B987352101_R226.pdf
- Texte
-
ENCYCLOPEDIE DE LA PŒYNESIE
l'Encyclopédie de la Polynésie, les habitants de la
Polynésie française ont à leur disposition, pour la
première fois, un inventaire complet et détaillé du
monde dans lequel ils vivent. Pour la première fois, la
somme des connaissances acquises sur tout ce qui
concerne ce pays en ce moment du XX' siècle est
publiée pour décrire les 11 Biles qui le composent, pour
Avec
faire revivre les hommes et les sociétés des temps
passés, pour faire l'inventaire des richesses que leur
offre leur environnement et dresser le tableau de la vie
quotidienne dans la Polynésie d'aujourd'hui.
Une encyclopédie de toute la Polynésie fran¬
çaise : si Tahiti et sa capitale Papeete restent l'organe
Territoire, il est aussi vrai que les archipels qui
composent jouent un rôle déterminant. Par
conséquent, tout au long des 9 volumes de l'Encyclo¬
pédie, Australes, Tuamotu, Gambier, Marquises et
Société sont évoqués, à la fois pour leur appartenance
à l'ensemble polynésien et pour leurs caractères
spécifiques. Ainsi, qu'il s'agisse d'histoire, d'archéo¬
logie, d'économie ou de l'étude des milieux naturels,
l'Encyclopédie apporte un témoignage de la richesse
vital du
le
et de la diversité des îles.
Une encyclopédie thématique : dans cet esprit, une
énumération alphabétique des sujets serait apparue
comme une restriction à l'ampleur du propos. Alors
que la répartition de ces 9 volumes en thèmes
successifs permet une compréhension plus complète
plus profonde des sujets, où l'on verra que, bien
souvent, l'exploration du passé éclaire les conditions
du présent et les possibilités de l'avenir.
et
Une
encyclopédie visuelle
: à notre époque où la
l'image joue un si grand rôle, il
paraît évident de lui donner une place prépondérante
dans un ouvrage de cette importance. .Cartes,
schémas, dessins et photographies occupent plus de
la moitié des pages, ajoutant ainsi à l'information écrite
communication par
une
vision concrète et attrayante de celle-ci.
Une encyclopédie pour tous : qu'il s'agisse du
peuplement de la Polynésie et de sa culture ancienne,
de ses ressources et de la gestion attentive de son
environnement, ou de l'état actuel de son organisation,
il va de soi que le désir de la connaissance passe par le
plaisir de son approche. Textes et illustrations ont
donc été conçus dans un souci de simplicité qui laisse
intacte la rigueur scientifique. Dans chaque volume,
une bibliographie permet de connaître les sources de
la documentation ou d'aller plus avant dans l'étude
d'un sujet. Enfin, un index et un glossaire éclairent les
termes techniques et facilitent ia lecture.
Une
encyclopédie des Polynésiens : un ouvrage de
conception représente un outil de travail pour les
enseignants, une source de références pour les élèves
et les étudiants, un moyen d'information pour tout
esprit curieux. Il permet à tous ceux qui sont nés ou qui
vivent en Polynésie de la mieux connaître et, pour tous
ceux de l'extérieur, de découvrir une image différente
de celle des cartes postales.
Mais, ies dimensions de l'Encyclopédie de la Polynésie
dépassent ces aspects pratiques. Comme tout pays en
plein essor, la Polynésie française est confrontée à ce
défi que constitue l'insertion de sa croissance démo¬
graphique et économique dans le cadre géographique
et politique qui est le sien. Des 9 volumes de cet
ouvrage se dégagent l'historique et le bilan des
ressources dont dispose ce pays. En conséquence
directe, ils mettent l'accent sur ses richesses potentiélles, mais aussi sur la fragilité des équilibres naturel
et humain dont chaque Polynésien est le garant.
cette
; détail d'un tapa de Tahiti (Peabody
Salem, Massachusetts, cl. Mark Sexton).
“Homme et femme de Nuku-Hivâ”, 1843, dessin de
M. Radiguet (Service historique de la Marine, Paris,
cl. Claude Rives).
En couverture
Muséum of
ENCYCLOPEDIE
DE
LA POLYNESIE
ENCYLOPÉDIE DE LA POLYNÉSIE
produite par Christian Gleizal
© 1986 C. Gleizai/Multipress pour la première édition
Editée et
Tous droits réservés. Il est interdit de reproduire, d'utiliser dans une banque de
données ou de retransmettre par quelque moyen que ce soit cet ouvrage,
partiellement ou totalement, sans l'autorisation préalable écrite des éditeurs.
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ENCYCLOPEDIE DE LA POLYNESIE
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•.
la vie quotidienne
dans ia Polynésie
d’autrefois
Ce
cinquième voiume de l’Encyciopédie de ia Poiynésie
Anne
Docteur
ia coliaboration de
en
a
été réaiisé
sous
ia direction de
:
Lavondès,
Ethnoiogie, Ingénieur de recherche à i’O.R.S.T.O.M.,
Babadzan, Docteur en Ethnoiogie, Chargé de cours à i’Université de Paris X, Nanterre,
Membre de i’U.A. 140 du C.N.R.S., Jean-François Baré, Docteur d’État ès lettres et Sciences humaines.
Chargé de recherche à i’O.R.S.T.O.M., Michel Charleux, Licencié en Sciences naturelies. Maître en Archéoiogie, Enseignant,
Membre de l’U.A. 275 du C.N.R.S., Éric Conte, Maître ès lettres et D.E.A. d’Archéologie,
U.A. 275 du C.N.R.S. et Département d’Archéologie du Centre Polynésien de Sciences Humaines, Catherine Orliac,
Docteur en Archéologie, Chargée de recherche au C.N.R.S. (U.A. 275), Michel Orliac, Diplômé du C.R.P.P. (Sorbonne),
Technicien supérieur au C.N.R.S. (U.A. 275),
et la collaboration des organismes suivants : Centre National de ia Recherche Scientifique,
Centre Polynésien des Sciences Humaines, Département d’Ethnologie de l’Université de Paris X, Nanterre,
Laboratoire d’Ethnologie Préhistorique (C.N.R.S., U.A. 275),
Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative de l’Université de Paris X, Nanterre (C.N.R.S., U.A. 140),
Musée de Tahiti et des Iles, O.R.S.T.O.M. (Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération).
avec
:
Alain
Conception et production : Christian Gleizal
Maquette et coordination de la réalisation technique : Jean-Louis Saquet
Assistante de production : Catherine Krief
Illustrations : Catherine Visse et Jean-Louis Saquet
Documentation : Pierre Montillier, Paris, et Celestine Dars, Londres
Photographies : J.-M. Arnaud, B. Bird, J.-Cl. Bosmel, J. Bouchon, J.-L. Charmet, J.-M. Chazine, E. Conte, K.P. Emory, M. Folco,
M. Frimigacci, E.S.C. Handy, M. Isy-Schwart, A. Lavondès, G. Lewin, C. Orliac, M. Orliac, J. Oster, P. Ottino, H. Ouwen,
F. Ravault, C. Rives-Cedn, A. Ropiteau,-J.-L. Saquet, M. Sexton, J.F.G. Stokes, A. Sylvain, B. Vannier, G. Wallart.
celles confiées par leurs auteurs ou leurs agences sont publiées avec l’autorisation
des sociétés ou organismes suivants :
Dans le Pacifique : Musée de Tahiti et des Iles, Tahiti ; Opatti, Tahiti ; Musée Néo-Calédonien, Nouméa ; Dixson Library, Sydney ; Mitchell Library,
Sydney ; National Library of Australia, Canberra ; The Alexander Turnbull Library, National Library of New-Zealand, Wellington ;
Auckland Instituts and Muséum ; Otago Muséum, Dunedin ; Bishop Muséum, Honolulu.
En Europe : Archives Nationales, Paris ; Bibliothèque Nationale, Paris ; Hôpital d’instruction des Armées de Brest ;
Musée des Antiquités Nationales, St-Germain-en-Laye ; Musée d’Aquitaine, Bordeaux ; Musée des Beaux-Arts de Lille; Musée de l’Homme, Paris ;
Musée Municipal des Beaux-Arts de Rochefort-sur-Mer ; Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris ; Muséum d’Histoire Naturelle de Grenoble ;
Muséum
d’Histoire
Naturelle
et
d’Ethnographie de La Rochelle ; Service Historique de la Marine, Paris.
British Muséum, Londres ; Ethnografiska Museet, Stockholm
Musée d’Ethnographie, Genève ; Musée d’Histoire de Berne ;
Musées Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles ; Muséum für Vôlkerkunde, Vienne ; National Maritime Muséum, Greenwich ; Pitt Rivers Muséum,
Oxford ; Royal Muséum of Scotland, Edinburgh ; University Muséum of Archaeology and Anthropology, Cambridge.
En Amérique du Nord : Archives Publiques du Canada, Ottawa ; Metropolitan Muséum of Art, New York ; Peabody Muséum of Natural Histqry,
Yale University, New Haven ; Peabody Muséum of Salem ; Yale Center for British Art, New Haven.
Les
photographies autres
L’illustration de
ce
que
volume
a
grâce à la collaboration de
plus particulièrement fait appel aux collections du Musée de Tahiti et des Iles,
sa directrice M. Lehartel, de V. Mu-Liepman, conservateur, et de H. Ouwen,
assistant conservateur chargé des collections.
Des collections privées nous ont été rendues accessibles grâce à l’obligeance de leurs détenteurs :
Mme Adélaïde de Ménil, New York ; M. Yves du Petit-Thouars, Indre-et-Loire ; M. Pierre Loti-Viaud, Sceaux.
CHRISTIAN GLEIZAL / MULTIPRESS
.
Ces grandes pirogues
doubles ont disparu à la
fin du XVIII® siècle, peu
après l’arrivée des
Européens.
Faites pour la guerre,
mais aussi pour la
parade, elles résument
un peu ce qui existait à
Tahiti
au
moment des
d’habiles constructeurs
de pirogues, des
sculpteurs, des artisans
sachant
fabriquer de
somptueux ornements,
etc.
Sur ce tableau, réalisé
par le dessinateur
W. Hodges à partir
de
propres croquis,
mais après son retour en
ses
premiers contacts : une
société particulièrement
organisée et
sont
pouvoirs sacrés, qui
de Huahine.
C'est à Tahiti, àu cours
de son deuxième voyage
dans le Pacifique, que le
hiérarchisée avec ses
chefs et ses prêtres
pourvus d'autorité et de
sens du prestige ; des
spécialistes aux
étaient aussi des experts
dans l'art de la guerre.
Angleterre, les pirogues
peintes devant un
paysage représentant le
rivage de Fare dans l’île
capitaine Cook observa,
avec ses
compagnons,
un
grand
rassemblement et les
manœuvres
impeccables de 160
pirogues doubles,
Ce tableau, conservé
au
National Maritime
Muséum de Londres, a
été illustré et commenté
par R. Joppien et
B. Smith (1985).
Avant-propos
Depuis le tout début de notre ère et peut-être même avant, des Polynésiens avaient réussi à s’établir dans les
archipels les plus orientaux de
rOcéanie. Ils sont sortis de leur isolement pour
émerger de la préhistoire telle que la définissent les Occidentaux, au moment où ceux-ci
les faisaient connaître, par l’écriture, au reste du monde. C’est surtout à
partir de 1767 que s’est produite la découverte réciproque
de deux cultures bien différentes. En quelques années, les habitants des
Tuamotu, des îles de la Société, des Australes, des Marquises,
des Gambier, vont faire connaissance avec ces
représentants de l’Europe que sont les navigateurs comme le capitaine Cook,
mais surtout avec ce qu’ils apportent : le métal, les armes à
feu, l’alcool, le commerce, d’autres façons de vivre et de penser et, très vite,
le christianisme. Les relations, d’abord brèves et
irrégulières, vont devenir permanentes après l’arrivée à Tahiti, en 1797,
des premiers missionnaires anglais.
Les divers effets du contact, l’adoption de valeurs nouvelles
changèrent rapidement les modes de vie des Polynésiens. ■
Ils eurent pour conséquence une transformation
profonde des modèles culturels et la disparition de ceux qui étaient inséparables
de la religion traditionnelle. La mémoire collective en subit le choc au
point que la tradition orale n’a pu transmettre une image fidèle
du passé polynésien antérieur à la christianisation.
Dans ces conditions, la recherche des faits sociaux et matériels
qui, dans leur complexité, faisaient l’originalité et la richesse des sociétés
polynésiennes d’autrefois, n’est pas facile. Ce domaine de l’ethnologie qu’il est devenu habituel d’appeler
“anthropologie culturelle” et qui a
pour vocation d’étudier une société particulière dans sa persistance et ses transformations, doit devenir aussi
“historique”.
Beaucoup de questions se posent alors au chercheur, surtout sur le temps et sur la valeur des diverses sources écrites ou
iconographiques
dont il dispose. Les documents écrits entre 1770 et 1830 restent
précieux, malgré leurs lacunes et leurs défauts, particulièrement quand
ils sont des témoignages directs. Ils sont souvent mis à contribution dans ce
cinquième volume de l’Encyclopédie de la Polynésie
essayé de retrouver et de mettre en relations les indices capables de jalonner valablement cette piste en
pointillé que constitue
la recherche du passé. Chacun de nous l’a fait suivant sa
spécialité et ses connaissances. L’archéologue, par exemple, a utilisé surtout
son expérience directe des
vestiges de la préhistoire pour décrire l’outillage Ethique.
Nous aurions souhaité que la parole des Polynésiens d’autrefois se fasse entendre
davantage, mais (hélas 1) bien rares sont les ouvrages
où elle a été scrupuleusement transcrite. C’est
pourquoi nous avons tous puisé abondamment dans le désormais classique
“Tahiti aux temps anciens” de Teuira Henry,
malgré ses imperfections. Nous avons utilisé aussi des informations fournies par le présent
quand elles pouvaient contribuer à éclairer le passé, grâce à la tradition orale ou par la persistance de
techniques et d’habitudes
authentiquement polynésiennes. Une des difficultés de ce projet, en raison de l’abondance des sujets à traiter et de la
spécialisation
des auteurs, plutôt axée sur les îles de la Société, était de bien
distinguer et de mettre en évidence l’identité culturelle et les particularités de
chaque archipel. Nous avons essayé de le faire clairement, chaque fois que c’était possible et nécessaire, sans
pour autant faire
éclater en petites unités artificiellement étanches des
groupes sociaux qui, à bien des égards, partageaient les principales caractéristiques
d’un héritage commun (langue,
techniques, utilisations des ressources, etc.).
Nous avons voulu que les illustrations,
particulièrement abondantes et souvent peu connues, surtout dans leurs coloris originaux,
ne soient pas seulement décoratives. Elles viennent en
interdépendance avec le texte pour qu’ils se complètent et s’enrichissent mutuellement.
Une très large place a été accordée à la culture matérielle et donc aux
objets. Ils n’ont pas toujours un intérêt irréfutable :
comme les textes ou les
images, ils doivent être soumis à la critique. Mais les plus valables restent des témoins irremplaçables d’une
époque
où se manifestaient à travers eux les
croyances, le savoir et les remarquables qualités artistiques des Polynésiens. Les
coH^fcns
du Musée de Tahiti et des Iles sont particulièrement bien
représentées, d’abord pour leur valeur propre, mais aussi pour
dlleure
connaissance que j’en avais après avoir été longtemps conservateur dans ce musée et en avoir
assuré la direction de 1976
Je suis reconnaissante à sa directrice actuelle, M.
Lehartel, de m’avoir permis d’utiliser ici cette expérience. Il était impossible
infermer
toute une culture en si
peu de pages ou même de restituer un peu plus de la fraîcheur originale et de la diversité vivante de cen
R passé.
Comme l’arbre de la légende polynésienne de Hiro, “il est si vieux
qu’il n’a plus de feuilles... C’est un vieil arbre tout tordq^
plein de noeuds et creusé par la pluie”. Je remercie mes cê^jj^^s d’avoir accepté de retrouver avec moi un
peu
où
de
nous avons
ce
tronc ancien et de
Anne
ses
racines.
LAVONDÈS
■1.^
' '. ■.a.f/yi.
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0/4'X’'
WÊi
m
Sommaire
1
Outils et techniques avant l’arrivée du métal
■
2
m.oruac
Les matériaux et leur
9
acquisition
débitage des roches. Façonnage des outils
12
Choix et
14
Fabrication des herminettes
16
L’herminette
:
18
L’herminette
:
caractéristiques
répartition géographique et chronologique
20
Préhension et emmanchement
22
Outils et travaux
Les habitations de Polynésie
'
28
Les types architecturaux en
Les bâtisseurs
32
Les matériaux de construction
Construction d’une maison à caractère
25
Lao
c. oruac
Polynésie
exceptionnel aux îles de la Société
L’aménagement intérieur, le mobilier et le décor architectural
34
Diversité fonctionnelle des maisons tahitiennes à la fin du XVllP siècle
36
L’homme et la
41
mer
Nature et surnaturel
44
Les embarcations de
E. CONTE
pêche
L’équipement du pêcheur
Pêche de lagons et de récifs
Les pêches du proche large
46
48
50
52
La mer, source de matières et de divertissements
54
La
navigation hauturière
: un
art disparu
Ressources, échanges et consommation
Les
57
et
64
La noix de
Les repas
Drogues et médicaments
70
Le corps,
75
85
fait mal interprété
les dessins originaux sur
a en
lesquels la mère est
long pareu
porte les cheveux
vêtue d'un
courts. Ici la coiffure et
le costume sont
Les
,,
J. Banks, fit de
nombreux dessins d’un
A. Lavondès
Rang et prestige
archipels
A. Lavondès
...
A. Lavondès
99
L’art des îles
Marquises
Langage et littérature orale
La musique
Danses, danseurs et art dramatique
jeux,.les sports et la
114
116
117
8
;
119
A. LA VON DÈS
les représentations
Formes et volumes
112
pour
Tahiti.
Dessinateur lors du
1er voyage de Cook qui
dura trois ans, il mourut
plastiques
Arts
111
grand intérêt
ethnographique
pirogues.
A. Lavondès
A. Lavondès
92
111
Le jeu sur les mots
guerre
J.-F.
BARÉ, A. LAVONDÈS
J.-F. Baré
Jeux d’enfants
J.-F. Baré
Sports d’adultes et sports collectifs
Sports de lutte et sports guerriers
La guerre : sa place dans la société
Contextes et pratiques de la guerre
Jeux et guerre dans les autres archipels
J.-F. Baré
De la naissance à la mort
121
M. CHARLEUX
La parure aux îles Marquises
Ornements des îles de la Société et des
96
103
masculins.
d'habitation telles
qu’elles se présentaient'
à Tahiti à la fin du
XVIII® siècle : maisons
pour dormir, pour se
nourrir, et hangars à
LAVONDÈS.
M. Charleux
Art, artistes et société
106
Sydney Parkinson
(1745-1771), peintre
naturaliste engagé par
voyage de Cook, on
distingue les unités
A.
A. Lavondès
89
101
et
exécutée lors du dernier
parure
Les arts
coloriée, d'après
S. Parkinson. Le graveur
Vaiteplha. Sur cette
aquarelle de J. Webber,
ressources
Le tapa
Les vêtements
87
Page suivante :
Vue de la baie de
le vêtement et la
Le corps
Le tatouage
73
83
coco
Propriété, exploitation et répartition des
68
peu avant le retour.
tubercules
66
78
LAVONDÈS
Cuisson des aliments
62
81
A.
terrestres
Préparation et conservation des fruits, racines
60
Adulte et enfant aux îles
de la Société. Gravure
de T. Chambers
ressources
Les'statuts sociaux
124
La mise
126
Enfance et adolescence
128
Le
130
La maladie et la mort
au
J.-F. Baré
J.-F. Baré
J.-F. Baré
A. Lavondès
A. BABADZAN
monde
mariage
132
La mort et l’au-delà
134
Les funérailles d’un chef tahitien
137
Index
,140
Bibliographie
7
m
Outils et techniques
avant l’arrivée du métal
témoignages sur la vie quotidienne des Polynésiens à l’époque des premiers
Européens sont nombreux, mais l’attention des nouveaux venus
ait plus souvent sur les produits finis que sur les étapes de leur fabrication,
option des outils de métal a précédé celle des Idées nouvelles et, si les
îionnaires ont relaté la progression de ces dernières, il ne s’est pas trouvé d’artisan
r décrire le passage de l’herminette de pierre à la hache de métal. Dans cette
jre polynésienne où la matière et l’esprit n’étaient pas dissociés, l’abandon des
îrlaux traditionnels, et probablement celui du rituel qui accompagnait leur
sformation, a engagé le processus de rupture avec les dieux des ancêtres.
L’archéologie est encore trop neuve en Polynésie pour apporter des informations
a brève période de transition technologique pendant laquelle le métal a remplacé
erre, la coquille et l’os ; elle révèle cependant un outillage beaucoup plus diversifié
ne le laissaient supposer les sources ethnohistoriques.
Les techniques employées avant l’arrivée du métal transparaissent toutefois dans
idition orale par des descriptions souvent plus précises que celles données parles
ipéens. Ces techniques ont été également en partie conservées dans le
es
contacts avec les
bulaire ancien recueilli à
6
que ou dans
monde déjà
S
un
moment où elles étaient encore vivaces dans la
le souvenir. Enfin, au début du XX® siècle, les ethnologues ont extrait
profondément acculturé des parcelles de la vie matérielle d’autrefois.
matériaux et leur
quisition
et le
sur
matériaux
les Polynésiens utilisaient,
peine transformés, pour leur
étaient les roches volcaniques,
concrétions des grottes, le corail, la.
natériaux que
;nt
«>
à
âge,
les
as
coquille des mollusques, le bois, les dents et les
os, la peau des requins, le piquant des oursins
sable. Tous ces matériaux sont accessibles
les îles hautes, mais sur les atolls,
dépourvus de roche dure, les outils lourds
étaient confectionnés dans la coquille des
mollusques. L’approvisionnement des îles
basses en roches dures pouvait parfois
s’effectuer sous forme d’échanges avec les îles
hautes, celles-ci recevant des nacres contre des
herminettes.
Les matières dures
humaine) transformées
la plupart, collectées
d’origine animale (ou
outils étaient, pour
à l’occasion de la
en
recherche de la nourriture
ou
d’autres activités
(guerre). L’acquisition des roches pouvait être
un simple ramassage ou bien faire l’objet de
l’exploitation plus ou moins intensive des gîtes
minéraux.
Acquisition des roches
Les roches propres
à la fabrication des outils
(basaltes, phonolite, trachyte, dolérite) sont
très largement répandues sur les îles hautes.
Elles étaient nommées ara, haoa aux îles de la
Société. Le tranchant des outils se disait arara,
du verre volcanique en
Polynésie : ce dernier, couramment employé
en Polynésie occidentale, à l’île de Pâques et à
Hawaii, est rare en Polynésie centrale,
cependant il en existe un gîte dans la presqu’île
de Tautira à Tahiti, dans un petit affluent de la
Vaitepiha portant le nom de Temata. A
Mangareva, les roches utilisables sont
désignées par les vocables po’atu maori, kina,
ina et aussi mata, nom
iva, koma, ke’o tamata et ke'o taki.
L’adoption rapide du métal par les Poly¬
a entraîné
un déclin fulgurant du
travail de la pierre, aussi les témoignages sur
les techniques d’acquisition des roches sont-ils
très rares ; jusqu’à aujourd’hui, l’archéologie
ne les a dévoilées que très partiellement. Les
nésiens
Fendoir à ’uru, en bois
dur, Tahiti.
L’équipement des
Polynésiens faisait
appel à une diversité de
matériaux que les
découvertes
archéologiques rie
reflètent que très
rarement.
Que resterait-il de ces
objets et en particulier
des plumes et des liens
de fibres végétales ?
Au pire la lame
d'herminette et le penu,
au mieux la nacre et l'os,
exceptionnellement
quelques objets en bois
fibres.
C’est ainsi qu'il ne reste
rien du prolifique
artisanat végétal des
ou en
'{^wté
^ (yt(?njû,s, o/jne. ^A'a^à'ed crjf
temps anciens.
Gravure d'après
S. Parkinson.
9
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA POLYNÉSIE D'AUTREFOIS
•1
d’habitat anciens sont généralement
parsemés d’éclats et d’outils en pierre, parfois
regroupés en amas de rejets, où sont mêlés
éclats de débitage et fragments d’outils brisés
sols
en cours
de fabrication
ou
lors de leur utilisa¬
parfois importants, ne doivent
être confondus avec les ateliers, lieux
spécialisés dans la fabrication ou l’utilisation
de certains types d’outils. Ces amas de rejets,
situés à proximité des habitations, montrent
parfois une grande diversité pétrographique
qui rellète le caractère non spécialisé de
l’acquisition des matières premières : c’est
dans 60 blocs de roches ou galets différents
qu’ont été débités 270 des éclats couvrant les
tion. Ces amas,
pas
sols d’habitat
anciens d’un abri-sous-roche
de la Papeno’o.
pierre employé le plus
massivement était un outillage d’éclats bruts
ou
à
peine aménagés que chacun
de
la
vallée
L’outillage
de
moyenne
confectionnait
pour son propre usage en
choisissant les matériaux les plus appropriés
offerts par les pentes des collines, le lit des
torrents et des rivières et les plages de la mer.
Les outils plus élaborés (herminettes, ciseaux,
pilons) ont souvent été façonnés, eux aussi,
dans des matériaux de fortune, en général des
galets.
En haut
Des fiions de roche
basaitique dense et à
grain fin, parfois propres
à la fabrication d’outils,
traversent des nappes
de roche plus tendre.
10
A gauche :
Déchets d’extraction et
de taille de la pierre.
Ces éclats sont associés
à quelques préformes
d’outils et à des ratés
de fabrication.
de
roche
exploité selon les besoins, sans qu’il y ait,
cependant, ouverture d’une carrière
d’extraction. C’est sans doute ce type de gîte
qui a été signalé à J. Wilson lors de son tour de
Tahiti
en
1797
:
“Les collines fournissent...
pierre noirâtre qui semble être une lave, en
blocs de 2,40 m à 3 m de long et 0,12 à 0,30 m
d’épaisseur et dont ils” (les Tahitiens)
“faisaient autrefois leurs outils de pierre ; elle
est d’un grain fin, quoique pas très dure ni
sujette à éclater, ce qui répond le mieux au but
des indigènes, car ils pouvaient ainsi lui
donner plus facilement un tranchant”. Cette
description évoque les colonnes de basalte
prismatique qui ont pu être exploitées là ou la
qualité de la roche le permettait ; mais ces
prismes ne sont pas d’un débitage facile et ils
contiennent souvent de gros cristaux.
Les roches de qualité exceptionnelle,
pour la finesse de leur grain et leur résistance,
ont parfois été extraites en carrière ou même
en
galerie, comme dans la vallée de la
Papeno’o à Tahiti, et diffusées loin de leur
gîte, comme les basaltes à grain fin de Eiao (île
au nord des Marquises) et de Maupiti (île de
l’archipel de la Société).
A Eiao, “de petits ateliers existent sur
une
toute
:
Acquisition des roches.
affleurement
Lorsqu’un
favorable au débitage était situé à proximité
des lieux d’habitat, il pouvait également être
l’île, mais
assez
curieusement, le centre
de cette industrie semble avoir été
d’une haute crête courant le
au
sommet
long du côté sud
de l’île, à une distance considérable de toute
de matière première” (R. Linton). Les
source
produits de débitage (petites herminettes et
•
o
OUTILS ET TECHNIQUES AVANT
ciseaux) étaient exportés non finis dans toutes
les îles du groupe nord des Marquises, semblet-il.
Maupiti, les trachytes noir jais qui ont
réputation de Tîle, étaient extraits
principalement d’une carrière de Tefarearii.
Cette roche a été taillée pour confectionner,
outre les pilons dont la forme caractéristique
permet de suivre la diffusion à travers tout
l’archipel de la Société, des herminettes et
d’autres outils dont la trace est plus difficile à
suivre en raison de l’absence d’analyse
pétrographique des objets.
A Tahiti, dans la vallée de la Papeno’o,
une roche voisine de celle de Maupiti, au
A
fait
la
L'ARRIVÉE DU MÉTAL
couleur noire et la finesse de son
grain, provient d’un filon exploité par une
galerie profonde de 9 m, haute au maximum
de 4 m et large uniformément de 80 cm
(largeur du filon) ; la cavité représente
l’extraction de vingt mètres cubes au moins de
matière première. La roche se délite en
prismes parcourus de fissures qui ne per¬
mettent pas d’obtenir de bloc mesurant plus
moins par sa
cm sur 15 cm sur 11 cm. Le débitage et le
façonnage de ces blocs étaient effectués à
l’extérieur de la galerie, en un lieu encore
de 25
inconnu. Cette roche était vraisemblablement
prestige confectionnés
des artisans spécialisés.
réservée à des outils de
par
Les colonnes
prismatiques de basalte,
faciles à extraire,
ont pu être débitées
pour fabriquer des outils.
Basalte grossier
dans
lequel s'est injecté
le basalte à grain fin
exploité (en noir)
Mine de la Papeno’o
Dans la vallée de la
.
Papeno'o, un filon
vertical de roche noire,
facile à débiter et
Éboulis pénétrant
galerie '
dans la
prenant un très beau
poli, a été extrait sur au
i
V'
moins 4 m de haut et 9 m
de profondeur ; ce type
d'exploitation est
exceptionnel. A :
coupe longitudinale.
B : coupe transversale.
Vue de l’intérieur vers
l'ouverture
Le filon, large de 0,80 m,
a été extrait jusqu'à ses
faces de contact (ou
.
épontes) avec la roche
encaissante ; les parois
ne portent pas de trace
d'outil.
A droite
:
Quelques-uns des plus
gros déchets
d’extraction de la mine
de la Papeno’o. Ils ne
comportent ni préforme
d’outil, ni raté de
fabrication
:
les blocs
extraits, sommairement
dégrossis, à i'intérieur,
étaient tailiés à
l'extérieur de cette '
gaierie très exiguë.
11
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Choix et débitage
des roches
les ondes de choc suivent des
confection des outils sont à cassure conchoïdale. 11 en existe d’autres “micro-feuilletées”
Façonnage des
outils
Choix de la matière
première
premier geste technique est celui du choix
de la matière première. Lorsque l’on parcourt,
au petit matin, les vastes étendues de galets du
lit de la Papeno’o, certains gardent plus
longtemps que d’autres l’humidité de la rosée
nocturne ; c’est parmi ces galets que se
trouvent la plupart des roches propices au
débitage. Si la forme du galet convient à
Le
l’extraction d’éclats, il est testé
au son, en
plans de cassure
préexistants dans la roche. La plupart des
roches
de
Polynésie utilisées pour la
le
dont la cassure, conchoidale près du point
d’impact, suit des plans de clivage en s’en
éloignant ; les éclats obtenus sont alors très
plats.
Le débitage du bloc de roche brut n’est
possible que si celui-ci présente une morpho¬
logie propice à l’obtention d’éclats : il est
impossible d’extraire des éclats d’une sphère
ou d’une forme trop arrondie ou trop épaisse ;
la force musculaire seule ne permet pas de
débiter un très gros galet ou un prisme de
basalte. Il est cependant possible d’y parvenir
en projetant le bloc contre d’autres roches,
lorsque son poids le permet, ou même de
lancer, depuis un échafaudage, des blocs sur
celui que l’on veut débiter. Un autre procédé,
plus économe d’énergie musculaire, consis¬
terait à fragmenter le bloc par l’action
conjuguée du feu et de l’eau. La première
méthode, encore utilisée en Papouasie, est
hypothétique mais vraisemblable ; la seconde,
qui permettait de débiter (sans que l’eau
n’intervienne) les coquilles de bénitiers aux
Tuamotu, n’a pas été confirmée archéologi¬
quement pour le débitage des pierres, mais
reste cependant tout à fait possible.
Façonnage des outils
Le débitage de la pierre avait deux buts
principaux : la production d’éclats tranchants,
utilisés bruts ou à peine aménagés, et la
recherche de supports d’outils, c’est-à-dire de
frappant légèrement avec une autre pierre :
une
note
aiguë (cristalline) annonce un
débitage aisé ; un son sourd, mat, est le
présage de difficultés immédiates : ténacité
trop forte ou, au contraire, fissures, clivages,
gros
cristaux. L’enlèvement d’un éclat
confirme, si besoin est, cette première
approche. Le galet peut être ensuite débité sur
place, dans le lit de la rivière, ou emporté sur le
lieu d’habitat ou de travail. Ces stades initiaux
la chaîne opératoire du débitage sont
de
connus
de tous les
archéologues qui reconsti¬
les techniques de taille par l’expéri¬
mentation. Un informateur de K.P. Emory,
Tetumu de Faaite (Tuamotu) gardait un
tuent
précis du choix du percuteur
façonnage des herminettes en
coquille de bénitier : “le percuteur utilisé
devait être en calcaire dur appelé kara ou en
coquille de Tridacne, considérée comme le
meilleur matériau. Un bon percuteur, frappé
d’un coup sec, devait rendre un son mat,
appelé langi manni. Une pierre très dure était
appelée langi oro ; moins dure, elle était
appelée langi ranga. Si le son était “étiré,
souvenir très
destiné
au
...
traînant” (comme celui d’une voix traînante
:
laere), il était qualifié de langi ororeva et
indiquait
que la pierre n’était pas bonne, La
même échelle de tons était employée pour
juger la sonorité d’une planche de pirogue
d’un poteau de maison”.
ou
Débitage des roches
Les roches sont souvent utilisées dans leur
forme naturelle pour
des outils
comme
les
percuteurs ; elles sont alors choisies parmi les
plus denses et les plus tenaces. Certaines
roches,
se
délitant
en
plaques
peu
épaisses,
peuvent être sciées en creusant sur chaque face
des sillons opposés à l’aide d’une autre pierre
et d’un abrasif. Mais s’il s’agit d’extraire d’un
bloc arrondi des outils au tranchant affilé, ou
de lui donner une forme aussi complexe que
celle d’une herminette à tenon, alors il n’existe
qu’une technique, vieille
celle
l’humanité,
du débitage par éclats, applicable à
comme
les roches dont la fracture est dite
conchoidale. Ce type de roche, homogène et à
toutes
grain relativement fin, est caractérisé par la
forme en
coquille de la fracture que
produisent les ondes de choc au voisinage du
point d’impact du percuteur. Ce mode de
fracturation s’oppose au clivage, dans lequel
Acquisition des roches.
Les rivières contiennent
dans ieurs aiiuvions
les roches de tous
les terrains
qu'elles traversent.
Après quelques
kilomètres de transport
et des millions de
chocs,
seules les roches dures
résistent sous forme
de galets. Les vastes
étendues de galets du lit
des grandes rivières
offraient ainsi en
libre-service toutes
les variétés de roches
utiles à la fabrication
des outils.
Vallée de la Papeno'o
(Tahiti).
OUTILS ET TECHNIQUES AVANT L'ARRIVÉE DU MÉTAL
de matière première présentant des
biseaux propices à la taille par éclatement,
blocs
auxquels il est aisé de donner
forme
Poly¬
développé la technique de
production d’éclats longs, ou lames qui
implique une préparation particulière du bloc
de matière et une stratégie d’extraction très
spécialisée (débitage laminaire). Mais il arrive
qu’au cours du débitage des éclats longs soient
déterminée. 11
nésiens aient
obtenus ;
ne
une
semble pas que les
ils sont alors souvent choisis
comme
d’outils. Les noyaux de matière
première, ou nucléus, dont sont extraits les
éclats présentent, à leur abandon, la forme de
blocs
prismatiques, de polyèdres ou de
disques.
A l’aide d’un percuteur de pierre dure et
supports
lourde, dont il est difficile de savoir s’il était
toujours tenu à la main
ou
parfois emmanché,
portés
chocs
général sur la face
(face inférieure ou
revers) permettent, par le détachement
d’éclats contigus, de supprimer ou d’aviver un
tranchant, d’aménager une zone de préhen¬
sion ou plus généralement de “dégrossir” le
support ou de lui donner une morphologie
préfigurant celle de l’outil définitif : c’est la
préforme, ou ébauche. Lorsqu’il s’agit d’outils
simples (racloirs, grattoirs, perçoirs), la forme
définitive est acquise à ce stade ou en
employant ensuite un percuteur plus léger, ou
retouchoir qui, par l’enlèvement d’esquilles
(retouches), permet de régulariser les bords.
Avant l’émeulage (ou polissage), la finition
des outils plus élaborés (ciseau, herminette,
pilon) est exécutée par écrasement des
aspérités à l’aide d’un percuteur plus ou moins
pointu.
des
d’éclatement
de
en
l’éclat
le frappant contre
bloc-enclume (e) ;
obtient ainsi
des éclats-supports
d’outils de grande
dimension,
b. Des éclats
relativement grands
en
un
on
peuvent être détachés
à l’aide d’un percuteur
lourd frappant le bloc
Au-dessous
règles du débitage.
L’expérimentation
montre que les chocs
A et B portés sur le
bloc 1, de forme
sphérique, ne détachent
pas d’éclat, de même
que le choc A sur le
Les
bloc 2. Par contre,
les chocs B, B’, portés
sur une
posé sur la cuisse ou
le sol.
Cette technique
sur
:
partie en biseau,
débitent aisément
ce même bloc.
Sur le bloc 3, le choc A
n’est suivi d’aucun effet,
alors que B, porté au
bord du bloc sur un
s’applique également
aux blocs plus petits
angle voisin de 90',
permet des extractions.
La recherche d’“angles
tenus dans la main.
de chasse” inférieurs à
90“ guidait le tailleur de
pierre dans le choix du
bloc de matière
première, puis dans sa
stratégie de taille.
Au cours du débitage,
des "biseaux” devaient
être constamment
prévus pour ne pas
aboutir à
une
impossibilité
de fracturation.
A
/
A
/ \
angle de chasse
angle d’éclatement
bulbe de
Débitage des roches.
Les gros blocs, dont
le débitage est
impossible à l'aide
d’un percuteur,
pouvaient être
fragmentés par
projection d’autres
blocs, ou par projection
d’autres blocs,
comme le font
ces Maoris depuis
le haut d'un rocher
sur
(d’après un tableau
du XIX' siècle conservé
au Musée d'Otago,
Nouvelle-Zélande).
percussion
B
I «
«
'lancettes” convergeant
le point d’impact
vers
talon
pian de frappe
/
'
point d impact
.
,
bord droit
L’éclat obtenu par
percussion d’une roche
à
cassure
conchoïdaie
présente des caractères
constants qui
permettent de
le distinguer de
la fracture produite
par des différences
de température (éclat
thermique) ou
par d’autres causes
de fragmentation
des minéraux.
ondes de fracture
centrées sur le
point d’impact
supérieure ou avers
portant la surface naturelle du bloc
face
débité ou les facettes formées par
le départ des précédents éclats
profil droit
face inférieure ou revers
ou face d’éclatement (ou
encore face de fracture)
13
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Fabrication
des herminettes
Façonnage des préformes
L’examen de la succession des séries d’enlè¬
visibles sur les herminettes n’ayant
subi de piquetage ni d’émeulage permet de
comprendre leur mode de façonnage. De
nombreuses herminettes ont été fabriquées
selon
la
technique très simple décrite
précédemment, c’est-à-dire en taillant les deux
bords d’un éclat à partir de son revers, ou un
galet à partir de sa face la plus plate ; le biseau
vements
pas
de l’herminette est alors souvent constitué par
le tranchant naturel de l’éclat ou aménagé lui
aussi par des retouches. Si le support est épais,
une variante consiste à
prendre ensuite les
bords taillés de la préforme comme plans de
frappe, afin d’extraire d’autres séries d’enlè¬
ou partie de son revers ; cela
permet d’amincir l’objet ou d’en régulariser
l’épaisseur. Si cette retouche n’intéresse que la
zone du revers opposée au tranchant, on
vements sur tout
obtient un tenon d’emmanchement. Ces her¬
minettes très simples, souvent assez plates, à
section transversale quadrangulaire, peuvent
être utilisées brutes détaillé, émeulées partiel¬
lement ou totalement.
Les herminettes plus épaisses, à section
triangulaire ou quadrangulaire, sont d’un
façonnage plus complexe. Confectionnées sur
des blocs naturels présentant une forme
adéquate, sur des clivages de gros galets ou sur
des éclats grands et épais, leur préforme est
obtenue par l’extraction de grands éclats,
assez creux, à partir d’une face de l’objet et sur
tout son pourtour, de façon à lui donner une
forme allongée et une section triangulaire ou
quadrangulaire élevée. Puis, en prenant les
deux bords ainsi aménagés comme nouveaux
plans de frappe, il devient facile de détacher,
aussi bien à partir de leur base que de leur
sommet, des séries d’enlèvements destinées à
modifier le profil de l’objet, et à dégager son
biseau et
ensuite
son
tenon
amincis
ceux-ci peuvent être
;
des enlèvements
L’énumération de cette
succession de gestes simples suffit à expliquer
la fabrication de la grande majorité des lames
d’herminettes ; il fallait cependant, dès la
première percussion et à chaque moment du
longitudinaux.
par
débitage, prévoir la morphologie de l’éclat à
venir afin d’amener le facettage de la pièce à la
plus parfaite régularité, pour faciliter les
opérations finales de piquetage et d’émeulage.
