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- Texte
-
B.UF.P
04513
22
3
ENCYCLOPEDIE DE LA POLYNESIE
l’Encyclopédie de la Polynésie, les habitants de la
Polynésie française ont à leur disposition, pour la
première fois, un inventaire complet et détaillé du
monde dans lequel ils vivent. Pour la première fois, la
Avec
somme
des connaissances
concerne
ce
acquises
sur
tout ce qui
pays en ce moment du XX* siècle est
publiée pour décrire les 11 Biles qui le composent, pour
faire revivre les hommes et les sociétés des temps
passés, pour faire l’inventaire des richesses que leur
offre leur environnement et dresser le tableau de la vie
quotidienne dans la Polynésie d’aujourd’hui.
Une encyclopédie de toute la Polynésie fran¬
çaise : si Tahiti et sa capitale Papeete restent l’organe
Territoire, il est aussi vrai que les archipels qui
composent jouent un rôle déterminant. Par
conséquent, fout au long des 9 volumes de l’Encyclo¬
pédie, Australes, Tuamotu, Gambier, Marquises et
Société sont évoqués, à la fois pour leur appartenance
à l’ensemble polynésien et pour leurs caractères
spécifiques. Ainsi, qu’il s’agisse d’histoire, d’archéo¬
logie, d’économie ou de l’étude des milieux naturels,
l’Encyclopédie apporte un témoignage de la richesse
vital du
le
et de la diversité des îles.
Une encyclopédie thématique : dans cet esprit, une
énumération alphabétique des sujets serflj^t apparue
comme une restriction à l’ampleur du
Jjffcos.thèmes
Alors
voluméT Wi
que la répartition de ces 9
successifs permet une compréhension
plus complète
plus profonde des sujets, où l’on verra que, bien
souvent, l’exploration du passé éclaire les conditions
du présent et les possibilités de l’avenir.
et
Une
encyclopédie visuelle
communication par
: à notre époque où la
un si grand rôle, il
l’image joue
paraît évident de lui donner une place prépondérante
un
ouvrage de cette importance. Cartes,
schémas, dessins et photographies occupent plus de
la moitié des pages, ajoutant ainsi à l’information écrite
une vision concrète et attrayante de celle-ci.
dans
Une encyclopédie pour tous : qu’il s’agisse du
peuplement de la Polynésie et de sa culture ancienne,
de ses ressources et de la gestion attentive de son
environnement, ou de l’état actuel de son organisation,
il va de soi que le désir de la connaissance passe par le
plaisir de son approche. Textes et illustrations ont
donc été conçus dans un souci de simplicité qui laisse
intacte la rigueur scientifique. Dans chaque volume,
une bibliographie permet de connaître les sources de
la documentation ou d’aller plus avant dans l’étude
d’un sujet. Enfin, un index et un glossaire éclairent les
termes techniques et facilitent la lecture.
Une
encyclopédie des Polynésiens : un ouvrage de
conception représente un outil de travail pour les
enseignants, une source de références pour les élèves
et les étudiants, un moyen d’information pour tout
esprit curieux. Il permet à tous ceux qui sont nés ou qui
vivent en Polynésie de la mieux connaître et, pour tous
ceux de l’extérieur, de découvrir une image différente
cette
de celle des cartes postales.
Mais, les dimensions de l’Encyclopédie de la Polynésie
dépassent ces aspects pratiques. Comme tout pays en
plein essor, la Polynésie française est confrontée à ce
défi que constitue l’insertion de sa croissance démo¬
graphique et économique dans le cadre géographique
politique qui est le sien. Des 9 volumes de cet
se dégagent l’historique et le bilan des
ressources dont dispose ce pays. En conséquence
et
ouvrage
directe, ils mettent l’accent sur ses richesses poten¬
tielles, mais aussi sur la fragilité des équilibres naturel
et humain dont chaque Polynésien est le garant.
En couverture : 1767 : La reine Oberea (Purea)
accueille le capitaine Wallis à Tahiti (coll.iM.T.I.).
1842 : Le pavillon du Protectorat : le pavillon français
est
placé
sous
îles de Tahiti.
la forme d’un yacht dans le pavillon des
\
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ENCYCLOPEDIE
DE
LA POLYNESIE
,
s.
Bapf?^
ENCYLOPÉDIE DE LA POLYNÉSIE
produite par Christian Gleizal
© 1986 C. Gleizai/Multipress pour la première édition
Editée et
Tous droits réservés. Il est interdit de reproduire, d'utiliser dans une banque de
données ou de retransmettre par quelque moyen que ce soit cet ouvrage,
partiellement ou totalement, sans l'autorisation préalable écrite des éditeurs.
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EMCYCLOPEDIE DE LA POIYNESII
la Polynésie
s’ouvre au monde
1769-1842
Ce sixième voiume de
l’Encyclopédie de la Polynésie
a
été réalisé
sous
la direction de
Pierre-Yves Toullelan,
Docteur de 3è cycle en Histoire, Chargé de cours au Centre Universitaire de la Polynésie française,
la collaboration de
Babadzan, Docteur de 3è cycle en Ethnologie, Chargé de cours à l’Université de Paris X-Nanterre,
Jean-François Baré, Docteur d’État ès Lettres et Sciences humaines.
Chargé de recherche à l’O.R.S.T.O.M., Paul de Deckker, Docteur en Sciences sociales.
Docteur de 3è cycle en Anthropologie sociale. Professeur associé d’Histoire à l’Université de Paris Vil,
Maître de Conférence à l’Université Libre de Bruxelles, Niel Gunson, Professeur, Research School of Pacific Studies,
Australian National University of Canberra, R.P. Paul Hodée, Docteur ès Sciences de l’Éducation,
Vicaire général de l’Archevêché de Papeete, Colin W. Newbury, Professeur, Instituts of Commonweaith Studies,
University of Oxford, Jean-Louis Rallu, Démographe, Institut National d’Études Démographiques,
François Ravault, Docteur de 3è cycle en Géographie, Directeur de recherche à l’O.R.S.T.O.M.,
Claude Robineau, Docteur d’État ès Lettres et Sciences humaines, Directeur de recherche à l’O.R.S.T.O.M.,
Chargé d’enseignement à l’Université de Paris l-Panthéon-Sorbonne, Etienne Taillemite, Inspecteur général honoraire
avec
:
Alain
Membre de l’U.A. 140 du C.N.R.S.,
des Archives de France.
Conception et production : Christian Gleizal
Maquette et coordination de la réalisation technique : Jean-Louis Saquet
Assistante de production : Catherine Krief
Illustrations et cartographie : Catherine Visse et Jean-Louis Saquet
Traductions de l’anglais : Pierre Montillier, Dominique Toullelan
Collaboration rédactionnelle
:
Michel-Claude Touchard
: B. Bird, J.-Cl. Bosmel, Bridgeman Art Library, J.-L. Charmet, M. Delaplanche, D. Destable, K.P. Emory,
Giraudon, P. Laboute, Mary Evans Picture Library, M. Ponsard, A.K. Richter, Cl. Rives-Cedn, Roger-Viollet,
M. Sexton, J.F.G. Stokes, B. Vannier, G. Wallart.
Photographies
E.T. Archive,
L’iconographie de
ce
a été rassemblée sous la direction
Pierre Montillier à Paris et grâce à l’aide
de Christian Gleizal, par Celestine Dars à Londres et
qui nous a été apportée par :
: Manouche Lehartel, directrice, Véronique Mu-Liepman, conservateur ; au Bishop Muséum :
Cynthia Timberlake,
Librarian, Betty Lou Kam, Curatorial Assistant, Photograph Collection, Clarence Mauricio, Photograph Collection ;
à la National Library of Australia : Barbara Perry, Pictorial Librarian, Sylvia Carr, Acting Pictorial Librarian ;
à la National Library of Ne\w Zealand (The Alexander Turnbull Library) : Moira Long, Assistant Curatorof Draw/ings and Paints, lan Snowdon,
Photograph Section ; à la State Library of New South Wales : Mitchell Library : Shirley Humphries, Mitchell Librarian, and Jennifer Broomhead ;
au
Musée de Tahiti et des Iles
volume
Musée de l’Homme : Muguette Dumont, Phototèque ; au Musée de la Marine : Mme Huyghes des Etages, Conservateur, Marjolaine Mourot,
Chef du Service d’Études et de Documentation ; au Service Historique de la Marine : M. le Contre-Amiral Chatelle, Chef du Service Historique,
M. J.-P. Busson, Chef du Service des Archives et des Bibliothèques de la Marine ;
au
au
Peabody Muséum of Salem : Peter Fetchko, Director, Marlene S. Hamann, Curatorial Assistant, Ethnology Dept. ; Kathy Flynn,
Photographie Assistant ; aux Archives Publiques du Canada : Georges Delisie, Directeur, Division de l’Iconographie.
grande partie de l’illustration de ce volume s’articule autour de la collection réunie par le R.P. Patrick O’Reilly
à laquelle il nous a généreusement donné accès.
Des collections privées nous ont été accessibles grâce à l’obligeance de leurs détenteurs : M. Christian Besiu, Tahiti ;
M. Nigel Davies, Californie ; M.E. Dodd, Vermont ; Mme A. de Ménil, New York ; M. Yves du Petit-Thouars, Indre-et-Loire.
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w
nt-propos
,n 1767, le navigateur anglais Samuel Wallis est le premier Européen à toucher File de Tahiti. Son voyage de circumnavigation
s’inscrit dans le grand mouvement européen de découverte et d’expansion engagé depuis le XVP siècle. La Polynésie entre
alors dans un difficile processus de changement, qui va affecter aussi bien la société que l’économie tahitiennes.
L’acculturation née des contacts s’intensifie avec les années, lorsque ceux-là, d’abord épisodiques, deviennent permanents et que
tel point que les Polynésiens ne semblent plus maîtres de leur histoire,
phases distinctes de cette évolution peuvent être retenues.
La première est celle des contacts qui s’établissent entre circumnavigateurs et Polynésiens. Que ce soit dans le domaine des concepts
ou dans celui de la technologie, cette première rencontre est déterminante. Laissons de côté le mythe de Wallis épris de Purea,
de Bougainville sous le charme de la Nouvelle-Cythère, pour ne retenir que la puissance de feu destructrice du même Wallis,
ou les interventions de Cook et des mutins de la Bounty en faveur des chefs de Pare. La dynamique née de cette confrontation constitue
ce qu’il est convenu d’appeler une accélération de l’histOire. Ceci ne doit pas conduire à considérer la proto-histoire
polynésienne comme une période immobile et la société tahitienne comme une société a-historique. Les rivalités politico-religieuses
ont continuellement fait évoluer les communautés, et l’ascension de la famille des ari’i de Pare, ceux que l’on nomme au tournant
et ce
le poids politique des Européens ne cesse de croître, à
dès avant l’ère de la colonisation proprement dite. Trois
du XIX*^ siècle les Pômare, s’inscrit elle aussi dans cette évolution.
La seconde phase est encore plus radicale, dans la mesure où le but
même des missions protestantes anglaises ou catholiques
espagnoles et françaises, est de saper les fondements religieux de la société polynésienne. Descendants directs des dieux, et donc sacrés,
les ari'i dominaient jusque-là la société traditionnelle. Ces notions s’écroulent devant le christianisme et, dès lors, un nouvel ordre social,
puis politique, est prêt à se mettre en place, symbolisé par les Codes de Lois des années 1820 et l’émergence d’une monarchie
centralisatrice. Ces transformations, qui s’échelonnent sur une vingtaine d’années (1797-1815), ne sont pas acceptées par tous,
comme en témoigne la crise de la Mamaia. Mais, dans la mesure où elles sont consenties et même récupérées par la partie la plus novatrice
de la classe dirigeante tahitienne, le triomphe du christianisme, et des valeurs qu’il véhicule, est aussi et d’abord celui de Pômare IL
La troisième phase débute alors que la seconde n’est pas encore achevée. A partir de 1800, des baleiniers, des trafiquants en tout genre,
sont attirés par l’Océanie, mais leurs méfaits ne seront réellement ressentis que vers 1820-1830. La présence de ces Européens
prend pour les Polynésiens la forme d’épidémies, d’alcool et de guerres, rendues plus meurtrières par l’apparition d’armes à feu. Alors
la chute démographique de ces petites communautés insulaires sera vertigineuse, et l’immixtion de ces étrangers aura
des répercussions jusque sur le pouvoir politique des Pômare, déjà ébranlé par une crise dynastique. Or, pour protéger leurs nationaux,
les grandes puissances (la Grande-Bretagne, la France, les États-Unis d’Amérique) nomment des consuls et envoient
des navires de guerre qui ont tendance à se saisir de prétextes, telle l’expulsion des missionnaires catholiques de Tahiti,
pour intervenir dans les affaires du royaume.
La stratégie d’unification politique poursuivie par les Pômare échappe peu à peu à cette famille, du fait des interférences toujours
accrues des missionnaires, des agents économiques et enfin des militaires européens. En quelque quatre-vingt années,
et pour la première fois de leur histoire, les chefs traditionnels polynésiens ne sont plus en mesure de contrôler leur destin
et celui de leur peuple.
Pierre-Yves TOULLELAN
1792. Scènes de la vie
quotidienne à Matavai.
Cette baie sera, pendant
les cinquante années qui
suv/ent la découverte
de/Tahiti,
le centre des
écnanges de l’île. Lieu
da mouillage des
voyageurs, elle
conférera à la chefferie
de Pare un prestige
qu’elle utilisera pour
asseoir sa domination
sur l’île. Aquarelle
originale de G. Tobin.
Sommaire
1
L’approche européenne 1595-1767
9
3
4
Les
14
La
16
Après Wallis
5
navigateurs et des
missionnaires une
monarchie
polynésienne de type
centralisateur, li faudra
quelques années pour
que la France, se
saisissant d'un prétexte,
impose sa loi à la reine
Pômare et la contraigne
à
renoncer
à
son
pouvoir. Dessin original
Radiguet.
6
de M.
Page suivante :
1767. Le Dolphin du
navigateur anglais
S. Wallis mouille dans la
baie de Mataval. Wallis
n’est pas le premier
Européen à découvrir
les îles de ce qui sera la
Polynésie française,
mais il représente mieux
que d’autres l’ouverture
de ces îles
influences
7
aux
européennes. Sa
rencontre
avec
Purea
P. de Deckker
20
La découverte de l’Intrus
P. de Deckker
22
Naissance du mythe
P. de Deckker
25
28
Une intrusion
30
L’ascension de Tu
32
La
34
Un soutien
36
Le
38
L’introduction du christianisme 1797-1815
Missionary Society et
41
La London
44
Accueil de la L.M.S. à Tahiti et
46
La révolte et l’exode
48
Le
50
Pômare et
52
La croisade de Pômare II
54
Triomphe de Pômare
Une monarchie centralisatrice
60
Les Codes de Lois
64
La conversion des îles Sous-le-Vent
65
Le
66
Les îles Australes
68
La conversion des îles Australes
70
Les Tuamotu
original de S. Wallis.
au
aux lavana
Cl. Robineau
J.-F. Baré
État des îles Sous-le-Vent
temps des conflits
ci. robineau, j.-f. baré. a. babadzan, f. ravault
des ari’i
:
62
vers
1800-1820
J.-F. Baré
protestantisme
le centralisme impossible
ou
J.-F. Baré
au
J.-F. Baré
début du X1X'= siècle
au
A. Bahadzan
protestantisme
A. Bahadzan
F. Ravauli
Une société nouvelle 1815-1827
Cl. ROBINEAU. J.-L. RALLU
73
Tradition
et
modernité
: un
nouvel ordre
76
Tradition
et
modernité
: un
nouvel ordre social
78
Une société
80
Les
82
Les îles du Vent
84
Les îles
86
Les autres groupes
religieuse ?
terribles crises démographiques
1800-1840
Marquises
Des baleiniers
politique
Cl. Robineau
Cl. Robineau
Cl. Robineau
en
Polynésie orientale
J.-L. Rallu
J.-L. Rallu
J.-L. Rallu
d’îles
J.-L. Rallu
planteurs 1797-1842
aux
P. Y. TOULLELAN
Européens et l’Océanie 1800-1830
baleiniers et la Polynésie
89
Les
92
Les
94
Les santaliers
96
Le
98
Lréconomie de traite
commerce
du porc
salé
plantations : un demi-échec
monopole des chefs
100
Les
102
Le commerce,
L’implantation catholique 1834-1850
105
La Mission
108
Des îles Hawaii
110
Installation de la Mission
112
La conversion de
Crises
121
124
JI26
(128
130
132
:
aux
P. Hodée
Gambier
P..Hodée
aux
Gambier
P. Hodée
P. Hodée
P. Hodée
Mission et Protectorat
catholiques
aux
P. Hodée
Tuamotu et dans les autres archipels
religieuses et politiques 1827-1842
Les
hodée. p.y. toullelan
Mangareva
d’implantation aux Marquises
essai
:
p.
catholique
Mormons et
peuple d’une société
et du protestantisme
57
118
traditionnelle à la
modernité. Dessin
aux
c.w.newbury
missionnaires
Marquises
Le royaume chrétien 1815-1827
contribuera à
ce
ses
rapprochement de la L.M.S. et de Pômare II
l’opposition traditionaliste
1838
missionnaires et de
consuls qui fera passer
espagnole
logistique pour Pômare
poids de l’homme blanc dans la vie politique polynésienne
Perturbations profondes dans les îles du Vent
Tahiti
commerçants, de
déserteurs,
d'aventuriers, de
P. DE DECKKER
conséquences
Bounty
11.6
8
polynésien
Premiers contacts et
114
l’instauration d’une
monarchie de type
européen. Enfin, il est le
premier de cette grande
ronde d’explorateurs, de
baleiniers, de
E. Taillemile
La découverte de l’Autre
marque également le
début de ce malentendu
politique qui
E. Taillemile
E. Taillemile
Les îles de la Société 1767-1797
Q
1842. Proclamation du
Protectorat français sur
le royaume de Pômare
Vahiné IV. Il a fallu plus
de cinquante ans pour
que les Pômare
installent avec l’aide des
E. Taillemile
circumnavigateurs et leurs navires
découverte de la Polynésie avant Wallis
12
18
2
£. TA ILLE MITE. P. DE DECKKER
Vers le continent austral
successeurs
La L.M.S.
La Mamaia
n. cunson, p de deckker
N. Cunson
régence
: origines et évolution
: crise religieuse ou
politique ?
sous
La Mamaia
de Pômare 11
la
Les dernières années de la Mamaia et le déclin du gouvernement
Le poids grandissant des Européens
temps des consuls
134
Le
138
Index
142
Bibliographie
P.Y. TOULLELAN
;
N. Cunson
N. Cunson
N. Cunson
tahitien
N. Cunson
P. de Deckker
P. de Deckker
,
1
L’approche européenne 1595-1767
A partir du XV® siècle, l’Europe
val’or
tourner
sesépices,
regardsl’essor
vers économique,
les terres lointaines
et les
quête de
et des
le temps
du
océans inconnus. La
grand négoce, cher au XVI® siècle, l’aube de la révolution industrielle qui point à partir
du XVII®, pousseront les grandes nations à la conquête des mers. Del’ère héroïque des
pionniers qui verra Christophe Colomb partir vers l’ouest, et VascodeGama vers l’est,
à celle des voyages scientifiques des XVIII® et XIX® siècles, il ne faudra pas moins
de quatre cents ans pour que, lentement, le Pacifique livre ses secrets. De Magellan à
Dumont d’Urville, la longueévolution des techniques, les multiples perfectionnements
de la marine à voile, l’invention du chronomètre qui assurera la précision des
longitudes, permettront d’établir enfin une cartographie digne de ce nom. Dès lors, des
centaines de navires parcoureront des routes océaniennes définies, entre des
archipels qui seront devenus des réalités géographiques.
Après Quiros et Mendana, qui ne firent que l’entrevoir en 1595 et 1605, la Polynésie
reçut en moins de trois années, de 1767 à 1769, ses premiers visiteurs d’importance :
Wallis, Bougainville et Cook. Les canonnades du premier pouvaient faire craindre le
pire, car, si les nouveaux arrivants sont, avant tout, des explorateurs, leur passage
s’accompagne de prises de possession qui, pour symboliques qu’elles soient, laissent
augurer d’un avenir confus. Les préjugés, la méfiance, l’ignorance des langues, les
malentendus, donneront naissance, de part et d’autre, à des interprétations hâtives et à
des jugements sommaires.
Avec Wallis, une longue période d’observation commence entre Polynésiens et
Européens, période riche en circonstances imprévues, en retournementsdesituation,
péripéties complexes, inséparables de ce bouleversement profond que représentent
les premiers contacts d’une société isolée avec toute autre civilisation.
Vers le continent
austral
plusieurs millénaires, l’homme
la Terre que des portions
fragmentées et isolées les unes des autres. Au
Moyen Age encore, les civilisations brillantes
et développées qui existent en Europe, en
Chine, aux Indes, au Mexique, au Pérou
restent totalement séparées par des déserts ou
Pendant
n’a
connu
de
des forêts difficiles à
franchir,
ou encore par
océaniques immenses, tout à fait
impénétrables faute de navires capables de
naviguer en haute mer. Ce qu’on appelle les
“grandes découvertes”, c’est-à-dire
l’exploration progressive de la Terre par les
navigateurs européens, commence
des étendues
véritablement
au
XIV®
siècle
dans
l’Atlantique, et en raison de son éloignement
de l’Ebrope, c’est, bien entendu, l’océan
Pacifique qui sera atteint le dernier. Il faudra
bien souvent attendre la fin du XVIII® siècle et
même le XIX® siècle pour que certaines de ses
parties soient enfin explorées d’une manière
scientifique.
Rappelons rapidement les principales
étapes de cette longue marche vers les océans
inconnus.
L’Europe à la découverte
du monde
A partir du milieu du XIV® siècle, les premiers
navigateurs européens, des Italiens,
commencent à
sortir de la Méditerranée et,
surtout, cessent de se borner à longer les côtes
du continent en direction de l’Europe du
ce qu’ils faisaient depuis l’Antiquité,
s’aventurer en haute mer dans l’Atlan¬
tique. C’est ainsi que, entre 1320 et 1350, sont
Nord,
pour
découvertes les îles Canaries et Madère. Ce
cependant qu’un siècle plus tard, en 1434,
qu’un navigateur portugais, Gil Eanes, réussit
à atteindre, en descendant le long de la côte
occidentale d’Afrique, les rivages du Sénégal,
alors entourés de légendes effrayantes.
Comme il faisait de plus en plus chaud au fur
et à mesure que l’on naviguait vers le sud,
certains s’imaginaient que l’océan allait se
mettre à bouillir. L’exploration c’est aussi la
destruction des mythes.
Cette descente progressive le long des
côtes africaines permit aux marins de
découvrir le régime des vents et des courants
marins qui, jusqu’à l’apparition de la
navigation à vapeur, allait tracer sur les
n’est
océans de véritables routes dont il sera difficile
de s’écarter.
A gauche :
Portulan du XVIP siècle,
représentant l'océan
Pacifique et i'Extrême-
Orient. Cette carte
marine montre combien
ies connaissances des
Européens sur cette
partie du monde étaient
restreintes.
