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BULLETIN
DE LA SOCIETE
DES
ETUDES OCEANIENNES
N°296 / 297 • Février / Juin 2003
L.-G. Seurat,
un naturaliste en Océanie
DES
BULLETIN
DE LA SOCIETE
ETUDES OCEANIENNES
(POLYNESIE ORIENTALE)
N° 296 / 297 • Février - Juin 2003
L.-G. Seurat,
un naturaliste en Océanie
1902 - 1905
Sommaire
I - L’homme Seurat ............................................................................ p.
Note de l’éditeur..................................................................................................
Seurat par lui-même............................................................................................
Quelques lettres et faits de sa vie administrative..................................................
a) - Lettre de Faulheyroure du 27 août 1901 .............................................
b) - Arrêté de création du laboratoire de Rikitea 4 juin 1903 ...................
c) - Ses démêlés avec l’administration........................................................
Quelques lettres du scientifique...........................................................................
a) - Lettre du 28 septembre 1902 ..............................................................
b) - Lettre de Rikitea du 21 mai 1903........................................................
c) - Observations météorologiques de janvier et février 1904....................
3
p. 4
p. 10
p. 17
p. 17
p. 20
p. 21
p. 25
p. 25
p. 26
p. 28
II - Le naturaliste................................................................................ p. 31
Bernard Salvat
L.-G. Seurat, il y a un siècle ; un naturaliste à la découverte de la Polynésie....... p. 32
A - Le milieu naturel....................................................................................... p. 41
Observations sur les îles basses de l’archipel des Gambier......................... p. 44
Observations sur la structure de l’île Timoe ............................................... p. 51
Observations sur la structure,
la faune et la flore de l’île Marutea du sud................................................. p. 60
Observations sur quelques îles des Tuamotu
Fakahina..................................................................................................... p. 82
Pukapuka ................................................................................................... p. 87
Fagatau....................................................................................................... p. 90
B - Les espèces récoltées et étudiées......................................................... p. 95
Observations de Seurat
- a) Sur les cénobites, Cenobita perlata.................................................. p. 96
- b) Observations sur la propagation de la maladie des cocotiers............ p. 103
Travaux réalisés à partir des récoltes d’échantillons de Seurat..........................
- a) N. Patouillard : Champignons recueillis par M. Seurat.....................
- b) A. Billard : Hydroïdes récoltés par M. Seurat aux Iles Gambier........
- c) M. Couturier : Etude sur les mollusques gastropodes
recueillis par L.G. Seurat .......................................................................
- d) E. Lamy : Liste des Lamellibranches recueillis par L.G. Seurat
aux Iles Tuamotu et Gambier....................................................................
- e) G. Nobili : Diagnoses de crustacés, décapodes et isopodes
recueillis par Seurat aux Iles Tuamotu.....................................................
- f) A.V. Vayssière : Note sur les Cypræidés recueillis par M. Seurat,
aux îles Tuamotu et Mangareva................................................................
p. 105
p. 105
p. 114
p. 118
p. 124
p. 131
p. 143
C - L.-G. Seurat, il y a un siècle : un spécialiste de la nacre.................. p. 148
L. Euzet : L. G. Seurat, les perles et les parasites.............................................. p. 148
Observations sur l’évolution de l’huître perlière :
organes et produits génitaux, fécondation, premiers stades évolutifs................ p. 152
La nacre et les perles en Océanie française....................................................... p. 166
Pêche de l’huître perlière.................................................................................. p. 187
III - L’anthropologue ..................................................................... p. 193
Anne Lavondès
L.-G. Seurat, il y a un siècle : un archéologue.................................................. p. 194
Donat & Seurat : Sur quelques similitudes des langues et des coutumes.......... p. 207
Les anciens habitants de l’île Pitcairn................................................................ p. 212
Les marae des îles orientales de l’archipel des Tuamotu.................................. p. 217
Les engins de pêche des anciens Paumotu....................................................... p. 228
Mœurs des anciens Paumotu........................................................................... p. 241
Légendes des Paumotu, histoire de Tangaroa, de Kae, de Tuna ....................... p. 254
Chansons relatives à la pêche............................................................................ p. 262
Vocabulaire des termes d’histoire naturelle dans les dialectes
tahitien, tuamotu, mangarévien et marquisien................................................. p. 270
Les mots pour dire le temps et les directions du vent....................................... p. 285
Anne Lavondès, la collection Seurat d’objets ramenés des Tuamotu................ p. 288
Catalogue sommaire des objets......................................................................... p. 299
Pour ne pas épiloguer................................................................................... p. 317
2
I
L’homme
Seurat
Note de l’éditeur
Léon Gaston Seurat, “un naturaliste dépêché par le Muséum d’histoire naturelle de Paris s’installe aux Gambier. A cette époque, on était
pluridisciplinaire. Léon Seurat s’occupe de zoologie aussi bien que de
botanique ; il s’intéresse au repeuplement en nacre des lagons et développe les études lancées une vingtaine d’années auparavant par l’ostréiculteur Simon Grand ; il pousse même une pointe du côté de la perliculture. Son activité est grande. Les bulletins du Muséum des années
1902-1905 contiennent une dizaine de ses études envoyées de son
“Laboratoire de recherches zoologiques de Rikitea”. Aucune, malheureusement, ne donne de détails sur son installation matérielle. Elle n’était sûrement pas insignifiante puisque Seurat est capable d’expédier
douze caisses de spécimens en une seule fois. Les autochtones devaient
être pantois ! Le gouverneur dut l’être aussi qui, ayant longtemps ignoré notre homme, fit amende honorable en des termes d’une savoureuse
ingénuité :…”1
Dans le “Mémorial polynésien”2, quelques lignes lui sont consacrées : “Il a été envoyé à deux reprises différentes missions pour étudier
la production de la nacre, et pour voir s’il était possible d’augmenter
cette production. M. Bouchon- Brandely en 1885 et M. Seurat en 19011905. Ces deux missions n’eurent aucun résultat commercial.” Plus loin
concernant l’élevage de bovins et de porcs, p. 483 : “M. Seurat dans son
travail sur Tahiti et les Etablissements français de l’Océanie, 1906,
donne pour Tahiti un effectif de 1300 à 1400 têtes.” Nous ne disposons
pas de ce travail.
1 François Vallaux, Mangareva et les Gambier p. 107, 1994 Editions ETAG. Il cite le texte de l’arrêté reproduit en I-3 -b.
2 Hibiscus éditions 1980, tome 4, p. 482
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Durant trois ans, esprit ouvert, vigilant et réceptif à tout ce qui s’offrait à son regard, il a observé, enregistré, et il en a rendu compte avec
la rigueur de l’homme de science et… un quelque chose en plus qui
ressemble à l’esprit d’aventure. Ceci et la curiosité le poussent lui,
comme d’autres avant et d’autres après lui, à repousser les limites de ce
qui est compris et donc autorisé par les autorités administratives. Il se
rend à Marutea sud sans le soutien de l’administration et ramène une
moisson d’informations et de connaissances.
Il ne se contente pas de relever les données météorologiques ; il
présente aussi leurs incidences observées sur l’agriculture.
Une île est décrite telle un écosystème à une époque où ce mot
n’existait pas encore.
Le soin méticuleux avec lequel il a observé le comportement des
cénobites uà, est tout simplement délicieux. Cette méticulosité fut mise
en œuvre dans la collecte et l’expédition des échantillons étudiés par les
savants du Muséum. Des champignons aux hydraires, crustacés et mollusques, il a participé aux progrès de leur connaissance.
La nacre, raison de sa présence, fut l’objet de toute son attention. Il
a décrit tout ce qu’il pouvait décrire sur ce mollusque d’une grande
importance économique : biotope, anatomie, physiologie, comportement... Sur la perle, il eut de belles intuitions.
L’Indigène (avec un I majuscule) l’a intéressé. Celui du passé dont il a
relaté les marae, transcrit des légendes et comptines ; celui de son temps,
encore en suspens entre deux mondes, avec ses objets usuels, ses mots qui
disparaissent et sa vie dangereuse de plongeur de nacre. Il est émouvant de
constater l’unique faille de cet esprit formidablement rigoureux qui prend
pour réalité, la légende de la raie manta cherchant à empêcher les plongeurs de remonter à la surface...[voir p.188]. Il se soucie de l’avenir des
insulaires en préconisant une exploitation rationnelle des ressources naturelles et des gestes réduisant l’impact des actions humaines.
Les documents réunis ici ont paru dans différentes revues scientifiques et dans le Journal Officiel des Etablissements Français de
l’Océanie. D’autres n’ont pu être rassemblés et certaines notes, annonçant des textes développés plus tard, ont été volontairement écartées.
5
Les modifications faites par mes soins ont porté sur l’orthographe
et la graphie de certains mots. Ainsi, les noms communs polynésiens
sont mis en italique et ne prennent pas de s au pluriel. La Chelone
mydas a pris son nom d’aujourd’hui Chelonia. Les abréviations des
mesures comme millimètre sont devenues “mm” et non plus millim. Les
mesures, dans une description de marae, ont été réécrites en chiffres.
Ce qui a paru un excès de majuscules pour Poissons, Cocotiers,
Crustacés, Huîtres, Nord, Sud, …a été réajusté. Certaines parenthèses
ont été supprimées comme celles mises parfois de part et d’autre des
noms scientifiques ou des noms vernaculaires. Les textes en latin des
systématiciens ont été retirés et pourront être consultés à la S. E. O.
Il a beaucoup écrit sur la nacre Margarita margaritifera var
cumingi, (aujourd’hui Pinctada margaritifera var cumingi) sans
ignorer la Margarita panasesae (désormais Pinctada maculata). Pour
éviter de trop nombreuses redites, seuls un texte sur la physiologie a été
retenu et quant aux deux articles : “La nacre et la perle” et “La nacre et
les perles”, ils ont été refondus en un seul.
L’avis de spécialistes de grand renom a été sollicité et obtenu.
Le professeur Bernard Salvat qui continue à mobiliser le monde
scientifique pour la connaissance et le monde politique pour la gestion
des milieux coralliens en Polynésie française, introduit le chapitre sur le
naturaliste. En fait, avec son équipe, il a poursuivi l’œuvre de Seurat.
Le Professeur Emerite Louis Euzet qui, à l’université des sciences et
techniques du Languedoc, ouvre le chapitre sur la nacre et la perle en
actualisant la connaissance sur la formation de la perle fine en milieu
naturel.
Madame Anne Lavondès, ex-directrice du Musée de Tahiti et des
Iles et du Centre Polynésien des Sciences Humaines, dont les travaux
sont précieuse référence, introduit les écrits de Seurat l’anthropologue.
L’inventaire qu’elle a réalisé de la collection d’objets réunis par Seurat
dans les Tuamotu clôt ce recueil.
Puisse le lecteur éprouver le plaisir que j’ai eu à lire ces textes et,
traquant les ratés de scannage, tentant de réduire les redondances, les
relire plusieurs fois, pour vous proposer ceci.
6
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Cette compilation est de toute évidence incomplète et son édition
encouragera certainement les détenteurs des pièces manquantes à les
apporter à la Société des Etudes Océaniennes. Il manque entre autre, le
récit de sa vie quotidienne à Rikitea, où seraient nommés : ses fréquentations, ses collaborateurs que semblait ignorer le gouverneur. Témoin
privilégié de la situation de cette communauté longtemps régentée par le
père Laval, il n’est pas exclu qu’il ait narré des faits de vie singulière.
Iaorana et bonne lecture
Pour la SEO
Simone Grand
(voir p. 133)
7
Titres et travaux scientifiques 3
Titres universitaires :
Licencié ès-Sciences naturelles, juillet 1893, Paris. Licencié ès-Sciences physiques, juillet 1894
Docteur ès-Sciences naturelles, 27 avril 1899.
Boursier près la Faculté des Sciences de Paris, 1er novembre 1892 - 31 octobre 1896.
Boursier de Doctorat près le Muséum, 1er novembre 1897 - 31 octobre 1899.
Stagiaire du Muséum, 1er novembre 1899 - 24 décembre 1900.
Fonctions dans l’Enseignement
Préparateur de zoologie au laboratoire de Biologie appliquée aux Colonies
(École Pratique des Hautes Études), 24 décembre 1900.
Chargé de mission en Océanie, mis à la disposition du Ministère des Colonies,
31 octobre 1902 - 30 avril 1905.
Préparateur, puis Chef des Travaux de Zoologie au laboratoire colonial du
Muséum, 1er mai 1905 - 2 mai 1906.
Professeur chargé de cours au Lycée d’Alger, 3 mai 1906 - 31 décembre
1908.
Chef des Travaux pratiques de Zoologie à la Faculté des Sciences d’Alger, 1er janvier 1909.
Chargé de Conférences de Zoologie générale à ladite Faculté (par arrêté ministériel, 1er janvier 1911.
Distinctions honorifiques :
Lauréat de l’Institut. Académie des Sciences : Prix Thore 1900, et Prix
Delalande-Guérineau 1906.
Officier d’Académie, juillet 1909.
Médaille de bronze du Ministère de l’Instruction publique décernée sur la proposition du Directeur du Bureau central météorologique.
Lauréat de la Société de géographie commerciale de Paris (Médaille La
Pérouse).
Secrétaire général de la Société d’histoire naturelle de l’Afrique du Nord, chargé de la rédaction du Bulletin.
Membre de la Commission consultative des pêches, instituée par le
Gouvernement général de l’Algérie.
3 Archives Seurat, SEO Br 4 N° 34 (liste arrêtée au 1er novembre 1921, date de sa nomination
à l’Université d’Alger en qualité de professeur de zoologie).
8
Léon-Gaston Seurat
Notice sur mon parcours
Mes premières recherches sont relatives à l’histoire évolutive des
hyménoptères entomophages, qui pondent leurs œufs, soit à l’intérieur du
corps des chenilles ou des pucerons, soit au contact immédiat des larves
des coléoptères xylophages, ou encore dans le nid d’une araignée, en sorte
que leurs larves vivent, à l’état de parasites internes ou de parasites externes, aux dépens d’autres arthropodes, dont elles finissent par amener la
mort. A ce point de vue, ces hyménoptères rendent de très grands services
en empêchant la multiplication exagérée de certains insectes nuisibles, services dont on aura idée de l’importance, en songeant que les chenilles de
la piéride du chou sont parasitées dans la proportion de l97 pour 200.
Au moment où j’ai commencé mes observations, on n’avait que des
données très vagues, souvent contradictoires, sur le mode de vie de ces
insectes et plus spécialement sur celui des parasites internes : certains
auteurs pensaient que ces derniers ne prenaient aucune nourriture par
la bouche, ne respiraient pas, n’excrétaient pas et étaient comparables
aux fœtus des mammifères, qui vivent de la vie propre de la mère. On
n’avait également que des données peu précises sur les rapports de l’hôte
et du parasite.
J’ai suivi le développement de ces entomophages en ayant soin d’envisager et de comparer, dans chacune des trois familles, Braconides,
Ichneumonides et Chalcidides, le cas des larves parasites externes et
celui des larves parasites internes. Certaines chenilles convenablement
choisies, par exemple celles très communes sur la pariétaire, d’un
microlépidoptère Symathys oxyacanthella L. à peau peu épaisse,
m’ont permis d’examiner par transparence, en place dans l’hôte, le
parasite interne et de suivre ses différentes manifestations vitales.
C’est de cette façon que j’ai pu mettre en évidence une fonction qui
n’avait pas été envisagée auparavant, celle de la locomotion du parasite
et montrer le rôle locomoteur de l’appendice caudal si caractéristique
des larves d’Ichneumonides, appendice auquel Ratzeburg avait attribué
la fonction respiratoire.
En ce qui concerne le mode de nutrition, j’ai observé que le parasite, externe ou interne, est armé de mandibules très aiguës, avec les10
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quelles il déchire les tissus de l’hôte dont il se nourrit. Les matériaux
ingérés sont accumulés dans un estomac volumineux fermé en arrière,
une partie, digérée de suite, suffisant aux besoins immédiats. Le rejet des
excréments n’a lieu que quand la larve, parvenue à sa taille définitive, a
filé son cocon.
Les parasites internes respectent les organes de la chenille dans
laquelle ils vivent ; toutefois, j’ai pu établir le fait, avec les chenilles
transparentes précitées, que la larve attaque parfois avec ses mandibules les organes tels que le tube digestif, mais alors ceux-ci se défendent
par un mouvement réflexe qui suffit à éloigner momentanément l’agresseur. Ce n’est qu’à l’extrême limite de la vie larvaire que les organes de
l’hôte sont dévorés entièrement.
Les échanges respiratoires des jeunes larves internes se font par
osmose, à travers la peau ; la vésicule anale des Microgastérides et l’appendice caudal des Ichneumonides ne détiennent pas, comme l’avaient
avancé les auteurs qui m’ont précédé, la fonction respiratoire, car ces
organes manquent dans beaucoup de cas (Aphidides, Chalcidides, etc.)
Les larves un peu plus âgées possèdent un appareil trachéen entièrement
clos, rempli d’air, l’entrée de l’air se faisant par osmose à travers la peau
et la membrane très mince des dernières ramifications trachéennes :
sous la peau on observe, en effet, un réseau extrêmement riche de fines
trachées.
Quand le parasite a dévoré son hôte, les troncs stigmatiques, jusqu’alors terminés en cul-de-sac s’ouvrent et l’entrée de l’air se fait dès
lors normalement par les stigmates. Il y a là en somme un mode de
respiration comparable à celui des larves aquatiques des éphémères.
Il est intéressant de noter que l’appareil trachéen des larves des
Hyménoptères entomophages, tout en étant bâti sur le même type fondamental, présente dans chacune des familles des différences qui peuvent être utilisées pour la classification et qui donnent des renseignements précieux sur les affinités naturelles de ces familles, c’est ainsi que
les Braconides et les Ichneumonides constituent deux groupes très voisins, caractérisés par l’apparition tardive de la deuxième paire de stigmates. Tandis que les Chalcidides sont remarquables par l’apparition
tardive de la dernière paire de stigmates.
11
Dans une autre partie du même travail, j’ai étudié la délimitation des
trois régions du corps des Hyménoptères adultes, en m’attachant plus
spécialement à préciser la structure, alors très controversée, du thorax.
Enfin, j’ai suivi les métamorphoses d’une larve d’hyménoptère
Doryctes gallicus Rheinhard, jusqu’à l’état adulte : cette étude m’a permis de donner la signification morphologique de certains organes. J’ai
montré par exemple, que les pièces de l’armature génitale sont chez la
femelle constituées par une paire d’appendices modifiés des deux avantderniers segments abdominaux, tandis que l’armature génitale du mâle,
plus simple, est formée d’appendices d’un même segment. Les pièces
des armatures mâle et femelle ne peuvent par conséquent pas être comparées entre elles, comme on a voulu le faire autrefois.
A la suite de la publication de ces recherches anatomiques et biologiques sur les Hyménoptères entomophages, commencées au Mexique
en 1896-97 et continuées en France, je fus envoyé en Tunisie pour y étudier les insectes nuisibles aux chênes de la Khroumirie. Je rapportais de
ce voyage beaucoup de matériaux dont j’étudiais une partie, le reste
ayant été confié à d’autres entomologistes.
L’Exposition universelle de 1900 me fournit, peu après, l’occasion
de publier quelques observations sur des insectes nuisibles aux plantes
alimentaires des Colonies françaises. Sur le conseil de mon regretté
Maître Alphonse Milne-Edwards, je commençais à cette époque, l’étude
des serpents venimeux du Mexique, et celle des poissons d’eau douce de
l’Algérie et de la Tunisie ; ce dernier travail, complété depuis au cours
de mon séjour dans l’Afrique du Nord, sera publié sous peu.
Au moment de la création du laboratoire colonial, M. Edmond
Perrier, Directeur du Muséum, voulut bien me mettre à la tête du service
zoologique. Je fus dès lors amené à me familiariser avec diverses questions de zoologie appliquée aux Colonies, et c’est à la suite de cette
période de documentation que je fus proposé au Ministère des Colonies
pour aller, dans les Établissements Français d’Océanie, étudier l’histoire
naturelle de l’huître perlière. La perspective de me livrer à des recherches zoologiques dans ces régions éloignées, où des études de longue
durée n’avaient jamais été faites, me séduisit immédiatement et je partis
pour un voyage autour du Monde, qui devait durer trois ans. Je n’ai pas
12
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manqué, au moment de mon départ, de me mettre en relation avec un
certain nombre de personnalités scientifiques qui ont bien voulu m’aider de leurs conseils pour la direction à donner à mes recherches, ou
bien m’assurer leur concours pour l’étude des matériaux que je songeais à recueillir.
Le Directeur du Bureau Central Météorologique me confia la charge de faire des observations barométriques dans ces régions tropicales
et me remit à cet effet, un matériel très complet. Grâce à un labeur de
tous les instants et aux appuis précieux précités, j’ai pu mener à bien la
tâche que je m’étais assignée, malgré des difficultés de toutes sortes.
J’ai tout d’abord pu préciser les conditions d’habitat et de reproduction de l’huître perlière, dont l’exploitation constitue une source de
richesses très importante pour cette colonie lointaine. Me basant sur les
résultats de mes recherches, j’ai indiqué à l’Administration locale les
réformes qu’il convenait d’adopter pour arriver à une exploitation rationnelle des pêcheries : parmi ces réformes prises sur mon initiative, je citerai l’interdiction de la plonge pendant la saison correspondant à l’époque
de la reproduction de ces mollusques (Décret du 21 janvier 1904).
J’ai également montré par quels moyens il serait possible d’augmenter la production par la culture méthodique de l’huître perlière, et
insisté sur l’utilité, pour recueillir le naissain, des collecteurs de surface.
La question si passionnante de l’origine des perles était des plus
controversées au moment de mon départ pour Tahiti. De nombreuses
observations poursuivies de l902 à 1905, m’ont montré que les perles
fines doivent être considérées comme résultant de la calcification de
kystes, déterminés dans les tissus du mollusque, par la présence d’un
scolex de cestode auquel j’ai donné le nom de Tylocephalum margaritiferae.
Les kystes déterminés par la présence de ce parasite sont très nombreux sur les branchies, mais seuls ceux plus rares, qui se forment dans
la région latéro-dorsale du corps constituent les noyaux de futures perles. J’ai été assez heureux pour trouver la forme adulte de ce cestode,
parasite dans l’intestin spiral de la raie-aigle (Aëtobatis narinari
Euphr.) et montrer le grand intérêt qu’il y a à protéger ce poisson que
les Indigènes pourchassent, au contraire, sans pitié.
13
L’étude du mode de formation des perles chez une petite huître perlière à nacre jaune (Margaritifera panasesae Jam.) des mêmes lagons
d’Océanie et chez la Margaritifera vulgaris de l’île des Pins (Nouvelle
Calédonie) et de Nossi-Bé (Madagascar), m’a permis d’étendre cette
notion de l’origine parasitaire.
J’ai naturellement été amené, par les recherches spéciales auxquelles je devais me livrer, à faire des observations sur la structure des îles
coralliennes (atolls), sur les dialectes, les mœurs et les coutumes des
Polynésiens, et ai consigné ces observations dans une série de publications.
D’autre part mon séjour dans les soixante-huit îles basses que j’ai
visitées a été utilisé à recueillir les principaux éléments de la faune et de
la flore de l’archipel et l’étude de ces matériaux, envoyés à mesure aux
naturalistes qui avaient bien voulu m’assurer de leur concours a fait
l’objet de nombreux mémoires. Les observations : barométriques ont
été publiées par les soins du Bureau Central météorologique. Enfin, j’ai
profité de mon passage dans l’île volcanique de Tahiti pour explorer la
profonde vallée de Papenoo et recueillir toute une série de roches à
néphéline, sur lesquelles M. le professeur Lacroix avait bien voulu attirer mon attention.
Tous les matériaux récoltés au cours de mon voyage ont été déposés dans les collections du Muséum national d’histoire naturelle. Une
partie de ces matériaux est d’ailleurs encore à l’étude.
Désireux de revoir l’Afrique du Nord où j’avais effectué plusieurs
années auparavant, des recherches très fructueuses, je demandais, en
1906, un poste dans un Lycée d’Algérie ; j’eus la bonne fortune d’être
affecté au Lycée d’Alger, que je quittais le 1er janvier 1909, pour devenir
Chef des Travaux, puis Chargé de Conférences de Zoologie à l’École
supérieure des Sciences, transformée en Faculté en 1910.
Je n’ai pas manqué, depuis que j’habite l’Algérie, de me familiariser
avec la faune du pays ; en outre, j’ai cherché à orienter mes nouvelles
recherches dans le sens de celles que j’avais poursuivies en Océanie.
C’est ainsi que les premières observations que j’ai publiées sont relatives à un trématode qui produit sur les branchies des pétoncles
(Pectunculus violacescens Lamk) des kystes tout à fait comparables à
ceux des branchies de l’huître perlière.
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J’ai eu le grand bonheur, à Alger, de gagner l’estime de M. Maupas
qui veut bien m’honorer de son amitié. M. Maupas, en outre, m’a mis au
courant des méthodes de recherches qui lui ont permis de faire ses belles observations sur les nématodes libres et dès ce moment, sans toutefois délaisser les vers parasites, je me suis attaché plus spécialement à
l’étude des nématodes parasites des animaux domestiques, qui causent
chaque année une mortalité très grande dans les troupeaux des HautsPlateaux de l’Algérie.
Grâce au bienveillant intérêt que M. le Recteur de l’Académie
d’Alger témoigne à mes études et grâce à la Société de Biologie qui a
bien voulu m’honorer d’une subvention, j’ai pu faire plusieurs voyages
dans le Sud Algérien.
Dans une note présentée ces temps derniers à l’Académie des
Sciences j’ai montré que l’évolution des larves des nématodes parasites,
de même que celles des nématodes libres s’effectue en quatre stades
successifs séparés par autant de mues. La période qui suit la deuxième
mue est une période, soit d’encapsulement dans un hôte intermédiaire,
soit d’enkystement pendant laquelle la résistance vitale de la larve est
très grande et qui correspond d’ailleurs à son passage dans l’hôte définitif. Un des phénomènes les plus intéressants de la biologie de ces larves, sur lequel j’aurai l’occasion d’insister dans un mémoire qui sera
publié prochainement, est la grande diversité de leur habitat : c’est ainsi
que j’ai eu à constater la présence de la larve du spiroptère du chien
chez des insectes, de nombreux reptiles, des oiseaux et des mammifères, où elle provoque la formation de capsules tout à fait comparables
aux kystes signalés plus haut chez l’huître perlière et le pétoncle.
Un spiroptère dont j’ai signalé la présence dans l’estomac de l’âne et
dans celui du dromadaire présente, chez ce dernier hôte, des variations
très grandes dans la position de la vulve, alors que cette dernière est
considérée comme fournissant un bon caractère spécifique ; ces variations que j’ai trouvées réalisées, quoique à un degré moindre, chez d’autres nématodes : Spirura sanguinolenta Rud., Physaloptera clausa
Rud. amèneront certainement à modifier certaines conceptions généralement admises.
15
Au cours de mes différents séjours dans la région des HautsPlateaux d’Algérie, je me suis attaché à recueillir les parasites du mouton et du chameau et à observer les conditions de développement de
leurs larves. M. Maupas a bien voulu participer à ces études dont le
résultat sera publié avec sa précieuse collaboration.
Cette courte notice n’a d’autre prétention que d’indiquer l’orientation de mes recherches. Par suite des nécessités inhérentes aux diverses
fonctions ou missions dont j’ai été chargé, il m’a été donné d’étendre
mes investigations à plusieurs groupes du règne animal ; j’ai eu l’occasion de diriger mes études non seulement vers les animaux de la faune
terrestre (insectes, nématodes) mais également vers les animaux
marins. Les différents voyages que j’ai effectués, au Mexique, dans
l’Afrique du Nord, en Australie et en Polynésie m’ont permis d’acquérir
des idées très nettes sur les questions si passionnantes de géographie
zoologique dont je tire le plus grand profit pour mon Enseignement.
Il me reste à remplir un devoir bien agréable : c’est de témoigner
ici ma reconnaissance à mes Maîtres du Muséum d’histoire naturelle,
Alphonse Milne-Edwards, MM. Edmond Perrier et E.L. Bouvier,
Membres de l’Institut, à M. le Docteur Viguier, Professeur à la Faculté
des Sciences, Directeur de la Station zoologique d’Alger et à M. Maupas,
correspondant de l’Institut, qui m’ont constamment manifesté un bienveillant intérêt et maintes fois aidé de leurs précieux conseils.
L.G. Seurat
Hache en pierre ou herminette,
enmanchée dans un morceau de geogeo (voir p. 242).
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N°296-297 • Février-Juin 2003
Quelques lettres et faits
de sa vie administrative
a) Lettre de Faulheyroure du 27 août 1901: L. G. Seurat a failli se
faire évincer par un M. Dubois qui souhaitait acclimater la M. margaritifera à Gabès en Tunisie.4
Paris 27 août 1901
Monsieur le Chef du secrétariat de Monsieur le Gouverneur de
Tahiti Papeete
Cher Monsieur,
Votre bienveillance m’excusera de mon retard à vous écrire en raison du travail considérable que j’ai trouvé à Paris. La rédaction de mon
rapport a pris les proportions d’un petit volume. A cette occasion, j’ai été
surpris de ne recevoir aucune nouvelle de Mr le Gouverneur. J’en suis à
me demander si je ne l’ai pas volontairement indisposé. Mes procédés à
son égard me paraissent cependant d’une irréprochable correction.
Mon rapport, dont la Préface n’est autre que la lettre adressée par
moi au Ministre dès mon retour, comprend deux parties : l’une, scientifique et pratique qui paraît dans la Revue coloniale, - l’autre, commerciale que je n’ai point permis de publier. Ces travaux nous ont
conduit à l’établissement des plans d’un marché et d’une Société de
Navigation ainsi qu’à une étude sur la situation stratégique de Tahiti.
Je vous envoie ce travail avec le vif et sincère désir de recevoir votre
appréciation.
Comme vous vous le verrez, j’ai préconisé :
-L’envoi d’un naturaliste à demeure
-La création d’un marché franco tahitien
-La création d’une ligne de navigation rapide, régulière et directe
4 Service des archives territoriales N° 48 w 2095
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Le marché est créé, la ligne de navigation est sur le point d’aboutir,
c’est au sujet du poste de naturaliste qu’un conflit vient de surgir.
Pour que le poste de naturaliste réponde aux avantages qu’on en
attend, son titulaire devra résider pendant au moins cinq ans non à
Papeete mais aux Tuamotu mêmes.
Les observations si minutieuses qu’exige l’ostréiculture nacrière
doivent être contrôlées pendant plusieurs années. Comment préciser,
par exemple, la saison du frai, les lois de la croissance des mollusques,
comment vérifier les phénomènes multiples de la vie de l’huître nacrière, si l’on ne fait que passer aux Tuamotu. Les circonstances ont voulu
que je trouvasse le biologiste épris de cette question. C’est un savant qui
occupe une situation de choix à notre Muséum. La passion de la science le domine et les questions d’ambition ou d’argent n’ont aucun attrait
pour lui. Docteur es science, ayant spécialement dirigé ses études vers
l’ostréiculture nacrière, il mettrait à résoudre les problèmes qui nous
préoccupent toutes les ressources d’un esprit supérieur et toute l’énergie d’une volonté attachée à une étude qu’elle aime. Il avait vu la portée
philanthropique du poste de naturaliste à Tahiti et il s’était décidé à en
solliciter l’emploi. Ses diplômes, ses titres, ses études passées justifiaient
sa demande. Nous étions heureux d’avoir mis la colonie à même de choisir un pareil sujet quand Mr Dubois, professeur à la faculté des sciences
; adressa une demande au ministère pour étudier à Tahiti le moyen d’acclimater la Méléagrine Margaritifère des Tuamotu à Gabès (Tunisie).
Le Ministère affecterait à cette mission si étrangère, pour ne pas
dire si contraire aux intérêts de Tahiti, le crédit voté pour le poste de
naturaliste, sans compter que le personnage en question saura dépasser
ce crédit et se faire couvrir des énormes frais supplémentaires que son
projet suppose.
Nous avons été consternés de voir cet homme que ses mœurs à l’oriental ont déconsidéré (on le surnomme le tombeur de femmes) et
dont vous n’aurez à aucun titre lieu de vous louer à Tahiti était sur le
point de se voir préféré à Mr Seurat, le savant dont je vous parle. Ce dernier eut été entre les mains de Mr Petit un instrument intelligent et docile,
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dévoué à la science, dévoué à la civilisation, comprenant la grande portée civilisatrice d’un travail aride et s’y attachant tout entier.
Je suis persuadé que Mr le Gouverneur ignore ce qu’est M. Dubois
et ce qu’est Mr Seurat. Il n’aurait ni câblé ni écrit au Ministère dans le
sens où il l’a fait. Peut-être pourrait-il encore user du câblogramme
pour rétablir les choses. Le départ de M. Dubois ne sera du reste pas
sans soulever de vigoureuses critiques en France, ni sans créer de réelles difficultés au ministère. La morgue du personnage, ses attaches avec
des influences que l’opinion publique ne permettra pas de s’imposer de
nouveau à la France, ses procédés pour avancer et pour conquérir les
honneurs soulèveront, je le crains, des polémiques peu en harmonie
avec l’effort sérieux, méthodique et paisible que nous désirons provoquer pour donner à Tahiti l’importance qu’elle mérite.
Pour tout renseignement, pour tout service je suis à votre disposition et vous pouvez compter en moi un ami loyal et sincère qui est heureux de se dire votre bien dévoué.
Faulheyvoure
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Arrêté du 4 juin 1903
Arrêté reconnaissant officiellement comme laboratoire de recherches zoologiques l’établissement d’études scientifiques créé à Rikitea
(Gambier) et en confiant la direction à M. le naturaliste Seurat.
Le Gouverneur des Etablissements Français de l’Océanie,
Chevalier de la légion d’honneur, Officier de l’Instruction Publique,
Vu le décret du 28 décembre 1885 sur le Gouvernement de la
colonie ;
Considérant qu’un laboratoire zoologique fonctionne depuis un
an aux Gambier sans que la création en ait été prévue dans un acte
régulier ; qu’il convient de donner une consécration officielle à cet
utile organe de recherches scientifiques ;
Le Conseil privé entendu,
ARRÊTE :
Art. 1er. L’établissement d’études scientifiques créé à Rikitea
(Gambier) est officiellement reconnu comme laboratoire de recherches zoologiques.
Art. 2. La direction de ce laboratoire est confiée à M. Seurat,
naturaliste, qui, en fait, en assure le fonctionnement depuis près
d’un an.
Art. 3. Le présent arrêté sera communiqué, enregistré et publié
partout où besoin sera.
Papeete, le 4 juin 1903.
Edouard Petit
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Démêlés avec l’administration
et remontrances du Gouverneur5
Le 30 septembre 1903
Monsieur Seurat, naturaliste,
J’ai appris par le rapport de l’administrateur des Gambier votre
odyssée à Marutea du Sud.
Je regrette qu’en cette occasion, et malgré mes recommandations, vous n’avez pas consulté l’administrateur pour la location de
vos moyens de transport, alors que lui seul avait qualité pour le faire.
J’espère que la leçon que vous avez ainsi reçue n’a pas été par
trop dure, mais qu’elle sera profitable et qu’à l’avenir vous éviterez de
grandes inquiétudes à l’administrateur, de graves ennuis à vous
même et d’assez fortes dépenses à notre budget.
Je ne serais pas moins très heureux de connaître les résultats de
vos recherches à Marutea auxquelles je m’intéresse vivement.
Odyssée à Marutea6
Rikitea, le 1er octobre 1903
Je suis de retour de l’île Marutea, où j’ai passé plus d’un mois, en
compagnie d’un Indigène des Tuamotu; notre voyage a été fertile en incidents. Nous étions partis sur un côtre, dont le capitaine est peu expérimenté, et Nous avons failli ne pas trouver l’île, située à 97 milles de
Mangareva ; enfin, au bout de quatre jours, nous étions en présence
d’une grande île basse, élevée seulement de 3 mètres au-dessus du
niveau de la mer et par suite peu visible de loin; la mer était grosse et
venait déferler sur le bord du plateau avec une grande violence; je suis
5 Service des archives territoriales N° 48 w 2095
6 Bulletin du Muséum d’histoire naturelle 1903 pp 379-381 (Archives Seurat, SEO Br 4 N°34)
(Fragment d’une lettre adressée au professeur Bouvier du Museum).
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débarqué dans une petite embarcation plate, peu propice à cet effet :
l’essentiel est de franchir le bord du plateau et de profiter pour cela
d’une bonne lame : sur sept lames, six viennent rouler en déferlant et
sont dangereuses ; une seule passe sur le récif relativement doucement ;
bien entendu, il n’y a que les Indigènes qui puissent apprécier quel est
le moment propice pour lancer la plate à toute vitesse sur le récif. Bref,
nous sommes débarqués sans encombre, mais l’état de la mer. n’a pas
permis le débarquement de nos bagages, en sorte que nous sommes
trouvés sur cette île déserte sans vêtements de rechange, avec 30 litres
d’eau, une touque de biscuits et quelques boîtes de bœuf ! Ces provisions auraient été vite épuisées si nous n’avions trouvé dans l’île toutes
sortes de ressources : noix eau de coco, Poissons-Perroquets
(Cheilinus chlorurus) et Sternes, ces dernières d’une profusion extrême. Le choix des Poissons est d’intérêt Capital et l’ignorance en ichtyologie peut coûter cher: beaucoup de poissons sont empoisonnés, et
Marutea du Sud, en particulier, est célèbre par les accidents d’empoisonnement qui s’y sont produit ; un grand nombre de Pomotu sont morts
pour avoir mangé des Murènes, fait que ne signale pas M. le professeur
Vaillant dans sa note (1886) et qui est probablement postérieur. Tous les
Serrans sauf S. hexagonalus, Lethrinus rostratus Kuhl, v. H., etc. sont
empoisonnés, Il n’y a guère que la Carangue, Balistes sp. , et Cheilinus
chlorurus qui soient sans danger. La chair de ce dernier Poisson est
d’ailleurs excellente.
