, et il
faudra
attendre
1970 pour voir
cette
conception remise en question.
Le groupe de danse n’est pas un simple
lors dans la
la
avec
économiquement les membres qui le
notion de tapupu (signifiant
grouper) résume assez bien la manière dont
leurs chefs en conçoivent le fonctionnement.
Les danseurs ne rencontrent pas moins
composent. La
un
certain
nombre
de
difficultés
l’exercice de leur métier à l’intérieur
l’extérieur de la
surmonter
en
Tahiti Toa
membres.
tation
1983.
dans
à
comme
Polynésie. Ils ont tenté de les
créant
en
1981
l’association
qui comptera jusqu’à six cents
Suite à des dissensions à
politique, elle
sera
mise
en
conno¬
sommeil
en
Papeari.
Les associations
artisanales sont
aujourd’hui
subventionnées par ie
pratique
qui, dans les îles (ici à
Rurutu), contribue très
largement à la
disparition des pupu
encadrés par les Églises.
Territoire. Une
55
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Un phénomène récent :
les associations musicales
association, après avoir organisé quelques
bals
musique instrumentale empruntée à la
La
tradition
occidentale et dominée par les
instruments à cordes, est depuis longtemps le
fait de groupes constitués en moyenne de
quatre joueurs accompagnant dans la plupart
des cas une voix. Trois caractéristiques essen¬
tielles semblent propres à définir les groupes
de musiciens locaux : l’hétérogénéité et la
brièveté des formations, une prédilection pour
rythmiques d’inspiration latinoen
général et une constante
affection .pour les répertoires de musiques de
les
américaine
bals et de dîners dansants. Environ
cin¬
une
quantaine de formations musicales, réparties
sur l’ensemble du Territoire, ont été
réperto¬
riées à ce Jour.
La première tentative de regroupement a
eu
lieu
tion
1982
musicale
en
avec
des
la création de l’Associa¬
Artistes
polynésiens.
Conçue à l’origine pour fournir une aide
économique et sociale aux musiciens, cette
avec
sommeil
succès, tomba très rapidement en
suite à des dissensions internes
politique et financier. Après une
place en octobre
1984 à la Fédération des Musiciens qui réunit
une vingtaine de formations.
d’ordre
année d’inactivité, elle fit
Les difficultés de l’Association musicale
des
Artistes
nai.ssance
polynésiens
d’une
nouvelle
ont favorisé la
association très
particulière : Jeunesse Manuhoe. Fondée en
juin 1984 dans l’intention de trouver un
moyen de regrouper les “hombos” du quartier
Manuhoe autour d’activités d’ordre musical et
culturel. Jeunesse Manuhoe
veut participer à
qui est promotion de la musique et de
la culture en Polynésie. Parmi ses activités les
plus marquantes, il faut signaler les Journées
de Musique contemporaine qu’elle organisa
tout ce
dans le cadre des Fêtes de Juillet 1984 et le
Musique qui offrit une
rétrospective de la musique dans le Territoire.
Ses objectifs à venir sont de favoriser la
promotion sociale des jeunes en Polynésie.
Salon
de
la
L’art pictural prisonnier
de l’individualisme
De Paul Gauguin aux artistes peintres ori¬
ginaires du Territoire, des dizaines de peintres
ont développé ce nouveau patrimoine culturel
qu’est l’art pictural. Les tentatives de
regroupement
ont
été nombreuses. La
première association créée à cette fin est le
Club des Artistes Peintres de Polynésie qui
une
école
pendant près de 25 ans, jusqu’à la mise en
place du Conservatoire artistique territorial.
Mais c’est en 1961 qu’une volonté de réunir les
artistes
avec
locaux
tant
dans iesannéesSOsinon
autour d'une "écoie” de
seul à
peintres se constituaient
peinture, du moins
autour d'individualités
essentiellement
européennes
d'homogénéité
artistique
qu'ethnique nuit à un
manque
regroupement auquel le
se
dévouer est
Ruy Juventin
(ci-dessous).
:
A. Gouwe, P. Heyman,
F. Fay ... Aujourd'hui, le
La peinture, placée sous
le patronage tutélaire de
P. Gauguin, voit chaque
année une floraison
d'expositions.
Beaucoup de
ces
exposants occasionnels
partent du principe que
ia société tahitienne du
début du siècle, ayant
ignorance méprisé
Gauguin, ne prendra pas
le risque d'une nouvelle
par
erreur
!
Rock à l'O.T.A.C. Le
théâtre donne asile aussi
bien à des spectacles de
danse polynésienne
qu'à des concerts de
musique classique ou
de groupes de musique
moderne.
56
se
concrétise véritablement
la naissance du Centre d’Art abstrait de
Tahiti.
Entre-temps, plusieurs associations
peintres sont constituées ; elles vont
d’arti.stes
conduire à la création,
en
ration
1968, d’une Fédé¬
générale des Sociétés d’Artistes, qui
reste dynamique jusqu’en 1974. Durant près
de 15 ans, on assiste à l’âge d’or de l’expression
sociale et coopérative de l’art pictural. Depuis
lors, les peintres sont revenus à l’initiative
personnelle exclusive, sinon à l’individua¬
lisme le plus forcené. L’Association des
Artistes qui a vu le jour en 1984 espère
remédier à
Ci-dessus :
Les associations de
a fonctionné en fait comme
d’initiation aux arts plastiques
date de 1956. Elle
cette
situation.
12 Culture et
Ce chapitre,perspective
consacré à sociologique,
la culture et aupartant
renouveau
cultureltout
polynésien,
s’inscrit
du fait
acte humain
est
dans
que
une
parfaitement démontré par son étude des “techniques du
corps” qui prouve s’il en était besoin la multiplicité, selon les peuples et les cultures,
des manières de manger, de marcher, de regarder et même de dormir.
culturel. Marcel Mauss l’a
si tous les faits sont
culturels ? Et comment isoler les revendications et les actions culturelles des autres
types de comportements ? C’est ce paradoxe que s’efforcent de dissiper les premières
Mais comment dès lors concevoir une autonomie de la culture,
pages de ce chapitre, en traitant conjointement du thème de l’identité
clairement les concepts d’identité et de culture est un préalable
culturelle. Poser
indispensable à
l’analyse scientifique, car nombreux sont les enjeux idéologiques des revendications
culturelles en Polynésie française, et grand est le désordre qui règne dans le
vocabulaire de la culture, pour des raisons
inconsciemment.
Une fois admises ces définitions, il est
culturel
renouveau
volontaires ou non, consciemment ou
possible de resituer les manifestations
culturelles qui prennent place à Tahiti, à partir des années
Maison des Jeunes et de la Culture de Tipaerui, et qui se
60-70, dans le cadre de la
multiplient au sein, ou en
dehors, des institutions officielles, de nos jours.
Enfin, l’évocation du Tiurai permet d’illustrer très concrètement
quelles sont les
qui se sont opérées au fil des ans et des décennies dans le domaine
dit du “folklore”, mais aussi de mieux se rendre compte du lien étroit qui unit la culture
et la politique.
mutations de sens
entier.
Dans
le mot culture est
sens,
ce
synonyme
de civilisation.
privilège
d’un
Culture,
La
aux
contre,
à l’intérieur de
hommes
Culture,
par
peuple,
au sens
activités
mais
ce
n’est pas le
de certains
peuple. Cette
“noble” du terme, se rapporte
intellectuelles
ou
spirituelles
institutionnalisées, et qui font partie de la
culture, rêvée, pensée, dite ; la Culture des
artistes, des savants, des sages, des chefs, ou
poètes. Cette acception du terme “culture”
implicitement référence à des oeuvres dites
“culturelles”, et à la notion d’hommes
“cultivés”, instruits. Ce vocabulaire démontre
l’existence d’un clivage entre deux types de
cultures : l’une, partagée par tous les membres
d’une communauté, et l’autre qui serait
l’apanage d’une minorité “éclairée”,
spécialisée dans la création, la production, la
diffusion, l’analyse et la reproduction des
formes dites “supérieures” de cette culture
des
fait
commune
à tous.
plus simple de parler
désigner la culture d’un
peuple, et de culture pour qualifier les formes
les plus spirituelles de cette civilisation. Le
problème vient de ce que les Occidentaux ont
longtemps considéré leur civilisation comme
étant supérieure. Au point qu’ils se sont
octroyés le monopole de “la Civilisation”,
censée être unique et conçue en opposition à
l’ensemble des autres cultures (civilisations).
Il serait
sans
doute
de civilisation pour
Culture et identité
La Culture est
l’est
sont
un
cas
de la
une
double
clair que ce
signification, qui
Polynésie française.
qui se font
Culture et culture
ces conditions, témoignent bien
entendu de la volonté de certains habitants du
pays de voir reconnue la légitimité de cette
culture ancestrale, et restaurées certaines de
ses
revêt
apparaît nettement lorsque l’on différencie la
Culture (prise comme un tout) et une culture
particulière.
Les revendications culturelles
jour, dans
terme
enjeu politique. Elle
plus encore dans les pays où deux cultures
entrées violemment en contact, ce qui est
assurément le
la notion même de “culture”. Il est
formes, à des degrés divers. Mais peut-être
avant
d’aborder
les modes
faudrait-il
d’expression de la revendication identitaire et
culturelle tahitienne, s’arrêter
quelque
peu sur
Le terme “civilisé” est alors devenu synonyme
Une culture peut se définir comme l’ensemble
des
comportements, des eroyances, des
savoirs et des savoir-faire
qui caractérisent un
par rapport à d’autres peuples. Parler
de la culture tahitienne, c’est alors évoquer ce
peuple,
qui caractérise,
les
habitants
en
de
“proche de la civilisation occidentale”,
lorsqu’on se réfère à un peuple ou à des
individus n’appartenant pas à l’univers
occidental. D’autre part, et pour les mêmes
raisons, la notion de civilisation paraît avoir
de
identifiant et différenciant,
Tahiti, dans l’ensemble
polynésien, océanien, ou dans le monde
dimension plus large que celle de
dans le temps et dans l’espace,
puisqu’elle est directement liée à l’hégémonie
culturelle occidentale dans le monde.
pris
une
culture,
Appel aux dieux ou
invocation
ancêtres,
geste symbolique ne
doit pourtant pas faire
aux
ce
qu'ii ne s’agit ià
que d'une reconstitution
historique sur un marae
oubiier
restauré. Le
sens
des
pratiques cultureiies et
cuituelies a changé,
mais demeurent ies
interrogations sur
l’avenir.
Le Festival des Arts du
Pacifique qui se déroula
à Tahiti en juillet 1985
fut l’occasion d'un grand
rassemblement culturel
et marqua
le départ
d’une politique de
séduction à l’égard des
micro-États de la région.
57
VIVRE EN POLYNÉSIE
La culture tahitienne
La culture tahitienne ancestrale, au sens de
était détenue par certaines
catégories d’hommes entretenant d’étroits
rapports avec le sacré : les prêtres et spécia¬
listes (tahua), les arioi, les haere-po et, d’une
certaine façon, les ari’i (nobles, rois) qui, en
tant
que
minorité dominante, avaient
justement accès aux formes nobles et
dominantes de la culture de leur peuple.
culture savante,
Puis
vinrent
bouleversements
les
dépit de certaines apparences, conserver leur
pureté originelle, traverser l’histoire sans se
Cette revendication que l’on peut qualifier de
“culturaliste” a un caractère profondément
Ceci étant, l’idéal du retour aux sources
n’est rien d’autre que le fruit d’une conception
intellectuelle de la culture, qui amalgame les
illusoire. On voit mal
faut-il
en
effet
-
mais
encore
poser la question - comment des
traits culturels anciens ayant survécu à la
se
violence initiale du contact auraient pu, en
transformer.
possibilités de
la culture
dans le domaine de
de la création, et l’idéo¬
renouveau
noble,
ou
logie impossible et aliénante du nihilisme
premiers Européens,
les
missionnaires, marins
Les revendications culturelles
à Tahiti
colons, et l’on sait
ou
entraînés
monde, à la fois
par
cette
la culture
polynésienne, au sens de civilisation, et sur les
formes les plus élaborées de cette culture.
Disparurent de nombreux objets d’art, des
ouverture au
sur
techniques et savoirs ancestraux...
Dans
ses
travaux
volume
consacrés
8, p.
9),
au
A.
pae varua
Babadzan a
clairement montré
ce type d’analyse peut
également être étendu à tout ce qui relève du
pae maa - que le processus de syncrétisation
(voir
-
déclenché
naissance
“nouvelle
lors
du
d’une
contact
nouvelle
tradition”
a
abouti
culture,
dont
les
à
la
d’une
formes
supérieures étaient détenues et reproduites
par les missionnaires.
Une réalité culturelle qui, on le sait, a été
remise en cause dans les années 60 par le
second choc de la modernité.
C’est dans
apparaître
ce
contexte
le
que
l’on
verra
courant de
revendication
culturelle et identitaire traditionaliste, produit
de l’acculturation d’une partie des élites du
symptôme de leur rejet de la culture
présente et signe de leur volonté d’un retour à
pays,
la culture d’autrefois.
Ci-dessus :
La bringue n'est plus
aujourd’hui ce qu'elle
était encore dans les
années 70. La bière
coule toujours à flots
mais ies jeunes, à Tahiti
tout au moins, ont
davantage tendance à
écouter la musique
reproduite par les radiocassettes et les
"walkman" qu’à chanter
s'accompagnant de la
guitare et du ukulele.
en
De la représentation à la
reconstitution.
L'environnement spatial
et socio-culturel de la
Polynésie tel que les
Européens se le
représentaient en 1792
(à gauche : aquarelle de
Georges Tobin) et le
passé tel qu’il est
reconstitué aujourd'hui
(page de droite :
intronisation d’un roi au
Arahurahu à
Paea) sur la base des
observations et des
marae
objets recueillis par les^
Européens. Tout un
système de déformation.
.
58
CULTURE ET RENOUVEAU CULTUREL
culturel et du refus de l’Histoire.
revendication
Cette
1960, c’est-à-dire
un
au moment
où les
premiers étudiants tahitiens reviennent de
Métropole. Le “détour culturel” que constitue
cette expérience de la vie française, leur a fait
prendre conscience de leur différence. Ils
se
Tahitiens, le disent, le crient,
parfois, alors même que leur pays
à grands pas vers davantage de
sentent
l’écrivent
évolue
modernité et d’acculturation.
Cette
revendication
culturelle
naît
qui
toujours sentis occidentalisés à
Tahiti, mais qui se sont découverts Tahitiens
aux yeux des Occidentaux ; par rapport à leur
regard. Et peut-être, parce qu’ils savaient
qu’ils ne seraient jamais entièrement, ou tout à
fait, de vrais Occidentaux.
surtout
en
milieu
s’étaient
L’identité
“demi”, chez
le
Dans
dans
précis. Elle apparaît à la fin des
contexte
années
naît
ceux
cadre
de
ce
l’affirmation de la différence
pluralisme,
sera
une
des
composantes essentielles du jeu identitaire.
Ceci étant, le sens du terme “identité” évoluera
rapport aux mutations de
l’environnement culturel dans lequel viendra
forcément
par
s’exprimer la revendication identitaire. En
cela, Pierre Tap a raison d’écrire “qu’il n’est
d’identité que paradoxale, lien réel ou
imaginaire, et source de conflits et d’illusions,
espaces délimités aux frontières changeantes,
temps reconstruits par la mémoire ou jalonnés
par les projets et les utopies”.
On aurait tort dans ces conditions, si l’on
s’en
réfère à la situation polynésienne,
d’admettre que l’identité renvoie à ce qu’il y a
de plus traditionnel et de plus spécifique dans
la culture tahitienne. Ou bien l’identité
ne se
conjugue alors plus qu’à l’imparfait. Les
contradictions
entendu
ce
de
l’identité
déchirement entre
incluent
un
bien
passé mytho¬
et un présent moins
L’identité réelle recoupe tout cela.
rêvée peut n’en être qu’une partie.
logique
glorieux.
L’identité
L’identité culturelle est donc toujours et
immanquablement plurielle, puisqu’il est
possible de revendiquer successivement ou
cumulativement
rurutu,
une
identité
tahitienne,
marquisienne, polynésienne, nta’o/î/...
selon les instances culturelles
réfère.
Enfin, l’identité
sera
auxquelles on se
performative, c’est-
à-dire que sa construction n’est jamais tout à
fait achevée, et qu’elle est sujette à des
aménagements permanents. En même temps,
elle se renforce de par la revendication même
dont elle est l’objet. Cet aspect dynamique de
l’identité montre une fois de plus qu’elle est un
produit de l’Histoire, autant que le point
d’articulation des réactions présentes, passées
ou à venir des Polynésiens, face à cette histoire
qui s’est faite avec et, parfois aussi, contre eux.
polynésienne
L’importance du jeu de miroirs par lequel se
construit un processus identitaire et s’élabore
une
revendication culturelle mérite d’être
L’Autre est toujours là pour
l’image de la spécificité, celle de la
différence, et parfois, celle de la complé¬
soulignée.
renvoyer
mentarité refusée. Car, à l’inverse de la
culture, qui peut se définir de manière objec¬
tive, l’identité est une notion très floue, aux
multiples significations.
L’identité d’une chose (ou d’un
objet),
conformité par rapport à ellemême, mais aussi ce qui la distingue et la
différencie d’une autre chose, et ce par quoi
c’est à la fois
sa
elle est unique.
L’identité culturelle
présente dans ces
conditions un triple caractère : elle est
paradoxale, plurielle et performative.
Le problème de l’identité culturelle ne se
pose que dans la mesure où l’on est en
présence d’une confrontation de cultures. Les
groupes humains vivant isolés ont résolu le
problème depuis toujours, en désignant leur
communauté du
en
nom
même de l’Homme,
fréquemment le cas en Afrique,
Amérique, en Asie ou en Océanie.
comme
c’est
Le modèle culturel
américain, et plus
particulièrement le
modèle californien,
a
“une force d'attraction
majeure sur la
Polynésie" française,
selon la très juste
formule de J.-P. Charles
et F. Merceron
(volume 1,
p. 11).
Sa
diffusion est inséparable
du
développementd’une
société de
consommation
exacerbée et de
communication de
où le “paraître"
l'emporte sur "l’être".
masse,
59
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Aliénation et refus
de l’aliénation
culturelle
La revendication traditionaliste nia'ohi
l’origine de l’aliénation, à
relève à
degré.
Tout
un
double
d’abord, elle vise l’appropriation, la
qui
n’existe plus telle qu’elle peut être pensée
aujourd’hui. Se dire ma’ohi en I960, en 1970,
ou en 1980, n’a de sens que si l’on accepte de
reconnaître que la culture s’inscrit dans
l’Histoire, et que rien ne saurait être hors du
Temps. Implorer Taaroa, ou se rendre sur un
marae pour prier, de nos jours, est donc une
conduite “insensée”, non parce qu’elle n’a
aucun sens interne, mais parce qu’elle suppose
un refus du sens de l’évolution des choses qui
restitution et la résurrection d’une culture
inscrit dans leur nature même.
est
polynésiénnes,
qu’il trouva
“agonisante” à son arrivée en Polynésie.
Tous deux passent donc pour avoir été
incontesté la crise des valeurs
et les
des
puisse toujours être employé comme
d’autochtone, d’indigène de la
Polynésie française, impliquerait davantage
que l’on se rende au temple ou à l’église, le
dimanche, et non à Taputapuatea ou à la
pointe de Mahaiatea, sur les restes d’un édifice
terme
synonyme
convulsions de cette culture
écrivains, des artistes de l’intérieur, par
ceux qui, avant ou après
opposition à tous
contentèrent de livrer leurs sentiments
Polynésie sur le thème trop connu du
lagon et du cocotier. L’aliénation de Paul
Gauguin était par conséquent salutaire,
puisqu’elle fut la source d’un processus de
création artistique véritable, au point que l’on
dit (faussement) de lui qu’il a su exprimer
eux, se
sur
la
l’authenticité de l’âme tahitienne à travers
ses
peintures.
Ségalen, médecin
qui
séjourné dans les
Victor
de marine et écrivain
a
Être ma’ohi, aujourd’hui, si tant est que
ce
l’arrivée de V. Ségalen en Océanie), a su
dépasser le mythe de l’indigène, bien qu’il ait
lui-même écrit une “Étude sur l’exotisme”. Il a
saisi, de l’intérieur, et su décrire avec un génie
E.F.O.
est
1903 et 1904,
doute l’auteur
en
sans
qui, selon la formule du
O’Reilly, a su le
“opposer le vieux
passé ma'ohi...
R.P.
mieux
reconstitué
ethnographiquement...
et la civilisation
occidentale”.
dont la fonction et le rôle social ont irrémé-
diablement
changé.
Parler
alors
d’“aliénation” n’est pas trop fort, puisqu’il y a
bel et bien identification à un Autre que l’on
voudrait Soi, mais qui est séparé de nous par
200 ans d’Histoire et d’acculturation.
degré d’aliénation réside dans
précédemment explicité que ce refus de
l’Histoire naît d’une prise de conscience du
sens de l’Histoire, qui se refuse à elle-même,
mais qui passe nécessairement par des
schémas de pensée occidentaux.
Mais l’aliénation a parfois été aussi celle
Le second
le fait
des Occidentaux...
Paul
Gauguin et Victor Ségalen
Gauguin a
valeurs culturelles
intériorisé une partie des
polynésiennes, et a été le
premier à vouloir faire revivre ces valeurs qu’il
avait fini par faire siennes. Sa vision de la
culture tahitienne est une vision européenne
bien marginale, qui diffère largement de la
vision dominante du bon sauvage qu’avait
véhiculée la philosophie des Lumières.
Paul Gauguin se voulait un sauvage.
“Oviri, écrits d’un sauvage” est d’ailleurs le
titre de l’un de ses livres. Héritage partiel du
XVHP siècle, sa propre conception du
sauvage était néanmoins résolument nouvelle.
Ses tableaux témoignent de cette pénétration
à l’intérieur du monde de la nuit, des esprits,
du Po et du /IO des Polynésiens.
On est loin d’un traitement exotique, au
Paul
sens
strict, de la culture, même si les in¬
asiatiques, égyptiennes ou bibliques
qui surgissent dans chacune de ses œuvres
prouvent que le grand peintre intégrait ses
émotions polynésiennes dans un contexte
culturel universel, qui dépasse le simple
fluences
reflet de la réalité ma'ohi.
