B987352101_R228.pdf
- Texte
-
ENCYCLOPEDIE DE LA POLYNESIE
l'Encyclopédie de la Polynésie, les habitants de la
Polynésie française ont à leur disposition, pour la
première fois, un inventaire complet et détaillé du
monde dans lequel ils vivent. Pour la première fois, la
somme des connaissances acquises sur tout ce qui
concerne ce pays en ce moment du XX' siècle est
publiée pour décrire les 118ïles qui le composent, pour
Avec
faire revivre les hommes et les sociétés des temps
passés, pour faire l’inventaire des richesses que leur
offre leur environnement et dresser le tableau de la vie
quotidienne dans la Polynésie d'aujourd'hui.
Une encyclopédie de toute la Polynésie fran¬
çaise : si Tahiti et sa capitale Papeete restent l'organe
vital du Territoire, il est aussi vrai que les archipels qui
le composent jouent un rôle déterminant.
Par
conséquent, tout au long des 9 volumes de l'Encyclo¬
pédie, Australes, Tuamotu, Gambier, Marquises et
Société sont évoqués, à la fois pour leur appartenance
à l’ensemble polynésien et pour leurs caractères
spécifiques. Ainsi, qu'il s'agisse d'histoire, d'archéo¬
logie, d’économie ou de l’étude des milieux naturels,
l’Encyclopédie apporte un témoignage de la richesse
et de la diversité des îles.
Une encyclopédie thématique : dans cet esprit, une
énumération alphabétique des sujets serait apparue
comme une restriction à l'ampleur du propos. Alors
que la répartition de ces 9 volumes en thèmes
successifs permet une compréhension plus complète
plus profonde des sujets, où l'on verra que, bien
souvent, l'exploration du passé éclaire les conditions
du présent et les possibilités de l'avenir.
et
encyclopédie visuelle
Une
; à notre époque où la
l’image joue un si grand rôle, il
paraît évident de lui donner une place prépondérante
dans un ouvrage de cette importance. Cartes,
schémas, dessins et photographies occupent plus de
la moitié des pages, ajoutant ainsi à l’information écrite
une vision concrète et attrayante de celle-ci.
communication par
Une encyclopédie pour tous : qu'il s'agisse du
peuplement de la Polynésie et de sa culture ancienne,
de ses ressources et de la gestion attentive de son
environnement, ou de l’état actuel de son organisation,
il va de soi que le désir de la connaissance passe par le
plaisir de son approche. Textes et illustrations ont
donc été conçus
dans
un
souci de simplicité qui iaisse
intacte la rigueur scientifique. Dans chaque volume,
bibliographie permet de connaître les
sources de
plus avant dans l’étude
d’un sujet. Enfin, un index et un glossaire éclairent les
termes techniques et facilitent la lecture.
une
la documentation
Une
ou
d’alier
encyclopédie des Polynésiens : un ouvrage de
conception représente un outil de travail pour les
une source de références pour les élèves
et les étudiants, un moyen d'information pour tout
esprit curieux. Il permet à tous ceux qui sont nés ou qui
vivent en Polynésie de la mieux connaître et, pour tous
cette
enseignants,
ceux
de l’extérieur, de découvrir une
de celle des cartes
image différente
postales.
Mais, les dimensions de l’Encyclopédie de la Polynésie
dépassent ces aspects pratiques. Comme tout pays en
plein essor, la Polynésie française est confrontée à ce
défi que constitue l'insertion de sa croissance démo¬
graphique et économique dans le cadre géographique
et politique qui est le sien. Des 9 volumes de cet
ouvrage se dégagent l'historique et le bilan des
ressources dont dispose ce pays. En conséquence
directe, ils mettent l'accent sur ses richesses poten¬
tielles. mais aussi sur la fragilité des équilibres naturel
et humain dont chaque Polynésien est le garant.
/
ENCYCLOPEDIE
DE
LA POLYNBIE
ENCYLOPÉDIE DE LA POLYNÉSIE
produite par Christian Gleizal
© 1986 C. Gleîzal/Multipress pour la première édition
Editée et
Tous droits réservés, il est interdit de reproduire, d'utiliser dans une banque
données ou de retransmettre par quelque moyen que ce soit cet ouvrage,
,
partiellement
ou
de
totalement, sans l'autorisation préalable écrite des éditeurs.
3
((U
àfiOcif
yOT/^'
933
(0^
ÉM
ENCYCLOPEDIE DE LA POLYNESIE
la France en Polynésie
1842-1960
Ce
septième volume de l’Encyclopédie de la Polynésie
Docteur de 3è
avec
cycle
en
a
été réalisé
sous
la direction de
Pierre-Yves Toullelan,
Histoire, Chargé de cours au Centre Universitaire de la Polynésie française,
Économie, Maître de Conférences à l’Université de Paris I,
Panthéon-Sorbonne, Pierre Lagayette, Agrégé de l’Université, Docteur de l’Université de Californie,
Maître de Conférences à l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne,
la collaboration de
:
Bernard Grossat, Docteur en
Michel Lextreyt, Agrégé de Géographie, Professeur, Lycée Paul Gauguin,
Newbury, Professeur, Institute of Commonweaith Studies, University of Oxford, Patrick O’Reilly, Licencié ès Lettres,
Diplômé de l’Institut d’Ethnologie de Paris, Jean-Louis Rallu, Démographe, Institut National d'Études Démographiques,
Henri Vernier, Licencié en Théologie, Pasteur de l’Église évangélique de Polynésie.
Colin W.
Conception et production : Christian Gleizal
Maquette et coordination de la réalisation technique : Jean-Louis Saquet
Assistante de production : Catherine Krief
Illustrations et cartographie ; Catherine Visse et Jean-Louis Saquet
Traductions de l’anglais : Pierre Montillier, Dominique Toullelan
Collaboration rédactionnelle
L’iconographie de
volume
Michel-Claude Touchard
a été rassemblée sous la direction
Pierre Montillier à Paris et grâce à l’aide
de Christian Gleizal, par Celestine Dars à Londres et
qui nous a été apportée par :
Musée Gauguin: Gilles Artur, Directeur ;
Cynthia Timberlake, Librarian,
Betty Lou Kam, Curatoriai Assistant, Photograph Collection, Clarence Mauricio, Photograph Collection ;
à la National Library of Australia : Barbara Perry, Pictorial Librarian, Sylvia Carr, Acting Pictorial Librarian ;
la State Library of New South Wales : Dixson Library : Mrs Rhodes, Dixson Librarian ; au Musée de l’Homme : Muguette Dumont, Photothèque ;
au Musée de la Marine : Mme Huyghes des Étages, Conservateur, Marjolaine Mourot, Chef du Service d’Études et de Documentation ;
au Service Historique de la Marine : M. le Contre-Amiral Chatelle, Chef du Service Historique,
J.-P. Busson, Chef du Service des Archives et des Bibliothèques de la Marine.
au
à
ce
:
Musée de Tahiti et des Iles : Manouche Lehartel, Directrice, Véronique Mu-Liepman, Conservateur ; au
au Service des Archives territoriales : Pierre Morillon, Chef du Service ; au Bishop Muséum :
La
majeure partie de l’illustration de ce volume est tirée de la collection
le R.P. Patrick O’Reilly a bien voulu mettre à notre disposition.
que
privées nous ont été accessibles grâce à l’obligeance de leurs détenteurs : M. Christian Beslu, Tahiti ;
Nigel Davies, Californie ; M. et Mme Deschamps, Moorea ; M. Édward Dodd, Vermont ; MM. Pierre et Jacques Loti-Viaud, Paris ;
Des collections
M.
M. Alfred Poroi, Tahiti.
Photographies : J. Agostini, H. Bodin, Ch. Bouzer, Cedri, R. Charnay, Dormoy de la Harpe, Église évangélique de Polynésie,
K. Emory, M. Folco, L. Gauthier, Giraudon, Handy, Heisby, Hoare, Homes, LG.N., H. Lemasson, Lerable,
Mary Evans Picture Library, P. Montillier, CL Rives, Roger-Viollet, Société de Géographie, J. Stokes, G. Spitz, A. Sylvain,
U.S.LS,, Véronèse, G. Viaud, Visual Arts Library, G.P. Wilder, W. Wilson.
CHRISTIAN GLEIZAL / MULTIPRESS
Avant-propos
précédent volume de l’Encyclopédie, en s’attachant à retracer les circonstances de l’arrivée des Européens et ses conséquences
le cours traditionnel de l’Histoire polynésienne, mettait l’accent sur le rôle des individus : circumnavigateurs, baleiniers, missionnaires...
11 n’en est pas de même pour les années 1840 qui ouvrent ce volume. Les'grandes puissances font du Pacifique le champ de leur rivalité
et Tahiti, pas plus que les autres îles ou archipels, ne reste en dehors de ces luttes hégémoniques. La renommée de Tahiti n’est plus
celle de la Nouvelle-Cythère chantée au siècle précédent, mais celle, éphémère, que “l’affaire Pritchard” lui confère lorsque
la France et la Grande-Bretagne, par consuls et religieux interposés, y rivalisent.
C’est finalement la France qui y établit un protectorat, statut juridique particulièrement flou, qui va permettre la réduction progressive
du pouvoir de la reine Pômare IV et des chefs traditionnels, jusqu’à ce que, 40 ans plus tard,
l’annexion ne soit plus qu’une formalité. La constitution, de 1880 à 1901, des Établissements français de l’Océanie,
confiés au bon vouloir d’un gouverneur tout-puissant, ne fait qu’entériner le remplacement de l’autorité traditionnelle par la tutelle
de l’administration. Ensuite, dans les années d’affirmation de son pouvoir, l’administration coloniale muselle une initiative locale
qui n’arrive pas à trouver un champ d’expression. Il faut attendre 1945 pour que prenne naissance - et il en est de même
dans les autres colonies françaises - un début d’éveil politique et pour que la métropole consente
à déléguer partie de ses pouvoirs.
En 1957, les Établissements français de l’Océanie deviennent la Polynésie française et il se crée un cadre juridique nouveau
dans lequel s’inscrit l’étonnante percée du R.D.P.T. et de son chef charismatique^ Pouvanaa a Oopa. Le chemin est long jusqu’à
cette autonomie que réclame une partie du personnel politique polynésien, mais c’est néanmoins au cours de cette période
que commencent à se mettre en place de véritables partis politiques et que se forment les cadres qui seront les acteurs des années 1960-1970.
Ces mutations politiques ne laissent cependant entrevoir qu’un aspect des réalités polynésiennes. C’est ainsi que le grand absent
de cette Histoire semble être le peuple polynésien lui-même. Le conflit franco-tahitien de 1844 où certains se soulèvent
derrière les chefs de districts tandis que d’autres combattent comme supplétifs de l’armée française,
montre combien le terme de nation polynésienne demeure ambigu. C’est dans les années suivantes que les habitants de ce pays
vont prendre conscience qu’ils forment une entité, et ce à travers le cadre que leur offrent les Églises et l’administration.
Les Églises accordent à chaque individu l’égalité qu’il n’avait pas jusque-là, offrent des structures de remplacement à celles disparues
et créent un ordre social nouveau. Enfin l’administration, organisant un cadre géographique et institutionnel,
permet au peuple polynésien de s’appréhender en tant que collectivité.
Le
sur
prrj^T'i
flirffWi
igiij
*'
} y
*
vniïîf*,'
-••.TV*
-'jr,
Une collectivité terriblement éprouvée, il est vrai. L’étude démographique, qui occupe un chapitre entier de ce volume,
permet d’évaluer globalement,la société polynésienne, de 1840 à I960, et de montrer qu’elle est encore victime d’épidémies,
comme en 1918,
lorsque la grippe espagnole tue 3 000 personnes. Ce n’est qu’à partir de 1920 qu’elle retrouve une partie de son dynamisme
antérieur. Ce que les chiffres de la démographie ne traduisent pas, c’est l’évolution des mentalités
et aussi la détresse matérielle et psychologique de la population. Paresseux et indolents, tels sont les qualificatifs
dont sont affublés les Polynésiens par une administration que relayent les clichés de la littérature coloniale. Autant
pour justifier, au nom de la mise en valeur de
à laquelle, dans cette seconde moitié du XIX'=
d’arguments
la colonie, la nécessité d’une immigration européenne, océanienne et chinoise,
siècle, les Polynésiens ne sont pas en mesure de s’opposer. Seule une vigoureuse reprise
natalité, jointe à une grande capacité d’assimilation, permettra aux Polynésiens d’incorporer ces éléments
qu’il est convenu d’appeler une nouvelle tradition.
L’élément moteur de ces métamorphoses est sans conteste l’économie dont la transformation bouleverse les modes de production
tout autant que les rapports sociaux. Ainsi en est-il, dans un premier temps, des plantations de coton et de vanille.
Outre le fait qu’elles prouvent la capacité de la société polynésienne à absorber l’immigration extérieure,
toutes deux favorisent l’émergence de micro-propriétés. Ce passage des cultures de subsistance aux cultures spéculatives
permet
également de dégager pour chaque producteur un “surplus” (qui lors de la précédente période était réservé aux chefs),
investi en biens de consommation qu’il faut créer ou, le plus souvent, importer.
Dans un second temps, la mise en place des cocoteraies et l’exploitation des nacres s’accentuent,
faisant participer les îles les plus éloignées à l’économie d’un ensemble dont elles étaient jusque-là exclues, et
développant
un salariat qui n’existait auparavant
qu’à Papeete. L’exploitation du phosphate de Makatea viendra encore renforcer
cette amorce de formation de classes sociales qui s’accentuera avec les années. En dépit d’une fragilité certaine,
cette économie se porte bien, dans la mesure où elle exporte la plupart du temps plus qu’elle importe. Mais elle contient
déjà
les signes des faiblesses qui ne feront que s’accroître lorsque la chute des cours des matières premières,
l’épuisement des lagons et des gisements de phosphate entraîneront le déséquilibre de la balance commerciale.
Il peut paraître présomptueux de résumer en un seul volume 120 années de l’Histoire de la Polynésie. Aussi seuls les trois premiers chapitres
sont réservés à la chronologie, afin de mettre l’accent tout d’abord sur la démographie pour expliquer l’état de la Polynésie
au XIX'’ siècle, puis de faire sentir le choc de
l’immigration, et enfin de bien apprécier
les conditions de l’évolution économique. Ainsi, au-delà d’une réalité coloniale, nous semblent posés
les termes institutionnels, économiques et sociaux à travers lesquels se dessine, bien avant 1960,
le visage de la société polynésienne contemporaine.
de la
et d’élaborer ce
Pierre-Yves TOULLELAN
Papeete française.
L’action de la France en
Polynésie orientale,
dans la seconde moitié
du XIX“ siècle, c'est tout
d’abord la construction
de cette ville coloniale
avec
et
fortins, entrepôts,
L'essentiel
casernes.
des Européens,
fonctionnaires et
colons, y établit
résidence.
Sommaire 1
français 1842-1880
Le Protectorat
9
V
C.IV. NEWBURY, P. O'REILLY
Le contexte international
C.W.
Marquises et le Protectorat français
gouvernement provisoire
guerre franco-tahitienne
L’annexion des
C.W.
Newbury
14
Le
C.W.
Newbury
16
La
y^i8 Le Protectorat français et tahitien
2
21
La
cour
de la reine Pômare Vahiné IV
L’ère coloniale 1880-1945
P.
25
Colonialisme et impérialisme dans le Pacifique
28
Les
30
La
XS6
38
représentation politique des E.F.O
4
V
1947-1949
:
46
1 949-19 5 7
: une
48
Les E.F.O. deviennent la
1958
a
54
1958-1960
:
Crises
L’épidémie de 1918
/3’'
,78
80
83
6
1880. De tous les
fonctionnaires
vers
coloniaux, les médecins
étaient les plus
appréciés. A leurs
attributions propres
s’ajoutaient souvent,
dans les archipels
éloignés, celles
d’administrateur. En
dépit de leur manque de
formation dans
ces
domaines, ils avaient à
7
s’occuper aussi bien de
problèmes fonciers
que d’impôts locaux,
montrant par là même
les insuffisances du
dispositif administratif.
Page suivante :
Papeete 1846. Il y a
moins de 80 années que
les Européens sont
arrivés à Tahiti, mais les
changements de société
ont été radicaux. Sur
cette illustration
symbolique
se côtoient
deux Tahitiennes
8
86
La main-d’œuvre océanienne
98
Les
la traite dans le
100
L’élaboration d’une communauté chinoise
102
Une société
J.-L. Rallu
J.-L. Rallu
J.-L. Rallu
B. Grossat
pluri-ethnique
p.y. toullelan
Pacifique
■
Une économie vulnérable 1842-1910
105
L’économie tahitienne
au
p.y. toullelan
lendemain du Protectorat
spéculatives
polynésien
temps de la nacre et de la vanille
mise en place de la cocoteraie
108
Les cultures
110
Le coton
112
Le
114
La
116
Tahiti et le monde extérieur
118
Les
partenaires économiques des E.F.O.
Une économie coloniale 1910-1962
121
1910-1960
124
Découverte et mise
126
Le
134
137
138
:
m. lextreyt
l’économie de traite
en exploitation du gisement de Makatea
poids économique et financier de Makatea
La
colon.
:
premiers travailleurs chinois
132
ayant choisi la
Polynésie pour devenir
J.-L. Rallu
96
Européen qui pourrait
de
J.-L. Rallu
: vers une
Les nouveaux venus
89
Les popa’a : l’immigration
92
La société européenne à la fin du XIX= siècle
94
Les activités professionnelles
Makatea
venus
B, Grossat
la stabilité
vers
.f.p.Y. toullelan, p. o’reilly, h. vernier
psychologique et matérielle des archipels
P.Y. Toullelan
La vie quotidienne au temps du Protectorat
P. O'Reilly
L’évolution du mode de vie polynésien
P.Y. Toullelan
La disparition des chefs
P.Y. Toullelan
La montée des Églises : les diocèses de l’Église catholique
P.Y. Toullelan
L’Église protestante tahitienne en difficulté
H. Vernier
Le christiamsme : refuge et espoir pour le tissu social
H. Vernier
Les E.F.O.
ces rares nouveaux
lent retour
j.-l. rallu. b. grossat
démographiques
polynésienne 1842-1940
128
aussi bien être un
missionnaire qu’un
politique
Détresse
130
un
m. lextreyt
reprise
1945-1960 : une démographie galopante
Le déséquilibre géographique de la population
Croissance et migrations
pudiquement vêtues de
robes-mission et
: un
1920-1941
La société
82
Rouzières, médecins,
M. Lextreyt
P.Y. Toullelan
démographiques 1842-1960
62
-76
et
Oopa
tableau des institutions et de la vie
1842-1918
71
-
la chute
58
69
MM. Buisson, Rousselot
M. Lextreyt
politique dominée par le R.D.P.T.
Polynésie françajise
La connaissance des faits
66
-
:
vie
57
64
5
M. Lextreyt
l’affaire du Ville d’Amiens et la création du R.D.P.T.
44
Pouvanaa
O'Reilly
P. Lagayette
La France Libre en Polynésie
La tyrannie administrative : le poids des institutions
52
Newbury
P. Lagayette
P. Lagayette
Établissements français de l’Océanie
50
Newbury
C.W.
LAGAYETTE, M. LEXTREYT, P. Y. TOULLELAN
Vers l’autonomie interne 1945-1960
\4i La colonie de l’Empire devient membre de FUnion française
V
C.W.
P.
^32 La guerre de 1914-1918 et les E.F.O
X 34 Bilan politique de l’entre-deux-guerres
3
Newbury
12
:
les hommes
: une vocation agricole avant tout
surexploitée
L’économie de la Polynésie française vers 1960
Bibliographie
nacre
Index
:
l’heure des choix
■
■,
1 Le Protectorat
français 1842-1880
Le royaume des profonds
Pômare dans
n’a cessé,
depuis
sa création, desoient
connaître
des
lesquels
les Européens-qu’ils
capitaines
bouleversements
Wallis, Bougainville et Cook, déserteurs comme les marins de la Bounty, ou
“beachcombers" - ont été la plupart du temps utilisés par les chefs pour affirmer ou
étendre leur pouvoir. 1842 marque le renversement de cette tendance : les grandes
comme
puissances que sont la France et l’Angleterre font intrusion dans la destinée des
Polynésiens.