Ci-dessous
:
Amerigo Vespucci
(1454-1512), dont ie
prénom servit à nommer
i’Amérique, fut i’un des
premiers à soutenir que
les terres découvertes
par Christophe Colomb
étaient bien "un
nouveau monde".
g
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE
Entre
1482
et
Diego
AU MONDE
1486, c’est
encore
un
Cao, qui découvrit
l’embouchure
du
Congo puis s’avança
jusqu’au cap de Bonne-Espérance, franchi en
1487 par un autre Portugais, Bartholomeu
Dias. Quelques années plus tard, ce sera la
découverte du Brésil par Amerigo Vespucci,
Portugais,
Vincente
Cabrai
côtes
Pinzon et Pedro Alvares
Yanez
qui, en voulant éviter les calmes des
mauritaniennes, aborderont sur ses
fallait-il avoir l’audace de tenter l’aventure et
de foncer
rien de
vers
l’inconnu
l’Atlantique.
car on ne
savait alors
qu’avaient pu
Vikings s’étaient évanouies
dans l’oubli, comme le prouve, par exemple, la
mappemonde de l’Allemand Martin Behaim,
datée de 1492. Les seules régions où les tracés
se rapprochaient, dans une certaine mesure.
Toutes les connaissances
accumuler
les
réel, étaient celles des côtes déjà
fréquentées par les navigateurs portugais,
celles de l’Europe du sud-ouest et la côte
occidentale d’Afrique. Vers le nord,
du
l’incertitude
et
la
fantaisie
débutaient
à
hauteur de l’Ecosse et de la Scandinavie. Vers
le milieu de
l’Atlantique était jetée une île
baptisée Antilia ; quant au Pacifique, il était
purement et simplement annihilé car, à la suite
1499 - 1500 et ouvriront ainsi une
Pacifique qui sera suivie jusqu’au
percement de l’isthme de Panama.
rivages
en
route vers le
La découverte du
Pacifique
le monde connu de l’Europe
va
s’agrandir dans d’énormes proportions
grâce à deux hommes : Christophe Colomb et
Et coup sur coup,
Vasco de Gama dont les voyages vont ouvrir
des routes nouvelles et rendre possible la
Pacifique. C’est, semble-t-il,
Colomb eut connaissance par sa
belle-famille, les Perestrello, Italiens établis à
Lisbonne, de cartes et d’observations
recueillies par les navigateurs portugais. On
était alors préoccupé par la recherche d’une
nouvelle voie vers les îles à épices, produits
dont la consommation en Europe s’accroissait
d’année en année. Les Portugais cherchaient
vers l’est,
pourquoi ne pas tenter aussi de
découverte du
vers
1480 que
trouver un
dans l’air
itinéraire
depuis
un
vers
l’ouest ? L’idée était
certain temps mais encore
‘Cuncri [i/üt-i.r
iiu'it
Vasco de Gama
(1469-1524) (en haut) et
Christophe Colomb
(1450-1506) (en bas),
agissant pour le compte
de l'Espagne, sont les
premiers Européens à
ouvrir la voie vers le
Pacifique, le premier
l’est, le second
vers
vers
l’ouest, llséchouent
tous les deux avant
d’atteindre leur but.
10
Æi/uiikht/iiIis Jatis Je 'MtiLlelltj
L’APPROCHE
Marco Polo et de Toscanelli, Behaim
étirait démesurément l’Asie vers l’est et le sud,
de
aboutissant ainsi à des tracés
sans
le moindre
rapport avec la réalité.
C. Colomb, cherchant donc
une route
nouvelle pour atteindre la Chine, rencontra, le
11 octobre 1492, une petite île de l’archipel des
Bahamas et, au cours des années suivantes,
explora le golfe du Mexique et les côtes
l’Amérique
centrale, du
de fort
peu la découverte de l’océan Pacifique
puisqu’il passa à proximité de l’isthme de
Panama. En septembre 1513, un Espagnol,
Vasco Nunez de Balboa, traversa cette langue
de terre et aperçut le Grand Océan dans lequel
il entra, armé de pied en cap, pour en prendre
possession au nom du roi d’Espagne. Pour la
orientales
de
Honduras
au
Vénézuéla. 11 manqua
première fois,
Pacifique.
un
EUROPÉENNE
1595-1767
Européen voyait les
eaux
du
Si Colomb avait pris la route de l’ouest, le
Portugais Vasco de Gama explora celle de
l’est. Le 8 juillet 1497, il quittait Lisbonneavec
quatre navires, franchissait le cap de BonneEspérance et, le 20 mai 1498, arrivait aux
Indes. Au début du XVP siècle, les Portugais
parvinrent jusqu’en Indonésie et aux îles
Moluques. Ainsi les navigateurs européens
s’avançaient sur le long chemin qui mène vers
le Pacifique.
De ce grand océan, avant Magellan, nous
ne savons que bien peu de choses, si ce n’est
qu’il fut vraisemblablement atteint par des
navigateurs européen^ .ou asiatiques à des
époques impossibles à préciser. Des marins
chinois ont-ils avant le XIE siècle traversé le
^
Ji (.•miuTAi'ltml.Mi
1 IW.ixxtJoiWrvUulc
j
•
iW
i
Pacifique et atteint les côtes mexicaines ? Les
spécialistes en discutent encore. Il est
probable que l’expansion commerciale
chinoise
au
début du XV' siècle ait atteint de
archipels, et la Chine avait alors
réuni tous les moyens techniques nécessaires à
une entreprise de découverte, mais elle s’est
soudain repliée sur elle-même. Les Cosaques
du Don aussi, après avoir traversé la Sibérie,
parvinrent en 1645 sur les rives du Pacifique
mais
n’allèrent
pas
plus loin. Enfin,
l’Amérique précolombienne elle-même ne
sembla pas non plus s’intéresser à cet océan
qui cependant la baigne sur une si grande
longueur.
nombreux
V.S.PAN’A'
'‘OnJiS^dfld
Vers le continent austral.
Sur cette grande carte
marine hollandaise,
datant de 1632, ne sont
représentées que les
terres formellement
les récits
de Mendana,
identifiées par
de voyage
Quiros, et surtout
Le Maire et Schouten :
ies îles Salomon,
les Mariannes et une
partie de la NouvelleGuinée. Le fait que le
continent austral n’y
figure pas ne signifie pas
que l’on a cessé d'y
croire.
Ci-dessus :
Le Pacifique espagnol.
Vasco Nunez de Balboa
(1475-1519),
conquistador espagnol
et premier Européen à
apercevoir ce qu’il
nomma
“la Mer
Pacifique”, en raison
calme trompeur du
du
grand océan, prit
possession des rivages
et des îles baignés par
L'Espagne
pendant de
longues années le
Pacifique comme une
chasse gardée.
cette mer.
considéra
11
LA
POLYNÉSIE S'OUVRE AU MONDE
Les
circumnavigateurs
et leurs navires
voyages de découverte qui
à la fin du XV‘= siècle ont été
grands
Les
commencent
possibles par le perfectionnement
progressif des navires. Ceux-ci ne vont cesser
de s’améliorer depuis le voyage de Magellan
jusqu’à celui de Dumont d’Urville, époque où
le navire à voiles aura atteint sa perfection et
commencera à être détrôné par le bâtiment à
rendus
vapeur.
De la caravelle
Les
au
galion
premières grandes expéditions lointaines
réussirent grâce à la caravelle, type de navire à
trois mâts verticaux portant d’abord des
deviendront ensuite
rectangulaires. Il y en a d’abord une par
mât puis on les dédouble, ce qui rend les
manœuvres
plus faciles. Le mât arrière,
l’artimon, porte une voile triangulaire montée
sur une longue vergue inclinée. A l’avant, la
civadière, montée sur le beaupré, aide le
navire à virer de bord. Grâce à ce système de
voiles, la caravelle atteint, par bon vent, des
voiles
qui
carrées
vitesses raisonnables et surtout arrive à bien
remonter au vent.
premiers navires de la découverte
petite taille : environ 25 mètres de long
sur
10 de large. Ils ont des formes assez
rondes, une coque solide, renforcée par des
pièces de bois verticales sur les flancs. A
Ces
sont de
l’arrière, un château assez élevé abrite l’étatmajor du navire tandis que l’avant s’orne
d’une plate-forme triangulaire, en plein vent.
Les caravelles de Christophe Colomb étaient
aménagés pour un
voyage exceptionnel, tandis que Vasco de
Gama disposa de bâtiments spécialement
conçus pour une expédition de découverte.
Mais la caravelle ne pouvait suffire à tout et
peu à peu apparut le galion, plus gros, plus
lourd, car il faut des cales suffisantes pour
transporter des marchandises et une structure
assez
solide
pour
recevoir des pièces
d’artillerie, les routes maritimes restant peu
sûres. Avec leur énorme château arrière, les
galions portaient une trentaine de canons.
des
navires marchands
galion
Du
au
Toutes
manœuvre.
l’élément
de
base des forces
qu’elles
c’était le
ne
cas au
pour éviter
au vent comme
XVIL siècle. Pour profiter au
maximum des vents favorables, on a imaginé
au
XVIP siècle d’agrandir la surface de
établissant des bonnettes, voiles
prolongeant les principales sur les
côtés, fixées sur une pièce de bois coulissant le
long des vergues. Toutes ces voiles sont
gouvernées par un système très complexe de
filins servant à les hisser, à les orienter et à les
voilure
en
auxiliaires
border
fonction du vent.
en
Les améliorations
celles-ci grâce à une construction plus savante,
basée sur des calculs mathématiques de sorte
que la pénétration dans l’eau et les qualités
manœuvrières
des
navires progressèrent
sensiblement. Les mâtures et les voilures se
modifièrent aussi. Le vaisseau et sa petite
sœur
12
la
frégate portaient les trois mâts
techniques
navire, les
modifièrent dans le
siècle. A l’avant, la
Placées à l’avant et à l’arrière du
voiles
d’évolutions
du
courant
se
XVIIP
civadière, peu efficace, fut progressivement
remplacée par les focs, voiles triangulaires qui
aidaient le navire à virer par l’avant. A
l’arrière, la basse voile d’artimon, longtemps
triangulaire et montée
sur une vergue
oblique,
devint, dans la seconde moitié du XVIIP
siècle, la brigantine trapézoïdale tendue sur
deux vergues perpendiculaires à l’artimon. La
mâture et la voilure d’un vaisseau ou d’une
du
frégate
d’énormes
XVIIP siècle constituaient
échafaudages dont la hauteur
atteignait quarante mètres pour une frégate,
pour un vaisseau. La surface de
soixante
voilure allait de 2 000 à 5 000 mètres carrés.
En haut, à droite :
Caravelle gréée en nef.
Ce type de bateau fut
utilisé dans les voyages
de découverte de la fin
du XV* et du XVI' siècles,
\
Portugais et les
Espagnols.
par les
'
Reconnaissables à leur
forme arrondie et à leur
château arrière tout en
hauteur,
ces
navires
se
révélèrent très fiables.
A droite :
La Révolution et le
DIscovery, trois-mâts
barques peints par
J. Cleveley lors du
troisième voyage du
capitaine J. Cook.
Vaisseaux et frégates
aux XVII' et XVIII'
siècles les navires les
sont
plus utilisés par les
circumnavigateurs.
'■
en
bois de chêne, les coques
permit d’en accroître les dimensions. La
Boudeuse de Bougainville en 1766 mesurait
40,60 m de longueur sur 10,50 m de largeur, ce
qui montre à quel point les formes de carène
s’étaient affinées depuis les caravelles de
Colomb. Pour protéger ces coques contre les
multiples agents destructeurs contenus dans
l’eau de mer, on appliquait un doublage de
planches de sapin, cloué sur les membrures de
chêne. A partir des années 1760 environ, se
développa une nouvelle technique beaucoup
plus efficace qui consistait à fixer sur la coque
fassent trop poche
navales
horizontales. On améliora aussi les formes de
Construites
renforcèrent à partir de la fin du XVIP
siècle de quelques éléments métalliques, ce qui
se
voiles sont désormais
ces
vaisseau
européennes. Pour des raisons d’équilibre et
de commodité, les châteaux avant et arrière se
réduisirent de plus en plus au point de
disparaître au XVIIP siècle, époque au cours
de laquelle les coques devinrent à peu près
la taille
rectangulaires et mieux tendues
XVID siècle, le
sera
dont
des voiles
composé
de trois pièces de pin solidement assemblées,
porte, depuis le XVIL siècle, trois voiles
étagées destinées à la propulsion et à la
galion va se modifier
progressivement pour donner naissance au
vaisseau qui, pendant plus de deux siècles,
Au
mais
traditionnels
devenus
s’éleva pour leur permettre de porter
d’une grande surface. Chaque mât,
3
'
L'APPROCHE
des feuilles de cuivre qui assuraient une
meilleure protection et amélioraient aussi les
qualités nautiques.
l’eau destinée à la boisson et les
Une
les
repas.
courantes au
espace
et des fantaisies encore
milieu du XVIII' siècle. Il fallut
le XIX' siècle pour assister aux
grands progrès d’une cartographie devenue
attendre
navires alla certes en
diminuant du XVP au XIX' siècle, mais
l’amélioration resta très lente. Entassés en
un
efforts
l’établissement de cartes marines exemptes des
des
grand nombre dans
des
approximations
navigation plus sûre
L’inconfort
déployer
faisait à la force des bras.
d’une agilité et
physique supérieures. Parmi les
dangers de la vie maritime aux temps anciens,
nombreux étaient ceux qui provenaient des
méthodes de navigation très approximatives
qui restèrent de règle jusqu’à la dernière partie
du XVIII' siècle. Les progrès réalisés au XV'
siècle par les sciences nautiques avaient rendu
possibles les premiers grands voyages en
permettant de calculer grossièrement la
position du navire. Mais ce n’est que vers 1770
que furent mises au point en Angleterre et en
France les méthodes scientifiques de calcul de
la longitude avec l’apparition des premiers
chronomètres. Révolution scientifique et
technique aux conséquences immenses car elle
permit, outre une navigation plus sûre,
chanvre qui tenaient les ancres furent
remplacés vers 1820 par des chaînes
métalliques. Vers la même époque,
apparurent les caisses métalliques pour
pour
tout se
d’une force
sensiblement de ceux de Cook et de La
Pérouse, On leur a cependant apporté de
nombreuses modifications de détail qui
facilitent les manœuvres et améliorent les
conditions de vie à bord. Les gros câbles de
récipients individuels
car
1595-1767
Il fallait donc faire preuve
siècle, le navire à
voiles a atteint pratiquement une perfection
technique qui ne sera plus dépassée et les
bâtiments qui seront utilisés par les voyages de
la Restauration et de la Monarchie de Juillet,
entre
1815 et 1840, ne différeront pas
Vers la fin du XVIII'
conserver
devaient
hommes
énormes
EUROPÉENNE
enfin
science exacte. Alors seulement, les
voyages cessèrent d’être une aventure
hérissée de dangers de toutes sortes.
limité, les
i
1 1 ]
ej
!
1 yjrüii
une
grands
■
i
i
’
Carte de l’océan
Ci-dessus :
Octant de L.A. de
XVII' siècle,
chronomètre de J. Cook.
En
haut, à gauche :
Pacifique datant du
Bougainville et
L’appellation “Grande
L’apparition, au
du XVIII' siècle,
d’instruments
préférée à “Mer
Pacifique",
curieusement reléguée
sûre et l’établissement
d’une cartographie plus
représentant le système
des vents alizés.
Mer du sud"
au
a
été
sud-est.
début
scientifiques permit à la
fois une navigation plus
précise.
A gauche :
Une corvette. Ces petits
navires de guerre,
utilisés au XVIII' siècle
pour les voyages de
circumnavigation,
illustrent les progrès
faits tant dans les formes
que
dans les voilures.
13
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
La découverte de
la
pénétré
avant Wallis
La
découverte
et
l’exploration du
Pacifique, et donc de la Polynésie, est une
prodigieuse aventure humaine échelonnée sur
quatre siècles. La reconnaissance d’espaces
aussi vastes, d’une géographie très complexe,
parsemés de milliers d’îles, posa aux
navigateurs et aux savants de redoutables
problèmes qui ne purent être résolus qu’au
prix d’énormes efforts et de bien des épisodes
dramatiques.
découvertes de
Espagne.
A
premier marin européen à tenter la plongée
un inconnu dont on ne soupçonnait pas
même les dimensions réelles fut un Portugais,
Le
dans
Fernao de
Magalhaes, dont le nom est devenu
français Magellan, qui avait déjà beaucoup
navigué dans l’océan Indien jusqu’aux
Moluques, ce qui l’amena à concevoir le projet
de rejoindre cette région par la route de
l’ouest.
Passé au service de l’Espagne,
Magellan quitta San Lucar près de Cadix le 20
septembre 1519, avec cinq navires et 265
hommes, en direction de l’Atlantique Sud. Il
relâcha au Brésil, réprima une mutinerie de ses
équipages pris de panique sur les côtes
d’Argentine et s’engagea en octobre 1520 dans
le détroit qui a conservé son nom. Le 28
novembre, les navigateurs entraient dans le
Pacifique. Portés par les vents et les courants,
ils remontèrent vers le nord puis mirent le cap
à l’ouest, contournant en somme la Polynésie
pour atterrir le 6 mars 1521 dans une des îles
de l’archipel des Mariannes. Ce premier essai
en
notable
mais
l’immensité
il
du
à
avait
Grand
aucune
donné
Parti de Callao
en
décembre 1605
avec
trois
14
partir de la seconde moitié du XVF siècle,
nom,
il traversa le
Pacifique - sans
approcher la Polynésie pour achever son
voyage aux Philippines,
où il fut tué. Son
lieutenant, dei Cano,
conduisit l'expédition
à bon port et effectua
ainsi la première
et
navires, descendant plus au sud que son
ancien chef, il peut être considéré comme le
premier marin européen à avoir vraiment
en
circumnavigation.
Fernao de Magalhaes,
dit Magellan
(1480-1521). Après avoir
découvert le détroit qui
aujourd’hui porte son
idée de
celle-ci,
naturellement, effrayait les navigateurs. En
1567 cependant, Alvaro Mendana de Neira
tenta l’aventure au départ d’Amérique. Il
quitta Callao le 20 novembre en direction des
Philippines, dériva beaucoup vers le sud et
aborda aux îles Salomon. Il ne put s’y
maintenir et rentra au Mexique en juin 1569.
C’est au cours de son second voyage en 1595
que Mendana commença à découvrir la
Polynésie et arriva le 21 juillet aux îles
Marquises où il ne s’arrêta d’ailleurs pas. Le
bilan du XVF siècle dans l’exploration du
Pacifique restait donc très limité. Un siècle
après Magellan, la zone polynésienne
conserve presque totalement son
mystère, les
cartographes sèment au hasard quelques îles
et meublent le Pacifique Sud d’une “Terra
australis incognita" qui va, pendant deux
siècles, provoquer beaucoup de discussions et
susciter l’organisation d’une série de voyages.
Le premier à s’attaquer sérieusement au
problème fut le Portugais Pedro Fernandez de
Quiros, un ancien compagnon de Mendana.
écho
En haut :
La première
découverte
une
Océan
sans
Espagnols ne furent plus seuls à se
préoccuper du Pacifique. Anglais et
Hollandais envoyèrent à leur tour des
navigateurs dans ces régions avec souvent des
intentions plus guerrières que scientifiques.
En 1577, l’Anglais Francis Drake, parti
théoriquement à la recherche du continent
austral, se livra surtout au pillage des ports et
des navires espagnols sur la côte ouest de
l’Amérique et, s’il remonta jusqu’en Californie
et boucla le premier tour du monde effectué
par un Anglais, il ne s’intéressa pas à la
Polynésie. Quant aux Hollandais, installés
dès la fin du XVU siècle aux Moluques puis à
Java, leurs navigateurs s’attachèrent surtout à
l’exploration de la Mélanésie et aux
premières reconnaissances des côtes
les
portugais et espagnols
abouti
Quiros restèrent
Anglais et Hollandais
Les découvreurs
donc
Polynésie puisqu’il traversa les
ne réussit pas à aborder, avant
d’arriver, semble-t-il, à Tahiti qu’il baptisa
Sagittaria. Il poursuivit sa route vers l’ouest
et débarqua le 1
mai 1606 dans une grande île
qu’il nomma Terre australe du Saint-Esprit
(Santo), dans l’archipel des NouvellesHébrides, actuel Vanuatu.
Malgré les
nombreux mémoires dans lesquels il vantait les
richesses merveilleuses des terres visitées, les
Polynésie
n’avait
en
Tuamotu, où il
circumnavigation.
Ci-dessus :
Le Pacifique hollandais.
Jacob Le Maire était le
commandant de
l’expédition hollandaise
de 1615 à 1617. Un
détroit, situé entre l’île
des États et la Terre de
Feu, porte son nom.
Guillaume Schouten.
son frère Jan, ils
Avec
capitaines de
voyage, qui marqua
pénétration
furent les
ce
la
hollandaise dans le
Pacifique Ouest au
XVIP siècle.
Ci-dessous
:
L’Eendracht à l’île de
Cocos. J. Le Maire et
G. et J. Schouten, après
avoir traversé les
Tuamotu, les Tonga et
les îles Salomon, vont
rejoindre Java.
L'APPROCHE EUROPÉENNE 1596-1767
australiennes. Au cours d’un voyage organisé
à partir des Pays-Bas, Jacob Le Maire et
.Schouten
Guillaume
découvrirent
le
24
janvier 1616 la route vers le Pacifique par le
cap Horn qui allait devenir si célèbre, mais ni
eux-mêmes, ni leur compatriote Abel Tasman
au cours de son périple de 1642, n’apportèrent
de lumières nouvelles sur la Polynésie. Toutes
tentatives se terminèrent donc d’une
manière décevante en raison du manque
d’endurance des navires, de l’insuffisance des
instruments d’observation et de l’absence
ces
d’organisation et de méthode. Tout ou
presque était laissé à l’initiative individuelle,
chaque pays, chaque navigateur dissimulait
avec soin ses découvertes pour décourager
d’éventuels
concurrents
commerciaux.
Malgré le grand développement scientifique
commencé
dans
les
années
1620, la
connaissance du Pacifique, et surtout de la
Polynésie, ne fit presque aucun progrès au
XVIP siècle et cette zone semblait rester à
l’écart des itinéraires suivis par les navires
européens. Ni William Dampier, qui séjourna
dans le Pacifique de 1683 à 1691, ni les
premiers marins français qui commencèrent, à
l’extrême fin du siècle, à se manifester dans ces
eaux
pour
des voyages essentiellement
commerciaux, n’abordèrent en Polynésie. Il
en fut encore de même lors de la
campagne de
George Anson de 1740 à 1744, destinée avant
tout à troubler le commerce espagnol.
Les découvreurs du XVIIF siècle
première moitié du XVIIL siècle fut
marquée par une brève incursion d’un
navigateur européen en Polynésie, le
Hollandais Jacob Roggeveen qui découvrit le
jour de Pâques, 14avril 1722, une petite île qui
La
Batavia, capitale des
1616
LE MAIRE
et SCHOUTEN
1722
ROGGEVEEN
1765
BYRON
1767
CARTERET
1767
WALLIS
1768
BOUGAINVILLE
1769
COOK
1769
BOENECHEA
1773/74
COOK
A
peu
océans^
périple de John Byron, effectué de
1764 à 1766, n’apporta rien de neuf malgré une
nouvelle
traversée^des Tuamotu, il n’en fut pas
Si le
de même de
celuMl^ Samuel
Wallis, parti de
Plymouth leJ22 aoûtJ766 et arrivé à Tahiti le
17 juin 1767, dix mois avant
Bougainvil^Ce
fut le premiefnavigateur européen à prendre
contacid^ne certaine durée avec le monde
nous
cœur
canons
résonnèrent
pour
la
Tahiti^cette expérience fut
en
façon si touchante que mon
fut réchauffé et que mes yeux se
d’une
remplirent de larmes”.