De
loin
60
même, Victor Ségalen, sans aller aussi
que
Paul Gauguin (mort l’année de
Gauguin de
Papeari. On y trouve peu
originales du
grand peintre, mais une
Le Musée
d'oeuvres
évocation de sa vie
quotidienne en
Polynésie, de sés
souffrances et de ses
interrogations.
CULTURE ET RENOUVEAU CULTUREL
Les
nouveaux
immémoriaux ?
Parallèlement et inversement à la situation de
P. Gauguin, c’est aussi l’aliénation qui peut
être
analysée à la base du
mouvement de
renouveau culturel tahitien né dans les années
1960. Cette fois, une étape décisive est
franchie. Ce
plus des Occidentaux qui
se font les témoins, ou les garants, de la culture
polynésienne, ou de l’image qu’ils en ont,
souvent
en
référence à P. Gauguin ou
V. Ségalen. Ce sont des enfants du pays, pour
la plupart “demis”, qui défendent ces valeurs
et les revendiquent.
Pour ce faire, ils revendiquent une
identité qui est tout à la fois protectrice,
défensive, négative (et somme toute simpliste
et inconfortable), puisqu’elle leur permet de
ne sont
s’autodéfinir
comme
sont
nous
comme des Ma’ohi (qu’ils ne
plus) dans la mesure où cette qualité
s’oppose à celle de popa'a (qu’ils ne sont pas
vraiment).
Cette revendication va encore plus loin,
lorsqu’ils refusent d’être définis comme des
Tahitiens par les Occidentaux. Les propos de
la
linguiste tahitienne Vonnick Bodin,
directrice du Centre de Recherche
sur
les
Langues et Civilisations océaniennes de
Tahiti, sont on ne peut plus clairs à ce sujet :
“Ce qu’on dit être la culture, notre culture,
n’acquiert pour nous de sens qu’au travers du
plaisir que l’autre tire du constat que son
imaginaire est notre réel. N’avons-nous donc
de culture que parce que l’autre se voit
conforté dans l’idée qu’il a de nous, de notre
cohérence ?... Mais pourquoi se rendre prison¬
nier de cette situation ? A force de montrer à
l’autre
ce
que
nous pensons
qu’il
a
défini
étant nous, nous en sommes venus à
persuader
L’autre
retrouve
connaît, et
que nous sommes cela...
dans le système ce qu’il
ne cherche pas plus loin. Ceci est
tellement vrai que Tahiti est certainement le
seul endroit au monde où il suffit à l’autre de
fouler le sol
quelques heures pour se sentir et
plus autochtone que l’autochtone”.
Et Duro Raapoto de lancer dans un cri :
“Que suis-je ? Rien, pas encore, demain peutêtre. Non, l’état civil ne me suffit plus. J’ai
se
dire
besoin
s’écrit
d’une
autre
dimension.
Mon
nom
l’alphabet latin, mais
ma vie s’écrira avec mon souffle, et le souffle
de tous ceux qui souffrent du manque d’être.
Nous ne sommes assurément pas encore. On
me dit Tahitien, mais je le refuse. Tahiti, c’est
un
nroduit exotique, fabriqué par des
Occidentaux, pour la consommation de leurs
compatriotes”.
avec
les lettres de
Vonnick Bodin fut,
jusqu’à sa mort en août
1987, l'animatrice du
Centre de Recherches
sur les Langues et
Civilisations
océaniennes.
Dure
Raapoto, linguiste,
poète, ardent défenseur
Henri HIro, Interprète
talentueux du film de
J. Segara “Les
Immémoriaux". Un
de la langue tahitienne,
et l’un des rares
intellectuels
haere-po des temps
années 80.
qu’il
polynésiens des
modernes confronté aux
mutations d’une société
ne
comprend plus.
61
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Les
sources
l’écrivain américain
livresques du
“renouveau culturel”
Si la
plupart des acteurs de la revendica¬
tion culturelle du retour
aux sources
s’élèvent
violemment contre la vision
qu’ont les Occi¬
dentaux de leur culture, il ne faut pas oublier
que c’est souvent à la lecture des écrits de
certains de ces Occidentaux qu’est né leur
sentiment identitaire, qu’il y a puisé sa force et
qu’il s’y est enrichi.
Or, on assiste paradoxalement à un
double phénomène de sanctification et de
dénigrement de ces textes.
Par
leur rareté
même, les premiers
témoignages des missionnaires ou les études
ethnographiques menées à Tahiti et dans les
au
XIX*^ siècle constituent
une
source
unique de savoir sur la culture polynésienne
des temps anciens. D’où cette sanctification.
Ainsi, le livre de Teuira Henry, basé sur
les écrits de son grand-père le missionnaire
John Orsmond, passe pour être une bible en la
matière. 11 est d’ailleurs fréquent, lors des
cérémonies de reconstitution historique des
ma’ohi (intronisation d’un roi sur le
baptême d’un enfant, marche sur le
feu...), d’entendre les orateurs réciter des
passages entiers de ce livre, en langue
tahitienne. C’est la preuve que jusqu’à présent,
les documents originaux sur la culture ma’ohi
d’autrefois sont très peu nombreux. D’où la
tendance à leur accorder une grande valeur de
vérité et à s’y référer aveuglément,
uniquement parce qu’ils ont le mérite
d’exister, et comme si cela suffisait à en faire
coutumes
marae,
des textes “sacrés”.
C’est exactement le même phénomène
qui s’est produit au XIX'^ siècle, dans la pensée
de
certains
apparue
Tahitiens,
l’écriture,
missionnaires.
au
moment
où est
sous
l’influence des
Devant les bouleversements
que connaissait alors leur culture, ils eurent
tendance à tenir systématiquement pour vrai
qui était écrit, puisque le même mot désigne
tahitien ce qui est fixe, immuable, et ce qui
est vrai : mau. Lorsque l’on dit, aujourd’hui,
d’une parole qu’elle est mau, cela signifie
qu’elle est vraie (mau opposé à haavere), parce
qu’elle ne changera pas, et que l’on ne
reviendra pas sur cette parole donnée.
On peut se rendre compte du caractère
dommageable de cette attitude vis-à-vis des
trop rares livres bien documentés au sujet de la
ce
en
culture ancestrale, si l’on se réfère à un
exemple précis. Dans la seconde moitié du
XIX'^ siècle et la première moitié du XX'^, ont
paru plusieurs livres ayant trait à la culture et
à l’histoire polynésiennes, émanant des
descendants du clan des Teva. On peut
citer,
les Mémoires de
Ariitaimai ou bien celles de MarauTaaroa(sa
fille), traduites par la petite-fille de Ariitaimai,
Tekau Pômare ; sans oublier les travaux de
entre
62
autres
ouvrages,
notables. D’où la nécessité, maintenant, de
lire
beaucoup de recul.
11 est donc facile de s’apercevoir du risque
qu’il y a à se référer à ce type de documents
ces
textes avec
pour connaître le passé tahitien, d’autant que
la lecture de ces textes partiels, voire partiaux,
un rôle très important
conscience
du
sentiment
joue
dans la prise de
identitaire de
certains acteurs de la revendication tradi¬
tionaliste fondée sur l’idée de la grandeur
passée du peuple tahitien.
La sanctification des écrits
du XIX® siècle
îles
Henry Adams, devenu
adoption membre de leur famille. Or, si
tous ces livres présentent une valeur consi¬
dérable quant à la connaissance du passé
tahitien, il a fallu attendre les années 1980
pour que l’on se rende compte qu’ils étaient
devenus dans l’esprit de beaucoup une sorte
d’historiographie officielle en la matière, celle
de certaines familles de nobles, puis de
par
dénigrement des écrits
postérieurs
Le
A l’opposé, les études menées au cours du XX®
siècle par certains Européens, et tout particu¬
lièrement par certains Français, font l’objet
d’un dénigrement qui peut surprendre. 11 n’est
pas rare que
textes
se
la distance prise
transforme
en
d’intention, qui concerne
fond que l’esprit de ces
La reine
au
Marau,
centre, était la fille
d'Alexandre Salmon et
d'Ariitaimai, et l’épouse
de Pômare V. Héritière
d'une certaine tradition
aristocratique, celle des
leva, et
“éievée
à
l'anglaise", Marau
appartenait à ces Demis
de la première
par rapport
à ces
procès
d’ailleurs moins le
documents. Mais
véritable
génération dont le vécu
était
encore
enraciné
complètement dans le
passé. D’où la valeur de
son témoignage, même
s’il est biaisé, compte
tenu de
son statut
socio-culturel et de
position dans la
hiérarchie sociale.
sa
CULTURE ET RENOUVEAU CULTUREL
écrits autrement,
était celui de la
gestion de l’entreprise coloniale ? D’une
grande valeur historique, ils nous instruisent à
la fois sur la culture polynésienne et sur les
questions que se posaient certains Européens
à cette époque. Et ce d’autant plus que, étant
très liés au pouvoir colonial, ces chercheurs
auraient-ils pu être
étant donné le contexte qui
comment
TEUIRA
HENRY
TAHITI
aux
anciens
temps
travaillaient souvent au sein de sociétés
d’institutions officielles, reconnues par
même
l'AngJaispar
Traduit de
BEKTRAttD
pouvoir, dont ils
contester
JAUÜBZ
en
eux-mêmes
ou
ce
gardaient bien de
légitimité qui était
se
une
partie la leur.
la Société des Études
océaniennes vit le j our en 1917, à l’initiative du
gouverneur Gustave Julien. Initiative entiè¬
rement personnelle - en ce sens qu’elle ne
C’est ainsi
devait rien
aux
elle ressemblait
Publications de la Société des Océanistes, N* i
de l'Homme
Musie
Piri
J
> 9
BtrixiEiTiaîT'
'
Société d’Etudes Océaniennes
(POLTÎTÉSIE 0:OTirTALB)
publié
des
5ÛUS le patronage du f§ouvemement
établissements français de l'(Qcéanie.
X* 4.
—
SEPTEMBRE lOl»
Anthropolofia —Sthnolo^i»
PhilolOKio.
Hiatotra
—
des
InatiiatiOna et Antiqaitéa
popnlktiona maories.
que
directives
venues
de Paris
-,
davantage, à l’époque, à un
cabinet de curiosités
ou
à
une
société savante
province qu’à une véritable institution de
recherche indépendante. La plupart de ses
membres étaient des colons européens.
Malgré tout, la Société des Études océa¬
niennes gagna un certain crédit, et le
gouverneur des E.F.O. G. Julien réussit à lui
assurer un large réseau de correspondants,
constitué
de
quarante-huit sociétés
scientifiques de nationalités et d’horizons
différents. La S.E.O. possède encore
aujourd’hui un autre élément qui fit sa force :
de
En haut :
Tahiti aux Temps
anciens : la bible des
océanistes concernant
le Tahiti d’avant 1767,
mais aussi un ouvrage à
lire au second degré et
avec du recul, comme le
montra bien V. Bodin
dans sa thèse
bibliothèque bien documentée et bien
constituée d’innombrables dons
privés de particuliers ou d’instituts étrangers.
Elle publie également, depuis sa création, un
bulletin sur des thèmes ayant trait à “l’anthro¬
pologie, l’ethnologie, la philologie, l’histoire,
les institutions et antiquités des populations
maories”, ainsi qu’à leur “littérature” et au
“folklore polynésien”. Quant aux soubresauts
de cette culture, ou à son évolution au contact
de l’Occident, ils ne devinrent des sujets de
préoccupation des auteurs de ce bulletin que
une
entretenue,
dans les années 1970.
Le même phénomène peut être enregistré
Hawaii, où le Bernice Pauahi Bishop
Muséum, créé bien avant l’annexion de l’État
de
Hawaii aux États-Unis d’Amérique,
remplit la fonction d’une institution de
sauvetage du passé océanien. Mais ses
chercheurs, prenant pour champ d’investi¬
gation privilégié la Polynésie orientale
(Polynésie française), évitèrent longtemps de
se poser des questions sur l’évolution de la
à
culture hawaïenne
en
situation coloniale.
s’intéresser aux thèmes
d’actualités.
Récemment, et pour la
première fois sauf erreur
(0° 237), il a publié un
article concernant la vie
politique
contemporaine : “Il y a
trente ans :
Defferre".
la,loi-cadre
d'ethnolinguistique en
1977, basée sur des
Beieaoes astarellea.
études de ce texte.
gauche et en bas :
B.S.E.O. Soixante-dix
A
ans séparent ces deux
Bulletins de la Société
des Etudes
océaniennes. Signe des
temps, les premiers
numéros ont été publiés
“sous le patronage du
Gouvernement des
BULLETIN
DE M
SOCIŒ
DES HUDES
Établissements français
de l’Océanie". Fidèle à
ses
origines, le Bulletin
continue à conjuguer la
culture au passé, ce qui
ne l’empêche pas de
Le gouverneur
Gustave Julien, qui afait
carrière à Madagascar
et en Côte d’ivoire avant
d’être affecté dans les
E.F.O. entre 1915 et
1919, était, seion
P. O’Reiliy (“Tahitiens”),
“breveté de l'Écoie des
Interprètes de
Madagascar (et) à
plusieurs reprises (il
avait été) chargé des
cours de langue et de
civilisation malgaches
à l'École des Langues
orientales". Son intérêt
pour
la culture
polynésienne n’était
donc pas fortuit.
Ci-dessous :
L’ancien Musée de la
Société des Études
océaniennes conservait
et
exposait de "riches
collections
ethnographiques et
archéologiques" dont le
Catalogue commenté a
été dressé en 1966 par
Anne Lavondès, ethno-
muséologue à
l’O.R.S.T.O.M.
OCENNIENNES
N° 238
TOME XX
—
N“ 3 / Mars
1987
63
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Culte et culture
du passé
exigence.
longtemps - cette attitude qui
certain nombre d’a priori idéo¬
logiques connaît actuellement, sous d’autres
formes, un regain de vigueur en Occident - les
chercheurs popa’a qui se sont intéressés à
l’histoire et à l’ethnologie polynésiennes ont
considéré que la recherche en matière cultu¬
relle n’avait pas à se poser de questions sur les
transformations
(et
les
contradictions)
pourtant fort nombreuses d’une société en
pleine mutation. Ceci étant, ils ont accrédité
une vision passéiste et folklorisante de la
culture qui a conforté les autres Occidentaux
et les puissances coloniales dans l’idée
que la
culture
polynésienne a cessé de vivre,
puisqu’elle n’existe plus dans les formes où les
premiers découvreurs l’ont décrite. Toutes les
données de base sur la civilisation polyné¬
sienne ne s’écrivent plus qu’à l’imparfait : “les
Polynésiens avaient... ils étaient...’’. Et l’on
glisse alors de l’idée que la civilisation poly¬
nésienne a un passé à celle qu’elle est un passé.
Il
n’y a rien d’étonnant, dans ces
conditions, à ce que les tenants de la revendi¬
Pendant
repose sur un
cation
du
renouveau
culturel
tahitien
ne
à se demander ce qu’ils sont
positivement, à leur époque. Ils résolvent le
problème de leur quête identitaire dans la
reprise en compte de ce passé et dans la
récupération du qualificatif "ma'ohi", qui
renvoie
à
la
culture
ancestrale
qu’ils
cherchent pas
voudraient voir revivre, et réincarner. Mais,
ce faisant, ils commettent pour des raisons
idéologiques différentes,
et même contraires,
la même erreur que les savants ou les colons
occidentaux avaient commise avant eux. Ils
refusent d’analyser et d’assumer l’évolution de
polynésienne, pour se complaire
l’adéquation “culture = passé”. Malgré
eux sans doute, ils reproduisent une image
folklorisante de la culture qu’ils défendent,
une image qui alimente un projet idéologique
illusoire de retour en arrière, projet qui se
trouve d’ailleurs lui-même en partie à la
source de leur propre aliénation.
la culture
dans
Être Ma'ohi
Le
ou ne
pas
être
"ma’ohi"
renvoie, de par sa
définition, à une image valorisante de la
culture ancestrale, puisqu’il est non seulement
synonyme d’autochtone de la Polynésie, mais
aussi de “royal” et de “vrai”, comme l’attestent
tous les dictionnaires de langue tahitienne
parus au X1X'= siècle.
terme
Dans le cadre de la confrontation de deux
cultures, le terme "ma’ohi" est d’autant plus
valorisé
positivement qu’il s’agit d’un
terme
autochtone, employé pour désigner ce qui est
autochtone, sans passer par les mots du voca¬
bulaire
de
la
langue française (“tahitien”,
“polynésien”...).
Pour Duro
Raapoto, linguiste, poète et
décompo¬
chantre de la culture ma’ohi, la
sition de ce terme peut s’opérer
signifie
“pur,
propre,
ainsi : ma
digne”. “Ma c’est
l’affirmation de l’Être dans
dans
64
toute
sa
toute sa
plénitude, dans
Être
avoir
place
libres”.
la base
de ce terme “ma" que se construisent les mots
liberté (ti’ama) et indépendance (li’amara'a),
empruntant au terme "li'a" l’idée de droiture,
de justice, de dignité {li’a voulant dire, au pied
de la lettre, “droit, debout”).
Quant à ohi, “il désigne un rejeton qui a
déjà ses racines, lui assurant une certaine
ma,
c’est
sa
d’homme libre, parmi les hommes
N’oublions pas non plus que c’est sur
force,
toute
son
autonomie de vie, tandis qu’il est toujours
relié à sa tige-mère”. Le "Ma'ohi", c’est alors le
ou l’être, qui se nourrit de sa terre
maternelle, natale, dans laquelle il plonge ses
racines, qui se rattache à elle tout en restant
“ma’ohi" devient même un drapeau,
le terme “kanak" en NouvelleCalédonie. Vocable de la langue tahitienne, et
terme
comme
non
paumotu,
mangarévienne
marqui-
ou
sienne, il devient le dénominateur
commun
aux origines diverses, vivant sur
plus de cent îles différentes et parfois très
isolées, dans une acception nationaliste qui
prouve combien est difficile, en situation
(néo-) coloniale, la séparation des domaines
de la culture, de l’idéologie et de la politique.
d’hommes
rejeton,
Le Maohi Club
libre et autonome.
empruntant le nom "ma’ohi”, baptisée Maohi
Club, verra le jour le 15 octobre 1965, à
Cette revendication identitaire ma'ohi et
culturel ma’ohi passent donc par
ce renouveau
l’opposition à ce qui vient de l’extérieur, et qui
serait susceptible de souiller les racines
ma’ohi, de porter atteinte à la pureté ori¬
ginelle mythifiée de la culture d’autrefois.
Dans le contexte politique polynésien des
années 1960-1970, qui voient l’implantation
du C.E.P., la lutte pour l’autonomie interne,
l’apparition de troubles sociaux nouveaux, le
La
première
association
culturelle
l’initiative d’Eugène Pambrun, qui était
désireux de compenser l’absence d’associa¬
populaires tahitiennes en milieu urbain,
multipliaient les groupements
régionaux français à Tahiti.
C’est ce que confirmeront en l’occur¬
rence les premières manifestations
publiques
du Maohi Club, dont certaines purent prêter à
tions
alors que se
sourire,
comme
l’élection de “Monsieur Tane
Maco Tevane. Président
du Fare Vana’a
(Académietahitienne) et
membre du Comité
consultatif de ['Unesco
sur les langues et
cultures océaniennes,
M. Tevane reste aussi
dans les mémoires
l’auteur de la première
pièce de théâtre en
ma'ohi, l’histoire de
Papa Penu et
reo
Marna Roro.
Les groupes de chant
des districts, bien loin
des interrogations
identitaires de la
jeunesse polynésienne
et de certains
intellectuels du
Territoire,
au
témoignent
quotidien de la
vivacité de la culture
ma’ohi. Le chef du
de Tipaerui
photographié ici incarne
à lui seul la jovialité
et l’humour polynésiens,
qui lui valent à chaque
groupe
Tiurai
un
inégalé.
succès
CULTURE ET RENOUVEAU CULTUREL
Tahitr. Mais le vide culturel à
Papeete était
l’idée allait séduire, puis
rassembler
des
personnes
qui, depuis
plusieurs années, jouaient dans ce domaine un
tel à cette
époque
que
rôle déterminant. 11 faut citer Maco Tevane,
Arapo, Tanetua Richmond, Tutu Temai
bien encore Kimitete, appuyés à titre
officieux par l’interprète Martial lorss. Ils
entreprirent de remettre en mémoire l’appar¬
tenance de la Polynésie orientale au triangle
polynésien, en invitant les étudiants du
Tereora College de Rarotonga et en renouant
Te
ou
les liens
avec
les Maoris et les Hawaïens.
Mieux encore, le programme que
ciation avait élaboré pour l’année
l’asso¬
1968
prévoyait un pèlerinage au marae de
Taputapuatea qui venait d’être restauré par
l’archéologue japonais Y. Sinoto, et la
construction de deux pirogues, Aotearoa //et
Honoura Rua, qui devaient rallier respecti¬
vement la
Nouvelle-Zélande
Le Maohi Club
tendances, mais
sa
se
scinda
et
en
Hawaii.
1968
en
deux
création et les premières
années de
son
la nécessité
d’entreprendre à l’avenir certaines
existence avaient démontré
actions culturelles.
Le marae,
symbole de la
religion et de la culture
ancestrale
polynésienne, "lien
sacré entre les hommes”
pour Dure Raapoto.
La restauration des
de Huahine,
marae
entreprise par les
professeurs du
Bishop Muséum K. Emory (à droite) et
Y. Sinoto (en haut)
depuis 1972 -, contraste
avec celle entreprise par
Garanger,
professeur à l'Université
de Paris I, après avoir
longtemps travaillé “sur
José
le terrain”, oriente et
contrôle aujourd’hui la
recherche
archéologique
Polynésie.
en
l'armée à Paea. Mais le
site théâtral de
Arahurahu à Paea
(ci-dessous) en fait
iieu idéal pour les
un
reconstitutions
historiques.