Finition de la lame d’herminette
A l’issue du
débitage, la surface de l’hermi-
constituée par un grand nombre de
facettes (souvent plus d’une cinquantaine),
limitées par des arêtes plus ou moins sail¬
lantes. Ces reliefs doivent être éliminés avant
nette est
de
sur la meule qui lui
définitif ; ils seront donc
d’un percuteur. Le modelé
présenter l’objet
donnera
son
aspect
écrasés à l’aide
arrondi des bords du tenon et de ses raccords
avec les faces de l’herminette sera obtenu par
piquetage, à l’aide d’un percuteur plus ou
moins pointu.
Jusqu’à cette phase des opérations, la
tradition orale reste muette ; par contre, les
travaux de finition, émeulage et polissage,
sont évoqués dans un chant de constructeurs
de pirogues cité par T. Henry :
"A li'i
naonao
i
le
lo’i
prends l’herminette
La surface facettée ainsi
formée est prise à
plan
de frappe pour détacher
son
tour comme
nouvelle série
d'éclats qui donnera
à l’ébauche l’épaisseur
voulue (3). Le tenon
une
Herminette à tenon.
A partir d’un gros éclat,
d'un galet clivé ou
d’un fragment de roche
présentant des plans
de frappe favorables (1),
l’ébauche ou préforme
de l’outil est obtenue
l’enlèvement d'éclats
périphériques (2).
par
Lames d'herminettes
simples.
Elles sont souvent
façonnées en taillant
la partie proximale et
la partie distale de gros
éclats larges (1, 2).
L'avers est parfois pris
comme
plan de frappe,
mais en général
les chocs sont portés
sur le revers de l’éclat
(1 : première série
d’enlèvements en bleu,
seconde en rouge),
ce
qui donne à l'outil
section trapézoïdale
inversée (3 a).
Le biseau de l’outil
est constitué par
une facette de l'avers
de l’éclat (2, 3).
La lame peut etre
emmanchée brute ou
plus ou moins
iotalement émeulée.
une
14
“Va chercher et
(amincissement de
la lamedestinéàfaciliter
l’emmanchement)
dégagé par une autre
série d’éclats (4).
Le tranchant est
est
aménagé et le biseau
est façonné par
des éclats parfois
allongés (4).
Puis la forme de
l’ébauche est régularisée
par de petits
enlèvements (5).
L’outil peut être utilisé
à ce stade, après
affûtage du tranchant
par abrasion ; ou bien,
après écrasement
des aspérités à l’aide
d’un percuteur, la lame
peut être émeulée
partiellement ou
en totalité (6).
De multiples variantes
peuvent intervenir dans
cette chaîne opératoire
théorique.
OUTILS ET TECHNIQUES AVANT
/
le
ha’a tua
I fa'aina
hia te
huahua
/ lavai hia i te
mata ri'i"
mata
Afin qu’elle puisse
faire toutes choses
dormante.
one
Aiguise-la avec
sable très fin
noté
herminettes
one
Polis-la
mea
sable
avec
du
du
grossier”
(fa'a'ina) est la meule, la pierre à
qui permet d’aiguiser un
outil ; c’est aussi émeuler, affûter ou aiguiser
un outil {J'akakina aux Tuamotu). Tavai est
Faaina
affûter
ou
tout ce
parfaitement uni
(luisant : oindre d’huile) en utilisant de l’eau
(vai), comme taavai : pierre usée, lissée et polie
lisser, donner
dans
l’eau.
Le
un
aspect
travail
d’émeulage (tavai)
était effectué à l’aide d’un abrasif et proba-.
blement d’eau. Cette opération s’effectuait sur
des meules dormantes, ou polissoirs, portant
des cuvettes d’abrasion et des rainures
sur
plusieurs faces.
parfois
Aux Tuamotu, le travail de finition par
abrasion des herminettes de basalte ou de
coquille était effectué sur des blocs de corail
appelés punga, qui gisent partiellement
submergés dans l’eau des lagons peu
profonds. Enfin le tranchant était affilé, à
l’aide d’un abrasif, parfois sur la même meule
Européens des premiers contacts ont
l’extrême fréquence du réaffûtage des
Les
“comme
:
ses
une
vite, chaque ouvrier
instruments
près de lui
de noix de coco remplie d’eau et
une pierre plate sur laquelle il aiguise sa hache
presque à chaque minute” (S. Wallis). Cette
contrainte a fait abandonner très rapidement
l’herminette de pierre. Lorsque James Wilson,
s’émoussent
a
coque
lors de
son tour
de Tahiti, en 1797, traversa le
district de Hitia, ses habitants étaient presque
occupés à fabriquer des pirogues ; il leur
cela leur prenait
pour construire une pirogue avec des outils de
fer, ils répondirent environ une lune” (un
mois) “ensuite combien de temps cela leur
prenait autrefois avec leurs herminettes de
pierre : à cette question ils rirent de bon cœur
et ils comptèrent dix lunes”.
tous
demanda “combien de temps
Fabrication des herminettes
en
coquillage
Sur
les
atolls, les herminettes étaient
façonnées dans ce gros coquillage bivalve
L’ARRIVÉE DU MÉTAL
appelé pahua, bénitier ou Tridacne (Tridacna
maxima) : “Un bord de la coquille était enterré
dans le sable et la partie émergeante était
exposée au feu ; cette partie pouvait être
ensuite très facilement débitée à l’aide d’un
percuteur.
On obtenait
finalement mis
puis
en
un
forme par
bloc qui était
éclats (tuparu)
piquetage (tukituki) et abrasion
Le percuteur utilisé devait être en
par
(oro)...
calcaire corallien dur nommé kara, ou en
coquille de tridacne, considérée comme la
meilleure matière” (information de Tetumu,
de Faaite, Tuamotu, recueillie par K.P.
Emory).
coquilles de grande dimension
également utilisées pour confectionner
D’autres
étaient
les
herminettes
et
les
ciseaux
:
celle du
spondyle (kapikapi et pa uaua ; bivalve,
probablement Spomiylus varius) et, pour les
outils plus légers, celle du cassis (gastéropode ;
Cypraecassis rufa) dont on utilisait les épais¬
sissements bordant l’ouverture sur sa partie
interne (bord columellaire) et sur sa partie
externe (labre). Les bords et le tranchant de
l’outil étaient façonnés par abrasion.
Herminettes et ciseaux
Casque
(Cypraecass/s rata).
Ces lames légères
(entre 20 et 70 g)
peuvent avoir
en
été emmanchées en
ciseau ou en herminette,
comme
l’objet (1)
recueilli en 1839
à Napuka (Tuamotu)
par l'expédition Wilkes.
Les lames 1, 2, 3, 4 et 6
ont été façonnées,
parfois sommairement
(4), dans le iabre de
la coquille, qui peut
aussi être totalement
transformé (5).
La lame mince et
(3 : gouge ?) est
dans le bord
columellaire
de l'ouverture.
creuse
faite
A droite :
Casque
(Cypraecassis ruta).
Ce gastéropode marin
(pu vahiné à Tahiti),
vivant dans les eaux peu
profondes, dont
la coquille atteint
une quinzaine
de centimètres,
est, comme Cassis
cornuta, en voie
de
disparition en
Polynésie française.
Les épais bords de
l’ouverture de
sa
coquille étaient
autrefois utilisés
pour confectionner des
lames d'herminettes
et de ciseaux.
Bénitier, Tridacne ou
pahua
(Tridacna maxima).
Là où la pierre
faisait défaut,
la coquille de ce
bivalve
géant, commun dans
les lagons, était
utilisée pour fabriquer
des lames d'herminettes
de dimensions variées ;
de 5 à. 17 cm pour
un
poids compris entre
ou
moins
40 et 660 g. Taillées
par éclats et plus
parfaitement
émeulées, elles peuvent
être simples
présenter
un
tenon
(1 à 3) ou
(4 à 6).
5
6
15
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
L’herminette
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
multipliée
:
manche.
caractéristiques
lithiques qui
appartenaient à l’équipement des Polynésiens,
l’herminette et le pilon ont fait l’objet d’une
attention
particulière pour des raisons
diverses : ils ont été décrits et rapportés par les
Européens lors des premiers contacts ; ces
l’armi les nombreux outils
facilement
outils,
reconnaissables,
sont
parfois d’une exécution et d’une finition qui
ravissent les esthètes ; enfin ils présentent une
grande variété de formes, liée à leur fonction,
à leur provenance et peut-être à leurâge. Aussi
les ethnologues et les archéologues en ont-ils
fait les outils par excellence, sans doute au
détriment d’un outillage plus discret maisd’un
emploi plus fréquent et plus généralisé.
Qu’est-ce qu’une herminette ? C’est avant
tout un
outil
force de
au
tranchant transversal dont la
pénétration est augmentée par son
en percussion lancée;cette force est
utilisation
levier que constitue le
de
l’herminette est
perpendiculaire à l’axe du manche, alors que
celui de la hache lui est parallèle. Les
herminettes servaient au travail du bois et
parfois à celui de la pierre. Elles permettaient
d’abattre les arbres, de tailler les poteaux des
maisons, d’aplanir les planches, de creuser les
pirogues et les récipients en bois, etc.
L’herminette comprend une partie active,
distale, vulnérante. le tranchant, et une partie
proximale obtuse, le talon, prenant appui sur
le manche et destiné à y être maintenu par une
ligature. L’herminette est dite simple si son
talon n’a pas été modifié afin d’assurer une
meilleure fixation de la ligature ; elle est
composite dans le cas inverse. Le tranchant est
engendré par la rencontre de deux faces, une
supérieure (externe ou frontale), l’autre
inférieure (interne ou dorsale) taillée en un
biseau plus ou moins aigu (angle d’affûtage de
l’outil) limité
La face
FACE SUPÉRIEURE
OU FRONTALE
TENON
par le bras de
Le tranchant
par
supérieure
les flancs de l’herminette.
ou frontale de l’herminette
est
d’attaque de l’outil ; la face inféri¬
celle du biseau, est la face de dépouille,
laquelle se détache le copeau de bois.
11
est
souvent
déroutant d’orienter
la face
eure, ou
sur
sa position de travail
la
supérieure de l’herminette simple à talon
indifférencié (sans tenon) est la face plane la
plus longue, c’est-à-dire celle dont le profil ne
marque pas de rupture dans sa partie distale
(vers le tranchant) ; la face supérieure des
herminettes à tenon est en général celle où
l’échancrure du tenon est la plus marquée, ou
celle qui allie ce caractère à la face plane la
plus longue. Ce n’est que lorsque l’herminette
l’herminette dans
.
face
4
orientée que l’on peut étudier
section transversale, relevée à mi-longueur
des herminettes simples, et au niveau de la
est correctement
sa
naissance
du
tenon
des
herminettes
composites. Lorsqu’on examine ces sections,
qui en Polynésie centrale présentent souvent
la forme d’un rectangle, d’un trapèze ou d’un
triangle, on s’aperçoit que la base du triangle
ou
du trapèze s’inscrit tantôt sur la face
Page de droite :
Fterminette (1) et
hache (2). Ces termes
désignant l'outil
complet, c'est-à-dire la
lame et son manche,
sont souvent employés
par les archéologues
pour la lame seule.
Le tranchant de
l'herminette est
perpendiculaire à l'axe
du manche, tandis que
celui de la hache est
dans un plan passantpar
cet axe. La hache est de
Mangareva et
l'herminette de Tahiti.
A. termes descriptifs de
la lame d'herminette.
Au-dessous
:
Flaches des Gambier.
Ces deux lames
montrent la différence
de dimension qui peut
exister entre des outils
de même type, selon les
usages auxquels on les
destine. La lame 4,
provenant de TImoe, au
sud-est de l'archipel,
pèse 396 g ; la lame 3, de
Mangareva, 3 855 g ;
celle de la figure 2 pèse
964 g. Quelques facettes
de façonnage, trop
être
abrasées totalement,
apparaissent encore.
concaves
pour
Sections d'une
herminette. Un des
éléments
caractéristiques de cet
outil est sa section
transversale relevée
dans un plan (B)
perpendiculaire au plan
(A), à mllongueur des
axial vertical
herminettes sans tenon
ou à la naissance de ce
dernier, comme sur ce
schéma. Dans cet
exemple, la section
transversale est dite
sa partie la
plus large étant située
inversée,
du côté de la face
ou frontale
supérieure
de la lame.
«
»
16
OUTILS ET TECHNIQUES AVANT
inferieure de l’herminette, tantôt sur sa face
supérieure
;
dans
ce
dernier
cas,
la section est
dite inversée. Ces différences ne sont pas
fortuites : elles correspondent à des traditions
culturelles qui s’expriment à chaque étape de
la fabrication de l’outil.
Hache
herminette ?
ou
la hache, en percussion
longitudinale, permet les mouvements
Le maniement de
lancée
alternatifs de haut en bas et de bas en haut,
de droite à gauche et de gauche à droite.
ou
Le
geste est possible grâce à l’orientation du
tranchant relativement à l’axe du manche et à
symétrie de l’angle d’affûtage par rapport
plan axial de l’outil. L’existence des haches
n’est attestée, en Polynésie, qu’en Nouvelle-
la
au
Zélande, où elles sont
Mangareva,
où
douzaine, dont
la
rares,
à Pitcairn et à
Peter Buck
une
en
percussion lancée longitudinale
aux
Gambier
;
cite
une
emmanchée. 11 semble que
les
provenant des îles de
se
limite
60 outils emmanchés
la Société recensés
par
le
Bishop Muséum (Honolulu, Hawaii) sont des
D’ailleurs les Européens des
premiers contacts ont noté que les Polynésiens
s’empressaient de retirer les haches
métalliques de leur mancheetde les monteren
herminettes. L’ambiguïté qui peut exister
parfois en Mélanésie entre les deux outils ne
semble pas persister à l’est du Pacifique.
herminettes.
Herminette
ou
ciseau ?
ciseau, dont la forme est très voisine de
l’herminette, est utilisé en percussion
posée avec ou sans percuteur. Son tranchant
Le
celle de
placé à l’endroit précis où le copeau doit
pénétration est
communiquée grâce à un maillet ou par la
force musculaire seule. Le ciseau permet de
est
être détaché et la force de
creuser
des encoches, des cavités ; il est donc
très efficace pour
sculpter le bois. Seule la
son manche droit ou de traces de
sur son extrémité proximale le
différencient de l’herminette. L’ambiguïté
présence de
percussion
L'ARRIVÉE DU MÉTAL
n’est cependant forte que pour les outils de
petite dimension, à tranchant étroit, qui ont
pu être utilisés comme herminettes ou comme
ciseaux ; ces derniers étaient nommés lohi,
ufao, pufao, fao aux îles de la Société
(J. Davies).
Des coquilles de gastéropodes marins ont
également été transformées en ciseaux ; celle
de Cypraecassh rufa selon une technique déjà
examinée à propos des herminettes ; celle de
Mitra et Terehra en biseautant par abrasion
leur extrémité pointue ou apex. Pao, le nom
générique des térèbres, signifie “tailler,
détacher en frappant” aux Marquises et, aux
îles de la Société, “creuser, évider une pièce de
bois ou de pierre” (J. Davies).
Ces exemples permettent de souligner la
difficulté qu’il y a souvent à dénommer les
outils d’autrefois ; une désignation hâtive ou
peu fondée a des conséquences fâcheuses sur
l’interprétation de la nature des activités
déduite de la présence de tel ou tel outil
découvert lors de fouilles archéologiques.
Ciseaux et forets en
coquille. Diverses
espèces du genre
Terebra ont été
utilisées comme ciseau,
biseautant ieur
sommet par abrasion,
sans ies modifier (4 à 9)
ou en éiiminant ieurs
dernières spires (10,11).
D'autres gastéropodes
sont utilisés par ieur
en
base, comme ce
Fusinus (1) ou en
extrayant ieur
(2, 3). Ces
objets ont pu servir de
coiumeile
foret.
Herminettes ou ciseaux.
Fixées à un manche
droit, de petites iarrres
pierre, avec ou
tenon, ont pu
de ciseau, utilisé
de
sans
par
pression
ou
frappé
maillet (1 à 3,
3, de Mangareva,
avec un
le n°
servir
pèse 28 g). Cela a été
observé par Sir J. Banks
en 1769 à Tahiti,
pour un ciseau en os
humain emmanché (4).
Un exemplaire conservé
Bishop Muséum
(Hawaii) porte
au
des traces de martelage
sur son manche (5).
Le ciseau marquisien (1)
recueilli par R. Linton
en 1920 - 21 à Atuona
(Hiva Oa), reproduction
due au talent de Hapuani,
ne semble pas très
fonctionnel, de même
que l’outil composite
de Tahiti (2) dessiné
par S. Parkinson
dont le biseau
(1769),
est mal orienté.
La partie b pouvait
sans
doute être utilisée
seule,
en
ou
emmanchée
herminette
(l’échelle
du n° 2, a et b,
diffère de celle
des autres objets).
17
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
L’herminette
:
répartition
géographique
et chronologique
Les
constructeurs
de
maisons
et
de
pirogues, les sculpteurs de récipients en bois
ou
de liki,
disposaient d’une panoplie
d’instruments lourds adaptés à chaque étape
de leur travail ; chacun de ces outils portait un
nom.
Les relevés lexicologiques, effectués
après l’abandon des lames de pierre, sont
imprécis. Ils conservent cependant un voca¬
bulaire assez riche pour désigner les herminettes et
les haches
:
iiiaia :
herminette de
pierre ; loimaio: herminette de pierre et hache
d’abattage ; toi : hachette ; toipeue doloire ;
loi lama ; herminette utilisée pour les travaux
de finition ; opahi : grande hache ; opahi
malo : cognée ; opahi peue : doloire ; orna :
herminette ; haoa, faoa : herminette de pierre ;
aroreva : herminette de pierre ; arapepe : petite
.
hache.
Aux
>
ou d’époque à époque en unifiant le système
descriptif et le vocabulaire.
Les principaux caractères choisis pour
définir les types d’herminettes sont la présence
d’un
tenon
(caractère lié au dispositif
d’emmanchement), la forme de la section
transversale et l’orientation de la partie la plus
large de cette section relativement à la face
supérieure de l’objet (caractères dépendant de
la morphologie du support et de la technique
de
façonnage).
formes des coupes transversales
plus variées en Mélanésie orientale et en
Polynésie occidentale qu’en Mélanésie occi¬
dentale, et plus variées en Polynésie orientale
qu’en Polynésie occidentale. Ceci tient au fait
que des formes nouvelles se superposent,
“Les
sont
en est, aux formes anciennes.
Le
nombre des formes anciennes est moins élevé,
d’ouest
ces deux dernières régions, que celui des
formes nouvelles” (J. Garanger). Il est
intéressant de noter que les sections inversées
dans
comme
partout
multiples (R. Linton). S’y ajoutent loki
paopao, de grande dimension, loki mi pu, très
gros outils ayant un manche long de 1,20 m
pour la confection des pirogues, et toki ouao.
Il y avait également une herminette rituelle,
probablement loki mana, façonnée dans des
blocs de pierre dure sacrée (faiu) réservée pour
le premier outil remis au fils aîné (E.S.C.
Handy).
A Mangareva, où il existe de véritables
haches de pierre (koma et katoga), les hermi¬
nettes étaient appelées toki (P. Buck).
Il serait idéal de pouvoir accoler à chaque
type d’herminette son véritable nom, mais le
catalogue dont nous disposons manque
d’illustrations ; même s’il était complet, la
variabilité des noms d’un archipel à l’autre
nécessiterait une lourde synonymie pour des
outils identiques. Par ailleurs, la nomencla¬
ture polynésienne ne permettrait pas de rendre
compte des différences morphologiques qui
sont à la base des études sur la répartition
géographique et chronologique des différents
types d’outils. Aussi les ethnologues et les
archéologues se sont-ils efforcés d’analyser la
forme des outils afin de les grouper dans des
“types” ; ces types reçoivent une désignation
conventionnelle qui évite des répétitions fasti¬
dieuses et, autant que possible, les
implications géographiques ou chronolo¬
giques. Cette typologie, un peu sèche dans sa
formulation (herminette type
3 d, par
exemple) n’est pas fonctionnelle ; elle permet
de comparer la forme des outils de site à site
principaux à la
Polynésie française, une statistique rapide
permet d’observer de nettes différences d’un
archipel à l’autre. En ne tenant compte que des
herminettes récentes, les sections
laires dominent aux Marquises. Aux
Société
triangu¬
îles de la
(Tahiti, Raiatea, Maupiti) et aux
Australes, elles dominent également,
mais
général inversées. Aux Tuamotu, les
sections triangulaires et triangulaires
inversées coexistent en proportion identique,
mais il s’y ajoute une quantité non négligeable
sont en
quadrangulaires. Dans leur grande
majorité, les herminettes récentes provenant
de ces archipels présentent un tenon. Par
contre, à Mangareva, les herminettes, sans
tenon, ont une section trapézoïdale inversée.
de sections
rares sites considérés actuellement
anciens, datés entre les premiers
siècles de notre ère et le XIL' siècle, ont livré
Les
comme
coupe s’enrichit de
formes nouvelles :
aux
coupes
curvilignes
de Mélanésie Mel
en
d’herminettes de dimensions variées, à usages
Polynésie occidentale. En
limitant l’examen des types
transversales
(d'après J. Garanger).
îles de la Société, ces termes
Tuamotu,
Asie du Sud-Est, mais pas
en
De l’ouest vers l’est
du Pacifique, cette
l’arrivée du métal.
Aux
en
Mélanésie ni
Les herminettes :
par
F’olynésie orientale, se retrouve le terme loki,
auquel s’ajoutent ngangahu : lame large ;
pirikao : lame étroite ; loki peue : hache de
métal ; npa likau et uaua : en coquille de pa
uaua (Spondylus) (K.P. Emory).
Aux Marquises, loki aa désignait une
grosse herminette utilisée pour la finition des
planches, tandis que toki koma était le nom
en
coupes
J. Davies désignaient
probablement tous des herminettes avant
recueillis
existent toutes
Les herminettes :
formes et fonctions.
La diversité des formes
d'herminettes provient
de leur fonction, de
leur origine
géographique,
de leur âge.
La matière employée
pour confectionner la
lame, l’angle du biseau
et la robustesse de
l’outil étaient liés à sa
fonction :
travail grossier ou
travail de finition,
c’est-à-dire enlèvement
de copeaux épais ou
minces. Les roches les
s’ajoutent les coupes
anguleuses
(quadrangulaires,
trapézoïdales et
triangulaires)de
Polynésie occidentale
P. Oc ; à celles-ci
«
s’ajoutent les coupes
inversées et le tenon
en
Polynésie orientale
P. Or. Dans cette région
ies formes curvilignes
sans tenon semblent
être plus nombreuses
dans les gisements
anciens ; mais les
fouilles de ces vieux
sites sont encore trop
pour en tirer
conclusion.
rares
une
plus tenaces étaient
réservées aux
herminettes destinées
travaux les plus
durs. Sir Joseph Banks,
en 1769, avait noté que
les herminettes servant à
abattre les arbres
aux
A
pesaient de 1 350 à
1 800 g et celles
utilisées pour sculpter,
une centaine de
grammes. Distinctes par
leur forme, leur
technique de façonnage
et leur
finition,
herminettes
ces
marquisiennes récentes
d’après
auraient servi,
R. Linton, à des travaux
différents. Toki a'a
(1, 2) à la robuste lame
à section
quadrangulaire, en
général de grande
dimension et dont la
surface était piquetée
et émeulée, était utilisée
pour le dégrossissage
des planches.
De toutes dimensions,
toki koma (3, 4), au
tranchant parfois très
étroit, était employée
à des tâches variées :
creusement des
pirogues et des
récipients, sculpture des
embarcations et des
poteaux d’édifices.
1
18
OUTILS ET TECHNIQUES AVANT L’ARRIVÉE DU
0
des herminettes
en quantité variable. Le site
(à Ua Huka, Marquises : 133 outils)
montre
une
prédominance des sections
quadrangulaires, accompagnées de quelques
formes
piano-convexes, piano-convexes
de Hane
inversées et lenticulaires. Ces herminettes
1'.
ne
présentent pas de vrai tenon, qui apparaît
cependant discrètement sur quelques pièces.
Les sections des 15 herminettes placées dans
les sépultures de Maupiti (îles Sous-le-Vent)
sont plutôt curvilignes ; lenticulaires et pianoconvexes, suivies de peu par les sections qua¬
drangulaires. Le tenon est absent ou peu
développé sur la majorité des pièces ; il est
cependant nettement marqué sur une
herminette à section
triangulaire.
(fouilles de Vaito’otia
livré 78 herminettes, en majorité
de section quadrangulaire (57%) ; les sections
triangulaires inversées sont toutefois
abondantes (33%) et les sections curvilignes
Le site de Huahine
et
«!
Fa’ahia)
a
MÉTAL
(quadrangulaire à angles arrondis et pianoconvexes) sont bien représentées (10%).
Bien que
l’échantillon d’herminettes
anciennes soit faible et hétérogène, les sections
quadrangulaires y prédominent nettement,
alors qu’elles ne représentent qu’un dixième
au plus des formes récentes. 11 est tentant de
voir dans leur proportion respectable de
sections curvilignes une réminiscence encore
forte des formes les plus courantes de
l’équipement des colonisateurs venus des
Tonga-Samoa. Selon K.P. Emory, depuis les
Marquises, des formes sans tenon se seraient
répandues dans les îles de la Société et à l’île de
Pâques. Après le développement du tenon,
elles auraient été transportées des îles de la
Société à la Nouvelle-Zélande. A partir des
Marquises ou de Tahiti, ou peut-être des deux
à
la
fois,
formes anciennes seraient
ces
parvenues à Hawaii.
Des types locaux
distincts se seraient ensuite développés dans
chacun de
ces
Les herminettes
présence ou absence
d’un tenon (types 1 et2) ;
orientation de la coupe
Duff, montrant la
recherche d’une
classification excluant
le fonctionnalisme et
tenant
6
et
;
typologie.
Exemple d’une
typologie, celle de
R.
O
archipels.
compte de
caractères
hiérarchisés :
forme quadrangulaire
de la coupe transversale
inversée (pointe vers
le bas : type 3) et
normale (pointe vers
haut : type 4) ;
le
position du tranchant :
dans un plan passant par
l’axe du manche (type 5)
ou forme générale de
l’objet : cylindrique
(type 6).
Ces types principaux
comportent de
nombreux sous-types.
Toujours sujettes à
amélioration, les
typologies ont pour but
de montrerai des formes
peuvent caractériser un
ou un moment, et si
lieu
-
■
J
0
U
elles peuvent ainsi
permettre d’établir des
géographiques et
chronologiques entre
divers points de l'espace
et du temps. Ces études
doivent être complétées
par des recherches
technologiques et
liens
fonctionnelles.
Les herminettes.
Profil de quelques types
d’herminettes de
Polynésie orientale
Tahiti (1 et 2),
Rurutu (3 et 4),
Tuamotu
:
(5 : Takapoto, 2 860 g.
; Taiaro, 1 540 g),
Marquises (7 : Ua Huka.
8 : 2 720 g).
Les symboles indiquent
6
la forme de la coupe
transversale
:
triangulaire inversée
à Tahiti et à Rurutu,
quadrangulaire et
triangulaire aux
Tuamotu et
aux
Marquises.
La dimension des lames
de Tahiti et de Rurutu
est
grande,
mais normale ;
celle des objets
exceptionnelle.
Herminettes anciennes
de Poiynésie orientaie.
Ces lames proviennent
des fouilles du Pr.
Y. Sinoto à Hane (Ua
anciens actuellement
d’une
curviligne (3), rappelle
Huka, Marquises : 1 à 3)
sépulture de
Maupiti (îles de la
Société : 4) et du site
d’habitat de Fa’ahia à
Huahine (5 et 6). Ces
gisements, les plus
4 et 8 est
fouillés, sont datés
entre les
premiers
siècles de notre ère
et 1200 environ. A côté
de formes dont la coupe,
celle des herminettes
des Tonga-Samoa, le
tenon, absent de ces
archipels, est déjà
présent dans les niveaux
les
plus anciens des
Marquises (2) ; il reste
discret à Huahine (6).
19
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
Préhension
et emmanchement
types de préhension
Les
La
plupart des outils confectionnés dans des
d’origine animale sont dotés de
matières dures
préhension naturelles : articulation
coquilles. Les outils
galets conservent
souvent une partie de leur cortex parfaite¬
ment lisse permettant une bonne prise de
l’instrument sans aménagement. On peut
aussi abattre par retouche ou écrasement une
partie du tranchant des éclats de pierre pour
une
meilleure préhension. Tous les objets
relativement volumineux peuvent être saisis
par une prise palmaire qui permet un travail
vigoureux mais peu précis (broyage, raclage).
Les travaux plus délicats (incision, sciage)
sont réalisés à l’aide d’outils plus petits tenus
par une prise digitale. Lorsqu’un travail de
précision doit être effectué avec force, la pince
des doigts devient insuffisante, l’outil doit
zones
de
des os, surface lisse des
confectionnés
sur
les
être
donc
emmanché.
Le
manche
Les rares exemples connus provenant des
Marquises présentent une forme courbe ou
anguleuse, où seule se développe l’expansion
antérieure de la tête ; la ligature est simple.
C’est le type d’emmanchement le plus courant
aux Tuamotu. 11 s’y ajoute une forme dont la
tête se projette peu en avant, mais nettement
en
arrière de la hampe. Le laçage de la
ligature, croisé, passe par des perforations
antérieure ; le laçage croisé de
d’un effet décoratif certain.
herminette recueillie en 1839 à Puka Puka
montre une forte expansion antérieure et
est mal connue.
Les bois d’emmanchement
L’herminette
propre
son
par
expansion
Outils naturels. Quand
leur dimension est
suffisante,
ces
mâchoires de congre et
de barracuda (5 et 6)
sont utilisées sans autre
aménagement que la
fixation d’une boucle en
corde destinée à être
passée au poignet.
Appelés oreore, ces
objets servaient de
couteau à découper le
digitale ou palmaire
prono-supination de
l’emploi d’un manche mû
être
par
friction entre les mains ou à l’aide d’une
cordelette. Un autre dispositif permet de
conserver
l’énergie cinétique
en pierre ou
volant d’inertie
manche.
en
en
fixant un
bois sur le
Les emmanchements
La force exercée
sur
les outils dont il vient
question n’est jamais considérable,
aussi l’emmanchement est-il peu élaboré ; la
partie proximale de l’outil est logée dans un
d’être
évidement
ou
une
rainure, où elle est fixée
grâce à une ligature simple. La base des dents
de requin est percée, puis placée dans une
rainure où sa stabilité est assurée par des liens
passant dans les perforations. Les outils
soumis à des efforts violents (ciseaux, gouges,
burins) sont maintenus dans leur manche par
des ligatures plus soignées, dont la complexité
atteint parfois celle du laçage qui lie la lame
d’herminette à
son
manche. Ceux travaillant
percussion lancée supportent des
contrecoups très violents qui nécessitent une
solidarité
parfaite de l’ensemble lameen
manche.
Le manche coudé des herminettes était
prélevé dans
un embranchement ; la partie la
plus longue, pour la préhension, constitue la
hampe, la plus courte est la tête, partielle¬
ment évidée pour loger le talon de la lame. La
tête peut projeter une expansion en avant de la
hampe {loe des auteurs anglo-saxons) et / ou
en arrière de celle-ci {heel en
anglais). Le talon
était entouré de deux ou trois épaisseurs de
lapa, ou par d’autres matières souples qui
assuraient
une
meilleur adhérence entre la
lame, la ligature et le manche.
la plupart, associés à des
qualité mécanique, de critères
religieux. Un chant des constructeurs de
pirogues, publié par T. Henry, est très précis à
cet égard :
permet
l’avant-bras. L’efficacité du travail peut
accrue
Dents de requin
emmanchées. Percées
et
la pierre, la corde de
bourre
pierres
contre le nape, dont la
dehors de leur
également de monter en série des petits
éléments identiques (dents de requin par
exemple, ou petits éclats de pierre) ou d’armer
une matière souple afin de la rendre rigide
(peau de requin). Les outils animés d’un
mouvement
rotatif (perçoir, alésoir) sont
saisis par une prise
centrée sur l’axe de
:
composite qui
possédant leur
divinités. Aussi le choix des bois destinés à la
confection des manches pouvait dépendre, en
gîte archéologique subaquatique de
perdu
symbolique
arbres sont, pour
Huahine, présente les mêmes caractères ; par
contre, la tête des manches d’herminettes
a
outil
Par
fabrication était réservée aux hommes, est le
lien sacré de Tane, dieu des artisans. Enfin, les
Cook. Aux îles de la Société, une herminette
datée entre le IX'-' et le XIL' siècle, découverte
de Tahiti
un
nape, kaha ou W;u(fibres tresséesde la
de coco) et le bois. La symbolique des
postérieure, comme les herminettes
hawaïennes rapportées par les compagnons de
récentes
est
assemble des matériaux divers
creusées dans la base de la tête. La tête d’une
dans le
leur ligature est
ligaturées dans la
rainure d’un manche
bois, des dents de
requin, par paire
en
ou en
série, armaient des
couteaux et des scies
destinés à divers usages.
A Tahiti, le paeho, ou
serpe faite de dents de
requin, était utilisé
pour scier, ou pour
éventrer un ennemi.
C'était aussi une arme
fourchue en alto
(Casuarina) dont
chaque branche portait
des dents de requin
(T. Henry). Employées
comme
instruments de
chirurgie dqns
l’opération du trépan, les
dents de requin
faisaient également
partie du nécessaire
personnel des femmes.
Elles s’en incisaient la
du front pour
exprimer une émotion
intense. (1 et 2.
Tuamotu, d’après
K.P. Emory). L’objet
photographié provient
de l’île de Pâques.
peau
poisson. Provenant
d’animaux plus petits,
ils sont fixés sur un
manche droit (2, 4) ou
courbe (3) par une
ligature. Il en est de
même pour l’aiguillon
de raie (1) servant de
poignard, dont le faible
diamètre ne permettrait
pas une prise assez
vigoureuse (Tuamotu,
d’après K.P. Emory).
OUTILS ET TECHNIQUES AVANT
"/
lapiri hia i te mira
maJ'auiu ej'aua
ma’a
I
te
’aha mata tini
Aux îles Marquises, le
herminettes est censé être
Que /la lame/ soit
fixée au /manchede/
mira sacré
confectionné
le
avec
a
Tane
/
ra O
te
te
to'i
’aha mata ioio
te
tahu'a
E
U e mau
a
Aux
vieux
Tuamotu,
les
manches
(Cardiasuhcordata)
d’herminettes sont
et
Dans la corde bien
faite du tahu’a
Elle frappera et
argentea). Un exemplaire portant une lame de
ce
soit le
sans
doute
en
en lou
ngeongeo
(Tourneforiia
fer est en Casuarina, importé d’une île haute.
On ne connaît pas de manche d’herminette
provenant de Mangareva, mais celui de
la hache dont il
maro
de l’herminette
Ei Jafau no te
des
celui du mio
L’herminette
Que
to'i
dur
dans
deviendra sacrée
.
maro no te
bois
(Thespesia populnea) et peut-être dans la
racine du noni (Morinda ciirifulia).
Dans la corde /aux
tiendra bon
Ei
le
aussi
brins/ multiples de
Tane
E
dans
mais
Hibiscus,
Jautu et \t faua
manche des
généralement
être
en
Hibiscus.
a
déjà été question pourrait
L’ARRIVÉE DU MÉTAL
herminettes était
aufau ; ce dernier terme semble
renvoyer à VHibiscus : fau. Les détermina¬
tions effectuées par C. Orliac sur trois
A Tahiti, le manche des
nommé
aau
et
manches d’herminettes de Tahiti ont confirmé
l’emploi du mira (Thespesia populnea) cité
pirogues, et
révélé
celui
du
tamanu
(Calophyllum
inophyllum). Les travaux sacrés nécessitaient
le concours d’artisans spécialisés pourvus
d’outils dont la symbolique était à la mesure
de la tâche à réaliser. Les travaux profanes
faisaient appel à une main-d’œuvre moins
qualifiée employant des outils moins nobles.
dans le chant des constructeurs de
Que ce soit
l’assemblage de
to’i
l’herminette
Te
tua no te
Du dos de
to’i
l’herminette
Ei ’o’iri
no te
Que ce soit la
ligature de
to’i
l’herminette
Ei
to’i
marna no te
Que ce soit la
légèreté de
l’herminette
Ei taputapu no te
Ei tuitui
no te
to’i
ce
soit la
consécration de
l’herminette
Que ce soit les prières
to’i
Ei fa'aoti no te
to’i
Ei
to’i”
ta mana no te
Que
pour
Que
l’herminette
soit la finition
ce
de l’herminette
Que ce soit pour
donner du mana à
l’herminette”
Herminettes.
Elles proviennent de
Tahiti (1), des
Tuamotu (2. Fangatau ;
3. Tatakoto ;
Outils et travaux sacrés.
Cette herminette est
Page de gauche :
Herminettes de Fa'ahia
(Huahine, îles de la
Société). L'heiminette
complète 3 et les
manches 1 et 2 sont
parmi les objets les plus
anciens de ce type
actuellement connus
en
Polynésie. Ils datent des
environs de l’an Mil.
Sur les trente-six
manches d’herminettes
caractéristique de
Tahiti par la forme de sa
lame, de la tête de son
manche et le laçage de
sa ligature. Elle est
Identique à celle figurée
par le dessinateur qui
accompagnait James
Cook
en
1769. Des
épaisseurs de tapa,
entre la ligature et la
lame et entre celle-ci et
le manche, assurent une
meilleure cohésion de
l’ensemble et protègent
la ligature de l’usure
contre la lame de pierre.
Comme dans le chant
ci-dessus, le manche de
cette herminette est
en
découverts, huit sont
achevés, dont trois sont
complets. La partie
(Thespesia
populnea). Sans doute
l'outil, appartenant à un
partie postérieure
(1,3), mais cette
dernière aussi peut être
bien développée
d'un bateau
antérieure de la tête est
un peu plus longue que
sa
(d'après Y. Sinoto).
mira
tahua, était-ll destiné à
fabriquer les planches
royal ou
sacerdotal, ou à toute
autre tâche pour le roi,
les divinités
prêtres.
ou
léurs
4.
Pukapuka, 1839) et
en
Tridacne, les autres
des Marquises (5). La
lame des objets 2 et 3 est
sont
en
pierre. Ces
dessins permettent
d’apprécier la diversité
des formes
d'emmanchement et de
ligatures : la tête du
manche est portée toute
l'arrière à Tahiti,
vers
toute vers l’avant aux
Marquises et aux
Tuamotu, où elle se
développe parfois
également aussi bien en
avant qu’en a, rière (4).
La ligature de
l'herminette n° 3 est
partiellement masquée
par du tissu de coton,
lui même recouvert par
le laçage d’une fine
corde de cheveux
tressés ; la lame de
l’herminette, mesurant
environ 21 cm, est la plus
grande qu'il semble
possible d’obtenir avec
les tridacnes des
Tuamotu (1. Musée de
Berne ; 2 à 4 d’après
K. P. Emory ; 5 d'après
R. LInton).
21
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Outils et travaux
La tradition orale et les observations
effectuées avant la disparition des outils tradi¬
tionnels permettent de retracer les principales
étapes de la construction des édifices, et des
bateaux, du façonnage des hameçons, de la
confection des filets, des nattes, du vêtement
de la préparation de la nourriture.
et
L’outillage
employé pour ces différents
travaux, tel qu’il est connu par les sources
ethnohistoriques, est - en dehors de
l’herminette et du ciseau en pierre ou en os
destiné au travail du bois
composé de
matières dures animales : dent, coquille,
corail. Cette image est en contradiction
-
qui est observé sur les sols
jour par les fouilles archéo¬
logiques, où l’herminette ne représente qu’un
tiers à peine de l’outillage lithique. Encore
cette proportion est-elle très certainement
surestimée, car n’y entrent pas les éclats
utilisés bruts, dont l’emploi n’est révélé que
par l’observation au microscope, et qui ont
donc échappé à l’attention la plus sagace.
complète
d’habitat
avec ce
mis
Nous nous trouvons donc confrontés à deux
séries de faits qu’il n’est pas encore possible de
faire coïncider : d’une part des activités
par de multiples descriptions et
d’autre part un équipement abondant et varié
d’outils de pierre dont la fonction reste
connues
indéterminée.
traces
L’application de l’étude des
d’utilisation aux outillages polynésiens
1 à 4. Galets taillés.
Outils fréquents, parfois
abondants sur les lieux
d’habitat et les marae,
galets taillés, dont
l’usage reste inconnu,
présentent une grande
les
variété de formes, de
dimensions (55 à
190 mm) et de poids
(150 à 1 700 g).
