B987352101_O2173.pdf
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■4.
DU,CAPITAINE COOK.
O
ÉLOGE
DU CAPITAINE COOK.
Par M. blanc GILLI
,
de Marseille.
Venient annis
Secula feris , quibus Oceanus
Vincula
rerum
laxet, Sc ingens
Pateat tellus tiphyfque novos
Delegat orbes ; nec fît terris
Ultima Thule.
Senec. Idedca. AB. II.
A
AMSTERDAM,
Et fe trouve à Paris^
St. Jacques , à !a
Vérité, & chez les Marchands de Nouveautés,
Chez Morin , Libraire , rue
M. DCC. LXXXVil.
V
>:.».Attl-
V
AVERTISSEMENT.
E
reufe
célébré Cook, dont la fin malheu-*
a
c-aufé les regrets
de l’Europe »
s’eft acquis tant de droits à la reconnoif-
fance univerfelle, que nous devons être
furpris qu’on ne fe foit pas encore oc¬
cupé parmi nous de fon éloge, fi l’on
confidere fur-tout que nous fommes de¬
puis long-tems en poffefiîon de rendre
les honneurs de l’apothéofe aux
grands
hommes de tous les pays. Notre filence
à l’égard de celui-ci ne doit pas être at¬
tribué à un défaut de fenfibiiité : fa mé¬
moire , j’ofe le
dire , eft pour le moins
aufli révérée en France
mais la raifon en eft
qu’en Angleterre;
que pour apprécier
fous tous les rapports
les travaux d’un
grand navigateur , il faut être naviga¬
teur
foi-même, ou du moins il faut avoir
des connoiflances fuffifantes de la navi¬
gation , avoir vu la mer & l’avoir bien
vue.
Les gens de lettres ne fe montrent
guères fur cet élément ; les marins en
état d’écrire font affez rares. Il faut donc
s’^attendre , ou je me trompe fort, qu’un
éloge de ce genre fera toujours foible
par un de ces côtés. S’il en eft un qui
réunilTe toutes les beautés de l’éloquence,
onn’y trouvera pas peut-être les tableaux
impofans de la mer les peines ^ les fa¬
tigues, les perplexités du Marin, moins
encore
l’importance de ces obfervations
nautiques : fi quelqu’autre développe
d’une maniéré vraie ces objets importants
qu’il faut abfolument faire connoître,
on
rifque beaucoup de ne pas les voir
retracés avec ces grâces de ftyle qui
,
« «
vi;
peuvent feules captiver la bienveillance
du Ledteur.
Il faut obferver de plus avec un Ecri¬
vain célébré de nos jours que l’éloge tel
qu’on letraite ordinairement, devient un
genre d’éloquence affez indifférent,
&
qui ne parle pas au cœur, attendu que les
idées s’y trouvent tellement généralifées
que l’éloge d’un
feul homme pourroit
être appliqué à tous ceux de fa profeffion, en changeant fimplement les noms.'
Il eft certain qu’en atténuant le récit des
faits on manque fon but, qui doit être
,
de manifefter les
grandes aêlions de fon
héros.
Quelqu’importantes que foient tou¬
tes ces
confidérations , comme j’ai tou¬
jours aimé les grands tableaux de la mer
& comme j’étois pénétré du fentimenc
,
de la
plus profonde vénération pour
viij
infortuné Cook , je
n’ai pu réfifter au defir confolant d’être
le premier à faire fon éloge. On
y
l’illuftre & trop
trouvera
fans doute des défauts, parce
c’eft l’ouvrage d’un homme qui ne
peut guères donner aux lettres que des
que
dérobés à fon repos; niais il
lui eft doux de l’avouer en même tems :
momens
on ne
tardera pas à s’appercevoir qu’il a
été écrit fous la diêtée feule de fon cœur.
E L
DU
D
CAPITAINE
ûucES
COCk.
illufidns de la vie ! BonHéur apires !e-
<juel nous courons tous,qu’êtès-vous donc? Quellé
êft votre düréê ? Que peüc-dn àtténdre de vous
lorfquë les mdttels lès pllis accomplis né font pas
ëux-niêtnêà exempts dfe difgracés ;
Ibrfque nous
les voyons accablés du fàrdeàd dé leurs
peine s *
& terrafles par les hafàtds lés
plus cruels ?
Oh ! puifqu’il faut qüé lés grands Hommes
theürenc, podtquoi l’heure detiiiere de leurs jours
li’eft-elle pas fixée au terme le plus reciilc? Pour¬
quoi forir-ils fdumis à là fatalité des évérieméns ?
Au mâtin • au rhidi, de leur cburfe, âu momeuc
où nous nous y attendons le moins ils nous fonc
enlevés. Ils meürenc
,
ils nous laiffent comme
des voyageurs égarés ail milieu d’une huit ora-
geufe, après qu’ils ont vu périr par la foudré
les guides qui les condnifoieut
j ils meurent j
.
A
nous perdons en eux nos amis, & le fouvenir de
leurs vertus eft tout ce qui nous refte
pour nous
confoler de leur perte. Abandonnés à nous-mè'
mes, nous favons
alors les apprécier j nous ai¬
alors à nous rappeller comment ils fe dé¬
mons
vouèrent au
ils leur
bonheur de leurs femblables, com¬
facrifierent leur repos & leurs jours 5
élevés tout-à-coup au-delTus des
ment
objets qui nous
environnent, ravis d’admiration, nous voyons
s’embellir les rapides inftans
de notre vie palTa-
gere , & nous nous croyons tranfportés dans un
univers. Pour moi
qui trouve mes plus
clieres délices à m’entretenir des aétions mémo¬
autre
rables de ces mortels
généreux ;, je vois en eux,
les images de la divinité , je les révéré..... Eh !
que n’ai-je reçu les dons brülans du génie ! que,
ne m’eft-il donné de créer des
expreffions con¬
formes à la fenfibilité de
mon
ame
) que ne
puis - je tranfmettre à ma plume cet enthou-
fiafme de feu qui me pénétré , & je leur confacrerois des éloges qui feroient dignes de leurs
vertus.
Mais à quels mouvemens me lailfai
traîner? Je connois ma foiblede, &
je donc en¬
j’ofe donner
l’eflor à mes idées pour exalter la
gloire du
célébré navigateur qui a parcouru le globe dans
(3l
qui en a découverc les dernleres
terres, & qui poutTé par rincrépidité de fon con¬
tage^ a pénétré dans des lieux où jamais mortel
n’avoit pénétré avant lui & où l’on ne retournera
plus (i) déformais. Ônné peut méconnoître l’im¬
mortel Cook aux èntrepriles que j’annonce.
Je l’admirois dans le filence, quand la vois
de la renommée nous annonça qu’il n’étsit plus.
Bientôt j’entendis répéter de bouche en bouché
le récit lamentable de fa mort ; bientôt fur les.
rives de la Tamife comme fur les bords de It^
Seine les Mufes déplorèrent (i) la cataftrophé
tnalheureufe qui le ravit à l’univers, & fa patrie
teconnoiflante lui rendit des hommages que le
bronze impérilfable (3) fera palTer à la- derniere
poftériré.
toits les fens ,
,
,
témoignages de douleur & de vé¬
qu’on s’emprelfe à l’envi de confolet
fonombre affligée. Mais ce n’eft pas affez, & vos
VŒux'ne four pas remplis
humains fenfibles /
qui pleurez les illuftres morts; vous défirez quel¬
que chofe-de plus pour celui-ci; vous défirez que
fon hymne funebre le rappelle en quelque forte
à la lumière, quelle fade revivre les merveilles
de fes travaux; puilfe un enfant des Phocéens ,
C’eft par ces
nération
,
avoir le bonheur de fatisfaire à votre attente.
A Z
( 4 )■
patrie fut le berceau des plus
grands navigateurs de l’anci>}uicé (4) n’a-t-il pas
Celüi dont la
_
le droit de s’unit à vous pour décerner les hon¬
neurs
notre
du triomphe au plus grand navigateur de
âge ?
Un titre fi digne d’envie, & qui n’étoit refervé
qu’à Cook, reçoit un nouveau luftre de cet
homme extraordinaire par celui qui renferme
feul tous les autres j bienfaiteur de l’humanké !...*
Jettons-nous dans la noble carrière qu""!! a par¬
courue ;
retraçons les beaux jours de fa vie qui
fe font trop tut écoulés j livrons nous à tous les
tranfports de notre imagination étonnée j faifons
retentir pour lui le vivat solemnei, & rendons
tous enfemble un tribut éclatant de
louanges à
fa mémoire éternellement glorieufe.
Ici la rivalité nationale difparoît 5 les longues
habitudes de l’inimitié font oubliées : tel eft l’af-
qu’elle fe fait toujours
elle peut fe faire eonnoître ÿ
& moi-même qui croyois n’aimer autre chofe de
l’Angleterre que fes chefs-d’œuvre du génie,
je feus en cette oceafion quej’aimoîs un Auglois,
& que je l’aime encore après fa mort d’une
amitié qui me fut infpirée quand je connus les
qualités de fa grande âme. Eh ! nous ferions bien
eendant de la
vertu
aimer par-tout où
( 5 )
malheureux fi, réfiftant aux
impulfionsde cet efpric philofophique qui tend journellement à,
réunir tous les humains
par les doux liens d’une
bienveillance univerfelle, nous ne favions aimer
les grands hommes
quelle que foie leur patrie.
Si, dans les jours de la difeorde, la vue d’un
champ de bataille nous offre des fcênes terri¬
bles , le théâtre immenfe des mers nous
pré¬
fente à fon tour un
fpeéfacle bien plus impofant, & trop fouvent même des cataftrophes
encore
plus épouventables. Horace eut raifon de
qui le premier ofa s’embarquer
le dire ; celui
fur un frêle vaitTeau & confier la deftinée de fes
jours aux flots inconflans de la mer, avoir reçu
de la nature une âme inacceffiblc à la
& un
crainte,
cuirafle d’un
triple airain. En effèc,
tranfportons-nous par ' la penfée fur ce.théâtre
redoutable où l'a puiflTance infinie du fouverain
cœur
,
dominateur fê manifefle avec
c’eft-là que le
tant
d’énersi'e :
courage le plus audacieux fléchit
fous le poids de cette force invincible
qui frappe
les éiémens avec une
verge de fer ; c’efl: en
lieux éloignés de la demeure des hommes
,
ces
que
à connoître notre foiblefle &
notre
fragile exiftence lorfque renverfés fous les
coups dévorans de la tempête, uous élevons nos,
nous
apprenons
,
A3
( <?') ;
qui la gouverne k
fa volonté j c’efl: en ces lieux que nous pouvons
nous flatter de voir jouer les grandes fçenes de la
jiauire: l’intrépide Cook les a toutes vues'5 il en
.a bravé mille fols les dangers. Auflî pouvonsnous dire que fes travaux inouïs ne s’effaceront
jamais de la mémoire des hommes, & que la
poftérité ravie les citera comme l’époque la plus
çliftinguée de notre fiécle. Je dois donc être eh
garde fur moi-même , & ne rien précipiter fi
■je veux remplir mon but a vec dignité. Ces hautes
entreprifes tiennent d’ailleurs à tant de choies,
qu’il efl abfolument néceflaire de préparer la
mains tremblantes vers celui
voie.
PREMIERE
PARTIE.
X)évoilons au grand jour une vérité dont nous
ne
fommes peut-être pas bien convaincus, &
chons avouer que jufqu’à- ces
blés nous
ne
fâ¬
époques mémora»
connoiflions pas trop encore notre
qui
propre habitation , je veux dire cette terre
fembloic devoir être le premier objet de nos
obfervatiçns & de notre étude. La marche des
fciences étendue & rapide , dès le moment de
leur renaiffance, ne fut pas toujours égale dans
fes progrès. La navigation fur-tout,
la naviga-
(?)
tion qui, dirigée par la bienveillance &
devient Ci précieufe à la
l’équité,
Géographie à la con,
noiffance des produélions de la nature
tronomie elle-même
,
,
à l’Af-
& au bonheur du eenre
humain, lediroir-on, qu’elle auroic été négli¬
gée au point que trois fiéclés prefque écoulés
depuis les expéditions immortelles de Colombe,
de Magellan ont à
peine fourni treize voyages
autour du monde &
quelques tentatives parti¬
culières dans la mer Pacifique ? Bien
plus né
remarque-t-on pas que cet efpric de découvertes
fi peu fécond en
entreprifes , n’eut que l’ambi¬
tion pour objet, &
que de ce petit nombre en¬
core
il en fut beaucoup qui fe terminèrent
fans fruit ? On doit feulement
diftinguer parmi
les pilotes fameux
qui les conduifirenc, les Me
,
,
,
nefes, les Alvarado les Torres, les Meudana,
les Quiros les Schouten,
les Lemaire, les Tafman les
Dampierre & les
Roggevin qui méritèrent la couronne nautique
pour les découvertes nombreufes qu’ils firent
,
les Jean Fernandes
,
,
,
fur le vafte océan du Sud. Ce fut fur la fin du
fiécle dernier qu’un zele vrai
attira quelques
pour les fciences
Philofophes aux courfes périlleuHalley le grand Halley
fes de la navigation.
difciple & ami de Newton
,
,
,
afttonome 6c maA 4
( M
pn tout enfemble, fut le premier à s’y montrée
avec des idées
plus relevées, des connoilTances
_
^
plus étendues j fo.n plan embralToic plus d’ob¬
jets & les recherches précieufes, fort fur les
longitudes foit fur les déçlinaifons de l’aiguille
simantée ajoutèrent à la fcience maritime des
méthodes fayantes par fes calculs des tables af*tronomiques Sç la fameufe carte des variations.
A-peu-près dans ce même temSj des Mathéma¬
ticiens célébrés, des Botanîftes
infatigables furent,
envoyés dans les différentes régions de Tlnde ,
de l’Afrique & de l’àmérique, fous les aufpiçes
,
,
,
,
de Louis le Grand. Aux ordres de Louis XV ,
les Académiciens Erançois parcoururent les cli¬
mats de la zone torride & du cercle
polaire pour
détermipet la %ure. de la terre. Entraîné par les
charmes attachés, à l’étude des deux
,
l’illulfra
Abbé de la Caille fut chercher un nouvel horifon foiis rhémifphefe
méridional, ou , dans le
efpaçe de deux années , il obferva la pofition de deu.x mille huit cents étoiles qui nous
étoient inconnues. Quelques expéditions au nord
de l’océan Pacifique & de l’atlantique, fur ies deux
court
côtes du nouveau Monde , firent honneur aux
pouvernemens
de la Ruffie & de l’Angleterre.
Enfin on compte encore de nos jours un petit
{P )
Hombrede voyages entrepris parles Anglois & pap
ils en rapportèrent 4esobfervations
météorologiques, des obfervations fur les longi¬
tudes & des découvertes qui méritent une place;
diftinguée parmi les grandes chofes que nous de¬
vons
efforts de Fefprit humain.
Je me borne à cet apperçu de toutes les na¬
vigations dont les féiences ont pu recueillir quel¬
que fruit, Nonobftant qu’elles euffent ouvert la
les François
,
aux
carrière immenfe des recherches, elles n’avoient
pas atteint toutes les contrées qui reftoient à dé¬
couvrir. Quant à la ftructure étonnante du globe
célieux d’une maniera
entier , nous ignorions abfolument ce que
toit que d’obferver fur les
méthodique l’état de fa formation intérieure. Necraignons donc pas de foutenir qu’avec tous ces
fecours les terres & les mers ne nous étoient pas
mieux connues. Quoi qu’il en foit, -les
Phüofo-
phes ne ceffbienr pas de réclamer des tentatives
hardies & dirigées avec foin j mais on ne penfoit pas encore à fe procurer de plus grands
avantages en envoyant de ces génies fupérietirs
fur les mers les plus éloignées , & dans les mon¬
tagnes des continens , foit pour fixer les linaites
de la Géographie , foit pour ouvrir le champ,
des obfervations à la
Cofmologie , qui rî’é-?
toic auparavant
(10 )
qu’une fcience fyftématique.
des hypothefes iugénieufes
s’effbrçoient à l’envi de nous dédommager. Les
Géographes jugeant par analogie fuppofoienc
au
pôle auftral à-peu-près le même ordre de cho¬
ies qu’ils voyoient au pôle
fepcentrional. Le
compas à la main, ils mefuroient cette étendue
immenfe de mer comprife entre les extrémités
méridionales de l’AfFrique, de
l’Amérique de
la nouvelle Hollande & le Pôle
qui fait le centre
de cet efpace. Une
portion fi vafte de l’océan
devoir avoir félon eux de
grandes terres & ils
demandoient s’il n’écoit pas même néceiïaire
que
ces terres exiftaffent
pour faire une prépondé¬
rance
d’équilibre avec celles qui terminent notre
hcmifphere. C’eft fur des raifons non moins fpécieufes qu’ils affuroient l’exiftence d’un
pafiage
Il eft vrai que
,
,
,
à la mer du fud
par les dernieres terres de l’A¬
mérique feptentrionale.
D’un autre côté, les Cofmologiftes entafibient
fyflême fur fyftême pour expliquer l’origine de
nos continens,
qui font inconteftablement l’ou¬
vrage de la mer qui les couvroit autrefois. De tou¬
,
tes ces
combinaifons , d’idées & de conjeélures ,
la brillante théorie du Pline
françois j étonna fi
fort les efprics, qu’elle réunit feule tous les faf-
{ Il )
frages, On'ne pouvoic les refufer à Inélégance
inimitable du ftyle , à la beauté du plan j & à
l’accord parfait qu’elle
fembloit préfenter avec
Cependant
beatî chef-d’œuvre d’un génie fublime n’avoit
pas pour lui la fanétion des expériences , ni le
réfultat des obfervationsjainfi la philofophie agi*
toit
vain fon flambeau fa lumière vacillante
nous éblouilToit à la vérité , mais elle ne nous
les lois immuables de la Géométrie.
ce
en
,
éclairoit pas.
Les vœux du monde favant font
enfin accom*
plis, & la révolution mémorable qui diflipe nos
doutes eft due à la munificence du Roi de U
Grande-Bretagne & de fon augufté époufe.
Georgeslll, prince véritablement pbilofophe,
& par
l’étendue de fes lumières, & pat les vues
fublimesqui préfidentà toutes fes aélions, George
achever le grand
ouvrage de la connoiflTance du globe. 11 lui
III choifit Jacques Cook pour
ordonne d’embralfer lui feul les différentes routes
de faire exécuter
du monde par les Capitaines Biron ,
des trois voyages qu’il venoit
autour
Vallis & Carteret, & après avoir parcouru tou*
dans la direciion d’orient en occident,
de s’élever enfuite jufqu’aux plus hautes lati¬
tudes de l’un & de l’autre pôle. Telle eft la tâi*tes les mers
î
)
navigateur qui réunit les avan¬
tages de l’expérience à la grandeur du courage,
elle aflîgnée au
connoilTances univerfelles de fon état.
Charlotte qui, avec un cœur bienfaifant & un
& aux
efprit orné de tout l’éclat des fciences donne
fur le trône le
fpeélacle touchant des
vertus
domeftiques j Charlotte dis-je appelle
,
encore
,
un
,
illuftre naturaliftede Genève, Monfieur Jean-
André de Luc J elle l’invite à
parcourir les côtes
plaines les colines & les grandes chaînes
de toutes'les
montagnes de l’Europe pour obferver la nature dans fes
laboratoires les plus fecrers
& c’eft la portion qui eft échue au
Phylîcien le plus
capable de fouiller avec fuccès dans
ce vafte
champ , & de fatisfaire l’attente gé¬
& les
'I
,
,
nérale.
Le choix de ces deux hommes
rares eft aftez
julUfié par l’admiration de leur fiécle. Ils ont
reçu l’un & l’autre ces dons précieux du ciel, qui
préparent le fuccès des tentatives les plus diffi¬
ciles j ils polfedent au même
dégré cette fer¬
meté d’ame que la vue des
dangers ne peut
abattre, cette vigueur de corps que les fatigues
& les courfes ne
fauroient affoiblir. Ils ont tous
les deuxeette ptéfence
d’efprit à laquelle rien n’éçhappe, & qui ne manque jamais de ces refr
fources du momenc
( n )'
qui font furmonter les
,
obftacles inattendus. Ils ont l’un Sc l’aLure toute
l’étendue deslumieres néceffaires à lëuts
pénibles
recherches : ils font enfin doués l’un & l’autre
de
cette
cœurs ,
aménité de caraélere
qui attire les
& dont ils éprouvent les heureufes in¬
fluences chez les
peuples amples des îles & les
montagnes. L’un ofe affron¬
habitans paifibles des
ter tous
& les
les hafards de la mer à travers les
orages
tempêtes ; l’autre marche > fans fe lafler
dansles fentiers les
plus âpres ou des évéhemens non moins
périlleux irienacent fans cefle
les jours du
voyageur. Le Navigateur Anglois
,
,
s’élève fur tous les
parages, reeonnôît toutes leé
îles découvertes avant lui j en découvre
lui-même
prefque autant que les autres navigateurs en-r
femble, parvient jufqu’aux extrémités du globe ^
pénétré bien au-delà du monde habitable, ofe
attaquer avec une audace inouie les approches
du pôle auftral j tentative
ofoit à peine concevoir
effraie l’imagination ;
prodigieufe qu’on
& dont la feule penfée
navigue ainfi par diffé-*
les glaces qui ter-'
minent les deux hémifphetes découvre dans
le^
mers
antaréliques une terre d'un afpeét affreux,
par fes neiges éternelles qui ne foudeuc jamais^
rentes
alternatives à
travers
,
'( i4 )
^
tétre profcrite , retraite des mouftres marliis, ba
la moindre moufTe ne fauroit croître pour nour-»
rir des infedtes ; terre de défolation qui eft
vé¬
ritablement la derniere rhulé de notre globe , &
qui ne mérite pas d’être comptée pour les limi¬
tes de la Géographie : ainfi , point de continent
auftral j les voyages de Gook l’ont démontré j
& les tentatives qu’il a faites par l’oueft jufqu’aux barrières du Septentrion, ont ptefque diffipé l’efpoir d’entrer jamais dans la mer Pacifique^
en fuivant d’aurres routes que celles de l’extré¬
mité méridionale de l’Amérique.