Fatu Hiva, Hiva Oa, Motane, Tahuata.
Amanu, Hao, Maturei-Vavao, Moratea, Raroia, Tenaroro, Tenarunga, Takume, Vairaatea, Vahanga.
Ahe (ou Manihi), Puka Puka, Rangiroa, Takaroa, Takapoto.
Apataki, Arutua, Bora Bora, Makatea, Manihi (ou Ahe), Maupiti, Tikei.
Napuka, Tepoto.
Anuanu-Raro, Anuanu-Runga, Nukutipipi, Tematangi.
Manuhangi, Mehetia, Moorea, Mopeiia, Nengo Nengo, Nukutavake, Paraoa, Pinaki, Sciiiy, Tahiti, Tubuai Manu.
Aki Aki, Anaa, Haraiki, Hikueru, Marokau, Reitoru, Vahitahi.
Huahine, Raiatea, Ravahere, Rurutu, Tahaa, Tetiaroa, Tupai.
Tauere.
Fatu Huku, Kaukura, Marutea,
Tatakoto, Tahanea.
1774
BOENECHEA
GAYANGOS
Raivavae.
1777
COOK
Tubuai.
1791
EDWARDS
Tureia.
INGRAHAM
à
à la conquête des
de
Nouvelle-Zélande.
QUIROS
1
pour les Polynésiens. Après
quoi, Wallis, malade, débarqua et fut pris en
amitié par la reine Purea (Oberea) qui lui fit
avec grâce les honneurs de l’île. Les Tahitiens
offrirent en abondance fruits et légumes et des
amitiés se nouèrent au point que, lors du
départ du Dolphin le 27 juillet, Wallis put
écrire : “nos amis les Tahitiens prirent congé
gouverneur de Batavia,
envoya-t-il Abel Tasman
qui découvrit la
MENDANA
disparaître après 1760.
partir de 1763, commença une série de
voyages qui devaient enfin faire connaître la
géographie du Pacifique et réduire à néant les
légendes tenaces encombrant les manuelsTA
Poussée par une expansion économique sans^
précédent et par des perfectionnements
technologiques qui allaient bouleverser les
conditions de la navigation, l’Europe se lança
peu
douloureuse
en
1606
que peu de résultats car tous butaient
des insuffisances techniques qui allaient
sur
polynésieruJLes
première fois à
partir de cette colonie,
1595
produit
un
Indes néerlandaises.
Fondée au nord-ouest
de Java au début du
XVII" siècle, Batavia
était le grand centre
commercial asiatique de
la Compagnie des Indes
orientales (1602). A
les Hollandais se
livrèrent à des
reconnaissances
direction de la
Mélanésie. Ainsi,
Van Diemen,
porte depuis ce nom. Mince succès. Deux
siècles d’efforts depuis Magellan n’avaient
Motutunga, Tekoteko, Toau.
Eiao, Hatutu, Motu Oa, Nuku Hiva, Ua Pou, Ua Huka.
Tanake,
MARCHAND
Motu Iti, Motu Nukue, Motu
VANCOUVER
Rapa.
1792
WEATHERHEAD
Morurua,
1797
WILSON
Mangareva, Puka Rua, Timoe.
1800
BASS
1803
BUYER
Faaite, Makemo, Taenga.
1811
HENRY
Rimatara.
1816
KOTZEBUE
Tikehau.
1820
BELLINGSHAUSEN
1823
DUPERREY
Reao.
Aratika, Beiiingshausen, Fakahina.
Ahunui, Fangataufa, Vanavana.
Marotini.
Fakarava, Fangatau, Hiti, Katiu, Mataiva, Niau, Nihiru, Tuanake.
1824
KOTZEBUE
1826
BEECHEY
1829
MOERENHOUT
1831
IRELAND
Raraka.
1832
CARY
Morane.
1835
FITZ-ROY
Kauehi, Taiaro
Maria.
Chronologie de la
découverte des îles de
l'actuelle Polynésie
française.
15
LA
POLYNÉSIE S'OUVRE AU MONDE
Après Wallis
grande rivalité franco-anglaise qui
le XVIIL siècle sur mer s’est traduite
aussi dans l’exploration, et Louis XV, qui
La
marqua
la géographie, souhaitait
présence française dans le
mouvement des découvertes. Ce fut l’origine
du premier tour du monde effectué par un
officier français,
Louis-Antoine de
Bougainville (1729 - 1811). Avec ce voyage
commença véritablement un nouvel âge de
l’exploration, l’âge scientifique, dont les
s’intéressait
assurer
à
une
méthodes et les instruments
ne
cessèrent de
se
perfectionner jusqu’à l’époque contem¬
poraine. Pour la première fois en effet,
Bougainville emmena avec lui sur la
Boudeuse et Y Étoile, une petite équipe de
savants ; un
médecin naturaliste,
Philibert
Commerson, chargé de tout le secteur des
sciences naturelles, un astronome, Pierre
Antoine Véron, un ingénieur cartographe,
Romainville.
Louis-Antoine de
Parti
Nantes
de
le
Bougainville
15
novembre
1766,
Bougainville suivit la route traditionnelle par
l’Atlantique Sud et le détroit de Magellan. Le
26 janvier 1768 il entrait dans le Pacifique et
prenait le cap au nord-ouest pour rechercher
sans succès la mythique terre de Davis que l’on
situait dans les parages de l’île de Pâques. La
traversée
des Tuamotu
ne
permit pas
d’aborder
en
raison de l’état de la
mer
et
le 2
avril, les deux navires arrivaient en vue de
Tahiti pour y effectuer une escale qui allait
marquer une date capitale dans l’histoire de la
découverte de la Polynésie. Pendant dixjours,
Bougainville observa la société tahitienne
avec
des préoccupations déjà ethno¬
graphiques et, au moment de quitter l’île, il
embarqua à sa demande un jeune chef,
Ahutoru, qui fut ainsi le premier Tahitien à
venir en Europe. De ces contacts naquit, sous
la plume' de Bougainville, la première
description faite par un Européen de la société
et des mœurs de "Tahiti, sur lesquelles Ahutoru
avait fourni à son ami une masse
d’informations. Description d’ailleurs assez
réaliste car le navigateur constata que, si
Tahiti était un pays enchanteur et constituait
une sorte de paradis terrestre, ses habitants ne
vivaient en aucune manière, comme le crurent
quelques philosophes, dans l’état
Bougainville, rentré en France en
1769, publia deux ans plus tard un récit de son
voyage qui connut un extraordinaire succès
auprès du public européen et contribua,
contre le gré de son auteur, à populariser une
image un peu mythique des mers du Sud.
naïvement
de nature.
Les trois voyages
du capitaine Cook
Si Wallis et
pénétré
Bougainville avaient, les premiers,
en Polynésie, ils étaient fort loin d’en
avoir achevé l’exploration, même sommaire,
puisqu’ils n’avaient visité
que
Tahiti. Mais le
était donné et James Cook allait
bientôt faire franchir à la géographie du
mouvement
Pacifique une étape décisive. C’est au cours de
premier voyage, commencé en août 1768,
son
16
le général anglais séjourna à Tahiti pour y
remplir une mission scientifique, puisqu’il
s’agissait d’observer le passage de Vénus sur le
soleil et d’en profiter pour explorer les mers
australes. Comme Bougainville, Cook était
accompagné de plusieurs savants : deux
naturalistes, Joseph Banks et Daniel Solander,
que
un
astronome, Charles Green, un dessinateur
peintre.
Après avoir traversé les Tuamotu, Cook
arriva à Tahiti le 13 avril 1769 et y séjourna
jusqu’au 30 juillet, ce qui lui donna le temps de
visiter plusieurs quartiers de l’île et de ses
voisines qu’il nomma îles du roi George en
l’honneur de George III d’Angleterre qui avait
été à l’origine du voyage.
Poursuivant
l’exploration, il découvrit, à 70 miles à l’ouest,
un autre archipel, comprenant
principalement
et un
Huahine,
Raiatea,
Bora
Bora
que
Bougainville avait aperçues sans s’y arrêter,
qu’il nomma îles de la Société en souvenir de
la
Société
Royale de Londres, patronne
scientifique de l’expédition. Aidé de son
équipe de savants, Cook, non seulement
observa le passage de Vénus, mais se livra
aussi à une étude de la géographie de Tahiti et
de sa population. Banks et Solander firent
preuve d’un enthousiasme égal à celui de
Bougainville et, grâce à leurs récits, la
connaissance des populations polynésiennes
progressa sensiblement.
Le second voyage de Cook, avec la
Resolution et YAdventure, fut l’occasion
d’une nouvelle escale à Tahiti
au
milieu de
laquelle, comme
Bougainville, il embarqua un Tahitien, Ornai,
auquel la société londonienne fera fête. En
1773
au
cours
de
octobre, Cook redécouvrait les îles Tonga,
oubliées depuis le passage de Tasman en 1642,
faisait ensuite escale en Nouvelle-Zélande et,
piquant au sud, descendait jusqu’au
de latitude sud, devinant la présence
7P degré
des terres
L’APPROCHE
antarctiques et détruisant du même coup la
légende du continent austral aux fabuleuses
richesses. En mars 1774, il passait à l’île de
Pâques puis aux îles Marquises, perdues
depuis Mendana. De retour à Tahiti en avril, il
se dirigea alors vers l’ouest pour y découvrir la
Nouvelle-Calédonie que Bougainville avait
frôlée sans la voir.
Lors de son troisième et dernier voyage,
de 1776 à 1779, Cook revint en Polynésie et
nouveau à Tahiti du 14
décembre 1777. 11 ramenait Ornai
séjourna à
août au 8
qui, plus
heureux qu’Ahutoru, regagna sa patrie. En
effectuant la traversée depuis la Nouvelle-
Zélande, il avait découvert les îles Tubuai où
les mutinés de la
feront escale en 1788.
Mais cette fois, l’essentiel de sa mission
l’appelait dans le Pacifique Nord et c’est en
remontant vers les îles Hawaii qu’il reconnut,
le 25 décembre, la petite île qui conserva le
nom
de Christmas.
Magellan (1519
-
1522)
(1567
-
1569)
Mendana
Quiros (1605 - 1606)
Le Maire et Schouten
»
Missionnaires, déserteurs
et commerçants
Anglais n’étaient pas les seuls à s’inté¬
resser à la Polynésie. En 1772, deux navires
espagnols furent envoyés par le vice-roi du
Les
Pérou à la découverte et firent escale à Tahiti.
ramenèrent deux habitants qui furent
baptisés et revinrent en 1774 dans leur pays,
accompagnés de deux missionnaires
catholiques. Ceux-ci passèrent environ deux
mois dans l’île mais ne réussirent pas à prendre
vraiment contact avec la population (voir
Ils
28-29).
Interrompue un moment par la guerre de
l’Indépendance américaine, l’exploration du
pp.
Pacifique reprit activement dès 1785 avec le
de Jean-François de La Pérouse,
destiné à compléter les découvertes de Cook.
Axé surtout sur le Pacifique Nord et sur les
mers de Chine et du Japon, l’itinéraire de La
Pérouse ne comportait qu’une brève incursion
en Polynésie. En avril 1786, il visita l’île de
Pâques où l’un des artistes du bord dessina les
voyage
célèbres statues.
(1616)
(1642 - 1643)
Roggeveen (1521 -1522)
Byron (1764 - 1766)
Wallis (1766 - 1768)
Bougainville (1766 - 1769)
Cook - 1er voyage (1768 - 1771)
Cook - 2ème voyage (1772 - 1775)
Cook - 3ème voyage (1776 - 1780)
Vancouver (1790 - 1795)
Tasman
EUROPÉENNE
Si le voyage de la Bounty
1595-1767
n’avait
pas
à
proprement parler un but scientifique, il eut
cependant des conséquences inattendues pour
la connaissance de la Polynésie. En effet, à la
suite de la célèbre mutinerie, un des secondsmaîtres du bord, James Morrison, le premier
Européen à avoir vécu assez longtemps à
Tahiti, rédigea un journal qui constitue un
document d’un intérêt capital sur la société
tahitienne à la fin du XVllL siècle, avant
l’arrivée et l’implantation d’éléments
européens.
A l’occasion de nouveaux voyages, les
découvertes se complétaient. Provoquée par
les rivalités économiques anglo-espagnoles en
Amérique du Nord, l’expédition conduite par
George Vancouver quitta Plymouth le 1er
avril 1791 et gagna d’abord l’Australie par le
cap de Bonne-Espérance. Lors de la traversée
de Nouvelle-Zélande vers Tahiti, fut
découverte le 22 décembre 1791 la petite île de
Rapa, dans le groupe des îles Australes. La
même année, en juin, le navigateur français
Étienne Marchand, sur le Solide, visitait les
îles Marquises sur lesquelles il hissait le
pavillon tricolore dont c’était la première
apparition dans ces eaux.
La publication de nombreux récits de
voyage dans le Pacifique - c’était devenu une
tradition
depuis Anson - avait accru
sensiblement les connaissances des Européens
sur
la Polynésie. Elle eut aussi pour
conséquence de déclencher un autre
mouvement d’intérêt, celui des missionnaires,
tant catholiques que protestants. Le 4 mars
1797, le Duff, envoyé par la London
Missionary Society, débarquait à Tahiti les
premiers missionnaires anglais et le voyage de
ce navire, commandé par James Wilson, sera
l’occasion de la découverte des îles Gambier.
Ci-dessus :
James Cook
(1728-1779). Ce fils
d’ouvrier agricole
anglais, devenu mousse
plus
grand marin de toute
l’exploration du
Pacifique, il dirigea en
pérsonne trois
expéditions successives
qui mirent fin au mythe
à 13 ans, fut le
équateur
du continent austral. On
lui doit beaucoup dans
la connaissance de
l’histoire et de
l’ethnologie des peuples
du Pacifique.
Ci-dessous :
Louis-Antoine de
Les expéditions
du XIX^ siècle
confie le
commandement de sa
renouvellement
Bougainville
(1729-1811). C’est à ce
colonel que la France
première grande
mission exploratrice
dans le Pacifique.
Initiateur d’un vaste
projet de célonisation
des îles Falklands (1764)
qui échoue, il reçoit en
compensation deux
navires, la Boudeuse et
l’Etoile, pour
accomplir une traversée
du Grand Océan.
Le
sur
XVIIL
le
siècle
scientifiques
avait
donc
amené
un
complet des connaissances
Pacifique en général dont la géographie
d’ensemble était désormais éclaircie et dont les
populations commençaient à être mieux
Mais il restait
encore beaucoup à
pourquoi la période de paix qui
commença en 1815 fut marquée par une
intense activité scientifique. Dès septembre
1817, Louis-Claude de Freycinet partait sur
Y Uranie. Il fut suivi en août 1822 par Louis
Duperrey sur la Coquille qui séj ourna à Tahiti
en mai 1823, puis en 1826 par Jules Dumont
connues.
faire. C’est
d’Urville
sur
Y Astrolabe. Lors de
son
second
de 1837 à 1840, ce dernier explora une
grande partie de la Polynésie et visita les îles
Gambier, Tuamotu, sans oublier Tahiti. Tous
ces
voyages donnèrent lieu à une masse
voyage,
énorme de
publications savantes couvrant
aussi bien l’ethnographie que les sciences
naturelles. Trois siècles d’efforts avaient donc
été nécessaires pour découvrir et explorer le
plus grand océan du monde et pour en
déterminer l’étendue et les richesses de toute
nature.
Cette
immense entreprise
internationale a été déterminante dans
révolution de toutes les branches du savoir
humain.
17
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE
AU MONDE
La découverte
de FAutre
avant de
colline où
partie de la population
ses canons sur une
une
pour
assister au spectacle naval. De
nombreuses victimes sont à déplorer en mer et
brutale matérialité d’un événement
La
diriger
s’est assemblée
historique peut parfois sembler médiocre par
rapport à l’impression dont en seront
imprégnées les mémoires par la suite. La
découverte de Tahiti par Samuel Wallis sur le
Dolphin en est un exemple.
C’est au travers d’une épaisse atmosphère
sur la colline. Parmi les blessés se compte le
jeune Ornai que James Cook emmènera
quelques années plus tard en GrandeBretagne. L’après-midi du même jour, Wallis
fait débarquer ses charpentiers avec ordre de
détruire toutes les pirogues qu’ils pourront
Ainsi, les attaques navales
plus possibles.
trouver.
ne seront
L’intercession de Purea
En début de
et
de
soirée, des émissaires viennent
pousses de bananiers, des étoffes
des aliments à l’aiguade des Anglais. Gage
déposer des
paix
ou
de soumission ? Samuel Wallis les
brume, le 17 juin 1767, qu’apparaît devant
frégate la péninsule de Taiarapu. Alors que
Wallis et son équipage sont convaincus de se
de
la
face d’un
promontoire de la Terra
dizaines de pirogues
s’approchent du bâtiment. A l’invitation des
trouver
en
australis,
des
Anglais, quelques
Comme
on
imitant
le
pagayeurs
grimpent à bord.
peut se comprendre, c’est en
grognement du cochon et le
ne
gloussement de la volaille
que
les matelots
s’efforcent de traduire à leurs visiteurs leurs
pressants besoins pour ces denrées qu’ils se
proposent d’échanger contre des étoffes, des
outils et des
perles/Si certains regagnent leurs
pirogues dans le'but
apparent de répondre
favorablement à cette requête, d’autres restent
sur la frégate et semblent pris d’une soudaine
fringale
les épontilles et les pitons qu’ils
sur le pont. Pour
bien prouver leurs bonnes dispositions à leur
égard, les officiers du Dolphin leur offrent des
clous, en quantité insuffisante sans doute car
les visiteurs en veulent plus encore jusqu’à
pour
tentent vainement d’arracher
faire
d’agressivité. Exaspéré par ce
comportement quelque peu inamical, Wallis
montre
fait tirer du
au-dessus de leur tête.
canon
Effrayés, tous sautent par-dessus bord pour
rejoindre leurs embarcations. La frégate
s’éloigne du rivage.
Une
Les
prise de possession armée
jours suivants, des incidents de ce genre,
plus sérieux, surviennent
bâtiment se dirige vers la pointe
néanmoins
tandis que le
nord-ouest
de
l’île
à
la
recherche
d’un
leurs embarcations.
Pour
3
A
J7 T'a^iZa^w TPa^Tù c
gauche :
Oberea, reine de Tahiti.
Les premiers
observateurs de la
société tahitienne ont
tendance à la calquer
sur celles dont ils sont
originaires. Purea,
épouse d’Amo, est ainsi
promue au rang de
reine, et la tenue
vestimentaire qui lui est
attribuée dans une
pantomime créée à
Londres
ou un
en
1785, “Ornai
voyage autour
du
monde”, prolonge dans
le costume cette vision
faussée de la réalité.
la Re^zna,
a
Taz7z
L’iconographie née de
ces voyages subit, à
travers les
reproductions
successives, des
déformations qui
l’éloignent encore plus
de la réalité. Sur cette
illustration italienne de
1831, la scène connue
de “La cession de l’île de
Tahiti au capitaine
Wallis” s’esttransformée
en une
image d’Epinal,
où décor et
protagonistes sont
réduits à leur plus
simple expression.
Aquarelle de
P.J. Loutherbourg.
mouillage où se ravitailler pour redonner
santé à ses scorbutiques. Le matin du 24juin,
alors que le Dolphin, ancré depuis la veille
dans la baie de Matavai, est occupé à faire du
troc avec cinq cents pirogues qui l’entourent,
leurs quelque quatre mille occupants, à un
signal donné par un notable, se mettent à
lancer sur la frégate les pierres qu’ils tenaient
camouflées
dans
endiguer cette agression organisée, lors de
laquelle certains de
Wallis
fait
tirer
ses
ses
grenaille,
matelots sont blessés,
canons,
chargés de
en direction des pirogues. L’effet
s’avère dévastateur.
Le lendemain, Wallis envoie à terre un
groupe
armé
pour
prendre
possession
officielle du pays qu’il nomme île du roi
George 111. Alité comme son lieutenant, le
capitaine fait effectuer cette cérémonie par le
second lieutenant, Tobias Furneaux.
Le 26 juin, des pirogues convergent
nouveau
vers
menacent un
à
frégate tandis que d’autres
groupe de matelots occupés à
la
faire de l’eau à Matavai. Décidé à en finir et à
leur montrer une fois pour toutes sa
supériorité, Wallis fait tirer
18
sur
les pirogues
eproseiitatiüiiV^c Süri’ciulci*M/-'ls\nvL*/
remporter sur
l'agressivité qui sous-
CoiiiMicLnicmX'atcLê'XügcûSi,
“ils sont
persuadés que viendra du ciel un bateau
chargé de vêtements, qu’ils vont trouver
quantité de poissons sur la plage, que du vin
en
échanges semble
07~
expéditions et à
l'embarquement d’un
peintre officiel.
'yt'Dllle.dîiDuÿCMVf'iUs^
EUROPÉENNE 1595-1767
L’APPROCHE
dans son sens occidental par les Tahitiens, il
n’empêche que ce pavillon, après qu’un rituel
fut accompli par des personnes de haut rang à
l’aide de pousses de bananiers, et ceci pour lui
témoigner respect, fut emporté dans
l’intérieur de l’île. Faut-il voir dans
par
ce
geste,
le fait du hasard d’une association d’idées
symboliques, une tentative par les Tahitiens
de s’approprier le mana des Anglais ? L’on sait
que ce pavillon sera cousu par la suite au
de plumes rouges,
emblème du pouvoir politique et religieux
maro'ura,
la
ceinture
suprême à Tahiti (Cook l’a vu). Alors dévolu à
de Papara, l’époux de Purea, cet
Amo
pour bien montrer son importance
fera longtemps l’objet de sérieuses luttes
entre certaines familles de haut rang dans les
emblème
-
Jusqu’en 1815, date à
laquelle Pômare II se convertit au
christianisme. Il est donc probable, en 1767,
que l’appropriation de l’Union Jack par les
Tahitiens leur permet de briser les barrières
mentales
les
séparant du monde des
nouveaux venus.
Geste certes symbolique
mais qui, dans le Tahiti d’alors, s’intégre
pleinement aux valeurs comme au vécu.
Si Purea va s’attacher aux Anglais pour
le restant de leur séjour, c’est non seulement
îles du Vent et ceci
parce qu’ils représentent un enjeu matériel par
les biens qu’ils dispensent, mais aussi dans la
mesure
son
où elle renforce
époux grâce
aux
son
pouvoir et celui de
relations qu’elle établit
avec eux.
L’on
verrra
par
la suite combien
ces
escales des navires européens transformeront
rapidement les rapports de force
société tahitienne.
au
sein de la
de Wallis et de
laissent aussi le mal
vénérien, les germes du changement sont
transmis au Tahiti d’antan qui ne pourra plus
vivre replié sur lui-même.
Mais après le
Bougainville, qui
passage
y
Les Naturels de Tahiti
attaquant le capitaine
Wallis, premier
découvreur de cette ile.