C’est la France, jusque-là peu présente dans cette partie du monde, qui intervient
la première en annexant les Marquises, puis en “protégeant” Tahiti
grâce à l’envoi
d’une force militaire impressionnante.
Le rapport des forces était inégal et le petit royaume tahitien semblait une
proie
facile, d’autant que la jeune reine Pômare Vahiné IV voyait son pouvoir vaciller. Mais
c’était compter sans l’attachement ancien des Tahitiens à leurs coutumes et
négliger
leur fidélité nouvelle aux missionnaires anglais. Ce fut la guerre, et les canonnières
eurent raison des “insurgés”. Dès lors, suspectée par les autres
puissances de vouloir
étendre son influence en Océanie, la France fut placée sous surveillance
diplomatique
et vit
ses
actions contrecarrées.
A Tahiti même
place une administration coloniale qui devra coexister
avec celle de la reine Pômare. La reine, entourée d’une cour,
protégée par sa garde
qu’une allocation généreuse de la France permet d’entretenir, peut ainsi maintenir la
fiction d’un royaume tahitien autonome, aidée en cela par les représentants
français.
De fait, en l’absence d’une politique à long terme cohérente, la situation est
chaque
jour de plus en plus confuse.
se
met en
Le contexte
international
principales puissances européennes
Pacifique
tout au long de la première partie du XIX'
siècle. Elles entreprirent cette action dans le
Les
étendirent leur influence dans le
but de protéger et de contrôler les intérêts de
leurs ressortissants se livrant au commerce ou
à la chasse à la baleine, et de protéger
également les églises missionnaires. Dans les
1830, à la suite des explorations
scientifiques et du fait de l’établissement
d’installations britanniques dans les colonies
australiennes, les gouvernements anglais
années
employèrent des officiers de marine et des
agents consulaires comme principaux
instruments pour étendre en Polynésie un
empire officieux, à juridiction limitée.
L’expérience de la France en Amérique latine,
ainsi que son exploration du Pacifique,
aboutirent à des procédés analogues. Ni l’un
ni l’autre de ces pays d’Europe n’attachaient
grande importance à l’acquisition de bases
insulaires. Mais
en 1840, la
Grande-Bretagne
s’apprêtait à annexer la Nouvelle-Zélande en
conséquence d’une colonisation entamée à
partir de la Nouvelle-Galles du Sud et de
certains achats incontrôlés de terrains. En
même temps la France, qui maintenait un
comptoir d’importance limitée à Akaroa, se
mit à envisager sérieusement l’acquisition
d’une base territoriale dans les îles.
Dans une région si lointaine, existait
toujours le danger que les agents nationaux de
ces
deux
pays,
ou
les missionnaires
protestants ou catholiques indépendants, ne
se servent de leur influence sur les
dirigeants
reconnus
de
petites communautés
océaniennes pour instaurer un monopole
d’intérêt au profit de leur propre
gouvernement. Pour éviter d’aggraver la
rivalité latente et traditionnelle, source de
tension entre la Grande-Bretagne et la France,
les consuls et les officiers de marine avaient
ordre de rédiger des traités garantissant
l’égalité de traitement pour leurs sujets. Pour
l’application de ce genre de traités, il fallut
parfois l’intervention de navires de guerre de
passage, avec menaces de recours à
réclamations de dédommagement.
la force et
L’entente
et le
franco-anglaise
Pacifique
ainsi que l’entente franco-anglaise,
épargnée à grand-peine après la Restauration,
C’est
survivant
à
une
série
de
désaccords
sur
l’Amérique latine, à l’abolition de la traite des
esclaves, à l’expédition d’Alger et à la crise
turco-égyptienne de 1840, demeurait intacte
dans le Pacifique, sous la Monarchie de
Juillet. Ni Thiers et Guizot, ministres des
Affaires étrangères de Louis-Philippe, ni Lord
Palmerston et Lord Aberdeen, qui dirigeaient
politique extérieure de la jeune reine
ne souhaitaient voir un quelconque
agent irresponsable enflammer l’opinion
publique en métropole et déclencher un
conflit pour des intérêts outre-mer aussi
marginaux.
11 y avait peu de risques encore que les
États-Unis ou une autre puissance rompe cet
équilibre préservé par la diplomatie. Une
source plus probable d’instabilité
politique se
la
Victoria,
rencontrait par contre sur
place, dans les
Navires de guerre
européens. De gauche à
droite .' la frégate, la
Reine Biançhe, la
frégate anglaise Pubiin,
Danae,
l'Uranie, l'Embuscade,
relâchant dans le port dé
et les corvettes
Papeete.
F. Guizot
(1787-1874)
est le ministre des
étrangères de
Louis-Philippe, qui
dirige à partir de 1840
Affaires
l'action .de la France.
9
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
négociants et des colons de
Nouvelle-Galles du Sud et d’Amérique du
et
baleiniers et dans l’hostilité active entre les
sociétés missionnaires représentant le
du
activités des
Sud, dans les visites périodiques des flottes de
protestantisme britannique et le catholicisme
français.
Dès avant 1840, les quelque cent colons
installés à Tahiti
se
trouvaient soumis
au
code
qu’appliquaient chefs et
même temps protégés par
des lois missionnaires
juges locaux et en
des consuls étrangers, selon les traités établis
par les officiers français et britanniques.
Plusieurs questions en suspens menaçaient de
façon permanente la paix fragile du
gouvernement
de la reine Pômare
l’interdiction de la
vente de terres et
le trafic
ajoutait à l’importance stratégique de la
Valparaiso. La colonisation
station navale de
américaine de la Californie et du nord-ouest
Pacifique ainsi
que
le déploiement
par
les
Américains de la plus vaste flotte baleinière de
cet océan indiquaient avec certitude que les
principaux
archipels tomberaient sous
l’influence des états riverains, bien que les
États-Unis n’eussent pas encore manifesté de
volonté expansionniste (doctrine de Monroe)
pour
le bassin océanien.
Enfin,
années 1840
les
en
événements des premières
Nouvelle-Zélande, à Hawaii,
Marquises et à Tahiti, éveillèrent l’intérêt
du public en Nouvelle-Galles du Sud, en
France et en
Grande-Bretagne, où les
aux
l’immigration et le mariage, le
les négociants,
enfin
la
liberté de
religion pour les
catholiques. L’antagonisme, tant personnel
qu’officiel, des deux consuls Moerenhout et
Pritchard, ainsi que l’influence en France et en
Grande-Bretagne des sociétés missionnaires,
eurent pour effet les instructions explicites
d’alcool,
recouvrement des dettes par
données
en
1838 et 1839
aux
commandants
Dupetit-Thouars et Laplace. Ils devaient tirer
réparation et faire respecter les droits des
traités, sans toutefois engager le
gouvernement de Louis-Philippe à mettre fin
à l’indépendance tahitienne. Parallèlement,
Lord Palmerston exprimait encore en 1839,
au nom du gouvernement de la reine Victoria,
son
intérêt pour un royaume placé sous
l’influence de missionnaires britanniques,
mais il condamnait leur intransigeance.
Conséquences de l’annexion
Henry Temple
Palmerston (1784-1865)
de la Nouvelle-Zélande
est le
L’annexion par la Grande-Bretagne de la
Nouvelle-Zélande et l’échec de l’établissement
colonial d’Akaroa altérèrent profondément la
confiance de la France en la méthode
officieuse d’influence et de protection de ses
ressortissants dans le reste du Pacifique.
Premièrement, l’action de la GrandeBretagne semblait justifier la politique lancée
par Guizot en 1839, visant à acquérir des bases
dans l’océan Indien, l’Afrique occidentale et le
Pacifique. Parmi celles-ci se trouvaient les îles
Marquises, explorées par Dumont d’Urville et
recommandées par Dupetit-Thouars comme
colonie pénitentiaire, comptoir commercial et
centre
baleinier.
Deuxièmement, le ministère de la Marine
et celui des Colonies, sous la tutelle de V.G.
Duperré et G. Saint-Hilaire, commençaient à
considérer
sérieusement, comme agents
officiels d’expansion, les postes de la Mission
catholique établis à Wallis, aux Tonga, à
Mangareva, aux Marquises et en NouvelleCalédonie entre 1841 et 1844, tout en
maintenant l’ancienne pratique de traités et de
consulats comme à Hawaii, en Californie et en
Amérique du Sud.
Troisièmement,
commerce
britannique
et
de
on
la
assistait à
un essor
surveillance
du
navale
à partir de Sydney et de
l’Extrême-Orient, à la suite de la colonisation
de la Nouvelle-Zélande. De l’autre côté du
Pacifique, le commerce français avec
l’Amérique centrale et les ports de la côte
ouest de l’Amérique du Sud s’accroissait aussi
10
ministre des
étrangères de
Grande-Bretagne de
Affaires
1830à 1841 .Très hostile
à la France, il soutient
les intérêts des citoyens
anglais dans le
Pacifique, c'est-à-dire
essentiellement des
missionnaires de la
L.M.S., mais ii estime
que Tahiti ne vaut pas un
conflit ouvert avec la
France.
jeune reine Victoria
(1819-1901) peu après
La
accession au trône
de Grande-Bretagne en
1837. La visite qu’elle
effectue en France en
1843 marque un
son
rapprochement de fait
puissances,
dépit du
des deux
en
retentissement de
“l’affaire Pritchard”.
communautés
missionnaires
et
certains
plus matérialistes de commerçants
un profit politique de la nécessité
diplomatie prudente.
groupes
tirèrent
d’une
Facteurs locaux et
partage
C’est donc ainsi que l’expansion coloniale de
la France et de la Grande-Bretagne en
Polynésie à partir de 1840 entraîna une
dangeureuse entre les deux pays, mais
sans véritable risque de guerre, tant que les
tension
consuls et les officiers de marine obéissaient
aux
instructions.
lignes de communications étaient
les dépêches mettaient des mois à
Or les
longues
:
parvenir
et
les
circonstances
locales
LE PROTECTORAT
évoluaient
Honolulu
très
ou
à
vite à
la
baie
des
Papeete, chaque fois
agissaient selon leur
Iles, à
les
que
responsables y
propre
gouverne. Ce sont de telles initiatives locales
qui aboutirent à l’occupation provisoire et à la
protection de Tahiti en 1842, suivies de son
annexion non ratifiée et de l’expulsion d’un
consul britannique. De même à Hawaii, un
officier de la Marine britannique proclama un
protectorat provisoire en 1843. Quant à
l’extension non ratifiée de l’autorité française
aux îles Sous-le-Vent, elle fit partie
jusqu’en
1847 de la liste des interminables négociations
franco-anglaises menées en préliminaires de la
reconnaissance
officielle des acquisitions
coloniales.
Avant la fin de la Monarchie de
Juillet, la
des fondations d’une nouvelle
Polynésie orientale et d’un
France jouissait
possession
en
réseau étendu de missions
sant
têtes
comme
de
religieuses, agis¬
ponts culturelles et
diplomatiques dans le Pacifique central. Le
partage international, entamé par l’Espagne et
la Grande-Bretagne, mettrait encore un demisiècle à s’accomplir, selon des méthodes fort
semblables à celles élaborées
1830
dans
vers
les années
d’acquisition des
postes commerciaux et consulaires et de
le
processus
conclusion de traités navals.
On ne doit cependant pas
oublier que les
populations du Pacifique n’étaient pas des
spectateurs passifs dans cette opération de
FRANÇAIS 1842-1880
partage. En Nouvelle-Zélande, à Hawaii et à
Tahiti, la
des colons européens pro¬
place des alliances et des conflits
d’autorité. Des dirigeants reconnus étaient les
associés indispensables des sociétés mission¬
naires, des marchands en quête de terres et de
conditions portuaires favorables, des consuls
venue
voqua sur
et
officiers de marine soucieux de
mer aux
se
confor¬
régies protocolaires de la diplomatie
internationale.
Dans cette mesure, donc, le cours du
partage dépendait de celui de la politique
locale, comme des ambitions et des moti¬
vations des agents
européens et de la poli¬
tique des grandes puissances dans le cadre
élargi de leurs relations internationales.
Tahiti et Hawaii
connaissent, dans
la première moitié
du XIX" siècle, une
évolution
comparable.
Comme Pômare IV,
le roi
Kamehameha III
rencontre des
difficultés avec les
baleiniers, les
déserteurs, et les
commandants des
navires de guerre.
Il a aussi pour
conseiller un
pasteur et, de la
même manière que
Pômare à Tahiti, il
voit imposer, le
25 février 1843, le
se
protectorat anglais,
par le capitaine de
frégate G. Paulet.
Mais, à ladifférence
de DupetitThouars, celui-là
sera
son
désavoué par
supérieur,
l’amiral Thomas, et
le pavillon hawaïen
flottera à nouveau
sur Oahu.
En haut :
Kamehameha III.
Les pavillons des îles
Sandwich.
1. Le pavillon personnel
du roi.
Ci-dessus :
G. Pritchard, consul de
la Grande-Bretagne à
Tahiti, a dû
démissionner de la
L.M.S. pour occuper
cette
charge. Il sait
convaincre la reine
Pômare Vahiné IV, dont
il est le conseiller
écouté, d’adresser
La baie d’Akaroa
au
Hawaii.
Foreign Office plusieurs
demandes successives
de protectorat à la
Grande-Bretagne. Il va
lui-même à Londres en
février 1841 présenter et
soutenir la dernière de
ces
requêtes. Son
absence de Tahiti sera
décisive pour les tenants
du protectorat français.
Peinture de G. Baxter.
en
Nouvelle-Zélande. Parle
Waitangi, en
1840, la Grande-
traité de
Hitoti
Bretagne contrôle l’île
chef de Te Aharoa, se
montre en 1836
favorable aux
missionnaires
du Nord de la NouvelleZélande et étend vite sa
souveraineté à l’île du
Sud, très peu peuplée.
Ce traité ruine les
ambitions de Paris sur la
“Nouvelle-France” de
Marion du Fresne, et la
petite colonie française
établie à Akaroa sera
peu à peu submergée
par le flux d'immigrants
anglo-saxons.
2. Le pavillon des îles
a
Manua
(17707-1846), grand
catholiques français et
se rapproche du consul
Moerenhout. Il est un
des principaux partisans
de la France à Tahiti et
joue
un rôle déterminant
dans la décision des
chefs de demander le
Protectorat français en
1842.
11
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
L’annexion des
d’hostilités et publia, le 8 septembre, une
“Déclaration” énumérant une liste exagérée
Marquises et
de
le Protectorat
français
Vers la fin de
1841, le ministre de la
l’amiral Duperré, reprit, avec
l’accord de Guizot, le plan Dupetit-Thouars
Marine,
d’implantation navale
Dupetit-Thouars fut
en
Polynésie orientale.
promu au rang de
commandant de la station navale du Pacifique
à Valparaiso et chargé de prendre possession
de l’archipel des Marquises au moyen de
cadeaux et de traités pour protéger les
négociants et baleiniers français. 11 n’était pas
encore question de prendre possession de
Tahiti et Pômare reçut en janvier 1842
l’assurance de l’amiral Buglet que la France ne
nourrissait
aucun
dessein
plaintes et réclamations de colons français
concernant
territoire.
sur son
la terre, la contrebande et les
agissements des mutai. Une caution de 10 000
dollars espagnols était exigée sous quarantehuit
heures, sinon l’île serait occupée
militairement. Pômare ne reçut jamais ce
document, mais seulement un exemplaire en
tahitien de la requête de protection de
Moerenhout, signée par les principaux chefs
et apportée le 9 septembre à Moorea où
missionnaire Samuel
Wilson, Alexandre Simpson et lejuge tahitien
Tairapa persuadèrent la reine d’ajouter son
seing, peu de temps avant l’expiration de
Alexandre Salmon, le
Dupetit-Thouars.
plusieurs versions de cette requête
de protection. Les conditions essentielles
d’acceptation de l’autorité française sur les
affaires étrangères et les résidents européens
l’ultimatum de
Il y a
étaient le maintien des lois et du gouver¬
nement de la reine et des chefs, l’autorité
la juridiction tahitiennes sur les terres,
la liberté confessionnelle et, par conséquent,
la présence des églises missionnaires bri¬
et
Dupetit-Thouars
Marquises
L’amiral
aux
L’expédition
navires
de
bâtiments de transport et d’infanterie de
marine, conduite par la Reine Blanche, quitta
Brest pour le Pacifique en décembre 1841 et
arriva
en vue
de
de Tahuata
traités furent conclus
avec
de
en
guerre,
mai 1842. Des
lotete, Moana et de
petits chefs, qui cédaient leurs îles à la France.
La
construction de postes fortifiés fut
entreprise à Tahuata et Nuku Hiva sous la
direction des capitaines Halley et Collet, qui
disposaient d’environ quatre cents hommes.
Au bout de deux mois, il devint clair que les
garnisons dépendraient des importations, car
les Marquisiens refusaient de travailler et de
fournir des provisions. Les chefs de garnisons
ne réussirent pas à empêcher le trafic des
armes et des alcools par les baleiniers et les
négociants, ni à faire cesser les guerres locales.
Les
missionnaires
catholiques que
Dupetit-Thouars avait espéré utiliser comme
interprètes et agents administratifs n’avaient
que peu d’influence sur une population divisée
en tribus hostiles et indépendantes. Avant de
partir pour Tahiti en juillet l’amiral DupetitThouars était devenu pessimiste pour l’avenir
de la colonie dont il avait plaidé l’annexion.
Loin de développer le commerce, l’archipel
allait manifestement coûter beaucoup plus
cher que prévu. La politique française dans le
Pacifique était en jeu en même temps que la
réputation de Dupetit-Thouars.
Les événements de Tahiti
en août - septembre 1842
l’arrivée de
Dupetit-Thouars, le consul
entreprit d’organiser la signature
par les principaux chefs d’une requête de
protection. Dès la soirée du 7 septembre,
Paraita, Tati, Utami et Hitoti étaient prêts à
signer un court document, en l’absence de
Pômare qui se trouvait à Moorea. Pour
accélérer les négociations et justifier son
action,
Dupetit-Thouars
avertit
la
communauté
étrangère de l’imminence
A
Moerenhout
12
tanniques. Dans la version officielle
française, Paraita, représentant de la
français, ainsi
qu’avec les
lotete, chef des baies de
officiers
(Marquises). Son
ascendant joint à
catholiques, de bonnes
relations qui lui
permettent d’accroître
son prestige. L’amiral
Dupetit-Thouars, ayant
reçu pour mission
d’annexer l’archipel,
Vaitahu et Hanamiai
dans l’île de Tahuata
sa
haute taille - c’était un
colosse - en font le
véritable “roi” de l’île à
l'arrivée des Français. Il
entretient dans un
premier temps avec les
missionnaires
entre en contact avec
lotete qui accepte, le
28 avril 1842, l'annexion
française, proclamée le
Fortifications dans l'ile
de Nuku Hiva. Une fois
les Marquises annexées,
les Français
construisent des forts,
des magasins à vivres,
des poudrières, sous la
direction des capitaines
Halley et Collet. Une
occupation militaire de
plus en plus maladroite
conduit à l’ouverture des
hostilités. Dessin
original de M. Radiguet.
1er mai. Mais lotete se
rendant compte que le
capitaine Halley,
commandant la
garnison, porte
ombrage à son prestige
et donc à son pouvoir, il
entre en rébellion.