Les marées sont assez pénibles; on peut les faire sur le récif ou plateau extérieur ou dans le lagon limité par les soixante ou quatre-vingts
îles allongées ou motu formant l’ensemble de l’île. On peut s’avancer
sur le bord du récif, mais il faut être prudent; par une mer calme, on s’avance sur le bord du récif en ayant de l’eau à mi-jambes, mais on est sûr
d’être mouillé de la tête aux pieds quand les lames arrivent; dans le cas
où la mer est grosse, on risque d’être emporté. Le bord externe du récif
est le lieu de prédilection des Balanes et des Langoustes, qui sont
cachées dans des trous. Le lagon ou mer intérieure n’a pas le calme que
l’on se plait à lui attribuer dans les livres : il communique avec la haute
mer par de nombreux bras de mer peu profonds séparant les motu, et
souvent la mer y est très agitée.
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La profondeur tombe brusquement, dans la zone littorale du lagon.
à 3 et 10 brasses; le fond est formé de sable calcaire recouvert de vase
calcaire, où vivent des Terebra, des Cardium, Calappa tuberculata,
Phlyxia sp et Portunus sp, Sur ce fond s’élèvent de place en place des
récifs qui viennent à fleur d’eau, et sur ces plateaux des petits îlots où
vivent en quantité innombrable les Tridacnes.
La mer vient également déferler sur ces récifs, et il serait imprudent
de s’y livrer à des recherches ; si l’on ne sait pas nager. C’est sur ces
récifs qu’il y a plus de soixante-dix ans Hugh Cuming a récolté les nombreux Mollusques décrits par Reeve et que j’ai eu soin de recueillir, en
particulier l’Avicula Cumingii Reeve, qui est l’Huître perlière de nos
lagons d’Océanie.
Quand on fait des marées dans les bras de mer séparant deux
motu, on est souvent étonné, en levant la tête, de voir un Requin à
quelques pas; heureusement, ces Requins ne sont pas méchants, et ils
s’enfuient sitôt qu’on leur jette un caillou. L’ennemi le plus dangereux à
mon avis, l’animal que les plongeurs craignent le plus, est la Murène,
qui se tient cachée sous les pierres ou dans les trous sur les parois des
récifs; si vous mettez la main pour soulever le caillou, elle saisit un doigt
et il est bien difficile de la faire lâcher; aussi doit-on soulever les cailloux
avec un bâton, ou fouiller dessous de façon à faire fuir ces redoutables
Anguilles, dont beaucoup ont plus de 1 mètre de longueur. Il serait également dangereux d’aller plonger sa main dans un trou du récif pour y
saisir un animal qu’on convoite; je me hâte d’ajouter qu’on ne trouve pas
ici le matériel qu’il est si facile de se procurer en France; il est certain
que de longues pinces nickelées de 25 centimètres de longueur rendraient des services appréciables. Nous étions installés dans une case en
Pandanus et Cocotier construite par les Tahitiens qui viennent chaque
année faire le coprah, et nous avions une société très nombreuse; les
restes de notre repas, les noix de coco rejetées, n’ont pas tardé à nous
amener des milliers de Cenobita perlata Edw. et en particulier le soir le
sol était littéralement couvert de ces Crustacés, dont j’ai pu étudier à loisir les habitudes. Les Rats sont également très abondants et causent de
grands dommages dans les plantations de cocotiers.
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Mon matériel n’ayant pas été débarqué, je n’ai pu faire toutes les
collections que j’aurais voulues. J’ai toutefois recueilli quelques
Crustacés, et je vous en envoie quelques-uns par ce courrier. Je me
demande comment le Crustacé n°1 (Cryptochirus coralliodytes Heller)
s’y prend pour faire sa galerie, laquelle s’étend très loin dans le corail;
ce crustacé est très abondant.
A la lettre qui précède se trouvait annexée la note suivante, relative
à un Crabe envoyé par M. SEURAT :
N°3, OCYPODA URVILLEI Guérin, - île Marutea (du Sud).
à Tahiti : Ohiti,
aux Tuamotu : Kokiti,
à Mangareva : Kavitiviti (ainsi nommé à cause de ses allures
rapides).
Ce petit Crabe, très commun dans les archipels des Gambier et des
Tuamotu, creuse des trous dans le sable corallien non couvert à haute
mer ; nous l’avons trouvé à Marutea (Tuamotu) dans le sable qui suit la
barrière de blocs de madrépores consolidés en calcaire, formant entablement du côté de la haute mer, en arrière du plateau extérieur ; ce Crabe
va sur le récif la nuit, et on peut le trouver dans son terrier le matin ; il est
très agile et s’enfonce dans le sable avec une grande rapidité.
Les Indigènes de Tuamotu et des Gambier fabriquent, avec ce Crabe,
un mets très recherché : ils le mélangent avec du coco pourri râpé et de
l’eau salée et en font une pâte appelée Taiero, qui, parait-il, est d’un goût
excellent et stimule l’appétit. Les Tahitiens utilisent, pour la fabrication
du taiero les Crevettes d’eau douce (Palemon lar, Fabr.) qui sont si
abondantes dans les torrents de l’île Tahiti.
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Quelques lettres du scientifique7
Recommandations pour les nacres
Rikitea, le 28 septembre 1902
L.G. Seurat, Docteur es-Sciences, Lauréat de l’Institut, Naturaliste,
à Monsieur le Gouverneur des Etablissements français de l’Océanie,
Monsieur le Gouverneur,
J’ai l’honneur de vous adresser quelques unes des observations que
j’ai pu faire, concernant l’usage du scaphandre dans la partie du lagon
de Mangareva ouverte cette année à la plonge.
Vous avez bien voulu m’adresser un projet d’arrêté relatif à l’emploi
de cet engin dans l’archipel des Tuamotu ; à mon avis, il me paraît que
cet arrêté peut être adopté sans inconvénients, à la condition toutefois
que la plonge n’ait pas lieu pendant la saison principale de l’émission du
frai. En outre, il serait utile que les animaux qui recouvrent la coquille
ne soient pas rejetés à la mer ; les petites Méléagrines, que l’on trouve
souvent, attachées sur la coquille des Nacres adultes doivent être
recueillies avec soin, en coupant le byssus, et rejetées à la mer.
Le malaxage et le rejet des parties molles de l’animal, tel qu’il est
recommandé et tel qu’il est effectué par les Indigènes, ne paraît pas produire d’effet utile ; il serait bon de chercher à faire sortir les produits
sexuels, soit en pressant légèrement les glandes et en rejetant leur contenu dans un seau rempli d’eau de mer bien propre que l’on agite ; le
rejet de cette eau, au bout de dix minutes environ, donnerait probablement des résultats plus avantageux.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Gouverneur, l’hommage de mon
profond respect,
L.G. Seurat
7 Archives Seurat, SEO Br 4 N°34. Les recommandations de L.G. Seurat ont été transformées
en arrêté de gestion de la nacre le 8 décembre 1904.
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Lettre d’après les cyclones de 1903
Rikitea, le 21 mai 1903
Monsieur le Directeur et cher Maître,
Vous avez appris par les journaux que les Tuamotu avaient été très
malmenées ; la plupart des pêcheurs d’Hikueru et de Marokau (îles les
plus éprouvées) sont venus à Mangareva, où ils se livrent à la plonge ;
je vous étonnerai fort en vous disant que ces plongeurs ne se plaisent pas
ici et que leur plus vif désir est de retourner dans leurs îles. La plonge a
d’ailleurs repris à Hikueru. La vie, sur ces atolls, n’est cependant pas
bien gaie, et la réalité est loin de répondre aux descriptions enchanteresses que l’on trouve dans tous les livres. Une île des Tuamotu est formée d’une série de petits îlots très bas ou motu, entourant le lagon ; la
mer communique avec le lagon par le bras de mer séparant deux motu
voisins ; à l’extérieur, ces motu ont tous le même aspect : une pente
abrupte s’élevant sur un plateau de madrépores morts de 80 à 100 m de
largeur, formée d’une accumulation de blocs de madrépores entassés
sans ordre ; la crête est garnie d’une végétation luxuriante, mais peu
variée (pandanus, Suriana maritima L. et cocotier) ; cette crête mesure 2 m de largeur ; au-delà, allant vers le lagon, une bande de terre, de
200 m de largeur. Dans les motu exposés au nord et nord-est, cette
bande de terre est formée d’une accumulation de blocs énormes de
madrépores, entassés sans ordre, noircis sous l’action du soleil, et au
milieu desquels il est difficile de marcher ; ces blocs ont été rejetés pardessus la crête, avant le surélèvement qui a donné à ces motu leur
physionomie. De place en place, quelques plantes spéciales : le mikimiki, Pemphis acidula Forst. Scœvola konigii, Lepidium sp.,
Triumfetta procumbens. Dans les motu plus abrités, situés au sud, la
mer a apporté du sable corallien très blanc, qui reflète les rayons du
soleil et est loin d’être une récréation pour les yeux.
La faune de ces îles, en particulier celle des îles Mangareva, est très
pauvre : mon ami Hedley a d’ailleurs insisté sur l’appauvrissement des
faunes du Pacifique, à mesure que l’on s’avance vers l’est. A ce propos,
26
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je dois vous dire que le nautile, si abondant en Mélanésie, fait défaut en
Polynésie : - “The reason suggested is that the former (Nautile) lay
eggs of great size, the young have no trochosphere stage and are
already bulky when hatched. They are not therefore capable of crossing spaces of open sea like the others (Hedley 8).” Je suis très ennuyé
de ne pouvoir vous envoyer des quantités de ce mollusque si abondant
en Nouvelle-Calédonie ; nous avons ici des argonautes, qui nagent au
milieu du Pacifique ; les Tahitiens appellent ces mollusques “nautiles”,
et cette appellation est, bien entendu, incorrecte.
La situation des lagons des Tuamotu est loin d’être brillante : ceuxci sont épuisés par une pêche intensive, non réglementée ; on pêche
pendant le frai, on prend indistinctement petites et grandes nacres, on
ouvre les lagons à des époques trop rapprochées ; jusqu’ici, je n’ai pas
encore été consulté pour avis ; il est de toute urgence qu’un service des
pêches soit installé, faute duquel les riches ressources nacrières des
Tuamotu ne tarderont pas à être détruites. Je serais très heureux si vous
pouviez, profitant de votre situation scientifique, éclairer M. le
Gouverneur sur ce point et lui montrer l’avantage que retirerait la colonie de Tahiti d’une exploitation méthodique des lagons ; le système
actuel mène à la ruine.
Je ferai toujours mon possible pour satisfaire les demandes de
matériaux qui me seront faites par le Muséum ; je vous prie de me faire
adresser le plus de demandes possibles.
L.G. Seurat
Lettre adressée au professeur Bouvier,
directeur du Museum d’histoire naturelle.
8 Hedley, A Zoogeographic scheme for the Mid-Pacifica. Proceed Linn. Soc. N.S.W., 1899, Part
3, July 26 th.
27
Seurat, météorologue
de la station de Rikitea (Mangareva)
Mois de janvier 1904
Pression atmosphérique. - La pression atmosphérique oscille d’une
façon assez régulière pendant toute la durée du mois ; très élevée le 31
décembre, elle s’abaisse lentement à partir du 1er janvier, reste stationnaire du 4 au 7, s’élève le 8 et le 9, atteignant 766m5 le 9 à 9 heures du
matin et oscille d’une façon régulière du 10 au 13 ; elle augmente de
nouveau le 14 et le 15, atteignant son maximum 767m2 le 15 à 9 heures
du matin, puis diminue légèrement le 16 et le 17, se maintient stationnaire du 17 au 19 ; s’élève de nouveau le 20 et varie régulièrement du
20 au 25. La hauteur barométrique, qui augmente le 26 et le 27 et atteint
764m7 le 27 à 9 heures du soir, diminue brusquement à partir du 28 à 9
heures du soir, la descente se continuant le 29, le 30 et le 31, jusqu’à
758m1, pression observée le 31 à 3 heures du soir.
Pression maxima, 767m2 observée le 15 à 9 heures du matin.
minima, 758m1 – le 31 à 3 heures du soir.
Pluies. - Les pluies ont été très fréquentes pendant le mois de janvier, la quantité d’eau tombée étant toutefois très faible : il a été recueilli
76,7 mm d’eau pendant les 23 jours de pluie du mois. La pluie la plus
abondante a été observée dans la nuit du 4 au 5 (18,1 mm.)
Un orage avec éclairs et coups de tonnerre a eu lieu dans la nuit du
4 au 5 ; d’autres moins violents, dans l’après-midi du 8 et dans la nuit
du 4 au 5 ; d’autres moins violents, dans l’après midi du 8 et dans la
nuit du 23 au 24.
Humidité relative de l’air. - L’humidité relative de l’air a varié de
57% (le 4 à midi) à 99% (le 9 à 6 heures du matin) :
Humidité relative moyenne, à 6 heures du matin........ 90%
Id, midi....................................................................... 69%
Id, 9 heures du soir.................................................... 90%
Le phénomène de la rosée a été observé fréquemment, le matin à 6
heures et le soir à 9 heures.
28
N°296-297 • Février-Juin 2003
Température. - La température moyenne du mois de janvier, 26°9,
est plus élevée que celle du mois de décembre, 25°8. La température la
plus basse, 19°5 a été observée dans la nuit du 6 au 7, la plus élevée,
34°3, dans l’après-midi du 28.
Moyenne des températures minima.................21°8
Id. maxima......................................................32°
Etat de la mer. - Les marées ont été très fortes du 2 au 6 et du 12 au
16. Des raz-de-marée, semblables à ceux qui se sont produits en janvier
et en février 1903 ont eu lieu les 29, 30 et 31 ; le 29, la mer est montée
beaucoup plus haut qu’à l’habitude ; le 30 et le 31, elle a envahi le littoral, entourant les habitations bâties sur le rivage, et a détruit les plantations de taro, la différence entre le niveau de la haute mer et celui de
la basse mer étant de 1 m ; ces raz de marée ont d’ailleurs été accompagnés d’une dépression barométrique assez forte et précédés d’une
période de calme, l’ensemble des phénomènes observés étant identique
à ceux qui ont été observés l’an dernier.
Phénomènes périodiques de l’agriculture. - La récolte des mei ou
fruits de l’arbre à pain a commencé dès la seconde quinzaine de janvier.
Les fruits du manguier et de l’avocatier (Laurus persea L.) sont également en pleine maturité.
Mois de février 1904
Pression atmosphérique. - La pression, peu élevée le 1er février
(757m7 à 3 heures du soir) et le 2, s’élève rapidement à partir du 2 à 3
heures du soir et atteint 764m le 4 à 9 heures du soir, puis descend brusquement à partir du 5 à 9 heures du matin, et s’abaisse à 757m le 6 à 5
heures du soir ; elle augmente rapidement le 7 et le 8 et oscille régulièrement du 9 au 14, s’abaisse de nouveau le 16 et le 17, se relève le 18
et le 19 et varie régulièrement jusqu’au 24. La hauteur barométrique
augmente le 24, le 25, le 26 et le 27, atteignant son maximum, 766m6, le
27 à 9 heures du soir ; elle diminue brusquement le 28 et le 29, jusqu’à
761m1 (le 29 à 3 heures du soir).
29
Pression maxima du mois, 766m6, observée le 27 à 9 heures du soir.
minima 757m, le 6 à 5 heures du soir.
Pluies. - La quantité d’eau tombée pendant les 19 jours de pluie du
mois est de 164m2 ; la pluie la plus abondante, 94m8 a été observée dans
l’après-midi du 14. Un orage, avec éclairs et coups de tonnerre a eu lieu
dans la journée du 1er et dans l’après-midi du 2 ; un autre s’est produit
dans la matinée du 17, un troisième dans l’après-midi et la soirée du 29.
Humidité relative de l’air. - L’humidité relative de l’air a varié de
54% (le 8 à midi) à 100% (le 14 à 9 heures du soir, le 15 à 9 heures du
matin et le 16 à 9 heures du soir).
Humidité relative moyenne, à 6 heures du matin .........92%
Id à midi.......................................................................71%
Id à 9 heures du soir....................................................90%
Le phénomène de la rosée a été observé très fréquemment le matin
à 6 heures et le soir à 9 heures.
Température. – La température moyenne du mois de février 27°5
est plus élevée que celle du mois précédent 26°9. La température la plus
basse, 19°8 a été observée dans la nuit du 23 au 24 ; la plus élevée, 36°
dans l’après-midi du 8.
Moyenne des températures maxima..............................32°8
Id. minima....................................................................22°2
Etat de la mer. - Marées Les raz-de-marée signalés à la fin du mois
de janvier, se sont continués jusqu’au 4 février (inclus), la mer arrivant
sur le littoral et venant jusque dans les plantations de taro.9
Il y a eu également des raz-de-marée à la fin du mois, le 28 et le 29.
Phénomènes périodiques de l’agriculture. – La récolte des mei ou
fruits de l’arbre à pain s’est continuée durant tout le mois de février.
Rikitea, le 1er mars 1904
9 L’île basse Oeno, située au sud-est du groupe des Gambier (longitude 130°41’ ouest de
Greenwich : latitude 24°l’20’’) a été dévastée par ces raz-de-marée.
30
II
Seurat
le
naturaliste
L.G. SEURAT, il y a un siècle :
un naturaliste à la découverte de la Polynésie
Cette note est dédiée aux jeunes chercheurs qui, comme Seurat il y a un siècle, cherchent à décrire, à comprendre la nature et les hommes. Relire quelques
travaux de Seurat permettra à chacun de situer plus justement et de relativiser sa
participation aux progrès des connaissances.
Du Mexique à l’Océanie
L.G. Seurat, né en 1872, a commencé sa carrière de naturaliste en
étudiant les insectes au Mexique et en France entre 1896 et 1900 ce qui
lui valut d’entrer au Muséum National d’Histoire Naturelle dans le laboratoire colonial nouvellement créé et dirigé par Ed. Perrier. Ce dernier
lui permit de se “familiariser avec diverses questions de zoologie
appliquée aux colonies” pour reprendre ce qu’écrivit notre naturaliste
dans la notice qu’il rédigea ensuite sur ses travaux. Fort de cette formation le Ministère des Colonies le charge d’une mission dans les Établissements français d’Océanie, pour y étudier l’histoire naturelle de l’huître perlière. “La perspective de me livrer à des recherches zoologiques
dans ces régions éloignées, où des études de longue durée n’avaient
jamais été faites, me séduisit immédiatement et je partis pour un
voyage autour du Monde, qui devait durer trois ans.”
Après un voyage de 68 jours L.G. Seurat arrive à Tahiti le 2 mai
1902 et ne tarde pas à rejoindre les Gambier où il “installe” son “laboratoire de zoologie de Rikitea” à Mangareva. De Rikitea il va travailler
sur l’huître perlière, la flore et la faune des atolls. Mais cette activité
pionnière de naturaliste ne s’arrête pas là car il s’intéresse aussi aux
aspects culturels et ethnologiques. D’autres articles que celui-ci seront
développés concernant ses travaux sur les marae, sur les engins de
pêche chez les Paumotu, sur les légendes, etc. Nous nous limiterons ici
à ses recherches et résultats dans le domaine des sciences naturelles qui
était son propre domaine professionnel.
N.E. Nous remercions le professeur Salvat pour son aide et son intérêt a situer les travaux de
Seurat dans l’histoire de la science.
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N°296-297 • Février-Juin 2003
Un naturaliste au début du siècle
Les résultats de ses travaux en Océanie sont publiés entre 1903 et
1907, par lui ou par des correspondants auxquels il a adressé des collections. Peu d’articles et quelques correspondances ont été publiés
alors qu’il était en Océanie (1902-1906), la plupart le seront à son
retour ce qui est normal compte tenu des délais d’exploitation des récoltes et de publication dans les revues. Ces publications sont de diverses
natures :
a) des notes dont il est l’auteur dans des périodiques scientifiques
(Bulletin du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, Bulletin
du Musée Océanographique de Monaco, …),
b) quelques-unes de ses correspondances (ou des extraits) qui
sont publiés dans le Bulletin du Muséum de Paris,
c) des publications éditées directement par l’Imprimerie du
Gouvernement à Papeete (Seurat, 1903a, 1903b, 1904),
d) un ouvrage sur Tahiti et ses archipels édité à l’occasion de l’exposition coloniale de 1907,
e) des notes d’autres auteurs (ses correspondants) qui publient sur
ses récoltes (travaux de Chevreux, Coutière, Gravier, Lacroix, Topsent,
Vayssières…). Postérieurement à cette période publication (1903 à
1907) notons la parution d’un important travail de synthèse édité bien
plus tard dans les Mémoires de la Société de Biogéographie sur “La
faune et le peuplement de la Polynésie française” (Seurat, 1934).
Lorsque Seurat est en Polynésie au début de ce siècle les études
écologiques n’ont pas encore vu le jour. Rappelons que la première
expédition “occidentale” sur des récifs coralliens fut menée par Sir
Maurice Yonge sur la Grande Barrière d’Australie en 1929. Les recherches sur les écosystèmes coralliens, recherches d’abord descriptives
puis fonctionnelles, ne démarreront qu’après la seconde guerre mondiale avec l’apparition du scaphandre autonome qui permit aux naturalistes d’étudier les récifs in situ. Leurs prédécesseurs, en casque colonial, n’avaient comme moyen d’investigation que la récolte d’échantillons en bord de plage ou par petits fonds ou encore de demander aux
“Indigènes” de plonger.
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Les huîtres perlières
C’est bien évidemment sur les huîtres perlières que va porter l’essentiel
des travaux de Seurat. Avant de se rendre en mission en Océanie, il avait,
comme indiqué précédemment, recueilli des informations sur l’objet essentiel de sa mission. C’est ainsi qu’il publie en 1901 près de 40 pages dans le
Bulletin de la Société Nationale d’Acclimatation de France sur “l’huître
perlière”. Il y traite abondamment de tout ce qui a alors été publié sur les
Tuamotu : pêche des perles et appauvrissement des lagons des Tuamotu en
rappelant les travaux de Bouchon-Brandely de 1884, biologie de la nacre et
fixation du naissain, en citant Mariot et Diguet, élevage des nacres, avec les
travaux de Grand et de Delondre, parcs artificiels pour nacres établis à
Arutua par Mariot, origine et formation des perles naturelles. On constate à
cette évocation combien ces problèmes sont toujours d’actualité comme ils
l’étaient avant que Seurat ne débarque à Papeete puis à Mangareva.
Seurat a décrit les coquilles larvaires (prodissoconques) et juvéniles
des deux Pinctada existant dans les lagons polynésiens : Pinctada margaritifera (la nacre), et la petite nacre jaune ou pipi, P. maculata, qu’il
trouvait en abondance dans les algues vertes accrochées aux bouées en
baie de Mangareva. C’est surtout dans une publication de 1906 (Bulletin
du Musée Océanographique de Monaco) que Seurat résume l’essentiel
de ses observations sur “La nacre et la perle en Océanie. Pêche, origine et mode de formation des perles”. Il relate la pêche des “Indigènes”
avec le début de l’utilisation de scaphandres. Il s’agissait à l’époque de
pieds lourds (dont je me souviens avoir vu encore un exemplaire de
casque et tronc lors de ma première visite à Rikitea, près de la cathédrale, en 1965). Il détaille les organismes qui poussent sur les nacres et limitent sa croissance. Il traite de l’origine des perles naturelles, sujet sur
lequel il a tout particulièrement travaillé : un article sur ce sujet figure
dans le présent volume, rédigé par un collègue parasitologiste, L. Euzet,
qui voit dans le travail de Seurat de remarquables qualités de chercheur
pour l’époque [voir p. 160]. Dans une correspondance du 21 mai 1903
et publiée dans le Bulletin du Muséum de Paris en 1903 (pp. 310-312)
il mentionne le déplacement des plongeurs d’Hikueru et de Marokau sur
Mangareva à la suite des cyclones. Il indique l’urgente nécessité de règlements pour une bonne gestion de la nacre.
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N°296-297 • Février-Juin 2003
Description des récifs et lagons
Dans les articles qui suivent et qui traitent en général des récifs et
des lagons il y a aussi beaucoup d’informations sur la ressource nacrière dans les atolls. En 1903 et 1904, trois travaux sont imprimés par le
Gouvernement à Papeete à la suite des visites de Seurat sur 5 atolls :
Marutea du sud, Timoe, Fakahina, Pukapuka et Fagatau. Les descriptions
qu’il donne des récifs extérieurs (crête du récif, platiers et hoa), du lagon
et de ses peuplements, de la structure des sols et des colonies d’oiseaux
sont précises et nous furent très utiles lorsqu’en 1965 nous débutions nos
recherches écologiques sur les Tuamotu. Ces informations naturalistes
sont complétées par des notes sur les habitants, leurs coutumes et leurs
occupations, sur les marae, etc. Ces trois travaux imprimés à Papeete et
dont peu d’exemplaires existent en France peuvent être consultés à la
Société des Études Océaniennes [voir pp. 42-88]. Nous étions tentés de
reproduire en fac-similé certaines pages de ces trois publications mais
nous avons préféré la reproduction d’une lettre de Seurat au Professeur
Bouvier du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris et publiée
dans le Bulletin de cette institution. C’est une lettre sur les activités d’un
naturaliste de l’époque dans les Tuamotu plus qu’un compte rendu scientifique mais qui dépeint mieux notre personnage[voir p. 26].
En complément de ces trois travaux importants, Seurat a rédigé
quelques autres notes sur le comportement et les populations de crabe
de cocotiers, à l’époque encore très abondant. Il raconte ses mésaventures lors de la récolte d’un gros kaveu à Hao qui était “le dieu d’une
vieille femme, mariée au sorcier indigène, habitant seule ce motu
avec son mari, et ayant conservé les vieilles traditions.” Ou encore
sur les crabes cénobites sur les motu des Gambier (Uà, Toti, Uga), note
où il décrit leur comportement.
Un récolteur exceptionnel
La contribution à l’avancement des connaissances de Seurat naturaliste ne se limite pas aux travaux qu’il publie sous son nom alors qu’il
est en Océanie ou à son retour. Pendant son séjour en Océanie et dans les
quelque 80 îles qu’il indique avoir visitées, il récolte des échantillons
qu’il expédie à des correspondants dont plusieurs d’entre eux sont
35
Professeurs au Muséum de Paris. Ceux-ci vont publier sur les récoltes
de Seurat. À cette époque la zoologie en est encore à répertorier et à
nommer les espèces de la flore et de la faune.
Seurat récolte dans l’intérieur des îles et dans le cours d’eau de
Mangareva il découvre une espèce de vers (un Néréidien) que le
Professeur Gravier (1903) lui dédie : Perinereis seurati. Il récolte
aussi des champignons à Tahiti, aux Tuamotu (Tikehau, Fakarava,
Marutea sud…), et aux Gambier, que recense N. Patouillard dans le
Bulletin de la Société Mycologique de France en 1904 et 1906 avec la
description de 24 espèces nouvelles et de 2 genres nouveaux, dont certains lui sont dédiés : Seuratia vanillae et Hexagona seurati.
C’est aussi dans le domaine des sciences de la terre que récolte
Seurat : “…j’ai profité de mon passage dans l’île volcanique de
Tahiti pour explorer la profonde vallée de Papenoo et recueillir toute
une série de roches à néphéline, sur lesquelles M. le professeur
Lacroix avait bien voulu attirer mon attention”.
Les résultats des analyses seront publiés dans les C.R. de
l’Académie des Sciences et dans d’autres périodiques scientifiques par
Lacroix lui-même en 1904 et 1910. De même, d’autres récoltes de
roches aux Tuamotu et à Pitcairn, seront publiées par Michel-Levy en
1905. Il y est question de basaltes mangaréviens avec de petites alvéoles
tapissées de zéolites. Il s’agit de petits cristaux blancs et l’on connaît
localement ces pierres comme des “pierres qui pleurent”, car les zéolites laissent échapper de l’eau à leur cassure.
Toutefois les récoltes les plus importantes de Seurat concernent les
habitants des récifs coralliens et l’exploitation de ses récoltes pas ses
correspondants lui valent souvent, en hommage, des espèces qui portent
maintenant son nom :
- des éponges perforantes de la coquille des nacres dont Cliona
seurati (Topsent, 1905)
- des crustacés comme Apseudes rikiteanus ou Tanais seurati,
deux petits amphipodes nouveaux parmi 42 espèces nouvelles (Nobili,
1906-Chevreux, 1907), comme Alpheus seurati, une petite crevette
(Coutière, 1905) ou encore sur l’association entre la crevette Areta dorsalis et l’oursin crayon Heterocentrus mammillatus (Coutière, 1904)
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N°296-297 • Février-Juin 2003
- plus encore des mollusques dont 81 espèces de bivalves sont
recensés par Lamy (1906) avec Syndesmya seurati, publication dans
laquelle l’auteur note la qualité des récoltes de Seurat notamment à
Marutea sud où un célèbre conchyliologiste, Hugh Cuming, avait déjà fait
de mémorables récoltes en 1827. Ce dernier avait récolté l’huître
nacrière qui fut décrite comme la variété “cumingi” par Reeve quelques
années plus tard sous le nom d’Avicula cumingi et qui n’est autre que
Pinctada margaritifera var. cumingi. Citons encore les travaux de
Vayssières (1906) sur les porcelaines, Cypraeidés, récoltés par Seurat
ou encore les 400 espèces de gastropodes par Couturier (1907) avec
Tritonidea seurati.
Ces récoltes expédiées de Polynésie par Seurat et si rapidement étudiées par ses correspondants démontrent ses qualités de naturaliste
capable de “toucher” à tous les groupes vivants et se mettant au service
de ses collègues du Muséum et d’ailleurs qui n’étaient pas sur le terrain.
C’était encore l’époque où les grands musées nationaux et de province
(Marseille, Bordeaux, La Rochelle…) constituaient leurs collections de
référence, après les cabinets d’histoire naturelle de la fin du XVIIe et du
début du XVIIIe siècle. C’est pourquoi des dizaines d’espèces ou de genres portent le nom de Seurat.
Une excellente synthèse
C’est ce que publia Seurat plus de trente années après son retour de
Polynésie dans un travail de 1934 édité dans les Mémoires de la Société
de Biogéographie sur “La faune et le peuplement de la Polynésie
française”. Il y résume ses observations et intègre les déterminations
des espèces récoltées et identifiées par ses correspondants. On note toutefois que son propos reste uniquement zoologique ou écologique mais
qu’il n’intègre pas les données de l’époque sur l’origine des îles. Ces
données sont toutefois bien connues en 1934, et même avant son passage en Polynésie, et ont fait couler beaucoup d’encre chez les géographes.
Elles sont par ailleurs importantes pour expliquer les peuplements animaux et végétaux des îles. Dans cet article que Seurat publie en 1934, il
y a un passage dans ses conclusions que nous allons commenter plus
37
loin, car il recèle des éléments qui seront vérifiés par la suite et d’autres
qui seront infirmés. Mais Seurat ne justifie aucunement son propos.
“Le continent polynésien, dont l’effondrement date du début ou
du milieu du Tertiaire, a servi de substratum aux îles volcaniques ;
celles-ci, ainsi édifiées sur ses ruines, sont essentiellement basaltiques… Les îles basses, coralliennes, sont plus récentes.”
La controverse sur l’origine des atolls
Seurat ne mentionne dans aucune de ses publications ni les travaux
ni la théorie de Darwin* sur la subsidence des îles hautes se transformant
en atolls, théorie rendue publique dans un ouvrage édité en anglais en
1842, et édité en français en 1878. Il ne parle pas non plus de la controverse qui fit rage parmi les géographes-géologues à la fin du siècle dernier et au début du XXe concernant l’origine des atolls. Murray en 1880
avança l’hypothèse que le socle était stable et ne s’enfonçait pas (comme
le prétendait Darwin) mais que les coraux s’étaient installés sur des
hauts fonds résultant de l’érosion d’anciens volcans. Cette absence de
mention des hypothèses sur l’origine des atolls est étonnante. Peut-elle
être mise au compte d’un certain cloisonnement des disciplines à l’époque ? Postérieurement à Seurat, c’est Daly qui propose en 1910 la
théorie de l’eustatisme glaciaire, les atolls étant dus à l’activité constructrice des coraux se maintenant à proximité de la surface de l’océan
au cours des variations du niveau de la mer pendant les périodes glaciaires et interglaciaires. Il faudra attendre les forages dans les atolls de
Bikini et de Mururoa pour démontrer que Darwin avait raison avec sa
théorie de la subsidence. En effet plus de 2000 m d’épaisseur de corail
constitue l’atoll de Bikini avant d’arriver au substratum volcanique ;
épaisseur démontrant incontestablement la subsidence de l’édifice.
Pour en revenir au passage cité ci-dessus des conclusions de
Seurat, celui-ci parle d’un continent polynésien qui aurait existé et qui
se serait effondré. On sait que l’origine des îles polynésiennes tient à
*N.E. En fait Seurat fait allusion à la théorie de Darwin pour la discréditer dans son article
sur les “Mœurs des anciens Paumotu”.
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N°296-297 • Février-Juin 2003
l’activité de “points chauds” où, sous le plancher de l’océan qui dérive
vers le nord-ouest à la vitesse de 12 cm par an, une activité magmatique
discontinue donne naissance à des volcans. Ceux-ci sont autant d’îles qui
s’alignent du sud-est (les plus jeunes) vers le nord-ouest (les plus
anciennes). Cette origine des îles est valable pour les archipels de la
Société, des Australes, des Marquises et d’un alignement allant de
Pitcairn à Heheretue en passant par les Gambier et Mururoa. Mais les
atolls des Tuamotu pour la très grande majorité reposent sur un plateau
sous-marin très vraisemblablement formé au niveau de la ride génératrice du fond marin du Pacifique-est, il y a quelque 50 à 70 millions
d’années. À sa création ce plateau constituait probablement un minicontinent avant de dériver lui aussi vers le nord-ouest, d’être érodé et de
ne plus présenter que des sommets volcaniques maintenant couverts par
des chapes de matériaux coralliens. La vision de Seurat n’était donc que
partiellement exacte pour les Tuamotu mais l’idée d’un super-continent
polynésien a fait long feu. Lorsque Seurat indique cet effondrement au
début ou au milieu du Tertiaire (soit entre 65 et 35 millions d’année
avant le présent) il ne se trompe pas beaucoup si on se réfère au plateau
des Tuamotu qui prit naissance et commença à s’enfoncer progressivement, mais non à s’effondrer, dès sa création il y a 70 millions d’années.
Enfin lorsque Seurat indique que les îles basses sont plus récentes
que les îles hautes volcaniques, il se trompe du tout au tout. Les atolls
des Tuamotu reposent sur des volcans âgés de 50 à 70 millions d’années (le plus ancien est très probablement Mataiva à l’extrémité ouest de
l’archipel) alors que la totalité des îles volcaniques ont un âge inférieur
à 5 millions d’années pour Maupiti (la plus ancienne de la Société), 6
millions pour Mangareva (Gambier), 7 millions pour Eiao (Marquises)
et 13 millions pour Rurutu (Australes).
Prédécesseurs et successeurs
Ainsi donc Seurat fit œuvre originale de naturaliste par ses observations faunistiques et floristiques, mais aussi “écologiques”, avant
même que le terme n’existât. C’est cette contribution qu’il faut retenir du
“Directeur de Station de Rikitea” de 1903 à 1906. Il prenait la suite de
39
ses prédécesseurs comme G. Bouchon-Brandely en 1884, ou de S.
Grand en 1887-88 avant que ne viennent dans la même région d’autres
personnages comme F. Hervé (Chef du Service de l’ostréiculture perlière et des pêches dans les EFO, dans les années 1920) ou encore G.
Ranson, du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, lors de sa
mission en 1952. Tous ont travaillé, avec beaucoup d’autres, sur les problèmes des récifs, des lagons, des pêches et de la nacre et de son épuisement. La nacre n’est plus en elle-même objet de revenus d’exportation mais
elle est toujours aussi importante par le développement de la perliculture
et l’exportation des perles noires qui constitue en valeur l’exportation
très prépondérante du Territoire.
Comme quoi, depuis près de deux siècles, les lagons et la nacre
sont au cœur de l’économie polynésienne. Comme quoi les “naturalistes” d’autrefois et les “chercheurs” d’aujourd’hui travaillent somme
toute sur les mêmes sujets !
Bernard Salvat
EPHE-CNRS
40
II
Le milieu
naturel
Carte des Tuamotu de Picquenot (1900)
Observations sur les îles basses
de l’archipel des Gambier10
Le groupe des dix îles d’origine volcanique qui forment l’archipel
des Gambier est entouré à l’est, au nord et à l’ouest, d’une ceinture d’îles basses ou motu, très rapprochées les unes des autres, cette ceinture
séparant de la haute mer un vaste espace semé de hauts-fonds que l’on
désigne improprement sous le nom de lagons des Gambier.
La limite orientale du lagon est formée par trois petits motu éloignés l’un de l’autre, Kouaku, le plus méridional, situé derrière l’île
Akamaru, Tekava et Tauna ; ces îles sont reliées entre elles par une zone
étroite de faible profondeur, qui semble les continuer.
Au nord-est, au nord et au nord-ouest, le lagon de Mangareva (partie du lagon appelée Tearia) est limité par des îles basses extrêmement
allongées et très étroites ; l’une, Taraouroa, située plus à l’est et dirigée
sensiblement S.E-N.O mesure plus de 3 km de longueur ; à son extrémité orientale, un isthme et deux détroits séparent trois îlots, désignés sous
les noms de Tukopu, Poue et Vaioro ; ce dernier, le plus oriental, se relie
au motu de Tauna par une bande étroite de faible profondeur. L’île basse
de Marakuraku qui fait suite à Taraouroa est beaucoup plus allongée et
rectiligne et change plusieurs fois de nom sur son parcours. À son extrémité occidentale elle est coupé par trois bras de mer ou détroits qui séparent de petits îlots dont le plus extrême, Vaiatekeue, sert de point de repère pour la limite du premier secteur du lagon de Mangareva.
À partir de la pointe de l’îlot de Vaiatekeue, la ligne des motu est
reportée plus au nord : une zone de faible profondeur, dont la direction
est normale à celle de Vaiatekeue, présentant des bancs de sable, va
rejoindre cette ligne de motu. La limite septentrionale du lagon est formée
par cette suite d’îles basses : Tepiko, Taunauu, Paaramata et Teiritara,
Teirimakai, Teauviro, Teauoru, Tupara, Puamu, Tuhunaone, Tepapuri ; la
limite occidentale du lagon de Taku est formée par une zone allongée de
hauts-fonds s’étendant de l’îlot de Teauogo à celui de Tenoko.
