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BULLETIN DE LA SOCIETE
DES ETUDES OCEANIENNES
N°313
JUILLET /AOUT / SEPTEMBRE 2008
Bulletin
de la Société
des Etudes océaniennes
(Polynésie orientale)
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
Sommaire
Avant-Propos ............................................................................... p. 2
Le tiare apetahi (Apetahia raiateensis,
plante endémique des plateaux du Temahani sur l’île de Raiatea :
mythes et triste réalité.................................................................. p. 4
Jean-Yves Meyer
Temahani lieu mythologique........................................................ p. 45
Henri Theureau
Ancêtres et pratiques rituelles - Fouille de sondage de trois structures
de marae à l’extérieur de la zone centrale de Maeva,
Huahine, îles de la Société, Polynésie française, 2004 ................. p. 53
Paul Wallin et Reidar Solsvik
Les aires marines protégées en Polynésie française...................... p. 71
Bernard Salvat et (al)
Dans quel cadre situer l’Océanie ?................................................ p. 88
Jean Guiart
Bilan moral 2007.........................................................................
Bilan financier 2007.....................................................................
Projet de budget 2008 .................................................................
Résolutions..................................................................................
p.101
p.104
p.105
p.106
Avant-Propos
Chers amis,
Votre comité de lecture a le plaisir de vous offrir un numéro majoritairement consacré aux îles Sous-le-Vent.
Il commence par un article de Jean-Yves Meyer sur le tiare apetahi où
l’on ne peut que rester saisi d’incompréhension devant le vandalisme de certains de nos contemporains qui détruisent par vanité et pour quelques piécettes, cette fleur sans pareille. Ces séquelles de la disparition des tapu et
rahui, éclairent mieux que tous les discours, le sacré instauré jadis par les
sociétés anciennes contraintes à veiller à tous leurs actes pour continuer à
vivre et s’épanouir dans ces îles aux ressources restreintes. Et dire qu’ils
furent traités d’insouciants !… Que faire pour que la destruction s’arrête ?
Ensuite, Henri Theureau nous invite à entrer dans les mythes et légendes
entourant le Temehani.
Puis nous suivons les archéologues Paul Wallin et Reidar Solsvik dans
leurs fouilles à Maeva Huahine.
Et, avant de nous interroger avec Jean Guiart du cadre où il convient de
situer l’Océanie, nous vous proposons un texte de Bernard Salvat qui, avec différents responsables de l’environnement et chercheurs, présente l’évolution
de la réflexion sur la gestion des aires marines à protéger absolument du vandalisme individuel et collectif. C’est toute une culture qui s’est façonnée à
partir des écosystèmes lagonaires incluant toute la terre ferme de nos îles.
Hélas durant un temps, un temps trop long, des ingénieurs imposèrent la loi
de leur ignorance.
Ce bulletin qui regroupe des études tant sur le patrimoine matériel
qu’immatériel participe à insister encore sur le lien existant entre ces
domaines inséparables.
Au mois de mai, nous avons tenu notre assemblée générale et nous vous
en présentons les bilans moral et financier pour 2007, le budget prévisionnel 2008 ainsi que les résolutions.
Chers membres, ainsi vous savez ce qui est fait de vos cotisations, comment votre Conseil d’administration et le Comité de lecture continuent, avec
vous, le défi lancé il y a 91 ans de la sauvegarde du patrimoine polynésien.
Bonne lecture.
Simone Grand
3
Le tiare apetahi
(Apetahia raiateensis),
plante endémique
des plateaux du Temehani
sur l’île de Raiatea :
mythes et triste réalité
Introduction
Parmi les quelques 520 plantes endémiques de Polynésie française
(Florence et al., 2007), c’est-à-dire géographiquement limitées à nos îles1,
et donc uniques au monde, le tiare apetahi ou apetahi (de son nom
scientifique Apetahia raiateensis H. E. Baillon, appartenant à la famille
botanique des Campanulacées, sous-famille des Lobelioidées) est sans
aucun doute l’espèce la plus célèbre. Elle constitue ce que l’on appelle,
dans la science de la biologie de la conservation, une « espèce étendard »
(de l’anglais « flagship species ») ou une « espèce charismatique » (Primack, 2006), c’est-à-dire une figure de proue pour la sensibilisation du
public, l’éducation des scolaires et l’information des décideurs à la grande
1 La Polynésie française, collectivité française d’Outre-Mer située dans le Pacifique Sud, est formée d’environ 120
îles océaniques tropicales et subtropicales, réparties dans cinq archipels (Australes, Gambier, Marquises, Société et
Tuamotu) et disséminées sur une surface océanique aussi vaste que l’Europe. La superficie terrestre totale de cette
« galaxie » d’îles volcaniques hautes, atolls et atolls soulevés est seulement de 3520 km².
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originalité et fragilité de notre flore primaire2. Au delà de son strict intérêt
botanique (le genre Apetahia est l’un des neufs genres endémiques de
Polynésie française3), le tiare apetahi possède en effet une grande valeur
patrimoniale. Il était considéré dans les « temps anciens », c’est-à-dire
durant la période pré-européenne, comme une plante sacrée. La plante
représente actuellement la « fleur-emblème » de l’île de Raiatea. Son nom,
encore chanté ou conté de nos jours, est connu dans tous les archipels de
Polynésie française. Cependant, rares sont ceux qui ont vu cette plante
endémique et mythique sur les deux plateaux du Temehani, son unique
habitat, même parmi les propres habitants de Raiatea ! La raison principale est que cette espèce est actuellement menacée de disparition4, principalement à cause d’une cueillette abusive de ses fleurs. Sur le plateau
du Temehani Rahi, on ne la retrouve plus aujourd’hui que dans des
endroits reculés ou inaccessibles, sur des crêtes ou en bordure de falaise.
Le apetahi représente l’un des rares exemples de plantes endémiques
faisant à la fois partie du patrimoine naturel et de l’héritage culturel de la
Polynésie française. La sauvegarde de cette espèce dans son habitat naturel doit constituer une priorité en matière de conservation de la biodiversité en Polynésie française. Bien que légalement déclarée « espèce
protégée » en 19965 après presque vingt années de recommandations et
de propositions (Cf. Annexe), et malgré un classement en « zone d’habitat
2 La flore primaire (ensemble des plantes indigènes et endémiques) ou « originelle » de Polynésie française comprend
environ 885 espèces (Florence et al., 2007), contre plus de 590 espèces introduites et naturalisées (c’est-à-dire établies dans
la végétation et se reproduisant sans l’intervention de l’homme) composant la flore dite « secondaire » (Fourdrigniez &
Meyer, en prép.).
3 Les huit autres genres endémiques de Polynésie française sont Apostates, Pacifigeron (Astéracées) et Metatrophis (Euphorbiacées) ayant chacun une espèce endémique à Rapa, Haroldiella avec deux espèces endémiques aux Australes (une à
Rapa, une à Raivavae), Lebronnecia (Malvacées) et Pelagodoxa (Arécacées) ayant chacun une espèce endémique aux Marquises, Oparanthus (Astéracées) avec deux espèces à Rapa et deux aux Marquises, et Plakothira (Loasacées) avec deux
espèces aux Marquises. Deux autres genres sont endémiques de Polynésie française et de Rarotonga aux îles Cook : Sclerotheca (Campanulacées) et Fitchia (Astéracées).
4 Son statut de conservation était considéré comme gravement menacé d’extinction (« critically endangered » ou « CR »)
selon les catégories définies par l’Union Mondiale pour la Nature ou IUCN (Florence, 1996).
5 Arrêté n°296 CM du 18 mars 1996.
5
sensible » du Temehani Ute Ute en 20056 avec un accès strictement réglementé, le mythique tiare apetahi n’est pas sauvé pour autant.
Cet article, reposant sur la majorité des textes scientifiques et littéraires écrits sur le apetahi depuis près d’un siècle et de communications
personnelles récentes de botanistes, biologistes, naturalistes et linguistes,
a pour principal objectif de démontrer comment cette espèce végétale est
passée du statut de plante sacrée, ce qui la protégeait partiellement, à
celui de curiosité folklorique, objet d’une activité mercantile peu scrupuleuse, avant de devenir une plante en voie d’extinction. Il est également
une réflexion sur les efforts passés et présents menés en Polynésie française pour la protection de la nature, en illustrant les multiples difficultés auxquelles se heurte la conservation de la biodiversité terrestre depuis
plusieurs décennies dans notre fenua.
Cadre naturel et contexte mythique
Il n’est pas possible de parler du tiare apetahi sans replacer cette
espèce endémique dans son cadre géographique et naturel très particulier et dans le fort contexte mythique qui l’entoure.
Raiatea, île centrale et sacrée
Située à environ 185 km au nord-ouest de Tahiti, Raiatea est l’île la plus
importante du groupe des îles Sous-le-Vent (archipel de la Société) par sa
situation centrale, son étendue géographique (171 km²), mais aussi parce
que, d’après la tradition orale, elle serait « le berceau des croyances et des
coutumes religieuses des Iles de la Société » (Huguenin, 1902 : 18), appelée aussi Havai’i fanaura’a fenua c’est-à-dire le « berceau des terres »
(Buck, 1938 : 64). Raiatea aurait été selon certains auteurs, l’une des premières îles de Polynésie française à être colonisée par les anciens Polynésiens. Son nom pourrait se traduire par « ciel éloigné » (de ra’i, ciel et atea,
éloigné, lointain) car « c’est sans doute ainsi que l’avaient voulu les émigrants des anciens âges qui abordèrent sur cette terre primitivement
appelée Havai’i par leurs prédécesseurs » (Huguenin, op. cit. : 17).
6 Arrêté n°418 CM du 1er juillet 2005.
6
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Raiatea serait aussi le centre de dispersion des Polynésiens (Ellis, 1853)
qui se sont ensuite lancés à la découverte des îles plus éloignées
comme Hawaii, Rapa Nui (l’île de Pâques) ou Aotearoa (la Nouvelle-Zélande).
D’après une légende, l’île de Tahiti faisait autrefois partie de Havai’i (Raiatea).
Changée en poisson vivant, elle se déplaça jusqu’à sa position actuelle d’où
son nom de ta-hiti qui signifie « transplanté » (Henry, 1928). Cette
croyance se retrouve dans une autre légende rapportée par le missionnaire John Williams dans les années 1880 (in Dodd, 1976) racontant que
l’île de Rarotonga (archipel des îles Cook) était relié à Raiatea par l’extrémité sud, puis séparée par les dieux.
Raiatea joua enfin le rôle de métropole religieuse à partir du XVIè
siècle avec la présence de l’un des plus grands marae royaux situé à
Opoa, le marae Taputapuatea dédié au dieu Oro, divinité de la fertilité
et de la guerre, le « dieu des rois et le roi des dieux » (Babadzan, 1993 :
307). Ce culte gagna ensuite toutes les autres îles de la Société, au détriment de celui du dieu créateur Ta’aroa (Merceron, 1988a). « Raiatea la
Sacrée », comme le titre l’ouvrage de Paul Huguenin paru en 1902,
conserve encore aujourd’hui cette image d’île mythique et mystique en
Polynésie française, aussi bien auprès de ses habitants que des guides
touristiques. Ce qualificatif « d’île sacrée » est gardé, par exemple, dans
le Guide Gallimard consacré à Tahiti et les îles de la Société paru en
1995, le « Lonely Planet » consacré à Tahiti et la Polynésie française dans
son édition française de 1999 ou encore le Guide du Voyage de Tahiti et
ses îles du G.I.E. Tahiti Tourisme paru en 2006.
Les plateaux du Temehani, refuge des plantes et des âmes
« Si tu n’es pas allé sur le Temehani, tu n’es pas arrivé à Raiatea »
aiment à dire ses habitants. Les deux plateaux du Temehani (le Temehani
Rahi d’une surface d’environ 200 ha et le Temehani Ute Ute d’environ 80 ha7)
s’élèvent entre 400 et 800m d’altitude. Ils font partie de la principale
7 La décision n°253 DOM du 27 février 1978 affectant au profit du Service de l’Economie Rurale le plateau Temehani
Sud (Temehani Ute Ute) fait état d’une superficie de 69ha. Les données du Système d’Information Géographique obtenues à partir des orthophotoplans du Service de l’Urbanisme indiquent 87,5 ha (Jaq & Butaud, 2006).
7
chaîne montagneuse de Raiatea orientée du Nord au Sud qui culmine à
1 017m au mont Tefatuaiti (te fatua signifiant « la ceinture ») (Figure 1).
Formés par une coulée massive de lave trachytique il y a environ 2.44
à 2.54 millions d’années, de nature moins fluide et plus récente que les
coulées basaltiques à l’origine de l’île de Raiatea, âgées de 2.75 à 2.25
millions d’années, les plateaux du Temehani auraient été ensuite mis en
évidence suite à une inversion de relief (Blais et al., 1997) et pourraient
avoir été isolés à la suite d’un effondrement tectonique (Deneufbourg,
1965). Ils sont bordés actuellement d’imposantes falaises verticales de
plusieurs dizaines de mètres. Leur surface présente une pente faible ne
dépassant pas une dizaine de degrés ce qui leur confère un relief particulier de « croupes molles plus ou moins ravinées » (Deneufbourg, op.
cit. : 11). Les roches du Temehani s’altèrent en donnant des sols crayeux
blancs, jaunes, ocre clair, parfois rouges ou violacés (Aubert de La Rüe,
1959). La couleur rougeâtre du sol serait peut-être à l’origine du nom du
Temehani Ute Ute, appelé parfois Temehani ‘Ura (ute ou ‘ura signifiant
rouge), alors que le Temehani Rahi est parfois surnommé Temehani ‘Uo
‘Uo (‘uo ‘uo signifiant blanc) en raison de la couleur beige de la roche
altérée. Jamais profonds, parfois réduits à une mince couche de 20-30
cm, fortement désaturés (c’est-à-dire démunis en éléments minéraux),
très acides, très humifères mais à faible potentiel de fertilité, ces « oxydosols » sont caractérisés par une teneur en métalhalloysite (une sorte
d’argile minéralogique) et gibbsite forte (Jamet, 1986 ;1993). Leur texture fine, à petits grains, favorise une augmentation excessive de la perméabilité : l’eau, faiblement retenue a tendance à filtrer rapidement d’où
le risque d’assèchement en surface pour les plantes à racines superficielles. Seules les espèces végétales ayant la possibilité de compenser cet
assèchement superficiel en prélevant plus profondément l’eau ont pu survivre et s’adapter à ces milieux. En relation avec la faible température qui
règne sur les plateaux et sous l’action de l’accumulation de la matière
organique extrêmement acide et agressive, une pellicule ferrugineuse très
dure (dite « cuirasse ferralitique ») se forme dans le sol et constitue un
obstacle à la pénétration des racines. De plus, la présence d’aluminium
échangeable dans le sol en quantité très importante peut entraîner une
8
Figure 1. Localisation des deux plateaux du Temehani sur l’île de Raiatea
(d’après la carte topographique au 1/20 000ème, Service de l’Urbanisme, Papeete).
certaine toxicité pour les végétaux, d’où des sols « généralement recouverts de fougères dominées par des arbustes rabougris au port tortueux »
(Jamet, 1985 : 115).
Outre la nature du sol, d’autres conditions écologiques particulières
et contraignantes règnent sur les plateaux du Temehani : une érosion
accentuée due aux vents violents qui balayent la surface plane des plateaux, une température plus fraîche due à l’altitude (avec une diminution
de 0.6°C tous les 100m, (Pasturel 1993), soit une température inférieure
d’environ 5°C à 800m d’altitude par rapport au niveau de la mer), une
hygrométrie forte en raison de la couverture nuageuse diurne, une pluviométrie relativement abondante, entre 4 000 et 5 000 mm/an (Lafforgue
& Robin 1989), soit des précipitations équivalentes à celles de la côte est
(dite « au vent » car exposée aux alizés porteurs d’humidité) de l’île de
Tahiti, du plateau de Taravao sur la presqu’île à plus de 600m d’altitude,
ou à plus de 1400m sur la côte ouest « sous-le-vent » (Laurent et al.,
2004). Ces multiples facteurs écologiques expliquent l’existence d’une
végétation montagnarde sur les plateaux du Temehani, un type de formation végétale exceptionnel à cette faible altitude (entre 400 et 800m). En
effet, on retrouve ce genre de forêt basse et aérée, appelée aussi « lande
éricoïde » car généralement dominée par des plantes de l’ordre botanique des Ericales (familles des Ericacées et des Epacridacées) sur les
plus hauts sommets de Tahiti, au-dessus de 1 200 voire 1 500m d’altitude. Selon le phyto-écologue René H. Papy (1951), la faible altitude
serait due à une usure du relief plus marquée à Raiatea qu’à Tahiti, cette
dernière étant plus jeune d’environ 1.5 à 2 millions d’années. La végétation montagnarde relictuelle aurait subsisté aux altitudes actuelles du
Temehani en raison des conditions rigoureuses qui empêchent l’installation d’une végétation haute de type forêt humide d’altitude, appelée aussi
« forêt de nuages ». Le botaniste W. Arthur Whistler (1994, 2002) signale
que l’on trouve le même type de végétation montagnarde basse (en
anglais : mountain scrub vegetation) sur les formations trachytiques
(trachyte plugs) de l’île de Tutuila aux Samoa américaines, comme par
exemple sur le mont Matafo (culminant à 653 m d’altitude), le mont Pioa
(522m) et le mont Ta’u (385m).
10
Les plantes qui se développent sur le Temehani sont particulièrement
bien adaptées à leur milieu. Elles présentent une forme souvent modifiée
qui leur permet de résister au vent et à la dessiccation : diminution de la
taille, réduction des feuilles qui deviennent coriaces, acquisition d’un port
rampant. Parmi les espèces les plus caractéristiques, citons Astronidium
ovalifolium (Melastomatacées), Coprosma setosa (Rubiacées), Decaspermum lanceolatum (Myrtacées), Myrsine fasciculata (Myrsinacées) ou
encore Weinmannia ovalifolia (Cunoniacées), toutes strictement endémiques des plateaux du Temehani. Le fara, Pandanus temehaniensis
(Pandanacées), plus grande espèce végétale trouvée sur les plateaux du
Temehani et pouvant atteindre 4m de hauteur, est souvent écimée par le
vent et possède de curieuses branches horizontales. L’isolement géographique et topographique du Temehani, allié à des conditions écologiques
très particulières, ont produit des variations marquées chez un certain
nombre de plantes au point qu’elles ont été décrites comme espèces ou
sous-espèces distinctes (Moore 1933, 1963). Parmi celles-ci figurent Alstonia costata var. fragrans (Apocynacées), proche du atahe Alstonia costata var. costata, arbre indigène des forêts de nuages des îles de la Société,
Metrosideros collina var. temehaniensis (Myrtacées), variété endémique
du puarata Metrosideros collina, arbre indigène dans le Pacifique Sud,
Vaccinium cereum var. raiateense (Ericacées), sorte de « myrtille sauvage » proche de l’arbuste Vaccinium cereum var. cereum endémique de
Tahiti et Moorea, ou encore l’arbrisseau Styphelia tameiameiae var. brevistyla (Epacridacées), actuellement considérée comme une espèce endémique propre à Raiatea (Leptecophylla brevistyla, Weiller, 1999).
Selon la « base de données botaniques Nadeaud » (Florence et al.,
2007, www.herbier-tahiti.pf) , la flore primaire des plateaux du Temehani
comprend une centaine de plantes indigènes (138 selon Jacq & Butaud,
20068), dont neuf taxons endémiques strictement localisés sur les deux
8 La base de données botaniques Nadeaud ne recense que les espèces ayant fait l’objet d’une récolte d’échantillon
(ou de specimen) déposé et enregistré à l’Herbier de Polynésie française situé au Musée de Tahiti et des Îles à
Punaauia. Certaines espèces, n’ayant pas fait l’objet de récolte mais seulement d’observation sur le terrain, ou récoltées mais non déposée à l’Herbier, ne sont pas inclues dans la base. Le rapport de F. Jacq & J.-F. Butaud a compilé
toutes les observations et spécimens non déposés, notamment celles de Meyer & Taputuarai (2005).
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plateaux (incluant Apetahia raiateensis) et 29 taxons endémiques propres à
l’île de Raiatea (Jacq & Butaud, op. cit.), soit près de 90 % des plantes endémiques de Raiatea. Neuf de ces 38 plantes endémiques sont légalement protégées en Polynésie française9. Les plateaux du Temehani constituent donc
un écosystème extrêmement riche et original (unique, low, scrubby vegetation comme le soulignait Whistler en 1982), unique en Polynésie française. Ils ont été désignés par un collège d’experts (botanistes, ornithologues
et malacologues) comme l’un des 115 sites de conservation importants en
Polynésie française, et font partie des 15 sites prioritaires identifiés pour la
mise en place de mesures de conservation urgentes (Meyer et al., 2005).
Dans la mythologie polynésienne, le Temehani ou plutôt le Mehani
(te-mehani, que Teuira Henry (1928 : 104) traduit par « la chaleur » ou
« la maison » ; que Louise Peltzer (1995 : 22) traduit par « la chose
aimée » ; et qui signifie en hawaiien « chaud », « que l’on ne peut pas
approcher, comme pour un haut chef » ou encore « plat, lisse », Pukui
& Elbert, 1965 : 225), est le lieu « où les fantômes des morts sont censés aller » (Davies, 1851 : 142). En effet, selon la croyance, les âmes des
morts à Tahiti entamaient une migration vers l’Est :
« la route la plus ordinaire consistait d’abord à s’arrêter dans l’île de
Moorea sur la montagne de Rotui pour y faire une certaine station; la
seconde avait lieu dans l’île de Raiatea, à Meani, d’où le convoi se rendait ordinairement à l’îlot de Tupai, situé à l’extrémité occidentale de
l’archipel qui était à peu près le lieu définitif où les âmes des trépassés
étaient gardées sous bonne escorte » (de Bovis, 1855 : 47).
Ces âmes étaient convoyées par un génie appelé Urutaetae (ou Uretaetae, signifiant littéralement « pénis-vulve » selon Babadzan, 1993 : 302)
qui serait « le sauveur des âmes, le préservateur contre l’anéantissement »
(de Bovis, op. cit. : 48). Il y aurait également un « paradis odorant »
(Caillet, 1926, Henry, 1928) appelé Rohotu no’a no’a,
« séjour de la lumière et des jouissances [...] situé dans l’air, audessus d’une haute montagne de Raiatea; mais invisible aux mortels » (Moerenhout, 1829 : 434-435).
9 Arrêté n°68 CM du 24 janvier 2006.
13
A la porte de ce paradis se tenait une espèce de Cerbère, le prêtre ou
dieu Romatane (signifiant « homme voluptueux » selon Henry, op. cit.)
ou Ro’omatane, créature double (Ro’o et Tane) retrouvée aux îles Cook
sous le nom de Rongo-ma-Tane, célébré comme le dieu des récoltes et
des produits de la forêt (Babadzan, op. cit.). Celui-ci avait le pouvoir d’y
admettre ou d’en exclure les âmes (Huguenin, 1902) et vivait dans les
branches parfumées des fara en fleurs (Henry, op. cit.).
La végétation du Temehani, souvent « couvert de nuages » (Caillet,
op. cit.) ou plongé dans une brume épaisse et balayé par des vents violents, n’est pas sans rappeler les paysages d’Ecosse ou d’Irlande. La lande
montagnarde ou éricoïde, caractérisée par des arbres rabougris, est d’ailleurs appelée par les anglo-saxons elfin forest (forêt elfique) en raison
de la faible taille des espèces (qualifiées parfois de dwarf species, c’està-dire espèces naines), mais peut-être aussi parce qu’elle fait référence
aux nombreuses croyances, superstitions et légendes qu’elle inspire :
« issus de la terre et des eaux, les elfes flottent dans la brume » (Brosse,
1989). Le gouffre situé sur le Temehani Rahi vers 700m d’altitude est une
illustration typique d’un site naturel qui stimule l’imagination : il serait
« mentionné dans le chant de la création comme étant l’entrée du Po »
(Henry, 1928), c’est-à-dire « la nuit, l’obscurité, les ténèbres »
(Moerenhout, 1829 : 31) ;
« les gens rapportent que dans le cratère vivait un monstre féroce que
personne ne voyait jamais, mais dont l’existence était suffisamment
prouvée par la terre retournée et les fougères aplaties autour du cratère » (Henry, op. cit. : 106).
Huguenin (1902 : 23) relate que ceux qui se rendaient sur le Temehani
« se couchent dans l’enfoncement d’un rocher bien connu, font un
grand feu et chantent toute la nuit assis en rond pour conjurer les
tupapa’u et autres esprits ».
L’importance culturelle et le poids mythique de l’île de Raiatea et des
plateaux du Temehani ne sont peut être pas sans rapport avec la célébrité
du tiare apetahi dans toutes les îles de Polynésie française.