Vaincu et déchu au
profit de son neveu
Maheono, il sera déporté
dans la vallée de
Hapatoni. Aquarelle
originale de
M. Radiguet.
reine, fut promu “régent”. Ce fut lui qui signa
une “Proclamation” d’acceptation établie
par Dupetit-Thouars le 9 septembre, confirmant le partage des responsabilités administratives françaises et tahitiennes. Elle
instaurait un triumvirat provisoire, composé
de Moerenhout et de deux officiers de marine
qui auraient autorité
sur
les résidents étran¬
gers et le port, et maintenait en vigueur
les tribunaux tahitiens et les codes mission¬
départ de Dupetit-Thouars,
partie des résidents britanniques et
quelques-uns des missionnaires avaient
officiellement accepté cette cession partielle
naires. Avant le
une
LE PROTECTORAT
d’autorité ; l’amiral put
alors justifier
son
action et la menace de recours à la force en se
fondant sur la nécessité de tenir Tahiti pour
consolider la fragile position française aux
Marquises.
Les instructions de
Réactions ofilcielles et
nomination du gouverneur Bruat
Avant que
les nouvelles de
ce
protectorat
provisoire n’atteignent la France en mars
1843, le capitaine devaisseau Armand-Joseph
Bruat
Marquises, et étendit une partie de ces
pouvoirs à sa fonction de commissaire du
Protectorat, lui permettant de créer des
tribunaux pour toutes les affaires extérieures
à la juridiction tahitienne.
était
nommé
gouverneur
Marquises. Quand il apparut
des
la GrandeBretagne reconnaîtrait le protectorat en dépit
des
protestations des missionnaires en
Angleterre, le Conseil d’État ratifia les actions
de Dupetit-Thouars le 7 avril 1843, définit les
pouvoirs du nouveau gouverneur dans
l’ordonnance
du
28
avril, concernant
l’application des lois civiles et militaires aux
que
Bruat, émanant du
ministre de la Marine, l’amiral Roussin,
répétaient cette distinction de fonctions entre
d’une part le gouvernement d’une colonie,
exerçant une autorité draconienne sur les
terres, sur les sujets marquisiens et les colons,
et d’autre part la co-administration d’un
protectorat où le pouvoir serait partagé avec
la reine et les chefs de Tahiti. Cette distinction
était cependant théorique : Bruat devant
conserver
les pouvoirs exécutifs dans ses
propres
mains
fonctionnaires à
faute d’un conseil de
qui les déléguer. De plus,
c’est lui qui fut chargé de créer une
administration tahitienne composée de chefs
et de juges attitrés. Il approuvait ou non leur
nomitation,
de
FRANÇAIS 1842-1880
même
qu’il
servait
un
traitement de 25 000 francs à la reine Pômare.
Trouver
des
ressources
pour cette
nouvelle administration, savoir gagner la
confiance des Tahitiens
et de
la communauté
européenne était donc primordial pour le
gouverneur. Le Parlement français vota un
important crédit de près de 5 millions de
francs dont seulement une petite partie fut
versée
en
espèces pour les dépenses
Dupetit-Thouars se joignit, en
qu’officier supérieur, au convoi de Bruat
à Valparaiso. Ils atteignirent les Marquises en
octobre 1843. Bruat y confirma les fonctions
des deux capitaines à Taiohae et à Vaitahu.
Mais il fut découragé par la difficulté
d’approvisionner un site aussi peu prometteur
que Nuku Hiva comme centre administratif.
A l’instar de Dupetit-Thouars, il se tourna
vers Papeete où le protectorat était en train
d’être contesté et remis en question.
immédiates.
tant
Pakoko et Te Moana
s’entretiennent ave6
A. Dupetit-Thouars
qui tente de concilier
les tribus Tei etTaioa
de Nuku Hiva.
Lorsque iotete, à
Tahuata,
sera
dépossédé de
son
titre de chef, ia révoite
gagnera Nuku Hiva et
sera conduite par
Pakoko qui sera
fusilié en 1845.
Dessin originai de
M. Radiguet.
Ci-dessous :
Prise de possession
solenneile de Ule de
Tahuata par i'amirai
Dupetit-Thouars ie
1er mai 1842. Le
drapeau français est
envoyé et ies soidats
présentent ies armes,
sous
de ia
ne
i’œii des chefs et
popuiation qui
comprennent
guère la portée d'un
tel acte. Lorsque
l'amiral quitte
l’archipel en juin, les
Marquisiens, ayant
enfin compris ce
qu'annexion signifie,
attaquent les
garnisons. Il faudra
attendre 1880 pour
que l’archipel soit
pacifié. Dessin
original de
M. Radiguet.
13
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
Le gouvernement
Pritchard
provisoire
L’administration
symbolique du commis¬
saire Moerenhout et des lieutenants de vaisseau
Campagna n’empiéta pas sur le
gouvernement de Pômare, mais s’aliéna les
résidents européens de Papeete en tentant de
percevoir les droits de licence de vente au
détail des alcools et en poussant les mutoi à
empêcher la contrebande. Plus grave encore,
un navire de guerre britannique, le Talbot,
commandé par Sir Thomas Thompson, refusa
en janvier 1843 de reconnaître le nouveau
protectorat et salua le pavillon de Pômare et
non
l’ancien pavillon tahitien disposé en
quartier sur le drapeau français. En février, les
Reine et de
assises du protectorat reçurent un nouveau
coup lors d’une réunion entre Thompson,
Pômare, Moerenhout, les chefs et certains
missionnaires, où fut soutenue la thèse selon
laquelle les signatures avaient été obtenues
sous
la contrainte. Tati et Utami retirèrent
leur soutien à Moerenhout et
français.
d’alliés
Enfin
d’écrire à la reine Victoria et
Thomas,
commandant
son
petit groupe
entreprit
Pômare
au
les
contre-amiral
forces
navales
britanniques à Valparaiso, pour réclamer
l’intervention de la Grande-Bretagne.
Retour du consul Pritchard et
de l’amiral Dupetit-Thouars
La détérioration des rapports
franco-tahitiens
se trouva aggravée par le retour de Pritchard
en
février 1843, en même temps que le
commandant Toup Nicolas. Tous deux
contestaient la validité du protectorat et
refusèrent de coopérer avec les tribunaux
consulaires.
Ensemble
ils encouragèrent
vivement
Pômare
à croire que son
se
retira
commandant
Tucker
affaires
cours
Les
causes
provisoire fut réduit à l’impuissance pendant
un
an, et
les officiers de marine français de
étaient convaincus qu’il serait bientôt
complètement supprimé.
Cet état de choses prit brusquement fin le
D'' novembre 1843 quand Dupetit-Thouars,
arrivant une nouvelle fois des Marquises,
annonça la ratification française du traité de
passage
et
l’arrivée imminente du
Bruat. Pômare ne,voulut pas
pavillon, et Pritchard refusa de
reconnaître le protectorat. En conséquence,
Dupetit-Thouars agit de sa propre initiative et
annexa Tahiti, hissant les couleurs françaises
protectorat
gouverneur
abaisser son
le
14
6
novembre
avec
salves
d’honneur.
Dublin
Bruat arriva
du conflit
juste à temps
pour
participer à
l’annexion par Dupetit-Thouars et se retrouva
installé dans la résidence de Pômare, à la
d’arrêts ordonna la saisie de la demeure de la
reine et de terrains destinés à établir les camps
de l’Uranie et de l’Embuscade ainsi que l’îlot
de Motu Uta dans la rade de Papeete. La
procédure se poursuivit toute l’année, sans
compensation, jusqu’à ce que la plus grande
partie du bord de mer et du centre de la rade
ait été accaparée par la nouvelle admi¬
nistration. La vallée de la rivière Tipae, qui
appartenait à Pômare, fut également saisie
pour devenir le site du village de SainteAmélie ; elle englobait des terrains que cer¬
tains colons européens louaient à leurs pro¬
priétaires tahitiens. On tenta en octobre 1845
plus de mille hommes et de quatre
tête de
navires de guerre. Ses objectifs immédiats
furent de construire des casernements pour ses
troupes et de faire la conquête de Pômare et
des chefs en les soustrayant à l’influence de la
Marine
et
des
nements de
britanniques,
politique des gouver¬
missionnaires
conformément à
la
Londres et de Paris. Ces deux
entreprises l’accaparèrent jusqu’à ce
qu’éclatât, en mars 1844, une insurrection
provoquée par la confiscation de terres et la
perte de confiance d’un grand nombre de chefs
influents. Bruat avait confirmé, en janvier
1844, les titres de la plupart des chefs des
districts, mais, Pômare refusant toujours de
coopérer, il devait, comme Moerenhout, agir
par
l’intermédiaire du régent Paraita.
Pômare, de son refuge à bord du Basilisk,
entretenait des liaisons constantes
avec
les
conjurait de rester calmes en
attendant que la Grande-Bretagne agisse. Des
lettres
interceptées convainquirent Bruat
qu’il existait une conspiration menée par les
missionnaires, et il
terres de la
A
reine.
menaça
de s’emparer des
partir de la mi-janvier 1844,
une
série
A
gauche
:
J. Toup Nicolas,
commandant la
Vindictive, reconduit à
Tahiti le consul de
Grande-Bretagne,
G. Pritchard. Ce retour
partisane de
Toup Nicolas attisent la
et l’attitude
tension entre Pômare
Vahiné IV et le
gouvernement
provisoire français.
L'arrestation de
Pritchard par les
soldats
français, telle que
l’imagina The lllustrated
London News. Cette
gravure, bien propre à
enflammer les esprits
anglais contre la
présence française en
Polynésie, contribua à
lancer "l'affaire
Pritchard”. Il est
indéniable cependant
qu’en arrêtant le consul
anglais, le fougueux
commandant d’Aubigny
outrepassait ses
pouvoirs. La France dut
présenter ses excuses
au gouvernement
britannique. Mais
Pritchard fut quand
même expulsé en
direction du Chili.
Basilisk, ketch
anglais commandé par
le lieutenant H.S. Hunt,
au bord duquel la reine
Le
districts et les
légal ;
terres
furent
tranchées avec l’assentiment de Pritchard et
de Nicolas. Dans l’ensemble, le gouvernement
H.M.S.
du
la reine Pômare.
Office et de
de
et
également de reconnaître le
changement de gouvernement en janvier 1844
et donna à Hunt l’ordre de prêter assistance à
Londres à
Valparaiso, notifiant à Thomas, et donc à
Pritchard, que les changements intervenus
dans le gouvernement de Tahiti devaient être
respectés. Entre-temps Pômare avait reçu des
mains de Nicolas un pavillon personnel
qu’elle fit flotter au mépris des ordres du
gouvernement provisoire ; Pritchard
importait une nouvelle monnaie de bronze et
d’importantes
consulat
refusa
attendre la fin de 1843 et l’année suivante pour
conseillait à Pômare de lui donner
son
se
indépendance allait être restaurée. Il fallut
que les ordres du Foreign
l’Amirauté
parviennent de
dans
réfugia à bord du H.M.S. Basilisk,
commandé par le lieutenant Hunt, en rade de
Papeete. Une fois de plus l’attitude d’officiers
de marine anglais fut déterminante, lorsque le
Pômare
Pômare Vahiné IV va
chercher refuge dans la
nuit du 30 au 31 janvier
1844. Elle gagne ensuite
un autre navire anglais,
le Craysford, qui la
conduit aux îles Sous-leVent. Cette protection
britannique conforte la
reine dans sa position
intransigeante à l'égard
du Protectorat.
LE PROTECTORAT
réglementer les formalités de ces confis¬
par une combinaison de codes
tahitiens et français relatifs aux ventes et loca¬
de
cations
tions de terre. De nouvelles confiscations fu¬
rent effectuées à Taravao en février et mars
1844 pour construire un fort gardant la
sule de Taiarapu, tandis que deux fortins
pénin¬
étaient
établis sur les hauteurs dominant Papeete.
Si mineurs qu’ils fussent, ces exemples
d’aliénation de terre soulevèrent l’hostilité
générale, surtout parmi les chefs apparentés à
la reine. De nouvelles interceptions de lettres
de Pômare entraînèrent l’emprisonnement de
six chefs
sur
ïEmbuscade,
rumeurs sur un
en mars
à
mobiliser
la
plus
FRANÇAIS 1842-1880
grande
part
de
la
population, pour résister à une administration
coloniale qui confisquait les terrains et
pouvait encore, espérait-on, être forcée à
repartir.
1844. Des
rassemblement de “rebelles” à
Papara inquiétèrent tellement Bruat qu’il
proscrivit Terai, chef d’Atimaono, Pitomai,
chef de Papeari pour Atiau Vahiné, Fare’au,
chef de Mataiea, et Teaviri, juge tahitien.
Leurs propriétés étaient menacées de saisie et
les districts les abritant devaient être punis
d’amende. Pômare conseilla aux chefs bannis
de se réfugier dans la montagne, mais elle ne
prônait
de recourir à la force.
à capturer ces meneurs et
partit surveiller la construction du poste de
Bruat
ne
pas encore
réussit pas
Taravao.
Pendant
commandant
rumeurs
son
d’Aubigny
concernant
des
absence,
s’alarmant
mouvements
le
de
de
troupes tahitiennes derrière Papeete arrêta
Pritchard qui fut d’abord enfermé dans un des
fortins des collines puis remis le 8 mars à
Le capitaine de vaisseau
Armand-Joseph Bruat
(1796-1855),
gouverneur des îles
Marquises, commissaire
du roi auprès de la reine
Pômare Vahiné
trouve en
IV,
position
se
difficile lorsque son
supérieur, Dupetit-
Thouars, qui a agi avec
beaucoup de
maladresse, quiffe Tahiti
en
effervescence. Bruaf
prend les mesures
militaires qui s'imposent
face aux "insurgés”
polynésiens.
Gardon, commandant du navire de guerre
britannique Cormorant, et expulsé.
Le tumulte international provoqué par
l’expulsion de Pritchard ne changea pas en
réalité l’acceptation du fait par Londres ni
l’intention française d’indemniser le consul
par la suite. Plus grave était la situation à
Tahiti même, en 1844. Les alliés des Français
étaient réduits à quelques-uns des principaux
chefs : Tati, H itoti, Paraita, le juge Tairapa et
le chef de Moorea, Hapoto. Alors l’opposition
conduite par Pômare et sa famille commença
Proclamation du
Protectorat à Tahiti. Le
10, septembre 1842, le
pavillon est salué de
21 coups de canon par
les navires présents
dans, la rade, tandis qu’à
terre retentit la musique
militaire. Dessin
de M. Radiguet.
original
Ci-dessus :
Soldat tahitien servant
sous les ordres du
régent Paraita aux côtés
des troupes françaises.
Ces volontaires
apportèrent
une
aide
décisive lors de la
dernière bataille de la
Fautaua. Dessin original
de F. MarantBoissauveur.
En haut :
Paraita (1787-1865) se
montre partisan des
Français tout au long du
conflit qui oppose
l'armée française aux
“rebelles”. Il signe avec
Hitoti, Tati, Paofai et
Utami la demande de
protectorat de 1842.
Après la proclamation
de la déchéance de
Pômare Vahiné IV, il
assure les fonctions de
régent. Lors de la guerre
de 1844-46, il combat
avec bravoure aux côtés
des soldats français.
Dessin original de
F. Marant-Boissauveur.
15
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
La guerre
franco-tahîtienne
De 1844 à fin 1846, la
de Tahiti et Moorea était
plus grande partie
en
état de rébellion
française qui se
confinait au port principal et à la péninsule de
Taiarapu. Tant que les insurgés menaçaient
Papeete à partir de leurs places fortes des
contre
l’administration
centrales
de l’île,
l’étendue de
l’administration du gouverneur Bruat était
limitée. L’expulsion de Pritchard et la retraite
de Pômare aux îles Sous-le-Vent, en juillet
vallées
1844, aggravèrent les tensions entre officiers
marine britanniques et fonctionnaires
français et étendirent le conflit à l’archipel
voisin en 1845, lorsque des tentatives furent
faites pour annexer Bora Bora, Huahine et
de
Raiatea. Peu à peu, cependant, avec la
restauration officielle du protectorat, en
janvier 1845, Bruat réussit à accroître le
nombre
des
chefs
et
des juges
qui
désapprouvaient les rebelles, ces notables ne
devant leurs fonctions qu’à la reconnaissance
officielle de leurs tiers. Pômare fut parmi les
derniers à
se
rendre
en
1847.
consul
Les événements
A la suite d’escarmouches à Taravao
en 1844
bombardement qui détruisit des
sur la côte est, quelque 4000 rebelles,
venant surtout de Te Aharoa, furent attaqués
d’un
maisons
et
par 460 soldats de
l’Uranie et du vapeur
marine, débarqués de
Phaeton sur les plages de
Mahaena, le 17 avril. Les pertes furent lourdes
des deux côtés et les
Tahitiens, vaincus,
se
établir leurs camps de guerre
principaux dans les vallées de la Papenoo et de
la Punaruu. Les accrochages qui eurent lieu
par la suite ne modifièrent pas le rapport des
forces en présence. Celles-ci étaient conduites
du côté tahitien par un noyau de ari’i
apparentés à Pômare, par des sous-chefs
territoriaux
comprenant
Atiau Vahiné
(Teriivaetua, mère de Ariitaimai) cheffesse de
Faaa, Utami, transfuge du parti français,
retirèrent pour
Fanaue, chef de Mahaena, Peueue, Tariirii,
les chefs des contingents de
chaque district de Tahiti et de
Moorea, où ils avaient été élus. Les révoltés ne
recevaient
que
peu
d’aide active des
missionnaires britanniques alors que les
Français bénéficiaient d’une importante
coopération des commerçants résidents. Le
Teriitua et par
combattants de
général William Miller, de Flonolulu,
fut autorisé à visiter le camp de Papenoo en
août 1844 ; il découragea les espoirs d’une
intervention britannique mais, d’autre part,
conseilla à Pômare de rester aux îles Sous-leVent.
Elle y avait le soutien des ari’i du hau
fetii (gouvernement familial) : Tapoa, son
premier mari, chef de Bora Bora, Tamatoa de
Raiatea, Teri’itaria, reine de Fluahine
(Ari’ipaea à Tahiti). Pour mettre fin à ce sou¬
tien et soumettre Pômare, Bruat tenta un
blocus de Raiatea et envoya un résident
officiel français à Fluahine. Ces démarches
françaises furent contestées par la GrandeBretagne et des officiers de marine français et
britanniques furent chargés d’enquêter sur les
droits de souveraineté de Pômare
aux
îles
enquête gêna Bruat dans
sa tentative de rattachement de l’archipel. Une
désastreuse expédition militaire et navale à
Huahine, menée par le commandant Bonard
en janvier
1846, fut repoussée par la reine
Sous-le-Vent. Cette
Teri’itaria et coûta de lourdes pertes aux
troupes françaises. Cette défaite déclencha des
attaques contre Papeete, en mars et des
représailles de Bruat à Punaauia, en avril et
mai. Cependant, l’arrivée de renforts de
France et la pénurie de provisions dans les
camps tahitiens commencèrent à affaiblir la
résistance. La conclusion se joua dans un
assaut par surprise sur le camp de la Punaruu,
le 17 décembre 1846, et au col de la Fautaua,
mettant fin à toute résistance dans les deux
camps
rebelles.
Conclusion de la
paix
La guerre avait fait un demi-millier de victimes
dont 160 tués français et tahitiens, détruit une
grande partie du port et du village de Fare à
Huahine, et entraîné un gaspillage d’argent et
de matériel à Tahiti. Bruat en vint à estimer
son
ennemi et
prit soin de faire
20-22
mars
1846
un
armistice et
29
juin 1844
V
\
\
Refouler les Insurgés au
fond des vallées ou dans
la montagne, telle est la
tactique adoptée par
Bruat. Des fortins
empêchent les
“révoltés” d’avoir accès
aux plaines, donc au
ravitaillement et à
l’approvisionnement en
munitions. Les corvettes
gardant la côte sous
/TAHITI N,UI
leur feu contribuent
également à l’isolement
des “insurgés". Dessin
original de C. Antig.
Le camp retranché de la
Punaruu, en 1846. En
dépit de leur supériorité
en
armement et en
artillerie, les Français
ne se sentent
pas en
mesure de prendre la
forteresse naturelle
*
combats
quasi inexpugnable des
hauteurs de la Punaruu.