*
Le Phyficlen Genevois fe montre pareillement
infatigable fur le théâtre majeftueux des mon¬
tagnes, il brave les glaces éternelles de leurs fommets
les horreurs de leurs précipices, furmoncei
çourageufement les chaînes coloflales des Alpesj
école unique, où l’on peut efpérer de trouver les
vrais principes de la théorie du globe -, là,
par fes travaux immenfes & fa maniéré admira¬
ble d’obferver
il nous conduit par la main
dans les ruines antiques de la nature bouleverfée,
nous
apprend à les difeerner au milieu de leur
eonfufion à leur alîigner des places à chacune :
,
,
,
fes obfervations font fi exaétes & fi réitérées, '
les méthodes qu’il établit font fi folides, les dif-
( M T
cufïîons fî lumineufes j que nous en
déduîfbns
nous-mêmes les conféqueiices. Il nous a fait con-‘
noître ce que fut autrefois ce continent que nous
habitons} le badin du vafte océan, & non l’ou¬
vrage de fes opérations lentes & continuées fur
l'es bords. 11 nous a convaincus par une véritable
démonftration, qu’une cataftrophe terrible força
fes eaux à nous l’abandonner en fe rerirant fans
dans les nouveaux abîmes où le monde
retour
ancien s’étoit écroulé.
Telle eft l’analogie de rapport qu’il y a entre
deux entreprifes différentes dans leur exécution,
mais exaétement les mêmes dans leur
but, qui
de notre demeurei
Après une liaifon fi frappante de leur objet Sz
de leur réfultat, pouvois-je, en faifant
l’éloge de
l’une, me difpehfer de faire mention .de l’autre?
cil la connoiflfance parfaite
Je ne puis décrire ici lès courfes pénibles da
voyageur (5) des montagnes , ce ferait m‘écartet
trop loin de mon fujet, ôc la tâche que je me
fuis impofée eft bien affez confidérable pour ab-
forber toutes mes forces. Ce fera beaucoup de
pouvoir décrire les travaux du navigateur qui
intérelTe en ce jour. L’apareil du départ s’a¬
vance
ce n’eft plus que fur lui que doivent fe
fixer nos regards.
nous
,
'( lO
On s’apperçoic que je ne viens
pas décriré oH
lîmple voyage fur des mers fréquentées, donc les
moindres écueils font indiqués fur la carte conduétrice J quelle qii’eir fût pour nous Futilité ;
nous
n-y trouverions rien qui put exciter notre
étonnement. Il s’agit de crois navigations aucouf
du mondeil s’agit des mers inconnues couvertes
d’iles baffes de terres fubmergées j de bancs &
_
j
de rochers à fleur d’eau. Les marins ordinaires
ne
fauroienc être admis à de
pareilles expédr-
rions. Ici le Navigateur le plus expérimenté n’eft
pas un moment en repos. Gomme il n’y à
point de faute légère pour lui, il n’y a poinc
de follicitude femblable à la fienne. Sa vigilance
eft toujours en aéfion, & foie les dangers dé
la route fans ceffe préfents à fon
efpric, foie le
gouvernement du vaiffeau , iî ne lui eft pasi
même permis de fe livrer avec fécuticé au befoin indifpenfable du fommeil. Quellè fancé de
fer ne fauc-il pas avoir po'ur réfifter à ces tra¬
vaux
& quelles connoiffances àftrono'miques ne'
fâut-il pas néceffairement pofféder, fi l’on veut
déterminer fans erreur la poficion des terres nou-,
velles qu’on découvre, & ne pas s’expofer à une
perce certaine par la fauffe eftimè des routes !
Jf’ai déjà dit que Cook réunlffoit toutes ces qua¬
lités en fa perfonné.
Eh 1
,
( ^7 1
Eh ! d’où fortoic-il donc j cet homme rare ?
Quels fonc les héros dé fa race ? il en compte
longue génération. Ses vertus 4
intrépidité ^ peuvent-ils dériver
d’unè, autre foiirce ? Qu’on fe détrompe ; il na¬
quit pauvre ; ôc pour nous épargner les reehetches il nous l’apptend lui-même. [6) Ceux qui
h’onc lieii de plus que lè hafàrd d’une grande
naiflance pour s’élever à une réputation qui finit
avec eux, feroht fans doute fiirpris d’apprendre
que cet homme admiré de tout l’univers, ns
devint illuftre que par lui-même..;.; Soyez à ja¬
mais les objets de notre vénération j magnani¬
mes enfàns de la pauvreté 4 dont les vertus font
l’honneur éternel de votre patrie ! &; vous, pau¬
vreté généreufe j jouilfez de votre triomphe, vous
qui dénuée de tout fecdurs , avez produit dans
tous les fiécles une foule de grands hommes
par
votre feule énergie ! Cook a commencé pat êrrg
monde j à l’aveu qu’il en fait lui-même ; je reconnois le Philofophe. Aînfi le fubiime Horâcô
aimoic à fe rappellec le malheur de fa naiflance^
lorfqiie béni fiant les vertus de fon perô, il difoie qu’il n’en auroit pas choifi d’autre , fi avanS
que de naître , les Dieux l’avoient pu confulter<
Ainfi s’avouoit pour avoir été pauvre ce géné-,
fans douce
uné
fes talens, fon
y
.
B
[ ts)
giietrrer à qui ma patrie s’honore d’avoir
donné le jour,rintrépide Chevalier Paul,(7) lorf^
feux
^
_
^
qu’au retour d’une expédition glorieufe , il s’é¬
chappe auxacclâmacions de fon triomphe, écarte
la foule nombreufe qui l’entoure,& court embraffer un pauvee matelot fon ancien ami. O'h ! que
les grands cœurs font admirables ! ils reffemblenc
à ces plantes précieufes qui croilTent dans l’obfcurité d’un vallon, inconnues & oubliées , jufqu’à ce que les citconftances réclamant leurs fecours, elles déploient tous les tréfors de leurs
vertus
& redonnent une nouvelle vigueur à
notre vie
languilTante, De même Cook dans le
néant de fa naiffance dans le plus malheureux
de tous les apprentilTages j (8 ) méconnu, méprifé peut-être fous les haillons du dernier des
Matelots fe fcrmok déjà dans Euclide pour
fe montrer bientôt le pbénoinene de fon fiéele y
& le héros de la: navigation.
Tout ce que j’ai dit jufqu’ici de cet homme
extraordinaire, ne fuffit pas , c’eft fut les mers
qu’il faut le fuivre..
L’heure du départ eft venue. La gloire vous
appelle , intrépide matin, vos équipages rem¬
plis d’ardeur n’attendent plus que vous pour ap¬
pareiller J on déferle les voiles, & l’ancre ejî au
,
,
,
'
O?)
lojfoir. Partez nouvel Argonaute ! le^ rems éft
favorable, lé vent de l’immortalité foufrle pour
vous. Ce ne font
point les bois de la forêt dé
Dodoné qui doivent alTuirer )a deftinée de votre
.
,
vailfeaii , ceux donc il èft conftruit ne tendent
pas
des oracles , votre habileté fèulê le
rarhenerà
triomphant dans votte patrie. Partez, horhme
fans peur , ce ne font
de la Cdlcliide
vous
aurez
pas
hon plus lès rribnftte^
qui vous attendent au têrmèj
bien d’autres combats à foütènir
,
quand ; fur les mets lointaines, il faudra qUé
vous
lutiez contre les élémens coütoucés
qui dé¬
ploieront fur Vous toute leur ragè ; mais nous
lavons
que les dangers ne fauroieric atrêtet uil
grand coeur.
Allez, nous prévoyons les peines
&c les
fatigues que voUs aurezàelïuyet, notre reConnoiflance rie les iailTera
pas dans l’oubli.
Celui qui nè fortit jârriais de fès
foyers ; ne
éoririoît pas l’agiratiori d’un
coeur, lorfqu’à ce nia*
inènt de dépare, lès idées d’une
longue abfence
...
•viennent lè livrer tout entier aux
angbilfes ihor-’
telles dé la triélaricblie. Tout les
adieux font
faits, chacun tourne encore
un
téndre regard
ftir le rivage; on fait Jervir^ * Sc lé vailTeau
* Terme de marine
dans les voiles.
cin-
qui fîgnijSe qu’on fait encrer le yertc
B
Z
(
-'J
}
gleà pleines voiles. Déjà les objets commencent
à fe racourcir, les édifices difparoiirent infenfiblemenc bientôt toute - la côte ne paroît plus
qu’une ombre légère dans le lointain. Les jours
,
& les nuits fe fuccedent,
la terre ne fe montre
plus d’aucune part, & le fpeéàacle impofant de
la pleine mer fe développe. Des milliers de mor¬
tels n’oiu jamais vu ce magnifique théâtre où la
nature fe montre tour-à-tour
majeftuetife & re¬
doutable comment feroient-ils en état d’appré¬
cier le' courage de ceux qui ofenr
s'y hafarder ?
11 faudroit au moins leur peindre par la
parole
fou immenfe étendue ainfi que le divin Vernet en a
peint les autres beautés par l’harmonie
des couleurs. Son art magique nous repréfente
y
j
cette mer
fi grande
,
ornée de toutes les grâces
quelle emprunte de la terre; il fait faire pafler
fur la toile toute la fraîcheur du matin , tout l’é¬
clat du foleil couchant & les charmes d’une
qui fe pare de la douce lumière de
la lune. Il fait ajouter à ces beautés des édifices
belle nuit
riants , des ruines majefiueufes, des fcenes agréa¬
bles qui forment les
premiers groupes du ta¬
lointain gracieux le termine : mais
l’imagination enchantée chercheroit en vain la
vraie étendue de la furface ; elle échappe au pinbleau ; un
( Zï }
cea.li
du Raphaël de la marine , & toutes les ex-
preffions du langage ne peuvent guères mieux
retracer >06116
vafte continuité d'eau oui étonne
même l’homme le plus inftruit ,
X
lorfqu’embar-
qué fur ce terrible élément, il ne voit pi us qu’un
horifon fans fin qui fe renouvelle
chaque jour
pendant une longue fuite de mois : & fans doute,
,
donner une idée fi ce
comparatfon du rems qui s’écoule
avec la
longueur des routes qu’on fait ? Qu’on fe
repréfente le vaifleau au milieu de ces effrayan¬
tes folitudes, où
après avoir fait Jufqu’à foixantecomment
peut-on en
,
ifeft par la
dix lieues par
vingt-quatre
heures, on ne voit
jamais que le même fpeetacle, le ciel & la mer,
& toujours le. ciel & la mer comme la
premiers
fois qu’on perdit la terre de vue.
Ne venez pas brûler, ici votre encens
profane,
hommes pufijla.nimes &
dégradés par la moleiîe
,
malheureux cafaniers,qui tremblez à la moindre
des.élémens, ni. vous encore moins,
méprifables égoïftes,, qui n’avez jamais rien fait
pour votre patrie
vous qui tout occupés de
variation
,
votre
fordide intérêt
&
du rafinement de
vos
plaifirs , dévorez feuls vos riçhetfes fans en
affigner la moindre portion au bien commun de
,
la grande famille jnon, vous n’ê.tes
pas aopellés
^3
‘
( -Si )
à venir admirer l’excellent homme à qui tpiues
les nations .rendent hommage ! Le feul récit dés
fatigues §: des dangers de la mer blelTeroit vos
fens délicats, yous mourrie? de frayeur dès le
moment
que vous auriez perdu de vue cette
terre qui
gémit de vous porter.
Laifldns dans leur honteux repos ces êtres lî
peu dignes de nous intérefler. FranchilTons l’Atiantique, & rendons-nous au détroit de Magellan,.
C’eft déjà un trèss-grand voyage. lia fallu cent
quarante jours à Cook pour cette navigation j ce
n’eft pas toutefois ce que je prétends fairg valoirque feroit-ce auprès de tant d’autres courfes qu’il
a
glorieufement terminées ? PafTons égalemen.
fous filence tout ce qu’il a fait d’eflentiel peu
dant fa relâche fur la terre de Feu, de concert ave
fes illuftres compagnons que les fciences lui on
affiociés. Son oeil obferyateur a mefuré toute;
ces
ces
côtes dont nous n’avions que des connoiflan-
incertaines \ & ceux qui yiçndront après lui
n’y trouveront plrrs les obftacles qu’on redoutoit,
les limites de deux grande
mers j c’eft fur ces parages qu’il quitte un vaft'
océan pour entrer dans un océan plus vafte en
pore. Il fe dirige au nord vers les latitudes d
Tropique 5 évitant de fuivre les routes des na
Là font polées
(M)
^igateurs qui l’ont précédé. Les premières décou¬
vertes
qu’il fait dans cette dirediou, font l’île
du Lagon, terre baffe &c habitée l’île du
Cap
Trumbqu’il ne voit qu’en paffant, l’île de l’Arc,
remarquable par l’intérieur de fes terres inon¬
dées l’île des Oifeaux qui n’eft peuplée
que des
feuls habitans dès airs/^& l’île de la Chaîne qu’il
,
,
reconnoît être habitée
terres ifolées font de
comme
les autres. Ces
nouvelles acquifitions faites
à la Géographie dans le court intervalle de
queU
ques jours ; tant il eft vrai que par-tout où les
fciences préfident, elles nous enrichiffent plus
dans une feule
entreprife, que ne fauroient faire
la politique & la
fiécle de fuccés,
Il eft
valeur guerriere pendant un
m’arrête aux principaux
voyage de que jç parle de
cette île fortunée
qu’un Anglois’* & un Fran->
çois *'^ ont eu également la gloire de découvrir.
tems
événemens de
que je
ce
Taïti, la délicieufe l’aïti fe montre à fes re^
gards comme un lieu d’hofpitalité où le voyageur
oublier fes fatigues paffées. Quand le navi¬
gateur François mit au jour le riant tableau de
cette île enchantée, on crut d’abord
que, féduit
va
* Le
Capiraine'Wallis,
îyî. de Bougainville,
B 4
( M )
par !es preftiges d’un fonge agréable j
il en ini-r
pofoit à fon fiécle , après s’en être impofé à luitnêmè. Rien n’étoic plus vrai cependant.
Le fé-
jour qu’y fait Gook le confirme , & augmente
bien encore les nouveaux détails que nous déli¬
rions fur les moeurs douces &
aimables des ha-
bitans de ce pays. Le vailTeau n’eft pas encore
mouillage , que des milliers de piro¬
gues ornées de guirlandes de fleurs , <5c remplies
d’infulaires de tout âge, de tout fexe , voguent
autour de lui aux acclamations de la joie la plus
vive. C’eft uneefpece de triomphe : on s’emprelfe
à l’envi de toute part. Dans un inftant le pont fe
rrouve couvert de fleurs’, de fruits
de provilions
de toute efpece. En vain on veut reconnoître par
des préfens tant de témoignages de bienveillance,
ce font dss
premiers dons , pour lefquels on ne
arrivé
au
,
demande rien en retour. Pendant une relâche de
trois mois, tous les jours font des jours
de fêtes
vaifleau font pour les équi¬
pages un délaflement de leurs plaifirs. L’Arée du
pays, c’eft-à-dire, celui qui en eft tout à-la-fois le
& les occupations- du
défenfeur
,
le fouverain & le pere, l’Arée du
pays, dis-je , ne quitte plus l’Arée du Vaifleau.
Liés cous deux dhine amitié parfaite dès lapre-
paierfe entrevue , ils tâchent de fe furpafler à s’en
{
donner des preuves.
ceux
]
Les travaux de la forge y
du charpentier , tout ce que
font les éq
fimphonie de nos inftrumens
les chofes les plus i
pour le prince Auftralien & pour fes fujets.
A fou tout le Philolophe Européen eft à chaq
inftant plus furpris de trouver les arcs agréables
déjà connus & alfez avancés che? ee peu
pages, ainfi que la
de mufque , font
tes
Les heïvas de Taïti nous rectacenc au
naturel 1
fpeélacles dramatiques de l’ancienne Grèce. On
y rappelle la valeur des héros qui ont défendu
la patrie, les travers de l’efpnt humain j & les
intrigues amoureufes. Tantôt dans un
vif & précipité , auquel fe mêlent des chants
majeftueux , & des danfes guerrières
fées par une trépidation
fougueufe & des
voit au naturel le tumulte & 1
reur des combats. Tantôt dans des fcenes
terribles
,
on
gaies, le mafque de la folie & la verge du ri¬
dicule excitent une joie bruyante dans toute l’af-r
femblée. Tantôt une troupe de jeunes filles ,
mifes dans un coftume qui femble être fait pour
couronné de jafmins , vient
occuper le lieu de la fcene. Infpitées par l’amour
même, elles offrent le tableau des paflîons dif¬
férentes qui agitent les cœurs fournis à fon em-.
les grâces, le front
(
)
pire, Adlrices & danfeufes tout à-k-fois elles
varient leurs chants
par des danfes charmantes
quelles exécutent au fon des timbales & des flûtes.
Les Européens étonnés leur
adjugent le prix ,
^
tant elles
font habiles dans leurs
allégories ca¬
dencées. On ne celTe dkdmirer la variété
de
leurs mouvemens où tout eft
exprefliori ; fe-
,
coufles légères, repos d’une aimable
langueur
,
ébranlemens rapides, abandon
gracieux de bras,
fourire enchanteur de la bouche
toujours d’ac¬
,
cord avec celui
qui fe
peint dans les yeux, roue
l’amoureufe ivrefle dans les âmes ravies.
Aimables filles de Terpficore elles doivent fans
doute la perfeétion de leur art au tendre fentiment dont elles font
polTédées. Ici comme à
Paphos, le culte de l’amour eft établi. Au tems
preferit par les ufages, les jeunes filles voient
arriver leur plus beau
jour dans Ikppareil d’une
fête élégante. Alors conduites
par les Prêtreffes
fur un hôtel
champêtre, elles offrent folemnellement les prémices de leurs
tranfports à la Di¬
vinité qui couronne leur flamme.
Soyez atten¬
tifs fur vous-mêmes,
jeunes Européens, qui
avez laifTé dans votre
patrie une amante éplo¬
rée j craignez de vous
égarer feuls dans les bofquets de cette île fortunée j l’amoureufe Ta'£*
porte
,
,
aenne
f ^7 )
épiera vos pas ; aidée de fes amies
vous' entraînera fous
des berceaux fleuris
,
,
elle
afyle
du bonheur 5 là , toutes enfemble , elles enton¬
l’hymenée : & comment
pourrez vous réfifter quand les grâces elles-mê¬
neront
les chants "de
s’efforceront de
mes
vous
fédujre ? Vos fens
I
éperdus ne connoîtront plus le joug de la rai-
fon
,
vous
viendrez
,
oublierez vos fermens
j
& vous de¬
malgré vous, infidèles. Que la pudeut
timide ne foit pas allarmée de ce tableau , l’in¬
nocence
du cœur prcfide à ces tendres myAeres,
& l’inconflance des amans n’y fur jamais connue.
Des mœurs fi dift'érentes des nôtres,
ne peu-
yenc que nous étonner , fur-tout fi nous voulons
rechercher l’origine de cette nation aimable. Qui
peut donc l’avoir inflruite
dans l’art de la navi¬
gation , & lui avoir appris à fe guider jufqu’à
deux cents lieues loin des terres par le feul afpeéf des étoiles ? Qui peut lui avoir fuggéré de
donnér des noms aux principales conftellations?
Comment fe fait il qu’on y fait très - bien diftinguer les cometes, qu’on y connoît leurs lon¬
gues révolutions, ôc qu’on y croit les planètes
,
-
habitées ? Quel eft
dit agréablement le
le Eontenelle, comme le
navigateur François quel
parlé de la pluralité des
eft le Fontenelle qui a
,
mondes a
un
ce
peuple ? Tout féduit dans
cetco
îfle j il femble que la nature libérale a voulu fouf-
traire fes habitans à l’anathême commun du tra¬
vail. Ce n’ell:
pas à la culture pénible
ment ,
vent
du fro¬
ni à fes longues préparations qu’ils doi¬
leur nourriture
journelle ; un
cieux quia le
fruit pré¬
goût du pain le plus délicat, leur
fournit le premier aliment, & ils trouvent au¬
tour de leurs
foyers tout ce
qu’il faut encore à
leur fubfiftance. Heureux comme les
oifeaux du
Ciel, ils mangent les fruits de la terre par-tout
où ils fe trouvent, & ils
jouilFent paifiblement
qui a tout fait pour
eux..... O heureux coin de l’univers !
que de
regrets vous faites naître quand on compare le
bonheur de vos habitans avec les
peines défefpérantes qui nous tyrannifent dans notre Europe
fi éclairée. Mais
quoi
le contrafte de nos
maux
avec un bonheur qui nous eft
étranger,
ameneroit-il ici des penfées
affligeantes ? & oferois-je répandre de fombres couleurs fur une
image gracieufe avec laquelle on aime à fe diftraire du fentiment de fes
peines ? N’imitons
pas ces efprits inquiets qui, guidés par un zele
condamnable, commencent leur carrière par dé¬
plorer les malheurs de leur patrie , & la finifdes bienfaits de la nature
,
,
( ^9 )
blafphemanc contre elle. Sachons, noua
contenter d’un feul
foupirj rappelions les douces
idées
fur-tout ne perdons pas de vue le
grand homme qui, fur mer au milieu des dan¬
fent en
,
gers , comme fur terre au fein du bonheur &
des voluptés féduifances, ne perd jamais de vu®
rintcrêc des fciences.
Le principal objet de cette relâche , eft fob-
fervation du paflage
de Vénus qui, faite fur
partie de l’hémifphere auftral, devient fi
importante pour l’Afironomie. Savane dans cet
art fublimej & fécondé
par fes illuftres compa¬
gnons, il remplit cet ,objet à la fatisfaétion des
Afrronomes de l’Europe. Occupé fur-tout à étu¬
eetre
dier les mœurs du
peuple intéreflant de cetre
île , il nous en fait un tableau infiniment plus
étendu que celui que nous connoilTons , & pour
ne
rien lailfer à defirer fur cerce terre précieiife,
il entreprend d’en faire le tour dans fa chaioupd,
c’eft par ce moyen quhl la reconnoît en détail &
qu’il en drelTe lui-même la carre avec toute i’exac'titude que mérite un pareil ouvrage.
Cependant une moilfon plus abondante que
celle qu’il a déjà faite l’appelle ailleurs. Eu quit¬
tant Taïci il va vificer les îles
qui en font voifines. Il y trouve les memes productions, les
( 30 )
nes^yfages & la même liofpitalité. Huaheîné,'
jliécéa, Ocalia
,
Bolabola, Tubaï & Maurûa
forment cet Archipel qu’il
appelle du nom d’îles
Qu’il efl: glorieux de donner des'
noms à la terre
& qui mieux que Cook en
étoit digne ! A fix
degrés de ces îles il découvre
l’île d’Ohëceroa ^ & c’eft ici
que finiffent les beâux
jours de ce voyage.
de la fdciécéi
j
Il
ne
retrouvera
plus cette mèt fi paifible qui
le dédommageoit de là
vents fi
longueur des routés ces
favorables qui le fuivoientconftammèrit
îles fi bien cultivées
qui lui fournifibient des
hôfpitalieres qui l’accueilloient avec tant de bonté. L.i;
fcene va changer, & lesélémens,^ comme les na¬
tions vont
multiplier autour de lui les dangers;
ces
àlimens de toute èfpece j ni ces nations
J
& les obftacles.