65
POLYNÉSIE
VIVRE EN
L’institutionnali¬
sation de la culture
turation
à-dire
entre
L’État français ne devait guère tarder à
remplir le vide culturel qui régnait à Papeete à
la fin des années 70. Une initiative
qui, à vrai
dire, n’est pas entièrement nouvelle. Déjà, en
1917, faut-il le rappeler, le gouverneur Julien
avait su prêter une oreille attentive à l’appel
lancé par les défenseurs de la culture poly¬
nésienne. Mais une initiative qui s’inscrit dans
un tout autre contexte (voir p. 63). Dans la
Polynésie contemporaine, la prise en compte
et la prise en charge des aspirations culturelles
constituent le meilleur moyen de satisfaire et
de freiner les aspirations autonomistes ou
indépendantistes qui s’en nourrissent. La
plupart des acteurs de cette revendication
Joignent en effet les deux combats, dans un
seul et même mouvement de rejet de toute
domination (culturelle ou politique) exté¬
rieure. L’action étatique en faveur de la
restauration
de
leur
En 1975, l’Académie, enfin dotée d’une
existence officielle, élit à sa tête Maco Tevane,
ancien
tahitien
présentateur de l’O.R.T.F. Le
de
la
nouvelle
Vana’a, fait référence
aux
nom
institution, Fare
maisons dans les¬
quelles les vieillards transmettaient autrefois
jeune génération les légendes et les généa¬
logies traditionnelles, et où les adolescents et
les jeunes hommes s’initiaient à l’art oratoire.
Depuis sa création, le but de l’Académie
tahitienne n’a pas varié. 11 consiste toujours à
normaliser le vocabulaire, la grammaire et
l’orthographe de la langue tahitienne, ainsi
qu’à encourager l’apprentissage de cette
langue, et la diffusion d’ouvrages écrits en
tahitien. En 1985, le Fare Vana’a a publié la
première grammaire officielle tahitienne. Ses
à la
membres
travaillent
maintenant
à
un
Le Centre polynésien
des Sciences humaines
Le Centre polynésien des Sciences humaines
(C.P.S.H.) a été créé en 1980. 11 comprend
trois départements : le Département
d’Archéologie, le Département des Traditions
celui du Musée de Tahiti
et des lies.
C’est en réalité autour du Musée de
Tahiti et des lies que s’est bâti le C.P.S.H., ce
et
qui explique peut-être
Tout
comme
sa vocation passéiste.
l’Académie tahitienne, le centre
porte d’ailleurs un nom ancien : Te Ana Vaha
Rau, un vocable signifiant “la caverne aux
multiples issues”, qui, autrefois, désignait les
Tahua parau tumu fenua, “spécialistes de la
connaissance des origines du monde”.
La naissance de ce Musée qui devait être
édifié sur un terrain acheté en 1966 par le
gouverneur Sicurani, fut plutôt laborieuse. La
Société des Études océaniennes, maîtresse de
dictionnaire.
traditionnelle
culture
la
monde dans lequel ils vivent, c’estlangue qui établisse un solide pont
passé et leur avenir”.
au
une
champ de revendication des
indépendantistes, et accroît la stabilité
politique du Territoire en situant la lutte pour
restreint donc le
le retour
sources
aux
françaises, et
tutions
dans le cadre d’insti¬
non en
dehors.
La création de l’Académie
tahitienne
première institution qui ait vu officiel¬
le jour, fut l’Académie tahitienne,
ayant pour but la sauvegarde et l’enrichis¬
La
lement
de
sement
la
culture
tahitienne, à
travers
IJ
Jl’
f
langue.
Alors qu’il inaugurait le Musée Paul
Gauguin, à Papeari, en 1965, le gouverneur
Sicurani évoqua la complémentarité des
cultures française et polynésienne, dont les
tableaux du célèbre peintre étaient pour lui la
plus flagrante illustration. A la fin de la même
l’étude de la
année, il demanda à John Martin, futur
académicien, de faire mûrir ce projet de
défense de la culture
polynésienne.
1967, il fit adopter le principe de la
d’une Académie tahitienne par le
En
création
Conseil
de
Gouvernement.
Mais
dans
sa
conception, cette académie n’aurait été qu’une
imitation colorée de l’Académie française,
dont les buts devaient
se
Les Immortels
reconnaissance de la
Immémoriaux.,. La
création de l'Académie
tahitienne (ci-dessus),
souhaitée dès 1967 par
le gouverneur
Jean Sicurani
ma
remplacent les
consacre
officiellement la
langue et de la culture
'ohi.
gauche :
La première grammaire
officielle, publiée en
1987 par l'Académie
A
tahitienne,
a
l’ambition
de devenir un ouvrage
de référence.
limiter à l’étude de “la
grammaire, de la poétique, ou de la
rhétorique, à des observations critiques sur les
beautés
ou
les
traductions”.
folklorisante
défauts des auteurs, et des
Une
de la
conséquent, et
conception
culture
limitée
tahitienne
et
par
ce, d’autant plus que les
membres de cette assemblée auraient dû être
vêtus à la mode coloniale, pour reproduire le
côté
solennel
française.
et
grandiose de l’Académie
C’est une tout autre institution qui vit
finalement le jour, en 1975, au terme de sept
années de palabres et de réflexion.
En 1972, le conseiller territorial autono¬
miste Henri .Bouvier avait eu le courage de
dire que cette académie ne devait pas devenir
“le conservatoire d’une langue morte”. Son
rôle devrait plutôt être de “donner aux Poly¬
nésiens
66
d’aujourd’hui le meilleur outil d’accul¬
Le Musée
Gauguin, qui
ne possède aucune des
grandes œuvres de la
période polynésienne
du peintre, réussit
cependant, grâce à son
conservateur
Gilles Artur, à en
présenter 18 œuvres
originales (gravures,
sculptures.
monotypes...). Le
Territoire est devenu
propriétaire du Musée
1983 et lui alloue une
subvention (12 millions
en
en
1986, mais 10 en
1987), tandis que
budget est de
son
59 millions. En 1986, il a
été visité par
65 000 personnes.
CULTURE ET RENOUVEAU CULTUREL
avait confié la conception et la
Bengt Danielsson qui semblait
puisque ce parfait connaisseur
l’histoire ancienne de la Polynésie était
l’ouvrage,
en
réalisation à
faire l’affaire
de
aussi l’ancien directeur du Musée national de
Une désignation unanimement
approuvée, jusqu’à ce que le représentant de
l’État s’aperçoive que le consul honoraire de
Suède.
Suède est
un
adversaire de la bombe et
un
partisan de l’émancipation du Territoire. C’en
était trop, et au terme d’un feuilleton politicoscientifique qui devait défrayer la chronique
locale, B. Danielsson était remercié et Henri
Lavondès, ethnologue de l’O.R.S.T.O.M.,
nommé directeur du Musée en 1972. Une
fonction qu’il devait abandonner en 1976,
“écœuré”, passant la main à son épouse Anne
Lavondès, ethno-muséologue appartenant au
même organisme et qui avait réalisé un
inventaire des “Collections ethnographiques
archéologiques” du vieux Musée de la rue
Lagarde. Le Musée de la Pointe des Pêcheurs,
avec ses trois salles consacrées au milieu
naturel, à l’archéologie et à l’histoire de la
Polynésie (le projet de B. Danielsson était fort
différent), finira, sous sa houlette, par ouvrir
et
ses
en 1977.
Il faudra attendre 1980 pour que
portes au
public
Maco
Tevane, alors conseiller de gouvernement à la
Culture, complète sa structure par l’addition
département “Traditions” et d’un
département “Recherches archéologiques”,
d’un
qui peut enfin prendre le nom de
polynésien des Sciences humaines.
Comment, néanmoins, ne pas regretter qu’on
n’ait pas songé à y ajouter un département
“Sociologie et Anthropologie”, préférant
autour de ce
Centre
Anne
Lavondès, ethno-
muséologue de
l'O.R.S.T.O.M.,
a
dirigé
de 1976 à 1983 le Musée
de Tahiti et des Iles
(en bas). Une
direction qui est assurée
actuellement par
Manouche Lehartel.
L’Office territorial
d’Action culturelle a
perdu au fil des ans son
autonomie et son souffle
propre.
On est loin de
de la Maison
i’époque
des Jeunes et de la
Culture dirigée par
Henri Hiro.
pour l’instant replier ses
étude du passé et de ses
activités sur la seule
survivances.
L’Office territorial d’Action
culturelle
Comme
le
C.P.S.H.,
l’Office
territorial
d’Action culturelle (O.T.A.C.), de son nom
tahitien “la maison des temps qui se lèvent”
(Te Tare Tauhiti Nui), vit le jour en 1980. Il
succédait en réalité à la Maison des Jeunes Maison de la Culture (M.J.-M.C.) de Papeete,
créée
en
œuvres
faciliter la diffusion des
Tahiti, en
implicite à la culture française. A
1970 pour
culturelles et artistiques à
référenee
l’inverse, la transformation de la M.J.-M.C.
O.T.A.C., en 1980, témoigne de la volonté
en
développer conjointement la
française.
Le Tare Tauhiti Nui, comme le Ana Vaha
Rau, est également divisé en trois
départements : “Recherche et création”,
“Animation et diffusion”, “Fêtes et mani¬
festations”. Malheureusement, il semble être
devenu, à partir des années 1980, un simple
service administratif, sans grande autonomie,
sans
grand dynamisme, et sans grande
envergure,
très dépendant du ministère
officielle
de
culture ma’ohi et la culture
territorial de la Culture et de
l’Éducation.
En bas, à droite ;
Le Centre des Métiers
Mamao, est
devenu, sous l’impulsion
de son directeur
Henri Bouvier, uneécole
de formation artistique
d’Art de
les jeunes
Polynésiens, souvent en
marge du système
éducatif traditionnel, qui
pour
trouvent là l’occasion
d'apprendre un métier
relation avec leur
culture.
en
A droite :
Bengt et Marie-Thérèse
Danielsson,
ethnologues et
écrivains, sont les
témoins passionnés de
l’histoire polynésienne.
Leur bibliothèque a été
acquise par le Territoire
en 1986 pour son Centre
universitaire.
67
POLYNÉSIE
VIVRE EN
Les manifestations
culturelles
difficile
taIhitI* n\j, ^ présente
D.
MANAO
de
Arnaud
comparer
“Moemoea”
“Les Immémoriaux”
ou
de
de
Segara, inspiré du roman de Victor Ségalen
et
dans lequel Henri Hiro tient le rôle
principal, avec “Les rescapés de Tikeroa” ou
“Le pasteur et la vanille”...
J.
premières grandes manifestations
n’apparaissent véritablement qu’en
1976. Cette année-là, l’arrivée de la pirogue
Les
Avec la transformation de la M.J.-M.C.
culturelles
O.T.A.C., son ancien directeur, Henri
Hiro, devient simple directeur du
département de la création, avant d’aban¬
en
Hokulea, venant de Hawaii, pour
ressusciter les voyages des anciens Polyné¬
double
populaire spontané qui surprit par son
ampleur et fit penser à juste titre que les
ses fonctions pour aller diriger la
publication hebdomadaire de l’Église évan¬
gélique, Te Ve’a Porotetani, tout en conti¬
sur
au
célébraient moins l’exploit sportif des
navigateurs hawaïens qu’une identité cultu¬
relle perdue dont on cherchait les racines dans
un passé glorieux.
Dix ans plus tard, le périple de la pirogue
dont il deviendra
siens, fut l’occasion d’un large rassemblement
donner
milliers de Tahitiens venus accueillir Hokulea
la plage de Paofai, qui désormais porte son
nom,
double
Hawaiki
Nui
la
vers
Nouvelle-
Zélande, concrétisant le rêve de F. Cowan et
sculpteur Matahi Brightwell, suscita un
moindre engouement. Les manifestations
culturelles s’étant diversifiées, et multipliées,
durant ces dix années, la pirogue n’était plus le
symbole de ce renouveau identitaire poly¬
du
nésien.
incontestablement
Maison
la
des
Jeunes-Maison de la Culture de Tipaerui qui,
avec le concours de l’Office du Tourisme, fut
le
principales
des
cadre
manifestations
ce jusqu’au
culturelles dans les années 1970, et
début des années 1980.
On doit à la personne
passionné
manifesta
par
de Henri Hiro,
la culture ma’ohi, cet élan qui se
au
moment
où
le
cœur
de
la
Polynésie battait au rythme du combat
politique pour l’autonomie interne, et pour
une reconnaissance des spécificités polyné¬
siennes, notamment dans l’enseignement de la
langue.
Henri Hiro, jeune intellectuel licencié en
théologie (tout comme son ami Duro
Raapoto qui est un des grands noms du
mouvement
de
renouveau
culturel traditio¬
naliste), fut tout d’abord étudiant à l’univer¬
sité de Montpellier où il côtoyait alors Jacqui
Drollet et Jean-Paul Barrai avec qui il créera
en
1975 le parti indépendantiste socialiste
autogestionnaire la Mana Te Nuna’a.
Animateur du mouvement écologiste la Ora
Te Natura, il donna une impulsion inégalée à
la
Maison des Jeunes et de la Culture de
Tipaerui, qui publia pendant un certain temps
un journal à l’expression très libre, intitulé
Reflets.
Malheureusement,
l’engagement
politique de certains animateurs, au moment
même où le groupe Te Toto Tupuna
commettait des actes d’une violence extrême,
et où se déroulait la célèbre mutinerie de la
prison de Nuutania, porta préjudice à leur
action culturelle.
A la révolte intellectuelle
qui trouvait son
privilégiée dans l’écriture et
notamment la poésie, va succéder, au sein de
la M.J.-M.C., le temps de la création cinéma¬
tographique et théâtrale. Mais les produc¬
expression
tions de la fin des années 70 et du début des
années 1980 furent de qualité inégale, et il est
68
en
comédien, ils tentèrent de donner
1986.
RÉSERVATIONS : TÉL
;
John Mairai de
longtemps meilleur
collaboration
avec
son
côté continue d’œuvrer
le développement d’un théâtre populaire
qui obtient beaucoup de succès auprès d’un
public polynésien bon enfant et très sensible à
l’humour caustique dont il fait preuve dans ses
pour
danseur du Tiurai des
années 60, est
i’interprétation de
spectacles aux textes
d'une grande richesse
écrits parfois en
de
ballets ma’ohi aux noms hautement symbo¬
liques, à mi-chemin entre la danse et le théâtre.
42.88.50
Ci-dessous :
Coco Hotahota,
rO.T.A.C. Sa troupe
exceiie dans
un peu
ce Tare Tauhiti Nui à bout de
souffle. On doit à Coco la mise en scène de
dynamisme à
IB JEUDI 21, VENDREDI 22, SAMEDI 23
NOVEMBRE A 20 HEURES
AV GRAND théâtre DE L'O.T.A.C.
i'atelier de danse de
C’est
vice-président
Quant à Coco Hotahota, danseur et
chorégraphe polynésien, et John Mairai,
aujourd'hui directeur de
Les soubresauts de la M.J.-M.C.
activités militantes, mais cette fois
sein du Tavini Huira’atira d’Oscar Temaru,
nuant ses
John Mairal (ci-dessous),
chef de l'atelier
du théâtre polynésien
l'on voit ici
préparant la mise
que
scène d'une de
en
ses
pièces très appréciées
public.
du
En bas :
Henri Hiro, ancien
directeur de l’O.T.A.C., a
quitté le monde des
institutions culturelles
officielles pour vivre au
milieu de la population
de Huahine où il milite
activement pour
l’indépendance de
pays.
son
CULTURE ET RENOUVEAU CULTUREL
dialogues et dans la mise en scène de ses
personnages confrontés aux problèmes de la
vie de tous les jours.
La culture
On doit à
spectacle
autre Polynésien, également
engagé dans la vie politique (militant du Ea no
Maohinui) et archéologue de métier,
Raymond Graffe Teriierooiterai, d’avoir su
un
ressusciter un certain nombre de manifes¬
tations culturelles ancestrales à partir des
années 70. Ces cérémonies prennent la forme
de vastes reconstitutions historiques, telles
Les reconstitutions
historiques des grandes
cérémonies de la vie
polynésienne
d'autrefois connaissent
de nos jours un
renouveau, sous
l’impulsion de
Raymond Graffe.
La marche
sur le feu,
dernière en date, suscite
de la part des
spectateurs et des
participants, un
enthousiasme souvent
peu respectueux des
interdits qui entourent
sa pratique, devenue au
demeurant fort lucrative.
Le projet Hawalki Nul
doit incontestablement
son
aboutissement à la
patience de F. Cowan et
courage du jeune
sculpteur et navigateur
maori Matahi Brightweli
que l’on voit ici renouer
avec l’art du tatouage.
La grande pirogue
au
double rallia
en
1986
l’archipel de la Société à
la Nouvelle-Zélande,
tandis qu’un an plustard
Hokule'a (en bas :
photographiée ici sur la
plage de Pirae) reprenait
son péripledepuisTahiti
à destination de
Honolulu.
que le couronnement d’un ari’i au marae
Arahurahu de Paea ou bien encore la marche
sur
le
feu
(umu ti),
un
spectacle auquel
participe chaque année un nombre croissant
de personnes de toutes ethnies, dans les
jardins du Musée de Tahiti et des lies à
Punaauia.
Raymond Graffe veille minutieusement à
que soient respectés les moindres détails des
rites de ces cérémonies, qui ont été transmis
ce
les récits des missionnaires et des naviga¬
Mais l’engouement du public polyné¬
sien ou européen ne saurait faire oublier qu’il
s’agit là seulement de reconstitutions histopar
teurs.
riques à caractère touristique et marchand, ce
qu’ont parfois tendance à oublier les prota¬
gonistes eux-mêmes, emportés par l’enthou¬
siasme que suscitent ces manifestations.
Les années 1980 ont aussi été marquées
par la renaissance du tatouage, pratique
traditionnelle autrefois très répandue (le mot
“tatouer” dérive du terme polynésien lalaii).
C’est ainsi qu’en 1984 et pour la première fois
depuis cent cinquante ans, deux jeunes
garçons originaires de Rurutu ont été initiés
dans leur île à toutes les techniques du
tatouage par le toofa Tavana Matagialaloa.
Tavana Matagialaloa est avant tout célèbre en
tant que chef de l’établissement
qui porte son
nom, à Honolulu, le “Tavana’s”, dans lequel
se produisent des groupes de danse de
grande
qualité, dont la réputation n’est plus à faire à
Hawaii. Pendant de longues années, il a
organisé dans le monde entier des tournées
internationales de danse polynésienne, et sa
plus grande satisfaction est de voir l’art du
tatouage renaître à Tahiti aujourd’hui.
En
se
faisant tatouer entièrement le corps
(à l’exception des mains, des pieds et du
visage) par le grand tatoueur samoan Lésa
Li’o, un de ses danseurs, loteve Tuhipua, dit
Teve, est devenu le symbole vivant de cette
renaissance du tatouage. Il dut souffrir durant
six semaines pour en arriver là, alors qu’une
telle opération eût pris environ deux ans,
autrefois. Les techniques utilisées étant les
mêmes que celles des temps anciens, les
samoans
ont
voulu tenir un
véritable pari en les appliquant dans les
conditions d’hygiène et de sécurité aujour¬
d’hui nécessaires. Depuis, Teve est devenu
tatoueurs
nombre de jeunes Tahitiens un modèle,
aucun n’a suivi son exemple
jusqu’au
bout, en se livrant tout entier à l’art des tatatau
samoans, des centaines d’entre eux se sont fait
tatouer une partie du corps.
pour
et
si
L’Office territorial d’Action Culturelle a
ainsi édifié en 1983 un/drepo/ee (une maison
traditionnelle ouverte), dans ses jardins,
destiné à accueillir durant les fêtes du Tiurai
les
tatoueurs
153 candidats
entre
Pendant
samoans.
11
jours,
tatouage sont ainsi passés
leurs mains (138 hommes et 15 femmes),
au
s’ajoutant à la centaine de personnes tatouées
1982. Depuis, l’opération se poursuit ; ainsi
Raymond Graffe a organisé une séance de
tatouage à l’Ecole normale, lors de la journée
en
culturelle ma’ohi du 21
mars
1986. 11
ne
faut
oublier non plus que des centaines de
jeunes gens se font tatouer par des amateurs,
ou se tatouent eux-mêmes, ce qui prouve
l’importance du phénomène en Polynésie, à
pas
l’heure actuelle.
journées
tatouage de
des responsables
faisait état de la “détermination profonde”
Lors
des
rO.T.A.C.
en
1983,
de
un
qu’il avait ressentie chez tous les candidats
inscrits.
parmi
Toutefois, il faut remarquer que
les
138
hommes
tatoués à
cette
occasion, les trois quarts étaient des Euro¬
péens qui “s’apprêtaient à regagner la
Métropole”, et que parmi les quinze jeunes
femmes tatouées, on comptait trois touristes
américaines. En 1987, les séances de tatouage
de rO.T.A.C. ont été annulées par mesure de
précaution contre le sida... un cruel rappel à la
réalité pour la jeunesse ma’ohi.
69
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Les fêtes et
manifestations
institutionnelles
du 14 juillet
Le Tiurai
musique situé face au palais de la reine. Les
des districts mettaient à profit ces
journées de fête pour rencontrer les parents ou
amis de Papeete, avec qui l’on échangeait
force cadeaux, tandis que les représentants
des autorités municipales ou coloniales se
voyaient également remettre de multiples
présents. Enfin, l’hébergement improvisé dans
le mois de juillet (tiurai) soit
aujourd’hui consacré à la célébration de la
davantage de personnes
gens
Bien que
culture ma'ohi, et au culte de
l’authenticité
retrouvée, les fêtes qui s’y déroulent depuis
l’annexion
volonté
de
trouvent
leur
origine dans la
l’administration
coloniale
de
chaque 14 juillet l’appartenance de la
Polynésie à la France.