10 J.O. EFO. du 15 janvier 1903 pp 13-15 – Archives P.F. 48W n° 517
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N°296-297 • Février-Juin 2003
L’aspect de tous ces motu est le même : ce sont des îles basses à
peine élevées de 2m au-dessus du niveau de la haute mer, couvertes de
végétation assez pauvre ; du côté du lagon de Mangareva, elles sont limitées par une crête de sable, garnie de bouquets de huhu, Suriana maritima L. et de pandanus, qui descend en pente douce vers la mer ; du
côté de la haute mer, elles sont limitées par une crête formée d’un
amoncellement de coraux morts, qui descend vers un large plateau sur
lequel la mer vient déferler, ce plateau étant découvert à mer basse. La
presque totalité de la surface du motu est occupée par une immense
cuvette dont le fond est constitué par des débris de coraux morts et de
coquilles ; vers le centre, on trouve des madrépores encore en place ;
cette partie plus basse est, comme nous le verrons dans la suite, l’ancien
lagon du motu.
La végétation de ces îles basses, semblable à celle des îles Tuamotu,
diffère essentiellement de celle des îles Gambier ; sur les crêtes de sable
corallien, la plante la plus commune est le huhu, Suriana maritima L.
petit arbrisseau à fleurs jaunes ; on trouve en outre quelques cocotiers
et des pandanus ; une tiliacée à petites fleurs jaunes Triumfetta procumbens Forst, dont la tige rampe sur le sol sur une longueur de plusieurs mètres. Les parties les plus arides du motu, où le sol n’est formé
que de débris de coquilles et de coraux, sont couvertes de nombreux
buissons d’un arbrisseau à bois rouge très dense, à petites fleurs blanches, ayant le même port que le huhu, connu sous le nom de mikimiki aux îles Tuamotu Pemphis acidula Forst. ; on trouve en outre un
Lepidium et le Scoevola Konigii Vahl.
L’étude plus détaillée de l’une de ces îles basses, celle de Taraouroa
par exemple, nous permettra de nous faire une idée exacte de leur structure et de leur mode de formation.
Le motu de Taraouroa est une île très étroite (200 m de largeur) et
extrêmement allongée, mesurant plus de 3 km de longueur ; il est séparé de celui de Marakuraku par un chenal très étroit, qui ne mesure pas
plus de 50 m à marée basse. Ce motu est coupé, en quatre points de sa
longueur, par des parties sableuses plus basses, qui se font remarquer
par l’absence de végétation ; les deux bandes de sable située le plus à
45
l’ouest sont de véritables isthmes, et ne sont couvertes par la mer qu’aux
grandes marées ; la mer circule librement au niveau des deux bandes
de sable orientales. L’île de Taraouroa est par conséquent formée de
cinq motu très rapprochés les uns des autres, ayant chacun leur lagon
particulier, aujourd’hui desséché ; le premier de ces motu, le plus occidental, a un lagon qui n’est pas entièrement desséché ; c’est celui que
nous examinerons plus spécialement à cause de cette dernière particularité ; c’est d’ailleurs le motu le plus fréquenté, à cause des avantages
matériels qu’il offre : facilité d’accès, abondance de cocotiers, etc…
Le rivage qui regarde l’île volcanique d’Aukena est formé de sable
corallien très fin qui s’élève en pente douce jusqu’à une crête située à 3 m
au-dessus du niveau de la mer ; une crête de sable située en avant de la
première et moins élevée, indique la limite des hautes mers ; cette dernière est marquée par un cordon de coquilles et petite taille (littorines,
cérithes, etc.) habitées par de jeunes cénobites (unga). Du côté du chenal qui sépare Taraouroa de Marakuraku, où la mer bat avec plus de violence, le sable est remplacé par un entablement de coraux morts, noircis
par l’action du soleil et de la pluie, qui repose sur un plateau creusé de
rigoles, sur lequel la mer vient déferler ; les littorines et les cyprées sont
très abondantes sur ce plateau ; c’est le seul endroit de l’île où l’on trouve des ulves et des udotées. Vers la haute mer, le motu est limité par une
crête de coraux et de coquilles mortes, couverte de pandanus et de mikimiki ; cette crête est protégée à sa base, par un entablement de madrépores, sur lequel la mer vient déferler, reposant lui-même sur un plateau
à mer basse, où vivent les murex et les biches de mer (holothuries).
La nature du fond change brusquement au niveau de chacun des
isthmes ou détroits qui coupent l’île de Taraouroa : au niveau du premier isthme, la plage située en avant de la crête de sable est formée par
un amoncellement de débris de coraux morts et de coquilles brisées, où
les cyprées vivantes sont abondantes. Du côté de la haute mer, l’isthme
est protégé par un entablement de madrépores morts. L’isthme est formé
de sable corallien, au milieu duquel se trouvent des bouquets de madrépores encore en place, qui ont vécu là autrefois.
Le deuxième isthme de Taraouroa ressemble beaucoup au premier :
du côté du lagon de Mangareva, il est limité par une crête de sable de
46
N°296-297 • Février-Juin 2003
1m de hauteur, en face de laquelle se trouve une plage de coraux et de
coquilles brisées ; du côté de la haute mer, les entablements de coraux
sont très rapprochés, mais permettent toutefois l’accès de la mer : à
marée haute, celle-ci pénètre profondément dans l’isthme, arrivant jusqu’au pied de la crête de sable.
La structure des deux détroits de la partie orientale de Taraouroa se
rapproche de celle des deux isthmes et montre que ces derniers sont des
détroits qui ont été comblés. À marée basse, la mer passe par un chenal
d’environ 10 m de largeur, creusé entre deux bandes de sable qui prolongent les motu et s’avancent l’une vers l’autre ; ces bandes de sable
sont flanquées, du côté du lagon de Mangareva, de plages de coraux
morts et de coquilles brisés, tout à fait semblables à celles qui se trouvent en face des deux isthmes ; ces plages de coraux brisés ne se rejoignent pas, en sorte que la mer circule librement entre elles à marée
basse ; du côté de la haute mer, les entablements de récifs qui bordent
les motu ne se rejoignent pas complètement, laissant entre eux un espace semé de madrépores morts en place, qui permet le passage de la mer.
L’étude comparative des deux isthmes et des deux détroits nous
montre qu’il existe toutes les transitions entre eux, et qu’en particulier
le deuxième isthme a une structure presque identique à celle du premier
détroit, et que par la suite on doit considérer les deux isthmes comme
d’anciens détroits, et les détroits comme des isthmes en voie de formation, en sorte que dans un avenir prochain l’île de Taraouroa sera continue d’un bout à l’autre de son parcours.
Les conditions présentées par le chenal qui sépare Taraouroa de
Marakuraku nous confirment dans cette manière de voir. Si on examine le
chenal à marée basse, on voit qu’il est limité par deux bandes de sable qui
continuent la direction des motu et s’avancent l’un vers l’autre ; ces bandes de sable sont flanquées, des deux côtés de plages de coraux brisés
Madrepora, Meandrina, Porites, etc… et de coquilles mortes découvertes à mer basse. Le chenal qui n’a pas plus de 50 cm de profondeur à mer
basse, est parsemé de madrépores vivants. Ce détroit a une tendance bien
marquée à se combler, les deux bancs se rapprochent de plus en plus.
Examinons plus en détail l’intérieur du motu le plus occidental de
Taraouroa. La crête de sable qui le limite du côté du lagon de Mangareva
47
descend en pente douce vers l’intérieur du motu : si on suit cette pente
on voit qu’à peu de distance de la crête de sable est mélangé de
coquilles, puis est remplacé par des débris de madrépores et de
coquilles (turbos, strombes, tridacnes, cérithes, haliotides, chames huîtres perlières, etc…) qui ont vécu là autrefois ; en cet endroit la végétation n’est guère composée que de mikimiki. À peu près au centre du
motu, les madrépores forment un entablement qui borde une partie
basse, allongée, remplie d’eau saumâtre où on trouve des pâtés de
madrépores encore en place ; cette dépression est le dernier vestige du
lagon du motu, on y trouve quelques rares animaux vivants parmi lesquels des talitres, des lygies et des crabes et une annélide polychète,
Neraeis.
Le lagon s’étendait autrefois jusqu’à la crête de sable d’un côté et
jusqu’à la crête de madrépores brisés du côté de la haute mer.
Du côté de la haute mer, la pente du lagon, jusqu’à la crête est formée de gros blocs de coraux brisés et de coquilles (tridacnes, turbos,
haliotides, strombes, etc.). Ces débris ont été amenés par la mer qui
autrefois venait déferler sur la crête et ont contribué à combler cette partie du lagon. Le motu a subi ensuite en mouvement général d’exhaussement de plusieurs mètres, qui l’a amené à son état actuel.
Les observations que nous venons de relater à propos du motu le
plus occidental peuvent se faire, d’une façon identique, dans chacun des
cinq motu qui forment l’îlot de Taraouroa ; toutefois dans les quatre
autres, le lagon a été entièrement comblé par les apports de la haute mer
avant la surélévation de l’île basse et on n’y trouve plus trace d’une partie centrale plus basse présentant des madrépores encore en place : ces
derniers sont engloutis sous d’énormes blocs de madrépores et sous des
amas de coquilles brisées rejetées par dessus la crête. Du côté du lagon
actuel de Mangareva, la mer déferlait avec moins de violence et n’amenait que du sable, des coquilles vides de mollusques (turbos, tridacnes,
et littorines) et des fragments de coraux.
La crête de sable qui limite les motu n’est pas continue : elle est
interrompue de place en place, aux endroits où la côte forme un cap par
des entablements de madrépores morts : ce sont les endroits où la mer
déferlait avec le plus de violence.
48
N°296-297 • Février-Juin 2003
Le motu plus oriental de Taraouroa (Vaioro) présente quelques
particularités dues à ce qu’il a été attaqué par la haute mer, non seulement sur la bordure septentrionale, mais encore sur sa côte orientale et
sud-est : toutes ces côtes sont protégées par un entablement de madrépores morts, et le sol du motu est formé uniquement de blocs de coraux
et de coquilles qui donnent à ce motu son aspect sauvage.
À une époque qui paraît remonter aux temps tertiaires, l’île de
Taraouroa était formée de cinq motu ou îles basses à peine élevés audessus du niveau de la mer, séparés les uns des autres par des détroits
d’environ 80 m de largeur, le motu le plus occidental situé près de
Marakuraku, mesurait environ 1/2 km de longueur ; le second motu
était de beaucoup le plus allongé : 1,5 km ; les trois autres (Vaioro,
Poue et Tukopu) étaient relativement petits, mesurant respectivement
400 m, 130 m et 600 m. La haute mer, venant déferler sur le plateau de
80 m de largeur amenait dans leur lagon des blocs de madrépores, de
coraux et de coquilles ; du côté du lagon actuel de Mangareva, la mer
déferlait avec moins de force, et dans la partie du lagon située de ce côté
les madrépores, les coraux et un certain nombre de mollusques, identiques aux formes actuelles, pouvaient prospérer. La petite taille des huîtres perlières qui y vivaient indique des conditions identiques à celles du
banc de Tearai, c’est-à-dire une faible profondeur.
Les autres îles que nous avons signalées au début, Kouaku, Tekava,
Tauna, Marakuraku, etc, étaient également des îles basses ayant chacune leur lagon. L’exhaussement général de toutes ces îles a eu pour effet
d’amener le dessèchement de leur lagon, et de réunir celles qui étaient
les plus voisines. Quelques rares formes animales marines ont pu résister et ces formes que nous avons trouvées dans le lagon de Taraouroa,
ne nous donnent qu’une faible idée de l’ancienne prospérité des motu.
Les phénomènes d’exhaussement que nous venons de signaler pour
les motu se sont étendus aux îles volcaniques de l’archipel des Gambier.
Si l’on examine, par exemple, la côte septentrionale de l’île Aukena, on
voit qu’elle est formée de sable qui s’étend du pied de la montagne jusqu’à la mer, sur une longueur de plusieurs centaines de mètres. Ce sable
corallien qui renferme des coquilles marines (littorines, huîtres perlières de petites tailles, etc.) forme une crête au bord de la mer, d’environ
49
2 m de hauteur par places cette hauteur atteint 5 à 6 m : à marée basse,
s’arrête au pied de cette crête.
La mer arrivait par conséquent autrefois jusqu’au pied de la montagne d’Aukena, et elle y a déposé les sédiments que l’on observe actuellement : ceux-ci à la suite d’un exhaussement général de l’île ont été à
la hauteur où ils se trouvent aujourd’hui.
Toutes les autres îles volcaniques de l’archipel présentent les
mêmes phénomènes d’exhaussements.
Ajoutons en terminant que le professeur Al. Agassiz, lors de la croisière scientifique de l’Albatros de 1899-1900, a constaté que toutes les
îles des Tuamotu qu’il a examinées sont formées, sans exception de calcaire corallien d’âge tertiaire, qui a été amené à une hauteur plus ou
moins grande au-dessus du niveau de la mer, l’élévation la plus grande
(environ 230 pieds) étant observée à Makatea11.
Le travail actuel de la mer aura pour effet d’amener, dans un délai
qu’on ne peut encore préciser, la réunion des motu les plus voisins et
d’assurer ainsi d’une façon plus parfaite la séparation des lagons des
Gambier de la haute mer.
Hameçons simples en écaille
de tortue de Fangatau (18,19-A.L.)
voir p. 303
11 Expédition of the “Albatros” 1899-1900 : Preliminary Report, p. 22 ; U.S.A. Cambridge,
1902.
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Observations sur la structure
de l’île Timoe (Crescent)12
L’île de Timoe, située à environ 25 milles au S.E. du groupe des îles
Gambier, par 23°21’ de latitude sud et 136°58’ de longitude ouest, a
sensiblement la forme d’un vaste croissant ; la côte septentrionale de
l’île est légèrement concave du côté de la haute mer, et se termine par
deux pointes situées respectivement au N.E. et au N.O. ; cette côte septentrionale est continue sur toute sa longueur, soit environ deux milles ;
les côtes occidentale, méridionale et orientale sont formées, au contraire, d’une série de petits îlots très étroits ou motu, plus ou moins rapprochés les uns des autres et disposés sur une vaste demi-circonférence ; les intervalles entre deux motu voisins permettent à l’observateur
qui se trouve en haute mer d’apercevoir le lagon ou mer intérieure de
l’île ; quand on est placé dans certaines positions plus favorables (au S.
E.), on aperçoit, au premier plan, la ligne des motu de la côte la plus
voisine, plus loin le lagon et un ou plusieurs motu de la rive opposée, et
enfin, tout à fait au dernier plan, les sommets culminants de l’île
Mangareva, le Mont Duff (441 m) et le Mokoto (425 m).
Quand on s’approche de l’île, on constate qu’elle est entourée d’un
plateau de récifs morts, découvert à mer basse, de 30 à 50 m de largeur,
sur lequel la mer vient déferler avec une grande violence ; ce plateau,
qui ne présente aucune solution de continuité, protège l’île basse d’une
façon très efficace des attaques de la mer extérieure ; la surface de ce
plateau est assez uniforme, toutefois elle présente des cavités où vivent
les Cidaris et les langoustes, et des madrépores morts encore en place.
Ce plateau de récifs morts est lui-même séparé de la haute mer par un
second plateau ayant sensiblement la même largeur, où la profondeur
varie de 3 à 18 m et formé par des coraux vivants ; ce n’est qu’au-delà de
ce second plateau que la profondeur devient brusquement très grande.
12 J.O.EFO 11 juin 1903 p. 16
51
Structure de l’île
Examinons la structure de la bande de terre qui forme la limite septentrionale du lagon.
Le plateau de récifs morts qui enserre l’île présente, au contact
immédiat de celle-ci, des madrépores encore en place, de 0m80 de hauteur, à surface rugueuse, déchiquetée par les lames et noircie par l’action du soleil, sur lesquels on trouve en abondance un gastropode,
Echinella coronaria Lamk. dont la coquille a la même couleur que le
récif. Immédiatement en arrière de ces madrépores, on arrive sur la
pente qui mène à la crête de l’île, crête située à 2m50 au-dessus du
niveau de la mer ; cette pente est formée de deux parties : une première pente, formée de débris de coraux et de coquilles, mène à une plateforme très étroite, élevée de 1m50 au-dessus du niveau de la mer ; la
pente qui part de cette plate-forme et mène à la crête est formée, au
contraire, d’une accumulation de blocs énormes de madrépores entassés sans ordre, sur lesquels la marche est pénible.
Ces blocs de madrépores noircis sous l’action du soleil, tranchent
d’une façon très nette sur la partie inférieure qui est blanche. La crête
est couverte de pandanus et de huhu, Suriana maritima L. et, par places, la végétation est si abondante qu’il est difficile de se frayer un passage pour pénétrer à l’intérieur de l’île. Les anciens habitants de Timoe
avaient choisi des blocs de madrépores aplatis et avaient établi un sentier sur la crête permettant de cheminer plus facilement. À la pointe N.E.
de l’île, la pente est plus abrupte et les blocs de madrépores extrêmement abondants ; il n’y a pas de végétation en cet endroit ; sur la crête
sont élevés de nombreux autels (marae), autrefois consacrés au culte
de Tangaroa, Dieu du ciel et principale divinité de la Polynésie.
La distance de la crête au rivage du lagon est d’environ 200 m ; à
la pointe nord-est, la distance est environ le double. La pente qui mène
au lagon est formée, jusqu’à une faible distance du rivage de celui-ci
(environ 20 m) d’énormes blocs de madrépores et de coraux entassée
sans ordre, au milieu desquels il est difficile de cheminer ; cette partie
de l’île, quoique très aride, est couverte, de place en place, d’une végétation formée par le mikimiki, Pemphis acidula Forst, le Scœvola
Konigii, un Lepidium et Cassytha filiformis L. ; cette dernière plante
52
N°296-297 • Février-Juin 2003
est une plante grimpante qui vit sur le huhu et le mikimiki. À une faible distance du rivage du lagon, on arrive dans une petite crête, enserrée entre la pente de blocs de madrépores et une crête qui limite le
lagon et remplie d’eau saumâtre. La crête qui limite le lagon est beaucoup plus basse que la crête extérieure, atteignant à peine une hauteur
de 1m au-dessus du niveau de la mer ; elle est protégée du côté du
lagon, par un entablement de madrépores morts, élevé de 50cm au-dessus du niveau de la mer. La structure que nous venons d’indiquer pour
la partie septentrionale de la bande de terre s’applique à toute l’étendue
de celle-ci, de la pointe N.-E. à la pointe S-W - pointe N.-E. Il est relativement facile, à la pointe N.-E. de pénétrer à l’intérieur de l’île grâce aux
sentiers de blocs plats de madrépores établis par les anciens habitants.
La bande de terre étant beaucoup plus large en cet endroit, les blocs de
madrépores s’arrêtent très loin en avant du rivage du lagon ; toute cette
partie non couverte de débris est formée par un plateau de madrépores
morts, en place, qui ont vécu là autrefois ; la végétation est très riche,
composée surtout de pandanus ; il y a également quelques jeunes pieds
de hutu, Barringtonia speciosa Forst. et de fougères Polypodium
importées de Mangareva.
La situation relativement confortable de cette région de l’île et
l’existence des chemins menant aux autels permettent de penser que
c’est là que les habitants s’étaient établis.
La crête qui limite le lagon est peu accusée en cet endroit et n’est
pas protégée par un entablement de madrépores morts ; elle s’abaisse en
pente douce vers le lagon et cette pente est formée de sable calcaire remarquable par l’extrême abondance des orbitolites (foraminifères perforés).
Les motu ou îles basses qui forment les limites méridionale, orientale et occidentale du lagon ont une structure qui diffère de ce que nous
venons d’indiquer pour la bande de terre qui forme la limite septentrionale.
Du côté extérieur, la structure est la même : ces motu sont limités
par une crête à pente abrupte, formée de gros blocs de madrépores ;
du côté du lagon, au contraire, le sol est formé de sable corallien qui
descend en pente douce vers celui-ci.
53
Le lagon communique avec la mer extérieure par un certain nombre de coupures qui séparent les motu les uns des autres. Le plateau de
récifs morts qui enserre l’île, n’est pas interrompu au niveau de ces coupures, en sorte que les embarcations ne peuvent pas s’y engager.
Lagon
Quand on pénètre à l’intérieur du lagon de Timoe, on est immédiatement frappé par sa pauvreté en formes animales et végétales vivantes.
Ce lagon présente, à considérer, une zone littorale peu profonde, qui s’étend assez loin, et une partie centrale où la profondeur ne dépasse pas
quinze brasses.
Le fond, dans la zone littorale, est formé d’un plateau de récifs morts
recouvert de vase calcaire ; de places en places, on trouve des madrépores branchus qui ont été amenés de la zone profonde ; un petit nombre
de ces madrépores sont vivants, bien que n’étant fixés sur aucun support,
la plupart sont morts, recouverts par la vase calcaire et perforés par les
cliones. Cette zone littorale est caractérisée par l’extrême abondance
d’une méléagrine de petite taille (l’échantillon le plus grand parmi ceux
que nous avons recueillis mesure 55 mm de diamètre transversal, de la
charnière au bord libre), dont l’assise nacrée a une couleur jaune paille,
la Margaritifera panasesae Jameson ; ce mollusque existe dans le lagon
de Mangareva, mais il n’y est pas fréquent : il est assez commun dans le
chenal de Vaiatekeue et nous l’avons trouvé, à plusieurs reprises, attaché
sur la coquille de la méléagrine margaritifère, Margaritifera margaritifera. var cumingi Reeve. Le lagon de Taiaro (archipel des Tuamotu) est également caractérisé par l’abondance de ces petites méléagrines, qui ont été
signalées, d’autre part, dans le détroit de Torrès, la Nouvelle-Guinée
anglaise, l’Australie, les îles Fiji et Samoa. Tandis que les perles sont fréquentes dans les méléagrines ou pipi de Taiaro, elles sont, au contraire,
très rares ou mêmes absentes dans celles du lagon de Timoe. De même
que l’huître perlière M. panasesae, s’attache par un byssus de couleur vert
brillant aux madrépores, coraux et coquilles morts et jamais sur les
madrépores vivants ; ce mollusque a le pouvoir de se détacher et d’aller
se fixer en un endroit qui lui convient mieux : nous avons constaté ce fait
chez un individu jeune conservé en aquarium et qui, fixé primitivement
54
N°296-297 • Février-Juin 2003
sur une tige de verre centrale, s’est détaché et en l’espace d’une nuit à filé
un nouveau byssus formé de dix-huit fils, à l’aide duquel il s’est attaché
aux parois du tonneau de verre, (nous avons observé les mêmes phénomènes chez la Méléagrine margaratifère dans son jeune âge) sur les valves de la coquille des individus adultes de M panasesae du lagon de
Timoe, nous avons trouvé fréquemment de jeunes individus dont la
coquille mesure quelques millimètres de diamètre.
La coquille de ces méléagrines est couverte de tubes de serpules,
d’orbitolites et quelquefois elle est perforée par les cliones.
On peut se demander si l’huître à nacre, la Méléagrine margaritifère, pourrait prospérer dans le lagon de Timoe. La densité et la salure de
l’eau de ce lagon sont les mêmes que la densité (1,026) et la salure de
l’eau du lagon de Mangareva. Cependant, on n’y a jamais trouvé d’huîtres perlières, même dans la partie profonde. Quelques personnes ont
trouvé des valves de ce mollusque sur le sable des motu ; M. Donat a
trouvé, lors de notre dernier voyage, une valve isolée dans un des bras
de mer qui séparent deux motu. Il semble y avoir antagonisme entre les
conditions favorables au développement. de M. panasesae et celles favorables au développement de M. margaritifera13: là où la première se
développe normalement la seconde ne se développe pas ou se développe mal et réciproquement, en sorte que nous ne pensons pas que l’huître à nacre, mise dans le lagon de Timoe, puisse prospérer ; l’abondance des pipi la gênerait assurément beaucoup, et on peut se demander si,
même dans la zone profonde, elle trouverait une nourriture suffisante.
La zone littorale du lagon de Timoe est également caractérisée par
l’abondance d’une chame fixée sur les madrépores morts ; cette chame
est très commune sur le plateau extérieur des motu de Mangareva.
Les biches de mer (holothuries) sont très communes dans cette
partie du lagon : ce sont les biches de mer de couleur noir pourpre, qui
laissent exsuder un liquide rouge sombre à la surface du corps quand
on les saisit et qui donnent le trépang connu sous le nom de Lolly fish
(Chong Sum).
13 Nous émettons cette opinion eu nous basant sur les observations que nous avons faites
dans le lagon de Mangareva et en particulier dans le chenal de Vaiatekeue.
55
Faune et Flore de l’île Timoe
La flore de l’île Timoe est très pauvre en espèces : nous avons déjà
cité, le pandanus, le huhu, Suriana maritima L., le mikimiki, Pemphis
acidula Forst., Cassytha filiformis L., Scœvola Koenigii, un Lepidium,
une tiliacée rampante, Triumfetta procumbens, quelques jeune pieds
de hutu, Baringtonia speciosa Forst. et des fougères Polypodium. Il
faut ajouter à cette liste les cocotiers, arbre extrêmement rare dans l’île,
et quelques tamanu, Calophyllum inophyllum, amenés de Mangareva.
La faune terrestre de Timoe est également très pauvre. Le crabe des
cocotiers ou crabe voleur, Birgus latro L., Uà vahi haari des Tahitiens,
Kaveu des Indigènes des Tuamotu est assez abondant dans l’île et vit des
fruits du pandanus ; les cénobites, Cenobita olivieri, Owen, Uga des
Indigènes des Tuamotu et des Gambier, sont extrêmement abondants au
pied des pandanus ; ils se logent dans des coquilles de turbo (maua) et
se nourrissent des fruits du pandanus ; les Indigènes des Tuamotu et des
Gambier utilisent l’abdomen de ce crustacé comme appât pour la pêche.
Le seul reptile que nous ayons rencontré est le scinque à queue
bleue Lygosoma cyanurum Lesson
Les oiseaux sont très communs dans l’île, mais peu variés ; les plus
abondants sont les paille en-queue à brins rouges ou tavake, Phaëton
rubricauda Bodd, Phaëton phœnicurus, Gmelin, qui nidifient à terre,
sous les huhu des motu de la partie méridionale de l’île ; il y a généralement trois petits par couvée, que les parents nourrissent de poisson ;
le plumage de l’oiseau adulte est blanc de soie, celui des jeunes est au
contraire, noir et blanc. Les Tahitiens recherchent les longues pennes
caudales, dont ils aiment à se parer.
Autels (Marae)
Les autels, au nombre de cinq, sont établis à la pointe N.-E. de l’île,
dans un endroit bien aride, dépourvu de végétation et remarquable par
l’abondance de blocs de madrépores.
Le plus grand de ces marae est relativement bien conservé il a la
forme d’un parallélépipède rectangle mesurant 6 m de longueur, 4 m de
largeur et 2 m de hauteur, et est constitué par des blocs de madrépores
56
N°296-297 • Février-Juin 2003
à surfaces plates, entassés régulièrement les uns sur les autres ; l’autel
est orienté de telle sorte que sa longueur est sensiblement dirigée de l’est
à l’ouest ; sur la face située à l’ouest, on remarque une ouverture encadrée par des blocs plus larges placés debout au lieu d’être à plat, ouverture mesurant 50 cm de largeur sur 80 cm de hauteur, qui mène dans
une sorte de réduit où un homme peut arriver à se loger. Au milieu des
blocs de madrépores de la partie supérieure de l’autel, on trouve
quelques ossements humains. Les autels voisins de celui que nous
venons de décrire sont beaucoup plus petits ; quelques-uns ont été
démolis, en partie, par des Européens de passage dans l’île.
Étude comparée des motu ou îles basses,
de l’archipel des Gambier et des motu de Timoe
Nous avons fait connaître, dans une note publiée récemment
(Journal officiel, 15 janvier 1903, pp. 13-15)14, la structure des îles basses ou motu, qui forment une ceinture autour du groupe des dix îles volcaniques de l’archipel des Gambier, et limitent ce qu’on appelle le lagon
de Mangareva.
Il y a une similitude frappante entre la structure des motu de Timoe
et ceux des Gambier : la structure du grand motu allongé de l’est à
l’ouest qui forme la limite septentrionale du lagon de Timoe, que nous
avons fait connaître plus haut, est identique à celle des motu qui forment
les limites septentrionales et nord-est du lagon de Mangareva : Papuri,
Puamu, Vaiatekeue, etc, Marakuraku, Tarauroa, Tukopu, Poue et Vaioro ;
les motu qui forment les limites orientale, méridionale et occidentale du
lagon de Timoe, où les blocs de madrépores sont remplacés par du sable
corallien, ont la même forme et la même structure que les motu de
Kouaku, Tekava et Taura, qui limitent à l’est le lagon de Mangareva, et que
le motu de Tenoko, qui limite le même lagon à l’ouest : le plateau extérieur de récifs morts, les canaux ou bras de mer séparent deux motu, la
crête extérieure, etc., sont constitués de la même façon.
14 Dans notre présent document, il s’agit de l’article précédent (NDE)
57
En présence de ces similitudes, on ne peut s’empêcher d’attribuer
aux motu de l’îlot de Timoe une origine identique à celle des motu de
l’archipel des Gambier. Nous avons montré, dans notre précédente note,
que les motu des Gambier sont des récifs exhaussés, qui se sont établis
primitivement autour des massifs volcaniques de l’archipel, sur le bord
d’un plateau basaltique situé à une profondeur n’excédant pas 20 brasses15.
L’activité volcanique qui a donné naissance aux îles basaltiques
(Mangareva, Aukena, Akamaru, Taravai, etc.) de l’archipel des Gambier,
a fait surgir, à l’endroit où se trouve Timoe, un plateau basaltique sur le
bord duquel se sont établis des récifs dont le développement ultérieur a
donné naissance aux motu de Timoe.
Les observations que l’on peut faire dans l’archipel des Gambier
nous donnent un enseignement très précieux pour la solution du problème de l’origine des îles basses, car elles nous montrent, à côté de
motu identiques à ceux qui forment les îles Tuamotu, le plateau et les
massifs volcaniques autour desquels les espèces coralligènes qui leur
ont donné naissance se sont développés.
Exhaussement de l’île Timoe
Nous avons signalé récemment des phénomènes d’exhaussement
général de l’archipel des Gambier (îles volcaniques et îles basses),
exhaussement de beaucoup postérieur à la formation des îles volcaniques.
Cet exhaussement a également affecté l’île de Timoe et a eu pour
effet d’amener cette île à son état actuel. Avant d’être surélevée, elle avait
un prospérité qu’elle est loin d’avoir aujourd’hui : le plateau de récifs
morts enserrant l’île était alors constitué par des récifs vivants ; la mer,
venant déferler sur la crête, amenait à l’intérieur de l’îlot les blocs de
madrépores que l’on observe actuellement, toute la bande de terre qui
forme la bordure du lagon était submergée et les madrépores en place
15 Les espèces coraligènes qui forment les récifs ne se développent pas au-dessous de 20
brasses ou 37 m d’eau, et elles cessent d’exister partout où la température de la mer s’abaisse
en dessous de + 20°.
58
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que l’on retrouve en certains endroits de l’île étaient en pleine prospérité, de même que le plateau de récifs morts qui forme le fond de la zone
littorale du lagon actuel ; les petites méléagrines à nacre jaune M. panasesae, vivaient dans l’eau peu profonde couvrant la bande de terre
actuelle, car on en retrouve un grand nombre à l’état fossile, jonchant le
sol. La bande de terre formant la limite septentrionale du lagon laisse
reconnaître en plusieurs place les rigoles et canaux par lesquels l’eau de
la mer extérieure s’écoulait plus facilement à l’intérieur de l’île, après
avoir passé, en déferlant sur la crête extérieure.
Un exhaussement de quelques mètres a suffi pour mettre l’île à l’abri des attaques de la mer extérieure et faire cesser l’apport de blocs de
madrépores et de sable corallien. C’est alors que la végétation a pu s’y
établir et donner à l’ensemble de ces motu leur physionomie actuelle.
Rikitea le 1er mai 1903
Marae des Mangareviens (île de Temoe), voir p. 220
59
Observations sur la structure,
la faune et la flore de l’île Marutea du sud16
L’île Marutea du sud, située à 95 milles au nord-nord-ouest de l’archipel des Gambier (longitude 137°43’ ouest ; latitude sud 21° 32’),
découverte en 1791 par le capitaine Edwards, qui lui donna le nom de
Lord Hood, est une île basse, allongée dans la direction nord-ouest-sudest et dont la largeur va en diminuant du nord au sud.
La partie septentrionale est concave et forme une vaste baie ; quand
on suit le contour de cette baie en venant de l’ouest, on trouve tout d’abord un motu très allongé, remarquable par sa richesse en cocotiers,
dirigé d’abord du sud au nord, puis du sud-ouest au nord-est et qui se
recourbe brusquement à la pointe nord-ouest pour prendre une direction N.-N.-0. – S.-S.-E. ; cet îlot peu élevé, désigné sous le nom
d’Aueretini, présente dans sa partie méridionale un lac d’eau douce
d’environ cent mètres de longueur. À son extrémité orientale, il se
recourbe brusquement, sa direction devenant ouest-est, et se continue
par un motu très petit, auquel il est uni par un isthme formé de sable
corallien et de blocs de madrépores et de coraux noircis sous l’action
du soleil, cet isthme étant d’ailleurs un chenal comblé.
Au-delà de ce petit motu, on arrive sur une série de trois bras de
mer très longs, séparés les uns des autres par des motu très petits, où
la végétation, très pauvre, ne se compose que de huhu, Suriana maritima L. et de mikimiki, Pemphis acidula Forster. Le plateau extérieur
qui enserre l’île n’est pas interrompu au niveau de ces bras de mer, en
sorte que ces derniers ne sont pas des passes ; du côté du lagon, chacun des bras de mer est en partie fermé par des barres de sable calcaire, dont la formation est due au renversement du courant à chaque
marée haute et à chaque marée basse. La zone de sable calcaire s’étend
assez loin à l’intérieur du lagon et les récifs situés en face de ces bras de
mer ne présentent pas d’huîtres perlières sur leurs flancs.
16 J.O.EFO 12 mai 1904 pp 156-161
60
N°296-297 • Février-Juin 2003
Le troisième chenal limite un motu extrêmement allongé, ayant une
direction sensiblement ouest-est, formé en réalité de motu plus petits
réunis par des isthmes ou séparés par des canaux très étroits, l’ensemble étant désigné sous le nom de Puaumu ; l’extrémité orientale est formée de six petits îlots très rapprochés. Dans sa partie moyenne et à son
extrémité orientale, ce motu est planté de cocotiers en rapport ; dans
les autres parties, la végétation est formée par le mikimiki, Pemphis
acidula Forst., le huhu, Suriana maritima L., le pandanus, le kahaia,
Guettarda speciosa, le tohonu, Tournefortia argentea L. le Scœvola
Konigii, etc.
Du côté du lagon et par places, ce motu est limité par une barrière de madrépores morts, en place, noircis sous l’action du soleil ; en
outre, on observe, à quelque distance du rivage, des récifs élevés de
1m50 au-dessus du niveau de la mer et dont nous aurons à nous occuper plus loin ; les huîtres perlières sont très abondantes sur les récifs
situés au large de ce motu.
Puaumu est séparé de l’îlot suivant par un bras de mer très large,
fermé du côté de la haute mer par le plateau extérieur et présentant, de
places en places, des barres de sable en formation. À l’extrémité de ce
bras de mer, la ligne des motu se recourbe brusquement à angle droit
pour former la limite orientale du lagon.
Les deux premiers motu, désignés sous les noms de Oaraumu et de
Teavamutu, sont très allongés, surtout le second et plantés de cocotiers
en rapport ; à une petite distance du rivage (du côté du lagon) du motu
de Teavamutu se trouve un bloc de madrépores morts, en place, plus
élevé au-dessus du niveau de la mer que la crête du motu.
Dans sa partie méridionale, Teavamutu se recourbe, formant une
vaste demi-circonférence à concavité dirigée vers le lagon et se continue
par les motu de Putukinga et de Tekava ; ce dernier est limité par un
chenal assez profond, qui s’avance vers le récif extérieur et constitue une
passe praticable pour les cotres quand la mer est belle de ce côté.
Plus au sud, on trouve une série de petits motu très rapprochés,
dont l’ensemble porte le nom de Tiovava (vava, mot mangarévien dont
la traduction est “brisé”, fait allusion à cette série de petits motu séparés les uns des autres et très rapprochés), ces motu étant plantés de
61
cocotiers. Le dernier des îlots formant la limite orientale de l’île, appelé
Tioo, se recourbe brusquement, à angle droit, pour former la première
partie de la limite méridionale du lagon ; cet îlot, assez allongé et formé,
en réalité, de deux motu réunis par un isthme, est planté de cocotiers
en rapport ; l’un d’eux, plus âgé et très élevé, est un cocotier remarquable, visible de très loin et situé au S-E.
La limite méridionale du lagon est formée, sur une grande partie de
sa longueur, à partir de Tioo, de bras de mer assez larges séparant des
îlots très étroits où la végétation n’est guère composée que de pandanus,
de huhu et de mikimiki ; quelques-uns de ses bras de mer sont semés
d’îlots de madrépores morts à peine élevés au-dessus du niveau de la
mer et non boisés, ou d’îlots de sable corallien.
Cette suite de petits motu se continue par un groupe de motu plantés de cocotiers en rapport, dont le plus important est appelé Torari
(direction est-ouest).
La limite sud-ouest du lagon comprend une série d’îlots très rapprochés, qui s’étendent jusqu’à un bras de mer très large situé à l’ouest ;
les Mangaréviens ont donné à l’ensemble de ces motu le nom de Mokoe,
à cause de l’abondance des frégates en cet endroit (mokoe est le nom
mangarévien de ces oiseaux) ; ils distinguent parmi cette suite d’îlots,
Mokoe pao aï, ainsi nommé parce que les anciens habitants allumaient le
feu en cet endroit, Mokoe vaipu, ainsi nommé à cause de la présence
d’un lac d’eau douce (vaipu signifie lac), et Mokoe vava, suite de petits
motu très rapprochés les uns des autres qui s’étendent jusqu’au grand
chenal ouest ; quelques-uns de ces îlots de Mokoe présentent quelques
rares cocotiers, les autres n’ont pour toute végétation que des pandanus,
du mikimiki, du huhu, du kahaia et du nono, Morinda citrifolia L.