14
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Une plante mystérieuse
Premières citations et problèmes étymologiques
Le tiare apetahi était une plante connue des anciens Polynésiens bien
avant sa « découverte » et sa description par les naturalistes et les botanistes européens. Paradoxalement, et en raison d’une transmission exclusivement orale des connaissances chez les premiers migrants, ce fait nous
est fourni par les récits écrits des voyageurs européens. La toute première
citation de l’espèce végétale remonte en effet à 1769, lorsque Sydney Parkinson, jeune dessinateur embarqué sur le navire Endeavour lors du premier voyage de James Cook en Polynésie, décrit dans son journal de bord
une liste des plantes utiles de Tahiti (Plants of Use for Food, Medecine, &c.
in Otaheite in Dodd, 1976 : 197-214). Sur les 94 plantes qu’il cite, 83
sont associées à un nom scientifique en latin et 11 espèces ne sont pas
encore identifiées, dont le numéro 79 : le « apatahei », une « fleur élégante » que Parkinson n’a pas vu (E apatahei. An elegant flower, which
I also did not see). Cet artiste, intéressé non seulement par les plantes alimentaires et médicinales utilisées par les Tahitiens, mais aussi par la
langue (il est le premier à recueillir le plus grand nombre de mots tahitiens, environ 400 selon Scemla, 1994), orthographie le nom de la plante
de façon phonétique (et anglo-saxonne !), comme il le fait par exemple
pour « pooraow » au lieu de purau (Hibiscus tiliaceus, famille des Malvacées) ou encore « teea-ree » au lieu de tiare. On retrouve ensuite la
plante sous le nom vernaculaire de « apatahi » dans le premier dictionnaire anglais-tahitien écrit par John Davies (1851), un instituteur gallois
des premiers missionnaires de la London Missionary Society, partis évangéliser Tahiti en 1801. Cet ouvrage, imprimé pour la première fois à Londres en 1810, est aussi le premier à être paru dans une langue océanienne
(O’Reilly & Teissier, 1967). Selon Davies, le mot a deux traductions bien
différentes : tout d’abord un verbe signifiant littéralement « jeter un regard
de côté à une personne, en signe de mécontentement ou de honte », ensuite
un adjectif désignant « un seul côté, comme on le dit pour une certaine
fleur, tiare apatahi » (Davies, 1851 : 28). Le mot « apetahi », trouvé également dans ce dictionnaire, signifie uniquement « regarder de côté »
(Davies, op. cit. : 9). Les racines de ces deux mots sont vraisemblablement
15
‘ape, « l’acte de reculer devant le danger ou d’éviter la conséquence d’un
argument » (Davies, op. cit. : 28), actuellement traduit par « l’action d’éviter un coup, un danger » ou « éviter un obstacle, une personne, un sujet
de conversation » (Académie Tahitienne, 1999), et tahi signifiant le nombre « un ». Dodd (1976), dans son ouvrage intitulé Polynesia’s Sacred Isle
entièrement consacré à Raiatea, écrit que, selon l’un de ses amis tahitiens,
‘ape est utilisé pour décrire comment un étranger ou un homme méfiant
tournerait son regard d’un côté à un autre comme s’il était en train de traverser un groupe d’étrangers ou d’ennemis potentiels (Dodd, 1976 : 21).
Actuellement les verbes apatahi et apetahi sont souvent donnés comme
synonymes dans les dictionnaires de tahitien contemporain, avec la même
traduction : « regarder de côté ou de travers, regarder avec colère » (Jaussen, 1949 : 115) ou encore « regarder de côté sans tourner la tête »
(Cadousteau & Anisson Du Perron, 1973 : 17). De plus en plus, l’adjectif
apetahi se retrouve associé à la plante endémique de Raiatea : « espèce
de fleur, tiare-apetahi » (Jaussen, op. cit.), « tiare ‘apetahi, fleur
blanche qui pousse sur le mont Temehani » (Lemaître, 1973 : 37).
Le nom tiare apetahi, que l’on pourrait donc traduire littéralement
par « la fleur d’un seul côté », fait référence à la forme dissymétrique
particulière de la corolle. Comme l’écrit Papy (1954 : 220), « la partie
libre des pétales n’occupe qu’un demi-cercle, perpendiculairement au
tube de la corolle ». Pour Caillet (1926 : 26) et Henry (1928 : 68), la fleur
ressemble respectivement « à un Gardenia qui n’aurait qu’un demi calice
et des pétales que d’un côté » et « à une moitié de tiare ». Il faut signaler
que le Gardénia, Gardenia taitensis (famille des Rubiacées), appelé
tiare tahiti et autrefois tiare ma’ohi, est considéré comme étant la plus
belle des fleurs tahitiennes, notamment en raison de ses pétales d’une
blancheur éclatante et de son parfum particulier. On en fait des colliers,
offerts lors des manifestations et des cérémonies, et on s’en sert pour parfumer le mono’i, après macération des pétales dans l’huile de coco. Elle
a également de nombreux usages médicaux (Pétard, 1986 : 278-280).
Le tiare tahiti est actuellement la « fleur nationale » de Polynésie française et l’emblème de la compagnie aérienne « Air Tahiti Nui » créée en
1996, mais paradoxalement et contrairement à son nom d’espèce
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(taitensis), elle n’est pas endémique de Tahiti. Elle serait originaire de
Micronésie et aurait été rapportée par les premiers Polynésiens durant
leurs migrations, des îles Fidji aux Marquises (Whistler, 1991). Le Gardénia, largement planté dans toutes les îles de Polynésie française, ne se
reproduit qu’exceptionnellement par graines et ne se maintient que grâce
à l’intervention de l’homme par marcottage.
La connaissance et l’étymologie du mot apetahi et ses différentes
traductions au cours du temps est notable, car elle montre que le sens
anthropomorphique du « regard de la plante » a fini par prévaloir sur le
sens originel, purement morphologique (« un seul côté »). Certains
auteurs parlent en effet « de la corolle qui la fait regarder d’un seul côté »
(Nadeaud, 1873 : 50) et de la « fleur au regard penché » (Caillet, 1926 :
26). Nous verrons plus loin que dans la tradition polynésienne, les plantes
et les êtres humains étaient intimement liés…
Premières descriptions et problèmes taxinomiques
Un siècle après sa première citation par Sydney Parkinson, le botaniste Jean Nadeaud, chirurgien de la Marine et premier « vrai » botaniste
de Tahiti pour avoir exploré la flore des vallées jusqu’aux sommets de l’île,
fait pour la première fois une description détaillée du tiare apetahi dans
son ouvrage intitulé Enumération des plantes indigènes de l’île de Tahiti
(Nadeaud, 1873 : 50). Cette description se trouve paradoxalement située
dans une partie consacrée à une autre Campanulacée de la sous-famille
des Lobélioidées (anciennement appelée famille des Lobéliacées), Sclerotheca arborea, une espèce endémique de Tahiti et trouvée uniquement en
forêt de nuages au-delà de 1000 m d’altitude (Meyer, 1996) :
« …mon herbier renferme une autre lobéliacée que les indigènes désignent sous le nom d’Apetahi et qu’ils prétendent exister dans les montagnes de Tahiti. Je ne la comprendrai point cependant dans
l’énumération des plantes indigènes, n’ayant pas été à même de constater moi même sa présence. Les échantillons que je possède ont été
cueillis sur le Mont Mehani dans l’île de Raiatea, une des îles de la
Société [...]. Les feuilles sont rapprochées, lancéolées, serrées à dents
calleuses subglanduleuses. Les fleurs sont axillaires sur des pédoncules,
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bibractéolées. La corolle est blanche à lobes ovalaires, à tube long de
3-4 cm environ; le style s’élève au dessus des anthères, le stigmate est
indivis et entouré d’un anneau de poils. L’Apetahi était en fleur dans
les premiers jours d’août 1859 »
Le statut biogéographique du apetahi est dès lors connu : l’espèce
est considérée comme endémique du plateau du Temehani à Raiatea. Le
botaniste américain F. Raymond Fosberg (1994 : 246), par abus de langage voire par confusion taxinomique, parlera même de la « remarquable lobéliacée endémique Apetahia temehaniensis ».
Il est possible que la prétendue localisation du apetahi dans les
montagnes de Tahiti rapportée par les habitants de l’île, et que Jean
Nadeaud pense être erronée, provienne du fait que d’autres plantes endémiques de Tahiti ont une corolle à structure dissymétrique, semblable à
celle de Apetahia raiateensis : dans la sous-famille des Lobélioidées,
outre Sclerotheca arborea décrite précédemment par Nadeaud, figurent
S. oreades décrite par Frantz E. Wimmer, S. jayorum décrite par le botaniste Jean Raynal en 1976 et enfin S. magdalenae découverte et décrite
par Jacques Florence en 1996 (Florence, 1996a). Une quatrième espèce
endémique de Tahiti et Moorea, S. forsteri décrite par Emmanuel Drake
Del Castillo en 1893, et que nous avons uniquement retrouvée à Moorea,
a des fleurs symétriques. Il faut également signaler la présence du très
rare Scaevola tahitensis de la famille des Goodeniacées, voisine de celle
des Campanulacées (elles appartiennent toutes les deux à l’ordre des
Campanulales). Décrite par Sherwin Carlquist en 1969, elle était uniquement connue des montagnes du secteur nord-ouest de Tahiti (au « rocher
du diable » sur le sentier menant au mont Aorai et au mont Marau) et a
été récemment découverte sur la presqu’île de Tahiti par le naturaliste
Walter Teamotuaitau en 2007. Il est remarquable de noter qu’aujourd’hui,
l’autre espèce de Scaevola trouvée à Tahiti, S. taccada (anciennement
appelé S. sericea), connue sous les noms naupata ou napaka aux Tuamotu, une plante de bord de mer assez commune, est parfois appelée par
les Tahitiens « sorte d’apetahi » en raison de sa corolle blanche, fendue et
qui s’étale comme une main ouverte. Le nom Scaevola fait en effet référence au héros romain Mucius Scaevola « qui, pour montrer son courage
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plongea la main droite dans le feu de l’autel jusqu’à ce quelle fut calcinée » (Pétard 1986: 299). L’un des anciens noms botaniques (ou synonyme) du naupata, Scaevola lobelia, indiquait cette ressemblance
morphologique avec les Lobélioidées.
Il faudra attendre la description du botaniste français Henry E.
Baillon parue en 1882 (Baillon, 1882 : 310-311) pour que la plante soit
finalement nommée Apetahia raiateensis. Ironiquement, l’auteur n’a
jamais récolté de plantes en Polynésie française, contrairement à
Nadeaud. Il réalise la diagnose de l’espèce à partir d’un échantillon collecté par J. Vesco, chirurgien de la Marine arrivé à Tahiti à bord du navire
l’Uranie en 1847 (Smith, 1974) :
« cet explorateur des plus habiles, écrit Baillon, non seulement de
Madagascar, mais encore de Tahiti, dont les collections sont pleines
d’indications précieuses, et qui écrit le nom de cette plante Tiareapetai, nous apprend qu’elle habite exclusivement les hautes montagnes de l’île Raiatea, et que les insulaires de Tahiti n’ont jamais
pu la faire croître dans cette dernière, c’est-à-dire à quarante lieues
de Raiatea et dans les mêmes conditions ». Baillon précise que « Si
ces caractères, joints à la fente unilatérale de la corolle, sont jugés
suffisants pour constituer un genre, nous donnerons à celui le nom
d’Apetahia. Vesco nous apprend que l’A. raiateensis est un arbuste
de un à deux mètres au plus, que sa tige est très épaisse, spongieuse et ses fleurs d’un très beau blanc inodores. Les fleurs sont
axillaires et leur pédoncule porte deux bractéoles. »
Le fruit du tiare apetahi, non décrit par Baillon dans sa description de
l’espèce, est une capsule d’environ 1.5 cm à 2 cm de long sur 1cm s’ouvrant par deux fentes à son sommet et libérant des graines ovoïdes minuscules (inférieures à 1mm de diamètre). L’impossibilité de transplanter le
tiare apetahi d’une île à l’autre, soulignée par Vesco dès le XIXè siècle, est
renforcée par l’échec des essais de boutures de cette espèce effectués dans
la pépinière du Service du Développement Rural à Raiatea (Jean-Pierre
Malet, comm. pers. 1994) et de la mort de jeunes plantules issues de graines
collectées sur le Temehani et mises à germer dans les serres de la station de
la Recherche Agronomique du SDR à Papara (Léon Mu, comm. pers. 1996).
19
Drake Del Castillo décrit également l’espèce dans sa Flore de Polynésie française parue en 1893, en se basant sur les spécimens récoltés
par Vesco en 1847, Nadeaud entre 1856 et 1859 et Savatier en 1877, dont
les échantillons sont conservés au Muséum national d’histoire naturelle
à Paris (Jacques Florence, comm. pers. 1995). Il publie aussi le premier
dessin à la plume du rameau et de la fleur du apetahi dans son ouvrage
intitulé Illustrationes Florae Insularum Maris Pacifi daté de 1886-1892.
C’est cette illustration que l’on retrouve reprise dans de nombreux
ouvrages (Dodd 1976 : 25, Barré 1984 : 23, Pétard, 1986 : 69) et qui est
reprise dans cet article (Figure 2).
Deux siècles après la toute première citation du tiare apetahi seront
nécessaires pour disposer d’indications complémentaires et précieuses à
la fois sur l’écologie et la biologie de la plante. Ces informations nous sont
fournies par le phyto-écologue René H. Papy (1954), avec la publication
de son ouvrage de synthèse sur la végétation des îles de la Société :
« Apetahia a un habitat strictement localisé à Raiatea, sur le plateau du
Temehani, et les expériences plusieurs fois tentées pour faire pousser
cette plante ailleurs que dans ses stations naturelles ont jusqu’ici
échoué (essais effectués notamment par M. Jay de Taharaa, en plusieurs points des pentes de Tahiti). Au Temehani, elle forme de petites
colonies, dans des poches, des trous rocailleux et argileux, bien abrités. Vesco, vers 1880, en a vu des pieds de 1 à2 m de haut; 70 ans plus
tard, la taille de l’arbuste ne dépasse pas 1m de haut, autant que j’ai pu
l’observer. Il semble donc que l’on soit en présence d’un genre en voie
de disparition, d’une relique extrêmement ancienne. »
Une étude démographique des populations de tiare apetahi menée
il y a une dizaine d’année sur le Temehani Ute Ute (Meyer 1995) a montré que l’espèce est trouvée jusqu’au fond du plateau vers 750 à 760m
d’altitude où elle fleurit encore, et qu’il existe encore des pieds dépassant
1.5m de haut avec un diamètre à la base atteignant 9cm. La majorité des
plantes sont situées sur les crêtes qui parcourent le plateau et en bordure
de falaise, en zone ouverte et ventée.
20
Figure 2. Dessin de Apetahia raiateensis
(in E. Drake Del Castillo, 1886-1892. Illustrationes Florae Insularum Maris Pacifi, G. Masson éditeur, Paris)
Il est important de signaler que, pour la première fois dans l’histoire
de la botanique, le nom d’un genre endémique de plante de Polynésie
française (Apetahia) provient d’un nom polynésien (apetahi) qui ne fait
ni référence à ses affinités botaniques (comme Plakothira, anagramme
de Klaprothia, genre d’Amérique du Sud auquel il se rapproche, Florence, 1985) ni au nom de son découvreur (comme Lebronnecia en
l’honneur de Guillaume Lebronnec, breton arrivé aux îles Marquises en
1910 et devenu un naturaliste averti, accompagnant les entomologistes
américains du Pacific Entomological Survey entre 1929 et 1932, Adamson, 1939) ou encore en l’honneur d’une personne illustre (comme pour
Fitchia en l’honneur du peintre anglais Walter Hood Fitch (1817-1892).
La complexité des affinités taxinomiques entre le genre Apetahia
avec d’autres genres déjà connus dans la sous-famille des Lobélioidées
renforce la singularité de ce taxon. Nadeaud le rapproche du genre
Monopsis, « à cause de la fente longitudinale de la corolle » (Nadeaud,
1873 : 50) malgré la présence d’un stigmate aux lobes filiformes et
recourbés chez ce dernier genre originaire d’Afrique tropicale (Mabberley, 1997). Pour Baillon (1882 : 311), « il est probable que c’est la
plante voisine des Isotoma [...]. Ajoutons à ces caractères que la fleur
ressemble beaucoup à celle des Brighamia ». Le botaniste américain
John F. Rock (1919) fait également de Apetahia un genre intermédiaire
entre les Campanulacées Isotoma et Brighamia. Certaines espèces de
Isotoma (passé en synonyme du genre Laurentia) qui comprend environ 25 espèces réparties en Amérique de Nord, Afrique du Sud, Méditerranée (Mabberley 1997), possèdent effectivement un tube floral fendu
à la base comme Apetahia10. Brighamia, l’un des six genres endémiques
de Campanulacées lobélioïdes de l’archipel hawaiien, comprend en effet
10 Il existe en Polynésie française une espèce introduite très commune appartenant à la même famille que le tiare
apetahi (Campanulacées) : il s’agit de Hippobroma longiflora (L.) G. Don, anciennement connue sous le nom de Isotoma longiflora (L.) Presl. ou Laurentia longiflora (L.) Endl., originaire des Antilles et appelé « étoile de Bethléem »
en raison de ses fleurs blanches à long tube. Cette adventice des cultures (ou « mauvaise herbe ») trouvée également en bordure de routes et de pistes, sur les talus de rivière aménagée, possède une sève laiteuse toxique et très
irritante pour la peau.
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deux espèces dont la corolle est légèrement fendue (Wagner et al., 1990 :
422-423)11. Pour Papy (1954 : 235) :
« …l’espèce est à rapprocher des deux Heterochoenia12 signalés par
Rivals dans les hautes régions de la Réunion, l’un se retrouvant à l’île
Maurice, et de Brighamia insignis des îles Hawaii [...]. La fleur, dans
le premier genre, à deux lobes séparés des trois autres par un profond
sinus semble indiquer un stade intermédiaire entre les formes normales des Lobelioideae et Apetahia. »
Carlquist (cité in Dodd, 1976) apparente le genre Apetahia à Clermontia (lobeliads like Clermontia in their form), un autre genre endémique des îles Hawaii, bien que celui-ci produise des fruits charnus et
non pas des capsules (c’est-à-dire des fruits secs) comme le apetahi.
Finalement, dans sa révision sur la famille des Campanulacées, Wimmer
(1953) distingue parmi les Lobélioidées deux sous-tribus qu’il positionne
côte à côte : les Apetahiinae et les Brighamiinae. Thomas G. Lammers
(1989) souligne cependant que Apetahia diffère fortement de Brighamia, notamment par son port ramifié (et non cauliforme, c’est-à-dire
avec une seule tige), des fleurs solitaires axillaires (et non pas regroupées
en inflorescence appelé racème).
Les genres Apetahia, Brighamia et Heterochaenia, respectivement
endémiques des îles océaniques tropicales de Polynésie française, Hawaii
et des Mascareignes, donc géographiquement très éloignées, présentent
certaines similitudes étonnantes dans leurs caractères morphologiques
de leur appareil végétatif et reproducteur. Ce sont tous les trois des petits
arbustes aux tiges épaisses et fragiles, contenant un latex abondant, aux
feuilles allongées et denticulées, rassemblées au sommet des rameaux en
11 Les deux espèces endémiques sont Brighamia insignis A. Gray et B. rockii St. John trouvées sur les falaises maritimes de Ni’ihau et Kaua’i pour la première et Moloka’i pour la seconde. Ces espèces ont fait l’objet d’une pollinisation manuelle par des botanistes du National Tropical Botanical Garden suspendus à la falaise par des cordages et
les graines. Elles ont été multipliées en jardin botanique (conservation ex situ) pour être ré-introduites dans des sites
à l’abri des mammifères herbivores (chèvres notamment).
12 Le genre Heterochaenia, endémique de la Réunion (l’existence du genre à Maurice est douteuse) comprend trois
espèces : Heterochaenia ensifolia (Lam.) DC. et H. rivalsii Badré & Cadet trouvés en végétation éricoïde d’altitude
et H. borbonica Badré & Cadet en forêt hygrophile de vallée (Bosser et al., 1976). Une quatrième espèce a été
récemment découverte en 2008 par le botaniste Herman Thomas de la Réserve Naturelle de la Roche Ecrite.
23
rosettes, et possédant de grandes fleurs dissymétriques et des fruits capsulaires secs déhiscents. Certains de ces caractères pourraient traduire
une convergence de forme en raison des caractéristiques écologiques très
similaires de leurs habitats (falaises ouvertes et ventées), voire peut-être
de leur mode de pollinisation (celui du tiare apetahi étant encore
inconnu). Signalons également que les espèces appartenant à ces trois
genres sont toutes considérées comme rares ou en voie de disparition
dans la nature : les espèces de Heterochaenia sont parmi les menacées
ou vulnérables de l’île de La Réunion (Dupont et al., 1984) et les deux
Brighamia sont sur la liste des espèces en danger aux Etats-Unis (Endangered Species List). Brighamia insignis, appelé ‘olulu ou pu aupaka est
devenue la plante-symbole du National Tropical Botanical Garden de
Kaua’i, un jardin et conservatoire botanique de renommée internationale,
qui procède à des essais de culture ex situ et de pollinisation in situ de
cette espèce (David H. Lorence, comm. pers. 1995).
Le taxon géographiquement et taxinomiquement le plus proche de
Apetahia est Sclerotheca, un genre endémique à la Polynésie orientale.
Celui-ci comprend six espèces connues, dont cinq localisée uniquement à
Tahiti (S. arborea, S. forsteri, S. jayorum, S. oreades, S. magdalenae) et
une espèce endémique de Rarotonga (archipel des îles Cook), S. viridiflora. Drake Del Castillo (1893) a séparé les genres Sclerotheca et Apetahia en fonction du nombre de loges dans l’ovaire (ovaire biloculaire,
c’est-à-dire à deux loges, pour Sclerotheca et ovaire uniloculaire pour Apetahia). Wimmer (1948) a curieusement séparé les deux genres Apetahia
et Sclerotheca en les classant dans deux sous-tribus distinctes, en rapprochant Sclerotheca de Tremalobia, un autre genre endémique des îles
Hawaii, dans la même sous-tribu des Sclerotheinae (ovaire biloculaires et
capsule à deux pores), et Apetahia de Unigenes d’Afrique australe dans la
sous-tribu des Apetahiinae (ovaires uniloculaires et capsule à deux valves
déhiscentes).
Les genres Apetahia et Sclerotheca constituent un bel exemple
typique du phénomène de radiation évolutive par isolement géographique
en Polynésie française, c’est-à-dire la formation de plusieurs espèces
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distinctes à partir d’une espèce-ancêtre qui serait arrivée, certainement
par voie aérienne (graines disséminées par les vents), il y a plusieurs millions d’années. Il existe en effet quatre espèces de Apetahia connues et
décrites, présentant une distribution originale : A. raiateensis H. E. Baillon
est endémique de Raiatea, A. margaretae (F. B. Brown) F. E. Wimmer de
Rapa, A. longistigmata (F. B. Brown) F. E. Wimmer des Marquises (Nuku
Hiva, Ua Huka, Ua Pou, Hiva Oa et Tahuata), et enfin A. seigelii Florence,
récemment découverte en 1988 à Fatu Hiva aux îles Marquises (Florence,
1997). A. margaretae (anciennement appelé Sclerotheca margaretae F.
B. Brown) est un petit arbre de 2 à 6m de hauteur, rare en forêt et sur les
crêtes des montagnes de l’île de Rapa, que nous avons observé entre 150 m
et 550 m d’altitude ; A. longistigmata (Sclerotheca longistigmata F. B.
Brown) est un arbrisseau atteignant 2 à 3m de hauteur aux fleurs à corolle
rose à carmin, trouvé en formation de crête ou sous-crêtale en zone
humide d’altitude. Nous l’avons observé sur les flancs du mont Tekao au
dessus du plateau de Toovi et de Terre Déserte (entre 90 m et 1 050m) à
Nuku-Hiva, sur la crête sommitale ventée du Mont Ootua (entre 850 et
880m) à Hiva Oa, ou sur les pentes menant au mont Oave à Ua Pou entre
670 et 920m (Meyer et al., 2006) ; A. seigelii, un sous-arbrisseau ne
dépassant pas 1m de hauteur et aux fleurs de couleur blanc-rosâtre à
bleuâtre, est également localisé sur les pentes et les croupes exposées au
vent du Mont Mounanui à Fatu Hiva, entre 660 et 720 m d’altitude. Nous
avons comptabilisé une dizaine de plantes entre 2000 et 2007 (Meyer &
Taputuarai, 2007). Ces trois dernières espèces sont trouvées dans un type
d’habitat naturel très similaire à celui du tiare apetahi de Raiatea.
Il y aurait eu peut-être une autre Lobélioidée du genre Apetahia en
Polynésie française, le tiare porea endémique de Rurutu (Australes) que
l’on pouvait trouver sur les falaises maritimes calcaires, habitat très similaire à celui de Brighamia aux îles Hawaii. Cette espèce, fleur-emblème du
village de Auti (ou Hauti) situé au sud-est de l’île aurait été, selon une
légende, dérobée sur le Temehani par le demi-dieu Temaruanuu
(immense-légion) et ramenée à Rurutu cachée dans des feuilles de gingembre jaune, le re’a maohi Curcuma longa (Zingibéracées) pour être
offerte comme cadeau de mariage à une beauté du village de Atai appelée
25
Apa’ura (Walker, 1999). Le tiare porea n’a malheureusement jamais été
décrit par un botaniste et il n’existe aucun dessin ni photographie.