11 est significatif au regard du processus
de syncrétisme culturel qui s’est opéré en
Polynésie de constater combien a évolué le
célébrer
de cette commémoration, même si le
sens
remplacement du Tiurai
par
le Heiva, depuis
1985, traduit la volonté des dirigeants du
Territoire de transformer “par décret” les fêtes
alors que leur signification est l’héri¬
tage de plus de 100 ans d’une histoire très
mouvementée mais aussi très révélatrice du
de juillet,
rapport étroit qui unit la culture et le pouvoir
situation coloniale (ou post-coloniale).
en
Le Tiurai des gouverneurs
n’avait paradoxalement aucune
sein des premiers Tiurai organisés par
les gouverneurs, si l’on excepte une tentative
qui eut lieu en 1895. C’est précisément cette
année-là qu’apparut la première contestation
La
danse
place
du
au
Tiurai,
une
contestation émanant des
descendants du clan des Teva, qui refusaient
de participer aux cérémonies officielles. Ceci
eut
effet de déclencher les foudres du
qui décréta alors l’obligation
tous les citoyens français de s’y joindre.
pour
gouverneur,
pour
11 fallut attendre le début du XX= siècle
pour que la danse réapparaisse pendant le
Tiurai. Elle avait été interdite dès 1820 aux îles
Sous-le-Vent, par le premier code indigène
sous l’influence des missionnaires, inter¬
écrit
diction
réitérée par
Pômare IV datant de
le code de la reine
1842, et par les autorités
françaises à plusieurs reprises tout
au long du
XIX' siècle. Les manifestations du Tiurai se
limitaient alors à des parades militaires, à
quelques retraites aux flambeaux, salves de
coups de canon ou encore prestations de la
fanfare
coloniale, tandis que le point
culminant de ces fêtes très patriotiques
résidait dans le bal du 13 juillet au soir, chez le
gouverneur. Les “indigènes” étaient absents
de ces cérémonies, mais on avait prévu à leur
intention des jeux collectifs afin de distraire
“le bon peuple des Établissements français de
l’Océanie” qui trouvait néanmoins
sympathique cette occasion de se rassembler
en-dehors du cadre très strict et réglementé
des cérémonies communautaires religieuses
rythmant la vie des districts polynésiens.
Le Tiurai fut bientôt organisé par la
municipalité de Papeete, et les premières
représentations de danse eurent lieu place
Tarahoi, autour du fameux kiosque à
70
écoles
les
ou
chez
l’habitant, donnait
caractère spontané et
Tiurai qui rassembla
un
communautaire au
d’année en année
venues des districts et
même de toutes les îles Sous-le-Vent.
porteurs de
fruits, des spectacles de himene ou
de ori tahiti, on concourt avant tout pour
la
gloire, même si les récompenses en argent sont
là pour en marquer le souvenir et pour
permettre aux participants de s’acquitter en
partie des dettes que pouvait entraîner un
séjour en ville durant un mois de réjouissances
sans
limites.
A
partir de 1956, le Tiurai connaît
évolution radicale
tutrice
sous
une
la conduite d’une insti¬
particulièrement
dynamique,
Madeleine Moua, qui crée un groupe de danse
du nom de “Heiva” et cherche à codifier les
de danse pour enrichir le folklore
polynésien et redonner ses véritables lettres de
pas
Du Tiurai des districts
au Tiurai urbain
Jusque dans les années 50, le Tiurai a conservé
typiquement polynésien que lui
participants, en saisissant le
prétexte d’une fête française pour mieux
réaffirmer les rivalités entre les entités géo¬
graphiques ancestrales, ou les différentes îles
de Polynésie.
Qu’il s’agisse des courses de pirogues, du
tressage du niau ou du pae'ore, des courses de
ce
caractère
ont
donné
ses
noblesse à la danse. Mais
avec
“Heiva” les
cessent d’être associés à un lieu
géographique pour devenir des troupes semigroupes
professionnelles au
de nombreux jeunes
sein desquelles évoluent
Demis issus de la ville. La
danse évolue, et ce faisant elle change de
caractère ; beaucoup voient en elle un moyen
de voyager à travers le monde, dès lors que
s’ouvre la piste de l’aéroport international de
Faaa en 1961. Pourtant, l’impulsion que lui a
donnée Madeleine a été décisive quant à
CULTURE ET RENOUVEAU CULTUREL
l’enrichissement des techniques. Les groupes
des îles et archipels éloignés apportent
de leur côté la spontanéité et l’innovation qui
venus
font
parfois défaut aux troupes de Papeete,
qui ne différencient pas toujours leurs
prestations dans les hôtels de celles qu’elles
effectuent pour les fêtes du Tiurai.
Le Tiurai de la contestation
Signe des temps, l’organisation du Tiurai
passe entre les mains de l’Office du Tourisme
en
1963. A partir de 1968, il se déplace de
Tarahoi à Vaiete, et tend à perdre de son
souffle au fil des années, alors que les Tiurai
des îles Sous-le-Vent connaissent
grandissant.
Pourtant,
la
danse,
un
comme
d’expression artistique, devient
succès
figure
de
un moyen
contestation à travers la personne
de Coco
Hotahota, chef du groupe “Te Maeva”, et lui-
même ancien
définit
danseur de
volontiers
Madeleine.
un
comme
Ci-dessus et à droite :
Le ole’a refait son entrée
officielle au Tiurai grâce
à Madeleine Moua qui
ressuscite l'art du ori
tahiti. Madeleine recevra
en 1987 la médaille de
Chevalier des Arts et des
Lettres pour sa
contribution au
renouveau de la culture
polynésienne.
11
se
provocateur.
En haut, à droite :
Les participants de ce
Tiurai du début du
XX' siècle offrent,
malgré leurs costumes
d’apparat et leurs
de tête,
regard triste,
singulièrement empreint
d’une gravité qui tranche
couronnes
un
le sourire des
danseurs des années 80.
avec
Les défilés militaires
Page de gauche :
Les premiers Tiurai sous
signe de l’ambiguïté.
De grands
le
rassemblements
typiquement
polynésiens à i’ombre
des trois couleurs pour
commémorer la prise de
la Bastille. Le royaume
des Pômare vient d’être
annexé à la République.
prestigieux ont vécu (ici,
le 14 juillet 1974 sur
l’avenue Bruat). Ils
perdent de leur lustre, et
de leur intérêt, au profit
des défilés des
associations artisanales
et
sportives, organisés
à Pirae le 29 juin depuis
1985 (fête de
l'Autonomie interne).
D’ailleurs, le mot
“Tiurai" est banni du
langage officiel, au
profit de ‘’Heiva’’. Mais
réforme-t-on la culture
par
décret ?
71
VIVRE EN
POLYNÉSIE
mais ses innovations sont porteuses d’inter¬
rogations sincères qui donnent à ses spectacles
ce dynamisme et cette richesse tant attendus
chaque année. En 1980, en signe de protes¬
tation
contre
l’utilisation
croissante
de
synthétiques dans les costumes
folkloriques, il n’hésite pas à faire danser sa
troupe avec des more sur lesquels ont été
matériaux
fixées des boîtes de
conserve.
laiire'are’a envahissent la
En 1985, ses
piste de Vaiete vêtus
de vêtements occidentaux, enfourchant des
motos, un
walkman
sur
les oreilles, avant de se
attributs du monde
moderne, pour mieux chanter et exprimer leur
dépouiller
de
ces
fierté d’être au fond d’eux-mêmes des Ma'ohi.
Il introduit également des thèmes originaux
dans
ses
spectacles, à mi-chemin entre la pièce
de théâtre et le
ballet-musical, tels
ceux
de
l’accouplement ou de l’accouchement, qui
symbolisent pour lui la vie ; une thématique
qui lui vaut d’être un artiste très controversé et
parfois incompris. Qu’importe ! Grâce à Coco
Hotahota,
le Tiurai
prend une autre
dimension : son spectacle a une dimension
culturelle qui l’éloigne d’un certain folklore.
1985
:
le Tiurai du Président
En 1985, la Polynésie française fut chargée
d’organiser le Festival des Arts du Pacifique
Sud, un rassemblement culturel au cours
duquel des délégations de tous les Etats ou
territoires océaniens ont la possibilité de
témoigner de la vivacité de leurs traditions,
par le biais des chants et des danses de leur
pays.
Gaston
Flosse, alors président du Terri¬
toire, décida de bouleverser le calendrier du
Tiurai et de faire débuter les fêtes le 29 juin.
La
accédé à l’autonomie
interne au mois de septembre 1985, pourra
ainsi manifester ce jour-là son attachement à
la France et son appartenance à l’ensemble
océanien. Le 29 juin est en effet l’anniversaire
Polynésie française qui
du don de Tahiti et de
a
ses
îles à la Mère-Patrie,
Quoi de plus habile, dès lors, que de
déguiser le recul du pouvoir de l’État en
Polynésie grâce à l’autonomie interne, en
symbole du patriotisme français des Tahi¬
tiens ! Dès lors, le Festival des Arts est conçu
comme un moyen de prouver aux autres pays
indépendants du Pacifique que le statut
d’autonomie dont jouit désormais la
Polynésie est le garant du développement
économique sans pour autant remettre en
cause l’authenticité proclamée de la culture
ma'ohi. Signe de cette récupération politique
du Tiurai, à certaines fins nationalistes à peine
déguisées, le Tiurai est débaptisé et prend le
nom de “Heiva
Vae Vae” (Grand rassem¬
blement) ou de “Heiva i Tahiti”.
Le
président G. Flosse ne cachera
d’ailleurs pas à l’issue du Festival des Arts que
en
1880.
le but recherché avait été atteint, en déclarant :
“l’objectif culturel, bien évidemment, était
fondamental, mais le second objectif était de
faire connaître notre pays à toutes ces popu¬
lations du Pacifique quijugeaient la Polynésie
française à travers des articles mal inten¬
tionnés à notre égard. Sur ce plan là, nous
avons
gagné, je le crois, car toutes les
personnalités qui nous étaient peu favorables,
sont unanimes pour faire eonnaître que la
Polynésie est le pays le plus avancé du
Pacifique Sud” (La Dépêche de Tahiti,
17 juillet 1985).
Heiva I Tahiti. Alors que
Gaston Flosse débaptise
le Tiurai devenu Heiva I
Tahiti (à gauche), pour
fêter l'autonomie interne
dans le cadre de la
République, la
commune
de Mahina
organise depuis 1986
ses propres fêtes du
14 juillet. Ce n'est pas
une résurgence des
anciennes rivalités de
districts, mais la
conséquence d'une
querelle politique avec
le pouvoir territorial en
place. Et Jean Juventin
entre également dans la
danse aux côtés de
Miss Papeete,
“Purotu Ai'a 1987”.
72
Le Tiurai
a
donc vécu... mais peut-on
décret l’usage du terme “Heiva”,
alors que celui de Tiurai s’inscrit dans une
perspective sociologique et historique bien
plus riche en signification ? Dernier signe des
temps
:
le maire de Mahina, Emile
Vernaudon, réagit en organisant son propre
14 juillet sur sa commune, à partir de 1986,
tandis qu’un an plus tard, la ville de Papeete
entend répondre au Heiva par l’instauration
des fêtes du “Taupiti” correspondant à l’anni¬
versaire de la municipalité.
imposer
par
Néanmoins, une chose est certaine : avec
l’exemple du Festival des Arts et la trans¬
formation du Tiurai
en
Heiva, la culture
apparaît nettement comme un enjeu politique,
non seulement à Tahiti même, ce qui pourrait
se
comprendre (à la rigueur, comment
pourrait-il en être autrement ?), mais aussi
dans le cadre de la politique stratégique de
maintien de la France dans le Pacifique tout
entier. Heureusement que le roi Pômare V
n’avait pas eu l’idée de donner Tahiti à la
France
au
mois de décembre...
alors le Tiurai
en
on
même temps que
fêterait
Noël !
Que la culture soit un enjeu de pouvoir ne
pas
faire oublier qu’elle pourrait
également être mise au service du dévelop¬
pement réel de la population polynésienne, et
non d’une mise en évidence politicienne des
effets apparents de ce développement, sur les
seuls plans de la technique ou du bien-être
économique. Max Weber avait sûrement
raison lorsqu’il écrivait que l’éthique du
savant et celle de l’homme politique étaient
inconciliables. La sociologie de la culture en
Polynésie française le prouve au quotidien.
doit
13 Les îles du Vent
Les changements de tous ordres qu’a connus le Territoire
au cours de ceshérité
deux
démo-socio-spatial
Le
les
conduit, dans les chapitres 13 et 14, à distinguer deux grands ensembles. Le premier
eux
dernières décennies
se
sont inscrits dans un contexte
(le contexte géographique tel que nous l’entendons) qui a très largement
contribué à les orienter, à les freiner ou à les accélérer. Une mutation globale qui, en
retour, a entraîné la restructuration de l’espace territorial. Une restructuration qui nous
de l’histoire
du Vent qui comportent deux entités socio-spatiales : Papeete
“zone urbaine” telle qu’elle a déjà été identifiée fi/o/r volume 8,
pp. 32-33) : la zone dite “rurale” - cet adjectif a une valeur toute relative - qui vit,
contiguïté spatiale oblige, dans la dépendance directe de l’agglomération. Second
grand ensemble géographique qui sera étudié dans le chapitre 14 : le monde des
“archipels” que, au mépris d’innombrables différenciations introduites par l’histoire et
la géographie (voir volume 1, ch. 1 ), nous traiterons comme une seule et même entité
dotée de là relative “autonomie” que lui confèrent la distance, les caractères de son
peuplement et de son organisation sociale.
Un découpage “régional” qui, bien entendu, n’était pas acquis dans les années 60,
est constitué par les îles
et son agglomération, la
déjà inscrite virtuellement dans certains faits qu’il nous faut
rappeler. Le recensement de 1962 nous apprend en effet que Tahiti rassemble déjà
45 400 des 84 600 habitants de la Polynésie française. Une population qui se concentre
à concurrence de 78% à Papeete et dans les districts qui constituent l’actuelle “zone
urbaine”, espace privilégié de résidence des popa’a, de certains Chinois et Demis qui,
en monopolisant certaines activités (notamment tertiaires) contrôlent la vie politique
même si
sa
réalité est
et sociale du Territoire.
Le processus de croissance urbaine aux conséquences spatiales (élimination
progressive des zones agricoles par densification de l’habitat) encore limitées qui va
aboutir à la restructuration de l’espace des îles du Vent est donc entamé. A défaut de
pouvoir dresser une chronologie précise de ce processus (non contemporanéité des
documents cartographiques, démographiques et socio-économiques disponibles),
nous nous efforcerons dans les quatre premiers sujets de ce chapitre de relater la
génèse de la ville et de l’agglomération, d’analyser ses cadres de vie. Avant de montrer,
dans les trois derniers sujets, comment le “grand Papeete” exerce sa domination sur
son
hinterland des îles du Vent.
La formation
de la ville coloniale
que
Papeete est née entre 1820 et 1830 parce
les Pômare, qui viennent d’unifier politi¬
quement Tahiti avec l’appui
intéressé des
européens,
décidé de transférer l’embryon de pouvoir
missionnaires et des marchands
ont
centralisé
qu’ils détiennent
sur un
site qui
se
prête particulièrement à l’établissement de
relations
avec
le monde extérieur.
signification pour le
capitale des E.F.O. qui, dans les
circonstances historiques troublées de
l’imposition du Protectorat, va être entériné
par Armand Bruat qui jette les fondations
d’une ville dont le développement initial, lent
à s’affirmer, est lié à l’émergence et à la conso¬
lidation d’une formation sociale coloniale qui
connaît son apogée entre les deux guerres. La
crise qu’elle traverse,
après 1945 (voir
volume H, p. 16). ouvre un nouveau chapitre
de l’histoire de Papeete (voir pp. 76-77).
Un choix lourd de
devenir de la
Papeete tahitien ;
prémices du phénomène urbain
spécialistes ne sont pas d’accord entre
“Papeete n’existait pas” avant l’arrivée
des Européens ; “Papeete (était) faiblement
peuplée”. Une seule chose est sûre, le site de la
future capitale des E.F.O. ne faisait pas l’objet
d’une occupation humaine notable, démogra¬
phiquement et socialement. Pour une raison
qui nous paraît évidente, les Pômare qui
Les
:
contrôlaient le
Porionu’u,
une
des six entités
territoriales de Tahiti (une entité qui d’ailleurs
en cette fin du XVIIF siècle ne faisait pas le
poids comparée aux grandes principautés de
Tahiti Nui et de la presqu’île) n’avaient pas
principale dans un lieu qui,
historique de l’ancienne
Polynésie, n’était pas valorisé religieusement
et politiquement. Parce que les hommes, à
l’origine, ne s’y étaient pas installés, rebutés
par le caractère partiellement marécageux du
leur résidence
dans
le
contexte
site ? Peut-être. Les lacunes de l’information
historique ne nous permettent pas
d’interpréter correctement les faits relevant de
l’ordre de la nature.
Nous
ne
voyons
pas
en
revanche
pourquoi, toutes choses égales par ailleurs, la
rade de Papeete aurait davantage fixé les
hommes. Tout simplement parce que dans le
contexte politique (absence d’un pouvoir
politique insulaire de vaste compétence terri¬
toriale) et techno-économique du temps
(navigation en pirogues, faiblesse relative et
nature
non
monétaire des échanges), les
“avantages” dont l’a dotée la nature n’avaient
rien de décisif pour les anciens Polynésiens.
Des avantages - un vaste plan d’eau (200 hec¬
tares) bien abrité des houles et des vents
dominants et ouvert
large et
sur
profonde (Il
l’océan par une passe
mètres)
-
que
manquer
de remarquer
baleiniers et marchands qui, à compter
pouvaient
1790,
viennent
fréquenter
les
toujours
parages
plus
tahitiens
ne
les
de
nombreux
pour
se
Papeete en 1851 et vers
1984. Du comptoir
colonial noyé dans la
verdure à la ville néocoloniale envahie par le
béton, le contraste est
saisissant. Restent les
navires qui, à quelque
130 ans d’intervalle,
symbolisent toujours
la dépendance de la
Polynésie à l'égard du
monde extérieur.
73
POLYNÉSIE
VIVRE EN
ra\itailler et
commercer.
repérage
Un
appa¬
Le “Papeete colonial”,
quand on sort des
quartiers du centre ville,
est une cité à l’aspect
fort peu urbain. Des
tardif, puisque Duperrey. en mission
cartographique est l’un des premiers à avoir
montré (en 182.1) l’intérêt de la rade de
remment
insulaires constituant
Papeete où les baleiniers commencent à faire
population
(voir p. 75)
peuvent y camper
provisoirement
(le cliché du bas a été
pris en 1910) ou s’y
installer plus
une
relâche (voir volume 6. p. 76). La carte qu’il
dresse alors montre que la baie est encore
déserte : on ne reconnaît que l’habitation du
pasteur Crook (installé depuis
la résidence (secondaire)
“flottante”
1818). le temple
de la famille
et
royale.
durablement en édifiant
un habitat typiquement
rural (Hamuta, derrière
la rue des Remparts, sur
le cliché ci-contre
Visiblement, à cette époque, les navires
à mouiller dans la rade de
Matavai. à proximité de l’embouchure de la
continuent
pris vers 1960).
Papaoa (Pointe Vénus), lieu chargé d’histoire
où résident les Pômare et le pasteur Nott fvo/r
volume 6, p. 77). Papaoa est encore le siège
d’un embryon de pouvoir central tahitien dont
l’émergence et la consolidation depuis la
Découverte reposent très largement sur le
contrôle
des
transactions
avec
le
monde
extérieur.
Papeete est née dans les années 1830 (en
1827 exactement), le jour où Pômare Vahiné,
suivie des consuls, décida d’y fixer sa résidence
principale, entraînant
déclin de Matavai.
l’intervention
relaterons pas
compte I 600
En
par
le fait même le
1838, à la veille de
de
(1) Effectifs apparemment surestimés.
(2) Militaires et population ‘'flottante"
non comptés.
habitants.
Papeete français à
Le
Évolution de la population
Papeete (1838-1962)
Français dont nous ne
ici les circonstances, Papeete
des
ses
débuts
G. Tetiarahi l’a noté (nous renvoyons
à ses
le détail des faits), le capitaine de
vaisseau Bruat, dont l’œuvre sera reprise et
amplifiée par ses successeurs à partir de 1847,
était un militaire doté de sens politique.
travaux pour
Contrairement à certains de
ses
qui contestent
compagnons
ses vues - ils préfèrent les sites
de Matavai et de Port-Phaeton - il va, avec
l’appui de Paris, “décider de concrétiser la
présence française en renforçant ce qui forme
déjà le germe urbain de Papeete”. Non
seulement parce que, dans la conjoncture
insurrectionnelle de 1843-1844 (voir volume 7.
pp.
16-17), le site
“blockhaus”
a
des vertus défensives (les
édifiés
sur
les
premiers
contreforts montagneux et les fortifications
Papeava disparaîtront progressivement),
mais aussi et surtout parce qu’il s’identifie nous l’avons montré -à un espace
déjà valorisé
politiquement et économiquement par le
pouvoir tahitien. Un espace qu’il importait de
contrôler en s’y implantant solidement. Une
politique dont Bruat va être l’initiateuravec le
capitaine de vaisseau Rimbaud, le premier
“urbaniste” de Papeete. Les deux hommes
vont construire des ponts, mener les premiers
travaux de drainage, bâtir les casernes et les
bâtiments administratifs qui sont les premiers
signes tangibles de la présence française. Tous
ces travaux conduits par la
garnison militaire
et par des spécialistes venus de Paris vont
de la
susciter,
nous
dit
extraordinaire du
M.
Panoff, “un
commerce et
boom
de l’artisanat
Les recensements
antérieurs à 1962
n'introduisirent pas de
distinction entre les
“Polynésiens” et les
“Demis”. Il est infiniment
probable que ceux-là
davantage que
ceux-ci responsables
sont bien
des taux de croissance
imputés aux
“Océaniens”. A noter
qu’entre 1951 et 1962, la
population européenne
s’accroît très vite, mais
les taux enregistrés ne
concernent encore que
des effectifs de départ
limités.
MAHINA
1951
Européens
Océaniens
Chinois
Autres
Effectifs, croissance (en bleu)
et répartition (en rouge)
des catégories socio-ethniques
dans ia “zone urbaine" (1951-1962).
74
Totai
ARUE
1962
9
28
1,16
2,58
730
970
93,7
89,48
33
69
4,24
6,37
7
17
0,9
1,57
779
1 084
1951
211
32,88
109,09
142,86
39,15
PIRAE
1962
55
194
5,47
9,53
654
1 441
65,07
70,81
275
357
27,36
17,54
21
43
2,1
2,12
1 005
2 035
1951
252,73
120,34
29,82
95,45
102,49
PAPEETE
1962
99
383
5,71
9,11
1 407
3 385
81,19
80,56
181
371
10,44
8,83
46
63
2,66
1,5
1 733
4 202
286,87
140,58
104,97
36,96
142,47
1951
1962
905
1 130
5,95
5,68
10 923
14 176
71,76
71,23
3 181
4 238
20,9
21,29
211
359
1,39
1,8
15 220
19 903
24,86
29,78
33,23
70,14
30,77
LES ILES DU VENT
révèle le seul nombre des patentes
acquittées (167 en 1847 et 176 en 1848 contre
que
73”
en
1846), “confirmation d’une certaine
l’implantation française...”.