La Nouvelle Zélande ,
couverte
voit plus
que Tafmàri avoir dé¬
dans le milieu du dernier fiécle j n’à-
été reconnue par les Européens. Oh
fait que le navigateur Hollandois n’eut
à fe plaindre dé la
que trop’
perfidie de fes habitans, &
défefpérant de les humanifer il ne vit
guères que le lieu de fa relâche, auquel il donna’
que
,
le nom de Baie des AflTaflins. Il éroit réfcrvé à uh
.
'vigateur de notre fiécle de nous faire corr,
C 31 )
fioîcre cette terre importante , &
par fon éteiiproductions qui promettenr les
plus grandes relTources au commerce. Pendant
fix mois qu’il y palfe pour en achever l’enciere
circonnavigation, ce n’eft pour lui qu’une per¬
plexité continuelle. Fait-il quelque féjour à terre?
il a fans ceffe à fe tenir en
garde contre la
férocité des peuplades qu’il vifite. Eft -il en route ?
il- femble que les élémens veulent
confpirer con¬
tre fon
entreprife. Des orages qui éclatent fubitement
de gros rems qui font préparés par gra¬
due & par fes
j
dation J exercent non feulenient toute fon habi¬
leté
mais ils épuifent encore les forces de fes
matelots. Si les horreurs du
naufrage ne font
^
pas les mêmes par-tour, c’eft ici quelles fe mon-*
trent à
l’imagination avec les circonftances les
plus effrayantes. Quand même un malheureux
équipage fe fauveroir fur les débris de fon vaiffeaufracafféjqiie deviendroit-il fur cette terre bar-*
bare ? Ah ! qu’il regreteroit bientôt de n’avoir
pas été englouti par les vagues quand il fe verroit
moment d’être dévoré
par ceuxdoilc
il réclameroit la commifération & l’affiftance !
Onne peut avoir de plus
au
grande crainte quànd
©nnavigue fur cette côte, où l’on ne. trouve prefque par-tout que des nations antropophages.
•
( ni
Cook réprouvé à chaque
^
iiiftaht, mâis ce ii’eft
raifon de fe défifïer de fa gidprudence qui le dirige
fur les mers ne l’abandonne pas e n ces lieux
difficiles. Il entrevoir bientôt toute la valeur de
contrée heureufement fituée , auffi ne la
quitte-t-il plus fans l’avoir parcourue fur tontes
fes côtes ik quelquefois dans rintcrieur deS
terres pour én connoître les produétions. Suive2!
fes pas dans cette relâche, & admirez cette tranquilité d’ame qu’il conferve au milieu de tant de
dangers réunis , voyez-le fe livrer tout entier au
plaifir ràviffiint que lui fait éprouver là mélodie
enchantereffie des oifeaux,dont les chants, plus
brillants que ceux de Philomele dans nos cli¬
charment également pendant la nuit
dans les forêts fauvages de Cette contrée.
Il éft donc vrai que dans les moniens de la
plus grande détreffie , on peut encore être fenfble
l’harmonie, quand elle exprime fes airs
pas pour lui usie
rieufe entreprile. Cette
cette
,
mats
,
a
ÉouchanS.
Il faut en convenir, là fomfne totale
ne
du mal
remporte pas fur la mefure du bien dans cetté
plu^
haut degré de fplendeur. Sa pofition, qui dans
l’autre hémifphere correfpond à nos plus beaux
elimats
île immenfe qui doit s’élever un jour au
( 33 )
ciitnats de l’Europe, annonce l’abondance & la
fertilité. Son étendue de deux cent
quatre-vingt
,
lieues du nord au fud, &
l’inégalité du terrein
coupé par des montagnes &c des plaines, pro¬
mettent
une
riche variété de
produdions. Les
fables ferrugineux qui s’y rencontrent, décelenè
la préfence du plus utile de tous les métaux 5 &
indépendamment de ces avantages, la plante dé
ce lin
précieux J qui, par fa blancheur parfaite
ic fon éclat brillant, ne le cède
pas à la plus
belle foie, pourroit feule en faire une des
plus
riches contrées de 1 Univers,
Telle eft l’idée que nous pouvons nous formée
de la nouvelle Zélande, d’après les obfervhtions
du Navigateur Philofopbe,
Nous avons jetté un
que nous admirons.
coup-d’œil rapide fur les
fatigues & les obftacles qu’il a furmontésj de
plus grandes fatigues Ôc de plus grands obftacles
fe préparent pour lui fur la côte orientale de la
nouvelle Hollande, pays d’une fi vafte
étendue,
qu’il méritecoit de porter le nom de continént.
Tranfportons nous fur les lieux.
Les fureurs menaçantes de la
tempête ne font
pas toujours ce qu’il y a de plus dangereux pour
un
navigateur, il eft à la mer des poficions plus
redoutables : c’eft, par exemple,
lorfque naviG
'( 34 )
gnant autour d’une terre inconnue 3 & le vent
tombant tout-à-coup, il fevcna^alé fur la côte à
la merci des lames & des courants qui pouffent
fon vaiffeau fur
l’art puiffent
ment.
elle, fans que les reffources de
lui fervir aans ce dangereux mo¬
Ainli que toutes les ifles de la mer Pacifi¬
que, la nouvelle Hollande eft hériflée d’écueils
de toute efpece, principalement depuis la terre
de Vandiemenjà fon extrémité méridionale, juf-
qu’à fa partie oppofée dans un efpace de côte de
plus de trois cens foixante lieues. A quelque diftance du
rivage, régné fur toute cette longueurun rm/ de corail (9), où l’on rencontre par in¬
tervalle des coupures qui permettent d’approcher
du. riv.age. C’eft ce qu’on peut regarder comme
une barrière indeftrnéiible que la nature
oppofe
aux
flots courroucés d’une vâfte mer. En dehors
du
récif, les eaux font fi profondes, qu’on ne
peut mouiller l’ancre dans aucun cas; en dedans,
voit des brifans innombrables hachés de toutes
on
les maniérés, qui ne permettent de naviguer que
la fonde à la main. Le relèvement de cette côte,
inconnue jufqu’à nos jours, exigeoit un habile
navigateur ; il eft dans le plan de Cook, & Cook
l’exécute malgré des périls que le marin le plus
tcmérai''c ne fauroit envifager qu’en tremblant.
( ^5 )
On ne peut décrire les accidcns muitipî’iés qui le
^
menacenc
^
du naatrage à chaque inftanc de cette
navigacioiit 11 fait bien fe fervir quand il le faut
de tous les expédiens qu’il eft poffible de tiret
d’un heureux coup de manœuvre, mais il fait
auffi qu’il fera forcé de renoncer à fon projet s’il
ne donne rien au hafard ^ & courut-on jamais à
la mer un plus grand hafard que dans cette fituarion allarmanre qui fait une des principales épo¬
ques de ce voyage? Il venoir de quitter un lieu
de relâche, & il marchoit à plus de huit lieues
loin de la côte ayant une mer tranquille & le
vent favorable.
4 cette diftance
quand on
ne voit
pas des écueils, on ne foupçonne gueres
qu’il s’en trouve de cachés. Il fe livroit un mo¬
ment à cette fécurité (i néceflTaire
pour réparée
les fatigues de l’efprit, lorfque tout-à-coup le
vaiflTeau fe trouve fufpendu fur la pointe d’un
rocher taillé en pyramide. Le mouvement des
vagues J quoique léger, caufe un raelemènt ef¬
froyable qui fait pâlir les plus déterminés. Quel¬
ques morceaux de la quille & du doublage c]uî
font emportés & qu’on voit flotter fur la vague,
achèvent de jerter la (mnfternation dans les efprits. Toutes les reflburces font épuifées; on tou¬
,
che au moment de defeendre dans les abîmés fi
C
i
(
)
le vaiffeau fe remet en flottaifon. Tous perdent
efpérance, excepté celui qui commande. Il ra¬
nime les cœurs par fon courage;
il ordonne &
il met lui-même la main à l’œuvre : heureux &:
mille fois heureux de ce que les vents demeu¬
rent en
repos, car la moindre tourmente
les eût
infailliblement engloutis. Enfin ^ après avoir fait
appareil de dernière extrémité ( i o), après des
infinis, on vient à bout de dégager le
vailTeau. C’eft-là ce moment qu’il redoute, mais
un
travaux
la voie d'eau ne gagnant pas fur
pes, il fe voit en
l’effet des pom¬
état d’atteindre un mouillage
qui lui permet de mettre fon vailfeau en caréné.
Faut-il encore effliyer de nouveaux dangers
après s’être tiré d’une pareille poficion? Oui,
dans ces circonftances du voyage il n’y a de beaux
jours pour lui que ceux des relâches qu’il fait fur
différens lieux de cette côte, ôc tous les jours de
la route font des jouis de perplexité. S’il navigue
en dedans du récif, le vent foufflant par raffales
le met dans le cas dé périr fur les rochers qui
forment là un véritable labyrinthe, ou bien il y
eft retenu des mois entiers par les calmes. S’il
veut fe hafarder de faire routé en dehors , une
houle terrible qu’aucun effort ne peut
maîtrifer,
le fait fans celTe dériver fur cette barrière fatale.
(
37
)
où le danger eft quelquefois fi prochain,
qu’il
refîource que de faire
remorquer le vaifieau par les chaloupes. « Telles
ne
j>
»
»
)>
»5
53
J3
33
refte plus pour toute
font, dit-il, les vicilîitudes de la vie (ce font
fes propres expreffions ), que nous nous crûmes
heureux alors d’avoir regagné une fituation que
deux jours auparavant nous étions impatiens
de quitter. Les rochers & les bancs font tou-
jours dangereux pour les navigateurs lorfque
leur gifement eft déterminé; ils le font bien
davantage dans les mers qu’on n’a pas encore
parcourues
D’ailleurs les lames énormes du
33 vafte océan méridional rencontrant un fi
grand
33
33obftacle, fe brifent avec une violence inconcevable, & forment une houle que les rochers
33
tempêtes de l’hémifphère feptentrional
peuvent pas produire..... Animés cependant
par l’efpérance dé la gloire qui couronne les
découvertes de» navigateurs, nous affrontions
gaiement tous les périls. 33. Enfin le voilà patr
venu dans le détroit
qui fépare cette vafte con¬
trée de la nouvelle Guinée, & qu’il appelle le
»
& les
33
ne
33
3»
j3
détroit de l’Endéavour, du nom de fon vaiffeau;
S’il n’a trouvé fur cette étendue de côte qu’un
petit nombre de peuplades errantes, la caufe en
eft encore inconnue, mais; cm ne peut l’attrihuet
G }
( 38 )
jii au climat ni au fol. On y voit des fleuves &
des ruilTeaux J des prairies & des
forêts, des bof-
végétation vigou-
qucts Si des plaines; partout une
retife annonce la fertilité. Située fous les latitudes
du Tropique & de la Zone
tempérée de l’hémif-
phere auftral, elle eft faite pour réunir les riches
produétions de l’Inde & des denrées analogues à
celles de nos continens. Un jour viendra que les
Nations, mieux éclairées qu’elles ne font à préfent fur leurs vrais intérêts, profiteront de ces
heureufes découvertes qui leur procureront une
nouvelle extenfion de richefles & de puiflance.
C’eft par-là que
fe termine tout ce qui peut
imérefler dans ce voyage. 11 eft tems que
retourne dans
Cook
fes foyers : il s’y rend par la mer
des Indes Sc l’Atlantique; ce qui complette le
tour du
globe, après une navigation de deux ans
& neuf mois révolus.
il a atteint la gloire de
qui l’ont précédé dans une carrière fi
Au point où il en eft,
îous ceux
périlleufe ; & pour une fécondé fois,fon Prince,
fa patrie, les fciences, le monde entier ^ l’ap-.
pellenc à ces entreprifes.d’bà fi peu de mortels
font revenus heureufement. Leur choix, leurs
defirs leurs efpécances font pour lui des ordres
qu’il préfer# aux douceurs du repos. Il va s’ou-.
J
( S9 )
vrir de nouvelles routes, il va voir de nouvelles
mers
,
i! va fe livrer à de nouvelles fatigues.,5 à
O
de nouveaux dangers j.il va, je puis le dire", in¬
nouvelle maniéré de
naviguer car
l’aide, de fes reffources parciculierés qu’il terminera par un heareux füccès cette, nouvelle,
expédition.
Je ne regrete plus féclar pompeux de l’élo¬
quence qui fe refufe,'au fentiment dé mon ame.
D’après le récit queje viens défaire, on fenebien
que la mémoire de Cook fe foutiendra d’ellemême & quand.j’aurai fait connoître tous fes
travaux
pourrai-je efamdre.les traits; de l’eixvie ? Naurai-je pas rempli, de devoir.que je iîie
fuis impofé ?..
.11 parb Les fciences attentives comptent .les
jours de fon abfence'j; elles voudroièiit déja cetn?
noître le réfulcac de fes courfes. L’époqtie deûr
réé arrive les difputes interminables; jELir d’exif-
ventée une
ce, ne
,
fera véricablemènnc qu’à
,
,
.
,
îénee d’un continentauftral vont ceffer pourrou-
jourk L’indomptabde navigateut va déeider-cette
queftion célebre.Son .pEe.mief. voyage ardéjsrdÉ.?'
montré que éé eontinenc, n’exifte. pas.foitsrles Izr
titudes- moyenne^ î' .voyons, de dansrla rtentative
inouie qu’il fait fut des parallèles plus élevés &des
pli,ispr;qclies
q,d’^dî)b■p<a!ffibleîdlatteindreC4
( 40 )
Reprenons donc avec lui ce genre de vie fi
peu naturel qu’on mene à la mer, ces peines inféparables des longues navigations, cette chaîne
d’ennui qui vous accable depuis le moment du
départ jufqu’au terme de l’arrivée. Que dis-je ?
L’ennui eft le tourment des hommes vulgaires;
un
efpric cultivé l’a-t-il jamais connu ? ne fait il
pas trouver en lui-même
des refîources qui le
dédommagent des longueurs de la route ? La
d’être
l’objet de fon étude ? Quel champ immenfe
mer
n’a-t-elle pas des beautés bien dignes
d’obfervations dans la variété de ces couranSjdans
la pompe étonnante
de fes météores, dans les
feenes pittorefques qu’elle offre loin
des terres !
S^il eft difficile de donner une jufte idée de fora
étendue
ficence ,
,
pour peindre le fpeélacle de fa
magni¬
il faudroit pouvoir fe fervir des cou¬
inclinons-
leurs même de la nature. La hier !
affez
nous de
refpeéi en la nommant, pourroit-on
l’admirer ? Tantôt immobile & lumineiVfe, elle
paroît toute enflammée. Sa clarté refplendiffance
aii milieu de la nuit femble fe
confondre avec
la’claîrcé des Çieux ; on diroit qu’elle veut effa.
cet le
brillant des étoiles s tantôt doucement agi*
elle reçoit un million de fois l’arc-en-ciel
qui s’imprime enf" petit, far chaque vague aveç
tée ,
( 41 )
tout
l’éclat du foleti, ou revêtu du reflet argenté
nuées de poifldns volans
fortent du fein des eaux pour s’échapper aux bo¬
nites voraces là des troupes innombrables de
monftres énormes fillonnent avec rapidité la fur-
de la lune. Ici des
,
face des flots, plongent, reviennent en fe jouant,
qu’ils étalent aux
regards étonnés des matelots la mafle entière
de leurs corps & les couleurs variées qui diftinguent leurs races. Ailleurs des fites d’une
s’élancent quelquelois fi haut,
beauté plus importante offrent une
nouvelle dé¬
coration. Des milliers de trombes s’élèvent avec
majefté fous une forme de vapeurs cylindriques
qui admettent les rayons lumineux dans leur
fubftance aerienne. Les vents abattus paroiflent
contempler avec refpeâ cette fuperbe colonnade
(il) dont l’enfemble préfente l’idée d’un édi¬
fice immenfe qui a pour enceinte l’étendue de
l’horifon:, pour bafe le fond des abimes,& pour
voûte l’azut des deux. Temple magnifique que
la nature éleve en un feul moment à la gloire
de l’architeéde éternel ! Rotonde ausiufte où l’on
ne
peut adorer ce grand Être
ment
qu’avec un feoti-
mêlé de trouble & de vénération
OIi
pourquoi ces chofes admirables jfe décruifenteUes fieôt ! La beauté eft donc paflagere par-tout ?
(
)
Fiere & capricieiife , la mer fourit
au
quelque^
morcel téméraire
qui la parcourt, mais
que ce dédommagement eft bien
peu de chofe
pour les allarmes continuelles qu^elle lui donne.
Cook parti cette fois
vance
avec
dans les mers
deux vaifleaux , s’a¬
antarétiques par la route du
Cap de Bonne-Efpérance. Il marche courageufefur ces mers où
jamais l’art nautique n’a*
pilote. Les premiers jours de
fa navigation fe
paflTent fans accident 5 mais en
s’élevant en latitude,le
palTage fubit d’une tempé¬
rature douce à; des ?ones
très-froides éprouve bien¬
tôt les hommes les
plus endurcis. Déjà les mala¬
dies fe déclarent, les travaux fe
multiplient, plus
de repos
pendant toute la durée de ce voyage. Ar¬
ment
voit conduit aucun
rivé fous le
quarante-huitième
fcene terrible fe
parallèle j une
prépare au fein des élémens.
L’âfpeét du ciel fe change, 5 des météores-effrayans frappent les bords de l’horifon ; de fombres nuées fe lèvent J la clarté du
jour fe diffipe j un bruit fourd fe fait entendre dans la
profondeur des abîmes
du tonnerre quand il
,
il relTemble au bruit
gronde dans le lointain,
Tous les êtres vivans font dans la crainte,
j .les
oifeaux voyageurs qui traverfent alors ces
pa¬
rages fe précipitent fur le vaiflTeau^.qui fait route j
( 45 )
pouf¬
agité pat le tu¬
multe de fes penfées j fe fouvieiit qu’il y a nn
les animaux domeftiques qui s’y trouvent,
fent des cris plaintifs j l’homme
de la mer fe
déchaînés s’annoncent par un
rugiirement impétueux ; les vagues foulevées fe
roulent en défordre ; femblables à des montagnes
amoncelées jufqu’aux CieuXj elles fe précipitent
les unes fur les autres, & dans ce bouleverfement affreux leurs bafes deviennent leurs foinmets
qui ne. s’élèvent que pour fe renverfer de
nouveau. Cédez au fentiment de la pitié , hu¬
Dieu. Dans un inftant la furface
brife ; les vents
,
retirés dans vos paifibles
foyers goûtez les douceurs du repos au fein de
vos familles j fongez que quand le fommeil vient
réparer vos forces épuifées, ceux de vos fem¬
blables que le befoin ou des motifs patriotiques
forcent à parcourir les mers , fe voient livrés à
la merci des ouragans j & telle eft la détrelTe
du navigateur des fciences. Ainfi qu’un général
habile qui, coiifervanc fa préfence d’efprit dans
les horreurs de la bataille
fait faire prendre à
fon armée des pofitions fi avantageufes ^ lui fait
exécuter des mouvemens fi prompts, qu’il vient
eufin à bout de fixer la viéioire fous fes drapeaux j
ainfi l’intré'pUe Cook, au fort de la tempête.
mains fenfibles , qui,
,
,
( 44 )
faic conferver le calme de fon
ame, & dans
cet
épouvantable cahos où le ciel & la mer
roilTent confondus
pa-
malgré ce déluge de vagues
qui remplit Patmofphere, malgré les vents & la
grêle, les tonnerres & les éclairs qui fe heur¬
tent autour de
lui
malgré que Ion vaiflTeau
abattu fur les flancs,
peut à peine obéir augou‘,
,
vernail ,
il fait , par les manœuvres hardies de
fon arc, fortir viéforieux de ce
conflit des élémens.
Il
repos
n’eft pas de longue durée. Les tempêtes
refpire pour quelques jours
rattendenc encore fur des latitudes
& combien de fois ne
,
mais fon
plus élevées;
retrouvera-t-il pas ces dan¬
gers? A peine fon courage , ce courage magna¬
nime qui ne l’abandonne
jamais, les aura furmontés qu’il rencontrera fur fa
route de nou¬
veaux
objets de frayeur.
,
Au cinquantième
de glace
parallelle, les premières îles
qui fe détachent du pôle commencent
à flotter fur la furface de la mer.
A deux
degrés
plus au fud, elles fe montrent en nombre pro¬
digieux & parmi elles on en voit qui par leur
élévation, relTemblent aux édifices de nos villes.
Autour de ces îles
flottantes, le danger eft le
même que fi l’on étoit
près de la tetre : le froid
perçant qu’on ■ endure, la neige,qui tombe en
,
( 45 )
flocons, les vagues qui s’élèvent jufqu’aux fommets
de ces mafles énormes, ajoutent encore au
trifte afpeél de ces lieux malheureux. Rien n’ar¬
rête Cook. « Ce fpeélacle, dit-il lui-même, fut
»
pour quelque tems agréable à nos yeux, mais
»
notre
»
reur
>3
»
»
»
efprit fe remplit d’épouvante & d’horpenfant aux dangers qui nous menaçoient ; car un vailTeau qui dériveroit du côté
du vent d’une de ces ifles lorfque les coups de
mer font fi hauts, feroit mis en
pièces dans un
inftant...... O intrépidité de l’homme! rien ne
en
fauroit donc vous abattre! Peut on encore con-
ferver les nobles flammes de la gloire dans ces
climats glacés ? Oui ; quand on fent les fublimes
tranfports de cette gloire féduifante, quand on
voit approcher la couronne triomphale , eft-il
rien alors d’impoffible ? Pénétré de ces grandes
idées, il pourfuit gaiement fa ,route jufqu’au
foixante feptieme degré de latitude fur lequel il
contourne en
partie cette zone terrible. Les beaux
jours de l’été régnent alors fur cette portion du
globe J mais ils n’offrent rien autre que des torrens de neige, des ifles, des plaines de
glace,
parmi lefquelles. fon vaiffeau fe trouve fouvent
engagé. Les voiles, les cordages font couverts de
glaçons j le froid rigoureux qui exerce en ceS'
( 40
lieux fou éternel empire, laiiïe échapper fes trifîesi
^
émanations dans les airs. Elevées eh brouillards
épais, elles dérobent la vue des écueils flottans j
Sc pour donner plus de vie à ce théâtre d’horreur,
la faifon des plaifirs y ramene des troupeaux de
baleines, qui viennent y jouer les fcènes tumiiltueufes de leurs amours. Quelle navigation ! Ôc ce
n’eft que le commencement de la tentative. Il
rétrograde au cinquantième parallèle pour re¬
tourner encore vers le cercle antarélique par des
longitudes différentes. Si dans cette fécondé re¬
cherche il lui faut fuppotter les mêmes peines j
quelquefois au moins des images nouvelles lui
font éprouver des feniimens confolateurs. Le
philofophe a des jouiffances par-tout. Ici l’aurore
àuftrale vient frapper fes regards pour la pre¬
mière fois : elle brille au milieu des nuits fans
obfcurité, déployant dans les cieux
toute
la
pompe de fes clartés radieufes. Tandis que fa
rivale embellit notre pôle des vives couleurs du
rubis celle-ci répand fur les conftellations méri¬
dionales le doux éclat & le bleu tendre du faphir.