Il aurait définitivement disparu dans les années 1970 à cause, encore une
fois, de la surexploitation par l’homme (cueillette de ses fleurs et prélèvement de ses branches pour en faire des boutures) mais également d’un glissement de terrain suite à un cyclone qui lui aurait été fatal. Malgré plusieurs
journées de prospections entre 1998 et 2004 sur les falaises calcaires maritimes de Na’a’iroa, nous n’avons pas retrouvé cette fleur mystérieuse. D’après
la description qu’en font quelques habitants de Auti ayant vu la plante et que
nous avons interviewés en 1998, il s’agirait d’un arbuste atteignant 50cm de
hauteur à grosses fleurs blanches à corolle à long tube, à grandes feuilles
opposées et brillantes et à tige sans sève. Il pourrait donc s’agir plutôt d’une
espèce voisine de Bikkia tetrandra (Rubiacées), une plante trouvée en zone
littorale et sur plateaux calcaires dans les îles Fidji jusqu’en Polynésie occidentale (Tonga, Niue, Van Steenis & Van Balgooy, 1966 : 142) et caractérisée par des grandes fleurs blanches odorantes.
Une fleur sacrée
Dans l’ancienne société polynésienne, les plantes tout comme les
êtres humains avaient une âme : « à la mort, les âmes retournaient à leur
source; et l’âme de l’homme, comme celle des plantes, se rendait en ces
lieux incertains » écrit Moerenhout (1837 : 31). Les arbres étaient parfois considérés comme des êtres vivants d’origine divine, comme l’émanation des dieux (Henry, 1928) : « les couper c’est leur ôter la vie »
(Orliac, 1990). Certains ligneux jouissaient donc d’un statut particulier,
comme le figuier sauvage appelé ora (Ficus prolixa var. prolixa, Moracées) communément planté sur les marae, comme sur celui de Taputapuatea à Raiatea. Il proviendrait, selon une légende tahitienne, de la lune
où la déesse Hina, montée sur l’arbre pour casser une branche afin de
s’en servir pour confectionner du tapa, tomba sur Tahiti (Neal, 1965) ; le
reva (Cerbera manghas, Apocynacées), arbre sacré (Henry, op. cit.) en
raison de son fruit à la coque fibreuse et vénéneuse dont les prêtres se servaient pour les empoisonnements aux Marquises (Rollin, 1974) ; le pua
(Fagraea berteroana, Loganiacées), grand arbre des vallées humides
aux fleurs odorantes, dont une légende raconte qu’il fut apporté sur la
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terre par le dieu Tane. Cet arbre lui était consacré et ses images étaient
toujours taillées dans son bois (Manu-Tahi, non daté).
Le caractère sacré du tiare apetahi est cité plusieurs fois par différents auteurs : d’abord par Baillon (1882 : 310) citant les propos de Vesco :
« il ajoute ce fait curieux que les fleurs ne pouvaient être cueillies que pour
les chefs et la reine »; puis par Huguenin (1902) : « c’est une fleur sacrée ».
Le fait que cette plante était réservée exclusivement à la royauté de l’île est
repris par Dodd (1976 : 26) : « there is a firm tradition that the tiare
apetahi of Raiatea was reserved exclusively for the use of the royalty of
the island ». On peut donc raisonnablement penser que la fleur du apetahi
était tapu dans les temps anciens, ou tout au moins sous le couvert d’un
rahui, ce qui la protégeait partiellement, comme pour d’autres espèces
végétales et animales. Pour les anciens Polynésiens, le tapu combinait à la
fois l’idée de sacré et de l’interdiction dont la transgression était censée
entraîner un châtiment surnaturel. Le rahui est plutôt une interdiction d’exploitation ou de récolte. De Bovis (1855 : 57-58) écrit à ce sujet :
« on mettait le rahui ou le tabu sur quelqu’un ou quelque chose,
et cet homme ou cet objet devenait aussitôt sacré pour tout autre but
que celui auquel il était destiné. Le mot rahui a été réservé pour les
cas qui touchaient seulement à la propriété et pas à la religion. Un
propriétaire place un signe devant un arbre qui lui appartient ».
Ces interdictions constituaient pour les Polynésiens d’autrefois à la
fois « leur code civil et la seule police » (Putigny, 1993) et étaient
édictés principalement souvent dans un soucis de protection, mais parfois aussi pour s’approprier une ressource rare.
Parmi les espèces animales sacrées en Polynésie française figuraient
les tortues marines ou honu (plus particulièrement la tortue verte Chelonia mydas et la tortue à écailles Eretmochelys imbricata) dont la
consommation était réservée aux chefs ou aux reines (Salvat, 1986). De
même, seuls les rois et les princes ayant le droit de cueillir le tiare mao’hi :
« dans les temps anciens, les hommes se servaient de cette fleur
uniquement pour l’amour. Quand les hommes de haut rang se
mariaient, leur maison et leur couche étaient tapissées de cette
fleur pendant trente jours. Le parfum de ces fleurs entassées en
27
grande quantité dans un seul lieu donne aux amoureux le secret
de la plénitude du dieu Atea » (Manu-Tahi, non daté : 23).
La sacralisation d’une plante était un moyen efficace de protection ou
de gestion de ressources naturelles peu communes voire rares. Le tiare anei
(Fitchia cordata, Composées), autrefois fleur-emblème de l’île de Bora Bora
représentait « ce que le tiare apetahi est à l’île de Raiatea » (Manu-Tahi, op.
cit.). Selon une légende, cette plante émergea des eaux avec l’île, et quand
elle rencontra le dieu Ra, ses branches et ses feuilles qui étaient du corail se
transformèrent en une belle plante. Les habitants de la mer venaient de temps
en temps cueillir des fleurs, s’installèrent sur l’île et organisaient de grandes
fêtes se parant des fleurs de tiare anei qui devenait de plus en plus rare. Un
grand prêtre nommé Ra-hotu, conscient que cette plante pourrait à jamais
disparaître de l’île, la transplanta sur la crête de la plus haute montagne (le
Mont Otemanu) dont il était le seul à connaître le passage difficile et dangereux. D’après des conteurs, cette fleur, vu sa grande rareté « était convoitée
par les guerriers de Popora qui allaient jusqu’à risquer leur vie pour l’avoir »
(Manu-Tahi, op. cit.). A la différence du tiare apetahi, devenu célèbre, le
tiare anei est peu, voire plus du tout connu par ses habitants. L’espèce est
même confondue avec l’arbre endémique des îles de la Société Pittosporum
taitense (Pittosporacées) aux petites fleurs blanches que nous avons vu
cueillies par les habitants de Bora Bora.
La légende raconte que cette plante fut menacée de disparition à
cause de la cueillette de ses fleurs, tout comme le tiare apetahi
aujourd’hui, mais qu’elle a été partiellement sauvée par une intervention
humaine. Ironiquement, l’une des rares stations connues du Fitchia cordata, située sur le sommet du Mont Pahia vers 660m d’altitude est actuellement menacée par la destruction de son milieu naturel... qui sert
d’héliport permettant aux touristes de profiter d’un coucher de soleil en
montagne à Bora Bora (Meyer, 1996).
L’évangélisation forcée et contrainte des habitants de Polynésie française par les missionnaires protestants et catholiques dès le XIXè siècle a
brisé tous les anciens tapu et les pouvoirs des chefs et de la reine. Les effets
sur certaines espèces végétales ou animales, protégées partiellement par
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les traditions anciennes, ont été immédiats et catastrophiques : le « braconnage » des tortues marines, malgré les convention internationales sur
la protection de la nature, et la cueillette intensive du tiare apetahi en sont
les deux exemples les plus notoires en Polynésie française.
Une fleur de folklore
Le tiare apetahi, désacralisé, est devenu une curiosité pour les naturalistes et une attraction très appréciée pour les habitants de l’île et les
touristes de passage :
« …ils s’en vont deux à deux cueillir une jolie fleur blanche, veloutée,
semblable à notre Edelweiss, mais plus grande, les quatre pétales rangés d’un seul côté, et croissant sur des buissons. [...] Chacun en fait son
petit bouquet, puis l’on se couronne et on redescend en chantant »
(Huguenin, 1908 : 23) ;
« c’est une attraction très recherchée par les touristes assez courageux pour quitter Uturoa à minuit et se livrer à l’ascension du Temehani »
(Papy, 1954).
On attribue à la fleur des caractéristiques souvent erronées, comme
une odeur parfumée (« le parfum est agréable mais très léger »,
Henry, 1928 : 68 ; « the flowers have a faint, spicey-sweet odor », Dodd,
1976 : 32), alors qu’elle est complètement inodore,
ou une ouverture au petit matin (« ils s’ouvrent [...] lorsque les premiers rayons du soleil les atteignent », Henry, op. cit. : 68) alors que la
corolle s’ouvre vers 4 heures du matin, bien avant l’aube.
Le « bruit léger d’éclatement » que fait la fleur en s’ouvrant (Henry,
op. cit., repris par Merceron, 1988b) est devenu pour certains auteurs
« un claquement caractéristique » (Papy, op. cit.), voire « de petites détonations » (Nadeaud, 1895 : 45)...
De nombreuses légendes, contes et chants sur le tiare apetahi, dérivés d’anciens mythes originels polynésiens, contribuent à populariser
cette espèce végétale dans tous les archipels de Polynésie française.
Une plante menacée de disparition
Actuellement, la cueillette que l’on pouvait qualifier de « traditionnelle », comme la décrivait Huguenin en 1902, a fait place à une activité
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mercantile (« un véritable trafic » selon Laurent Guyot, membre de la
Commission Environnement du Comité de Tourisme de Raiatea en 1994)
effectuée par quelques cueilleurs « professionnels » sans scrupules. Le
botaniste Arthur Whistler signalait déjà en 1982 ce type de commerce qui
restait néanmoins épisodique pendant l’année, notamment lors des fêtes
de juillet :
« …my guides reported that during celebrations like the long
Bastille Day fete in mid-July, islanders go up to Temehani to pick
masses of the flowers for sale in the town. Many plants may be carelessly damaged or detroyed during these raids ».
Le Dictionnaire Illustré de Polynésie (Merceron, 1988b) relate que
la fleur :
« …jouit d’une certaine notoriété du fait de sa rareté. Cela n’empêche
pas les cueilleurs sans scrupules de se livrer à des dégradations sur le
terrain et de menacer sérieusement la survie de cette espèce ».
Il y a encore une dizaine d’années, les fleurs étaient cueillies une à
deux fois par semaine, par dizaines voire par centaines (Jean-Pierre
Malet, comm. pers. 1994), et vendue entre 100 et 600 CFP pièce
(L. Guyot, op. cit.), en général à des touristes ou des personnalités de
passage (dont des hommes politiques) ignorant le statut particulier de la
plante, ou plus grave n’en tenant pas compte. Le tiare apetahi n’était-il
pas réservé aux chefs suprêmes dans les temps anciens ? En 2000
« …des personnes descendant du plateau ont été vues avec des fleurs
de Tiare Apetahi à l’oreille. Le comité du tourisme propose même des
randonnées avec un guide sur le Temehani Rahi et explique que le
guide pourra aller cueillir la fleur afin que les randonneurs puissent la
voir » (Prévost & Chevrier, 2000).
Actuellement, certains guides de randonnée de Raiatea se sont
« appropriés » les derniers plants de tiare apetahi survivants du plateau du Temehani Rahi, pour en faire bénéficier leur activité touristique
et rémunératrice.
La dernière « péripétie » remonte à septembre 2007 avec la visite à
Raiatea du Secrétaire d’Etat pour l’Outre-Mer, Christian Estrosi, à qui des
fleurs de tiare apetahi ont été offertes…par des employées de la commune de Uturoa. Une plainte pour cueillette et détention d’une espèce
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protégée par la règlementation a été déposée par l’association de protection du patrimoine naturel et culturel de Raiatea « Tuihana », soutenue
par la fédération des associations de protection de l’environnement de
Raiatea.
En août 1979, dans son rapport de mission sur le Temehani, le botaniste G. Mondon dénonçait déja l’impact de la cueillette des fleurs sur la
régression des populations de Apetahia raiateensis :
« il ne pousse pas dans de nombreux vallons facilement accessibles, et il semble bien que ce soit là le résultat d’une cueillette
trop intensive », sur les dégâts occasionnés aux pieds « la population de Tiare Apetahi aurait régressé ces dernières années :
quelques bois morts dans des endroits où il ne pousse plus semblent le confirmer » et sur la baisse de la fertilité « il était très difficile de trouver une fleur de Tiare même en bouton, alors que le
matin on en voyait encore de très nombreuses, et certains pieds
pillés étaient mutilés, plusieurs branches fraîchement cassées ».
Il soulignait que « la pression de cueillette semble beaucoup trop
forte » (Mondon, 1979 : 4).
Une étude sur la situation de Apetahia raiateensis sur le plateau du
Temehani Ute Ute, menée entre juin et novembre 1995 (Meyer, 1995), a
montré la diminution rapide de la répartition de la plante sur ce plateau,
pourtant moins fréquenté que le Temehani Rahi, avec une perte d’environ
50% de la surface occupée par le tiare apetahi depuis 1979, notamment
sur le bas et le centre du plateau. Nous avons démontré une baisse sensible de la fertilité des pieds reproducteurs dans les zones très fréquentées (essentiellement sur le versant N-E vers 500-600m d’altitude) et la
faiblesse de la régénération dans ces mêmes zones, allant jusqu’à l’absence de plantules. La cueillette des fleurs constitue une véritable « castration » des plants reproducteurs (l’absence de production de fruits,
c’est-à-dire de graines). Le piétinement des plantules et les dégâts occasionnés sur les pieds accentuent l’élimination progressive des populations de tiare apetahi. La très faible densité observée actuellement sur le
Temehani Rahi, plateau facilement accessible et très fréquenté (environ
31
2 plants/ha), comparé à celle du Temehani Ute Ute (environ 37 plants/ha)
moins fréquenté et encore relativement intact conduisent à supposer une
disparition prochaine du tiare apetahi sur le Temehani Rahi et une diminution notable des pieds sur le Temehani Ute Ute si aucune mesure de
protection n’est prise.
La publication en 1993 par la Délégation à l’Environnement d’une
affiche de sensibilisation intitulée : Sauvons le Tiare Apetahi, l’installation en novembre 1994 sur les deux plateaux du Temehani de panneaux
en bois réalisés par des lycéens du Lycée Professionnel d’Uturoa « Laissez le Tiare Apetahi en héritage à vos enfants », « Prenez soin du Tiare
Apetahi, ne cueillez pas ses fleurs », (Figure 3), les concours de dessin
et de poèmes entrepris par les collégiens, les articles dans les journaux
locaux pour promouvoir la sauvegarde du tiare apetahi ou la visite en
septembre 1994 des Ministres de l’Agriculture et de l’Environnement (cf.
Annexe) n’avaient pas suffit à arrêter la cueillette sauvage et le vandalisme
(la majorité des panneaux ont d’ailleurs été détruits) en l’absence d’une
véritable réglementation. Les cueilleurs (connus de tous) ne paraissent
même pas se rendre compte qu’ils contribuent à la disparition progressive du tiare apetahi, condamnant à terme leur petit commerce.
Il a fallu attendre décembre 1995, avec l’adoption par l’Assemblée
territoriale d’une délibération sur la protection de la nature (n°95-257),
qui offre un cadre réglementaire permettant de créer des parcs et des
réserves, d’unifier et de systématiser les mesures de protection des
espèces en danger, de limiter les risques d’invasion par des espèces introduites, et l’arrêté territorial de mars 1996 fixant la première liste des
espèces protégées, pour voir enfin le tiare apetahi classé comme
« espèce protégée » en Polynésie française. Ce classement met un terme
à presque vingt années de propositions et de recommandations par les
scientifiques et les associations de protection de la nature, avec le soutien
d’une grande majorité des habitants de l’île de Raiatea (cf. Annexe).
Une seconde étude menée dix ans plus tard, en mai 2005, afin de
compléter l’inventaire floristique du plateau du Temehani Ute Ute et
d’effectuer un nouveau recensement des populations de tiare apetahi
32
Figure 3. Photographie de l’équipe de comptage du tiare apetahi en 2005,
posant devant l’un des panneaux en bois réalisés
par les lycéens du L.E.P. de Raiatea en 1994 sur le Temehani Ute Ute.
Les panneaux installés sur le Temehani Rahi ont tous été détruits
par des « cueilleurs » de tiare apetahi.
(Meyer & Taputuarai, 2005) a conduit à un bilan catastrophique et alarmant : le nombre de plants a diminué d’un facteur 10 en l’espace de dix
ans (environ 260 plants comptabilisés en 2005 contre 2950 en 1995,
Meyer, 1995). Leurs observations mentionnent également les dégâts causés par les cochons sauvages sur les hauteurs du plateau. Ils contribuent
à la destruction de la couverture herbacée et de la flore endémique, à
l’érosion du sol, à la dissémination et la germination des plantes envahissantes et d’adventices.
Suite à cette mission d’inventaire, le Ministère de l’Environnement et
du Développement Durable décide de règlementer l’accès du Temehani
Ute Ute en déclarant le site « zone d’habitat sensible » et la Direction de
l’Environnement de commander une étude approfondie de cartographie
et d’inventaire de la flore du plateau. Cependant le long combat pour la
protection de l’espèce est loin d’être terminé : il reste à faire appliquer la
nouvelle réglementation par des agents ou des gardes-nature assermentés qui n’existent toujours pas à Raiatea à l’heure actuelle...
Conclusion
Fleur sacrée dans les temps anciens, le tiare apetahi a réussi à
conserver un certain potentiel symbolique en raison d’une longue tradition
folklorique, à la différence de nombreuses autres espèces endémiques en
voie de disparition (comme le tiare anei de Bora Bora) ou déjà éteintes
(comme le tiare porea de Rurutu). Le tiare apetahi constitue un lien culturel fort entre les Polynésiens d’hier et ceux d’aujourd’hui. Pour le biologiste, cette espèce illustre la confrontation entre le passé à l’échelle
géologique (la formation d’une espèce endémique par isolement géographique dans un milieu naturel très particulier) et le présent à l’échelle
humaine, ou comment en quelques générations humaines, le résultat d’une
évolution de centaines de milliers d’années se retrouve au bord de l’extinction à cause d’une surexploitation par l’homme à des fins mercantiles.
Le tiare apetahi représente un figure de proue pour les quelques
165 espèces végétales actuellement déclarées « espèces protégées » en
Polynésie française depuis 2006. C’est une « espèce-phare » (star-species)
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qui permettra de sensibiliser le grand public et les décideurs à la protection d’autres espèces endémiques, tout autant sinon plus menacées,
mais dont l’importance culturelle a été moins importante dans la tradition polynésienne, ou a été perdue au fil des générations. Bien que considérée comme gravement menacée d’extinction dès 1996 (Florence,
1996b), Apetahia raiateensis a ensuite été malheureusement et curieusement « oubliée » des Listes Rouges des espèces menacées de disparition par l’Union Mondiale de la Biodiversité (IUCN 2007) et ne figure
aujourd’hui sur aucune liste des espèces prioritaires à sauvegarder à
l’échelle planétaire. Une révision de la liste des plantes menacées en
Polynésie française, et de leur statut de conservation actuel s’avère
urgemment nécessaire.
L’apparition de nouvelles menaces pesant sur la survie du tiare apetahi, comme l’attaque de ses feuilles par un insecte herbivore vorace, la
destruction des plants par les cochons sauvages qui prolifèrent dans les
zones montagneuses peu fréquentées par l’homme, ou l’invasion progressive des plateaux par des plantes introduites agressives comme le
« coco plum » ou « pomme-icaque » (Chrysobalanus icaco, Chrysobalanacées) et le « féjoi » (Rhodomyrtus tomentosa, Myrtacées) sur le
Temehani Rahi, ou encore le « goyavier-fraise » (Psidium cattleianum,
Myrtacées) et le terrible miconia (Miconia calvescens) dans les vallons
humides des deux plateaux, nécessite de mettre en place un véritable plan
de conservation du tiare apetahi. Ce programme de sauvegarde doit intégrer à la fois des opérations de conservation ex situ (germination des
graines en laboratoire et multiplication en pépinière) et in situ (restauration de l’habitat naturel en éliminant les plantes envahissantes et les
ongulés herbivores, réintroduction de plants de tiare apetahi cultivés) en
associant des travaux de recherche indispensables (comme la connaissance de la biologie de la reproduction de l’espèce par exemple). Le spectre du réchauffement climatique global, menaçant tout particulièrement
le devenir des écosystèmes de montagne en Polynésie française, devra
également être pris en compte dans les décennies à venir…
Comme l’écrit justement Jacques Brosse (1989 : 322), dans son
ouvrage sur la mythologie des arbres, à propos de la dévaluation de la nature :
35
« …autrefois, en elle tout était signe, elle-même était signification que
chacun, en son for intérieur, ressentait. Parce qu’il la perdue, l’homme
aujourd’hui la détruit et par là se condamne. »
Remerciements
Je tiens à remercier Jean-Pierre Malet (ancien responsable de la section forestière du 2è Secteur Agricole du SDR à Raiatea) et Romy Tavaearii
(actuel responsable de cette section), le géologue Sylvain Blais (professeur à l’Université de Rennes I, Géosciences) pour ses informations sur
la géologie et la pétrologie de Raiatea, le botaniste Jacques Florence
(antenne IRD du MNHN) pour ses précieuses informations sur la flore de
Raiatea. Je remercie chaleureusement Emile Brotherson (SDR de Raiatea)
et Eric Millaud (Service de la Mer) qui m’ont fait découvrir pour la première fois les deux plateaux du Temehani entre 1993 et 1995, que nous
avons ensuite parcourus ensemble à de nombreuses reprises. Ils m’ont
raconté les nombreuses légendes sur le Temehani et le tiare apetahi,
m’ont fait partager leur grande expérience du terrain, leur passion pour
la nature et la montagne, et m’ont communiqué cette attirance indescriptible pour le Temehani, un site d’intérêt écologique et patrimonial
sans équivalent en Polynésie française. Cet article, dont la première version a été rédigée en 1997 et est restée en sommeil jusqu’à aujourd’hui,
leur est dédié.
Jean-Yves Meyer 13
13 Jean-Yves MEYER est phyto-écologue, titulaire d’une thèse de doctorat en biologie des populations et écologie obtenue à l’Université de Montpellier en 1994 portant sur les mécanismes d’invasion du miconia (Miconia calvescens)
en Polynésie française. Formé en botanique par le Dr. Jacques FLORENCE de l’antenne IRD (ex-ORSTOM) du Muséum
national d’Histoire naturelle de Paris, il travaille comme chargé de recherche à la Délégation à la Recherche (service dépendant du Ministère de l’Education, l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de Polynésie française)
depuis 2002.
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ANNEXES
Petit historique de la protection du tiare apetahi (1978-2008) :
Trente années d’un long combat !
30 avril 1978 : décision n°253/DOM du 17 avril 1978 publiée au Journal Officiel de la Polynésie française :
“Est affecté au profit du S.E.R., le plateau Temehani Sud sis à Tevaitoa, d’une superficie de 69ha 10a. Cette
affectation qui est destinée à assurer la “mise en défense” de cette terre consistera principalement : [...]; la
protection et la multiplication sur le plateau du tiare apetahi“.
6 juin 1978 : réunion de l’association Harrison Smith avec comme ordre du jour, le tiare apetahi. Dans le
procès verbal de la réunion, “Monsieur Amiot [...} insiste sur la nécessité de protéger le tiare apetahi en voie
de disparition et que les causes sont : l’érosion, les feux de brousse, les actes de vandalisme des promeneurs“.
18 septembre 1979 : lettre du chef du 2ème secteur agricole, Rasmus Brotherson, à Madame la présidente
de l’association Harrison Smith : “Presque tous les jours des promeneurs se rendent à pied sur le plateau pour
la promenade ou pour récolter des fleurs [...] Il faut essayer de faire comprendre au public de ne plus casser
les branches, qu’il n’y a pas une possibilité de les faire pousser ailleurs et comme le Tiare a une croissance très
lente, ils réduisent les possibilités de la plante“.
1979 : la subvention du Territoire à l’Association Harrison Smith pour protéger le tiare apetahi a été utilisée
pour prolonger la piste forestière du Temehani Rahi afin de favoriser les interventions de protection. L’ouverture
de cette piste a en fait augmenté la fréquentation de ce plateau et la surexploitation de cette espèce !
22 juin 1990 : réunion de l’association de protection de la nature Paruru te natura no Raiatea : explications pessimistes de Jacques Florence, botaniste du Centre ORSTOM de Tahiti en mission à Raiatea, sur la situation du tiare apetahi.
30 août 1990 : article du journaliste POUG dans les Nouvelles de Tahiti intitulé “Raiatea lance un S.O.S. Tiare
Apetahi“ : réunion des élus (maire d’Uturoa, maire de Taputaputea, maire de Tumaraa, conseillers territoriaux)
invités par l’administrateur territorial J. Taputuarai pour la protection du tiare apetahi et le contrôle de l’accès du Temehani. “La cueillette d’une fleur rare est devenue non plus un exploit mais une razzia qui a mis en
péril sa survie“ titre le journaliste.
Novembre 1993 : confection d’une affiche “Sauvons le Tiare Apetahi“ par la Délégation à l’Environnement
(tirée à 750 exemplaires).
2 mai 1994 : article du journaliste Vesco dans la Dépêche intitulé “Le Tiare Apetahi, quasiment disparu et
toujours pas protégé“. Il écrit : “A force d’attendre, on ne contemplera bientôt plus le Tiare Apetahi qu’en photo,
et son nom sur les enseignes des magasins et sociétés de l’île“.