Il y a dans
cette gravure anonyme,
à la fois la volonté de
prendre date - Wallis est
le premier découvreur
de Tahiti - et celle de
montrer que les
premiers rapports entre
Tahitiens et Anglais
furent chargés de
violence.
m/ÉxcÂM^-
//a,
^ //w/
21
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
Naissance du
polynésien
mythe
Imprégnés de l’enthousiasme rationnel
des Lumières, les voyages de
circumnavigation de la seconde partie du
du
Siècle
XVllL
siècle partent non seulement à la
découverte de l’homme et de son monde mais
aussi des richesses, minières ou autres, qu’il
peut recéler. Deux catégories de sauvages
lors de ces expéditions : les
mauvais (cette opposition se
seront reconnues
bons
les
et
transcrit
verse à pleines mains”
tahitien au sein duquel régnaient
“l’bospitalité, le repos, unejoie douce et toutes
les apparences du bonheur”. Nostalgique de
l’état de nature sans être un adepte de
Rousseau, Bougainville se hasarde même à
préciser que la richesse et la salubrité de l’île
“trésors que
sur le peuple
conduisent
la nature
ses
habitants à
un
âge avancé “sans
incommodité”. Du côté des Anglais,
on s’émerveille tout autant sur le fait que les
Tahitiens n’aient point à travailler à la sueur
de leur front dans la mesure où la nature
aucune
dispensatrice leur offre, au-delà du nécessaire,
superflu.
abondance de
beaucoup mieux en langue anglaise
par
“noble and ignoble savages”). Au
contraire du second, le Bon Sauvage sera
perçu intimement lié à son environnement
naturel et personnifiera la croyance des
partisans de la théorie d’un primitivisme doux
dans la simplicité et la bonté de la nature.
Étroitement assimilé à la luxuriance de son île,
le Tahitien fera
en outre l’objet constant, chez
Wallis, Bougainville, Cook et Banks parmi
d’autres, de comparaisons avec l’antiquité
classique grecque et romaine qui symbolisait,
comme on le pensait alors, l’aurore de la
Civilisation.
Les Bons
Le
se
Sauvages
parallèle
avec la Grèce ou la Rome antique
retrouve chez Bougainville dès son arrivée à
Tahiti
en
avril 1868. Ne nomme-t-il pas l’île
Nouvelle-Cythère, la vouant d’emblée au culte
d’Aphrodite ? De même, ne précise-t-il pas
que la jeune fille tahitienne, venue sur la
Boudeuse lors du premier accostage, “parut
aux yeux de tous telle que Vénus se fit voir au
berger phrygien. Elle en avait les formes
célestes”. Plus loin encore, il écrit à propos de
l’aristocratie tahitienne : “je n’ai jamais
rencontré d’hommes
mieux faits ni
proportionnés
mieux
pour peindre Hercule et Mars,
on
ne trouverait
nulle part d’aussi beaux
modèles”.
Joseph Banks, le naturaliste
passionné sur l’Endeavour, n’affuble-t-il pas
quelques chefs tahitiens de noms de héros
grecs tels Ajax, Lycurgue ou Hercule ? De
surcroît, Banks s’accorde avec Bougainville
sur l’appréciation de la beauté des gens dont
les corps peuvent “défier l’imitation du ciseau
Un sauvage fort civil.
Ornai, présenté au roi
George II, le 17 juillet
1774, connut un grand
succès lors de
son
séjour en Europe.
Sa venue en Angleterrecomme
celle d'Ahutoru
France - semble due
désir des
explorateurs de porter
en
au
témoignage, en chair
en os, de la réalité
tahitienne, jusque-là
un
et
seulement décrite
dessinée.
ou
d’un Phidias”.
primitivisme doux de l’antiquité
se reflète ici et là chez les premiers
découvreurs européens. Invité par un Tahitien
à s’asseoir avec lui sur l’herbe, Bougainville
fait respirer à son lecteur une atmosphère
Le
classique
surannée : “cet homme se pencha vers nous et,
d’un air tendre, aux accords d’une flûte dans
un autre indien soufflait avec le nez, il
chanta lentement une chanson, sans
laquelle
nous
doute anacréontique
digne de Boucher”.
Relevant donc de
Tahiti
se
d’arbres
l’âge d’or, la nature à
aux
premiers
sous
des
aspects
description
produisant des fruits à pain et de
extrême.
La
palmiers donnant du lait excita et fascina
esprits en Angleterre. Se croyant “dans
Champs-Élysées... ou transporté dans
Jardin d’Éden”, Bougainville décrivit
22
et
révéla
circumnavigateurs
d’exubérance
scène charmante
:
les
les
le
les
Joseph Banks
(1743-1820) dirigea
l’équipe de naturalistes
attachés au voyage de
Sir
VEndeavour. A la suite
l'expédition et des
de
travaux scientifiques
qu’il réalisa, il fut anobli.
Il occupa la présidence
de la Royal Society
(correspondant à
l’Académie royale des
sciences de Paris), et
conserva tout au
long de
existence un intérêt
prononcé pour les
voyages d’exploration.
W. Bligh resta l’ami
et le protégé
de ce grand savant.
son
Par la
suite, cette idée alimentera en
que les déistes
Angleterre le débat polémique
ouvriront
à
l’encontre
des
tenants
de
la
Révélation.
Les Mauvais
Sauvages
Mais certaines ombres apparaissent sur ce
tableau pourtant ensoleillé de délicatesse et de
charme
onirique. En premier lieu, les trop
insulaires
articles,
nombreux larcins commis par les
dont Tavidité pour certains
notamment
les
clous, était démontrée de
façon quotidienne. Si Bougainville s’efforce
L'APPROCHE EUROPÉENNE 1595-1767
d’excuser quelque peu ces vols en arguant de
la nouveauté que représente le fer pour eux,
qu’il
y a
maisons,
“partout de la canaille” et
ouvertes,
sont
“sans
que
leurs
serrures
ni
gardien”, Samuel Wallis recourt à ses armes à
feu pour intimider ces “grands voleurs comme
(il) n’en (a) jamais rencontrés”. En second lieu,
James Cook fera part
d’ombres autrement
plus difficiles à concilier avec l’innocence liée à
à l’état de nature : l’infanticide pratiqué par les
membres
de
titution
la société des arioi,
la pros¬
à laquelle les membres de cette
contraignaient les femmes, choses que
Wallis ni Bougainville n’avaient pu
société
ni
entrevoir
pendant leur court séjour à Tahiti,
Wallis s’est d’ailleurs avéré un piètre
narrateur de sa découverte : il fait une brève
Si les philosophes ne peuvent trouver
matière à méditation dans le compte rendu de
Wallis sur son séjour tahitien (le journal de
description physique des Tahitiens, apprécie
leurs talents culinaires, signale les enceintes
murées et décorées par des représentations
grossières, mais il offre, en bon technicien de
marine,
un
luxe de détails
tahitiennes
en
Cependant, trop
aux
George Robertson, master sur le Dolphin,
publié en 1948, nous en apprendra un peu
plus), sauf en abondant dans le sens de
Rousseau à propos de la férocité que colporte
la Civilisation, il en ira tout autrement avec
celui de Bougainville dans lequel il déclare :
“tant que je vivrai, je célébrerai l’heureuse île
de Cythère. C’est la véritable Utopie”. Le
mirage de Tahiti naquit en même temps que
son mythe...
coutumes
sur les prouesses
construction navale.
peu de lignes sont dévolues
à la religion, et la langue
ou
tahitienne n’est même pas mentionnée. James
Cook et ses compagnons savants, fort
heureusement, combleront
ces
lacunes.
Jean-Jacques Rousseau
(1712-1778). C’est à ce
philosophe des
Lumières que l'on doit
surtout la notion du
Bon Sauvage dont le
récit de voyage de
Bougainville, dans les
chapitres traitant de la
Nouvelle-Cythère,
viendra confirmer la
réalité d’une façon
éclatante
aux
yeux
public européen.
A droite
du
:
De beaux sauvages.
Sur cette représentation
fantaisiste d'un guerrier
marquisien,
sur
on insiste
le côté avenant de
l'indigène en question
pose avantageuse,
plumes multicolores,
tatouages artistiques,
cape seyante, et le
:
casse-tête n'est plus que
gourdin...
La beauté des femmes
des îles polynésiennes
est d’autant mieux
perçue que, même sans
la déformation des
dessins, elle correspond
critères européens.
Poetua de Raiatea est ici
aux
représentée par
J. Webber, artiste
officiel du 3ème voyage
de Cook (1776-1780).
Page de gauche
Dessin du tiare
:
(Gardénia tahitensis)
par Sydney Parkinson
(1745-1771),
dessinateur d'histoire
naturelle
par son
qui contribua
talent à la
diffusion des
découvertes des
naturalistes.
A droite :
Baie de Pare à Tahiti.
Cette représentation de
George Tobin, qui fit
partie de la seconde
expédition du capitaine
Bligh en 1791, est l’une
des
rares
à montrer des
gestes d’aménité de la
part des Tahitiens à
l’égard des Européens
mouillant leurs navires
devant leur île.
23
LA
POLYNÉSIE S'OUVRE AU MONDE
Le
mythe de Tahiti
l’imaginaire de l’Occident
: se démarquant des
théories de Rousseau sur la bonté naturelle
effet, malgré le récit néanmoins nuancé de
des hommes,
et
En
brillant par son
conteste le
périple, qui sera publié à Paris en 1771,
Bougainville déclencha en Europe un
enthousiasme délirant pour la NouvelleCythère. Alors qu’il visait par sa publication à
relancer
l’effort colonial français, les
philosophes et les pamphlétaires ne retinrent
de celle-ci que le mythe de la condition
son
humaine
à
Tahiti,
leur
facilitant
par
comparaison une critique de la civilisation
européenne. Le Supplément au “Voyage de
Bougainville” de Denis Diderot, pamphlet
entre une
esprit et
plus célèbre
sa verve, est sans
Diderot prône, au-delà du débat
humanité naturellement bonne
ou
mauvaise, le fait que le bonheur de celle-ci
principalement dans l’excellence des
L’idée de bonheur qu’aura
pour
les philosophes
l’exemple de Tahiti, île tropicale envoûtante et
réside
lois qui la régissent.
donc
concrétisée
aux
mœurs
si douces et accueillantes, se
perpétuera dans la littérature à la suite de
Bougainville. Et ceci malgré le fait que le
primitivisme doux de Tahiti trouvera
rapidement son revers ailleurs en Polynésie,
après les décès tragiques de Marion du Fresne
chez les Maoris de Nouvelle-Zélande et de
Cook
aux
Émise
Hawaii.
pour
la première fois par
Bougainville, cette idée de bonheur à Tahiti
continuera,certes encore, d’alimenter
l’imaginaire de l’Occident, poursuivi par une
quête perpétuelle d’un bonheur perdu à
retrouver... Le mirage polynésien continuera
de faire rêver jusqu’à nos jours : en littérature
avec H. Melville, P. Loti, V. Segalen, R.L.
Stevenson, S. Maugham ou G. Simenon ; par
le vécu de célébrités
En haut, à gauche :
Les larcins et vols dont
eurent à souffrir les
La pratique des
sacrifices humains, de
l'infanticide et de
récits, mais sont
certains archipels des
mers du Sud, une fois
Cette illustration,
commencé à ternir
l'île de
Pâques, fait
exception. Plusieurs
gravure
détails dénotent à
suffisance ces vols jugés
malicieux. Mais étaientils considérés comme
tels par les insulaires
eux-mêmes ?
violence extrême que
souvent
évoqués dans leurs
voyageurs sont
rarement
représentés.
provenant de
l'expédition de
La Pérouse, à l'escale de
La mort de James Cook,
assassiné à Hawaii en
1779, remettra en cause
d'une façon radicale la
notion du Bon Sauvage.
Plusieurs raisons ont été
avancées par divers
historiens pour tenter
d'expliquer ce meurtre.
Dès l'annonce en
Grande-Bretagne de
son décès, le mythe du
24
les mutins de la
avec
Bounty, P. Gauguin, A. Gerbault ou J. Brel
pour n’en citer que quelques-uns.
l'anthropophagie dans
connue en
Europe, avait
l'image mythique du
Bon Sauvage, déjà avant
la mort de Cook. Cette
reflète les
comportements de
les
circumnavigateurs ont
pu rencontrer dans
certaines îles dès
l'établissement des
premiers contacts.
Sauvage s'estompe
profit de celui du
Bon
au
Mauvais Sauvage qu'il
faut civiliser. C'est vers
cette époque que se
forment les premières
sociétés missionnaires
destinées à évangéliser
et à amener à ia
civilisation les peuples
du Pacifique.
2 Les îles de la Société 1767-1797
L5 arrivéePolynésie.
de SamuelTout
Wallislaisse
en 1767 semble provoquer
une accélération
de l’histoirele
les trente
années qui séparent
de la
supposer que
passage du premier navigateur européen de l’arrivée des missionnaires protestants
anglais, ont vu se dérouler une accumulation de tensions, de rivalités et de luttes
intestines tendant à favoriser une centralisation du pouvoir politique et religieux dans
les îles de la Société. Sans doute cette centralisation du pouvoir est-elle rendue
possible grâce à la généralisation d’un culte monothéiste, celui du dieu ’Oro.
L’augmentation des voyages des navires européens et leurs escales plus ou moins
longues aux îles du Vent nous donnent aussi des témoignages et des récits nous
permettant de cerner, même de façon fragmentaire, les divers processus de
bouleversement affectant la structure du pouvoir. Une société nouvelle s’en dégagea,
qui sera elle-même plus tard affectée dans ses fondements par l’arrivée des
missionnaires de Londres.
Dans le même temps,
au-delà des transformations politiques et religieuses
qu’entraînent en partie les Européens de passage ou installés momentanément à
Tahiti, épidémies, armes à feu et alcool font également leur apparition.
Mais ce premier choc, cet impact fatal, si intense fût-il, s’est produit en fonction de
critères polynésiens, dans la mesure où il s’est inscrit dans le cadre de valeurs
religieuses et politiques internes. Ce ne sera plus le cas par la suite.
Premiers contacts
et
ces
conséquences
répétition des contacts avec les navi¬
gateurs européens, brefs ou prolongés selon
les cas, eut des incidences profondes sur la
réalité politique tahitienne. Au moment de
de
Samuel
Wallis
et
de
Louis-
Bougainville, Tahiti forme une des
entités les plus stratifiées du bassin Pacifique
insulaire. La société comporte trois grandes
divisions sociales : celle des ari’i (chefs), celle
des ra’atira (gentilhommes) et celle des
manahune (gens du commun). Stéréotypées,
Antoine de
complexes et subtiles se doivent
d’être apportées à l’intérieur de chacune d’elles
pour en appréhender l’étendue.
Ainsi, la classe des ari'i se subdivisait-elle
en ari’i rahi fou ari’i nui), les chefs de haut
rang, par opposition aux ari’i ri’i, les chefs de
moindre importance. Les degrés de variation
de leurs statuts respectifs dépendaient de leur
parenté ou de leur généalogie, desquelles
découlait leur statut ou leur prestige. Inter¬
nuances
La
l’arrivée
trois classes sociales ne sont pas le reflet
de la réalité dans la mesure où des
exact
médiaire entre les dieux et les hommes, l’an’;
ra/îî jouissait
ri’i et
sur
d’un pouvoir certain
sur
les ari’i
les membres des deux autres classes
sociales vivant
sous
leur autorité.
pouvoir à Tahiti
mythe et réalités
Le
:
Lorsque le Dolphin est apparu dans la baie de
Matavai en 1767, l’île de Tahiti se divisait en
six grandes coalitions tribales, formées à la
suite d’alliances matrimoniales effectuées
sous
l’égide du dieu ’Oro, de conventions ou de
guerres : Teva-i-tai (les Teva de la Mer) située
sur la presqu’île de Taiarapu ; Teva-i-uta (les
Teva de la Terre) occupant le sud de Tahitinui ; Te Oropa’a, couvrant Paea et Punaauia ;
Te Fana (Faaa), Te Porionu’u (Pare-Arue et
l’atoll de Tetiaroa) et Te Aharoa, formée des
cinq entités territoriales majeures de la partie
nord-est (Mahina, Papenoo, Tiarei, Mahaena
et Flitiaa). Chacune d’elles était dirigée par
une classe nobiliaire s’apparentant à une caste
qui tirait les fondements de son pouvoir à la
fois de
ses
liens
avec
les divinités et des rites
qui
y étaient associés, tout en exerçant un
contrôle économique et socio-politique sur les
de population vivant au sein du
considéré. Contre-balançant leur
pouvoir respectif, les grands chefs de ces
groupes
territoire
coalitions
tribales
limitaient
mutuellement
sphère d’influence, empêchant par là
l’émergence d’une hégémonie.
De par leurs visites de plus en plus
fréquentes à Tahiti à partir de 1767, les
Européens vont fréquemm&nL-favoriser les
leur
unes
ainsi
au
un
détriment des autres, provoquant
lent processus de centralisation
politique des îles du Vent. Il aboutira
avec
l’instauration
effective
de
en
1815
l’auXprité
suprême d’une famille de chefs de la coalition
des Porionu’u
:
les Pômare.
Habitation et plantation
d'un chef de Tahiti, par
S. Parkinson, artiste qui
accompagna J, Cook
sur i’Endea.v'Our.
O
Amo, chef des Teva de la
Mer (env. 1730-1793),
sans conteste le chef
le plus prestigieux de
Tahiti à i’arrivée de
est
Waiiis,
en
1767. Dessin
originai de W. Eiiis.
25
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
Il est certain que
les premiers circumnavi-
gateurs eurent toujours tendance à calquer la
réalité
pouvoir monarchique de leur
existant à Tahiti. Ainsi
lorsqu’il qualifie Purea
de “reine” de Tahiti. 11 plaque un concept
européocentrique sur une réalité empreinte de
rivalités et d’alliances politiques qu’il ne peut
d’ailleurs percevoir et que, malgré lui, il
affectera. Si les canons du Dolphin ont fait des
ravages parmi la population, ils ont aussi miné
quelque peu la réalité du pouvoir que
du
propre pays sur celle
Wallis se trompe-t-il
détenaient alors Amo, Tevahitua i Patea, et sa
femme Purea, Airoreatua i Ahurai i Farepua,
de Te Pau i
Ahurai, chef de Faaa, et que
des relations de parenté liaient aux familles
politiques les plus importantes de Tahiti et de
Moorea. S’il est certain que ce couple jouissait
d’un prestige étendu et d’une autorité
politique très forte à Tahiti, cela ne veut pas
dire que leur pouvoir n’était pas contesté par
d’autres chefs importants et d’autres
soeur
sous-divisions
coalition
territoriales
formant
la
Teva-i-uta, les “retombées
économiques” vont plus toucher les Porionu’u
que les autres. En effet, les “mille bagatelles
des matelots, alors pour eux des objets de si
grande valeur” (Moerenhout) et la présence
des
des
officiers
et
marins
vont
accroître
prestige des chefs en contact avec
bien sûr, aux dépens d’Amo.
eux et
le
ceci,
L’habitude des bâtiments
la baie de
anglais de mouiller
Matavai
va
faire
péricliter plus encore le pouvoir et le prestige
dont Amo jouissait. Toutefois, on ne peut
attribuer à cette seule présence anglaise la
déchéance relative de ce chef. Celle-ci trouve
ses
racines dans des rivalités de pouvoir
sa
femme
Purea, Amo préconisa d’accroître le statut de
son fils Teriirere. Dans ce but, il
imposa un
rahui généralisé dans les îles de la Société, sur
le site de Mahaiatea à Papara. La, Teriirere se
verrait investir le pouvoir suprême sur Tahiti
grâce aux insignes sacrés : un maro ’ura et un
to’o du dieu ’Oro.
De le faire reconnaître
en
rahi de Tahiti était surtout le
Les ambitions d’Amo et de Purea
l’ancre dans
internes à la société tahitienne. Avec
tant
qu’an”;
projet de sa
mère ; excès d’orgueil féminin contre lequel les
familles aristocratiques des autres coalitions
tribales n’allaient pas tarder à réagir selon des
moyens d’action coutumiers d’abord et, suite
à leur échec, par la guerre. Quoique Purea,
Amo
et
Teriirere fussent considérés alors
supérieurs sur le plan politique, ils ne
l’étaient pas nécessairement sur le plan social
par rapport à leurs cousins. Certains membres
comme
coalitions tribales.
De
surcroît,
comme
l’ancre à Matavai, donc à
le Dolphin est à
l’opposé des quatre
;IL\MIK r’OWII.
Carte des îles de la
Ilt’Aiir.lXK.
Société, dressée par
Cook, parue dans une
édition française.
Quittant Tahiti, Cook se
dirigea vers Ulietea
(Raiatea) en emmenant
avec lui Tupaia dont les
connaissances
géographiques
l’aidèrent grandement.
Ci-dessous :
Purea pleurant le départ
de Wallis. La dimension
En bas, à droite :
Wallis et la reine Purea
absente de cette
titre de reine que
confère Wallis à Purea
poiitique n'est point
représentation. Elle
sous-entend que la
“reine” a trouvé en
Wallis et les Anglais des
amis, des protecteurs,
l'affecte
profondément. Est-ce
pour faire oublier les
ravages provoqués par
les canons du Dolphin ?
dont le départ
26
(Oberea) assistant à un
spectacle de danse. Le
la réalité
tahitienne, même si
ne recouvre
pas
Purea a des titres de
noblesse tels qu’elle
envisagea, avec
son
mari Amo, de faire
fils
Teriirere chef suprême
de Tahiti.
sacrer son
t
i
i
;
S
ÊW''
■
LES ILES DE LA SOCIÉTÉ 1767-1797
de leur
parenté, dirigeant d’autres coalitions
tribales, s’efforcèrent donc de
mais
sans
réel succès si
ce
casser
le rahui,
n’est celui de
polariser les oppositions contre Papara et les
prétentions d’Amo et de Purea à l’égard de
leur fils et de son investiture par le maro. L’on
ne
sait
certitude si cette cérémonie eut
la présence des autres principaux chefs
furent conviés. Par contre, l’on sait que
l’impulsion de Tutaha, grand-oncle du
lieu
en
qui
y
sous
avec
Pômare 1 et chef de Pare-Arue,
Vehiatua, chef des Teva-i-tai, attaqua Papara
en décembre 1768 et contraignit Amo, Purea
et Teriirere, âgé alors de moins de dix ans, à se
réfugier dans les montagnes. La bataille fut
des plus meurtrières et le nombre des morts
futur
Banks, le naturaliste
accompagnant James Cook lors de son
premier voyage à Tahiti, a pu s’en rendre
compte en juin 1769 lorsqu’il vit à Mahaiatea
partout sous ses “pieds des ossements
élevé.
Joseph
humains
côtes
et
impossibles à compter, surtout des
vertèbres
des
...
des
mâchoires
(avaient été) emportées
comme trophées”.
Humilié et contraint de demander la paix,
Amo
ne conserva
dès lors
son
autorité et
son
prestige de façon effective que sur Papara. Il
fut également forcé de reconnaître la pleine
autorité de
son ancien vassal, Vehiatua, sur la
presqu’île. Toutefois, il n’en continuait pas
moins de jouir d’un haut respect puisqu’il
fallait
encore
présence,
se
comme
découvrir la
le
remarqua
poitrine
en sa
James Cook.
Quant à Tutaha, il profita de la bataille
du marae de
avait été cousu
le pavillon anglais que Wallis avait planté lors
de la prise de possession de l’île au nom du roi
George III - pour le placer sur le marae du
district de Paea afin de faire reconnaître par la
même occasion les prétentions de son petitpour emporter le maro ’ura
Mahaiatea le maro sur lequel
-
La pointe Vénus. Cook
et les autres navigateurs
anglais après lui feront
fréquemment escale
dans la baie de Matavai
et à la pointe Vénus,
favorisant par leur
séjour les populations
vivant dans ces
“districts”. Ce sont
surtout les ari’i qui
tireront profit, pour
leur
prestige personnel, de
l’amitié que leur
témoignent les Anglais
et des présents et
cadeaux qui en
découlent. Dessin de
J.F. Miller.