Elle fclntille avec la rapidité dè l’éclair, & dans
fes
mouvemens
continuels fe brifant tantôt en
rayons, fe montrant tantôt fous des formes cir¬
culaires , elle préfente à fon
efprit obfervateur
) 47 )
les tableaux les plus dignes de fon admtrâtionr
Telles
voit les rofes fleurir qtieltjuefois au
on
fein des arides rochers j & le
voyageur agréable¬
furpris oublie à leur afpeét tout ce qu’il a
foufFert dans fa route pénible.
Ici la campagne eft finie': l’hiver
qui s’avance
à grands pas va fermer les hautes mers du cercle
polaire. Ceilt dix-fept jours écoulés dans des
fatigues qu’on ne peut exprimer-,' trois mille fix
ment
cent
lieues parcourues au milieu des brouillards
épais, parmi les mbnftres marins & les glaces
effroyables de ces parages profcrits ^ méritent bien
le repos qu’il va prendre à la nouvelle Zélande &
àTaïti. J’ai déjà parlé de ces terrespje
fupprime
le récit des nouvelles obfervations qu’il y fait, 3c
je me hâte de le fuivre vers les îles heureufes
dont Tafman
nous
a
laifle
une
charmante.
Riches & fécondes comme les
campagnes de
Middelburg , Amfterdam St Roter(i i), s’annoncent dans l’hémifphere auftral
la Sicile,
dam
defcription fi
par leurs collines couronnées de fuperbes forêts.
Les groffes mafles de leur verdure antique for¬
Gontrafte pittorefque avec
les planta¬
tions, les jardins, les ruifleaux qui divifent les
plaines. Ici comme fur toutes les îles où nos
ment
un
( 48 )
ufages deftruâéurs n’ont pas |iénétré, ^ terre
aime à fe montrer la nourrice de l’bomme. On
bord du rivage des cocotiers majeftueux, d’autres arbres fruitiers de différentes
efpeces balancer leurs rameaux fur fonde amere-.
y voit jufqu’au
L’heure de farrivée eft au lever de l’aurore, dont
la douce clarté répand de nouveaux charmes fur
des fîtes fi beaux. A cette vue gracieufe les cœurs
bon¬
dans les moindres
objets. Déjà les paifibles habitans de ces contrées
s’élancent dans léttrs pirogues, ils viennent abor¬
des Européens s’épanouiffenc, l’image du
heur fe reproduit pour eux
der les vaiffcàux avec confiance. Le regard plein
dC' bonté J le langage de l’amitié fur la bouche,
d’exprimer leur furprife par des
acclamations de joie. Ils donnent de toutes mains
des étoffes de diverfés couleurs, des outils de
nacre, des hameçons d’écaille, des pièces d’ajuf-
ils né ceffent
cement
ornées de plumes brillantes , travaillées
avec une
élégance qn’on ne furpafléroic pas en
Europe. Defcendus à terre, e’eft encore le liiême
accueil. On ne connut jamais un peuple auflt
carelfant que celui de ces îles : le moindre des
matelors fé trouve environné d’une foule d’amis
qui lut prodiguent leurs attentions. Lé Prince du
pays reçoit Cook
dans fes bras, le ferre fur Ion
fein
49
)
fein Comme un frere qu’.ii n’aiiroit pas vu depuis
longues années j & pour mettre le fceau à la ren*
drelfe, il change de nom avec lui ; ufage fingulier pour nous qui ne connoiffbns plus le charme
de l’heureufe fimplicité, mais qui fait éprouver
véritablement des fenfations délicieufes. Bientôt
les chants, les danfes, les jeux de la lutte, les
repréfentations dramatiques fe fuccédent, & les
repas agréables donnés dans un palais ruftique ou
fous l’ombrage des arbres odoriférans, achèvent
de porter le ravilfement
dans les âmes. Scènes
charmantes qui n’échapperoient pas aux pinceaux
des poëtes J fi ces enfans des Mufes pouvoient les
avoir fous les yeux! Tous les jours de la vie font
des jours heureux dans ces ifles où régné par ex-
cellénce la bonté du
cœur
humain, où les arts
font encore plus avancés qu’àTaïti même. Pé¬
nétré de reconnoilTance pour l’accueil généreux
qu’on lai fait , Cook les appelle les îles des
Amis, Grâces à
fes travaux, nous en avons les
notions les plus étendues.
Cependant le printems eft de retour dans les
climats tempérés de cet hémifphere Les jours
fans nuit reviennent éclairer les zones froides,
les glaces polaires permeitent d’entreprendre une
nouvelle campagne-
fur les hautes latitudes.
D
(
5°
)
L’ami des fciences ne perd pas de vue fon ou¬
vrage , il fe difpofe à pourfuivre de nouveau fes
recherches fur ces mers j dont les
devenus familiers.
dangers lui font
Remarquons dans cette multitude d’événela vie du marin eft
agitée, com¬
mens combien
bien elle relTemble au terrible élément contre
lequel il eft obligé fans cefte de lutter. Ses jours
font qu’un tiffu de trouble & de
difparates,
un enchaînement de
jouiflances paftageres & de
longues privations. Ne lui reprochons pas le foible encens de la gloire quand il fait fe montrer un
grand homme.
ne
Sous le ciel courroucé du foixante-fixieme
pa¬
rallèle, il femble cette fois que la mer fe plaît à
multiplier les dangers plus qu’elle n’avoit fait
encore. Les vents qui foufflant
toujours en tour¬
mente caufent fans
interruption un roulis incom¬
mode au vaifteau, les glaçons flottans qui le
heurtent, les courants qui le font dériver fur les
îles de glace qui marchent comme lui, ou qui fe
tournent fur elles-mêmes à fes côtés, les brouil¬
lards enfin qui cachent ces terribles écueils
que
fais-je? C’eft peut-être en ces lieux que la nature
veut arrêter les entreprifes audacieufes des mor¬
tels. Que n’en coutera t-il pas pour arriver juf,
( P )
qii’ici ? Fatigues inexprimables de ia manœuvré j
perplexités continuelles de l’efprit, intempérie
exceffiVe du froid
maladies violentes qu’il
caufe, longueur indéfinie du tems corruption
^
,
inévitable des aliments, tout efl: contraire à vos
efforts , c’eft-à-dire qu’il faut marcher continuel
lement d’obftâcles en obftacles pour avancer fans
relâche de dangers en dangers. Mon
imagination
épouvantée. Cook accablé lui-même de
maux, plus qu’aucun de fes compagnons,
.affoibli par un dégoût mortel de tout aliment,
tourmenté d’une maladie bilieufe
qui le réduit
plufieurs fois à toute extrémité prêt à fuccomen
eft
tant de
,
ber à la fin , ce même Cook , dont il faut ce¬
pendant admirer l’obninatiori, a réfolii d’épuîfer fes recherches jufqu’au lieu le plus reculé
qui lui foit pofiible d’atteindre. Arrêté quelt]uefois par des plaines glacées il
change de route
jufqu’à ce qu’il trouve des ouvertures qui le con,
duifent au-delà. Entouré fur d’aurtes
nombre infini de ces îles flotantes,
parages d’urt
qui, félon fes
propres expreflions, relfemblent aux débris d’uil
monde fracaffé, il perce néanmoins dans ce
dangereux labyrinthe. Plus loin il eft affiiili pat
des tempêtes les maîtrife avec fon
courage or¬
dinaire. Enfin, ces barrières
impénétrables du
,
Dz
C 5^ )
fud fixées par la nature au feptahte-unietne degré
de latitude l’arrêtent heureufement dans facourfe,
car
fans ces obftacles invincibles, il alloit pouiïer
julqu’au pôle.... C’en eft trop, mortel téméraire !
ç’en efl: trop j vous avez fait , il eft vrai y
tout ce
qu’il étoit donné au pouvoir humain de
faire
mais vos jours précieux au monde ont
couru
trop de dangers. Contemplez à préfent,
puifque vous avez pénétré jufqu’ici, contem¬
plez cet horrible féjour, ce chantier extraor¬
dinaire où fe préparent les grands travaux du
globe. Parcourez du regard ces glaces éternelles
qui voiis bloquent de l’orient à l’occident, qui,
,
toutes
enchaînées fur les différens méridiens de
s’élèvent par gradation jufqu’à l’axe
du mondé, & forment une coupole immenfe qui
cette zone
,
peut-être à la terre une figure (13) oblongue. Ces lieux ignorés jufqu’à ce jour n’avoient
jamais vu de mortels , & j’ofe prédire que
jamais ils n’en reverront 5 ce qui eft pou rvouS l’ef¬
donne
fet d’un courage admirable, feroit déformais une
folie pour les autres. C’eft ici l’inépuifable arce-
nal d'où fortent cés îles de glace que les vents
entraînent vers les latitudes moyennes : fondues
alors par
l’aétion du foleil, elles s’écoulent fous
la zone torride, pour y remplacer les évapora-
(55)
pieds des humains ne fauroient gravir ces
montagnes déglacé où font gar¬
dées les caufes premières des marées
(i 4) & de?
courans de la mer. Les oifeaux
voyageurs four
les feuls êtres vivans
auxquels il foit permis d’al-.,.
1er au-delà de ces bornes, & de s’élever
jufqiraa
point même du pôle.
Au récit que je viens de faire
aux images
effrayantes que l’on fe forme de cette terrible
navigation ne croiroit-on pas que les courfes
de ce fécond
voyage font ici terminées? Nous
le verrons
cependant retourner une troifieme fois,
fous ces climats
rigoureux & ce ne fera qu’après avoir vifitéles îles les plus éloignées qu’après avoir découvert de nouveaux Archipels j.
qu’il fe permettra le repos néceffaire à fes longues
tîons de l’Océan. Les
,
,
,
,
fatigues.
Une terre ifoléedans le vafteOcéan
l’île de
pacifique
Pâques découverte par Roggevin au
commencement
,,
,
de ce fiécle , eft le
premier lieu,
de relâche qu’il doit rencontrer. Il en eft à un
éloignement de mille lieues j, ce point decompafaire counoître la longueur des
routes
qui lui reften: à remplir..
Fertile pour les
fimples befoins de fîs haraifon pourra
bicans peu nombreux
(15), cette île offre â.
D J
/
'( 54 )’
la curifîoté des Savants , fes ftatues coloflales!
érigées à la mémoire des morts j mais le Navi¬
gateur qui la vifite aujourd’hui, n’y trouve qua
peu de reffources. Il yfait toutes les recherches
utiles & la quitte pour fe rendre aux Marquifes,
îles précieufes par la fertilité du fol , la beauté
du climat & l’aimable fimplicité de leurs peuples.
Tout ce qu’en avoit dit l’infortuné Mendana ,
qui les découvrit , eft confirmé par Cook. Il
Va de-là fe rafraîchir uns fécondé
fois aux
îles de la Société, ainfi qu’à celles des Amis.
Il s’y rend par des routes fur lefquelles il dé¬
couvre les trois îles de Pallifer
celle de Palmerftou
l’île Sauvage, où il efl: attaqué par
des hommes farouches
& un grand nombre
d’autres terres dont les peuples font affables &
humains comme ceux de l’heureufe Roterdam ^
,
,
,
,
qui les avoifine.
Deux années fe font écoulées jufqu’à préfenr.
les a pas fignalées, il n’y a pas moins de gloire d’avoir retrouvé
cellés des anciens Navigateurs, d’avoir redreffé
Si la grandeur des découvertes ne
leurs erreurs confirmé leurs rapports, & étendu
,
les connoiffances qu’ils nous en avoient données.
Sa navigation dans l’Archipel des nouvelles
brides , va procurer
Hé¬
des poireffions immenfsg
( 55 )
à la Géographie j ne nous
fuivre.
lafTons pas de Te'
Tranfportons-nous fur ce vafte efpace qui fe
rapproche des excrémités occidentales de l’océan
pacifique. Mefurons-en la partie fixée entre la
quatorzième & le vingc-quatrieme degré de
latitude auftrale, fur deux cents lieues de lon¬
gitude. Nous y verrons d’un feul coup-d’œil 5c
fans confufion , les
découvertes de l’infatigable
Navigateur. Là font fituées ces îles donc le
nombre eft fi prodigieux j
qu’il n’a pu les vifiter
auxquelles il n’a poin c irapofé de nom.
Ici nous découvrons les îles de l’Aurore, la
Pentecôte Ambryn Erronan, Annatan, Erramanga ; qu’il voie d’une maniéré plus étendue.
Là fe ( id) préfentent deux îles
plus confidérables qu’aucune de ces dernieres Mallicolo
toutes &
,
,
,
,
Tanna, donc les habicans fauvages & foupçon-
oppofenc de fi grands obfiàcles à fon
débarquement. Ici nous rencontrons la terre aufr
traie du Saint-Efpric , où Quiros aborda lé
pre¬
mier ; Cook la vifite en détail il en fait la reconnoiffance entière
ne trouve
qu’une île,
en ce lieu même, où le
Navigateur EfpagnoL
croyoit avoir trouvé une portion du fameux conneux
,
«nenc
auftral. Au fud de
ces
grouppes nom-»-
('
)
hiCLix, la nouvelle Calédonie agrandit le cercle
de fes découvertes. Moins fertile que les autres,
mais plus recommandable par la douceur de fes
peuples, elle donnera quelque jour des produits
précieux , s’il faut en croire les fignes de miné¬
raux
qui s’y manifeftent fur une chaîne de col¬
lines de plus de deux cents lieues de longueur.
Dans ce moment, au moins des avantages alTurés fe préfentent non loin de là fur l’île des
Pins, qu’il trouve entièrement couverte de ces
bois (i
rares
dans
ces
mers,
& néanmoins fi
des vailTeaux. Qu’a¬
Cette multitude
étonnante d’îles de toutes les grandeurs , ne
vaut-elle pas mieux qu’un Continent ,folt par le
nombre infini des ports qu’elles offrent au com-r
merce, foit par les principaux liens de la naviga¬
tion qu’elles promettent de conferver, foit par leur
prodigieufe végétation qui invite les nations kr
borieufes à venir y chercher une fubfiftance qu’elles ne trouvent plus autour de leurs anciens
foyers ? Que de tréfors acquis aux connoiffances
humaines ! Mais auffi combien n’a-t-il pas fallu
endurer de fatigues, & je ne puis encore m’ar¬
nécefiaires pour la mâture
vons nous
donc à regretter ?
rêter.
Cook voit bien que le but de fon expédition
( $7 )
n’eftpas entièrement rempli j que les recherches
ne
font pas
épuifées : oubliant dès-lors que les
chofesles plus nécelTaires & pour les provifions &
pour les agrès
de fon vailTeau vont bientôt lui
manquer^ il ofe entreprendre une
navigation labo-
rieufe en-dehors du détroit de Magellan, autour
du Cap Horn& de la terre des Etats. Il reconnoit
détail
avec
ces
dernieres côtes du Nouveau-
Monde, &fesobfervations n^y laifiTent plus rien
à defirer à l'art du Pilote. Il retourne de-là pour
une
troifieme fois dans les mers glacées du Sud j
c’eft à-dire dans celles qui appartiennent à l’O¬
céan atlantique ÿ & c’efl: ce
tour
qui doit achever le
du globe fur la plus affreufe de toutes les
zones.
Bravant de nouveau les tempêtes fur ces
conduit fur
parages malheureux, fa route le
une
terre aiïez grande , fituée fous le cinquante-quatrieme degré de latitude, & qu’il défigne par le
nom
de Nouvelle-Géorgie. Il n’y trouve d’autre
verdure que k moufle
qui perce à travers fes
neiges éternelles. A quelques degrés plus au Sud ,
il découvre la terre de Sandwich, les IflesdeSaun-
ders, de la Chandeleur, & enfin la Thulé auftraie derniete terre de notre planete (17), qui
,
montre
fon afpeét effrayant fous les puiflances
glacées du foixantieme parallèle.
'
c 5S )
Nous voici parvenus en ces lieux
où les Sciences doivent élever
remarquable^'
de nouveaux tro¬
phées à fa gloire. Nous y rencontrons la vérité que
nous
cherchions j& nous ne demandons
plus aux
Géographes de nous dire où fe trouve ce Conti¬
nent auftral
dont ils nous aflTuroient l’exiftence.
Pendant deux fois, fur les
pas de Cook, nous
avons achevé le tour de
la
terre; & ce Continent
qu’on nous repréfentoit infiniment plus étendu
que l’ancien monde
ne s’eft pas offert à nos
,
yeux.
tant
Où eft-il ? Où font
de
ces
merveilles , que
Savans, que les efprits même les plus
diftingués eurent la foiblelTe de fe promettre?
Tout cela n’exiftoic
que dans leur imagination^
puifque nous n’àvons trouvé que des mers fur ces
mêmes parages
qu’ils avoient défignés pour une
terre immenfe.
Que diront à-préfent ces hommes
préfomptueuxJ qui, loin de reconnoître combien
leur fa voir eft borné
parlent de tout, expliquent
,
tout, fans avoir rien vu ? Que diront-ils ? oferontils encore créer des
fyftêmes ?
tira tôt ou tard.
La grande
L’expérience les
queftion de la Géographie eft à-pré¬
fent réfolue. Tout eft mer fur les hautes
de l’hémifphere
latitudes
auftral, & les Sciences
n’ont
plus rien à y remarquer. Les limites du gl«be
( 59 )
font connues ; la ligne de démarcation des terres
habitables eft tracée; &
de nombreufes décou¬
préfentent de nouvelles reffburces au com¬
c’eft ce qui réfulte de ces deux voyages
qui ont coûté fix années de travaux. Je n’en ai
rapporté que les principaux faits ; mais j’eûai
dit afifez pour épouvanter les âmes les plus in¬
trépides.
vertes
merce ;
Plût à Dieu ,
qu'obligé de terminer ici la
entreprifes de ce grand homme,
il ne me reftât plus qu’à le repréfenrer dans fa
patrie , jouilfant de rous les tréfors de la fanté ,
de l’eftime générale , & des honneurs qui lui
font dûs! Sa gloire en feroit-elle diminuée, quand
je n’aurois pas à fournir le récit d’une nouvelle
expédition ? Hélas ! quelle puiflance pourroic
empêcher un torrenr de couler vers la pente qui
l’entraîne? Comment pourroit-on arrêter ce mor¬
tel généreux, livré tout entier aux nobles im-
narration des
pulfions de fon cœur f
SECONDE
PARTIE.
qui me trouble & me fait
naître des réflexions défefpérantes fur cette fata¬
lité cruelle, qui femble s’attacher à la deftinée
11 en eft un fur-tout
(
Héros, comme s’il étoic dans l’ordre de®
chofes que les
plus grandes qualités, les plus
Jes
^
éminentes vertus, düflTent
toujours être fuivies
ides plus grandes difgraces ou d’une
maturée. Voyez les défenfeurs de la
tombent fur le
mort
champ de bataille j comme les
feuilles de l’autonmej ils meurent fans
fruits de leurs
pré¬
Patrie , qui
cueillir les
exploits. Voyez le vertueux Epic-
tete5 digne d’un trône,il coule fes
reux dans
jours malheu¬
l’ignominie de l’efclavage ,en proie aux
caprices d’un maître barbare, qui le tourmente
par des tortures inouies, fans
que fon inalté¬
rable douceur fe
permette une feule plainte»
Voyez l’immortel Colomb devenu la viétime
de la calomnie
,
j
Colomb
Nouveau-Monde
,
à qui nous devons
le dirai-je?.... Oui, à
la honte éternelle de fon
fiecle
il ne trouve
tin
J
pour récompenfe que
,
des fers & des chagrins
qui le conduifent au tombeau. Je me
garde
d’ouvrir les annales des nations
j de combien
d’illuftres viétimes n’aurions-nous
pas à déplorer
la deftinée ? Et n’elt-ce
pas même encore ce qui
arrive tous les jours ? Ne
voyons-nous pas lan¬
guir dans l’oubli, mourir dans l’indigence ceux
qui ont le plus contribué à perfeétionner les
arts, ceux qui ont fait jaillir de nouvelles
fource?
,
t
)
qui , fans eux , nous feroienr en¬
core inconnues ? Je ne veux
pas dire pour cela
que Cook eût jamais à craindre l’ingratitude dé
fa Patrie j mais ne favoit-il pas que la fortune
malheureufe pouvoir lui porrer d’autres coups?
Combien de fcenes de naufrages ne revenoienrelles pas dans fon fouvenir ? Combien d^affreufes
cataftrophes l’hiftoire des grandes navigations
ne lui
préfentoit-elle pas ? Il favoit bien que
le célébré Magellan périt dans le cours de la
mémorable entreprife atteint d’un javelot empoifonné j il favoit bien que l’infortuné Men:dana, pourfuivi par un deftin aufli funelle , ter¬
■de richeffes j
,
mina comme lui fa carrière fur le théâtre de
fes travaux^ il favoit bien que Willougby finit
fes jours au milieu des glaces polaires, où fon
vailTeau refta malheureufement engagé ;
il fa-
voit bien que Behring mourut dans les horreurs
de la faim ,
de la mifere & des fatigues fat
qui ne lui offrit qu’un fein frappé
il favoit bien enfin que Hudfon
fut afTaffiné par fes propres Matelots ; que la
Salle Ile revint plus de fes recherches labôrieufes
fur le MifTifiipi; que Hall fut percé de la main
d’un Sauvage; que François Drack , plus maiheureux qu’eux tous, périt d’un genre de mort
l’îie inhabitée,
de ftérilité j
(
qu’on ne peut fe figurer fans frémir, lorfqüa
defcendu fur une île déferre il fut allailli
par
des millions de Crabes
qui le dévorèrent
j
vivant,
fes armes & fon courage eufienr pu
lui fervir pour fe fauver.