Dessin original de
F. Marant-Boissauveur.
16
camps
des “insurgés"
LE PROTECTORAT
une
reddition officielle honorables ; il respecta
possible les titres de chefferies des
districts, évita de punir ou d’exiler les
meneurs, et récompensa les Tahitiens qui,
comme Tati, Paraita, Hitoti, Tairapa et leurs
parents, étaient restés un noyau de
personnalités pro-françaises et anti-Pomare.
autant que
Les titres de districts furent confirmés
aux
assemblées de 1844 et 1845 ; les Toohitu
continuèrent à rendre la justice. Enfin les neuf
chefs déposés de Tahiti et Moorea furent
remplacés dans chaque cas par un membre de
première famille du district en question.
Cependant Bruat ne réussit pas à se saisir des
îles Sous-le-Vent, reconnues indépendantes
dans la déclaration franco-britannique du 19
juin 1847. Tant que Pômare restait à Raiatea,
la constitution du protectorat était privée
d’une tête suprême, et diverses démarches,
officielles et officieuses, furent tentées pour la
persuader de revenir, en 1846. Mais Pômare
prit conscience de la possibilité qu’avait Bruat
de conclure la paix sans elle, et elle se décida
la
donc à revenir
sur
février
1847,
soumission.
La
le Phaeton à
pour
signer
Papeete,
un
acte
en
de
modifia les rapports entre
guerre
l’administration
tahitienne
et
les
services
français, de bien des façons. Bruat étendit le
système d’appointements aux chefs et aux
juges en tant qu’agents de l’administration
interne, et réduisit leur dépendance face à
d’autres influences telles que celle des
missionnaires. Ces chefs de districts
et
les
magistrats du Toohitu avaient fait
la guerre plus contre les Français que pour
Pômare ; certains étaient d’anciens ennemis
du lignage Pômare et se tournaient vers les
Français pour leur promotion sociale. La
reine avait son importance comme contre¬
partie constitutionnelle du gouverneur
français, mais elle ne commandait plus la
police, n’avait plus de milice privée. Elle
n’avait même plus le dernier mot dans les
nouveaux
affaires de terre
ou
dans l’attribution des
Enfin, les îles Sous-le-Vent, dont les
Pômare tiraient une grande part de leur
prestige social et politique, en association avec
d’autres ari’i, formaient un archipel séparé et
indépendant.
De plus, la guerre avait paradoxalement
inversé l’importance relative des Marquises au
profit de Tahiti et Moorea. Les petits
appointements versés aux chefs Moana et
titres.
FRANÇAIS 1842-1880
Maheono furent supprimés en 1847 et le
ministère de la Marine décida d’abandonner
l’archipel
en
1848.
Dorénavant
Papeete
restait la capitale que Dupetit-Thouars avait
choisie et Bruat défendue. Le protectorat
assurait la base de la domination française sur
l’archipel des Tuamotu et l’île australe de
Tubuai dont les chefs avaient combattu pour
les Français.
Finalement, l’opposition des officiers et
britanniques à la présence
française fut également vaincue avant la fin de
1847. La raison en fut en partie que le
missionnaires
gouvernement britannique était disposé à
reconnaître Tahiti comme possession
pourvu que les
1842 fussent respectées,
française,
clauses du traité de
tandis que les îles
Sous-le-Vent étaient “neutralisées” comme
l’avaient été les
îles
Hawaii. Cette
reconnaissance était également une
concession de la Grande-Bretagne et des
colonies australiennes aux vues de certains de
leurs missionnaires et officiers de marine,
selon lesquels un gouvernement plus stable et
port commercial étaient nécessaires en
Polynésie orientale en ce milieu du XIX=
un
siècle.
Carte des principaux
atfrontements de la
guerre franco-tahitienne
de 1844 à 1846.
Le premier coup de feu
retentit le 21 mars 1844
à Taravao et le combat
le plus violent a lieu à
Mahaenaoù les Français
ont 15 tués et 51 blessés
en
attaquant le camp
retranché des
“insurgés". Dès lors, les
Tahitiens se retirent
dans les vallées de la
Papenoo et de la
Punaruu. La défaite des
forces françaises face
aux habitants de
Huahine en janvier 1846
redonne courage aux
guerriers tahitiens qui
attaquent Papeete les 20
et 22 mars 1846.
Bruat,
qui dispose enfin des
forces nécessaires,
décide d’en finir : c’est à
la Punaruu, le 17
décembre 1846, la
irnière bataille.
Î7 avril 1844
21
mars
1844
TÂIARAPU
Papeete fortifiée. Toute
une ligne de défenses
est érigée, des batteries
sont construites, des
forts édifiés sur les
hauteurs. Le nom donné
à la rue des Remparts
demeure aujourd’hui le
seul souvenir de cette
architecture défensive.
Elle fut néanmoins
inefficace, puisque les
insurgés parvinrent à
pénétrer dans le cheflieu les 20 et 22
1846.
.
mars
Le lieutenant de
vaisseau Lejeune, blessé
le 29 mai 1846 lors des
combats de Punaauia,
est aux côtés du
commandant de Bréa,
tué au cours de l'action.
On ignore combien de
Tahitiens périrent
pendant cette guerre.
Dessin original de
F. Marant-Boissauveur.
17
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
Le Protectorat
français et tahitien
Le gouverneur Lavaud prolongea le sys¬
tème mis en place par Bruat et officialisé par
une Convention signée par la reine en août
1847, qui mettait fin aux anciennes reder
tributaires payées par les
districts et
inaugurait le principe d’une assemblée élue,
chargée de discuter les lois proposées par le
Conseil du gouverneur ou les représentants
des districts. Bien qu’il n’eût jamais été ratifié
par le gouvernement français, ce partage de
responsabilités servit de protocole d’accord et
laissa la juridiction des terres aux tribunaux
vances
tahitiens. Les codes des missionnaires furent
révisés et simplifiés à nouveau et, en 1848, les
édifices du culte et les bâtiments scolaires
furent
déclarés
propriété nationale
administrée par les districts.
L’administration tahitienne
La
cour
que
les
l’influence de commerçants et de planteurs
Alexander Salmon, John Brander et
comme
autres
résidents étrangers,
qui s’étaient alliés
par mariage à des familles ari'i. En outre, avec
la diminution de la contribution métro¬
politaine au budget colonial local dans les
années 1860 et 1870, ils furent obligés d’aug¬
menter les contributions indirectes et les
patentes de la communauté commerciale.
Les gouverneurs rencontrèrent
deux courants d’opposition et de conflit
au
et
donc
latent
cours de la période du protectorat. La reine
quelques chefs supportèrent mal leur
intervention dans l’attribution des chefferies
et autres
des
charges de districts et la séparation
fari’i hau du patrimoine des
terres
titulaires.
la fin des années
Vers
districts étaient
passés
sous
1870, les
la direction de
lignages
du pouvoir traditionnel ; certains districts
disparurent ; dans seulement neuf des trente et
tavana souvent sans
rapport avec les
districts de Tahiti et Moorea, restaient en
place les chefs traditionnels élus par les
un
ra’atira.
La
reine
Pômare
contesta
royale, l’assemblée, les Toohitu, ainsi
chefs et pasteurs de districts,
de
Plan de Papeete
français. C'est Bruat qui
décide de transformer
ce
petit viilage composé
de queiques tare
traditionnels en cheflieu des Etablissements
français. Il
en a les
disposant
d’ingénieurs militaires
de premier ordre (les
officiers et gardes du
Génie) et de 63 ouvriers
qualifiés, 400 marins et
moyens,
600 soldats. En 6 mois,
Papeete change
complètement :
du gouverneur,
le palais
les
les entrepôts,
les forts, les batteries
sont construits, le camp
casernes,
de l'Uranie prend une
ampleur considérable
(caserne, magasins,
forges...) et une ligne
fortifiée est dressée
autour de la ville. En
1846 cependant, tous
les
projets n’ont pas été
réalisés. Carte publiée
par E. Delessert.
Papeete vue de la mer.
Sous la surveillance des
fortins français, le petit
bastion anglais
constitué de la maison
constituaient
la structure essentielle de
l’administration tahitienne. Seules les affaires
criminelles
graves
venaient devant les
tribunaux français. Une taxe en espèces ou
sous
forme de corvée était due mais fut
rarement perçue. Les ressources du budget
indigène, distinct du budget colonial local,
dépassaient à peine 100 000 francs par an. Les
frais comprenant les traitements de la reine,
des chefs, juges, pasteurs et mutai devaient
être assumés par les moyens français. Cette
charge s’accrut quand une loi de 1852 institua
des Conseils de districts élus et payés, sans
ressources
indépendantes mais avec
d’importantes fonctions : choix des
bénéficiaires de titres, des juges et même des
pasteurs de districts. L’Assemblée tahitienne,
qui continua de se réunir tous les ans jusqu’en
1866, ratifia le système électoral qui affaiblit
l’influence des missionnaires britanniques, et
fit d’autre part appel à la Société des Missions
évangéliques de Paris, pour qu’elle satisfasse
au
besoin d’une direction spirituelle
mb
La maison du consul
extérieure.
Les autorités françaises
les colons étrangers
anglais semble
abandonnée.
G. Pritchard, expulsé, a
dû la quitter en mars
1844 et ne reverra jamais
Tahiti. Dessin de
et
Les commandants de la Marine et les
commissaires
responsables des affaires
extérieures et du contrôle des Européens
exerçaient leur autorité avec le concours de
huit services, un magistrat principal et
quelque trente autres fonctionnaires. Un
conseil administratif, assisté de deux colons
français, et un assortiment de chambres et
comités avisaient le chef de l’exécutif dont
l’approbation était nécessaire pour une
grande partie des affaires indigènes et pour la
législation commune concernant les sujets de
Pômare.
En
pratique, la nécessité de
subventionner le budget tahitien et le désir de
réformer l’agriculture amenèrent les
gouverneurs à se mêler de plus en plus de
l’administration tahitienne. Ils étaient dans
une
certaine mesure obligés de contrer
18
^
X..;V
®
^
LE PROTECTORAT
et du gouverneur.
front de mer, le
FRANÇAIS 1842-1880
Sur le
clocheton de la
boulangerie militaire
donne à celle-ci l’allure
d'un bâtiment officiel.
Iliusfration de^, .
,
C. Shipley.
lointe^di
La maison de la reine.
C'est en 1847 que
Pômare IV, à son retour
de Moorea, s’y installe.
A cette maison royale
aux allures modestes,
s’oppose la belle
résidence du premier
gouverneur des
Etablissements français
(cuŸMclc natus'cL'
d’Océanie, dont les
matériaux ont été
envoyés par le ministre
de la Marine et qui,
achevée en 1844, ne sera
détruite qu’en 1966.
Dessin original de
C. Antig.
CcM'es (Le /latarels
Fl^'L dctachel
•^Mdisoiv de Jrrjfoetrnhoit t
CC
LU
Z
UJ
D.
O
CO
en
O
LU
CC
CC
en
OC
lU
CL
LU
Q
Z)
ü
Louis
RIVET
LU
LU
p.i. THALY
Auguste
Mussolini
Z
Jocelyn
ROBERT
LU
W
LU
en
1934, la démission des membres
CRISE
1921
L’échiquier politique
du fait que
L’enjeu politique
1920
L’échiquier politique
habitants
Deflesselle, Edouard
Ahnne,
Rougier ou Teriiero a
Teriieroiterai, l’un des rares autochtones à
avoir participé au plus haut niveau à la vie
politique locale.
Constant
.
Q.
-
c:
p.i. SOLARI
E
LU
Louis-Joseph
D
O
BOUGE
2
O
Z
Léonce
O
ü
JORE
■in
LU
CO
CC
O
Roosevelt
au
pouvoir
z
LU
Front
populaire
CC
Q
Guerre
CC
sino-jaoonaise
LU
Affaire Kong Ah
Affaire Rougier
2
LU
CO
CO
LU
place des Délégations éco. et financ.
BOUOHE
Hitler
au
1-
pouvoir
Mise en
Michel
MONTAGNE
SAUTOT
CHASTENET de GERY
L’ÉRE COLONIALE
diminuer les crédits alloués à l’administra¬
source
de déstabilisation
des luttes fratricides. Ainsi
politique dans la colonie doit être
recherchée dans la présence et l’impact
grandissant de la minorité chinoise au sein de
en
masse
lors des deux
grands mouvements de 1907-1914 et de 19211928 déclenche la colère du milieu colonial qui
voit le commerce local lui échapper et prend
peur pour ses intérêts fonciers. Des mesures de
ségrégation sont alors réclamées à cor et à cri.
Consciente de l’acuité d’un problème dans
lequel se mêlent sentiments xénophobes et
Les
maison de
commerce
sanctions tombent
en
1935,
avec
des
peines d’emprisonnement et le rappel du
gouverneur. Mais Rougier veut confondre
tous ceux qui ont trempé dans l’affaire et, dans
intérêts matériels, l’administration se montre
ne prend des décrets visant à
mieux contrôler le commerce chinois et à
prudente et
sa
chasse
aux
sorcières, il
se
livre à des
manipulations. Ainsi, il monte, semble-t-il, de
toutes pièces, un attentat contre sa personne et
spoliation des terres indigènes qu’à
partir de 1934.
limiter la
L’affaire
est-il de l’affaire
liquidation judiciaire de
de Papeete, de
hautes personnalités locales, proches du
gouverneur
Montagné, se livrent à
d’importants détournements de fonds. Or,
beaucoup sont liées à la franc-maçonnerie, et
sont une proie rêvée pour la droite cléricale,
emmenée par Emmanuel Rougier(le neveu du
grand Rougier), le Président des Délégations.
Chinois, tout comme
fonctionnaires, font l’unanimité contre
Leur arrivée
en
A la faveur de la
cette
l’économie locale. Les
eux.
1945
Kong Ah.
de la vie
les
-
beaucoup plus complexe et mêler les deux
milieux au sein de clans opposés se livrant à
tion.
Une deuxième
1880
détourne
des
documents
administratifs,
provoquant son arrestation et son expulsion.
En fait, lorsque éclate la Seconde Guerre
mondiale, les E.F.O. ont à peine refermé les
cicatrices laissées par les séquelles de cette
Kong Ah
Les dissensions au sein du monde popa’a ne se
résument pas seulement à la rivalité colonsadministration. Le déchirement peut être
Constant Deflesselle
(1872-1933). Ancien
officier de marine, il
s’installe
Edouard Ahnne
(1867-1945). Arrivé à
Tahiti en 1892 comme
missionnaire de la
Société évangélique de
Paris, il est nommé
directeur de i’école
protestante de garçons
en 1903, fonction qu’il
occupe jusqu'à sa
retraite, en 1935. Il est
par ailleurs
conservateur du Musée
de Papeete, président’de
la Société des Études
océaniennes, membre
du Conseil
d’Administration, puis
privé,
président de la Caisse
agricole et de la
du Conseil
Chambre
d’Agriculture... En 1940,
il est un des instigateurs
du ralliement à la France
Libre.
comme colon
à Mahina au début du
siècle. Il est plusieurs
fois élu président de la
Chambre d’Agriculture,
pénible affaire et de ses retombées, qui les ont
secoués pendant cinq longues années.
puis du Syndicat
agricole qu’il contribue
à fonder. D'un caractère
difficile, cet esprit
frondeur s’en prend
Ci-dessous :
L’affaire dite du 3.30. Le
31 août 1921, les
manifestants se
rassemblent devant les
murs de la résidence
du gouverneur. Ils
violemment à
s’opposent à
l’augmentation du droit
sur les importations et à
colonnes de son journal,
L'Echo de Tahiti.
3,30% sur le chiffre
d’affaires, décidées par
l’administration, en
particulier dans les
la création d’une taxe de
le gouverneur Guédès
afin de combler le
déficit de la colonie.
Conscient de
l’impopularité de ces
mesures, le gouverneur
abandonne son projet
et pense s’orienter vers
des économies
administratives. Il est
alors rappelé par Paris.
Page de gauche :
Le gouverneur
Michel-Lucien
Montagné et son
Conseil privé, en
octobre 1934, au
moment de l’affaire
Kong Ah. On reconnaît,
de gauche a droite ;
F. Hervé (administrateur
des Tuamotu),
E. Charlier,
A. Leboucher
(secrétaire général), le
gouverneur Montagné,
L. Goguillot (chef du
Service judiciaire),
A. Hervé (président de la
Chambre de Commerce,
liquidateur indélicat de
et le
l’affaire Kong Ah)
docteur Morin
(médecin-chef). Le
Conseil privé, qui
détient l’éssentiel des
pouvoirs, est aux mains
du gouverneur. Il est en
effet composé du
secrétaire général, des
chefs du Service
judiciaire .et du Service
de l’Enregistrement, et
de trois notabies
nommés par le
gouverneur.
35
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
La France Libre
Polynésie
en
Le
ans
de la
Pacifique est déjà secoué depuis deux
l’agression japonaise en Chine
par
lorsque, le 3 septembre 1939, la France déclare
la guerre à l’Allemagne. Ce nouveau conflit,
plus mondial que le précédent, va davantage
concerner la colonie, même si, à l’heure du
bilan, il y aura fait trois fois moins de victimes.
Le ralliement à la France Libre
Dès le début des hostilités, les E.F.O. sont mis
en état de mobilisation, mais sur les 5 000 ré¬
servistes qu’ils peuvent fournir, 207 hommes
seulement suivent l’instruction militaire, sous
l’autorité du capitaine Broche. 11 faut dire que
la France ne manifeste pas le désir d’utiliser
des soldats
venus
de si loin. De
politains décident cependant de
rares
métro¬
la
mère-patrie à leurs propres frais, tel
Noël llari, que l’armistice surprend au combat
au
d’installer
plonge les E.F.O.
dans l’expectative. En effet, les Tahitiens en
bloc, ainsi que quelques popa’a, admettent
difficilement cette défaite, alors qu’ils n’ont
pas combattu et que l’archipel n’a pas été
envahi. L’appel du 18 juin rencontre ainsi un
écho très favorable auprès de ces personnes
qui fondent le Comité France Libre, alors que
les “Vichystes”, de leur côté, créent le Comité
des Français d’Océanie. Querelle d’idées...
querelle de clans... Le fait est que le
2 septembre 1940, les gaullistes, emmenés par
MM. de Curton, Gilbert, Sénac et Ahnne,
obligent le gouverneur Chastenet de Géry à se
démettre de
un
des
ses
fonctions. Les E.F.O. sont
premiers maillons de l’Empire
français à rallier la France Libre.
Mais, très vite, de Curton, qui a pris en
charge les destinées de la colonie, est accusé de
dictature partisane. Certains n’approuvent
pas les mesures qu’il prend à l’encontre de
divers intérêts locaux, sous prétexte de
l’économie de guerre. Ils suscitent alors
l’inspection du gouverneur général Brunot,
qui ne fait qu’envenimer, par ses décisions
arbitraires, une situation déjà fort délicate
(juin 1941). Il faudra attendre le mois de
septembre 1941 pour que le calme revienne, à
la suite de la mission du haut-commissaire de
France
dans
le
Pacifique, Thierry
d’Argenlieu. Celui-ci installe à Papeete un de
collaborateurs, le lieutenant-colonel
Georges Orselli, qui reste en poste jusqu’à la
ses
fin des hostilités.
1941-1945
:
Le
gouverneur est un
économie de guerre
et Américains à Bora Bora
nouveau
base arrière à Bora Bora. Dès
février 1942, ils envoient dans l’île 5 000 sol¬
dats, et construisent en cinq mois une piste
d’atterrissage longue de 2 000 mètres. La
homme à
poigne. Après avoir réduit toute forme
d’opposition, il continue en fait, mais avec
plus de discernement, l’œuvre entamée par de
Curton.
La
vie du pays est dominée par
l’économie de guerre, dont le symbole est le
Service de Ravitaillement, chargé d’éviter la
spéculation et d’assurer l’approvisionnement
présence américaine a entraîné de profondes
perturbations dans la vie quotidienne locale.
Toutefois, la base ne servit jamais puisqu’en
mai 1942, l’engagement de la mer de Corail
stoppa net l’avancée japonaise dans le
Pacifique Sud.