Le grand chenal ouest, orienté E.-N.-E.- O.-S.-O., large d’environ
500 m, est fermé du côté de la haute mer, par le plateau de madrépores
morts, qui envoie à l’intérieur du chenal des prolongements qui vont jusqu’au lagon ; du coté du lagon, il est en partie fermé par des barres de
sable calcaire.
Ce bras de mer est limité au nord, par un motu dirigé S.-S.-O.- E.N.-E., remarquable par la présence d’un cocotier très élevé, et désigné
sous le nom de Vaitutaki.
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Vaitutaki est séparé par un chenal incomplet, d’un motu plus étroit,
lequel est lui-même limité par un chenal assez large, divisé dans toute sa
longueur par une bande de madrépores morts partant du récif extérieur ; au nord de ce chenal se trouve le motu très allongé, dirigé d’abord du sud au nord, dont nous avons parlé au début sous le nom
d’Aueretini. L’endroit de ce motu où est situé le lac d’eau douce est
appelé Vaipu.
Comme on le voit par cet exposé sommaire, l’île Marutea du sud est
très grande et formée d’un grand nombre de motu ou îlots peu élevés.
Sa plus grande dimension, qui paraît être de l’extrémité ou pointe nordouest (Aueretini) à la pointe sud-est (grand cocotier de Tioo) est d’environ douze milles.
L’absence de passe rend l’accès de cette île assez difficile : les goélettes opèrent le débarquement à l’aide d’embarcations dans la baie formée par la partie nord d’Aueretini, qui présente l’avantage d’un plateau
de madrépores morts assez étroit et non parsemé de blocs de coraux
déchiquetés, ou bien, par vents d’est et de nord-est, en face de l’îlot de
Vaitutaki. Les cotres débarquent, par vents de nord, à Tekava ou à Tioo ;
quand il y a mauvais temps, le débarquement est impossible.
Structure de l’île
La structure de l’île Marutea est la même que celle que nous avons
indiquée pour les îles basses de l’archipel des Gambier et pour l’île Temoe.
Cette île est formée d’une suite de motu à peine élevés de trois mètres audessus du niveau de la mer, séparés les uns des autres par des canaux plus
ou moins obstrués de coraux, enserrée du côté de la haute mer, par un plateau de coraux morts, de 80 à 100 m de largeur, qui n’est interrompu nulle
part, en sorte qu’il n’y a aucune passe permettant l’accès à l’intérieur du
lagon. En certains endroits, ce plateau découvre aux basses mers ordinaires ; par places, la surface du plateau est unie, par suite de l’action des
vagues ; en d’autres endroits, au contraire, elle est parsemée de blocs de
madrépores morts déchiquetés, en place, de 80 cm de hauteur environ, qui
rendent le débarquement dangereux. Du côté de la haute mer, le récif présente un abrupt sur lequel la mer vient déferler avec violence.
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Cet abrupt mène à un second plateau, extérieur au premier et ayant
à peu près la même largeur, au-dessus duquel la profondeur varie de 3
à 15 brasses ; au delà, la profondeur devient brusquement très grande.
Le plateau de récifs morts est remarquable, sur sa partie battue par
la mer, par le grand développement des nullipores, algues calcaires
incrustantes, de couleur rose, qui donnent leur couleur à la bordure du
récif. Dans cette partie très exposée à l’action des vagues, on ne trouve
guère, comme coraux vivants, que des pocillopores et des madrépores
de petite taille ; quelques mollusques, fixés solidement au récif, peuvent
résister à l’action des lames : parmi ceux-ci il faut citer les Turbo, les
Ischnochiton, les patelloïdes (très communs), les haliotides (H. pulcherrima) et même les cyprées Cyprœa carneola L.
En certains endroits situés près du bord du récif, la surface du plateau est littéralement couverte d’oursins à longues baguettes violettes,
Heterocentrotus mammilatus Klein, pointues à l’extrémité, qui produisent des blessures très dangereuses quand on pose le pied nu sur ces
échinodermes ; les individus jeunes vivent dans des trous qu’ils creusent dans le corail mort.
Les langoustes (Palinurus) sont très communes dans les trous du
bord du récif extérieur.
Une des caractéristiques du plateau extérieur est la présence, sur
toute sa largeur, de tubes calcaires cylindriques, allongés, mesurant 25
cm de longueur, présentant une ouverture circulaire très tranchante, fermée par un opercule corné, de couleur brun-clair ; ces tubes sont ceux
d’un mollusque gastéropode, le Vermetus maximus Sowerby (muko
des Indigènes des Tuamotu, tio des Mangaréviens) ; quand leur extrémité tranchante est normale à la surface, ils entrent dans le pied nu à la
façon d’un emporte-pièce et peuvent produire des blessures graves.
Le plateau de coraux morts se continue par la pente qui mène à la
crête du motu ; la constitution de cette pente varie suivant les points
considérés.
Si on examine sa structure à la pointe nord-ouest de l’île
(Aueretini), on voit que le plateau de coraux morts se continue d’abord
par une pente très douce de madrépores morts noircis par le soleil, qui
marque la limite de la haute mer ; cette pente mène à une terrasse peu
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élevée, de calcaire corallien formé de gros blocs de madrépores cimentés par une pâte de sable calcaire ; en arrière de ce calcaire corallien
se trouve une pente douce formée de sable corallien, de débris de
coraux et de coquilles roulées et jetées (les plus abondantes étant les
haliotides) qui mènent à une seconde terrasse garnie de huhu et de pandanus, en arrière de laquelle se trouve le sol du motu formé de sable
corallien et de débris de coraux.
La crête d’Aueretini qui forme le rivage de la baie a sensiblement la
même constitution : la pente est beaucoup plus abrupte et formée d’abord
de madrépores morts, déchiquetés, surmontés d’un entablement de calcaire corallien ; en arrière de ce calcaire, une pente douce de sable
corallien très fin mène à la crête du motu.
Un autre type de structure nous est offert par le motu de Puaumu
et celui de Vaitutaki : le plateau extérieur, sur lequel se trouvent de nombreux blocs, en place, de madrépores morts, déchiquetés et noircis sous
l’action du soleil, se continue par un plateau de même largeur, formé de
gros blocs de madrépores rejetés, consolidés en calcaire, dont le ciment
est formé par du sable corallien, au-delà de ce second plateau, une
pente de débris de coraux et de coquilles mène à la crête du motu.
Un troisième type de structure est réalisé dans les motu méridionaux de Mokoe : le plateau extérieur, encombré de blocs de madrépores morts en place, se continue par une pente constituée par de gros
blocs de madrépores et de coraux, entassés sans ordre ; cette dernière
mène à une première crête, puis s’abaisse légèrement pour se relever
ensuite et former une seconde pente et une seconde crête constituées
par les mêmes éléments que les premières ; ce n’est qu’après avoir
franchi ces deux terrasses de blocs de coraux qu’on arrive sur la pente
de débris plus fins qui mène au motu.
Dans les motu méridionaux, en particulier à Torari, la pente est
simple, de la crête du motu au récif extérieur, et formée de gros blocs
de madrépores et de coraux, dans les intervalles desquels l’eau de pluie
séjourne, offrant ainsi une ressource aux plongeurs qui viennent s’établir sur ce motu.
65
Côté du lagon
Les pentes qui limitent les motu du côté du lagon présentent une
structure assez uniforme : il y a généralement deux terrasses de débris
de coraux et de coquilles, de la crête au niveau de la basse mer.
Généralement, la distance est assez grande, de la crête du motu, garnie
de huhu, à la terrasse la plus élevée. Les différences que l’on peut observer dans les différentes parties de l’île portent sur la dimension des
débris de coraux et sur la nature des coquilles rejetées ; les matériaux
qui constituent les deux terrasses sont de couleur blanche et aux fortes
marées d’équinoxe ces terrasses sont couvertes ; au contraire, la pente
qui va de la seconde terrasse à la crête du motu est formée de fragments
de coraux et de coquilles noircis sous l’action du soleil.
En certains endroits, les terrasses sont protégées, du côté du lagon,
par des blocs de madrépores morts, en place, noircis sous l’action du
soleil, et élevés d’environ 80 cm au-dessus du niveau des basses mers.
Assez fréquemment, la terrasse inférieure est en rapport, à sa base, avec
un récif frangeant, large de quelques mètres, qui découvre à mer basse ;
les parties latérales de ce récif frangeant seules, sont occupées par des
coraux vivants.
Constitution du sol du motu
La constitution du sol du motu est relativement assez uniforme et
ne présente que peu de modifications.
Le sol de la plupart des îlots est formé de gros blocs de madrépores
et de coraux et de débris plus fins de coraux et de coquilles ; les gros
blocs sont plus particulièrement abondants du côté de la haute mer ; du
côté du lagon, on trouve fréquemment des madrépores en place formant
plateau. À la pointe nord-ouest de l’île (Aueretini), le sol du motu, sur
toute sa largeur, est formé de sable très fin. Dans quelques motu, on
trouve des blocs de pierre ponce amenés autrefois par les courants.
La surface des motu n’est pas horizontale mais présente une pente
très légère, de la crête extérieure, la plus élevée, à la crête qui limite le
lagon ; la largeur moyenne des motu est d’environ 200 m.
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Bras de mer
Les différences dans la structure des bras de mer portent sur leur
largeur et sur le plus ou moins grand développement des barres de
sable ; généralement, le chenal est bordé, de chaque côté, par un entablement de madrépores morts, en place, élevé d’environ 80 cm au-dessus du niveau de la mer ; au-dessus de cet entablement, une pente de
débris mène au motu.
Le fond du chenal est formé par un plateau de madrépores usé et
uni sous l’action du courant, sur lequel on trouve des blocs de madrépores morts en place, et souvent des coraux vivants ; du côté de la haute
mer, le chenal est fermé par le plateau extérieur situé à un niveau un peu
plus élevé. Du côté du lagon, les modifications principales portent sur le
plus ou moins grand développement des barres de sable ; d’une façon
générale, plus les bras de mer sont larges et plus les barres de sable sont
développées.
Si on examine en particulier les bras de mer septentrionaux, on
trouve au milieu du chenal, des langues de madrépores morts, partant
du plateau extérieur, élevées de 80 cm au-dessus du niveau de la mer,
qui traversent le chenal dans toute sa longueur (du récif extérieur au
lagon) ; le sable calcaire amené par le courant s’est déposé à l’extrémité de cette langue de coraux morts, puis perpendiculairement à celleci, formant avec elle un T ; sur l’autre rive du chenal, formée par le
motu, les dépôts de sable, sont encore plus développés : le motu est
bordé, en avant de sa crête et sur toute sa longueur, par une zone de
sable d’environ 50 m de largeur, qui se prolonge, du côté du chenal par
une bande étroite allant à la rencontre de celle qui part du plateau de
madrépores morts ; quand elle arrive à proximité de cette dernière, elle
s’incurve légèrement vers l’intérieur et un détroit de 2 à 3 m est ainsi
ménagé qui permet le passage du courant.
La formation de ces barres de sable est due, comme nous l’avons
dit précédemment, au renversement du courant dans le bras de mer ;
quand la mer monte, un fort courant se produit de la haute mer vers l’intérieur du lagon, à travers le chenal ; quand la mer baisse, un fort courant se produit en sens contraire.
67
Dans les grands bras de mer dépourvus de plateaux de récifs les
traversant, tels que celui qui sépare les motu de Puaumu et d’Oaraumu,
les barres de sable se forment autour des madrépores morts qui parsèment ce chenal.
Etude du lagon
La structure du lagon ou mer intérieure est assez simple.
La pente de débris de coraux et de coquilles qui forme le rivage se
continue par une partie peu profonde de même nature, large d’à peine
quelques mètres et s’enfonce ensuite, d’une façon très abrupte, à 5 ou 6
m de profondeur ; au-delà, la nature du fond change brusquement, ce
dernier étant formé de sable calcaire recouvert d’une vase calcaire blanche, la transparence de l’eau étant très grande au-dessus de ces fonds ;
les holothuries y sont très communes mais d’une façon générale, la faune
est très pauvre en ces endroits ; on trouve quelques crustacés enfoncés
dans le sable : Maia, Calappa tuberculata Herbst, des pagures, des clypéastres, deux espèces de Terebra, des bucardes, et de nombreux orbitolites, Orbitolites complanata L. On ne trouve que rarement des huîtres
perlières sur ces fonds qui conviennent très bien à leur développement,
à cause de l’absence de support propre à attacher leur byssus ; les chames, si fréquentes dans le lagon, manquent également dans ces fonds
pour la même raison ; quand par places, on trouve une branche de
mikimiki tombée sur le sol, ou une pierre, il n’est pas rare de voir un
grand nombre de chames, des madrépores, des huîtres perlières de grande taille et des Margaritifera panasesœ Jameson attachés sur ces supports accidentels. Il suit de là que l’on pourrait, en installant des supports
convenables, utiliser ces fonds pour la culture des méléagrines.
Cette zone de sable calcaire est parsemée, de place en place, de
pâtés de récifs qui affleurent à marée basse et offrent un grand intérêt au
point de vue spécial qui nous occupe, car c’est sur les flancs de ces pâtés
que l’on trouve les huîtres perlières.
La surface de ces récifs est généralement plane et formée de coraux
morts, usée sous l’action des lames et recouverte de nullipores de couleur rose ; de place en place, elle présente des trous peu profonds, dans
lesquels on trouve des coraux vivants et des mollusques, en particulier
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des huîtres perlières Margaritifera panasesœ et des tridacnes. La caractéristique la plus saillante de la surface du récif est l’extrême abondance des tridacnes, logés dans le corail ; sur le bord du récif vivent de
nombreux Vermetus maximus Swob à tubes calcaires contournés et
des coraux, qui sont le plus souvent des astrées perforées par des pyrgomes (crustacés) ; certains récifs sont bordés de millépores de couleur jaune sombre : le contact de ces millépores produit une urtication
très vive, la douleur persistant pendant un certain temps ; les
Mangaréviens désignent ces hydrocoralliaires sous le nom de kana
meneo “corail venimeux”. La paroi du pâté est abrupte, garnie d’algues
vertes (Bryopses) et de mollusques fixés, parmi lesquels les arches et les
chames sont les plus communs ; la méléagrine à nacre jaune et l’huître
perlière y sont également fréquentes.
Les huîtres perlières sont attachées par leur byssus de telle sorte
que le plan médian de leurs valves soit normal à la surface d’attache. Ces
méléagrines trouvent dans cet habitat toutes les conditions favorables à
leur développement : toutes les coquilles qu’on trouve sont grandes et
rarement piquées, bien que les cliones, les gastrochènes et les lithodomes soient d’une abondance extrême dans les coquilles mortes de tridacnes qui se rencontrent en grand nombre sur ces pâtés de récifs ; ces
coquilles mortes offrent à ces animaux perforants un asile qui leur
convient mieux et elles jouent vis-à-vis de ces derniers le rôle de pièges.
Souvent, la paroi verticale du récif présente à sa base, des anfractuosités
dans lesquelles vivent de nombreuses huîtres perlières.
À la base du récif, le fond est constitué par des débris de coraux et
de coquilles mortes (tridacnes, chames, arches, huîtres perlières) formant une pente qui mène au fond de sable et de vase calcaires ; sur ces
débris de coraux et de coquilles sont attachées de nombreuses chames
et des huîtres perlières ; les tridacnes sont moins nombreuses qu’à la
surface mais se développent mieux à cet endroit.
Beaucoup de récifs du lagon présentent à considérer, sur leur surface plane, un récif plus petit, toujours découvert et noirci sous l’action
du soleil ; le plus intéressant est situé en face du motu de Puaumu :
c’est un massif corallien, élevé de plus d’1 m (1m30) au-dessus du
niveau de la mer et ayant la même structure que les pâtés qui affleurent :
69
au sommet il est bordé de millépores et de tubes de Vermetus maximus ; sur les flancs, formés de madrépores morts, on trouve des
coquilles fossiles de chames, de tridacnes et d’huîtres, Ostrea mordax L.
var.
Dans la partie nord-ouest du lagon, en face la partie méridionale du
motu d’Aueretini, on observe un gros bloc de madrépores, en place sur
le récif, noirci et élevé de 1m40 au-dessus du niveau de la basse mer,
c’est-à-dire plus élevé que la crête intérieure du motu.
On trouve également des blocs émergés en face les motu de
Teavamutu, de Torari et de Mokoe
Zone profonde
Au-delà de la zone littorale de sable calcaire, zone relativement
étroite où la profondeur varie de 5 à 15 m, on arrive dans la zone profonde où vivent des madrépores branchus et des hydrocoralliaires
(Stylaster) ; la plus grande partie de la zone centrale profonde est inaccessible aux plongeurs à nu. Par places, la profondeur devient moins
grande et souvent même un récif s’élève jusqu’à la surface et découvre
à marée basse.
L’un de ces récifs, situé à peu près au milieu du lagon, sur l’alignement de l’extrémité occidentale de Puaumu à l’extrémité méridionale de
Mokoe vava présente, à sa surface des blocs de madrépores morts élevés de 30 à 50cm au-dessus du niveau de la basse mer ; dans les anfractuosités de la surface de ce récif, vivent des huîtres perlières dont la
coquille, couverte de nullipores, de Margaritifera panasesœ et
d’Ostrea mordax L. var. est lourde, épaisse, mais de petite dimension (le
diamètre transversal de la charnière au bord libre ne dépasse pas 90
mm). Les flancs du récif et le soubassement offrent, au contraire, un
champ de recherches très fructueux pour les plongeurs à nu, qui y trouvent des méléagrines de grande taille.
Les observations qui précèdent, relatives à la structure de l’île
Marutea du sud nous montrent que celle-ci, de même que l’île Temoe et
que les îles basses de l’archipel des Gambier et des Tuamotu, a été formée par l’activité des organismes coralligènes, qui ont édifié des récifs
sur le bord d’un plateau d’origine volcanique, situé à moins de vingt
70
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brasses de profondeur, et qu’elle a subi plus tard un exhaussement de
plusieurs mètres qui l’a amenée à son état actuel.
La mer déferlait autrefois sur la crête actuelle des motu et les gros
blocs de coraux qui forment les pentes et le sol de ces îlots ont été arrachés des deux plateaux ou terrasses de récifs qui enserrent l’île et apportés par les lames ; dans les parties méridionales sud-ouest et sud-est de
l’île, la puissance des lames était beaucoup plus grande que sur la côte
septentrionale ; en certains endroits de la côte septentrionale, en effet,
les blocs rejetés se sont consolidés en calcaire corallien, tandis qu’en
d’autres (Puaumu) les madrépores vivants pouvaient exister.
Du côté du lagon, la force des lames diminuant, les matériaux
apportés sont de plus faible dimension et en certains endroits des motu
vivaient des madrépores que l’on retrouve aujourd’hui en place. Les
récifs frangeants que l’on observe sur le rivage du lagon et les récifs
morts et noircis par le soleil, qui sont actuellement à 1m40 au-dessus du
niveau de la mer basse, étaient alors en pleine prospérité, ces derniers
ne découvrant pas à marée basse.
La mer, en entrant avec un fort courant dans le lagon, par les bras
de mer, amenait des blocs de coraux qui se sont disposés à l’angle interne (c’est-à-dire du côté du lagon) de chacun des deux motu limitrophes
du chenal, formant ainsi deux avant-gardes dans le lagon, qui protègent
le chenal jusqu’à une distance du rivage qui atteint quelquefois 100 m.
La plupart de ces chaussées de blocs de madrépores ont été recouvertes
de sable calcaire déposé ultérieurement et ont donné naissance aux barres de sable actuelles ; on peut les retrouver intactes dans certains bras
de mer fermés du côté de la haute mer, en particulier dans les motu
méridionaux de Mokoe.
Le lac d’eau douce (eau de pluie) de la partie méridionale
d’Aueretini peut nous donner quelques indications utiles sur l’exhaussement de l’île : le fond de ce lac est formé de calcaire corallien recouvert de sable coquillier ; le sable le plus inférieur renferme des
coquilles franchement marines, qui correspondent à la période d’immersion des motu, tandis que le sable, le plus superficiel renferme des
71
espèces saumâtres, en bon état, ayant conservé leur couleur, en particulier le Cerithium rugosum Wood, var., qui ont vécu dans cette partie du
motu, en eau peu profonde, cet endroit étant couvert seulement à marée
haute. Ce cérithe vit en effet actuellement dans du sable qui découvre à
marée basse, sur le bord du chenal ouest de Torari (partie sud de l’île).
L’existence de ces mollusques d’eau saumâtre semble indiquer que
l’exhaussement général de l’île se serait fait, non pas d’une manière
brusque, mais plutôt d’une façon lente et graduelle.
Flore de l’île Marutea
La flore de l’île Marutea du sud est peu variée, de même que celle
de toutes les îles basses des archipels des Tuamotu et des Gambier.
Les plantes les plus communes sont le mikimiki, Pemphis acidula Forster, tupapa des Mangaréviens), le huhu (Suriana maritima L.)
le pandanus, le kahaia, Guettarda speciosa, tafono des Tahitiens, le
gneogneo, Tournefortia argentea L., tohonu des Tahitiens, le nono,
Morinda citrifolia L. dont les fruits, aigrelets, sont bons à manger, une
petite graminée appelée mauku, Lepturus repens R. Br., le Scevola
Konigii et le cocotier.
Le mikimiki et le tohonu sont des plantes qui vivent dans les
endroits les plus arides : nous avons observé des buissons de Pemphis
acidula du côté de la haute mer, sur un plateau de madrépores morts,
ne présentant aucune trace de terre végétale et on peut considérer à
juste titre cet arbrisseau comme l’un des agents les plus actifs de la formation de la terre végétale aux îles Tuamotu. Sur le mikimiki et le huhu
vit une plante parasite, volubile à droite, sans chlorophylle, le Cassytha
filiformis qui, en certains endroits abonde et est utilisée par les Indigènes en guise de matelas.
Le kahaia est un bois excellent pour faire du feu et son abondance
à Marutea est très appréciée des plongeurs ; le tohonu donne un bon
bois de construction.
Le Triumfetta procumbens, tiliacée rampante dont la tige atteint
plusieurs mètres de longueur est une des plantes les plus caractéristiques de la végétation des motu.
72
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Nous avons indiqué, au début, les îlots plantés de cocotiers ; la
plantation la plus riche est celle d’Aueretini ; l’île étant inhabitée, ces
plantations ne sont pas soignées et ne donnent qu’un rapport médiocre.
On a réussi à acclimater à Marutea un certain nombre de plantes utiles
de Mangareva : taro, bananier, canne à sucre etc., l’endroit le plus favorable est le rivage du lac d’eau douce d’Aueretini, qui présente sur ses
bords une terre végétale identique à celle des mares à taro de la région
littorale de Mangareva, occupée entièrement aujourd’hui, par les
Cyperus, Cyperus pennatus Lam.17 La culture, en cet endroit des plantes alimentaires précitées, en particulier des taro et des bananiers, serait
de la plus grande utilité pour les plongeurs.
Faune de l’île Marutea
La faune terrestre de l’île Marutea du sud est très pauvre. Il n’y existe pas de mammifère indigène, le rat, qui y est très commun, étant d’introduction récente.
Les oiseaux sont peu variés en espèces ; les plus abondants sont
des sternes parmi lesquelles la Sterna lunata Peale (kaveka des Indigènes) est la plus commune ; cet oiseau, rencontré pour la première
fois par Peale en 1848, dans l’île Kauehi (île Vincennes) est très abondante au motu de Puaumu (partie N-E. de l’île) ; les œufs blancs marqués de taches de couleur marron sont pondus dans un trou peu profond ménagé dans le sol par la mère, au pied des mikimiki ; les jeunes
sont nourris par les parents avec du poisson et nous avons pu en voir un
nombre considérable courant sous ces arbustes, aux mois d’août et de
septembre ; à la fin du mois de novembre, les jeunes étaient devenus
adultes et la ponte n’avait pas encore eu lieu ; elle ne commence qu’au
mois de janvier. Ces oiseaux sont d’une abondance extraordinaire à l’île
Pukapuka.
Les courlis, Numenius femoralis Peale, kivi des Indigènes des
Tuamotu, également très communs à Marutea, ont des mœurs curieuses :
17 Ces Cyperus ont été importés de Mangareva, avec la terre végétale ainsi que les fougères,
les insectes et les mollusques d’eau douce Melania unicolor qui vivent actuellement en cet
endroit.
73
ils sont très friands des cénobites, Cenobita perlata Edwards et pour
extraire ceux-ci de la coquille de Turbo dans laquelle ils sont logés, ils
emploient le procédé suivant : saisissant la coquille avec leur bec, ils la
jettent avec force sur un bloc de madrépore, jusqu’à ce qu’elle casse ;
ils mangent ensuite le crustacé en laissant les débris de sa carapace à
côté de ceux de la coquille.
Les hérons, kotuku des Mangaréviens, Demiegretta sacra Gmelin
font leur nid dans les mikimiki, à environ 46 cm du sol, avec des branches
sèches de cet arbuste ; la femelle pond deux œufs de couleur vert-clair.
Parmi les autres oiseaux de mer qu’on trouve à Marutea il faut
signaler les frégates, kotaha des Indigènes des Tuamotu, Tachipetes
aquilus L., les chevaliers, Actitis incanus L., torea des Indigènes des
Tuamotu et des Gambier, le Gygis alba et l’Anous stolidus L. Les oiseaux
les plus curieux de l’île sont les pigeons ; les plus communs sont les
Phlegoenas, Phlegoenas pectoralis Peale18 tutururu des Indigènes des
Tuamotu, itikoe des Mangaréviens, à plumage sombre, noir avec taches
couleur rouille ; ces pigeons, très familiers, vivent sous le feuillage, en
particulier sous les Tournefortia, dont ils mangent les graines ; ils se
nourrissent également des graines du nono, Morinda citrifolia L. Les
pigeons verts, Ptilinopus coralensis Peale, oo des Indigènes des
Tuamotu, kuku des Mangaréviens, sont assez fréquents à Marutea et
vivent en compagnie des pigeons noirs, dont ils partagent la nourriture.
Les reptiles sont représentés, à Marutea du sud par un gecko,
Gehira oceanica Lesson et par le scinque à queue bleue, Lygosoma
cyanurum Lesson ; dans le lagon, on rencontre assez fréquemment la
Chelonia mydas, honu des Indigènes, dont ceux-ci sont très friands.
Les animaux terrestres qui jouent le plus grand rôle dans cette île
habituellement inhabitée sont les cénobites, Cenobita perlata Edw.
crustacés adaptés à la vie terrestre, que l’on rencontre dans tous les
motu en nombre considérable, logés dans, des coquilles de Turbo (les
jeunes individus se logent dans des coquilles de littorines, ou d’Echinella
coronaria Lamk., plus rarement dans des coquilles de cassidaires).
18 Ces pigeons ont été trouvés pour la première fois par Peale dans l’île d’Aratika, en 1848.
74
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Les crabes de cocotiers, Birgus Latro L. kaveu des Indigènes des
Tuamotu, koveu des Mangaréviens, sont communs dans les motu orientaux, en particulier à 0araumau, Teavamutu et Tiô et constituent un aliment très recherché des Mangaréviens.
Poissons
Les poissons, assez communs dans le lagon et sur le récif extérieur,
constituent l’une des bases de l’alimentation des plongeurs et leur
connaissance est d’autant plus importante que beaucoup sont empoisonnés, en sorte qu’il convient d’en faire un choix judicieux.
Les perroquets, Cheilinus chlorurus Bloch. très fréquents sur le
récif extérieur et sur les pâtés de coraux du bord du lagon sont bons à
manger en toute saison ; les carangues, les diacopes, certains serrans,
en particulier le Serranus hexagonatus Forster, les nanue (Beryx), le
Fistularia serrata Cuv., etc. ne produisent pas d’accidents. Parmi les
poissons vénéneux, le plus connu est le Lethrinus rostratus Khül & V.
Hasselet (oeo des tahitiens, utuura ou meko des Indigènes des
Tuamotu), qui est d’une abondance extrême dans le lagon.
Les plongeurs prétendent que les spécimens de petite taille ne sont
pas dangereux ; toutefois, à chaque saison de plonge ils éprouvent des
accidents d’empoisonnement et sont obligés de renoncer à manger ce
poisson. Pendant une tournée du Volage aux îles Gambier en septembre
1883, M. Ingouf se rendit à Marutea du sud et put constater que la population de 224 plongeurs établie dans cette île avait été très éprouvée,
n’ayant eu d’autre nourriture que le Lethrinus rostratus : les malades
étaient pris de dysenterie, accompagnée de crampes, de vertige et d’une
extrême faiblesse. Des frictions et un changement de régime ramenèrent
la santé. Nous avons eu l’occasion de constater les mêmes accidents lors
de notre dernier séjour (décembre 1903) dans cette île.
Les Indigènes ne mangent pas le Tonu, Serranus myriaster poisson qui atteint des dimensions considérables, ni les mulets, ni les murènes qui sont si communes dans les pâtés de récifs du lagon et sont très
redoutées des plongeurs à cause des morsures cruelles qu’elles font ;
plusieurs Indigènes des Tuamotu sont morts, il y a quelques années,
après avoir mangé de ces murènes.
75
Les balistes (kokiri des Mangaréviens, kutaro des Tuamotu) qui,
dans certaines régions, en particulier aux Antilles, sont vénéneux, sont au
contraire très recherchés par les Indigènes des Tuamotu et des Gambier et
leur foie est un mets très apprécié Ces poissons, armés de dents très fortes, se nourrissent de mollusques dont ils broient la coquille ; les plongeurs sont unanimes à dire qu’ils s’attaquent aux jeunes huîtres perlières
et font, par suite, beaucoup de dégâts, le contenu du tube digestif d’un
individu pris dans le lagon de Marutea était constitué par des débris de
coquilles de Margaritifera panasesœ et d’Ostrea mordax L. var. ; les
intestins des spécimens du lagon de Mangareva que nous avons examinés
renfermaient des débris de coquilles de Melina, de gastrochènes, de lithophages, d’arches, de Pinna, etc., des fragments de test d’oursins (spatangues et clypéastres), des ascidies, des sipuncles, le byssus d’une jeune huître perlière, et des débris de la coquille d’une jeune huître perlière.
Les trygons (tapereta des Indigènes des Tuamotu, eai manu des
Mangaréviens), très communs dans certaines parties du lagon de
Mangareva, sont beaucoup plus rares à Marutea ; d’après le dire des
Indigènes, ces raies brisent la coquille des huîtres perlières et mangent
la chair de l’animal. Ce poisson paraît être, comme nous l’avons constaté, l’hôte intermédiaire du cestode dont le scolex, en s’enkystant dans le
manteau des méléagrines provoque la formation des perles fines chez
ces mollusques ; il suit de là qu’il y a un rapport biologique des plus
importants entre l’huître perlière et le trygon, la présence de ce dernier
étant nécessaire à la production des perles (au moins à Mangareva où
nos observations ont été faites)
Les requins sont très communs dans le lagon de Marutea ; ils
appartiennent à la petite espèce dont la longueur ne dépasse pas 1m50
(figurée par Lesson dans le voyage de la Coquille pl. I) et fuient à l’approche de l’homme, en sorte que leur présence n’est pas un danger
pour les plongeurs.
Insectes
Les insectes sont très rares dans l’île de Marutea ; dans le lac d’eau
douce d’Aueretini vivent des larves de libellules importées de Mangareva
et des larves de chironomes (vers de vase) ; l’absence de moustiques
76
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est à signaler. Le 30 novembre dernier, nous avons pu constater la présence de nombreux halobates (hémiptères pélagique) rejetés sur le récif
extérieur par la violence du vent et des vagues.
Mollusques
Les mollusques sont abondants dans le lagon de Marutea, mais peu
variés en espèces ; le plus important d’entre eux est l’huître perlière à
bord noir, la Margaritefera margaritefera var. cumingi Reeve, trouvée
précisément pour la première fois à Marutea du sud par Hugh Cuming
en 1827, et décrite par Reeve en 1857 sous le nom d’Avicula cumingi
(Conch. Icon. X, 1857, Avicula, pl. IV, sp. 6).
Les mollusques les plus communs dans le lagon sont les chames (3
espèces) et les tridacnes et on peut se demander, à priori, s’ils ne constituent pas une gêne pour l’huître perlière, dont ils partagent la nourriture ; les tridacnes affectionnent plutôt les endroits peu profonds, en particulier la surface des récifs et nous avons vu que les méléagrines qui
vivent dans ces conditions n’ont pas un développement normal, la
coquille n’accroissant que très peu son diamètre, et cela, non pas à cause
du voisinage des tridacnes, mais parce que cette station ne leur convient
pas. La coquille morte des tridacnes sert souvent de support au byssus de
l’huître perlière et elle est un abri de prédilection pour les cliones, et on
peut se demander si c’est à cause de ce fait que ces dernières attaquent
rarement la coquille vivante de l’huître perlière ; les cliones ne perforent
d’ailleurs que très rarement les coquilles de tridacnes vivantes.
Les chames sont en rapport biologiques très étroit avec les méléagrines : la valve supérieure de la coquille de ces dernières en porte souvent plusieurs fixées à sa surface et d’un autre côté le byssus des huîtres
perlières est très souvent attaché sur des chames vivantes et plus fréquemment encore sur des chames mortes ; les chames ont enfin une
tendance à constituer en certaines places, des supports favorables pour
les pintadines : une branche de mikimiki par exemple, tombée sur le
fond, est au bout de peu de temps couverte de chames, qui se fixent les
unes sur les autres.
La petite méléagrine à nacre jaune-paille, la Margaritifera panasesœ Jam., est très commune dans le lagon de Marutea, vivant aussi bien
77
sur les récifs découverts à marée basse que dans les grands fonds de 10 à
12 brasses ; sur les récifs, elle se fixe de préférence à l’intérieur des
coquilles vides de tridacnes ; dans les endroits profonds, elle s’attache très
souvent sur la coquille de l’huître perlière et c’est ainsi que nous avons
trouvé jusqu’à quinze de ces petites méléagrines adultes sur une seule valve
d’une nacre ; souvent, une huître perlière est littéralement couverte de jeunes méléagrines à nacre jaune, lesquelles sont le plus souvent logées sous
les lamelles qui ornent la coquille de la pintadine, et il faut une grande habitude pour distinguer à première vue ces jeunes méléagrines des huîtres
perlières. La Margaritifera panasesœ nous semble être un voisin de l’huître à nacre qu’il y aurait le plus grand intérêt à écarter.
On trouve en abondance, à Marutea, un certain nombre de mollusques comestibles : les plus recherchés sont les Turbo (maua des
Tahitiens) ; les Indigènes les mangent crus, après avoir rejeté le tortillon, ou bien ils les enfilent dans une corde et les font sécher au soleil.
Les poulpes sont également très prisés et se font également sécher au
soleil. Les Vermetus maximus, les tridacnes, les chames et les ptérocères sont moins recherchés. Les Indigènes des Tuamotu et des Gambier
sont très friands du muscle adducteur des valves de l’huître perlière
(kikoiovo, kikoparau), mais les règlements actuels leur prescrivent de
rejeter les parties molles de l’animal à la mer et ne leur permettent par
conséquent pas ce genre d’alimentation.
Pêche de l’Huître perlière
L’île de Marutea du sud a été déclarée propriété domaniale française en 1883 (décision du 20 mars) et son lagon accessible à tous les
nationaux français sans distinction d’origine. La plonge a toujours eu
lieu à la suite d’un rahui ou interdiction de pêche assez long : durant
ces dernières années, elle a été autorisée pendant les saisons de 18921893, (du 1er novembre au 30 avril), de 1896-1897, de 1899-1900 et
enfin l’arrêté du 19 octobre 1903 l’autorise pour la saison 1903-1904.
Il est difficile de connaître le rendement de ces différentes pêches, car la
nacre provenant de cette île n’est pas contrôlée au départ et est expédiée
à Papeete par les Tuamotu.
78
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La plonge a commencé, cette année, vers le 20 novembre ; plus
d’une centaine de plongeurs, indigènes de Takaroa, de Marokau et de
Mangareva, se sont rendus à Marutea. La plupart des Mangaréviens
après avoir plongé dans les endroits peu profonds, sont retournés aux
Gambier, atteints de nostalgie et aussi à cause de l’impossibilité où ils se
trouvent de descendre, comme les pêcheurs de Tuamotu, à des profondeurs de dix, quinze et même dix-huit brasses c’est-à-dire dans les fonds
qui sont riches. La plonge, qui a été contrariée jusqu’ici par le mauvais
temps s’annonce comme devant être très bonne19.
Les méléagrines péchées sont généralement de grande taille : nous
en avons vu qui pesaient plus de trois kilos (les deux valves) ; le pourcentage des nacres piquées est très faible ; toutefois, la proportion des
nacres piquées est beaucoup plus grande dans les grands fonds où les
plongeurs trouvent des huîtres perlières très âgées et de forte dimension. La coquille est couverte de chames, de spondyles, Spondylus pacificus Reeve, de méléagrines à nacre jaune et d’Ostrea mordax L. var. et,
assez fréquemment, elle sert de support au byssus d’huîtres perlières
adultes ou jeunes ; les huîtres perlières adultes ont leur byssus attaché
sur la partie la plus bombée des valves ; celles qui sont de petite taille
se fixent sur le bord des valves, en particulier sous les lamelles qui
ornent la coquille ; les spécimens les plus jeunes que nous ayons trouvés au début du mois de décembre ont un diamètre transversal de 12
mm ; d’autres atteignent 18 mm, mais sont du même âge que les précédentes, c’est-à-dire de la fin du mois d’octobre. Lors de notre premier
séjour dans l’île, du 8 août au 9 septembre, nous n’avons pas trouvé
d’embryons véligères de lamellibranches, car l’époque du frai n’était pas
arrivée ; du 20 novembre au 8 décembre, la persistance du mauvais
temps a arrêté l’émission des produits génitaux chez les huîtres perlières et nous n’avons pas trouvé d’embryons ; nous avons pu constater en
effet, à bien des reprises, dans le lagon de Mangareva, que quelques
jours de mauvais temps consécutifs mettent fin à l’expulsion des produits sexuels. La faune pélagique du lagon de Marutea est d’ailleurs très
19 La quantité de nacres plongées du 20 novembre 1903 au 1er février 1904 est de 20 300 kilos.
79
pauvre, en comparaison de celle du lagon de Mangareva (les embryons
véligères de l’huître perlière qui mènent une existence pélagique pendant quelques jours, ont une coquille équivalve mesurant 2/5 de mm de
diamètre transversal et ornée de stries concentriques très nettes et très
rapprochées les unes des autres) ; les masses gélatineuses blanches ou
roses qui apparaissent en quantité considérable à la surface de la mer
dans le lagon des Gambier, en décembre et janvier, et que quelques personnes ont voulu considérer comme le frai des méléagrines, ne sont
autre chose que des larves de coralliaires mesurant 1 mm de longueur
et 0mm7 de largeur).