Quels exemples (18)! inffans que
truit à l’école du malheur
par la trille fin de ces
Navigateurs fameux
lui-même
,
par les dangers qu’il avoir
falloit-il qufil entreprît un
troifieme voyage ?.... N’en
foyons pas furpris ;
celui qui ne craint
pas la mort ell toujours aucourus
,
delTus des événemens,
quelque périlleux qu’ils
puilTent fe montrer à fa penfée.
Cook doit, en
quelque forte ,|croifer cette fois
le globe d’un
pôle à l’autre, & fur toutes fes
longitudes. Faifons encore un effort pour le fuivre.
Nous touchons aux derniers
prodiges de la na¬
vigation, Quand une fois il aura tracé toutes les
routes,
comme
rien déformais ne pourra plus être cité
prodige fur les mers éloignées.
A peine quelques mois fe font écoulés
fon
depuis
départ J que le flambeau de la guerre s’al¬
lume entre fa Patrie & la mienne. Ce ne
feront
pas les François qui traiteront en ennemi le Na¬
vigateur Philofophe. Louis XVI a connu tout
le prix de fes fublimes
à faire foa
travaux, il eft le premier
éloge j en ordonnant à rbus les Ga-
( ^3 )
pitaines de fa marine de l’accueillir avec hon*
neur, de refpedter fes vaiffeaux
de pourvoir
à tous fes befoins
par-tout où le hafard pourroic
le faire rencontrer tant il eftvrai que les
grands
hommes font Citoyens de tous les pays, &
que
la guerre elle - même fufpend devant eux fes
_
_
,
,
j
fureurs.
Depuis plus de deux ficelés les nations de
l’Europe cherchoient à abréger les longueurs de
.la navigation des Indes. L’efpoir flatteur d’y réuflîr,
leur faifoit foupçonner au nord l’exiftence d’un
lieu de communication entre l’océan
atlantique,
& la mer
Pacifique : on s’y trompa. Des ex¬
péditions nombreufes furent faites en divers
,
tems furies
côtes orientalesduNouveau-Monde;
Nous connoilTons
les réfultats malheureux de
la plupart de ces tentatives ; nous favons
qu’elles
furent toutes fans fuccès. Il reftoit à vérifier fl
nord-oueft n’ofFrlroit pas ce détroit ,
foit dans le fond des bayes, foit au-dehors des
la partie
côtes
,
& c’efl; le but
pédition.
Je ne retracerai plus
principal de cette ex¬
les images effrayantes
de la mer courroucée , je ne dirai
plus rien de
la longueur des routes j telles font les loix de
notre
foible éloquence , qu’elles nous défendent
( ^4 )
le retout des memes objets, la vérité dût-ella
en être afFoiblie. Je me contenterai de dire fim*
plement , que jamais les tempêtes n’avoient
été fi confiantes qu’a lors. Elles le fuivent de¬
puis le Cap de Bonne-Efpérance , jufqu’au cin¬
quantième degré de latitude aufirale , où il va
reconnoître quelques îles arides nouvellement
découvertes par des François, & de-là jufqu'’aux
différentes relâches qu’il fait fur toute l’étendue
de l’océan Pacifique. C’efi en un mot au milieu
des dangers dont il fut tant de fois le rendre
maître qu’il vifite de nouveau la terre de Vandiemen la nouvelle Zélande, Taïti, toutes les
îles de la Société & les îles des Amis, qui de¬
viennent cette fois un immenfe Archipel par la
découverte de plus de foixante îles. Les jours
de repos qu’il pafle fur ces terres nouvelles font
peut-être les jours les plus beaux de fa vie ,
tant l’image qu’on nous en a tranfmife eft fédui,
,
regretables pour nous, qui
femblables que par le fecours de l’imagination , lorfqu’elle nous tranfporte dans les bofquets de l’Arcadie , ou fous les
fante. Jours trop
n’en connoiffons de
riants berceaux de la
vallée de Tempé.
L’île de Noël, terre inhabitée qui fe trouve
encore
dans la virginité
de la nature, eft pa¬
reillement
( <^5
\
reiileinent une nouvelle clécouvert-e fous le fé¬
parallèle de riiémifphere fepuentrional j
découve'rre plus importante l’attend
fous le vingtième degré de latitude j c’eft ce
groupe ifolé qu’il appelle les îles de Sandwich.
Elles lui préfenteiK fur ces parages un terme de
relâche commode pour la campagne pénible qu’il
cond
mais
va
une
faire dans les climats élevés
cendu fur ces terres, on
au
nord. Def-
l’accueille avec cette
bienveillance qu'aillears on lui témoigna fi fou.
vent.
II retrouve au milieu d’un peuple doux &
généreux les memes mœurs , les mêmes tilages
à-peu-près qu’à Taïti , la crvilifation en efl:
auffi avancée
rien , ôc
,
la fertilité du fol ne lui cede en
les jeunes beautés parées de plumes &
peut-être ici plus féduifantes en¬
tant la nature imprima fur leurs traits les
de Beurs font
core ,
charmes ineffables de l’innocence. C’efl:
tout ce
que je me permets de dire fur ces îles célébrés. Je
n’aurai bientôt que trop à en parler de nouveau.
Voyons-le s'approcher de ces côtes que la
navigation n’a pas encore reconnues. Vidorieux
des obftacles jufqu’à la fin , il en fuit toutes les
finuofités, il vifue tous les golfes, pénétré bien
avant
dans l’intérieur des
terres , en remontant
par l’embouchure des fleuves, 3c fait defréquenE
(66)
relâches, Toit pour ie radoub de fes vaiffeauxj foit pour fe procurer des provihons, foit
pour recoiinoîcre les peuples : par-tour leur ami¬
tié défintérelTée
s’emprefle de Pacciieillir. Ils s’ap¬
prochent avec confiance dès qu’ils s’apperçoivent
qu'on ne vient pas en ennemi. Ils chargent
fes chaloupes du produit de leurs
chafles, & de
leurs pêches , de leurs
ptovifions d'huiles de
vêtemens commodes & de fourrures
précieufes.
Ils exercent fes
équipages à imiter les cris des
tes
,
,
bêtes fauves & à les chaffer fous les déouifemens
O.
d’un mafque qui les trompe. Ils ne leur font
pas
myftere de leurs méthodes admirables pour
attirer le poiîToii & pour faire des
pêches abon¬
dantes j en un mot c’eft
parmi ces hommes
fimples qu’on voit éclater la bonté du cœur hu¬
mi
,
main j & nous
ofons les appeller fauvages ,
parce que plus près de la nature que les nations
polies, ils n’ont d’autres arts que ceux de leurs
premiers befoins
Ils valent mieux que nous
avec notre vernis de
politelTe & notre luxe infolent fous
lefquels nous mafquons l’infâme
égoïfme qui nous avilit à nos propres regards.
Ajoutons cette vérité humiliante darts nos pré¬
ceptes de morale, faifons taire notre orgueil,
& nous nous cacherons de honte.
Mais
(
)
dérangeons pas l’enchaînement de
ne
Cook dans
fes ïeckerches multipliées fur ces côtes ne ren¬
contre
pas le détroit qui en fait l’objet princi¬
pal il en eft confolé par des obfervations intérelTantes fur des mœurs & des produélions qui
nous croient jufqu’alors inconnues. 11 va de là
braver de nouveau routes les rigueurs du froid
aux
approches du pôle. Il s’y rend par ce fa¬
meux détroit du nord où Behring aborda le premierj&cùfe féparenc les deux grands continens
du globe. A l’orient font les dernieres terres de
l’Amérique où les hommes jufqu’à préfent n’onc
eu d’autre maître que la bonne nature. A l’oc¬
idées
nos
,
revenons à notre fiijet. Si
,
qui font en
même tems celles du vafte' empire de Catherine
fécondé dont la fage prévoyance s’étend égale¬
ment fur ceux qui environnent la majefté de
fon trône
comme fur le pauvre fauvage qui
cident font les limites de l’Afie,
,
,
habite ces lieux glacés. Il vifice routes ces côtes
fur les deux continens, & il
s’avance en mec
jufqu’à ce qu’ayant atteint le feptanteunième degré de latitude , il fe trouve arrêcé
ouverte
pat les glaces. Il en eft au même point de celles
qui bornèrent fes courfes vers l’autre pôle. Ici
elles le hâtent de fermer le paffage à la navigaE Z
()
tioii, ca-iidis qu’à quelques degrés plus à 1 eft
fur l’océan Aclautique , elles permettent à nos
vailTeaux baldniers de s’élever jufqu’au quatrevingtieme parallèle. En ces lieux d’abandon la
faim cruelle qui le pourfuit le force de defcendre fur les plaines glacées pour y chalfer les ours
marins. Mais cette chaiTe, quelque abondante
qu’elle foit ne lui fournit qu’un aliment déteftable, plus dégoûtant cent fois que les viandes
pourries des vieilles provilions. Eprouva-t on ja¬
mais des peines 11 cruelles
Ah ! c’eft à ce
prix qu’on s’acquiert un nom immortel, & non
pas au fein des plaifirs parmi des nymphes fé,
duifantes
à la table des Lucullus & fur le.
duvet de l lflande
ou fe perd l’enthoufiafme
des belles adions
où s’éteint l’énergie de la
,
j
,
vertu.
Tel efl: le tableau de cette expédition
dont le
hut eft parfaitement rempli. Toujours égal à lui-
même ,
l’admirable pilote qui la conduifoit s’eft
montré ferme &'inébranlable dans le
comme
péril,
le rocher battu des vagues orageufes :
fage & irréprochable au féjour de la volupté ;
comme un être au-defllis des foibleffes humaines;
fenfible & généreux envers les nations fimples
(19), comme un bon pere de famille envers les
1^9)
chers objets de la cendreffe: tel , je puis dire ,
qu’une divinité tutélaire qui diftribue l'es dons
palfage , il a répanda
fut tous les Archipels de l’océaiT Pacifique nos
inftrumens de labourage , nos végétaux les plus
nourriciers, nos-animaux domeftiqnes les plus
fur tous les lieux de fon
utiles, & les principes de nos arts les plus né-
celTaires. La bienfaifance n’a pas befoin
de re^
garder aux liens du fang pour tendre une main
fecourableaux foibles mortels, quels qu’ilsfoienr.
Si en quelque lieu
qu’ils habitent , elle fait bien
leur faire part de fes tréfors. Tel encore
que ces
fages de l’antiquité qui ne revenoient jamais
de leurs courfes lointaines fans avoir
acquis de
,
nouvelles lumières
tes celles
,
il
nous
enrichit de rou¬
qui tendent à perfeâionner la naviga¬
tion , & à nous faire connoître ^ordonnance de
notre
demeure. Voilà fes bienfaits,
fes travaux,
qui n’appartiennent qu a lui feul & fi je rapportois tout ce qu’il a fait de concert avec les
favans coopérateurs qui l’accompagnoieiït, que
h’aurois-je pas à dire de fa maniéré fûre de voir
en toutes chofes, &
principalement de ce genre
de recherches dont on ne s’étoit jamais
occupé t
je veux parler de ces recherches comparatives fuc
,
E J
( 7° )
J’analogie des mœurs, fur l’affinité de langage
de tant de peuples établis à des diftances inimenfes les uns des autres; travail précieux qui,
raprochant les reiîemblances des langues princi¬
pales avec celle de Taïti qu’on parle jufqu’à un
éloignement de quatorze cents lieues, Jious con¬
duit au foyer primitif ; c’ed-à-dire qu’en réuniffant de la forte fous le même point de vue les
différens peuples de l’océan Indien & de la mer
du Sud, depuis la côte orientale d’Afrique, jufqu’aux îles voilines des côtes occidentales de
l’Amérique , il nous fait reconnoître leur fource
originaire chez la nation Malaife, dont les migra¬
tions fur l’un & l’autre hémifphere embraffient
les deux tiers du globe , & peuvent la faire re¬
garder comme la nation Phgenicienne du monde
oriental.
Fixons notre attention fur cette marche, éton»
nante
des événemens. Cook eft fufcité par fon
prince, il lui confie un plan d’opérations vafte
& fublime fans doute, mais qui paroît circonfctit à de certaines limites. Infenfiblement une
découverte le conduit d d’antres découvertes, &
non-feulement il remplit fon objet, mais il rappone encore cent fois au-delà de ce qu’on ofoit
efpérer. Notions fatisfaifantes fur les mœurs des
( 71 )
peuples J notions lumineufes fur les migrations
(20} dont l’hiftoire ne fe lioit plus à la nôtre depuis les terns
anciens ; c’eft ce que nous ne croyions pas ac¬
quérir : quant au paflage du nord par la baye de
Baffin ou par celle d’Hudfon il nous démontre
qu’il n’exifte pas ; mais au lieu de ces vaftes
mers
que nous fuppofions il nous découvre des
d’une moitié du genre humain
,
,
’
habitées, il nous fait connoître de nou¬
produélions. Un feul doute lui refte
c’efl: fi les glaces voifines du pôle admettent
un
pafiage par lequel on puifiTe fe rendre dans
la mer du Groenland & il fe réferve pour une
campagne prochaine le projet de le vérilier. Dans
ce moment il fe
difpofe à retourner vers un cli¬
mat
plus doux , ou fes befoins & fa deftinée
terres
velles
,
l’appellent.
qu’une puilTance invifible veut
l’empêcher de defcendre fur Owihée la princi¬
pale des îles de Sandwich. Telle eft en effet la,
fingularicé de cet événement, que lors même
qu’il touche au rivage , que les peuples tranfporOn
diroit
,
tés d’amitié-lui tendent les bras, le tems fe change
tout-à-coup,, les vents en fureur le pouffent au
large la houle qui leux fuccede comme les cou¬
rants qui varient leurs diredions , fe réunilfenc
Ë ^
( 7i )
pour l’éloiguer de la terre j & qiv’il ne vient i
bouc de la rejoindre qii'après avoir battu la mer
pendant quarante cinq jours
maîcrifer.
,
fans avoir pu la
L’emprelTement généreux des naturels du pays
éclate alors. Le fils du Roi , prince d’un carac¬
tère
doux &
avec
des provifions bien précieufes dans ces mo-
prévenant
,
arrive à fes vaiffeaux
pour des hommes épuifcs
Il lui annonce l’abfence de fon
mens
de foufFrances.
pere occupé d’une
expédition de guerre fur une île voifine j il le
conduit à terre & lui affigne lui-même un lieu
propre pour le radoub des vailfeaux. Tous fes
fujets fe montrent jaloux de féconder l’afîeélion
du jeune prince j ils aident volontairement au
tranfporc des agrès , ils offrent leurs maifons
aux malades
& pour me fervir des mêmes expreffions donc on s’eft fervi dans la relation du
voyage, jamais peuple n’exerça riiofpitalicé d’une
j
j
maniéré fi défincéreffée &
avec
tant
de grâces.
Cook de fon côté n’oublioit rien pour
correfpondre à tant de témoignages d’amitié. Les careffes & les préfens qu’il leur
prodiguoic l’actencion qu’il avoir à leur faire donner cous les
amafemens qui pouvoient exciter leur furprife,
la difcipline & le bon ordre
qu’il faifoit obfer,
( 73 )
ver
à fes matelots j l’exaditade avec laquelle
il
faifoic punir ceux qui pouvoienc fe rendre cou¬
pables d’ingratitude envers ces bons infulaires ,
tant
de preuves réunies de
reconnoiflances &c d’é¬
quité achevèrent de le faire regarder comme un
homme infiniment fupérieur aux autres, & par
fes qualités perfonnelles , & par l’étendue de fou
pouvoir.
Le Roi de retour de fon expédition paroîc fur
le rivage, fuivi de fon armée triomphante. Au
milieu de fa flote on diftingue fa pirogue qui
porte les divinités protectrices j il fait défiler fes
guerriers vers le temple où chacun dépofe fes
armes, & il vient enfuite aux vailTeaux. Il s’ap¬
proche du chef, lui préfente les meilleures produétions de l’île, Sc après lui avoir exprimé tout
ce
que fon cœur éprouve d’affeétion , il fe profterne à fes
pieds ainfi que tous les fujets de fa
fuite. Pénétré de reconnoilTance, Cook ne man¬
des
témoignages éclatans. Le bon prince le reçoit
que pas le lendemain d’aller lui en donner
avec
de nouvelles marques d’eftime ,il fait pré¬
l’hqfpitalité
le
parer pour lui le feftin de
, &
fait afleoir à la place d’honneur. C’elt là qu’après
lui avoir parlé de tout ce que peuvent lui
fug-
géter fon amitié & fa curiofité, il le révet d’un
( 74 )
manteau
magnifique donc on pâte aux jours fo»
lemnels la grande divinité du
de feuillages , &
pays, il
le cou¬
le conduit en triomphe^
jufqu’au temple, aux acclamations de fon peu¬
ple. Un Pontife vénérable le reçoit dans le parvis
ronne
facré & lui adrelTe une
harangue qui, par le
majeftueux donc elle eft prononcée étonne
l’aflemblée augufte qui l’écoute. Alors le
ton
,
nant
pre¬
par la main ^ il le fait placer fur l’autel ,
& fe livrant au fentiment
religieux qui le tranf-
porce , il lui rend les honneurs divins. Eh ! ne
penfez pas que oe fage connût le fens de la cé¬
rémonie dont il écoic
l’objet, ou qu’il s’y prêtât
avec
quelque complaifance fecrece. Qui plus que
lui fut ennemi de l’oftentation ? Il ne
voyoit dans
cette
fête que des
marques de déférence j
honneurs politiques
des
auxquels il croyoir ne pou¬
voir décemment fe dérober
& fon cœur fouffroit dans les plus beaux momens de fon
,
triomphe.
Soyez notre génie tutelaire, lui dit le Roi
dans un hymne qu’il entonne à fa
SUR NOUS ,
PLE VOUS
gloire. Regnez
ADMIRABLE ETRANGER !.... CE TEM¬
APPARTIENDRA
n’aura d’autre
NOTRE
GRANDE
GÉNIE
MAITRE
DESORMAIS, ET
QUE
TUTELAIRE
DIVINITÉ..... Et le
IL
VOUS.
SoYEZ
SoYEZ
NOTRE
peuple ptofterné
( 75 )
Roi, répétoic en cœur ces paroles
(aijfacrées. Témoins des honneurs fuprèmes
qu’on rend à leur commandant, les équipages
des deux vailfeaux entraînés par les preftiges de
leur étonnement
fe mêlant aux acclamations
comme fon
j
générales , partagent tous les tranfports des infuenfuite avec la même folemnité on fe profterne fur fon paflage j enfin
ce beau jour eft terminé par des chants de réjouilfance , des fêtes dramatiques , 6c ces hon¬
neurs ne font- plus interrompus jufqu’au mo¬
laires. On le ramene
,
ment
de fon départ.
Ce jour arrive: les
malades font rétablis , les
vailfeaux font radoubés ^ 6c les provifions embar¬
quées. Il faut partir ; on diroit que cette féparation eft devenue une calamité pour l’île entière.
Les habitans rendus en foule fur le rivage fixent
triftement leurs regards fur les vailfeaux qui s’é¬
loignent. Les femmes fe lamentent, les enfans
dans les pleurs remplilfent l’air de leurs gémilfemens. Ils appellent, ils redemandent le mortel
qu’ils adorent, ils fembîent lui faire un reproche
de ce qu’il abandonne les autels qu’ils lui ont
élevés. Cependant le rems change , le vent con¬
traire fe m.t ^ une tempête àîFreufe
l’arrête dans
de
fa route, & bientôt on fe croit fort heureux
(,
3
pouvoir regagner le porc. On ne peut
exprimer
la joie,que caufa ce retour
parmi les infulaires.
Mais, hélas! qu’elle fut de courte durée &
que
,
,
leurs
difpofitions hofpitalieres furent bientôt
changées! Deux jours fe font à peine écoulés,
que le fentiment de la haine fuccede à celui
de
la plus douce amitié.
Quel en eft le fujec?
çonneroient-ils quelque perfidie de la
Soup-
parc de ces.
étrangers qui reviennent chez eux pour la croifie me fois (2.1)? Penferoient-ils
roucé les pourfuit fur les mers
que le ciel cour¬
pour les punir de
quelque-crime?Verroient-ils en eux des hommes
infatiables qui ne faurolent fe contenter de
les biens
cous
qu’on leur prodigue ? C’eft ce qu’on n’a
pu pénétrer, & ce qu’on ne fauroit
comprendre.
Quoiqu’il en foit, la communication eft inter¬
rompue, l’indifférence eft peinte fur tous les vifages J on s’apperçoic de quelques préparatifs fur
un coteau voifin du
mouillage j des pirogues ar¬
mées viennent
par fois faire le tour des vaiffeaux;
on
reconnoîr des
fignes non équivoques de mé¬
chantes difpofitions j on entend les
ler confufément d’une
commet
femmes par¬
attaque prochaine j
on
plufieurs vols la chaloupe eft enlevée ^
,
les menaces font réitérées; on
infulte avec au¬
dace & les chofes en font à un tel
,
point, que
( 77 )
pour ne pas en venir à de fâcheufes extrémités,
Cook eft obligé de defcendre à terre avec une
O
efcorte de sûreté, pour demander au Roi de faire
ceflér des violences fi
avec
peu méritées. On le reçoit
refpect , mais non fans la plus grande
finit par pro-
réferve. R expofe fes plaintes, &
pofer au Roi de vouloir bien fe rendre à bord de
fon vaifleau, afin que fa
préfence pût en impofer
aux féditieux
propofition fatale bc peut-être un
peu trop hafardée! Le Roi confient à fa demande,
il le fuit; mais à peine eft-il arrivé fur le
rivage,
que fes guerriers lèvent les armes. On nous enleve notre Roi, s’écrient-ils, & dans le même
inftant ils attaquent avec fureur. Une nuée de
fléchés, de pierres & de javelots, tombe fur la
garde de Cook. Il voit périr quelques-uns de fes
:
foldats dans la mêlée,les autres font un feu con¬
tinuel de leurs armes, lui-même eft
obligé de fe
défendre tant il eft prefle par la foule; & tandis
qu’il couche en joue un malheureux quivenoit
dre fur lui, puis-je' le dire fans frémir?