L’épopée du Bataillon
du Pacifique
Dès le ralliement de la colonie à la France
Libre, le 2 septembre, l’enrôlement d’un corps
expéditionnaire de 300 hommes est organisé.
Avec les Calédoniens et les Néo-Hébridais, les
soldats tahitiens forment bientôt le C Batail-
1939
FRANCE EN GUERRE
1940
CHASTENET de GERY
Bataille d'Angleterre
MANSARD
RALLIEMENT
1941
1942
de CURTON
Richard
LU
O
Midway
El Alameln
BRUNOT
D
Pearl Harbour
sud de la Loire.
alors
une
regagner
L’arrêt des hostilités
36
population en denrées de première néces¬
Par ailleurs, de nouveaux débouchés
sont
trouvés pour les
produits locaux
(voir pp. 122-123) et, lorsque vient l’heure du
bilan, on s’aperçoit que le niveau de vie de la
Polynésie s’est sensiblement amélioré pendant
le conflit. Il faut dire que l’archipel n’a
pas
connu d’opération militaire sur son sol. Et
pourtant, on n’en a pas été loin en 1942.
Devant l’avancée japonaise dans le sud
du Pacifique, les Américains décident en effet
sité.
BIR HAKEIM
Stalingrad
1943
TUNISIE
Georges
ORSELLI
1944
Débarquement
en
Normandie
ITALIE
PROVENCE
LIBÉRATION
1945
1946
Hiroshima
ARMISTICE
J.-C. HAUMANT
L'ÈRE COLONIALE
Bir Hakeim est considéré
qui, aux ordres du
rejoint le ProcheOrient le 31 juillet 1941.
Après six mois de préparation en
Palestine., en Syrie et au Liban, le Bataillon est
incorporé dans la P''' Division française Libre
du général Koenig et descend sur Le Caire.
Très vite, c’est le baptême du feu face aux
Italiens, puis aux Allemands. En mai 1941, il
contre-offensive.
que coûte l’avancée de Rommel dans la région
de Bir Hakeim. Les Français résistent bien et
débarquement de Provence et les violents
Ion
du
Pacifique
commandant
est
Broche,
demandé à la P'''^ D.F.L. de ralentir coûte
retardent suffisamment l’ennemi pour que la
Viiieme Armée anglaise de Montgomery, alors
en
déroute, puisse se reprendre et
organiser la
les historiens comme le tournant de la
guerre du désert. Le Bataillon du Pacifique s’y
est couvert de gloire, mais y a perdu de
nombreux hommes, ainsi que ses deux chefs,
le colonel Broche et le commandant Savey.
On retrouve plus tard les Volontaires
tahitiens en Tunisie, puis dans le sud de
l’Italie, où ils livrent de violents combats dans
par
ne
1880- 1945
par des F.F.L, en
après trois années de campagne
desquelles 80 d’entre eux ont trouvé
soient enfin relevés
octobre 1944,
au cours
la mort.
qui suivent permettent à nouveau au
Bataillon de s’illustrer, notamment en libérant
épopée hors du commun, à laquelle
participé des Polynésiens,
doit être considérée comme un bel exemple de
patriotisme des populations autochtones.
On serait incomplet si l’on omettait de
signaler que d’autres combattants des E.F.O.
ont participé à la défense de la Métropole, sur
mer (à bord du Triomphant, du Chevreuil et
du Cap des Palmes) et dans les airs ; huit
ont
vie.
environs
les
du
Monte
Cassino.
Le
combats
Hyères. D’autres accrochages très meurtriers
lieu dans le Jura, avant que les Tahitiens
Cette
ont
essentiellement
marins et quatre
aviateurs l’ont payé de leur
Le haut-commissaire
Thierry d’Argenlieu
passe en revue un
détachement de soldats
tahitiens lors de son
arrivée à Tahiti, ie
23 septembre 1941. Les
soldats du Bataillon du
Pacifique, partis depuis
Page de gauche, en bas :
Des hydravions
américains à Bora Bora.
En attendant la
construction d'une piste
asphaltée (janvier-avril
1943), les Américains
Tnstallèrent à Bora Bora
une
hydrobase pouvant
quinze
appareils.' Afin de
protéger ces derniers, ils
accueillir
le 21 avril, se trouvent
alors au Proche-Orient
et se préparent pour les
durs combats qui les
attendent en Egypte et
en
Libye. A l’intérieur de
la colonie toutefois, les
problèmes se sont
accumulés
sous
le
gouvernement de
Richard Brunot.
construisirent un vaste
hangar sous la
cocoteraie. Bora Bora
servit à la fois de base de
ravitaillement en
carburant et de centre
de repos pour les
combattants.
itinéraire suivi en temps de guerre
Carte des mouvements
du Bataillon du
Pacifique. De Port
PARIS ■.
Tewfik à Marseille
Luxeulj
(1941-1946), les 300
polynésiens
participent à quelquesuns des plus violents
combats qui opposent
les Alliés aux puissances
de l’Axe : Lybie, Italie,
volontaires
(21.10.44)
JURA
Saintes
L
fi/TTtesqiostilités pour
contingenj-tehitien
jLXe
Provence.
itinéraire suivi
après la relève
et en temps de paix
principaux accrochages
iliano
ROME
(4.06)
Latakie'
SYRIE
PALESTINE
Soloum
Tobrouk
BM
ALGÉRIE
TRIPOLITAINE
El Alamei
JORDANIE
HAKEl
(141(02-11.06.
■■
LE CAIRE
N
(2.06.42 puis oct. 42)
LIBYE
37
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
La tyrannie
administrative
le
par d’obscurs commissaires de marine. Dans
le même temps, le personnel mis à la disposi¬
tion des gouverneurs était sensiblement réduit
et devenait notoirement insuffisant, d’autant
:
poids
que
des institutions
sous
De 1880 à 1945, la présence française n’a
cessé de se renforcer en Polynésie, et les deux
conflits mondiaux
les bâtiments de la Station Navale
n’ont
guère modifié les
institutions politiques de la colonie, si ce n’est
dans le sens d’une évolution que l’on percevait
déjà à l’époque du Protectorat(1842-1880), et
devenue simplement plus visible : une
administration coloniale ayant considéra¬
blement accru son pouvoir, son emprise, sur la
société polynésienne comme sur les colons
européens et leurs descendants. Face au
représentant de Paris, le tout-puissant
gouverneur, aucune institution locale n’est
capable d’exercer le moindre contrepoids.
le Protectorat devenait-il
impossible à gérer lors du
nistration civile.
Avec l’annexion
France
ayant
choisi
une
cadres
militaires,
fonctionnaires de son
administration.
Gouverneur de 1886 à
1893, ii détient le record
de durée à ce poste.
Homme intègre,
politique
capable, il parvient à
bâtir un plan à long
terme que,
contrairement à
malheureux
la gestion des territoires
Cela demanda de longues
hommes de tout
où
le
mener
domaine
colonial
à bien.
Page de droite
:
Les médecins de
la
l’hôpital militaire sont
français
prenait de l’ampleur, fit que les Jeunes et
brillants capitaines de vaisseau partaient pour
le Tonkin et n’étaient remplacés à Papeete que
mesure
ses
prédécesseurs, aux
séjours trop brefs, il peut
premier plan furent envoyés,
perte d’importance de Tahiti, dans
sans
(1841-1906) et les
principaux
années. En fait, durant tout le Protectorat,
l’officier de marine fut l’administrateur par
excellence de Tahiti et de ses dépendances.
Mais si, les premières années (1840-1860), des
la
non
Etienne-ThéodoreMondésir Lacascade
pour
d’Outre-Mer.
les fonctionnaires les
moins décriés de
l'administration
coloniale, contribuant
sans aucun doute à la
stabilisation
démographique de la
colonie. Dans les
archipels, les médecins
assurent également les
fonctions
d’administrateur et de
juge.
Au-dessous
:
L’uniforme colonial,
casque, pantalon blanc
et bottes d'équitation :
les fonctionnaires ont
fière allure, mais seuls
les cadres de haut
niveau mènent une
existence agréable.
Gustave-PierreThéodore Gallet
(1850-1926) est le
symbole de cette
administration coloniale
qui entend briser les
particularismes locaux.
Que ce soit en NouvelleCalédonie (1877) ou aux
îles Sous-le-Vent (1897),
il mène une politique
brutale.
Léonce Jore
en
tenue
d'apparat. Gouverneur
de 1929 à 1932, il
s'attacha à entourer sa
fonction du décorum
qu'il estimait nécessaire
pour le premier
personnage des E.F.O.
38
on
estima
en
friction,
l’administration coloniale demeurant truffée
de soldats et de marins. Quels furent les
d’administration directe pour ses colonies, il
lui fallut créer un corps de fonctionnaires
spécialisés
1880,
en
pratiquement
à l’admi¬
passage
effet que le temps des officiers de marine était
révolu : des fonctionnaires remplacèrent les
Les gouverneurs
La
se
faisaient rares, rendant les communications
interinsulaires difficiles. Dès lors, le système
ultra-centralisateur mis en place par la Marine
appelés à diriger la colonie ? Ils
moins de qualité très inégale,
d’autant
que
leur formation, leur
personnalité, leur ambition présentaient une
variété infinie de tempéraments. Notons
d’emblée que, comme Tahiti était une colonie
modeste ne nécessitant que des gouverneurs
de troisième classe, le poste n’était pas attribué
à des personnalités exceptionnelles, mais bien
plutôt à des hommes en fin de carrière. C’est
ainsi que l’on envoya des fonctionnaires ayant
hommes
furent pour le
laborieusement franchi tous les échelons de
l’administration et pour qui ce poste était le
couronnement de leur carrière, des hommes
politiques
(anciens députés comme
E. Lacascade, P. Papinaud, P. Jullien) remer¬
ciés de leurs services antérieurs par un poste
L’ÉRE COLONIALE
outre-mer. Quelques arrivistes, sûrs de leurs
appuis politiques parisiens, complètent le
tableau. Après 1914, les gouverneurs furent
d’une qualité supérieure, mieux formés par un
passage à l’École coloniale (G. Julien,
L. Rivet, L. Jore, M. Montagné). On le voit,
l’éventail est large, d’autant que “la valse des
gouverneurs” demeura une constante pour
toute cette époque. Ainsi, de 1870 à 1914, les
gouverneurs ne restèrent en moyenne qu’un
dans la colonie. Cet état de fait n’échap¬
pait pas au ministère puisque, dès 1914,
l’inspecteur des Colonies Revel écrivit : “les
gouverneurs établissent des budgets à la hâte,
an
veulent réaliser des réformes insuffisamment
étudiées..., procédés dont la succession a des
conséquences les plus regrettables sur l’emploi
des deniers
publics”.
Car, paradoxalement, c’est au gouver¬
si mal préparé qu’il soit, et connaissant si
peu le pays et ses habitants, que revient la
charge de tout diriger : il est le chef de tous les
services publics locaux, ce qui exige qu’il soit
un juriste confirmé, financier habile et surtout
ne
1880
1945
-
demeurant dans la colonie
guère plus que le
Or, la loi des finances du 13 avril
neur,
gouverneur.
comptable, quelque peu ingénieur, et
rédacteur, car ses dossiers envoyés
au ministère
sont le plus souvent la seule
source d’information du
gouvernement. Mais
le premier personnage de la colonie, point de
mire de tous les regards, entouré dès son
arrivée d’un cérémonial Jugé fastueux, est
d’abord un homme isolé, sans liens avec la
population polynésienne (excepté lors de
quelques gigantesques tama’ara’a), ignorant
la communauté chinoise, et se méfiant des
coteries des côlons qu’il se garde de
fréquenter. Il doit donc se reposer tout entier
dépenses de transfert qui s’avèrent ruineuses.
Les émoluments de ces cadres (qui en 1914
sont de l’ordre de
10 à 30 000 francs)
exaspèrent encore les colons mais aussi les
cadres subalternes et les employés recrutés
dans la colonie. En effet, gendarmes, marins et
soldats disparaissant assez vite de la colonie,
on fait
appel à un personnel civil local, à tel
point d’ailleurs que l’administration est de
loin le premier employeur. Peu de Polyné¬
siens font carrière dans “les bureaux”, bien
que l’enseignement primaire, l’interprétariat,
les postes soient largement occupés par eux.
Par contre, les colons européens et leurs
descendants
peuplent littéralement les
services administratifs. Mais ce personnel
bon
excellent
sur son
administration.
Cette administration coloniale si décriée, si
haïe même par les colons, est difficile à cerner,
mais elle n’est certainement pas ce monstre
monolithique si souvent dénoncé. La
mière question, tant de fois soulevée,
cerne
le nombre de fonctionnaires
subalterne, “recruté
est
L’administration coloniale
dans la colonie. L’état nominatif du
1900 fait incomber à la colonie
en
pre¬
con¬
poste
personnel
administratif montre que, en 1914, 300 em¬
ployés sont recensés comme tels. Ce nombre
s’accroît encore légèrement dans les années 30,
dans la mesure où les instituteurs, les postiers,
augmentent de façon notable. Ce chiffre est
élevé, et ce d’autant plus que la majorité des
fonctionnaires métropolitains
résident à
Papeete, au sein de l’administration centrale.
Car en fait, le problème soulevé par les colons
concerne une poignée de cadres, de très haut
niveau, venus de France à grands frais, mais
d’un niveau
au
les
toutes
hasard des aventures”,
souvent
médiocre. Il
est
vrai
que les conditions de vie sont peu séduisantes :
les salaires très faibles n’attirent guère l’élite de
la colonie. On doit même instituer des
indemnités pour cherté de la vie à certaines
époques
pour
les employés
comme
pour
certains cadres. Ne pouvant participer à “la
vie mondaine” de Papeete, contraints par leur
devoir de réserve à s’éloigner des colons,
jalousant les prérogatives des hauts fonction¬
naires, les employés locaux, partagés entre le
bureau et le Cercle, vivent en vase clos, ce qui
n’est pas sans danger : les querelles de
que
enveniment autant l’administration
les colons.
du
Impréparation, mauvaise connaissance
milieu, personnel souvent médiocre,
personnes
l’administration coloniale en
loin d’être à la hauteur de
Polynésie est
sa
tâche
:
et
pourtant, son rôle ne cesse de croître.
39
LA FRANCE EN
La
POLYNÉSIE
représentation politique
siècle, l’unification des
Établissements français d’Océanie est enfin
réalisée sur le plan administratif, mais dans le
sens d’une profonde centralisation. En effet,
alors que le décret du 10 août 1899 considérait
les
archipels comme des établissements
distincts, tant sur le plan financier qu’admi¬
nistratif, celui du 19 mai 1903 établit que les
archipels “forment avec les îles de Tahiti et de
Moorea une colonie homogène placée sous la
haute autorité du gouverneur” (article 1).
Celui-ci dispose, dans chaque groupe d’îles,
d’un administrateur qui est son représentant
direct, qui ne relève que de lui et qui dispose de
Au
du
tournant
pouvoirs très étendus.
Cette
année
même
1903
voit
la
suppression du Conseil général,
seul
subsiste
Conseil
le
C’est désormais
en son
les discussions. Mais
ce qui fait que
d’Administration.
qu’ont lieu toutes
composition montre
sein
sa
combien il est tout entier entre les mains du
gouverneur : pas
moins de huit fonctionnaires
font face à trois notables élus, à savoir les
présidents des Chambres d’Agriculture et de
Commerce et le maire de Papeete (la
municipalité ayant été créée en 1890). Encore
que le 24 mai 1912, les quatre administrateurs
des archipels ne furent plus convoqués. La
lecture des procès verbaux du Conseil
d’Administration montre que toutes les
questions, étaient abordées et discutées
âprement. Mais, organisme purement consul¬
tatif, le Conseil ne donne qu’un avis sur le
budget de la colonie, rendu exécutoire par le
seul gouverneur.
Il est clair que
Polynésiens et colons sont
totalement exclus de la bonne marche de la
la Première Guerre
mondiale, ils n’ont guère les moyens de
protester efficacement contre l’omniprésence
colonie.
Jusqu’à
administrative. Au lendemain de la guerre,
tant lors de la manifestation du 31 août 1921
La demeure
l’administrateur
des îles Ma.fquisés.' '
L'administràtiûn de^
.
«
archipels fut sabrifie'éau
profit des seulesitès dij
Vent. Un
personrpl
médioore, mal préparé
sa tâche, remplace.,
à
à
partir des an'qées
•
1860-1870, les Dt;il1ants
officiers de marirte du Protectorat.
40
lors de la campagne pour l’élection du
Délégué au Conseil supérieur des Colonies de
1928, les critiques les plus vives sont lancées
que
dans la colonie contre l’administration. Mais
c’est finalement de Paris que vient la décision
d’accéder aux exigences des habitants des
E.E.O.
:
DÉLÉGATIONS ÉCONOMIQUES
FINANCIÈRES
LES
ET
Composées de
A
Colonies, A. Sarraut,
les décrets du D'' et du 13 octobre
le ministre des
économiques et finan¬
Polynésiens et Européens y sont
représentés, puisque siègent à la fois trois
Tahiti,
Moorea et Tuamotu, et sept membres élus,
soit dans les Chambres d’Agriculture ou de
Commerce, soit dans les commissions
municipales de Papeete ou d’Uturoa (la mairie
de cette ville est créée en 1945). Enfin, leurs
administrateurs respectifs siègent pour les
archipels non représentés. Élus pour 4 ans, les
représentants se réunissent en une seule
session ordinaire annuelle, pour 20 jours
maximum. Le rôle des Délégations est de
délibérer sur le budget local et les budgets
annexes, à l’exception des dépenses obliga¬
toires, qu’elles ne sauraient modifier. Dès
septembre 1934, tous les membres
en
bloc pour protester contre
suppression par le gouverneur des mesures
qu’ils proposaient pour améliorer le budget
local. Ces Délégations ne constituèrent donc
qu’un simulacre de représentation ; la lecture
la
de l’article 16 est d’ailleurs édifiante
:
discussion, tout
portée politique
blâme à
voeu, tout acte...
un
(H. Bodin)
sans
effets”.
En
un
un
un
abolissaient
le
des mêmes
Conseil
d’Administration
privé composé
sept membres de droit.
rétablissant aussi
un
Conseil
(J. Quesnot)
le Président de la
représentant du Conseil
municipal de Papeete
(Clément Coppenrath)
d'Agriculture
(Ph. Michel!)
Chambre
représentant du Conseil
municipal d’Uturoa
(Clément de Balmann)
l'Administrateur des
représentant des Conseils
l'Administrateur des
Gambier
îles Sous-le-Vent
(Dr. Le Gall)
de Districts de Tahiti
(Teriiero a Teriieroiterai)
un
représentant des Conseils
l'Administrateur des
de Districts de Moorea
(Teriitauairohotu a Mataitai)
un
Marquises
(Dr. Benoît)
représentant des Conseils
de Districts des Tuamotu
(Célestin Roua a Fiu)
■
,
dépenses
budget local
(1/10 du budget total)
vote des
facultatives du
,une
session par an
Président : H. Bodin
Vice-Président : J. Quesnot
Secrétaire : Cl. Coppenrath
interdits, nuis et
fait, les décisions sont toujours prises
fois au sein du
de 1932 qui
Chambre de Commerce
Chambre
“Toute
par le gouverneur, mais cette
Conseil privé, les décrets
le Président de la
représentant de la
d'Agriculture
(Anahoa a Tavae)
un
l’adresse du gouvernement ou de ses agents
nommément désignés, ainsi qu’à l’adresse des
membres du Parlement sont
Papeete
(G. Bambridge)
le Maire de
représentant de la
Chambre de Commerce
ayant une
ou contenant un
6 membres
de droit
élus
membres des Conseils de Districts de
démissionnent
^
7 membres
institue par
1932 les Délégations
cières.
13 membres
Ce tableau
présente la
première assemblée,
inaugurée par le
gouverneur Montagné le
25 septembre 1833. Les
noms entre parenthèses
sont ceux des premiers
délégués. Mais, dès
1834, tous les membres
démissionnent pour
protester contre le
manque de pouvoirs de
rassemblée.