Un boom qui est le point de départ d’une
première croissance démographique et d’une
première densification de l’habitat sur le
pourtour de la rade où se multiplient les
stabilité de
embarcadères. Un habitat
par des rues dont le
l’orientation
sont
en
îlots délimités
plan géométrique et
déterminés
par
l’implantation des premiers grands éléments
de l’infrastructure urbaine : le Broom, qui
Papeete, ville coloniale
Le
militaire des années 1840 qui a
croissance démographique
boom
entraîné
la
enregistrée en 1863 n’a pas été suivi en effet
d’un
développement significatif dans le
volume 6, chapitre ôjet
Protectorat (voir
ce,
dépens des
anciens nianahune
de grands domaines
fonciers appropriés par les colons ( W. Stewart
à Atimaono par exemple, mais aussi des
en
dépit de la constitution
-
aux
-
résidents de Papeete) ou par des notables
locaux (anciens ari’i) appartenant à
la
voie de
deviendra la route de ceinture, la Papeava
catégorie socio-culturelle “demie”
1860, Papeete voit ses
;
une “cité administrative” s’est installée au
débouché de la vallée de Sainte-Amélie ; les
frères de Ploërmel, arrivés en 1858, ont
des répercussions démo¬
graphiques, puisque, si l’on en croit les recen¬
sements, la croissance de la population ne
régularisée...
formation.
Dans les années
fonctions
politico-administratives renforcées
première “école” derrière le
temple de Paofai. Mais c’est avant tout un
port, une cité cosmopolite où la présence
étrangère est particulièrement visible : gens de
sac et de corde plutôt instables, notables (les
construit
leur
Salmon,
les
l’économie.
Les
Brander...)
Français,
contrôlant
minoritaires,
occupent les postes de commandement poli¬
tique et militaire, ou (il s’agit surtout d’anciens
colons
et
militaires) végètent dans le
l’artisanat
toutes
ou exercent
de
commerce
“petits métiers”,
activités dont l’exercice sanctionne leur
échec dans
l’agriculture.
situation
Une
bien
entendu,
en
socio-économique qui,
a
pas 0,7% par an entre 1863 et 1921. Il
faudra attendre cette date pour qu’elle prenne
véritablement son essor, ce taux passant à
dépasse
période 1921-1946 (contre 4%
l’ensemble du Territoire).
Une évolution qui, dans sa première
phase, a incontestablement des causes con¬
joncturelles ; incendie de 1884 qui “dévaste
notamment une quinzaine de bâtiments...,
cyclone de 1906 qui détruit la moitié de
6,8% pour la
pour
l’ensemble
urbain”
;
bombardement
par
Spee le 22 septembre 1914 ;
grippe espagnole de 1918 qui fait de nom¬
breuses victimes (voir volume 7, /;/;. 62-63).
l’amiral Von
Faut-il invoquer pour rendre compte de la
reprise démographique constatée à partir de
1921 “l’absence de cataclysmes naturels et les
progrès de la médecine” ? Oui, sans doute,
mais il ne faudrait pas oublier que l’expansion
de Papeete est fondamentalement due, à
compter de 1910, au développement de
l’économie de traite
qui va consolider
l’existence d’une société dont nous avons déjà
analysé la formation (voir volume 8, pp. 9-11 )
et indiqué qu’elle a connu son apogée entre les
deux guerres. Dans le contexte historique qui
a produit le système colonial,
Papeete est
d’abord le lieu où
se
concentrent
un
rôle essentiel dans le fonctionnement de
l’économie de traite et dans le
commerce
et
l’artisanat, activités éminemment urbaines où
supplanté les “petits Français” du
L’expansion de Papeete est d’ailleurs
chronologiquement liée à la formation de
cette
communauté
qui s’est nourrie
d’immigrants dont “le nombre croît de façon
rapide... à partir de 1907... avec une brusque
accélération du mouvement (qui s’arrêtera
ils ont
début.
avant
la Seconde Guerre
(voir vol. 7, p. 100).
mondiale)
en
1921”
Les Polynésiens ont aussi contribué, bien
entendu, au développement d’une ville où,
semble-t-il, ils étaient fort peu nombreux au
quartiers les plus
marécageux de Papeete
(entre Fare Ute et
Fautaua, lagon et route
de ceinture) sont aussi
ceux qui ont été le plus
tardivement occupés.
Les
‘
XIX'^ siècle : “quelques groupements de cases
indigènes” selon le sociologue M. Jullien qui
nous apprend par ailleurs que, dans les années
50, en dehors d’une “population flottante” de
Paumotu présents à Papeete après chaque
campagne de plonge, cette catégorie socio¬
culturelle est surtout composée d’originaires
Motu Uta
Entre 1940et1950,selon
M. Jullien qui commente
un
(dans des
proportions très supérieures à leurs effectifs
globaux) tous ceux qui, par leur statut,
contrôlent et dominent la vie politicoadministrative et économique des E.F.O. :
“Français nés hors colonie” (3,25% de la
population en 1946) ; Demis, nous voulons
parler de ceux qui, notamment, touchent la
rente foncière ; Chinois (24,9% en 1946) qui,
nous l’avons vu (voir volume 8, p. Il), Jouent
croquis élaboré par
.Robert Auzelle.
des
districts
tahitiens
d’insulaires.
et
Une
immigration commencée au début du siècle
qui contribue, à la périphérie du centre
administratif et commerçant, à la formation
de quartiers d’apparence rurale (habitat lâche,
maisons sur pilotis, utilisation de matériaux
d’origine végétale...) qui regroupent autour
des
maisons
FAAA
PUNAAUIA
TOTAL
PAEA
de
réunions
les
Tahitiens à
Tipaerui, les
insulaires des îles Sous-le-Vent, à compter de
1910, le long de la Papeava ou à Manuhoe,
ceux des Australes, à compter de
1920, à
Orovini
ou
dans la vallée de
1951
1962
1951
1962
1951
1962
1951
1962
Puea...
101
270
28
274
9
49
1 206
2 328
4,94
7,33
2,26
11,3
0,76
2,24
5,2
6,56
(accès à des emplois relativement stables...) de
Le
167,33
878,57
444,44
degré d’intégration à la vie urbaine
qui ont souvent conservé des
avec leur fenua d’origine,
dépend de l’ancienneté de leur installation. Le
Papeete polynésien de la périphérie présente
ces
ruraux,
relations étroites
1 410
2 669
68.95
72,51
518
691
25.33
18,77
16
51
0.78
1,39
2 045
3 681
89,29
33,40
218,75
80
1 007
1 843
81,14
76,03
178
235
14.34
9,69
28
72
2.26
2,98
1 241
2 424
83,02
32,02
157,14
95,33
1 086
1 897
91,33
86,82
58
184
4,88
8,42
36
55
3,03
2,52
1 189
2 185
74,68
217,24
52,78
83,77
17 217
26 381
74,17
74,28
4 424
6 145
19,06
17,30
365
660
1,57
1,86
23 212
35 514
53,22
donc dans les années 50
36,90
80,82
un
contraste
saisissant
Papeete du centre. L’ensemble de
l’organisme urbain est pourtant déjà
“travaillé” par les phénomènes qui vont faire
éclater le cadre spatial, devenu trop étroit, de
la ville. Des phénomènes déclenchés (voir
volume 8, pp. 16-17) par la crise du système
colonial, mais qui vont changer de dimension
avec
le
et de nature avec
l’arrivée du C.E.P.
75
VIVRE EN
POLYNÉSIE
La formation
de l’agglomération
“position charnière”
en 1977, son intégration
à la “zone urbaine” est sans aucun doute chose
phénomène urbain concerne
commune de Papeete qui
rassemble respectivement 49,9% et 24,2% de
la population de Tahiti et des E.F.O. Des taux
qui passent à 61,1% et 32,9% en 1962 avec
l’intégration à l’espace urbain des districts de
Pirae et de Faaa. L’agglomération de Papeete
est née : elle va dès lors repousser ses limites
très rapidement pour constituer la “zone
urbaine” qui, en 1983, concentre 55,9% de la
population du Territoire et la majeure partie
de ses activités, réduisant, si l’on peut dire, à la
portion congrue les espaces encore ruraux
qu’elle domine, ceux des îles du Vent, ceux des
archipels. Des espaces dont le poids démogra¬
phique relatif à l’échelle de la Polynésie
française ne dépasse pas respectivement
En 1951, le
17,9% et 26,2%.
n’est pas ici de revenir sur le
contexte historique global (voir volume 8,
chapitres I et 2) dans lequel s’inscrit une
expansion urbaine qui s’accélère brutalement
avec l’installation du C.E.P., ni d’analyser à
nouveau un certain nombre de phénomènes
qui, tel l’habitat spontané (voir pp. 33-35),
Notre propos
une
modification
des
rapports
socio-spatiaux anciens. Nous aimerions en
revanche, dans la perspective historique qui
est la nôtre, insister sur certains aspects, qui
nous
paraissent essentiels du processus
d’urbanisation ayant conduit à la formation
de l’agglomération : en suivant son dérou¬
lement spatio-temporel, en spécifiant le rôle
des acteurs engagés dans ce processus, celui
des popa’a expatriés notamment qui a été
déterminant. Une analyse indispensable à la
description et à la compréhension des
paysages urbanisés. Une analyse qui, malheu¬
reusement, restera très générale, compte tenu
de la qualité des documents disponibles
(voir
p.
73).
pu
son
tation des taux de croissance. Des taux dont la
valeur
de suivre le dérou¬
d’urbanisation jusqu’en
relative permet
lement du processus
1956.
Un processus qui à cette date n’a pas
donné naissance à l’agglomération. La
encore
Robert Auzelle en 1952 et
revue par
Michel Jullien en 1962 montre
clairement que le “phénomène urbain” n’a pas
encore
conquis à Papeete tout l’espace
carte dressée par
“habitable”
(plaine littorale, débouché des
vallées) dans les conditions techno-socio¬
économiques du temps. Les districts limi¬
trophes de Pirae et d’Arue n’en sont pas moins
travaillés par un “bouillonnement urbain” qui
conduit R. Auzelle, chargé d’établir un plan
d’aménagement de Papeete, à “étendre ses
investigations dans ces deux districts”.
Ceci étant, qui devait être rappelé, les
résultats obtenus par L. Cambrezy nous
paraissent tout à fait pertinents. Dès 1962,
Pirae et Faaa, avec 4 202 et 3 681 habitants
dépassent et de loin le seuil de 2 500 habitants
qui en France - ce critère variable selon les
écoles géographiques a, il est vrai, une valeur
toute relative
sanctionne le passage du rural
à l’urbain. Passage attesté en revanche par les
statistiques de l’I.N.S.E.E. qui montrent que
-
ces deux districts 4,72% et 23,71% des
actifs sont agriculteurs et pêcheurs, alors que
dans
taux
services
entre
1956 et 1962, mais c’est bien évidemment
organisme qui, en accélérant les mouve¬
ments migratoires - les taux de croissance
enregistrés entre 1962 et 1971 sont d’autant
plus impressionnants qu’ils s’appliquent à des
effectifs de départ relativement importants va emballer le processus qui a conduit à la
formation de l’agglomération que nous
connaissons aujourd’hui. Dès 1971, la popu¬
cet
lation
des
communes
de
la
zone
urbaine
dépasse le seuil indiqué tout à l’heure et il
suffit de se référer (voir tableau p. 146) à la
valeur relative de leurs taux d’accroissement
pour
constater
ment au
le
que
processus
spatio-
en cause s’est déroulé conformé¬
schéma de Luc Cambrezy, Mahina et
temporel
surtout Paea étant les deux
dernières entités
intégrées à l’agglomération,
dont le développement marque depuis 1977,
une pause toute relative, sauf à Mahina, à
Punaauia et à Paea. Notons pour finir - nous
n’avons pas retenu en la matière les données
du recensement de 1971 qui ne nous paraissent
pas valables - qu’en 1977, l’agriculture et la
pêche ont été pratiquement éradiquées de la
zone urbaine, ce secteur d’activité ne repré¬
sentant
que 6,1% des actifs à Paea, la
commune la plus favorisée.
Une tendance
confirmée par les chiffres de 1983.
territoriales à être
^Le rôle déterminant des popa’a
L’urbanisation est un processus de
changement démo-socio-spatial dont on ne
saurait, dans le contexte local, analyser la
signification et les implications géogra¬
phiques (densification de l’habitat et loca¬
lisation fonctionnelle de l’espace bâti) sans
Ce plan, d’après
R. Auzeile, n’a pas
besoin d’être beaucoup
commenté sinon pour
Changements démographiques
et changements
socio-économiques
Ces insuffisances de données ont conduit
donner plus de
analyse en
utilisant les données démographiques
contenues dans les recensements précédents
(1936, 1946, 1951). Les graphiques (voir
p. 146) montrent sans ambiguïté en effet
que le processus d’urbanisation démarre en
1946. La pente des courbes qui enregistre
l’augmentation des effectifs se redresse bru¬
talement à cette date, une évolution s’amorce
qui va se traduire par une très forte augmen¬
Luc
exclusivement la
traduisent
aujourd’hui.
Cambrezy aurait
profondeur historique à
faite
atteignent 62,1% et 43,1% pour les
publics “et privés”. De nombreux
espaces non urbanisés n’en subsistent pas
moins, ceux qui à Pirae notamment seront
occupés par les installations du C.E.P.
L’agglomération de Papeete est donc née
ces
Papeete
1950
préciser que si la terre
est rare et chère
aujourd’hui sur le
un
géographe de l’O.R.S.T.O.M., Luc
Cambrezy, à suivre le déroulement spatiotemporel de l’urbanisation en construisant, à
l’aide des seules séries démographiques (19561977) un indice lui permettant de déterminer
quand chaque district (ou commune) franchit
le seuil qui sépare le rural de l’urbain. Une
méthode dont nous ne discuterons pas ici la
territoire communal,
révolution socio¬
économique enregistrée
depuis 25 ans ne saurait
en être tenue pour la
seule responsable,
validité, mais dont
nous commenterons les
résultats à la lumière de certains faits.
L’indice d’urbanisation
montre
phénomène urbain
que
le
se diffuse dans les districts
de Pirae et de Faaa entre 1956 et 1962 ; entre
qui est
intégrée à l’agglomération alors que
“Papeete présente des signes de saturation” ;
1962 et 1967, c’est la commune d’Arue
à
son
tour
entre 1967 et
1971, Mahina et Punaauiasont à
l’agglomération atteint
ses limites actuelles, tandis que Pirae et Arue
présentent des “signes de fléchissement”.
Quant à Paea qui occupait encore une
leur tour urbanisées
76
I
:
I Propriétés communales
I Mission catholique
Mission protestante
[~
I
Autres collectivités
LES ILES DU VENT
saisir le rôle des acteurs qui y sont
impliqués. Un rôle qui bien entendu est
fonction de leur statut. Une analyse difficile
Ceci étant, les
tenter de
il faut attendre 1962 - auparavant aucune
distinction n’est introduite entre Polynésiens
car
pour avoir une connaissance suffi¬
précise de la répartition des catégo¬
ries socio-ethniques (voir volume 8, p. 9). Une
connaissance reposant sur les déclarations des
recensés, qui à cette date est encore fiable dans
et
Demis
-
samment
la
intéressés assument leur
où les
mesure
statut dans le cadre de la
stratification colo¬
qui, avec le
de plus en plus
répartition entre
“Polynésiens-Demis/ Polynésiens européens”
dans les recensements entre 1977 et 1983) dans
une société qui, en milieu urbain, se modernise
et s’idéologise rapidement. Ce qui conduit cer¬
tains de ses membres, originaires notamment
niale.
Mais
une
connaissance
passage du temps, devient
biaisée (voir l’évolution de la
du milieu
“demi”, à s’auto-définir en fonction
socio-culturels, alors que ce sont
de critères
socio-économiques qui fondent le
plus objectivement un statut qui se confond de
plus en plus avec celui de certains Chinois et
bien entendu des popa’a.
Des popa’a qui constituent le groupe de
référence, d’une part parce qu’ils sont
aisément identifiables (surtout quand ils sont
expatriés), d’autre part parce qu’ils ont joué et
continuent de jouer pendant toute la période
un rôle déterminant dans la vie de l’agglomé¬
ration. Une analyse qui, bien entendu, doit
être périodisée en tenant compte des grandes
étapes (1962-1971) qui ponctuent chronolo¬
giquement la formation de l’agglomération.
Entre 1951 et 1962, la communauté
popa’a enregistre (voir tableau p. 74) dans
des critères
toute la zone
croissance.
d’Arue à
popa’a
ne sont pas assez
lation du C.E.P. Il suffit de
se
référer,
recensement
milieu
intérêt de
noter que c’est au moment précis où se forme
une bourgeoisie locale de plus en plus occi¬
dentalisée que les controverses sur l’immi¬
gration se développent ; alors même que la
communauté popa’a,
réserve faite d’un
changement de tendance postérieur à 1983,
n’accroît plus depuis longtemps son poids
démographique relatif. Mais ladite commu¬
nauté se renouvelle ; pas au niveau des fonc¬
tionnaires civils qui sont remplacés, mais à
anciens
d’ailleurs
tendance
à
se
sont
en
pertinents
encore
urbain. Dès lors,
comparaison, aux chiffres de 1971
{voir tableau ci-dessous : valeur absolue,
croissance, poids démographique relatif) pour
croissance, poids démographique relatif) pour
constater deux choses
:
d’abord que le
développement spatio-temporel du
phénomène urbain est lié à l’arrivée massive
des popa’a dont la venue contribue à alimen¬
ter les flux migratoires des Polynésiens qui
maintiennent
leur poids démographique
global en se concentrant préférentiellement à
Papeete et à Faaa ; ensuite que les catégories
socio-ethniques “demies” et chinoises, qui ont
termes de
l’avons montré, est la dernière année de
où les critères socio-ethniques
nous
numériquement pour entamer
démographiquement (voir tableau p. 74)
et
socio-économiquement les positions
détenues par les Chinois et surtout par les
Demis. D’autant que ces groupes profitent
très
largement des changements socio¬
économiques intervenus.
Tout bascule après 1962 avec l’instal¬
nombreux
il n’est
celui des militaires dont le nombre décroît
s’installent durablement dans le
Punaauia par exemple) des civils
(métropolitains, caldoches) venus “faire du
business”. Dans la Polynésie d’aujourd’hui, la
compétition socio-économique est de plus en
plus rude entre les deux catégories de
bourgeois, les expatriés et les “locaux” qui
soulignent leur différence en usant très
largement d’un argument socio-culturel
qu’ignoraient leurs ancêtres “demis”. Dans ce
contexte, les Polynésiens qui sont margina¬
lisés socio-économiquement servent surtout
alors
que
Territoire (à
redistribuer dans
l’espace urbanisé (changements de résidence),
apparaissent
marginalisées
démographi¬
quement, ce qui ne veut pas dire qu’elles le
soient socio-économiquement. Ceci étant, et
compte tenu de cette dernière réalité, 1971,
de faire-valoir dans le discours. La ville est
aussi
un
espace
idéologique.
Papeete est une ville
dont 59% des
constructions dans les
années 60 sont
“en bois", nous apprend
M. Jullien dans son
“Inventaire socio-
logique des Foyers de
Papeete" ; 16% sont en
“fibres végétales”,
16% en dur et 9%
"inclassables”.
urbaine de très forts taux de
Une croissance
en
pas sans
qui lui permet,
Punaauia, d’accroître considéra¬
poids démographique
qui, compte tenu du
rôle socio-économique joué par les expatriés
dans l’après-guerre dans le Territoire pour
conjurer la crise (voir volume 8, p. 16),
contribue sans aucun doute à gonfler le poids
démographique relatif du groupe polynésien ;
un
groupe majoritairement
constitué
d’immigrés, du moins si on veut bien admettre
que sont Polynésiens et migrants les 39%
d’habitants de Papeete, Pirae et Faaa nés dans
blement
en
1962
son
relatif. Une croissance
les districts de Tahiti
ou
dans les îles
(à concurrence de 10,5%)
(28,5%).
Évolution de la population européenne dans la zone urbaine entre 1951 et 1983
1962
1951
1
2
3
1
2
3
1
2
3
2
1
13,7
17,85
1 695
0,6
25,12
3
20,2
2 438
0,06
20,3
2,9
13,5
3 247
0,7
13,8
1 770
2,2
10,4
2 221
4,2
10,1
1 520
5,8
19,6
2 665
12,6
21,5
33
12,8
1 104
9.8
14,28
1,3
15,5
14 968
4
16
2,58
714
272,2
22,45
877
23
9,53
1 935
99,7
35,04
1 634
-
PIRAE
99
5,71
383
26
9,11
2 976
75,2
29,4
2 447
-
PAPEETE
905
5,95
1 130
2,3
5,68
2 653
15
11,06
3 121
FAAA
101
4,94
270
15,2
7,33
1 561
53,1
13,68
28
2,26
274
79,9
11,3
1 130
34,7
21,49
9
0,76
49
40,4
2,24
233
41,7
6,72
2 328
8,5
ZONE URBAINE
5,2
Effectifs
1
-
2
-
Taux d’accroissement moyen
3
-
Poids
annuel
démographique relatif au sein du district ou de la commune
6,6
11 202
42,4
17,8
3
1 598
19,2
194
1 206
2
13,44
28
5,47
PAEA
1
27,64
1,16
55
PUNAAUIA
3
2,6
3,8
9
ARUE
MAHINA
1983
1977
1971
695
12 064
-
POLYNÉSIE
VIVRE EN
Le centre ville
tage et le quai au long cours. En 1964, la
Entité
géographique relativement
hétérogène, le centre de Papeete présente
néanmoins des limites assez nettes qui corres¬
pondent à celles que les premiers gouverneurs
avaient assignées à la ville au milieu du
XIX' siècle. Elles s’appuient sur des éléments
naturels : la Papeava à l’est, aujourd’hui
masquée par la rue des Remparts, la Tipaerui
à
l’ouest,
étroitement
l’ensemble, la rade semi-circulaire et le talus
frontal des planèzes. A l’intérieur de ce
périmètre
et,
corsetant
de
70
assez
hectares, dominent les
immeubles de deux ou trois étages, agrégés en
blocs triangulaires ou rectangulaires, séparés
par des rues souvent étroites.