Ah!
que n’étois-je au milieu de cet affreux tumulte!
que n’étois-je à côté de ce grand homme! In¬
différent pour une vie qu’un rien peut me ravir,
mon cœur ne fe feroit
pas démenti dans cette
occafion : mon ardente amitié m’aiiroit donné
( ys )
des aîles, elle auroic développé en moi des forces
qui me font inconnues, routes les facultés de
mon ame auroient palTé dans mon défefpoir j &
j’en fuis sûr, ou j’aurois arrêté le bras déjà levé
fur une tête fi chere ou j’aurois reçu moi même
le coiip funefte, ou peut-être qu’entraîné par la
force de mes paroles vidlorieufes, ralTaflin fetoic
tombé repentant à fes pieds
Arrête-toi, me
ferois-je écrié, arrête-toi barbare! Où. vas-tu?
Quel cft ton delFein ? Quelle fureur infenfée
t’agite? Ne reconnois-tu pa^s le héros que tu vas
frapper ? C’eft ton ami, c’eft l’ami de tous les
humains, tu jettois n’agueres des fleurs fur fon
paûTage, tu te profternois devant lui, regarde
& fâche qu’il vécut pour faire du bien
Seroitce toi
qui couperois la trame d’une fi belle vie ?
j
Ne fais-tu pas que tes propres enfans le
roienr
comme
on
pleiire-
le pleureroit par-tout ou la
reçoit encore des hommages? Quitte ces.
vertu
armes
odieufes : laiflè-les tomber de
ta
main.
Nous allons nous féparer j ne fouille pas au der¬
nier moment les nœuds de la fainte amitié qui
nous lie
rivée
j
Inutiles regrets! l’heure fatale eft ar¬
les décrets éternels font prononcés, ils
font irrévocables. Le fauvage guerrier l’approche
par derrière, s’élance en agitant fa terrible maf-
( 79 )
fue, & le frappe du coup mortel. II tombe le
vifage contre terre, & le crâne fracafle^ on lui
plonge un large couteau dans les reins & il
^
refte fans mouvement. C’eft en fait! il eft tombé
pour ne plus fe relever, il a fermé les yeux à la
lumière, & l’Angleterre ne le reverra plus. Envi¬
ronné d’ombres funèbres,Cook eft defcenduchez
les morts, & le
quatorzième jour de février de
l’an mil fept cent foixante-dix-neiif, a été le der¬
nier de fes jours
Jour funefte ! jour trop funefte qui s’eft confondu dans l’abîme des deftinées malheureufes !
la vertu!
Amis! très-chers amis de
repréfentez-vous cette fcene de défolarepréfentez - vous le corps pâle & fanglant de ce mortel refpeélable, enlevé malgré le
carnage d’une vengeance légitime, entraîné dans
l’obfcurité des bois, dépecé
par morceaux, &
dévoré par fes meurtriers dans un feftin de réjouiftance. Repréfentez-vous la cérémonie attendrilTante de quelques uns de ces infulaires,
qui
n’ayant point eu de part au crime de fa mort,
portèrent pieufement aux vaifteaux fes triftes
reftes enveloppés dans des étoffes.
Repréfentezrion ;
vous
la douleur & la confternation de fes com¬
pagnons de voyage quand ils reçurent ces mânes
plaintives, & qu’ils leur rendirent les devoirs de
rivage. Oh ! que ces circonf-
la fépuîture fur le
( 8® )
déplorables coiuraftent cruellement avec
les témoignages de tendrelTe & l’accueil glorieux
qui l’attendoient parmi les fiens. Plus fortunés
que lui, fes compagnons reverront la terre na¬
tale
Eh! quand ils en approcheront, que le
parfum des campagnes arrivera jufqu’à eux fur
l’aîle des zéphirs, que le chant des oifeaux frap¬
pera leurs oreilles, qu’ils verront fe développer
peu à peu les édifices majeftueux, les toits de
leurs foyers J les objets du rivage, un peuple
nombreux qui s’emprelTera pour les voir arriver,
leurs parens raffemblés & leurs amis qui leur
tendront les bras : hélas ! ces émotions délicieufes, qui dans ces momens careflent le cœur
avec tant de volupté, ces émotions fi douces ne
feront plus faites pour lui. Non, il ne les reverra
plus ces objets enchanteurs Encore fi fa mort
avoir été naturelle, fa famille défolée pourroit
trouver quelque moment de calme à fa douleur,
tances
mais il a été mafiacré
Ainfi finit fa brillante carrière le plus hardi,
le plus entreprenant
de tous les navigateurs _> le
fage, l’immortel Cook, l’honneur de l’Angleterrcj qui fe glorifiera éternellement de lui avoir
plus mê¬
^excellence de fon ame que par l’étendue
donné le jour. Il fut grand en tout, &
me par
de
due de
( Sï )
Tes travaux. Si fon nom vient dllluftrer
les annales de la navigation, fi en ouvrant les
tables immortelles de fes voyages vous êtes ef¬
frayé du nombre prodigieux de routes qu’il a
faites, fuivez toutes les circonftances des cvénemenSj vous verrez briller par-tout la fenfibilité
de fon cœur généreux. Avec quelles follicitudes
ne veilla-t-il
pas fur la fanté de fes matelots?
Avec quelle tendreffe n’aima-t-il pas ces bons
Taïriens, qui s’embarquèrent avec lui à chaque
époque de fes relâches! Quelle douleur ne lui
caufa pas la fin malheureufe du fage & religieux
Tupia? Quelle bonté paternelle n’eut-il pas pour
le jeune CEdidée & le foible Omaï? De quelles
larmes n’honora-t-il pas la mémoire du bon
Roi Orée lorfqu’il apprit à Hüaheïne la mort
de ce vénérable vieillard pour lequel il confervoit l’amitié la plus tendre ? Et nonobftant cette
bonté de caraétere, quelle
fagefle dans fes
mœurs! quelle régularité dans fa conduite ! L’auftérité de fes principes étoit empreinte fur tous
les traits de fon vifage, elle éclatoit dans cet
air noble & réfléchi qui lui concilioit le
refpeél
dès la première fois qu’on le voyoit. Mais n’eût-il
pas été doué de tant de belles qualités, il méri-»
teroic nos éloges quand il n’auroit
reçu de la
,
S
t ♦
I»
■( Si )
efprit obfervateur auque! nous
ouvrage précieux l’ur ia fanté des
gens^e mer, fruit d’une longue expérience qui lui
valut la couronne Académique de fa patrie (i j).
A ces titres nous pouvons dire qu’il a fourni fa
carrière avec cette intrépidité d’âme, avec cette
étendue de génie qui caraélérifent tout à la fois
& l’habile navigateur & le vrai philofophe. 11 a
lailTé des traces de fa gloire fur tous les points
du globe : oïl ne pourra déformais faire un pas
fur les mers éloignées fans qu’on fe dife, Cook
nature
que cet
devons
cet
détermina la fituation de ces lieux, Cook tra-
verfa ces parages , Cook vifita ces contrées. Déjà
les
peuples reconnoilTans de la mer pacifique
bénilTenf fa mémoire eri apprenant à leurs en-,
fans que ce fut lui qui augmenta les reffources
de leur fiibfiftance. Ses équipages, dont il étoit le
pere, la bénilfent encore; & quand un jour les
marins de toutes les nations auront adopte fes
méthodes pour prévenir les maladies delà mer,
ils la béniront à leur
tour.
Tel a été ce digne
Aiigiois, telle a été la trempe de fon âme, qu’il
îit' confifter fon bonheur à travailler pour le bon¬
heur de fes femblabies, & qu’il a fait du bien à
fon fiecle corrime aux générations futures ....
Hélas! rant de travaux & de foucis, tant de fati¬
gues & de’peines, tant de bienfaits & de vertus
( 83 )
dcvoient-ils êcre terminés par la mort
la plus
Qui rauroit dit, qu’après avoir
navigué pendant neuf ans fur toutes les mers
dans les trois feules expéditions où nous l’avons
fuivi, qu’après avoir parcouru des millions de
lieues fur l’élément perfide , qu’après avoir
franchi les écueils inapperçus dans les moinens
les plus défefpérés
qu’après avoir affronté
les glaces innombrables des deux pôles, qu’a¬
près avoir réfifté à l’intempérie des faifons j
à la variété des climats, qu’après avoir été mille,
malheiireufe ?
,
& mille
fois environné des feux menaçans du
tonnerre, battu des vents en fureur, abîmé fous
les vagues bouleverfées , accablé de fatigues, af-
les maladies j qu’après avoir échappé,
à tous les périls qu’on puiffe imagi¬
ner
qui l’auroit dit qu’il moiîrroit de la main
d’un fauvage!
O inftabilité des chofes hu¬
maines! O fragilité de la vie! O deftinée incompréhenfible 1 Eft-ce donc pour nous être enlevés
après un court intervalle de pofTeffionque, le ciel
foibli par
en
un
mot,
,
nous
envoie
toute
entière eft marquée par des bienfaits? Ils
ces
hommes
rares
dont l’exiftence
pendant quelques inftans à l’Uni¬
vers, & ils s’éclipfent prefqu’auffitôt ; femblables & parfaitement femblables à ces étoiles ra-
fe montrent
F
a
( S4 )
tîieufes qui répandent
pour un certain tems leur
lumière éclatante, & qui dans une belle
nuit,
grand étonnement de (24) i’Allronome obfervateur difparoiilent & s’enfoncent dans l’immenfité des cieux
pour ne jamais plus revenir.
Ainfi vous avez
diiparu de ce monde grand
homme, que je revere & que je pleure. Eh !
comment ne
pas vous pleurer ? Ebloui de l’éclat
de votre gloire, de la
magnanimité de vos ver¬
tus, de la grandeur de vos entreprifes, en appre¬
nant votre mort il m’a femblé
que je perdois un
frere. J’ai connu à votre occafion
que c’eft bien
Inutilement qu’on nous dit de ne point
déplorer
le fort de ne
point gémir fur la mort cruelle de
celui qui s’e/Z rendu immortel
parla vertu.,.. Vaine
confolation ! nous n’avons
pas des cœurs de ro¬
cher pour ne pas
répandre des larmes fur la mort
au
,
^
de l’homme de bien..
.
Ah ! fi les chofes de la
toucher, daignez,
daignez agréer le foible hom¬
terre
peuvent encore, vous
ombre immortelle,
mage que je vous rends comme une fleur inno¬
que je jette far votre tombeau : il efl; d’au¬
cente
tant
plus pur, que c’eft l’hommage d’un étran¬
ger qui ne tient par aucun lien à votre patrie, &:
qui ne connoît que les mouvemens libres de fon
mon
Pardonnez à
amitié pardonnez à
zele, pardonnez à mon admiration, fi toute
cœur.
mon
,
{ S5 )
lamefure cîe mes talens n’a
pu me fournir des
louanges plus clignes de vous! Que dirai-je? •
Vos travaux
glorieux éroienc fi liés au fpeclacle
de l’Univers,
qu’il m’a fallu embrafier l’immenpoirvoir les faire connoîrre.... Eh!
qui'fuis-je? je n’ai reçu d’autre préfenc
du ciel que la fenfibilitc de
mon.ame, & ma
plume baignée de larmes ne pouvoir retracer .que
fité de la nature
pour
douleur
ma
O
vous
,
peuple de philofophes, braves &
généreux Anglois! s’il eft vrai que les grandes
pertes rcuniflènr prefque toujours les cœurs les
plus éloignés, rapprochons-nous aujourd’hui que
fommes affeéfés de la même
douleur, &
refufez pas de joindre vos vœux a ceux
nous
ne
que
je fais pour l’heureux rerour du navigateur de
patrie. Pourquoi n’auriez-vous pas pour celuici les mêmes follicicudes
que nous avons en
pour le vôtre? Le nom de la Peyroufe ne vous
eft pas inconnu? Vous avez exalté
ma
vous-mêmes
la générofité de fon cœur dans les rems
malheu¬
(z6) de nos divifions. C’eft un- ami de l’hu¬
manité qui va recueillir les derniers fruits
reux
échap¬
pés à la riche moiffon de Cook. Il a un exempte
déplus parmrtantdegrandshommesquiontpéri
dans ces expéditions glorienfes r falfe ié ciel
qiill
n’en augmente
pas le nombre L
F j
Mais ce n’eft pas au bonheur d’un feul mortel
bornent mes voeux 5 ils s’étendent fur
fut les nations voifineSjfur les peuples éloignés j ils embralTent tous
les humains fans exception j je ne puis les ren¬
fermer plus long-tems dans le filènce de ma
penfée, & ce n’eft que par-là que je dois ter¬
miner l’éloge d’un mortel bienfalfant. Je' les
adreflerai à l’arbitre fuprême qui conduit tout,
&■ puifte-t-il m’exaucer!.... La paix, m’écrieraije vers lui, la paix perpétuelle fur toute l’éten¬
due de l’Univers, & périfTe mille fois la guerre,
l’odieufe dévaftatrice des empires ! Elle a bien
alTez défolé les malheureux humains. La longue
expérience des fiecles accumulés doit nous avoir
appris que fes plus brillantes promelfes ne font
rien. Nous favons que tôt ou tard elle détruit les
peuples conquérans par leurs propres fuceès, car
tel eû cet ordre admirable établi par la juflice
éternelle, que le bonheur à"une nation, <!Cune na¬
tion même viclorieufe , dépend irrévocablement du
bonheur de' toutes celles qui Venvironnent. Mais
quelle puiftance pourra donc enchaîner les paf-
que fe
vous, fur mes compatriotes,
fions foulevées, concilier les intérêts divers, vain¬
cre
les préjugés, dominer les opinions, conduire
chez les Rois la vérité triomphante, perfuftder
en
un
mot
( 8? )
inconftans, & fixer à
les hommes
jamais parmi eux le
heureux d’Aftrée?
Angloisj ce fêta vous, quand liés avec les Fran¬
çois d’une amitié aufîi durable que le monde,
vous vous
régné
direz : Vivons heureux
^
pour le bonheur du genre humaiâ....
& que ce fait
Magnanime
réfolucion ! notre grand Henri la conçut
le prer
mier, & un fage digne de nos autels -, notre bon
Abbé de Saint Pierre la développa, lui donna
toute
l’extenfion qu’on
pouvoit fe promettre de
fa bienfaifance fublime. Ne
nous
flattons pas
cependant de la voir jamais fe réajifer d’après,
rép.ete, Anglois, ce ne fera que pat le pacte facré q ;e vous
formerez avec nous. Prononçons
imcj fois cet
inviolable ferment que nos intérêts nous foienc
chers, que nos volontés foient les mêmes, que
nos
jalouûes fe changent en une noble émula¬
tion, que notre amitié foit en grand comme
celle de deux frétés qui s’aiment au
point de fe
facrifier l’un pour l’autre, & nous deviendrons
les idées de ces âmes cc'leftes. Je le
:
les arbitres du monde entier.
vous
Que craindriez-
d’aimer une nation qui ne connut jamais la
haine? Nous fommes faits
pour nous aimer plus
que nous ne genfons, & nous notis aimons peut,
être
plus que nous, n’ofons l’avouer. Il ne me
F 4
( 8§ )
conviendtoit pas de vous parler de la vénération
que nous avons pour vos grands hommes, mais
je ferai valoir votre entlioufiafme pour les nôtres,
& je vous dirai ; rappeliez vous le grand Turenne...
Rappeliez-vous^le divin Pontife de Cambrai....
N’avez-vous pas idolâtré ces incomparables mor¬
tels (28) Oh! par leur fouvenir fi cher, par la
mémoire de tant d’autres que nous révérons mu¬
tuellement, unilTons-nous
,
montrons-nous eu
force & en puiflance, rendons-nous invincibles
armées combinées, & déployons nos
efcadres fur toutes les mers j non pour être les
par nos
perturbateurs du genre humain, mais pour en
devenir les pacificateurs & les amisj non pour
fubjuguer les peuples fimples des régions éloi¬
gnées , mais pour étendre leur bonheur j non
pour détruire les nations barbares, mais pour
faire tomber le defpotifme de leurs tyrans; non
pour envahir coures les terres de nos découvertes,
mais pour en faire un jtifte partage avec les
nations pauvres, qui n’ont pas même chez elles
une
fubfiftance afilirée.
Elevons-nous aux grandes vues ; formons
fubiime projet de
Les
travaux
ordre’ dé
le
rendre les hommes heureux.
de Cook vont ameaéti un nouvel
chofes, ils vont faire changer de face
( 89 )
à rUnivers j ne ferions-nous
pas faits pour être
du grand événement qui
peut éternifer le btuit de notre renommée? Le?
les premiers moteurs
îles nombreufes de la mer Pacifique nous offrent
leurs peuples intéreffans
nous invitent comme des frétés qui veulent fe
réunir à la famille univerfelle. Faifons fuccéder
leurs terres fertiles, &
des combats, &
commençons à jouir de nos biens. Qu’atten-
l’héroiTme de la paix à la fureur
drions-nous pour préparer nos
établiiremens fut
deftinées par la nature à joindre le
commerce des deux hémifpheres? La navigation
des
terres
n’a-t-elle pas achevé fa tâche?
Il eft tems d’en
rien de cela ne
s’accomplifîé jamais, fi ce ne doit pas être fous
les aufpices de la philofophie& de la vertu!Loin
de ces nobles entreprifes ces hommes fangainaires, ces adminiftrateurs infatiablés & corrom¬
pus qui fe baignent dans les larmes des malheu¬
recueillir les fruits : mais que
reux ,
loin de nous ces déteftables fpoliateurs !...;
Puiffe jej au contraire, puilfé-je voir
partir bien¬
tôt des hommes femblables à un Penn, fembla-
bles à tant d’autres qui n’attendent pour récom-
penfe qu’un feul regard du ciel, qui ont aflez de
grandeur d’âme pour affronrer tous les hafards
au milieu des forêts, pour courir après les nations
( 5>o )
leur communiquer les lumières de
lerernelle fagelTe, & leur faire
goûter les dou¬
ceurs de la focicté.
Ames véritablement héroï¬
errantes,
ques qui cherchent les périls fans témoins! Ou¬
vriers
infatigables dans leurs travaux
ornés des précieufes
,
efprics
connoiflances des arts! eux
feuls méritent d’être les
des grandes
précurfeurs & les chefs
migrations, quand on voudra pofer
fur des bafes folides des
établilfemens lointains.
Rappelions nous que fous les drapeaux de la
vertu les Princes ont
acquis plus de fujets fidellesj
plus de riches domaines, que par les conquêtes
les plus éclatantes!.... O France
aimable! O An¬
gleterre généreufe! vous êtes appellées à devenir
les bienfaitrices de tous les
peuples de l’Univers,
grand ouvrage, qui
fera celui de vos brillantes
profpérités : hâtezvous de fonder une
nouvelle Tyr, une nouvelle
Memphis, une nouvelle Carthage, qui puilfenr
actirerles flottes de tous les climats
par leur opu¬
hâtez-vous d’entreprendre ce
lence induftrie j alors on verra circuler fur la
face enciere du
globe l’aménité des arcs, les cré-
fors du commerce & les vercus
confervatrices du
bonheur j alors tous les humains devenus
éleveront les mains au ciel en célébrant
des deux nations
fur-
freres,
l’alliance
libér3trices>& leurs chants folem-
( 91 )
reculée
de George III.
iiels exalteront jufqu’à la poftcricé la plos
les régnés glorieux de Louis XVI &
Mais il faut, avant tout, fatisfaire au devoir
de la reconnoilTance envers
le généreux naviga¬
à qui nous devrons de fi grands avantages.
teur
Que l’île d’Owihée, celte île, hélas! malheureu-
déplorable de ce
grand homme que cette île fe montre la pre¬
fement trop fanreufe par la fin
,
mière comme une Reine bienfaifante qui reçoit
tous
les humains fous le toit de l’hofpitaliré !
Qu’un monument digne de celui qui la décou¬
vrit s’élève bientôt
avec
majefté fur ce même
rivage où il perdit la vie! A peine le cifeau des
arts l’aura t-il achevé
qu’un tendre fouvenir
remuera l’ame fenfible de Tétranger qui defcendra fur cette terre. Conduit par fes penfées mé¬
lancoliques , il contemplera le marbre funebre, &
dés larmes paifibles couleront de fes yeux quand
,
il lira ces mots :
Ici
CEUX
■
mourut
MEME
Coox. Il fut massacré par
QUI LUI DRESSERENT DES
AUTELS.
ArrÉte-toi navigateur: regrette, pleure,
ADMIRE TON MODELE LE PLUS
TON AME AUX
PARFAIT,... LiVRE
MAGNANIMES SENTIMENS DONT LA
SIENNE FUT PÉNÉTRÉE.
EmBRASE-TOI DES NOBLES
FLAMMES DE LA GLOIRE,
ET TU ENVIERAS PEUT-
'l
( 92 )
Itre toutes les rigueurs de son
sort. Il ne
REÇUT PAS, IL EST VRAI, LES RECOMPENSES
LUI
PRÉPAROIT SA PATRIE, MAIS LE MONDE
TIER
l’a pleuré.... Sa mémoire
est
PARMI LES HOMMES
QUE
EN¬
vivante
VERTUEUX, ET SON NOM A
JAMAIS CELEBRE EST
ÉCRIT DANS LES FASTES DS
l’immortalité.
'i J
( 93 )
NOTES.
i
(i)
J’ai lieu de croire qu’on ne m’accufera jamais d’a¬
voir été faux prophète dans cette occafion ^ parce qu’il
n’efl: pas trop à préfumer qu’on retourne une fécondé
fois au feptante-unieme degré de latitude auflrale pour
les glaces du pôle. Les fciences ne de¬
plus rien à ces régions mallieureufes , & le
aller contempler
mandent
commerce
encore
moins.,
.
(z) Donnez des fleurs, donnez, j’en couvrirai ces fages.
Qui , dans un noble exil, fur de lointains rivages ,
Cherchoient on répandoient les arts confolateurs.
Toi fur-tout, brave Cook ,
qui cher à 'tous les cœurs
France & l’Angleterre ;
Toi, qui dans ces climats où le bruit du tonnerre
Unis par les regrets la
Nons annonçoit jadis, Triptoleme nouveau,
Apportois le courfier , la brebis
Le foc
culti'vateur
Et des.
,
,
le taureau
,
les arts de ta patrie ,
brigands d’Europe expiois la furie.
en arrivant leur
annonçoit la paix
Et ta voile en partant leur lailToit des bienfaits.