La délinéation de leur
partie active (1) est
très variable :
denticulée (a),
anguleuse (b),
(c),
rectiligne (d),
concave (e) ou
sinueuse {()■
convexe
Certains de ces outils,
épais et lourds (4) n'ont
pu être saisis qu'à deux
mains.
A droite
:
5 à 9. Racloirs.
Les éclats dont un bord
est aménagé par des
retouches continues
directes (6, 7) ou
inverses (5, 8, 9) sont
dénommés “raoloirs".
L'examen au
microscope des traces
d'usure effectué par
H. Plisson sur les objets
7, 8 et 9 a révélé qu'ils
avaient servi en action
transversale, donc en
raclant, sur du bois (7),
matière mi-dure non
identifiée (8) et une
matière probablement
une
végétale (9).
Vallée de Papeno’o à
Tahiti
:
2, 5 à 9. abri Putoa
I, 3 et 4. TPP03H.
22
devrait permettre
de résoudre
ce
problème.
au
;
Travail du bois
possible de reconstituer les gestes qui
par exemple de transformer un
arbre sur pied en planches destinées à la
11 est
permettent
bel
construction d’un bateau. L’herminette, mise
en
sommeil sur le murae pour qu’elle s’y
réveillée en la plongeant
Puis on va chercher l’arbre,
souvent loin dans la montagne. Il est abattu
recharge de
dans
avec
les
la
niana, est
mer.
l’herminette, parfois en s’aidant du feu
premiers
copeaux
peuvent être présentés
qui
;
en sont détachés
au marae. L’arbre est
ensuite ébranché, écorcé, traîné jusqu’au bord
de la mer grâce à de fortes cordes faites de
OUTILS ET TECHNIQUES AVANT L'ARRIVÉE DU MÉTAL
a
l’écorce de VHibiscus. Des leviers
sont
utilisés
pour lui faire franchir les obstacles. S. Wallis a
décrit la suite des opérations : “Us coupent...
longueur dont ils veulent tirer les
planches... ils brûlent un des bouts jusqu’à ce
qu’il commence à se gercer et ils le fendent
ensuite avec des coins de bois dur. Ils apla¬
nissent les côtés des planches avec de petites
le tronc à la
herminettes... six
t
quelquefois
ou
huit hommes travaillent
la même planche... ils font des
trous avec un os attaché à un bâton qui sert de
vilebrequin : ils passent dans ces trous une
corde tressée qui lie fortement les planches”.
Cette description est complétée par J. Banks,
selon lequel les trous sont percés grâce à un
ciseau-gouge en os emmanché, frappé par un
maillet
en
sur
bois dur. Les facettes dues à la taille
ensuite régularisées en employant un
abrasif fait de sable corallien contenu dans de
la bourre de coco, puis polies avec une peau de
sont
raie. D’autres sources
finition des surfaces
effectuée par
nous apprennent que la
pouvait être également
l’herminette tenue par sa lame et
poussée comme un rabot, ou à l’aide d’üne
râpe faite d’un petit bloc de corail ; parfois, un
poli brillant était obtenu par frottement avec
un galet.
Autres
travaux, autres outils
La construction des édifices et des bateaux, la
sculpture et la fabrication des récipients et des
meubles mettant
ciseau
ne
en
œuvre
mobilisaient
l’herminette
et
le
jamais la population
entière. L’outillage le plus massivement
employé était celui dont dépendaient
l’acquisition de la nourriture et la confection
du vêtement : la fabrication des engins de
pêche (hameçon, harpon, foëne, ligne, filet,
nasse, vivier), la préparation des aliments
(couteaux, grattoirs, râpes, pilons) et leur
transport (paniers), le travail des écorces pour
le tapa (racloirs, battoirs, enclumes).
A côté de ces activités très quotidiennes,
auxquelles il faut ajouter le tressage des
nattes, il y avait des travaux spécialisés et
moins fréquents consacrés à la parure et à la
tout
fabrication des armes. Les outils nécessaires à
ces différentes activités seront décrits dans les
chapitres suivants. Nous insisterons ici sur les
outils en pierre dont la fonetion est momen-
Perçoirs, alésoirs.
objets dont une
partie est aménagée de
façon à dégager une
pointe plus ou moins
robuste (4, 6, 7) sont
1 à 7.
Les
classés
comme
“perçoirs”.
D’autres sont
interprétés
“alésoirs”
comme
outils permettant
d’agrandir ou de
régulariser un trou
à l'aide d’un autre
instrument.
:
percé
L'objet 7 porte des
piquetage et
d’émeulage sur sa face
la plus plane.
traces de
L’étude des traces
d’utilisation (H. Plisson)
a révélé l'emploi d’éclats
bruts ou à peine
aménagés comme
perçoirs
(1 a travaillé sur du bois
et 2 sur une matière dure
non
identifiée)
comme
travaillé
ou
alésoirs (3 a
sur une matière
végétale
et 5
sur
A droite
non déterminée
du bois).
:
8 à 12. Grattoirs.
Les éclats dont un bord
façonné en arc de
cercle par une retouche
continue sont classés
est
comme
"grattoirs”.
La forme de leur partie
active évoque celle de la
râpe à coco, mais leur
dimension est plus
variable que celle de
cette dernière.
Leur usage est encore
indéterminé.
Vallée de Papeno’o :
1 à 6. abri Putoa ;
7. marae Tetuahitiaa ;
8 à 12. TPP05.
23
LA V!£ QUOTIDIENNE DANS LA
tanément
Certains de
des
plus
ces
ou
outils
moins
sont
POLYNÉSIE D'AUTREFOIS
énigmatique.
confectionnés
; d’autres peuvent être
les ébauches d’herminettes
galets
avec
sur
confondus
;
d’autres
présentent une forme
relativement constante (grattoirs, perçoirs,
alésoirs) ou ne se caractérisent que par la
présence d’un aménagement sommaire ou
encore par des traces d’utilisation presque
imperceptibles.
Les galets taillés. L’extraction de deux ou trois
éclats permet, en quelques secondes, de
transformer la masse lisse d’un galet en un
outil au tranchant robuste. Cet outil, qui a
accompagné l’émergence de \'Homo faher, a
été employé partout dans le monde. En
Polynésie, les archéologues ne lui ont
généralement pas accordé une grande
attention. Dans les quelques habitats et marae
de la vallée de la Papeno’o, à Tahiti, où la
récolte des objets de pierre a été exhaustive, les
galets taillés constituent cependant une forte
proportion de l’outillage. Un gîte de la même
vallée a livré 118 galets taillés groupés sur une
encore,
dizaine
sur
éclats,
mètres
de
vraisemblablement
carrés,
encore
et
des
en
recèle
centaines
k
d’autres
;
une
sommairement
l’objet, elles ont été les zones acti\ ■;
inconnue.
traces
Les
“outils
présentent.
L'étude tracéologique
de ces objets a révélé à
H. Plisson qu’il s'agit
bien d'outils.
Ils ont travaillé le bois
(et une matière dure non
identifiée : 1, 6)
transversalement en
raclant (surlignage
interrompu) ou
longitudinalement en
rainurant
(surlignage continu).
Abri Putoa, Papeno'o.
8 à 10. Outils
“prismatiques”.
Ces objets, de forme
prismatique, ne peuvent
être classés dans
autre
aucun
type d'outils.
Ils ont parfois été
confondus avec des
ébauches d’herminettes.
Leur usage est encore
indéterminé.
8. abri Putba ;
9-10. TPP05, Papeno’o.
24
flancs de
de l’outil. Leur fonction est
prismatiques”. Ces objets,
façonnés par éclats, se caractérisent par “la
rencontre de .1 ou 4 faces allongées et plus ou
moins larges, rappelant la figure du prisme”
(J.
Tarrête). Leur forme allongée les
rapproche des ébauches d’herminettes, mais
leurs proportions et leur morphologie les
différencient de ces dernières, auxquelles ces
“prismatiques” ne pourraient aboutir, quelle
que soit l’habileté du tailleur de pierre. Leurs
extrémités, parfois abruptes, sont façonnées
et il est impossible de dire si, plutôt que les
du bois.
Naguère, il n'aurait pas
8
d’éclats
quelques
grattoirs. Confectionnés sur des éclats, ih
présentent une partie active en arc de cerc;
Leur forme rappelle celle des râpes à co..
mais leur fonction reste inconnue. Ces obj
ne
représentent qu’une faible partie
l’outillage des sites d’habitat de la Papenc v
Becs, perçoirs, alésoirs. La lorme des éclal .
parfois été modifiée en dégageant p,.
retouche
une
pointe courte, ou h,‘
insuffisante pour percer des trous. Lorsque la
pointe est plus longue, cela devient possible i :
été possible de classer
ces éclats parmi les
outils, en raison de
l'absence apparente
ou de la discrétion des
traces d'utilisation qu'ils
ou en
et
fragments d’herminettes y étaient associés.
Cette concentration implique une activité
spécialisée, de nature encore indéterminée.
Les racloirs. Il s’agit d’éclats dont un ou
plusieurs bords ont été aménagés par une
retouche
plus ou moins continue. Ils
représentent
une
forte proportion de
l’outillage sur les sites d’habitat (environ
25Çf). L’étude des traces d’utilisation que
présentent leurs bords a montré (H. Plisson)
que certains d’entre eux avaient servi à racler
1 à 7. Eclats
bruts utilisés.
sciant
vingtaine
aménagés
Les
un véritable perçoir. L’étude
ie:
d’utilisation a montré que des outih
l’outil est
un pédoncule aménagé,
extrémité mousse, avaient servi d’alésoir.
A côté de ces objets façonnés, dont
présentant
forme est
constante
immédiatement
traces
et
qui sont recon
■
.
:
e
outils, l’étude ,.
révélé qu’il en exi.e''
comme
d’utilisation
a
nombre d’autres employés bruts. La trac.o
logie, science encore balbutianteen PolynéMiest
seule à pouvoir donner une ima ■
complète de l’équipement d’outils en pit ri.
des Polynésiens avant l’arrivée du métal.
2 Les habitations de
Polynésie
habitations de Polynésie centrale, érigées sur des pavages, des plates-formes
soubassement ou à même le sol, étaient essentiellement construites en bois,
rpentes étaient couvertes de végétaux - feuilles ou herbes de différentes
-, les pièces de bois, non mortaisées, étaient simplement emboîtées les unes
autres et ligaturées. Les maisons polynésiennes anciennes sont mal connues,
observées par les premiers Européens diffèrent sensiblement d’un
archipel à
culture matérielle s’y étant développée de façon distincte. Des contingences
ües
présence exclusive de certain'S"materiaux ôïï'soc^iales ont conduit les
^a
.
n,
-
s
pi
-
'i:
,
i:;
:
,
,
m
■
à bâtir des édifices
-
aux
formes et
aux
fonctions particulières. Sans vouloir
jn quelques pages de l’habitat sous tous ses
aspects, cette réalité complexe
spendant être abordée par l’examen de quelques formes d’architecture
ique caractéristiques des principaux archipels, par l’étude des matériaux
iiement mis en œuvre, des corps de métiers, de l’organisation du travail de
iction et enfin du décor architectural. Un bref panorama de l’habitat tahitien à la
XVIIP siècle permettra de souligner l’extrême diversité fonctionnelle des
is polynésiennes.
types
liitecturaux
Polynésie
itectures traditionnelles
les de la Société
pes architecturaux les plus couramencontrés au début du siècle étaient le
lu
pape,
le fare pote’e et le fare taupee.
Le fare
haii pape, sur plan rectangulaire,
cornportait deux rangées de poteaux latéraux
soutenant les pannes sablières et une rangée de
couverture du faîte était ligaturée dans la
fourche formée par la rencontre des chevrons.
Le fare pote’e n’était autre qa’nnfare hau pape
auquel s’adjoignait une abside (pote’e) à
chaque extrémité. Les charpentes absidiales
étaient formées de chevrons mis en place
comme les branches d’un éventail se diffusant
à
partir de l’extrémité de la
panne
faîtière ; des
pannes courbes reliaient les chevrons entre
eux et des empanons venaient parfois s’inter¬
caler entre
chaque chevron.
Charpente d’un tare hau
pape traditionnel.
1. poteau central.
2.
poteau latéral.
sablière.
3. panne
4. chevron. 5. panne
faîtière. 6. panne de
faîte.
poteaux centraux supportant la panne
faîtière. La charpente du toit à double pente
était formée de chevrons liés sur la panne
faîtière et encochés sur la panne sablière à 1 m
1,20
d’intervalle ; ils
se prolongeaient ausablière pour former une
petite avancée de toit et se croisaient au-dessus
de la panne faîtière. Une panne de faîte
ou
m
delà de la panne
nécessaire
à
la
fixation
des
éléments
de
LEXIQUE ARCHITECTURAL
Arbalétrier (chevron
arbalétrier)
pièce de
charpente inclinée
suivant la pente du toit
qui forme avec le
poinçon et l’entrait la
:
ferme du toit. La
charpente des tare
taupee est composée
de chevrons qui jouent
le double rôle de pièces
de couverture
(chevrons), et de pièces
de ferme (chevron
arbalétrier ou chevron
portant ferme).
Avancée de toit : partie
d'un toit qui déborde
l’aplomb du
mur.
Empanon : pièce de
charpente jouant le rôle
de chevron mais
ne
portant pas sur la panne
faîtière.
Entrait : pièce
horizontale joignant les
deux chevrons
arbalétriers d’une ferme.
: pièce de bois
posée dans le sens de la
pente du toit et
Chevron
soutenant la couverture.
Les chevrons reposent
et sont fixés en pied sur
Fare pote’e
photographié à Tahiti
début du siècle.
la panne sablière, en tête
la panne faîtière, en
de versant sur les
sur
au
cours
pannes. Sont appelés
chevrons secondaires
chevrons de
couverture, de petits
chevrons ne portant pas
sur les pannes mais
servant essentiellement
à la fixation des
éléments de couverture.
ou
Charpente d’un fare
taupee, d'après E.S.C.
Handy.
1. poteau latéral.
2. panne sablière.
3. entrait. 4. poinçon.
5. panne faîtière.
6. entretoise.
7. chevron arbalétrier.
8. chevron. 9. chevron
du taupee. 10. panne
sablière courbe.
11. poteau du taupee.
12. plancher.
Faîtière (panne) : pièce
de bois placée au faîte
d’un toit à double pente.
Faite (panne de) : pièce
de bois reposant dans la
fourche formée par
l’intersection des
chevrons et servant à la
fixation des éléments de
couverture du faîte du
toit.
: élément porteur
principal de la structure
d'un toit placé
Ferme
transversalement au
bâtiment pour recevoir
les pannes et le faîtage.
A Tahiti, la ferme se
compose de deux
chevrons arbalétriers,
d’un entrait et d’un
poinçon.
Panne : pièce de bois
horizontale portant les
chevrons.
Poinçon : pièce de ferme
verticale réunissant
l’entrait au sommet des
chevrons arbalétriers.
Poteau (central,
latéral, de façade) : pièce
de bois plantée
verticalement dans le
sol servant de support
la structure d’une
à
charpente. Les poteaux
portent la
panne faîtière, les
poteaux latéraux la
panne sablière. Aux
Marquises, les poteaux
de façade sont les
poteaux latéraux de la
centraux
face du bâtiment
marquée par la présence
de la porte.
Sablière (panne) : pièce
de bois horizontale
posée
longitudinalement sur le
sommet des poteaux
latéraux servant de
support aux chevrons.
Taupee : véranda
latérale des fare taupee
des îles Sous-le-Vent.
Toit : ouvrage assurant
la protection d'un édifice
contre lés intempéries.
Toit en pupitre : a un seul
versant reposant sur
deux murs de hauteur
inégale.
Toit à double pente (ou à
deux eaux) : formé de
deux versants à pentes
égales (hau pape) ou
inégales (maison des
Marquises et de
Mangareva).
25
LA VIE QUOTIDIENNE DANS
LA POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Le fare taupee se rencontrait surtout aux
îles Sous-le-Vent. Cette maison se caractéri¬
présence d’un plancher et d’un
l’une de ses extrémités. Les
observées par E.S.C. Handy, à
1923, comportaient des pannes
faîtières reposant à leurs extrémités sur des
poinçons portés par des entraits courbes. Le
toit en pupitre du taupee était formé de
chevrons fixés d’une part aux chevrons arba¬
létriers, d’autre part à une sablière courbe ou
droite reposant sur trois poteaux d’inégale
hauteur. Comme les fare hau pape et les fare
pote’e, les charpentes des fare taupee étaient
couvertes de tuiles végétales en ni’au (feuilles
de cocotier) ou en fara (feuilles de pandanus).
la
à
charpentes
Maupiti en
sait par
taupee
Le fa’e
marquisien
(maison) marquisien était construit sur
la partie arrière du paepae, plate-forme de
pierre quadrangulaire plus ou moins élevée
selon les îles. D’après R. Linton, la maison
comprenait en général deux poteaux centraux
et six poteaux de façade. Ces piliers suppor¬
taient la charpente d’un toit à double pente
dont l’un des versants descendait jusqu’au sol.
Les deux poteaux centraux, encochés à leur
sommet, supportaient la panne faîtière. Les
six poteaux de façade - dont deux très
rapprochés formaient le chambranle d’une
porte très basse - portaient la panne sablière,
laquelle servait par ailleurs de linteau de
Le fa’e
la panne faîtière
charpente du
trois chevrons principaux,
porte. Sur la panne sablière et
étaient fixés les chevrons de la
toit
:
tout
d’abord
l’un attaché au-dessus de la porte, les deux
autres à mi-distance entre ce premier chevron
l’extrémité de la panne sablière. Ces trois
principaux ne se prolongeaient pas
au-delà de la panne faîtière ; par contre, les
chevrons secondaires plus petits, espacés de 6
et
chevrons
à 9 cm, se croisaient avec les chevrons de
l’autre versant au-dessus de la panne faîtière et
recevaient la panne de faîte. Ils se prolon¬
geaient également au-delà de la panne sablière
pour former une petite avancée de toit. Trois
pannes de bambou fixées sous les chevrons
principaux les maintenaient en place. Le
versant du toit qui descendait jusqu’au sol
était habituellement formé de huit chevrons
principaux entre lesquels s’intercalaient les
chevrons
secondaires.
Les
chevrons
principaux étaient également maintenus par
trois pannes. Cette charpente était couverte
tuiles végétales et les murs latéraux fermés
cannes
écorcés
bambou, de troncs d’hibiscus
de feuilles. La façade de la maison
pouvait être ouverte ou fermée, en partie ou en
totalité, par des tuiles végétales ou des
bambous.
Les habitations de
Mangareva
habitations de Mangareva sont mal
mais certaines d’entre elles
ressemblaient aux maisons marquisiennes par
la forme de leur toit dont l’un des versants
descendait jusqu’au soi. Comme les maisons
Les
connues
marquisiennes, ces édifices étaient construits
sur plan rectangulaire, sans extrémité courbe
ou arrondie. A la différence des Marquises, la
charpente du toit était soutenue par deux
Charpente d’une maison
marquisienne, d'après
R.
1.
2.
3.
4.
Linton.
poteau de façade.
panne
sablière.
poteau central.
panne. 5. panne
faîtière. 6. chevrons
principaux. 7. chevrons
secondaires. 8. aire de
y
En haut et à gauche :
L’habitat des Iles
Marquises. Ces dessins
effectués lors du
passage de Dumont
d'Urville aux Marquises,
font apparaître en
particulier la présence
de
longues perches de bois
verticales, clôturant la
autour du paepae
plate-forme de pierre.
Coupe sagittale
d’une maison
marquisienne.
1. paepae.
2. keetu.
3. poutres
longitudinales
délimitant l'aire
de couchage.
4. aire de couchage.
5. poteau central.
6.
poteau de façade.
7. panne sablière.
8. panne faîtière.
9. panne de faîte.
10. panne.
11. chevron.
26
de
ou
de
de
couchage. 9. pavage.
LES HABITATIONS DE
rangées de poteaux latéraux supportant les
pannes sablières et une rangée de poteaux
centraux soutenant la panne faîtière. Cette
charpente ressemblait selon P. Buck à celle
décrite par R. Linton mais, à l’opposé des
toitures marquisiennes, le versant du toit
allant jusqu’au sol était
courbe. Cette
courbure était obtenue par l’emploi de
chevrons en bois de cocotier refendu. Ils
étaient plantés dans le sol, fixés à des perches
horizontales
placées entre les poteaux
latéraux du mur arrière, puis incurvés au
niveau de la panne sablière et fermement
attachés
sur
la
panne
Tahiti, les chevrons
se
faîtière. Comme à
croisaient au-dessus de
faîtière et formaient une fourche
laquelle était fixée la panne de faîte. Des
pannes très rapprochées les unes des autres
étaient également attachées sous les chevrons.
Les murs latéraux et de façade des maisons
la panne
dans
le couchage et des édifices à caractère
cannes de bambou
de tuiles de pandanus. Les maisons de chef
pour
religieux, étaient formés de
ou
et
de réunion étaient closes
sur
les côtés mais
façade restait ouverte et possédait un mur
bas de pierre ou de corail, à fonction défensive
ou
servant
de siège aux
membres de
la
l’aristocratie.
faîtière était supportée à chaque
paires de chevrons droits
servant de chambranle aux portes ; trois ou
quatre paires de chevrons courbes étaient
fermement implantés dans le sol, arqués et
attachés au-dessus de la panne faîtière. Une
petite panne de faîte était ensuite liée dans la
fourche formée par la rencontre des chevrons
panne
extrémité par deux
au sommet
La petite maison basse
des Tuamotu
Les
fin
du
XVllP
siècle
furent
étonnés
de
petites maisons très basses, au
toit descendant jusqu’au sol, aux extrémités
arrondies, percées d’une ou deux portes juste
assez hautes pour y pénétrer à genoux. Ce
type
d’architecture très particulier a été observé en
1929 par K.P. Emory sur l’île de Napuka, La
rencontrer de
Fixation des éléments de
couverture aux
Charpente des
1. chevron arqué.
2. chevron de
couverture. 3. panne.
4. élément de
couverture en
1. chevron courbe.
2. chevron droit.
3. panne faîtière
4. panne de faîte.
5. panne. 6. panne
courbe. 7. chevron de
couverture.
8. empanon.
Tuamotu, d’après K.P.
Emory.
pandanus. 5. attache de
la tuile de couverturesur
le chevron de
couverture. 6. attache
de la panne sur le
chevron arqué.
7. attache du chevron
de couverture sur la
du toit. Deux pannes,
composées
plusieurs petites baguettes grossièrement
équarries, étaient ligaturées sur les chevrons :
la première à 15 cm environ au-dessus du sol,
la seconde à mi-distance entre la panne faîtière
de
Européens qui visitèrent les Tuamotu à la
POLYNÉSIE
le sol. Aux extrémités de la maison, dans les
sections arrondies où se trouvaient les portes,
des empanons étaient fixés sous ces deux
et
pannes entre lès
chevrons arqués.
chevrons droits et les
Les tuiles de pandanus
étaient cousues sur de petits chevrons de
couverture fixés sur les pannes tous les 30 cm.
anciennes maisons de
Napuka, d'après K.P.
Emory.
panne.
Exemple de couverture
de faite aux Tuamotu,
d'après K.P. Emory.
1. panne faîtière.
2. panne de faîte.
3. tuile de pandanus.
4. aiguille piquée au
travers du tara entre la
panne faîtière et la
panne de faite.
Maison de réunion
("are tepere)
de Mangareva,
aussi 'are tiki
appeiée
(maison des tiki)
Anciennes habitations
de Napuka, couvertes
de pandanus.
raison de
décoration
architecturaie.
en
sa
■’fh-
'■•y'''
27
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D'AUTREFOIS
A
Les bâtisseurs
étaient tout aussi
Construire
travail et
: un
importantes que le travail
lui-même et devaient être exécutées avec la
acte sacré
Tahiti, les matériaux de construction
n’étaient pas considérés comme des éléments
inertes mais comme les détenteurs d’une
A
parcelle de l’essence divine. La mise en œuvre
premières était une opération
complexe, la chaîne opératoire comportant
une nécessaire conciliation des dieux. Édifier
une
maison exigeait la participation
d’ouvriers spécialisés non seulement dans l’art
d’assembler les pièces de charpente mais aussi
dans le domaine religieux. Les dieux étaient
en effet présents pendant toute la durée du
travail sans cesse ponctué de prières et
des matières
d’offrandes.
plus grande exactitude. Comme à Tahiti,
prières étaient accompagnés d’une
surveillance continue de présages susceptibles
d’annoncer
construction
cation de la nouvelle maison. Ces incantations
Les
de
de
maisons
à
caractère
à leur nourriture. L’accès au chantier était
surtout
interdit
aux
femmes, considérées
particulièrement réceptives
néfastes.
Marquises, les matériaux de
construction, personnifiés, étaient invités par
des prières et des chants à collaborer à l’édifi¬
l’échec
ou
exceptionnel, les mauvais esprits étaient
éloignés du lieu de travail par la présence d’un
enclos tapu et d’une maison sacrée dans
laquelle logeaient et travaillaient les ouvriers.
Ils y préparaient même leur propre repas afin
d’éviter que des mains non sacrées ne touchent
comme
Aux
réussite
la
l’entreprise. Avant de se mettre à l’œuvre,
experts, assistants et ouvriers devaient être
purifiés par un bain dans la mer. Pour la
aux
forces
Ainsi isolés du monde extérieur,
spécialistes et ouvriers n’étaient détournés de
leur activité par aucune distraction et se
consacraient entièrement à leur tâche. Seuls
un bain ou la récitation de chants sacrés pour
piliers des
consécration de la nouvelle maison
pouvaient faire disparaître ce lien magique qui
unissait les bâtisseurs aux forces supérieures.
Ce n’est qu’après avoir ainsi perdu leur tapu
que
les participants à la construction
la
pouvaient retourner à la vie profane. Bâtir
certaines maisons constituait
un
acte des
plus
graves, à tel point que pour consacrer un fara
ia manaha à Tahiti ou une maison de chef aux
Marquises, le sacrifice d’une victime humaine
était nécessaire.
Cette notion de sacré liée à l’édification
d’une maison se retrouve aux îles Gambier, à
*
Mangareva : des cérémonies avaient lieu pour
tressage des liens, l’implantation des
le
poteaux
et
couverture
l’égalisation des éléments de
de l’avancée du toit. Chants et
danses étaient
nourriture
accompagnés de distribution de
chanteurs, aux charpentiers et
aux
chantres de
Rogorogo.
îles Cook, se distingue
Puka Puka, aux
archipels par l’absence de
relatifs à des cérémonies
associées à la construction des maisons.
des
autres
témoignages
*
Gouges. Le bois se
travaillait également à
l'aide de gouges,
confectionnées, selon
J. Morrison et W. Ellis,
"dans des os humains de
bras ou de jambes".
habitations et les fata
pouvaient être polis avec
des morceaux de corail
ou des peaux de raie
tendues sur un support
de bois.
A
Les couvreurs,
lorsque
la charpente du toit est
achevée, installés sur un
échafaudage interne à la
maison, posent les
éléments de couverture
pandanus qui leur
les
"passeurs".
en
sont transmis par
*
Le
“passeur". A l’aide
d’une grande perche de
purau
(Hibiscus
tiiiaceus), le “passeur"
dispose les tuiles
végétales sur
la charpente pour
permettre au couvreur
de les attacher ensuite
sur les chevrons.
Les aiguilles à toiture.
Pour coudre le tara sur
les chevrons, le
couvreur
tftilise
une
aiguille de bois pointue
pourvue d'un chas.
Cette aiguille à toiture,
répandue en Océanie,
est très fréquente en
Micronésie et
en
Polynésie.
Aiguilles à toiture de
Tahiti rapportées par
J. Bennet.
28
LES HABITATIONS DE POLYNÉSIE
»>
Les ouvriers
spécialisés
îles de la Société, les spécialistes de
chaque profession (constructeurs de maisons,
de pirogues, de marae ...) étaient appelés
tahu'a (créateurs). Ils possédaient des marae
sur lesquels étaient accomplis les rites
qui leur
permettaient de se concilier les divinités.
Aux
Celles-ci autorisaient la taille d’une pierre ou
la coupe d’un arbre et favorisaient la réalisa¬
entreprises humaines. Le tahu’a fare
(créateur de maisons) était celui qui, selon
T. Henry, “faisait les plans et construisait les
maisons”. Il dirigeait les ouvriers - rendus euxmêmes sacrés par le travail qu’ils effectuaient et présidait aux cérémonies, offrandes et
prières, depuis la coupe du premier arbre
jusqu’à la consécration finale de la maison.
tion des
tikitiki). Ces artisans spécialisés apprenaient
leur métier auprès d’un étranger ou d’un
membre de la famille plus âgé. Dès qu’ils
étaient suffisamment habiles pour exercer leur
fonction, ils prenaient le titre de tuhuna et
recevaient un bon salaire en nature ; aliments,
étoffes, armes, parures. La charge de tuhuna
était accessible à n’importe quel homme, et
parfois même aux femmes. De nombreux
tuhuna connaissaient plusieurs arts et certains
tous les arts à la fois ; ils portaient alors le titre
de tuhuna nui : grand maître. Les tuhuna,
classe honorée de la société marquisienne,
étaient considérés comme les sages de la
collectivité. Les chefs
eux comme
pouvaient faire appel à
politiques.
conseillers
A l’inverse des îles de la Société et des
Marquises, il
ne semble pas qu’il ait existé à
Puka, aux îles Cook, des spécialistes ou
des corps de métier. En conséquence, la cons¬
Puka
truction
d’une
maison
de
taille
moyenne
prenait souvent beaucoup de temps - sept à
douze mois -, car le propriétaire était fréquem¬
ment obligé d’interrompre les travaux
pour
vaquer à ses propres occupations et accumuler
les aliments nécessaires pour nourrir les
travailleurs à chaque étape de la construction.
Grajuie I/ache
•
Le tahu'a fare ne dirigeait que la cons¬
truction d’édifices à caractère exceptionnel
(maison d'ari’i, de réunion, /d/'e arioi, etc.)
pour les autres habitations, ceux qui en
avaient les moyens pouvaient engager un ou
deux
“charpentiers” qu’ils nourrissaient
pendant la durée de la construction,
l’estimation du travail à exécuter ayant été
faite au préalable sous forme de produits
(cochons, tapa, huile, nattes, etc.). Nous ne
connaissons pas la différence de statut entre
tahu'a fare et charpentier (différence de statut
social ou de qualification religieuse ?) et nous
ignorons si les charges de constructeurs et
spécialistes étaient héréditaires, comme c’était
le
îles Samoa. Ceux
qui ne pouvaient
aux charpentiers construi¬
saient eux-mêmes leur habitation avec l’aide
de parents (les /ét//), chacun étant régalé d’un
cas aux
pas
faire appel
festin clôturant le travail d’édification.
Aux îles
Marquises, celui qui désirait
une maison faisait
appel au
constructeur de plate-forme (tuhuna, hakatu
paepae), au constructeur de maison (tuhuna
hakatu fa'e), au spécialiste de la pose des
ligatures ornementales (tuhuna pehe) et à
celui qui sculptait les poteaux de façade et
ceux supportant la panne faîtière (tuhuna ha'a
faire construire
H
Parmi ces “Outils des
du Sud’’ se trouvr
l’herminette (A),
mers
employée par les
charpentiers pour
abattre, tailler et débite
les arbres, et sculpter
les piliers de motifs
décoratifs
(B et C sont en fait des
instruments utilisés
pour le
D'après
tatouage).
un dessin de
J.F. Miller.
Page de gauche
Le
couvreur.
:
De même
que l'ouvrier travaillant
à l'édification des
poteaux et de la
charpente, le couvreur
observait autrefois tous
les signes pouvant être
'
interprétés comme de
mauvais présages : s'il
lui arrivait de couper en
deux un des lézards qui
se
logeaient
habituellement dans les
feuilles, cela signifiait
que la.guerre était
proche, et l'ouvrier
abandonnait
son
travail
pour se préparer au
combat.
Hermineitè de pierre
Polynésie. -
de
29
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Les matériaux
de construction
Les bois d’œuvre
Aux îles de la Société, cocotier, arbre à pain et
hibiscus étaient sans doute les principaux bois
régions côtières. Le
cocotier était un matériau idéal pour la
confection des piliers d’habitation : pas de
problème d’ébranchage ou d’écorçage, une
fois coupé, le tronc est immédiatement
utilisable. Employé surtout pour les poteaux
porteurs, il était, d’après W. Ellis, le principal
matériau de construction des grands édifices.
L’arbre à pain servait pour les poteaux de
soutènement ou les éléments de charpente. Le
purau (Hibiscus tiliaceus) était parfois utilisé
comme pilier mais surtout pour la confection
des chevrons et de toutes les pièces de la
charpente du toit. Le bambou
(Schizoslachyum glaucifolium) et le roseau
(Miscanthus floriclulus) pouvaient se
substituer à l’hibiscus pour ce même usage.
D’autres arbres étaient également employés :
E.S.C. Handy nomme le miro (Thespesia
populnea), le tou (Cordia subcordata), Yahia
(Eugenia nialaccensis), le mara (Neonaudea
forsteri) et Yaito (Casuarina equisetifoiia).
Aux Marquises, les poteaux et pannes
sablières des maisons étaient en arbre à pain,
les éléments de charpente, pannes et chevrons,
de construction utilisés
en
hibiscus et
en
en
*
cousues sur un support de roseaql DIautres
végétaux étaient occasionnellement em¬
ployés : l’herbe d'aretu (Andropogon
tahitensis) servait à Maupiti pour couvrir de
petites maisons, le to ou canne à sucre
(Saccharum officinarum) et le ti (Cordyiine
terminalis) pour les huttes provisoires de
Raiatea et Tahiti.
Aux Marquises,
les toitures étaient
feuilles de cocotier tressées,
en
en
feuilles de
pandanus et autrefois en feuilles de vaake,
espèce de petit palmier endémique. Les
feuilles d’arbre à pain étaient aussi utilisées ;
ces couvertures d’apparence moins agréable
duraient plus longtemps que celles en feuilles
de cocotier. L’herbe était rarement employée.
Aux Tuamotu, les toitures étaient en
pandanus et en feuilles de côcotier ; à
Mangareva en pandanus.
Les techniques de confection des tuiles en
feuilles de cocotier et de pandanus différaient
sensiblement d’un archipel à l’autre. Celles
employées aux îles de la Société étaient parmi
les plus répandues. Les tuiles de pandanus y
étaient fabriquées de la façon suivante : les
feuilles dt fara, cueillies sèches ou ramassées à
terre, étaient mises à tremper dans l’eau salée
puis séchées et assouplies sur un morceau de
bois lisse fiché dans le sol. Après cette
préparation, elles étaient pliées au tiers
environ de leur longueur sur une baguette de
roseau, puis percées à 8 ou 10 cm sous ce
roseau à l’aide d’une aiguille taillée dans un
fémur de chien. Une latte de bambou pointue
était ensuite passée dans ce trou ; cette latte
“cousue” parallèlement à la baguette de
roseau permettait de maintenir les feuilles sur
leur support. La préparation du ni'au était
plus rapide mais le matériau moins durable :
les feuilles de cocotier, coupées sur l’arbre ou
ramassées à terre, étaient mises à tremper dans
l’eau douce. A leur sortie de l’eau elles étaient
séparées en deux dans le sens de la longueur
puis les femmes tressaient en croix deux à
bambou. Le miro était choisi
la sculpture des poteaux de façade et de
ceux
supportant la panne faîtière. Les
maisons pouvaient être fermées en partie ou
en
totalité par des perches- d’hibiscus, de
bambou ou par des tuiles végétales.
Aux Tuamotu, les matériaux de cons¬
pour
différaient d’une île à l’autre.
truction
Napuka, les chevrons courbes étaient
A
en tou,
puka
(Pisonia) ou en pandanus, les pannes faîtières
et les pannes en Pisonia. A Reao, où il n’y
avait pas de tou, les habitants employaient
surtout le cocotier, le pandanus et la nervure
des feuilles de cocotier pour les chevrons
secondaires. A Puka Puka, le pandanus était
essentiellement utilisé pour la charpente.
A Mangareva, les chevrons de certaines
les chevrons droits et secondaires
habitations étaient
en
en
bois refendu de cocotier
pandanus ; comme dans les autres
archipels, l’hibiscus était aussi très employé.
et
en
Aux îles de la
Société, les matériaux de
construction étaient
parfois traités contre le
l’attaque des parasites.
L’immersion dans l’eau de mer aurait permis
d’éloigner les insectes, de même qu’un enduit
de glaise rouge mélangé de charbon de bois.
La base des poteaux pouvait être trempée
dans la boue ou passée au feu avant enfouisse¬
pourrissement et
ment.
Les
Marquisiens préféraient travailler le
bois vert, frais coupé, le bois sec ne pouvant
être employé qu’après plusieurs semaines
d’immersion dans un torrent.
Les couvertures
végétales
Société, les maisons étaient
tressées
de feuilles de pandanus (f’ara)
Aux îles de la
couvertes
(ni’au)
30
ou
de
feuilles jle_cocotier
«
Fabrication des
éiéments de couverture
en ni'au ; le tressage
des feuilles de cocotier.
Au-dessous :
Tuiles végétales.
A gauche : feuilles
pandanus cousues
(tara).
A droite
Liens. La charpente
de cette maison
marquisienne de l'ïle
de Ua Pou est couverte
de tuiles végétales
en
de
: feuilles de
cocotier tressées (ni'au).
ni'au, ligaturées
les chevrons à l'aide
de liens en écorce
de purau (Hibiscus
sur
tiliaceus).
LES HABITATIONS DE
»
deux les folioles
encore
mouillées.
séchées. C’était les vieux
siècle, les Tahitiens
assemblaient les pièces de charpente et
fixaient les tuiles végétales à l’aide de liens en
fin
la
XV1I1‘=
du
écorce de pin au (Hibiscus liliaceus), ou en
de fibres extraites de la bourre de noix
tresses
w
de
coco
(nape).
à
lavées
nouveau
A droite :
Les matériaux de
construction.
De
haut
en
bas
Maiore (Artocarpus
altilis)
obtenues étaient enfin réunies pour
des cordes solides” (Tischner).
à
l’eau claire et
obtenir
D’après J. Morrison, le lien d’écorce
se fabriquait en mettant l’écorce à
tremper dans l’eau pendant trois jours pour la
débarrasser de sa viscosité ; puis elle était
d’hibiscus
séchée et
était très employé dans toute la
Polynésie. Sa confection demandait
beaucoup de soin : “La bourre de noix de coco
était dans un premier temps immergée dans
l’eau salée, la plupart du temps au bord de
mer. retenue par des pierres pendant environ
deux mois. Après cette première opération,
qui par ailleurs blanchissait les fibres, on la
posait sur une pierre ou un morceau de bois
dur et on la frappait jusqu’à ce que les fibres
soient complètement ramollies. Ensuite elles
Le nape
étaient
général qui les
filaient en les torsadant sur leurs genoux à
l’aide de la main. Plusieurs cordelettes ainsi
Les liens
A
en
POLYNÉSIE
on
tordait les fibres à la main, “à
deux brins d’abord et
troisième brin
:
en y ajoutant ensuite le
les liens étaient fabriqués en
ajoutant de l’écorce
les tordait.”
au
fur et à
mesure
qu’on
Aux cordes de purau et de fibres de
bourre de noix de coco, s’ajoutent celles du
ieie (Freycinetia impavida) appelé également
Jarapepe.
Aux
Marquises,
cordelettes étaient
aux
du
Tuamotu,
pandanus.
on
en
la
plupart
des
fibres de noix de coco, et
utilisait la racine aérienne
;
arbre à pain.
Cette variété à long fût
ou
convient
particulièrement
pour
la fabrication des
d’habitations et
des pannes
piliers
faîtières.
perches de purau
(Hibiscus tiliaceus)
sont parfaitement
adaptées pour
Les
les différentes
de la
pièces
charpente du toit.
pandanus(Pandanus
tectorius), dont on
Le
utilise surtout les feuilles
pour confectionner les
éléments de couverture
du toit, est également
employé
comme
sur les atolls
bois d’œuvre.
Préparation des
éléments de couverture
en lara. Après avoir été
assouplies sur un pieu
fiché en terre (cliché
de droite), les feuilles de
pandanus sont pliées
le supportée roseau,
puis percées à l’aide
d’une aiguille en os de
sur
chien et maintenues
en
place par une baguette
(cliché
ci-dessous).
de bambou
31
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Construction
d’une maison à
caractère
exceptionnel
de la Société
aux
îles
Recherche et préparation
des matériaux
La
quête du bois d’œuvre était un travail
; lorsque les Tahitiens allaient
organisé
chercher leurs matériaux dans les vallées
ou en
toujours précédés de
groupes
d’hommes qui partaient à la
recherche des provisions, construisaient des
huttes provisoires et rassemblaient le bois à
brûler.