Point de départ de multiples flux qui
soulignent sa fonction de commandement au
sein de l’agglomération et du Territoire, le
ville connaît
centre
une
animation diurne très
qui témoigne du degré de
intense
tration
et
de la vitalité de
ses
concen¬
activités de
service.
Le port : poumon
du Territoire
Ancien
tissu
principal
comptoir colonial, Papeete
urbain
structuré
l’avenue du front de
mer
autour
a gardé un
du port :
et les axes
intérieurs
que sont la rue des Remparts et les rues Foch,
de Gaulle et Destremeau sont reliés par 1 1
voies courtes
en
partir des quais.
Dès
et des
pente douce, rayonnant à
le début du XIX' siècle,
devint le lieu
la rade
d’ancrage préféré des baleiniers
navires de
commerce.
Bien abritée et
communique avec
l’océan par une passe de 11,30 m de profon¬
deur. Jusqu’à la fin de la Première Guerre
mondiale, les équipements portuaires se résu¬
maient à quelques appontements de bois,
d’abord perpendiculaires à la plage, puis
parallèles au plan d’eau approfondi. C’est à
partir de 1922 que le gouverneur Rivet fit
réaménager le port et maçonner les quais,
mais il ne s’agissait alors que de permettre un
couvrant
160 hectares, elle
trafic annuel
inférieur à 100 000 tonnes.
L’établissement de la base arrière du C.E.P. à
Papeete et les transformations prévisibles de
l’agglomération amenèrent le Port autonome
(organisme public territorial créé en 1962) à
prévoir des extensions portuaires sans précé¬
dent. Financés à 90% par l’État, les travaux
furent achevés
en
1967.
Aujourd’hui, une digue établie sur le
récif, longue de 2 100 m et haute de 5,10 m
protège l’ensemble des installations. Les terrepleins aménagés à l’emplacement de Motu
U ta couvrent 16 ha et constituent la princi¬
pale zone de transit des marchandises. Entre
Motu U ta, où est également établie l’admi¬
nistration du port, et Fare Ute, qui accueille
les entrepôts de 9 maisons d’import-export et
de 43 maisons de commerce, le récif remblayé
joue un rôle de trait d’union. 11 est le support
d’une artère qui se raccorde à l’avenue du
front de mer par le pont de Fare Ute et permet
la livraison annuelle de 730 000 tonnes de
marchandises (1986) et l’acheminement de
137 000 tonnes de fret vers les quais du cabo¬
78
été élargie par d’impor¬
tants
remblais
sur
lesquels s’étendent
aujourd’hui les cuves de stockage pétrolier, la
base marine et les ateliers de réparation navale
pointe de Fare Ute
a
de la D.C.A.N.
Au nord, de nouvelles
extensions sont
prévues jusqu’à la passe de Taunoa pour
aménager un port de pêche et construire de
nouveaux
dépôts d’hydrocarbures. Enfin,
plusieurs flottilles sont basées le long des
900 m de quais anciens qui entourent la rade :
celles des ferries, des bonitiers et des yachts, le
quai d’honneur étant réservé aux paquebots
de croisière. A l’exception de l’huilerie et de
quelques ateliers de petite métallurgie, le port
n’a
fixé
constitue
aucune
le
activité
relais
activité commerciale.
industrielle, mais
essentiel
d’une
intense
Les espaces
commerçants
C’est autour de la rade, à proximité immédiate
des lieux de transbordement, que s’instal¬
lèrent les
premières maisons de
XIX' siècle. Elles formaient
mer
où les
négoces de
commerce au
petit front de
de détail étaient
un
gros et
aujourd’hui en
partie séparées. Fare Ute et Motu Ua jouent
plutôt un rôle d’entrepôt, tandis que le
mêlés. Ces deux fonctions sont
commerce
de
détail
domine
entre
la
rue
Clappier et la poste centrale. Au sein même de
cet espace commerçant, on peut distinguer
deux
en
zones
où les établissements s’adressent
majorité à des clientèles différentes,
deux
zones
s’articulant
autour
de
la
ces
rue
Jeanne d’Arc.
Au nord de cette rue, le
le
pôle essentiel
encore
marché constitue
du
commerce
LES ILES DU VENT
populaire, même si les productions qui y sont
commercialisées (vivrières surtout) ne repré¬
sentent plus que 8% du tonnage des produits
importés et vendus dans les magasins. La
présence permanente de plus de 100 étals,
auxquels s’ajoutent ceux de 350 autres
commerçants et producteurs en fin de
semaine, génère des flux multiples et
provoque le quasi-blocage des rues adja¬
centes par les 250 trucks y ayant fixé leur tête
de ligne. A la périphérie du marché, des
commerces de complément tenus pour la
plupart par des Chinois, captent une clientèle
aux revenus généralement modestes. De la rue
des Écoles à la rue Gauguin, le long de la rue
Foch
et
des voies affluentes dominent les
petits établissements à gestion familiale dont
l’agencement n’a guère varié depuis le début
des années soixante. Les plus proches du
marché ont parfois gardé la structure des
magasins de marchandises générales à
laquelle est restée fidèle une clientèle presque
exclusivement polynésienne.
A l’ouest de
boutiques de luxe
sont
implantées
la
se
Jeanne d’Arc, les
sont multipliées : elles
rue
rez-de-chaussée des
mer ou regroupées en
galeries marchandes dans les centres commer¬
ciaux (Vaima, Bruat) qui ont été construits
par de puissantes sociétés promotrices depuis
la fin des années 70. Ici, le Polynésien est plus
spectateur que partie prenante d’un circuit
économique qui, centre Aline excepté,
satisfait surtout les besoins de la bourgeoisie
popa’a, “demie” et chinoise.
au
immeubles du front de
Les espaces
A
des pouvoirs
l’image de nombreuses villes françaises, où
politique et administrative apprécie
l’autorité
la proximité du coeur économique de la cité
(pour le contrôler et en tirer sa substance),
Papeete a vu se constituer un quartier
politique dès la première moitié du
siècle, entre le front de
Mt Faiere. Les vastes pelouses
X1X=
mer
et
le
de la place
Tarahoi, le square Bougainville et l’avenue
Bruat aèrent cette partie de la ville qui a connu
d’importants travaux de rénovation à la fin
des années 60. Les palais en bois de la reine et
du gouverneur ont fait place à l’Assemblée
territoriale et à la résidence de style néo¬
polynésien du haut-commissaire. Sur le côté
ouest se tiennent la résidence du président et le
bureau des affaires
polynésiennes. Tout au
long de l’avenue Bruat, des bâtiments massifs
abritent les services administratifs (bureau des
subdivisions administratives, services de
l’équipement, de l’aménagement, des
archives...), la Sûreté générale voisine du
palais de justice, la gendarmerie, le quartier
militaire du R.LM.A.P. et enfin les bureaux
des ministères et du conseil de gouvernement.
Disséminés à la périphérie de cette remar¬
quable concentration d’autorités, et enclavés
quartiers aux fonctions différentes,
trois autres espaces de pouvoirs apparaissent.
Il s’agit de la mairie, fondée en 1890 au cœur
du Papeete commerçant et lieu central des
manifestations démocratiques en Polynésie.
Ce sont aussi les quartiers des Missions :
évêché entouré d’importantes infrastructures
scolaires catholiques à l’entrée de la vallée de
la Papeava et siège de l’Église évangélique à
Paofai qui organisent la vie religieuse de plus
dans des
de 120 000 personnes.
La fonction résidentielle
population résidant au centre ville ne
habitants en 1983, soit une
densité moyennede39 hab./hacontre61 pour
le reste de la commune de Papeete. La plupart
des résidents vivent en appartements de
standings très divers ; généralement modeste
La
s’élevait qu’à 2 744
Page de gauche,
haut :
Le deuxième pôle des
services marchands de
en
Papeete s'étend à
l'ouest de la rue Jeanne
d'Arc. Il contraste par
son architecture
moderne avec les
constructions des
années 1950 et 60 tel
l’immeuble Donald à
gauche. A
eux
seuls, les
centres Vaima et Aline
(au centre) abritent
magasins,
agences, restaurants,
environ 80
cinémas..., soit une
densité
exceptionnelle
Le
quartier de Tarahoi,
politique de la cité
cœur
et du Territoire. La reine
Pômare Vahiné IV s’y
établit en 1839 et
Armand Bruat fit
construire à proximité
la première résidence
du gouverneur en 1843.
Amourd’hui, le pouvoir
d’Etat et les pouvoirs
territoriaux cohabitent
encore autour de la
place
: Assemblée
territoriale à gauche,
résidence du président
à droite et celle du
haut-commissaire au
centre.
pour Papeete de
70 établissements par
hectare-sol.
Page de gauche, en bas :
Sur cette vue aérienne
de Papeete, le centre
ville s'inscrit nettement
dans un périmètre en
forme d'accent
circonflexe coiffant la
rade. La forte densité
d'immeubles
Cette carte de la densité
de population (1 point
banlieues voisines où
dominent les maisons
individuelles.
d'un salaire d’ouvrier.
De 1977 à 1983, le solde
polyvalents et la rareté
des espaces verts lui
confèrent une apparente
homogénéité, face aux
rouge = 20 habitants)
fait apparaître le sous-
peuplement du centre
de Papeete. Les
constructions vétustes
progressivement
remplacées par des
immeubles de grand
standing dont le prix
moyen au mètre carré
équivaut à deux mois
sont
migratoire s'est établi à
-14 968 personnes pour
la commune de Papeete.
dans la moitié nord et souvent de haut niveau
dans les immeubles résidentiels du front de
mer. Les habitations traditionnelles en bois
constituent néanmoins une part encore
notable du tissu urbain dans les quartiers de
Paofai, Le Cail-Galenon et Apua Flaari.
Faute d’étude de
synthèse, le profil de la
nous est assez mal
Les données de la composition par
population du centre
connu.
âge indiquent une forte proportion d’adultes
de 20 à 64 ans (66,6% contre 47,3% pour
l’ensemble du Territoire) et on peut supposer
que la part des actifs du secteur tertiaire est au
moins égale à la moyenne de la commune
entière : 78%. Quoi qu’il en soit, la fonction
résidentielle tend à
se
réduire
en
raison du prix
très élevé des terrains et de la construction
de la préférence des promoteurs
les locaux à usage de bureaux et de
ainsi que
pour
commerce.
un véritable “phénomène de city”
depuis le milieu des années 70.11 se
traduit par un rejet des habitants vers des
banlieues de plus en plus éloignées, l’afflux
quotidien de 60 000 personnes vers les lieux de
travail du centre et l’adoption progressive
Ainsi,
est apparu
d’une
architecture
l’exiguïté du site.
verticale
imposée
par
79
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Les banlieues
De
demeures
part et d’autre du noyau urbain
central s’étire
une vaste zone
urbanisée
qui, de
la rivière Ahonu de Mahina (P.K. 12,5 est) au
lieu-dit Taverea (Paea, P.K. 24 ouest), couvre
les plaines et les premiers versants en dépit de
quelques discontinuités liées au relief ou au
mode d’occupation du sol. Cet ensemble
comptait 90 550 habitants en 1983, soit 97%de
la population totale de l’agglomération. 11
faudrait cependant en retrancher les résidents
des quartiers orientaux de Papeete, installés
dans
une zone
de transition entre le centre ville
les banlieues proprement dites.
A l’est de la rue des Remparts s’étend en
effet une zone péricentrale bien reliée au cœur
et
de la ville par
trois avenues et servie par un
quadrillage de voies secondaires. Le peuple¬
ment y a débuté vers 1930. 11 est aujourd’hui
particulièrement dense derrière l’hôpital
Mamao et
au
nord de l’avenue du Prince
Hinoi, là où des migrants des Australes, des
Tuamotu et des îles Cook
Dans cette
se
sont
entassés.
partie de Papeete où l’habitat
insalubre est très étendu (44 hectares si l’on
inclut la vallée de la Mission), le paysage
urbain est très contrasté. Les immeubles de
à deux
étages, à vocation commerciale
résidentielle,
un
et
s’élèvent de plus en plus
long des avenues principales et
dominent un habitat ancien, en voie de dispa¬
rition. Dans des quartiers actuellement bien
aérés, ils composent des sortes d’antennes
prolongeant le centre ville jusqu’à la Fautaua.
nombreux le
Au-delà
commencent
tiels
et
urbaines
de
qui
de
cette
zone
péricentrale
les banlieues, espaces résiden¬
déconcentration des activités
se sont
développées depuis 1950.
Les banlieues résidentielles
Dans
cette
englobe
les
partie de l’agglomération qui
communes
de Pirae, Arue,
Mahina à l’est et de Faaa, Punaauia et Paea à
l’ouest, les paysages urbains sont essentiel¬
lement constitués d’espaces résidentiels où
domine l’habitat pavillonnaire. A l’exception
de
quelques beaux élargissements de la plaine
côtière à Pirae et au droit de la Punaruu et de
la Tuauru, les reliefs se prêtaient mal à la
formation d’une agglomération. Sur les 33 km
de banlieues littorales, 12 seulement ont pour
une plaine de plus de 500 m de
largeur.
Ailleurs, les lambeaux de planèzes, séparés
par des vallées profondes et retombant assez
abruptement sur la plaine, constituent un
milieu compartimenté et coûteux à aménager.
Au début des années 70, les espaces libres se
cadre
rares en plaine et, sous
l’impulsion de
promoteurs privés se livrant à des opérations
immobilières
de
grande envergure, les
firent
versants
commencèrent
à
être
systémati¬
quement occupés. D’après les résultats par
districts du recensement de 1983, 33 000 per¬
sonnes vivent sur les hauteurs, 8 000 dans les
basses vallées et 37 000 en plaine.
Il n’est pas de forme d’habitat propre
chaque milieu physique et
opposer systématiquement,
80
à
peut plus
sur ce plan, a tai
(côté montagne). Il existe
des portions du littoral où dominent les
(côté mer) et
certes
on ne
a tua
bourgeoises (Punaauia, Paea Nord
résidence, mais 51,3%
vont travailler
quoti¬
baie du Taaone à Pirae), tandis que les
vallées et les piémonts accueillent plutôt les
exclus de la croissance : rives de la Tuauru, de
diennement à Papeete et 18,5%dans une autre
commune de l’agglomération.
L’importance
de versants de Faaa, d’Arue, d’Outumaoro.
confirme
et
la
Fautaua, de la Nahoata, de la Vaitiu et bas
Depuis 1965, l’occupation anarchique des
espaces disponibles a cependant fait naître de
nombreuses juxtapositions de formes
d’habitat
l’on
et de genres
de vie très différents. Si
excepte quelques grands lotissements
homogènes s’adressant aux classes aisées
(Taina et Lotus à Punaauia, Super-Mahina)
les lotissements sociaux de Puurai et
Oremu à Faaa, les contrastes apparaissent sur
de courtes distances entre un habitat modeste
et des villas de standing. 11 en est ainsi au sein
ou
des lotissements Frima
(Arue), Te Maru ata
(Punaauia), entre la Cité de l’Air et les
quartiers Bordes et Etilagé de Faaa, entre les
quartiers Afarerii et Lagarde à Pirae par
exemple.
migrations pendulaires entre 6 h et 8 h,
puis de 16 h à 18 h (voir graphique p. 82)
des
la
fonction de “dortoir” des
banlieues où 89,4% de la population active
sont salariés.
Cependant, tous les foyers n’ont pas
calqué leur mode de vie sur celui des ban¬
lieusards des pays industrialisés. Dans les
quartiers où s’est maintenue la petite propriété
polynésienne et “demie” subsistent encore des
comportements traditionnels, typiques des
districts ruraux : approvisionnement auprès
du petit commerce chinois, activités reli¬
gieuses et sportives dans le cadre paroissial,
formation saisonnière de groupes de pêche au
ature,
bringues de quartier... Il faut enfin
relativiser l’aspect satellitaire des banlieues,
dans la mesure où elles fournissent 39,5% des
emplois de l’agglomération et où les activités
aux particuliers s’y sont
rapidement
développées.
En fait, le seul trait d’unité des banlieues
vient de ce qu’elles subissent l’influence
de service
source
Espaces
puissante de Papeete, nœud des échanges,
majeure de services et d’emplois
(22 085 pour une population de 7 317 actifs
résidant
et
travaillant à
Papeete). En
moyenne, 30,2% des actifs vivant en banlieue
occupent un emploi dans leur commune de
annexes
et espaces d’autonomie
l’étroit dans
déconcentrer
cadre naturel, Papeete a dû
partie de ses activités vers les
son
une
LES ILES DU VENT
voisines dès le début des années
communes
aussi
péri¬
phériques. Point de contact majeur avec le
reste du monde, Papeete fut équipée d’un
aéroport international en 1962.
Aménagé sur le lagon remblayé de Faaa,
celui-ci engendra la formation d’un pôle tou¬
ristique important dans la zone TataaOutumaoro (538 chambres) ainsi que la
construction progressive de huit autres hôtels
soixante ; ses fonctions de capitale l’ont
amenée à annexer d’importants espaces
alimentaire,
des
sociétés
du
bâtiment et
publics, des ateliers d’imprimerie et
de petite métallurgie, une nouvelle centrale
électrique et diverses sociétés de maintenance.
travaux
ces zones constituent des pôles
importants qui orientent une partie
quotidiens de main-d’œuvre à
l’intérieur de l’agglomération. Arue attire
ainsi 2 150 migrants par jour, Punaauia 830 et
Pirae, pôle tertiaire, plus de I 600.
Les activités de production et de service
des banlieues se sont développées plus à l’ini¬
tiative de décideurs établis à Papeete (ou à
l’étranger) qu’à celle d’entreprises originaires
Saturées,
d’activité
des flux
(739 chambres). Le
également sécrété des
activités de maintenance et de transit qui
emploient près de 500 personnes à proximité
et dans l’enceinte de l’aéroport.
Port stratégique et base arrière du Centre
d’expérimentations nucléaires, la capitale ne
pouvait accueillir tous les personnels et les
jouent cependant un rôle notable dans la vie
économique locale, par exemple P, B.A.
Pugibet (Mahina et Punaauia), Caudèle
(Arue), Taputuarai (Pirae) et de nombreux
le milieu du
certaine, autonomie
de
à
Auae
Tahara’a
aérien
transport
a
nécessaires à la fonction
attribuée en 1962. Depuis
XIX*^ siècle, le principal quartier
Polynésie était établi dans la
moyens logistiques
militaire qui lui fut
militaire
en
étroite de Sainte-Amélie et à son
débouché sur l’avenue Bruat. L’État a réalisé
vallée
d’importantes acquisitions foncières à Pirae,
Arue et Faaa, au point que la superficie des
terrains
actuellement
dévolus
aux
forces
(R.LM.A.P. à Faaa, camp d’Arue,
périmètre du C.E.P, à Pirae) égale aisément
armées
celle du centre-ville.
des
communes
considérées.
Ces
dernières
ateliers à structure artisanale.
Les
disposent
banlieues
en
aussi
d’une
matière de services. A
proximité des carrefours importants de la
I
Zone
I
Zone à forte densité (administrations, commerces)
n
Zone à densité moyenne
I
Extension récente
route
de ceinture et des voies d’accès
lotissements
aux
agrégés des
commerces et des services dits de proximité
(supermarehé voire hypermarché, stationservice, agence bancaire, pharmacie et cabinet
médical, magasin de vêtements) auxquels
peuvent s’ajouter diverses boutiques spécia¬
lisées.
Ces
petites concentrations sont
toutefois géographiquement dissociées de la
plupart des services publics (mairie, poste,
autres services administratifs et culturels) et
ne forment donc pas de véritables noyaux
ou aux
vallées
se sont
urbains. De Mahina à Paea, “aller en ville”
signifie donc invariablement se rendre à
Papeete, alors qu’aucune des communes de
l’agglomération ne compte moins de 8 000
habitants (1987),
Espaces
inorganisés, les banlieues
chaque année 4 000 habitants
supplémentaires et contribuent, en l’absence
de tout schéma directeur d’aménagement, à
aggraver les dysfonctionnements des équipe¬
accueillent
ments et des
services actuels.
portuaire et aérodrome
portuaire de Papeete et
déjà implantées en ville
exigeaient également des espaces importants à
la fois pour le stockage des marchandises et
La
fonction
firmes
l’essor des
l’installation d’ateliers industriels. Le coût des
sur le lagon, à Motu Uta et Fare
extensions
pouvait qu’inciter à l’aménagement de
spécifiques dans les endroits les moins
attractifs pour l’habitat résidentiel : vallées de
Tipaerui, de la Fautaua (Titioro), de la
Punaruu et étendues marécageuses d’Aruecentre.
Elles ont accueilli des entrepôts
Ute,
ne
zones
commerciaux, des industries du secteur agro-
Page de gauche :
La plaine de
lotissements ont
L'agglomération de
Papeete en 1966 entame
la conquête des
premiers versants. Elle
connaît déjà une
colonisé les hauts de
Punaauia, Faaa, Pirae et
Mahina les années
suivantes, le périmètre
5%, mais le tissu urbain
est loin d'être saturé à
cette date. En effet, si
40 000 hab.
croissance annuelle de
Punaauia-Paea a fait
l'objet d'une
urbanisation intense
quelques grands
entre 1962 et 1983 : la
cartographié ici d'après
F. Doumenge (environ
gagné près
en
de'
1966) a
20 000 habitants en
20
ans.
population y est passée
de 4 619 habitants à
19 756, pour les deux
districts. Les
lotissements
résidentiels à usage
locatif (au premier plan,
celui de Punavai Plaine)
constituent de petites
“cités" aux alignements
stricts, alors que les
lotissements destinés à
la vente, notamment sur
les versants,
comprennent des
parcelles plus vastes,
aménagées de façon
variée. Au centre, la
basse vallée de la
Punaruu, bien
raccordée à la route de
ceinture, est la plus
récente zone industrielle
de
ne
l’agglomération. Elle
constitue
cependant
qu'un espace de
déconcentration pour
les établissements à
l’étroit dans le centre
ville.
La commune d’Arue, à
l'extrémité orientale de
la plaine de Papeete-
Pirae, comprend une
centaine d’hectares
plans dont 23 sont
occupés par une enclave
militaire (au premier
plan). Espace saturé,
Arue a connu le taux
d’accroissement
démographique le plus
faible des communes de
Tahiti depuis 1977,
Papeete exceptée. Du
vaste ensemble des
résidences individuelles
qui montent à l'assaut
des versants
(lotissement Erima), se
détachent les grands
bâtiments de la zone
industrielle de Papaoa ;
11 entreprises y
employaient
767 personnes en
1985.