Reçois donc ce tribnt d’un enfant de la France.
Eh ! qne fait fon pays à ma recotinoiflance î
Ta voile
,
Ses vertus en ont fait notre concitoyen.
Imitons notre Roi digne d’être le lien.
Hélas ! de quoi lui fett que deux fois fon audace
Air
vu
des cieux bridants ,
fendu des mers de glace,
Que des peuples, des vents, des ondes révéré ,
(5)On
(4)Du
( 94 )
Seul fur les vafles mers fon vailTcau fut facré ;
Que pour lui feul la guerre oubliât fes ravages 1
L’anri du monde
,
hélas ! meurt en proye aux fauvages.
M. l'AhbéDtlille,-poème des Jardins, chant IV.
(3) Il s’agit ici de la médaille que le Gouvernement
d’Angleterre a fait frapper en fon honneur.
tems de Ptolomée Philadclphe, c’eft-à-dire bien
des fiéclcs avant l’invention de la boulTole
& lorfquc
,
l’art de la manœuvre , comme celui de la conflruétion
,
croient encore dans l’enfance ,
privés par conféquent
de tous les fecours
que nous avons acquis ,
Enthymenes
déjà immortalité leurs noms par des
navigations auxquelles on ne s’étoit pas hafardé jufqu'alors
& qui même de nos jours
pourroient être ci¬
tées pour de
très-grands voyages. Le premier parvint
îufqu’à la ligne équinoxiale en fuivant les côtes d’A¬
frique. Le fécond s’élev^a dans le nord jufqu’à Thulc
&
Pithéas avoient
,
,
( l’Iflande ) où il s’arrêta, ils rapportèrent, l’un & l’autre
des fingularités fi
furprenantes de leurs voyages, que Polibe,
StrabonSc Arillide les décrièrent comme des fables; mais
le tems confirma les relations de ces illuftres Marfeillois
,
&leur rendit toute la gloire qu’ils avoient jufteracnr mé¬
ritée.
ne doit pas fe flatter de rien connoître en Cof-,
mologie , fi l’on n’a lu très-attentivement les lettres
phyfiques & morales fur rhilloire de la terre & de
l’homme par M. J. André de Luc. Je ne me fens
pas
état de donner
précis bien fait de cet ouvrage
qui m’a étonné mais je puis dire que j’ai vu la vérité
jufqu’à la dernierc évidence. J’ai été éclairé à chaque
en
,
un
( 95 )
page, & fes obfervations fur les côtes m'ont fait dire
mille fois en moi-même ; voilà ce que je voyois depuis
enfance
mon
,
& ce à quoi je n’avois jamais fait atten¬
fuivois les travaux de ce grand
voir s’enfoncer dans les gorges
tion. Avec quel plaifii je
homme ! j’aimois à le
des montagnes , gravir fur leurs fomglacés , parcourir les carrières , marcher avec fécurite fous leurs voûtes dangereufes , fe glilfer dans les
fentes des rochers defcendre jufqu’au fond des abîmes,
pénétrer dans les filions & les galeries des mines , vifiter leurs fouterrains les
plus profonds, où régné une
éternelle nuit, dont l’horreur efb encore augmentée
par
le bruit monotone & lugubre de la chute des eaux. Je
m’imagine encore le voir tout occupé de fes recher¬
ches ; le marteau à la main
attaquer les différentes cou¬
ches des montagnes , cafier les pierres qui les compofent & les foumettre à l’efFervefcence des liqueurs diffolvantes
pour reconnoître leur origine. Son œil obfervateur s'attache à tous les objets 5 il apperçoit par¬
les plus fauvages
mets
j
,
,
,
tout
le
travail de la mer, mais
dans
un tel
cahos
,
qu’il n’eft donné qu’à lui feul de favoir le débrouiller.
Dans les plus hautes chaînes , il nous apprend à diftinguer les montagnes primordiales , ou l'on ne voit ni
couches horifontales
ni dépouilles des corps marins,
,
fur de moindres élévations
,
il nous fait obferver- d'au¬
montagnes que la mer n’a recouvertes que jufqu’à
une certaine hauteur
où fe terminent des couches que
tres
,
l’oa peut confidérer comme
les véritables lignes bien
caradférifées de fon ancien niveau. Ici font des monta¬
gnes entièrement fecondaires, dont les dépouilles marines
ont formé toute la mafle. Là s'en élevent d’autres donc
(90
les bafës font des lames volcaniques ,
tandis que leurs
flancs & leurs fommets font recouverts de dépôts
mer, monumens
de la
inconteftables d’anciens volcans qui
fous les eaux. Prefquc par¬
fpe&clc furprenant de dé¬
bris de coquillages , de poillons & d’animaux terreftres confondus tous cnfcmble
& dans plufieurs collines
de nos climats feptentrionaux , d’autres dépouilles Je
quadrupèdes dont les analogues vivans n’exiltcnt plus
que fous le ciel de la zone torride. Par-tout il nous fait
remarquer avec le plus grand foin les caraéteres déter¬
minés des trois genres de pierres qui compofent la
maffe du globe , carafteres qui prouvent inconteftablcment que notre terre n’a pas été détachée du corps du
n’ont fait leurs éruptions que
la
tout
nature
lui offre le
J
,
foleil
ou
de tout
tion du feu ,
autre corps
tenu en
fufîon par l’ac¬
ainfî que le prétend notre immortel Na-
fe rendre
à l’évidence î routes les' matières opii compofent notre
turalifte dans fa théorie. Et comment ne pas
globe , quelques foient leurs dénominations, hors les
fe clalTent dans les trois
genres fuivantes , favoir matières virrefciblcs , c’eft-àdire, qui ont la propriété de fe changer en verre, ma¬
tières calcaires donc la propriété eft de fe réduire en
chaux par l’aéfion du feu , & matière réfradaire qui,
réfiftant à fon adioii, acquiert une très-grande dureté,
fans fe changer ni en chaux ni en verre ; tels font les
argiles pour la plupart. U eft donc par-là meme dé¬
montré que li notre globe avoit appartenu primitive¬
ment à un corps en fufion , nous n’y trouverions que
du verre ou des matières déjà vitrifiées au lieu de ma¬
tières vitrefcibles ; ( & c’efi:, pour le dire en paflànt,
laves, les fels & les métaux ,
de
( 57 )
■(3e n’avoir pas aflez remarcpué la différence du vitrefcilîla
de Buffon
vitrifié, que la célébré théorie de M.
devient abfolumcnt nulle pour les faits. Nous ne trou¬
au
de la chaux & d'autres matières calcinées
crud & de tant de pierres calcaires en¬
core neuves qui compofent un fi grand nombre de mon¬
tagnes ; nous ne trouverions enfin que de la brique
toute cuite au lieu d'argile dilToluble dans l’eau , comme
verions que
au
lieu de gypse
nous
mot, notre globe ne feroit
bout à l’autre , s’il eût jamais fubi
la voyons ; en un
qu’une lave d’un
l’acflion du feu dans
retrouvons
fan entier
,
au
lieu que nous ne
par-tout que la trace des eaux. "V^oilà quelles
primitives que le naturalifte de Ge¬
des montagnes. Ce n’eli
pas tout: les plaines & les bruyères non encore cultivées,
par les progrès calculés de l’épailfeur de leurs couches
fjnt les lumières
nève a fu tirer de l’iufpeâion
végétation , l’aident encore à reconnoître àpeu-près l’époque de la retraite des eaux j Sc les tra¬
Sc
de leur
arStuels de la mer fur les côtes attentivement ob-
vaux
fervés
,
lui démontrent que , tout ce qu’ils peuvent faire
continuée. Ce réduit à des
par une opération lente Sc
pentes
douces ou des talus , à des dunes ou des atterrilTemens
plats, produits par les débris des matières fufceptibles de
décompofition , dont l’arrangement eft un obftacle infutmontable à ce qu’elle fe fabrique elle-même. Tels font
pareillement les travaux des fleuves & des torrens qu’il
nous fait remarquer. Nous les voyous attaquer & battre
en ruine les afpérités des montagnes , étendre leurs bafes
par les débris des fommités qui cedent tôt ou tard aux
intempéries de l’air, arrondir leurs flancs fous des for¬
mes
folides, & concourir avec les fecours de la végéG
C 5*8 )
lation à les fixer d’une maniéré
permanente, bien loin de
faire place au changement des eaux.
Il réfulte donc des
obfcrvations laborieufes de ce
grand
homme que nos
continens, tels qu’ils font, n’ont pas
été formés par
l’ouvrage lent de la mer fur fes bords
mais qu’ils ont été cous enfcmble
& de tout tems fon aU'
les détruire
pour
,
,
cien lit; que nos
grandes montagnes en étoient les
îles;
que nos collines fecondaires n’ont été
façonnées comme
nous les
voyous ,
entièrement par les
qu’autanc qu’elles ont été couvertes
vagues ; que les dépouilles des ani¬
terreftres, différens de ceux de nos climats ont
été apportés dans nos latitudes
par les courans dont l’ac¬
tion puifl'ante elf li connue
; que toutes ces
maux
,
d’animaux terreftres
indiquent
nens
à fec
tinens
ont
ou
dépouilles
qu’il y avoit des conti¬
vivoient leurs individus
été engloutis
,
& que ces con-,
par une cataftrophe ; que cette
même cataftrophe , en laifl'ant un
vuide immenfe fous
le niveau de l’ancienne
mer, a
& de nous abandonner fon
obligé celle-ci d’y couler
premier lit, devenu aujourd’hui
notre demeure. En deux
mots, l’ancienne terre s’eft écrou¬
lée pour devenir le baflîn des
mers
l’ancien balTin des mers eft devenu la
nous
d’aujourd’hui, 8C
nouvelle terre
habitons. C’eft ce que nous devons
que
conclure d’une
longue fuite d’obfervations faites fur les lieux avec toute
requifè dans une pareille étude. Les travaux
de M. de Luc font
appuyés fur des faits réels, des faits,
accelftbles à nos fens, Sc non fur un
fyftême de cabi¬
l’habileté
net.
L’on
Ils deviennent donc
en
peut rcjetter les
une
véritable démonftration
conféquences qui nous atta¬
chent par de nouveaux liens à la
révélation de
trop peu méditée & - trop peu
Moyfe,
comparée jufqu’à
ce
( 59 )
jour avec les phénomènes ejui nous environnent de toutes
parts.
préface de fon fécond voyage , où il
(6) Lifez la
enfance a été des plus pé¬
qu’il a commencé par être mouilc fur les
déclare lui-même que fon
nibles , 8c
vailfeaux qui
font le commerce du charbon de pierre.
(7) L’événement que je rapporte eut lieu fur le quai
de Marfeille. L’illuftre Chevalier Paul naquit d'une
mere
blanchifl'eufe
teau
en
,
qui le mit au monde dans un bâ¬
allant au château d’If. Ce héros palfa par tous
les grades de la mifere avant
neur.
Sa bravoure fit
de parvenir à ceux de l’hon¬
enfin connoicrc combien il méri-
réputation commença par fes cam¬
pagnes fur les .galcres de Malthe. Il fut appelle par
Louis quatorze , qui l’éleva fucceflivement jufqu’au
grade de 'Vice-Amiral. On a remarqué qu’il fut toujours
toic , & fa brillante
vidforieux dans les combats.
tels exemples , nous avons encore
quelques marins brutaux qui ne roughl'ent pas d’afficher
la morgue ridicule de leur fot orgueil , Sc de moleffcr,
félon leur caprice , ces pauvres enfans que la mifere
dévoue cous les jours à la mer. N’eft-ce pas à la honts.
(8) Et malgré de
de
l’humanité
,
& n’eft-ce pas
ici le cas de recomman¬
de celle-ci un peu plus de charité. S’il
n’ell pas permis de corriger avec humeur , il l’eft
der pour l'honneur
bien moins encore d’être cruel envers des êtres
tunés & fans
apui, qui
de commifération.
en font
infor¬
d’autant plus dignes
Le marin qui fait tant foit peu lire,
peut pas ignorer que Jean Barth & Cook ont été
moufles il doit fe dire que ce même moufle qu’il mal¬
ne
,
traite
en
ce moment
peut.
devenir un jour un grand
G
i
(
der
loo
)
la gloire de l’dtat, & plus digue de comman¬
homme ^
peut - être
que celui à qui il obéit. Heureulel’application n'en peut être faite qu’au plus pe¬
ment
tit nombre des
commandans. Je
vouloir faire
reproche général à cette portion pré-
cieufe de
un
fuis fort éloisné de
l’Etat, qui enrichit le commerce
par
les tra¬
défend la patrie par fes fervices. Je ne
m’élève que contre les fupérieurs fots ou cruels.
(ÿ) Si j’ofois donner mon opinion fur la formation
de ces rochers, je dirois qu'ils furent
primitivement le
produit des polypes qui vivent à l’abri des îles; je dirois
que les madrépores de ces polypes détruits après avoir
vaux
& qui
,
formé
une
forêt
donne leurs débris
fous les
au
la longue le gluten de
maffe
eaux
mouvement
,
la véîufté aban¬
des vagues , & qu’à
la mer réunit ces débris en une
folide, qui forme ce qu’on appelle des récifs.
Ces rochers
ne
font prefque
ches horifontales , ils
jamais compofés de cou¬
font au contraire fort hérilTés de
pointes à l’extérieur
, ce qu’on peut regarder comme un
refte de leur ancienne forme de plantes. Il ne feroit peut-
impolTible de furprendre la nature dans cette
être pas
tranfmutation de fes matériaux. L’Ile de France
,
par
exemple eft entièrement environnée de madrépores à
une certaine diftance de fes
rivages. Ils y font en fi grand
nombre & d’une groffeur fi monftrueufe , qu’en bien
des endroits ils forment déjà des blocs & de véritables
écueils pour les vaifTeaux. Qui fait fi, par la fucceflion
madrépores brifés , bouleverfés par la mer,
jettés fur les gros tronçons qui fervent de
noyaux n’arrêteront pas fes graviers, & ne formeront
pas gn jour de véritables rochers de corail î II y en a
des tems
,
ces
& toujours
,
déjà qaelqus'-uns, & s’ils ne font pas encore tons dans
état
c’eft vraifemblablement parce que Me de
Prance eft moins ancienne que les autres îles, où l’on
cet
,
voit les- récifs fous une forme de rochers. Cette île eft
volcanique fans contredit ; fon fol n’cft qu’une lave
dans toute fon étendue
,
elle eft même alfez nouvelle
,
le peu de profondeur de
lès terres ; je penche à croire que les polypes marins
qui vivent aujourd’hui à l’abri de fa bafe, font les ou¬
vriers qui travaillent à lui former cette
digue protec¬
trice donc prefque toutes les îles font pourvues. Une
chofe bien remarquable & qui prouve évidemment
que
les récifs on été formés long - tems
après les îles:
qu’ils environnent, c’eft qu’ils ont des coupures par¬
tout où l’on voie des traces de
gros ravins correfponri
ainfi qu’on peut en juger par
,
dans fur la côte
,
& devant l’embouchure des rivieres.-
II’ eft par
conféquent bien plus aifé de concevoir
que le courant des eaux auroit empêché l’aéiiou de leur
caufe génératrice, plutôt que d’imaginer qu’il les au¬
roit détruits après leur formation.
Comme cctre idée peut devenir intérelTante
pour lesnaturaliftes, je vais l’appliquer à certaines montagnes,
de nos continent, qui leur paroilfent inexplicables dans,
quelques-unes de leurs parties-. On lit ce qui fuit dans.
l’ouvrage de M. de Luc ( c’eft fon frere qui parle) pag,
414
JJ
JJ
JJ
35
du tome 5
,
édition in^8°. de Paris- 1-779-.
——
Les montagnes- qui font face à ce mur de débris font
fehifteufes , & offrent fur leurs pentes un phénomène:
fîngulier. Deux côtes relevées:, qui. l’une & Lâutrc;
pré--
defeendent de fort haut, & font trcs'voifincs
,
fenteut du calcaire fous- deux formes bien différentes,
G J
33
La pretnicre
33
&
33
33
83
celle
eft de l’albâtre, comir.ùn dans les Alpes,
qui fuit eft de gypfe. Ainli toujours plus de
myftere. Il paroît bien que ces deux côtes relevées
font d’une formation poftérieure à celle de la inon,
tagne fur laquelle elles
repofent ; mais l’une eft fo-
33
lubie dans les acides, & l’autre ne
33
donc les
33
inconnues. — Si l’on rapproche à
de
l’eft pas. Ce font
produits de caufes différentes & également
préfent la deferiptiou
deux côtes de celle d’un grand nombre de
CCS
récifs ,
fimilitude frappante quant à la forme
ce qui eft de leur matière, quoiqu’un
peu différente , elle appartient toujours à deux combinaifons de calcaire
& li ces deux côtes ont été des
récifs de l’ancienne mer
la différence de leur matière
peut détruire le foupçon où je fuis que ces efpeces
de rochers proviennent des madrépores, parce que j’ima¬
gine que les polypes , & généralement tous IcS poiffoiis à coquilles
forment leurs habitations avec les
matières calcaires qu’ils trouvent dans la mer , comme
les abeilles forment leurs alvéoles avec la pouilîe're
y trouve une
extérieure. Pour
on
,
,
ne
'
,
eîutineule qu’elles ramaffent
fur les fleurs : tous ces
petits êtres ne font donc qu’élaborer dans leurs élémeus
la. cire
les coquilles & les madrépores où ils fe logent,
,
ptffedent pas eux-mêmes les matériaux.
fauroit en effet concevoir que ce foit eux qui
mais ils n’en
On
ne
compofent , ou pour mieux dire, qui créent.les ma¬
coquilles & les madrépores
tières calcaires : toutes les
de dix mondes comme le nôtre ne fuffiroient pas. Ce me
femble , pour en former les
milliers de lieues cubes qu'il
idée que je fou-
contient. Au furplus , ce n’eft ici qu’une
mets aux
lumières des iiaturaliftcs exercés.
( 105 )
(i.o) II y a fllvers moyens pour empêcher un vailTeaii
de couler bas. Celui dont fe fervit le Capitaine Cook ctoit
allez connu, c’eft une opération qu’on appelle en terme de
marine larder la bonnete. ( Voyez le dictionnaire de ma¬
rine. ) On pique une voile avec des étoupes,, & on fait
pafler cette voile au-deflbus du vaifl'eau, ce qui le fangle en quelque façon. La comptefllon de l’eau ,, fur le
dehors de la voile fait pénétrer les étoupes dans L’ouver¬
& diminue par ce moyen fon introduéïron» Un
citoyen avoit publié dans un tems une autre opéra¬
tion qui ne paroît pas moins efEcace. Ce feroit d’avoir
des outres en quantité fufiifante pour balancer la pefanteur fpécifique du vailTeau. Cette quantité ne feroit
pas aulTi conlldérable qu’on pourroit l’imaginer 5 le cal¬
ture
,
bon
défefpéré , chaque
Téquipage s’occuperoit à fouiller les outres
qu’on placeroit de Luite aux lieux défignés , & le vaifcul démontre cela. Dans un moment
homme de
feau fe trouveroit foutenu dans l’inftant même où il
feroit prêt à couler bas. A ce fujet il me vient une
réflexion ; e’efb que tout ce qui tend à perfeélionnec
l’art de la marine n’occupe pas trop les favans ( j’ex¬
cepte fans contredit les travaux des Alïronomcs ) ; i! cil
fur-tout iuoui qu’on n’ait jamais fait dans les ports de mer
expérience de phyfique ou de méclianique
prévenir les cas défaftreux qui arri¬
vent à la mer ; & certes- je crois que celles-là, feroient
bien préférables à tant d’autres qu'on fait & qui ne
m-enent à rien. Une
expérience , par exemple ^ que jeverrois avec le plus grand plaifir , feroit celle d’éteindre
une iiicendie à bord. Voici comment
je conçois la chofe
fi l’on veut me pafler dé prolonger un. peu mes note*
une
feule
fur les moyens de
.G 4.
(
en
)
104
faveur de l'iiivention. Je fuppofe un vaifTeau chargé
combuftiblcs,
pourrie efl tout
qu’il faut pour l'épreuve. En faifant cette épreuve
pour éteindre un incendie , qui fe déclare dans la calle,
de matières
une coque
ce
on
mettroit le feu aux matières , on fermeroit les écou¬
tilles jufqu’à ce que la chaleur du pour , marquant
rinftant de l’incendie déclaré
on adapteroit prompte¬
,
hors du bord qui puiferoient dans
dégorgeroient dans le vaifleau par un trou
qu’on feroit fur la couverte avec un coup de hache.
L’intérieur de la calle s’emplillant j on ne doute pas que
ment
la
deux pompes
mer
&
1 e vaifleau tendroit à couler bas
,
mais dans le même
s’occuperoit à le foutenir par le moyen des
outres décrit ci-deflus. On laifleroit
pafler la fumée, &
pour le mettre enfuite à flot , on appliqueroit deux
pompes vuidantes dans la calle , fi celles qu’il portoit
avoieiit été dégradées par le feu, toutes proportions gar¬
dées d’ailleurs entre le nombre des bras agifl'ans & la
grandeur du vaifleau. Les réglés St les principes d’une
tems
on
refl'ource de
làlut, les traces intcricurcs de l’incendie
obfcrvées avec fécurité
,
les dommages
caiifés tant aux
qu’aux pieds des mats , ainfi que l’état du
vaifTeaü bien connus
c’cfl-à-dire, la capacité des for¬
membrures
,
qui lui refleroicnt pour tenir encore la mer pen¬
tems
qu’on diroit d’après ces notions , feroient les réfultats prqcieux d’une pareille expérience. Je
dirai toujours que la vie des hommes & l’importance
de 1’ art naval mériteroient aflez
qu’on adoptât l’ulage
des épreuves pour tous les cas
propofés.
(il) J’ai vu ce fpeâacie, tel que je le décris , à deux
ceiits lieiics nord-oueft des
éçores ; St félon toute appa'
rente la nature ne l’offre
pas bien fouvent avec-des traiM
ces
dant tel
( 105 )
deux vieux matelots
qui avoient parcouru les Indes & travciTé la mer du fud
aulîî frappans,puifquc nos Officiers &
avec le Galion
de Manille , affiiroicnt n’avoir jamais rien
defcmblable. Les deferiptions que quelques naturaliftes ont données des trombes marines, font abfoiument
vu
différentes de
mare
ce
les décrit dp
que
je voyois. M. Valmont de Bo-
forme conique , dont la pointe
tournée en bas, tandis que
eft
la bafe touche aux nuagesî
font les trombes des tems orageux.