Les spécialistes choisissaient les
arbres, les marquaient et, avant de les abattre
avec l’accord de leur propriétaire, ils accom¬
plissaient un rituel. Moerenhout remarque
que les Tahitiens “ne coupaient pas un arbre
pour construire une pirogue ou une maison
montagne, ils étaient
avant
d’avoir été, la hache à la main, au marae
prévenir les dieux et sans leur apporter le
premier morceau enlevé à l’arbre avant de
pour
l’abattre en entier”. Il est probable que les
ouvriers utilisaient à la fois le feu et l’herminette de pierre pour abattre ces géants des
forêts nécessaires à la construction de
grands
Après abattage, ébranchage, et
écorçage, les troncs étaient dégrossis sur les
édifices.
indications des
et
spécialistes puis ils étaient liés
traînés à l’aide de cordes At [au (Hibiscus
sp.j.
Moerenhout,
D’après
les Tahitiens
“tiraient des forêts et amenaient
distant
de
morceaux
plus
de bois
au
rivage
demi-lieue, des
pesant au moins trois
d’une
celui de leviers
pied d’œuvre, les
pièces de bois étaient sciées ou tranchées aux
dimensions voulues, encochées, polies et
tonnes sans autres secours
ou
que
de rouleaux”. Une fois à
En haut :
1 et 2. Pose d’un
élément de couverture
en fara. Le couvreur
"coud” la tuile végétale
à l’aide d’une aiguille en
bois. Celle-ci, piquée
juste sous la baguette
de
roseau
servant de
support aux feuilles,
crochette le lien
présenté à l’extérieur
du toit et le tire vers
l’intérieur où il est noué
sur le chevron.
3 et 4. Attache d’une
tuile végétale. L’élément
de couverture en fara,
mesurant environ
m, est attaché sur
le chevron par un simple
nœud d’arrêt. Un lien
continu servira à
maintenir toutes les
tuiles de pandanus sur
le même chevron.
1,20
travaillées à l’aide d’outils et de matières
appropriées. Tous les matériaux de construc¬
tion, piliers, éléments de charpente et tuiles
végétales devaient être rassemblés à l’empla¬
cement de la
future maison. Grâce
au
nombre
important de participants - souvent plus d’une
centaine dans le
cas
d’un édifice à caractère
l’érection des piliers et la pose
de la charpente du toit étaient relativement
rapides et ne demandaient que quelques jours.
A l’inverse, la préparation de tous les
exceptionnel
matériaux
-,
de
construction
nécessitait
plusieurs semaines voire même plusieurs
mois. La fabrication des tuiles végétales
prenait toujours beaucoup de temps : il fallait
A droite
La
:
“campagne"
tahitienne telle
qu'elle fut observée par
Dumont d’Urville
1838 lors de son
passage dans l’île.
en
d’abord récolter des milliers de feuilles de
pandanus, des roseaux et des bambous, puis
assouplir une à une toutes les feuilles de fara
avant de les monter sur leur support de
Restait encore la confection des liens
d’écorce de purau ou de bourre de noix de
roseaux.
coco, indispensables à l’assemblage des pièces
de charpente et à la pose des éléments de
couverture. Ce travail de longue haleine
demandait une main-d’œuvre nombreuse et,
selon le cas, la participation d’une partie ou de
la totalité de la population du district ou de
l’île.
32
Construction d’un fare
taupee à Maupiti.
Lorsque la charpente
du toit est achevée, les
couvreurs,
un
installés
sur
échafaudage interne
à la maison, posent les
éléments de couverture
partantdu bas (panne
sablière) vers le haut du
(panne faîtière).
en
toit
LES HABITATIONS DE
«
Stockage des nourritures
Parallèlement à la
préparation des matériaux
de construction, un véritable “fonds de subsis¬
tance” était constitué. En effet tous
qui
participaient à la construction de la maison
sous les ordres du tahua Jure étaient nourris
pendant la durée des travaux. De plus, ces
travaux
s’accompagnaient toujours de
nombreuses
réjouissances publiques
ponctuées d’offrandes aux dieux. De grandes
quantités de nourriture étaient donc préparées
et
stockées à l’avance. Le
recours
ceux
à la coutume
du rahui
- interdit
(tapu) sur des produits de
consommation afin d’en accroître la
production
-
se
pratiquait à cette occasion.
Édification de la maison
Une fois
•
ce
commençaient par
cm de profondeur
à l’emplacement désigné pour les poteaux
supportant la panne faîtière et ceux soutenant
les
pannes
sablières. L’implantation de
certains de ces piliers donnait sans doute lieu à
des offrandes et des prières comme cela se
pratiquait aux îles Gambier. Pour la
construction du /are ia manaha sur les marae
nationaux, le corps d’une victime humaine
rendre sacré”. Les ouvriers
creuser
fonds de subsistance constitué et
lorsque tous les matériaux étaient fin prêts, le
véritable travail d’édification commençait.
L’emplacement du futur/à/r, après avoir été
soigneusement choisi, débroussé et nivelé,
était selon T. Henry “arrosé soigneusement
par les prêtres avec de l’eau de mer pour le
offerte
des fosses de 50 à 80
en
sacrifice était enterré
poteaux centraux. Les poteaux
sous
l’un des
étaient placés
dans leur trou, et leur stabilité assurée en y
tassant de la terre et des pierres tout autour.
La panne faîtière
hissée à la main
était ensuite mise
ou
en place,
à l’aide de cordes. Les
sablières étaient emboîtées dans la
partie supérieure des poteaux latéraux et
absidiaux et les chevrons ligaturés sur la
panne faîtière et encochés sur les pannes
sablières.
Un
échafaudage était ensuite
construit à l’intérieur de la maison pour la
pose des éléments de couverture. Ce travail
demandait une qualification particulière : il
était confié à des ouvriers spécialisés protégés
pannes
POLYNÉSIE
des dieux Minia et
Papea(ou Nenia et Topae),
patrons des couvreurs et de “ceux qui finis¬
saient les angles des maisons et les différents
Joints de la toiture” (W. Ellis). Les tuiles de
pandanus étaient cousues sur les chevrons au
moyen de grandes aiguilles en bois. On
commençait à couvrir la toiture en partant du
c’est-à-dire des pannes
la panne faîtière.
Pendant toute la durée des travaux, les
ouvriers observaient attentivement tout ce qui
bas
le
vers
sablières
haut,
vers
pouvait être interprété comme des présages :
des outils usés du mauvais côté ou un trou
percé à contresens suffisaient à faire aban¬
donner la construction. Lorsque la maison
était
prête, une grande fête célébrait
l’achèvement de cet ouvrage collectif. Un
autre
rituel était
alors
accompli pour
la nouvelle maison. Cette
cérémonie est malheureusement peu connue,
mais c’est sans doute à cette occasion que
l’édifice recevait un nom savamment choisi :
consacrer
Pereue (rosée de la nuit). Pou mariorio
(poteaux qui s’infléchissent), Ma'a i tere
(nourriture qui flotte).
33
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
L’aménagement
intérieur, le mobilier
et le décor
architectural
L’aménagement intérieur
et le mobilier
A Tahiti le sol du
aplani, surélevé
ou
fare la'oto était nivelé,
affermi, puis recouvert de
longues herbes sèches sur lesquelles étaient
D’après J. Cook, “le
plancher était le lit commun de tout le ménage
et il n’y avait aucune séparation. Le maître de
étendues des
nattes.
la maison et
femme se couchaient
et
sa
près d’eux les
gens
au
milieu,
de la famille qui étaient
mariés, ensuite les filles qui ne l’étaient pas et à
peu de distance les garçons ; les serviteurs ou
dormaient à la belle étoile lorsqu’il ne
tombait point de pluie ; et dans ce cas ils se
leuieii...
réfugiaient
sous les bords de l’habitation”.
Des fosses plus ou moins profondes étaient
creusées dans le sol pour le stockage de
certains aliments
comme
le fruit fermenté de
«c
les maisons. Les seuls ustensiles observés par
Beechey furent des gourdes et des récipients en
coquilles de noix de coco.
Aux Tuamotu, l’espace intérieur des
anciennes maisons de Napuka observées par
K.P. Emory était couvert de nattes de
pandanus disposées sur un matelas de feuilles
de cocotier tressées. Ces petites “maisons pour
dormir” étaient entièrement occupées par
Faire de couchage ; une poutre servait
d’oreiller commun et plusieurs grosses pierres
lisses de sièges et de lest pour le revêtement
végétal. De nombreux effets personnels hameçons, filets, armes, touffes de plumes etc.
étaient disposés sur le sol le long des versants
du toit, insérés entre les tuiles de pandanus ou
bien suspendus aux chevrons ou à une perche
ligaturée près du faîte. La vaisselle de bois et
-
autres
ustensiles
se
trouvaient autour de la
maison ou sous un petit appentis.
Aux Australes, certaines habitations de
Tubuai décrites par J. Morrison, présen¬
taient la
leur
particularité d’être partagées dans
largeur par une rangée de pierres séparant
les hommes des femmes
:
“A l’extrémité de la
partie réservée aux hommes se trouvait un
emplacement où l’on enterrait les mâles de la
pain. Dans les régions pluvieuses, au
fond des vallées, là où les nuits sont plus
fraîches que sur le littoral, des feux allumés
dans de petits foyers servaient au chauffage et
à l’éclairage, ce dernier en partie assuré par les
séparé du reste de la maison
rangée de pierres plates placées de
champs... où les femmes n’avaient pas accès :
c’est là qu’ils gardaient les images de leurs
famille
:
il était
par une
ancêtres
ou
de
leurs
tutélaires”.
Dieux
Comme dans les autres archipels, l’essentiel
du mobilier consistait en nattes pour dormir,
armes,
paniers de différentes tailles et plats
préparer la nourriture.
bois pour
en
Le décor architectural
A Tahiti certains édifices
comme
la maison de
Vari'i, étaient décorés intérieurement avec des
cordes tressées de différentes couleurs, des
nattes à damiers ou blanches avec de fines
Ces nattes étaient attachées
franges.
enroulées autour des chevrons.
Aux
ou
Marquises, la plupart des habi¬
pratiquement tous les édifices
L’emploi d’ornemen¬
tation sur les paepae est peu courant et semble
s’être limité à quelques îles ; elle se caractéri¬
sait, entre autres, par des figures sculptées en
relief sur le ke’elu, bordure de bloc basaltique
séparant \e fa’e du paepae. A l’intérieur des
tations
et
cultuels étaient décorés.
l’arbre à
Page de droite, en haut :
Poteau d’habitation
marquisienne, sculpté
géométriques.
de motifs
chandelles constituées de brochettes de fruits
oléagineux du lia'iri ou tuitui (Aleurites
moluccana). Chaque habitation possédait un
ou deux fal a, simples poteaux de bois pour
suspendre les calebasses et les provisions afin
de les mettre hors d’atteinte des rats. Les
à une classe sociale
privilégiée possédaient des coffres en bois, des
appuis-tête finement polis et des petits sièges
bas. Le mobilier de type courant comprenait
Tahitiens appartenant
entre autres
Page de droite,
les armes, tambours, instruments
ci-contre
bois appelés umete pour
certains aliments.
en
motifs décoratifs
la préparation de
Marquises, l’aire de couchage
aménagée sur la partie arrière du fa'e.
sculptés sur les poteaux
des habitations
marquisiennes, d’après
Aux îles
était
Elle était formée selon R. Linton de deux
poutres de palmier bien droites et bien lisses :
l’une était placée longitudinalement entre les
poteaux centraux, l’autre le long du versant
du toit. Le sol de terre et de
entre
ces
recouvert
gravier compris
poutres était tout d’abord
de feuilles de palmier ou de fougères
deux
:
Quelques exemples de
musicaux, paniers, nattes, récipients et plats
R. Linton.
Maison de Te Mae
à
Napuka aux Tuamotu.
L’intérieur de cette
maison est entièrement
occupé par l'aire de
couchage. Le panier,
le matériel de pêche et
d’autres
objets sont
suspendus aux
chevrons de la
charpente du toit.
Dessin d'après une
photographie prise par
K.P. Emory en 1934.
on y ajoutait des tapis de feuilles de
cocotier tressées et enfin des nattes de feuilles
de pandanus tressées appelées kahua’a et
puis
Marquisiens dormaient la tête
arrière du toit, le kahua’a
supportant la tête et les épaules et le moena les
jambes. Les appuis-tête n’existaient pas mais
des coussins de tapa étaient parfois attachés à
la poutre de palmier sous le kahua'a. Des
appuis-tête portables réalisés avec des paquets
de feuilles de fei enveloppées et attachées avec
du tapa étaient aussi utilisés.
Comme à Tahiti, le sol des habitations de
Mangareva était couvert d’un tapis végétal
d’berbe d’aretu, d’herbe des montagnes ou de
feuilles sèches de bananier ; on y disposait
ensuite les nattes pour dormir. Pas de sièges en
bois, d’appuis-tête ou d’autre mobilier dans
moena.
vers
34
le
Les
pan
Ci-dessus et
page de droite :
Coffres en bois des îles
de la Société, dans
lesquels étaient
conservés les biens
précieux : plumes,
ceintures, hameçons,
etc.
Des appuis-tête
finement polis étaient
utilisés à Tahiti.
•
LES HABITATIONS DE
maisons, les poteaux centraux et de façade
portaient des décors
:
les piliers des édifices
cultuels et des habitations de chefs étaient
sculptés
figures anthropomorphes
de
ronde-bosse à la manière des
grandes idoles de
pierre. A Hiva Oa, Tahuata et Fatu
Hiva, ces mêmes poteaux étaient ornés de
motifs géométriques : lignes droites, brisées
ou ondoyantes, chevrons, triangles, rectangles
bois
*
en
et
ou
de
La
cercles.
présentait
d’ensemble
décoration
toujours
seul et même artiste
Certaines
de
architecturale
certaine unité
témoignant de la présence d’un
une
:
le liilnina ha'a likiliki.
pièces de charpente étaient décorées
surliures
en
fibres de cocotier rouges,
jaunes, noires et blanches. Les fibres étaient
teintes dans de l’eau colorée de terre rouge ou
du
jus de certaines plantes
s’obtenait
en
; la couleur noire
les enterrant dans de la boue. Les
cordes à trois
ou quatre brins étaient les plus
employées par le luhuna pehe
qui les disposait en motifs décoratifs.
l,a maison de réunion observée par Laval
à IVlangareva était richement décorée inté¬
couramment
*
rieurement
:
“Les colonnes
et
les poteaux
généralement recouverts de toga
(étoffe en papyrus qui ressemblait assez bien à
étaient
A droite
notre gros
on
papier d’emballage) et
formait
rouge,
POLYNÉSIE
avec
sur ces toga
de la tresse de coco, l’une
l’autre noire et l’autre blanche, des
carreaux, des pattes
figures représentant des
d’oiseaux
et
d’autres motifs. Les traverses
...
et
pièce du faîte étaient également ornées de
toga et de figures en tresses de coco appelées
la
ha'a. Les chevrons restaient nus et se termi¬
naient par une statue adhérente qui représen¬
tait tel ou tel dieu revêtu du maro, en position
de porter la poutre sur la tête”. La présence de
sculptures anthropomorphes dans ce are liki
rappelle les décorations architecturales des
Marquises, mais aussi celles des îles Australes.
effet nous savons peu de choses des
habitations de cet archipel mais il semble
incontestable que certains édifices portaient
des décors. La maison de Tubuai décrite par
J. Morrison possédait en façade des éléments
En
sculptés et peints en rouge ainsi que des
sculptés représentant des images
grossières d’hommes et de femmes”. Par
ailleurs, des pièces de bois décorées de motifs
géométriques ont été retrouvées dans cette île ;
elles font penser à des éléments de seuil de
porte comparables à ceux décrits par P. Buck
“auvents
aux
îles Cook.
:
1, 2 et 3. Eléments
sculptés de maisons de
Tubuai (îles Australes).
Ces pièces de bois sont
vraisemblablement des
seuils de portes.
35
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Diversité
fonctionnelle
des maisons
tahitiennes à la ün
du XVIIP siècle
Ils habitaient plusieurs constructions mono¬
cellulaires ayant chacune leur propre fonc¬
tion : maison pour dormir (fare ta'oto), pour
faire la cuisine
L’habitation de type courant
L’espace
d’habitation.
Les
Tahitiens
ne
vivaient pas comme les Européens dans une
seule habitation dont l’espace intérieur,
délimité par des cloisons, se découpait en
chambre à coucher,
cuisine
ou
salle à manger.
Les Tahitiens ne vivaient
pas dans une seule
cellule d'habitation,
mais dans plusieurs
petites maisons aux
fonctions bien définies.
Sur ce dessin de
J. Webber, se
distinguent la maison
pour dormir (fare ta'oto),
la maison pour préparer
le repas (fare tutu) et le
hangar à pirogue.
Les maisons
tahitiennes,
d’après les témoignages
des premiers
Européens, étaient
dispersées sur les
plaines littorales, sans
ordre apparent.
L’intérieur des vallées
était également
largement peuplé.
Aquarelle de G. Tobin.
36
(f'are tutu), pour manger (/'are
tama’ara’a) pour fabriquer les étoffes, etc. Ces
édifices étaient construits à proximité les uns
des autres dans un espace de terrain délimité
par un mur de pierre, une palissade en bois ou
des bornes végétales. La notion d’habitation
doit être prise dans un sens large, le Tahitien
vivant la plupart du temps en plein air, à
l’extérieur de l’espace bâti. Par exemple,
certaines activités pouvaient se dérouler sur
des paepae aménagés devant le fare ta’oto, la
cuisson
des
aliments
s’effectuer
non
seulement dans les fare tutu mais sur des aires
culinaires à ciel ouvert. L’expression “espace
d’habitation” (espace
bâti et
espace
extérieur
aménagé
ou non par l’homme) convient sans
doute mieux pour parler du lieu de résidence
des Tahitiens d’autrefois.
Les unités d’habitation principales. Dans le
fare ta’oto se réunissait la (ou les) famille pour
y passer la nuit. Les dimensions et la forme de
cette maison (fare pote’e ou fare hau pape)
variaient selon le nombre des membres de la
rang social du propriétaire et le
nombre de familles qu’elle abritait. Cet édifice
famille, le
était
peu
érigé directement sur le sol sans ou avec
d’aménagement des terrains
environnants. Dans les endroits de faible
de forte pente,
en
ou
des terrasses étaient aménagées
déblai vers le haut de la pente et en remblai
le bas. Sur le littoral, \e, fare ta’oto était
vers
“ouvert à tous vents” ; par
mauvais temps des
*
fi
LES HABITATIONS DE POLYNÉSIE
»
écrans
nattes
en
de
feuilles
de
cocotier
tressées, fixés entre les poteaux latéraux,
protégeaient de la pluie et des vents. A l’inté¬
des vallées où le temps est moins
clément, le fare ta’oto était fermé en partie ou
en totalité par des troncs de purau ou des
cannes de bambou ; la façade de la maison
s’ouvrait parfois sur un paepae : cette plate¬
rieur
de pierre indispensable en régions
pluvieuses pourrait être, sur le littoral, la
marque de l’appartenance du propriétaire à
une classe sociale privilégiée. Non loin Au fare
ta’oto se trouvait \tfare tutu, simple abri en
feuilles de cocotier tressées ou petite maison
forme
*
bien bâtie
aux
formes architecturales variées.
(ahi ma’a), une réserve de
pierres et de combustibles et des fata
(poteaux) pour suspendre les ustensiles de
Il abritait le four
%
Les différents
de fare tutu,
types
d’après E.S.C. Handy.
1. Raiatea et Tahiti.
2-3. Moorea.
4. type courant.
5. Papara (Tahiti).
6. Vairoa (Tahiti)
(à gauche, la maison
pour préparer le repas,
à droite la maison
pour le four).
7. Afaahiti (Tahiti).
8, 9 et 10. types d’abris.
cuisine
la
ou
fonction
des
hommes et
de
sociales,
permettaient
tama’ara’a
aux
nourriture.
réserve
classes
femmes de
séparément.
Unités d’habitation
des
En
[are
doute aux
prendre leurs repas
sans
annexes.
La fabrication
une des occupations princi¬
pales des femmes, et chaque famille possédait
un petit atelier où se confectionnait le tapa
familial. Cet édifice, sans doute un fare hau
pape de faible dimension, abritait le tutua,
pièce de bois quadrangulaire sur laquelle était
battue l’écorce de certains arbres. Par ailleurs,
de grands ateliers publics existaient dans
chaque district, d’importantes quantités
d’étoffes y étaient fabriquées à l’occasion des
des étoffes était
fêtes, des visites des ari’i et des arioi.
L’habitat
concevoir
sans
polynésien ne saurait se
hangar à pirogue de
le farau,
dimensions variées, construit en bordure de
mer ou de rivière. Ces constructions en “forme
d’arche” recevaient les pirogues de pêche et de
Les grandes pirogues de district, les
pirogues royales et les bâtiments de guerre
étaient abrités sous d’immenses hangars dont
certains, observés par J. Cook, ne mesuraient
pas moins de 40 à 50 mètres de long. Les
Tahitiens construisaient également de petites
voyage.
faites
cases
de
nattes
ou
de
tapa
dans
lesquelles ils prenaient des bains de vapeur, et
à la saison de la récolte du'urw(arbre à pain),
des maisons pour l’engraissement des enfants.
Des abris et des parcs à cochons étaient aussi
édifiés dans l’espace d’habitation.
Le hangar à pirogue.
La forme architecturale
du hangar à pirogue
varie peu en Polynésie.
James Cook en donne
la description suivante :
"ces hangars sont
des poteaux fichés en
terre
au
qui se rapprochent
sommet les
uns vers
les autres et qu’ils
attachent ensemble
avec les plus forts de
leurs cordages ; ils
forment une espèce
d’arc gothique recouvert
partout d’herbage
jusqu’à terre, excepté
seulement à ses deux
bouts qui sont ouverts”.
Ci-dessus :
Lavis de S. Parkinson
(1769).
Ci-dessous :
Gravure de E. Rooke,
Charpente
d’un tarau va’a.
1. turu.
2. panne.
3. panne faîtière.
4. chevron.
5. éléments
de couverture.
37
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D'AUTREFOIS
La résidence de X'arVi et les édifices
qui lui sont associés
Mahora et
fare ao rai. Plusieurs fare pote'e maisons de réunion,/ûre ari’i.fare aito, écoles,
etc.
ainsi que les résidences des ari’i se
regroupaient autour de terrains de réunion ou
places publiques nommés mahora. Ces
grandes places palissadées attenantes à la
maison de Vari’i selon J. Cook, portaient des
noms
variés et constituaient des pôles
d’attraction sociale, politique et religieuse. La
maison de \'ari’i, souvent appelée dans la
littérature
ethnohistorique fare ao rai
(“maison de la lumière du ciel”), ne se distin¬
guait pas des autres édifices par une forme
architecturale
particulière. Fréquemment
construite sur une pointe de terre, à l’entrée
-
«
d’habitation
“d’assemblée
renciées
voyageurs
:
fonctionnellement bien diffé¬
maison pour dormir, pour faire la
cuisine, pour prendre les repas, pour recevoir
les invités, pour les serviteurs, pour les enfants
de l’a/'/V, etc. Certaines de ces maisons, closes
de bambous ou ouvertes sur les côtés, se
trouvaient au milieu d’une
d’herbes sèches, de petits galets
jonchée
de basalte noir
ou de fragments de corail. Lieu particulière¬
ment sacré, cet espace d’habitation n’était
fréquenté que par les hauts dignitaires.
Maisons de réunion,/are arioi et maisons de
danse
11 est probable que chaque district
possédait deux ou trois grandsfare pote'e qui
servaient, selon le capitaine Cook,
.
cour
ou
sociale
maisons
comprenait
de
nombreuses
pas
de
à
les
classe
grandes
pour
une
ces
construite sur l’un des
côtés du mahora, faisait office de maison de
réunion
sans
murs,
lorsque
occasions
les
se rassemblaient en certaines
habitants du district.
Les
personnes de haut rang social
dans le fare manihini (maison
dans le
étaient reçues
des hôtes) ou
fare arioi. Cet édifice, qui pouvait
atteindre
50
mètres de
recevoir
les
arioi,
*
longueur et même
davantage, était plus spécialement bâti
confrérie
pour
et
culturelle
ludique de danseurs et de comédiens qui se
déplaçaient d’île en île en groupes de plusieurs
“Case de la Reine à
d’une passe, au bord de la mer ou sur “les
flancs verdoyants des collines”, la résidence de
ïari'i
retraite”
de
n’appartenant
privilégiée. Une
Pape ili” d'après
Dumont d’Urville.
A l'intérieur de l'espace
unités
d’habitation, délimité
par un muret de pierres,
trouvent plusieurs
unités d’habitation aux
fonctions bien
différenciées : maisons
se
*
pour dormir, pour
manger, pour recevoir
les hôtes, pour la famille,
les serviteurs, etc.
Petit édifice associé
spectacies de danse,
par J. Webber.
Cette petite maison
aux
servait avant tout
pour abriter
les musiciens et
permettre aux danseurs
*
de changer de costume :
"l’un des coins
était natté de toutes
parts, c’est là que
s’habillaient
les danseurs’’ affirme
G. Forster.
La maison de réunion.
L’édifice dans.lequel
la reine Purea reçut
le
capitaine Waliis
à Matavai avait 98 m
de long et 12,60 m
de large. “La partie
la plus élevée du toit
en-dedans avaitSOpieds
38
de hauteur (9 m) et
les côtés... en avaient 12
(3,6 m)". Cette très
grande maison pourrait
être une maison
de réunion ou
un fare manihini
(maison des hôtes).
Gravure de J. Hall.
LES HABITATIONS DE
»
centaines
de
Moerenhout
personnes.
et
Henry signalent la présence d’une plate¬
forme intérieure au bâtiment sur laquelle se
tenaient les chefs an'oi. D’après T. Henry, à
proximité du /'are arioi se trouvait un “petit
marae
de 2 mètres environ de long...
semblable en tous points à un marae
T.
ordinaire’’.
La
littérature
*
ethnohistorique
également l’existence d’une petite
“maison de danse” devant laquelle évoluaient
les danseurs. Cette construction en partie
fermée sur l’un de ses côtés permettait aux
danseurs de changer de costume ; elle abritait
mentionne
aussi les musiciens.
guerriers et les écoles. Le/me
(la maison des guerriers) était sans doute
érigée non loin de la résidence de Vari’i. Nous
possédons peu d’informations sur les caracté¬
ristiques architecturales de cet édifice,
cependant les fouilles archéologiques du /are
aito de Vitaria à Rurutu (îles Australes) ont
montré que la maison était construite en ailo
(Casuarina equiselifolia), symbole du guerrier
dont l’arbre porte le nom.
11 existait à Tahiti deux types d’écoles : la
première, réservée aux hommes, était une
école de prêtres où s’apprenaient les exercices
religieux. Dans la seconde, destinée aux
jeunes gens et jeunes filles de haut rang social,
on
enseignait diverses matières dont
“l’histoire, l’art héraldique, la géographie, la
navigation, l’astronomie, l’astrologie, la
mythologie,... la généalogie, l’étude des
La maison des
ailü
»
Au-dessous:
Fare atua
(maison du dieu) exposé
de Itle de
Huahine. Cette petite
construction mobiie
contient ie fo’o,
c'est-à-dire i'image
du dieu auquel est dédié
le marae.
Gravure de W. Wooliett,
sur un marae
*
A droite :
Vue intérieure du
énigmes, et des comparaisons...” (T. Henry).
Comme les maisons de l'ari'i, les places de
réunion et les fare arioi, les écoles de Tahiti
portaient un nom.
étaient
marae
érigées de nombreuses constructions en bois :
autels ou plates-formes d’offrandes (faia),
maisons de dimensions variées.
Le fare
ia manaha. Sur les marae nationaux se
fare ia manaha (“la maison des
trésors cachés”). Cet édifice très sacré devait
être construit en une journée ; une victime
humaine était sacrifiée et son corps enterré
trouvait le
le poteau central pour “assurer la
stabilité de l’édifice”. Dans le fare ia manaha
étaient déposés les images et les objets de
sous
valeur
appartenant
aux
divinités
fabriquait aussi les objets nécessaires aux
cérémonies et les gardiens du marae, appelés
opu nui, y passaient la nuit.
fare atua (la maison du dieu) n’était
maison proprement dite, mais une
petite construction mobile que l’on conservait
dans le fare ia manaha sur une table d’environ
1,20 m supportée par quatre pieds incurvés
finement sculptés. Il était exposé sur le marae
devant l'ahu. Le fare atua contenait le to’o,
image du dieu auquel était dédié le marae. 11
permettait de transporter le to’o d’un marae à
Le
pas une
Les constructions en bois
édifiées sur les marae
A l’intérieur de l’enceinte des
POLYNÉSIE
;
on
y
un
lieu
autre
cérémonies
sacré
lors
de
religieuses. Le fare
certaines
atua ne doit
orometua (ou
être confondu avec le fare
oromatua), petit coffret sculpté en forme de
pas
maison renfermant les
Sur
l’un
des
côtés
d’un chef.
national se
ossements
du
marae
trouvait également le grand
hangar à pirogue
qui abritait le va’a ra’a, (la pirogue sacrée du
dieu) dans laquelle voyageait le fare atua.
marae
Taputapuatea à Pare
observé en 1792 par
G. Tobin. Essai
d'interprétation
des édifices en bois
représentés.
d’après S. Parkinson.
Les fare atua, lors des
cérémonies
importantes, étaient
exposés sur de petits
autels devant le ahu,
partie la plus sacrée du
Gravure de
J. Newton d'après
S. Parkinson.
marae.
39
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
plates-formes d’offrandes.Quelle que soit
importance sociale, tous les marae
possédaient des plates-formes d’offrandes sur
lesquelles étaient déposées des nourritures
pour les dieux. Sur \es fata raii se trouvaient
des cochons entiers, de grands poissons, des
légumes, des noix de coco... Ces plates-formes
d’environ 2 m de hauteur étaient supportées
par des piliers renflés vers le sommet pour
empêcher l’accès des rats aux aliments. Des
morceaux de choix étaient exposés sur des
autels plus petits, bas, carrés, oblongs ou
ronds appelés fata ai'ai. D’après T. Henry
“sous chaque poteau d’autel était enterrée une
pierre énveloppée d’une ou de deux feuilles de
miro le plus sacré appelé iho de l’autel sacré”.
Les
leur
Constructions
en
bois liées
au
4
domestique se différencie sensiblement d’un
groupe d’îles à l’autre-en particulier au niveau
de l’élaboration des charpentes de toit -,
l’organisation de l’habitat et les
différenciations fonctionnelles présentent de
nombreux
points communs. La variété
fonctionnelle des maisons, issue d’un même
fonds culturel, est à l’image d’une société
polynésienne complexe qui
qu’imparfaitement connue.
n’est
encore
*
culte des morts.
tupapa'u (autel pour le mort) était une
petite construction en bois formée de quatre
piliers supportant une plate-forme amovible
sur laquelle reposait le corps du défunt. Cette
Le fata
construction était couverte d’un toit destiné à
mettre
intempéries.
laquelle appartenait le
le fata tupapa'u était entouré ou non
le cadavre à l’abri des
«
Selon la classe sociale à
mort,
d’une clôture de bambou.
tupapa'u (maison du mort)
exposé et embaumé le corps d’un ari'i.
Suivant les intempéries, la momie était
exposée à l’intérieur ou à l’extérieur de cet
édifice sans murs, sur différents fata. Cette
était
Dans \e [are
sacrée,
maison,
hautement
commun
en
des mortels.
d’une
palissade qui
Ce panorama de
sur
l’extrême
hangars
à
essentiellement
au
l’habitat tahitien met
pirogues
au
-
tupapa’u
était entourée
interdisait l’accès
variété des édifices
observés à l’arrivée des Européens. Cette
diversité peu sensible dans les formes
architecturales - fare hau pape, fare pote’e et
l’accent
tare
palissade
se
manifeste
niveau fonctionnel. Cette
particularité se retrouve dans les autres
archipels polynésiens. Si l’architecture
N^il'lip-
1U U .'||D.'..'.'iii.L!JtiiD||i.L
maison du
gardien
fata et civière
wivi^rw
taia
fjvy:
clôture
«
d
Fil
^
ir-fir'l'''
Fare tupapa’u de l’ar/VTi.
Le corps momifié est
placé sur une civièreportative permettant son
déplacement lors des
Intempéries.
Gravure d'après
J. Webber.
En-dessous :
Essai d'interprétation
des édifices en bois
représentés.
Fata
tupapa'u entouré
d'une clôture
de bambou ; devant
cette construction,
à droite, se dressent
deux petites
plates-formes
d’offrandes. Aquarelle
de G. Tobin.
40
«.
3 L’homme et la
•
•
*
mer
exploitation des ressources du milieu marin par la pêche, le ramassage
(coquillages etc.) et la recherche de matières façonnables, fut toujours
économiquement déterminante pour les sociétés polynésiennes.
Le statut social des pêcheurs variait, semble-t-il, selon les archipels : aux
Marquises, lors du contact avec les Européens, ils constituaient une classe sociale
bien distincte, possédant ses propres espaces cérémoniels dédiés à ses divinités ; à
l'époque, rien de comparable n’existait aux îles de la Société où les pêcheurs n’étaient
pas socialement organisés. Exceptées, peut-être, quelques techniques de prestige
(capture des tortues, par exemple), la pêche était surtout le fait d’individus de
condition plutôt modeste, mais rarement, dit-on, de la classe la plus humble des
manahune. Sur les atolls peu habités des Tuamotu le statut des personnes était moins
rigide que sur les îles hautes et les Paumotu se consacraient quasiment tous à
l’exploitation de leur environnement marin, activité indispensable à leur subsistance.
Le prélèvement sur les ressources marines, dans le lagon et en bordure des côtes,
était soumis à un certain contrôle par les chefs de terres adjacentes qui, en échange
des droits de pêche concédés à leurs sujets, recevaient une part sur les captures. Ils
pouvaient également, à l’occasion de festins par exemple, décider de pêches
collectives auxquelles toute la population participait parfois. De même, les expéditions
au large, telles les pêches au thon en
pirogue double, étaient des entreprises dont l’ini¬
tiative revenait au chef de l’endroit, conseillé par les experts en pêche (tahua). Le
souverain d’une île pouvait aussi imposer le rahui, mesure qui dans le cas présent
correspondait à une interdiction de pêcher mais susceptible de s’appliquer aussi à des
ressources terrestres. Cette interdiction pouvait porter sur toutes les côtes d’une île ou
bien n'être que partielle. Le but en était, soit de protéger certaines espèces lors du frai,
soit de constituer des réserves alimentaires en vue de festivités à venir. Les chefs infé¬
rieurs étaient dotés de pouvoirs analogues sur l’étendue de leurs zones d’influence.
Cette
emprise des chefs sur l’activité et les territoires de pêche perdura, sous une
jusqu’à une période récente puisque Handy signale (“Houses, boats,
1932) qu’au moment de son enquête les habitants de Papara
demandaient l’autorisation aux descendants des ari'i pour pêcher en face de leur lieu
de résidence et, en contrepartie, leur octroyaient une part, d’ailleurs faible, de leurs prises.
forme atténuée,
and fishing"
Nature et surnaturel
Connaître la nature
espèces animales... ne sont pas connues,
qu’elles sont utiles : elles sont
décrétées utiles ou intéressantes, parce qu’elles
sont d’abord connues”. Cette remarque de
Claude Lévi-Strauss (“La pensée sauvage”),
fort justement souligne la primauté des
“Les
pour autant
dans l’exploitation des
écologiques. Observateurs
passionnés de la nature, les Polynésiens
poussèrent très loin leur exploration du milieu
marin. Recensant les poissons et autres
animaux susceptibles de devenir leur proie, ils
choisirent parmi eux les plus intéressants du
point de vue alimentaire et, empiriquement,
apprirent à se garder des espèces non
comestibles. Des informations très précises
sur les habitats, comportements, nutrition
connaissances
ressources
etc., des proies furent nécessaires pour
élaborer les stratégies et confectionner les
instruments appropriés à leur capture. Bien
évidemment, cette fréquentation ancienne et
quotidienne de l’environnement marin fut
elleTmême source de connaissances techniques
et écologiques à propos des animaux mais
aussi sur le milieu en général (vents, courants,
états de la mer etc.). Ainsi au cours des temps,
se
constitua
un
ensemble
de
savoirs que
chaque génération enrichissait de sa propre
expérience avant de la transmettre à la
suivante par l’enseignement pratique et des
instructions orales parfois formalisées en
chants, poèmes etc. Les “calendriers de pêche”
dont nous possédons des transcriptions sont,
à ce titre, exemplaires puisqu’ils indiquent,
entre autres, les nuits favorables à la pêche, les
espèces présentes et même parfois les
techniques dont il convient d’user. Nul n’est
besoin de caution pour prouver la valeur des
savoirs
ancestraux,
mais signalons
incidemment que les études scientifiques les
plus récentes ont montré la parfaite
corrélation
traditionnelles
entre
et
indications
observations
des
ces
les
biologistes. Ajoutons que l’on s’efforce
aujourd’hui de recueillir auprès des anciens, là
où elle
a
survécu, cette riche information
menacée à terme de
complète.
disparition partielle
ou
Maîtriser le surnaturel
Mais
les
connaissances écologiques ou
techniques, si elles sont indispensables pour
exploiter le milieu, n’ont guère de prise sur les
modifications qui risquent de l’affecter. Des
bouleversements préjudiciables pour
l’homme, voire catastrophiques dans le con¬
texte économique fort précaire des atolls,
pouvaient se produire : les poissons soudain se
raréfier, les espèces saisonnières une année
Marquises,
1843, la pêche aux
poissons volants se
pratique en pirogue, à
Aux iles
en
l’aide de flambeaux et
d'épuisettes.
Dessin de M.
«
Radiguet.
41
LA VIE QUOTIDIENNE DANS
LA POLYNÉSIE D'AUTREFOIS
déserter les îles, les éléments se
déchaîner,
interdisant toute pêche.. En dernier ressort,
les
Polynésiens attribuaient à certaines
divinités le contrôle de la nature, l’origine de
ces fortunes contraires comme d’ailleurs des
(abondance, con¬
l’environnement...).
Les noms des divinités de la mer et de la pêche
qu’attestent les sources historiques sont
multiples et leurs attributions bien floues :
événements
ditions
outre
favorables
clémentes
de
Tuaraatai et Ruahatu,
marines” selon Ellis,
divinités
"principales
cet
•F
grande saison de pêche,
les
marae
consacrés à
en
ces
octobre-novembre,
divinités
chefs des îles étaient le théâtre
des
d’importantes
tentatives collectives pour
concilier les faveurs des forces divines nous
cérémonies. De
se
ou ceux
ces
: l’on signale l’offrande
premières prises... On
rapporte qu’en certains lieux, comme le marae
Vaiahu de Maupiti, les prêtres (tahua), pour
favoriser les pêches au thon et à la bonite
savons
sur
les
peu
de choses
marae
des
manipulaient des “pierres à
poissons” sculptées à l’image de l’espèce sur
laquelle ils désiraient exercer une influence.
notamment,
Comme
d’autres
l’instauration
demment
et
de la vie sociale,
levée du rahui précé¬
actes
la
évoqué,
s’accompagnaient
de
décisions
des chefs. Aux Tuamotu, les tortues capturées
à l’ouverture de la saison étaient tuées et
consommées sur les marae lors des cérémonies
rituels afin d’associer les dieux
aux
auteur
indique que les Tahitiens “avaient... des dieux
supposés présider aux opérations de pêche,
d’autres selon les saisons dirigeaient vers leurs
rivages les divers bancs de poissons. Tahauru
était le principal parmi ceux-ci, mais il y en
avait cinq ou six autres dont les pêcheurs
avaient l’habitude d’invoquer l’assistance, soit
avant de mettre leurs pirogues à l’eau, soit une
fois
en
mer.
Matatini était
fabricants de filets”
les
noms
le “dieu
des
(W. Ellis). T. Henry cite
de Ruahatu Tinirau et de Tinorua
.>
que vénéraient les pêcheurs.
Aux îles de la Société, au début de chaque
parmi les dieux
I
i
42
L'HOMME ET LA MER
dont
traditions
les
orales, vivaces
en
ces
régions, permettent d’entrevoir la complexité :
appel lancé aux ancêtres déifiés, immolation
de l’animal, offrandes symboliques... chaque
temps fort du rituel était scandé par des chants
et la déclamation de prières. Ces cérémonies
par lesquelles les Paumotu s’efforçaient
d’obtenir
»
en
abondance des tortues, animaux
appréciés pour leur chair et
essentiels à la subsistance des hommes des
entre
tous
atolls, étaient
les
plus
au
nombre des manifestations
importantes
communautés.
de
la
vie
de
ces
consacrés
aux
D’autres rituels n’ont laissé
qu’un souvenir ténu
poissons napoléons,
:
ceux
murènes etc. Est-il
d’ailleurs surprenant que le milieu marin
tienne une telle place dans l’univers spirituel et
religieux de ces sociétés qui, depuis des temps
immémoriaux, vivaient avec lui en parfaite
symbiose ?