à l’investiture de l’autorité suprême.
Vaira’atoa, fils aîné de Hapai, prendra effecti¬
neveu
titre
le
vement
de
La nouvelle donne
de
Tutaha
visita
Zélande.
voyage de deux ans qui
l’a conduit à reconnaître
quelques-unes des îles
Tuamotu. Dessin
original attribué à
S. Wallis.
Fort Vénus. Pour
suivre le passage de
Vénus sans risquer
d’être dérangé par les
indigènes, Cook fit
construire pour les
naturalistes et les
officiers un fortin où l’on
dressa les tentes
abritant les instruments
d’observation. Dessin de
C. Praval d’après
FI.D. Spôring.
politique
Pare-Arue
et
Vehiatua
de
les
îles
se
Sous-le-Vent
rendre
en
et
les
Nouvelle-
Tupaia lui fut partout d’une grande
ses
escales dans la
mesure
où il
chaque fois d’interprète. Il
maîtrisait quelque peu l’anglais qu’il avait
assimilé
au
contact
de
l’équipage de
YEndeavour. C’est à Tupaia que l’on doit la
première carte géographique dressée par un
Polynésien et sur laquelle figurent des
archipels aussi éloignés que les Tonga, les
Fidji ou les Tuamotu. Sur les 130 îles
entourant Raiatea qu’il nomma aux Anglais,
il en plaça 74 sur sa carte. Ce document, qui
fut autrefois en la possession de Joseph
Banks, a aujourd’hui disparu. Le naturaliste
allemand, John Reinold Forster, qui participa
au
second voyage de Cook, en publia
heureusement une copie dans le compte-rendu
de, l’expédition. Atteints de scorbut et de
dysenterie, Tupaia et son serviteur moururent
lui
auparavant confiée à
J. Byron. Elle rentre d’un
de
Taiarapu. Si James Cook, lors de sa première
escale tahitienne, considéra Tutaha comme le
chef le plus influent de la partie nord-ouest de
l’île,
il lui fut probablement difficile
d’apprécier à sa juste valeur la véritable
emprise exercée par Vehiatua dans la
presqu’île et ses environs. Sans ’tloute aussi
Cook a-t-il accru grandement le prestige de
Tutaha par l’amitié qu’il lui témoigna et par
les nombreux cadeaux qui en découlèrent.
Comme beaucoup de couples de haut
rang, Amo et Purea en étaient venus à vivre
séparés. En 1769, Cook l’a vue réfugiée à
Haapape avec son fils. Apparemment
dépossédée de toute autorité, elle vivait alors
avec
Tupaia, originaire de Raiatea, qui
occupait des fonctions sacerdotales impor¬
tantes. Wallis avait également rencontré celuici et l’avait pris pour le “conseiller de la reine”.
Tupaia fut ensuite l’un des principaux
informateurs de Cook et des savants qui
l’accompagnaient en 1769 et il était presque
toujoürs à leurs côtés lors de leurs séjours à
terre. C’est lui qui les informa sur les données
religieuses et coutumières en vigueur à Tahiti.
A la demande de Joseph Banks, Cook accepta
d’embarquer Tupaia pour le voyage du retour
en Angleterre, accompagné d’un jeune servi¬
teur tahitien. Quittant Tahiti le 13 juillet 1769,
utilité lors de
Dolphin, dont
détriment
après la débâcle de Papara, Tahiti
connut une division politique séparant le nord
du sud de l’île à la suite d’une opposition de
prestige, ou d’ambition sans doute, entre
Australes avant de
Le
au
Mais
Cook
Samuel Wallis prend le
commandement en août
1766, est la frégate
Tu
Teriirere.
servit
à
à Batavia.
Quelques
Y Endeavour de
mois
après le départ de
Tahiti, Tutaha convainquit
plusieurs autres chefs avec lesquels il était allié
d’aller défaire Vehiatua, espérant en cas de
victoire
accroître
encore
la
puissance
politique et territoriale de son petit-neveu Tu.
Une impressionnante bataille navale se
déroula devant la presqu’île sans que personne
n’en sortît vainqueur, les pertes étant à peu
près équivalentes des deux côtés.
27
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
Une intrusion
Vehiatua de
Taiarapu et
espagnole
cette
île.
précédé de deux
sœurs et
et une sœur.
Nous
la nouvelle du
premier séjour de Cook dans les îles de la
Société avait ému la Cour d’Espagne qui
considérait la mer Pacifique comme sienne.
Une expédition militaire exploratoire fut
donc confiée à Don Domingo de Boenechea
par le vice-roi du Pérou, Manuel de Amat y
Jimientes. VAguila se présenta devant Tahiti
le 8 novembre 1772. A l’ancrage à Tautira à
l’extrémité de la presqu’île, Boenechea confia
à son second, Thomas Gayangos, la mission
avons
vu
que
de faire le tour de l’île
en
vérifier l’absence de colonie
Première
baleinière et de
étrangère.
apparition de Tu
sa
femme, Tetupaia,
Raiatea, les chefs suprêmes de
Tu était leur troisième enfant,
des Tamatoa de
suivi
Parti conformément à
la recherche du continent
par
ses
trois frères
instructions à
austral, Cook ira
jusqu’à nie de Pâques, en Nouvelle-Zélande et
aux îles Marquises avant de revenir à Matavai
le 21 avril 1774 alors que se prépare devant
Arue une expédition navale contre l’île
d’Eimeo (Moorea). Teriitapunui, le “roi de
l’île”, avait été contraint peu auparavant de se
réfugier avec ses sœurs auprès de Tu à Pare.
L’une de celles-ci, Itia, l’a alors sans doute déjà
épousé. L’oncle de Teriitapunui, Mahine,
s’étant emparé du pouvoir à Eimeo, il se forma
une
coalition des chefs de Punaauia
et
de
Paea, Potatau et Toofa, à laquelle, pour des
raisons familiales évidentes, dut se joindre à
contre-cœur Tu, et ceci afin de faire valoir les
Tu apparut
alors aux Espagnols comme le
“principal ari’f' de l’île. En le quittant après un
séjour de 31 jours, Boenechea embarqua
quatre Tahitiens devant servir à l’établisse¬
ment
d’une mission catholique qu’il
préconisait pour Tahiti. Il inspecta Moorea
avant de retourner à Valparaiso, fin janvier
1773.
Aux alentours du mois de
Tutaha
mars
suivant,
résolut à attaquer de nouveau
Vehiatua dans la presqu’île. Il trouva la mort
durant l’engagement. Désapprouvant l’initia¬
tive de
se
ce
conflit dès le
resté à
départ, Hapai était
Pare tandis que son fils. Tu, était
emmené par Tutaha à Taiarapu. Mais Tu
refusa de participer aux combats et regagna
Matavai
amis.
contre
ouest.
les montagnes avec quelques
victoire, Vehiatua marcha
Matavai et Pare en ravageant la côte
par
Après
sa
Contre toute attente, il ne combattit
point Hapai et Tu. Une paix généralisée
s’ensuivit et Tu remplaça son père pour tenir
les rênes du pouvoir sur les Porionu’u. Agé,
Vehiatua décéda peu après ; son fds, du même
nom, prit sa succession.
Lors de son second passage à Vaitepiha et
à
Matavai, du 17 août
au
1er septembre 1773,
YAdventure et la Resolution, Cook
rencontra le jeune Vehiatua, âgé de 17 ans. Il
semblait timoré et fortement sous l’emprise de
sur
sa
mère
Tiitorea.
et
de
son
nouveau
compagnon,
la victoire du père de
Vehiatua, Taiarapu abritait certainement la
coalition tribale la plus puissante, mais le
jeune chef ne montrait aucune velléité
guerrière. Sur Tahiti-nui, les coalitions
tribales semblaient s’équilibrer mutuellement
par les divers jeux d’alliance en présence.
S’étant rendu à Matavai, Cook fut accueilli
par une foule de gens et il chercha à rencontrer
Tu dont il avait appris la grande importance
politique et le prestige dans l’île. Mais, apeuré
par les canons de ses deux bâtiments. Tu resta
chez lui à Pare. Agé d’une bonne vingtaine
d’années, il faisait l’objet, lorsque Cook et ses
amis le rencontrèrent, d’un très grand respect
coutumier, dans la mesure où, sauf son hoa
(ami personnel ; Tu en avait plusieurs qui se
relayaient à ses côtés), tous, même son père
Hapai, devaient se découvrir la poitrine en sa
présence. La mère de Hapai était issue des
28
De
par
Carte de Tahiti. Cette
carte, dressée lors de
l’expédition de
possède
la
précision de celles
qu'effectuera
Boenechea,
ne
assurément pas
James Cook pour
l’ensemble des archipels
du Pacifique. On a pu
dire d’ailleurs qu’à la
suite de son talent de
cartographe, Cook
laissa peu à faire à ses
dans le
Grand Océan.
successeurs
Le retour au maro. Les
Tahitiens qui furent
amenés par Boenechea
à la Cour de Manuel
de Amat avaient été
"convertis au
catholicisme et à la
civilisation”. Les
vêtements qu’ils
portaient à leur retour
dans l’île devaient être
l’insigne de leur
transformation. Au
grand désespoir des
deux prêtres
franciscains, ils se
dépêchèrent de porter à
nouveau
le maro,
symbole, pour les
missionnaires, de l’état
de barbarie ambiant à
combattre. Illustration
de John William Lewin
mise en couleurs.
de
son
beau-frère.
d’obtenir le soutien logistique
droits
cette manœuvre navale et,
Tu s’efforça
de Cook pour
devant
son
refus,
l’expédition. C’est à partir du rassem¬
blement des guerriers des coalitions tribales
des Te Oropa’a, Te Fana et Te Porionu’u que
.lames Cook estima la population de Tahiti à
quelque 200 000 habitants, ce qui est auarrêta
dessus
de
Resolution
la
réalité.
L'Adventure
et
la
quittèrent Tahiti le 24 mai 1774.
Les franciscains à Tautira
Le
27
novembre
de
cette
même
année
réapparut VAguila. Elle était accompagnée
d’une gabare, le Jupiter. Elle ramenait les
deux Tahitiens ayant survécu au voyage, sur
les quatre qui étaient partis. Le vice-roi du
Pérou avait formulé beaucoup d’espoir à leur
propos : non seulement il les avait logés dans
son palais où ils participaient aux fastes de la
LES ILES DE LA
réintégrèrent
leur
respective,
famille
avoir
nécessaire à la mission
qui,
tout
une
le
maison démon¬
avec
deux
-
disposition
domestique, Francisco
Boenechea mit à la
pères
un
Ferez. Matelot buté, il s’avéra extrêmement
l’égard de la population,
épée les Tahitiens qui se
présentaient devant lui. Boenechea, qui devait
rapidement décéder de maladie, laissa aussi
un fantassin de marine, Maximo
Rodriguez,
pour servir d’interprète aux franciscains.
Ayant fait partie du premier voyage de
VAguila, Rodriguez s’était en effet familiarisé
avec leur langue auprès des quatre Tahitiens
lors de'leur traversée et de leur séjour chez
Manuel de Amat. Esprit ouvert et entre¬
prenant, Rodriguez tint un journal du 15
blessant
vice-monarchie et il les avait fait baptiser
leur départ, mais il avait tenu aussi à ce
avant
qu’ils fussent instruits
servir d’inter¬
médiaires aux deux prêtres franciscains,
Geronimo Clota et Narciso Gonzales, qui
devaient être débarqués pour ouvrir la
première mission catholique des îles de la
pour
Société.
Peu
après leur arrivée, les deux Tahitiens
en cause
par ses
prenant son nom. Lorsque VAguila revient en
novembre 1775 pour apporter du matériel
-
brutal et violent à
première fois Tahiti, où
autorité mise
mobilier, une chapelle, divers
ateliers, des instruments aratoires, des
animaux domestiques et des vivres pour plus
des
il mourra lors de son
second voyage en 1775.
Il fut enterré à Tautira.
son
matériel
Vaitepiha
à
d’une année
Domingo de
Boenechea, parti de
en septembre
1772, reconnaît une
vu
anciens alliés, Toofa et Potatau. Rodriguez
relate également la lente agonie de Vehiatua
table
Don
1767-1797
réfugié à Tautira dans la presqu’île après avoir
raté son incursion guerrière contre Mahine et
délaissant leur habillement civilisé pour s’en
retourner
au
seul port
du maro. Les
franciscains les apostasièrent. Après avoir
débarqué
Callao
SOCIÉTÉ
décembre
de
son
1774
au
12 décembre 1775. Sans
être aussi fouillé que
Cook, d’un Banks
les comptes rendus d’un
ou
d’un Forster, les notes
Rodriguez n’en sont
pas moins riches en
quotidienne à Tahiti
dont il fait librement le tour à deux reprises.
11 y décrit, entre autres,
les liens
politiques tissés entre 'Vehiatua et Tu, qui s’est
de
informations
sur
la vie
au grand désespoir de sa mère, meurt le 16
octobre 1775. Son jeune frère lui succède en
mission, les prêtres
parvenir à s’intégrer
dans la société tahitienne, supplient le
commandant de les rapatrier. En effet, étant la
risée constante de la population et craignant
pour leur vie, les deux missionnaires en sont
arrivés à construire une palissade autour de
leur maison. Complètement coupés des gens
qu’ils étaient censés évangéliser, leur présence
à Taiarapu n’a plus aucun sens. Avec le
matériel et la plupart des têtes de bétail
débarquées l’année précédente - il ne faut rien
laisser pour les rivaux européens -, ils
repartent tous les quatre pour Callao le
supplémentaire à la
franciscains, qui n’ont
pu
12 novembre.
La “Pax franciscana” qui avait meublé
l’espace mental de tous les navigateurs
espagnols au cours des XVF et XVII' siècles
dans le Pacifique insulaire se terminait sur un
départ peu glorieux. Malgré le désir de la
Cour d’Espagne de reprendre les tentatives
d’évangélisation catholique, Lima ne s’en
sentait plus la volonté.
La baie de Matavai.
Peinture de
William Hodges, durant
le second voyage de
Cook.
29
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
L’ascension de Tu
Lorsque James Cook revint à Vaitepiha
le 12 août 1777, lors de son troisième et
dernier voyage de circumnavigation sur la
Resolution, accompagnée du Discovery (capi¬
taine
Clerke), une nouvelle expédition
navale, organisée par Toofa et Pohuetea
(Potatau) se préparait contre l’île d’Eimeo
(Moorea). Dès son arrivée à Matavai le 24
août, Cook est convié à prendre part à celle-ci
et à les aider à écraser Mahine, un des chefs de
cette île. Cook refuse en arguant du fait qu’il
n’a rien à lui reprocher. Pour rendre les atua
(dieux) favorables à leur cause les deux ari’i
,
de Paea et de Punaauia
se
décident à faire
un sacrifice humain sur
Utuaimahurau à Paea, marae dédié
accomplir
pour
le
marae
à ’Oro, et
lequel la présence de Tu, dont le pouvoir
repose largement sur le culte de ce dieu et sur
la possession du maro ’ura, leur apparaît à tous
deux
indispensable.
Mai,
Cook,
John
Webber, le peintre suisse de l’expédition, et
William Anderson, le chirurgien de marine,
assisteront pendant deux jours, les 2 et 3
septembre, à cette cérémonie. Mais Tu nejuge
expédition
cette
opportunes.
pas
navale
plus
des
rend lui-même à Moorea pour y
Mahine. Pour un soi-disant vol de
Cook
se
rencontrer
Bataille maritime
quelques habitants de l’île,
capitaine agit de façon très brutale et fait
chèvre effectué par
le
détruire
de
pirogues
dans
habitations
nombreuses
un
lieu
déjà
affecté
par
reconnaît
Toofa. Mahine
l’autorité de Tu devant Cook.
l’incursion
de
L’appui de Cook
et
sans
favoriser
politique. Alors
Samuel Wallis l’avait fait pour Purea.
correspondait plus aux yeux des
à l’idée qu’ils se faisaient d’un
monarque. Tu, de par son autorité et ses
influences politiques, jouissait d’une aura
Si Tutaha
Anglais
quasi quotidiennes
deux
bâtiments
et
avec
tout
les officiers
qu’elles
ce
présente devant Moorea. Le soir du départ, un
messager va prévenir Tu q?^ les affrontements
navals ont débuté sans que l’une des flottes ne
prenne l’avantage sur l’autre. Une incursion à
terre permet de détruire les habitations et les
plantations de Papetoai et de Haapiti. Durant
les quelques jours que dure cette bataille
navale. Tu reçoit quotidiennement des
messagers de Toofa le priant de leur venir en
aide à Moorea, craignant de voir les pirogues
de Mahine prendre le dessus. Au lieu de se
joindre à ses alliés, Tu fait faire à sa flotte une
revue navale impressionnante à Pare. Cette
parade est interrompue le 22 septembre
lorsque l’on apprend que Toofa et Mahine
viennent de conclure
un
accord visant à
les hostilités. Mais cet accord
cesser
comprend des
conditions désavantageuses pour Tahiti.
Furieux de n’avoir pas reçu l’assistance de Tu
ou
de
ses
frères, Toofa
ne
décolère
pas en
présence des Anglais et n’arrête pas de
critiquer la couardise de Tu.
Quelque temps plus tard se tient une
cérémonie
visant
à
entériner
l’accord
en
présence de Toofa, Pohuetea, Tu etdufrèrede
Mahine. A nouveau, la venue de Tu est indis¬
pensable à la bonne conduite de la cérémonie,
compte tenu du maro ’ura qu’il détient. Mais
Toofa et Pohuetea, considérant les conditions
désavantageuses de l’accord et en attribuant la
responsabilité à Tu, laissent entendre qu’ils se
vengeront. James Cook réagit et menace
d’user de
représailles contre quiconque
attaquerait son protégé, faisant savoir qu’il
reviendrait prochainement dans les îles de la
Société pour
châtier ceux qui auraient osé s’en
prendre à Tu.
30
Ci-dessus :
Cook à Moorea. En
s'immisçant dans ies
rivaiités opposant
certains chefs des
coaiitions tribales, Cook
prenait une part active
enjeux politiques
aux
du moment. Allié et ami
des Anglais, Tu, en fin
politique, sut
constamment utiliser à
son
profit la présence
des bâtiments de la
Marine royale
britannique.
un temps,
force leur volonté de le
instructions reçues.
Tutaha décédé, Cook avait donc accordé
une
sorte de “prééminence royale” à Tu,
relations
Le sacrifice humain
auquel furent conviés
James Cook,
Joseph Banks, Mai, le
médecin Anderson et
J. Webber-qui adessiné
cette cérémonie - sur le
marae
sa
dimension
chefs
quant
alliances non entérinées dans les faits, les
mises en garde répétées de
Cook les
Sous-le-Vent
Huahine avec
les deux garçons néo-zélandais qui doivent lui
servir de domestiques. Après être passés par
Raiatea, la Resolution et le Discovery font
ensuite voile vers le Pacifique Nord où Cook
découvre l’archipel des Hawaii qu’il dénomme
les îles Sandwich en l’honneur du premier
Lord de l’Amirauté. Il y trouve la mort l’année
suivante sans avoir atteint le passage nordouest
qu’il avait recherché suivant les
des
grandement
aux
cérémonielle et d’un statut très élevé. Ses
Toutefois, vers la mi-septembre, la flotte
d’Atehuru, commandée par Toofa, le vieil
amiral comme le dénomme Cook, et qui est
accompagné de Pohuetea et d’un autre chef, se
présents de diverses natures,
que plusieurs autres
avaient bien des choses à lui reprocher
Cook part ensuite pour les îles
où il souhaite débarquer Mai à
comme
en
cérémonial à coups de canon, en invitations
à dîner à bord et ainsi de suite n’ont pas été
empêchèrent,
jeune Tu
au
impliquaient
en
Utuaimahurau,
situé à l'embouchure de
l'Orofero. Cette scène
démontre à suffisance la
volonté de certains
chefs tahitiens
d'associer les officiers
britanniques, dont ils
croyaient pouvoir tirer
profit, à la réalité de leur
pouvoir et à ses
manifestations
sacrificielles. Gravure
d'après un dessin de
J. Webber.
de concrétiser par la
punir.
LES ILES DE LA
Ce n’est que quelque dix années après le
départ de Cook que se présente à nouveau, le
7 juillet 1788, un bâtiment européen à Tahiti :
le Lady Penrhyn. En provenance de Botany
Bay, l’actuelle Sydney, le capitaine Sever vient
d’y débarquer le premier contingent de
convicts anglais sous l’autorité du gouverneur
Phillip. L’équipage du Lady Penrhyn
souffrant
du
scorbut,
Sever décide d’une
escale de trois semaines à Matavai pour
%
y
refaire la santé de
ses
marins. 11 y rencontre Tu
qui, quelque cinq années auparavant, avait vu
ses territoires de Pare envahis par Mahine de
Moorea. Il semblerait que Toofa et Pohuetea
se fussent alors ligués avec Mahine contre lui.
Un des officiers du
lieutenant
troisième
Lady Penrhyn, le
Watts, qui avait participé à la
expédition de Cook, s’enquiert aussi
de Mai. On lui
annonce
la mort à Huahine de
Joseph Banks ainsi que celle des deux
garçons néo-zélandais. Cherchant à en savoir
plus. Watts persuade Sever de se rendre à
Huahine où ils arrivent à la fin juillet 1788. Ils
n’y apprennent pas grand-chose de plus, si ce
n’est que tous les trois sont morts de fièvre.
L’intérêt pour Mai, très prononcé parmi les
l’ami de
SOCIÉTÉ
1767-1797
Anglais de passage, semble ne pas avoir été
partagé par ses compatriotes.
Quelques semaines après le départ de
Sever, Tahiti allait servir de cadre à l’une des
plus fabuleuses histoires des annales
maritimes. Sans doute les événements qui s’y
déroulèrent durent-ils beaucoup au mirage
polynésien et à l’Eden que représentait l’île de
Tahiti pour les marins de l’époque. En effet, la
luxuriance de sa végétation, son climat
idyllique et les libéralités de ses femmes
offraient une alternative incomparable à la
grisaille des deux britanniques et à la
discipline en vigueur dans leur métier pénible.
La Bounty, puisque c’est d’elle qu’il s’agit,
atteint la pointe Vénus le 26 octobre 1788.
La flotte d’Atehuru,
commandée par Toofa.
Cette flotte de guerre,
représentée par une
huilede William Hodges,
impressionna beaucoup
les Anglais. Le nombre
des pirogues de guerre
ainsi que celui des
guerriers permirent à
Cook de donner
estimation par
déduction de la
une
population de Tahiti.
A droite :
Huahine vue par
W. Hodges (1773) lors
du second séjour de
Cook en Polynésie.
31
•
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
1
La
La
Bounty
revanche,
les
nouvelles alliances
Mahine, Mahau, qui a épousé la sœur de
Tina, Auo. Lors de l’attaque contre Pare,
Mahine fut tué par le frère cadet de Tina,
Vaetua ; quant à Toofa, il mourut de son
grand âge peu avant l’arrivée de la Bounty.