3 Vers l’Autonomie interne
1945-1960
A français
la veille ded’Océanie
la Seconde disposent
Guerre mondiale,et on àconstate
les Établissements
l’image que
de toutes
les colonies
ne
pas,
ce
françaises, exception faite de l’Algérie, d’institutions démocratiques. Durant ieconflit,
on assiste même au renforcement des pouvoirs du gouverneur, au nom des impératifs
de guerre. Jusqu’en 1945, ne domine encore que l’antagonisme séculaire des colons
européens fixés à Papeete et de l’administration coloniale, qui se refuse à tout partage
des responsabilités.
Si le conflit mondial ne laisse pas de traces visibles dans les E.F.O., il marque
toutefois le début d’une ère nouvelle pour la Polynésie. Tahiti et les archipels
connaissent une profonde évolution dans l’immédiat après-guerre. Cela se discerne
au changement de statut, certes, mais surtout à l’éveil des masses polynésiennes à la
vie politique. C’est là le trait caractéristique de cette époque. L’après-guerre signifie
tout d’abord l’établissement du suffrage universel complet dans les E.F.O. Le peuple
polynésien est appelé à donner son avis, à choisir ses représentants. Des partis se
créent et, à leur suite, toute une vie associative et syndicale. Le jeu politique s’en trouve
considérablement modifié, n’étant plus confiné aux seuls clans de colons européens
de Papeete.
Vient encore s’ajouter, avec le retour des combattants du Bataillon du Pacifique,
une prise de conscience des divisions sociales au sein de la colonie. A la rivalité
colons-administration se superpose celle des colons et des Polynésiens, telle que la
perçoit Pouvanaa a Oopa. En préconisant la défense des intérêts des Polynésiens, le
grand “leader” va permettre, pour la première fois, aux habitants des districts et des
archipels, d’émettre leurs propres revendications. Avec ferveur, l’électorat polynésien
se “donne” au metua, et lui confie en quelque sorte un chèque en blanc.
Mais l’aventure de Pouvanaa a Oopa, et de son parti, le Rassemblement
démocratique des Populations polynésiennes (R.D.P.T.), se termine par un échec. Les
grandes revendications du mefua n’ont pas abouti. A l’heure du choix institutionnel, on
assiste en fait à une régression, marquée par le retour en force de l’influence de
l’administration.
Éveil politique ne signifie pas forcément prise
politique. Les dirigeants polynésiens font le dur apprentissage de la
gestion d’un Territoire. De ces années décisives, mais troublées, sortira la Polynésie
française d’aujourd’hui.
L’évolution a-t-elle été trop rapide ?
de conscience
La colonie
de l’Empire devient
membre de
rUnion française
La
guerre de 1939-1945
à amorcer de par
a largement
le monde le
processus de décolonisation. La France ellemême, dès la conférence de Brazzaville
(janvier 1944), semble disposée à adopter une
attitude plus souple à l’égard de son Empire.
contribué
Les E.F.O. sont naturellement concernés par
cette
libéralisation.
Signes avant-coureurs
Le F'' août
qui
1943, le médecin-capitaine Rollin,
a servi aux E.F.O., adresse aux autorités
de la France Libre un rapport qui ne manque
pas de bon sens.
la nécessité de
autonomie
IL
y
souligne
donner
à
administrative
en premier
la colonie
“sans
lieu
une
porter
préjudice aux intérêts français”. Il convient,
poursuit-il, d’accorder à tous les sujets'
français d’Océanie la qualité de citoyens
français (réservée jusqu’alors aux seuls
Océaniens relevant des anciennes possessions
des Pômare). De même, il pense qu’il est
nécessaire de procéder à des élections à un
Conseil général qui aurait pour attribution de
discuter le budget en session régulière.
Le
général de Gaulle
passe en revue un
détachement du
Bataillon du Pacifique,
ii est accompagné du
générai Legentilhomme,
du capitaine Hervé et du
ministre Diethelm. En
contribuant à la
libération de la
Métropole, les E.F.O.
la plupart des
possessions de l’Empire
ont poussé le
gouvernement français
ainsi que
à modifier le statut de
ses colonies.
41
LA FRANCE EN
Ces
POLYNÉSIE
apparaissent nécessaires
comme l’explique Rollin
dans un rapport antérieur (du 20 août 1942),
“il est à envisager que la population indigène
tahitienne réclame, après cette guerre, son
indépendance sous le protectorat de la
Nouvelle-Zélande, la grande sœur maorie,
dans la
mesures
mesure
où,
voisine et amie”.
Cette démarche est le reflet d’un état
d’esprit général qui prend forme d’une façon
plus officielle avec le rapport que Edouard
Ahnne et Robert
Charron, au nom du Conseil
privé, envoient le 10 février 1944 au gouver¬
nement
de la France Libre.
Les deux conseillers privés y dénoncent le
fait que “le Gouverneur centralise entre ses
mains plus de pouvoirs que n’en saurait
réclamer le dictateur le
plus exigeant”. Ils
déplorent également le rôle dérisoire joué par
les
Délégations économiques et financières.
PRÉSIDENT
DU
CONSEIL
ainsi que par le Conseil
privé, et réclament en
conséquence le rétablissement de ce fameux
Conseil général supprimé en 1903. En dernier
lieu, ils souhaitent que “tous les habitants de
nos îles puissent jouir librement de tous les
droits
politiques et civils des citoyens
français”.
La
réponse de René Pleven, alors
commissaire
Colonies, est encoura¬
geante à plus d’un égard. Le ministre évoque
la conférence de Brazzaville et parle de décen¬
tralisation, ainsi que d’association des
représentants élus de la population à l’œuvre
S’il
rétablissement du
favorable
opposé au
Conseil général, il est par
au
remplacement des
se
montre
Délégations “par une assemblée ayant une
populaire plus large”. 11 est d’accord
pour abroger l’indigénat et accepte de
proposer au gouvernement de la République
assiette
choisit
ses
les
Nous
sommes
le 23 mai
1944, et
ces
propositions émanent du Gouvernement
provisoire de la République française d’Alger.
Seront-elles suivies d’effet lorsque, l’ennemi
vaincu, la Métropole retrouvera le fonction¬
nement normal
de
ses
institutions ?
aux
administrative.
contre
citoyen français à tous
originaires des E.F.O.”.
“d’accorder le statut de
MINISTRES
dont le
Premières élections
La
paix
revenue,
la France
va
effectivement
respecter la plupart de ses engagements. Le
sort des E.L.O. se trouve, en
fait, lié à celui de
l’Empire français, transformé en
Union française par le truchement de la
constitution de la IV' République. On ne parle
désormais plus de colonies, mais de Dépar¬
l’ensemble de
tements
d’Outre-Mer, de Territoires d’Outre-
MINISTRE DE LA
nomme
le
FRANCE D’OUTRE¬
MER
désigne
le
GOUVERNEUR
PRÉSIDENT
DE LA
Chef du Territoire
préside le
RÉPUBLIQUE
Domaines de
compétence nationale
(défense ; relations
extérieures ; justice ...)
ASSEMBLÉE
NATIONALE
(627 élus, pour 5 ans,
dont 42 Outre-Mer)
1
CD
Q
CD
Dépenses
obligatoires
Dépenses
facultatives
'
,
PCEOOXNUCTLVRUSLIRIEF
SIMPLE
La Constitution de 1946 et
sur
42
ies institutions iocales.
son
incidence
VERS L’AUTONOMIE INTERNE 1945-1960
Mer et d’Etats associés. Les E.F.O., pour leur
part, ont reçu le statut de Territoire d’OutreMer.
La
de
changement du
provisoire se manifeste dès
la décision d’élargir la nationalité
volonté
Gouvernement
1945,
avec
française
îles Sous-le-Vent, aux
Marquises et aux Australes, qui n’en béné¬
aux
ficiaient pas encore, pour les
raisons évoquées
plus haut. La seule ombre au tableau concerne
la forte minorité chinoise, encore considérée
comme étrangère, mais que les élus locaux se
sont bien gardés de défendre auprès des
instances
métropolitaines.
Pour les citoyens, anciens et
les rendez-vous électoraux
ne
nouveaux,
manquent pas
1945-1946, puisqu’ils doivent envoyer un
représentant à la première Assemblée consti¬
tuante (21 octobre 1945
: Charles Vernier),
puis à la deuxième (9 juin 1946 ; Georges
en
Ahnne), participer au référendum sur la
constitution, et élire enfin des délégués à
l’Assemblée représentative qui remplace les
Délégations.
Les
sont
bases de cette nouvelle assemblée
définies
dès
le
31
août
1945, mais
quelques retouches seront apportées
initial
en
définitive.
1946,
pour
au texte
donner la version
sessions, d’expédier les affaires courantes,
le contrôle du gouverneur. En cas de
conflit entre les deux parties, une session
des
sous
extraordinaire peut être convoquée.
Les
compétences de l’Assemblée
représentative sont plus étendues que ne
l’étaient celles des Délégations. Cependant,
Joseph Quesnot, son premier président,
constate dans son allocution d’ouverture que
général (jusqu’en
1903) et du Conseil d’Administration (19031932) étaient sensiblement les mêmes que
“les attributions du Conseil
L’Assemblée représentative
L’Assemblée représentative est composée de
vingt membres, élus au scrutin de liste à un
tour pour une durée de cinq ans. Elle se réunit
deux fois par an en sessions ordinaires, en
mars-avril (session administrative) et en
juillet-août (session budgétaire). Une
Commission permanente, composée de trois à
cinq membres, est chargée, dans l’intervalle
représentative”.
le budget reste préparé par
le gouverneur en Conseil privé, et qu’il
comporte des dépenses obligatoires,
celles de l’Assemblée
11 est vrai que
concernant
fonctionnement
le
de
essentiellement, sur
lesquelles l’Assemblée n’a aucun droit de
regard. Celle-ci n’a que la possibilité de
délibérer sur les dépenses facultatives et sur les
l’administration
affaires intérieures de l’archipel.
Ce qui change en fait par rapport aux
périodes précédentes, et que relève J. Quesnot
peu plus loin dans son discours, c’est le
mode de représentation : “tous les archipels
un
représentés
les
délégués
de
ces
Noël llari, dans “Secrets tahitiens”,
juge
sont
et
archipels choisis parmi leurs populations
respectives”, alors qu’auparavant on déplorait
l’omnipotence de Tahiti.
la nouvelle institution incapable de
faire face à l’administration. Les élus, selon
lui, sont des gens certes de bonne volonté,
mais d’une ignorance totale des choses de la
politique ou de l’économie.
par contre
On est loin
Parlement local
en
tout
cas
du véritable
auquel rêvaient certains.
Autres élections
24 novembre
1946, les citoyens de
Polynésie sont conviés aux urnes pour élire un
député. Sur les 14 402 sùffrages exprimés,
Georges Ahnne obtient 7 038 suffrages,
devançant Louise Tumahai, épouse de
Pouvanaa, (5 328) et Francis Sanford (1 814).
Parallèlement, le Territoire doit envoyer
un sénateur au Conseil de la République. La
nomination de ce parlementaire relève de
Le
La cérémonie
d’instaiiation du Conseii
municipai de Papeete en
1946. Il est procédé à
l'élection du maire et de
ses
adjoints avant la
traditionnelle remise des
écharpes. A cette date,
seules Papeete et
Uturoa ont
un
statut de
commune.
représentative dans les
définitif,
sur
lequel
fonctionnera le
Territoire pendant
11 ans, est mis en forme
par le décret n° 46-2379
en date du 25 octobre
1946. Les remaniements
apportés
par les textes
de 1946 vont dans le
sens d'une restriction
des pouvoirs de
l'Assemblée
représentative par
rapport au projet de
1945.
Alfred Poroi est un des
personnages clés de
l’après-guerre.
Longtemps maire de
Papeete, de 1942 à 1966,
il est régulièrement élu
aux
assemblées
législatives locales
(Délégations,
Assemblée
représentative.
Assemblée territoriale).
Il occupe également le
siège de sénateur de
1962 à 1971. Partisan du
maintien de la présence
française sur le
Territoire, il est
représentative, qui choisit
son
Président, Joseph Quesnot, par onze voix,
contre sept à Georges Bernière et deux absten¬
tions. Quant au siège de représentant au HautConseil de l’Union française, il revient à
Page de gauche :
L’institution d’une
Assembiée
E.F.O. relève du décret
du 31 août 1945, paru le
5 octobre de la même
année au Journal
officiel. Il ne s’agit en
tait que d'une ébauche
de statut. Le statut
l’Assemblée
un
des
adversaires les plus
déterminés de Pouvanaa
et du R.D.P.T.
Michel Coulon;
On est allé très souvent aux urnes au
cours des deux années de mise en place des
nouvelles institutions. Une ère nouvelle,
fondée sur la participation de chacun à la
publique, semble se dessiner. Le jeu
politique devrait désormais prendre assise sur
des bases plus larges. On en veut pour preuve
l’émergence d’hommes issus (du peuple qui
s’apprêtent, tel Pouvanaa, à marquer le
Territoire de leur empreinte.
chose
Ces nouveaux arrivants
fait confrontés aux mêmes
se trouvent en
problèmes que
leurs prédécesseurs. Ils se heurtent eux aussi à
une Métropole qui, au-delà des apparences de
libéralisme, reste très présente à tous les
échelons de la vie locale.
43
194Dobarqueni
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
justice, à l’enseignement public, à la santé
publique, aux douanes ...”, postes le plus
souvent tenus par des métropolitains.
Ainsi, la grande source de conflits de
l’avant-guerre, à savoir les fonctionnaires
inutiles, qui coûtent de l’argent à la colonie,
n’est toujours point tarie. On continue à
ignorer les vœux énoncés encore en 1944 par
le rapport Ahnne-Charron en termes parfois
1947-1949 :
l’affaire du
Ville d^A miens
et la création
du R.D.P.T.
Economie
lancée
allant
plutôt florissante, vivant sur la
de la guerre, réformes institutionnelles
dans
le sens d’une plus grande
autonomie... le Territoire semble être assuré
d’une certaine sérénité. En fait, il n’en sera
rien, et pour des raisons bien simples à
comprendre.
Une situation explosive :
les données du problème
Nous
Elles concernent entre autres les “traitements
et indemnités des fonctionnaires” et “les
aux
forces publiques, à la
Conférence de Dra.^zaville
1945
Yalta
en
Normandie
De
tels
provenant de deux
membres du Conseil privé, montrent à quel
point le problème est épineux. Ils sont révé¬
propos,
envers
d’esprit des habitants des
métropo¬
les fonctionnaires
litains. En effet, on n’en contrôle ni le nombre,
ni le salaire.
A cela vient
retour
des
s’ajouter le détonateur
Volontaires
du
Bataillon
Bataillon à Rome
en
Provence
CITOYENNETÉ FRANÇAISE
Élections
Plan Marshall
aux
Constituantes
Retour des Volontaires
:
1
L’administration
métropolitaine,
en
proie
qui
ne sont pas
cristallise
ce
sur
l’administration. Le terrain est,
plus propice. C’est dans
le 22 juin 1947, éclate l’affaire
l’a vu, on ne peut
on
contexte que,
du Ville d'Amiens.
L’affaire du Ville d’Amiens
L’affaire du Ville d'Amiens place sur le devant
de la scène les anciens combattants de la
Deuxième Guerre mondiale. Ceux-ci
regroupés
en une
s’est donné pour
de
ses
se
AFFAIRE DU VILLE D'AMIENS
problèmes d’aprèsmit fort
longtemps à assurer leur
rapatriement ! Ce fut là
déjà un premier sujet de
ses
guerre,
mécontentement. Il y en
eut bien d’autres...
Création du R.D.P.T.
Élection de POUVANAA
sont
Union des Volontaires, qui
tâche la défense des intérêts
membres face à l’administration
ou aux
profiteurs de guerre. Le mouvement est dirigé
par des hommes décidés, tels Pierre Tixier,
E. Le
Caill, J.-B. Thunot
ou
V. Raoulx.
L’Union des Volontaires trouve vite
du
que
dans les Vosges
Georges
COLONIE
ORSELLI
ASSEMBLÉE
REPRÉSENTATIVE
KON TIKI
un
de la population, ainsi
d’un autre mouvement, regroupé autour
solide soutien de la part
J.-C.
HAUMANT
TERRITOIRE
D’OUTRE-MER
(Union française)
Révolution chinoise
à
places sont prises... d’abord par ceux
partis, ensuite par les fonc¬
tionnaires métropolitains dont le nombre n’a
pas décru. La grogne monte alors et se
bonnes
député, 1 sénateur, 1 délégué
ivnÉruBLiüUE
Le Sagittaire sur lequel
les Volontaires du
Bataillon du Pacifique
rentrèrent au fenua,
dix-neuf mois après
avoir cessé les combats.
le
1946. Conscients du
VICHY
Parie libéré
Élections
1949
:
Pacifique. Ceux-ci, après une absence de plus
de cinq années, rentrent au fenua à bord du
GOUVERNE^ylF;NT PROVISOIRE
1947
44
rasser...”
Hiroshima
1946
1948
plupart des fonctionnaires ?... Nos jeunes
Tahitiens feraient tout aussi bien... que les
incapables, les détraqués, les fils-à-papa qu’on
nous envoie aux Antipodes pour s’en débar¬
E.F.O.
qu’un certain nombre de
dépenses, dites obligatoires, échappent aux
délibérations de l’Assemblée représentative.
dépenses afférentes
:
lateurs de l’état
vu
avons
“notre colonie... succombe sous une
administrative
beaucoup trop
lourde... Ne peut-on pas recruter sur place la
colorés
armature
Sagittaire, le 5 mai
sacrifice qu’ils ont consenti, ils attendent
reconnaissance de leurs actes de la part de
l’administration et rêvent d’un reclassement
social à la mesure des services rendus. Mais les
MAESTRACCI
ANZIANI
VERS L'AUTONOMIE INTERNE 1945-1960
de Pouvanaa
Pouvanaa
Oopa ; le Comité Pouvanaa.
déjà lutté pendant la guerre
a
a
rationnement. En 1946,
il dénonce les abus du Service de Ravitail¬
lement et s’oppose de façon virulente à
contre les carences du
l’administration.
Les deux groupements, aux intérêts
convergents, décident de faire cause commune
à l’annonce de l’arrivée de trois fonction¬
naires
métropolitains
le paquebot Ville
d’Amiens, arrivée d’autant plus contestée que
l’Assemblée représentative a émis à ce sujet un
sur
avis défavorable.
C’est ainsi que le matin
l’Union des Volontaires
du 22 juin 1947,
et
Comité
le
Pouvanaa s’opposent, les armes à la main, au
débarquement desdits fonctionnaires. Ils
repoussent les forces de police et la troupe qui préfèrent se retirer plutôt que de risquer
un bain de sang -, haranguent la foule, essen¬
tiellement composée de sympathisants, et
établissent
un
parle des “revendications légitimes des
Volontaires”, des “erreurs de l’administra¬
tion”, des “abus de certains profiteurs”. Il
évoque enfin “l’impéritie et l’incurie” de
tion. Il
véritables héros, ayant su faire front avec
succès aux autorités qu’ils ont tournées en
ridicule.
certains fonctionnaires.
Aussi, lorsque le
gouverneur Haumant
décide l’arrestation des meneurs, il place les
autorités dans
elles
vont
un
infernal dont
engrenage
ressortir
amoindries.
En
effet,
l’instruction du procès s’avère d’emblée
difficile. Les pressions sont telles, au sein
population en majorité favorable aux
comploteurs, que les témoins à charge font
défaut. Par contre, les voix sont nombreuses
pour
dénoncer les maladresses de
d’une
l’administration.
lieu.
Finalement, le tribunal conclut à un nonAprès cinq mois de préventive, les
accusés
-
ils
sont une
trentaine
-
sont
libérés et
apparaissent aux yeux de beaucoup comme de
L’événement est lourd de
conséquences.
effet, quelques mois après leur acquit¬
tement,
les membres de l’Union des
En
Volontaires et du Comité Pouvanaa décident
prolonger leur collaboration dans la lutte
politique. Ils se donnent comme leader
Pouvanaa, qui entame ainsi une “décade
prodigieuse” qui va le conduire aux sommets
de la vie politique locale. En 1949, au
de
lendemain de l’élection de Pouvanaa à la
députation, les deux mouvements finissent
par fusionner en un Rassemblement démocra¬
tique des Populations tahitiennes, ou
R.D.P.T.