Mais, outre ces cérémonies engageant
la collectivité, devaient exister maintes
toute
•
pratiques individuelles par lesquelles le
pêcheur essayait de garantir la qualité de sa
pêche, de se prémunir contre les dangers...
C’est encore aux Tuamotu, parce que les
changements introduits par la colonisation
ont été plus tardifs et moins radicaux,
que des
informations à ce sujet ont pu être recueillies :
l’on sait au moins, par exemple, que les
pêcheurs de l’atoll de Napuka passaient dans
de la fumée, disaient des prières, avant les
pêches périlleuses afin de se purifier et
d’éloigner d’eux d’éventuels esprits mal¬
faisants ; il était interdit d’enjamber un filet ou
une
canne
car ces
instruments, disait-on,
devenaient
aussitôt
inefficients
;
la
nuit
précédant certaines pêches, l’homme
s’éloignait de sa femme, tout rapport sexuel
passant pour compromettre ses chances de
capture. De même, ceux restés à terre, femme,
*
enfants, devaient éviter de provoquer tout
désordre dans la maison qui causerait des
problèmes au pêcheur en mer. Lors des pêches
périlleuses, l’homme sans cesse guettait des
signes par lesquels, pensait-il, les divinités ou
ses ancêtres
le préviendraient d’un risque
imminent ; si un incident advenait, il
invoquait leur aide.
Ainsi, dans leur relation à leur envi¬
marin, les Polynésiens se vivaientpartie intégrante de la nature
comme
elle, soumis aux puissances
ronnement
ils
et,
comme
divines.
Page de gauche
•
:
Activités de pêche
au bord du
iagon.
Cette aquarelle de
G. Tobin, datant de 1792,
a la précision
d’un reportage
photographique.
Une pirogue de pêche
rentre au rivage, alors
qu'une pirogue à voile,
de transport, accoste.
Deux hommes remontent
leurs filets, un pêcheur
à la ligne tient
d’une main sa canne,
et de l'autre ses prises,
suspendues à
petit bambou.
un
plus
Une femme, coiffée
d'un taumata semble
attendre le résultat
de la pêche.
tr
En haut, à droite :
La vie des habitants
des Tuamotu était
profondément marquée
par leur environnement
marin. Sur le rivage
corallien où campent
ces
Paumotu, le sol,
constitué de débris
coraliiens, est parsemé
de bénitiers, de nacres,
de porcelaines,
d'oursins, qui seront
ensuite transformés
en outils ou
en ornements.
Pirogue double
laquelle étaient
placés le tare tini atua,
sur
les ’uru et les offrandes.
On distingue, au second
plan, des activités de
pêche au filet.
Aquarelle de G. Tobin,
Tahiti, 1792.
43
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Les embarcations
de
assemblées à l’aide de cordes
pêche
Pirogue à balancier, à pagaie
Embarcation d’un emploi quotidien pour
pêcher dans le lagon, se rendre sur le récifbarrière ou pour sortir au proche large, la
nommée à Tahiti
pirogue
hoe était
pu
munie d’un balancier
placé en général à bâbord et maintenu par
deux traverses. Sa longueur variait de 5 à 10
mètres, les plus grandes pouvant porter
jusqu’à six personnes.
constituée d’une eoque
variantes
nombreuses
De
détail
de
en
fibres de
coco
le calfatage on employait de la bourre
de coco imprégnée de gomme d’arbre à pain.
Une étroite plate-forme supportant le mât,
posée sur la traverse antérieure et se
prolongeant à tribord, permettait “à
l’équipage de faire contrepoids si la pirogue
donnait trop de gîte au vent” (P. Jourdain).
Au centre de cette plate-forme se tenait un mât
et pour
supportait
feuilles de pandanus
l’un de ses côtés à un gui très
d’environ huit mètres de haut. Il
une
voile triangulaire en
tressées, fixée
sur
recourbé et remontant bien au-dessus du faîte
du mât. Une grande pagaie servait de
gouvernail.
existaient, même entre les îles d’un archipel ;
pour simplifier, disons que
îles hautes qui disposaient
les habitants des
d’arbres de taille
imposante, creusaient le plus souvent les
coques de leurs pirogues dans un seul tronc
(pirogues monoxyles), rehaussé parfois de
fargues. Les meilleurs bois étaient ceux du
mara
(Neonauclea forsteri) et du tamanu
(Calophyllum inophyllum) mais l’on
aussi
travaillait
d’autres
essences
Pirogue, pirogue à balancier, l/A'A, TIPAEAMA
VAA MAIHI
pointue aux deux bouts
VAA MOTU
Pirogue de lagon
TIPAERUA
Pirogue double de transport et de
matériaux provenant
d’arbres ; ’uru (Artocarpus
des
altilis), cocotier, tou (Cordia subcordata), etc.
Les “pirogues cousues” constituaient le
deuxième type d’embarcations à balancier
qu’utilisaient les Polynésiens. On les
rencontrait aux Australes (à Rapa et à
Raivavae), mais elles étaient d’un emploi
généralisé aux Tuamotu où le manque d’arbre
contraignait les pêcheurs à confectionner
leurs pirogues en assemblant sur une quille
taillée dans un tronc de tou des planches et les
pièces de bois formant l’étrave et la poupe.
L’ajustage de ces éléments se faisait par des
liens en fibres de bourre de coco passés par des
perforations pratiquées dans leurs bords.
Calfatés à l’aide de bourre de
coco
et de
les trous étaient recouverts de lattes de
qui
assurait
étanchéité.
à
l’ensemble
(Hibiscus tiliaceus)
mais aussi de tou aux
Tuamotu
servait au façonnage du flotteur.
Deux traverses le reliaient à la coque : à
l’avant il s’agissait d’une pièce de bois
travaillée, rigide, dépassant la pirogue sur le
bord opposé, tandis qu’à l’arrière, une simple
branche courbe de bois, souple mais solide,
conférait à l’assemblage du balancier à la
coque une certaine élasticité nécessaire pour
-
-
amortir
les
ondulations
des
vagues.
L’amarrage des traverses au bord supérieur de
réalisé en cordelettes de fibres de
(nape).
la coque était
coco tressées
Pirogue à balancier, à voile
Propulsées à la voile,
v,]
pirogues, longues
d’une dizaine de mètres, permettaient aux
pêcheurs de s’éloigner davantage des côtes que
dans leurs esquifs à pagaie. Les mieux
connues proviennent de Tahiti où on les
nommait va’a
ces
promenade
11
12
13
REIMUA ; PA'E MUA
REIMURI ; PA'E MURI
Plat-bord ; lisse de plat-bord
HUHU'I
Projection avant d'une pirogue
Arrière
ou
proue
VA'A MOTU
ou
TIPAERUA
'IATO RAHI
14 Bau avant
15
;
IHU VA'A
'IATO MUA
Épontilles
TTATTA
'IATO ITI ; 'IATO MURI
17 Cheville du balancier ou flotteur sur
lequel est fixé le bau arrière
U
18 Balancier ou flotteur
AMA
16 Bau arrière
Une
pirogue signalée
aux
Marquises est
bien différente. L’arrière est rehaussé par une
proue, ornée de
branches de cocotier et terminée par une
pointe courbe, et la pièce de
figure humaine sculptée, s’avance en un
plateau sur lequel un harponneur pouvait se
La voile est triangulaire simple,
maintenue par “deux vergues se rejoignant à
leur partie inférieure, l’une servant de mât et
tenir.
l’autre de
gui” (J.-B. Neyret).
(PA'EAMA : côté du balancier, côté de la
femme, bâbord. PA'EATEA : côté libre,
côté de l’homme, tribord)
19 Mât
20 Borne ou
21
Haubans et étais ARORO : RA'ATIRA : TAURA
AO
23 Toutes sortès de voiles. Voile en
feuilles de pandanus tressées
24
25
'IE
Laçades ou filières
Pointe aiguë d'une voile, probable¬
ment point d’écoute supérieur
26 Ornements de feuilles sèches,
flamme sur le mât
27 Extrémité sculptée des
les anciennes pirogues
mâts sur
29
pointu d’une pirogue
Étambrai
30
Siège, banc
28 Avant
31
TIRA
RA'AU TA'AMU 'IE
gui
22 Peut-être l'écoute
'OIRI
HIPA
MA TITIPARA
H ru TA
'O'IO
PA'E : A PO A
'APA'APA, MANU, 'ARATA'ATA
pirogue
Plate-forme sur une
double PAHI
HORAHORA
32 Petite maison soigneusement construite
avec un toit en feuilles de cocotier ou
de pandanus
FAREPORA
bois, sculptures
TTI
Pagaie
HOE
Très grande pagaie servant d'aviron
de gouverne
HOEFA'ATERE
Écope, écoper
TATA
33 Ornements de
34
36
44
TA'ERE
10 Avant ou proue
35
s’avançait en une sorte de plateau
tandis que l’arrière s’élevait et se terminait par
une troncature. Ces différentes parties étaient
TlNO VA'A
ARA'AH A
OA, NA OA
Bordage ou bordés du milieu
NA'APA E
Partie supérieure rapportée
•APA'E NO MUA
sur la coque à l'avant
supérieure rapportée sur
NA 'APA'E
la coque, à l'arrière
'APA'E NO MURI
Elles étaient constituées
La proue
VA'A NO‘O
la pêche
Quille
d’une coque de base creusée dans un tronc,
surmontée d’une ou deux rangées de fargues.
motu.
ou pour
Coque
(pirogue cousue)
ce
Le bois de purau
particulièrement léger
Pirogue double à tableau pour la
relative
une
PAHI
voyage
chaux,
bois,
9Partie
Descriptif des pirogues.
français et vernacuiaires.
Termes
37 Ancre
38 Pour une
TAU
TIATAU, TUTAU
pirogue à tableau, la poupe
NO'O
Ancrer, jeter l'ancre
39 Planche formant le tableau
PANO'O
L'HOMME ET LA MER
Aux
Tuamotu, la technique des
“pirogues cousues” servait aussi pour les
embarcations à voile, celle-ci étant supposée
au
thon
radeaux
en
bambou
ou
Marquises et à
prolongeait par un
appendice pointu plus ou moins important.
Pour faciliter la préhension, le manche se
terminait parfois par une protubérance, dans
certains cas ornée de sculptures. Signalons
pour mémoire les pagaies couvertes de décors
incisés provenant de Raivavae, objets non
fonctionnels façonnés probablement avec des
instruments de métal après l’arrivée des
Européens.
oblongue, etc.
Mangareva, elle
composés de
de bananiers, signalés aux Marquises,
servaient essentiellement aux déplacements
Marquises.
troncs
pour
la pêche
d’eau ; mais à Mangareva, du
époques historiques, ce type
d’embarcation était d’un emploi courant pour
la pêche.
L’usage de ce type d’embarcation n’est attesté
qu’aux îles de la Société pour la technique de
pêche au thon à l’appât vivant (méthode
nommée
lira) qui sera examinée ulté¬
rieurement (voir p. 50).
Deux solides traverses reliaient un couple
de coques à tableau arrière oblique (va’ano’o)
longues d’environ 8 mètres qui convergeaient
légèrement vers l’avant afin de réduire le
clapotis et d’assurer une meilleure stabilité à
l’ensemble. La traverse avant supportait une
perche en purau longue d’environ dix mètres,
composée parfois de plusieurs éléments. Une
fourche, où deux lignes étaient fixées,
terminait cette perche qui pouvait être
abaissée ou remontée à la verticale grâce à un
dispositif comprenant un bau (rio) en bois de
fer ligaturé à la traverse et des cordages
actionnés depuis l’arrière de l’embarcation.
Un bouquet de plumes noires de coq, figurant
un
oiseau, surmontait la fourche car on
pensait que dans leur recherche du menu
fretin les thons se guidaient sur les oiseaux qui
eux
Des
aux
identique à celle décrite
Pirogue double
Les radeaux
les
sur
moins
cours
aux
Comme d’autres observateurs avant
lui,
indique que “des petits radeaux
servaient pour aller à la pêche au poisson”,
radeaux composés “de plusieurs poutres, l’une
le Père Laval
à côté de l’autre, et liées ensemble avec des
traverses et des cordes. Sur les côtes et partout
n’était pas profonde, les radeaux
poussés à l’aide de perches appelées
toka.
En mer, on se servait de voile
triangulaire ou bien encore d’un certain
nombre de pagaies”.
où la
mer
étaient
écopes. Si une simple demi-coque de noix
pouvait servir à évacuer l’eau des
petites pirogues de pêche, une écope plus
élaborée fut également en usage dans toute la
Polynésie : elle ressemblait à une pelle très
coco
creuse
munie d’un manche interne.
Une pierre brute pouvait faire
office d’ancre. Aux Tuamotu, par exemple, on
choisissait souvent un morceau de corail en
Les
ancres.
fossile capable de s’accrocher au
tombant du récif à
pagaies. Elles étaient réalisées dans des
bois légers, purau notamment. Selon les îles,
Les
de nombreuses variantes de formes existaient.
pelle pouvait être plate
ou
incurvée, ronde.
aux
se
Les
de
branche
Les accessoires
La
•
;
pêchait.
façonnées
L’on
proximité duquel l’homme
connaît
aussi
pierres perforées
des
ancres
munies d’une
saillie sommitale permettant d’y attacher la
ligne de mouillage.
:
ou
aussi s’en nourrissent.
Détail de couture
d’une pirogue
des Tuamotu.
Les planches, ajustées
bord à bord, sont
assemblées par un lien
en bourre de coco.
Pêche
vivant,
au
en
thon à
l’appât
pirogue
double (tira),
aux îles de la Société.
Les accessoires de
la pêche.
Pagaies de différents
types.
De gauche à droite :
1. Tahiti.
2. Rapa (Australes).
3. Raivavae (Australes).
4. Napuka (Tuamotu).
5. Mangareva.
6. Marquises.
Écope des
Iles de la
Société, rapportée
capitaine Cook.
L
=
44
par
le
cm.
45
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
L’équipement
du pêcheur
interviennent.
hameçons
parti de leur environnement marin et
les Polynésiens façonnaient leurs
hameçons dans des coquillages (huître
perlière, Turbo...), l’écaille de tortue, l’os, le
bois, etc. L’emploi de chaque matériau était
déterminé à la fois par les ressources
disponibles sur le lieu de fabrication (un troc
portant sur la nacre existait cependant entre
certaines îles) et des impératifs techniques.
Par exemple, c’est en bois que se faisaient les
grands hameçons, irréalisables dans une autre
Tirant
terrestre,
matière.
commune
en
choix
l’instrument courant consistait, en fait, en un
crochet, simple, d’une seule pièce, ou bien
évoqués ici les instruments
fabriqués. Le piège que forment les corps des
hommes qui encerclent un banc, la main se
saisissant de la langouste, sont aussi des
instruments, éphémères mais efficaces ; il en
sera question à propos des techniques où ils
Très
déterminent, dans une certaine mesure, le
de la technique de façonnage (aux
Tuamotu, où la nacre abonde, les méthodes
employées semblent plus dispendieuses
qu’aux Marquises, par exemple). Pour limiter
le gaspillage de la matière première, la coquille
adaptés aux proies et aux conditions de pêche
les plus variées. Mais, d’après J. Garanger,
Seuls seront
Les
*
composé fait “de plusieurs pièces, deux en
règle générale, ajustées les unes aux autres”.
Le fonctionnement de ces hameçons était soit
direct “le poisson est accroché par le dard qui
pénètre dans les chairs par la simple traction
exercée sur la ligne” - soit indirect - l’hameçon
était divisée
tournant
“autour
du
centre
virtuel de
sa
région interne [rotation obtenue] d’une part
en fixant le bas de ligne du côté frontal de la
hampe et d’autre part, en favorisant le
mouvement par la forme même de l’ha¬
meçon” ; d’où l’existence de types circulaires,
d’autres ayant la pointe dirigée vers la hampe,
etc.
L’analyse des hameçons inachevés, des
nacre et les descrip¬
tions des premiers observateurs européens,
permettent de reconstituer quelques-uns des
anciens procédés de fabrication. Le résultat
souhaité (hameçon direct ou indirect), la
quantité de matière première disponible
déchets du travail de la
Polynésie, aisée à
hameçons efficaces, et l’adjonction d’un
appât, maintenu à la pointe par un lien,
les
indispensable.
D’autres coquilles connurent un usage
plus limité ; le Turbo surtout à Moorea et
Rurutu, et la Pinna à Huahine. Le plastron et
la carapace des grosses tortues fournissaient
une écaille épaisse, propre à y découper des
hameçons. Les os prélevés sur des animaux
j hameçon
'
rudimentaire
bois
en
(Tuamotu)
quadrilatères découpés
par
:
à
travailler et plus résistante qu’il n’y paraît, la
nacre
était la matière première la plus
couramment
utilisée. Ses propriétés
attractives, dues à son scintillement dans
l’eau, furent parfois exploitées pour la
réalisation de leurres, à bonite notamment.
Toutefois, contrairement à une idée souvent
formulée, à quelques rares exceptions dont les
leurres font partie, il est peu probable que le
seul miroitement de la nacre ait suffi à rendre
en
l’on pratiquait une entaille sur
l’une ou les deux faces de la nacre, puis les
morceaux
étaient
détachés
par
flexion
(comme on casse une barre de chocolat). La
forme géométrique ainsi obtenue était ensuite
travaillée par abrasion (sur un bloc de basalte
ou de corail fossile) ou par percussion à l’aide
d’une pierre ou d’un percuteur en cassis. Le
dégagement de la partie interne se faisait par
percussion ou limage pour les hameçons
directs aux formes simples ; pour la réalisation
des hameçons indirects, plus complexes, des
solutions multiples furent adoptées
perforation à l’aide d’un perçoir à main puis
élargissement du trou par limage, découpage à
la lime, percussion, etc. Ces ébauches étaient
ensuite peaufinées à la lime en corail et à l’aide
de fins abrasifs (peau de requin...).
rainurage
-
•
*
hameçons indirects
hameçon
direct
ÉBAUCHE
PRÉFORME
HAMEÇON FINI
s’avérait
DÉCOUPE
rainurage
limage
polissage
ou
percussion
marins et terrestres (cachalot, tortue, porc...)
furent utilisés, de même que certains os longs
humains dont la section transversale présente
forme, proche de celle d’un hameçon et
qu’il suffisait donc de peaufiner pour obtenir
un instrument à l’efficience duquel la nature
du
matériau ajoutait
probablement un
supplément de pouvoir d’ordre surnaturel.
une
limage
ou
percussion
Dans
le
bois, essentiellement du aito
(Casuarina equiselifolia) dans les îles hautes et
(Pemphis aciduta) ou du uu
(Suriana maritima) sur les atolls, on taillait
des engins de toutes dimensions, depuis ceux,
impressionnants, pour la capture des requins
ou
des
Ruvettus Curavena) jusqu’à de
modestes hameçons, capables toutefois de
résister aux dents coupantes de certains
poissons comme les balistes. Citons enfin
pour mémoire des matériaux d’un emploi plus
incertain dont la littérature ethnographique
fait mention : arêtes de poissons, épines de
totara (diodon porc-épic), coques de noix de
du nnki miki
Au-dessous :
Schéma de fabrication
d’un hameçon Indirect
possédaient
une vaste gamme
d’hameçons
limage
et
perçage
polissage
par découpage
d’une partie Interne.
Au-dèssus
:
Fabrication des
hameçons : présentation
quelques procédés
techniques.
de
coco.
De la rudimentaire gorge en bois,
constituée de deux pointes opposées, aux
leurres les plus élaborés, les Polynésiens
6
polissage
hameçon fini
et déchet
En haut
:
Types d’hameçons.
On distingue les
En haut, à gauche :
hameçons dits directs
Cet instrument en bois
(à gauche) des
des Tuamotu, de 8 cm
hameçons indirects,
environ, destiné à la
dont la pointe est
capture des poissons de dirigée vers la hampe
la famille des loches,
(exemplaire du centre)
ou de forme circulaire
peut être considéré
comme une forme
(les 2 exemplaires
de droite).
primitive d’hameçon.
m
46
L’HOMME ET LA MER
4
lignes de pêche
Les
habitants des îles hautes possédaient
d’excellentes lignes confectionnées à partir de
l’écorce d’un arbuste, le roa (Pipturus
Les
argenteus) et d’autres, de plus médiocre
qualité, en fibres de purau (Hibiscus tiliaceus).
Sur les atolls où le roa ne pousse guère, on
employait des fibres provenant de la bourre
des noix de coco, des racines adventives de
pandanus (Pandanus tectorius) et d’une
plante nommée onga onga (Laportea
ruderalis). Toutes ces lignes étaient réalisées à
deux
ou
trois brins torsadés
la hanche
sur
ou
la cuisse.
Les filets
Les filets étaient
variés,
dimensions et en
sur un cadre en
bois, grandes sennes utilisées pour des pêches
collectives, éperviers que l’homme lance à
partir du rivage, etc. Comme pour les lignes de
pêche, les fibres végétales en roa, bourre de
coco et purau se torsadaient en
plusieurs
brins selon la grosseur du fil que l’on tissait
types :
en
simple poche montée
ensuite à l’aide d’un calibre
bambou, remplacée
Chaque type de pêche
donnait lieu à la
fabrication
d’instruments adaptés.
1. Tête de harpon en
nacre des Marquises.
2. Pierre façonnée pour
lester les filets.
3. Sandale tressée en
écorce de purau pour
marcher sur le récif.
4. Vêtement des
Tuamotu en feuilles de
pandanus pour se
protéger de la pluie.
pêche
palmes de cocotier
5. Paniers de
tressées.
en
Torsadage à trois brins
d’une ligne en roa.
Chaque brin est tordu
a.
sur
la cuisse,
b et c. D’un mouvement
aller-retour, les trois
brins sont torsadés
ensemble.
et d’une
aiguille en
Tuamotu par une
simple baguette de bois appointée à une
extrémité et munie d’une protubérance à
l’autre. De petits cylindres en bois léger
(purau) servaient de flotteurs aux sennes dont
on
lestait la
naturelles
ou
aux
ralingue d’une plombée de pierres,
(enveloppées dans un tissu végétal)
façonnées.
Nasses et viviers
Tressées
avec des racines de ’ie’ie (Freycinetia
demissa), les nasses étaient d’un usage courant
dans les lagons des îles de la Société. Les petits
poissons destinés à servir d’appâts vivants
étaient conservés et transportés dans des
viviers
en bambou
identiques à
employés aujourd’hui.
ceux encore
Lances, foënes et harpons
Le
dard
multiples
foënes, étaient taillés dans des bois durs (aito,
sur les atolls -). C’est surtout aux
Marquises que les fouilles archéologiques ont
révélé l’existence de harpons à tête détachable,
en os ou en nacre. L’emploi préférentiel du
bois, matériau plus périssable, pourrait
expliquer leur rareté dans les autres archipels.
miki miki
Outils servant
façonnage des
hameçons :
râpe en corail,
au
limes en corail
branchu et radiole
d'oursin.
unique qui armait les lances, les
pointes dont on munissait les
-
Vêtements et accessoires
Le
maro,
pièce d’étoffe
cuisses et autour de la taille,
passant entre les
qui laisse libres les
mouvements, était le vêtement habituel des
pêcheurs ; l’on connaît aux Tuamotu une sorte
de manteau en feuilles de pandanus revêtu
protéger des intempéries. Lors des
déplacements sur le récif, les pêcheurs
pour se
chaussaient des sandales faites
en
écorce de
Le panier, en feuilles de pandanus ou
de cocotier, servait au transport des petites
prises. Dans sa pirogue, l’homme emportait
toujours un solide gourdin pour assommer ses
proies trop vives ou agressives.
purau.
»
47
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Pêche de lagons
et de récifs
Dans les
Ces
“guirlandes” étaient aussi employées,
seules, pour la capture des bancs au moment
du
celle des surmulets appâts
frai et pour
lagons
milliers les lagons des îles du
probablement cette pêche, encore
très en faveur aujourd’hui dans certains
districts, que relate Morrison : les filets “ont
dans leur milieu une espèce de poche ou sac
qu’ils vident de temps à autre et replacent,
transportant les poissons jusqu’à terre dans
leurs pirogues (...). Lorsqu’ils pêchept de cette
manière, la senne est toujours entourée de
plongeurs qui veillent à ce que le poisson ne
s’échappe pas”. Des filets de dimensions plus
réduites intervenaient dans des stratégies
Vent. C’est
(chinchards - ature -, carangues maquereaux operu -) pénètrent par les passes en quantités
considérables ; moments favorables où des
collectives s’ajoutaient à la
petites pêches individuelles
communément pratiquées.
Quoique mineures, les techniques
employant l’hameçon, à partir d’une pirogue
ou à pied, fournissaient une contribution non
négligeable à l’alimentation quotidienne.
“Lorsqu’ils pêchent à la ligne dans la mer ils
utilisent généralement comme appât du uru
cuit ; étant dans l’eau jusqu’au cou ils ont un
grand bambou comme canne, et attachent à
leur cou un panier pour y mettre le poisson”.
Voici, en quelques traits, campée par
multitude
de
J. Morrison, une scène encore
jours. Le Pasteur C. Vernier
Sous-le-Vent l’une de
ces
familière de
profondeur, selon J. Morrison). Les plus
grandes servaient à prendre les ature
(chinchards), qui d’octobre à février fré¬
quentent par
lagons sont peuplés d’espèces de taille en
général modeste, poissons de roches ou
fréquentant les fonds sableux qui, lors du frai,
peuvent se rassembler en bancs importants. A
la saison des pluies, des espèces pélagiques
Les
stratégies
fouma). Des sennes de toutes tailles existaient
(de 10 à 120 mètres de long et de 2 à 24 m de
d’encerclement
ou
étaient laissés fixes, toute
des lieux de passage,
poissons s’empêtrant dans leurs mailles.
On prolongeait parfois par des sennes (mais
aussi par des pieux fichés dans le sol) les
murets des pièges en pierre construits aux
abords des rivages pour la capture des operu
(carangues maquereaux) qui abondent d’août
une
les
nuit par exemple, sur
à décembre
La
nos
aux
îles Sous-le-Vent.
proximité des
passes
était aussi
a décrit aux îles
nombreuses pêches
fait, assez rentable, que dès
Polynésiens pratiquaient. Elle
visait les mulets (tehu) qui viennent se nourrir
des déchets déversés par les rivières à leurs
embouchures. Sur un flotteur cylindrique en
bois de purau (Hibiscus tiliaceus), “le pêcheur
amusantes et, en
l’enfance les
fil de coco tressé de deux mètres
terminé par un très petit hameçon”
enroule
un
environ
et
appâté
avec
du 'uru (fruit de l’arbre à pain)
cuit. “Cette opération terminée, le pêcheur
enduit la bobine - sauf aux deux faces latérales
de cette même
-
pâte de 'uru et s’arrange
pour ne pas enrober complètement le petit
hameçon et son appât sous le revêtement
(...) le pêcheur, qui se tient
berge, à l’embouchure de la rivière, jette
un lot de ces bobines ainsi préparées à
plastique
sur
la
tout
25
ou
30 mètres dans la
zone des courants et
Et il attend que les mulets, au
de leurs allées et venues s’attaquent à ces
contre-courants.
cours
petites bouées flottantes”. Lorsque l’un d’eux
a
mordu et entraîne le flotteur, “le
pêcheur
s’avance dans la mer, à pied ou à la nage et
ramène bobine et poisson” (C. Vernier).
Véritable jeu d’adresse, le jet de la foëne
ajoutait le divertissement à l’attrait de la
capture. Les pêcheurs “avançaient dans la mer
jusqu’à la ceinture et, debout près d’une
ouverture entre les rochers de corail ou près
du rivage, ils surveillaient le passage des
poissons, lançant leur arme parfois d’une
seule main, mais le plus souvent à deux et ceci
avec une grande adresse” (W. Ellis).
Les fonds sableux qui bordent les plages
se
prêtent aux manœuvres de piégeage
collectives dont la “pêche aux cailloux” des
îles
Sous-le-Vent est l’illustration la plus
: les pêcheurs, en pirogues, rabattaient
célèbre
poissons en les effrayant au moyen de
pierres dont ils frappaient la surface de l’eau ;
puis, ils les encerclaient avec une “guirlande”
de palmes de cocotier et les dirigeaient vers la
les
plage.
48
3
La pratique ancienne de
capture des poulpes
est
nos
encore
jours.
uiilisée
de
1. le poreho est présenté
devant les trous où se
logent les poulpes.
après la capture, l’une
2.
des extrémités de la
baguette de bois,
appointée, sert à tuer
le poulpe.
3. détail du leurre,
composé de fragments
de porcelaines.
Ci-dessus, à droite
Pêche à la foëne,
la nuit, à la lueur
:
d'un flambeau.
Pêche au grand filet.
Sur celte aquarelle de
G. Tobin (Tahiti, 1792)
est
représentée la phase
finale. Une fois le banc
de poissons encerclé,
le filet est hissé
sur le rivage.
*
L'HOMME ET LA MER
favorable à
un
une
des Turbo, etc.)
l’implantation de tels pièges où
grande variété d’espèces entraient
spontanément ou bien étaient dirigées par des
rabatteurs.
Parmi d’autres, signalons les
des nasses en racines
utilisant
*
techniques
de
’ie
’ie
(Freycinetia demissa) pour la capture des
poissons de roche et de ceux d’eau douce à
l’embouchure des rivières, les pièges à
mouvement
vertical
comme
celui servant à
prendre les /Jt/ra/ (poissons docteurs à nageoires
jaunes) à Raiatea. Enfin le ramassage des
coquillages qui, aux Tuamotu, eut (et
conserve) avec les bénitiers, un rôle
économique déterminant, procurait partout
appoint alimentaire (collecte des bénitiers,
Sur les récifs
La variété des lieux de
pêche qu’offre le récif
procédés
mis en oeuvre pour son exploitation. Parmi les
nombreuses pêcbes à l’hameçon, à la canne ou
à la ligne à main, qui se faisaient du côté large
à partir du récif, évoquons celle, singulière,
qui visait les requins. Les informations les plus
complètes proviennent des Tuamotu où elle a
perduré jusqu’au XX® siècle. L’on employait
un hameçon en bois dur (miki-miki - Pemphis
est un
facteur de diversification des
acidula
le
plus souvent) de taille respectable,
une forte ligne confectionnée en
fibres de racines de pandanus, munie d’un
flotteur de bois. A la tombée de la nuit,
moment où les requins chassent le long du
récif, l’homme se rendait à l’un des endroits
propices, traditionnellement connus et
identifiés par des noms propres. Une fois son
hameçon appâté, il jetait trois morceaux de
monté
-
sur
corail fossile dans l’écume en prononçant une
formule destinée à éloigner les esprits hostiles
à
attirer
les squales. Visant à capter
jet de pierres révèle une parfaite
connaissance
des
requins chez qui la
perception des vibrations dans l’eau est le sens
le plus développé. A peine la troisième pierre
et
l’attention,
avait-elle
ce
atteint
l’hameçon à
la
surface
de
était lancé
l’eau
que
parfois le
requin s’en emparait aussitôt, sinon
l’hameçon était ramené puis jeté à nouveau
jusqu’à une prise éventuelle avec laquelle il
fallait lutter pour la hisser au sec.
son tour
;
Dans les sillons et les cuvettes du récif, les
poissons
étaient traqués à marée basse,
dans de petits filets à main,
empoisonnés à l’aide de substances végétales
(amandes de hutu - Barringtonia asiatica,
racines de hora
Tephrosia piscatorid) ou
animales (holothuries) et même capturés à
rabattus
-
main
nue.
foëne, là encore, était efficace pour
proies sur le récif ou dans les
vagues déferlant sur la barrière corallienne :
“le regard immobile, ils restaient debout, un
petit panier dans une main et le harpon prêt à
tirer dans l’autre, frappant d’un lancer sans
défaut, tout poisson que la violence des vagues
poussait à leur portée” (W. Ellis).
La
atteindre les
Portant des flambeaux de bambou
ou
de
palmes de cocotier, les hommes s’en allaient
pêcher la nuit les langoustes et les poissons
qui, fascinés par la lumière, demeuraient
immobiles et vulnérables.
procédé astucieux existait aux îles de
les pieuvres : sur une
baguette de bois dur, longue d’une trentaine
de centimètres, étaient fixés des fragments de
coquilles de porcelaine (Cypraea) superposés
de manière à prendre l’aspect d’une porcelaine
entière. L’ensemble, nommé poreho, était
suspendu au bout d’une ficelle de 1,50 m
environ que le pêcheur, debout dans sa
pirogue, tenait dans sa main gauche ;
présentant ainsi le dispositif, il se déplaçait sur
les hauts Jonds coralliens, là où les pieuvres
ont leurs trous. Attirée par le miroitement des
coquilles, la pieuvre sortait de son refuge et
s’élançait vers sa proie factice. Elle était
bientôt crochetée par une gaffe que l’homme
serrait dans sa main droite. Signalons qu’aux
Marquises un engin plus complexe était en
usage, où un crochet armait le dispositif luimême auquel étaient adjointes une plombée
en pierre et des lanières de feuilles de
cordyline.
Un
la Société pour casaquer
Comme cela avait été noté aux Tuamotu,
partout en Polynésie semble-t-il, les femmes,
les jeunes et les vieillards fréquentaient
les récifs, les
pêches (telle
celle au requin) dont le caractère quelque peu
périlleux et les prises appréciables étaient
source
de prestige individuel.
surtout les
hommes
lagons, tandis
se
que sur
réservaient les rares
JH
49
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Les pêches
du proche large
Polynésiens ne se
semble-t-il, à des
expéditions de pêches hauturières, les
ressources
océaniques étant d’ailleurs fort
limitées, mais exploitaient intensément les
quelques milles environnant leurs îles où se
concentre en permanence ou épisodiquement
l’essentiel de la faune marine : poissons
fréquentant le tombant des récifs, bancs
d’espèces pélagiques qui croisent au proche
large à certaines saisons, tortues abordant les
terres pour venir y pondre... Ces dernières
exceptées, les proies se capturaient essen¬
Les
anciens
consacraient
pas,
tiellement à l’hameçon.
Pêches
en
surface
Les bonites qui passent en bancs serrés à
proximité des côtes comptaient parmi les
prises les plus recherchées. On les pêchait
grâce à un hameçon composé d’un leurre
façonné dans une coquille d’huître perlière
armé d’une pointe, simple crochet de nacre,
d’os ou d’écaille de tortue, fixé par un lien
végétal à la face interne de sa partie distale. La
forme de ce leurre, long d’une vingtaine de
centimètres, rappelait celle d’un petit poisson ;
son
sillage de l’embarcation ; aussi, tandis que le
tahua lançait quantité de poissons amorces,
perche mobile, fourchue à son
extrémité où étaient fixées deux lignes en roa.
longue
Cet
hommes souquaient ferme sur leurs
pagaies. Au moment favorable, le tahua
donnait l’ordre de pêcher. Notons que la
perche étant placée à l’avant, la pirogue
progressait alors à contresens de sa marche
appareillage permettait de sortir rapi¬
les
dement de l’eau des thons pouvant peser une
cinquantaine de kilogrammes. Cette pêche se
pratiquait pendant 8 à 9 mois à partir
d’octobre, période durant laquelle les thons
mordent
bien
en
surface.
L’on interdisait
normale et les
devaient
se
retourner
J. Morrison décrit fort bien la
phase cruciale de la pêche : “un homme muni
d’une écope jette continuellement de l’eau en
pluie et les hameçons ayant été appâtés, la
perche est abaissée de façon à ce que les
hameçons soient tout juste immergés. Celui
qui a appâté les hameçons et qui se tient à
l’avant jette de temps à autre un petit poisson
vivant tandis que l’écope maintient une pluie
là où se trouvent les hameçons. Les poissons
ne tardent pas à mordre, la perche est relevée
et les prises ayant été détachées les hameçons
sont réappâtés et remis à l’eau”,
cependant à cette époque de pêcher à la ligne
de fond car, disait-on, les thons habitués à
manger les appâts en profondeur avaient
tendance à y demeurer et cela compromettait
la technique tira.
La veille du jour de la pêche, des ’ouma
(Mulloïdichthys auriflamma) devant servir
d’appâts vivants étaient piégés en bordure des
plages du lagon à l’aide d’une barrière de
palmes de cocotier. La pirogue double
quittait le rivage avant l’aurore afin
d’atteindre les lieux de pêche au lever du jour.
Attaché entre les deux coques, un grand vivier
('/zoopej contenait les ’ouma. Un chef dépêché
(tahua) dirigeait la manœuvre : parvenu à
l’endroit propice, il prenait des ’ouma par
pleines poignées et les jetait à l’eau. Ceux-ci
s’éparpillaient en surface, attirant les thons à
leur poursuite. La stratégie de pêche consistait
alors à entraîner le banc de thons dans
rameurs
dos à la proue.
Pêches à la
ligne de fond
'
*
pêcher à la ligne de fond, l’homme se
en général seul dans sa pirogue, à
remplacement du “trou à thons”. Le meilleur
moment se situait grosso modo, entre huit
Pour
rendait,
le
efficacité était fonction de la variété de
employée, certaines couleurs étant
réputées plus attractives que d’autres. Des
touffes de poils ou de plumes, disposées de
part et d’autre de la pointe, munissaient le
“leurre-poisson” d’une queue et lui assuraient,
en outre, une certaine stabilité sur l’eau. Une
empile reliait le dispositif à une ligne
manœuvrée par une longue canne en bambou.
Le plus souvent, les pêcheurs repéraient la
présence des bonites grâce à un vol d’oiseaux
chassant les bancs de menu fretin que les
bonites poursuivent. Ils les rejoignaient dans
leurs pirogues, un ou deux hommes par
embarcation, puis traînaient les leurres à la
surface. Les bonites s’y ferraient en croyant
attaquer un poisson et on les ramenait
promptement à bord où elles se décrochaient ;
déjà le leurre était relancé. Toutes les prises
pouvaient se faire en l’espace d’une demiheure, avant que le banc ne s’éloigne.
Autres prises de choix, les thons étaient
pêchés comme les bonites lorsqu’ils étaient de
taille modeste et à l’appât vivant (technique
nommée tira) ou à la ligne de fond pour les
gros. Ces deux techniques se déroulaient en
des aires restreintes, communément appelées
“trous à thons”, situées parfois loin au large et
localisées par les pêcheurs à l’aide de repères
terrestres.
Signes révélateurs de l’intérêt
suscité par les thons, l’on identifiait chaque
lieu de pêche par un nom particulier et des
règles très strictes en régissaient la propriété et
nacre
l’usufruit.
Avec la
quable
en
tiges
de fougères, sur une
armature en aito.
Il sert à la capture des
poissons (ouma)
employés pour la pêche
au thon à l’appât vivant.
Désignation des éléments de la tira.
a.
Hameçon à bonite.
Sur un leurre en nacre
est fixée la pointe
entourée de touffes
de poils.
traverse antérieure :
’iato mua.
b. bau : rio.
premier élément de la perche : pu.
de la perche : tairi.
e. cordage assurant le maintien de la perche : taura hia.
1. cordage servant à manœuvrer la perche : taura tu roa.
g. fourche : homaa.
h. ligne de pèche : ro’a.
ligne de pêche non employée.
c.
d. deuxième élément
technique tira, les Polynésiens
d’une ingéniosité remar¬
le recours à l’appât vivant
d’une part, mais surtout en raison du matériel
employé : une embarcation stable constituée
d’un couple de coques à tableau arrière
oblique (va'a no’o) reliées par deux solides
faisaient
Panier-trappe (Ereavae),
construit
montre
par
traverses,
celle de l’avant supportant une
Schéma du dispositif
pour la pêche au thon
La
perche fourchue,
au milieu dej
montée
avant, pouv.
être hissée ou baissée
l’aide de cordages
traverse
t
50
L’HOMME ET LA MER
midi.
11 emportait avec lui une
galets légèrement aplatis, lourds
d’un ou deux kilogrammes pour lester sa
ligne. Sur le lieu de pêche, il appâtait son
hameçon avec un petit poisson (alure,
’ouma...) puis le liait au galet par quelques
tours
de ligne.
Un hachis de poisson
recouvrait l’ensemble, maintenu par quelques
heures
et
réserve de
nouveaux
tout.
tours de fil. Un
demi-nœud fixait le
L’hameçon ainsi lesté était descendu
profondeur, puis une
imprimée à la ligne détachait le nœud
libérant le galet. Les miettes de chair se
répandaient, attirant les thons qui, dans leur
excitation, s’emparaient parfois de l’hameçon.