La présence du navire à Matavai entraîne
un
blocage des guerres intestines sans
toutefois apaiser réellement les tensions. A
l’instar de Cook, Bligh ressent que l’amitié
qu’ont témoignée les Anglais à l’égard de la
famille
de
Tina reste à l’origine des
de
Bounty
traversée de la Bounty ayant été
beaucoup plus longue que prévue, William
Bligh est contraint de prolonger son séjour à
La
Tahiti dans la mesure
mauvaise saison, pour
comme
matrimoniales conclues entre Tina et le rival
où il arrive à la
pouvoir en toute
sécurité transplanter les pousses d’arbre à pain
destinées
aux
Antilles anglaises,
objet
sa mission qu’il tenait scrupu¬
accomplir. C’est grâce à l’amitié
que lui témoigne Joseph Banks, alors
président de la Royal Society de Londres,
qu’il s’est vu confier la direction de l’expé¬
principal de
leusement à
oppositions et des jalousies dont elle a eu à
souffrir de toute part. L’autorité de Tina à
l’arrivée de la Bounty est limitée à Pare-Arue.
dition.
Grandement
familiales
comme
l’île
fut
apprécié
par tous,
Bligh est aussi surpris de voir que ses relations
se
sont
également dégradées
puisqu’il ne s’entend plus avec son frère
Ari’ipaea, sans doute à la suite des mauvaises
relations
qu’entretiennent leurs épouses.
Tahitiens
séjour de cinq mois dans
un intermède onirique que jamais
n’aurait pu espérer connaître :
Anglais,
matelot
ce
abondance de nourriture, accueil féminin des
plus engageants, tant et si bien que Bligh eut à
déplorer la désertion de trois de ses marins qui
s’enfuirent à Tetiaroa. Il put les récupérer
grâce à l’aide de Tu et d’Ari’ipaea, son frère.
Tu devient Tina
ou sept années plus tôt, Tu et Itia
leur second enfant, un garçon. Leur
Quelque six
avaient
eu
premier-né avait été étouffé dès sa naissance
comme le stipulaient les codes en vigueur dans
la société des arioi dont le couple faisait partie.
Selon la coutume, Tu se désista
des insignes de son prestige en
de
son
titre et
faveur de
son
Bligh
(1753-1817). Entré très
jeune dans la Marine
royale, Bligh fait partie
de la Sème expédition de
William
James Cook comme
officfer. Il voue une
admiration sans bornes
capitaine dont il
prend exemple dans ses
rapports avec les
populations insulaires
au
et dans
son
travail
scientifique
exploratoire.
Le fruit de l’arbre à pain.
W. Dampier, S. Wallis et
J. Cook avaient vanté les
mérites de l'arbre à pain
qui donne des fruits
quasiment toute l'année.
Cet arbre a renforcé
aussi la dimension
mythique que Tahiti prit
Europe : une île où
poussent des plantes qui
en
donnent une sorte de
pain sans que
travailler pour
l’on ait à
le
produire. Dessin de
S. Parkinson.
en continuant d’assurer les fonctions
charge. Le nom de Tu est donc attribué à
ce garçon que Bligh verra de loin lorsque qu’il
sera conduit près de l’habitation isolée qu’il
occupe avec ses jeunes frères et sœurs. Le père
de l’enfant porte dès lors le nom de Tina.
Ce séjour prolongé de Bligh à Matavai
nous permet de mieux comprendre, grâce à
son journal, les événements politiques qui ont
affecté Tahiti depuis le départ de Cook, onze
fils, tout
de la
années auparavant. Tina lui révèle que,
lunes après le départ de la Resolution et
63
du
Discovery, le peuple de Moorea s’était joint à
Toofa pour attaquer Pare. Tina et les siens
furent contraints de se réfugier dans les
montagnes. A la grande tristesse de Bligh,
tout le bétail laissé par Cook avait été
massacré, mis à part deux bovins, heureu¬
sement mâle et femelle, qu’il s’attacha à
réunir, car ils avaient été emportés dans des
districts différents. Ceci fait, il pouvait espérer
voir le bétail se reproduire et faciliter ainsi
pour la suite les ravitaillements des bâtiments
anglais de passage à Tahiti. Tina lui indique
aussi que tous les précieux cadeaux qu’il avait
reçus de Cook ont été emportés lors de
l’attaque dont il avait fait l’objet.
Sans doute faut-il voir dans cette alliance
entre
Atehuru et Moorea contre Pare
une
réponse à l’attitude violente de Cook à l’égard
de Mahine et des siens dont Tina est tenu pour
responsable. Craignant le retour du capitaine
anglais, les chefs ont ressassé leur désir de
vengeance jusqu’au moment où ils ont jugé ce
retour peu probable. Certes, d’autres éléments
sont venus s’ajouter à cette volonté de
32
'
■
LES ILES DE LA
Quant à Vaetua, Bligh le décrit comme un être
intempérant, ne cessant de boire du ’ava.
William
de
Tout
toute
son
comme
Cook, qu’il admirait,
Tina était le protégé de la
Grande-Bretagne et il lui fournit d’ailleurs
ainsi qu’à Itia plusieurs armes à feu et des
prémunir contre
Tina lui a expliqué à
munitions. En cherchant à le
Bligh, ethnographe
séjour, Bligh a l’occasion
plusieurs fois de visiter l’arrière-pays et de
percevoir de l’intérieur la société tahitienne.
On le convie aussi à de nombreuses mani¬
festations cérémonielles ou festives.
Ethnographe avant la lettre, il note
scrupuleusement dans son journal de bord ce
qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il apprend en
s’entretenant avec Tina, Itia ou Poino, le chef
de Haape. L’esprit très ouvert, il consigne de
manière très précise toutes les informations
qu’il obtient sur divers aspects de la société
dans des domaines aussi variés que ceux de la
théologie et des préparations culinaires.
Lors
laissa entendre que
Bligh
nouvelle attaque
reprises
plusieurs
son
propre
version des
guerrières contre lui et
William Bligh rehausse une partie
prestige perdu et lui permet, par
raisons des menées
siens
sa
-
les
de
de
-
d’accroître à nouveau sa
sphère d’influence. La compagnie des Anglais
pendant cinq mois lui fut bénéfique sur bien
des plans.
nombreux cadeaux,
A la suite de la
désertion de trois de
ses
marins, Bligh s’efforce de réinstaurer une
plus disciplinée parmi son équipage,
jugeant sans doute qu’elle s’était trop relâchée.
Au moment du départ de Tahiti, le 4 avril
1789, il recourt à des mesures que certains de
attitude
ses
officiers
vexatoires.
et
Il
marins perçoivent comme
interdit par exemple
leur
d’emporter plus d’aliments que n’en peut
contenir leur coffre personnel. Les rapports,
peu
SOCIÉTÉ 1767-1797
Quelques coutelas, du rhum et des biscuits
leur sont laissés. Après une fantastique
odyssée, sans carte ni instrument de marine,
Bligh parvient à conduire dans l’îlè de Timor
seize de
état
ses
compagnons
d’infortune, dans
un
pitoyable, mais saufs. Un marin a été tué
des Tongiens lors d’une escale de ravitail¬
par
lement
dans
une
île.
Même
dans
situation de difficulté extrême, Bligh
de
tenir quotidiennement son
journal de bord
cette
continue
précieux
consigner ce qu’il voit
passent comme sur la côte
pour y
dans les îles où ils
décrit aussi la
dégradation physique de ses marins au fur et à
mesure
qu’ils approchent de la colonie
hollandaise où, dès leur arrivée, les autorités
leur apportèrent tous les soins possibles.
Cependant, certains ne survécurent pas à leur
trop grand état de faiblesse. Bligh et les autres
rentrèrent en Angleterre sur divers bâtiments
en partance pour l’Europe.
orientale de l’Australie. Il y
brillants déjà les deux derniers mois à
Tahiti, se dégradent encore plus après
l’appareillage de la Bounty, à la suite surtout
des insultes proférées constamment par un
Bligh colérique à l’encontre de Fletcher
Christian, à qui pourtant il avait accordé une
promotion
au cours
rendre
du voyage aller. Bligh
responsable de l’état
d’indiscipline généralisée. De plus en plus
tendues, les relations entre les deux hommes
semble
le
invivables tant et si bien que
Christian choisit tout d’abord de quitter le
bâtiment sur une chaloupe puis, dissuadé par
certains de le faire, il décide de le prendre par
la force. C’est au large de l’archipel des Tonga
deviennent
qu’éclate, dans la nuit du 28 avril, la mutinerie
dirigée par Christian, Churchill et Stewart.
Bligh est contraint de prendre place dans un
cotre
avec
17 membres de l’équipage.
transplanter
transplantation des
C’est Joseph Banks,
président de la Royal
Society, qui a convaincu
le roi George III
d'organiser l'expédition
de la Bounty et de la
confier à William Bligh.
Les planteurs des
Antilles anglaises
souhaitaient que l'on
tente de
William Bligh. De par la
durée de son séjour
dans l'île et l’Intérêt qu’il
3. Plates-formes de
La
uru.
le
porte à la société
polynésienne, Bligh
peut être considéré
comme
l’arbre à pain, aliment
très économique, pour
servir de nourriture à
leurs esclaves noirs.
Quand cela fut
finalement réalisé, les
esclaves refusèrent d’en
manger, car ils n'en
supportaient pas le goût.
Peinture de T. Gosse.
marae
(fata rau) sur
lesquelles étaient
déposées les offrandes.
3
l’un des
premiers ethnographes
journal de
bord, qu’il put ramener
de Tahiti. Son
avec
lui
en
Grande-
Bretagne après son
odyssée jusqu’à Timor,
constitue un document
de toute première valeur
sur le Tahiti d’antan.
Dessinateur de talent,
il nous a laissé aussi un
témoignage graphique
d’espèces animales ou
d'objets - il est le seul à
avoir représenté le
maro - aujourd’hui
disparus.
Représentation d’une
pirogue sacrée.
Couple de perruches.
1.
2.
33
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
logistique
Pômare
Un soutien
pour
rivalité mutuelle
force
Pare
deux
recherche dès l’annonce de la mutinerie. La
guerriers
septembre 1789. A leur arrivée, Tina quia pris
le
Matte est à nouveau réfugié à
alors qu’Ari’ipaea, son frère,
gouverne Porionu’u. Ces seize Européens
ainsi qu’un individu éthylique d’une violence
inouïe, John Brown, débarqué du Mercury
dans l’île par le capitaine Cox excédé, vont
très rapidement être perçus par les chefs en
nom
de
Taiarapu
La rivière Matavai,
aquarelle de G. Tobin
L’exubérance de la
nature à Tahiti a souvent
été invoquée, même par
W. Bligh, comme l’une
des explications de
l’origine de la mutinerie.
Face à la grisaille des
deux britanniques, on
34
peut comprendre que
Fletcher Christian et les
autres marins se fussent
décidés à revenir dans
Ce cadre de beauté pour
y renouer avec les
jouissances terrestres.
une
un autre à Papara
plupart de ceux qui restent
chez Ari’ipaea se décident à entreprendre la
difficile tâche de construire une goélette pour
rejoindre Batavia afin d’y trouver un passage
pour l’Angleterre. Retrouvant leurs anciens
taio (amis : concept selon lequel les visiteurs
étaient pris sous la protection totale d’un
Tahitien ; ses possessions quelles qu’elles
soient devenaient la propriété de l’autre, on
s’échangeait jusqu’aux noms ; taio pourrait se
traduire par “autre moi”) ou créant de
nouvelles relations, les Anglais vont prendre
une part de plus en plus active dans les affaires
mutinerie, certains contraints malgré eux de
bord à cause de leur qualification
professionnelle, se dirigèrent vers Tubuai
dans les Australes. Pour Christian, cette île
qu’il découvre sur une carte dans une édition
de Cook, présente l’avantage d’être isolée et
d’accès peu aisé. Ceci lui paraît former une
garantie suffisante contre l’envoi de bâtiments
que Londres ne tarderait pas à dépêcher à leur
Neuf mutins et sept marins, forcés de rester
sur la Bounty lors de la mutinerie, à Tofua
dans les Tonga, arrivent donc à Matavai le 21
soutien et
chez Teriirere. La
rester à
Les mutins deviennent
un
l’invitation de Vehiatua et
Fletcher Christian et les 24 membres de la
prise de contact avec Tubuai est difficile et
violente, mais Christian tient à s’y implanter.
Il retourne cependant à Tahiti chercher des
animaux puisque Tubuai n’en abrite pas.
A Matavai, il donne une explication
plausible du retour de la Bounty sans Bligh et
regagne l’île avec quelques Tahitiens des deux
sexes. Sa tentative d’y fonder une colonie
d’implantation ne s’avère toutefois pas
réalisable à cause de l’opposition systéma¬
tique des habitants. Il décide donc avec huit
compagnons de partir à la découverte d’une île
inhabitée et débarque d’abord à Tahiti ceux
qui ont choisi d’y retourner malgré ses mises
en garde répétées et son assurance
d’y voir
venir des bâtiments à leur poursuite. Christian
et ses compagnons donneront naissance à la
population de Pitcairn, ayant emmené avec
eux plusieurs Tahitiennes et Tahitiens.
comme
logistiques à s’attacher. Ils s’installent à
et Matavai. Rapidement néanmoins,
d’entre eux
iront à Taiarapu à
de l’île.
Les liens de parenté
dans la société
polynésienne forment
les fondements
principaux de
l’organisation socio¬
économique et iis sous-
tendent l’ensemble des
réseaux du pouvoir.
L’accès aux fonctions de
chef découle
uniquement des liens de
parenté, d’où
l’importance attribuée
par les anthropologues
à l’étude des
généalogies. Pômare I
est un très bon exemple
à ce sujet : l'étendue de
son réseau de parenté
dans les îles de la
Société lui permettait de
revendiquer un pouvoir
supérieur à d’autres
chefs de Tahiti. Dessin
à la craie de W. Hodges.
Au début du mois de mars 1790, alors
qu’un des ari’i de Moorea est décidé à venir
offrir des
présents, victuailles et
Tu, le fils de Matte, des
tapa, au jeune
rumeurs
circulent
qu’Atehuru se prépare à empêcher son débar¬
quement. James Morrison, qui nous a laissé
un
récit très riche
période, intervient
en
informations
sur
cette
quelques-uns de ses
compagnons en armes. Leur seule apparition
stoppera toute velléité d’attaque.
Chez Vehiatua, Thompson et Churchill,
avec
SOCIÉTÉ 1767-1797
LES ILES DE LA
Teva-i-tai, participent même
gestion de la coalition tribale tant et si bien
taio de l’on’; des
n’auront
à la
combat
que lorsque Vehiatua décède sans postérité à
la mi-mars 1790, Churcbill lui succède avec
l’assentiment
doute
de
la
de
son
peuple. Jaloux
nouvelle
condition
de
sans
son
compagnon,
Thompson se querelle
violemment avec lui quelques semaines plus
tard et l’abat d’un coup
de mousquet. Voulant
venger leur on’;', ses sujets tuent
Au cours du mois suivant,
Thompson.
les Anglais,
occupés à construire leur goélette, vont à
nouveau
être mis à contribution dans le conflit
oppose Matte à Moorea depuis 17
Son beau-frère Metuaaro est alors
qui
dans
lutte contre le
une
successeur
années.
engagé
et
fils
adoptif de Mahine, Teriihaauroetua. Les
Anglais leur fournissent des mousquets et des
munitions, ce qui permet à Metuaaro d’en
finir une fois pour toutes avec son rival et
d’assurer ainsi l’hégémonie de son pouvoir sur
l’île. Par le jeu des alliances matrimoniales,
Matte sort également grandi de cette victoire.
Matte, ari’i rahi
parfois difficile de
paramètres
C’est le
Te
cas
Pau,
justificateurs
au
son cousin
de Faaa envahissent
les habitations. Venus
d’Ari’ipaea, les marins anglais
chef des Te Fana,
secours
obscurs.
Ari’ipaea à
restent
de la guerre opposant
pourtant. Les troupes
Pare, pillant et brûlant
se
secours
Toofa
se
montrer sur les lieux du
pour que les guerriers de
retirent. Cherchant à obtenir des
d’Atehuru, Te Pau s’allie avec lejeune
et
Pohuetea.
Les
Anglais décident
alors, face à cette situation également critique
pour eux, de s’impliquer personnellement
dans les combats pour Ari’ipaea. Avec leurs
armes,
ils n’ont
aucune
difficulté à vaincre Te
siens alors que ceux-ci se sont
retranchés. Vers cette époque, se déroule un
Pau et les
autre
conflit
au
sud
d’Atehuru
où
des
guerriers de Taiarapu avec John Brown et
trois autres marins anglais se sont présentés.
Après un répit, les Anglais fixent une stra¬
tégie bien précise à laquelle Ari’ipaea est
contraint de se tenir. L’attaque se produit
simultanément par mer et par terre. En effet,
leur goélette terminée, les Anglais l’engagent
dans la bataille ainsi que toutes les pirogues de
guerre de Porionu’u tandis qu’Ari’ipaea
avance par le bord de mer. Les troupes de
Matte
a
perdants doivent assister à cette
la suite de la présence des
Anglais et fort de leur soutien, Matte, qui n’a
participé à aucun des combats, décide de
cérémonie.
soumettre
Tahiti
Jack.
les coalitions
tribales de
Des
cérémonies
d’investiture
sont
accomplies
de Tu
sur
pour faire reconnaître le pouvoir
tous les marae de l’île sauf chez les
Teva-l-tai. Matte s’efforce de
persuader les
Anglais de monter à nouveau une expédition
guerrière contre la presqu’île mais sans y
parvenir. Il organise alors une autre
cérémonie
sur
son
marae
de
Pare
en
y
conviant l’ensemble des ari’i de Tahiti-nui et
espère ainsi faire pression sur
Vehiatua. Grandiose, l’investiture se déroule
le 13 février 1791. Peu après, Matte convainc
de Moorea. 11
la
plupart des Anglais d’attaquer
fois
Teva-i-tai
les
afin
une
d’asseoir
dernière
défini¬
pouvoir sur la totalité des îles du
Vent. Alors qu’ils se trouvent tous dans le
voisinage de Papara, en route vers la
presqu’île, un messager arrive et leur annonce
qu’une frégate de guerre britannique vient de
Certains
moyens
toutes
fils à faire le tour de l’île
précédé des marins en armes et de l’Union
mis en œuvre et
systématique des
habitations et des plantations. Ils demandent
la paix et l’obtiennent à la condition de rendre
le maro ’ura sur lequel est cousu le drapeau de
Wallis ainsi que leto’o du dieu’Oro que Matte
ne possédait plus depuis quelque temps. Ces
insignes doivent en effet servir à investir le
jeune Tu du pouvoir suprême sur le marae que
ces
assistent à la dévastation
A
et engage son
tivement
côté, les prenant en
tenaille. Les guerriers d’Atehuru ne peuvent
nouvellement fait construire à Pare.
Les trois ari'i
Brown arrivent de l’autre
résister face à
cerner les raisons
réelles sous-tendant certaines rivalités tant les
Il est
Faaa
qu’à
qui s’ensuit
son
mouiller dans la baie de Matavai le 23 mars.
des mutins s’enfuient sur leur
goélette
d’autres gagnent les montagnes.
à son projet de combattre
Vehiatua, craignant que ses guerriers seuls ne
perdent la bataille.
Matte
;
renonce
La mutinerie de ia
Bounty. La discipline
s'étant relâchée au
début du séjour à Tahiti,
Bligh va siefforcer de
reprendre en main son
équipage peu avant son
départ pour les Antilles
où il doit transplanter
les arbres à pain.
Autoritaire et quelque
peu excessif, Bligh va
rencontrer l’opposition
de Fletcher Christian
qui fut pourtant son
protégé. L'origine de ia
mutinerie réside-t-elle
uniquement dans ce
fait ? Il est certain que
les liens tissés durant
ces
longs mois entre
matelots et Tahitiennes
forment également un
facteur explicatif de
celle-ci. Sans doute y
en a-t-il d’autres encore!
Peinture de R. Dodd.
.
35
LA
POLYNÉSIE
S’OUVRE AU MONDE
Le poids de rhomme
blanc dans la vie
politique
polynésienne
milieu
Au
du
Matavai avant
mort. Les deux enfants vivent à Pare dans la
résidence où Bligh les a vus en 1788. SiTuestà
jeune
mois
sur
duquel Bligh avait inscrit sa
d’appareillage de Tahiti. Cox, intrigué
d’apprendre que la Bounty était revenue dans
l’île et qu’elle était repartie quelques semaines
avant sa propre arrivée, en réfère à l’Amirauté
lors de son retour en Angleterre, en juin 1790.
Revenu à Londres en mars de la même année,
Bligh avait déjà informé ses supérieurs de sa
tragique mésaventure. L’Amirauté dépêche la
Pandora sous les ordres du capitaine Edward
Edwards pour découvrir le refuge des mutins
et les ramener en Europe afin
d’y être jugés.
Edwards n’aura pas de difficulté à
récupérer rapidement les quatorze marins de
la Bounty puisque Matte et John Brown lui
apportent toute l’aide nécessaire. Ceux qui
sont partis sur la goélette sont contraints de
au
ans,
autorité
son
prestigieuse lors
Tahiti-nui, son
de certaines manifestations à
américaine. Tina lui montre le portrait que
John Webber a effectué de James Cook en
1777 et
que c’est un de ses autres fils, âgé de
Teriitapunui, qui jouit du titre de
Vehiatua sur les Teva-i-tai, le précédent étant
4
même d’exercer
d’août 1789, le
le Mercury s’arrête à
de gagner la côte nord-ouest
capitaine John Cox
apprend
dos
date
frère,
nominalement
Vehiatua,
ne
l’exerce
que
âge. Une sorte de
régence est effectuée par son oncle Ari’ipaea
qui s’est installé aux abords de Taiarapu pour
s’assurer qu’aucune velléité d’opposition ou
vu
son
de rébellion à l’encontre de
son neveu ne se
développe. Sa réputation de grand guerrier
joue pour beaucoup et préserve les intérêts du
tout jeune enfant. Matte apprend également
à Vancouver que Tu exerce aussi la primauté
sur Huahine et qu’il en fera de même
prochai¬
Raiatea et Tahaa au travers des
réseaux et liens de parenté. Vancouver est
d’ailleurs prié de venir soutenir avec ses
nement sur
navires
et canons la
puisse imprimer
l’ensemble
reconnue
famille de Tu pour
son
qu’elle
empreinte suprême sur
des îles de la Société et soit
cérémoniellement ari’i maro ’ura.
Australie où 35
meurent de noyade parmi
quatre mutins qu’il a tardé à faire
en
personnes
lesquelles
sortir de leur “boîte de Pandore”.
Un nombre croissant de navires
Ile
accueillante
et
excellente
escale
pour
ravitaillement, Tahiti reçoit de plus en plus
fréquemment la visite de bâtiments
britanniques en route vers la Californie, où se
développe timidement le commerce des
fourrures, ou encore vers les côtes latinoaméricaines pour la pêche à la baleine. C’est
qu’à la fin de 1791, les capitaines
Vancouver et Broughton, sur le Discovery et
le Chatham, s’y arrêtent quatre semaines
avant
de gagner la Californie, George
Vancouver avait accompagné Cook lors de ses
deux derniers voyages.
ainsi
Agé d’une dizaine d’années. Tu est alors
Tahiti et c’est lui qui reçoit
Vancouver et Broughton. Son père est installé
à Moorea et y exerce la régence, Metuaaro
résidant depuis quelque temps à Pare.