81
VIVRE EN POLYNÉSIE
Papeete diffuse
son
radio et télévision, couvre tout le secteur par
12 réémetteurs. Enfin, si le cinéma rural est
ses
mode de vie
Au-delà de la
zone
déclin, c’est que la vidéo, alimentée par des
clubs locaux et des cars aménagés, a brutale¬
en
urbaine de Tahiti
et
à
Moorea, les districts périphériques des îles du
30 000 habitants, soit autant
que les îles Sous-le-Vent, les Marquises et les
Australes réunies. C’est cette population qui,
dans son nombre, sa composition, ses migra¬
tions, son mode de vie, ses activités, subit une
évolution
brutale
depuis une vingtaine
d’années. Papeete, qui est devenue le lieu de
diffusion de la “modernité”, tend à imposer
une conception du modèle urbain occidental,
à orienter l’activité économique et à struc¬
turer l’espace à son profit.
Vent comptent
Les citadins
au
district
jouant le rôle de modèle que par leur
nombre que ces personnels qualifiés véhi¬
culent la culture urbaine en s’efforçant de
développer une mentalité technicienne en
milieu rural. Tel est le cas des spécialistes
employés à plein temps au Cnexo à
Vairao et dont la ferme pilote de Teahupoo,
“Aquapac”, a pour vocation de vulgariser les
techniques de production aquacole. C’est
aussi le rôle du personnel de la station
d’élevage de Taravao, comme celui des
pépiniéristes du C.l.R.A.D. à Papara
(Groupe d’Études et de Recherches pour le
Développement de l’Agriculture tropicale),
sans oublier à
Moorea les professeurs du
Lycée d’Enseignement agricole d’Opunohu
qui forment environ 80 élèves. Les autres
métropolitains présents au district sont aussi
porteurs de cette culture urbaine. Peu
nombreux à Hitiaa (1,6% de la population
totale), ils forment un noyau notable à Papara
(plus de 5%) et à Taiarapu Est (7%), commune
qui inclut Taravao. En plus de cette présence
continue, les migrations de loisirs des citadins
ruraux
au
contact
est-il de
avec
en
forte croissance.
ajoutant leurs effets, qu’en
l’impact du mode de vie urbain dans
canaux
conservatoire des valeurs traditionnelles
à l’individualisme urbain. L’étude de
l’habitat montre que la pleine propriété du
un
les districts ?
face
La culture urbaine vécue
logement est beaucoup plus répandue qu’en
au
district
L’evolution des modes de
vie est rapide mais
incomplète. La population reste à 85%
polynésienne et les comportements familiaux
sont encore
traditionnels. La population des
districts comptant
ans,
de 51
chaque foyer abrite
à
Opunohu et
Rangiroa. Leurs
recherches, adaptations
Taravao,
des savoir-faire
55% de
moins
moyenne
de 20
6à7
per-
légumières et fruitières,
(à droite) disposent
d’une station d’essais
à Papara et d’antennes
a
en
l’acclimatation de
nouvelles variétés
ouvriers du C.l.R.A.D.
en
les
suscité Une demande
Ces divers
Les techniciens et les
Les premiers vecteurs de cette diffusion sont
les habitants d’origine citadine. C’est bien plus
mettent
ment
La cohabitation des trois
générations
fréquente et le taux de divorces est
plus faible qu’en ville. Les Églises, avant tout
l’Église évangélique, maintiennent ici une vie
associative toujours intense sur les plans
religieux, éducatif et sportif. Elles constituent
sonnes.
est assez
occidentaux, portentsur
la culture de la vanille.
le traitement des
maladies de la vanille et
du cocotier.
Ci-dessous :
Récent lotissement
au cœur du village
de Tautira.
des
différents et apparemment
citadins qui, chaque week-end,
comportements
enviables. Les
se
rendent
dans
les
districts tahitiens
ou
chenal, obéissent à des motiva¬
tions fort diverses, qu’il s’agisse de loisirs
traversent le
sportifs (golf, moto-cross et jeux nautiques)
aux fetü ou plus simplement du
dépaysement procuré par un tour de l’île. On
compte 600 résidences secondaires dans la
région étudiée. Les ruraux employés dans
l’agglomération sont également porteurs des
valeurs citadines lorsqu’ils regagnent leur
district : ces salariés, pour la plupart, vivent en
d’une visite
Évaluation
en
1985 du trafic routier horaire et journalier : flux maxima entre
Papeete
jours ouvrables sur la Côte Ouest
et les districts les
PAPEETE
1 950
600
2 400
520
1 800
730
SC IR
17 h
effet hors de leur lieu de travail une détente
consommatoire.
L’ensei¬
16 h
essentiellement
dispensé par les collèges
Papara, Taravao, Afareaitu et Paopao
gnement secondaire
de
constitue aussi
un
média efficace tant par
l’origine du personnel essentiellement métro¬
politain qui le dispense que par son contenu. Il
en est de même des
quotidiens de Papeete
distribués le jour même dans toute l’île de
Tahiti et à Moorea. Les centres commerciaux
principaux bourgs assurent la vente de
nombreux magazines tandis que R.F.O.,
des
82
DISTRICTS
MATIN
6 h à 7 h
1 050
1 410
800
1 210
1 160
1 680
Moyenne hebdomadaire du nombre de véhicules
Moyenne
par
lundi du nombre de véhicules
Moyenne par vendredi du nombre de véhicules
LES ILES DU VENT
ville, l’individu
se sentant encore
fortement lié
patrimoine foncier de sa famille. La
répandue qu’en ville ;
plus encore : les meublés sont plus rares
puisque la clientèle ici est davantage poly¬
nésienne. Ainsi, les maisons familiales tradi¬
tionnelles juxtaposent souvent le fare metua
des parents, vaste, et les maisons des enfants
de taille plus réduite. Cette organisation de
l’espace bâti est assez fréquente à Hitiaa, Teva
i uta et Taiarapu Ouest. Les transformations
de la vie quotidienne et de son cadre sont
au
location est donc moins
toutefois nombreuses.
L’agriculture et la pêche n’occupent plus
qu’une minorité d’habitants à Moorea,
Hitiaa o te ra. Dans ces
le salariat peut intéresser jusqu’à
60% des actifs et, de plus, les populations ont
Taravao
et
communes,
Régime de Protection
Milieu rural. Chaque foyer est
accédé récemment
sociale
en
au
l’activité
beaucoup plus dépendant de
économique et des services de la
chantiers
en cours aux
désormais
capitale ; en participant au mode urbain de
perception des revenus, les populations de la
région ont été intégrées à la société de consom¬
mation. L’habitat s’en est d’autant plus
ressenti que les cyclones de 1983 ont provoqué
ici de gros dégâts : les fare en construction
constituent
aujourd’hui la moitié des
communes
îles du Vent. Toutes les
enregistrent un taux de
supérieur à celui de l’agglo¬
du secteur
résidence récente
mération. Toutefois, notre secteur comporte
proportionnellement plus d’habitations de
fortune, traditionnelles, à murs en bois, à sol
en terre battue. Si Taiarapu Ouest est la seule
disposer d’un réseau d’égouts, l’eau courante
distribuée dans 2 habitations sur 3 ; quant à
l’équipement des ménages, il a rapidement
progressé avec l’électrification des districts, en
à
est
à Moorea. 30% des foyers disposent du
téléphone, 65% de la télévision et 70% d’un
réfrigérateur contre respectivement 50%, 90%
et 90% dans l’agglomération de Papeete, Les
rythmes de vie ont été également bouleversés
par le renforcement des liens avec la capitale.
Chaque ménage se rend au moins une fois par
semaine à Papeete pour s’y approvisionner ou
avoir recours à un service public ou privé, et ce
d’autant plus facilement qu’un foyer sur 2
possède une voiture. Ces équipements
traduisent une aisance apparente, mais
l’endettement des ménages s’accroît. La scola¬
risation aujourd’hui complète de la jeunesse
suscite des déplacements massifs et multiplie
le nombre des personnes qui passent de 10 à
14 heures hors du foyer. La participation au
cours
mode de vie urbain date donc ici
beaucoup
plus des années 70 et 80 que de l’époque où le
C.E.P. s’installait en Polynésie.
Entre l’agglomération
de Papeete et Moorea
transitent
600 000 passagers et
171 000 tonnes de
marchandises (1986). La
mise en service de2 puis
4 ferries d'une capacité
d’emport de 30 à
80 véhicules a contribué
Densité et croissance de la
hors
zone
urbaine
au
développement du
trafic maritime.
Cependant, une
concurrence
acharnée
entre la S.A.R.L.
Le Prado et la
Compagnie Tahiti Linea
débouché sur l'abandon
de la desserte par la
seconde en août 1987.
population
Papenoo
population de
l’espace tahitien, hors
agglomération, est
La
Tiarei
passée de 17 823 à
22 526 habitants entre
1977 et 1983, soit un taux
de croissance de 26,4%,
sensiblement supérieur
21,4% relevés pour
l'ensemble du Territoire.
L’essor démographique
de Taravao est égal à la
moyenne de la région,
preuve que le
aux
Mahaena
développement du
Hitiaa
Densité
Faaone
(1983)
plus de 400 hab/km=
plus de 30 %
de 20 % à 29 %
rapide de Papara et de
Papenoo (35,8% et
32,2%) conduit à
l'intégration progressive
l'agglomération de
Papeete.
Pueu
moins de 200 hab/km^
(1977-1983)
Tahiti n’est pas encore
vraiment amorcé. Par
contre, la croissance
de ces deux districts à
de 200 à 399 hab/km®
Croissance
2' centre urbain de
Tautira
Papara
Vairao
moins de 20 %
Teahupoo
83
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Papeete oriente
l’activité économique
Hitiaa
o
te ra.
Cette dernière
commune
polynésienne. L’arboriculture suit, qui
produit principalement des agrumes (oranges,
est
Papeete puisque
60% des actifs résidents la quittent pour la
journée. Ceci étant, l’agglomération ne se
contente
pas d’attirer les travailleurs du
district ; elle contribue à la création d’emplois
sur place en suscitant le développement des
produits de base qu’elle consomme.
devenue
Papeete attire les hommes
Bien
que
l’agglomération représente le
premier marché de l’emploi en Polynésie, elle
vidé les campagnes de leur
population. L’accroissement démographique
dans les districts a même été supérieur à celui
de l’agglomération entre 1977 et 1983. L’étude
des migrations montre une grande mobilité de
la population. Les arrivées restent plus nom¬
breuses que les départs mais les pyramides des
âges traduisent bien l’attrait exercé par la ville
sur
les jeunes adultes actifs, toutes les
communes
enregistrant un excédent de
mineurs et de personnes âgées. Le relatif plein
emploi qui règne à Moorea, le développement
rapide du secteur public (mieux représenté
que le secteur privé) depuis la création des
communes en 1972, le coût du logement en
ville limitent aujourd’hui les départs défi¬
nitifs. En cas de départ, l’amélioration des
transports incite à des migrations surtout pen¬
dulaires. Ces déplacements intéressent 300
habitants de Taiarapu Ouest (30% de la popu¬
lation active) 600 de Teva i uta (43%) et 800 de
n’a pas pour autant
un
des “dortoirs” de
secondairement
poids de la capitale dans ce domaine s’est
malgré la crise de l’économie de traite.
Les îles du Vent ne fournissent plus que 2% du
coprah récolté en Polynésie ; leur café n’est
plus ramassé ; quant aux vanillières de
Moorea, elles sont abandonnées ; ailleurs, en
dépit de la volonté politique, les surfaces
qu’elles occupent sont minimes. Ce recul est
compensé par de nouvelles activités qui
emploient en moyenne un travailleur sur dix
(un sur sept à Taiarapu). La culture la plus
expansive, liée directement au marché urbain,
réside dans le maraîchage, sous serres parfois,
en pleine terre plus souvent. Il associe les
Le
verts,
en
du
Pêche
pub.
1977
1977
1963
1977
1983
24,78
12,01
18,28
16,60
Taiarapu Est
27,28
15,92
14,61
15,92
Taiarapu Ouest
37,22
34,63
12,53
12,21
1,60
Teva 1 uta
27,69
28,73
15,51
10,47
Papara
19,33
18,75
21,45
19,06
20,74
20,21
10,69
9,07
0,26
25,36
20,95
15,17
Zone urbaine
4,08
2,45
10,87
Total
8,27
6,37
11,72
HItIaa O te
Moorea
-
ra
Malao
Zone rurale
84
Énergie
Bâtiment
Travaux
Industries
Transports
au
nord de Moorea et
établis
sur
15% des besoins locaux. Le cheptel bovin a
depuis 1960, mais l’élevage
porcin a connu un essor remarquable : les 200
élevages recensés ici suffisent presque à la
consommation territoriale. 11
des
oeufs.
l’économie
commun
et
un
flux
chaque entrée de la ville
expliquent la saturation
des voies et imposent
de coûteux
Commerce
Activités
Banque
mal
désignées
1983
1977
7,34
6,41
4,52
11,19
7,71
32,15
49,81
0,67
5,28
3,63
3,42
8,36
6,55
41,55
5,40
3,80
3,44
3,40
10,56
6,70
29,24
1,33
4,10
4,9
3,72
2,45
8,72
6,23
39,10
45,86
0,75
7,25
6,94
6,24
4,75
10,87
8,44
33,73
41,31
0,70
6,93
7.11
5,51
4,28
34,80
6,61
20.74
52,66
0,32
2
4,02
0,22
3,88
1
1,15
0,4
0,04
domine sur les versants
est et sud de Tahiti.
réaménagements.
1977
2,49
parcelles reboisées au
ministre de l'Agriculture,
Georges Kelly. Le pin
des Caraïbes, à la
croissance très rapide,
15 000 véhicules à
1983
0,67
est de même
Présentation de
quotidien de 10 000 à
1977
1983
en
spécialisée dans la fourniture
Ces
entreprises intégrées à
de marché ne doivent pas faire
de l’aviculture
1983
1977
la côte sud
: ils représentent 90%
polynésien et alimentent les
troupeau
1977
1983
sur
gros élevages laitiers
1000 hectares d’un paysage
Quatre
diminué de moitié
carottes,
et pommes de
Communications
orchidées cultivées dans de
laiteries urbaines de Pirae (Sachet) et Arue
(Comat). L’élevage pour la viande est dispersé
en petites unités de 10 à 40 têtes, fournissant
achevé de transports en
Agriculture
et
bocager à Taravao
développement
économique de
l’agglomération.
L’absence d'un système
%
anthuriums
sont
représente plus
de la production horticole
Répartition géographique des grands secteurs
comme
Taravao,
Les transports routiers
constituent un goulot
d’étranglement pour le
d’activité
substantiels,
de Tahiti nui.
salades,
terre de Taravao. L’ensemble
des trois quarts
et
D’autres
petites ombrières attenantes aux fare, prin¬
cipalement à Tiarei, Mahaena et Papenoo.
L’élevage, et avant tout l’élevage bovin, ne
s’est développé que là où l’espace le permet¬
tait : les pâturages dominent sur le plateau de
accru,
haricots
pamplemousses)
papayes.
offrent des revenus
l’ananas de Moorea qui
alimente une usine de jus de fruits à Paopao, et
les fleurs comme le tiare à Moorea, les opuhi,
Papeete organise
agricole
tomates et même les asperges
des
spécialisées
cultures
l’économie
choux,
mandarines,
citrons,
1983
Nombre
total
d'actifs
1977
1983
1 045
1 349
52,68
1 184
1 344
38,24
814
999
780
1 347
993
1 600
1 543
2 404
13,53
1
0,78
5,39
6,15
4,94
3,90
15,96
7,04
31,86
47,63
0,30
6 359
9 043
12,04
0,94
0,89
9,85
8,78
9,32
7,20
23,19
15,70
41,57
51,75
0,16
0,04
25 967
33 597
12,35
0,95
0,87
8,98
8,23
8,46
7,39
21,77
13,87
39,66
50,88
0,19
0,03
32 326
42 640
LES ILES DU VENT
oublier que
près de la moitié des exploita¬
tions, certaines minuscules, sont orientées
vers les cultures vivrières. Phénomène récent,
croissant a rendu plus
nécessaire le recours à une autoconsomma¬
tion à base de produits de la pêche artisanale
l’endettement
et de
légumes et fruits locaux.
Papeete utilise les districts
réserve potentielle
comme
L’agglomération utilise l’espace disponible
loisirs et pour couvrir ses
besoins en énergie, eau et matériaux de cons¬
truction. L’étude de l’évolution de l’espace
montrera qu’aujourd’hui les promoteurs en
tourisme jettent leur dévolu sur des sites pittodes districts pour ses
Papenoo
✓
PAPEETE
resques bien au-delà de ses limites. Mais la
demande urbaine entraîne d’autres aména¬
l’appro¬
des
captages sur la Papenoo sont prévus à cet
gements. Si le reboisement effectué en espèces
effet ; enfin, parce qu’ils peuvent être équipés
communes,
pins des Caraïbes, aito ou
en centrales, comme au sud-est de Tahiti, la
falcatas, en espèces nobles comme le tou et le
Vaihiria (3 captages), la Vaite (1) et la
santal, vise à freiner l’érosion pluviale, il
Faatautia (2) qui produisent 14% de l’énergie
répond aussi au projet de réduire des impor¬
tations onéreuses de l’ordre de 50 000 m^/an.
électrique de Tahiti. Le secteur Est est
directement intéressé par la production d’une
Ce reboisement couvre 250 hectares à Hitiaa o
société locale fondée en 1981 (Marama Nui),
te ra, à Teva i uta, sur les versants de la
caldeira de Moorea, sur les hauts d’Afapuisque les abonnés résident sur la côte est,
mais cette société vend aussi de l’énergie à
reaitu... Les cours d’eau présentent à eux seuls
l’E.D.T. qui est en situation de monopole dans
un triple intérêt. D’abord parce qu’ils four¬
nissent des graviers et des blocs d’enro¬
l’agglomération. En février 1985 est née la
T.E.P. (Société de Transport d’Énergie élec¬
chement (lits de la Papenoo et de la Punaruu)
trique en Polynésie), société chargée du
ensuite, parce que, en saison sèche, ils sont
transport, de la transformation et de la
susceptibles de fournir à l’agglomération qui
construction de réseaux de collectage dans le
centrale hydroélectrique
sud de Tahiti. En fait, elle doit aussi
coordonner l’expansion de deux sociétés pro¬
igné 90 Kv et en projet
ductrices : E.D.T, qui utilise de l’énergie
ligne 20 Kv et en projet
importée et Marama Nui dont l’impact sur la
région est important. En plus de ces travaux
exploitation d'agrégats
d’aménagement de centrales, de la construc¬
tion de la route traversière Vaihiria-Papenoo
versants reboisés
par le col Teaora, et de l’installation de lignes à
haute tension pour fournir Papeete et la zone
industrielle de la Punaruu, Marama Nui doit
Hitiaa
percer un tunnel de 200 m sous le col
consomme
120 000 m^ d’eau par an
visionnement
qui peut lui
manquer :
d’Urufaru.
Centrales de
la Faatautia
Faaone
Centrâtes
de^
Vaihiria
Taravao
L’exploitation des ressources natureiles
Vairao
dans ies districts ruraux de Tahiti
cœur
Papeete,
du commerce
popuiaire de
l'agglomération. Installé
sur
l'actuel
emplacement depuis
1860, reconstruit en
1927 puis en 1987
(à droite, le nouveau
marché), il accueille
quotidiennement
130 vendeurs
Tautii
Papeari
Papara
Le marché de
Pueu
Ci-dessus
Teahupoo
commerçants en fin de
semaine. Ceux-ci
viennent pour la plupart
des communes rurales
de Tahiti et fournissent
50% des légumes
commercialisés,
80% des fruits, mais
10% seulement des
:
Roger Doom, maire de
Taiarapu Ouest et
professionnels et
500 agriculteurs,
pêcheurs et
produits de la pêche. Les
rues adjacentes servent
de tête de ligne à 90%
Tinomana Ebb, maire de
Teva i uta.
Deux promoteurs de
l'équipement
hydroélectrique des
vallées du sud de Tahiti.
des trucks de Tahiti et
voient transiter
25 000 personnes par
jour.
85
POLYNÉSIE
VIVRE EN
Papeete structure
l’espace
forestiers de purau et mape, en bosquets de
fruitiers ou médiocres prairies en zone plus
sèche. Les espaces
Les transformations des paysages de la
région sont aujourd’hui de plus en plus
rapides. Elles affectent les structures et les
paysages agraires et les espaces villageois et se
propagent tout au long et à l’extrémité des
axes de circulation constitués par les routes
terrestres, maritimes et aériennes.
L’évolution des structures
agraires
Les espaces non bâtis sont encore dominants
se réduisent sous la pression de l’urba¬
mais
nisation. Ils associent des
non
zones agricoles et
agricoles dont la superficie varie d’une
section de
divisent
mer, en
commune
en
terres
à l’autre. Les incultes
en
banlieues, certains bords de route voient
s’aligner des fare uniques entourés de pelouses
arborées sur des parcelles avoisinant mille
mètres carrés. L’habitat de type traditionnel
s’inscrit dans un plan parcellaire plus émietté
et aux contours rendus plus flous dans le
paysage par l’abondance d’arbres fruitiers et
de bosquets ornementaux. Le régime foncier
subit également une évolution qui voit
Évolution de l’occupation du sol :
lambeaux
se
substituer à
l’indivision. Au demeurant, le régime foncier
est mal connu, les partages effectifs ou des
échanges de biens indivis n’étant
déclarés.
Les
achats
de
pas
toujours
terre, à vocation
agricole, peu nombreux, ont vu leurs prix
doubler de I960 à 1970 et tripler de 1970 à
1980
dans
tendance est
région de Taravao. Cette
plus forte s’agissant des
la
encore
achats à fins résidentielles. Suivant la loca¬
lisation, les prix actuels du mètre carré
s’échelonnent de 1 500 FCP à 8 000 FCP : le
double seulement des terres agricoles les plus
qui influe sur le prix des
décourage les candidats au
chères. Une évolution
locations
et
fermage. Dans
ce contexte, on assiste à un
accroissement des sorties d’indivision et à un
renforcement de la propriété urbaine dans la
Côte Sud et isthme de Taravao
(1967-1984) et situation actuelle
de l’élevage du secteur
où les habitants du district n’ont
guère
de participer aux transactions de
grande envergure. La très inégale répartition
de
la
propriété demeure. Les anciens
mesure
les moyens
se
marécageuses de bord de
brousses parfois denses,
bâtis consacrent l’oppo¬
de vie. A l’imitation des
sition de deux genres
l’appropriation individuelle
CO
c
a>
E
O)
3
CO
C
a>
Zone d'habitations
La part du secteur dans l’ile de Tahiti (1984) est de
51,5 % des porcins et 91 % des bovins.