30 septembre 1994 : Noa Tetuanui, ministre de l’Agriculture et Patrick Howell, ministre de la Culture,
l’Artisanat, l’Environnement et la Recherche, se rendent sur les plateaux du Temehani en compagnie des agents
41
du Service du Développement Rural : la protection d’une partie ou de l’ensemble du plateau est proposé. Le journaliste Vesco de la Dépêche du 7 octobre titre “Visite au chevet d’une plante en voie de disparition“.
30 octobre 1994 : article de Hervé Lavaletti dans la Dépêche du Dimanche intitulé “L’étrange plateau du
Temehani“, qui est une véritable apologie de la cueillette du tiare apetahi : “Il est d’ailleurs judicieux de ne
cueillir que des boutons... il faut être sur place dès l’aube, à l’heure où ont lieu les éclosions, la chasse est alors
ouverte, et les plus matinaux ou ceux qui auront dormi sur place assureront une bonne récolte”. “Nous avons
croisé, en montant, un petit groupe... leurs sacs bien remplis“.
Novembre 1994 : article dans la Dépêche, rubrique “Nos lecteurs nous écrivent” : réponse de Laurent
Guyot, membre de la Commission Environnement du Comité de Tourisme de Raiatea, à H. Lavaletti, intitulée
“Randonnée pour un tueur“ qui écrit : “En fait, depuis quelques années, le Tiare Apetahi est devenu l’objet
d’un véritable trafic : 100 à 600 CFP la fleur sur les marchés locaux [...], il est temps de réagir à une telle
incitation au vandalisme [...] Bientôt, les enfants de Raiatea ne connaîtront plus le Tiare Apetahi qu’à travers
de mauvais articles de presse“.
27 novembre 1994 : confection et mise en place sur le plateau du Temehani Ute Ute de panneaux en bois
avec les inscriptions “Laissez le Tiare Apetahi en héritage à vos enfants“, “Laissez le Temehani en héritage à
vos enfants“, “Prenez soin du tiare apetahi, ne cueillons pas ses fleurs” par les élèves de troisième du lycée
professionnel d’Uturoa.
8 décembre 1994 : lettre des défenseurs du Tiare Apetahi dans la Dépêche, signée par le Service de L’Economie Rurale, Délégation à l’Environnement, Comité du Tourisme de Raiatea, LEP d’Uturoa, Kiwanis Club de
Raiatea: “12 pancartes prônant le respect des fleurs imaginées et réalisées par une classe de LEP de Uturoa
seront disposées aux endroits stratégiques du plateau“; un projet de logo et de clip vidéo est annoncé.
Janvier 1995 : réunion des membres de l’association Paruru ite Natura o Raiatea, où l’on apprend que les
panneaux ont été déterrés et jetés et que l’on voit fréquemment des fleurs de tiare apetahi à bord du bateau
de croisière Windsong.
17 février 1995 : article de POTO dans la Dépêche intitulé “Vandalisme au Temehani” où l’on apprend que
“le(s) cueilleur(s) semble(nt) maintenant connu(s) et les réseaux identifiés“ mais que “la jolie vahine est toujours fière et honorée de recevoir le collier de tiare apetahi lors de son mariage... alors on va le chercher soimême ou on l’achète“.
23 février 1995 : deuxième expédition de la classe de 3ème du L.E.P. sur le Temehani pour y installer de
nouveaux panneaux.
4 mai 1995 : article de L. Leenhardt dans les Nouvelles de Tahiti intitulé “Tiare Apetahi, le grand gâchis“,
suite à une interview donnée par le Dr. Jean-Yves Meyer, V.A.T. à la Délégation à l’Environnement.
Décembre 1995 : rapport de Jean-Yves Meyer (Délégation à l’Environnement), intitulé “Etude du tiare
apetahi sur le Temehani Ute Ute” qui alerte les autorités publiques de la situation catastrophique des populations de tiare apetahi en l’absence de réglementation.
14 décembre 1995 : adoption par l’Assemblée territoriale de la “Délibération relative à la protection de
la nature” (n°85-257 AT).
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25 janvier 1996 : article de L. Trouboul dans les Nouvelles de Tahiti intitulé “Tiare Apetahi: urgence“ d’après
les données du rapport du Dr. J.-Y. Meyer.
2 mars 1996 : article écrit par la Délégation à l’Environnement dans les Nouvelles de Tahiti, rubrique “La
Lettre de l’Environnement” intitulé “La Fleur symbôle en péril“.
13 mars 1996 : le Ministre de l’Environnement Patrick Howell convoque la presse pour faire part d’un
arrêté pris en conseil des ministres et qui établit une première liste des espèces en danger : “Le tiare apetahi
ne pourra plus faire l’objet d’aucune forme d’exploitation que ce soit“. La Dépêche du lendemain titre “Touche
pas à mon Tiare Apetahi“.
28 mars 1996 : publication au Journal Officiel de la Polynésie française de l’arrêté territorial n°296 CM
fixant la liste des espèces protégées, qui comporte 26 oiseaux et 19 plantes dont Apetahia raiateensis.
23 octobre 1996 : réunion au SDR d’Uturoa, entre des représentants de la Délégation à l’Environnement
(Mme M. Tatarata), de la Délégation à la Recherche (Mme I. Perez), du Ministère de la Santé et de la Recherche
(Mme E. Coudrain), des présidents d’associations, de directeurs de collèges et du chef du SDR (Mr. M. Wong):
exposé et diaporama de J.-Y. Meyer (Délégation à la Recherche/Université de Hawaii at Manoa). La possibilité de
classer le Temehani Ute Ute en espace protégé et de disposer d’un ou plusieurs gardes-nature est évoquée...
Novembre 1997 : publication du Plan Général d’Aménagement de la commune de Tumara’a par le Service de l’Urbanisme. On peut y lire, à propos des « zones de montagne » qu’elles « sont aujourd’hui menacées par les randonneurs qui saccagent les plantations et abandonnent des déchets le long des chemins d’accès »
mais également et paradoxalement que « la commune de Tumaraa possède plusieurs accès à ces zones de
haute montagne et peut espère y développer un tourisme de randonnées pédestres ».
Septembre 2000 : une étude sur la mise en valeur du Temehani et la création de sentier de randonnées par le
bureau d’étude en environnement « Ha’aviti » mentionne que «lors des repérage sur le terrain, des personnes descendant du plateau ont été vues avec des fleurs de Tiare Apetahi à l’oreille. Le comité du tourisme propose même
des randonnées avec un guide sur le Temehani Rahi et explique que le guide pourra aller cueillir la fleur afin que
les randonneurs puissent la voir ». Les auteurs du rapport proposent la mise en place d’un « petit parcours botanique » à proximité du gouffre où le tiare apetahi « pourrait y être réimplanté si les technqiues de réhabilitation
le permettent » et de la nécessité « d’y placer un gardien qui surveillerait et entretiendrait le site ».
9-12 mai 2005 : mission de recensement des populations de tiare apetahi sur le Temehani Ute Ute par la
Délégation à la Recherche (J.-Y. Meyer & R. Taputuarai), l’association de protection de l’environnement Te Rau
Ati Ati A Taua A Hiti Noa Tu de Tahiti (M. Chan & E. Poroi) créée en 1987, et l’association Tuihana de protection du patrimoine naturel et culturel de l’île de Raiatea (R. Tavaearii, P. Niva, M. Pambrun,
T. Tuarau), récemment créée le 23 janvier 2005.
19 mai 2005 : article de Jean-Pierre Besse dans La Dépêche intitulé « Raiatea : le tiare apetahi se meurt »
résumant les conlusions de la mission de recensement. Le journaliste écrit « l’âme de l’île sacrée expie au purgatoire […] Jamais le tragique déclin de la fleur n’aura approché l’histoire de celle dont elle tire son nom».
21 juin 2005 : La Commission des Sites et Monuments Naturels présidée par le ministre du développement
durable Georges Handerson évoque la nécessité urgente et de classer le Temehani Ute Ute et un garde-nature
pour surveiller l’accès est évoquée.
43
1er juillet 2005 : l’arrêté n°418 CM déclare le Temehani Ute Ute « habitat sensible réglementé » avec un
accès au plateau réglementé. Une autorisation doit être délivrée par le SDR après avis conforme de la Direction de l’Environnement.
Juin 2006 : proposition d’un inventaire et d’une cartographie de la flore du Temehani Ute Ute par Fred Jaq
et Jean-François Butaud, consultants privés, à la Direction de l’Environnement.
Mai 2007 : l’association Tuihana est financée par le Ministère de l’Environnement (convention
N°7.0027/MTE/ENV du 23 mai 2007) pour un projet de « protection de la flore remarquable et lutte contre
les plantes envahissantes sur le Temehani Rahi ».
3 septembre 2007 : accueil du Secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer, M. Christian Estrosi et de la Haut-Commissaire de la République en Polynésie française, Mme Anne Bocquet, à Raiatea : des fleurs de tiare apetahi leur
sont offertes…par des employés du conseil municipal d’Uturoa !
12 septembre 2007 : article de Jean-Claude Bochet de la Dépêche intitulé « Demain plante disparue ? Le
tiare apetahi offert fait peapea ». Plainte pour cueillette et détention illégale de tiare apetahi déposée par les
associations Tuihana et Te Rau Ati Ati A Taua A Hiti Noa Tu soutenu par la fédération des associations de protection de l’environnement de Raiatea.
15-18 avril 2008 : mise en place d’un protocole de lutte chimique contre les deux principales plantes envahissantes sur le plateau du Temehani Rahi Chrysobalanus icaco (Chrysobalanacées) et Rhodomyrtus tomentosa (Myrtacées) avec l’installation de placettes d’étude et de suivi par la Délégation à la Recherche (Dr. J.-Y.
Meyer), l’association Tuihana et R. Taputuarai, consultant privé en phyto-écologie.
8 mai 2008 : projet de thèse de doctorat sur la conservation du tiare apetahi co-dirigée par le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris (Professeur N. Machon, Laboratoire de Conservation des Espèces, Restauration, Suivi des Populations) et la Délégation à la Recherche (Dr. J.-Y. Meyer) financée par une bourse de la
société « Yves Rocher ».
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Temehani,
lieu mythologique
« La tradition hawaïenne rapporte que l’univers fut créé par Wakea
(l’immensité,) et Papa (le roc). Ils reçurent une calebasse qui fut divisée
en deux, la partie servant de couvercle fut jetée en l’air par Wakea (en
tahitien Atea) la mère, et devint le ciel (ra’i en tahitien)14. » Ainsi Ra’i
Atea serait le Ciel de l’Immensité, elle-même mère de la Création.
La même tradition célèbre Ra’iatea sous son ancien nom de Havai’i,
en disant :
« Havai’i, lieu de naissance des terres
Havai’i, lieu de naissance des dieux
Havai’i, lieu de naissance des rois
Havai’i, lieu de naissance de l’homme.15 »
Il était donc normal que Temehani, la montagne qui domine la terre
des commencements, ait un rôle important dans l’ancienne mythologie,
d’autant plus qu’au sommet de cette montagne se trouve un gouffre qui
ainsi deviendra naturellement l’entrée du monde du dessous, tout en étant
au voisinage du ciel.
En fait, Temehani a deux sommets. Leurs noms sont aujourd’hui
obscurs. Temehani ‘ura, le sommet inférieur, à l’ouest, signifierait « la
chaleur (la maison, suggère Teuira Henry) de la perruche16 ». Peut-être
14 Teuira Henry ; Tahiti aux Temps Anciens, p. 353.
15 Ibidem
16 Ibidem p. 104
s’agit-il de la perruche à queue rouge (’ura signifiait plumes rouges et
aussi, simplement, rouge, selon Davies) qui fournissait les plumes pour
le maro ‘ura, la ceinture qui symbolisait le pouvoir des rois. La perruche
en question a aujourd’hui disparu, exterminée depuis longtemps par les
premières armes à feu, mais le « Petit Temehani » est toujours rouge en
tahitien moderne : on l’appelle aujourd’hui Temehani ‘ute ‘ute.
Le sommet supérieur, celui où se trouve le gouffre (plutôt que le cratère comme le dit à plusieurs reprises Teuira Henry, qui n’avait pas dû y
monter), s’appelle Temehani ave ari’i, soit « la chaleur (la maison ?) de
la suite des rois ». Ave, c’est aussi la queue des comètes, leur traîne, et
l’on peut entendre avec Teuira Henry la « ligne », la lignée peut-être, des
rois. Nous savons que les Ari’i, les rois polynésiens, aimaient à faire
remonter leurs généalogies jusqu’aux Dieux, dont Temehani apparaît ainsi
comme l’Olympe local.
Cette hypothèse se trouve appuyée par un des récits de la Création :
« Tumu nui, le rocher de la grande fondation [le pilier de la Création],
se trouve au fond du cratère éteint de Temehani, non loin d’un torrent
appelé Vai tu po, la source dans l’obscurité [la rivière des Enfers, le Styx
polynésien en somme, car le Po est à la fois le monde de la nuit et le
monde du dessous]17. »
Le sommet de Temehani est le lieu de légendes et de traditions qui
ne sont pas sans évoquer certains mythes occidentaux, voire universels.
Dans la version raïatéenne du Déluge, qui est antérieure à la christianisation, Temehani ave ari’i est submergé par les flots et la colère de
Rua hatu, le Poséidon local, et c’est sur l’îlot Toa marama de la passe Te
ava rua (aujourd’hui Te ava piti) que se réfugient ceux qui survivront,
protégés grâce à la présence parmi eux de la princesse Airaro, « chérie
des dieux de la mer18 ».
D’après une autre version du Déluge, tradition orale rapportée par
M. Charles Brotherson, de Uturoa, qui la tient d’une de ses grands-tantes,
17 Ibidem p. 345 note 2
18 Ibidem p.469
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les survivants se seraient réfugiés sur l’îlot Ava mo’a, non loin de la
passe sacrée, Te ava mo’a, qui se trouve en face du marae, à Opoa.
Dans ce récit, le héros est Tafa’i, dont nous reparlerons. Alors que la
mer se met à monter, il entraîne Ti’aitau, sa sœur bien-aimée, sur les
pentes de Temehani pour la mettre à l’abri. Mais la mer continue à monter, et lorsqu’ils arrivent au sommet de la montagne, Tafa’i craint le pire.
Pour empêcher les eaux tourbillonnantes d’emporter sa sœur, il attache
les longs cheveux de la jeune fille à l’un de ces tumu fara, les petits
pandanus tordus par le vent qui poussent près du gouffre. Il n’a rien
pour s’attacher lui-même. Il voit les eaux recouvrir le sommet de la
montagne et se ruer vers le gouffre béant. Le courant est vertigineux.
Tafa’i s’accroche aux racines en béquilles du tumu fara où sa sœur est
attachée, mais bientôt il doit lâcher prise et le maelström l’entraîne au
fond du gouffre.
On sait que ce gouffre communique avec une grotte sous-marine au
fond de la baie Tepua, où se trouve l’actuel Hôtel Bali Hai. Tafa’i émerge
dans la baie, passablement écorché mais indemne, comme les cocos
qu’on jetait naguère dans le gouffre et qui ressortaient là entiers, mais
décortiqués, c’est à dire débarrassés de leur enveloppe de bourre. (Le
père de Charley Brotherson disait avoir fait lui-même l’expérience.)
Tafa’i a donc survécu et, lorsque les eaux du Déluge se retirent, il
remonte sur la montagne pour secourir Ti’aitau, sa sœur.
Mais en arrivant près du gouffre, dans le calme qui suit la tempête,
il cherche en vain le petit tumu fara et ses branches tordues par le vent
mara’amu, qui souffle en permanence au sommet. A sa place, il y a un
buisson aux feuilles lisses avec deux boutons de fleurs blanches, dont les
cinq pétales se déplient comme les doigts de deux mains alors qu’il s’approche.
C’est sans doute pour épargner à Ti’aitau une mort horrible que les
dieux l’ont au dernier moment transformée en buisson de tiare apetahi.
On sait que cette fleur est unique au monde, et que toutes les tentatives
faites pour la transplanter ailleurs, même sur les sommets de Tahiti, ont
échoué. Temehani, lieu sacré, conserve jalousement le souvenir de Ti’aitau, sorte de Baucis polynésienne, héroïne que la mort transforme en
arbuste fleuri.
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Après le Déluge, qui est sans doute le souvenir d’un tsunami, la tradition veut qu’un grand marae ait été construit sur les pentes ouest de
Temehani, à l’abri d’un nouveau raz de marée. L’emplacement de ce
marae, nommé Tahu ea, est aujourd’hui oublié, mais son existence a été
attestée en 1886 par le vieux chef Tataura19.
La légende de Pai raconte l’histoire d’un enfant que sa mère abandonne pour le sauver, car elle se sait menacée par une vengeance. Les
enfants abandonnés promis à une destinée exceptionnelle (voir Moïse
dans l’Ancien Testament, Œdipe chez les Grecs, Romulus et Remus dans
la mythologie latine…) semblent faire partie du patrimoine universel.
Abandonné à la naissance dans un panier accroché à une branche de ti,
arbuste sacré, sur un marae, Pai a clairement été remis par sa mère à la
merci des Dieux. Trouvé et élevé “à la dure” par Ta’aroa, le Créateur,
notre héros doit subir toute une série d’épreuves dont il sort victorieux.
Puis, son éducation faite, il s’apprête à retourner chez les hommes.
« Après avoir dit adieu à Ta’aroa, Pai fut conduit par des chemins tortueux jusqu’au cratère de Temehani. Là, ils s’arrêtèrent et le soleil couchant éblouit les yeux du jeune homme. En entendant la mer qui
grondait, Pai demanda ce que c’était, et les Dieux lui donnèrent l’explication de bien des choses qu’il voyait pour la première fois.20 »
Si l’on a eu la chance de gravir Temehani un jour où le sommet est
bien dégagé, ce passage revêt une émotion particulière : par temps calme,
le grondement du récif qui entoure Ra’iatea y monte comme une rumeur
lointaine, et on voit de là-haut la quasi totalité des îles Sous-le-Vent, Maupiti comprise, et même l’atoll de Tupai, derrière Bora-Bora, de sorte que
l’endroit devient un lieu d’initiation géographique incomparable. Et l’on
ne peut s’empêcher de penser initiation tout court, lorsqu’on sait que la
totalité des connaissances et des activités polynésiennes étaient autrefois
enracinées dans la religion traditionnelle, et régies par ses rituels. « Ra’iatea,
dit Moerenhout, était le siège de la théocratie polynésienne.21 »
19 Ibidem, p. 472.
20 Ibidem, p. 597.
21 Moerenhout, Voyage aux Îles du Grand Océan, tome 2, p. 509
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Comment, par ailleurs, ne pas songer à la scène finale de la Tentation du Christ, dans l’Évangile22, qui elle aussi se déroule sur une haute
montagne, à la fin de “l’initiation” de Jésus (après son baptême et son
jeûne de quarante jours dans le désert) et juste avant qu’il ne retourne
dans le monde des hommes pour entamer sa vie publique ?
Temehani était aussi l’ultime étape du voyage des âmes, car la
croyance était que l’âme ne quitte pas le corps définitivement le jour
même de la mort. Là aussi il y avait un voyage initiatique, en quelque sorte,
à l’issue duquel l’âme trouvait son salut, ou sa punition éventuelle. Mais
on ne peut guère ici, comme on va le voir, parler de damnation.
« [Les Tahitiens] croyaient comme les théosophes, qu’après la mort
naturelle, l’âme demeurait pendant trois jours dans le corps avant de
s’en aller. Les initiés prétendaient qu’il leur était possible de voir l’âme
prenant son vol, et allaient jusqu’à décrire son aspect ainsi que celui
des autres âmes qui l’accompagnaient. L’âme se protégeant des mauvais génies avec des amulettes ‘ura, se rendait à la colline Tataa à
Punaauia, rendez-vous à Tahiti de toutes les âmes désincarnées.
Lorsqu’elle atterrissait sur le ‘ofai ora (pierre de vie) elle pouvait
retourner à son corps, mais si elle atterrissait sur le ‘ofai pohe (pierre
de mort) elle était à jamais séparée de sa dépouille mortelle. Dans les
deux cas elle montait de Tataa jusqu’à Rotui (qui expédie les âmes),
montagne de Moorea, et de là au mont Temehani à Ra’iatea; là, le chemin de la crête se divisait en deux sentiers ; celui de droite conduisait
à une éminence isolée appelée pu o roo i te ao (centre pour arriver
au Ciel), celui de gauche menait à un monticule en forme de cône
appelé pu o roo i te po (centre pour arriver aux Enfers)23. »
C’est en cet endroit de Temehani que s’effectuait le tri du bon grain
et de l’ivraie.
« Le Rohutu no’ano’a (le Paradis) était, nous dit Moerenhout, situé
dans l’air au-dessus d’une haute montagne de Ra’iatea ; mais invisible
aux mortels, […] séjour de la lumière et des jouissances qui, dans
son genre, surpassait l’Élysée des Grecs, le ciel même de Mahomet, ne
22 Evangile de Mathieu, IV, 8-11.
23 Henry, op. cit. p. 208.
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le cédant à aucun des séjours de délices ou de récompenses inventés
par les fondateurs des diverses religions de la terre. Là, le soleil brillait du plus vif éclat, l’air était embaumé et toujours pur ; là, des fleurs
toujours fraîches, des fruits toujours mûrs, une nourriture savoureuse
et abondante ; là, des chants, des danses, des fêtes sans fin, et les plaisirs les plus ravissants près de femmes éternellement jeunes, éternellement belles24. »
Éloquent Moerenhout ! Bizarrement, son contemporain le missionnaire britannique William Ellis fait du Paradis Parfumé (Rohutu
no’ano’a), dans le ciel de Temehani, une description qui est presque,
mot pour mot, la même, y compris la référence au ciel de Mahomet.
Le Po (les Enfers) ressemblait en fait plus à un Purgatoire qu’à la
Géhenne dont les envoyés de la London Missionary Society menaceront les
« païens » aux mœurs, selon eux, dissolues. En effet, le séjour des âmes
n’y était pas définitif. L’âme qui n’avait pas été aiguillée vers le Rohutu
no’ano’a « …n’avait d’autre ressource que de voler jusqu’à pu o roo i
te po et de là descendait dans le cratère de Temehani » où elle était mise
en présence de Ta’aroa, le Créateur.
« Dans ce lieu, il n’était tenu aucun compte du rang qu’avaient eu les
mortels ; les âmes étaient toutes traitées de la même façon. Les rois, les
nobles et les gens du peuple devenaient, selon leurs capacités, des
ramasseurs de vivres, des pêcheurs, des planteurs et d’humbles serviteurs des Dieux. Les reines et les femmes de toutes classes étaient les
servantes des Déesses car […] il y avait sous terre un monde exactement semblable au nôtre25. »
Temehani était donc bien à la fois l’Olympe et l’Hadès des anciens
Tahitiens.
Après un an dans le Po, les âmes étaient finalement prises en pitié par
Ta’aroa qui, après s’être entretenu avec elles, les renvoyait sur terre sous
la forme de dieux inférieurs, bienfaisants ou malfaisants selon le cas.
Ancêtres des tupapa’u d’aujourd’hui.
24 Moerenhout, op. cit. tome 1, p. 434. Voir aussi Ellis, A la Recherche de la Polynésie d’autrefois, tome 1, p. 164.
25 Henry, op. cit. p. 209.
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Il arrivait aussi que, juste au moment du choix entre Rohutu et Po,
entre Ciel et Enfer, l’âme obtienne un sursis. En lisant la légende de Tafa’i,
que rapporte Teuira Henry, on ne peut s’empêcher d’évoquer Orphée et
Eurydice. Écoutez plutôt :
« Un jour qu’il revenait d’un long voyage, il eut la douleur de trouver
sa femme [Hina] morte. Elle venait de mourir et son corps, encore
chaud, était étendu sur un autel du marae ancestral, gardé par les prêtres et la famille. Bientôt, dans sa détresse, Tafa’i décida de la disputer
aux Dieux ! Ayant demandé au prêtre où s’était rendu son esprit, celuici lui dit qu’il avait quitté les lieux sacrés et se trouvait pour l’instant
avec d’autres esprits à Tataa, à environ vingt milles de Uporu [où il
vivait], lieu de rendez-vous avant de partir pour le Paradis ou les Ténèbres de Ra’iatea. Tafa’i, sans perdre de temps, saisit sa grande pagaie
et mit à la mer sa pirogue Niu, puis il s’élança sur les eaux calmes du
lagon et arriva à Pa’ea à la tombée de la nuit juste à temps pour voir le
départ des esprits. Il apprit que l’esprit de sa femme était parti peu de
temps avant pour le mont Rotui à Moorea d’où les esprits partaient
pour Temehani à Ra’iatea, dernier lieu d’où ils pouvaient revenir dans
ce monde. Il se précipita vers le mont Rotui et en peu de temps se
trouva au sommet. Mais là aussi il constata que Hina était déjà partie
depuis quelque temps. Sans se décourager il reprit sa pirogue et la fit
voler jusqu’à Ra’iatea et sans s’arrêter gravit le mont Temehani jusqu’à
un certain endroit sur la montagne d’où partaient deux sentiers, l’un
vers la falaise de droite appelée Pierre de Vie, d’où les esprits montaient au Rohutu no’ano’a (Paradis au doux parfum), l’autre descendait dans le cratère béant de Temehani et, de là, au Po.