Lorsque Matte vient voir Vancouver, il lui
ari’i rahi de
36
de toux”. Pour
nom
Il
nom.
certains, l’étymologie de
ce
vient d’une nuit durant laquelle Matte
toussa
beaucoup. Au matin,
de
proches
fit
la
1792, Bligh demanda l’origine
un
ses
lui dit "po mare". Le mot lui plaisant, il en
son
titre. Lors de son passage sur
Providence
en
caractérisés par le troc :
d’une part d’ordre
alimentaire et, de i'autre,
d’ordre
goélette. Il donne l’ordre à quelques membres
de son équipage de le suivre avec ce bâtiment
qu’il baptise Matavai. Il laisse profondément
attristées les compagnes des mutins, souvent
la Grande Barrière de corail
changé de
porte alors celui de Pômare, signifiant “nuit
sont surtout
que certains sont innocents
le lui prouve la construction de la
mer Pacifique pour trouver Christian
pendant
quatre mois, jusqu’à ce qu’il fasse naufrage sur
Avant l’arrivée de Vancouver, Matte a une
nouvelle et dernière fois
Les contacts entre ies
pertinemment
mères de leurs enfants. Edwards sillonne la
Pômare I
circumnavigateurs et les
populations insulaires
revenir à Tahiti car ils n’ont ni carte ni
instrument de marine pour se diriger dans le
Grand Océan. Edwards repart de Tahiti avec
Brown le 8 mai à la recherche de Christian et
des autres. Très dur, voire cruel, il met aux fers
dans une cage installée sur le gaillard d’arrière
les quatorze mutins - alors qu’il sait
comme
Comme les précédents capitaines de la marine
royale. Vancouver esquive la requête en
précisant qu’il en référerait à George III. Lui
expliquant que le bien-être et la paix du
peuple tout entier dépendent de cette centra¬
lisation politique, Matte convainc Vancouver
de lui augmenter son stock de munitions. Estce le fait de ces guerres constantes ? Vancouver
perçoit Tahiti comme une société en crise très
profonde. Si les femmes y sont beaucoup
moins belles à ses yeux, il constate aussi que le
nombre d’habitants y a fortement diminué.
Tu, fils de Matte. Le futur
Pômare tira un profit
maximum du séjour
dans l’îie des bâtiments
angiais. ii sut aussi
utiiiser ies compétences
des mutins de la Bounty
pour affermir son
Matavai. La présence
répétée des navires
britanniques dans la
baie
va
donner à cette
région de Tahiti une
importance inégalée par
rapport aux autres
parties de l’île. En faisant
l’essentiel du troc
avec
pouvoir poiitique et
parvenir à i'étendre
toute i'îie
en
sur
brisant ies
oppositions des autres
coaiitions tribaies à son
encontre. Peinture de
J. Webber.
les bâtiments de
passage, sa population
tirera avantage de tous
les facteurs de
i
V-.
modernité que les .
marins véhiculent :
outillage, armes à feu,
vêtements, etc. Dessin
deW. Ellis.
technologique.
Ce dessin, attribué à
Joseph Banks, fut
exécuté en NouvelleZélande lors de la
première expédition de
Cook.
LES ILES DE LA
appellation à Matte lui-même. Il lui
expliqua que sa fille aînée, Teriinavahoroa,
était décédée d’une maladie de poitrine qui la
fit beaucoup tousser. Selôn une coutume
largement répandue, il avait pris le nom de la
maladie qui l’avait privé de sa fille.
Dorénavant, à l’instar des monarques anglais,
Pômare sera le nom transmissible du pouvoir
suprême sur les îles de la Société. Ainsi, so,n
fils. Tu, sera Pômare II.
En janvier
1792, les capitainfes
apprend la chose, il requiert les gens de
Matavai de lui restituer l’argent et les armes
prises aux Anglais pour les leur rendre.
Devant leur refus et après délibérations, les
guerriers de Pare attaquent le 19 mars ceux de
de cette
Weatherhead et Munro font escale à
sur
la Matilda et la
les
latino-américaines
côtes
Tahiti
Mary Ann avant de gagnër
pour
y
entreprendre leur campagne de pêche au
cachalot. Peu après leur départ, la Matilda
s’échoue dans les Tuamotu. Weatherhead et
équipage regagnent Tahiti dans des
baleinières afin d’y attendre un bâtiment de
passage acceptant de les évacuer. Ils arrivent à
son
endroits
de
l’île car, selon
Weatherhead, il valait mieux qu’ils se
répartissent entre Matavai, Pare et Atehuru.
différents
Tous
se
leurs possessions,
compris. Lorsque Pômare I
voient dépouiller de
vêtements
y
^atavai, détruisant maisons et provisions de
,
lj)ouche. Faisant preuve de résistance. Pare
-^lUretient un état de guerre contre Matavai
juscju’à l’arrivée de la Jenny, capitaine Baker,
Te 25 mars 1792. Le 31, celui-ci embarque
Weatherhead
équipage
secopd
du Sud
avec
guerrière n’aurait pas été
déclenchée si Weatherhead et son équipage ne
s’étaient pas dispersés dans les districts,
donnant la possibilité à certains des chefs
nouvelle rivalité
d’entrer
en
possession de mousquets et
ainsi en cause la supériorité de
Pômare s’efforce d’obtenir le soutien de
mettant
Pare.
Bligh
aller massacrer les gens de Matavai ainsi
de Papara et de Vaitepiha, dans la
mesure où ils détiennent ces armes à feu. Bligh
pour
que ceux
refuse bien entendu. Pour ces divers chefs, les
deux autres marins dans une
prétentions. Durant
son
séjour, Bligh déplore qu’un sacrifice
humain soit effectué pour tenter de réconcilier
trois
membres
de
baleinière.
un Anglais se trouvent dans l’île
retour de William Bligh sur la
Providence le 10 avril 1792. Bligh est accom¬
Ipfs
1767-1797
son
et
l’Amérique latine, tandis que le
décide à gagner la Nouvelle-Galles
pour
se
SOCIÉTÉ
Vingt et
du
pagné de Nathaniel Portlock sur VAssistance
pour tenter à nouveau de transplanter l’arbre
à pain aux Antilles. La première chose que fait
Bligh pour tenter d’apaiser les esprits est
d’ordonner à tous les marins européens dans
l’île de se regrouper à Pare et d’y rester sous la
protection de Pômare. A ses yeux, cette
mousquets sont le seul moyen
Pômare et de limiter
ses
d’affaiblir
Pare et Matavai.
Décidé à mener à bien sa mission, Bligh
quitte Tahiti le 18 juillet. Il emmène avec lui 15
des marins de la
fondant
bâtiments
Matilda, les six restants
se
population. Les deux
dépêchés pour les récupérer, le
dans
la
Daedalus et la Providence, sous l’autorité
respective de Hanson et Broughton, en février
1793 et en décembre 1795, n’y parviendront
pas.
Pitcairn. C’est sur cette
île de 5 km^ que se
réfugièrent les mutins,
la direction de
F. Christian, avec
sous
quélques Polynésiens.
Isolée dans le Grand
Océan, la Marine
britannique ne put la
découvrir avant
Les hostilités entre
coalitions tribales font
du retour de
à Tahiti sur la
Providence, mais il
refuse de s’y immiscer,
malgré les demandes
rage lors
W. Bligh
réitérées de Pômare.
Aquarelle originale de
G. Tobin.
plusieurs années.
Inhabitée auparavant.
Pitcairn a vu la
naissance d’une société
originale, mipolynésienne, miangiaise, qui possède
encore aujourd’hui
ses caractéristiques
propres. Dessin de
C. Shipley.
37
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
Perturbations
profondes
dans les îles du Vent
La fréquence des escales européennes et
séjour de plusieurs mois des mutins de la
Bounty eurent un impact certain sur la vie
quotidienne de la population, même s’il fut
moindre que celui qu’ils eurent sur les luttes
le
intestines
et les rivalités entre les chefferies ou
les coalitions tribales. Continuant de vaquer à
occupations
ses
artisanales
et
agricoles
destinées à concrétiser le statut et le prestige
des aristocrates sous l’autorité desquels elle
vivait, à savoir la formation d’un surplus
économique
apparaître
altérations de
nous
ou
la population
transformations
autre,
certaines
son
vit
et
mode de vie. Vancouver
le décrit très bien
:
“La connaissance
qu’ils ont acquise maintenant de nos outils les
plus utiles implique qu’ils leur sont devenus
essentiels
au
même
titre que d’autres
marchandises européennes ; ils ont délaissé
leur outillage antérieur dont ils perdent
Jusqu’à l’usage et même le souvenir. Nous en
eûmes une preuve convaincante dans les
quelques outils ou ustensiles d’os et de pierre
que nous vîmes parmi eux. Ceux qu’ils nous
offrirent d’acheter étaient d’un travail grossier
et de mauvaise qualité, destinés seulement à
Les herminettes
collectées lors des
de découverte
au rang de
objets de curiosités
(curios) rapportés par
tous les navigateurs.
voyages
sont à classer
ces
1. Herminette collectée
lors du voyage de
Vancouver.
2. Herminette rapportée
par un compagnon de
J. Cook.
armes à feu, comme
mousquets, objets
d’échanges vivement
appréciés dans les
archipels, rendirent les
guerres .plus meurtrières
Les
les
Les échanges. J. Banks
à Moorea recevant un
cochon, un chien et des
uru. L'hospitalité
polynésienne fut très
souvent caractérisée par
les dons de nourriture
émanant des chefs et
des populations
concernées. Se procurer
des vivres frais était
aussi une nécessité
impérieuse pour
combattre le scorbut
dont souffraient bon
nombre de marins de
ces
et favorisèrent
l’émergence
d’hégémônies politiques
qui n’auraient pu
apparaître sans elles.
expéditions.
Les prises de contact
étaient souvent
difficiles entre
indigènes et
circumnavigateurs. La
présentation de pousses
de bananes plantain,
comme
symbole de paix,
était utilisée dans la
plupart des îles de la
Polynésie.
38
LES ILES DE LA
nous
être vendus
curiosité. Je reste
comme
aussi
persuadé qu’en ajoutant une petite
quantité d’étoffes européennes à celles qu’ils
possèdent à présent, ils abandonnent complè¬
tement la culture du mûrier, déjà fortement
négligée et ils compteront seulement sur
l’apport précaire pouvant provenir de
visiteurs accidentels. De ces pénibles consi¬
dérations, il apparaît de toute évidence que les
Européens seront contraints selon les lois de
l’Humanité à pourvoir régulièrement aux
besoins qu’ils ont seuls créés”. Tout en
montrant bien l’impact culturel lié à la
pénétration européenne, ce texte indique aussi
à satiété les facultés d’absorption de la
modernité dans la société tahitienne malgré
les aspects négatifs qu’elle peut comporter.
jusqu’à devenir rapidement un véritable fléau.
Les navires européens répandirent dans
les îles du Vent les germes du mal vénérien que
la population tahitienne dénomma tua,
pourriture. Ils s’efforcèrent d’y chercher un
remède, ou un palliatif dans leurs plantes et
crurent un moment l’avoir
Par
Bligh et Vancouver,
les Tahitiens
en
armes
nous savons
contact avec
à feu
aussi
que
les bâtiments de
prirent rapidement goût à l’ava
peretane ou alcool britannique. Pômare vida
un jour une pleine bouteille de brandy qu’il
avait quémandée à Vancouver. Lors des repas
sur la Bounty auxquels il conviait les chefs
qui
lui rendaient visite, Bligh se voyait contraint
de remplir les verres de ses hôtes qui
entendaient boire à plusieurs reprises à la
santé du roi George III. Avec l’essor des
activités liées à la pêche à là baleine, la
passage
consommation
d’alcool
à
Tahiti
précisés à William Bligh, que
effets des plus pernicieux des
désastreux sont
ce
Alcool, épidémies et
trouvé dans Vava
(Piper methysticum). Il n’est pas possible
d’estimer avec précision les ravages provoqués
par le mal vénérien et les autres affections
importées sur l’archipel quoique tous les
auteurs
s’accordent pour parler de
foudroyante dépopulation. Que ce soient les
grippes ou des épidémies comme celle que la
présence des équipages de Vancouver et
Broughton provoque et dont les effets
soient les
maladies sexuellement
transmissibles,
que ce
soient enfin les morts consécutives aux trop
nombreuses incursions guerrières effectuées
quelque cinquante armes à feu que
dans l’île en 1792, sans parler des
armes traditionnelles, l’impact sur la démo¬
graphie fut très important. D’après le journal
de J. Morrison, qui a suffisamment vécu dans
l’île pour offrir une estimation à laquelle
apporter quelque crédit, la population de
avec
Bligh
les
recense
Tahiti devait avoisiner les 35 000 habitants à
l’arrivée de Samuel Wallis, en 1767. Au
de William
au
s’accroît
Bligh,
moins 6 000.
L’arrivée des
en
départ
1792, il faut en soustraire
Européens dans la seconde
moitié du XVIIP siècle
SOCIÉTÉ 1767-1797
a
dû être ressentie
la population
Polynésiens ne
sont plus seuls au monde avec leurs dieux,
mais ils réalisent à leurs dépens la suprématie
technologique de ces étrangers. Leur espace
mental en est affecté. Le temps des premiers
contacts passé, ils font montre d’une surpre¬
nante capacité d’adaptation dans la mesure où
comme
tahitienne
ils
rupture
une
: non
assimilent
par
seulement les
facteurs
les
de
auxquels ils souhaitent recourir
modernité
pour
leur
usage propre.
Vers
une
centralisation du
pouvoir
stratégique des armes européennes,
dont Pômare et Itia avaient très rapidement
Le soutien
conçu
l’extrême importance
leur désir
commun
pour concrétiser
de centraliser le pouvoir à
Tahiti, apparaît donc
comme
l’élément décisif
ayant permis ou, du moins, facilité l’ascension
de la famille
demander
si,
Pômare.
En
effet, il faut
se
mousquets et la présence
de divers éléments européens qui prennent fait
sans ces
pour eux, Pômare serait parvenu à
s’imposer comme il l’a fait et avec la rapidité
avec laquelle il l’a fait.
D’une part, il faut bien faire la distinction
entre pouvoir statutaire et pouvoir de gestion
dans la société polynésienne. Ce que Pômare
et cause
recherche
et
vise
à
obtenir
pour
sa
descendance n’est pas le pouvoir de gestion,
celui qui permet de gouverner directement les
Clous et haches, ainsi
que
scies et ciseaux à
bois, remplacèrent peu
à peu les outils
traditionnels en
matériaux naturels. La
durée et la dureté du
travail s’en trouvèrent
considérablement
réduites. Le domaine
vestimentaire subit, avec
les tissus qui
remplacèrent le tapa, la
même évolution.
Huahine, où Cook
déposa Mai et lui fit
construire par ses
charpentiers une
maison d'habitation
censée lui conférer un
certain prestige dans
l'île. Lorsque W. Bligh
visita Huahine en 1789,
après la mort de Mai,
cette maison avait été
détruite par les habitants
qui s’étaient empressés
de récupérer pour leur
propre usage les
planches et autres
matériaux de
construction. Les
charpentiers de marine
jouissaient d’une grande
considération auprès
des chefs polynésiens.
Cette illustration est due
à John Cleveley, dont le
frère, James Cieveley,
avait été charpentier à
bord de la Resolution,
lors du 3è voyage de
Cook.
39
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
habitants des coalitions tribales. Ce
pouvoir
ari'i ri'i et aux ra’aüra des
diverses subdivisions territoriales. Ce qu’il
veut, c’est obtenir un pouvoir lié à un statut
là, il le laisse
aux
suprême lui accordant un prestige supérieur
sur les diverses coalitions tribales. Ce pouvoir
statutaire, ce pouvoir lié au rang, à la
préséance, est lié en partie au dieu ’Oro dont
Pômare, nous l’avons vu, a favorisé le culte
par le biais de la société des arioi dont il fait
partie avec sa femme. ’Oro, en quelque sorte,
est devenu un dieu centralisateur par le
nouveau culte qu’on lui rend. Les fondements
de la société tahitienne sont alors intrinsè¬
articulés autour du religieux et des
qui y sont associés. C’est la
raison pour laquelle la possession du maro
'ura, sur lequel est cousu le drapeau anglais de
I Samuel Wallis, est d’une importance capitale.
quement
cultuels
rites
(Non seulement son détenteur jouit d’une
symbolique avec le monde divin, avec
’Oro, mais il s’approprie en même temps, de
■filiation
façon idéale, les pouvoirs stratégiques et
i
représentent les Européens.
l’aura que
l’arrivée de
Wallis, le pouvoir
statutaire des coalitions tribales et de leurs
A
paraît quelque peu équilibré même
s’il s’avère difficile, voire impossible, d’en
divers ari’i
mana respectif. Les oppositions et
les rivalités d’influence existent certes, mais
préciser le
nettement moindre que celles
développent à la suite des arrivées de
plus en plus fréquentes des bâtiments
britanniques et du séjour prolongé de certains
dans
qui
une mesure
se
des marins dans l’île.
présence relativement longue des
à Tahiti va permettre à
quelque peu dans un
premier temps, plus sûrement par la suite,
l’opposition sur ce plan statutaire que
La
mutins de la Bounty
Pômare d’infléchir
démontrent
à
son
coalitions tribales
encontre
au travers
certaines
de leur an’;. Il lui
beaucoup plus de temps et une
guerriers autrement plus importante
pour parvenir aussi rapidement à ses fins,
même s’il ne réussit pas à obtenir l’allégeance
de Vehiatua et des Teva-i-tai de la presqu’île.
aurait fallu
armée de
Faisant reconnaître
son
fils
en
tant
qu’ar;’;
ou ari’i maro ’ura sur son marae à Pare en
février 1791, Pômare dijnne à sa famille une
rahi
puissance statutaire jusque-là inégalée dans
la Société. Par
d’alliances matrimoniales et sa
les
îles
de
ses
réseaux
parenté, il
va
peu à peu étendre son mana sur d’autres îles de
la Société sans toutefois jamais parvenir à
jouir du plus haut rang, du
plus haut statut, de la plus forte préséance sur
l’ensemble de l’archipel.
L’interpénétration des réseaux de
■parenté, des fo.rces..,militaires et des rites
réaliser
son
rêve
:
^cérémoniels de reconnaissance statutaire
une société aristocratique complexe
qui entreprend au travers de ces trois cadres
un processus de centralisation qui n’aboutira
pas, sans doute à la suite de l’absence de la
dimension à proprement parler politique.
’Cette_dualité pouvoir de gestion - pouvoir
statutaire forme probablement le frein
principal bloquant l’issue recherchée. Les
missionnaires de Londres, arrivant à Tahiti en
1797, mettront dix-huit années à transformer
'montre
cet ordre des choses.
40
R.B
Ci-dessus :
Les déserteurs,
introduisant de
nouvelles techniques
de
combat, firent aboutir
plus rapidement les
luttes pour le pouvoir.
L'alcool :.un voyageur
offrant à boire à son fa/o.
Les premiers
explorateurs traitent
tous dans leur récit de
du goût
prononcé des insulaires
pour l’alcool. A chaque
fois qu’il recevait des
voyage
chefs à
sa
table sur la
Bounty, W. Bligh se
voyait à plusieurs
reprises invité à boire
à la santé du roi
d’Angleterre.
L’alcoolisme fit
rapidement des ravages
au
milieu des
populations
polynésiennes à qui l’on
offrait, en échange de
services rendus, des
boissons alcoolisées.
Dès l’arrivée des
premiers baleiniers,
plusieurs débits de
boisson apparurent
dans les îles. Alcoolisme
et prostitution allaient
de pair avec la présence
des déserteurs ou des
convicts échappés de
Nouvelle-Galles du Sud.
Gravure de
Godfrey d’après
S. Parkinson.
3 L’introduction du christianisme
1797-1815
L5 influence croissanteprofondes.
des Européens
dans traduisit
lesîles de Polynésie
toute une
Cetteentraîna
influence
l’Introduction
de
série de mutations
se
par
notions nouvelles qui ne pouvaient qu’affecter gravement ces bases essentielles que
sont la politique et la religion.
Au XVIIP siècle, les représentants de l’Ancien Monde ne pouvaient concevoir de
gouvernement autre que monarchique. A Tahiti, comme dans toute l’Océanie, ils
tentèrent, dès leur arrivée, d’entrer en contact avec le “roi”, le “grand chef”, détenteur
de toute autorité politique. Ainsi, débarquant à Matavai, les Européens virent dans la
personne de \'ari’i de cette seule chefferie, le maître des îles du Vent. Leur
comportement ne fut pas sans influer sur celui de cet ari'i, chef des Porionu’u. Mais
cette notion de chef suprême était étrangère aux Tahitiens. Il n’est même pas certain
que Pômare P’ l’ait parfaitement perçue...
Il en alla autrement de Pômare II, habile stratège, à qui la fréquentation plus
assidue des Européens permit d’entrevoir tout le bénéfice qu’il pourrait tirer de
l’unification de l’île à son seul profit. Pômare II fut, certainement, le plus novateur des
chefs polynésiens de son époque. Mais, jusqu’en 1808, son action demeura
profondément ancrée dans le système des mentalités polynésiennes traditionnelles.
L’ascension de Pômare II ne peut être dissociée de l’intense activité des
missionnaires de la London MIssionary Society. Ceux-ci, en dépit de leurs premiers
insuccès, consolidèrent leur position auprès des Tahitiens et de celui qui les avait pris
sous sa protection. Entre eux et Pômare II, une alliance s’était établie. Mais les buts
poursuivis des deux côtés étaient différents ; cette alliance ne fut pas sans arrièrepensées, et sans risques de crises graves.
La London
Missionary Society
et
ses
missionnaires
La vague des colons missionnaires
sur les îles de la Polynésie orientale
déferla
qui
dès
la fin du XVIIP siècle était le résultat du
religieux connu en Angle¬
de “Renouveau évangé¬
lique” (Evangelicat Revival). Ce mouvement,
dont les racines plongeaient dans la Réforme,
était constitué de
plusieurs Églises et
regroupait anglicans, calvinistes, méthodistes
et congrégationalistes. Tous souscrivaient à
mouvement
terre
sous
social et
le
nom
des croyances doctrinales communes et se \
consacraient au salut des âmes et à l’amélio- I
ration de la société par le commerce et l’indus¬
trie. Le Revival a\a.it profondément influencé
anglaises au
de la révolution industrielle et, dans une
certaine mesure, l’étranger, au travers de ses
la condition des basses classes
cours
philantropiques et réfor¬
qui de 1830 à 1907,
assemblées évangéliques.
réunions de sociétés
matrices à Exeter Hall
servit
aux
Roi de Tahiti dont ni le
costume ni la pose ne se
rapprochent de la
réalité. Lors de la
Les
paysages idylliques
de l’intérieur des îles
hautes inspirent les
peintres et plus
particulièrement
George Tobin en 1792.
Sauvages pacifiques,
vivant
au
milieu d'une
nature riche et
généreuse, tels
apparaissent alors les
païens aux directeurs
période proto¬
historique, la notion de
monarchie
ou
de chef
suprême et unique est
étrangère aux
Polynésiens, excepté
dans le royaume des
Tonga. Cette illustration
de 1785 représente en
fait l’un des costumes
d’une pantomime
anglaise qui prit Tahiti
pour cadre.
de la L.M.S.
41
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
Missionary Society (Société
Londres), dont l’activité à
Tahiti s’étendit jusqu’aux années 1850, avait
été créée en 1795 par le Révérend T. Haweis et
quelques autres personnalités afin d’en¬
courager les évangélistes à suivre l’exemple
des baptistes aux Indes, en envoyant dans les
La London
des Missions de
mers
du
“des
Sud
hommes
de
Dieu
mécaniques”. En fait,
Thomas Haweis avait déjà essayé d’envoyer
quatre missionnaires avec le capitaine Bligh,
lors de son second voyage en 1791. Il fit princi¬
palement connaître ses projets dans ses
sermons et dans
The Evangelical Magazine
Et c’est grâce aux souscriptions publiques
qu’il put financer l’achat du Duff en 1796 et
organiser la sélection des candidats mission¬
entendant
les
arts
.
naires.