étoient parfaitement cylindriques,
& leurs bafes touchoient fur la mer ; elles montoient
ligne droite fous la forme d’une eau réduite en
vapeur qui paroiffoit élevée par un agent très-puiflant.
Comme le tems étoit calme
& qu’il n’y avoir point
de nuages , i’ai toujours préfumé
quelles pouvoient être caufées par des volcans qui faifoient leurs
éruptions fous la mer , mais attendu que leur nombre
ctoit prodigieux, ne puis-je pas être encore en doute d’a¬
voir faifi la vérité î Au refte
M. Cook a vu le même
fpcélacle à-peu-près dans fon fécond voyage , aux ap¬
proches de la nouvelle Zélande.
(il) Tafman avoir ainfl nommé ces îles. M.Cooknous
fait connoître leurs véritables noms qu’il a appris des habitans. Ils appellent Ea-oo-ive celle de Middelbarg ,
Tongatahoo celle d’Amfterdam , & Anamocoa celle de
apparemment ce
Celles que j’ai vues
en
,
,
a
Roterdam.
Kepler &: d’autres aftronomes ,
remarqué dans les éclipfes centrales de lune , que
l’ombre de la terre étoit fort allongée & de fio-ure ovale
fur fes pôles. M. Caffuii a évalué ce prolongement.
Voilà des autorités. Je uefaurois décider fi elles valent
(i;) Ticho-brahé ,
ont
(
)
moins que d’autres , mais fachant d'ailleurs
vent nos
(ciences nous
que bien fou-
trompent, jem'cn tiens au peut-être.
(14) C’efl; l’opinion de M. de Saint-Pierre &
je
l’adopte telle qu’elle efl développée dans fon
,
ouvrage im¬
mortel fur les études de la nature.
Cet illuftre écrivain
a fa maniéré à lui
de voir le
elle eft
grand théâtre des êtres,
& quoiqu’en difent lesquelques écarts htblimes qu’on y
cet ouvrage admirable lous tous les
points de
certainement la vraie
deux favants
pour
,
,
trouve ,
vue
doit amener infailliblement
dans les hautes fciences
de la fbciété.
m’arrête
au
Sans
une
grande révolution
dans le gouvernement
dans le moindre détail
je
comme
entrer
,
paflage où il prouve avec tant de foliditc
que les elFulions polaires
marées & des courans
font les caufes premières des
généraux de la mer. En efrer ,
il faut bien
que les neiges qui tombent continuellement
fur ces deux
portions du globe deviennent quelque chofe
après s’être changées en
glaces Sc s’être amoncelées en
montagnes
qui fe détachent enfuite par l'alternative
,
des faifons î Les fources de
l’océan font véritablement
là , on ne fauroit les
méconnoître. Il falloit qu’elles
fuflent intariflables
pour fournir à l'immenfité des éva¬
porations ; c’efl: pourquoi^ elles font glacées & retenues
dans cet ordre admirable
des
qui les fait couler alternative¬
pôles jufqu’à l’équateur. Quant aux raifons
qu’il donne pour expliquer la grande
cataftrophe du dé¬
luge , elles rentrent dans l’ordre de l’hypothefe. Il n’avoit pas fans doute connoiflance
de
l’ouvrage de M. de
ment
Luc quand il écrivoit le fien
& fon opinion n’efl: pas
fondée fur des obfervations faites dans les
nes
des continens.
,
grandes chaî¬
.
( loy )
(ly)'Non-feuIement fes peuples font peu nombreux,
chofe de plus, c'eft que la génération
préfente s’y éteint journellement par la rareté des femmes,
La caufe de ce phénomène n’a pu être connue de nos
lavans Anglois , quelques peines qu’ils fe foient données
pour s’en inl.truire. Quand on s’arrête à l’étonnante par¬
ticularité de leurs ftatues coloifales ; on voit bien qu’el¬
les font le fruit d’idées grandes & relevées qui ne feroient pas naturelles aux habitans d’une petite île per¬
due
s’ils ne tiroient leur origine de quelque nation
il y a quelque
,
célébré du continent.
Bougainville la
gloire d’avoir découvert avant le Capitaine Cook un por¬
tion de
Archipel auquel il a donné le nom de
grandes Cycladcs. Ce n’en cft pas moins une décou¬
pour le navigateur Anglois i & qui devient infi¬
niment plus intérefl'ante , pnifqti'il l’a vu en entier ,
qu’il a vifité plufieuis de ces terres avec le plus grand
(16) On ne doit pas ravir à Al. de
cet
verte
foin , 8c pendant plus
long-tems.
(17) Nec jït terris ultima TItule.
croîs pas
dans les ou¬
vrages des anciens , que cette fiagulicrc prédiftion de
Séneque, dont les vers m’ont fervi d’épigraphe. Prenez-la
à
Chriftophe Colomb à commencé de la réalifer par la découverte du nouveau monde. Et ingens
patent tellus. Succefllvement ceux qui font venus après lui
pleinement fatisfait aux autres découvertes qui s’y
rapportent, tiphifque novos delegat orbes ; 8c, le dernier
événement qui s’accomplit de nos jours écoit rélervé à'
Qu’on l’explique comme on voudra, je ne
qu’on puilTe rien trouver de plus frappant
mot
mot,
ont
/
(
loS
)
la gloire de Cook. Il
couronner
n’y
a pas
même jüf-
qu’à l'ordre des rems qui n'y fok bien
défigné : annisr
fecula feris & nous y fommes de
beaucoup
par rapport
à
Seneque.
(l8) Magellan fut le premier
qui traverfa le vafte
océan
Pacifique après avoir découvert le fameux détroit
,
qui eft un monument de fa
gloire bien plus impoqu'aucun de ceux qu’auroit dû lui
ériger fon fiécle.
Il découvrit encore un
grand nombre d'îles fur la nou¬
,
faut
velle mer, & notamment à fes
& les
extrémités les Mariannes
Philippines. Ce fut fur l'une de ces dernieres, nom¬
mée Maétan
,
qu’il fut tué l'an 1510.
Alvaro Mendana découvrit les
de Salomon.
Marquifes & les îles,
Ayant entrepris un fécond voyage pour
établir une colonie fur ces
Sainte-Croix le
18
îles il mourut fur celle de.
oélobre ijç^y des fuites du
,
chagrin
fatigues qui le confumerent pendant fa navigation.,
Hudlon parti
d’Angleterre pour la recherche du paflage
& des
du nord
fut afiafliné par fes matelots
qu’il avoit déter¬
minés à palier l’hiver fur le détroit
,
qui conlerve fon nom.
compatriote fut tué en i6iz par un fauvage d.ans la même recherche.
Hall fon
Le Chevalier
Hugh Willougby , envoyé par la Reine
Elizabeth pour cette même découverte
d’être arrêté
,
eut
le malheur
les glaces où il périt avec tous fes ma¬
telots qui refterent
gelés chacun au pofte qu’il occupoit.
pat
Bakring , navigateur Danois au fervice de la Ruffie ,
fit de nombreufes découvertes
à l’eft du
Kamtchatska,,
aborda fur la côte occidentale du
nord de
& mourut
île llérile
à fon retour, faute de
en
1741.
l’Amérique
^
provifions, fur imc
( lo? )
envoyé par Louis XIV ,
Louifianne en i68j , &
fc noya fur le Miffiffipi en remontant le fleuve pour en
Robert Cavalier de la Sale,
découvrit l'imnienfe pÆys de la
chercher les fpu'rces.
François Drack
,
Amiral Anglois , périt miférable-
ment, dévoré par les crabes en ifÿtf fur l’île des Cancres
près la Grenade. Les crabes multiplient infiniment dans
ces climats. Ils fortent de la mer à tems
réglés pour aller
fe repaître d’infeéles dans l’intérieur du pays : ils mar¬
chent en armée li nombreux &: fi ferrés, que la cam¬
pagne en eft quelquefois entièrement couverte. Il n’efl;
pas aifé de fe former une idée des tourmens que dut
endurer l’infortuné Drack quand il tomba au milieu de
,
ces
animaux,
>
Les bornes du difeours
m’obligent de fupprimer bien
d’autres cataftrophes , telles que la mort funefte du Capi¬
taine Marion rapportée dans le journal abrégé dutroifiemc
voyage de Cook. Ce navigateur parti de l'île de France,
ayant fous fon commandement les vaifleaux le Mafcarin
& le Caftries , fut maflacré en 1771 avec
vingt-huit
de fes matelots
par les antropophages de la nouvelle
Zélande. L’hiflioire générale des voyages nous a con-
fervé
un
nombre infini de
renyoie le leâeur.
ces
terribles événemens : j’y
(19) Les envieux, les méchans, les détraéleurs des
grands hommes , & généralement cette foule de fots
.qui trouvent trop pénible , ou qui ne font pas en état
de réfléchir n’ont pas rougi d’attaquer en quelque lorre
la mémoire de ce fage , en lui reprochant, comme une
véritable févérité l'exaélitude avec laquelle il punilfoit
l’attentat du vol chez les dilrérens peuples qu'il vificoit.
,
'
,
( IIO )
pcnfcr qu’il ait befoiii d'une apologie ,
& ne voulant faire qne fon éloge , j’ai trouvé cette
accufation lî mal fondée
que j’aurois cru fouiller ma
plume d’en toucher quelque chofe dans le difcours.
Qu’on pefe fans préjugé la pofition d’un homme expa¬
trié au-delà des mers
chargé de remplir une million
importante , n’ayant pour tout afyle que fon vailfeau ,
pour tout fecours que fa bonne tête , pour toutes reffources que celles qu’il peut fe procurer par la voie
honnête des échanges avec des peuples dont il connoît
fi peu la langue & les ufages. Comment pouria-t-on
l’accufer d’être févcre envers eux parce qu’il les for¬
cera d’être équitables & paifibles quand ils feront auda¬
cieux ou qu’ils attaqueront fa propriété î Où en ferat-il
fi malheureufement il lailTe appcrcevoir quelque
Bien éloigné de
,
,
,
J
crainte 5 Le falut & la
réuflite de fon expédition ne
dépendent-ils pas de fon habileté à conferver dans les
efprits cette opinion de fupériorité qu’ils ont conçue
de lui ? D’ailleurs avec quel ménagement cet illuftre
Anglois ne réprimoit-il pas les violences , &c combien
de fois ne ferma-t-il pas les yeux fur les petits vols,
quand il croyoit que la fûreté de fes équipages n’étoit
pas compromife ? RéfléchilTons , & n’attribuons pas à
ce
grand homme des défauts que nous ne faurions lui
rcconnoître. Son ombre affligée auroit droit de nous
reprocher notre injuftice. Croyons à des vertus fans
taches, il y en eut toujours dans ce bas univers j Sc
telles furent les vertus de Cook.
(lo) L’auteur du difcours d’introduéiion, au troilîemc
voyage
ment
du Capitaine Cook, obferve fort judicieufeentreprile a rendu ■ fervice à la
que cette derniere
(
III
).
religion, en ce qu’elle a donné lieu de comparer les
teflcmblances des mœurs & des langues d'ungrand nom bre de peuples inconnus jufqu’àlors , avec ce que nous
connoillions déjà des mœurs Sc de langues de l’Afie ce
qui renverfe d’un feul coup les idées abfurdes de ceux
qui n’admettent pas l’origine primitive du genre humain,
telle que nous la trouvons dans les livres de
Moyfe.
En effet, quoiqu’on ne puiffe pas dire que la
religion
reçoive jamais quelque fervice de la part des hommes
puifque ce lont eux au contraire qui en reçoivent coctinucllement d’elle il eft certain qu’elle acquiert ici de
nouvelles preuves de Ton inftitution
& qui plus
,
,
,
,
cfl;, ces preuves font démonftratives. On ne s’en apper*
cevroit pas,
fi elle n’avoit jamais été niée que par l’i¬
la manie de vouloir palfer pour efprit
gnorance ; mais
fort,
a
fufeité' contre elle des hommes qui auroient pu
mériter la recomioilfance de la poftérité ,
s’ils n’avoient
qu’au bonheur du genre humain.
Une de leurs principales
attaques devoit naturellement
confacré leurs talens
fe diriger contre l’hiftoricn
facré qui nous a tranfmis
tems du monde ; c’ell ce
qu’ils ont fait. Il n’y a pas forte de fyftêmes qu’ils
n’aient adoptés pour démentir fon récit fur notre
origine. Telles, par exemple , font celles de l’au¬
teur
des recherches philofophiques fur les Améri¬
cains, qui ne veut en aucune maniéré que le nouveau
monde ait été peuplé ni par l’Europe , ni
par le nord
de l’Afîe, ni par les îles de la mer du Sud. Ce n’étoit
pas la peine de faire un livre
parce qu’il ignoroit les
témoignages réunis de la proximité des terres au nord
de l’immenfe quantité d’îles fur la mer Pacifique, & de
les événemens des
premiers
,
,
( Ili )
navigation de proche en proche jufqu’aux côte*
occidentales de l’Amérique. Telles font les idées de M,
leur
de la couleur
carafteres , de genres difté-
de Voltaire J qui trouve dans les nuances
de la peau tout autant de
& qui conclud de-Ià que chaque pays a enfanté
premier .homme fans nous dire comment. Telles
font encore celles de notre fameux conful au Caire dans
fon Telliamed, où il nous fait lortir du limon des
eaux comme les GfenouiUes
8c nous donne un ber¬
ceau commun avec les poilTons , les oifeaux , les qua¬
rens ,
fon
,
drupèdes , les reptiles i Sc tous les êtres organifés fans
voilà plus qu'il n'en faut 5 on ne perd
rien à lailfer dans l'oubli de p.areillcs idées. Quoi
diftinélion. En
qu'il en foit , les recherches fur les langues rempor¬
tent une nouvelle viéloire fur la philofophiCj j’entens
fur la fmfl'e phüofophie , fur la
philofophie d’affeélation.
mafque tombe avec le tems, les efprits s’éclairent,
8c on ne veut pas être dupe de la vanité d'autrui. La
vérité fe montre enfin à la fuite des orages que fufeitoit contre elle le meufonge. On commence à fentir
Son
qu’il n’y a de vrai philofophe que l’honnête homme , le
bon citoyen. Que les devoirs d’honnête homme s’éten¬
dent plus loin qu’on ne penfe, 8c qu’on ne peut en
acquérir le titre qu’en faifant du bien à l’humanité , loin
au contraire de lui ravir la religion qui feule peut aflurcr
fon bonheur 8c l’élever au-deffus d’elle-même dans toutes
les fituations de la vie. C’ell la religion qui confole les
malheureux, cjui tonne contre les'attentats des méchants,
6c
appui de la fociété ,
plus loin-que nos loix, puifqu’clle
nous
qui cft en tout le plus ferme
parce qu’elle va bien
( ÎM )
nous
ordoflüe d’étoufFer la vengeance ; & ce qui nous
furprendra toujours, de rendre le bien -pour le mal : puiCquelle nous défend non-lculemen: de commettre le crime,
mais de nous arrêter même à la penfée du crime. Avouons
bien plus grande Sc plus
qui ne feroit jamais tombé
dans l’efprit de nos Philofophes modernes.
(ii)Je n’ai rien changé à la noble fiinplicité des paroles
de cette hymne. Je leur ai laiflé le même fens quelles
dans le Journal abrégé du voyage par un officier
de la découverte 5 & comme il y a des gens qui blâ¬
ment fans favoir à quoi tiennent les chofes , j'ajouterai
pour leur fatisfaâion que le Capitaine Cook n’a peutêtre jamais fù qu’on l’avoit adoré réellement , & qu’il
n’attendit pas la fin de fon exaltation quand il trouva
le moment de s’y foullraire fans faire affront aux hon¬
neurs de l’hofpitalité. C’eft ce que rapporte exprefiément le continuateur de la grande relation, qu’il faut
que la Philofoplrie de J. C. a été
fublime, puifqu'il a dit ce
ont
au moins lire avant
de cenfurer.
(zr) En comprenant la première ftation fur les îles
Voifines de la dépendance d’Owihéc.
(23) En rapportant ce qu’il dit lui-même dans le
Journal de fon fécond voyage , on n’en connoîira que
mieux la bonté de fon cœur. =3 Quel que foit, dit-il,
le fentiment du public fur nos travaux & fut leurs fuccès, je finis cette relation en obfervant avec une vé33
33
33
33
ritable fatisfaftion
que
lorfque les philofophes ne
difputeront plus fur le prétendu Continent auftral,
de
voyage au moins fera remarquable aux yeux
les hommes fenfibles, parce que je fuis venu
33
ce
«3
tous
»3
à bout de conferver la
fantc d'un nombreux équiH
( ii4 )
«
oi
»
page durant un
climats li divers
,
auflî long cfpace de tems dans des
& malgré une fuite continuelle de
peines & de fatigues.
(24)Commelefpeâ:acle des deux nous montre fa ma¬
gnificence de fi loin que le fimple regard ne fauroic
appercevoir ce qui fe palfe dans la région des étoiles
fixes, il eft à propos de citer les autorités afin que
perfonne ne m’accufe d'avoir puifé de pareils faits dans
mon
imagination. Ces phénomènes fi étonnans ont
frappé les hommes de tous les fiécles. Les anciens en
,
,
beaucoup parlé comme de la difparition de la
feptieme des Plcyadcs qu'on remarqua lors de l'embrafement de Troye, ce qui fit dire à Ovide quelle fut fi
touchée du fort de cette ville malheureufe
que de
douleur elle fe couvrit le vifage avec fa main. J’ai trouvé
cette
remarque dans les études de la nature de M. de
Saint-Pierre ; j'y ajouterai feulement le
palfage du qua¬
ont
,
trième livre des faites : le voici t@ut entier.
Pleïades incipiunt humeras relevare paternos
feptem dici fex tamen ejfe folent.
in amplexum fex hinc vénéré Deorum l
Nam fieropen Marti concubuijfe ferunt
Neptuno ALcionem ,ii te formofa Calma
Maïam & EleBram
Taygetemque Jovi.
Septima mortali Merope tibi Sifiphe nupjtt.
Pœnitet j & facli fola pudore latet
Sive quod EleBra Trojs, fpeBare ruinas
,
Seu quod
,
,
,
,
,
,
Non tulit ; ante oculos
oppofuitque manum.
qu’il y a de bien curieux dans cette difparition.,
fembleroit avoir été défignée long-tems
avant
l’événement
d’après les paroles qu'on li»
Ce
c’efh qu'elle
,
âans Job. Numquid conjmigere valebis micantes fteHas
Pleïadas ; aut gyrum ArBari poteris dijftpare ? Eft-cc
qui lierez enfemble les brillantes Pléyades ! Au¬
le pouvoir de détruire les loix qui tiennenc
l'arcture à fa place ? On ne peut traduire différemment
le mot de gyrum qui fe rapporte pareillement aux phé¬
vous
rez-vous
nomènes
de
ce
genre.
Les obfervations des modernes
en
comptent encore
plus grand nombre. Ticho-brahé, Fortunio Liceti ,
Cufpinianus , Kepler , Maraldi, CalTini, Bayer j Kirch ,
Hévélius
le perc Antelme , le pere Riccioli , M. de
Maupertuis , font les aftronomes qui en ont le. plus re¬
connu. La nouvelle étoile obferyée en 389 près de l’ai¬
gle,'parut aufll brillante que Venus pendant trois fernainés, & difparut enfuite. Celle de 1571 dans la conRellatioii de Calliopée fut au commencement lî éclatante qu’ofi
lavoyoit même pendantlejour, S: qu’tlle furpaffoit Cirius
la plus brillante de toutes les étoiles. On la perdit de vue
un
,
au mois
de Mars
en
1574. En
léoo, il en apparut une
dans la poitrine du cigne , qui croit de la
troilieme
grandeur , & qu’on vit pendant cinq ans dans la même
pofition , après quoi elle difparut. La nouvelle étoile du
ferpcntâire fut obfervée par Kepler en 16045 elle di£parut quelque tems après. En 161 a & 1638, on en a vu
autre
dans la ceinture d’Andromède & dans la baleine , on en
remarqué encore trois dans la conftellation du cigne ,
qui fe font pareillement éclipfées. M. Caffini fils , dans
-fes élémens d’aftronomie parle aufll avec beaucoup de
détail des étoiles nouvelles changeantes ou totalement
perdues , fur-tout de celles qui ont été obfervées dans
a
,
,
Iss conftellations de Caffiopée , de s^l’Eridan , de la baH i
4
fei'ne entre le grand
y
(
& le petit chien , Sec. Je ne crois
pas au furplus qu’il foit. befoin de dire que nous par¬
lons ici d’étoiles fixes peu de petfonnes ignorent cela. On
,
pas confondre ces phénomènes incompréhenfîbles
l’aparition & la difparition des cometes qui font des
ne doit
avec
chofes fort différentes, & dont nous connoiffons la*théorie,
(ij) Non eft gemendus , nec gravi urgendus nece ;
Virtate
quisquis abflulit fatis iter.
Seneque Hercul. (Et. Aft.’ V.
(kj) Je rappelle avec bien du plaifîr un événement de
la derniere guerre ,
qui fait le plus grand honneur à
foïi. En dévaftant
cet
M. de la Peyroufe. C’eft fon expédition à la baye d’Hud'
que les habitans
établiffement
Anglois , il prévi*^
réfugiés dans les forêts ne tarderoient
pas à périr de faim & de mifere. Ces fentimens d’humanité
le déterminèrent affaire tranfpôrter toutes les provifions
dans les
principaux magafins , afin qu’à leur retour , les
puffent retrouver leur fubfiftance.
Quand on ufe ainfi du droit de conquête , on peut
compter fur la reconnoiffance & la vénération des peuples.
(ay) Jean-Jacques Rouffeau a dit quelque part que la na¬
tion françoife étoit la feule qui ne connût ce que c’étoit
que d’avoir de haine envers aucune
& qui cependant
malheureux fugitifs
,
ctoit haie très-cordialement de
toutes
eft vrai, mais il faut l'entendre des
car nous
fommes chéris de
Nous voilà par
les
autres.
Cela
nations policées ,
peuples naturels.
conféquent placés en ce monde entre k
tous
les
Jaloufie & l’amitié.
(i8) Quelle que foit notre admiration pour ces deux
hommes qui réijmiffoient chacun toutes les vertus, celle
iies Angloîs ne lui
( II7 )'
cede en rien ; elle va jufqm’à l’enthoufiafjne. Ils parlent de Turenne avec tranfport,&
ils apprennent aux enfans à lire dans Fanélon.
Fin des NoteSi
Fait partie de Éloge du capitaine Cook