« La lune se couchait et l’étoile du matin annonçait le jour lorsque Tafa’i
arriva en ce lieu ; il y trouva le dieu Tu ta horo’a (Debout pour permettre) qui gardait l’accès des sentiers. Tafa’i lui demanda si Hina sa femme
avait déjà franchi ce lieu et, à son grand soulagement le dieu lui répondit que non, mais il ajouta que Tafa’i devait se cacher dans les buissons
et reprendre des forces afin de pouvoir la capturer au vol, car c’était le
dernier lieu d’où les esprits pouvaient être ramenés en ce monde.
« A bout de souffle, Tafa’i se cacha et à peine avait-il repris des forces
qu’il entendit un bruit de feuillage remué ; c’était le dieu qui lui disait
de se tenir prêt.
« Bientôt Tafa’i aperçut la haute stature de sa femme qui lui était si
familière, elle avança sur le bord du rocher puis s’écarta brusquement,
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sentant la présence d’un être humain. A ce moment, et avant qu’elle ne
pût s’envoler vers la Pierre de Vie où elle lui aurait échappé, Tafa’i fit
un bond prodigieux dans l’air et la saisit par les cheveux. Hina se débattit vigoureusement car elle se réjouissait de se rendre dans le monde
des esprits, mais son mari tint ferme et, après avoir entendu Tu ta
horo’a lui dire que le temps n’était pas encore venu pour elle de quitter ce monde, elle décida de rentrer avec son mari. Une fois rentrée à
Uporu, Hina réintégra son corps qui était encore en parfait état et tous
se réjouirent de l’heureux retour de Tafa’i et de sa femme des confins
du monde des esprits.26 »
Revenons, avant de conclure cette courte compilation, à Moerenhout qui, rappelons-le, termine son livre en 1835. Selon lui, Ra’iatea,
Taha’a, Bora-Bora sont :
« le berceau commun des traditions polynésiennes et […] sous ce rapport, bien plus importantes qu’Otahiti [Tahiti] même. C’est à ces lieux
que se rattachent les événements mythologiques ; c’est de là que partent
les Dieux pour leurs plus brillants exploits. […] C’est à Ra’iatea que le
dieu ‘Oro institua la fameuse société des Aréoïs [’Arioi] ; c’est au-dessus d’une montagne de cette île qu’était le ciel de cette même société ;
c’est de là que part Hiro pour la recherche du maro ourou…27 »
On sait que le dieu ‘Oro28 dont Ra’iatea était le « pays natal », était
d’introduction relativement récente dans le panthéon polynésien, et que
les premiers navigateurs européens ont assisté aux fêtes somptueuses
qu’organisaient les ’Arioi sous son égide. Ainsi depuis Ta’aroa le Créateur,
qu’on retrouve dans tout le monde polynésien – Tangaroa aux Tuamotu,
Tangaloa à Samoa et aux Tonga, Kanaloa à Hawaï, Tangaroa chez les Maoris de Nouvelle-Zélande, avec, il est vrai, des attributions parfois différentes – jusqu’à ‘Oro, dieu local « récent » au moment de l’arrivée des
Européens, Temehani a toujours joué son rôle de montagne sacrée.
Henri Theureau
26 Ibidem, p. 577.
27 Moerenhout, op. cit. tome 2, p. 509. Peut-être y a-t-il à la fin de cette citation une erreur de transcription. En
effet, maro uru semble peu probable. Il doit s’agir de maro ura.
28 Henry, op. cit. p. 238. Oro maro ura, guerrier à la ceinture rouge.
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Ancêtres et pratiques rituelles
Fouille de sondage
de trois structures de marae
à l’extérieur de la zone centrale
de Maeva, Huahine,
îles de la Société
Polynésie française - 2004
Introduction
Les recherches communiquées ci-dessous représentent la quatrième
partie d’un projet plus vaste pour étudier l’origine et la chronologie des
marae à Huahine, sur les îles de la Société qui se base sur l’étude de la colline de Mata’ire’a, Maeva, par le Dr. Y. H. Sinoto et ses associés. Le projet,
appelé « Développements locaux et interactions régionales », conduit par
Paul Wallin de l’Institut d’archéologie et d’histoire de la culture du Pacifique, au musée Kon-Tiki, effectua trois fouilles de sondage de marae dans
les secteurs de Fare et Maeva entre le 25 octobre et le 12 novembre 2004.
Pendant les trois précédentes campagnes sur le terrain en 2002 et 2003
nous avons effectué sept fouilles de sondage de marae dans les environs
du village de Maeva (Fig. 1), comprenant les deux centres de culte importants, le marae Mata’ire’a Rahi et le marae Manunu, dont on sait qu’ils ont
servi comme marae nationaux sur Huahine et Huahine Nui respectivement.
Nous avons recueilli dans ces sept sites des échantillons de charbon de
bois et d’os, qui ont été datés au radiocarbone par le laboratoire Waikato
en Nouvelle-Zélande et ils constituent la première estimation de quand les
habitants de Huahine ont commencé à construire des marae. Nos efforts
se sont concentrés sur le datage de la phase de construction initiale du
marae sur chaque site. Dans quelques-uns des sites étudiés en 2002 et
2003, et en particulier dans les deux principales fouilles en 2003, les informations trouvées nous permettraient d’en savoir plus sur les pratiques
rituelles et la symbolique du complexe de marae des îles Sous-le-Vent. Cidessous nous présentons un bref résumé des recherches de 2004.
Conception et méthodologie de la recherche
La conception de la recherche de notre projet « Développements
locaux et interactions régionales » a été décrite en détail ailleurs, il devrait
donc suffire de n’en présenter qu’un bref résumé ici. La recherche
archéologique des espace(s) rituel(s) a été menée dans plusieurs sites de
la Polynésie française dans les années 1960 et 1970, mais après le projet de la vallée de la Papeno’o à Tahiti dans les années 1980, dont
l’essentiel reste à ce jour non publié, très peu de choses a été fait jusqu’à
maintenant (Cf. Marchesi 2003). La plupart de ces recherches ont eu lieu
sur le groupe des îles du Vent et, par conséquent, nos connaissances sur
l’origine et l’évolution des marae des îles Sous-le-Vent sont légères.
Bien que les structures rituelles comme les marae, les heiau ou les
ahu aient été considérées des sources importantes d’information sur le
peuplement de la Polynésie et le développement postérieur principalement en organisations et hiérarchies, les fouilles archéologiques et la
datation de ces structures n’ont pas toujours été une tâche prioritaire. Il y
a deux exceptions régionales à cette situation. D’abord, sur l’île de Pâques,
les recherches, fouilles et restauration d’ahu ont constitué l’essentiel du
travail archéologique qui a été fait sur l’île. Mis à part leur caractère
unique, le fait que le développement architectural des ahu était à la base
de la première séquence culturelle sur l’île pourrait aider à expliquer la
quantité de travail réalisé sur les structures rituelles de cette île. Ensuite,
dans la dernière ou les deux dernières décennies, les nouvelles
54
Figure 1:
Carte des emplacements des structures archéologiques étudiées à Maeva Huahine.
recherches ont augmenté notre compréhension des structures rituelles
sur les îles d’Hawaï et le niveau de développement de ces îles a également
contribué à augmenter la base de données. En 2002, Paul Wallin, du
musée Kon-Tiki, a entamé des recherches sur les marae de Huahine dans
le groupe des îles Sous-le-Vent en collaboration avec Y. H. Sinoto du
musée B. P. Bishop. L’objectif principal de ce travail était de dater l’émergence des complexes marae dans les îles de la Société par le biais de
fouilles archéologiques d’un certain nombre de structures d’une zone où
elles étaient d’un type ainsi que d‘une taille et d’un sens social différents. Les
établissements de Huahine et de la colline de Mata’ire’a ont été choisis
parce que cette zone avait été bien étudiée et qu’il existait une séquence
historique d’évidence archéologique du peuplement initial, et l’évolution
du peuplement remontant à des temps historiques, ainsi que des observations des premiers Européens et la tradition orale au sujet d’événements ayant eu lieu à l’ère protohistorique.
Résultats de la campagne sur le terrain de 2004
Après avoir réalisé sept fouilles de sondage de marae sur la colline
de Mata’ire’a et le Motu Ovarei au village de Maeva, et ayant obtenu exclusivement des dates postérieures au XVè siècle, nous avons dû nous demander si le centre rituel de Maeva était un phénomène relativement récent
dans la préhistoire de Huahine. Par conséquent, lorsque nous eûmes l’occasion de faire des recherches dans trois marae dans la périphérie du
secteur de Maeva et dans le secteur central de Fare, nous avons voulu tester cette hypothèse. Les fouilles ont été très gratifiantes et, en particulier,
les recherches dans le marae du domaine Haupoto révélèrent de nouvelles connaissances sur les pratiques rituelles par rapport au concept
des marae sur les îles de la Société.
Marae dans le domaine Tiamaue, vallée Tepua, Fare
Le domaine appelé Tiamaue se trouve au fond de vallée de Tepua,
une vallée derrière la ville-port de Fare, dans le secteur de Fare. Un petit
marae se trouve sur la pente derrière la maison de Richard Lai. La
construction se compose de deux terrasses de contention de 9 mètres de
long sur 6 mètres de large avec une dalle de ahu en basalte et corail
56
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
située au sud-est, du côté de la pente. Immédiatement en dessous de la
cour, il y a un petit sanctuaire constitué de six pierres de basalte dressées dont une verticale au milieu, probablement une tombe.
Un fossé de 1m sur 7m a été tracé perpendiculaire à l’axe longitudinal de l’ahu avec la première unité à l’intérieur de l’ahu et trois unités
ont été creusées. Il n’a pas été trouvé de vestige culturel préhistorique
pendant ces fouilles et aucune matière récupérée ne se prêtait à une datation. Dans la zone du ahu les trouvailles furent aussi infructueuses lorsque
le petit site marae ScH-2-65-2 de Te Ana, sur la colline de Mata’ire’a a été
creusé en 2002. Bien que préliminaires, on pourrait suggérer que les
plus petits marae, dont l’utilisation était peut-être en rapport avec des
rites agricoles ou personnels, n’ont pas été l’objet du même type de sacrifices ou offrandes que les plus grands marae du genre de tupuna ou
mata’einaa. Pendant les fouilles de marae de taille moyenne à grande,
sites qui ont probablement eu une fonction religieuse pour une lignée
ou une région ou niveau politique, nous avons toujours trouvé des os,
dont des os humains, de porc, de chien, d’oiseaux, de mouton, de chat
et chèvre ainsi que des arêtes de poisson. On peut suggérer que les plus
petits marae ne recevaient que des offrandes de plantes et d’autres produits facilement périssables comme des aliments cuisinés ou du tissu.
Et peut-être même que quelques marae n’ont pas eu de sacrifice du tout.
Marae dans le domaine Tuituirorohiti
Un marae apparemment petit et insignifiant se trouve dans un vieux
bosquet d’immenses arbres bois de fer (aito) sur une ancienne terrasse de
plage sur le domaine Tuituirorohiti, une partie des terres de Fa’ahia dans
le secteur de Fare. C’est une plate-forme marae avec une cour presque carrée d’une assise en dalles de basalte, bordée de dalles de basalte dressées.
Toute la structure mesure environ 14m sur 14m. L’ahu est fabriqué essentiellement en dalles de basalte et il est remblayé de morceaux de corail et de
rochers plats, plus grands, de basalte. Un fare-potee de taille moyenne se
trouve juste au sud du marae. Il pourrait avoir été un fare-ia-manaha, où
les atours pour les rituels qui avaient lieu sur les marae étaient gardés.
Mark Eddowes a récemment suggéré que ce marae représente le vrai
emplacement du marae Tahuea, une structure rituelle importante dans la
57
Huahine protohistorique (Eddowes 2003 : 58-59), plutôt que le marae
restauré par Y. H. Sinoto plus près de l’ancien emplacement de l’hôtel Bali
Hai, basé sur une description du Père Joseph Chesneau du marae situé
dans un bosquet de vieux arbres tamanu. Trois zones de ce marae ont été
étudiées. Nous avons creusé neuf mètres carrés à l’extrémité ouest du farepote jusqu’au niveau stérile, entre -10 et -15cm en dessous de la surface,
et les seuls restes d’occupation qui ont été trouvés étaient quelques pièces
en coquillages probablement travaillés. Nous n’avons pas trouvé un sol bien
défini dans cette maison et nous ne ferons plus référence à cette fouille par
la suite. Le fossé II se trouvait le long du côté nord du marae, coupant le
ahu perpendiculairement à son axe longitudinal et six unités ont été creusées, quatre mètres carrés à travers l’ahu, une unité dehors dans la cour,
et une unité derrière la plate-forme du marae.
Fossé II
Les fouilles du fossé II ont révélé que le marae a été construit sur une
couche de sable de plage avec de petites pièces de corail (Fig. 2), dans
laquelle les pierres de la cour et les dalles du ahu étaient enfoncées. L’ahu
était ensuite remblayé avec des rochers plats de basalte et des pièces de corail
(allant de la taille d’un poing à la taille d’une petite tête) et quelques pierres
abîmées par le feu, probablement utilisées dans un umu. Entre les pierres, à
la fois à l’extérieur et à l’intérieur de l’ahu, se trouvaient des petits fragments
d’os de porc et quelques fragments d’ossements humains. Dans la cour, des
os de porc et des arêtes de poisson ont été trouvés et juste à l’extérieur de l’extrémité orientale du marae, dans l’unité 13.70 du fossé I, un fragment d’os
de baleine et un fragment d’hameçon en coquille nacrée ont été trouvés.
Fossés III et IV
Au milieu de la cour, sous la couche de la cour du marae, un grand
umu d’env. 1,2 mètres de large a été découvert à une profondeur entre -20
et - 47cm sous la surface du sol, avec une couche de terre brûlée en dessous.
Il est clair que ce four en terre a été creusé et allumé avant la construction
du marae (Fig. 3). A part le charbon de bois, seuls quelques fragments d’os
de porc et quelques coquillages et épines d’oursin ont été récupérés. Les
coquillages étaient abîmés par le feu et n’ont pas été identifiés.
58
Figure. 2
Section de l’ahu indiquant que les galettes avaient été placées dans une vieille terrasse de plage.
Suffisance des pierres plates de basalte et morceaux de corail sur le dessus.
Une petite unité de sondage, le fossé IV, a été creusé au côté nord de
la cour du marae et on a trouvé des grosses quantités de charbon de bois
et de la terre tachée de noir avec du corail brûlé à la base de l’unité et
nous croyons qu’il y a un four en terre dans les environs. A cause de
contraintes de temps et de pluies abondantes, cette unité n’a pas été étendue et le contexte exact de ce charbon de bois n’a pas été déterminé.
Commentaire final
L’aspect le plus intéressant de ces fouilles est la connexion entre ce site
sacré du marae et un four en terre disposé au centre. Une partie du remblayage du ahu était composée de pierres abîmées par le feu et, bien que
nous ne puissions pas rejeter la possibilité que ces pierres aient été mises là
aux temps modernes, le fait demeure que des os de porc et le même type de
coquillages qui avaient été trouvés dans le four en terre enterré ont également
été trouvés à l’intérieur du ahu. Un four en terre se trouvait sous la cour, et
probablement un autre au côté nord, ce qui aurait démontré soit que le site
était habité avant la construction du marae à cet endroit-là ; l’umu pourrait
avoir fait partie du cérémonial de consécration de ce site ; ou alors le four
en terre pourrait démontrer qu’il y a eu un autre type de rituels à une époque
où les marae ne faisaient pas partie de la vie religieuse de Huahine. Cependant, il n’est pas possible de choisir l’un de ces trois scénarii en se basant
sur les preuves dont nous disposons actuellement. La stratigraphie du fossé
III montre clairement que le four en terre date d’avant la cour du marae,
mais la zone découverte pendant les fouilles n’est pas suffisamment grande
pour rejeter la possibilité d’un établissement dans la zone avant la construction du marae. Cependant, si le four en terre est relativement ancien, la zone
a dû être plus ou moins marécageuse et cela pourrait être un argument en
faveur du fait que ce umu représente d’anciennes activités rituelles sur ce
site. On a trouvé des fours en terre aussi bien à l’intérieur des ahu, sur l’île
de Pâques et sur Reao dans l’île de Tuamotu et sous les cours des marae
dans les îles Cook ; sur les îles de la Société les fours en terre ont été
trouvés à la fois sous les cours des marae et sous des plates-formes de
maisons d’habitation, bien qu’il soit clair qu’il n’y a ni le même contexte ni la
même raisonnement derrière tous ces cas. Ni sur l’ancien site de
Vaito’otia/Fa’ahia ni sur aucun autre ancien site d’établissement en Polynésie
60
Figure 3
Fond et section est du umu du fossé III, marae sur la terre Tuituirorohiti.
orientale, n’a-t-on trouvé des structures rituelles ressemblant aux platesformes des marae. La seule exception est l’affirmation de Suggs qu’il y a eu
un ancien type d’espace carré pour rituels sur le site Ha’atuatua de Nukuhiva, mais cette partie du site date probablement de 1400 AC ou plus tard.
Par exemple, dans le site des premiers temps d’Anai’o sur Mauke dans les
îles Cook, Richard Walter n’a pas trouvé de structure rituelle comme les
marae, mais deux fours en terre ont été trouvés séparés du reste de l’établissement sur le côté sud-ouest du site avec des coquilles de turbo et des
os de porc à l’intérieur. Bien que préliminaires, il semblerait que les fours
en terre aient joué un plus grand rôle dans la vie religieuse des îles de la Polynésie orientale que ce que l’on a pu croire jusqu’à maintenant.
Marae Haupoto, dans le domaine Haupoto.
Sur un petit lopin de terre juste à l’intérieur de la route qui contourne
l’île, quelques kilomètres au sud du village de Maeva, sur la côte est de
Huahine Nui, se trouve un ahu typique des îles Sous-le-Vent en dalle de
corail et calcaire. Ce marae a deux enceintes d’ahu dont l’axe longitudinal est orienté pratiquement nord-sud avec un ava’a en corail/calcaire
couvert de pierres plates de basalte entre elles. La cour, une zone d’environ 20m sur 14m, est pavée avec de grandes dalles de basalte. Deux
pierres de basalte verticales se trouvent face à chaque ahu et une pierre
verticale se trouve à l’intérieur de l’ahu qui est le plus au nord, et un dossier se trouve à l’arrière de la zone pavée face à l’ava’a. Quatre fossés
ont été creusés dans cette structure. Le fossé I, de 1m sur 4m coupe l’extrémité nord du ava’a et se prolonge dans la cour. Le fossé III, de 1m sur
2m, se trouve sur le côté ouest de la cour à l’arrière du dallage. Le fossé
IV, de 1m sur 1m, se trouve à l’intérieur du coin sud-est de l’ahu du nord,
mais il a été interrompu après qu’on ait trouvé du verre et de la porcelaine modernes assez profondément dans le remblai ; et le fossé V, de 1m
sur 1,2m, situé entre les deux pierres verticales de l’ahu du sud. Le fossé
II a également été abandonné parce qu’il fut complètement inondé.
Fossé II
Les fouilles autour de l’ava’a et dans la cour révélèrent qu’il y avait
des couches de dallage, probablement de deux époques différentes. Au
62
Figure 4:
Ensemble enterré de montant dans une couche avec abondance du charbon de bois dispersé,
fossé I, marae sur la terre Haupoto, zone de Maeva, Huahine.
même niveau que le dallage le plus profond, nous avons trouvé dans
l’unité 3 le haut d’une pierre verticale enterrée, qui avait été placée à environ 40cm de profondeur, pratiquement en ligne avec les deux pierres verticales face au ahu nord (Fig. 4). Sous le premier dallage, une couche de
charbon de bois mélangé à de la terre d’environ 10cm d’épaisseur a été
trouvée dans toutes les unités, manifestation probable d’un incendie dans le
site avant la construction du marae. Quelques fragments d’os, deux lamelles
de basalte et une herminette ont également été trouvés dans ce fossé.
Fossé III
Dans ce fossé, on a découvert des traces d’un incendie sous le
dallage, avec des pierres fendues par le feu et de la terre brûlée, semblable à la couche parsemée de charbon de bois trouvée dans le fossé I.
Fossé V
Ce fossé a été creusé dans le but d’exposer ce que nous croyons être
une petite structure d’ava’a située en face de l’ahu sud (les deux ahu
avaient cette caractéristique), entre deux pierres verticales face à l’ahu.
Les fouilles ont révélé que les pierres avaient été posées sur le dallage de
basalte qui était posé sur une autre pierre verticale enterrée alignée avec
la pierre verticale enterrée trouvée dans le Fossé I (Fig. 5) et qu’il n’y
avait pas eu d’ava’a à cet endroit. Le dessus de cette pierre verticale était
également au même niveau que le dessus des pierres du dallage le plus
profond du site. Une couche semblable de charbon de bois mélangé avec
de la terre, d’environ 10cm d’épaisseur a été découverte dans ce fossé,
ainsi que dans le fossé I et probablement dans le fossé III.
Commentaire final sur Haupoto
Une couche parsemée de charbon de bois mélangé avec de la terre
avec une couche d’argile brûlée en dessous a été trouvée dans les fossés
I, III, et V. Le dessus d’une couche semblable a été trouvé dans le fossé II
avant d’arrêter les travaux. Cette couche de charbon de bois et de terre
brûlée indique que tout le site a été déblayé par un incendie quelque temps
avant la construction d’un marae sur ce site. Les fouilles ont révélé deux
ou même trois couches de pierres de dallage qui indiquent plusieurs
64
Marae sur la terre Haupoto, tranchée 5, section E,
70 à 75 cm du ahu, à la fin de l’unité.
étapes de construction sur ce site. Nos recherches sur le site ont dû être
reportées de plusieurs jours au début parce que toute la zone était inondée par des pluies abondantes et c’était probablement la même situation
aux temps préhistoriques. Les marae sont souvent construits sur des sites
qui ont dû être inondés occasionnellement. Cela se voit dans plusieurs
marae situés sur le lagon du village de Maeva, dans le cas du marae Ohiti
Mataroa et on le voit dans les dessins de Tobin d’un marae dans le secteur
de Pare de Tahiti en 1792. Le sol marécageux du site pourrait expliquer les
couches multiples de pierres de dallage, cependant, l’emplacement de
deux pierres verticales de basalte enterrées avec leur dessus au même
niveau que les pierres de dallage les plus enfouies va à l’encontre de cette
explication environnementale. Le fait que ces deux pierres verticales étaient
alignées indique qu’elles ont été enterrées délibérément dans ces positions. Ces pierres verticales ne prouvent pas une reconstruction des
enceintes de l’ahu dans ce marae parce que les deux pierres verticales
n’auraient pas été visibles même lorsque le dallage le plus enfoui était
exposé, mais leur dissimulation délibérée indique qu’il y a eu deux étapes
de dallage en face des deux ahu existants à l’heure actuelle.
Une question plus intrigante est ce que représentent ces deux pierres
verticales enterrées. Les pierres verticales devant un ahu dans un marae
représentent habituellement le dieu de la lignée ou un ancêtre vénéré,
donc, pourquoi quelqu’un voudrait-il enterrer une telle représentation
en la laissant visible en surface ? Deux explications semblent se présenter. L’une, ces pierres verticales représentent un ou des dieux qui ont été
associés à la lignée ou à une des grandes familles de cette lignée et le
dieu n’a pas rempli ses devoirs et a donc été « rejeté ». La lignée ou la
famille, cependant, ne briserait pas tous les liens entre le dieu et elle et
par conséquent ces pierres verticales étaient gardées en face de l’ahu,
mais enterrées pour représenter le potentiel d’une relation entre les
humains et leur dieu, qui était peut-être leur ancêtre. Une deuxième explication irait le long des mêmes lignes. Les pierres verticales peuvent aussi
représenter une lignée familiale elle-même et leur position par rapport à
d’autres lignées familiales ou, en d’autres mots, leurs prétentions sur des
terres et un statut dans la zone contrôlée par la lignée. La pierre verticale
66
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
enterrée représenterait alors une lignée « disparue » en ce sens que, à la
connaissance de tous, soit elle n’avait plus de membre vivant, soit elle
était partie dans un autre secteur, ou avait abandonné ses prétentions sur
les terres et de statut dans cette zone. Pour une raison ou une autre, les
pierres verticales avaient été enterrées comme pour rappeler leur retour
éventuel et que peut-être ils pourraient encore avoir des prétentions sur
les terres et au niveau social en tant que membres du clan.
Conclusion
Trois conclusions s’imposent d’elles mêmes à partir des données
recueillies au cours du travail sur le terrain à Huahine à l’automne 2004.
D’abord, les preuves que des pierres verticales ont été enterrées face à un
ahu démontrent clairement que la diversité des pratiques rituelles liées
aux structures religieuses des îles de la Société, appelées marae, est plus
vaste que celle qui est confirmée par les données ethno-historiques. Des
recherches archéologiques plus approfondies des structures rituelles sont
par conséquent décisives pour comprendre la vie religieuse des Ma’ohi.