L’homme travaillait sa proie, la fatiguait
entre 50 et 200 m de
profondeur et dont les habitants des Australes
encore
leur spécialité. Sa singularité
réside dans l’emploi d’un grand hameçon en
bois dur muni d’une pointe en os ou en nacre
(remplacée de nos jours par un élément
métallique). Un galet, fixé à la courbure de
l’hameçon à l’aide d’un lien en feuille de
pandanus, servait de lest et se détachait en
touchant le fond et, tandis qu’il remontait
lentement, l’hameçon pouvait faire une
font
touche.
secousse
avant
de la remonter et l’achevait
avec
un
gourdin. Des thons de 20 à 50 kilos étaient
ainsi capturés. Si ce n’est quelques variations
de détail, une technique similaire servait à
pêcher plusieurs espèces de grande taille qui
peuplent les tombants des récifs.
et
Signalons également la pêche à Vuravena
au mana, elle aussi pratiquée en
grande
La tortue, une
“La tortue
mangée
sur
proie prestigieuse
soit
présentée au roi, soit
le maraé". Cette brève remarque
est
de J. Morrison résume les bribes d’informa¬
tions ethnohistoriques (qui mériteraient d’ail¬
leurs
quelques nuances) disponibles à propos
: mets “royal”, animal investi d’un
dès tortues
certain caractère sacré, consommé lors de
rituels... Les femmes étaientjadis privées de sa
chair, elles le furent
l’arrivée
des
XIX"^ siècle.
aux
Tuamotu jusqu’à
missionnaires
11
catholiques
au
serait inutile de revenir à
A gauche :
Hameçon en
bois,
pêches de
grands fonds pour les
servant aux
’uravena et les mana'a.
En bas
nouveau sur
la
description de la capture des
tortues, à mains nues en plongée et à terre lors
de la ponte, qui a déjà été faite pour les
(voir volume 4, p. 129). E.S.C.
Handy signale par ailleurs aux Marquises une
technique employant un filet dans lequel les
Tuamotu
tortues
étaient
rabattues.
Le
filet
était
également en usage à Mangareva : “Si l’on
pêche de nuit, on jette le filet autour de
l’endroit où l’on sait que la tortue a son gîte. Si
c’est de jour on le lance un peu plus loin, là où
l’on sait que l’animal est en train de brouter les
algues” (Père Laval).
Nombreuses et variées furent
sans
doute
techniques exploitant le proche large.
Nous nous sommes limités à quelques-unes
des plus remarquables, mais elles auront suffi
à illustrer les traits essentiels de la pêche dans
cette zone : activité masculine, rude, parfois
“virile”, elle portait sur des espèces écono¬
miquement importantes dont certaines étaient
investies d’une part de sacré. Trophées tout
autant que proies, les animaux du large
étaient source de prestige, de fierté et objets de
compétition entre les pêcheurs.
les
:
Pêche au thon à l’appât
vivant. Il existe peu de
représentations de
pêche. Sur
scènes de
dessin, les pêcheurs
ce
sont sur un banc de
petits poissons que ies
thons et les oiseaux
pourchassent. La
perche est abaissée
position de pêche.
en
Hameçons à thon.
Ci-dessous : en nacre.
A droite : modèle en
bronze, façonné dans un
clou d'un navire
européen.
51
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
La mer, source
de matières et
de divertissements
se révélait parfois déterminante
séduire et tromper la, proie : ainsi, la
nacre des leurres à bonite ou les fragments de
porcelaine dont était muni le dispositif utilisé
pour casaquer les poulpes.
Coquilles dans lesquelles étaient réalisés les
hameçons et les leurres, branches de corail,
radioles d’oursin, peaux de requin servant à
façonnage, les Polynésiens mettaient
largement à contribution les ressources du
milieu marin pour confectionner leurs engins
de pêche, comme matière première ou comme
outils.
D’ailleurs, l’origine marine des
leur
serait
dans des matières provenant du milieu marin.
A cela s’ajoutent des objets de parure, fort
Outre
pèle-fruits de porcelaine et les mâchoires de
murène montées
4. Gouge en térèbre.
5. Pilon en corail.
poissons montés sur un
manche en bois.
1 et 2. Murène.
3. Barracuda.
52
mer
ciseau taillé dans la lèvre d’un cassis, aux
racloirs et grattoirs en nacre, en passant par le
lissoir en nacre pour
feuilles de pandanus,
herminette en tridacne,
ciseau en cassis.
2. Pelle en os plat de tortue.
3. Pèle-fruits en
Couteaux des Tuamotu,
constitués de morceaux
de mâchoires de
de pêche, les
connaissaient un emploi
instruments
les
de la
généralisé à des fins d’outillage, variant
toutefois en fonction des produits terrestres
disponibles : aux Tuamotu, par exemple, les
coquillages remplaçaient le basalte, ttavaillé
dans les îles hautes, pour la confection
d’instruments tels que les herminettes. Du
L'outillage était la
destination première
des matériaux produits
par le milieu marin.
1. De gauche à droite :
porcelaine.
longue et fastidieuse des outils fabriqués
matériaux
pour
ressources
Matériaux et substances
0
en
couteaux, l’énumération
esthétiques,
marques
de
rang
attributs de fonctions rituelles
social
: couronnes
ou
de
marquisiennes employant l’écaille de
ouvrée, dents de cachalot perforées
pour être portées en pendentifs, ornements de
nacre finement découpés, multiples éléments
en nacre du somptueux habit des deuilleurs...
Sur les rivages et dans les lagons, on
extrayait les coraux et les dalles de grès de
plage, d’un emploi courant en Polynésie pour
tête
tortue
l’édification des
marae.
On connaît des tiki
sculptés dans des blocs de corail fossile.
Ce passage progressif du profane au sacré
nous engage à signaler ici certaines utilisations
L'HOMME ET LA MER
*
produits de la mer dans les rituels et les
pratiques de sorcellerie. Sur les marae des
des
Tuamotu,
•
un
amoncellement de branches de
représentait Ruahatu, une divinité de la
mer ; des poissons, investis de
pouvoirs, se
faisaient parfois les agents des tahua (experts
en
sorcellerie) qui employaient également
certaines espèces de poissons, des coraux,
poulpes, oursins etc., comme objets de leurs
manipulations. Parfois associés à de tels actes,
les soins curatifs tiraient aussi profit des
propriétés des organismes marins : lorsqu’un
homme était blessé par un oursin, il frottait
une holothurie sur les piqûres afin à la fois de
fragmenter les épines et d’apaiser la douleur
grâce à la substance anesthésiante contenue
dans la peau de cet animal.
Ces quelques exemples auront montré la
très
large utilisation que les anciens
Polynésiens faisaient des ressources marines
corail
alimentaires et auront révélé leur profonde
connaissance de leur environnement.
Vaincre l’animal, se
soi-même
Nous
dépasser
n’avons, jusqu’à présent, envisagé les
relations des hommes à la
acquisition de
nourriture,
mer
de
que comme
matériaux,
fort
variés. Toutes les pêches, à des degrés divers,
étaient aussi autant de jeux auxquels les
habitants des îles, dès leur plus jeune âge,
d’outils
ou
aimaient à
de substances
aux
usages
forçaient
les poissons sur le récif, les traquaient dans des
culs-de-sac, les y assommaient ou les jetaient
au
sec.
déloger
se consacrer.
Les enfants
Ils découvraient mille astuces pour
un poulpe, débusquer une petite
Intégrés à
un
groupe
ou
bien
voyaient d’abord confier des tâches mineures
(porter un panier, un flambeau...). Peu à peu,
grâce aux conseils reçus et à leurs expériences
propres, ils acquéraient les connaissances
écologiques, techniques et magiques
indispensables à la maîtrise de
l’environnement marin, un domaine essentiel
de la culture de ces sociétés insulaires.
Devenus adultes, la plupart d’entre eux
savaient
pratiquer l’ensemble des techniques
ses préférences selon son
tempérament et ses aptitudes physiques.
L’impatient préférait aux longues attentes
nécessaires à la pêche à la ligne de fond,
mais chacun avait
l’usage de la foëne dont il rivalisait d’adresse
camarades. Les anciens se limitaient à
des activités réclamant moins de vigueur :
avec ses
2
pêcher à la
au-delà de la satisfaction des seuls besoins
♦
murène.
accompagnant un parent ou un aîné, ils se
des
canne, poser
coquillages...
des filets,
ramasser
Les gestes de pêche (tirer, lancer, courir,
ramer...) procuraient aux jeunes hommes
toutes les sensations du corps dans l’effort.
1
Comme dans le sport, il fallait chaque fois se
dépasser, chaque fois “faire mieux”. En outre,
une double compétition s’instaurait : d’une
part, contre les proies qu’il s’agissait de
neutraliser et, d’autre part, entre les pêcheurs
eux-mêmes, une certaine rivalité sous-tendant
toujours leurs rapports. Dans plusieurs
techniques que se réservaient les hommes, ces
caractères, présents plus ou moins dans toutes
les pêches, se trouvaient exacerbés. C’étaient,
par exemple, les pêches à la tortue, à la bonite,
à la murène ; ces proies à la chair très
appréciée et d’une capture difficile faisaient
l’objet de luttes de prestige entre les pêcheurs.
Mobilisant autant de connaissances, de
savoir-faire
que
techniques avaient
de
force
pour
physique,
les insulaires
ces
une
dimension culturelle qui dépassait amplement
leur finalité économique. Lieux de rivalités,
mais aussi de convivialité entre les hommes,
lors des pêches collectives pour
notamment
lesquelles les Polynésiens eurent toujours un
goût très prononcé, certaines pêches étaient,
disait-on, l’occasion pour les esprits des
Matériaux entrant dans
la confection des objets
de parure. Colliers
constitués de
Ci-contre :
r/7 trouve a Papara,
taillé dans le corail.
porcelaines (1) ou faits
de nacres polies (2).
Couronne marquisienne
gp écaille de tortue et en
pgcre
(3).
3
défunts et les forces surnaturelles d’adresser
des signes et d’agir en direction des vivants.
Aussi, les hommes se réservaient la pratique
ces techniques qui permettaient
cette relation particulière avec les puissances
exclusive de
supérieures.
Aux
femmes
étaient
dévolues
des
occupations routinières, des pêches souvent
monotones et destinées à des proies en général
modestes.
Mais
pour
elles aussi, les
expéditions en groupe, afin de collecter des
bénitiers par exemple, étaient des moments
d’échanges, prétextes à se retrouver “entre
femmes”, comme les hommes s’égayaient
ensemble lors des sorties nocturnes
Jeux, duels
avec
sur
le récif.
l’animal, challenge entre
les humains mais aussi moments de solidarité
certaines d’entre elles, de contacts
forces surnaturelles, les pêches
demeuraient toujours des activités par essence
agressives. Les hommes, en laissant parfois
libre cours à leur potentielle violence, la
détournaient de leurs semblables, préservant
et, pour
avec
les
l’ordre social et l’unité de leur groupe.
53
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
navigation
La
hauturière
art
un
Les
POLYNÉSIE D'AUTREFOIS
:
disparu
pirogues de
en
guerre
mettant bout à bout des
évidés surélevés par plusieurs rangées
fargues. Distantes d’un mètre environ, elles
étaient reliées par un nombre variable de
traverses débordant de part et d’autre de
l’embarcation et supportant un treillis sur
lequel se tenaient les pagayeurs (pour une
pirogue de 30 m de long, il en fallait dit-on 144
auxquels s’ajoutaient 8 hommes chargés de
manoeuvrer les deux pagaies-gouvernails). A
l’avant, se dressait une plate-forme sur
laquelle les guerriers se rassemblaient lors des
affrontements. “La tactique du combat
consistait à ranger les escadres ennemies face à
face. Chaque parti formait une ligne de front
dont les pirogues étaient reliées entre elles par
de
amarres
tournées
sur
précédant les rassemblements ou les raidssurprise, afin d’épargner aux combattants une
fatigue inutile avant le combat”. Longues de
13 à 17 mètres, elles pouvaient, dit-on, porter
une trentaine de personnes. Une plate-forme
étroite, à l’avant, permettait aux hommes de
communication important entre les différents
secteurs d’une même île. Pour rejoindre une
pas utilisée lors des combats,
mais seulement dans les longues traversées
troncs
des
Embarcations servant
probablement
Pirogues doubles, instruments des batailles
navales. Elles sont décrites uniquement aux
îles de la Société. Cook, en 1774, en vit
quelque 160 lors d’une revue navale et les
artistes de son bord ont laissé plusieurs
gravures les représentant. Leurs dimensions
étaient imposantes ; celles connues avaient
entre 17 à 33 mètres de long et pouvaient
contenir 30 à 300 personnes. Les coques
étaient construites
Pirogues à voile, instruments des raids. On
aux Marquises des pirogues de guerre
simples à balancier manœuvrées à la voile.
Selon J.-B. Neyret “la voile n’était
connaît
une autre, à l’arrière, était
gouvernail. La pièce de proue
s’avançait en surplomb tandis que la poupe
se
tenir debout. Sur
l’homme de
était relevée en arc. L’avant et l’arrière étaient
ornés de sculptures.
pirogues doubles, munies d’une
voile, pouvant transporter jusqu’à 40
hommes, étaient employées pour la guerre à
Rapa (Australes). Leurs coques étaient
constituées d’étroites planches assemblées.
Des
1
sans
merci”
peinture, de bandes de tapa flottant au
représentations sculptées {tiki, têtes
d’oiseaux, spirales...) ornaient leurs
de
vent. Des
extrémités.
mer
autrefois
un
moyen
de
vallée voisine, par exemple, c’était souvent le
chemin le plus rapide et le plus commode. La
plupart du temps, des pirogues à balancier, à
pagaie ou à voile, comme celles décrites pour
la pêche, y suffisaient. Il en était de même pour
les relations entre les îles proches. Pour la
navigation interinsulaire, les distances à
parcourir, comme d’ailleurs l’objet du voyage,
sur le choix du type d’embarcation
dimensions. Lors d’un départ massif
influaient
et ses
pour une longue traversée,
des passagers, la nécessité
outre le nombre
d’emporter des
(animaux, tubercules, noix de coco...)
et des ustensiles, imposait des embarcations
spacieuses. C’étaient le plus souvent des
pirogues à double coque supportant une
plate-forme sur laquelle on érigeait un ou
deux abris en matières végétales (bambou,
pandanus...).
vivres
Au-dessus, à droite,
et page de droite :
Différents types
de pirogues.
1. Pirogue double de
guerre, pahi des îles de
la Société. Plume et lavis
de W. Hodges, Tahiti,
mai 1774.
2. Dessin d'après
B. Martin (1846) d’une
3. Scène de combat
naval. Sur ce dessin naïf
attribué à J. Banks, les
guerriers s’affrontent
depuis les plates-formes
des pirogues.
4. Pirogue simple de
voyage, à voile, îles de la
Société.
Aquareiie de J. Webber.
pirogue de voyage à
2 mâts des îles Tuamotu.
On distingue les
5. Radeau de
surmonte.
îles de la Société.
planches cousues et
l'abri végétal qui la
Mangareva, manœuvré
et à la voile.
double de
voyage, à 2 voiles,
à la pagaie
6. Pirogue
Dessins schématiques
des différents types de
pirogues.
1. Pirogue de guerre.
2. Pirogue de guerre double.
3 à 8. Pirogues doubles
de transport et de voyage.
9. Radeau de Mangareva.
54
était
la construction d’une telle
pirogue constituait un savant assemblage de
petites planches soutenues par des membrures
internes. Manœuvrées à l’aide de grandes
pagaies-gouvernails, les pirogues de voyage
étaient pourvues d’une ou deux voiles. Selon
P.
Jourdain, “sur les plus vastes qui
atteignaient 70 pieds de long, on peut
leurs étraves. Ces
plates-formes, combattaient
La
Pour les habitants des Tuamotu où les
lignes pagayaient l’une contre l’autre
jusqu’à l’abordage et les guerriers, situés sur
(P. Jourdain). Les grandes pirogues doubles
de guerre étaient de deux types : l’un avait des
coques en U à bords verticaux, la proue plus
élevée que la poupe et l’autre possédait des
coques en V à bords rentrants, avec l’avant
plus bas que l’arrière. Ces embarcations
étaient décorées de motifs ciselés dans le bois,
aux
arbres sont rares,
deux
les
voyages et
transports
aux
L'HOMME ET LA MER
qu’il y avait place
soixantaine de passagers avec leurs
bagages et leurs provisions pour des traversées
volontaires occasionnant un séjour à la mer
d’un mois et plus”.
Ajoutons qu’à Mangareva, les relations
raisonnablement admettre
pour une
étaient assurées par de grands
entre les îles
(du moins à l’arrivée des Européens).
capitaine Beechey décrit de telles
embarcations, longues de 13 à 17 mètres,
radeaux
En 1825, le
portant une
d’une voile
vingtaine de
personnes.
latine, elles devaient
défavorable être actionnées à la
Munies
par vent
pagaie.
Manœuvres des voiles
amener
la
inverse et
*
voile,
on
en
on
faisait la
manœuvre
abattait ensemble le mât
et la
grandes embarcations, “le mât
était érigé d’abord et la voile était ensuite
attachée le long du mât. Une échelle fixée au
mât facilitait l’opération. Pour amener la
voile, on devait détacher le bord antérieur...
voile”. Sur les
4
relation avec les forces surnaturelles devant
favoriser l’entreprise. La réalisation
d’embarcations d’importance réclamait des
connaissances très poussées en architecture
navale
et
mobilisait une main-d’œuvre
Sur les pirogues à deux mâts, il était
également possible d’en abattre un. D’après
les experts, “le gréement des pirogues à voile à
un ou deux mâts se prête aux manœuvres de
navigation courante, à toutes les allures : au
plus près, largue, grand-largue, ainsi qu’aux
virements de bord au plus près ou vent
arrière” (P. Jourdain). Malgré ces qualités
nautiques, les petites unités chaviraient
parfois, l’équipage devait alors se jeter à l’eau
nombreuse et spécialisée ; elle donnait lieu à
diverses cérémonies et festivités dont une sorte
nécessaire de réduire la surface de la voilure,
la voile était détachée dans sa partie inférieure
et roulée.
et
position, sur les petites
pirogues, “elle était attachée au mât au
préalable et érigée d’emblée avec le mât. Pour
Pour mettre la voile
ou à la rigueur, abattre le mât avec la voile, ce
qui n’était pas sans danger” (J.-B. Neyret).
Par
vent
trop fort, lorsqu’il était
orienter “la voile dans la direction du vent
en
un peu. Le vent s’engouffre
voile et la surface de l’eau et redresse
la soulevant
entre la
l’ensemble”
(P. Jourdain). Restait
pirogue...
La construction
vider l’eau de la
des
pirogues
La construction des
encore
à
pirogues était supervisée
des experts, détenteurs à la fois des savoirs
techniques nécessaires et de l’indispensable
par
de “baptême” au moment de son lancement :
“on faisait boire la pirogue. On faisait tanguer
et rouler la coque pour y
d’eau de mer”
bois
introduire
(P. Jourdain).
un peu
Pour les coques on employait surtout les
de ati (ou tamanu) (Catophyllum
inophyllum), de ’uru (Artocarpus altilis), de
cocotier, de mara (Neonauclea forsteri) ; de
tou (Cardia subcordata). Le aito (Casuarina
equisetifolia) et le hutu (Barringtonia asiatica)
donnaient les mâts. Les voiles étaient en nattes
de
pandanus. La dextérité des
les premiers
feuilles de
artisans
tahitiens
frappa
observateurs européens,
navigateurs
naturellement intéressés par la construction
des pirogues. Ainsi, Wallis, le découvreur de
Tahiti,
a
laissé
une
description vivante de leur
travail. “Ils abattent d’abord l’arbre
avec une
espèce de pierre dure et
verdâtre, à laquelle ils adaptent un manche
fort adroitement. Ils coupent ensuite le tronc
dont ils veulent tirer des planches. Voici
comment
ils
s’y prennent pour cette
opération. Ils brûlent un des bouts jusqu’à ce
qu’il commence à se gercer et ils le fendent
ensuite avec des coins de bois dur. Quelquesunes de ces planches ont deux pieds de largeur
et quinze à vingt de long ; ils en aplanissent les
côtés avec de petites herminettes qui sont de
matière et de fabrication identique ; six ou
huit hommes travaillent quelquefois sur la
même planche ; comme leurs instruments sont
bientôt émoussés, chaque ouvrier a près de lui
une noix de coco remplie d’eau et une pierre
polie plate sur laquelle il aiguise sa hache
presque à toutes les minutes. Ces planches ont
ordinairement l’épaisseur d’un pouce ; ils en
herminette faite d’une
construisent
un
bateau
avec
toute
l’exactitude
que pourrait y mettre un habile charpentier.
Afin de joindre les planches, ils font des trous
attaché à un bâton qui leur sert de
vilebrequin Dans la suite, ils se servirent
pour cela de nos clous avec beaucoup
d’avantage : ils passent dans ces trous une
corde tressée qui lie fortement les planches
avec un os
.
l’une à l’autre”.
55
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
*
gauche
Comme on l’a dit précédemment, les liens
étaient en bourre de coco et le calfatage réalisé
à l’aide de ces mêmes fibres imprégnées de
A
gomme
pirogue, destinée au
voyage et au transport,
d’arbre à pain furu). Le lissage des
planches et des différents éléments de bois
était effectué à l’aide de divers abrasifs (corail,
peau de requin et de raie, sable...).
:
Pirogue double à Tahiti.
Dessin aquarellé réalisé
1777 par
John Webber. Sur cette
en
distingue nettement
planches ajustées et
assemblées par un lien
on
les
bourredecoco. Ilfaut
aussi noter l’importance,
en
L’art de la
navigation
Évoquons pour mémoire les indispensables
connaissances nautiques (vents, états de la
mer, courants...) que possédaient
des îles pour manœuvrer leurs
m
l'ornementation
sculptée.
les habitants
pirogues de
les embarcations légères employées
pour rallier des îles proches.
Lorsqu’on s’intéresse à la navigation de
haute mer, force est de constater que de ce qui
pêche
pour une pirogue
ordinaire, de
ou
parler un art, apanage d’une
élite, seules quelques bribes sont parvenues
jusqu’à nous. Ces lacunes ont laissé la place à
fut à proprement
Ci-dessous :
Pirogues marquisiennes
à balancier.
Gravure d'après
W. Hodges.
foisonnement d’hypotbèses plus ou moins
fantaisistes... Au mieux, pouvons-nous tenter
de dresser la liste de quelques éléments de
un
navigation qui durent appartenir jadis à un
savoir complexe et cohérent. Nous savons que
les Polynésiens qui n’avaient ni carte ni
boussole
possédaient des connaissances
astronomiques précises leur permettant de se
repérer et de se guider lors des grandes
se servaient du soleil et des
émis l’hypothèse séduisante que
chaque île était repérée par une étoile à son
traversées.
Ils
étoiles. On
a
île ainsi
indiquée à une autre également “visible”,
alignait-on l’embarcation sur ces deux
repères. Il s’agissait alors de maintenir
“l’étoile-départ” dans l’axe de la poupe et
“l’étoile-but” dans celui de la proue. La
zénith ; aussi, voulant se rendre d’une
direction des vents dominants saisonniers et
des houles, elles aussi assez régulières, aidait à
s’orienter. Les courants marins bien connus
étaient
parfois
judicieusement utilisés. L’existence
signalée d’un “compas à vent”
confectionné
avec
aujourd’hui mise
des
noix
de
coco
est
doute par les auteurs.
Pourtant, les hommes de Napuka (Tuamotu)
m’expliquèrent qu’il y a encore une vingtaine
d’années, lorsqu’ils voulaient rejoindre de nuit
l’atoll voisin de Tepoto, ils fixaient une coque
de noix de coco percée à l’avant de leur
pirogue et le souffle de l’un des vents
en
dominants faisait émettre
un
sifflement
au
dispositif. Tant qu’ils entendaient ce siffle¬
ment, ils savaient qu’ils tenaient le bon cap.
Une multitude d’indices devaient exister pour
pressentir la proximité d’une île (vol de
certains oiseaux, petit cochon jeté à la mer et
qui nage vers la plus proche terre...), d’autres
permettaient même parfois de l’identifier :
ainsi, reconnaissait-on l’atoll d’Anaa à la
réfraction dans les nuages de son lagon d’un
vert incomparable.
Un art en effet, dont les secrets, jadis
transmis à quelques élus de génération en
génération, sont à présent presque tous
oubliés.
Tahiti, 1792. Sur cette
aquarelle de G. Tobin
se
trouvent
plusieurs
types d'embarcations,
servant aux transports et
aux voyages aux îles
de la Société,
manœuvrées à la
ou à la voile.
pagaie
^
56
*
4 Ressources, échanges
et consommation
Les Polynésiens qu’ils
vivaient sur
de petites îles et ilsexclusivement
étaient de bons
: ondeenla
nourrissaient
desmarins
produits
déduit souvent
se
ignames hoi (Dioscorea bulbifera), patara, et
taro (mapura), devenus sauvages
le ’ava
(Piper methysticum), dont on faisait une
drogue.
Les Polynésiens avaient aussi trouvé
d’autres plantes arrivées avant eux. Parmi
elles, il faut probablement compter un arbre
essentiel à la vie de tous les jours, et pas
seulement pour sa valeur alimentaire : le
cocotier ha’ari (Cocos nucifera). Il y avait
aussi le mape, avec ses anciens noms ihi ou
rata (Inocarpus fagifer), et le pandanus far a
(Pandanus tectorius). D’autres plantes, enfin,
étaient cultivées ou exploitées pour maints
usages autres qu’alimentaires, comme par
exemple le re’a (Curcuma longa), les hue ou
cucurbitacées (Lagenaria vulgaris) etc., ainsi
que tous les arbres servant de bois de
chauffage ou de construction.
des
presque
pêche. En réalité, la base de leuralimentation.surtoutsurles îles hautes, provenait des
plantes cultivées, des animaux domestiques et de ce qu’ils trouvaient à l’état sauvage.
Certaines habitudes d’acquisition et de consommation ont survécu jusqu’à nos jours.
D’autres ont maintenant disparu, mais les traditions orales transmises localement
ajoutées aux témoignages et aux récits écrits par les premiers navigateurs et
missionnaires européens dans le Pacifique, nous aident à mieux comprendre
comment les Polynésiens vivaient à la fin du XVIIP siècleetau débutdu XIX^ dequelle
manière ils préparaient et conservaient les aliments, comment se déroulaient les repas
familiaux ou collectifs.
Les produits comestibles avaient unefonction très importante dans uneéconomie
non monétaire fondée sur l’autosubsistance, mais aussi sur la circulation des biens et
les échanges. Si chacun avait, à quelques exceptions près, sa part de propriété, aussi
infime fût-elle, l’ensemble des productions était en fait géré par les familles de chefs
qui en assuraient le contrôle et
dons et de redistributions.
l’équilibre
par un
système compliqué d’interdits, de
Les ressources terrestres ne subvenaient pas seulement aux besoins alimen¬
taires ; elles paraient à bien d’autres nécessités ou agréments de l’existence matérielle,
notamment lors des soins donnés aux malades ou pour la consommation d’une drogue
douce utilisée avant l’introduction du tabac et de l’alcool par les Européens.
Les
ressources
terrestres
Au
cours
de leurs
migrations vers l’est, les
Polynésiens avaient apporté avec eux
quelques animaux domestiques, le chien, le
cochon, le poulet (et le rat !), mais aussi des
plantes cultivées, comme l’arbre à pain, ’uru
en tahitien (Artocarpus
altilis), le taro (Colocasia esculenta), l’igname ufi (Dioscorea
alata), la patate douce ’umara (Ipomea
baiatas), le fe’i (Musa troglodytarum), le
bananier mei'a (Musaparaciisiacajet la canne
à sucre lo (Saccharum officinamm). Ces
L’horticulture
plantes étaient les plus importantes pour l’ali¬
mentation, car elles fournissaient, en quantité
suffisante et avec peu de préparation, des
substances très nutritives
comme la fécule et le
Mais il y en avait bien d’autres et
certaines parvinrent, au cours des siècles, à se
sucre.
propager
C’étaient
plus
des
,
ou
moins spontanément.
arbres fruitiers, comme le
pommier cythère vi (Spondias dulcis), les
’ahi’a (Eugenia malaccemis)
différentes
variétés de /b'/ reconnues par les Polynésiens
des rhizomes et des tubercules, comme les ’ape
(Alocasia macrorrhiza), les teve (Amorphophallus paeomifolius), le pia (Tacca leoniopeialoides), le li (Cordyline lerminalis), des
,
,
Par suite de leur grande connaissance des
végétaux, les Ma’ohi d’autrefois pratiquaient
des méthodes de jardinage efficaces et bien
adaptées au sol et au climat. Tout en préser¬
vant le milieu naturel, ils obtenaient de bonnes
récoltes pour un travail modéré. Ils ne
disposaient que d’herminettes de pierre pour
le défrichage, mais il est probable qu’ils
faisaient aussi des brûlis. Pour ameublir et
retourner la terre, pour faire des trous, ils uti¬
lisaient un long bâton aiguisé à un bout,
parfois durci
au feu, le ’o. Vêtu d’un simple
tapa, le cultivateur travaillait surtout
en position accroupie, tenant le ’o à deux
mains et le lançant obliquement avec force
pour défoncer la terre ou sarcler.
maro en
57
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
Aux îles de la
assez
à
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Société, les cultures étaient
variées. Les plantes les plus
utiles, l’arbre
à sucre, étaient
pain, les bananiers, la
canne
la côte autour des habitations.
cultivées
sur
D’autres
comme
besoin
les tara
ou
de l’humidité des
les ’ava avaient
ruisseaux
ou
de
l’ombrage des fonds de vallées. Dans les
endroits ensoleillés, au flanc des collines, on
préparait des terrasses avec des billons faits de
bonne terre végétale pour recevoir les
boutures de patates douces, ou les tranches de
tubercules
qui donneraient les futures
ignames. Les jeunes rejets d’arbres à pain, les
boutures de 'ava ou de ’aute (mûrier à papier),
demandaient des soins
On les protégeait
cochons errants par
pierres.
et un
terrain propre.
l’intrusion des
des clôtures de bois ou de
contre
■CT
«
Le
jardinage était généralement réservé
hommes, mais
îles Australes les
femmes s’y rnettaient aussi et travaillaient dur.
aux
aux
une longue préparation pour
être comestible. Comme dans les autres archi¬
qui demande
vallons, élever des murettes de terre pour
pels, quelques cocotiers étaient plantés près
habitations, pour la consommation
courante, mais le paysage était tout différent
de ce qu’il est devenu de nos jours, avec
l’exploitation industrielle du coprah.
Tuamotu, où le sol
prête guère à la culture, il
fallait, pour produire quelques taro, faire de
grands travaux de terrassement à l’aide de
simples pelles en nacre ou en os de tortue, et
préparer de l’humus avec des débris végétaux.
On cultivait aussi le pia, moins exigeant, mais
Marquises, on cultivait aussi le
irriguées bordées de
pierres. Mais dans toutes les îles de l’archipel,
la ressource principale était le fruit de l’arbre à
pain, car le climat permet d’y obtenir trois ou
quatre récoltes par an. Chaque habitant
possédait quelques met près de sa maison,
mais les chefs avaient à leur disposition des
plantations plus importantes. Les hommes se
réunissaient pour la récolte, grimpaient dans
principale, celle du taro, exigeait
beaucoup d’efforts : il fallait préparer les
terrasses, creusées et aplanies sur les pentes
La culture
des
retenir l’eau,
aménager un système compliqué
d’irrigation, entretenir les digues, puis assurer
la plantation et les divers soins culturaux
jusqu’à la récolte.
Dans les atolls des
corallien
ne
se
des
Aux îles
taro
sur
des terrasses
Maison et fei’i à la
pointe
Vénus, Tahiti. Dessin de
Conrad Martens, 1835.
Si la iégende de ce
croquis indique qu’il
s’agit de fe’i (Musa
troglodytarum), on
n’aperçoit pas les
régimes dressés qui
permettent de distinguer
sûrement cette plante
frBir=r'''
des bananiers
aux
formes voisines et aux
fruits dirigés vers le bas.
En l’absence de graines,
végétaux se
multiplient par
plantation de rejets. Ils
étaient plantés sur les
côtes, près des
ces
l’intérieurdesîles hautes
était plus peuplé et
surtout mieux exploité
même valeur de
représentation et de
prestige qu’en
Mélanésie. Leurs
tubercules et ceux des
patates douces (Ipomea
batatas) étaient surtout
considérés comme
nourriture d'appoint ou
raréfiaient.
La diffusion dans les îles
hautes de ces plantes
à végétation spontanée
tend à montrer que
l’introduction de
♦
l’igname, comme celle
du cocotier, est très
ancienne, beaucoup
plus que celle de la
patate douce dont on ne
sait pas encore
parvenue en
creuser
^
alata) ne semblent pas
avoir eu en Polynésie la
exactement quand
comment elle est
Bâton à
^
se
fonds de vallées ou sur
les flancs des collines
de nos jours.
Igname (ufl) et patate
douce (’umara).
Les ignames (Dioscorea
remplacement
pendant les saisons où
les autres productions
habitations, mais leur
éloignées montre que
Ci-dessous :
de
dispersion dans les
que
#
et
Polynésie.
de
Mangareva (’oka),
d'après P. Buck. Cet
instrument en bois de
175 cm a été conservé au
Musée missionnaire de
Braîne-le-Comte, puis
probablement à la
Maison généraliste de la
Congrégation des
Sacrés-Cœurs à Rome.
Utilisation du bâton à
dans les îles de
la Société.
creuser
T A. M
Diûscoroëa/ dlaUb.
Ipowiaca,: 'bataJ:a-s.
«
58
RESSOURCES, ECHANGES ET CONSOMMATION
I
arbres et cueillaient les fruits dans des
filets.
les
L’élevage
dans^^dës fosses
pour les engraisser.
Le chien était avant tout un animal de
compagnie, mais il servait aussi de nourriture,
particulièrement dans les familles de chefs.
Aux îles Marquises, il avait disparu au
moment de l’arrivée des Européens, proba¬
blement par suite de surconsommation, car
nous
avons
la preuve qu’il existait dans
l’archipel aux temps préhistoriques.
Les cochons représentaient la principale
source
de viande. Us
donnaient
leur
animaux domestiques étaient généra¬
lement laissés en liberté. C’est seulement aux
îles Australes qu’on enfermait les cochons
Les
J.
des fruits et des racines qu’ils trouvaient euxmêmes dans leurs vagabondages, mais aussi
des noix de coco et des 'uru que les habitants
se
nourrissaient
surtout
régulièrement. Le chien et
avaient une grande valeur
échanges. Ils fournissaient aussi la
surtout le cochon
dans les
viande
des
religieuses
sacrifices
lors
des
cérémonies
La cueillette et la chasse
zones
cultivées des îles hautes,
partie des travaux horticoles se résumait à
la cueillette des fruits (noix de coco, vi, ’ahi’a,
mape). Avec les fe’i, la montagne apportait un
complément alimentaire apprécié, surtout
entre les récoltes de 'uru. Quand la nourriture
venait vraiment à manquer, on ramassait les
ignames sauvages et les tubercules de ‘ape ou
une
teve.
Les
produits de la cueillette étaient
d’homme, fixés aux deux
le mauha’a.
Aux Tuamotu, le pandanus fournissait
une part importante de la nourriture : on
consommait les graines et la base amylacée du
fruit, le cœur et les racines.
descendus à dos
extrémités du bâton à porter,
La
au marae.
Même dans les
de
chasse
était
une
activité
très
secondaire,
probablement plus sportive
qu’alimentaire. Les Ma’ohi savaient
cependant poursuivre cochons et poulets
devenus sauvages, piéger les pigeons à la glu
avec de longs bambous enduits de gomme
d’arbre à pain, chasser les canards et les
oiseaux de mer par des jets de bâtons. Dans
tous les archipels, on ramassait les œufs laissés
par les oiseaux de mer sur les îlots ou les récifs
isolés.
Tarodlères à Moorea.
La persistance des
cultures vivrières
traditionnelles pendant
plus de deux siècles de
présence européenne a
pérennisé des façons
culturales et des
techniques ancestrales.
Les plantations de tara
(Colocasia esculenta)
exigent les mêmes soins
et les mêmes
protections contre le
l'évaporation
qu'autrefois.
soleil et
Parfois, des feuilies de
cocotiers sèches
recouvrent entièrement
les ieunes plants.
En haut,
à droite
:
Plantation d’ignames à
Moorea.
On peut supposer que
les cultures modernes
de produits traditionnels
ne sont pas très
différentes des
plantations d'autrefois.
Les cochons avaient
autrefois une grande
valeur dans les
échanges. Ils
fournissaient aussi la
viande des sacrifices
lors des cérémonies
religieuses au marae.
ici, cochons des
Marquises.
Le fruit du
pandanus est
saisonnier.
Son importance dans
l'alimentation des
anciens habitants des
Tuamotu a été
iongtemps sousestimée. Ses graines
sont riches en huileeten
protéines.
La base de chaque
drupe est charnue et,
quand elle est bien
mûre, elle contient de
l'amidon.
Autrefois, elle était
consommée crue
ou bien les fruits, cuits
au four et débarrassés
de leurs fibres par de
Masse
en
bols pour
planter les tara (îles de
la Société).
iongs grattages,
fournissaient une sorte
de pâte ou même de la
farine.
59
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Préparation
lisse, le popoi
ou arure, il fallait humidifier
longuement la préparation avec un
pilon de pierre (penu), sur une table basse
(papahia).
Le fruit de l’arbre à pain, frais ou
fermenté, entrait dans de nombreuses compo¬
et
et battre
et conservation
des fruits, racines
et tubercules
sitions culinaires, consommées chaudes ou
froides. Mélangé à du fe’i et ressemblant à une
Disposant d’un nombre limité d’espèces
végétales alimentaires, mais aussi de
nombreuses variétés qu’ils reconnaissaient ou
qu’ils avaient créées, les Polynésiens avaient
depuis longtemps affiné leur sensibilité
gustative. Deux ’uru ou deux taro de variétés
voisines devenaient des mets différents. Ces
distinctions subtiles étaient renforcées par
l’habitude de se nourrir simplement et natu¬
rellement,
»
condiments ni épices, la possi¬
bilité de choisir le degré de maturité des
produits employés et par différentes recettes
sans
de cuisine.
Dans une économie stable et équilibrée
de relative abondance, sans ruptures saison¬
nières
prolongées, la conservation des
alimentaires qui a parfois pour
conséquence l’accumulation des richesses au
profit d’une puissante minorité, n’était pas
ressources
crème, c’était le popoi fe’i. Des ’uru très mûrs,
tombés
battus
sous
avec
l’arbre et
du lait de
appelés
coco
pepe, étaient
et cuits au four. Ou
bien des ’uru pas trop mûrs étaient mis dans le
four, puis mélangés à du lait de coco et
enveloppés dans des feuilles de bananiers.
Cuits à nouveau, ils entraient dans la compo¬
sition de mets sucrés, les po’e.
Aux îles Marquises, plus que partout
ailleurs, le fruit de l’arbre à pain, le mei, était la
nourriture de prédilection et fournissait le plat
de résistance de chaque repas. Pour disposer
de cet aliment indispensable entre les récoltes,
les
habitants
des
marquisiennes
fabriquaient eux aussi une pâte fermentée, le
ma. A Tahiti, cette
technique n’était pas très
différente, mais elle a été abandonnée peu à
peu au cours du XIX' siècle. La méthode
vallées
marquisienne, elle, s’est transmise jusqu’à nos
jours. Les mei sont cueillis un peu avant la
pleine maturité et on accélère leur
mûrissement
en
les
transperçant d’une
baguette. Ensuite, les femmes les épluchent
très rapidement avec le ii, un pèle-fruit en
coquillage. Entassés sous des feuilles, les mei
se ramollissent et on peut enlever facilement la
partie
dure.
On
les
met
dans
un
trou
temporaire creusé dans la terre et tapissé de
feuilles. Les fruits perdent de leur eau et
subissent une première fermentation. Ils sont
alors transportés dans le silo permanent
4
(tahoa ma) situé près de la maison et souvent
pierres. Une fosse d’environ 1,20 m
de diamètre sur 1 m de profondeur assurait à
peu près la provision d’une famille pendant un
revêtu de
an.
Le fond est couvert de feuilles de bananiers
côtés sont revêtus de sortes de nattes en
feuilles de ti. Au-dessus des fruits, on
et les
des feuilles de bananiers vertes,
puis sèches et on ferme avec de grosses pierres
pour bien tasser l’ensemble. Autrefois, pour se •
prémunir contre les guerres et les famines
particulièrement graves aux îles Marquises,
on faisait des conserves de ma dans de grands
superpose
vraiment
une nécessité. 11 existait
pourtant des
méthodes de conservation limitée. Elles
semblent avoir eu surtout pour cause la
mobilité des Polynésiens et leur peur des
famines
fréquentes.
qu’entraînaient
des
guerres
La préparation des aliments consiste,
après le choix initial, à peler, couper, râper,
écraser, battre, filtrer, contenir etc. Façonnés
à partir des mêmes matières premières
fournies par la nature, destinés aux mêmes
fonctions, les ustensiles nécessaires variaient
un peu suivant les
archipels.