À côté de ces huîtres perlières de grande taille, les plongeurs en
prennent d’autres qui sont petites, leur diamètre transversal, mesuré de
la charnière au bord libre des valves ne dépassant guère 9 cm ; ces
méléagrines de petite taille ne sont pas jeunes, mais au contraire très
vieilles.
Dans certaines parties du lagon de Mangareva (récifs du port de
Rikitea banc de Tokaerero, etc.) la plus grande partie des nacres
recueillies par les plongeurs à nu sont de petite taille, quoique très
vieilles et, dans ces conditions, la plonge est loin d’être rémunératrice.
La pêche de ces petites huîtres ne constitue pas un délit, même si une
réglementation concernant la taille des nacres marchandes venait à
intervenir. Toutefois, on pourrait conseiller aux Indigènes de ne pas
récolter ces petites nacres, étant donnés les maigres bénéfices qu’ils en
retirent : en effet ces méléagrines de petite taille mais âgées, donnent du
frai, et le naissain qui en résulte, s’il se fixe dans un endroit favorable,
peut donner naissance à des huîtres perlières de taille normale.
L’huître perlière de Marutea du sud a la coquille noire ; ornée de
lamelles et marquée de lignes radiales de taches blanches ; l’assise
nacrée est blanche, avec une bordure noire, qui produit, à la lumière,
des irisations très vives. On observe assez rarement des cas d’albinisme
chez ce mollusque ; nous avons eu l’occasion de voir une méléagrine
perlière adulte, dite “nacre blanche”, plongée le 5 décembre dernier à
Marutea : le sommet de la coquille et la région voisine sont blancs, les
80
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autres parties sont de couleur crème, avec quelques places plus sombres ; l’assise nacrée est entièrement blanche, le bord interne des valves
étant crème foncé. Ces spécimens albinos sont très rares : les équipes
de scaphandriers des Gambier en ont trouvé une à Mangareva pendant
la saison de plonge de 1902 et une à Taku, en 1903 ; les plongeurs à nu
en ont trouvé trois à Marutea lors de la saison de pêche actuelle.
Anciens habitants de l’île
Autels
L’île Marutea du sud, de même que l’île Temoe, était autrefois habitée et ses habitants professant le culte de Tangaroa, ont construit des
autels ou marae dont on retrouve encore aujourd’hui les traces bien
qu’ils aient été détruits en partie par les Mangaréviens sur l’ordre de certains Européens. Les autels de Marutea, au nombre de six, sont établis
sur la crête extérieure, très élevée, formée de gros blocs de madrépores
entassés sans ordre du motu de Tioo, c’est-à-dire à la pointe sud-est de
l’île ; ce sont comme ceux de Temoe (ces derniers sont mieux conservés) des amas de blocs de coraux régulièrement disposés en un parallélépipède rectangle mesurant 6 m de longueur, 4 de largeur et 2 de
hauteur ; un chemin de pierres plates (blocs aplatis de madrépores),
établi sur la pente intérieure formée de gros blocs de coraux entassés
sans ordre, mène de ces marae au rivage du lagon.
Avenir de l’île
L’île de Marutea du sud possède comme nous venons de l’indiquer,
des ressources variées qu’il serait facile d’augmenter ; l’état actuel des
plantations de cocotiers permet d’emplanter les motu qui ne le sont pas
encore. Le lagon est assez riche en huîtres perlières : la culture de ce
mollusque et l’exploitation méthodique des pêcheries augmenteront certainement cette richesse dans de notables proportions.
Toutefois, le développement économique de l’île ne peut se faire
qu’à la condition essentielle que celle-ci soit habitée d’une façon permanente, et c’est à la réalisation de ce problème qu’il convient tout d’abord d’appliquer ses efforts.
81
Observations sur trois îles orientales
de l’archipel des Tuamotu20
Ile Fakahina21
L’île Fakahina, située par 15°55’ de latitude sud et 142°25’ de longitude ouest, a une forme elliptique et mesure quatre milles de longueur sur
trois de largeur ; cette île n’a pas de passe et le débarquement se fait généralement sur la côte occidentale, à un endroit appelé Tenanako ; le seul
bras de mer ou hoa qui interrompt la continuité de l’île est situé au sud,
mais sa faible profondeur, ne permet pas aux embarcations de s’y engager ; le village principal, Pokikakika, est établi près de ce bras de mer.
L’une des particularités les plus saillantes de la structure de l’île est
la grande largeur du récif extérieur et du motu ; la largeur du récif
extérieur, sur lequel la mer vient déferler, dépasse, en effet, 200 m et
celle du motu, où sont établies les plantations de cocotiers, varie entre
500 m (village) et 700 m (partie occidentale de l’île).
Les motu sont tous plantés en cocotiers, et la production moyenne
annuelle de coprah atteint deux cents tonnes. Le village est remarquable
par sa propreté ; des puits cimentés permettent aux habitants de se procurer une eau à peine saumâtre et il y a en outre quelques citernes.
À l’intérieur du lagon se trouvent neuf petits îlots couverts d’une
végétation de mikimiki, Pemphis acidula Forster, de mauku, Lepturus
repens R. B. et de horahora, Lepidium piscidum ; l’un d’eux est planté de six cocotiers.
Récif extérieur
Le récif extérieur, très large, est sensiblement plan, se relevant légèrement sur son bord extérieur, à l’endroit où les lames viennent déferler ; ce bord est coloré en rose par des algues calcaires, les nullipores.
La région extrême du récif est formée par un calcaire friable, recouvert
20 J.O.EFO 15 décembre 1904 pp 422-425
21 Les habitants de cette île la connaissent sous le nom de Niuhi, qui est son véritable nom ;
Fakahina est une appellation récente, donnée par les étrangers.
82
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de nullipores et creusé par les oursins ou fatuke, Heterocentrotus
mammillatus ; les lithothamnes et les foraminifères, Polytrema
miniaceum d’un beau rouge-corail et Orbitolites complanata sont
particulièrement abondants, ainsi qu’un petit Vermetus à tube noir-bleu
; les mollusques sont rares sur ce récif ; on trouve quelques cônes, le
Turbo setosus Gmelin (oani des Indigènes des Tuamotu) et des
Sistrum. La région du récif extérieur située du côté de la terre est formée par un plateau de madrépores déchiquetés, usés par les lames ; les
littorines (Littorina obesa Sowb.) sont d’une abondance extrême sur
ces madrépores ; les nérites, Nerita plicata L. et les échinelles,
Echinella coronaria Lamk. y sont beaucoup plus rares.
Sur le récif extérieur, on trouve des blocs énormes de madrépores
noircis par le soleil, déchiquetés par les lames, et non couverts à haute
mer, sur lesquels vivent l’Echinella coronaria et la Nerita plicata ; la
partie inférieure de ces blocs est recouverte de balanes et perforée par
les pollicipes (crustacés cirrhipèdes).
La pente qui mène du récif extérieur au motu a une structure qui varie
avec l’endroit considéré : en face du village de Pokikakika (partie sud) et
à Tenanako (partie ouest), la pente est formée de sable corallien et de petits
débris de madrépores et de coraux, les orbitolites et les amphistégines
étant d’une abondance extrême dans ce sable ; en certains endroits, ces
sables à amphistégines et à orbitolites sont consolidés en calcaire ; les
coquilles sont rares dans ce sable corallien, les plus communes étant les
Trivia, les haliotides et les janthines. En d’autres endroits, la pente est formée de gros blocs de madrépores et de coraux noircis par le soleil.
Structure du sol de l’île
Dans sa plus grande partie, le sol de l’île est formé de sable corallien à amphistégines et à orbitolites et de petits débris de coraux ; en
d’autres endroits, toutefois, le sol est formé de blocs de madrépores et
de coraux entassés sans ordre.
Du côté du lagon, la pente est le plus souvent formée uniquement
de coquilles de bucarde ou pikuku, Cardium fragrum L., au milieu
desquelles on trouve quelques rares valves de tridacnes et de
Margaritifera panasesae Jam.
83
L’île est coupée par un certain nombre d’isthmes qui sont d’anciens
bras de mer par lesquels la mer extérieure pénétrait dans le lagon, avant
l’exhaussement de l’île.
Lagon
La structure du lagon est très simple : une zone littorale, peu profonde, où le fond est formé de vase (varo) sur lequel vivent des holothuries et des cyprées, et au-delà, une zone profonde, où le fond est
formé des mêmes éléments ; les Cardium sont très abondants dans
cette vase calcaire ; sur le fond, on remarque des bouquets de madrépores branchus, de nombreux tridacnes et des Margaritifera panasesae, attachées sur des coraux morts. La Margaritifera margaritifera,
var. cumingi Reeve ou huître perlière est excessivement rare dans le
lagon de Fakahina ; on en a rencontré quelques rares spécimens et
nous avons vu une valve d’un de ces mollusques, trouvé par quatre brasses de fond, cette valve mesurant 19 cm de diamètre, de la charnière au
bord libre, et pesant 345 grammes.
Îlots
Le sol des îlots, élevé d’à peine 30 à 40 cm au-dessus du niveau de
la mer, est formé d’un amas de coquilles de tridacnes, de méléagrines à
nacre jaune, de Circe pectinata L., etc. et de débris de coraux et de
madrépores.
Dans la zone peu profonde qui entoure l’îlot, le sol est littéralement
pavé de tridacnes et de méléagrines à nacre jaune ; les madrépores
branchus sont très communs.
Un petit Gastropode, Modulus tectum Gmelin, est extrêmement
abondant dans cette zone, vivant à la surface des coquilles mortes de tridacnes ; l’Astralium petrosum Martyn est extrêmement commun dans
cette station (ce gastropode, existe dans les lagons de Mangareva et de
Marutea du sud, mais il y est rare) ; dans la zone un peu plus profonde, on trouve, avec les tridacnes et les méléagrines, Circe pectinata L.,
des chames, Gena rosacea Pease, petit gastropode qui autotomise son
pied quand on le tracasse et de nombreuses coquilles vides de gastropodes habitées par des cénobites.
84
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Au-delà de cette zone littorale qui entoure les îlots, la profondeur
tombe brusquement et, à une petite distance de ceux-ci, on retrouve le
fond formé de vase calcaire (varo).
Margaritifera panasesae Jameson. La Margaritifera panasesae est
un mollusque dont la biographie se rapproche, jusqu’à un certain point
de celle de l’huître perlière, et c’est à ce titre qu’elle a retenu notre attention. À l’époque où nous sommes passé à Fakahina (du 5 au 11 octobre), nous avons trouvé de nombreux spécimens de petite taille de cette
méléagrine, présentant une grande diversité de coloration : on trouve
des spécimens jaune-paille, d’autres noirs avec une ligne radiale blanche, etc. ; les plus petits mesuraient 1 mm de diamètre ; toutes ces jeunes méléagrines étaient fixées sur des valves de tridacnes, et plus particulièrement à la face interne des valves de tridacnes mortes jonchant le
sol, ou sur des rameaux de mikimiki tombés à la mer. Nous avons pu
recueillir des naissains ou prodissoconques de ces mollusques en
pêchant au-dessus des bancs ou dans leur voisinage immédiat, le naissain, comme nous avons pu le constater, s’éloigne très peu de l’endroit
où il a été émis, le pouvoir migrateur des jeunes embryons véligères
étant très limité.
La faune du plancton est d’ailleurs très pauvre dans le lagon et comprend des Sagitta, des copépodes, des calanes, des globigérines et des
embryons véligères.
Les algues sont très rares dans le lagon de Fakahina ; toutefois, les
nullipores, algues calcaires, y sont extrêmement communes, et revêtent
la surface des coquilles et des débris de coraux de la zone littorale des
îlots. Sur le bord du récif extérieur, on rencontre une algue verte.
Le lagon de Fakahina pourrait se prêter à la culture de l’huître perlière, à la condition de fournir à celle-ci des supports sur lesquels elle
puisse se fixer.
Flore de l’île
La flore de l’île Fakahina est la même que celle des autres îles
Tuamotu. La caractéristique de cette île est sa richesse en plantations de
cocotiers ; les plantations sont divisées en trois rahui, ouverts tous les
cinq à six mois ; quelquefois la durée du rahui, qui est déterminée par
85
le Conseil de district, est plus longue et on a vu des rahui de dix mois ;
un rahui trop long est d’ailleurs préjudiciable, car un grand nombre de
cocos germent sur le sol, et la production de coprah diminue.
Le figuier et le papayer prospèrent très bien à Fakahina ; les plantes les plus communes sont le kahaia, Guettarda speciosa, le gneogneo
ou tohonu, Tournefortia argentea L., le huhu, Suriana maritima L.,
le mikimiki, Pemphis acidula Forster, le gatae, ou puatea22, Pisonia
umbellifera, le tou, Cordia subcordata Lam., le tamanu ou ati,
Calophyllum inophyllum, le tima ou pandanus, le mauku, Lepturus
repens R. B, petite graminée très abondante ; le parahirahi,
Heliotropium anomalum H. & A., le horahora, Lepidium piscidum, le
gapata, Scoevola Konigii, et le pokea, Portulacca lutea, plante qui peut
s’accommoder en salade.
Les habitants fabriquaient autrefois des chapeaux et des nattes en
feuilles de pandanus, mais cette industrie a disparu totalement.
Les anciens Indigènes de l’île, alors qu’elle n’était pas plantée de
cocotiers, se nourrissaient de taro, Colocasia antiquorum Schott var.
esculenta Engl. et de ape, Alocasia macrorhiza Schott ; on retrouve
leurs anciennes plantations ou maïte, au village, à nake (partie orientale de l’île) et à tatakoto (partie occidentale) ; ce sont de grandes
tranchées de 6 m de largeur et de 30 m environ de longueur, séparées
les unes des autres par d’étroits sentiers ; ces tranchées étaient creusées
à l’aide de pelles en nacre emmanchée dans une branche de mikimiki.
Faune de l’île
Les scinques à queue bleue Lygosoma cyanurum Lesson, les cénobites ou toti, Cenobita perlata Edw. et quelques oiseaux, parmi lesquels
les torea, Actitis incanus L. ou chevaliers, les kivi, Numenius femoralis Peale ou courlis, les kotuku, Demiegretta sacra Gmel. ou crabiers,
les kaveka, Sterna lunata Peale, émigrés de Pukapuka, et le Tatare longirostris constituent la presque totalité de la faune terrestre de l’île. Les
moustiques sont abondants.
22 Cet arbre, de très haute taille, est encore appelé puka on pukatea dans certaines îles Tuamotu
86
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Le lagon est pauvre en poissons ; le plus commun est le hue,
Tetrodon leopardus Gray abondant au mois de février et de mars. Il
n’existe pas de poissons vénéneux à Fakahina, mais, par contre, on y
trouve le nohu ou pugapuga, Synanceia verrucosa, poisson dont la
piqûre est très dangereuse. Les poulpes (kanoe) sont très communs
dans le lagon.
Marae. Cf chap. Marae des îles orientales des Tuamotu [voir p.
215].
Ile Pukapuka23
L’île Pukapuka, située à cent milles au nord-est de l’île Fakahina,
par 14° 50’ de latitude sud et 141° 07’ de longitude ouest, est plus petite que cette dernière ; elle est remarquable par la grande largeur du
motu, qui atteint 1 km et par sa fertilité ; cette île présente un certain
nombre de bras de mer ou hoa, très peu profonds et fermés, du côté de
la haute mer, par le récif extérieur ; le débarquement se fait sur le récif,
au nord-ouest, en face le village.
La pente qui mène du récif extérieur au motu est formée de sable
à amphistégines (ces dernières extraordinairement abondantes) recouvert de débris de coraux. Le sol du motu est un mélange de sable à
amphistégines et d’humus résultant de la décomposition des végétaux
qui y poussent en fourrés impénétrables. Les végétaux les plus caractéristiques de la flore de l’île sont les gatae24 ou puatea et les tou, dont le
bois est très estimé pour la fabrication des meubles ; le gneogneo,
Tournefortia argentea L., le kohai, Sesbania grandiflora Pers., arbrisseau à fleurs rouges, et le mikimiki sont très communs ; le pandanus
n’existe qu’au motu Farativiri, où est établi le village ; le pokea,
Portulacea lutea, d’une abondance extrême, est d’une grande ressource
pour les habitants de Napuka, établis momentanément à Pukapuka ; ils
font cuire la racine de cette plante et la mangent ; les autres éléments
23 Le nom ancien de l’île Pukapuka est Mahina ou Teonemahina.
24 Les Indigènes de Rarotonga et les Mangaréviens connaissent sous le nom de gatae ou
ngtae, un arbre de la famille des légumineuses, l’Erythrina indica Lam.
87
de la flore de Pukapuka ne diffèrent pas de celles des autres îles
Tuamotu. Malgré sa grande fertilité, l’île n’est plantée que d’un très petit
nombre de cocotiers ; il y a à peine une centaine de ces arbres sur le
motu Farativiri, et quelques autres disséminés sur les autres motu ; l’île
Pukapuka pourrait, si elle était plantée, donner une production en
coprah égale sinon supérieure, à celle de Fakahina.
Une pente douce de sable à amphistégines conduit du motu vers le
lagon.
Lagon
Le lagon de Pukapuka est très petit et peu profond, est divisé en
trois parties par des hauts-fonds et des îlots plantés de gatae, les trois
parties communiquant d’ailleurs entre elles. La zone littorale, assez
large, n’a guère plus de 20 cm de profondeur et est caractérisée par la
présence d’une petite cérithe très abondante C. rugosum Wood var., qui
vit sur le fond de vase calcaire. Au-delà, la profondeur augmente graduellement et on arrive sur des fonds de sable et de vase calcaires où
vivent des bucardes ou pikuku, Cardium fragrum, un lamellibranche,
Circe pectinata Linne, un crabe, Calappa tuberculata Herbst et des
holothuries.
La partie méridionale du lagon est séparée des motu correspondants par une zone extrêmement large, plane, de sable fossile à
Cardium fragrum, Margaritifera panasesae et Orbitolites complanata L., couvert de quelques bouquets de mikimiki et de mauku, très peu
élevée au-dessus du niveau de la mer ; cette zone est bordée du côté du
lagon, par un cordon de coquilles noircies de Cardium fragrum, couvertes à marée haute ; au-delà on arrive sur un fond de sable et de vase
calcaires où abondent les méléagrines à nacre jaune ou pipi,
Margaritifera panasesae jam., Cardium fragrum, Circe pectinata,
Tellina robusta Hanley et une annélide dont les soies produisent une
urtication très vive et persistante quand on la saisit (veri miti). Les
méléagrines, en partie enfoncées dans la vase, sont attachées par leur
byssus à des coraux morts ou plus fréquemment à d’autres coquilles ;
très souvent, elles se fixent à l’intérieur des valves d’autres méléagrines
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mortes. Ces méléagrines à nacre jaune produisent des perles jaune d’or,
plus rarement noires ou blanches ; la proportion des perles est, d’après
ce que nous avons pu constater, de une pour quatre-vingt-dix pipi
ouverts ; quelques unes de ces perles sont assez grosses et d’un bel
orient, mais cet orient s’altère assez rapidement, ce qui diminue beaucoup leur valeur.
Il y a actuellement une centaine de plongeurs (hommes, femmes et
enfants) venus de Napuka, de Fagatau, d’Amanu, d’Hikueru, etc, pour se
livrer à cette pêche qui est d’autant plus facile qu’elle a lieu dans des
fonds de 50cm à 1m50. L’un d’eux a trouvé, d’après son dire, une huître perlière de grande taille dans le lagon de Pukapuka, ce qui indique
que ce mollusque peut vivre dans ce lagon ; toutefois les fonds de vase
calcaire ne sont pas très favorables, vu l’absence de tout support convenable.
Le lagon présente un grand nombre de pâtés couverts de madrépores vivants qui affleurent à marée basse ; il n’y a que deux espèces de
coraux dans le lagon.
Il n’existe pas de tridacnes dans le lagon de Pukapuka ; toutefois
ce mollusque y a existé autrefois, car on rencontre, dans le bras de mer
situé près du village, des récifs aplanis de madrépores avec des tridacnes fossiles, encastrés dans le calcaire corallien.
Les poissons sont très abondants et aucun d’eux n’est vénéneux.
Les algues sont pauvrement représentées ; la plus commune est
une espèce appartenant au genre Amphiroa.
Faune terrestre
Les oiseaux, en particulier les kaveka, Sterna lunata, Peale, les frégates ou kotaha, Tachypetes aquilus, L. et les fous, kariga et kena,
Dysporus, sont d’une abondance extrême à Pukapuka ; les Indigènes
mangent les œufs des kaveka pondus à cette époque (octobre), à même
sur le sol ; on trouve également des tavake, Phaeton rubricauda, des
kivi, Numenius femoralis ou courlis, des torea, Actitis incanus et un
oiseau chanteur, Tatare longirostris.
Les scinques à queue bleue, les kaveu ou crabes des cocotiers
Birgus latro, L., les cénobites C. perlata, Edw. et les tupa Ocypodes, qui
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criblent de trous le sol des motu, les mouches et les moustiques sont à
peu près les seuls représentants, avec les oiseaux, de la faune terrestre.
Les chats sauvages sont très communs dans certains motu. Les mouches
sont d’une abondance extrême au village, à cause de l’habitude singulière qu’ont les Indigènes de laisser pourrir les restes de leur repas,
poissons, tortues et oiseaux, sur le sol, à proximité de leurs cases.
Pêche de la tortue
Les Indigènes qui sont venus s’établir à Pukapuka se livrent également à la pêche de la tortue verte ou honu, Chelonia mydas ; cet animal s’approche des côtes pour venir s’accoupler et pondre ses œufs, à
partir du mois d’octobre ; à cette époque, le groupe des étoiles ou constellation appelée matariki (les Pléiades) se lève à l’est.
Les Indigènes vont, dans leur pirogue, à la recherche des tortues ;
ils les capturent à l’aide d’un fort hameçon en fer, recourbé en forme de
crochet, et les saisissent par le cou, ils les mènent ensuite à terre en leur
soulevant la tête hors de l’eau pour les empêcher de plonger, et les mettent sur le dos, en attendant le moment de les manger. La Tortue verte
donne une écaille de peu de valeur, de beaucoup inférieure, comme
qualité, à celle de la Chélonée imbriquée, qui existe également dans l’archipel des Tuamotu mais y est assez rare.
Ile Fagatau25
L’île Fagatau, située à 40 milles à l’ouest de Fakahina, par 15°52’ de
latitude sud et 143°14’ de longitude ouest, est allongée sensiblement du
nord-est au sud-ouest ; cette île n’a pas de passe et le débarquement se
fait sur la côte occidentale, orienté N.-N.-O.- S.-S.-E ; dans cette région,
appelée Tevairaga Akapua, le motu est excessivement large et une belle
route, de plus de 1 km de longueur, établie sur le sable, mène au village qui se trouve au sud, au fond d’une vaste baie fermée du côté de la
haute mer par le récif, extérieur, et dans laquelle se jettent trois bras de
mer qui la font, communiquer avec le lagon.
25 Le nom ancien de l’île est Marupua.
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L’île est plantée de cocotiers en rapport sur toute son étendue et sa
fertilité est très grande, surtout dans les motu occidentaux et méridionaux, où le sol est formé de sable à amphistégines et à orbitolites ; la
pointe ouest et les régions immédiatement voisines ont seules souffert du
cyclone de 1903. La production de l’île en coprah est absolument nulle,
les habitants consommant tous leurs cocos ; ces fruits constituent, avec
le poisson, les tridacnes et les fruits du pandanus, leur seule nourriture
; ces Indigènes n’ayant aucun besoin, vivent dans l’oisiveté la plus complète, et l’industrie des nattes et des chapeaux en feuilles de pandanus ;
qui leur permettait de faire quelques échanges avec les goélettes de passage, est même sur le point de disparaître ; ils habitent dans des cases
construites en pandanus et, de même que les habitants de Fakahina, ils
ont construit des puits maçonnés qui leur donnent une eau assez potable.
La flore de l’île Fagatau est la même que celles des îles Fakahina et
Pukapuka ; il est à remarquer que les Indigènes de cette île désignent
les plantes sous des noms différent de ceux qu’emploient les autres
Tuamotu : le Tournefortia argentea est nommé par eux piupiu, le
cocotier niu, le Pisonia umbellifera, mahame, etc. ; ce dernier arbre
est assez commun dans l’île, en particulier dans les motu occidentaux
les anciens cultivaient le taro et le ape.
Les tavake ou phaétons à brins rouges, les kaveka, Sterna lunata,
Peale et les kariga, Dysporus ne se rencontrent pas dans l’île ; les courlis et les chevaliers y sont, au contraire, assez communs. Les poissons
abondent dans le lagon, et il n’en existe qu’un qui soit vénéneux.
Lagon
Le lagon présente, à son intérieur, quelques îlots ou plutôt des promontoires partant du rivage et s’avançant très loin, peu élevés au-dessus
du niveau de la mer et formés presque uniquement d’une accumulation
de valves de tridacnes.
Dans la région sud-ouest de l’île, le motu planté de cocotiers et le
lagon sont séparés par une zone très large, plane, à peine élevée au-dessus du niveau de la mer, formée par des madrépores morts en place, du
sable et des coquilles de tridacnes ; les littorines vivantes, Littorina
91
obesa se rencontrent dans cette zone en nombre considérable. Au-delà,
on arrive sur une bordure formée par une accumulation de valves de
bénitiers, en avant de laquelle la profondeur tombe brusquement.
Dans la région littorale, peu profonde du lagon on rencontre la
Margaritifera panasesae, Jam., associée aux chames et aux tridacnes ;
les coquilles vides des bénitiers et des autres mollusques sont toutes
couvertes de nullipores, algues très abondantes dans le lagon ; nous
avons rencontré trois algues vertes dans cette zone littorale. Les mollusques les plus communs, après les tridacnes et les méléagrines à nacre
jaune sont Circe pectinata, L., Cytherea obliquata, Hanley, Cardium
fragrum, L. Conus hebraeus, L., Astralium petrosum, Martyn,
Modulus tectum, Gmelin, Turbo setosus, Gmel., et le Vermetus à tube
noir-bleu.
Le fond du lagon est formé de sable et de vase calcaires sur lequel
vivent des madrépores branchus, des chames et des tridacnes ; les
coraux y sont beaucoup mieux représentés qu’à Fakahina et à
Pukapuka ; on n’y trouve pas de millépores, pas plus que dans ces deux
dernières îles. Les bras de mer ou hoa qui font communiquer cette partie du lagon avec la baie du sud de l’île sont très peu profonds, et le fond,
dans ces endroits, est littéralement pavé de tridacnes de petite taille et de
méléagrines à nacre jaune, associées à des cyprées minuscules Cypraea
caput-serpentis, L. ; les oursins, les synaptes, les holothuries et les
cénobites y sont assez communs.
Les habitants de Fagatau prétendent que l’huître perlière
Margaritifera margaritifera, var. cumingi, Reeve n’existe pas dans leur
lagon ; nous avons cependant rencontré ce mollusque dans un de ces
bras de mer, le spécimen que nous avons vu étant une jeune méléagrine
mesurant 5 cm de diamètre et attachée à une valve d’une coquille vide
de tridacne. Le lagon de Fagatau se prêterait beaucoup mieux encore
que ceux de Pukapuka et de Fakahina à l’élevage de ce mollusque.
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Marae
Coutumes anciennes
Quelques autels, ou marae, existent dans l’île, mais ils sont en mauvais état de conservation et ont été en partie détruits ; le mieux conservé est celui de Ramapohia, situé à Matiuga au milieu d’une riche végétation de cocotiers et de gatae ; ce marae est remarquable par l’existence de pierres sculptées, ou dalles de calcaire corallien taillées et, ayant
vaguement une forme humaine, mesurant de 1m60 à 2 m de hauteur et
plantées verticalement, qui représentent la divinité
Les habitants ont tous de grands hameçons en bois de mikimiki,
avec lesquels ils capturent les requins : leurs ancêtres se servaient
d’hameçons à pointe courbée en dedans, en nacre ou en écaille de tortue ; ces hameçons sont encore en usage à Napuka. Leurs pirogues, de
même qu’à Nukutavake, sont formées de plusieurs pièces réunies, ou
plutôt cousues ensemble par des cordes en nape ou fibres tirées de la
noix de coco ; on peut encore voir, bien qu’il soient devenus rares, les
outils dont se servaient les anciens Tuamotu pour confectionner et
réparer leurs bateaux, ils calfataient ceux-ci en se servant d’une côte de
baleine (parahua), taillée en biseau à l’une de ses extrémités, et appelée karahi, sur laquelle ils frappaient à l’aide d’un marteau (putuatua)
en bois de mikimiki ; il se servaient de sortes de clous, ou tikau, faits
avec le bois du même arbuste, pour boucher les trous de leurs pirogues.
Des pêcheries fixes sont installées dans le lagon, près du village ;
une petite baie est fermée, du côté du large, par une jetée de blocs de
madrépores, qui ne laisse libre qu’une très faible ouverture ; en arrière de cette jetée et parallèlement à elle se trouve une barrière formée par
des pieux en mikimiki, dont les intervalles sont comblés par des valves
de tridacnes accumulées ; des barrages en blocs de madrépores et valves de tridacnes dont la direction est oblique à celle de la jetée permettent au poisson de s’avancer, mais non de revenir en arrière ; finalement, celui-ci arrive dans une chambre, fermée en arrière par un barrage oblique, le faible espace laissé libre entre la jetée extérieure et ce
barrage qui permet l’entrée du poisson pouvant être fermé par des touffes d’herbes. Quand un banc de poissons s’aventure dans la chambre
93
extérieure, il est chassé par les hommes ou les enfants et amené dans la
chambre terminale, dont l’entrée est fermée à ce moment ; cette pêche
est fructueuse
Les faits qui précèdent montrent que les trois îles Fakahina, Fagatau
et Pukapuka sont appelées à un certain avenir économique ; les deux
premières sont plantées entièrement de cocotiers et Fakahina est l’une
des îles les plus productives de l’archipel en coprah ; la fertilité exceptionnelle de Pukapuka permet de fonder les plus grandes espérances
sur l’avenir de la culture du cocotier dans cette île;
Enfin, les lagons de ces trois îles, et surtout celui de Fagatau, se
prêteraient à l’élevage de l’huître perlière.
Hao, le 26 octobre 1904.
P
Vilebrequin
des anciens Paumotu
A
94
P, plateau de bois servant de volant.
A, aiguillon caudale de Trygon.
L’appareil est représenté
prêt à fonctionner,
il suffit d’appuyer sur la baguette
horizontale.
(voir p. 232)
Espèces récoltées
et étudiées
Observations sur les cénobites
Cenobita perlata Edwards26
Les Cénobites Cenobita perlata Edwards, crustacés adaptés à la vie
terrestre, sont d’une abondance extrême dans toutes les îles basses ou
motu (prononcer motou) des archipels des Gambier (Mangareva) et
des Tuamotu ; dans beaucoup de ces îles, qui sont inhabitées, ils constituent avec les oiseaux de mer les représentants les plus importants de
la faune terrestre. Les Indigènes les recherchent comme appât pour la
pêche ; ils cassent la coquille qui les abrite et prennent l’abdomen du
cénobite qu’ils amarrent à l’hameçon ; nous avons pu constater que la
plupart des poissons des lagons sont très friands de cette nourriture et
que cet appât est l’un des meilleurs.
Les Tahitiens désignent ce crustacé sous le nom de Uà, les
Indigènes des Tuamotu le nomment toti et les Mangaréviens uga (prononcer Ounga) ; il est intéressant de noter que les Indigènes de Funafuti
(Archipel des Ellice) nomment ounga koula (koula se dit kura à
Mangareva et signifie rouge) le Cenobita olivieri Owen.
Nous avons eu l’occasion d’étudier les mœurs des uga aux motu ou
tekau (îles basses) de l’archipel des Gambier, à l’île Temoe (inhabitée)
et plus récemment nous avons vécu, pendant plus d’un mois, au milieu
de ces animaux, dans l’île inhabitée de Marutea du sud ; nous allons
relater ici les différentes observations que nous avons pu faire, les
concernant.
Les uga adultes, de couleur rouge sombre on rouge vif, abritent
leur abdomen dans des coquilles de turbo, à l’intérieur desquelles ils
peuvent rentrer entièrement ; ils passent la journée au pied des pandanus, le plus souvent logés entre le tronc et le faisceau de racines adventives de la base, quelquefois ils montent sur un arbre, de préférence sur
les purau Hibiscus tiliaceus ou les cocotiers, et y reposent. Les spécimens plus jeunes habitent des coquilles plus petites, dont la grandeur est
proportionnée à leur taille ; quand on arrive au motu de Taraouroa
26 Extrait du Bulletin d’histoire naturelle 1904, n°5, pp. 238-242
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(Gambier), par exemple, venant de Rikitea, on trouve un cordon de
coquilles sur le sable, marquant la limite des hautes mers, toutes étant
habitées par de jeunes Cenobita perlata de couleur vert très clair, ne
présentant que quelques taches rouges près des articulations des articles
des pattes ; la plupart de ces coquilles sont en très bon état et pourraient figurer dans les collections ; on trouve ainsi Littorina obesa qui
est si commune sur les récifs, Nerita maxima, Nerita plicata, Echinella
coronaria Lamk., des scalaires, des cassidaires, des cyprées, etc. Si on
examine les buissons de huhu Suriana maritima L. et de miki-miki
Pemphis acidula Forst. qui garnissent la crête de sable intérieure du
même motu, on retrouve sur le tronc et les rameaux de ces arbustes, les
mêmes coquilles abritant les mêmes cénobites jeunes.
Pour trouver les formes plus jeunes de Cenobita perlata, il faut
aller sur le récif extérieur ou sur le rivage du lagon et soulever les pierres découvertes à mer basse ; ces jeunes uga mènent une existence
aquatique et logent dans de petites coquilles de Nerita maxima et de N.
plicata, dans des coquilles de Cerithium rugosum Wood. var., de
Littorina obesa, etc.
Les cénobites adultes affectionnent les coquilles de Turbo setosus
Gmel. qui sont si abondants sur le récif extérieur et dans le lagon ; il est
rare de les trouver dans des coquilles de cassidaire ; les spécimens de
moyenne taille choisissent les coquilles qui se présentent, la coquille
adoptée étant généralement la plus commune de l’endroit : c’est ainsi
qu’à Marutea, les coquilles les plus recherchées sont celles de l’Echinella
coronaria, gastéropode très commun sur les plateaux de madrépores
morts qui limitent la crête extérieure des motu ; ensuite viennent les
coquilles de Littorina obesa ; les uga de plus grande taille, mais non
adultes, prennent le plus souvent des coquilles de natices, de cassidaires
(cas fréquent à Marutea du sud), de murex ou de jeunes turbo.
Dans les motu très fréquentés par l’homme, les cénobites adultes
vivent cachés pendant le jour et ne commencent guère à chercher leur
nourriture qu’à la tombée de la nuit. Dans les îles ou motu inhabités, ces
animaux sont moins craintifs et se hasardent à sortir pendant le jour ; toutefois ou peut dire que les cénobites sont plutôt des animaux nocturnes.
97
Quand on prend un uga à la main, il rentre dans sa coquille-abri et
replie ses membres de telle sorte que la pince gauche vienne fermer l’orifice de la coquille, la dernière patte thoracique gauche recouvrant
cette pince à angle droit. Les pattes thoraciques sont munies, à leur
extrémité, d’une forte griffe et cette disposition permet à ces animaux de
monter ou de descendre le long, d’une paroi verticale, telle qu’un tronc
d’arbre ou le pied d’une table. Un cénobite qui descend, tête première,
le long des pieds d’une table ne tombe pas sous l’action d’une violente
secousse, telle que celle résultant de la chute d’un corps de même poids
que lui (un autre cénobite) attaché à sa patte postérieure et tombant,
sans arriver à terre, d’une hauteur de 50 cm.
Quand un uga veut déambuler, il sort en partie de sa coquille ;
quelquefois celle-ci est renversée de telle sorte que son ouverture soit en
haut ; dans ce cas, le cénobite, en sortant, la fait basculer par son propre poids et, saisissant avec les griffes des dernières pattes thoraciques,
qui sont les dernières à toucher le sol, les objets qui sont à sa portée, il
se relève et ramène sa coquille à lui ; la coquille des jeunes spécimens
bascule moins facilement, le crustacé, étant trop léger par rapport à son
abri, et alors l’animal sort la plus grande partie de son corps de la
coquille, jusqu’à ce que ses dernières pattes thoraciques arrivent sur le
sol et saisissent un objet à portée qui lui permette de se relever. Les
cénobites sont très circonspects et ne sortent de leur retraite qu’après
avoir constaté qu’aucun bruit insolite ne se produit aux environs.
On peut extraire les uga de leur coquille en saisissant la partie antérieure du céphalothorax et en leur faisant subir un mouvement de rotation de sens contraire à l’enroulement de la coquille, c’est-à-dire dans
le sens des aiguilles d’une montre et en tirant ensuite ; on arrive au
même résultat en plaçant la coquille-abri au-dessus de la flamme d’une
lampe : dans ce dernier cas, le crustacé quitte volontairement son
domicile et s’enfuit sans sa coquille. Certains individus de cénobites,
replacés dans leur coquille, la reprennent et s’enfuient avec elle ; d’autres refusent de la reprendre, la quittent quand on les pose à terre et
s’enfuient rapidement sans elle.