Deuxièmement, comme les fouilles du marae le montrent dans le domaine
Tuituirorohiti et également dans le site ScH-2-65-1, les fours en terre se trouvent parfois sous la cour des sites rituels. La taille et la nature du umu trouvé
sur le site Tuituirorohiti pourraient indiquer la nature rituelle de ce four en
terre. Troisièmement, la plupart de nos fouilles de sites de marae ont
donné des fragments d’os de porc, de chien, d’oiseau et des arêtes de poisson déposés comme des offrandes et dans certains cas, beaucoup d’ossements humains. Les fouilles sur le site Tiamaue ainsi que celles du site
ScH-2-65-2 n’ont donné aucun signe semblable de restes de sacrifice. Bien
que la zone creusée dans ces sites ait été assez réduite, le fait qu’on n’y trouva
aucun fragment d’os semblable semble suggérer que les marae de moindre
importance n’ont pas reçu d’offrandes composées d’animaux, mais peutêtre des offrandes composées de plantes ou d’autres matières facilement
périssables. Les sources ethno-historiques décrivent comment les fata-rau
étaient disposés sur le marae dans le but de recevoir des offrandes, et sur
certains de ceux-ci, seuls des restes de plantes étaient présentés aux dieux.
Paul Wallin et Reidar Solsvik
67
BIBLIOGRAPHIE
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70
Les aires marines protégées
en Polynésie française
La Polynésie française compte 118 îles (84 atolls et 34 îles hautes
volcaniques) réparties en 48 communes. La surface totale des terres
émergées est de 2.678 km2 pour 15.047 km2 d’écosystème corallien
(2.140 km2 de récifs et 12.907 km2 de lagons). La culture polynésienne
repose sur une intime association entre ses habitants et le milieu corallien. Les ressources récifales et lagonaires ont toujours été la base de
l’économie polynésienne qu’il s’agisse de la consommation de poissons
par les habitants, de l’exportation des nacres, du tourisme dont le développement repose majoritairement sur l’emblématique « cocotier, plage
de sable blanc, lagon limpide et récifs de coraux » ou encore de la perliculture pour la production des perles noires de Tahiti. Soulignons enfin
que des méthodes ancestrales coutumières de gestion des habitats et des
ressources des récifs existaient dans les sociétés polynésiennes et que
l’environnement terrestre et côtier était un continuum du sommet de la
montagne au front du récif barrière.
1. Les A.M.P. et les outils réglementaires
en matière d’A.M.P. en Polynésie française
La Polynésie française compte aujourd’hui plusieurs A.M.P. qui ont
été classées selon des procédures différentes puisque plusieurs outils
réglementaires sont disponibles en vue de leur création. En effet, l’administration dispose de deux documents juridiques pour créer des A.M.P.,
qui sont : le code de l’environnement et le code de l’aménagement. Dans
ce qui suit nous considérons une A.M.P. comme une zone protégée au
sens large comportant des réglementations qui s’appliquent dans un secteur géographique en vue de la protection d’habitats et/ou de ressources.
C’est d’ailleurs cette acception que retiennent les populations insulaires
du Pacifique et leurs gouvernements.
1.1 Le code de l’environnement
Le code de l’environnement de Polynésie française indique que les
espaces naturels protégés sont classés en 6 catégories définies selon leur(s)
objectif(s) de gestion inspirées du classement de l’IUCN (tableau n°1) :
– Réserve intégrale et zone de nature sauvage (catégorie I)
– Parc territorial (catégorie II)
– Monument naturel (catégorie III)
– Aire de gestion des habitats et des espèces (catégorie IV)
– Paysage protégé (catégorie V)
– Aire protégée de ressources naturelles gérées (catégorie VI).
Tableau n°1 : A.M.P. classées selon le code de l’environnement en Polynésie française
NOM
ILE, ILOT OU ATOLL
COMMUNE
CATEGORIE
ANNEE DE CLASSEMENT
GESTION
Réserve de Scilly
et Bellinghausen
Scilly et
Bellinghausen
Maupiti
I
1971 lagon de Scilly
1992 ensemble des atolls et
100 premiers mètres partant
de la crête récifale
Comité de gestion créé
en 1992 qui a élaboré
une charte approuvée
en 1996
Taiaro
Taiaro
Fakarava
I
Comité scientifique
Fakarava
Fakarava, Aratika,
Niau, Raraka, Toau,
Taiaro et Kauehi
Fakarava
1972
1977 Réserve de biosphère
Eiao
Eiao
Nuku Hiva
Hatutu
Hatutu
Motu One
Motane
72
2006 Réserve de biosphère
MAB
Comité de gestion,
association, relais d’atoll,
coordinateur et comité
scientifique
IV
1971
-
Nuku Hiva
IV
1971
-
Motu One
Nuku Hiva
IV
1971
-
Motane
Nuku Hiva
IV
1971
-
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
1.3. Le code de l’aménagement
Le code de l’aménagement qui date de 1964 garde l’empreinte du
modèle métropolitain terrestre et continental. Afin de gérer de façon similaire les deux espaces terrestre et maritime qui dans l’esprit du polynésien n’en font qu’un, le P.G.A. (plan général d’aménagement) a été
complété par le P.G.E.M. (plan de gestion de l’espace maritime). Les deux
procédures ont donc été rendues volontairement similaires et c’est le service de l’aménagement et de l’urbanisme qui en a la compétence administrative.
Comme son nom l’indique, le P.G.E.M. est un outil de gestion du
milieu marin. Il concerne l’espace maritime qui s’étend du littoral audelà du récif barrière dans des limites variables selon l’île concernée. Il
inclut donc la pente externe, qui est la zone de croissance du récif.
Les objectifs d’un P.G.E.M sont multiples :
– protéger le milieu marin (contrôle des pollutions, dégradation du
milieu, protection des espèces, etc.) ;
– assurer une exploitation durable et raisonnée des ressources
(poissons, crustacés, etc.) ;
– gérer les conflits d’utilisation de l’espace liés à la pratique des différentes activités humaines qui s’exercent au sein de l’espace maritime concerné (plongée, pêche, surf, activités touristiques,
construction de bungalows sur pilotis, etc.) ;
– aider les riverains à s’approprier un espace communautaire en
vue d’une gestion concertée.
Même si les objectifs sont identiques, chaque P.G.E.M est unique car
il doit répondre aux besoins spécifiques de chaque commune dans laquelle
il est instauré et prendre en considération les pratiques, les problématiques et les conflits qui lui sont propres. En effet, le milieu, les ressources,
les pratiques mais aussi les conflits peuvent avoir des origines ou des manifestations différentes d’une commune à l’autre. Un P.G.E.M est donc un
outil de gestion de l’espace maritime comprenant un zonage et une réglementation. Le zonage délimite différents espaces (aire marine protégée,
zone de pêche réglementée, etc.). La réglementation définit les conditions
d’utilisation, d’aménagement, d’exploitation des ressources, de protection
et de préservation propres à cet espace et à ses peuplements.
73
Les aires marines protégées au sens strict ne constituent donc qu’une
des composantes du P.G.E.M. Elles sont choisies dans ce cadre précis en
fonction des souhaits de la population. La consultation de la population
est indispensable dès le début de l’élaboration du P.G.E.M. car il est
reconnu qu’elle contribue à la réussite de la mise en place des A.M.P. et
de leur gestion.
Deux plans de gestion des espaces maritimes ont été rendus exécutoires. Ils sont reportés dans le tableau n°2.
Tableau n°2 :
P.G.E.M. rendus exécutoires en Polynésie française selon la procédure décrite
dans le code de l’aménagement
NOM
ILE, ÎLOT
OU ATOLL
COMMUNE
ANNEE DE
CLASSEMENT
NOMBRE
D’AMP
P.G.E.M. de Moorea
MOOREA
MOOREA MAIO
2004
8
P.G.E.M. de Fakarava
outil réglementaire
de la partie marine
de la réserve de
Biosphère de Fakarava
FAKARAVA, ARATIKA,
NIAU, RARAKA,
TOAU, TAIARO
ET KAUEHI
FAKARAVA
2007
18
1.4 Les réglementations propres au service de la pêche
Le service de la Pêche peut prendre des mesures réglementaires en
application des délibérations n° 88-183 et 88-184 AT du 8 décembre
1988 portant réglementation de la pêche en Polynésie française et relatives à la protection de certaines espèces animales marines et d’eau douce
du patrimoine naturel polynésien. Ces mesures complémentaires sont
mises en place à la demande d’associations, de communes ou sur proposition du service de la Pêche et concernent des zones définies.
Les nouvelles réglementations sont souvent prises pour régler des
conflits chroniques dans des zones bien circonscrites. Il y a aussi des
« réserves de reproduction » comme à Faaa (demandée par la commune)
et à Tatakoto. Des projets sont en cours à Tubuai et Raivavae concernant
l’exploitation de bénitiers. Ces réserves ne sont mises en place que
74
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
lorsque les communautés concernées acceptent les propositions présentées par le service de la pêche (Arsène Stein, Comm. Pers.). Actuellement,
ces zones dépourvues de mesure de gestion, sont classées sous la
rubrique « Zones de Pêche Réglementée » (Z.P.R.) et non en A.M.P.
1.5 Bilan des réglementations disponibles
Le code de l’environnement et le code de l’aménagement de Polynésie française permettent d’envisager différentes options pour la création
d’A.M.P., en fonction des objectifs visés et des caractéristiques que présentent les milieux à protéger. De plus, les procédures de classement existantes favorisent les interactions entre les différents services. En effet, le
P.G.E.M. permet via l’Instance Technique Collégiale, une collaboration
entre la direction de l’Environnement, le service de la Pêche et le service
de l’Urbanisme. Une zone classée en A.M.P., dans un P.G.E.M., peut être
réglementée selon le code de l’environnement. C’est le cas de l’atoll de
Taiaro qui a été classé réserve intégrale par un arrêté du gouverneur puis
intégré au code de l’environnement et qui a été inclus dans le P.G.E.M. de
la commune de Fakarava sans changer de statut. La réglementation ne
constitue donc pas un frein à la mise en place d’A.M.P. en Polynésie française. La palette des outils proposés est grande. Elle permet de s’adapter
aux différentes situations, allant de la classification d’une simple zone à
la mise en place d’outils plus complets et complexes comme le P.G.E.M.
Ce dernier permet de gérer l’ensemble d’un lagon (pente externe
comprise) en instaurant un découpage en plusieurs zones ayant des réglementations différentes. C’est ainsi qu’au sein d’un P.G.E.M. il peut exister
des A.M.P. de type I « réserve intégrale », de type IV « aire de gestion des
habitats et des espèces » ou autres. Mais il existe aussi des zones d’activités
où seule est réglementée la vitesse des embarcations ou la construction
de bungalows sur pilotis.
1.6 Le cas particulier de l’île de Rapa et de Maiao
Rapa (40 km2) dans l’archipel des Australes est une île haute sans
lagon mais entourée de formations coralliennes. Maiao (10 km2) dans
l’archipel de la Société, à proximité de Tahiti et de Moorea, possède deux
petites formations lagonaires. Ces îles ne sont pas classées en espace
75
naturel protégé, mais la pratique de la pêche y est réglementée en vue de
gérer les ressources disponibles et ce, sans texte réglementaire, mais par
une pratique traditionnelle non écrite.
A Rapa, un comité des pêches ou tomite rahui gère un rahui dont
l’objectif est de restreindre ou d’interdire l’exploitation de ressources
naturelles ou cultivées pour une période déterminée et une zone délimitée. On pose un rahui afin de ne pas toucher à la ressource, afin de combattre les prélèvements précoces et intempestifs. Durant la période de
rahui, la ressource peut ainsi se reconstituer et être suffisante quand le
rahui est levé. Les sanctions encourues ne sont pas forcément prévues
dans une réglementation, mais sont décidées par le comité des sages qui
peut par exemple décider de couper l’électricité à l’ensemble de la maisonnée si l’un des membres a enfreint le rahui. Il s’agit d’une pratique
ancestrale couramment pratiquée dans l’ensemble de la Polynésie avant
l’instauration du protectorat. A l’époque les peines encourues pouvaient
aller jusqu’à la mort ou à l’exclusion de la société.
A Maiao comme à Rapa, un système de rahui est en place. Il est géré
par les habitants. A Maiao, les habitants interdisent aux « étrangers » de
passer une nuit sur l’île.
2. Stratégie mise en place en matière d’A.M.P.
en Polynésie française
La Polynésie française n’a, à ce jour, pas développé de véritable stratégie concernant la mise en place et la gestion d’aires marines protégées.
Les A.M.P. ont plus été le fait d’opportunités que le résultat d’une stratégie menée à terme. Ces A.M.P. peuvent être classées en deux groupes selon
leur date de création : les années 1970 et les années 2000.
2.1 Les A.M.P. classées dans les années 1970
Les A.M.P. classées dans les années 1970 (Scilly, Eiao, Hatutu, Motu
One et Motane), correspondent à un classement par un arrêté du gouverneur qui à l’époque était le chef de l’administration polynésienne (avant le
statut d’autonomie). Ce classement a été le résultat d’une demande adressée par Bernard Salvat en raison de l’intérêt scientifique de ces atolls ou
îlots et «Vu l’urgence, le colloque régional de la protection de la nature
76
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
devant se tenir à Nouméa (CPS) du 4 au 14 août 1971 » alors que le premier ministère de l’environnement venait d’être créé en France. Ces îles
n’avaient pas de propriétaires. Scilly (archipel de la Société), concédée
par les autorités pour l’exploitation de la cocoteraie, hébergeait des travailleurs, mais son lagon était connu pour posséder un important stock
de nacres et ses plages un lieu de ponte des tortues. Les autres îles, de l’archipel des Marquises, étaient inhabitées mais visitées par les habitants
des autres îles voisines. Ces A.M.P. ont donc été mises en place sans
consultation de la population, et quelquefois sans limites précises de l’espace concerné et sans plan de gestion. En revanche, des missions scientifiques ont été programmées pour améliorer la connaissance des sites.
En 1992, un comité de gestion a été créé en vue de gérer les réserves territoriales de Scilly et Bellinghausen et une charte a été approuvée en 1996.
Ce comité est aujourd’hui en sommeil.
Le classement récent en réserve de biosphère (RB) du programme
MAB (Man and Biosphere) de l’UNESCO de la commune de Fakarava
concernant 7 atolls, a son origine dans le classement de l’atoll de Taiaro
en 1971. Cet atoll inhabité était la propriété privée de Willian Albert Robinson qui entendait assurer la préservation de son île. Le gouvernement de
l’époque classa le lagon en réserve intégrale et en 1977, l’UNESCO classa
l’ensemble de l’atoll en réserve de biosphère. Faisant suite aux changements des objectifs inhérents aux réserves de biosphère, objectifs auxquels ne répondait plus l’atoll de Taiaro, une nouvelle réserve de biosphère
a été créée en 2006 composée des 7 atolls et intégrant l’atoll de Taiaro.
Cet historique permet de conclure que les A.M.P. citées ci-dessus ne
résultent pas d’une réelle stratégie locale de mise en réserve mais plutôt
d’opportunités qui ont été saisies par leurs « promoteurs ». En revanche,
la création de la RB de Fakarava s’est faite non seulement avec l’accord
mais avec la participation active de la population.
2.2 Les A.M.P. classées dans les années 2000
Les A.M.P. classées dans les années 2000 sont celles des P.G.E.M. de l’île
de Moorea et des sept atolls composant la commune de Fakarava. Elles ont
toutes été délimitées en concertation avec les populations locales et font l’objet d’une réglementation et d’une gestion (comité de gestion et association).
77
Les P.G.E.M. ne peuvent être élaborés que suite à la demande du
conseil municipal de la commune située au droit de l’espace maritime
concerné, bien que le maire n’ait aucune compétence sur le milieu marin.
Un état des lieux est réalisé. Il doit comprendre l’état de santé du milieu, son
niveau de biodiversité, des informations socio-économiques et mentionner
les usages et coutumes des utilisateurs du milieu. Ce document présenté à
la population servira de base aux discussions futures. En effet, le zonage et
la réglementation sont le résultat d’un consensus entre les différents partenaires et l’aboutissement de longues discussions et de nombreuses réunions où chacun peut prendre la parole dans la langue de son choix.
3. Les différents acteurs liés à la mise d’A.M.P.
en Polynésie française
La mise en place et la gestion des A.M.P. sont, aujourd’hui en Polynésie française, le résultat de l’action de différents partenaires que sont
les élus, l’administration, les associations, les scientifiques et la population.
La concertation de la population sur le choix et la délimitation des
zones et sur la réglementation, ainsi que sur la mise en place d’une gestion locale des A.M.P., est préconisée. En effet,
– Compte tenu de la dispersion des îles sur une grande surface, seule
une gestion locale des A.M.P. est envisageable à terme ;
– La concertation est nécessaire à la réussite de la mise en place d’A.M.P.
et à l’implication des populations locales dans ce type de projet.
Le rôle des différents partenaires est décrit dans les paragraphes suivants. Comme chaque acteur intervient à des niveaux différents et de façon
plus ou moins imbriquée, nous avons choisi l’ordre alphabétique pour les
présenter.
3.1 L’administration
Les services de la Polynésie française ont plusieurs rôles à jouer dans
la mise en place d’A.M.P.
– a) Un rôle administratif qui est d’instruire les dossiers, d’informer
et de solliciter l’avis de la population grâce à une large concertation
lors de l’élaboration du projet et par le biais d’une enquête publique,
puis de faire valider le projet par le conseil des ministres.
78
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
– b) Un rôle de force de proposition en menant ou en contractualisant les travaux nécessaires à l’identification des zones à classer.
– c) Un rôle d’assistance technique en conseillant les personnes qui
sont à l’initiative de la demande de classement. Pour cela, l’administration doit financer des études techniques de faisabilité. Ces
études doivent déterminer s’il est intéressant de classer la zone et
dans ce cas déterminer quel type de classement est le plus adapté
en fonction des objectifs visés.
– d) L’administration a également pour rôle de proposer une stratégie et des objectifs pour la création d’A.M.P. afin de maintenir la
biodiversité, de protéger les écosystèmes et de gérer durablement
les ressources marines. Aussi, lors de la création d’A.M.P., elle doit
s’assurer que les mesures, nécessaires à la gestion et au suivi des
espaces naturels protégés, ont été prises.
– e) L’administration est également chargée de faire respecter la
réglementation en vigueur en informant la population et en prenant
les mesures de contrôle nécessaires au respect de celle-ci.
3.2. Les associations
Les associations et notamment celles de protection de l’environnement peuvent jouer plusieurs rôles dans la mise en place d’espaces naturels protégés. Elles peuvent être à l’initiative d’une demande motivée de
classement en vue de la protection d’un site ou d’un écosystème. Tel est le
cas de l’association Pae Pae No Te Ora pour la mise en place d’un P.G.E.M.
sur l’espace maritime situé au droit de la commune de Punaauia et celle
du Fenua Aihere pour l’élaboration du P.G.E.M. au niveau de la commune
de Taiarapu Ouest, en motivant la municipalité. Les associations peuvent
avoir un rôle consultatif car elles sont membres de la Commission Locale
de l’Espace Maritime ou C.L.E.M. qui participe à l’élaboration d’un
P.G.E.M., et membre du comité de gestion une fois que le P.G.E.M. est
rendu exécutoire. Les associations peuvent jouer le rôle de médiateurs
auprès de la population en servant de relais pour informer le public sur
l’intérêt de créer une A.M.P. Enfin, les associations peuvent également être
le gestionnaire ou participer à la gestion d’A.M.P. comme dans le cas de la
réserve de biosphère de Fakarava et du P.G.E.M. de Moorea.
79
Les associations jouent un rôle important dans le cadre d’une gestion participative, elles ont souvent un rôle de facilitateur dans les relations avec les communautés locales. Il est donc important de les solliciter
pour qu’elles véhiculent les informations auprès de la population afin que
cette dernière s’implique dans le projet et se l’approprie, ce qui est le
meilleur gage de succès pour l’avenir de l’A.M.P.
3.3 Les élus
Les élus municipaux ont un rôle consultatif dans les procédures de
classement des espaces maritimes. D’une part, ils sont chargés d’émettre
un avis sur le classement d’une zone. D’autre part, ils ont un rôle d’initiateur dans la mise en place de P.G.E.M. En effet, la procédure de lancement d’un P.G.E.M. démarre par une délibération du conseil municipal
qui émet le vœu de voir s’établir un P.G.E.M. sur l’espace maritime au
droit de leur commune, même si le code des communes ne lui reconnaît
aucune compétence sur le milieu marin, lagonaire ou océanique.
Dans le cas des P.G.E.M., le maire est le président de la C.L.E.M., puis
du comité de gestion afin qu’il puisse se faire entendre et impliquer la
commune dans la gestion des A.M.P.
Les élus de la Polynésie française (représentants, membres du gouvernement) sont chargés d’une part, de voter des textes et de munir le
Pays de la réglementation nécessaire à la mise en place d’espaces naturels protégés ou de P.G.E.M., d’autre part, de dégager les moyens financiers pour leur mise en œuvre et leur suivi.
3.4 La population
La population a un rôle fondamental à jouer dans la mise en place
des espaces naturels protégés puisqu’elle est directement concernée par
les restrictions d’usages liées au classement de ces espaces.
Elle doit donc être informée et sensibilisée à la notion de développement durable, de biodiversité, de réchauffement climatique, etc. afin
d’être impliquée dans la création et la gestion des A.M.P. En effet, vu l’étendue de la Polynésie française et l’éloignement de certaines îles, l’adhésion
de la population est indispensable pour que les objectifs des A.M.P. soient
réalisés. Le rôle consultatif de la population via les enquêtes publiques qui
80
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
sont prévues dans les mesures de classement doit être dépassé, et commencer dès l’émergence du projet.
Il est important de noter que de plus en plus de pêcheurs constatent
une raréfaction de certaines espèces et une diminution des prises (taille
et abondance) et témoignent aujourd’hui de l’urgence à prendre des
mesures pour protéger leurs ressources, même si le choix des mesures
ne fait pas l’unanimité.
3.5 Les scientifiques
Au delà de leur rôle quant à l’augmentation des connaissances et
leur implications dans des recherches fondamentales et appliquées,
notamment en biologie de la conservation, les scientifiques ont un rôle
d’assistance technique pour la création d’A.MP. Ils doivent faire un état de
santé du milieu, déterminer les dangers qui pèsent sur l’environnement,
alerter les pouvoirs publics et conseiller sur les mesures à mettre en
place. Les éléments recueillis par les scientifiques sont vulgarisés et transmis pour information. Ils sont associés à la gestion (comité scientifique
par exemple) pour aider et conseiller les gestionnaires dans les choix
des méthodes de suivi et des recherches à développer.
Par ailleurs, les acteurs scientifiques ont un rôle de sensibilisation à
la nécessité de créer des A.M.P. en fonction de leurs actions et de leur
implication dans le tissu économique, social et politique local. Ils sont
en amont d’une prise de conscience des problèmes environnementaux à
l’échelle mondiale et de leur répercussion au niveau local. Les organisations non gouvernementales régionales ou internationales comme l’Union
Mondiale de la Nature (IUCN) le World Wild Life Fund (WWF) ou Conservation International (CI) jouent un rôle important compte tenu de leur
audience au plan politique et médiatique et par les chercheurs et les associations localement impliquées qui en sont membres.
3.6 Bilan du rôle des partenaires
Le rôle de chaque partenaire est nécessaire sinon indispensable à la
mise en place d’A.M.P. ou de P.G.E.M. L’insuffisance de l’un retentit forcément sur l’efficacité de l’autre. Par exemple, l’absence de contrôle et
donc la non application des réglementations existantes démobilisent les
81
associations et la population. Un manque d’information et de sensibilisation ne permet pas de favoriser la mise en place d’A.M.P. En revanche,
l’implication du maire est une assurance de succès.
4. Les problèmes et freins liés à la mise en place
et/ou au suivi des A.M.P.
4.1 La dispersion des îles
Les 118 îles et atolls de Polynésie française sont dispersés sur une
superficie de 5 millions de km2 et certaines îles habitées sont encore isolées. Les problèmes d’accès et le niveau des moyens logistiques à déployer
rendent alors la mise en place, la gestion et le suivi des A.M.P. difficiles.
Ces raisons expliquent en partie la situation actuelle des atolls de Scilly et
Bellinghausen qui sont classés mais où la gestion et le suivi ne sont pas
assurés malgré la charte. Les budgets alloués à la création et à la gestion
des A.M.P. sont plutôt investis dans des îles plus faciles d’accès et plus
peuplées, où les enjeux socio-économiques sont plus importants et où il
est nécessaire de régler des conflits d’usages ou d’exploitation des ressources. La Polynésie française n’a à ce jour pas élaboré de réelle stratégie à l’échelle du Pays.
4.2 La perception du lagon et sa taille
En Polynésie française, le lagon est perçu comme un espace de
liberté ou « tout est permis ». Le classement d’une zone où les usages
sont restreints est alors assimilé par certains à une privation de l’espace.
De fait, il peut être mal accepté.
La mise en place d’A.M.P. est également rendue difficile par la taille
réduite des lagons. En effet, par rapport à d’autres îles du Pacifique et à
quelques exceptions près (atolls de Rangiroa et de Fakarava), les lagons des
îles de Polynésie sont de petite taille. Le lagon de Moorea n’excède pas 1,5 km
de large. Aussi, la création d’une A.M.P. peut avoir des répercussions pour certaines familles qui sont dépendantes des ressources marines pour vivre.