Le R.D.P.T. est le
politique fondé
sur
premier véritable parti
le Territoire.
cordon sanitaire autour du
bateau. La surveillance des manifestants ne se
relâchant pas, et les multiples tractations
engagées
par les autorités ayant échoué, ordre
finalement donné le 24 au soir au Ville
d’Amiens d’appareiller pour Nouméa, sa
est
prochaine
s’immobilise
vedette,
catimini
au
venue
les
acheminés
Stuart.
étape.
à
trois
fait,
sa rencontre,
navire
le
récupère
fonctionnaires
ensuite
L’ultime
En
milieu de la rade et
en
camion
manœuvre
en
qui sont
vers
des
une
l’hôtel
autorités,
mise en forme par le chef de bataillon Leoni, a
réussi. Succès factice cependant, car les vrais
vainqueurs dans cette affaire demeurent les
émeutiers,
comme
événements.
le prouve la suite des
Le chef de bataillon Leoni lui-même por¬
te, dans son rapport sur
jugement très critique
les événements, un
l’administra¬
envers
L’affaire du Ville
d’Amiens était prévisible
car la grogne montait
depuis plusieurs mois
dans la colonie. Il y eut
d'abord le “suicideassassinat” (?) de
Lucien Céran-
Jérusalemy, retrouvé
mort dans le lagon de
Huahine, alors qu'il
enquêtait sur le
fonctionnement du
L'Assemblée
représentative avait
émis
un
avis défavorable
quant à la nomination
Service de
Ravitaillement. Il y eut
ensuite, le 9 mai 1947, la
manifestation
par
organisée
le Comité Pouvanaa
et l’Union des
Volontaires qui
réclamaient le renvoi de
certains fonctionnaires.
On reconnaît ici, au
premier plan, Pouvanaa,
Pierre Tixier et
Noël llari.
Emile Juventin, (caché)
Alfred Tissot (?),
Jean Millaud (futur
président de l’A.T.),
des nouveaux
fonctionnaires. On
reconnaît ici, de gauche
à droite : Paul Bernière,
Marcel Tixier,
Alfred Poroi (maire de
Giovanelli (chef de
cabinet du gouverneur),
Lestradt (secrétaire
sénateur),
Tautu Oopa, Marcel Pin,
Ferdinand Teiva,
Tehema Winchester,
Albert Leboucher,
Frédéric Bordes,
Rereao Tutavae (dit
Papeete, futur
Michel Coulon (membre
de i’Union française),
Joseph Quesnot
(sénateur), Yves Martin,
général
par intérim), le
gouverneur Haumant, le
chef du Service des
Finances, puis
Nadeaud), (caché)
Poheara Pere (?),
Georges Pambrun
(futur maire de Papeete)
et Teotahiarii Hautia.
45
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
Une ascension
metua,
les îles.
Cet
dix
fulgurante
élections législa¬
tives. Avec 9 818 suffrages, il devance
largement le favori logique, le malheureux
pasteur Vernier dont le retour à la vie
politique, après une brève apparition à la
Constituante de 1945, se solde par un cuisant
échec (4 679 voix seulement). Noël Ilari, dans
“Secrets tahitiens”, note que l’élection de
1949
Prise de
par
MAO ZEDONG
ne se
démentira jamais dans les
suivantes.
Mieux
:
en
1952,
combat
législa¬
tives plus de 70% des suffrages. En perte de
vitesse face à une opposition qui s’organise
aux
mêmes élections
de l’Union tahitienne, il obtient
cependant encore 60% des suffrages en 1956.
Quoique contesté, le pouvanisme de¬
meure puissant à la veille des événements de
sur
un
seul
individu.
Le candidat “social-chrétien” Pouvanaa est
précisément les bases de la
politique du parti qu’il vient de fonder,
lorsqu’il se présente à la députation, en 1949.
aux différentes
rales. C’est ainsi qu’à
Tout
L’entourage
insistant
sur son
attachement à la
sens
une refonte des
d’une plus grande
parle d’océanisation des cadres,
drapeau tahitien et d’une langue tahitienne
officielle. Il souhaite par ailleurs la mise en
place de lois sociales, ainsi que l’amélioration
du niveau de vie du monde rural, son principal
soutien. 11 montre aussi beaucoup d’attaautonomie. Il
de
qui
de
vie
du
consultations électo¬
l’issue des élections
Indépendance de l’Indonésie
en
institutions dans le
ne repose pas que
une part active à la
locale. Ces derniers assurent le triomphe
parti
acharnement.
avec
Métropole, le metua réclame
Pouvanaa est constitué d’hommes solides
s’apprêtent à prendre
une
amené à définir
1957-1958.
Toutefois, le R.D.P.T.
avec
L’œuvre du R.D.P.T.
autour
aux
pouvoir
appui
années
Pouvanaa enlève
le Père des Tahitiens, remporte un
remarqué
un
l’Assemblée
1953,
retrouve
Le metua, en tout état
cette date d’un large
par
succès très
de
anti-Français, un ignare”.
de cause, bénéficie dès
soutien populaire, en
particulier dans les districts de Tahiti et dans
communiste...
r“Affaire des Volontaires” et
animé par la forte personnalité de son leader,
le
R.D.P.T.
domine rapidement la vie
politique locale. C’est ainsi qu’en 1949,
Pouvanaa, que l’on appelle désormais le
Propulsé
représentative se
majorité R.D.P.T. De
même, le docteur Florisson remporte les
sénatoriales, et J.-B. Céran-Jérusalemy
obtient le siège de conseiller à l’Union
française.
Le parti de Pouvanaa contrôle alors tous
les rouages de la vie politique locale, se
dressant seul face à l’administration qu’il
Pouvanaa est accueillie “avec stupeur par le
gouvernement et l’opposition conservatrice”.
On
l’accuse, poursuit Ilari, d’être “un
1949-1957 :
une vie politique
dominée par
le R.D.P.T.
Armand
POUVANAA DÉPUTÉ
ANZIANI
GIRAULT
1950
1951
1952
GUERRE DE
CORÉE
-
MAJORITÉ R.D.P.T. à L'ASSEMBLÉE REPRÉSENTATIVE
1953
-
1954
Dien Bien Phu
1955
Conférence de BANDUNG
1956
Expédition de SUEZ
46
POUVANAA réélu
FLORISSON Sénateur
J.-B.
René
PETITBON
CÉRAN-J. Délégué à l’Union Fr.
Accords de Genève
Indépendance MAROC et TUNISIE
Jean-François
LOI-CADRE
POUVANAA réélu
VISITE de de GAULLE
TOBY
VERS L’AUTONOMIE INTERNE 1945-1960
religion, au droit à
l’instruction, à la réforme de la justice et à la
lutte anti-alcoolique. Enfin, il fait trembler les
nantis en affirmant : “il faut vouloir prendre
l’argent où il est”.
chement à la défense de la
Céran
courtoise et moins dictatoriale.
Ceci étant, le R.D.P.T. semble décidé à
aller de l’avant. Outre le projet de départe¬
va permettre au
R.D.P.T. de
à l’action. De fait, dès la séance
passer
d’ouverture, le
véritable
tir
l’opposition
de
présente un programme
social qui met en évidence la création de
coopératives de production et de consomma¬
mentalisation,
aux
territoriales
de
que
14
1953, c’est à
mars
Après avoir refusé
J.-B.
au
lutte contre les intermédiaires
le contrôle des investissements,
l’adoption d’impôts directs, la conservation
patrimoine (“Tahitiens, gardez vos
ferres...”)... Ce programme ambitieux a
cependant du mal à se concrétiser, le statut cje
1946 ne donnant pas aux élus locaux un poids
Céran-Jérusalemy.
du
doyen d’âge le droit
d’ouvrir la session, sous prétexte qu’il appar¬
tient à la minorité, la nouvelle majorité
impose, sans discussion préalable, un
télégramme adressé au Président de la
République demandant la départementa¬
lisation des E.F.O. Dans les jours qui suivent,
l’intransigeance et parfois l’agressivité de
Xalüti
aii5^
bteas et sa
***
Îm
tait
4e
suffisant
n
d’être
défendues
“
.
ce
Uee
iP"'
ro'""
..h.i.ii.iiP'
'
„rs
l‘..i.
ÎW
ui',
inquiète et dérange.
Dans un article paru
dans le journal Climats,
Robert Lasalle-Séré
fait passer le metua pour
un imposteur et un
,
en
cela d'attirer l'attention
de l'opinion publique et
des autorités
métropolitaines
sur
les
Page de gauche
:
La visite de de Gaulle
Polynésie fut
un
ni**
slogan
en
grand
moment. Le Général fut
reçu en véritable cljef
d’Etat - qu'il ne
redeviendra en fait que
deux ans plus tard. On le
vit parcourir des
avenues noires de
monde (comme ici, audevant du maire A. Poroi
et du gouverneur Toby),
serrer des mains,
s'entretenir avec les'
principales
personnalités du
Territoire... Dans ses
discours, il promettait à
Polynésie un avenir
prospère, dans le cadre
de l’Union française.
Pensait-il déjà à la
la
bombe, comme certains
le prétendent ?
dangers que représente
l’élection de Pouvanaa
pour l'intégrité de
l’Union française.
Inspecteur général des
Colonies,
R. Lasalle-Séré
(1898-1958)
assura
deux
l’administration.
Il
n’en
auprès des plus
Du 30 août
général de Gaulle
septembre 1956, le général
s’agit là d’un
événement très attendu par la population
locale. Le général, qui s’est écarté volontaire¬
ment
du pouvoir en 1946, continue sa
“traversée du désert”, mais demeure très au
au
2
de Gaulle rend visite à Tahiti. Il
fait des affaires nationales et internationales.
C’est au titre d’ancien chef de la Résistance et
de la France Libre
foule enthousiaste.
Dans
qu’il est accueilli
par une
discours
qu’il prononce,
profond attachement
qui doit unir Tahiti à la France, en même
temps qu’il envisage la construction d’un
grand aéroport de classe internationale et-du
moins le laisse-t-il supposer - le transfert
possible du centre d’essais atomiques de
l’Algérie vers la Polynésie.
Cette visite prendra tout son relief deux
ans plus tard,
lorsque le Territoire devra se
prononcer au sujet du référendum organisé
par le même de Gaulle, devenu chef de l’État,
et portant sur le rhaintien des liens avec la
les
de Gaulle réaffirme le
France.
'■■'■T l.ml.l'’"'"'.,"
*’r
'“"."'hIT.v'""
"11 llrr
hautes
La visite du
I e
j
''y';;ù
iransi'"-'
jerr»'
n-
...
w*-
..'.‘.y.
*.'■
L'élection de Pouvanaa
en octobre 1949,
agitateur. Il essaie
fa'*'",;*.
'“rcîw'*’
ïi
„..r—P—
P*
à
instances du Territoire.
et
''**
face
demeure pas moins que les populations tahitiennes ont pour la première fois l’impression
POOVASAA a fa électorali
il
tion, la
douteux,
un
barrage à l’encontre de
se livre le nouveau président
l’Assemblée,
bord de la
commissions qui, de ce fait, ne
présentent plus guère d’intérêt. Cela sent le
règlement de compte. Fort heureusement,
l’atmosphère s’éclaircit par la suite, le
fougueux président ayant fait amende
honorable et se conduisant de façon plus
favorable.
1953, tout change. Sa victoire
au
diverses
Élu député, Pouvanaa n’a guère la
possibilité de faire appliquer son programme
avant
1953, puisque l’Assemblée
représentative, jusqu’à cette date, ne lui est pas
En
mènent l’Assemblée
rupture, l’opposition refusant de siéger aux
fùl
missions à Tahiti entre
1947 et 1949. Présent
lors de l’affaire du
Ville d'Amiens, Il poussa
le gouverneur Haumant
à plus de fermeté envers
les émeutiers. Par
ailleurs. Il fut à l’origine
ri
■»>'
d’importantes réformes
fiscales et douanières,
il vient d’être élu, en mai
1949, sénateur des
E.F.O., en
remplacement du
regretté
Joseph Quesnot.
Pouvanaa a Oopa et
Jean-Baptiste CéranJérusaiemy en 1957,
alors que le R.D.P.T.
vient de triompher aux
élections territoriales.
Les deux hommes
apparaissent
complémentaires mais
en fait, ils représentent
déjà deux courants
différents
au
sein du
parti. Pouvanaa peut
compter sur l’appui de
conseiller
J.-D. Drollet, du
sénateur J. Florisson, de
J. Teariki, J. Tauraa ou
P. Flunter... Céran
bénéficie du soutien de
son
son
père Benjamin, de
P. Bouzer, Fi. Frébault,
Tautu Oopa,
Ropa Colombel...
équipe au
pouvoir. Le numéro
Une nouveiie
d'avril 1953 de
l’hebdomadaire
gaulliste Te Ara O
Oteania semble
pessimiste sur
l’efficacité de la nouvelle
équipe dirigeante qui
XTumule pourtant les
mandats. Deux
chauffeurs (Pouvanaa et
Céran) et beaucoup de
conseillers pour une
machine du pouvoir
qu’on semble
avoir bien
en
ne pas
main et
qu’on essaie de mettre
en
route à la manivelle...
47
POLYNÉSIE
LA FRANCE EN
Les E.F.O.
deviennent
la Polynésie
française
La loi-cadre Defferre
En
1956,
l’impulsion de Gaston Defferre,
sous
alors ministre de la France d’Outre-Mer, le
gouvernement Guy Mollet fait adopter une
loi-cadre modifiant les institutions de l’Union
française. A
une
décolonisation
époque où le
processus
de
est
largement amorcé, en
particulier dans l’ancien Empire britannique,
il s’agit d’accorder aux Territoires d’OutreMer une plus large autonomie. Le ministre
définit ainsi l’ambition de
“confier à
un
Gouverneur et
Ministres... la
des
gouvernement :
Conseil qui siège autour du
qui est une sorte de Conseil des
son
gestion des affaires intérieures
territoires”.
Il
est
convenu
que,
par
ailleurs, la Métropole conservera la haute
main sur l’Armée, le Trésor, la Justice, l’Infor¬
mation, les Relations extérieures...
Cette loi-cadre, dans l’esprit de son
promoteur, doit constituer une étape sur le
tahitienne, auxquels se joignent les Indé¬
pendants, au nombre de quatre, ne peut rien
faire contre le R.D.P.T. C’est ainsi que, le 11
décembre 1957, Pouvanaa est porté à la viceprésidence du Conseil de Gouvernement et
que la majorité empoche les cinq portefeuilles
ministériels, avec H. Bodin, J. Tauraa,
P. Hunter, R.-R. Lagarde et W. Grand. De
même, le second du metua, J.-B. CéranJérusalemy, obtient la présidence de
l’Assemblée.
Les
premiers
accrocs
fait, cette répartition des postes ne satisfait
J.-B. Céran-Jérusalemy, qui briguait la
vice-présidence du Conseil de Gouvernement.
En
pas
Le Président de l’Assemblée supporte en effet
en moins de n’être que le faire-valoir
de moins
d’un homme que de nombreux membres du
R.D.P.T.
lui-même
considèrent
comme
dépassé dans le contexte socio-économique de
l’époque. Certains auraient préféré nommer
chemin de
l’indépendance, et permettre aux
d’acquérir la maturité suffisante
pour diriger efficacement leurs pays respectifs
lorsqu’ils se libéreront de la tutelle française.
élus locaux
Une nouvelle assemblée
pour
de nouvelles institutions
La loi-cadre Defferre arrive dans les E.F.O.
sous la forme du décret du 22 juillet 1957,
“portant
extension
des attributions de
territoriale”, accompagné d’une
série de mesures élargissant les compétences
l’Assemblée
locales.
Pour être rendues
réformes
statutaires
opérationnelles,
doivent
être
ces
suivies
d’élections à la nouvelle assemblée. Celles-ci
ont lieu assez tardivement,puisqu’elles ne sont
organisées
de
que le 3 novembre 1957.
Par rapport au statut de 1946, la réforme
1957 accorde aux îles une répartition de
sièges plus favorable. Celles-ci en effet ne
rassemblent
plus que le quart de la
population, mais conservent la moitié des
sièges à l’Assemblée. Le grand bénéficiaire de
ce
découpage électoral est le parti de
Pouvanaa, bien implanté dans certains
archipels - aux îles Sous-le-Vent en parti¬
culier -, qui réussit le tour de force d’enlever
17 sièges sur 30 en n’ayant recueilli que 45%
des suffrages. Le R.D.P.T. obtient ainsi la
majorité absolue, au grand dam de l’oppo-,
sition,
une
nouvelle fois battue.
Notons
toutefois,
la bonne compré¬
hension des événements ultérieurs, que
Papeete demeure dans l’ensemble hostile au
parti de Pouvanaa, et que ce succès du
R.D.P.T. a largement été favorisé par les
divisions
de
ses
pour
adversaires
présentés à la consultation
qui
se
sont
en ordre dispersé.
La victoire électorale du R.D.P.T. voit
logique couronnement à la faveur de la
nomination par l’Assemblée des six membres
du Conseil de Gouvernement. L’opposition,
son
composée des neuf représentants de l’Union
48
Les élections de 1957 à
l’Assemblée territoriale
furent pius laborieuses
que les précédentes
consultations pour le
R.D.P.T. qui obtint
cependant encore la
majorité absolue des
sièges (17 sur 30). Ce
sont les 17 élus R.D.P.T.
qui posent ici avec, de
gauche à droite :
B. Céran-Jérusalemy,
M. Tahuhuterani,
P. Bouzer, G. Deane,
T. Oopa, J.-B. Céran-J.
H. Frébault, J. Tauraa,
Pouvanaa, J. Teariki,
J. Drollet, R. Colombel,
J. Florisson,
Ch. Lehartel, P. Hunter,
R.-R. Lagarde,
Matani Mooroa.
Le premier Conseil de
Gouvernement issu de la
loi-cadre réuni pour la
photo de famille le
11 décembre 1957.
Autour de Pouvanaa,
vice-président, et du
gouverneur Toby, on
reconnaît, de gauche à
droite : Jacques Tauraa
(Affaires économiques),
Walter Grand
(Enseignement),
René-Raphaël Lagarde
(Santé et Affaires
sociales), Henri Bodin
(Finances et Plan) et
Pierre Hunter (Travaux
publics), tous
ministres...
Pouvanaa Président d’honneur du
parti. Son
toujours été présent comme
catalyseur des suffrages, mais le metua
n’aurait pas participé directement à la gestion
des affaires. Il s’en suit quelques tiraillements
aurait
nom
entre Pouvanaa et son second. Les
eux-mêmes hésitent
sur
la voie à
ministres
suivre, et
G. Coppenrath rapporte qu’“on vit des
ministres prendre certaines initiatives en
Conseil de Gouvernement, mais voter contre
en Assemblée”...
La session budgétaire de 1957, fort
animée
sujet.
Le
au
demeurant, est exemplaire à ce
budget présenté
par
le Conseil de
Gouvernement, en accord avec le gouverneur
du Territoire, est discuté âprement par le
rapporteur à l’Assemblée, qui n’est autre que
Céran-Jérusalemy. Ce dernier va jusqu’à
dépenses obligatoires,
qu’il veut soumettre au contrôle de la
Commission permanente. Il s’agit là d’un
empiètement flagrant du législatif sur
J.-B.
remettre en cause les
VERS L’AUTONOMIE INTERNE 1945-1960
appelé “Tahiti”, parce que cette appellation
correspond à une notion simple que tout le
monde connaît... L’appellation “Polynésie
française” ne correspond pas à une réalité
administrative, puisque des îles françaises
habitées par des populations polynésiennes
sont rattachées à un autre Territoire (Wallis et
Futuna, Loyauté ...)...