La coquille-abri renferme toujours une petite provision d’eau de
mer, que le crustacé laisse échapper quand on le tracasse ; cette eau est
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N°296-297 • Février-Juin 2003
destinée à mouiller les branchies ; tous les soirs, à la tombée de la nuit,
les cénobites viennent sur le rivage du lagon, au prix souvent de beaucoup d’efforts, ayant quelquefois 200 m de chemin à faire au milieu de
blocs de coraux et, cheminant sur le littoral, se laissent mouiller par les
vagues pour renouveler leur provision d’eau ; au bout de quelques
minutes, ils remontent la pente qui mène à la crête intérieure du motu
et regagnent celui-ci. En rentrant de nos courses sur le lagon (Marutea
du sud), nous trouvions chaque soir les pentes limitant les motu garnies
de ces cénobites. Quand on veut garder ces animaux en captivité,
comme le font les Mangaréviens qui désirent avoir toujours sous la main
des appâts pour la pêche, il est essentiel de mettre à leur disposition un
récipient bas, contenant de l’eau de mer fréquemment renouvelée. Nous
avions placé trois uga dans une caisse, en ayant soin de leur donner a
manger, mais de ne pas leur donner d’eau de mer ; deux ont réussi à
s’évader au bout de quelques jours, le troisième a vécu ainsi, sans
renouveler sa provision d’eau, pendant deux semaines, puis a quitté sa
coquille et a été alors dévoré par un rat.
Les cénobites sont omnivores ; quelques-uns, plus familiers, assistaient à notre repas de la journée, mais, le soir venu, nous étions littéralement envahis par eux, et ce n’était qu’un bruit confus de débris de
coraux remués autour de nous ; les plus hardis grimpaient sur les
tables ; tout ce qui constituait notre repas leur était bon. Les uga savent
distinguer, parmi les aliments qu’on leur jette, quels sont ceux qui leur
conviennent le mieux ; leur odorat est très développé, et il nous suffisait
de faire quelques repas consécutifs au même endroit pour les voir se
rassembler autour de nous ; à notre arrivée, nous en avions trouvé
quelques-uns, au bout de deux jours, nous en étions envahis.
Les cénobites se servent de leurs pinces pour la préhension des aliments et mangent à la façon des crabes : quand la proie qui leur est
offerte est de faible dimension, ils la mangent sur place ; quand au
contraire, elle est volumineuse (par exemple, un morceau de noix de
coco), ils la saisissent avec leurs pinces et se sauvent pour aller la
cacher ; il est rare qu’en route ils ne rencontrent pas d’autres cénobites disposés à la leur voler : l’agresseur, attend sa victime au passage,
court derrière elle et, saisissant sa coquille avec ses pinces, la renverse
99
sur le dos ; le cénobite ainsi attaqué cache son butin le mieux qu’il peut
entre ses pinces et la coquille et se défend avec ses autres pattes ; souvent l’agresseur se décourage et abandonne la lutte, mais quand il y a
disproportion de taille en sa faveur, il s’empare de la proie et se sauve
avec elle.
Quelques uga, en particulier ceux de taille moyenne, sont peu
farouches et prennent la nourriture qu’on leur offre, même quand on les
tient dans la main. La nourriture habituelle des cénobites est le fruit du
pandanus. Dans quelques motu, en particulier dans la partie occidentale de Puamu, île basse située au N. E. de l’île Marutea, la végétation est
très pauvre et les cénobites n’ont guère d’autre alimentation que des
brindilles sèches de Pemphis acidula et des excréments d’oiseaux.
Les uga sortent de leur coquille pour rejeter leurs excréments,
quand on les enferme dans une boîte dont le fond est un grillage métallique, on trouve le matin les excréments qui sont tombés à terre, ayant
passé à travers le grillage ; la coquille est d’ailleurs toujours propre à
l’intérieur.
Aux mois d’août et de septembre, lors de notre premier séjour à
Marutea, les uga n’avaient pas encore pondu leurs œufs ; en décembre
dernier, nous avons rencontré des uga femelles portant leurs œufs fixés
sur les pattes abdominales (qui sont très développées chez la femelle) à
l’intérieur de la coquille ; ces œufs se développent à l’intérieur de la
coquille, la femelle ne modifiant en rien son existence terrestre et sont
expulsés en mer à un stade avancé. Nous avons dit, au début de cette
note, que les très jeunes individus vivaient sous les pierres du littoral.
Les cénobites ont des concurrents et des ennemis ; parmi les premiers, il faut citer les rats avec lesquels ils disputent leur nourriture ; les
rats ne leur peuvent guère d’ailleurs faire beaucoup de mal ; par contre, les cénobites ne sont pas lents à dévorer leurs concurrents, quand
ceux-ci sont morts ou très malades. Un des ennemis les plus curieux des
uga est le courlis Numenius femoralis Peale ou kivi des Indigènes des
Tuamotu et des Gambier ; pour s’emparer de ce crustacé, dont il est très
friand, il saisit la coquille avec son bec, après avoir frappé le cénobite
100
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pour le forcer à rentrer, et le jette avec force sur un des nombreux blocs
de madrépores qui encombrent le sol des motu, jusqu’à ce qu’elle
casse ; il mange alors l’abdomen et laisse les débris de la carapace à
côté de ceux de la coquille.
Dans les motu orientaux, de l’île Marutea du sud, dans les motu de
l’île Temoe et dans beaucoup d’îles des Tuamotu (en particulier à
Moturevavao), les cénobites ont pour compagnons les crabes des cocotiers Birgus latro L., que les Tahitiens appellent ua vahi haari (crustacé qui brise les cocos), les Indigènes des Tuamotu, kaveu et ceux des
Gambier, koveu. Ces crustacés vivent, pendant le jour, cachés dans des
trous creusés dans le sol. Tous les Indigènes sont unanimes à dire que
les kaveu grimpent sur les cocotiers et en font tomber les fruits, qu’ils
décortiquent et ouvrent avec la plus grande facilité. M. Ch. Hedley, dans
son Ouvrage sur l’atoll de Funafuti (p. 128), dit que le cocotier étant un
arbre introduit dans les îles de la Polynésie, à une date relativement
récente, la nourriture primitive du Birgus latro est probablement le fruit
du pandanus, la préférence du Birgus pour la noix de coco s’étant développée dans les temps historiques. A l’appui de cette manière de voir, on
peut signaler qu’à l’île Temoe, ou il n’y a guère que deux ou trois cocotiers, les crabes des cocotiers, qui sont très abondants, vivent dans des
motu ou îles basses (grand motu septentrional) où il n’y a pas de cocotiers, mais seulement des pandanus, du huhu, Suriana maritima L. et
du miki-miki, Pemphis acidula ; dans ce motu, ou trouve les kaveu
sous les pandanus, et la seule nourriture qu’ils aient à leur disposition
est le fruit de cet arbre.
Les kaveu se rendent à la mer le soir pour mouiller leurs branchies. Leur mue a lieu, aux Tuamotu, au mois d’octobre. A ce moment,
ils s’enferment dans leur trou pour échapper aux rats et aux cénobites
et n’en sortent que quand leur carapace nouvelle est calcifiée. La mue
des uga a lieu à la même époque.
Les Mangaréviens et les Tuamotu sont très friands de la chair de ce
crustacé, qu’ils font cuire sur des pierres chauffées. Certains Indigènes
des Tuamotu, en particulier ceux de Tureia, mangent les cénobites.
101
BIBLIOGRAPHIE
Ch. HEDLEY. The Atoll of Funafuti, Sydney, 1896-1900 ; p. 64, p. 127-128.
WENSTEN. Last Cruise of the Wanderer, Sydney (n.d.), p. 55.
L.-G. SEURAT. Observations sur les îles basses de l’archipel des Gambier, Papeete,
Imprimerie du Gouvernement, 15 janvier 1903.
L.-G. SEURAT. Observations sur la structure de l’île Temoe, Papeete, Imprimerie du
Gouvernement, 1er mai 1903.
L.-G. SEURAT. Observations sur la structure, la faune et la flore de l’île. Marutea du
sud (Archipel des Tuamotu), Papeete, 1904.
Hameçon composé
à Ruvettus (28-A.L.)
Voir pp 307-309
NOTE : M. L.- A. BORRADAILE a publié récemment un mémoire sur l’organisation et les habitudes des Cénobites (Fauna and Geography of the Maldives and Lacedive Archipelagoes, vol. 1,
part. I, 1901).
102
N°296-297 • Février-Juin 2003
Observations sur la propagation
de la maladie des cocotiers aux îles Tuamotu27
Depuis plus de vingt ans, les cocotiers de l’île Tahiti sont attaqués
par une cochenille, l’Aspidiotus destructor Signoret, qui y a fait des
dégâts autrefois ; cet insecte a été décrit à Papeete sous le nom
d’Aspidiotus vastatrix.
La maladie a occasionné de grandes pertes lors de son apparition,
mais peu a peu, les arbres se sont habitués à elle, et ne paraissent pas
en souffrir beaucoup ; nous avons pu constater, à Taravao, que les cocotiers atteints donnent des fruits.
Il n’en est pas de même dans la plupart des îles Tuamotu, où les
dégâts sont, au contraire, très graves depuis quelque temps ; la maladie,
s’abattant sur des arbres sains, en tue un certain nombre et réduit à peu
près à néant le rendement de ceux qui résistent.
Nous avons trouvé la maladie en pleine activité dans les îles du
nord-ouest de l’archipel : Tikehau, Makatea, Kaukura, Toau, Fakarava,
et dans quelques îles centrales, Makemo et Raroia ; les îles Fakahina,
Fagatau, Hao28, Amanu, Hikueru, Tauere, en sont encore indemnes.
L’Aspidiotus destructor se propage d’île en île, sans que rien ne
soit fait pour l’arrêter. Le mode de transmission le plus efficace de la
maladie, est le colportage, à bord des cotres ou des goélettes qui naviguent dans l’archipel, de noix de coco non décortiquées, celles qui ne
sont pas consommées en route étant débarquées à l’arrivée, ou encore
le colportage des plantes vertes.
L’Aspidiotus destructor s’attaque en effet à toutes sortes de plantes ; le purau (Hibiscus tiliaceus) est rarement atteint ; au contraire,
les feuilles du tou (Cordia subcordata L.) sont quelquefois entièrement
recouvertes par les coques de cet insecte.
La situation géographique des îles Tuamotu, généralement situées à
27 Archives Seurat Br 4 N° 34
28 Le seul ennemi du cocotier à Hao est une Tinéide dont la chenille s’attaque aux feuilles.
103
plus de 40 milles les unes des autres, se prête admirablement aux
mesures qui pourraient être prises en vue de circonscrire la maladie.
La mesure la plus simple consiste à établir la liste des îles atteintes
et à empêcher, de la façon la plus rigoureuse, le colportage des noix de
coco non décortiquées, des plantes vertes et des paniers en feuilles de
cocotier provenant de ces îles.
Il est utile de faire remarquer que les Indigènes accepteraient très
volontiers une semblable mesure, si on leur en faisait ressortir la nécessité ; c’est ainsi que les Indigènes des îles Takoto et Fakahina s’opposent, de la façon la plus rigoureuse, à l’introduction de toute plante
vivante, y compris les taro Colocasia esculenta, dans leur île.
Nous n’avons pu qu’approuver les habitants de l’île Fakahina de
cette heureuse initiative, qui s’impose dans une île ou la seule ressource est le cocotier, la production moyenne annuelle de coprah y atteignant 200 tonnes.
Il est a souhaiter que ces mesures se généralisent, si on veut arrêter ce fléau qui parait vouloir s’abattre sur l’ensemble des îles Tuamotu.
104
N°296-297 • Février-Juin 2003
Travaux effectués à Paris par les correspondants
du Museum à partir des récoltes de Seurat
Enumération des champignons de Tahiti,
des Tuamotu et des Gambier29
Dans une précédente notice30 nous avons indiqué un certain nombre d’espèces intéressantes, récoltées par M. SEURAT aux îles Gambier ;
dans le présent travail nous donnons l’énumération complète des
champignons recueillis par ce collecteur, au cours d’une mission dans
les îles françaises de l’Océanie.
Les recherches ont été effectuées :
1° à Tahiti (Papeete, vallée de Papenoo, Papenoo, Taravao) ; 2°
dans l’archipel des Tuamotu (Tikahau, Apataki, Kaukura, Fakarava,
Kauehi, Hao, Fakahina et Marutea du sud) et enfin 3° aux Gambier (île
de Mangareva avec Rikitea et Taku et îles Basses des Gambier).
Le sol de ces petites îles, si on excepte celui de Tahiti, est très pauvre en humus, dépourvu de forêts et par suite peu favorable au développement des grands champignons terrestres, aussi notre lot ne renferme
guère que des espèces arboricoles.
Basidiomycètes
Auricularia Bull.
A. auricula Judae (Linn.).
A. polytricha (Mtg.) - Ces deux espèces sont fréquentes partout sur les bois morts. Elles
sont utilisées comme aliment par les Indigènes.
Uredo Pers.
U. fici Cast. - Sous les feuilles du Ficus carica cultivé dans les jardins à Rikitea.
Mapea n. gen.
Hab. Roruru, Rikitea.
Ce curieux champignon se présente disséminé à la surface des gousses de l’Inocarpus,
sous l’aspect de rosettes ocracées entourées par les débris de l’épiderme soulevé ; elles sont larges de 5 à 7 mm, solitaires ou rapprochées par petits groupes de trois ou de quatre et ressemblent à la loupe à un thalle minuscule de Riccia. D’une portion centrale nue et lisse, partent des
plis ou sillons rayonnants, limitant des lobes cunéiformes, ordinairement arrondis à l’extrémité
29 Extrait du Bulletin de la Société Mycologique de France - Tome XXII, 1er Fascicule ; pp. 1-18
30 Description de quelques champignons nouveaux des îles Gambier : Bulletin de la Soc.
Mycol. de Fr., [1904], p. 135.
105
libre, parfois tronqués ou incisés plus ou moins profondément et paraissant fourchus. Leur surface est convexe, plane ou canaliculée. Dans la décrépitude, les lobes se séparent les uns des autres et ne sont plus fixés qu’à la portion centrale.
Toute la face supérieure du sore est couverte de fructifications, aussi bien dans la portion
centrale lisse, que sur les lobes ou que dans les sillons qui les séparent.
Les parties profondes sont constituées par un pseudo tissu incolore, formé de cellules
petites et anguleuses. De cette assise celluleuse s’élèvent un grand nombre de filaments dressés,
hyalins, simples qui portent à leur sommet une spore ovoïde, fauve pâle, verruculeuse, ressemblant à toutes les spores d’Uredo. La création d’un genre distinct pour une forme Uredo peut
sembler peu rationnelle. Cependant les caractères du réceptacle dans le Mapea sont tellement
spéciaux et différents de ce qu’on observe d’ordinaire chez les Urédinés, que nous croyons
devoir faire de ce champignon le type d’un groupe particulier.
La désignation de Mapea est tirée du mot mape par lequel les Indigènes Mangaréviens
désignent l’Inocarpus edulis.
Heterochaete Pat.
H. leveillei Pat. Bull. Soc. Myc., 1894, p. 75.- Sur les branches mortes. Tahiti.
Guepiniopsis Pat.
G. spathularius (Schw.). - Fréquent sur le bois mort. Tahiti (vallée de Papenoo).
Cyphella Fr.
C. P. pandani n. sp. - La forme, la disposition pendante, nous font placer cette plante
dans le genre Cyphella, mais la consistance charnue-indurée, l’aspect des basides et des poils
cystidiformes qui ornent la marge et la face stérile, nous conduiraient plutôt à en faire le type
d’un genre spécial, que l’absence des spores nous empêche de caractériser.
Polyporus (Fr.).
P. rugulosus Lév. - Sur les souches. Tahiti (Papenoo). Mangareva (Rikitea).
Hexagona Fr.
H. seurati. n. sp. (fig. 2). - Plante de 6cm de diam., onguliforme, à marge très obtuse
et arrondie, insérée sur un bouclier décurrent également obtus et dépourvu de pores ; la surface du chapeau est lisse, soyeuse au toucher, presque glabre et de couleur bois pâle ; les alvéoles sont peu profondes, anguleuses, glabres et séparées par des cloisons rigides à tranche entière et épaisses ; le tissu de même couleur que le chapeau est subéreux et montre quelques cercles concentriques.
Cette espèce ressemble à H. gunii Berk. par sa forme, mais elle n’a pas la surface réticulée-scabre et comme vernissée de cette dernière, sa trame est aussi beaucoup plus pâle et ses alvéoles bien moins profondes. Elle ne peut être comparée à H. vespacea Fr. (Polyporus vespaceus
Pers.), qui, d’après les spécimens originaux conservés dans l’Herbier du Muséum, est une petite
plante mince à surface couverte d’un tomentum court et rude, portant des zones étroites, nombreuses, peu marquées et dont les alvéoles sont séparées par des cloisons molles et sétuleuses.
H. nigro-cinctan. sp. Hab. ad truncos. Rikitea.
Plante rigide, d’environ 10 cm de diamètre, épaisse en arrière de 1 cm : alvéoles de 2
mm de large.
Trametes Fr.
T. atra n. sp. - Hab. troncs. Tahiti. - Espèce analogue à Tr. bicolor (Jungh.) ; elle en diffère par ses pores beaucoup plus petits et s’étendant jusqu’au bord même du chapeau, par sa
croûte noire recouvrant toute la face supérieure jusqu’à la marge et par sa consistance plus dure.
T. mulleri Berk. - Sur le stipe des cocotiers morts. Mangareva.
106
Bulletin de la Société mycologique de France, t. 12 pl. II.
Hexagona nigro-cincta (faces supérieure et inférieure)
T. coccinea Fr. Nov. Symb., p. 67. - Sur le tronc des pandanus, Tahiti ; motu de
Taraouroa (Gambier).
Espèce voisine de Tr. cinnabarina Jacq. ; elle s’en distingue aisément par la couleur alutacée du chapeau et sa trame pâle marbrée de rouge. Les pores sont analogues à ceux de T. cinnabarina.
T. decussatan. sp. -troncs de cocotiers. Hao. Plante de 20 cm de large, 15 cm de long,
épaisse de 6-10 cm en arrière, à marge droite, obtuse arrondie (1 cm), remarquable par un
large bouclier semi-orbiculaire décurrent en arrière et couvert de pores. La face supérieure du
chapeau est marquée en avant de sillons vagues ; sa portion postérieure bombée-pulvinée est
séparée de la partie antérieure plane par un sillon profond et est couverte d’un réseau de larges
pores superficiels paraissant stériles. Affine a Tr. marchionica Mtg., elle est bien caractérisée
par son large bouclier postérieur. Elle est désignée par les Indigènes sous le nom d’“oreille de
rat” (tariga kiore).
Coriolus Quel.
C. elongatus (Berk.). - Commun sur les souches. Tahiti.
Phellinus Quél.
P. ferruginosus (Fr.). - Sur le bois mort. Papenoo.
Hymenochaete Lév.
H. corticolor Berk et Rav. - Sur les rameaux tombés. Tahiti.
Ungulina Pat.
U. obesa n. sp. - Hab Cocos nuciferae Apataki. Superbe champignon, très lourd, sessile-dimidié, décurrent en arrière, très épais (10 cm), arrondi, à marge très obtuse, à trame dure
; blanchâtre, fibreuse marquée de stries rayonnantes et zonée de cercles concentriques nombreux étroits et de même couleur. Chapeau glabre, de 15 cm de long et autant de large, couvert
d’une cuticule lisse, non séparable, de couleur citrine puis fauve ou rousse. Tubes très courts,
blanchâtres ; pores petits, arrondis, séparés par des cloisons minces et entières. Analogue à U.
officinalis Fr. par le port et la texture et comparable à U. colossa Fr., U. portentosa Berk., U.
eucalyptorum Fr., etc.
U. spermolepidis Pat. var. pandani. - Un spécimen unique recueilli à Papeete sur un
tronc de pandanus ne paraît pas devoir être séparé de U. spermolepidis : il en diffère seulement par ses pores entiers et non dentelés et par sa trame d’un blanc moins pur.
Ganoderma Karst.
G. lucidum (Leys.). - Sur les souches. Tahiti.
Laschia Fr.
L. cuticularis (Lev.) (Meruluis) ; L. Celebensis Pal. - Sur les souches de bambou.
Taravao.
Schizophyllum Fr.
S. commune Fr. - Sur l’arbre à pain, l’Hibiscus tiliaceus, etc. Mangareva. Tahiti.
Pleurotus Fr.
P. tahitensis s. sp. – Tahiti, Fakarava, Tikahau - Plante de 8-10 cm de large, 6cm de
long, imbriquée, à chapeau non marginé en arrière. Affine à P. ostreatus Jacq.
Volvaria Fr.
V. volvacea (Bull) ; V. taylori Berk. - Sur souches pourries de bananier. Papeete.
Spécimens exactement semblables à la plante d’Europe. Volve fuligineuse en dehors ; chapeau
strié, vergeté de ligne brunes. Spores ocre-rougeâtre en tas, 7-8 x 5-6 µ.
108
Bulletin de la Société mycologique de France, t. 12 pl. I.
1. Mapea radiata n. sp.
2. Hexagona seurati n. sp.
3. Seuratia coffeicola n. sp.
4. Seuratia vanillae
Mycena Fr.
M. stylobates (Pers.).- Sur le bois pourri, Taravao.
Panaeolus Fr.
P. campanulatus (L.).- Sur les fumiers. Tahiti.
Dictyophora Desv.
D. phalloidea Desv. - Sur la terre. Taravao.
Lycoperdon Tourn.
L. acuminatum Schw. var. seurati. - Sur l’écorce des arbres dans la mousse. Rikitea.
Ascomycètes
Ciliaria Quel.
C. cocoes n. sp.- Hab. ad troncs pourris Cocos nuciferae. Taravao.
Cupules éparses, de 2-3 mm de diam., d’abord globuleuses puis étalées ou convexes ;
thèques 250 x 15 µ ; paraphyses septées, linéaires, renflées au sommet en une massue épaisse de 10µ ; spores couvertes de grosses verrues arrondies, contenant deux gouttelettes brillantes et mesurant 18-20 x 10 µ ; poils externes brun-jaunâtre atteignant 0,5 mm de longueur sur
± 20 µ de largeur, septés et aigus à l’extrémité. Espèce voisine de C. livida (Schum.) ; elle en
diffère pas ses spores à grosses verrues, ses poils aigus très allongés, etc.
Helotium Fr.
H. fusco-brunneum Pat. et Gaill. - Sur débris de bois pourris. Rikitea.
Triblidiella Sacc.
T. rufula (Spreng.). - Sur le tronc du citronnier. Tahiti.
Triblidium Duf.
T. pandani n. sp.- Hab. feuille de pandanus. Rikitea.
Seuratia Pat.
S. coffeicola Pat. - Sur les feuilles vivantes du caféier, du vanillier, du goyavier, du manguier, du nono Morinda citrifolia, des Anona muricata et squamosa et du Citrus dulcamara.
Mangareva, Tahiti (fig. 3).
Cette curieuse espèce se présente avec les mêmes caractères sur ses différentes plantes
nourricières. Les spécimens luxuriants atteignent jusqu’à 1 cm de diamètre ; ils ont alors
l’aspect d’un thalle fruticuleux étalé en rosette sur la feuille et fixé par un petit épatement orbiculaire. Les rameaux sont simples ou fourchus, ou irrégulièrement divisés et leurs divisions ultimes ont l’extrémité obtuse ou étirée en pointe. Les thèques sont groupées dans des renflements
du thalle dont la position sur celui-ci est très variable : tantôt, et c’est le cas le plus simple, le
renflement fertile est unique et se trouve au point de confluence des rameaux, tantôt au contraire ce point de confluence est stérile et les renflements sont distribués sur les rameaux euxmêmes au nombre de 1, 2 ou 3, toujours insérés dans le sens de l’axe sur la face supérieure
regardant le ciel. Les portions ascigères sont arrondies ou un peu déprimées et toujours parfaitement astomes ; leur constitution est la même que celle des autres parties du rameau, sauf
qu’elles renferment un grand nombre de thèques placées côte à côte, immédiatement au-dessous de la pellicule gélatineuse de la plante.
La déhiscence en forme de crevasse linéaire que nous avons observée sur nos échantillons
primitifs ne se montre pas toujours ; dans beaucoup de cas nous ne l’avons pas retrouvée et la
surface des rameaux se montre parfaitement continue. Enfin nous avons rencontré quelques
ramifications qui portaient à leur face supérieure une série de petits pores elliptiques disposés
dans le sens de l’axe et sur une même ligne ; la marge de ces ouvertures est fimbriée par des
110
N°296-297 • Février-Juin 2003
filaments qui rayonnent vers le centre du pore et qui sont composés d’articles moniliformes gélatineux, d’autant plus petits qu’ils sont plus rapprochés de la partie médiane. Ces ouvertures ne
correspondent nullement aux portions ascigères et leur rôle nous est encore inconnu.
Les affinités de Seuratia sont encore obscures ; les analogies avec Capnodium sont très
grandes ; le thalle rameux du premier correspond au réceptacle branchu du second et l’un et
l’autre possèdent des renflements ascigères placés en des points variables des rameaux ; d’un
autre côté, les deux genres diffèrent abondamment par la nature de la trame et par la tendance
des renflements ascigères du Seuratia à se limiter sur une des faces du réceptacle et à simuler
une ébauche d’apothécie.
M. Vuillemin, dans une note récente31, a cru devoir instituer pour ce genre une famille
spéciale (Seuratiacées) de la division des Discomycètes, caractérisée par la nature toute particulière des hyphes de la trame.
La disposition en fausses apothécies que nous venons d’indiquer dans le S. coffeicola,
ainsi que le réceptacle tout entier de l’espèce suivante semblent confirmer celte manière de voir.
S. vanillae n. sp. (fig. 4). - Hab. feuilles Vanillae planifoliae. Tahiti.
Espèce voisine de la précédente et représentant en quelque sorte sa forme simple. Ici il
n’y a plus de thalle fructiculeux, tout se réduit au périthèce proprement dit et la plante entière a
l’aspect d’une petite sphérule. La trame est formée d’articles incolores, ovoïdes, non filamenteux, de 6-15 µ de longueur ; la cellule terminale montre sur sa face supérieure un disque brun
foncé qui en occupe une petite portion et donne la coloration générale de la plante. Ces cellules
à disque coloré manquent dans le tiers inférieur de la sphérule où elles sont remplacées par de
très fins éléments de même forme et entièrement incolores.
Eurotium Link.
E. repens de By. - Dans l’intérieur des alvéoles d’un nid abandonné de Polistes hebraeus.
Rikitea.
Capnodium Mtg.
C. anonae Pat. - À la face supérieure des feuilles de la pomme-cannelle (Anona squamosa). Rikitea. Obs. Les formes stériles de Capnodium (Antennaria) sont fréquentes dans
toute la région, sur les feuilles et les rameaux des végétaux les plus divers.
Saccardinula Speg.
S. tahitensis n. sp.
Hab. Coffeae nec non Psidii. Tahiti. - Espèce voisine de S. costaricensis Speg., mais à
thèques allongées et à spores moins fréquemment septées.
Valsa Fr.
V. chlorina n. sp. - Hab. pericarpe Cocos nuciferae. Papenoo.
Nummularia Tul.
N. artocarpi n. sp.
Hypoxylon Bull.
H. rubiginosum (Pers.) - Sur bois dénudé de goyavier.
Xylaria Fr.
X. hypoxylon (Linn.). - Sur les souches. Tahiti.
31 P. VUILLEMIN. — Seuratia pinicola sp. nov. type d’une nouvelle famille d’Ascomycètes ;
Bull. Soc. Mycol Fr. [1905], p. 74. VUILLEMIN. Le genre Seuratia et ses connexions avec les
Capnodium. C.R. Acad. Sc. 10 février 1908.
111
Poronia Willd.
P. caelata n. sp.- Hab. Bois pourri. Tahiti.
Espèce remarquable par sa coloration jaunâtre, sa consistance molle et la surface de son
disque qui est ciselée de mèches comme le péridium de Lycoperdon caelatum. Je n’ai vu ni les
périthèces ni les spores et je ne rapporte ce champignon au genre Poronia que d’après les
caractères de la forme extérieure.
Rosellinia de Not.
R. (Amphisphaerella) rachidis n. sp. - Hab rachis foliaire Cocos nuciferae. Motu de
Papeete.
Calospora Sacc.
C. vanillae Mass. - Commun sur les feuilles de vanille sous ses formes Colletotrichum et
Gloeosporium. Tahiti, Taravao.
Stigmatea Fr.
S. pandani Pat. - Feuilles du Pandanus odoratissimus. Rikitea.
Micropeltis Mtg.
M. bambusae n. sp. -Hab. Bambou. Papenoo (Tahiti).
Lophiosphaera Trév.
L. tahitensis n. sp. - Hab. endocarpe Cocos nuciferae. Tahiti.
Nectria Fr.
N. inocarpi n. sp. - Hab. Inocarpi edulis. Tahiti.
Torrubiella Boud.
T. ochracea n. sp. - Hab. Lepidopteri adulti cujusdam. Papenoo.
Espèce voisine de T. tomentosa.
Champignons imparfaits
Graphiola Poit.
G. cocoina Pat. - Sur les feuilles du cocotier. Mangareva, Hao.
Dendrophoma Sacc.
D. guettardae n. sp. - Hab Guettardae speciosae. Makemo.
D. inocarpi n. sp. - Hab. fruits Inocarpi edulis. Roruru.
Sphaeropsis Lév.
S. cocoina n. sp. - Hab Cocos nuciferae. Hao.
Aschersonia Ml g.
A. pisiformis n. sp. - Hab. folias Cocos nuciferae. Taravao.
Coniosporium Link.
C. bambusae (Thum. et Bolle). Sacc. - Chaumes et graines de bambou. Rikitea.
Chaetostroma Corda.
C. bambusae Pat. - Feuilles sèches de bambou. Rikitea.
Stilbum Tode.
S. subiculosum Pat. - Sur écorce pourrie d’oranger. Rikitea.
Microcera Desm.
M. rectispora Cooke et Massee. - Sur des coccides parasites des feuilles et des rameaux
d’oranger. Taravao. Spores droites à 10-12 cloisons, mesurant 100-180 x 5-6 µ.
Gloeosporium Desm. et Mtg.
G. musarum Cooke et Massée. - Sur les fruits du Musa fei (banane sauvage). Rikitea.
Sterigmatocystis Cram.
112
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S. nigra, V. Tiegh. - Dans l’intérieur des gousses d’une légumineuse arborescente. Tahiti.
Myxomycètes
Physarum Pers.
P. citrinum Schum. - Sur écorce pourrie de bancoulier. Papeete.
P. cinereum Fr. - Sur Artocarpus incisa. Rikitea.
Chondrioderma Rost.
C. michelii (Lib.).- Sur feuilles pourries d’arbre à pain. Rikitea.
Fuligo Hall.
F. septica (Link). - Sur tronc d’Artocarpus. Rikitea.
Lycogala Mich.
L. miniata Pers. - Sur tronc d’Artocarpus. Rikitea.
Stemonitis Gled.
S. fusca Pers. - Fréquent sur les bois pourris. Rikitea, Tahiti.
Arcyria Hall.
A. incarnata Pers. - Sur bois pourri. Papeete.
N. Patouillard
Hameçon à requin
(30-A.L.)
voir p. 309
113
Identification des Hydroîdes des Gambier32
Les hydroïdes sont rares dans les mers chaudes, ainsi que je l’ai
déjà fait remarquer33 ; aussi M. Seurat, malgré un séjour prolongé dans
l’archipel des Gambier, malgré des recherches attentives et multipliées,
n’a-t-il pu récolter qu’un petit nombre d’espèces, et toutes ont ceci de
caractéristique : leur petite taille.
Cette liste comprend six espèces ; quatre, le Tubularia viridis
Pictet, l’Eucopella crenata Harll., le Sertularia gracilis Hassall, le
Sertularella indivisa Bale, ont été trouvées dans le Pacifique ; une, le
Campanularia angulata Hcks., est une espèce d’Europe qui n’avait pas
été signalée dans ces régions ; enfin la dernière, l’Aglaophenia balei
Markt., n’avait été rencontrée que dans la mer Rouge.
En outre, il faut joindre à ces six espèces une espèce de
Gyronoblastiques qui n’a pu être identifiée, les échantillons étant réduits
à l’hydrocaule sans hydranthes ; cependant il est probable que cette
espèce appartient au genre Bougainvillia.
TUBULARIA VIRIDIS Pictet34
Grâce à l’obligeance de M. Bedot, de Genève, qui m’a envoyé un échantillon du Tubularia
viridis Pictet, j’ai pu identifier l’espèce des îles Gambier avec l’espèce type. La seule différence
qui existe entre les deux formes consiste dans le nombre des tentacules, qui est d’ailleurs variable. Dans un hydranthe bien développé, j’ai compté vingt tentacules aboraux et quinze tentacules oraux. Leur longueur respective35 est de 1 mm et 0,35 mm. Le diamètre de l’hydrocaule est
plus grand à l’extrémité supérieure (largeur moyenne, 650 µ) qu’à l’extrémité inférieure (largeur moyenne, 300 µ). Les colonies sont groupées en bouquet.
Ce qui est caractéristique, c’est la forme des gonophores qui malheureusement n’avaient
pas été figurés à un assez fort grossissement par Pictet. Les observations suivantes permettent de
combler cette lacune.
Les gonophores jeunes sont arrondis, et de bonne heure il se produit une prolifération ectodermique (noyau de l’ombrelle, Glocken-kern), qui force l’endoderme à s’invaginer (fig. 1, n.).
N.E. voir planche p. 117
32 Imprimerie Nationale-Août 1905.Extrait du Bulletin du Muséum d’histoire naturelle. - 1905,
n°5, p. 331-334
33 Bull. Mus. Hist. Nat., Paris, 1904, p. 480.
34 Revue Suisse de Zool., vol. 2, 1893, p. 17, pl. I, fig. 1011.
35 Ces mesures ont été prises sur les animaux qui étaient les mieux étendus
114
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Ces cellules ectodermiques, au centre desquelles, se trouve un petit espace vide, donneront les cellules sexuelles. Elles ne restent pas en amas globulaire ; en effet, au centre de la coupe endodermique, apparaît un diverticule endodermique creux qui représente le manubrium du médusoïde
(fig. 2, m.). Ce diverticule comprime le noyau de l’ombrelle qui prend la forme d’une calotte (fig.
2, n.) à deux feuillets : le feuillet externe est nettement séparé de l’ectoderme, comme le feuillet
interne l’est de l’endoderme. À ce stade, le gonophore médusoïde est cordiforme (fig. 3), et l’on
voit très bien, en coupe optique, les cellules germinatives natives disposées en fer à cheval. La
coupe réelle montre dans chacune des saillies apicales un canal radiaire (r.) qui n’avait pas été vu
par Pictet. Dans les Tubulaires que j’ai eues à ma disposition, les gonophores n’avaient pas dépassé ce stade.
Localité. — Bouée du Banc Gaveau, Mangareva (Teota) ; 16 mars 1904.
EUCOPELLA CRENATA, Hartlaub
Les exemplaires que j’ai examinés diffèrent un peu de l’espèce de Hartlaub, mais ces différences ne sont pas pour moi des différences spécifiques et définissent plutôt une simple variété. Les échantillons des îles Gambier ont des dimensions plus faibles, les pédoncules atteignent
au maximum 2,5 mm (contre 5mm dans l’espèce type). La largeur de l’hydrothèque est variable et en moyenne de 400 µ ; sa largeur est à peu près la même, parfois surpasse la longueur,
de sorte que les hydrothèques sont plus évasées que dans l’espèce type, dont les dimensions sont
aussi très variables mais plus grandes. On compte le même nombre de dents dans les deux formes ; de plus, l’épaississement des parois est comparable dans les deux cas ; également le bord
distal est mince et se plisse facilement, de sorte que les dents peuvent s’atténuer ou même s’effacer complètement. Dans les hydrothèques âgées à parois fortement épaissies, le bord libre ne
montre plus que de faibles ondulations (fig. II).
Les pédoncules sont annelés à la partie inférieure (7-10 anneaux faiblement marqués), et à
la partie supérieure (3-12 anneaux fortement accentués). On compte parfois quelques anneaux
dans la région moyenne qui est en général simplement ondulée. Je n’ai pas observé de gonanges.
Localité. - Ulves de la bouée du banc Gaveau, Mangareva (Teota), 27 janvier et 16 mars
1904.
CAMPANULARIA ANGULATA, Hincks.
Les exemplaires sont plus petits et plus grêles que ceux d’Europe : leur hauteur atteint
3mm environ, les entre-nœuds n’ont que 490µ et les pédoncules 175µ de longueur moyenne. La
hauteur de l’hydrothèque est à peu près la même que sa largeur à l’ouverture (260 µ). Les colonies ne portaient pas de gonanges.
Localité. - Ulves de la bouée du banc Gaveau, Mangareva (Teota) ; 27 janvier 1904.
SERTULARIA GRACILIS, Hassall
Petites colonies de 4-8 mm non ramifiées. L’intervalle entre chaque paire d’hydrothèques
(depuis le point d’où se détachent les hydrothèques d’une paire et le fond des hydrothèques de
la paire suivante) est variable (175 à 350 µ) mais somme toute assez faible. Les colonies les plus
grandes montrent, au sommet ou à son voisinage, deux paires d’hydrothèques extrêmement rapprochées et ne laissant entre elles aucun intervalle. Certaines montrent à l’orifice plusieurs stries
d’accroissement. Une des colonies se terminait par un rameau stolonique.
Localité.— Lagon de Marutea du sud, 1er décembre 1903 ; sur une huître perlière.
115
SERTULARELIA INDIVISA, Bale36.
Les colonies sont petites et ne dépassent pas 2cm ; elles portent parfois une ou deux courtes branches. Une présentait un rameau stolonique sur lequel se dressait une petite colonie.
L’intervalle compris entre chaque hydrothèque est de 220µ environ, la longueur de la partie soudée est de 245µ et celle de la partie libre de 370µ. L’orifice des hydrothèques est de forme variable ; dans la fig. 5, il est à peu près triangulaire, tandis que, dans la fig. 6, il est presque quadrangulaire. Cette dernière forme est moins commune que la première. Les deux hydrothèques
appartenaient à la même colonie. Il doit exister quatre valves à l’opercule, mais je n’en ai jamais
observé plus de trois, la quatrième devant s’être détachée.
Localité. — La même que pour la précédente espèce. (sur huître perlière)
AGLAOPHENIA BALEI, Marktanner37
Les exemplaires provenant des îles Gambier présentent de petites différences avec l’espèce type (mer Rouge). D’abord ils sont de plus faible taille et ne dépassent pas 2-3cm, contre
7cm. Les articles ont au plus 260µ au lieu de 290µ, la hauteur de l’hydrothèque est aussi un peu
plus faible. La dent latérale du bord de l’hydrothèque est moins marquée. Ce bord fait aussi un
angle plus aigu avec l’axe de l’hydroclade, de sorte que la dent médiane le dépasse un peu plus.