4.3 Le respect des réglementations existantes :
contrôle et sanctions
Les services administratifs sont chargés par le biais d’agents
82
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
assermentés de faire respecter les réglementations qui sont précisément de leur compétence. Toutefois, il convient de constater que si des
dépliants et des affiches sont distribués pour informer la population,
il y a peu de campagnes d’information sur le terrain sur les réglementations en vigueur. De plus, il y a peu de surveillance (pas de police
bleue) et peu, voire pas de contrôle. Ces constats viennent essentiellement du manque de moyens mis à disposition et de l’étendue du territoire. En outre, les difficultés dans l’effectivité des sanctions, leur
faiblesse et l’absence de possibilité d’amendes forfaitaire liées aux
importants délais de traitement par les services de la Justice, renforcent
le sentiment d’impunité.
Aussi, le manque de contrôle et de sanctions prises à l’égard des
contrevenants, vis-à-vis des réglementations existantes, sont préjudiciables à l’heure actuelle à la mise en place de nouvelles A.M.P. car elle
dévalorise la démarche. En effet, il arrive parfois que lors de réunions
de concertations publiques, les propositions faites par certains partenaires soient rejetées avec pour motifs : « les réglementations en vigueur
actuellement ne sont déjà pas respectées alors cela ne sert à rien de
mettre en place de nouvelles mesures ». Une des premières questions
qui est posée est : « Quelles seront les mesures de contrôle et qui va
surveiller la zone ? »
4.4 Les compétences sur le domaine maritime
en Polynésie française
Les A.M.P créées au niveau des lagons (mer intérieure) ne posent
pas de difficultés, puisqu’elles entrent dans le domaine de compétence de
la Collectivité. Il n’en est pas de même des zones océaniques comprises
dans la mer territoriale et la Zone Economique Exclusive (Z.E.E). Les
limites entre ces différentes parties maritimes ne sont pas déterminées
car les lignes de base ne sont pas encore définies officiellement en Polynésie française. De plus elles suivent la partie émergée du récif barrière,
ce qui pourrait entraîner un classement différent de la pente externe et de
la partie interne de la barrière récifale.
Si le gouvernement de la Polynésie française voulait étendre la
réserve de biosphère de la commune de Fakarava en incluant la partie
83
océanique entre les atolls de la commune, la procédure à suivre devrait
être précisée. Elle dépendra certainement des réglementations à mettre en
place (selon que celles-ci relèvent de la compétence du Pays ou de l’Etat).
Il convient également de noter une incohérence mise en lumière par
le P.G.E.M. Les maires qui sont forcément les initiateurs juridiques de ce
type de plan de gestion n’ont pas de compétence reconnue au niveau de
l’espace maritime. Cette situation peut être problématique lors de l’émergence des conflits d’intérêt qui peuvent entraîner des débats animés. La
position du maire est délicate vis-à-vis de ses électeurs. S’il s’efface des
débats, la mise en place du P.G.E.M. est compromise. Ainsi, le fait qu’il
n’ait pas de compétences sur le domaine maritime lui offre une opportunité d’esquiver les débats. Pourtant son implication et son soutien sont
indispensables à la bonne conduite du P.G.E.M.
4.5 La méconnaissance des A.M.P. et de leurs impacts
Peu de programmes scientifiques ont abordé la démonstration des
avantages (et des inconvénients) des aires marines protégées au plan
social et économique en considérant et comparant les situations écologiques (santé et richesse des habitats et des ressources), sociales et les
revenus économiques AVANT et APRÈS la mise en place des aires protégées. Les études sont souvent a posteriori de la création des aires protégées et s’appuient alors sur la comparaison des situations à l’intérieur
des zones protégées et dans des zones témoins non protégées. Pour les 8
A.M.P. du P.G.E.M. de Moorea la double approche est étudiée par les
scientifiques : avant après dans les zones protégées – et – zone protégées
et zones témoins. Nous attendons beaucoup de ce qui pourrait constituer
une démonstration de l’utilité des actions entreprises dans le cadre du
P.G.E.M. et de ses A.M.P.
Les A.M.P., leur mode de fonctionnement et leurs impacts sont mal
connus de la majorité des Polynésiens. Cet état de fait constitue également un frein important à leur mise place. En effet, méconnaissant les
effets positifs des A.M.P. sur le milieu, la ressource mais aussi l’économie, une grande partie de la population ne voit dans l’A.M.P. qu’une
réduction de ses zones d’activités. Par conséquent, elle ne s’implique pas
ni ne soutient la mise en place d’A.M.P.
84
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De plus, les A.M.P. sont perçues notamment par les pêcheurs comme
réduction de leurs ressources et parfois comme une mesure mise en
place pour favoriser le tourisme au détriment de la pêche. Dans ces
conditions, il est difficile de convaincre la population de l’importance de
mettre en place des A.M.P., et de trouver les personnes ressources sur
lesquelles s’appuyer.
5. Perspectives vis-à-vis des A.M.P.
Rappelons que l’A.M.P. revêt en Polynésie française des protections
variées et, comme pour tous les insulaires du Pacifique, une aire marine
protégée est une aire géographique dans laquelle s’applique des mesures
de conservation des habitats et/ou des ressources. La collectivité d’outremer Polynésie française, compétente en matière d’environnement, a inscrit les A.M.P dans le cadre du code de l’environnement (6 catégories
inspirées de la classification de l’IUCN), du code de l’aménagement
(P.G.E.M. avec ses A.M.P sensu stricto), et comportent également les
Zones de Pêche Réglementée. C’est une opportunité pour le Pays que de
pouvoir disposer de tous ces outils réglementaires.
L’outil P.G.E.M. est celui qui convient parfaitement à la Polynésie française et aux Polynésiens. Malgré la durée importante de son traitement,
c’est un outil qui règle les conflits d’usages entre les parties intéressées
grâce à un long processus participatif et consensuel débouchant sur une
appropriation de la gestion durable. De nombreuses études ont été
menées tant au niveau des sciences de la mer que des sciences humaines.
Un volet économique reste à développer car il ne faut pas sous-estimer le
sacrifice des utilisateurs du milieu. Des efforts restent également à faire
dans des actions de communication auprès de la population, afin qu’elle
voie les A.M.P. comme des outils indispensables à une gestion raisonnée
et durable des ressources et qu’elle adhère et s’implique dans la gestion
des A.M.P. Les moyens de suivi et de contrôle doivent être mis en place sur
la base de sanctions renforcées.
Cet outil commence à faire ses preuves dans la gestion du lagon et
des récifs de Moorea (P.G.E.M établi selon le code de l’aménagement)
comme dans des réserves de programmes internationaux (Réserve de
biosphère de la commune de Fakarava, programme MAB de l’UNESCO).
85
Il est nécessaire aujourd’hui de développer une réelle stratégie en
Polynésie française concernant la mise en place et la gestion des A.M.P.,
considérant celles qui existent, celles en projets et celles qui pourraient être
envisagées. Cette stratégie du Pays doit être établie dans un contexte régional en soulignant ici la spécificité insulaire des Pays océaniens du Pacifique
Sud. Elle est aussi nécessaire au plan national, dans le cadre du plan d’action outre-mer de la stratégie nationale pour la biodiversité, ne serait-ce que
pour que soit reconnue et prise en compte l’extraordinaire diversité de l’outre-mer français présent dans les trois océans et dans des contextes où la
mer, les récifs, les lagons et les mangroves ont des importances locales patrimoniales, culturelles et économiques très différentes mais fondamentales.
Cette stratégie pour la création d’un véritable réseau d’A.M.P. en
Polynésie française dans un cadre national est aussi indispensable dans
le contexte international où la France doit respecter ses engagements.
Tout ceci n’est possible qu’avec une farouche volonté politique de
défense et de protection de l’environnement, tout particulièrement marin
qui est le milieu qui nous préoccupe ici. Mais, le Polynésien et la mer…
c’est une réalité qui permet d’espérer.
Ainsi, avec l’adoption en cours de la stratégie pour la biodiversité
polynésienne, avec la volonté gouvernementale d’accroître la protection
des espaces naturels et les programmes de revitalisation des réserves et
la réactivation des comités de suivis, les perspectives sont encourageantes.
Magali Verducci
Annie Aubanel
Miri Tatarata
Agnès Benet
Christian Monier
Eliane Garganta
Bernard Salvat
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N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
A N N E X E - P R O C E D U R E D ’ E L A B O R A T I O N D ’ U N P. G . E . M .
L’instance technique collégiale (ITC)
est placée sous l’autorité du ministre
en charge de l’aménagement.
Elle est composée d’un représentant :
- du service de la pêche
- de la direction de l’environnement
- du service de l’urbanisme
Elle conduit l’élaboration ou la révision du
P.G.E.M.
2 - ARRETE du CONSEIL
des MINISTRES
ordonnant l’établissement du P.G.E.M. et
précisant l’organisation et la composition
de la Commission Locale de l’Espace
Maritime CLEM
La commission locale
de l’espace maritime (CLEM) comprend
des représentants de l’assemblée
de Polynésie française,
du conseil municipal,
des assemblées consulaires,
des organismes socioprofessionnels,
des services territoriaux,
des établissements.
1 – DELIBERATION
DU CONSEIL MUNICIPAL
Émettant le vœu de voir établir
un P.G.E.M.
Réunions et
élaboration P.G.E.M.
3 – AVIS DE LA CLEM
sur le projet de P.G.E.M.
Projet P.G.E.M.
élaboré
4 – AVIS DU CAT
Comité d’Aménagement
du Territoire
5 – ENQUETE PUBLIQUE
2 mois
6 – AVIS DU CONSEIL
MUNICIPAL
7 – AVIS
DE LA CLEM
8 – ARRETE CM
approuvant le P.G.E.M.
Si nécessaire
9 – PUBLICATION
AU JOPF
87
Dans quel cadre
situer l’Océanie ?
L’histoire ancienne du Pacifique Sud est semée d’hypothèses toutes
aussi hardies que toujours aussi aventurées, d’autant que les auteurs
étaient, les uns après les autres, prisonniers des mêmes concepts géographiques (mais non réellement valables, à la vérification, en tant qu’entités culturelles), à savoir la distinction entre Polynésie, Mélanésie et
Micronésie.
La réalité est que le Pacifique est un tout qui ne comporte d’autres
frontières naturelles que celles nées d’un éloignement physique plus
important, par exemple entre la Nouvelle-Zélande et les îles Hawai’i, ce
qui induit à la fois des apparentements (les noms des dieux polynésiens
sont les mêmes, compte tenu des différences phonétiques), et des différences (Hawaii vivait de la culture du taro sur une grande échelle, la Nouvelle-Zélande s’était fixée sur la culture de la patate douce, plus adaptée
au climat, comme l’intérieur montagneux de la Nouvelle-Guinée.
Dans ce tout, les régions côtières sont celles qui, du fait de la faune
et de la flore utiles qui sont constamment les mêmes, sinon pour un
appauvrissement relatif d’ouest en est (dans le nombre des variétés et
dans le raffinement des techniques culinaires), comportent presque toujours la même apparence : l’habitat établi sur la dune côtière, à la force
du temps transformée en terre arable, où l’on a planté les arbres utiles
(presque toujours les mêmes), avec en arrière de la dune un marécage
plus ou moins améliorable et transformable en tarodière irriguée statique. Les seules différences étaient, à l’arrive de Cook, la présence ou
l’absence de patate douce.
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
Mélanésie et Micronésie côtières, des îles hautes ou basses, présentent ainsi des aspects significativement parallèles à la Polynésie et partout
identifiables au premier coup d’œil.
Les hommes ont constitué le réservoir de créativité végétale dans les îles
Bismarck, la côte nord de la Nouvelle-Guinée et les îles Salomon, d’où ont
rayonné les inventions des paysans austronésiens, en attendant que les Portugais, puis les Espagnols, se les approprient et les diffusent pour des raisons
commerciales, dans toute la zone intertropicale (soit le cocotier, le bananier
et la canne à sucre : un nombre considérable de chercheurs, traitant du Pacifique, ignorent encore l’origine mélanésienne de ces trois plantes).
Le nord-ouest de l’Océanie a subi les influences des îles Philippines
et du Japon antique. La Nouvelle-Guinée, dont le peuplement ancien s’est
constitué à partir de l’Insulinde, reste accrochée à celle-ci, même au travers de l’affrontement entre l’Indonésie moderne et la Nouvelle-Guinée
occidentale, conséquence d’autres affrontements séculaires, nés des expéditions de piraterie aux îles Célèbes, qui ramenaient des femmes et des
provisions alimentaires pillées aux îles de la côte nord-ouest de la Nouvelle-Guinée, Biak et Numfoor (celles de la baie de Geelvink, région des
sculptures dites korvaar, dont les hommes, participant au prophétisme
Mansren, ont eu le rare courage d’attaquer en pirogue les canonnières
japonaises au cours de la dernière guerre).
La Micronésie n’a jamais cessé d’entretenir des relations d’échanges
avec les îles de l’Amirauté, les îles autour de la Nouvelle-Irlande, et celles
au nord des Salomon, poussant des pointes aléatoires ou volontaires au
nord du Vanuatu, où les courants apportent, depuis toujours, sur la côte
d’Epi, les pirogues perdues en mer au loin, sinon même très loin.
Les « retours » polynésiens, plus anciens qu’on ne le croit généralement, ou du moins qui ont subi des états plus anciens différents de ceux
qui ont pu être observés à l’époque contemporaine (voir Raymond Firth
à Tikopia), et tout aussi bien, anciennement justement, avancées mélanésiennes en direction de la Polynésie. Induisant d’autres retours qui
prendront alors forme linguistique polynésienne quoique pas toujours
89
celle d’une société différente des sociétés mélanésiennes environnantes (à
Ouvéa des îles Loyalty et à Makata des îles Shepherd, la société de langue
polynésienne est calquée sur la mélanésienne dominante ; est-ce l’effet
d’une adaptation secondaire, ou bien la situation ancienne : à Makata,
les prêtres de Maui sont des Mélanésiens.
En plus de « retours » connus localement, mais qui se sont fondus
dans l’environnement local et que l’on a vu perdre leur langue polynésienne d’origine (les groupes de descendance wallisiens anciennement,
rarotongiens plus récemment à Lifou et Maré des Loyalty). On se trouve
de fait le plus souvent devant la constitution de micro sociétés aussi, ou
plus, micronésiennes que polynésiennes (c’était déjà la conclusion de
Raymond Firth pour Tikopia, qui a aussi des relations anciennes très
fortes avec Mota Lava aux îles Banks, nord Vanuatu). La prédominance
linguistique polynésienne apparente peut être l’état le plus récent d’un
phénomène plus complexe que ne le laissent présager au premier abord
son niveau démographique actuel.
Ces données sont en réalité le fruit de deux mouvements, l’un en partie aléatoire et d’apparence brownienne, constitué de centaines de milliers
de micro mouvements additionnés, mais avançant constamment d’ouest
en est, pirogues individuelles allant et venant, mais dont le mouvement
global pousse indéfiniment vers l’est, par le moyen d’étapes de la durée
d’une ou de plusieurs générations.
Le second mouvement est plus volontaire, caractérisé par des allers
et retours indéfiniment répétés, prenant la forme de constellations de
relations d’échanges inter-îles et qui, jusqu’à l’arrivée pesante et dominatrice des Occidentaux, lesquels ont interdit les voyages traditionnels en
pirogues entre les archipels, assuraient à l’ensemble océanien une addition de structures souples inter-connectées, créant ainsi pour toute la
grande région une unité culturelle certaine, à défaut de pouvoir l’être
politique, dont un vocabulaire austronésien commun.
Mais cette vision semble demander, question indéfiniment posée et
jamais résolue, à ce que soit déterminé le point d’origine, non celui des
Polynésiens en tant que tels (ils sont issus de la Mélanésie orientale :
90
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
Salomon, Vanuatu, Nouvelle-Calédonie), mais celui des Austronésiens,
ancêtres de presque tout le monde, et maîtres évidents de leurs origines
linguistiques.
Certaines informations venant de Taïwan, s’appuyant sur les langues
austronésiennes parlées par des groupes dits « tribaux », plus anciens
évidemment que la population générale d’origine chinoise, prétendent
nous indiquer d’où sont venus en Chine ces Austronésiens qu’ils nous
présentent, pour des raisons politiques qui leur sont propres, comme à
l’origine des Océaniens, et plus particulièrement des Polynésiens
(comme d’ailleurs le veulent certains spécialistes japonais, reprenant
l’hypothèse de Te Rangi Hiroa, directeur maori du Bernice Pauahi Bishop
Museum). Il s’agit là d’une vision étroite, issue à la fois d’une méconnaissance du problème global, mais aussi d’un calcul politique appuyant
la stratégie de s’attirer la faveur des petits Etats insulaires représentés à
l’ONU. Il convient donc de s’en distancier en conservant la part utile de
cette information.
Cette vision néglige aussi l’existence ancienne (connue du fait des
descendants actuels) des groupes linguistiques restés austronésiens au
Vietnam et au Cambodge et qui, dans une réflexion qui doit rester collective, doivent peser autant que Taiwan.
Cependant, le problème apparaît beaucoup plus large, et cela depuis
longtemps. En ce que les langues austronésiennes se retrouvent aussi à
Madagascar, où elles représentent la part dominante (politiquement) de
la population. La connaissance de ce mouvement est encore très partielle,
en particulier parce que le maillage des fouilles archéologiques est encore
loin d’être suffisant, moins étroit encore qu’en Asie du Sud et en Océanie.
Madagascar en est encore au début du processus, enclenché depuis 1945
dans le Pacifique Sud, et qui apporte, à chaque génération de chercheurs,
des datations en gros de plus en plus anciennes, et plus anciennes encore
à l’ouest qu’à l’est.
On a parlé en termes vagues de migrations venues en pirogues d’Indonésie, sans jamais chercher au-delà, parce qu’on ne savait rien, et
qu’on ne voulait pas dépasser la vision coloniale d’un peuplement aux
environs d’une dixième siècle après Jésus-Christ.
91
La réalité palpable, par tous les mouvements successifs dont on a la
trace précise, est que, comme pour l’origine du peuplement maori de la
Nouvelle-Zélande, il n’y a jamais eu de migrations en masse, ni de flottes
de pirogues support de ces migrations.
Les mouvements réels procèdent le long des côtes, d’un village de
pêcheurs à un autre, du continent vers les îles proches, aller et retour,
ce mouvement se diversifiant et portant partout le long des côtes de
l’Océan Indien, dont celles de l’Arabie (les pirates au large de la Somalie en sont un des derniers avatars). Ce mouvement s’est poursuivi, par
une multiplicité d’allées et venues, aussi bien d’est en ouest qu’en sens
inverse, et au plus loin possible, c’est-à-dire jusqu’à Madagascar, au
cours de presque dix millénaires. Il implique qu’à une date à déterminer, au moins les côtes aujourd’hui vietnamiennes de l’ancienne Cochinchine coloniale, de l’Annam, du Tonkin et du sud de la Chine aient été
le lieu d’implantation de milliers de communautés de paysans de
l’igname et du taro (avant l’apparition du riz), de pêcheurs et de commerçants austronésiens pratiquant le troc sur des distances considérables. Les Océaniens ont quitté cette région centrale pour eux, en
emportant les légumes et racines qui étaient leur nourriture. Les peuples malgaches ont suivi les rivages asiatiques et ont de ce fait amené,
plus tard donc, sur Madagascar, la culture du riz.
Au triangle polynésien, qui est l’aboutissement oriental de ces mouvements, correspond ainsi un triangle couvrant Taiwan, la côte chinoise
et vietnamienne et l’ensemble de l’Indonésie, avec un prolongement le
long de l’Océan Indien jusqu’à Madagascar. Bien sûr, le recouvrement
récent de ces régions par le Bouddhisme et l’Islam a effacé bien des traces
pas toujours faciles à retrouver, mais ce recouvrement est tout récent et
remonte au dernier millénaire.
Une part des traces nécessaires de tous ces mouvements est à rechercher dans la mer, au-delà du dessin des côtes actuelles, du fait de la montée des eaux qui a suivi la dernière période glaciaire. Sinon, aussi en deçà,
compte tenu du rythme d’avancée des grands deltas sud asiatiques.
De cet énorme ensemble, nos connaissances sont faibles, sinon parfois nulles, en particulier en français, et cela parce qu’on n’a jamais imaginé d’analyser par le menu, cette masse. Les mouvements internes à
92
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
l’ensemble indonésien sont très mal connus, sinon ignorés, de tout ce qui
est écrit sur le Pacifique Sud.
Les navigateurs chinois de l’époque Ming se sont inscrits ainsi dans
une très ancienne tradition. Ils sont allés plus loin et plus tôt que tout le
monde. Les archives impériales à Pékin, et ailleurs en Chine, contiennent
au moins autant de secrets que les archives des Indes espagnoles.
Il n’en reste pas moins que nous ne sommes pas confrontés à un
puzzle, mais à un ensemble où la géographie commande les mouvements,
et où ces mouvements se sont succédés, s’additionnant, toujours à petite
échelle, le long du continent asiatique, et de là d’île en île et de côte en
côte, traversant l’Indonésie, passant au-delà de la ligne Wallace, balayant
avec une lenteur pas toujours pacifique la Nouvelle-Guinée intérieure et
côtière, et poursuivant d’étape en étape, jusqu’à l’île de Pâques, se terminant presque certainement sur les côtes occidentales des Amériques.
On dit aujourd’hui que celles-ci ont été plus tard atteintes par les navigateurs chinois, avant Christophe Colomb (ce qui est fort possible : le repliement de la Chine et celui du Japon shogunal, ont fait que cette découverte
n’a pu être exploitée, peut-être heureusement.
Avant sa mort, Maurice Leenhardt avait tenté de mettre sur pied une
association scientifique vouée à rechercher les liens entre Madagascar et
l’ensemble indonésien et océanien et de tirer au clair le détail des raisons de l’existence du volet occidental des langues austronésiennes et des
peuples indonésiens. La science coloniale officielle spécialisée dans
Madagascar n’a visiblement pas vu cette initiative d’un bon œil. L’affaire
ne sera pas poursuivie après le décès de Leenhardt.
La position des savants européens dominant si longtemps le discours
sur le passé de la Grande Île était que l’histoire malgache commençait au
dixième siècle. Ce qui est une ânerie. On ne saurait imaginer la construction de sociétés malgaches aussi diversifiées, et aussi complexes, en aussi
peu de temps.
J’ai été à mon tour surpris d’enregistrer l’étonnement des collègues
archéologues autochtones malgaches quand je leur ai suggéré l’idée,
apparemment hérétique jusque là, qu’ils allaient aller de découverte en
découverte, et qu’ils repousseraient de plus en plus les datations de leurs
93
fouilles, et donc les dates d’installations qui ne sauraient être que multiples et s’étalant sur de nombreuses générations, des côtes de l’Océan
Indien jusqu’à celles de l’Afrique, puis à Madagascar. L’islam sur les côtes
de l’Afrique orientale est tout récent et n’a fait que se calquer sur un mouvement bien plus ancien.
L’anarchie politique créée par les indépendances dans cette part de
l’Afrique a eu comme résultat que nous sommes encore plus ignorants
des modalités de ces mouvements que de ceux qui, depuis si longtemps,
ont traversé l’Indonésie d’ouest en est et du nord au sud ou inversement,
ou suivi les côtes de la péninsule arabique.
Il reste à nos amis malgaches à entreprendre une recherche archéologique étroitement liée à l’enregistrement de la tradition orale concernant les temps les plus anciens. Les travaux de José Garanger, en liaison
avec les miens, dans le centre sud du Vanuatu, ont montré combien cette
approche pouvait se révéler fructueuse. Bernard Vienne et Daniel Frimigacci, aux Wallis et Futuna, ont réussi depuis, la même brillante démonstration.
A force d’ajouter patiemment, mais sans jamais s’emballer, des fragments d’information les uns aux autres, on se rapprochera de la connaissance d’une des aventures les plus belles et les moins connues, si longtemps
trahie par la vogue des hypothèses romantiques occidentales, sous-produit
de l’histoire de Rome assaillie par des invasions barbares et de la vision
d’Augustin Thierry expliquant tout par des migrations de masse.
Le malheur est que la prudence scientifique n’est pas toujours
payante, les hypothèses romantiques se révélant parfois plus efficaces
dans l’obtention, toujours si difficile, des crédits et postes de recherche.
Il n’en reste pas moins que ces hypothèses, affirmées parfois à son
de trompe et sur la base de textes manipulés, sinon entièrement ou partiellement inventés (voir sir Percy Smith pour le récit imaginé par lui de
la flotte maorie venue d’un seul coup de Tahiti), ont joué le rôle d’un
miroir déformant. La carte des connaissances géographiques tahitiennes, révélée au capitaine Cook, ne saurait être que le résultat, non
de migrations spectaculaires, mais de relations inter-îles à grande
94
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
échelle, soigneusement maintenues au cours des siècles et des générations, sur le fondement de l’appropriation précise de chaque itinéraire
maritime par un ou par plusieurs groupes de descendance, à chaque
extrémité, ou à chaque étape de la route.
C’est là le modèle océanien, révélé en particulier par l’étude du système d’échanges inter-îles de la kula, à l’extrémité orientale de la Papouasie, à laquelle s’est consacré Bronislaw Malinowski.