Le choix de Tahiti
Il
ne
fait
■ aucun
doute
que
les premiers
directeurs de la L.M.S. ont été influencés par
les récits de Cook, Bougainville et autres
navigateurs
comme
qui
tout à
fait
décrivaient la Polynésie
capable de répondre aux
besoins des familles missionnaires. Mais ils
furent
rendus
également décidés
de coutumes
par les comptes
païennes, comme les
sacrifices humains et les infanticides, qui, à
leurs yeux, réclamaient un secours spirituel.
conjonction d’abondance matérielle et
de dégénérescence sociale était au centre
même des préoccupations du mouvement
rénovateur en Angleterre. C’est cela qui devait
conditionner la campagne missionnaire en
Polynésie jusqu’à une date avancée du XIX'
siècle. D’autre part, les informations émanant
de marins qui rapportaient que Pômare et les
Cette
seulement
missionnaires,
plupart étaient très jeunes et n’avaient aucune
idée de l’ampleur de la tâche qui les attendait.
Ils n’avaient reçu aucune préparation et même
achevèrent
de
décider
T. Haweis et le Révérend Samuel Greathead.
La langue tahitienne passait pour facile à
apprendre, et ils entreprirent de recueillir toüs
les renseignements, lexiques et documents
rapportés par Bligh, les mutins de la Bounty et
les Polynésiens qui s’étaient rendus à Londres
depuis la fin des années 1790. Une partie de
cette documentation fut publiée dans le
"Voyage of the Duff’ de James Wilson en
1799. Les instructions rédigées par T. Haweis
à l’usage des missionnaires et du capitaine
Wilson furent communiquées en 1796.
étaient
ordonnés
La
si tous savaient lire et écrire et étaient familiers
la littérature religieuse, les sermons et la
Bible, leur instruction était plutôt rudimen¬
avec
taire.
avait parmi eux des charpentiers, des
un forgeron, un soldat, un bottier,
un drapier, un tisserand, un jardinier et un
apprenti boulanger. Deux ou trois étaient
Il y
tonneliers,
D’autres facteurs favorisèrent le choix de
possibilité de transport et d’appro¬
partir de la jeune colonie
pénitentiaire de la Nouvelle-Galles du Sud,
et le passage épisodique de baleiniers et de
navires de la Compagnie des Indes orien¬
tales ou des sociétés qui se livraient au
Tahiti
:
la
visionnement à
commerce
naissant des fourrures
sur
i.
la côte
l’Amérique (Alaska). On savait que
des missionnaires espagnols avaient été
envoyés par le roi Carlos en 1772 -1776 et ceci
peut avoir poussé les protestants à une
“riposte”. Mais la principale raison du choix
de Tahiti a sûrement été la publicité faite aux
îles de la Société en Angleterre, à partir de
1767, et l’inclination à considérer cet archipel
comme
un
poste avancé de l’influence
britannique dans les mers du Sud.
ouest de
Le choix des missionnaires
29
Les
missionnaires
Pacifique
des
'
transportés dans le
1797 étaient presque tous issus
les plus basses de la classe
(“lower middle-class"). Quatre
en
couches
moyenne
Des missionnaires
inexpérimentés. Dans
les rues du Londresde la
fin du XVIII' siècle,
s’active cette “lower
middle-class" qui a vécu
intensément le
Renouveau
évangélique. C’est dans
ce milieu peu aisé que la
42
ministres.
chefs tahitiens accueilleraient volontiers des
Thomas Haweis
(1734-1820). Ce pasteur
anglican fonde en 1795
la London Missionary
Society. Dès 1791, il a
tenté d'adjoindre des
missionnaires à la
seconde expédition de
W. Bligh et, ce projet
ayant échoué, il dut
attendre 1797 pour
ses efforts
récompensés.
voir
Les ports anglais, en
cette fin du XVIII®
siècle, se tournent de
plus en plus vers le
Pacifique. La création de
la colonie de la
Nouvelle-Galles du Sud
favorise l’essor des
liaisons maritimes dont
vont
profiter les
anglais.
missionnaires
L'INTRODUCTION DU CHRISTIANISME 1797-1815
possédait quelques
qui fut
pionnier aux Marquises et repartit
d’Angleterre pour un second séjour à Tahiti,
avait débuté dans la vie comme domestique
chez un gentilhomme. J.C. Jefferson, quant à
lui, avait été acteur, puis instituteur. On a
maîtres d’école et
un
autre
connaissances médicales. W.P. Crook,
décrit
ces
hommes
comme
“d’aimables
bricoleurs” plus que comme de véritables
artisans. Cinq d’entre eux étaient mariés et
emmenèrent leur épouse. Ils furent débarqués
du
Duff
avec
leurs femmes dans la baie
Matavai, en mars 1797. Un missionnaire
(W.P. Crook) fut envoyé aux Marquises, et
dix autres s’installèrent aux Tonga.
Une seconde expédition, ne comprenant
de
moins de 50 membres, fut organisée dès le
Duff en Angleterre. 11 repartit en
1798 pour être arraisonné par un corsaire
français et renvoyé d’où il venait. Ce manque
pas
retour du
de
renfort condamna les missionnaires de
Matavai
à
un
isolement
relatif,
rompu
par la visite occasionnelle de
navires de la Nouvelle-Galles du Sud.'Cela les
seulement
obligea à ne compter que sur eux-mêmes et sur
leurs alliances
les Tahitiens. Dès le début,
avec
certains ont tenu
un
journal et, selon les
instructions reçues, ils adressèrent des lettres
ouvertes à la L.M.S., tout en entretenant
correspondance privée.
inépuisable de
renseignements, quoique limités par leur
ignorance de la langue au cours des
premières années. J. Wilson, le capitaine du
Duff, fit le tour de Tahiti et apporta sa
parallèlement une
Tout cela constitue
contribution
à
une source
la
connaissance
de
la
topographie, des divisions politiques, des
populations des districts et de leurs noms. De
plus, un certain nombre des premières lettres
des
missionnaires parurent dans les
périodiques comme
Transaction de la
L.M.S. ainsi que dans les rapports de la
Société. Le premier de ces rapports, rédigé et
envoyé par James Wilson, à la fin de 1797,
raconte le déroulement du voyage et le
débarquement. Il y eut ensuite un long
silence jusqu’en 1800 et l’on apprit alors que le
gros de la première troupe missionnaire était
reparti.
L’installation des
missionnaires à Matavai,
par William Wilson.
Le 1er officier du Duff
ne reste pas assez
longtemps à Tahiti pour
vue
comprendre à quelles
difficultés les 18 jeunes
volontaires vont être
confrontés. Mais, en ces
premiers temps,
l'accueil courtois, bien
réservé, des
principaux chefs de l’île
que
est de bon augure.
43
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE
AU MONDE
Accueil de la L.M.S.
à Tahiti et
Marquises
aux
une
comprendre, bien qu’ils eussent reçu quelques
informations sur la politique de l’île, grâce à
deux Suédois, Peter Haggerstein et Andrew
Lind, qui avaient été laissés à Tahiti par des
baleiniers et s’étaient rangés dans le camp
Pômare. C’est ainsi que les missionnaires
apprirent que Pômare 1 et ses fds, en tant que
chefs des Porionu’u à Pare et à Arue, étaient
train de consolider leurs titres dans les
en
districts,
autres
cérémonies
sur
par des combats et des
les marae de ’Oro. Contrai¬
à
l’opinion des navigateurs et des
missionnaires britanniques qui les consi¬
rement
déraient
fils
comme
aîné
des “rois”, ni Pômare ni son
achevé
le processus
n’avaient
d’investiture, entamé peu après 1790, avec
l’appui des grands chefs de Raiatea. L’un de
ces derniers, Ha’amanimani,
grand-prêtre et
oncle de Pômare LL accueillit les immigrants
en échange de leur soutien. Les
missionnaires,
pour leur part, continuèrent à considérer leur
propre sécurité comme fortement
de la cause de Pômare.
dépendante
Ils furent d’abord installés dans la grande
maison bâtie pour Bligh à Matavai près de la
pointe Vénus. Ha’amanimani et les .Pômare
leur firent généreusement “don” d’une portion
la
presqu’île
de
Matavai,
événement
commémoré par le tableau de R.A. Smirke,
où l’on voit le portrait des principaux chefs et
missionnaires. De leur place
privilégiée, ils
purent constater que la politique tahitienne
était
plus complexe
l’avaient
ne
avait
que
imaginé.
Pour commencer,
une
différence
les marins de
passage
ils s’aperçurent qu’il y
entre
le statut social
et
religieux des ari’i tahitien's d’une part, et
d’autre part leur pouvoir et leur autorité civile.
Les rites de consécration sur les marae
d’autres clans et les alliances par le sang,
l’adoption
ou
le mariage étaient absolument
essentiels à l’ascension des Pômare. Mais les
privilèges dévolus aux autres districts, ainsi
qu’ils exerçaient eux-mêmes sur les
Porionu’u, entraînaient la levée de beaucoup
que ceux
de tributs et de nombreux sacrifices humains.
De telles impositions constituaient un fardeau
pour les ra’aiira et les chefs de familles
élargies, qui vivaient d’agriculture, de pêche et
d’artisanat. On respectait les chefs et on leur
obéissait. Mais les missionnaires notèrent des
signes de mécontentement parmi le petit
peuple, chez qui hommes et ressources étaient
prélevés pour le maintien du pouvoir, tant
militaire que religieux, de ces chefs, surtout
lorsque ceux-ci étaient à la tête de lignages
différents.
Plus
soulignèrent
cette division entre chefs et gens
comme élément déterminant de
du
commun
leur
tard,
les
missionnaires
interprétation des événements à Tahiti.
Ils utilisèrent souvent le terme de “rébellion”
44
Les
erreurs
des missionnaires
premier exemple survint dans les districts
de Pare et Arue, peu de temps après le
débarquement des missionnaires. Ils furent
témoins d’un différend entre Pômare L'et son
fils Tu (Pômare II) au sujet du transfert du
titre
de Matavai à un fils plus jeune,
Teri’inavahoroa, qui détenait déjà celui de
Vehiatua dans la presqu’île de Taiarapu.
Faisant fi de ses liens de proche parenté. Tu
Pômare s’allia avec Temari’i, chef de Papara,
et
fut secondé par Ha’amanimani pour
attaquer à Matavai les partisans de son père
qui lui refusaient provisions, serviees et
sacrifices. Pômare L"" fut obligé d’abandonner
ce titre local et son autorité civile
générale à
son fils, tout
jeune homme de 19 ou 20 ans.
Ha’amanimani fut assassiné sur l’ordre de la
mère de Pômare II, Itia, et les missionnaires,
dont Pômare L'' s’était montré l’ami et le
protecteur, tombèrent en disgrâce.
Cette
la
leçon
politique du
sur
le caractère changeant de
pays et la différence entre le
titre et la réalité du pouvoir, n’a probablement
été bien comprise par les missionnaires en
premiers temps de leur séjour. Ils
commirent en 1798 deux autres erreurs qui
pas
ces
---
Premiers contacts
de
chefferies face
Le
Les missionnaires se retrouvèrent dans
société
qu’ils avaient du mal à
parlant de la résistance à l’intérieur des
aux prétentions des ari’i.
en
mirent
en
danger toute leur “alliance”
famille Pômare
la
faveur
et
de
s’insurgèrent
avec
la
firent rien pour gagner
Pômare H. D’abord, ils
ils
ne
contre la pratique de
l’infanticide chez les principaux ari’i tl dans la
société des arioi que les Pômare protégeaient.
Ensuite, et c’était plus grave, ils tentèrent
d’empêcher le trafic de mousquets et de
poudre en provenance du Nautiius, allant
jusqu’à offrir du ravitaillement pour rien, afin
que les tensions entre chefs rivaux ne soient
pas envenimées par de nouvelles armes. Enfin,
et c’est le pire, ils essayèrent de mettre la main
sur les déserteurs que les Pômare utilisaient
comme auxiliaires, ce qui valut à plusieurs
missionnaires d’être sérieusement malmenés
par
les
gens de Pômare.
A la suite de cette perte
de confiance en
quelque onze des dix-huit
missionnaires partirent sur le Nautiius pour
Port Jackson. En fait, ils avaient accompli
fort peu de choses durant leur court séjour à
Tahiti. Deux d’entre eux au moins, John
Jefferson et John Gook, furent bien près de
leurs protecteurs,
désérter
et
fallut
il
privations de
proximité du
les
nourriture
contraindre
à; demeurer
par
à
camp principal de Matavai.
Francis Oaks et John Gook se virent interdire
d’épouser des
mission
Tahitiennçs. Aux Tonga, la
avait à
peine mieux marché. Un
L'INTRODUCTION DU CHRISTIANISME 1797-1815
plus constructif fut accompli par
Crook, débarqué en 1797 aux
Marquises, à Tahuata d’abord puis à Nuku
Hiva
jusqu’en
1799. Il repartit pour
l’Angleterre sur un baleinier avec un jeune
travail
Timotiti.
Marquisien,
isolement, avait fait
un
Crook,
dans
sérieux effort
son
son
pour
séjour.
Tahiti, les sept qui restèrent (J. Eyre,
J. Harris, T. Lewis,
furent rejoints par
William Henry et sa femme, en 1800. Ils
A
J. Jefferson, Broomhall,
H. Bicknell et H. Nott)
peuvent
Page de gauche :
Cession d'un terrain aux
missionnaires. Sur cette
peinture de R. Smirke,
ne transparaît que la
solennité de la scène du
don
par Pômare II aux
missionnaires. Face à
Pômare I,
Pômare II, le grand-
eux,
prêtre Ha'amanimani,
l’interprète suédois
P. Haggerstein : tous les
W.P. Crook
(1775-1846) fut le seul
missionnaires.
mousquets,
la destruction
sacrifice. Mais surtout, les
appris qu’il n’existait
pas de roi ou chef suprême à Tahiti. Les titres
de la famille Pômare n’étaient toujours pas
solidement établis, et le pouvoir réel leur
échappait.
vaincus
par
missionnaires avaient
Marquises en 1797,
compagnon
J. Harris ne parvenant
pas
à s'habituer aux
mœurs locales. La
solitude n’effraya pas
Crook qui, durant deux
années, partagea la vie
venir à nouveau en
chefs, déserteurs et
avec
des biens de l’ennemi et l’extermination des
son
ici, préfigurant les
conflits à venir entre
membres des familles de
langue. Deux autres furent excommuniés
escarmouches
avec
aux
complexité du pouvoir
politique à la fin du
XVIII'siècle sont réunis
la
contraints
missionnaire à rester
des habitants de
Tahuata et de
Nuku Hiva, se
familiarisant avec leur
éléments de la
être considérés comme les vrais
missionnaires fondateurs, surtout H. Nott et
J. Jefferson qui firent de grands progrès dans
Le pasteur
concubinage
furent
apprendre la langue ; il a laissé une précieuse
grammaire ainsi qu’un journal de
des Tahitiennes. Tous
d’accepter certains faits
inévitables, comme le trafic d’armes et le
recrutement de déserteurs par des chefs
désireux d’établir leur supériorité grâce à
cette “assistance technique”. Ils constatèrent
que la stratégie militaire des Tahitiens n’était
plus la même qu’au temps de Cook : on
utilisait moins les pirogues de guerre et on
pratiquait davantage les raids inopinés, les
pour
William
langue. Crook devait
Polynésie en 1816,
après un séjour
Angleterre et en
à Tahiti,
en
Nouvelle-Galles du Sud.
La
réputation de férocité
Marquisiens était
des
due tout autant aux
tatouages et
casse-tête
guerriers qu’aux
trophées, jugés
sanguinaires.
des
Crâne-trophée. Aux
Marquises, des crânes
d’ennemis vaincus
étaient plus ou moins
apprêtés puis
suspendus aux pirogues
de guerre ou dans le dos
et à la ceinture des
combattants valeureux.
A droite
:
Un habitant de i’iie
de Nuku Hiva, illustré
pour ses tatouages.
C'est
un
probablement
personnage
important qui est
représenté avec
des emblèmes de
prestige : un éventail
et un
bâton de chef
ou une massue avec
poignée décorée
cheveux. Voyage
une
de
de Krusenstern,
in Langsdorff.
1804,
Les Pômare accroissent
leur prektige. Cette
aquarelle de G. Tobin
(1792) permet
d'observer les grandes
cases qui furent
construites pour loger
Bligh et son équipage
lors de son second
séjour à Tahiti. Les
missionnaires
furent d'abord
dans
ces
anglais
hébergés
mêmes
bâtiments, avec la
permission de Pômare
qui pensait que la
présence de ces
nouveaux venus
grandirait encore son
prestige.
45
LA
POLYNÉSIE S’OUVRE AU MONDE
La révolte et l’exode
nouveaux
Les
Après 1800, la lutte
la possession du
dieu ’Oro s’intensifia et tous les mois, les
missionnaires signalaient dans leurs journaux
la résistance des ra’atira aux exigences des
chefs. John Jefferson s’attendait à ce qu’une
rébellion rétablisse un ancien système de
gouvernement dans lequel chaque district
n’obéissait qu’à son propre chef et non à un
ari’i suprême dont les titres recouvraient l’île
entière. De plus, on constatait partout une
diminution de la population, due aux
maladies et au manque de nourriture
occasionné par la guerre.
D’autre part, l’opposition plus générale,
conduite par les chefs d’autres groupes contre
les prétentions de la famille Pômare, était
tenue
en
pour
échec du fait des bons rapports que
avec les Britanniques de la
celle-ci entretenait
Nouvelle-Galles du Sud et les
Matavai.
confirmé
Ce soutien
en
1800
de
négociants de
l’extérieur
lorsque la L.M.S.
se
envoya
vit
de
missionnaires
sur
le
Royal
A dmiral.
nouveaux
avaient
venus, une
douzaine
en
près les mêmes
compétences intellectuelles et manuelles que
leurs prédécesseurs. Deux étaient des pasteurs
ordonnés. Un autre, John Davies, était un
maître d’école du Pays de Galles, d’une culture
grammaticale et linguistique supérieure, et qui
avait un sens aigu des événements historiques
qui se déroulaient autour de lui. Ils
débarquèrent dans la baie de Matavai, le 5
juillet 1801.
tout,
à
peu
Pômare tente de consolider
titres
ses
Bien que le
chef de Porionu’u eût des droits
titre d’an’; rahi de l’île de Tahiti, il
lui fallait encore les faire valoir. A cet effet, la
possession du dieu ’Oro, généralement installé
au marae de ‘Utu’aimahuru, dans le district de
Paea, chez les Oropa’a, et parfois déplacé sur
d’autres marae de Tautira et de Moorea, était
justifiés
à
la
au
fois
une
nécessité
rituelle
et
une
démonstration des
appuis politiques du chef
suprême. Les Porionu’u n’étaient pas assez
forts pour s’assurer seuls une telle prédomi¬
nance.
Mais ils avaient des alliés
aux
îles Sous-
le-Vent, notamment à Raiatea et à Huahine,
où
les
titres
d’an’;
support militaire
terres et des
semblaient être
reconnus comme
plus importants
même si le
nécessitaient aussi
les chefs les
les visiteurs étrangers,
par
commerce des armes n’était pas
limité à la baie de Matavai et n’était point le
monopole de la famille Pômare.
Il apparaît assez claîrement, dans les
archives des missionnaires, que la consécra¬
tion royale de Pômare II s’effectua à Paea et à
Tautira tout au long de l’année 1802. Les
Oropa’a tentèrent d’arrêter cette ascension
rituelle par le cérémonial de pure ari’i, en
attaquant le district de Pare et en s’alliant à
une partie du clan des Teva de Tautira. Les
forces de Pômare contre-attaquèrent et réta¬
blirent
sa
domination
sur
le
marae
de Paea, en
juillet 1802, avec l’aide d’une troupe de marins
britanniques dirigée par les capitaines Bishop
Cet Européen,
accompagné de son
ta/o, a gravi la montagne
dominant la pointe
Vénus et l’île de
Tetiaroa. Chaque
étranger arrivant à Tahiti
était pris en charge par
un Tahitien qui lui
servait de guide,
d'interprète, d’hôte. En
contrepartie, quelques
articles manufacturés
étaient vivement
appréciés. Aquarelle
de G. Tobin.
46
un
ils avaient également des
titres à Moorea. Et surtout, ils
;
L’INTRODUCTION DU CHRISTIANISME 1797-1815
et
House, des schooners Venus et Norfolk.
les missionnaires assistèrent
aux
cérémonies de consécration royale
(décrites dans “Tahiti aux temps anciens”,
Teuira Henry), en mars 1802, et aux
mouvements de la grande flotte de pirogues
qui escortait les prêtres et les alliés venus
C’est à Paea que
Le jeune Pômare II âgé
de 19 ans. En 1803, il
succède à son père. A la
mort de Pômare I, à qui
Il s'est opposé de son
vivant, celui qui se
nomme encore Tu
s’établit durant un an et
demi à Moorea, où il
installe
l’image du dieu
d’autres districts. Les missionnaires tentèrent
prêcher pour prévenir les
hostilités, mais ils ne parvinrent pas à
empêcher la lutte armée, qui eut pour effet la
“capture” de ’Oro et le transport du dieu à
Tautira par Pômare, puis, ultérieurement, son
retour
à Paea.
Ils signalèrent d’autres
d’intervenir et de
’Oro sur le marae de
Papetoai. Ce n’est qu’à
partir de mars 1805 qu’il
tait appeler Pômare II.
Pour les Européens il
se
est le
roi, mais
Tahitiens,
conduisirent à la
révolte de 1808.
les
terres
de
entreprirent leurs
1802.
père en 1803, Pômare II
mère Itia, à la tête des terres
que la famille possédait à Papetoai et à Varari,
dans nie de Moorea, où était installée la fille
en bas âge d’itia. Il hérita aussi des titres et
terres de Taiarapu, Papenoo, Faaa et, bien
sûr, de Pare et Arue. De nouvelles cérémonies
A la mort de
se
son
trouva, avec sa
lieu de 1804 à 1806 pour
consolider ces
quelques autres, mais Pômare ne
détenait toutefois aucun titre à Teva-i-uta et
Te Aharoa. Le récit de ces
grande
cérémonies laisse
penser pourtant que toutes les fractions
tribales reconnaissaient ses titres, même si
elles étaient irritées par l’autorité que Pômare
s’arrogeait sur toutes les attributions de terres
(y compris celles cédées aux missionnaires) et
par ses exigences en tributs et sacrifices.
politique et la ténacité
Pômare, mais son
ascension s’inscrivit
encore dans les rapports
de la société
sur
et
droits et
Ci-dessous :
Pômare I sur son lit de
mort. Le savoir-faire
de ce chef l’ont conduit
à un degré de puissance
sans doute jamais égalé
dans l’histoire de Tahiti.
Il fut bien le fondateur
d’une dynastie, celle des
Moorea,
à
premières tournées de prédication à Tahiti en
eurent
ses
prétentions, déplaisant
aux
étouffées
“rébellions”,
Pômare
Ce fut alors
comble de
la
nécessaire. Son fils agit
en
fait
probablement le
revendications et prétentions à
“royauté”, selon le système traditionnel
d’investiture des titres. Sa position d’ari'i rahi
était encore manifestement instable et, au
traditionnelle, même si
l’aide des Européens
s’est souvent avérée
ses
(yyn
Fait partie de Encyclopédie de la Polynésie . 6 . La Polynésie s'ouvre au monde, 1769-1842