Les colonies ne portaient pas de corbules.
Localité. — Lagon de Marutea du sud, pâtés de récifs ; août 1903.
A. Billard
Fig. 1, 2, 3. - Gonophores médusoïdes
du Tabularia viridis Pict.
e. Ecloderme. - e’ Endoderme.
- m. Manubrium. - n. Noyau de l’ombrelle.
r. Canaux radiaires.
Fig. 4. - Hydrothèque âgée
d’Eucopella crenala Hartl.
Fig. 5 et 6 - Orifices d’hydrothèques
du Sertularella indivisa Bale.
36 Journ. Mier. Soc., 1881, p. 12, pl. XII, fig. 7. Hartlaub (Abh. Ver. Hamburg, XVI Bd., 1900,
p. 71) considère comme synonymes S. solidula Bale, S. indivisa, S. variabilis Bale, le premier nom ayant la priorité.
37 Ann. kk. Hofmus., V Bd., 1890, p. 272 ; Taf. VIl, fig. 1920.
116
…[voir dos de couverture]…
Etude sur les mollusques gastropodes à Tahiti,
aux Tuamotu et aux Gambier38
Les Mollusques recueillis dans les archipels de Tahiti, Paumotu et
Gambier, par M. L. G. Seurat, lors d’un séjour de 3 ans (1902 à 1905)
qu’il fit dans ces régions, sont, d’une façon générale, limités aux espèces de faible profondeur.
Il est absolument certain que les 400 types de coquilles de mollusques gastropodes rapportées par ce naturaliste, ne représentent qu’une partie de ceux qui y vivent. Leur nombre est néanmoins très suffisant
pour vérifier l’exactitude de cette loi formulée par P. Fischer “que partout où l’on trouve des polypiers se montre une faune malacologique
caractérisée par des espèces communes”.
C’est en vertu de ce principe que, quoique séparés par plusieurs
milliers de lieues, et placés, aux extrémités diamétralement opposées de
la province marine Indo-Pacifique, les dits archipels et la mer Rouge
doivent, étant donnée la nature des fonds identiquement madréporiques,
de posséder un nombre relativement important d’espèces communes.
C’est à cette même cause que l’on doit de constater la présence aux
Îles Paumotu et Gambier, de nombreux représentants des genres qui
caractérisent les mers chaudes à polypiers ; tels les Stomatella,
Vanikoro, Purpuridæ (31 espèces), Mitra (36), Conus (35), Cypræa
(32), Pleurotomidæ 22, etc.
Une constatation non moins intéressante : c’est le nombre d’espèces néo-calédoniennes, considérées comme exclusives à cette localité,
que M. Seurat a recueillies sur divers points de ces archipels. Par contre, peu d’espèces appartiennent à la faune de la côte occidentale
d’Amérique, relativement rapprochée.
Le petit nombre d’espèces de Pulmonés terrestres (une vingtaine),
38 Journal de Conchyologie 1907 pp. 123-139
118
Journal de conchyologie, 1907, pl. II.
1,2,3 Tritonidea Seurati, Couturier
4,5 Epidromus digitalis, Rye
6,7,8 Epidromus digitalis var. Seurati, Couturier
9,10 Rissoina zeltneri de Folin var. paumotuensis, Couturier
11,12,13,14 Temostoma vayssieri, Couturier
rapportées par M. Seurat, fait présumer qu’il ne s’est pas occupé de leur
récolte. A l’exception de Subulina octona, récolté sur les salades de son
jardin à Rikitea, et de Chondrella minutissima, trouvé fortuitement au
milieu des racines de fougères, toutes les autres espèces étaient mêlées
aux marines, avec lesquelles elles ont été récoltées, soit sur les plages,
soit même dans la mer où elles avaient dû être transportées par les
pluies.
J’adresse à M. L.G. Seurat tous mes remerciements. Je lui suis très
reconnaissant d’avoir bien voulu me confier les matériaux qui font l’objet de cette étude, ainsi que de la communication des notes accompagnant ses récoltes elles ont grandement facilité ma tâche.
TEREBRA MUSCARIA, Lamark
Hao :
TEREBRA MACULATA, Linné
Hao.
TEREBRA AFFINIS, Gray
Marutea, Rikitea, littoral.
TEREBRA NEBULOSA, Sowerby
Marutea
TEREBRA UNDULATA, A Gray
Marutea, fonds, sable calcaire, par cinq brasses de profondeur ; motu Rekava ; Rikitea.
TEREBRA SUBULATA, Linné
Nom mangarévien Pukaokao ; nom tahitien : Oeoe. Très commun à Rikitea, dans la zone
sableuse littorale ; deux exemplaires trouvés côte à côte dans le sable sur le rivage du vivier. Ce
mollusque laisse un sillon sur le sable ; il sort la nuit, et au jour il s’enfonce dans un trou.
Comestible.
TEREBRA CRENULATA, Linné
Fagatau, lagon ; Tekava ; Mangareva ; motu de Puainu ; deux spécimens en bon état
trouvés sur le sable, près le chenal ouest vers Tepapuri (côté du lagon).
TEREBRA CINGULIFERA, Lamarck
Kaukura.
TEREBRA MONILIS, Quoy
Marutea.
CONUS TAHITENSIS, Bruguière
Hao, lagon ; Otepa ; lagon de Fagatau ; lagon de Marutea, partie nord.
Var. rattus, Bruguière
Otepa, lagon ; Hao ; lagon de Marutea, partie nord.
CONUS EBRAEUS, Linné
Hao et récif extérieur ; Nukutavake ; Puamu ; Amanu Aratika ; plateau extérieur de
Marutea, partie N.- O.
Var. vermiculata, Lamark
Hao ; récif extérieur de Marutea, côté ouest ; Pukarua Nukuta-vake ; Puamu ; Hikueru.
120
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CONUS SPONSALIS, Chemnitz
Hao et récif extérieur ; Marutea, récif extérieur, côte ouest ; Vahitahi ; Nukutavake ;
Aratika ; Rikitea ; Fakahina, lagon de Fagatau.
CONUS NANUS, Broderip
Hao, récif extérieur ; Marutea, récif extérieur et côte ouest ; lagon Ohura ; Vahitahi ;
Makemo, récif extérieur
CONUS MILIARIS, Bruguière
Récif extérieur de Hao ; Marutea, côte Ouest ; île Pitcairn ; Vahitahi ; Fagatau, lagon ;
Taraouroa, récit extérieur ; Fakahina ; Puamu.
Tous les spécimens recueillis dans ces différentes localités appartiennent à une variété
minor.
CONUS FESTIVUS, Chemnitz
Makemo - récif extérieur ; île Taenga.
Les spécimens frais sont très vivement colorés.
CONUS GLANS, Bruguière
Vahitahi Marutea.
Var. tenuistriata Sowerby
Pukarua ; Hao ; Marutea, récif extérieur.
Quelques spécimens, de Hao, intermédiaires entre le type et la variété, forment le passage.
CONUS ATRAMENTOSUS, Reeve
Port de Rikitea ; Marutea ; Aukena ; Aratika.
La variété brun rougeâtre paraît moins rare que la noire.
CONUS GEOGRAPHUS, Linné
Var. intermedia Reeve
Marutea, plateau extérieur, Fakarava ; Temoe.
CONUS CYLINDRACEUS, Broderip et Sowerby
Hao.
CONUS SOLIDUS, Sowerby
C. rectifer Menke.
Marutea, récif extérieur ; motu de Puamu ; Fakahina, récif extérieur.
CONUS LIVIDUS, Bruguière
Aratika ; Taenga.
Var. citrina Chemnitz
Fakahina ; Pukaruha ; Hao.
CONUS MINIMUS, Linné
Aukena, côte Sud.
DIBAPHUS EDENTULUS, Swainson
Ile Taenga.
LATIRUS NODATUS, Martyn
Taraouroa.
LATIRUS APLUSTRIS, Martyn
Fakahina.
LATIRUS LIRATUS, Pease
121
Taenga.
LATIRUS (PERISTERNIA) INCARNATUS, Deshayes
Taenga.
LATIRUS (PERISTERNIA) CRENULATUS, Kiener
Aratika.
LATIRUS (PERISTERNIA) GEMMATUS, Beeve
Fakarava : un spécimen unique.
LATIRUS (PERISTERNIA) STRATUS, Pease
Engina striata P.
Marutea ; Teone-kura ; Aukena ; Hao (Otepa), lagon.
SCOLYMUS CERAMICUS, Linné
Lagon de Tikehau ; Hao récif extérieur ; Fakahina, récif extérieur ; Marokau, récif extérieur
TRITONIDEA AUSTRALIS, Pease
Rikitea, sous les pierres, en compagnie de Mitra cucurmerina ; dans un madrépore
mort, récifs découverts aux grandes marées ; coraux du lagon à 1 m. ; trouvé vivant sous les
basaltes du littoral du vivier, à 0,20 m de profondeur, à marée basse, et sous les pierres, en face
de l’îlot du vivier, zone littorale ne découvrant jamais ; dans les récifs du lagon qui affleurent aux
grandes marées, au milieu des madrépores morts ; un exemplaire est encastré dans la base d’un
madrépore tubulaire : ce dernier l’a complètement enveloppé. La côte sud de l’île Akamaru présente des sables et débris d’Halimède au milieu desquels on trouve en abondance extrême cette
espèce. Teone-kura.
TRITONIDEA UNDOSA, Linné
Hao (Otepa) ; Taenga ; Fakarava, récif extérieur ; Vahitahi, récif extérieur ; Hikueru
TRITONIDEA SEURATI, Couturier nov. sp.
(PI. Il fig. 1, 2, 3 grossies 3 fois)
Coquille globuleuse, épaisse, ventrue, d’un blanc laiteux, tours ornés de cercles saillants,
à suture subcanaliculée ; ouverture ovale piriforme, columelle arquée avec un large callus,
canal court, bord droit très épaissi extérieurement. Comme faciès général, cette espèce se rapproche beaucoup de la précédente dont elle n’est certainement pas le jeune âge ; T. undosa est
à l’état jeune plus allongé et, de plus, n’a pas l’épaisseur de notre espèce.
Rapports et différences. - Sans tenir compte de la différence considérable de taille, T. undosa L. a les sillons qui ornent ses tours, colorés de rouge brun, ils sont au nombre de dix à douze
sur le dernier, et s’espacent progressivement en descendant vers la base. T. seurati, porte uniformément au moins vingt sillons sur son dernier tour ; contrairement à ce que l’on observe chez T.
undosa, ils sont plus espacés vers le haut du tour ; ils se resserrent et deviennent plus fins en se
rapprochant du canal.
Habitat. - Hao, de l’archipel de Paumotu : vu 4 spécimens.
NASSA PAPILLOSA, Linné
Ile Taenga.
NASSA GRANIFERA, Kiener
Rikitea, rejeté sur le sable ; Aukena, vivier ; Akamaru, côte ouest, Ganheata ; pris par
deux brasses de fond dans le port de Rikitea ; Teone-kura, fonds de sable et débris d’Halimèdes.
122
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NASSA CONCINNA, Powis
Rikitea ; Amanu ; Hikueru ; Aukena, côte sud ; Akamaru ; Oeno ; lagon de Fakahina ;
Ganheata ; Teone-kura.
NASSA PUNCTATA, A. Adams
Lagon de Ohura.
NASSA MUCRONATA, A. Adams
Ile Oeno.
NASSA MARGINULATA, Lamarck
Tearia (intestin de Tetrodon).
NASSA MICANS, A. Adams
Marutea.
NASSA RAVIDA, A. Adams
Aukena.
NASSA INTERMEDIA, Dunker
Aukena - un seul spécimen minor, de moitié plus petit que les sujets provenant
d’Australie.
COLUMBELLA ZELINA, Duclos
Aukena ; Marutea.
COLUMBELLA EPIDELIA, Duclos
Vahitahi.
COLUMBELLA OBTUSA, Sowerby
Nom mangarévien : Pupu Marutea ; Rikitea, récifs découverts aux grandes marées, en face de l’école des sœurs, au
milieu des halimèdes et corallines ; vivant aussi dans les madrépores morts des récifs ;
Mangareva ; Akamaru, 18 mètres.
COLUMBELLA CONSPERSA, Gaskoin
Makapou Rikitea ; Tearia (intestin de Tetrodon leopardus)
Columbella, Russelli Brazier
Marokau ; Vahitahi, récif extérieur ; Aukena ; Hao ; Marutea.
M. Couturier
Aiguille et crochet en os pour la confection
des toitures en pandanus (11,12-A.L.) voir p.299
123
39
Liste des Lamellibranches
Les Lamellibranches recueillis par M. L.G. Seurat, pendant sa mission en Océanie, appartiennent à 81 espèces. Ces récoltes malacologiques intéressantes d’abord par-là même qu’elles enrichissent les collections du Muséum de plusieurs formes qui y manquaient encore. Mais,
sur chaque espèce étant représentée en général par un grand nombre
d’échantillons de différents âges, il est permis ainsi d’établir, pour la plupart d’elles, des séries très complètes ; ceci est d’autant plus précieux
que beaucoup de ces Lamellibranches sont des mollusques térébrants
ou vivant dans les anfractuosités des récifs madréporiques ; par suite,
leurs coquilles sont sujettes à des déformations variées et, dans ces
conditions, s’incrustent souvent de corps étrangers qui en modifient
profondément l’aspect.
Les localités d’où M. Seurat a rapporté ces coquilles, comprennent
dans les îles de la Société, Raiatea ; à Tahiti, Taravao et Faaa ; aux
Tuamotu, Makatea, Katiu, Makemo, Raroia, Hikueru, Fagatau, Pukapaka,
Fakahina, Tauere, Amanu, Hao, Vahitahi, Taiaro ; aux Gambier,
Mangareva (Rikitea, Taku, Gatavake, Tearia, Ganheata, Tearai,
Tokaerero, Teone-kura, Tokaai, Kirimiro), Puamu, Vaiatekeue,
Taraouroa, Marakuraku, Aukena, Akamaru ; enfin, les îles Temoe, Oeno
et Pitcairn. Une île, entre autres, doit être spécialement signalée, c’est
Marutea du sud ou Lord Flood’s Island, bien connue par les importantes récoltes conchyiologiques que H. Cuming y avait faites en 1827.
1. Teredo sp. (cf. T. saulii Wright).
1866. Nausitoria Saulii Wright, Contrib. to a Nat. list. of the Teredidae, Trans. Linn. Soc.
London, vol. XXV, p. 567, pi. LXV, fig. 9-15.
1878. Teredo saulii W., Sowerby, in Reeve, Conch. Icon., vol. XX, Teredo, Pl. III, fig. 10.
1898. Calobates saulii W., HEDLET, Notes on Austratian Shipworms, Proc. Lin., Soc. N. S.
Wales, 2è sér., vol. 13, p. 94.
Les valves de taret rapportées par M. Seurat sont malheureusement à l’état de débris et
l’absence des palettes en rend la détermination très problématique. Il semble cependant y avoir
trois espèces distinctes.
39 Journal de conchyliologie – 2ème trimestre 1907
124
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Les valves plus ou moins brisées, recueillies à Marutea du Sud dans des branches perforées de miki-miki Pemphis acidula Forster paraissent, par la forme de leur oreillette postérieure, pouvoir être rapprochées du T. saulii Wright, d’Australie.
2. Teredo sp. (cf. T. affinis Deshayes).
1863. Teredo affinis Deshayes, Cat. Moll. Rianion, p. 6, 111. XXVIII, fig, 8-12. 1878.
T. affinis Desh., Sommity, in Reeve, Conch. lcon., vol. XX, Teredo, pl. III, fig. 13.
Cinq petites valves, également en mauvais état, provenant de Mangareva (Rikitea), ressemblent,
par la sculpture de leur oreillette postérieure consistant en forts plis arqués, plutôt au T. affinis Desh.,
de l’île Bourbon.
3. Teredo sp (cf. T. campanulata Deshayes). 1878. Teredo campanulata Deshayes
mss., Sowerby, in Reeve, Conch. le vol. XX, Teredo, pi. 11, fig. 9.
6 valves roulées, recueillies à Timoe, semblent se rattacher au T. campanulata Desh.
(d’habitat resté jusqu’ici inconnu), en raison de leur oreillette postérieure qui, à sa jonction avec
le reste de la coquille, est rétrécie et en particulier beaucoup plus que dans le Nausitoria aurita Hedley, des îles Ellice (1899. Ch. Hedley, Moll. Funafuti, Mem. Aust Mus, P- 507, fig. 56).
4. Gastrochena gigantea, Deshayes.
1830. Fistulana gigantea Deshayes, Encycl. Méthod., Vers, t. 11, P. 142
1843. Gastrochaena gigantea Deshayes. Traité élém. Conchyl., t. 1, 2è part., p. 34 pl 11,
fig. 6, 7, 8
Marutea du sud, Mangareva (Tearia, Atitouiti, Taku, Tokaerero) cinquantaine d’individus.
- [Mer Rouge, Océan Indo-Pacifique.]
Le G. lametiosa Desh. des Philippines, tel que l’a figuré M. E.-A. Smith ; (Rep. Challenger,
Lamellibr., pl. VII, fig. 2.2b), ne paraît guère différer que par sa taille plus faible et ses sommets
moins saillants.
5. Gastrochena dentima, Dufo.
1840 Gastrochaena dentifera Dufo, Moll. Seychelles, Ann. Se. Nat. Zool., t XIV p. 291.
Mangareva (Tearia, Tokaerero) : 8 individus de cette espèce, caractérisée par Dufo :
“Test uni et très mince, ayant une apophyse à la partie antérieure de chaque valve et ayant aussi
à chaque valve, mais à l’extrémité postérieure, une pièce arrondie et soudée. - Les Seychelles et
les Amirantes. Très rare.”
6. Tellina (Tellinella) virgata, Linné.
1758. Tellina virgata Linné, Syst. nat., éd. X, t. 1, p. 676.
1847. T. virgata L., Hanley, in Sowerby, Thes. Conch., vol. 1, P. 228, PI LXIII fig. 212.
1866. T. virgata L., Sawerby, in Reeve, Conch. Icon., vol. XVII, Tellina pl. XIII, fig. 5 g b.
Mangareva (Rikitea) : 1 ind. - [Mer Rouge, Océan lndo-Pacifique.]
7. Tellina (Tellinella) grugigera, Lamarck.
1818. Tellina crucigera Lamark, Anim. s. vert., t. V, p. 52 2.
1847. T. crucigera Lk., HANLEY, in Sowerby, Thes. Conch., vol. 1, p. 233 pl. LVIII, fig. 79.
Tuamotu (Amanu) : 1 ind. ; Marutea du sud : 6 ind. ; Gambier (Taraouroa) 1 ind. [Philippines, Moluques.]
8. Tellina (Tellinella) rugosav Born.
1780. Tellina rugosa Born, Test. Mus. Cæs. vind., p. 29, pl. Il fig. 34.
1847. T. rugosoa Born, Hanley, in Sowerby Thes. Conch, vol. 1, p. 267, pl. LXIV, fig. 238.
Mangareva (Rikitea, Gatavake, Tearia), Akamaru : assez nombreux exemplaires. - [Mer
Rouge et Océan Indo-Pacifique, depuis Suez jusqu’aux Sandwich.]
125
9. Tellina (Quadrans) inaequalis, Hanley,
1844 - Tellina inaequalis Hanley, Proc. Zool. Soc. London, p. 71
1847. T. inaequalis Hanley, in Sowerby, Îles. Conch., vol. 1, p. ti 78, pl. LVII, fig. h4.
Marutea du sud : 1 ind. et 2 valves isolées. - [Ceylan, Nouvelle-Calédonie.]
10. Tellina (Angulus) dispar, Conrad.
1837- Tellina dispar Conrad, Journ. Acad. Nat. Se. Philadelphia, vol. Vll, p. 259.
1847. T dispar Conr., Hanley in Sowerby, Thes- Conch., Vol. 1, p. 306, t LIX, fig. 108.
Tuamotu (Fagatau, Hao), Marutea du sud, Mangareva (Rikitea, Gatavake) : un très grand
nombre d’exemplaires. [0céan Indo-Pacifique, depuis l’île Maurice jusqu’en Californie.]
11. Tellina (Angulus) obliquaria, Deshayes.
1854. Tellina obliquaria Deshayes, Proc. Zool. Soc. London, p. 356.
1868. T. obliquistriata Sowerby, in Reeve, Conch. Icon., vol. XVII, Tellina, pl. XLIV, fig.
256 b.
1868. T obliquaria Desh., Sowerby, in Reeve, ibid., pl. LIV, fig. 3 2 1 a-b.
1899. T. obliquaria Desh., Hedley, Moll. Funafuti, Pelecyp., Mem. Austral. Mus., vol. III,
P. 498.
Tuamotu (Fagatau) : 1 valve, Marutea du sud : 1 ind. et 1 valve. [Polynésie.]
M. Ch. Hedley a fait remarquer que c’est cette espèce de Deshayes qui a été décrite de nouveau par Sowerby sous le nom obliquistriata.
12- Tellina (Angulus) rhomboides, Quoy et Gaimard.
1835. Tellina rhomboides Quoy et Gaimard, Voy. Astrol., Zool. Moll., vol. 111, p. 502, pl.
8 fig. 4-7
1847- T. rhomboides Q. et CT., Hanley, in Sowerby, Thés. Conch., vol. 1, p. 3o4 s pl. LVIII,
fig. 92, 96, 97
1854. T. silicula Deshayes, Proc. Zool. Soc. London, p. 363.
1867- T. rhomboïdes Q. et G. Sowerby, in Reeve, Conch. Icon., vol. XVII, Tellina, pl. XXII,
fig. iiii.
1868. T. silicula Desh., Sowerby, in Reeve, ibid., pl. XLVII, fig. 278
1871. T. rhomboides Q. et G., Romer, in Mart. u. ?? Chemn. Conch. Cab., 2è éd., Tellinidae,
pl. XXXI, fig. 14-17
1885. T. rhomboïdes Q. et G., E. SMITH, Rep. Challenger, Lamellibr., p. 103.
Marutea du Sud, Mangareva (Ganheata), Aukena, Akamaru : plusieurs individus et valves isolées. - [Pacifique, de l’Australie à la Colombie.]
M. E. A. Smith regarde avec raison T. rhomboïdes et T. silicula comme identiques.
13. Tellina crebrimaculata, Sowerby.
1868. Tellina crebrimaculata Sowerby, in Reeve, Conch. Icon., vol. XVII, Tellina, pl. LI,
fil, 301.
1899. T. crebrimaculata Sow., HEDLEY, Moll. Funafuti, Pelec., Ment. Austral. Alus., vol.
III, p. 500.
Marutea du sud : de nombreux échantillons, en général roulés et décolorés, comprenant
une dizaine d’individus et une cinquantaine de valves isolées. - [îles Fidji et Ellice.]
14. Tellina (arcopagia) scobinata, Linné
1758. Tellina scobinata Linné, Syst. nat., 10è éd, t.1er, p. 676
1871. T. scobinata L., Romer, in Mart. u. Chemn., Conch. Cab., 2è éd., Tellinidae, P. 73,
pl. XX, fig. 5-8
Tuamotu (Fakahina, Hao) : 5 ind. ; Marutea du sud : 1 ind. et 3 valves ;
126
N°296-297 • Février-Juin 2003
Gambier (Aukena, Akamaru, Taraouroa) : 9 ind. et 9 valves. - [Océan Indo-Pacifique, des
Seychelles jusqu’en Californie.]
15. Tellina (arcopagia) robusta, Hanley.
1844. Tellina robusta Hanley., P. roc. Zool. Soc. London, p. 63. :
1847. T. robusta Hanley., in Sowerby, Thés. Conch., vol. I, p. 252, p.l. LVI, fig. 2-3.
Tuamotu (Pukapuka), Marutea du sud, Mangareva (Rikitea, Teonekura), Aukena,
Akamaru : très nombreux individus. - [Pacifique.]
16. Semele australis, Sowerby.
1832. Amphides australe Sowerby, P. roc. Zool. Soc. London, p. 900.
1853. A. australis Sow., Reeve, Conch. Icm., vol. VIII, Amphidesma, pl. VI, fig. 41.
Tuamotu (Hao, Fakahina) : 1 ind. et quelques valves isolées ; Marutea du Sud : 1 ind. et
20 valves ; Gambier (Taraouroa : 1 ind. - [Australie, Marutea du Sud.]
17. Syndesmaya (Abra) seurati, nov. sp. [voir p. 133]
Diam. ant. est. : 8 mm. ; diam. umb.-ventr. : 7 mm., crass. 4 mm.
Petite coquille ovale-arrondie, mince, blanche, presque translucide avec des taches
opaques, ornée de stries concentriques très fines, inéquilatérale ; côté antérieur plus long et
régulièrement arrondi ; côté postérieur très court, un peu rétréci et présentant un angle à peine
indiqué ; sinus palléal très profond et arrondi en avant. Dans la valve droite, la charnière comprend deux dents cardinales inégales et des dents latérales saillantes, écartées des sommets.
Dans la valve gauche, il n’y a qu’une seule dent cardinale et les dents latérales sont peu distinctes. La fossette du ligament interne est étroite et allongée.
Marutea du sud : 1 ind. ; Mangareva (Taku) : 1 ind. ; Aukena, plusieurs valves isolées.
Cette espèce diffère, par son contour arrondi, des A. infians et A. regularis E. A. Smith
(Rep CWienger, Lame Ur., p 84 et 87, P.l. V, fig. 1 et 4) ; ces deux Abra, du Nord de l’Australie,
ont, en effet, le premier une coquille subtrigone, le deuxième une forme allongée transversalement ; de même le Syndesmya elliptica Sow., d’Australie, est également de contour plus transverse (E. A. Smith, Rep, Zool. Coll. “Alert “, 1 884, p. 99, Pl. VII, fig. C.).
18. Asaphis deflorata, Linné.
1758. Venus deflorata Linné ; i, Syst. nat., 10è éd., t. 1, p. 687
1856. Capsa deflorata L., Reeve, Conch. Icon., vol. X, Capsa, pl. 1, fig. 1
Tahiti (Faaa), Katiu, Amanu, Hao, Marutea du sud, Puamu, Marakuraku, Akamaru,
Temoe : une cinquantaine d’individus. - [Océan Indo-Pacifique.]
19. Venus (Chione) reticulata, Linné.
1758. Venus reticulata Linné Syst. nal., 10è éd, t. 1, p. 7
1782. V. reticulata L., Chemnitz, Conch. Cab., vol. VI, p. 367, pl. XXXVI, fig. 382-383.
1818. V. corbis Lamark, Anim. s. vert., t. V, p. 595.
Marutea du sud : 1 ind. ; Mangareva (Rikitea) : 1 ind. ; Taraouroa 1 ind. ; Aukena : 2
ind. ; Temoe : 3 valves. - [0. Indo-Pacifique.]
20. Venus (Chione) crispata, Deshayes.
1853. Venus crispata Deshayes, Proc. Zool. Soc. London p. 2.
1863. V crispata Desh., REEVE, Conch. Icon., vol. XIV, Venus, pl. IX, fig. 31.
Hao - 1 ind. ; Marutea du sud : 1 ind. et 6 valves. - [Zanzibar, Mergui.]
21. Meretrix (Dione) philippinarum, Hanley.
1844. Cytherea philippinarum Hanl. Sowerby, Proc. Zool. Soc. London, p. it o.
1855. C. philippinarum Hanl., Sowerby, Thes. Conch., vol. 11, p. 627, pl CXXXVI, fig. 176,
et pl. GLXIII, fig. 206-207.
127
1864. C. philippinarum Hanl., Reeve, Conch. Icon., vol. XIV, Cytherea, pl. X, fig. 47 a-b.
1869. Dione philippinarum Hanl., Römer, Monogr. Venus, vol.1, p.139, pl. XXXVII,
fig.2a-e.
1885. Cytherea (Dione) philippinarum Hanl. E.-A. Smith, Rop. Challenger, Lamellibr., p.
141.
Marutea du sud. 1 ind. et 2 valves ; Mangareva (Rikitea, Gatavake) 1 ind. et 7 valves. [Philippines, Marquises, Tahiti.] ;
Les spécimens recueillis par M. Seurat ont une coquille subtrigone blanche avec des lignes
jaunes, en zigzag et ornée comme par une sculpture de plis concentriques séparés par des intervalles presque aussi larges qu’eux. Ils montrent une absence totale soit d’une coloration générale violette, soit de rayons de cette teinte. Par là ils s’éloignent des figures de Sowerby et de
Reeve et se rapprochent plutôt de celles de Römer. Par leur forme générale, leur coloration et
leur ornementation, ils rappellent le Cytherea lineolata Sow., mais ils en diffèrent par leur sinus
palléal qui, au lieu d’être assez profond, est excessivement court
22. Meretrix (Pitar) prora, Conrad.
1837. Cytherea prora Conrad. Journ. Acad. Nat. Sc. Philadelphia, vol. VII, p. 9 53, Pl. XIX,
fig. 18.
1844. C. obliquata Hanley, Proc. Zool. Soc. London, p. 109.
1869. Caryatis obliquata Hanl, Römer, Monogr. Venus, vol. 1 p. 107, P l. XXIX fig. 1,
et Pl. XXXIII, fig. 4-5.
Fagatau : 1 ind. ; Marutea du sud : 1 ind. et 7 valves ; Mangareva (Gatavaké) : 1 valve ;
Tekava : 1 ind. ; Akamaru : 4 valves Timoe 4 valves. - [Pacifique.]
Ces échantillons, par leur contour trapézoïde, correspondent plus spécialement au C.
prora (Römer, loc. cit. fig. 1 d), qu’il faut, par raison de priorité, considérer comme la forme
typique, tandis que le C. obliquata doit être regardé comme une variété.
23. Circe (Crista) pectinata, Linné.
1758- Venus pectinata Linné Syst. nat., 10è éd., t. 1, p. 689.
1869. Crista pectinata L., Römer, Monogr. Venus, vol. I, p 174, pl. XLVII, fig. 1.
Tuamotu (Pukapuka, Hao) : 14 ind. ; Marutea du sud : 13 ind. ; Mangareva (Rikitea) :
7 ind. ; Temoe : 5 valves. - [Mer Rouge, Philip-pines, Nouvelle-Calédonie.]
24. Loripes (Codokia) exasperatus, Reeve
1850. Lucina exasperata Reeve, Conch. Icon., vol. VI, Lucina, Pl. 1, fig. 4.
Gambier (Vaiatekeue, Aukena, Taraouroa) : 3 ind. - [Australie, Polynésie.]
MM. Bucquoy, Dautzenberg et Dollfus (Moll. mar. Roussillon, Péléc., p. 621) ont montré
que le nom de Loripes poli, 1 791, a l’antériorité sur celui de Lucina brugnière, 1 797.
25. Loripes (Codokia) punctatus, Linné
1758. Venus punctata Linné, Syst. nat., éd X, t. 1, p. 688.
1869. Lucina punctata L., Pfeiffer, in Mart. u. Cheinu., Conch. Cab., 2è éd., Veneracea, p.
262, Pl. XIX, fig. 8-9.
Hao : 1 valve ; Marutea du Sud : 19 ind. ; Mangareva (Rikitea) : 1 valve [Océan
Indien.]
26. Loripes (Codokia) divergens ,Philippi.
1850. Lucina divergens Philippi. Abbild. Conchyl., vol. 111, P. 102, Lucina, Pl. 11, fig. 4.
1850. L. fibula Reeve, Conch. Icon., Vol. VI, Lucina, III. VII, fig. 33, 37 et 38.
1889. L. (Lentillaria) divergens Phil., v. Martens, Journ. Linn. Soc. Zool., Vol. XXI, p. 209.
Tuamotu (Fagatau, Pukapuka, Tauere, Amanu, Hao) : 19 ind. ; Marutea du sud : 60 ind. ;
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N°296-297 • Février-Juin 2003
Mangareva : 8 ind. ; Taraouroa : 9 ind.- Akamaru : 1 ind, et quelques valves isolées. - [Mer
Rouge et Océan Indo-Pacifique, du golfe Persique jusqu’en Colombie.]
Ed. V. Martens a fait remarquer que le nom donné par Philippi est antérieur de quelques
mois à celui de Reeve.
27. Cryptodon globosum, Forskal.
1775. Venus globosa Forskal, Desci4pt. Anint. Itin. Otient., p. 22.
1850. Lacina ovum Reeve, Conch. Icon., vol. V1, Lucina, pl. V, fig. 2 1.
1869. L. globosa Forsk., Pfeiffer, in Mart. u. Chemn., Conch. Cab., 2é éd., Veneracea, p.
267, pl. XX, fig. 11-12.
1899. Cryptodon globosum Forsk., Hedley, Moll. Funalluti, Pelec, Mem. Austral. Mus.,
Vol. III, p. 498.
Tuamotu (Amanu, Hao) : 3 valves, Marutea du Sud : plus d’une centaine de valves ;
Gambier (Taraouroa) : 1 à vaves ; Oeno : 1 valve. - [Philippines, Australie, Polynésie.]
28. Libitina guinaica, Chemnitz.
1784. Chaina guinaica Chemnitz, Conch. Cab., Vol. V11, p. 237, A 50, fig. 5oh505.
1863. Cypricardia pinnica Ch., Reeve Conch. Icon., vol. 1, CSpricardia, pl. 11, fig. 13.
Tuamotu (Fakahina, Pukapuka, Amanu, Vahitahi) : 1 ind. et 3 valves ; Marutea du sud :
2 5 valves ; Mangareva (Gatavaké) : 2 valves ; Taraouroa
2 valves ; Oeno : 3 valves. - [Marutea du sud.]
29. Cardita (Mytiligardia) muricata, Sowerby.
1832. Cardita muricata Sowerby, Proc. Zool. Soc. London, p. 195.
1843. C. muricata Sow., Reeve, Conch. Icon., vol. 1, Cardita, pl. IV, fig. 18.
Gambier (Vaiatekeue, Puamu) : 2 ind. - [Pacifique.]
30. Kellyia pacifica, Hedley.
1899. Kellia pacifica CH. Hedley, Moll. Funafuti, Pélec., Mem. Austral. Muir., Vol. III, P.
502.
Deux valves isolées, l’une de Aukena ; l’autre de Mangareva (baie de Ganhéata). îles
Ellice.
31. Lasaea rubra, Montagu.
1803. Cardium rubrum MONTAGU, Test. Brit., pl. Il p. 83.
1894. Lasaea rabra Mtg., Hen et J. Brazier, Proc. Linn. Soc. N. S. Wales, vol. lX, P. 180.
Mangareva (Rikitea) : 3 ind. — [Espèce cosmopolite, signalée d’Australie.]
32. Scintilla oweni Deshayes.
1855. Scintilla oweni Deshayes, Proc. Zool. Soc. London, P. 179
1866. S. oweni Desh., Sowerby, Thés. Conch, vol. III, p. 177, pl 234, fig, 18
Mangareva (Rikitea) : 1 individu qui, par sa forme très peu inéquilatérale et ses bords
dorsal et ventral parallèles, se rapproche plus du S. oweni Desh., des Philippines, que du S.
strangei Desh., de Moreton Bay.
33. Scintilla striatina Deshayes (?).
1865. Scintilla striatina Deshayes, Proc. Zool. Soc. London, P. 176
1866. S. striatina Desh., Sowerby, Thés. Conch, vol. III, p. 179, pl 235, fig. 40.
Mangareva (Rikitea) : 6 très petits individus rapportés avec doute à cette espèce des
Phillippines.
34. Cardium maculosum Wood,
1815. Cardium maculosum Wood (non Sowerby) Gener. Conchol., vol.1, p.218, Pl.52,
fig. 3.
129
1833. C. multistranum Sowerby, Proc. Zool. Soc. London, P. 85.
1845. C. maculosum Wood, REEVE, Coach. Icon., vol. 11, Cardium, pl. XVI, fig. 76
Marutea du sud : une vingtaine de valves isolées. [Pacifique.]
35, Cardium orbita Sowerby.
1833. Cardium orbita Sowerby, Proc. Zool. Soc. London, P. 85.
1845. C. orbita Sow., Reeve, Coach. Icon., vol. II, Cardium, pl. XVII, fig. 85.
Hao : 1 valve. - [Tuamotu.]
36. Cardium (Hemicardium) fragum Linné,
1758. Cardium fragum Linné, Syst. nat., éd X, t. 1, p. 679.
1844. C. fragum L., Reeve, Conch. Icon., vol. II, Cardium, pl. IV, fig. 23.
Tuamotu (Fagatau, Pukapuka : 6 ind.) ; Marutea du sud : 12 ind. Aukena : 2 valves
Akamauru - 1 ind.- et 7 valves ; Temoe, 2 valves, — [Pacifique.]
37. Cardium (Hemicardium) arguatulum Sowerby.
1873. Cardium arguatalum Sowerby, Proc. Zool. Soc. London, p. 721, Pl. IX, fig. 10.
Tuamotu (Makemo), 5 ind., déterminés, grâce à l’obligeance de M. Daubeaberg, par comparaison avec des spécimens qui proviennent de sa collection, qui provient des mers de Chine.
38. Cardium (Hemicardium) Dionœum Sowerby.
1830. Cardium dionœum Sowerby, Zool. Journl., vol. IV, p. 367.
1845. C. dionœum Siow., Reeve, Conch. Ico., vol. II, Cardium, pl. XXI, fig. 122.
Tuamotu (Makemo, Fagatau, Hao) : 1 ind. et 5 valves ; Marutea du Sud : 3 ind. ;
Gambier (Puamu) : 4 valves. — [Tuamotu.]
39. Tridacna Mutica Lamarck.
1819. Tridacna mutica Lamarck, Anim. S. vert., t. VI, 1re part., p. 106.
1862. T. gigas Reeve (non Linné), Conch. Icon., vol. XIV, Tridana, pl. I, fig. 1 a, et pl. II,
fig. 1 b-c.
1884. T. mutica Lk., Sowerby, Thes. Conch., part XLII, p. 180, pl. 485, fig. 1, et pl. 488,
fig. 12.
Tuamotu (Fakahina, Hao, Vahitahi) : 6 ind. ; Marutea du Sud : 1 ind. — [Océan IndoPacifique.]