La taille est
proportionnelle
au
nombre de têtes.
m
localisation
Ci-dessus
localisation de centres
Zone inculte
:
Élevage avicole. Bien
adapté à l’exiguïté de
i’espace agricole,
l'élevage hors sol a
récent
la côte sud de Tahiti.
connu un essor
sur
En 1986, 12 producteurs
ont livré 484 tonnes de
poulets de chair mais
n'ont satisfait que 10%
de la consommation
locale.
propices à l’agriculture
Polynésie. Domaine
au coton
puis à la canne à sucre
jusqu’en 1950, Atimaono
est aujourd'hui un des
espaces-loisirs de
Tahiti. A proximité du
terrain de golf, un
lotissement agricole,
aménagé à grands frais
par le Territoire, illustre
volonté de
reconquête des espaces
utiles à l’agriculture.
Marina
‘
Pépinière
forestière
et fruitière
86
de Mataiea
Golf d’Atimaono
1981
bovins
en
1984
porcins
en
1981
porcins
en
1984
(g) de promotion agricole
en
une
en
Q de i’éievage avicole
Ci-dessous :
La plaine d’Atimaono
est, par sa superficie et
la qualité de ses sols, un
des lieux les plus
colonial voué
bovins
Mataiea
LES ILES DU VENT
domaines constitués
au
X1X= et
au
XX'= siècle
s’arrogent la plus grande part de l’appro¬
priation individuelle. A Moorea, les
propriétés de plus de 50 hectares occupent
plus du tiers de la superficie de l’île. A Papara,
Teva i uta et Taiarapu Est les résultats sont
comparables. A l’opposé, la mini-propriété,
qui est surtout indivise, regroupe, en petites
unités de moins de 5 hectares, plus des trois
quarts des propriétaires. Récemment est
“réaction foncière”, ce qui
n’empêche pas la spéculation foncière de se
répandre dans toute la région et surtout dans
apparue
une
le district de
Papenoo.
tion de
des
se mesure
l’espace bâti. 11 y
zones
locale, 6 000 habitants supplémentaires sont
apparus en 6 ans, soit un quart des effectifs et
jusqu’à 1 habitant sur 3 à Papara et à
Papenoo. Les traits typiquement urbains sont
accentués du fait de l’installation de citadins
dans le secteur et aussi
villageois
également à l’évolu¬
a à la fois glissement
résidentielles des vallées
vers
le
lagon et concentration de la population le
long de la route de ceinture avec étirement des
en
raison de l’augmen¬
tation du nombre de résidences secondaires
:
les deux tiers du total des îles du Vent. Si la
encore, une concentration
s’observe
surtout
à
Papara,
dispersion domine
croissante
Taravao,
Afareaitu
construction
L’évolution des espaces
L’urbanisation
constructions à partir des noyaux villageois.
La zone résidentielle s’accroît donc surtout en
liaison avec l’augmentation de la population
et Paopao avec la
d’établissements commerciaux
de bâtiments administratifs : mairie,
gendarmerie, collège, hôpital. Les lieux
privilégiés de cette urbanisation, trace visible
d’une économie de plus en plus ouverte, se
répartissent en fonction des facilités de
communication. Si Temae et son aéroport
n’ont pas encore développé de centre résiden¬
et
tiel, ni même le débarcadère à Vaiare,
par
partie de
Paopao et contribue à développer la partie
contre
celui de la baie de Cook fait
village. La route, et surtout la route
bitumée, a un pouvoir attractif beaucoup plus
fort, permettant, entre autres facilités, une
viabilisation des terrains à bâtir, d’où ces
améliorations, rectifications et réfections de
ponts, ce projet de route rapide à Papara au
pied des collines et ces voies secondaires
nord du
quadrillant l’espace. Enfin, en dehors des
agglomérations, l’urbanisation à vocation
touristique transforme rapidement cet espace.
Des
hameaux résidentiels
à
Vaimarama
résidences
induisant
de
un
celui de
comme
Papeari installent des
conception d’avant-garde
mode de vie “californien” et des
loisirs : club bouse, bassin hydro¬
thérapique et court de tennis à éclairage
espaces
nocturne.
Ces hameaux
se mettent en
place en
fonction des structures d’accueil existantes
en
ou
projet, tel le futur port de Paratea qui
Mlüi
Ci-dessus :
La station touristique de
Punui occupe une
trentaine d'hectares
d'une planèze aux sols
riches située sur le flanc
nord-ouest de la
presqu'île. Ses
54 appartements et villas
accueillent des touristes
et des résidents de la
zone
urbaine.
Ci-dessous :
Les bassins
d'aquacuiture de ia
société Aquapac
couvrent 10 hectares
aménagés en gradins
dans
une
vallée de
Teahupoo. Filiale de
France-Pacifique
(groupe Ifremer), cette
société
pratique
l'élevage extensif des
chevrettes et
a
fourni la
presque totalité des
12 tonnes produites en
Polynésie en 1986.
L'effet d'entraînement
de cette unité est faible
en raison des problèmes
fonciers et des
incertitudes relatives à la
rentabilité des
exploitations.
Page de gauche :
La baie de Por'i-Phaéton
borde l'isthme de
Taravao. D'une
superficie comparable à
Papeete
(150 ha), elle n'a reçu
aucun équipement
portuaire car Taravao
n'est longtemps restée
qu'un poste militaire.
celle de
Avec ses 400 hectares
plats, bordés de
1 000 autres faciles à
aménager, l'isthme
pourrait être le cadre
du 2' pôle urbain de
Tahiti.
87
VIVRE EN
POLYNÉSIE
s’étendra
sur
la bordure orientale de l’isthme.
nord de l’île
;
appartiennent
Un terme de l’évolution
les espaces touristiques
notamment au
:
activité
a
l’agglomération
récréatifs,
de
entraîné
d’un
dans
boutiques
et
parages
ses
ensemble
de
services
lieux
très
diversifiés. Le tout, avec les activités induites
telles que la pêche, l’agriculture, l’artisanat, les
fait dépendre
touristique plus du tiers de la
population de l’île. Cette activité, représentée
à la fois par la petite entreprise familiale
(motel Albert, bungalows Jamet ou Linareva)
et
la grande hôtellerie capitaliste (Club
Méditerranée, Bali Hai, Kia Ora) a littérale¬
ment colonisé une part importante du littoral
locations variées, les transports,
de l’activité
Moorea
Sofitel Tiare
Club Méditerranée dont les
bungalows occupent un des plus beaux
sites de l’île. L’activité touristique a également
fait son apparition dans la partie sud de
Tahiti, témoin le complexe de Punui
développé sur les plateaux de Vairao et dont la
marina est établie sur la pointe Riri. Le
complexe d’Atimaono occupe une place à part
en raison de sa superficie (plus de 2000 hec¬
tares) et de la tri-dimensionnalité du projet.
Une finalité agricole sera préservée : elle
concerne les terrains enclavés qui jouxtent
actuellement le golf et les premières collines.
Un ensemble touristique, en situation inter¬
médiaire, en liaison avec le golf, s’articulera
autour d’une unité hôtelière de plus de 500 lits.
Enfin, en bordure du lagon, une université de
la mer est prévue.
Nous avons donc affaire à une région de
365
De par l’ampleur du phénomène touristique
qu’on y observe, Moorea prend un caractère
original dans la région. La quinzaine d’hôtels
en
plus de 5 kilomètres de côte
à ces établissements et
plus en plus pénétrée par l’urbanisation.
Jusqu’où cette évolution ira-t-elle ? Jusqu’à
l’extension de la construction dans l’ensemble
de l’île ? La coexistence de deux
les habitants du secteur étudié vivent-ils
Ce
qui est sûr aujourd’hui, c’est
districts des îles du Vent
de l’agglomération et des autres
archipels. Entre eux apparaissent des clivages
distance
entre
sections
de
urbanisées
mondes différents.
plaines y sont les plus
larges et le littoral plus
aéroport
conforme à l’image des
îles des mers du sud
diffusée auprès des
’Opunohu
populations de
l'hèmisphère nord. La
capacité hôtelière
Kia Ora
Teavaroj
Paopao
communes
(Papenoo, Papara, Taravao, Afareaitu,
Paopao, Maharepa) et des sections plus
rurales (Mataeia, Hitiaa, Faaone, la presqu’île
et la côte sud-ouest de Moorea). L’originalité
de la région provient bien de sa situation inter¬
médiaire et de l’interpénétration de deux
de Temae
Papetoarv Baie
!□ Club Méditerranée
que les
situent bien à mi-
se
Moorea : espace loisir.
L'essor économique a
essentiellement touché
le nord de l’île. Les
Maharepa
Climat de France
posi¬
tivement ou négativement cette nouvelle
mutation commencée il y a un quart de siècle ?
Bail Hal
Lagon
conceptions
monde, l’une refoulant l’autre, est-elle
génératrice de tensions ? En d’autres termes,
du
atteint 1 025 chambres
vSB Vaiare
Vallée’!^
d'Opunohu
Moorea
-—'n
:
espace
limite de terres domaniales
route
touristique et belvédère
plage fréquentée
Afareaitu
havre de
JHaapiti
loisir
plaisance
(1987) dont 711 pour la
seule côte nord-ouest.
Cette région nord
s’oppose au sud
montagneux et agricole
par la densité des
activités liées au
tourisme. Elle compte
5 494 habitants (1983),
soit 78% de la population
totale de l’île.
Le réseau routier de
Moorea
a
été modernisé
mieux desservir les
zones touristiques. Pour
préserver les paysages,
les réseaux électrique et
téléphonique ont été
pour
Maatea
enterrés et
une
chambres
300
200
100
sur cette
Haapiti.
88
on a
défini
esthétique des
d'art comme
ouvrages
section de
14 Les
Archipels
Nous avons évoqué implicitement
ces phénomènes
le chapitre de13, en
Papeete ville
coloniale et ledans
développement
étudiant la formation de
son
agglomération : les sociétés créent leurs régions géographiques en utilisant un certain
nombre de techniques qui leur permettent d’intervenir dans la nature en découpant
l’étendue (création par exemple des entités administratives) et en transformant le
milieu physique (grands travaux d’Armand Bruat par exemple). Ces techniques ne
sont évidemment que les moyens matériels dont usent les communautés humaines
(plus ou moins nombreuses) arrivées à un certain stade historique (politique,
économique, culturel...) de leur développement pourse reproduire biologiquement et
socialement (au sens le plus large du terme) en prenant en compte la dimension
matérielle de l’ordre naturel, qui est incontournable. Ces techniques n’ont évidemment
d’efficacité et de signification que rapportées, consciemment ou inconsciemment peu
importe, à un certain projet global de développement.
Tout ceci pour dire que depuis deux cents ans, les espaces polynésiens sont
fondamentalement le produit du choc inégal de deux civilisations, de deux systèmes
socio-culturels arrivés à un stade différent de leur développement.
Dans ce contexte d’acculturation, l’espace urbain, espace colonial de domination,
est, en raison du dynamisme des processus qu’il diffuse, le vecteur des transfor¬
mations qui affectent le monde rural. Une première vague de transformations a été
déterminée par le premier choc de la modernité. Nous en rendrons compte, en allantà
l’essentiel, dans le sujet 1 qui fait le point sur la réalité socio-spatiale des années 1960,
Une réalité qui, en dépit d’un certain nombre d’éléments qui concourent à sa
diversité, permet d’opposer globalement l’agglomération telle qu’elle est constituée à
l’époque à un monde rural dont l’unité profonde, des confins de Pirae et de Faaa aux
Marquises, tient à la nature des relations que la société entretient avec son espace
dans le cadre du mataeina'a. Une réalité qui, à son tour, va être profondément affectée
par les processus de changement (sujets 2 à 6) générés par le second choc de la
modernité.
Les districts tahitiens et Moorea, François Merceron nous l’a montré, ne sont pas
(pas encore ?) urbanisés. On ne saurait pour autant les intégrer aujourd’hui, comme en
1960, dans le Monde des Archipels qui a évolué plus lentement. C’est ce que nous nous
efforcerons de montrer dans le dernier sujet de ce chapitre qui tentera de dresser le
bilan géographique (provisoire) de 25 ans d’histoire.
Société et espace
dans les années 1960
dépit de la présence d’un certain
spécifiques de
réalité tahitienne (grandes propriétés
En
nombre de formes de transition
la
“demies” dont l’existence favorisera ultérieu¬
rement
l’explosion urbaine, écoulement sur le
Papeete de légumes et de produits
marché de
vivriers “locaux”), l’opposition est tranchée
dans les années 1960 entre une agglomération
qui se développe, et dont l’emprise
spatiale s’étend jusqu’aux confins de Pirae et
de Faaa, et un monde rural qui comprend les
urbaine
autres
districts des îles du Vent et
ce
que nous
appelons aujourd’hui les archipels.
Une opposition qui en première approxi¬
mation et à un très grand degré de généralité
repose sur les facteurs suivants. Le Grand
Papeete de 1962 rassemble 32,9% de la
population du Territoire dans
un espace sans
solution de continuité qui représente 2,5%
environ de sa superficie. Un espace de domi¬
nation dont la genèse (voir pp. 76-77) et le
fonctionnement
symbolisés par les
peuplement : l’agglomé¬
ration concentre respectivement 57,1 %, 62,4%
et 44,5% despopa'a, des Chinois et des Demis
caractères de
sont
son
résidant dans le Territoire.
Un espace dont la relative homogénéité,
une certaine combinaison des facteurs
due à
physiques et humains permettant de définir les
régions géographiques, contraste fortement
avec
l’apparente hétérogénéité du monde
rural, du moins si l’on prend en compte globa¬
lement les éléments qui contribuent à sa
formation : la distance à l’échelle générale
(localisation par rapport à Tahiti) et à l’échelle
locale (modes de groupement ou de dispersion
des terres émergées) qui a influé sur les
modalités et les caractères essentiels du peu¬
plement ancien (notions d’aires culturelles
Tuamotu, voir volume 6, p. 71
rela¬
tions privilégiées de Rurutu et Rimatara avec
certaines Cook..,) ou du peuplement récent
(diffusion de la modernité aux îles Sous-leVent et aux Tuamotu de l’Ouest par l’inter¬
médiaire des popa’a, des Demis et des
Chinois). Interviennent aussi bien entendu la
superficie, très variable, des îles, leur morpho¬
logie (îles hautes et îles basses), leur climat (les
Tuamotu et les Marquises sont relativement
sèches, les Australes trop froides pour que le
cocotier donne beaucoup de fruits), leur
biogéographie... Autant de facteurs qu’il faut
prendre en compte (voir volume 8,
pp. 121-123) pour expliquer à l’échelle des
ensembles ou des sous-ensembles archipélagiques, voire à l’échelle insulaire, l’impor¬
tance relative des effectifs démographiques,
les phénomènes de densité et de répartition de
la population, les grandes orientations socio¬
économiques (voir volume 8, pp. 121-123) :
poids relatif et orientation (autoconsomma¬
tion, marché) de la production vivrière ; le
coprah exclusif aux Tuamotu, dominant aux
aux
89
VIVRE EN
POLYNÉSIE
Marquises, voit sa suprématie contestée par le
pandanus aux Australes, la vanille
café et le
îles Sous-le-Vent et à Moorea. Autant de
aux
affiner
l’analyse en raisonnant à des échelles de plus
en plus grandes (des espaces de moins en
moins étendus) qui, à nos yeux, ne sauraient
masquer ce qui au-delà ou en-deçà des appa¬
rences, à un niveau plus profond de la réalité
socio-spatiale, fait l’unité du monde rural :
l’identification totale des Polynésiens à leur
espace de vie. Une identification qui, comme
aux temps anciens, mais dans le contexte
(politique, socio-économique et culturel) créé
par le premier choc de la modernité, fait de
l’île et surtout du mataeina’a (le territoire
insulaire peut se confondre avec celui du
mataeina’a, mais les îles les plus étendues et les
mieux
peuplées comportent toujours
plusieurs maiaeina’a), l’espace social de réfé¬
diversité dont
facteurs de
rence,
le lieu où
se
on
peut
rassemblent autour du
de l’église les groupes sociaux plus
apparentés qui, en s’enracinant de
génération en génération dans la réalité
terrienne par le biais du régime foncier
coutumier, assurent la pérennité de l’implan¬
tation
des
communautés
villageoises
d’agriculteurs et de pêcheurs.
temple
ou
ou
moins
Le va’a mataeina’a :
entité territoriale fondamentale
Le va’a mataeina’a, unité de peuplement ori¬
ginelle symbolique ou réelle (le va'a est la
pirogue dans laquelle ont voyagé les premiers
occupants qui sont à l’origine des lignées
“résidentielles”
du
district), a toujours
constitué en Polynésie, du moins si l’on se
réfère au statut socio-spatial des anciens
politiquement et socio-économi-
contrôlait
l’entité territoriale formée par
le mataeina’a,
(qui était
forme de
prestations ritualisées. Une production
vivrière qui, dans le cadre des communautés
villageoises, était mise en œuvre par des
groupements de parenté de type ati, beaucoup
plus étendus que les catégories sociales perti¬
nentes aujourd’hui (le opu hoe actuel est
constitué par un groupe de frères et sœurs et
leurs descendants sur trois ou quatre généra¬
tions) qui exploitaient, semble-t-il en commun
-
c’était
encore
moins, s’inscrit maté¬
moins de finesse (tout
dépend et du processus de segmentation qui,
avec le passage du temps, a affecté les groupes
sociaux
et
des
phénomènes de
regroupement qui ont pu ultérieurement
intervenir, aux Tuamotu ou à Rurutu par
exemple) dans le cadre physique déterminé
par la morphologie insulaire : ce peut être une
vallée aux Marquises, un bassin versant à
Rurutu, un secteur plus vaste aux îles Sous-leVent. Une réalité qui n’a pratiquement pas
changé au plan de la contenance (étendue et
délimitation du mataeina’a) ; on ne saurait en
dire autant de son contenu (nature, agence¬
ment et signification des formes d’occupation
de l’espace) qui a été profondément affecté par
l’imposition du système colonial et
notamment par l’introduction de l’économie
de traite (voir volume 8, pp. 12-13).
hautes
tout
avec
cas
à Rurutu et
aux
organisation socio-spatiale extrême¬
complexe de territoires emboîtés
reflétant à tous les niveaux
sociale (voir volume 5, p.
une
stratification
121) fondée reli¬
gieusement sur la proximité généalogique
avec les dieux,
les manahune, qui consti¬
tuaient la “classe” inférieure de la société,
assuraient l’essentiel de la production vivrière,
mais en signe d’allégeance à Yari’i qui
90
nous manque ici pour analyser et le
historique global (reprise démogra¬
phique, constitution d’une propriété coloniale
popa’a et “demie” aux dépens de la propriété
indigène...) qui, en pesant sur l’évolution de la
ditaires.
Dans un premier temps, en éradiquant le
paganisme, les missionnaires vont saper les
fondements religieux du pouvoir politique des
société rurale, a transformé les rapports que
celle-ci entretient
avec la Nature et par le fait
système foncier qui constitue le
moyen de sa reproduction dans le cadre du
mataeina’a. 11 ne nous est pas possible non
plus de préciser comment la crise du système
colonial (voir volume 8, pp. 16-17) qm débute
même
ari’i et libérer les manahune de leurs liens de
dépendance. Ce faisant, tout en imposant un
nouveau
consensus
idéologique, ils vont
aux
communautés villa¬
geoises dont ils prennent le contrôle (voir
volume 8, p. 10). Jouant un rôle profondé¬
ment ambigu car, s’ils investissent et subvertissent ce qui reste des anciennes structures
par le biais notamment des “Codes de lois”
(voir volume 6, pp. 60-61), ils vont, en inter¬
disant les ventes de terres aux étrangers, jouer,
jusque dans les premières années du Protec¬
torat, un rôle déterminant dans la protection
de la “propriété” indigène qui, de leur fait
(voir supra) est devenue autonome. Somme
toute, après avoir rendu, dans le cadre de
au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale
un processus de déstructuration
qui a affecté le fonctionnement de ce
que nous appellerons l’indivision coutumière.
Nous nous contenterons d’indiquer ici
que, dans les années 60, la société rurale poly¬
nésienne n’a pas (pas encore ?) perdu le nouvel
équilibre qu’elle a su trouver pour ne pas
disparaître quand elle a été confrontée au choc
sociale
de l’économie de traite.
qu’au début du XIX‘= siècle les
souligné
De même
Codes de lois traduisaient, comme l’a
MOOREA
1 314
district
coprah et de vanille en 1960
Production par
de
150 606
-
-
X-
le
déclenché
a
total
O
place
La
contexte
production de coprah en tonne.
production de vanille verte en kilo.
En rouge
En noir
5,
.•r
...
d’une
qui vont dès lors être capables de résister, à la
provoqué par le
développement de l’économie de traite, un
développement dont l’application du Code
civil va être l’instrument socio-juridique.
fin du XIX' siècle, au choc
-
rendre leur cohésion
de parenté qui les
leur enracinement
dans la réalité terrienne. Des communautés
au début du XX'= siècle
\ss fenua sur
lesquels ils avaient des droits d’usage héré¬
au
plus
le
de l’Est
phique fondamentale. Une réalité qui, dans les
riellement
permettant aux groupes
constituent de perpétuer
ils lui en réservaient une partie
d’ailleurs redistribuée) sous la
manahune et de leurs “héritiers” contempo¬
rains (voir volume 8, p. 9) la réalité géogra¬
îles
nouvelles normes, leur cohésion aux commu¬
nautés rurales, ils ont assuré leur pérennité en
(par l’intermédiaire des ra’atira)
quement
226
306
HAAPITI 406
-
20 145
.
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16
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A.
Fait partie de Encyclopédie de la Polynésie. Vivre en Polynésie. 1 et 2