Le fruit de l’arbre à
Ces instruments
préparé pour la cuisson au four poly¬
nésien. On enlevait la peau avec un pèle-fruit
souvent
coquillage (reho). Avec un fendoir de bois,
coupait le fruit en deux et on enlevait la
partie interne non comestible. Au temps de la
récolte, les 'uru mûrs à point étaient cueillis et
cuits au four chaque jour, parfois réchauffés
ou mangés froids au
repas suivant. Mais à la
fin d’une période de grande abondance,
en
on
celle
mûrissaient
du
en
mois
telle
de
mars,
fruit
(Société) recueillis par
George Bennet de la
London Missionary
Society (1821-1824).
pain
Aux îles de la Société, il représentait l’aliment
de base. Jamais mangé cru, il était le plus
surtout
Fendoirs pour le
de l'arbre à pain
les ’uru
quantité qu’ils
mena¬
çaient de se perdre. Plusieurs familles ou
parfois les habitants de tout un district se
réunissaient alors pour récolter ce qui restait
de fruits très mûrs et les cuire dans de grands
fours (opi'o). Cette cuisine collective était plus
un moyen d’utiliser des excédents
que de faire
des réserves. Mais les Ma’ohi pratiquaient
aussi.une véritable méthode de conservation
qui consistait à entasser des fruits de l’arbre à
pain dans des fosses et à les laisser fermenter
pour obtenir une pâte, le mahi (appelé lioo à la
fin du XIX' siècle). Ces trous étaient creusés
dans l’habitation, probablement dans la
maison réservée à la cuisine et aux repas, ou à
(tapahi), faits d’une
seule pièce de bois, ont
Pèle-fruit
Porcelaine
(coquillage), aux fies de
la Société : reho.
Pilon
en
en
roche
volcanique
(penuj
Tahiti. Les piions
tahitiens recueiliis à ia
fin du XVIII» siècle, sonl
caractérisés par des
barrettes latérales, ou
oreilles, très hautes. Il
s’agit peut-être de pilons
ayant appartenu à des
la forme d’une
herminette. D'autres
sont de simples lames de
bois (tohi'uru) avec un
tranchant convexe et
une
poignée.
#
chefs.
Table à
pieds,
piler à quatre
en bois (Tahiti).
Le contour de la table
est presque carré, avec
des angles arrondis. Les
pieds, massifs, sont de
section circulaire.
élargis à la base. Cette
plus utilisée
depuis longtemps et
forme n’est
elle est devenue très
rare.
l’extérieur. Au
moment du repas, un peu de
mahi était mélangé à du ’uru frais, cuit au four
ou à la flamme. Pour faire une
pâte homogène
60
♦
RESSOURCES, ECHANGES ET CONSOMMATION
silos cachés dans la montagne ; certaines de
ces réserves collectives, avec leurs murs en
l’arbre à
argile, pouvaient être immenses et dépasser 5
mètres en diamètre et en profondeur.
Par un long processus de fermentation, le
mei se transforme en ma et peut ainsi se garder
presque indéfiniment. A la longue, il devient
brun, très dur et très fort
^
:
on
remet au
pur.
four. Il
se conserver un
ma avec
est devenu
peu.
popoi ma et peut
En mélangeant ce popoi
des fruits frais et cuits et
en
malaxant
longuement le tout avec un pilon, on obtient le
popoi mei qui, il y a peu de temps encore,
faisait partie de la nourriture quotidienne de
tous les Marquisiens. De très nombreuses
préparations culinaires étaient à base de mei et
^
certaines d’entre elles, quand le fruit était
longuement cuit
bébés.
au
four, étaient réservées
aux
L’ensilage et la fermentation du fruit de
Pèle-fruit
en
aux
îles
Taro, rhizomes et tubercules
Les laro étaient cultivés et consommés dans
tous les archipels, mais c’est seulement aux îles
qu’ils constituaient la nourriture
principale. Toutes les parties de la plante sont
comestibles ; les tiges et les feuilles tendres
peuvent être mangées en légume vert. Comme
Australes
peut le
ne
D’abord pétri, malaxé et
amolli avec de l’eau, il est enveloppé dans des
feuilles, puis cuit au four. On le pétrit à
nouveau, on l’écrase pendant qu’il est encore
chaud sur une planche spéciale (hoaka) avec
un pilon de pierre (kea lukipopoi),
puis on le
consommer
pain étaient aussi pratiqués
Mangareva.
Australes et à
toutes les
Aracées, les
taro
contiennent de
nombreux cristaux d’oxalate qui les rendent
irritants s’ils ne sont pas cuits longtemps et
très soigneusement. La méthode la plus simple
de les faire cuire
au four
polynésien. Un
procédé, toujours employé, consiste à
les peler avec un fragment tranchant de
coquillage ou de noix de coco, à les couper en
morceaux, à les faire cuire au four puis à les
battre longuement sur une table à piler en les
diluant avec de l’eau. Autrefois, cette pâte,
popoi oupoi, pouvait être consommée à l’état
pur ou mélangée à du fruit fermenté de l’arbre
à pain (ma'i). Aujourd’hui, on la laisse parfois
fermenter quelques jours pour la rendre plus
légère. La matière féculente du taro entre aussi
est
autre
composition de plusieurs rtiets sucrés.
râpé ou déjà préparé en fécule est
ajouté à des fruits frais, bananes ou fe’i,
enveloppé dans des feuilles de ti, et cuit aü
four. A Tubuai, des planches décorées de
dans la
Du
taro cru
maisons anciennes tombées
en
désuétude ont
parfois servi à râper le taro. A Raivavae et à
Rapa, les habitants préparaient le tioo en
faisant fermenter du taro dans des silos.
Les patates douces semblent avoir été
surtout consommées aux îles de la Société,
sans
préparation spéciale et comme
d’appoint.
Les produits de pénurie, comme le ’ape, le
nourriture
le pia, devaient subir
une longue cuisson
préparation compliquée avant de
devenir comestibles. Les tubercules de pia
étaient lavés, pelés, lavés à nouveau, puis
râpés sur un morceau de corail. La pulpe
teve,
ou
une
diluée
dans
la
avec
un
de l’eau était filtrée et mise à sécher
grand plat de bois. 11 fallait à
laver
la
filtrer à
nouveau
plusieurs reprises
jusqu’au dernier séchage qui laissait une farine
très blanche, très fine, propre à plusieurs
usages et en particulier à la fabrication de mets
sucrés appelés po’e.
et
Porcelaine
(coquillage), aux Iles
Marquises : il (7,5 cm).
Ces objets sont un peu
différents de ceux des
îles de la Société et
présentent deux
perforations : l'une d'elle
bords en biseau et
sert de couteau, l'autre
a ses
laisse sortir les
épluchures.
La première est obtenue
par usure, la deuxième
par cassure du
coquillage.
Ces instruments, qui
sont
encore en
usage
peler les fruits de
à pain,
apparaissent aussi dans
pour
i'arbre
les niveaux
archéologiques ; les plus
anciens étaient
en
coquilles de Tonna.
Ci-contre
:
Pilonnage de la popoi.
Aux îles Marquises, la
table à piler, encore
utilisée de nos jours, est
une grande planche un
peu concave(hoaka)sur
laquelle plusieurs
personnes peuvent
travailler en même
temps.
1
Ce pilon de pierre à
tête sculptée
(Marquises) a été don"°
Muséum d'Histoire
naturelle de Paris par
le prince Roland
au
Bonaparte, en 1887.
H
=
21,8
cm.
De gauche à droite :
1. Pilon des Marquises.
2. Pilon des Tuamotu,
en bois. H = 22,9 cm.
3. Pilon de pierre
trouvé par H. Jacquier
au fort de Morongo Uta à
Rapa (Australes) lors de
l'expédition de
Thor Heyerdahl en juin
1956. Ce type de pilons,
de forme
particulièrement
élégante, n’appartient
qu'à l’île de Rapa. Ce
sont des pièces
archéologiques.
Ils étaient peut-être
utilisés
en
avec
pierre. H
des tables
=
17,8 cm.
61
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Cuisson
des aliments
consommation de la nourriture familiale
n’étaient pas considérées comme des
distinguaient
ce qui est à
la fois cuit à point et bien préparé. Les Poly¬
nésiens consommaient peu d’aliments crus et
ils préféraient la nourriture bien cuite, surtout
lorsqu’il s’agissait de la chair des animaux. Le
résultat ’ama était obtenu soit par la cuisson
Ma’ohi
anciens
Les
nettement ota,
le
cru,
de 'a ou ’ama,
directe au feu, soit de manière indirecte, par
l’intermédiaire de pierres chaudes. Presque
toutes les
siècle sont
si
usage à la fin du XV IIP
connues de nos jours, même
méthodes
encore
certaines
en
d’entre
elles
sont
rarement
pratiquées. Celle du four polynésien, restée la
plus célèbre, était la plus courante.
Les Polynésiens qui occupaient déjà les
îles Marquises il y a environ 15 siècles, fabri¬
quaient et utilisaient des poteries. Cette
technique a été très vite abandonnée, mais la
pratique de l’ébullition qui lui était proba¬
blement associée a persisté à l’état de connais¬
sance latente et de survivance jusqu’à l’arrivée
des Européens, avec leurs récipients
métalliques.
Le feu et la cuisson directe
entreprises totalement collectives. Les
femmes, en particulier, devaient avoir leurs
propres abris réservés à la cuisine et faire des
feux, ou même des fours, séparés de ceux des
hommes. Pour des raisons quasi rituelles, elles
étaient soumises à des contraintes particuliè¬
rement
rigoureuses pour tout ce qui
concernait leurs approvisionnements et la
préparation de leurs aliments.
Aux Tuamotu, les feux de plein air
étaient courants, car ils étaient bien adaptés à
la
nourriture
consommée
habituellement.
poissons on faisait une petite
plate-forme avec des branchettes vertes qui
servaient de gril, ou bien on les posait sur une
couche intermédiaire de graviers coralliens.
Pierres chaudes
et fours polynésiens umu
Pour cuire les
Chaque cuisine polynésienne avait
dans le sol où quelques
un trou
pierres
volcaniques attendaient la prochaine cuisson.
Aux Tuamotu, les galets de rivière étaient
importés des îles hautes ou remplacés par des
creusé
morceaux
de
corail.
Partout
les
fours
domestiques étaient à peu près circulaires, pas
très larges et dépassant rarement 30 cm de
Autrefois, le feu était toujours produit par
(hi’a). Un morceau de bois tendre et
Aux îles de la Société, les jeunes gens
s’occupaient des fours réservés aux hommes et
les femmes de haut rang avaient des serviteurs
pour s’occuper des leurs. Ils faisaient un feu de
bois et plaçaient les galets tout autour. Quand
la combustion était achevée, ils disposaient les
mets à cuire sur les pierres brûlantes, soit
directement, soit en les isolant avec des tiges
de bananiers ou des feuilles vertes. Les plus
délicats, poissons, morceaux de volaille,po'e,
étaient enveloppés dans des feuilles. Les ’uru
étaient cuits entiers ou coupés en morceaux. 11
fallait ensuite recouvrir le four de paquets de
feuilles d’arbres à pain, de bananiers ou de
purau (’apiu), puis avec des débris divers, de la
terre ou des pierres. Le temps de cuisson
devait être estimé avec assez de précision,
peut-être en observant la hauteur du soleil,
pour que la nourriture soit à point (houhou),
ni trop cuite (rauaha, umamia, vera, vi'u) ni à
moitié
crue
(’aiota, orire etc.).
Certaines occasions rendaient nécessaire
l’organisation de grands fours collectifs. A la
*
*
saison où les ’uru étaient très abondants, un
chef ou un propriétaire ra’alira pouvait réunir
de nombreuses personnes pour construire un
four opi'o. Les jeunes gens rassemblaient de
grandes quantités de bois et de pierres, puis ils
Cuisson
au
four
polynésien. Préparation
friction
sec,
profondeur.
du four et des mets.
généralement du purau (Hibiscus
cm de diamètre à peu près, était
tiUaceus) de 5
fendu
en
deux. Une des moitiés constituait la
partie fixe (aua’i) du dispositif. L’opérateur
s’asseyait dessus et la maintenait avec ses
pieds, sauf s’il disposait d’un aide pour la
tenir. Avec un petit bâton pointu (aurima), il
traçait sur la face convexe un sillon longitu¬
dinal d’environ 15
cm. Par un mouvement de
va-et-vient et de frottement de plus en plus
rapide le long de la rainure, il obtenait très vite
un
peu de poussière incandescente qu’il
accumulait à une extrémité pour mettre le feu
à quelques herbes sèches préparées à l’avance.
11 accompagnait son action d’une prière
chantée, appropriée à la circonstance. C’est
ainsi que dans les travaux et les gestes
habituels, les Polynésiens tentaient d’assurer
le succès de leurs entreprises.
Aux îles Marquises, des faisceaux très
f
serrés de feuilles de cocotier et de bourre de
noix de coco servaient à conserver la braise.
Aux îles de la Société, au cours des dépla¬
cements, des travaux horticoles, ou chaque
fois qu’il n’était pas nécessaire de préparer un
four, des petites quantités de nourriture,
des fruits de l’arbre à pain ou desfe’i,
grillés directement dans leur peau, à la
flamme ou sur les braises d’un feu de plein air
(lunu pa’a). Les poissons pouvaient être
enveloppés dans des feuilles et cuits de cette
fnanière (tunu vehi). Pendant les excursions
dans la montagne, des tronçons de bambous
verts étaient remplis des provisions trouvées
sur place, fermés avec des feuilles et tournés
sur le feu jusqu’à l’achèvement de la cuisson
surtout
étaient
ébullition ou à l’étouffée. Dans la vie
quotidienne, des foyers individuels étaient
souvent allumés pour nourrir un petit nombre
de personnes. Il y en avait souvent plusieurs
par maisonnée, car la préparation et la
par
#
1. Dans un trou creusé
dans le sol, on place du
bois sec puis des pierres
volcaniques.
2. Le bois brûle,
chauffant fortement les
pierres.
3. La combustion
terminée, les pierres
sont étalées
en un
lit
régulier. On les recouvre
de feuilles de bananiers
vertes.
4. Les mets,
emballés
dans des feuilles ou non,
sont disposés dans le
four.
5. L’ensemble est
recouvert de feuilles
apiu et de feuilles de
bananiers.
6. De la terre recouvre
le tout : les aliments vont
cuire grâce à la chaleur
accumulée par les
pierres volcaniques.
P
50 cm
-30
.
0
4
62
RESSOURCES, ECHANGES ET CONSOMMATION
une
large fosse qui atteignait
parfois 3 mètres de diamètre et pouvait cuire
creusaient
des milliers de fruits. Le fond du trou était
rempli de
grosses pierres recouvertes de petit
bois et de bûches. Quand les pierres étaient
très chaudes, on les écartait un peu et les ’uru
étaient jetés tout entiers, avec leur peau, au
milieu du four. Puis on entassait par dessus
des feuilles et de la terre. 11 fallait un ou deux
,
jours
pour
achever la cuisson. Quand le four
commençait à se refroidir, on aménageait une
petite ouverture sur un côté pour sortir les
'uru.
Les
provisions ainsi constituées
pouvaient durer plusieurs semaines, même si
tout le monde mangeait beaucoup durant
cette période consacrée aux festivités. Les
adolescents, en particulier, en profitaient pour
faire la fête. C’était aussi l’occasion, particu¬
lièrement pour les enfants de chefs, de
s’embellir
se
en restant
Les umuhuti
^
immobiles à l’ombre et
gavant de nourriture.
ou
umuti étaient
en
proba-
blement réalisés suivant les mêmes principes.
Us avaient pour fonction de rôtir les racines
sucrées de ti (Cordyline terminalis) qui, ainsi
traitées, pouvaient se conserver longtemps. Le
temps de cuisson des racines, deux ou trois
jours, nécessitait l’utilisation d’énormes
pierres. De là vient la marche sur le feu.
parfois pratiquée
encore
de
nos
jours,
avec
accompagnement d’incantations et des
gestes rituels faits avec des feuilles de ti.
son
larges fours étaient aussi utilisés au
des fêtes publiques généralement
associées à des cérémonies religieuses, ou
lorsqu’un chef offrait un grand repas à un
visiteur de marque et à sa suite.
De
moment
Autres utilisations
des pierres chaudes
Il existait
encore un
moyen
était pratique d’utiliser cette
des pierres déjà chauffées
pour le four se trouvaient à proximité. Le
liquide était versé dans un récipient de bois
(’umete). Pour le chauffer suffisamment, il
fallait mettre à l’intérieur quelques pierres
brûlantes que l’on enlevait très rapidement
pour les remplacer par d’autres plus chaudes
et ainsi de suite jusqu’à la fin de la cuisson. Le
po’e pia était souvent préparé de cette façon.
La fine farine de pia, obtenue après des
lavages répétés, était délayée dans de l’eau ou
du lait de coco. A la chaleur, le mélange
dedans (tutu). 11
méthode quand
épaississait rapidement.
Le même phénomène pouvait se produire
diamètre de 3
et
l’extérieur
de
Quand celui-ci était
facilitaient
de faire bouillir
l’intérieur
abondamment
l’animal.
un liquide sans l’intermédiaire
d’une marmite : mettre des pierres chaudes
(ahipihapiha)
lorsqu’on venait de tuer un cochon et qu’on
mettait des pierres chaudes dans son sang
mêlé à la graisse des intestins. Le cochon était
abattu par des hommes qui l’étranglaient ou
quelquefois le noyaient, en conservant le sang
à l’intérieur du corps. Puis ils enlevaient les
entrailles et le sang, grattaient soigneusement
la peau en brûlant les poils et lavaient
sa
cuisson
en
assez gros, ils
mettant des pierres
chaudes (j'ati’a) à l’intérieur de la cavité
abdominale qu’ils finissaient de remplir avec
des feuilles
(tao) pour que les parois ne se
touchent pas. Aux îles de la Société, les
cochons étaient mis à cuire dans le four sur le
dos
;
ailleurs et notamment aux îles
Marquises, ils étaient posés sur le ventre.
Dans la vie ordinaire, les Polynésiens, à
l’exception des plus privilégiés, mangeaient
rarement du porc, qui était considéré comme
une' denrée assez rare et précieuse. C’était, de
plus, une nourriture noble, surtout réservée à
la population masculine. Elle pouvait être
aussi consacrée
aux dieux ou aux ancêtres lors
des cérémonies religieuses. Elle était
consommée surtout au moment des fêtes et
des festins qui suivaient ces cérémonies et
rassemblaient beaucoup de gens.
cm
environ) et on la fend en
deux dans le
sens
de la
longueur. Ce sera la
partie sur laquelle sera
appliquée la friction :
le kauaki.
Dans l’autre morceau
de bois, on façonne la
baguette pointue,
cm de long,
qui sera la partie mobile
du dispositif :
d’environ 20
Méthode pour obtenir
le feu par friction.
Les habitants des
Marquises et des
Tuamotu connaissent
encore cette technique.
D’après E. Conte, dans
i'île de Napuka on
procède ainsi :
On prépare d'abord une
branche bien sèche (de
60 cm de long pour un
le kaurima.
L’opérateur se sert de
pieds ou d’un aide
pour maintenir
ses
fermement le kauaki,
la face plane tournée
vers le haut.
1.11 tient le kaurima à
deux mains et imprime
pointe un
mouvement alternatif de
friction le long du canal
médullaire du kauaki.
En même temps, il
accumule en un point du
avec sa
parcours la poussière de
bois formée par la
friction. Le mouvement
du kaurima devient de
plus en plus court et son
rythme plus rapide.
2. En
une
minute
environ, la poussière de
friction
commence
consumer en
une
à
se
dégageant
faible fumée.
Des fragments de tissu
fibreux sec provenant de
la base des palmes de
cocotier sont posés sur
la poussière fumante.
3. On souffle, ils
prennent feu et on
ajoute alors d’autres
combustibles.
En
haut,
a
droite
:
Cuisson du po’e pia
dans un plat de bois,
avec des pierres
chaudes. Tahiti.
Ouverture d’un four à
Tahiti. On aperçoit le
petit cochon et les 'uru
coupés en deux.
63
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
La noix de
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Le lait de
coco
Comme les autres arbres fruitiers, les
cocotiers étaient plantés de préférence à
proximité
lieux d’habitat, pour la
domestique. Dans la vie poly¬
nésienne moderne, le cocotier a gardé une
importance surtout alimentaire, si on met à
part sa valeur commerciale liée à l’exploita¬
tion du coprah. Mais avant l’introduction
dans le Pacifique des produits manufacturés
en Europe, qui commença dès la fin du XVIIP
siècle, il était à peu près indispensable et utilisé
pour toutes les activités de la vie quotidienne.
En particulier, les fibres très solides de la noix
de coco permettaient de tresser des cordes
résistantes et presque imputrescibles. En
des
consommation
chevilles
de
l’absence
servaient de
Cueillette et
nos
clous,
de
elles
préparation
de la noix de
De
et
ligatures et de liens universels.
coco
bois.
coco
coco pouvait être
appoint, et surtout grignotée
entre les repas. Considérée comme un aliment
riche, elle remplaçait parfois la viande,
surtout pour les femmes à qui la chair de
certains animaux était interdite. Mais, le plus
souvent, elle était râpée pour être utilisée telle
quelle, ou transformée en lait de coco. Avant
L’amande de la noix de
mangée
crue, en
l’introduction
du
métal,
il existait deux
différents de râper le coco. Le premier
est peut-être le plus ancien : un grattoir,
façonné dans la nacre de l’huître perlière,
parfois dentelé à une de ses extrémités, était
moyens
la main et utilisé directement pour
détacher de petites parcelles de l’amande.
tenu dans
pratiquée de
n’est plus le grattoir qui est
mobile, mais la noix de coco. Autrefois, la
râpe était faite d’un morceau de corail fana)
fixé par une ligature serrée sur un support de
Dans l’autre méthode, encore
nos
jours,
ce
pouvait
Celui-ci
tabouret,
comme aux
ressembler
à
un
îles Australes. Ailleurs,
plus souvent fabriqué à partir d’une
choisie pour sa forme tordue et
fourchue. 11 fallait s’asseoir sur ce siège plus ou
moins confortable, déplacer rapidement la
il était le
branche
moitié d’une
noix de
coco
en
la pressant
grattoir et faire tomber la
pulpe râpée dans un récipient en bois. Aux îles
Marquises, il est possible que des grattoirs en
nacre épaisse et résistante aient été attachés à
des bâtis de bois et utilisés comme râpes fixes.
On connaît aussi de très rares objets
entièrement taillés dans la pierre. Ils sont
magnifiques et étaient probablement réservés
aux chefs : la râpe et le siège ne forment qu’une
seule pièce.
Pour presser l’amande râpée, les Poly¬
fortement
sur
le
nésiens utilisaient les fibres contenues dans les
tiges de certaines Cypéracées (mo'u) ou, à
défaut, cette sorte d’étoffe que forment les
stipules du cocotier. Les habitants des
jours, de nombreuses variétés de
cocotiers ont été créées ou importées. Des
noix de coco trouvées dans des sites archéo¬
logiques montrent qu’il existait, il y a environ
petite taille à coque très
épaisse. 11 est probable qu’avant l’arrivée des
Européens, les Polynésiens avaient su déjà, au
800 ans, des fruits de
cours
des
siècles,
sélectionner
certaines
qu’ils pouvaient reconnaître en les
nommant et en les destinant plus ou moins à
des usages différents : cocos à longues fibres
pour tresser les cordes ; noix dont la coque se
prête à la fabrication de coupes, etc. Comme
aujourd’hui, ils distinguaient les différents
variétés
de maturité de la noix de coco et
affectaient chacun d’eux à des utilisations et
des préparations précises.
stades
Les
adolescents
chargés de monter
au
étaient généralement
cocotier pour cueillir les
noix aux stades ’ouo, nia et ’omoto. Ils
montaient directement, chacun sur un arbre,
plaçant les mains de chaque côté du tronc,
corps plié en deux, semblant marcher
jusqu’au sommet ; ou bien, quand il fallait
grimper successivement sur plusieurs
cocotiers, ce qui est très fatigant, ils passaient
les pieds à l’intérieur d’une corde circulaire sur
laquelle ils s’appuyaient en montant. Arrivés
en haut, ils se hissaient au milieu du feuillage,
en
le
choisissaient les noix de coco à cueillir, les
détachaient par torsion et les lançaient au bas
de l’arbre en leur donnant un mouvement
circulaire (’oviri) pour qu’elles ne se fendent
pas en touchant le sol. Ils détachaient parfois
des grappes de fruits qu’ils descendaient au
bout d’une corde. Les noix vertes, cueillies
pour être bues dans l’immédiat, étaient
simplement percées avec un caillou pointu.
Mais il était d’usage de les débarrasser de leur
enveloppe fibreuse avant de les offrir ou de les
transporjer attachées aux extrémités du bâton
à porter. On pouvait enlever la bourre avec les
dents, après avoir frappé une extrémité de la
noix sur des pierres pour commencer à écraser
et
détacher les fibres. Mais dans toutes les
maisonnées
se
trouvait le ’o
ou
ko,
un
bâton
pointu planté en terre, encore utilisé de nos
jours pour débourrer les cocos. Les noix
étaient ensuite rapidement ouvertes ou cassées
en
deux par quelques coups de pierre
habilement placés.
64
h
Homme montant au
cocotier dans une vallée
habitée de Nuku HIva
(Marquises). On
distingue également
bien que les différents
éléments de l’illustration
aient été très stylisés
par le graveur, un
cocotier dont le pied est
entouré d’une clôture :
il a été rendu tapu et
interdit è la cueillette.
Les noix de coco,
préparées
pour une
sont attachées tout
autour du tronc, du
fête,
haut
bas. Près de la
maison de gauche se
trouve une fosse à ma,
avec la provision de
fruits à pain fermentés,
abritée par un petit toit.
en
D’après
Langsdorff.
G.H.
Voir tableau p.
138.
Noix de
coco
mises
au
jour au cours de fouilles
archéologiques à
Huahine (Société).
Elles datent de la fin
du premier millénaire
de notre ère.
RESSOURCES, ECHANGES ET CONSOMMATION
remplaçaient par les racines
pandanus. Ces fibres
végétales, écrasées et serrées comme un tissu
grossier, servaient aussi de filtres. Le lait de
coco passé à travers les fibres de mo’u, était
débarrassé des impuretés et devenait très
les
Tuamotu
aériennes fibreuses du
blanc.
Sauces et assaisonnements
Les habitants des îles delà Société
une sauce
à
préparaient
partir de l’amande finement râpée.
faisaient
Ils
en
en
mettant dans une calebasse contenant de
salée,
une
autre
(ero, taiero, mitiero)
des râpures de coco et des
qu’ils laissaient fermenter ensemble
pendant deux jours environ, jusqu’à ce que le
mélange prenne la consistance d’une pâte
crémeuse, au goût prononcé. Quant au lait de
coco, il entrait dans de nombreuses prépara¬
tions. Partout, il pouvait servir à adoucir la
l’eau
chevrettes
saveur aigre et parfois assez putride.
Aux îles de la Société, il complétait les plats
popoi à la
sucrés composés de fruits et de fécule cuits au
four (po’e) ou avec des pierres chaudes. Le
se présentait comme un mélange
homogène de pâte de 'uni ou de tara, de
bananes et de lait de coco, passé à travers le
mo'u pour éliminer les fils et autres impuretés,
iiiparu
et
four dans des feuilles.
Aux îles Marquises, le lait de coco
cuit
au
faisait
partie des ingrédients les plus employés dans
les recettes culinaires. Le ka’aku, toujours en
honneur dans cet archipel, était déjà un plat
très apprécié ; il se compose tout simplement
de fruits de l’arbre à pain cuits à la flamme,
pelés, bien battus au pilon pour former une
pâte qui, placée dans un plat de bois, est
recouverte de lait de coco. Le poke est un
mélange de tara cuits et d’huile de coco.
Autrefois, la préparation du heikai était une
grande entreprise qui durait plusieurs jours et
mobilisait jusqu’à une trentaine d’hommes
pour creuser et aménager le foür, chercher du
bois, des feuilles etc. Les fruits de l’arbre à
pain, très mûrs, débarrassés de leur peau et de
la partie centrale, étaient recouverts de lait de
coco et enveloppés très soigneusement dans de
nombreuses feuilles de ti et de bananiers qui
formaient des sortes de paniers étanches. Ces
étaient suspendus au-dessus des
pierres, dans le four, où ils cuisaient pendant
deux jours environ. Le résultat était une sorte
de confiture qui pouvait se conserver très
longtemps dans son enveloppe de feuilles.
D’autres farineux, comme le hiietu (fe’i),
l’igname, le ta'o (tara), la patate douce, le ihi
(mape) etc. pouvaient entrer dans la compo¬
sition du heikai, mais cette préparation,
quand elle était pratiquée en période
d’abondance des mei, était probablement,
comme les fours à opi’o de Tahiti, une façon
de conserver des surplus. Elle faisait partie,
aussi, des fêtes qui accompagnaient les rites de
mariage et d’alliance entre tribus.
paquets
en bois avec râpe
corail. Il s'agit d’une
reconstitution montrant
comment les anciennes,
Siège
Les fibres de la tige du
mo’u (Cyperus sp.j
servaient autrefois à
en
râpes à coco façonnées
dans du corail (’ana)
étaient fixées à une
projection du bâti de
bois, ici un “tu'oi"
provenant de Rurutu,
aux
îles Australes. Au
premier plan, des fibres
Cyperus.
de
gauche :
Râpes à coco en nacre,
En bas, à
des îles de la Société.
Comment
avec une
(mobile).
râper le coco
râpe en nacre
presser l'amande râpée
des noix de coco et
à filtrer
les liquides.
Ka’aku dans
un
ko’oka
(Marquises). Le ka’aku
est fait de fruits de
l'arbre à pain écrasés
de lait de coco.
et
65
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Les repas
quotidienne, et dans
famille, la préparation et
Dans la vie
même
une
la
consommation de la nourriture n’étaient pas
considérées comme une entreprise obliga¬
toirement collective. Le repas n’était pas un
véritable acte social regroupant des personnes
apparentées, à des moments précis de la
journée. Sauf au moment des fêtes et des
grands festins collectifs, chacun mangeait un
peu où il voulait, quand il voulait. Les
garçons, autonomes très tôt, s’occupaient
entre eux
de leur alimentation. Les hommes
préparaient souvent individuellement leurs
repas, à moins qu’ils ne fussent des chefs assez
haut placés pour se permettre de ne rien faire
et de se décharger entièrement des tâches
matérielles
sur leurs serviteurs (teuteu).
Pour les femmes des îles de la Société,
préparer leur nourriture et manger à part était
une
obligation, mais elles pouvaient se
regrouper entre elles pour les repas qu’elles
faisaient souvent apprêter par leurs filles ou
des adolescentes apparentées. Cet impératif
absolu s’inscrivait dans un
contraintes et de restrictions
ensemble
de
qui leur était
particulier. Elles devaient, dans le principe,
acquérir leurs ressources par elles-mêmes, de
leurs arbres personnels, par leur propre
élevage de cochons, par le ramassage de petits
poissons, de coquillages, de crustacés ou bien
par la cueillette de produits sauvages. Elles
avaient leurs réserves de mahi, leur cuisine,
leurs ustensiles et leur propre feu, bien séparés
de
*
en
plus en impératifs religieux liés à “l’idolâtrie”
morceaux
d’autres archipels : il reste que l’influence
missionnaire a parfois contribué à figer encore
que conventions
îles Marquises,
qui n’était
ce
Aux
risquaient aussi la maladie
ou
sociales.
les femmes
la mort si elles
consommaient des aliments interdits,
les hommes que s’il
importants, chefs ou
guerriers venant de
interdit de manger avec
s’agissait de
vieillards,
personnages
de
ou
combattre.
Mangareva, les femmes préparaient la
nourriture de leur mari et allaient parfois
jusqu’à la leur mettre dans la bouche. Aux
tapu alimentaires particuliers aux femmes, il
faut ajouter ceux qui étaient propres à une
tribu, une famille ou un individu, et faisaient
partie de leur histoire personnelle.
A
Inu, ma’a, ’ina’i
et manières de table
La
des
principale boisson (inu) était l’eau douce
sources et
des rivières. Sur les atolls des
Polynésiens creusaient des puits
dans le sable ou le gravier corallien et
puisaient l’eau avec une moitié de noix de
coco. Quand il pleuvait, ils recueillaient l’eau
qui coulait le long des palmes de cocotier.
Partout, les Polynésiens buvaient également
Tuamotu, les
l’eau des noix de
coco.
Ils
se
désaltéraient peu
rares ou difficiles à obtenir, comme
les tortues, les thons et autres poissons de
haute mer, étaient interdits aux femmes.
qui étaient
Acquis
graisse
les hommes,
animale et
par
ces
en
aliments riches en
protéines leur
revenaient de droit, conformément à leur rang
la hiérarchie socio-religieuse qui les
situait Juste au-dessous des dieux et des
ancêtres et au-dessus des femmes, tout autant
dans
qu’à leurs besoins énergétiques ou à leur
gourmandise. L’obligation pour les femmes
à part venait probablement de ces
restrictions
transformées
en
contraintes
formelles qui, pour finir, en généralisant un
ensemble de tapu compliqués et subtils liés à
leurs
conditions d’infériorité et parfois
de manger
d’impureté, les obligeaient à ne jamais se
servir, sous peine des pires ennuis, de ce qui
avait été touché par un homme, même s’il était
un proche parent. Seules les femmes de haut
rang pouvaient manger à peu près ce qu’elles
voulaient, à condition de respecter les
conventions, même ce que des hommes
préparaient de leurs mains, s’il était bien
qu’ils étaient à leur service. A l’éton¬
admis
nement
de leurs visiteurs
Ma’ohi
sexuelle
répondaient
que
occidentaux, les
cette ségrégation
d’origine
religieuse. Mais ils avaient des difficultés à
leur faire comprendre que si ces rituels
apparents étaient bien le résultat de tapu
évidente
n’était
pas
accumulés, d’habitudes devenues
conventions, il s’y ajoutait aussi, à l’intérieur
plus ou moins rigoureux,
grande liberté individuelle et la faculté
des codes sociaux
une
chacun d’organiser à sa guise sa façon de
vivre et son emploi du temps. Aux îles de la
pour
66
comme
poulet. Elles prenaient souvent leurs repas
entre elles, mais il ne leur était formellement
le
des hommes. Les mets de luxe, ceux
ceux
mangeant. C’est
Société, les différences sociales et la dicho¬
tomie sexuelle étaient plus marquées que dans
Contenant des îles
Marquises en noix de
dont la surface
externe est finement
coco
sculptée de motifs
marquisiens typiques.
14,5 cm.
haut, à droite :
Ce très beau plat de bols
sculpté de Nuku Hiva,
H
=
En
(Marquises) servait à
les restes de
nourriture. Le couvercle
est orné d’une tête
humaine en relief ; le
conserver
plat lui-même d’une
tête verticale en rondebosse. Sur les côtés :
deux petits personnages
en relief typiquement
marquisiens.
L
=
45
cm.
Ci-dessus, au centre :
Plat en bols sculpté,
contour circulaire
de
(Marquises).
D
=
25
cm.
Ci-contre :
Un repas à
base de
popol, consommé par
une
famille
marquisienne dans les
années 1930.
aussi surtout entre les
repas qu’ils consommaient des fruits crus,
mâchaient les fibres de la canne à sucre pour
en absorber le jus sucré, ou croquaient des
de noix de
coco.
Polynésiens se nourrissaient plus ou
moins régulièrement, mais en temps normal
ils prenaient au moins deux repas par jour, au
lever et au coucher du soleil. Ils pouvaient en
faire trois, l’un d’eux n’étant pas toujours
préparé, mais constitué de restes. En voyage
ou
quand les vivres manquaient, ils
mangeaient beaucoup moins, quitte à faire des
excès en période d’abondance ou de fête. Dans
Les
la
vie
ordinaire,
sur
les
îles
hautes,
la
population mangeait très peu de viande ou de
poisson.
Les Polynésiens distinguaient
nettement la nourriture végétale à base de
fruits et de racines qui constituait l’essentiel de
leurs repas et qu’on appelait ma'aaux îles de la
Société
et
l’accompagnement d’origine
animale nommé ’ina’i (ou kinaki) dans toute la
^
RESSOURCES, ECHANGES ET CONSOMMATION
k
•
Polynésie. Il semble que l’ordinaire des chefs
comportait plus souvent du ’ina'i, mais tout le
monde mangeait à peu près de la même
manière, avec ses doigts. S’il ne recevait pas de
visiteurs, un chef tahitien mangeait générale¬
ment seul, assis sous un arbre, les jambes
croisées. S’ils étaient plusieurs, ils se tenaient
un peu écartés les uns de's autres pour ne pas se
gêner en chassant les mouches. La conversation était rare pendant les repas. Des feuilles
de bananiers ou d’arbres à pain étaient étalées
par terre et servaient de nappes et de plats. Les
provisions étaient apportées dans des
paniers, ainsi que les quelques ustensiles
nécessaires. Une coque de noix de coco,
remplie d’eau douce servait de rince-doigts ;
une
autre
contenait de l’eau de
commençait à
mer.
Le chef
manger en prenant devant
de ’uru qu’il détachait avec
lui
des morceaux
les
doigts. Il défaisait en même temps la chair
d’un poisson et en mangeait de petits
morceaux qu’il trempait abondamment dans
la coupe d’eau salée qui lui servait de .sauce.
Parfois, il buvait l’eau de
pouvait
coco.
Ensuite, il
des fe’i, des bananes
des
fruits crus. S’il consommait de la viande,
généralement du porc, il en séparait les
morceaux avec ses doigts ou avec un couteau
manger
Ci-contre,
et au-dessous :
Grand plat de bois
quatre pieds, Arue
à
(Tahiti). Ce ’umete en
ou
Pendant ce temps, un de ses
préparait la popoi en battant des
’uru qu’on venait de cuire, avec un pilon de
pierre dont la forme, particulière aux îles du
de
bambou.
serviteurs
Vent, était caractérisée par les hautes barrettes
latérales de la poignée. Il se servait d’une table
piler, massive, à quatre pieds, sculptée dans
le tronc d’un tamanu. Dans un plat de bois, il
mélangeait le ’uru frais avec de la pâte
fermentée et de l’eau, puis il plaçait devant le
chef une coque de coco pleine de cette
préparation. Il pouvait lui donner aussi un
à
aux fruits, arrosé au lait de coco
(po’e). Pour finir le chef se rinçait les mains et
la bouche avec de l’eau douce et se nettoyait
les dents avec les fibres d’une petite noix de
dessert sucré
coco.
Aux îles
Marquises, les convives
se
réu¬
nissaient autour d’un grand plat de popoi, où
plongeait deux doigts, ou seulement
toujours consommée
mettait dans le plat
principal, ou à proximité, dans une noix de
chacun
l’index. La popoi était
avec de l’eau, qu’on
coco.
qui
permettait
d’en attacher
nombre, et de les
transporter facilement. On gardait de l’eau
aussi dans des tiges de bambous. Les
calebasses servaient plutôt à mettre de l’eau de
ensemble
un
grand
mer et à préparer les sauces fermentées. On
buvait dans des coques de noix de coco,
amincies et polies. Des récipients (’umete),
sculptés surtout dans du bois de tamanu,
des prépara¬
nourriture. Il
y en avait de toutes tailles. Les plus grands,
souvent façonnés en forme de pirogue, appa¬
raissaient les jours de fête, car on y
transportait les mets sortant du four. Les plus
beaux plats, de contour ovoïde, avaient une
forme qui rappelait celle d’une noix de coco
partagée en deux. Les plats à quatre pieds
étaient probablement réservés aux familles de
étaient utilisés pour la plupart
tions culinaires et pour garder la
chefs.
Aux îles
Marquises, les plats à popoi
étaient circulaires, parfois rectangulaires. Les
surfaces externes des ustensiles en noix de
des plats et des couvercles de gourdes, en
bois, étaient souvent décorées de motifs
rappelant les tatouages. Des plats de forme
ovale, munis d’un couvercle, servaient à
coco,
Les contenants
Aux îles de la
filet
d’un
Société, l’eau était conservée
de noix de coco entourées
dans des coques
conserver
les restes de nourriture.
Au-dessous, au centre :
Coupes en noix de coco,
Tahiti.
D = 13 et 10 cm.
bois de tamanu
(Inophyllum
calophyllum) a
appartenu à la famille
royale des Pômare qui
fait don au Musée
de Tahiti et des Iles.
L-= 143 cm.
en a
En bas de page :
Repas tahitien.
Pômare II
reçoit
Bellingshausen et ses
officiers à la pointe
Vénus (1820).
Cette noix de coco,
servant à contenir l'éau
de boisson, a été
recueillie par George
Bennet de la London
Missionary Society
entre 1821 et 1824.
D
=
12
cm.
67
LA VIE QUOTIDIENNE DANS LA
POLYNÉSIE D’AUTREFOIS
Propriété,
exploitation
et répartition
des
propriété, probablement par un long droit
d’usage ou pour services rendus.