L’Océanie constituant un tout, ce que l’on apprend ici a toujours pu
éclairer ce que l’on voyait plus difficilement là. Les statues de l’île de
Pâques ne sauraient être comprises sans l’apport de la connaissance des
monuments de pierre sculptés ailleurs, pas seulement aux Marquises et
à Tahiti, mais au Vanuatu et aux îles Salomon. De même que la découverte
difficile du Tahiti ancien devrait s’appuyer sur une connaissance par le
menu de la société maori, sur laquelle les données en notre possession
sont beaucoup plus riches. La société maori au moment du contact européen représentait, de toute évidence, à la fois un état ancien de la société
tahitienne et une évolution originale à partir de celui-ci.
De même, l’archéologie maori nous amène, pour la toute première
époque (et en particulier à partir de la forme des pendentifs découverts),
à imaginer une population immigrée issue d’une culture cohérente largement répandue, des îles Fidji aux îles Australes, avant les spécialisations et les différenciations qui se sont construites au cours du dernier
millénaire (au passage des navigateurs hollandais, les Maori possédaient
encore des pirogues à balancier, qu’ils n’avaient plus à l’arrivée de Cook).
Les marae gazonnés maori ressemblent bien plus aux marae (même
nom) du centre sud du Vanuatu (Etafe et les îles Shepherd), qu’aux ensembles monumentaux tahitiens et marquisiens. Les Maori ont, sur le modèle
de toute la Mélanésie, apporté avec eux la tradition des greniers à tubercules
sur pilotis et finement sculptés (les maisons monumentales sculptées
actuelles sont nées du Contact et se sont développées au siècle dernier : on
aura noté que les marae tahitiens, non plus que les nangga fidjiens, ne
sont liés à aucun édifice monumental en matériaux végétaux, tels que les
maisons des hommes de Nouvelle-Guinée et les très grandes maisons cérémonielles de Tonga et Samoa). Il s’agit d’une architecture placée sous la
voûte du ciel et correspondant à la cosmologie polynésienne.
95
On aura noté peut-être aussi que le modèle de la grande case
oblongue ou rectangulaire, qui est celle des îles Tonga et Samoa, à
poteaux ouverts sur l’extérieur, en ce qu’on ferme ou pas, du côté du
vent, est plus ancien en Nouvelle-Calédonie et aux îles Loyalty (ainsi qu’à
Etafe et aux îles Shepherd) que les bien plus célèbres (localement grandes
cases au plan circulaire (mieux adaptées au froid de la nuit), ou du moins
que les deux traditions sont restées longtemps parallèles.
L’ethnographie détaillée de la région doit ainsi être patiemment regardée et mise en perspective temporelle, au fur et à mesure du développement
de l’archéologie, de façon à reconstruire les données de la culture océanienne telle qu’elle s’était édifiée au cours du premier millénaire après JésusChrist, en même temps que les établissements de Fidji et de Polynésie
occidentale. Cet état ancien a laissé ici et là des prolongements significatifs.
La volonté constante de tant d’auteurs, surtout anglo-saxons, de vouloir que les Polynésiens constituent un peuple à part du reste de l’Océanie, avec une origine différente des autres (qui est le point de vue très
politique à l’époque de l’émergence difficile, lors du régime colonial, des
Maori de Nouvelle-Zélande, de sir Peter H. Buck, directeur du Bishop
Museum), est issu de la nécessité idéologique, coloniale dans le contexte
océanien, d’assurer aux Polynésiens un statut plus satisfaisant que celui
des Mélanésiens, considérés comme d’indécrottables sauvages, puisqu’on
utilisait les premiers comme cadres religieux, administratifs ou militaires
en Mélanésie, pour administrer les seconds à moindre coût.
Aujourd’hui, on imagine de séparer les Polynésiens et Mélanésiens
en navigateurs et paysans de l’igname et du taro, chacun avec une origine différente, ce qui ne colle pas du tout avec la situation linguistique.
C’est déraisonnable. Les pêcheurs (anoblis en navigateurs et découvreurs
par nos amis archéologues) et les paysans sont les mêmes gens, qui se
partagent les fonctions économiques et les positions géographiques,
parlent les mêmes langues et se marient entre eux.
Au demeurant la tradition est constante que tout nouveau navigateur,
arrivant sur une côte déjà trop peuplée, part dans l’intérieur de l’île et se
fait là paysan. C’est ainsi que l’on trouve des groupes de descendance
96
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
originaires des îles Wallis sur le plateau intérieur du pays de Lösi, à l’île
de Lifou. Le héros éponyme Pwacili, venu d’Ouvéa des Loyalty, et ayant
abordé à Pouébo, devra partir sur les premiers contreforts occidentaux
du mont Panié et s’installer dans les Paimboas. Tous ces paysans et ces
pêcheurs sont intermariés depuis des siècles et ne constituent qu’un seul
peuple, qu’une seule nation, même si chacun sait encore parfaitement
bien d’où ses ancêtres sont venus, c’est-à-dire d’un peu partout, dans
toutes les directions qui strient l’univers insulaire local.
Ceux qui partent un peu plus loin, sur l’île voisine ou encore plus
loin, ont pu être recrutés de préférence dans le groupe tout entier, de telle
manière à ce que toutes les techniques, matérielles ou spirituelles, soient
représentées dans la nouvelle micro colonie. Il faut des maîtres de la mer
(en réalité maîtres plutôt des atterrages maritimes), mais aussi des maîtres de l’igname, du taro, du vent, du tonnerre, de la pluie, du cyclone, des
charpentiers et des ouvriers de la pierre polie, aussi bien que les maîtres
des itinéraires au-delà de l’océan proche. Mais si le départ est celui d’une
ou deux pirogues, leur équipage se fondra dans la structure d’accueil trouvée au point d’arrivée, en conservant peut-être telle spécialisation qu’ils
pouvaient avoir au départ. A moins de se résoudre à aller construire des
habitats mégalithiques sur les premières pentes des montagnes et des volcans, aux Salomon centrales et aux îles Banks (les anciens habitats, maisons des hommes et cours cérémonielles pavées, sur des murs superposés
de pierres appareillées, constituant une sorte d’escalier des géants, tenant
en partie par les racines de banians accrochés de niveaux en niveaux
superposés, de l’île volcanique de Merlav, étaient une chose splendide,
avant le récent réveil du volcan qui les a détruits).
Des maîtres de différentes disciplines et de diverses origines peuvent
constituer ailleurs un nouvel ensemble cohérent.
Cela arrive tous les jours dans l’intérieur de la Nouvelle-Guinée, où
les traditions présentées comme authentiques ont été constituées parfois
il y a trois quatre générations, par adaptation des apports de chacun, à la
suite de migrations forcées de groupes venus d’horizons différents.
Pour des voyages à courte distance, à la portée de tout le monde, ce
peut être aussi bien des paysans des piedmonts de l’environnement
97
immédiat que des pêcheurs qui constitueront l’équipage de la pirogue,
lancée dans une aventure bien balisée (où l’on sait exactement où l’on va
et comment en revenir). De cette manière, les Mélanésiens ont couvert
lentement tout leur territoire, de l’ensemble de l’arc des îles de la Mélanésie jusqu’à l’île des Pins au sud.
Le passage constant, il y a deux millénaires, vers les îles Fidji, Wallis et
Futuna, Tonga et Samoa, plus Rarotonga, a nécessité des équipages mieux
préparés, décidés à s’installer au moins en partie en épousant sur place.
L’équipage était alors complété au retour par un recrutement local, après
que la pirogue de haute mer ait été entièrement démontée et toutes les ligatures refaites (il faut du temps pour confectionner toutes les cordelettes
neuves en tresses de fibres prises à l’enveloppe de la noix de coco).
Il n’existe pas ici de peuple de la mer au sens indonésien (tels les
Badjo), ou malgache, du mot, c’est-à-dire ne disposant pas de terres en
propre sur la côte, excepté les descendants des premiers habitants de
l’atoll de Leuiangiua (Ontong Java), installés après un raz de marée les
ayant chassés de chez eux, sur les îlots artificiels au large immédiat de la
côte du centre et du nord de Malaïta, aux Salomon centrales, ou quelques
groupes minoritaires, ici ou là, relevant d’une histoire semblable dont les
célèbres « retours » polynésiens (polynesian outliers) ne sont qu’un
exemple parmi d’autres. Ils auront été remplacés, plus tard, à leur point
de départ, une fois les terres lessivées du sel transporté par la mer, par
des immigrés de langue approximativement polynésienne, qui installeront sur place des institutions ayant toute l’apparence de l’authenticité et
de l’antiquité.
De sorte qu’en un demi millénaire, à la fois Leuangiua et Malaïta
avaient été transformées de manière indubitable, à partir d’un événement
météorologique imprévisible, les positions culturelles ayant de ce seul fait
varié du tout au tout. Des facteurs météorologiques de même intensité
ont ainsi constamment transformé le paysage social aux îles Tuamotu,
chaque étape étant reconstruite comme si elle était la représentation
authentique de la société polynésienne locale. De même, qu’aux îles de
la Micronésie, tout apport extérieur (ici fréquent étant donné la proximité
de l’Asie continentale et insulaire), était intégré dans une nouvelle
98
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
synthèse locale. Cette fréquence des arrivées accélérait l’évolution avec
une rapidité que la structure même de la société locale n’avait pas déterminée, mais contre laquelle elle résistait malgré tout, se maintenant de
toutes sortes de façons.
Les interlocuteurs tongiens du marin anglais James Marines, se plaignaient à la fin du XVIIIè siècle que les changements sociaux allaient trop
vite (ils avaient vu très tôt les Espagnols, bien avant la venue des autres
Européens, mais est-ce bien là une raison suffisante ?)
Quelles conséquences ont pu avoir le passage aléatoire, deux siècles
avant les autres Européens, de navires espagnols ou portugais armés en
guerre, et qui devaient d’une part faire feu tout aussi aléatoirement sur les
foules rassemblées, d’autre part initier des contacts sexuels qui pouvaient
ne pas être sans lendemain ? On n’en sait rien. Les métissages à ces dates
n’ont laissé aucune trace reconnue. Mais cette époque sera aussi un peu
plus tard celle d’une frénésie relative de volontés de changements des
rapports hiérarchiques traditionnels : la diffusion du culte d’Oro à Tahiti,
l’insurrection des soutiens de Finau Ulukalala, Tui Vavau, contre les Tui
Tonga de Tongatapu aux îles des Amis, une multiplicité de volontés de
changement des positions de suprématie sociale en place chez les Maori :
un désir de contrôle des atterrages favorables aux navires européens
apportant des plantes, des animaux et des marchandises nouvelles, dont
les instruments en fer, et des armes nouvelles, y étaient pour quelque
chose. La Mélanésie verra plus tard des mouvements parallèles provoqués par les mêmes calculs.
Le résultat de tous ces mouvements diachroniques, nés des tensions
internes, avant les tensions directement provoquées par les Occidentaux,
un peu partout, sera invariablement présenté aux Blancs ignorants
comme la traduction authentique de la tradition. Il faudra attendre les
missionnaires pour être partiellement mieux informés mais pas toujours
de la meilleure façon.
Seuls les missionnaires anglicans de la Melanesian Mission au
Vanuatu du nord, aux Salomon et en Papouasie orientale, ayant chacun reçu
une éducation dans les meilleures universités d’Angleterre ou d’Ecosse, ont
su poser un regard aussi objectif que possible dans le moment (les idées
99
aussi étranges que fausses émanant du monde académique d’alors ne les
aidaient en rien), sur ce qu’ils découvraient, et sont parmi les rares, avec
Maurice Leenhardt en Nouvelle-Calédonie, à n’avoir pas renvoyé tout ce qui
les avait précédés dans l’enfer du paganisme condamné parce qu’émanant
de Satan, et dont la destruction était conçue comme nécessaire.
Le processus d’analyse scientifique de ce dossier consiste ainsi, au
premier chef, à se débarrasser le plus complètement possible de deux
catégories d’idées a priori, celles apportées d’Europe par les premiers navigateurs, missionnaires, écrivains et marchands, et celles construites depuis,
parfois très tôt, pour toutes sortes de raisons, pas toujours avouables.
Jean Guiart
100
BILAN MORAL 2007
Le Bulletin
En 2007, les bulletins parus sont les numéros 309, 310 et 311. Les
309 et 310 furent annoncés fêter le 90ème anniversaire de la SEO, reprenant les premiers numéros dans leur entièreté ou en partie.
Les publications
— Nous avons sorti Naufrage à Okaro, travail de collecte de données et de rédaction de notre ami Christian Beslu sur la corvette Alcmène, en janvier 2007. En décembre de la même année, nous
constatons que plus de la moitié des exemplaires a été vendu. Il faut
dire que nous offrons un prix de cession fort raisonnable.
— En avril 2007, une édition du dictionnaire marquisien de monseigneur Dordillon est sortie. Sa commercialisation au même prix
que le Tepano Jaussen permet de l’écouler de manière régulière.
— En octobre 2007, nous avons réalisé une 2e édition de Etat de la
société tahitienne à l’arrivée des Européens par de Bovis en 500
exemplaires. Tout en réalisant une marge raisonnable, son actuel
prix de cession (41% de moins qu’antérieurement) assure un écoulement régulier et donc une diffusion satisfaisante de la connaissance. Notons qu’il a fallu 10 ans pour écouler les 1000 exemplaires
de l’édition précédente soit 100 par an ; alors qu’en 2007, ce mêmes
100 exemplaires furent cédés en moins de 3 mois.
Les Salons
La SEO est membre de l’Association des Editeurs de Tahiti et des îles.
En 2007, votre présidente en assurait le secrétariat et votre trésorier la
trésorerie. La SEO a été physiquement présente à tous les salons à savoir :
— celui de Paris du 22 au 27 mars où Yves Babin noua des liens et persuada de nombreux visiteurs à s’intéresser aux productions de la SEO
— celui de Papeete à Toata où du 26 au 29 avril, Yves Babin, Christian
Beslu et Constant Guéhennec en particulier accueillirent des écoliers
et visiteurs dont de nombreux lecteurs.
— Celui du ministère d’Outre-mer du 20 au 21 octobre auquel votre
présidente a participé, créant et consolidant des liens avec les visiteurs hélas raréfiés du fait de la grève des transports parisiens.
— Ceux des Îles Sous-le-Vent : avec Raiatea les 23 et 24 novembre
et Bora Bora les 30 novembre et 1er décembre. Votre présidente fut
présente les 2 jours à Raiatea et le dimanche à Bora-Bora ; votre trésorier assurant les 2 jours à Bora-Bora. Notons que durant mon
séjour, j’ai pu rencontrer Julia Stimson qui m’a raconté de nombreux
éléments de la vie de son père qu’elle a depuis mis par écrit pour
introduire la réédition du dictionnaire pa’umotu.
Les Salons sont des moments privilégiés de rencontre avec des lecteurs et aussi des auteurs. Pour la SEO, dans la mesure où il y a une répartition des charges avec l’AETI, sur le plan financier, les dépenses sont
équilibrées par les recettes qui souvent les excèdent. En tous les cas, les
dépenses n’ont jamais dépassé le budget prévu.
Conseils d’administration
et Assemblées générales d’autres structures.
La SEO est titulaire de :
— deux sièges au conseil d’administration du Musée de Tahiti et des
îles - Fare Manaha, sièges tenus par Simone Grand et Yves Babin. Le
Ministre de la Culture et celui qui convoque les membres et préside
le Conseil qui se réunit entre deux à trois par an.
— Un siège au conseil d’administration du Centre des métiers d’art
avec Constant Guéhennec, qui se réuni une à deux fois par an.
— Un siège au conseil d’administration de l’Association des éditeurs
de Tahiti et des Iles (AETI) avec Yves Babin et Simone Grand, qui se
réunit pour organiser les salons.
— Un siège à la Commission des sites et monuments naturels avec
Eliane Hallais Noble-Demay, commission qui se réunit à la demande
et sous la présidence du ministre de l’Environnement.
— La SEO n’est plus titulaire d’un siège au conseil d’administration de
la Maison de la culture, Te Fare Tauhiti Nui , mais Robert Koenig, qui y
était son représentant permanent, continue d’y siéger, à titre de personnalité qualifiée, et assure ainsi la liaison de la SEO avec cet organisme.
102
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
Notre Vice-président Jean Kape assure la médiatisation de la parution
de nos bulletins.
Votre Conseil d’administration se réunit assez souvent soit avant, soit
après le comité de lecture. Les procès-verbaux sont rigoureusement tenus
par notre ami Michel Bailleul qui a pris le relais de Constant Guehennec
et ils sont à votre disposition au secrétariat, réunis par notre secrétaire
adjoint : Moetu Coulon. Les principales questions traitées par le conseil,
outre les sujets évoqués plus haut, ont été :
— Le recrutement d’une secrétaire à temps partiel en remplacement
de Hilda Picard désormais retraitée.
— La clarification du statut des objets remis au Musée de Tahiti
et des îles
— La clarification des différentes co-éditions antérieures,
— La réalisation de la convention de co-production d’un film avec
Marc Louvat
— La clarification des ventes de livres en notre bureau qui désormais se limiteront aux seules productions de la SEO, d’associations,
du Musée de Tahiti et des îles et du service des archives.
En outre, nous nous donnons rendez-vous régulièrement au bureau
de la SEO pour des réunions informelles et restons en communication
par mail.
En fait, nous avons plaisir à nous retrouver pour préparer notre bulletin, répondre à différents courriers et élaborer d’autres projets qui
nécessiteraient la mobilisation d’autres membres.
La Présidente
Simone Grand
103
COMPTES DE TRESORERIE
2007
Comptes au 31 12 07
CCP
Banque de Polynésie
409 670
4 571 169
4 980 839
31,12,07
RESULTATS 2007
RECETTES
Cotisations
Ventes directes
Ventes en librairies
Ventes salon du livre, PPT*
PREVUES
REALISEES
1 480 000
1 385 209
700 000
905 595
2 500 000
2 627 292
300 000
352 320
Salon Paris
50 000
90 272
Salon Raiatea Bora Bora
70 000
149 760
Salon Octobre
50 000
24 646
80 000
1 000 000
Vente Mururoa
Subvention
PREVUES
REALISEES
secrétariat
400 000
227 100
secrétaire + cotis CPS
720 000
689 658
90 000
51 520
2 communiqués presse AG
Salon PPT
60 000
50 000
51 549
15 000
20 900
Salon Octobre
110 800
30 000
0
Achat de livres
110 000
108 070
0
maintenance site
60 000
0
Achat/ARCH
28 000
49 000
Remboursement/Haere Po
83 000
18 300
2 907 802
3 769 281
4 980 839
Report au 28 11 07
DEPENSES
110 800
Total
Report au 31 12 06
31,12,07
Salon du livre/Paris
Salon Bora Bora - Raiatea
Achat/ Acad Tahit
12 500
Achat/ Montillier
50 000
Cotisation AETI
20 000
20 000
solde Alcmène + dédouane
589 693
583 397
BSEO n° 307/308 + envoi
852 500
861 080
BSEO n° 309 + envoi
600 845
555 500
BSEO n° 310-(311) + envoi
852 500
703 947
Réédition Dordillon
1 309 132
1 226 500
Réédition Stimson
2 000 000
0
Autres frais commémoration
300 730
0
Préparation Rééd, Tahitiens
423 781
0
Réception cadeau Hilda
*Cotisations exclues
Total
104
Scan documents
9 999 281
7 888 641
Total
200 000
100 000
1 000 000
0
9 999 281
5 346 521
N°313 - Juillet / Août / Septembre 2008
BUDGET PREVISIONNEL
2008
RECETTES
Cotisations
Ventes directes
Ventes en librairies
Ventes salon du livre, PPT*
Salon Paris*
Salon Raiatea Bora Bora*
DEPENSES
PREVUES
1 300 000
900 000
2 600 000
350 000
80 000
130 000
secrétariat
secrétaire + cotis CPS
2 communiqués presse AG
Salon PPT
Salon du livre/Paris
Salon Raiatea Bora Bora
PREVUES
400 000
1 080 000
60 000
50 000
100 000
25 000
Salon Octobre*
50 000
Salon Octobre
Salon Moorea
80 000
Salon Moorea
10 000
Salon Presqu'île
80 000
Salon Presqu'île
10 000
Vente Mururoa
8 000
Achat de livres
110 000
Subvention
2 000 000
SS total : 6 120 000
Achat/ARCH
50 000
Remboursement/Haere Po
50 000
Achat/ Acad Tahit
12 500
Achat Afarep
Report au 31 12 07
4 980 839
Total
12 558 839
7 500
Achat/ Montillier
35 000
Cotisation AETI
20 000
BSEO n° 311 + envoi
629 600
BSEO n° 312 + envoi
625 000
BSEO n° 313 + envoi
622 000
BSEO n° 314 + envoi
630 000
Réédition Jaussen
973 118
Réédition Stimson
2 545 400
Réédition Papa Tumu
300 000
Exposition
400 000
Particip Rééd, Tahitiens
400 000
album Rapa
*Cotisations exclues
100 000
2 000 000
réédition Papeete
513 271
Livre de chants
700 000
Imprévus, Réception
100 000
Total
12 558 389
105
RESOLUTIONS ADOPTEES
PAR L’ASSEMBLEE GENERALE
Réunie le 29 mai 2008 à 16h30
dans la salle de réunion
du service des archives
Résolution n°1 : Le bilan moral a été approuvé à l’unanimité
Résolution n°2 : Le bilan financier a été approuvé à l’unanimité
Résolution n°3 : Le budget prévisionnel 2008 est approuvé à l’unanimité
Résolution n°4 : L’Assemblée générale autorise le Conseil d’administration à solliciter une subvention de 2 millions de FCP afin
de baisser le prix de vente de l’ensemble des ouvrages
édités par la SEO de manière à les rendre plus accessibles au plus grand nombre sans pour autant amputer
ses possibilités d’édition.
Résolution n°5 : L’Assemblée générale demande au Conseil d’administration de préparer pour la prochaine fois un projet de
convention de mise à disposition du Musée de Tahiti et
des Îles des objets faisant partie du patrimoine de la SEO
afin d’être en mesure de statuer en toute connaissance
de cause et de manière précise.
Le Secrétaire
Michel Bailleul
106
La Présidente
Simone Grand
PUBLICATIONS DE LA SOCIETE DES ETUDES OCEANIENNES
Prix réservé aux membres, en vente au siège de la société/Archives Territoriales de Tipaerui
Dictionnaire de la langue tahitienne
par Tepano Jaussen (11ème édition)................................................ 2 000 FCP 17 €
Dictionnaire de la langue marquisienne
par Mgr Dordillon (3ème édition).................................................... 2 000 FCP 17 €
Dictionnaire de la langue paumotu
par J.F. Stimson et D.S. Marshall (2ème édition)............................... 2 000 FCP 20 €
Etat de la société tahitienne à l’arrivée des Européens,
par Edmond de Bovis (2ème édition)...............................................
700 FCP
6€
Journal de James Morrison, second maître à bord de la Bounty,
traduit par Bertrand Jaunez........................................................... 2 000 FCP 17 €
Alexandre Salmon et sa femme Ariitaimai,
par Ernest Salmon......................................................................... 1 500 FCP 13 €
Les cyclones en Polynésie Française (1878-1880),
par Raoul Teissier.......................................................................... 1 200 FCP 10 €
Chefs & notables au temps du Protectorat (1842-1880),
par Raoul Teissier.......................................................................... 1 200 FCP 10 €
Généalogies commentées des arii des îles de la Société,
par Mai’arii.................................................................................... 1 500 FCP 13 €
Choix de textes des 10 premiers bulletins de la S.E.O.
(mars 1917 – juillet 1925)........................................................... 1 500 FCP 13 €
Papeete, BSEO n°305/306
par Raymond Pietri........................................................................ 1 200 FCP 10 €
Colons français en Polynésie orientale, BSEO n°221
par Pierre-Yves Toullelan............................................................... 1 200 FCP 10 €
Les Etablissements français d’Océanie en 1885
(numéro spécial 1885-1985)........................................................ 1 200 FCP 10 €
Moruroa, aperçu historique 1767-1964,
par Christian Beslu........................................................................ 1 200 FCP 10 €
Tranche de vie à Moruroa,
par Christian Beslu........................................................................ 4 000 FCP 34 €
Naufrage à Okaro
par Christian Beslu........................................................................ 1 900 FCP 16 €
Les âges de la vie – Tahiti & Hawai’i aux temps anciens
Par Douglas Oliver......................................................................... 2 500 FCP 21 €
Tahiti au temps de la reine Pomare,
par Patrick O’Reilly........................................................................ 1 500 FCP 13 €
Tahiti 40,
par Emile de Curton...................................................................... 1 500 FCP 13 €
Collection des numéros disponibles
des Bulletins de la S.E.O. :................................................................ 200 000 FCP 1676 €
Dans ce numéro, le Bulletin de la Société des
Etudes Océaniennes vous offre :
Un article de Jean-Yves Meyer sur le tiare apetahi
où l’on ne peut que rester saisi d’incompréhension
devant le vandalisme de certains de nos contemporains qui détruisent par vanité et pour quelques
piécettes, cette fleur sans pareille.
Un rappel par Henri Theureau des mythes et
légendes entourant le Temehani.
Des fouilles archéologiques à Maeva Huahine par
Paul Wallin et Reidar Solsvik.
Une réflexion sur les aires marines protégées par
Bernard Salvat et des chercheurs et responsables
de l’environnement.
Une interrogation avec Jean Guiart sur le cadre
où il convient de situer l’Océanie.
Les bilans financier et moral 2007, le budget prévisionnel 2008 et les résolutions de votre
Assemblée générale.
N° ISSN : 0373-8957
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 313