“On a reproché à l’appellation que nous
proposons de ne pas comporter l’adjectif
“français”. Et pourtant, cet adjectif ne figure
pas dans tous les noms des Territoires OutreMer français (Nouvelle-Calédonie par
exemple)...
le relève alors le conseiller
membre de l’opposition
s’étonne du “manque de confiance... dans les
ministres, pourtant élus par le groupe du
l’exécutif, ainsi
Vanizette.
F.
que
Ce
Président”.
Mais, au-delà de
ces querelles, plus ou
partisanes, cette session budgétaire
revêt une importance capitale, puisque c’est
elle qui ratifie la mise en place de l’impôt sur le
moins
revenu.
“Polynésie française”
un
vocable contesté
:
En même temps que le décret modifiant les
institutions territoriales, les E.F.O. reçoivent,
le 27 juillet 1957, la nouvelle appellation de
Polynésie française.-
Ce choix décidé par
la Métropole
fait
ne
sur le Territoire, si l’on en
croit les termes de cette lettre que l’Assemblée
pas
l’unanimité
“Nous
territoriale adresse le 31 décembre 1957
ministre de la France d’Outre-Mer
“Nous désirons que notre
insistons à
nouveau
pour que
l’appellation de “Tahiti” soit adoptée pour
notre Territoire, en y adjoignant l’expression
“Océanie française”. L’appellation officielle
de
notre
Territoire
serait donc
Océanie française”.”
Cette modification
au
Territoire soit
ne
se
“Tahiti-
fera pas.
événements de 1958 l’ont reléguée
plan des préoccupations.
graves
second
:
:
4"
LA FRANCE
D’OUTRE-MER
pronot^e
U
dissoluàôn du U
C. de G.
spr avis
de l'Ait.
-
nomme
au
Le gouverneur
Durant les trois années
Jean-François Toby
(1900-1964) eut la
lourde responsabilité de
faire appliquer la loicadre en Polynésie.
desonséjour, il multiplia
les actions
"
avant les événements de
1958.
'■
et,
CHEF DU
TERRITOIRE
conseIl de"
GOUVERNEMENT
-
du
VICE-PRÉSIDENT
chargés
plusieurs
individuellement
d’un
ou
établit les
T.)
des MINISTRES
services territoriaux
projets
de lois
élit auiscrutin
organe législatif
local
Jean-Baptiste
Céran-Jérusaiemy
s’affirme rapidement au
sein du R.D.P.T. comme
le second de Pouvanaa.
Personnage brillant,
dynamique, mais
intransigeant, il porte
même ombrage à son
leader qui ne lui accorde
pas en 1957 le poste de
vice-président du
r
30 membres élus
pour
5 ans
délégation de
pouvoirs de l'A.T.
Se réunit
en
justice, etc.)
sessions ordinaires
s.
-
:
administrative
à mai)
s. budgétaire
(de septembre à oct.)
(+ sessions
(de
-
REND
LES
EXÉCUTOIRES
Délibérations
DE L'A.T. ou DE LA C.P.
ou bien :
-
en
tant que
gardien de
la Constitution,
deux
mars
peut :
1) demander une
seconde lecture
de la loi
-
extraordinaires
éventuelles)
UN CONSEILLER A
L’UNION FRANÇAISE
armée ; relations ext. ;
de l'Assemblée
sur
ASSEMBLÉE
Ciu
Ien dehors des sessions
du C. de G.
Peut délibérer
TOy.RS’
(pour fa durée
de la législature)
TERRITORIALE
gère les domaines
compétence nationale
(fonctionnaires métro. ;
de
COMMISSION
PERMANENTE
reçoit les projets de loi
de liste.à TROIS
0) O
Q. (/)
le Territoire
-
(affaires intérieures
-f dépenses facultatives
du budget)
-V
ZJ
Représentant de l’État
sur
en
l’absence du Chef du
-
peut
présider
;
(préside le Conseil
faveur du
révoque
la
composé
en
développement
économique du
Territoire qu’il quitta peu
(selon la loi-cadre Defferre)
Le statut de 1957
MINISTRE DE
Les
L’ASSEMBLÉE DÉLIBÈRE SUR
2) demander son
annulation pour
excès de pouvoir
ou violation de
la Constitution
LES PROJETS DE LOIS
UN
SÉNATEUR
Conseil de
Gouvernement qu’il
convoite. Nommé
cependant président de
l’Assemblée territoriale,
Céran s’oppose de plus
en
plus ouvertement à
Pouvanaa. Entre les
deux hommes, la
rupture est inévitable ;
elle se concrétise à la
suite de l'affaire de
l’impôt
sur
le revenu.
Si, aux deux premiers tours, aucune liste n’a obtenu la majorité absolue, le 3e tour a lieu à la majorité relative
49
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
1958
la chute
:
L’année
France.
1958 est bien sombre pour le
quelques mois, à la suite
d’appréciation, il s’engage dans des
combats suicidaires qui lui font perdre sa
popularité et le conduisent à s’entre-déchirer,
laissant place nette à l’opposition.
R.D.P.T.
En
d’erreurs
L’affaire de
l’impôt
le
revenu
1958, le R.D.P.T. mène deux combats de
front. Le premier est la radicalisation de la
lutte contre le colonialisme et pour l’océanisation des cadres, qui se traduit, lors de la
session
administrative, par l’évocation largement amplifiée par l’opposition - d’une
République tahitienne au cours des débats. Le
second combat est encore plus explosif. Il
concerne la mise en place d’un impôt sur le
revenu, idée chère à J.-B. Céran-Jérusalemy et
dont on parlait depuis longtemps déjà sans
oser passer à son
application. Cet impôt doit
remplacer, ou du moins limiter, les impôts
indirects, qui frappent sans distinction riches
et pauvres. C’est toucher là trop d’intérêts
sans en
l’initiative
Groupement
d’Henri
Lombard.
lance dans
se
une
Le
campagne
d’“information” bien orchestrée, dans laquelle
sont dénoncés les inconvénients de
l’inqui¬
sition fiscale, prétexte fallacieux masquant
mal
la
défense
d’intérêts
peut-être moins
son
profond
attachement à la Métropole, en contre-point
de l’idée de République tahitienne émise par
avouables.
Il
affirme
aussi
certains membres du R.D.P.T.
La crise éclate le 29 avril,
lorsque plus
d’un millier de manifestants viennent faire le
siège de l’A.T. où sont réunis les 17 conseillers
majorité - l’opposition a quitté la séance
peu avant.
Afin de calmer les esprits,
Pouvanaa doit promettre que l’impôt ne se
fera pas. Effectivement, après une entrevue
de la
avec
le
chef du
Territoire, le Conseil de
rejette le projet le 30 au matin.
Cette décision est entérinée l’après-midi même
par l’Assemblée. 11 s’agit d’un cui.sant revers
pour le R.D.P.T. qui s’enfonce un peu plus
dans ses divisions internes. Céran, déjugé sur
un
point pour lui capital, présente sa
démission de la présidence de l’A.T, Le
mouvement pouvaniste est au bord de l’effon¬
Gouvernement
drement.
Le référendum
Le coup
sur
Dès
50
sur
l’indépendance
de grâce est porté
l’indépendance.
élabore
son
une
encore :
aux
la Communauté. Le choix est donné
T.O.M. de rester dans la Communauté
“oui” ou bien,
d’accéder directement à
votant
en
“non”,
votant
en
l’indépendance, tout
privés de toute aide de
métropole.
étant dès
en
au
lors
La date du référendum est
fixée, tant
France que dans l’ensemble de
française, le 29 septembre 1958.
L’U.T.D.
l’administration
se
et
aussitôt
range
milite
en
en
l’Union
derrière
Le R.D.P.T. quant à lui se déchire une ultime
: alors que Pouvanaa fait campagne pour
le
“non”, Céran
Aratai.
son
le “oui” et
R.D.P.T.-Te
se prononce pour
propre
parti,
Pouvanaa s’est enferré dans un combat
voué d’avance à l’échec et qui n’a fait que
précipiter
dans
son
sa chute. Le metua n’a été suivi que
fief des îles-Sous-le-Vent (Huahine,
Tahaa) et à Moorea. Le “oui” l’a emporté
partout ailleurs, et parfois très largement,
comme à Papeete (4 709 contre 1 469), ou aux
Marquises (1 258 contre 134).
faveur du “oui”.
fois
fonde
rondement menée,
partisans du “oui” l’emportent très
largement en regroupant 65% des suffrages
(16 279 voix), contre 35% aux adeptes du
“non” (8 988 voix),
A la suite d’une campagne
les
le
Le verdict du référendum est
sans
appel.
La chute de Pouvanaa
Pouvanaa conteste ces résultats. Les élections,
dit-il, ont été truquées. C’est aller un peu loin,
même s’il est vrai que la campagne électorale
du leader du R.D.P.T. a été singulièrement
avoir suffisamment informé la
population.
L’opposition, qui avait jusqu’alors bien
du mal à rassembler les “tièdes” et à présenter
un front uni, trouve, avec ces deux
affaires,
des chevaux de bataille inespérés.
A
l’Assemblée, les Indépendants
rejoignent l’U.T. pour former l’U.T.D.
(Union tahitienne démocratique), regroupant
les treize conseillers de l’opposition, alors que,
peu avant, s’est constitué un Groupement de
Défense des Petits et Moyens Contribuables,
à
constitution, celle de la
peuple par
voie de référendum, l’Union française est
remplacée par un nouveau régime, plus libéral
l’ancienne
sur
En
locaux
Dans cette
République, qu’il soumet
V'
arrivée
nouvelle
au
par
le référendum
pouvoir, de Gaulle
constitution pour la
impôt ne se fera
pas !” annonce
Pouvanaa à la foule des
manifestants qui se
“Cet
presse devant
i’immeuble de
l’Assemblée territoriale
le 29 avril 1958.
Effectivement, l’impôt
abrogé dès le
est
lendemain 30 avril. A la
droite du metua se
trouve A. Poroi ; à sa
gauche, on reconnaît
Rudy Bambridge et
Henri Lombard.
VERS L'AUTONOMIE INTERNE 1945-1960
dernier n’a pu visiter les
archipels éloignés, alors que les partisans du
“oui” y faisaient une propagande active,
soutenus en cela par la machine administra¬
tive ainsi que par une solide assise financière.
Un climat plus serein n’aurait pu cependant
permettre à Pouvanaa de l’emporter.
Cette lourde défaite, la première depuis
dix ans, a pour effet d’aigrir le vieux leader,
d’autant que, ainsi
que
l’indique le
contrariée et que ce
Commandant de la C.A.l.C.T. de Tahiti dans
rapport : “deux mesures furent prises par
le chef du Territoire : 1°
Le Conseil de Gou¬
son
...
était suspendu dans toutes ses
attributions. 2” Le Vice-Président du Conseil
vernement
refusé à
voiture de
de Gouvernement, Pouvanaa, ayant
plusieurs reprises de
renvoyer sa
fonctions, la Gendarmerie s’en saisissait à
domicile le 9 octobre”.
Maladresses de l’administration
voulant
précipiter les événements,
a
son
qui, en
enclenché
qui aurait pu avoir des consédramatiques, en faisant
publiquement perdre la face au député
un
mécanisme
quences
R.D.P.T.
Le
s’enferme
metua
en
effet dans
sa
résidence, entouré des éléments les plus durs
de
son
parti. 11 est bientôt soupçonné d’avoir
donné l’ordre de livrer la ville
De
aux
flammes.
fait, des foyers d’incendies sont découverts
dans
la
nuit
du
10
au
11
octobre.
Le
lendemain, les forces de Gendarmerie arrêtent
Pouvanaa à
son
domicile.
prison, puis condamné l’année
suivante à huit ans de réclusion et quinze ans
d’interdiction de séjour, le metua disparaît
donc de la vie politique locale, laissant à ses
partisans et à ses adversaires le soin d’assurer
Jeté
sa
en
difficile succession.
Cette dernière doit
s’effectuer dans le cadre de la Communauté
française, ainsi qu’en
du 29 septembre.
WHOIITAIIHPOT'
kV”
cnn I
[ nti/tiuij
a
décidé le référendum
“L’impôt sur le revenu...
est universellement
reconnu comme
le plus
juste, puisqu'il frappe
chacun selon ses
moyens...”, lance Céran
lors de la session
administrative d'avril
1958. Faute d'avoir pris
soin de l'expliquer
suffisamment à la
La campagne pour le
“oui” est orchestrée de
main de maître par
l'U.T.D. qui reçoit ie
soutien du R.D.P.T.Te Aratai de Céran.
Pouvanaa se retrouve
seul à livrer un combat
d'arrière-garde dans
lequel il part battu
d'avance face à une
opposition qui dispose
d'une imposante
machine de propagande
et a l'appui de
l'administration.
population, le projet
d'impôt suscite un tollé
général bien orchestré
par une opposition qui a
de solides intérêts à
défendre et qui mobilise
aisément une
population de Papeete
qui n'a jamais été
favorable au R.D.P.T.
51
LA FRANCE EN
POLYNÉSIE
Pouvanaa
Oopa
a
a Oopa
(1895-1977). Député de
Polynésie française de
Pouvanaa
Personnage hors du commun, Pouvanaa
a marqué son
époque, et son ombre plane
encore sur le Territoire bien
après sa mort. Il
demeure en effet le symbole du nationalisme
tahitien dans la mémoire collective du peuple
polynésien, dont il fut la suprême émanation.
Le contestataire
1949 à 1959, vice-
président du Conseii de
Gouvernement en
1957-58, sénateur de
1971 à 1977, date de sa
mort, ie ieader du
une carrière
R.D.P.T. eut
politique bien remplie,
ii eut ie grand mérite
d'avoir été ie premier
véritabie porte-parole
du peuple polynésien,
qui reconnut
metua.
Pouvanaa est né le 10 mai 1895 à Huahine,
un milieu modeste. Homme des
îles, il est
donc aussi homme du peuple. Il abandonne
dans
l’école de bonne heure et
on
le retrouve
un
peu
plus tard à Papeete, dans le quartier pauvre de
Manuhoe, où il s’installe comme menuisier. Il
a
alors 18
ans.
Lors de la Première Guerre
s’engage
mixte du
comme
volontaire
mondiale, il
du
Bataillon
Pacifique et participe en 1918 aux
combats de Champagne et de Picardie.
De retour au ferma, il épouse Louise
Tumahai en novembre 1920 (il a déjà eu un
fils. Mate, en 1917, avec Pauline Marcantoni).
Pouvanaa supporte mal le poids excessif
l’administration. Sa contestation se
manifeste au grand jour pendant la Seconde
de
Guerre mondiale,
président
des
“Association
lorsqu’il est nommé vice-
“Amis
de
de
Défense
Tahiti”.
des
Cétte
Intérêts
agricoles et économiques du Territoire” se
réunit tous les matins au “Tare Café”, près du
marché. On parle là des problèmes de ration¬
nement, on dénonce les “Vichystes” et les
profiteurs de guerre, on aide enfin les plus
démunis.
Une
pétition condamnant les abus de
l’administration, et un esclandre sur la voie
publique font de Pouvanaa un “mauvais
Français” que l’on envoie en résidence
surveillée dans son île de Huahine. Qu’à cela
ne
tienne... Le
rame
dans
metua
rallie Bora Bora à la
l’espoir de faire parvenir un
général de Gaulle, par l’intermé¬
message au
diaire des Américains. Mais ceux-ci le rendent
illico aux autorités françaises, qui le déportent
à
Mopelia. Ramené plus tard à Papeete, son
vaut encore quelques mois de
prison, en 1944.
activisme lui
L’homme
politique
L’entrée solennelle de Pouvanaa dans la vie
politique
l’immédiat
du Territoire
après-guerre.
s’effectue
dans
En février 1947, il fonde le Comité
Pouvanaa, chargé de lutter contre les abus du
Service de
contre
comment
lieu
qui
Ravitaillement,
l’administration.
et par là-même
Nous avons vu
l’affaire du Ville d’Amiens
en a
Pouvanaa
et le non-
suivi ont contribué à propulser
sur
politique. Mais
les
devants
de
la
scène
succès aux législatives de
1949 s’explique au moins autant par l’art
consommé qu’il a de parler aux foules
poly¬
nésiennes. Excellent orateur, il sait faire
son
passer l’émotion, et son manque d’instruction
l’amène à employer un langage simple, à la
portée de son auditoire. Cela change des
alambiqués des gens de la ville.
discours
52
en
lui son
Le “non” au référendum
de 1958 est le choix d’un
homme seul. Pouvanaa
est seul à vouloir
l'indépendance tout de
suite, seul et abandonné
par une fraction du
R.D.P.T. emmenée par
J.-B. Céran-Jérusalemy.
Il aura beau s'appuyer
sur les fidèles
inconditionnels qu'il
a conservés dans les
masses
populaires, les
moyens rudimentaires
dont il dispose pour sa
campagne ne lui
permettent pas de
l’emporter. On peut
s’interroger sur les
raisons de cet
engagement désespéré.
VERS L’AUTONOMIE INTERNE 1945-1960
Pouvanaa est enfin homme de
un
ses
religion dans
profondément croyant qui apprécie
monde
références constantes à la Bible.
C’est ainsi qu’il est réélu conforta¬
blement
en
1952 et
en
1956.
Mais les
qualités qui séduisent le peuple
polynésien ne sont pas forcément celles qui
conviennent à une action politique efficace,
tant à Papeete qu’à Paris. Déjà, au niveau
local, Pouvanaa est contraint de s’entourer de
personnages plus instruits que
manient
mieux les concepts
lui et qui
politiques,
économiques et financiers. C’est ainsi que
Jean-Baptiste Céran-Jérusalemy, un des
compagnons de la première heure, prend en
main les destinées du parti. Il est également de
notoriété publique que Pouvanaa n’intervient
jamais à la Chambre des Députés, où il ne fait
d’ailleurs que de courtes apparitions.
Le flambeau est toujours là, mais, dans ce
monde nouveau qui change très vite, quelle est
au juste la place de Pouvanaa ? Papeete, Paris,
ne sont pas Huahine, et les joutes oratoires de
la bourgeoisie intellectuelle ne sont pas les
discours simples ou simplistes prononcés
devant un public acquis d’avance, dans le fare
d’un district.
D’autre part,
considère-t-il Pouvanaa
messie,
plutôt essaie-t-il de lui dicter la
suivre, ne le mettant en avant que
ou
marche à
son entourage
comme un nouveau
pour mieux profiter
semble bien que cette
contribué à précipiter
1958.
de sa popularité ? il
situation malsaine ait
la chute du metua en
Le banni
Les dissensions
cristallisées
au
sein du R.D.P.T.
de
autour
Pouvanaa
et
son
la
rivalité
second,
J.-B.
se sont
entre
Céran-
Jérusalemy. On en connaît l’essentiel des péri¬
péties, la cassure définitive s’opérant lors du
référendum de septembre 1958. Pouvanaa a
donc choisi le “non”, seul et contre tous, et
c’est un R.D.P.T. amoindri qui est largement
battu. Amère défaite pour un homme qui a
la vie politique locale durant dix
dominé
longues années. En réaction, Pouvanaa a-t-il
réellement donné l’ordre d’incendier Papeete?
A-t-il été dépassé par les événements, et
surtout par le noyau le plus dur de ses
partisans qui auraient agi à son insu ? A-t-il été
victime d’un véritable coup monté, comme le
supposent certains, dont Noël Ilari qui écrit,
dans “Secrets tahitiens”, “il s’était toujours
trouvé sur les lieux, par hasard, un représen¬
de l’ordre pour éteindre
surtout arrêter le coupable” ?
tant
l’incendie et
jours sur
la véritable responsabilité de Pouvanaa, ce
dernier n’ayant cessé de clamer son innocence.
Le doute demeure
Pouvanaa est âgé
47 ans en 1942,
encore
de
nos
Mais son éviction de la scène politique locale
^
arrangé trop de monde pour qu’elle ne soit pas
prononcée. C’est ainsi que Pouvanaa doit
Fait partie de Encyclopédie de la Polynésie. 7, La France en Polynésie, 1842-1960