A Mangareva, l’organisation foncière
n’était peut-être pas très différente, mais elle
paraît plus claire. La terre (kaiga) apparte¬
nait aux chefs (’akariki), peu nombreux, qui
ressources
Polynésie ancienne, toutes les
terres avaient un propriétaire et les droits de
propriété s’étendaient également aux rivières,
aux rivages, aux lagons et à de nombreuses
Dans la
zones
«
du récif et du domaine maritime. Cette
réalité est confirmée par la tradition orale et
de nombreux témoignages anciens ; elle va à
opinion assez répandue qui
la terre ait été un bien collectif en
perpétuelle indivision. Dès le début du XIX'=
siècle, des changements rapides intervinrent,
qui modifièrent l’organisation sociale et tout
ce qui en dépendait. Cette évolution entraîna,
surtout à Tahiti, la plus grande confusion
dans les régimes fonciers, et il n’est pas facile
de savoir, de nos jours, de façon précise,
comment la terre et ses produits étaient
répartis au moment de l’arrivée des Euro¬
péens dans le Pacifique. Le patrimoine foncier
était partout transmis par héritage, à tous les
niveaux de la société. Souvent le simple droit
d’usage et les productions d’un domaine parfois même d’un seul arbre - étaient
également transmissibles. Théoriquement, le
fils aîné était l’unique héritier, mais un
propriétaire pouvait désigner, au moment de
mourir, celui qu’il choisissait pour successeur,
parfois un enfant adoptif ou un ami. En
principe, la terre était inaliénable, sauf en cas
de force majeure, à la suite d’une guerre.
l’encontre d’une
voudrait que
poisson symbolique et de paroles de respect
qui valorisaient l’offre.
Dons, redevances et tributs
Société,
Aux îles de la
ces
trois formes de
éga¬
formaient l’aristocratie. Mais il existait aussi
contributions existaient et remontaient
de petits domaines donnés surtout à des
guerriers ou des orateurs, en récompense de
lement
leurs services. Les droits
sur ces
biens étaient
héritage. Les chefs et les autres
propriétaires dominants (pakaora) louaient
leurs terres à des ragatira, cadets de famille ou
roturiers qui pouvaient les mettre en valeur en
utilisant leurs serviteurs (kio) mais qui
souvent les sous-louaient à des métayers. Il
existait donc un système de métayage en
chaîne qui avait pour particularité que les
baux, probablement des contrats tacites,
transmis par
étaient héréditaires
; un
locataire,
en mourant,
pouvait lui aussi transmettre à son fils aîné,
qu’il avait cultivée toute sa vie,
au moins le droit sur ses productions. Les
redevances, représentées par les récoltes,
remontaient ensuite la filière : le plus humble
des métayers présentait au ragatira la part des
produits qu’il devait annuellement et celui-ci
les transmettait à son tour au propriétaire. Ce
paiement se composait principalement des
fruits de l’arbre à pain, accompagnés d’un
sinon la terre
jusqu’aux chefs secondaires et aux
principaux ari'i. Au début des récoltes, les
prémices, surtout les premiers fruits de l’arbre
à pain, étaient d’abord réunis par les ra’atira
qui les .recevaient des travailleurs et des
métayers, puis par les to’ofa. Ces derniers,
accompagnés de leur prêtre et de leur orateur,
prenaient la tête de la procession des porteurs
de
fruits.
donnaient
offrandes
Ces
lieîi
fû/roflj. jUne, part des
aussi
aux
présentée
dieux,
ou aux
de
ancêtres
bonnes
chefs
aux
particulières
premiers produits était
concernés et offerte
esprits des éléments naturels
aux marae
aux
des conditions
faites
à des cérémonies
«
: on
attendait d’eux, en retour,
n^éorologiques favorables et
récoltes. \ Ensuite,
à
date
une
également fixée d’avance, les métayers rem¬
plissaient des paniers en feuilles de cocotier
'ir
tressées de fruits divers, de tara et les appor¬
taient en redevance, en même temps que des
cochons, à leurs propriétaires respectifs. Ces
contributions, toujours en nature puisqu’il
n’existait
pas
de
véritable
monnaie
en
Propriétaires et métayers
territoire comprenant
était la propriété
héréditaire d’une tribu. Dans la pratique, la
terre, ainsi que tous les endroits publics,
places de fête, lieux de culte, maisons des
guerriers, appartenaient aux chefs en titre. Les
autres occupants et ceux qui cultivaient les
plantations n’en avaient que les produits.
Aux îles de la Société, les familles de
chefs
prééminents (ari’i) possédaient et
Aux îles
Marquises,
un
vallée, crêtes, bord de
contrôlaient
mer,
l’ensemble
des
territoires
constitués par une île. Théoriquement, l’aîné
de la branche aînée d’une famille associait à
pouvoirs la possession d’un ou
plusieurs districts, ou d’une partie seulement
d’un district (patu). Des chefs secondaires
(to'ofa et ’iatoai) disposaient eux aussi de
quelques propriétés dont ils étaient les
régisseurs à leur profit et pour celui des ari’i
d’un rang plus élevé. Les ra’atira formaient,
surtout à Tahiti, une classe nombreuse,
constituée de propriétaires plus ou moins
importants jouissant, malgré le contrôle
exercé par les chefs, d’une grande autonomie.
Ils pouvaient exploiter eux-mêmes leurs plan¬
tations ou les faire cultiver par d’autres. Ceux
que les ah’i appelaient des manahune étaient
les véritables exploitants de la terre qu’ils
travaillaient en partie pour leur propre
compte, en partie pour celui des propriétaires
dont ils dépendaient. La plupart d’entre eux
étaient des travailleurs ou des métayers, mais
certains pouvaient, semble-t-il, accéder à la
ses
68
autres
Maison et
plantation d’un
chef à Tahiti, par
Sydney Parkinson.
Les groupes de
maisons étaient
souvent entourés
d'un mur ou d’une
clôture en bois.
A gauche, un
personnage
travaille
probablement
dans unetarodière.
A l'extrême droite,
plantation de
une
bananiers.
I" voyage
de Cook.
Grande
plate-forme
d’offrandes sur un
marae de Tahiti.
Elle est décorée de
feuilles de cocotier
et de nombreux
cochons y sont
exposés. D'après
un
dessin du
capitaine Bligh,
vers
1788.
RESSOURCES, ECHANGES ET CONSOMMATION
1.B5649,
cl. C. Rives.
P. 71 'Ava ; cl. A. Lavondès. Coupe emmanchée : M.T.I. 80.04.45,
cl. J.-C. Bosmel. Plat sculpté : M.T.I. 78.12.260, copie d’un original conservé au
Musée archéologique de Madrid (n°2664), cl. J.-C. Bosmel. Fourneau de pipe :
M.T.I. 303, cl. B. Vannier. Gravure tirée de "L'Océanie en estampes”.
P. 72 Bols en pierre : en haut à gauche M.T.I. 79.06.133, coll. de Balmann,
cl. B. Vannier, à gauche M.T.I., cl. A. Sylvain. Petit
plat en bois : M.T.I. 525 et
pilon M.T.I. 218, cl. J.-O. Bosmel. A droite : M.T.I. 79.06.08, coll. Dr Laurens,
: M.T.I., cl. A. Sylvain. Mortier : M.T.I. 503 a et b, cl. A.
Sylvain.
Tapa : MUSÉE D'HISTOIRE DE BERNE.
cl. B. Vannier. Bol
LE CORPS, LE VÊTEMENT ET LA PARURE
P. 73 "An Inland View of Oitapeeah Bay in the Island Otahe/(e” aquarelle de
W. Ellis, NATIONAL LIBRARY OF AUSTRALIA, réf. NK 6577. "A Woman & a
Boy, Natives of Otaheite, in the Dress ofthat Country" gravure de T. Chambers
d’après S. Parkinson, in Parkinson (1773) pl.V, ALEXANDER TURNBULL
LIBRARY.
P. 74 Tahitiens : détail d'un croquis de W. Hodges, YALE CENTER FOR
BRITISH ART, Paul Mellon Coll., réf. B.1977.14.5679. "Heads of divers Natives
of the Islands of Otaheite, Huaheine, & Oheiteroah" gravure de T. Chambers
d’après S. Parkinson, in Parkinson (1773) pi.VIII, ALEXANDER TURNBULL
LIBRARY, réf. 69186. Portrait d’une jeune fille de Huahine : dessin de W. Ellis
(1778), ALEXANDER TURNBULL LIBRARY, réf. A.264-25.
"Tohaw" dessin de W. Ellis, ALEXANDER TURNBULL LIBRARY, A.264-20a,
^
“
nég. n°117462 1/2. "Aiva/to” dessin de W. Ellis, ALEXANDER TURNBULL
LIBRARY, A.264-22b, nég. n” 117465 1/2.
P.75 Peigneà tatouer: M.T.I.78.03.06,cl.B. Vannier. Instrumentsdetatouage:
MUSÉE D'HISTOIRE DE BERNE, coll. Webber, réf. TAH.41a, TAH.41b et
TAH.41C. Marquisien : Atlas de Krusenstern, cl. A. Lavondès. Le pied et la jambe
d’une Marquisienne : dessin de P. Loti, coll. Pierre et Jacques LOTI-VIAUD.
Intérieur d'une maison : gravure in G.H. Langsdorff, cl. A. Lavondès.
Dessins de tatouages de S. Parkinson : en haut études, BRITISH
LIBRARY, Add. MS 23921 f.51c, au-dessous détail du lavis "A War Canoë",
BRITISH LIBRARY, Add. MS 23921 f.21. Motifs de tatouages : dessins de
F. Marant-Boissauveur, from the original drawings in the DIXSON LIBRARY,
by courtesy of LIBRARY COUNCIL OF NEW SOUTH WALES, in “Voyageofthe
French Corvette l’Héroïne” t.lll, réf. DL PXX34 f.36 et f.37. Tatouages d’un
homme de Rurutu : dessin J. Webber (1777), BRITISH LIBRARY, Add.
P. 76
MS 15513 f.24.
P. 77 Homme tatoué de Mangareva : Atlas pittoresque de Dumont d’Urville,
BIBL. du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE. Tatouages des
îles Marquises : dessin J.-L. Saquet d’après Atlas de Dumont d’Urville. Bras
sculpté
: PEABODY MUSEUM OF SALEM, réf. E.16063, cl. M. Sexton. Modèles
tatouages : MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE, Grenoble. Main de
femme : dessin de P, Loti, coll. Pierre et Jacques LOTI-VIAUD.
P. 78 Femmes battant l'écorce : dessin de C. Visse d’après S. Parkinson (1769)
"Women beating ctoth", BRITISH LIBRARY, Add. MS 23921 f.50b. Jeune fille
de
.
•
grattant de l’écorce
: ”a Woman scraping bark to make ctoth" dessin de
S. Parkinson, BRITISH LIBRARY, Add. MS 23921 f.50a. Deux battoirs de
Polynésie française pour la fabrication du tapa : à gauche M.T.I. 225, à droite
M.T.I. 78.3.50 et enclume : M.T.I. 641, cl. J.-C.
P. 79 Effigie : coll. MUSÉE DE L’HOMME, réf.
Bosmel.
MH. 87.31.27. Battoir : M.T.I.,
MUSÉE D’HISTOIRE DE BERNE, coll.
cl. B. Vannier. Étoffe en écorce battue :
Webber. Détail d’un tapa : coll. MUSÉE DE L’HOMME, réf. MH. 94.24.1,
cl. n° 10 760, cl. J. Oster.
P. 80 Tapa, de haut en bas : PEABODY MUSEUM OF SALEM, réf. E.3167,
cl. M. Sexton ; THE TRUSTEES OF THE BRITISH MUSEUM, cl. Bridgeman Art
Library
P. 81
; PEABODY MUSEUM
Danseur portant \ehami :
OF SALEM, réf. E.3172, cl. M. Sexton.
dessin d’après un cliché de Kï von den Steinen.
aquarelle de Chazai d’après un dessin de
Personnage portant le ’ahu :
J.L. Le Jeune, BIBL. du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE.
"A Native of Otaheite, in the Dress of his Country" gravure de R.B. Godfrey
:
d’après S. Parkinson, in Parkinson (1773) pl.lll. Un homme portant le tiputa :
dessin de S. Parkinson, BRITISH LIBRARY, Add. MS 23921 f.36d. "The lad
Tayota, Native of Otaheite, in the Dress of his Country" gravure de R.B. Godfrey
d’après S. Parkinson, ALEXANDER TURNBULL LIBRARY, réf. 69187.
P. 82 Tiputa (et détail) : M.T.I. 530, cl. A. Lavondès. Geinture et maro : M.T.I.
et T.77.52, cl. A. Lavondès. Visière : MUSÉE D’HISTOIRE DE BERNE,
coll. Webber, réf. TAH.38. Diadème : MUSÉE D’AQUITAINE, réf. 13245
(cl. n>>1818).
P. 83 "A Chief of Santa Chr/sf/na” (Tahuata) gravure de J. Hall d’après
W. Hodges, in Cook (1777) t.l, pl.XXXVI. Ta'avaha : coll. MUSÉUM DE LA
ROCHELLE, coll. du Dr Ayraud (1850), réf. H.778, cl. n° H4789. Pa’e ku’a : coll.
MUSÉUM DE LA ROCHELLE, réf. H.1635, cl. n° H4791. Pa'ekea : coll. MUSÉUM
DE LA ROCHELLE, coll. du Dr Ayraud, réf. H.773, cl. H4788. Pa'e kea (détail) :
M.T.I. 623, cl. M. Folco-Éd. du Pacifique. Pavahina ; cl. M. Folco-Éd. du
Pacifique. Peue kavi’i : M.T.I. 80.09.01, cl. B. Vannier.
P. 84 Ivi po'o : M.T.I. 81, cl. A. Lavondès. Peueei: MUSÉES ROYAUX D’ART ET
D’HISTOIRE, Bruxelles, réf. ET.79.2. Takiei : M.T.I. 933, cl. M. Folco-Éd. du
Pacifique. Ouoho : MUSÉE MUNIGIPAL DE ROCHEFORT-SUR-MER, réf. 5.
Putaiana : coll. Yves DU PETIT-THOUARS, Indre-et-Loire. Ha'akai : coll.
MUSÉE DE L’HOMME,
réf. MH. 50.30.529, cl. n° 15 389.
P. 85 "A young women of Otaheite bringing a présent"aquareWe de J. Webber,
from the original painting in the DIXSON LIBRARY, by courtesy of LIBRARY
COUNCIL OF NEW SOUTH WALES, réf. ZDL PXX2f.12. Diadème de plumes :
ROYAL MUSEUM OF SCOTLAND, réf. 1968.390, Gu rtesy of the Trustées of the
National Muséums of Scotland. Taumi : THE TRUSTEES OF THE BRITISH
MUSEUM, réf. K 33486. "A heiva, or kind of priest of Yoolee=Etea & the
neighbouring islands" gravure de T. Ghambers d’après S. Parkinson, in
Parkinson (1773) pl.XI, ALEXANDER TURNBULL LIBRARY, réf. 69189.
P. 86 Grand pendentif en nacre : M.T.I. 78.03.54, cl. B. Vannier. Coiffure
d’apparat : MUSÉES ROYAUX D’ART ET D’HISTOIRE, Bruxelles, réf. ET.1365
(don Hagemans, 1857). Collier de chef : M.T.I. 80.04.48, cl. B. Vannier. Collier
de nacre : M.T.I. 78.03.58, ci. B. Vannier.
P. 87 Manche de chasse-mouches : THE METROPOLITAN MUSEUM OE ART,
The Michael C. Rockefeller Memorial Collection, don de Nelson A. Rockefeller
(1965), réf. 1978.412.875.
P. 88 ’A’a : aquarelle de G. Tobin, from the original painting in the MITCHELL
LIBRARY, by courtesy of LIBRARY COUNCIL OF NEW SOUTH WALES,
réf. ZPXA 563 f.55, cl. B. Bird. Tabouret de chef : M.T.I. 62, cl. B. Vannier. "The
famous maro oorah or featherd belt, Otaheite" dessin de W. Bligh from the
original drawing in the MITCHELL LIBRARY, by courtesy of LIBRARY
COUNCIL OF NEW SOUTH WALES, réf. ML-ZPXA 565f.19. Éventail : MUSÉE
D’AQUITAINE, cl. n°1817. Bâton de chef (détail extrémité) : MUSÉE
D’AQUITAINE, réf. n°12701. Bâton de chef (détail tiki) : M.T.I. 80.04.35,
cl. B. Vannier. Herminette de cérémonie : MUSÉE D’AQUITAINE, réf. 13211,
n°A 481, cl. J.-M. Arnaud.
LES ARTS
P. 89 "A general View ofthe Island of Otaheite" pe'mture de
GREENWICH NATIONAL MARITIME MUSEUM, réf. Navy
W. Hodges (1775),
L.36-12. Double
sculpture : THE TRUSTEES OF THE BRITISH MUSEUM, réf. TAH.60. "Carv'd
Ornement from Otaheite" : dessin de J.F. Miller (1771), BRITISH LIBRARY,
Add. MS 15508 f.8.
P. 90 "Figures, called
Ettee, Island of Otahytey, Carved on a tree, 1792"
aquarelle de G. Tobin, from the original drawing in the MITCHELL LIBRARY, by
courtesy of LIBRARY COUNCIL OF NEW SOUTH WALES, réf. PXA 563 f.50,
cl. B. Bird. "A Toopapaoo..." (détail) handcolor engrave, J. Webber, BISHOP
MUSEUM, réf. ff DU 12 W37, nég. n« XG 96411. Ti'l : PITT RIVERS MUSEUM,
coll. Forster.
P. 91 Manche de chasse-mouches : M.T.I. 78.03.42, cl.,B. Vannier.
Chasse-mouches : BISHOP MUSEUM, réf. 12.628. Gravure d’après
J.L. Le Jeune, BIBL. du MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE.
Bambou gravé : MUSÉE D’AQUITAINE, réf. 12692 (cl. n°1820), cl. J.-M. Arnaud.
Tuhuna : in K. von den Steinen (1925-1928) t.l, fig. 26. Éventail : MUSÉE
MUNICIPAL DE ROCHEFORT-SUR-MER, réf. 14.
P. 92 Pétroglyphe : cl. F. Ravault. Motifs dessinés par R. Green (1979) "Early
Lapita Art from Polynesie and Island Melanesla" in “Exploring the Visual Art of
Oceanla" éd. par S. Mead. Tesson de poterie : coll. MUSÉE DE L’HOMME,
réf. MH. 34.188.1326, cl. J. Oster. Tambour : M.T.I. 83.01.02, cl. B. Vannier.
P. 93 Poignée de pagaie et détail : M.T.I. 78.2.14, cl. B. Vannier. Détail de
tambour : M.T.I. 83.01.02, cl. B. Vannier. Tesson de poterie : cl. Frimigacci.
P. 94 Représentation d’un chef de deuil : cl. A. Lavondès. Pétroglyphe (tortue) :
cl. coll. MUSÉE DE L’HOMME, réf. E.38.2138.1. Détails des motifs de carquois:
d’après K.P. et M. Emory. Pétroglyphe de Tipaerui'": cl. Éd. du Pacifique.
P. 95 Pelle de pagaie (détail) : MUSÉE DES BEAUX-ARTS, Lille, réf. C4 680,
cl. A. Lavondès. Coffre (détail) : MUSEUM FUR VOLKERKUNDE, Vienne,
réf. n“30. Pièces de bois : M.T.I. 6513 et 6512, coll. Stochetti, cl. J.-C. Bosmel.
P. 96 Rao : MUSÉE DES ANTIQUITÉS NATIONALES, St-Germain-en-Laye,
réf. 52.287. Natte : MUSÉE D’HISTOIRE DE BERNE, coll. Webber, réf. TAH.34
(145 cm). Rogo : MUSÉES MISSIONNAIRES DU VATICAN, cl. coll. O’Reilly.
Grande sculpture : THE METROPOLITAN MUSEUM OF ART, The Michael
C. Rockefeller Memorial Gollection, don de Nelson A. Rockefeller, 1979,
réf. 1979.206.1466.
P. 97 Statuette de bois : M.T.I. 5693, cl. A. Lavondès. Sculpture féminine en
pierre : M.T.I. 416, cl. J.-C. Bosmel. Ornement d’oreille (détail) : MUSÉE DES
BEAUX-ARTS, Lille, réf. D4 2062, cl. A. Lavondès. Sculpture : UNIVERSITY
MUSEUM OF ARCHAEOLOGY AND ANTHROPOLOGY, Cambridge,
réf. 1914.35.
P. 98 Statue de Rurutu : THE TRUSTEES OF THE BRITISH MUSEUM,
THE MUSEUM OF MANKIND, LMS 19, cl. Bridgeman Art Library. Détail d’un
manche de chasse-mouches : ROYAL MUSEUM OF SCOTLAND, réf. U.C.403,
Curtesy of the Trustées of the National Muséums of Scotland. Sculpture
féminine en bois : AUCKLAND INSTITUTS AND MUSEUM, réf. 31 449, coll.
Oldman 413. Statue de pierre : M.T.I. 500, cl. J.-C. Bosmel.
P. 99 Sculptures sur un ornement d’oreille : M.T.I., cl. A. Lavondès. Ornement
de pirogue : MUSÉE D’ETHNOGRAPHIE DE GENÈVE (L = 43 cm). Étrier
d’échasse (détail) : MUSÉE D’AQUITAINE, réf. C29 12684, cl. A. Lavondès.
Manche d’éventail : MUSÉES ROYAUX D’ART ET D’HISTOIRE, Bruxelles,
réf. ET.48.48.
P. 100 Plat en bois : M.T.I. 81.01.03, cl. J.-C. Bosmel. Tlkl : 1. MUSÉE
D'AQUITAINE, réf. n« RIO, 12705, cl. J.-M. Arnaud ; 2. M.T.I. 120,
cl. J.-C. Bosmel. Grand tlkl:c\. M. Isy-Schwart-Opatti. Tlkien bois : M.T.I. 150,
cl. B. Vannier.
P. 101 Tortue en pierre : M.T.I. 345, cl. J.-C. Bosmel. Tête de cochon : MUSÉE
D’HISTOIRE NATURELLE DE CHERBOURG, réf. n“3203-830, cl. A. Lavondès.
P. 102 Aide-mémoire : à gauche M.T.I. 284, cl. B. Vannier, à droite BISHOP
MUSEUM, cl. 6172. Gérémonie religieuse au grand marae d’Atahuru, gravure
d'après J. Webber.
P. 103 Tambour : MUSEUM FUR VOLKERKUNDE, Vienne, réf. n”152.
Musiciens : dessin attribué à J. Banks (the Artist of the Chief Mourner),
BRITISH LIBRARY, Add. MS 15508 f.lOb. Trois flûtes nasales et une clarinette:
M.T.I. 78.03.63, 78.03.65, T77 44 et 337, cl. B. Vannier.
P. 104 Flûte nasale : coll. MUSÉE D’AQUITAINE, réf. 12696 (cl. n°1815),
cl. J.-M. Arnaud. Trompe d’appel : M.T.I. 152, cl. B. Vannier. Conque : MUSÉE
MUNICIPAL DE ROCHEFQRT-SUR-MER, réf. 12. Tambour : MUSÉE DES
BEAUX-ARTS, Lille, n°1141, cl. A. Lavondès. Dessin original de M. Radiguet,
SERVICE HISTORIQUE DE LA MARINE, album n‘>1.B5649, cl. C. Rives.
P. 105 To'ere : M.T.I. 151, cl. B. Vannier. Haut tambour : coll. Adélaïde
DE MENIL, New York, ci. Gideon Lewin.
P. 106 "Sketches of Dancing GIrls" (Raiatea) dessins de S. Parkinson (1769),
BRITISH LIBRARY, Add. MS 23921 f.386. “Tahitian girlin frilledskirt"dess'm de
W. Ellis, ALEXANDER TURNBULL LIBRARY, réf. CA 1778 A 264-25. Danseuse
aux îles de la Société : dessin attribué à J. Banks (the Artist of the Chief
Mourner) (1769), BRITISH LIBRARY, Add. MS 15508 f.9.
P. 107 Ornement de danse : MUSÉE D'HISTOIRE DE BERNE, réf. TAH.18.
"A view of the inside of a house In the Island of Ulletea, with the représentation
ofa dance to the music of the country" gravure de F. Bartolozzi d’après Cipriani,
in Hawkesworth (1773) t.ll, pl.7.
P. 108 Danseur des îles Marquises : in Aylic Marin (1891 ) ”Au loin”. Danseuse
des îles Marquises : coll. MUSÉE DE L'HOMME, réf. C.40.1502. Ornements en
plumes de phaëton : M.T.I. 295 et 296, cl. J.-C. Bosmel. Ornements en cheveux:
M.T.I. 80.12.03 et 80.12.01, cl. B. Vannier.
P. 109 Danseuses à Tahiti : gravure d'après J. Webber, coll. M.T.I.,
cl. J.-C. Bosmel. Danse à Tahiti : “Danse de jeunes filles à Tahiti” dessin de
F. Marant-Boissauveur, from the original drawing in the DIXSON LIBRARY,
by courtesy of LIBRARY COUNCIL OF NEW SOUTH WALES, in "Voyageofthe
French Corvette l’Héroïne”, t.lll, réf. PXX34 f.33. Tambour : MUSÉE
D’HISTOIRE DE BERNE, réf. TAH.34.
P. 110 "The Head of a Native of Otaheite, with the Face curiousiy tataow’d"
gravure de R.B. Godfrey d’après S. Parkinson, ALEXANDER TURNBULL
LIBRARY, réf. 69185. Danseur : cl. J. Bouchon.
143
LES JEUX, LES SPORTS ET LA GUERRE
P. 1lf Jeux de ficelle : cl. M. Folco-Éd. du Pacifique. Balançoire : gravure
missionnaire (1829>, cl. A. Lavondès.
P. 112 Toupiesv< M.T.I., cl. J.-C. Bosmel. Billes : M.T.I., cl. J.-C. Bosmel.
Échasses : cl. M. Folco-Éd. du Pacifique. Petit pilon : M.T.I. 859,
cl. J.-C. Bosmel. Jouets en feuilles de cocotier : C. Visse d’après doc. M.T.I.
Surfers à Flawaii : gravure in W. Ellis "Polynesian researches".
P. 113 Pirogues : dessin de H. Roberts, from the original drawing in the
MITCHELL LIBRARY, by courtesy of LIBRARY COUNCIL OF NEW SOUTH
WALES, réf. ZPX DIT Homme soulevant une pierre : ci. G. Wallart. Palets :
M'.T.I.319,cl.J.r_ÇiBosmel. Enfant au coq : aquarelle de P. Huguenin /n “Raiatea
la Sacrée”, Bulletin de la Société neuchâteloise de géographie, t.XIV
(1902-1903). Crosse de jeu : M.T.I. 652, cl. B. Vannier.
P. 114 Exercice guerrier aux Tuamotu : cl. K.P. Emory, BISHOP MUSEUM,
n^lSODS. Combat de boxe aux Hawaii : aquarelle de J. Webber, BISHOP
MUSEUM, n‘'23305.
BRITISH MUSEUM, réf. K 79655.
(1933) "Stone remains in the
Society Islands", B.P.B.M. Bull. 116, fig. 12 ; cl. BISHOP MUSEUM. Arc,
carquois et flèches : coll. M.T.I. (recueillis par G. Bennet entre 1821 et 1824)
Carquois : THE TRUSTEES OFTHE
Plate-forme d'archer : dessin in K.P. Emory
P. 115
78.03.66, 78.03.67 et 78.03.68, cl. J.-C. Bosmel.
P. 116 Lancement du javelot : cl. A. Lavondès. Fronde : MUSEUM FUR
VOLKERKUNDE, Vienne, coll. des Voyages de Cook, n°94. Taumi (détail) :
MUSÉE D'HISTOIRE DE BERNE, cl. A. Lavondès.
P. 117 Taumi : MUSÉE D'HISTOIRE DE BERNE, coll. Webber, réf. TAH.50.
Pirogues de guerre : tableau à l’huile de W. Hodges (1774), GREENWICH
NATIONAL MARITIME MUSEUM, réf. Navy L.36-16.
P. 118 Armes et tambour : dessin de J.F. Miller, BRITISH LIBRARY, Add.
MS 23921 f.57a. "A War Canoë" lavis de S. Parkinson (1769), BRITISH
LIBRARY, Add. MS 23921 f.21.
P. 119 Massue en forme de pagaie : M.T.I. 80.04.42, cl. J.-C. Bosmel.
Casse-tête: MUSÉES ROYAUX D’ART ET D’HISTOIRE, Bruxelles, réf. ET.1676
(144 cm). Fronde : THE TRUSTEES OFTHE BRITISH MUSEUM, réf. K79658.
Gravure missionnaire in W. Ellis "Polynesian researc/ies" t.lII.
P. 120 Pointe de lance : coll. Adélaïde DE M EN IL, New York, cl. Gideon Lewin.
Lance desîles Australes : M.T.I. 80.04.49, cl. J.-C. Bosmel. Gravure in "Voyage
de F.W.
Beechey sur le Blossom en 1825", cl. A. Lavondès.
DE LA NAISSANCE A LA MORT
P. 121 "Oaitepeha Bay" huile de W. Hodges (1776) GREENWICH NATIONAL
MARITIME MUSEUM, réf. Navy L.36-19.
P. 122 Détail d’un to'o : MUSÉE DES BEAUX-ARTS, Lille, coll. Moillet,
n° D5 2108, cl. A. Lavondès. To'o: UNIVERSITY MUSEUM OF ARCHAEOLOGY
AND ANTHROPOLOGY, Cambridge (H = 47,5 cm). "A Moral with an offering
to the Dead" (Raiatea) lavis de S. Parkinson (1769), BRITISH LIBRARY, Add.
MS 23921 f.28. Marae et plate-forme d’offrandes : gravure d’après un dessin de
William Wilson in James Wilson (1799) “A Missionary Voyage to the Southern
Pacific Océan, 1796-1798".
P. 123 "Pofafow”dessin de W. Hodges (1773), from the original drawing in the
MITCHELL LIBRARY, by courtesy of LIBRARY COUNCIL OF NEW SOUTH
WALES, réf. PXD 11 f.17. "Oammo" dessin de W. Ellis, ALEXANDER
TURNBULL LIBRARY, nég. n^lITJOS 1/2. Dessin original de M. Radiguet,
SERVICE HISTORIQUE DE LA MARINE, album n»1.B5649, cl. C. Rives. Dessn
de M. Radiguet in K. von den Steinen.
P. 124 Sculpture en pierre rouge : cl. O’Reilly. Statues : à gauche
cl. J.F.G. Stokes, BISHOP MUSEUM, à droite M.T.I. 428, cl. A. Lavondès.
P. 125 Dessins originaux de M. Radiguet, SERVICE HISTORIQUE DE LA
MARINE, album n°1.B5649, cl. C. Rives. Tapa : M.T.I. 701, cl. A. Lavondès.
P. 126 Paetini : Atlas pittoresque de Dumont d’Urville, pl.59. Jeune Tahitien
dessin de W. Hodges, from the original drawing in the MITCHELL LIBRARY, I
courtesy of LIBRARY COUNCIL OF NEW SOUTH WALES, réf. PXD 11 f.ll
Jeune femme de Tahiti portant des ornements d’oreilles : dessin de J Webbf
BRITISH LIBRARY, Add. MS 17277 f.11.
P. 127 Jeune guerrier marquisien : Atlas pittoresque de Dumont d’Urville, pl.l
("Naturel de Nouka-Hiva”). Dessins originaux de M. Radiguet, SERVICE
HISTORIQUE DE LA MARINE, album n°1.B5649, cl. C. Rives.
P. 128 “Habitans de l’isie de Taiti" : gravure d’après un dessin de J.L. Le Jeui
in R.P. Lesson (1839) "Voyage autour du monde entrepris par ordre du
gouvernement sur la corvette la Coquille" t.l. Une femme de IHe de Tahu itn
gravure in "L’Océanie en estampes”. "Guerrier des îles basses" gravure le
E. Chazal d’après J.L. Le Jeune, BIBL. du MUSÉUM NATIONAL D’HISTC IF
NATURELLE. Ornai : dessin de N. Dance, ARCHIVES PUBLIQUES DU
CANADA.
P.129 Manche de chasse-mouches : coll.
MUSÉE DE L’HOMME (don de la ’it
Nationale), réf, MH. 21.344, cl. n°10 442. "Portraits de Makima et Itou P it‘
femmes de Mangareva" : gravure d’après J.-M.-E. Marescot, Atlas pittorc qi
de Dumont d’Urville, BIBLIOTHÈQUE NATIONALE.
P. 130 Vases de pierre : M.T.I. 285 et 286, cl, A. Lavondès, J.-C. Bosmel. Dessin
original de M. Radiguet, SERVICE HISTORIQUE DE LA MARINE, album
n“1.B5649, cl. C. Rives. "Moral à Nouka-Hiva” dessin de Goupil, lith, par
Lassalle, Atlas pittoresque de Dumont d’Urville, pl.56, BIBLIOTHÈQUE
NATIONALE.
P. 131 Petit plat
de bois, mortier et pilon : M.T.I. 525,503 a et b, cl. A. Lavondè
Sculpture de bois : M.T.I. 5694, cl. J.-C. Bosmel. Dessin original de M. Radiguen
SERVICE HISTORIQUE DE LA MARINE, album n°1.B5649, cl. C. Rives.
'
P. 132 Cercueil d'adulte: M.T.I. 88, cl. B. Vannier. Supports de civière funérain
M.T.I. 791 et 792, cl. J.-C. Bosmel. "Knile Irom Ofahe/fe”dessin de J.F. Mill
(1772), BRITISH LIBRARY, Add. MS 23921 f.58.
P. 133 Cercueil d’un chef marquisien : gravure publiée par le R.P. Delmas
cl. A. Lavondès. Auge funéraire (modèle réduit) : coll.
Yves DU PETIT-THOUARS, Indre et Loire. “/Woraf” dessin de C.C. Antiq
NATIONAL LIBRARY OF AUSTRALIA, coll. Nan Kivell, n“10376 f.19.
P. 134 Le corps du chef Vehiatua reposant sur une plate-forme funéraii.v ;
aquarellede J. Webber (1777), BRITISH LIBRARY, Add. MS 15513 f.14. Plaid •
formes funéraires : aquarelle de W. Hodges (1773) NATIONAL LIBRARY CF
AUSTRALIA, coll. Nan Kivell, réf. NK 6575.
P. 135 "Dressof ChielMourner, Tahiti"dess'in de H.D. Spôring (1769), BRITIS H
LIBRARY, Add. MS 23921 f.32. "E lata no te tupapau" lavis de S. Parkinsrt.
(1769), BRITISH LIBRARY, Add. MS 23921 f.31a. Ornement de nacre : M ' '
78.03.52 (48,3 cm), cl. B. Vannier.
P. 136 Costume et équipement d’un chef de deuil : dessin de J. Webber ( '
î
BRITISH LIBRARY, Add. MS 15513 f.8. Costume d’un chef de deuil : T
TRUSTEES OFTHE BRITISH MUSEUM, réf. TAH.78 (210 cm), cl. Bridg ■ li.
Art Library ; légende d’après B.A.L. Cranstone (1968) "The Tahitien Mou
/}
.
Dress", British Muséum.
Remerciements
l’aide que nous ont apportée :
Bishop Muséum : Cynthia Timberlake, Librarian, Betty Lou Kam, Curatorial Assistant, Photograph Collection, Clarence Mauricio,
Photograph Collection ;
à la National Library of Austraiia : Barbara Perry, Pictorial Librarian, Sylvia Carr, Acting Pictorial Librarian ;
à la National Library of New Zealand (The Alexander Turnbuli Library) : Moira Long, Assistant Curator of Drawings and Paints, lan Snowdon,
Photograph Section ;
à l’Otago Muséum : Wendy J. Harsant, Anthropologist :
à la State Library of New South Wales : Mitchell Library : Shirley Humphries, Mitchell Librarian, and Jennifer Broomhead : Dixson Library :
Notre travail de documentation et d’illustration a été considérablement facilité par
au
Mrs Rhodes, Dixson Librarian ;
l’Hôpital d’instruction des Armées de Brest : M. Bladé, Médecin-Chef :
Musée des Antiquités Nationales de St-Germain-en-Laye : Marie-Thérèse Berger, Documentaliste ;
au Musée d’Aquitaine : M. Délié Muller, Conservateur ;
à
au
au
Musée des Beaux-Arts de Lille : M. Hervé Oursel, Conservateur :
Phototèque ;
Etages, Conservateur, Marjolaine Mourot, Chef du Service d’Études et de Documentation ;
au Musée Municipal de Rochefort-sur-Mer : Marie-Pascale Bault, Conservateur :
au Muséum d’Histoire Naturelle de Grenoble : A. Fayard, Conservateur ;
au Muséum d’Histoire Naturelle et d’Ethnographie de la Rochelle : Dr R. Duguy, Conservateur ;
au Service Historique de la Marine : M. le Contre-Amiral Chatelle, Chef du Service Historique, M. J.-P. Busson, Chef du Service des Archives
et des Bibliothèques de la Marine :
à l’Ethnografiska Museet de Stockholm : Roland Ekman et Anne Murray ;
au Musée d’Ethnographie de Genève : Eveline Merlach ;
au Musée d’Histoire de Berne : Dr Ernst J. Klây et Heidi Hofstetter ;
aux Musées Royaux d'Art et d’Histoire de Bruxelles : Francina Forment, Section Océanie ;
au
Musée de l’Homme : Muguette Dumont,
Musée de la Marine : Mme Huyghes des
au
Muséum für Vôlkerkunde de Vienne : Dr Hanns Peter ;
au
National Muséum of Ireland : J.P. Murray, Rights and Reproduction Section ;
Royal Muséum of Scotland : Dale Idiens, Keeper ;
à l’University Muséum of Archaeology and Anthropology of Cambridge : David W. Phillipson, Curator ;
au Metropolitan Muséum of Art : Deanna Cross, Photograph Library ;
au Peabody Muséum of Natural History (Yale Univ.) : Léopold Pospisil, Director, Division of Anthropology ;
au Peabody Muséum of Salem : Peter Fetchko, Director, Mariene S. Hamann , Curatorial Assistant, Ethnology
au
au
Photographie Assistant ;
aux
Archives Publiques du
Canada
:
Georges Delisie, Directeur, Division de l’Iconographie.
Achevé d’imprimer : septembre 1986
Dépôt légal : 4' trimestre 1986
Cet ouvrage a été composé par POLYTRAM, Tahiti.
La photogravure a été réalisée par PACIFIC SCANNER,
Imprimé et relié par TOPPAN, Singapour.
Tahiti.
Dept. ; Kathy Flynn,
Une vaste entreprise coKective : la réunion dans
l’Encyclopédie de la Polynésie d'une centaine des plus
éminents spécialistes, dans des domaines aussi
différents que la géographie, la climatologie, la
biologie, l’histoire, l’archéologie, l’ethnologie, la
sociologie ou l’économie, est, sans conteste, un
événement sans précédent à Tahiti. Un monument de
1 500 pages, traitant 500 sujets, se devait de faire appel
aux chercheurs, universitaires, enseignants, aussi bien
qu'aux forces vives du Territoire, acteurs de la vie
administrative, politique, économique et culturelle. Et,
comme pour la conception et la construction d’un
édifice de vastes dimensions, il fallait que chaque
volume possède son architecte en chef, un "maître
d’œuvre" en assumant la responsabilité scientifique :
Bernard Salvat pour les trois premiers volumes ; José
Garanger pour le volume 4 ; Anne Lavondés pour le
volume 5 ; Pierre-Yves Toullelan pour les volumes 6 et
7 ; François Ravault et Jean-Marc Pambrun pour les
deux derniers volumes.
Encyclopédie de la Polynésie
CETTE COLLECTION EST
COMPOSÉE DE
VOLUME 1
les îles
9 VOLUMES
océaniques
VOLUME 2
flore et faune terrestres
VOLUME 3
le monde marin
VOLUME 4
à la recherche des anciens
VOLUME 5
la vie
Polynésiens
quotidienne dans la Polynésie d’autrefois
VOLUME 6
la
Polynésie s’ouvre
au
monde (1765-1842)
Polynésie s’ouvre
au
monde (1842-1960)
VOLUME 7
la
VOLUME 8
vivre
en
Polynésie 1
VOLUME 9
vivre
en
Polynésie 2
témoignage de maturité : la réalisation de cette
Encyclopédie révèle qu'en ce moment du XX' siècle, le
développement en Polynésie de la Recherche - tant
territoriale que nationale - atteint une maturité qui
Un
reflète celle d’un pays.
Elle est, aussi, le résultat de concours individuels
déterminants : celui de Julien Siu qui nous a apporté
dès la naissance du projet un soutien sans faille, et
celui de Bernard Salvat qui a su donner à cette
collection
l’impulsion de son dynamisme
communicatif.
I
Fait partie de Encyclopédie de la Polynésie . 5 . La vie quotidienne dans la Polynésie d'autrefois