40. Tridacna Elongata Lamarck.
1819. Tridacna elongata Lamarck, Anim. S. vert., t. VI, 1re part., p. 106.
1862. T. elongata Lk., Reeve, Conch. Icon., vol. XIV, Tridacna, pl. II, fig. 2
1862. T. compressa Reeve, ibid ;, pl. VI, fig. 5 a et pl. VII, fig. 5 b-c.
1884. T. elongata Lk. Sowerby, Thes. Conch., part. XLII, p. 181, pl. 486, fig. 3-4.
Tuamotu (Fakahina, Fagatau, Vahitahi) : 7 ind. ; Marutea du Sud : 2 ind. ; Mangareva :
1 ind. ; Taraoura : 3 ind. — [O. Indo-Pacifique.]
Edouard Lamy
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Diagnoses préliminaires de crustacés,
décapodes et isopodes nouveaux40
M. le professeur E.- L. Bouvier a eu l’obligeance de me confier l’étude des collections carcinologiques très intéressantes que M. le Dr G.
Seurat a réunies pendant un long séjour aux îles Gambier et au cours de
ses explorations dans les autres îles de l’archipel des Tuamotu. Un
mémoire accompagné de planches, traitant des Décapodes,
Stomatopodes, Anisopodes et Isopodes, est maintenant sous presse et
paraîtra dans les “Memorie” de l’Académie des sciences de Turin. A ce
mémoire fera suite une deuxième partie traitant des Amphipodes,
Entomostracés et Pantopodes.
Je donne ici des courtes diagnoses préliminaires pour les espèces
nouvelles, qui sont au nombre de 34.
DECAPODA
ALPHEIDAE
Synalpheus brachyceros nov. sp.
F Pointe rostrale grêle, atteignant un peu au delà de la moitié du 1er article du pédoncule
des antennules ; pointes oculaires simples prolongements des voûtes orbitaires, subobtuses.
Pédoncule antennulaire court, 1er article à peine plus long que le 2e ; 3e article environ ? plus long
que le 2e. Stylocérite atteignant au delà de la moitié du 2e article. Épine externe du basicérite
atteignant l’extrémité du 1er article du pédoncule des antennules, épine supérieure très courte ;
carpocérite dépassant le pédoncule des antennes de toute la longueur du 3e article de ce même
pédoncule ; scaphocérite avec la partie laminaire très large, atteignant la moitié du carpocérite.
Mérus du gros chélipède sans épine interne, aigu à l’extrémité de son bord postérieur : paume
du gros chélipède très renflée, un peu plus large que la moitié de sa longueur, sans dent ou lobe
à l’extrémité; doigt mobile à pointe arrondie, long plus que ? de la longueur de la paume, doigt
fixe non prolongé en avant. Paume du petit chélipède subégale aux doigts, inerme, un peu plus
que moitié aussi haute que longue. Pattes de la 3e paire sans spinules sur le mérus et le carpe;
deux onguicules dont l’inférieur est plus court et apparemment un peu plus large que l’onguicule terminal. Longueur : 13, 5mm. - Makatea.
Alpheus aculeipes var. triphopus nov. var.
F Diffère de A. aculeipes H. Cout. par le 1er article du carpe de la 2e paire beaucoup plus
40 Bulletin du Muséum d’Histoire naturelle 1906 pp. 256-270
131
long, par l’ischinus (les pattes de la 3e paire sans épines, par le mérus seulement 3 fois aussi
long que large et n’ayant pas les spinules de aculeipes, par le carpe dépourvu de l’épine médiane, le propodite pourvu de 4-5 épines seulement, le doigt simple, le bord distal du telson plus
armé. - Marokau.
Alpheus euchiroides nov. sp.
Rostre aigu, n’atteignant pas l’extrémité du 1er article du pédoncule antennulaire, bien
séparé des voûtes oculaires. Bord orbitaire antérieur se rattachant au rostre par un bord en S,
formant de chaque côté du rostre deux petits lobes saillants et subarrondis. 2e article du pédoncule antennulaire subégal ou un peu plus long, que le 3e, un peu plus court que le 1er.
Carpocérite dépassant le pédoncule des antennules de presque toute la longueur du 3e article;
basicérite sans épine. Chélipèdes très inégaux, mérus avec épine subapicale interne, paume un
peu moins haute que ? de sa longueur, avec échancrure arrondie sur le bord supérieur et le bord
inférieur (groupe Edwardsi); petite main à bords convexes, sans échancrures, doigts poilus du
côté interne, mais sans crêtes piligères. 1er article du carpe de la 2e paire 1? fois le 2e qui est subégal au 5e. Mérus des pattes ambulatoires avec forte épine distale inférieure, doigt simple. Marutea.
Alpheus hoplites nov. sp.
Voisin de A. euchirus. Bord frontal à trois pointes, rostrale et oculaires, subégales. 2e article du pédoncule des antennules 1 ? fois aussi long que le premier, stylocérite atteignant les
extrémités du 1er article. Carpocérite dépassant le pédoncule antennulaire, mais de peu ; épine
du scaphocérite aussi longue que le carpocérite. Petite pince sans épine mérale, main grêle et
allongée, doigts mesurant les ? de la longueur de la paume, paume avec une petite échancrure
sur le fiord supérieur, doigts poilus mais non en bec de Balaeniceps. 1er article du carpe des pattes II égal au 2e. Ischium des pattes ambulatoires avec nue épine ; mérus un peu moins que 3
fois aussi long que large, avec épine apicale. Dactylopodite, avec deux onguicules, l’inférieur
plus court.
PONTONIIDAE
Periclemenes petithouarsi var. denticulata nov. var.
Pinces de la 1ère paire finement dentelées sur les doigts, pourvues de gros poils fasciculés ;
mérus des pattes II avec 4 épines inférieurement, carpe avec 3 épines distales ; doigt fixe de la
pince de la 2e paire pourvu de 25 denticles, doigt mobile pourvu de 10 denticles ; propodite des
pattes ambulatoires avec 14 spinules. - Gatavake.
Stegopontonia nov. gen.
Voisin de corallinaris. Rostre, aplati horizontalement sans dents triangulaires, formant
une voûte plane au-dessus des veux et des antennules. Pattes de la 2e paire très asymétriques :
doigts des pattes ambulatoires avec une double saillie.
Stegopontonia cominensalis nov. sp.
Rostre dépassant l’extrémité du pédoncule des antennules ; concaves en dessus, très longs
et étroits. Carapace pourvue seulement de l’épine antennale très petite. Pattes de la 1ère paire très
grêles et courtes, carpe un peu plus court que la main, doigts excavés et concaves en dedans, 4 fois
plus longs que la paume très courte. Pattes de la 2e paire très inégales l’une de forme Pontoniide à
carpe obconique très court et à main allongée, et renflée à doigts très courts, l’autre de forme normale palémonide, à carpe grêle, allongé, à main grêle et à doigts plus longs que la paume.
Dactylopodite des pattes ambulatoires très court, avec un ongle terminal et une double saillie ventrale, extrémité du propodite très poilue.
132
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Longueur, 20 mm. - Lagon de Hao, commensal de Echinothrix turcarum.
Palaemon (Parapalaernon) aemulus nov. sp.
M Carapace lisse. Rostre plutôt haut, un lieu courbé, à pointe très légèrement retroussée,
aussi long que le pédoncule des antennules, pourvu de 10/3 dents, dont 4 placées sur la carapace. Maxillipèdes externes atteignant l’extrémité du pédoncule des antennes supérieures ; 1ère
paire de pattes hérissées de tubercules dépassant avec ? du carpe le scaphocérite, doigts subégaux à la paume. Pattes de la 2e paire inégales, plus longues que le corps : carpe 1 ? fois aussi
long que le mérus, main 1 ? fois sur la petite pince (et plus sur la grosse) aussi longue que le
carpe, doigts les ? de la longueur de la paume sur la grosse pince, la ? sur la petite. Tous les articles hérissés de petits tubercules aigus ; main déprimée (rapport entre la longueur et l’épaisseur de la paume 1/9 sur la grosse pince et 1/7 sur la petite). Doigts armés de quelques grosses
dents suivies après jusqu’à la pointe par 15-16 paires de petits tubercules noirâtres émoussés.
Doigts de la petite pince très baillants. Pattes ambulatoires courtes, grosses et hérissées de granules aigus.
F Rostre avec 12/3 dents, cinq sur la carapace, pattes moins hérissées, celles de la 2e paire
plus courtes que le corps avec les doigts plus courts et non baillants. Doigts armés dans la moitié distale d’une ligne saillante continue, non de tubercules.
Longueur, mâle : 64 mm, femelle : 58 mm. - Gatavake, à 180 mètres d’altitude.
Amphipalaemon seurati nov. sp.
Fig. 1 - Syndesmya (Abra) seurati nov. sp.
1. Valve gauche, face externe - 2. Valve gauche face externe.
3. Charnière de la valve droite (voir p. 127)
133
M Rostre armé de 11 dents en dessus, commençant vers la moitié des pédoncules oculaires (la base du rostre n’est pas dentée) et de 8 dents en dessous ; aussi long que le scaphocérite. Pattes de la 1ère paire n’atteignant pas l’extrémité du scaphocérite, à doigts un peu plus
longs que la paume. Pattes de la 2e paire renflées, carpe très court et obconique, main renflée à
doigts d’un tiers plus courts que la paume, dépassant de peu le scaphocérite. Pattes ambulatoires n’ayant que quelques spinules sur le propodite.
GNATHOPHYLLIDAE
Gnathophyllum tridens nov. sp.
F. Rostre atteignant seulement la moitié du 1er article du pédoncule antennulaire, armé de
3 dents en dessus, d’aucune en dessous. Pattes de la 1ère paire dépassant le scaphocérite avec
presque toute la longueur du carpe ; pattes de la 2e paire fortes : paume deux fois aussi longue
que les doigts. Telson avec trois paires d’épines mobiles marginales et quatre épines distales.
Couleur rayée de brun. - Rikitea.
PAGURIDAE
Eupagurus maorus nov. sp.
F Carapace convexe, presque lisse ; pointe médiane atteignant presque la moitié des
écailles ophtalmiques, dents latérales presque nulles. Yeux distinctement plus courts que le
pédoncule antennal, aussi longs que le pédoncule antennulaire. Ecailles ophtalmiques subtriangulaires, non dentées, distantes. Chélipèdes inégaux ; mérus du chélipède de droite sans saillie
inférieure, à bords inférieurs finement denticulés ; carpe du même chélipède pourvu d’une
crête dentelée avec quelques dents spiniformes sur le bord interne, d’une autre crête sur le bord
externe et d’une crête médiane. La surface entre les crêtes, granuleuse ; inférieurement avec 4
rangées de granulations menues. Main allongée, étroite, non élargie ; bord interne avec deux
crêtes denticulées, une crête sur le bord externe, une au milieu de la surface ; surface entre les
crêtes granulée. Les deux crêtes de la main continuées sur le doigt fixe, une crête forte sur le
doigt mobile. Petite patte ornée de même, mais moins fortement, à poils longs et épars. Pattes
ambulatoires avec des longs poils rares et épars ; propodite avec une petite épine à l’extrémité
du bord inférieur, dactylopodite avec 6-7 spinules.
Longueur de la carapace, 6 mm. - Rikitea.
Anapagurus polynesiensis nov. sp.
M Carapace presque lisse, régions branchiales bien convexes. Saillies frontales de la carapace égales. Yeux plus longs que le pédoncule antennaire et que le pédoncule antennulaire ;
écailles ophtalmiques avec 5 spinules. Ischium des 3e maxillipèdes avec 10 dents aiguës du côté
interne, mérus et carpe se terminant en pointe aiguë du côté externe. Mérus du chélipède, de
droite spinuleux sur les trois bords, carpe avec une rangée de spinules recourbée sur chaque
bord ; les deux bords de la main pourvus aussi de 8-10 dents spiniformes ; surface avec deux
lignes d’aspérités, doigts denticulés, avec des longs cils. Petite patte également conformée mais
avec la surface entre les crêtes plus fortement armée. Pattes ambulatoires grêles. Mérus et propodite subdenticulés, avec des soies brièvement pinnées, carpe avec 3 épines sur le bord supérieur, propodite avec une épine apicole inférieure, doigts avec 3 spinules. - Rikitea.
GALATHEIDEA
Galathea megalochira nov. sp.
M Rostre large, pourvu de 3 dents seulement de chaque côté, la paire basale manque. Pas
de spinules sur la carapace en avant de la région gastrique. Ischium des maxillipèdes III plus
134
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long que le mérus, avec un angle spiniforme à l’extrémité du bord interne, et environ 15 dents
sur la crête interne ; mérus sans épine, mais à extrémité dentiforme. Chélipèdes inégaux ;
mérus du gros chélipède renflé à l’extrémité, son bord interne avec 3 spinules et 1 épine apicale ; carpe très élargi à l’extrémité, qui est presque tronquée avec une dent forte et une petite et
une dent apicale tronquée. Main forte, large, à bords presque inermes, à doigts plus courts que
la paume, baillants. Petite patte avec main plus distinctement dentelée et les doigts joignant.
Longueur de la carapace, 3 mm. - Ohura.
OXYSTOMA
Heteronucia venusta nov. sp.
M Carapace plus large que longue, subglobuleuse, à front bien avancé et couverte partout
de granules très menus. Régions médiocrement distinctes ; front très saillant, divisé par une fissure bien nette en deux lobes à bord oblique en dedans et pourvus d’une dent du côté interne.
Bords du front denticulés, quelques tubercules à sa base. Angles orbitaires externes dentiformes,
régions ptérygostomiques armées de 4-5 tubercules coniques spiniformes ; bords de la carapace convexes armés aussi de 4-5 tubercules coniques assez gros et d’autres plus petits en arrière. Surface de la carapace hérissée d’autres tubercules saillants et granuleux devenant plus petits
vers le milieu. Bord postérieur de la carapace tuberculé, non saillant. Bord antérieur du cadre
buccal saillant ; deux fortes saillies coniques granulées de chaque côté du cadre buccal, mérognathe long de ? de l’ischiognathe. Abdomen de 6 articles, le dernier très long et dépourvu de
tubercule. Chélipèdes égaux, granulés ainsi que les pattes, mérus avec un tubercule conique sur
le bord antérieur et sur le bord postérieur, à extrémité lobulée ; carpe court, lobulé ; main renflée, paume plus courte que les doigts ; doigts finement dentés, le doigt fixe plus gros que le
doigt mobile. Pattes ambulatoires finement granulées, mérus avec deux saillies dentiformes ;
doigts plus longs que les propodites.
Longueur, 3, 25mm. ; largeur, 2, 62 mm. - Ohura.
Nursia mimetica nov. sp.
F Carapace pourvue de trois côtes, l’une du front à la région gastrique et continuée, mais
beaucoup plus faiblement en arrière jusqu’à un gros tubercule cardio - intestinal et les deux autres épibranchiales. Côtes granulées et ponctuées ainsi que le tubercule postérieur ; surface entre
les côtes concave et lisse. Front légèrement bilobé. Région sous-hépatique et région ptérygostomiale en partie, formant une facette presque invisible d’en haut. Chélipèdes finement granuleux,
main à bord supérieur concave, à bord inférieur convexe ; doigts plus longs que la paume.
Longueur, 2, 8 mm. ; largeur, 3,8 mm. - Rikitea. - Mimétique de Halimede opuntia
Nucia rosea nov.
M Carapace plus large que longue, bien lobulée, peu convexe. Front saillant, bilobé lobes
triangulaires. Bord postérieur distinct et saillant, bilobé. Surface couverte de granules très déprimés, discoïdaux. Régions branchiales pourvues de 5 petites proéminences arrondies et séparées
par des sillons convergeant en avant des régions médianes. Aire cardio-intestinale bien saillante
et nettement circonscrite, cordiforme. Saillie ptérigostomique forte, conico-triangulaire ; bords
branchiaux pourvus de 4 saillies conico-triangulaires. Chélipèdes un peu plus longs que la largeur de la carapace, granulés ; doigts plus courts que la paume, sillonnés. Mérus des pattes
ambulatoires cachés, en grande partie, sous la carapace dans les trois premières paires.
Abdomen du mâle à 5 articles, le dernier dépourvu de tubercule. Couleur rose. Longueur, 9,5
mm. ; largeur, 11,5 mm. Mangareva - Taku, 20 mètres.
135
CYCLOMETOPA
Thalamita Bouvieri nov. sp.
F Article basilaire de l’antenne externe plus court que la longueur de l’orbite. Front propre divisé en 4 lobes, les médians droits, larges un peu moins que quatre fois les externes qui
sont arrondis ; lobes orbitaires internes obliques, non arrondis. Article basilaire de l’antenne
externe pourvu d’une crête lisse, courte et basse, non visible d’en haut. Carapace glabre, et ayant
seulement les parties latérales de la ligne saillante entre les dernières dents ; les autres manquent. Bords latéraux avec 4 dents, le premier est le plus long, convergent en arrière, 2e et 4e
dents petites, 3e rudimentaire ou nulle. Mérus avec 3 épines, lisse sur le bord postérieur, spinules du carpe réduites à des tubercules ; main lisse avec 3 crêtes et 3 épines seulement.- Rikitea,
10 mètres.
Thalamita Seurati nov. sp.
F Carapace et appendices très poilues ; carapace avec lignes transversales bien marquées.
cordiale, interdentale, gastrique, protogastrique et épigastrique. Front divisé en 4 lobes, les externes très petits, les internes très larges et émarginés. Article basilaire des antennes plus court que la
largeur orbitaire, avec une grosse crête pourvue de granules aigus. Bords latéraux de la carapace
divergents en dehors, avec 5 dents spiniformes assez longues ; la 4e rudimentaire, la 5e un peu plus
longue que les autres. Mérus des chélipèdes avec 3 épines sur le bord antérieur ; bord postérieur
rugueux et granulé. Carpe pourvu de 3 spinules en dehors, granuleux ; main granuleuse, avec 5
épines et 5 crêtes. Propodite de la 5e paire avec 8 spinules. Longueur, 6 mm : largeur, 10,5 mm. Marutea.
Thalamita minuscula nov. sp.
Surface de la carapace presque glabre et presque sans lignes : une cordiale très faible,
une interdentale interrompue, une gastrique interrompue. Lobes épigastriques distincts. Région
fronto-orbitaire très large, front bilobé, lobes arrondis, faiblement granuleux ; lobes sus-orbitaires internes obliques, petits. Bords latéraux obliques et convergents en arrière, pourvus de 4
dents ; la 3e rudimentaire, la dernière spiniforme mais plus grêle que la 2e. Article basilaire de
l’antenne plus court que la largeur de l’orbite avec une crête très saillante et microscopiquement
dentelée. Mérus des chélipèdes avec 3 épines, carpe avec spinules en dehors, main peu granuleuse avec 4 épines et 5 crêtes. Propodite de la 5e paire non épineux. Largeur, 4,46 mm. ; longueur, 3,5mm. - Vahitahi et Kaukura.
Thalamita pilumnoïdes var. gatavekensis nov. var.
Lobes orbitaux internes plus droits et plus longs, article basilaire de antenne pourvu de 56 denticles obtus ; 4 dents latérales dont la 3e est seulement un peu plus petite que les autres.
Propodite de la 5e paire avec 4-5 spinules - Gatavaké, 95 mètres.
Pilumnus parvulus nov. sp.
Voisin de P. australis Whitelegge. Carapace finement poilue en avant, moins en arrière :
pas de poils claviformes, mais quelques longs poils sétacés. Surface lisse, à peine irrégulière près
des dents, régions peu séparées, excepté celle gastrique. Lobes médians du front bien séparés,
à peine denticulés, lobes latéraux dentiformes. Bord orbitaire supérieur avec 2 fissures, bord
inférieur denticulé à lobe interne brièvement spiniforme. Dents latérales au nombre de 4, y compris l’orbitaire, aiguës, spiniformes, avec quelque granule aigu à leur base. Il y a une petite dent
sous-hépatique. Chélipèdes inégaux ; bord antérieur du mérus denticulé avec 2 spinules, bord
supérieur avec 4 denticles ; carpe garni de granules coniques, avec une petite spinule au-dessus de l’angle interne : grosse main couverte par moitié de sa surface de granules coniques ou
subaigus et de poils, lisse dans l’autre moitié ; petites mains avec granules aigus et poils sur
136
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toute sa surface ; doigts de la grosse main non sillonnés, doigts de la petite sillonnés. Pattes
ambulatoire 1 fois ? aussi longues que la largeur du corps, poilues : mérus avec quelques spinules sur le bord supérieur, dont l’une apicale ; carpe avec une épine apicale. Largeur, 6,5 mm. ;
longueur, 4,5 mm. - Gatavaké, 95 mètres ; Rikitea, Mangareva, Tokaerero.
Pilumnus merodentatus nov. sp.
Carapace plus étroite que dans parvulus, granulée, à régions mieux marquées. Front granulé, largement bilobé, lobes médians plus étroits et plus saillants. Bord supérieur de l’orbite
crénelé. Il y a une dent sous-hépatique. Trois dents latérales en plus de la dent orbitaire, aiguës,
spiniformes, les 2 premières avec un denticle accessoire. Chélipèdes comme ceux de parvulus,
mais à tubercules plus déprimés. Pattes ambulatoires 2 fois aussi longues que la largeur du
corps ; mérus pourvu de 3-4 épines et une apicale en dessus, et de quelques dents sur le bord
inférieur ; carpe sans épine apicale. Corps et pattes poilus. Longueur, 8,5 mm. ; largeur, 11
mms. - Rikitea.
Dacryopilumnus nov. gen.
Carapace large en avant, très rétrécie en arrière, à bords latéraux droits et convergents,
non lobulée. Front infléchi, formant en bas une lame large séparée des orbites par des fossettes
profondes. Orbites circulaires parfaitement fermées. Antennules transverses ; antennes nulles.
Maxillipèdes avec l’ischium prolongé en avant du mérus, dont le bord interne est oblique, en
dedans fouet inséré du côté interne. Crêtes endostomiales fortes.
Dacryopilumnus eremita nov. sp.
M Carapace ayant la plus grande largeur entre les orbites ; ses bords latéraux entiers
convergent fortement, bord postérieur mesurant à peine 1/5 de la largeur de la carapace.
Surface finement granuleuse ; une ligne granuleuse sur chaque côté. Orbites circulaires, parfaitement entières. Bord frontal supérieur divisé en quatre lobes lisses et plus saillants ; inférieurement, le front forme une plaque convexe non granulée, séparée des orbites par des dépressions profondes. Antennes disparues ; un article entre les antennules et le bord sous-frontal, et
une suture dans la dépression entre le front et les orbites paraissent être le résidu des antennes,
mais le fouet manque entièrement. Chélipèdes relativement gros, carpe et mains granuleuses,
doigts courts et bruns. Pattes ambulatoires courtes, avec les articles finement denticulés.
Dactylopodite simple. Longueur, 4 mm ; largeur, 5, ? mm. - Rikitéa, Makatea, Hao et Amanu,
dans les troncs des madrépores morts sur place.
Platyozius perpusillus nov. sp.
M Voisin de P. laevis Borr. mais distinct par ses bords latéraux tridentés, à dents denticulées, par ses chélipèdes armés de deux épines sur le bord antérieur du mérus, par le carpe armé
d’une épine interne aiguë, par les mains ornées de tubercules aigus, par les méropodites des pattes ambulatoires denticulés, et par les dactylopodites bionguiculés. Longueur 1,45 mm. -. largeur. 1,75 mm. - Hao
Parapleurophrycoides nov. gen.
Carapace quadrangulaire, pourvue de 3 dents latérales, front très large, infléchi, quadrilobé. Cadre buccal rétréci en arrière ; ischiognathe plus large que le mérus, mérus un peu élargi
du côté externe, palpe gros ; crête endostomiales fortes. Antennes libres dans le hiatus orbitaire.
Parapleurophrycoides roseus nov. sp.
M Carapace médiocrement convexe, à bords droits un peu convergents en arrière. Front
faiblement quadrilobé. Régions peu distinctes, surface finement poilue. Bords latéraux de la
carapace pourvus de 3 dents et d’un tubercule entre la 1ère et la 2e dent, et après la 3e ; 2e dent
plus longue que les autres et pourvue d’un denticle. Régions près des dents imperceptiblement
137
granulées. Mérus des chélipèdes avec une épine, bord supérieur denticulé ; carpe avec une
épine et la surface couverte de petits tubercules aigus, main couverte de granules aigus arrangés
en séries. Doigts aigus, brunâtres. Mérus des pattes ambulatoires avec quelques spinules en dessus ; carpe avec deux faibles crêtes et une spinule terminale. Couleur rose. Longueur, 1,3 mm ;
largeur, 1,7 mm. - Marutea.
CATAMETOPA
Macrophthalmus consobrinus nov. sp.
M Voisin de M. convexus. Carapace deux fois aussi large que longue. Régions gastrique et
cordiale lisses, régions hépatiques et cordiales finement grumeleuses, les granules formant un
amas longitudinal sur chaque région branchiale. Dent orbitaire externe très aiguë, dirigée en
avant et en dehors ; une seule dent après, aiguë, dirigée en dehors. aucune trace de 3e dent.
Pédoncules oculaires atteignant l’extrémité de l’orbite. Chélipèdes égaux, bords du mérus finement granulés pourvus de long poils clairs. Bord interne du carpe marginé par une ligne granuleuse, quelques granules aigus à l’angle interne. La moitié supérieure à la face externe de la
main granulée, l’inférieure lisse ; bord supérieur occupé par deux petites crêtes granulées, bord
inférieur avec une forte crête lisse s’étendant jusqu’à l’extrémité du doigt fixe. Doigt mobile avec
une faible crête dentelée, sans dent molariforme au bord préhensile ; doigt fixe avec une grosse dent
molariforme. Face interne de la main feutrée, sans épines. Mérus des 3 premières paires de pattes ambulatoires avec une épine apicale, bords du mérus, du carpe et du propodite finement
dentelés, les denticules disposés en 2-3 séries sur le mérus. Longueur, 16,5 mm. ; largeur, 34
mm. - Rikitea.
ANISOPODA
APSEUDIDAE
Apseudes rikiteanus nov. sp.
F Bord frontal convexe en avant, atteignant environ la moitié du premier article du pédoncule des antennes supérieures. Lobes oculaires bien développés, subobtus, yeux petits. Segments
du pereon complètement dépourvus d’épines, bords des segments tronqués. Bords des segments
abdominaux subaigus, recourbés en bas ; pas d’épines ventrales au pleon ; dernier article
arrondi, et presque aussi long que les 3 qui le précèdent. Premier article du pédoncule des
antennes supérieures un peu plus que 2 fois aussi long que large. 2e et 3e articles courts ; fouet
principal avec 7 articles, pourvus de soies ; fouet accessoire pourvu de 5 articles. Écaille du 2e
article du pédoncule des antennes inférieures très courtes ; 3e article très court, 4e deux fois
aussi long que le 3e, 5e plus court, et fouet de 6 articles. Pas d’épine épistomienne. Premiers gnathopodes à partie basale massive, renflée, l’article suivant aussi renflé, l’article carpal angulaire
et long d’environ trois fois sa largeur au bout ; main un peu plus longue que large, convexe, subégale aux doigts ; doigt mobile courbé, non denté, plus grêle que le doigt fixe ; doigt fixe à bord
préhensile dentelé et effilé. Deuxième gnathopodes forts avec 4 épines sur le carpe et 5-6 sur le
propodite, doigt arqué. Peréopodes avec des longs cils. Longueur : 2,3mm. - Rikitea, 2 mètres.
Apseudes Seurati nov. sp.
Tête formant en avant une saillie triangulaire à bords convexes et à pointe aiguë, n’atteignant
pas la moitié du premier article du pédoncule des antennes supérieures. Lobes oculaires arrondis,
yeux gros. Segments péréonaux sans épines, épimères petits ; segments pléonaux à bords subarrondis ; dernier segment aussi long que les 5 qui le précèdent. Une longue épine épistomienne.
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Pas d’épines ventrales. Premier article du pédoncule des antennes supérieures plus que trois fois
aussi long que large, avec des longs poils insérés dans des petites entailles ; 2e article un peu moins
long que la moitié du premier (3e et fouets manquent à l’exemplaire). Écaille du 2e article des
antennes inférieures étroite ; 3e article court, 4e et 5e plus courts et subégaux (le fouet manque).
Premier gnathopode très grêle et long, partie basale moins renflée que dans l’espèce précédente,
pourvue, au-dessous, de spinules ou grosses soies, article suivant grêle et cilié, convexe en dehors,
carpe plus que quatre fois aussi long que large. Main grêle et très longue, paume plus que deux
fois aussi longue que large ; doigts grêles subégaux à la paume non dentés (2e gnathopode et uropodes manquent). Péréopodes plus grêles, élancés et moins poilus que dans A. rikiteanus.
Longueur, 3,5 mm. - Tokaerero. Sur l’huître perlière.
TANAIDIDAE
Tanais Seurati nov. sp.
F Longueur, 2 mm. Lobes oculaires subaigus ; antennes presque égales, les unes tri-articulées avec le 1er article deux fois aussi long que le 2e et trois fois aussi long que le 3e, les autres
avec 5 articles dont le 2e est beaucoup plus court que le 1er et celui-ci un peu plus court que le
3e ; dernier article dans les deux paires avec un faisceau de poils. Doigt fixe du 1er gnathopode
plus large que le doigt mobile, denticulé. Abdomen non dilaté, trois premiers segments avec des
poils marginaux, deux derniers segments plus courts. Uropodes divisés en 6 articles. Péréopodes
avec le dernier article en forme de crochet, élargi à la base et microscopiquement denticulé.
Dans les ulves du Banc Gaveau.
ISOPODA
STENETRIIDAE
Stenetrium Hanseni nov. sp.
M F Tête environ trois quarts aussi longue que large, ses angles antérieurs prolongés en
cornes non dentées ; entre les antennes internes et l’angle latéral, une autre saillie plus courte.
Lame frontale droite. Pas de saillie sur le 1er article du pédoncule des antennes externes ; 5e et 6e
articles très longs, fouet un peu plus long que le pédoncule ; fouet des antennes internes composé de sept articles, plus court que le pédoncule. Yeux réniformes. Premiers gnathopodes du
mâle très longs, 4e article non saillant en arrière, mais formant un lobe arrondi à l’extrémité du
bord interne ; 5e article prolongé en un gros lobe apical concave qui cache le bord interne du 6e
article et qui est denté à l’extrémité ; 6e article amygdaloïde, deux fois aussi long que large, avec
une dent sur le bord palmaire ; 7e article se rabattant contre la saillie du 5e. Gnathopodes I de la
femelle plus courts, 4e article prolongé postérieurement en lobe saillant poilu ; 5e article seulement un peu prolongé en avant ; 6e élargi à l’extrémité plus que à la base armé d’une longue
épine et de quelques denticles. Abdomen un peu plus long que large, avec une dent de chaque
côté. Exopodes uropodes plus courts que l’endopode. Endopode du 2e pléopode du mâle avec le
2e article terminé en pointe presque triangulaire. Longueur 4,5 mm. - Fakahina. Sous les tridacnes mortes.
Stenetrium euchirum nov. sp,
M F Tête à peu près comme dans S. Hanseni, mais la dent de l’angle externe offre une
petite dent, et la dent du bord antérieur est aussi longue que la dent externe. Premier gnathopode court ; dans le mâle, le 3e article court a une saillie aiguë du côté externe ; 4e article avec
les deux extrémités subaiguës : 5e très court, prolongé à l’extrémité interne en un long proces-
139
sus triangulaire aigu ; 6e article formant avec le 7e une espèce de pince, parce qu’il est élargi à
l’extrémité, à bord droit et prolongé en longue saillie ; le 7e article se rabat contre ce bord ; il
est plus large dans la moitié distale que dans sa moitié proximale. Dans la femelle, le 6e article
est plus large ; son processus terminal plus court, et le 7e article n’est pas élargi dans la moitié
distale. Abdomen comme dans S. Hanseni. 2e article de l’endopode du 2e pléopode du mâle prolongé en pointe conique longue. - Tearia et Gatavaké.
PARASELLIDAE
Bagatus. nov. gen.
Antennes externes avec fouet long (6 articles et exopodes au 3e article). Antennes internes
à fouet pluriarticulé. Premier gnathopode avec 5e article très court, 6e article très allongé, avec
dents, 7e long et se rabattant contre le 6e pour former une pince. Pattes thoraciques bionguiculés ; pléopode de la 1ère paire du mâle avec une suture à l’extrémité.
Bagatus stylodactylus nov. sp.
M Tête 1 fois ? aussi large que longue, à angle arrondi, bord frontal plutôt concave, yeux
arrondis. Exopode de l’antenne externe linéaire, fouet des antennes internes avec 8-9 articles.
Premiers gnathopodes allongés, à articles comprimés, le 2e très court, le 3e et le 4e allongés, le
5e très court ; 6e article plus que deux fois aussi long que large et pourvu dans sa moitié distale
de deux fortes dents triangulaires. Doigt falciforme se repliant contre le bord externe du 6e article. Pleotelson non denticulé. Longueur 2 mm. - Mangareva.
Bagatus platydactylus nov. sp.
M Yeux réniformes, comme dans Stenetrium. Premier gnathopode avec le 4e article élargi ; 5e avec une longue saillie apicale externe ; 6e allongé, urcéole avec 2 dents distales ; 7e plus
long que le 6e, élargi à l’extrémité. - Rikitea.
VALVIFERA
Synidotea pacifica nov. sp.
Surface dorsale un peu inégale, mais non tuberculée. Epimères entièrement soudés sur les
segments thoraciques 1-4 faiblement indiqués par des sutures sur 5-7. Tête environ deux fois
aussi large que longue à ongles antérieurs subarrondis, à front presque droit ; un peu renflée
latéralement. Yeux petits, subdorsaux, antennes externes courtes, fouet de 5 articles. Antennes
internes courtes, à fouet rudimentaire, d’un seul article. Pleotelson avec une seule ligne partielle de suture, à extrémité arrondie. Longueur, 3 mm. - Localité non précisée.
FLABELLIFERA. - SPHAEROMIDAE
Paracassidinopsis nov. gen.
Pléopodes 4 et 5 avec des plis sur les deux rameaux pléopodes1-2-3 avec des forts poils
plumeux sur les deux rameaux ; endopode dit pléopode 1 étroit, appendix masculina du 2e
pléopode bien développée ; exopode du pléopode III avec articulation terminale. Pas de différence dans le corps entre le mâle et les femelles ; dans les deux sexes l’endopode des uropodes
est plus développé que l’exopode. Mâles à maxillipèdes lobés, femelle chargée d’embryons avec
réduction des parties buccales. Abdomen convexe avec 4 crêtes sur le dernier article, extrémité
faiblement émarginée.
Paracassidinopsis sculpta nov. sp.
Tête, vue d’en haut, assez courte, élargie, yeux postérolatéraux, sans saillies antérieures.
Premier segment péréional plus long que les autres, segment 2e plus petit que le premier mais
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plus large que les suivants, segments III, IV, V subégaux, segments VI et VII plus courts ; les segments II et V ont les épimères aigus ou subaigus saillants, délimités par une suture, accompagnée par un tubercule oblong ;
Antennes et anten-nules courtes, leur pédoncule sans saillies. Surface des segments
péréionaux un peu plus sculptée, parce que leur partie postérieure est plus saillante et un peu
granulée. Premier segment abdominal large et un peu répandu latéralement, avec deux lignes de
suture. Dernier segment très bombé dans sa partie basale avec 4 crêtes arrondies, partie terminale convexe en point mousse et légèrement échancrée à l’extrémité en dessous. Uropodes un
peu plus courts que le dernier segment, à endopode large, et beaucoup plus long et plus large
que l’exopode. Longueur, 2,7mm.- Rikitea.
Dynamenella Codii nov. sp.
M F Convexe, presque lisse sur les segments péréionaux , excepté le 9è. Épimères des segments 1-6 presque arrondis, non saillants, plus ou moins marginés. Premier segment un peu
plus long, les autres subégaux, le 7e bien développé, bilobé légèrement au milieu, avec les parties latérales bien saillantes et arrondies. 1er article de l’abdomen court, avec deux sutures ;
dernier article renflé, granulé et pourvu de courts poils ; pointe rétrécie et échancrée ; échancrure plutôt courte et à fond arrondi, mais bien saillante et à lèvres renflées. Abdomen avec des
granulations et quelques poils. Uropodes, à peine plus longs que le dernier segment, médiocres ;
endopode un peu plus court que l’exopode ; ce dernier à peine denticulé et pourvu de poils très
courts. Longueur, environ 4 millimètres. - Makapù. Dans les Codium. Dynamenella platura
nov. sp.
Corps 1 4/5 fois aussi long que large ; les segments presque de même longueur, excepté
le premier qui est plus long et le dernier qui est plus court (en examinant l’animal d’en haut).
Chaque segment bordé d’une ligne de granulations en arrière. Epimères subaigus. Telson bien
granulé dans le mâle, peu ou point dans la femelle. Échancrure terminale triangulaire avec un
petit lobe impair dans le mâle et se prolongeant après avec une fissure jusqu’à la pointe ; uropodes élargis, un peu plus longs que le telson, granulés. les deux rames de même longueur denticulées ; dans la femelle, le telson est plus court, et l’échancrure terminale est simple et courte ;
les uropodes sont subégaux au telson. et leur exopode plus court que l’endopode. Longueur du
mâle 2, 6 mm. - Localité non précisée.
BOPYRIDAE
Gigantione. Giardi nov. sp.
F Longueur, 20 mm ; largeur, 19 mm. Corps asymmétrique, lames pleurales plus fortement développées à gauche qu’à droite. Corps élargi, péréion beaucoup plus développé que le
pléon. Tête élargie, bord frontal charnu, droit, deux saillies charnues sur les parties antérieures
des bords latéraux. Antennules triarticulées, antennes avec 6 articles. Segments thoraciques tous
pourvus de lamelles pleurales charnues et un peu bosselées ; plus fortes à gauche qu’à droite ;
segments II, III, IV avec des renflements gibbeux près des lames pleurales, marqués seulement
à gauche. Lames pleurales des segments de l’abdomen conformées comme celles du thorax ; 6è
segment pourvu aussi de deux lamelles, et de petits uropodes charnus. Cinq gros oostégites dont
les bords extrêmes se dépassent largement. Crête interne du premier oostégite, qui cache les
maxillipèdes, lobulée à la base. Maxillipèdes sans palpe : pattes thoraciques avec le dernier article distinct et en crochet. Pléopodes comme dans G. Mœbii. Uropodes à article basilaire charnu et deux petites branches cylindriques, lisses.
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M Longueur, 7 mm ; largeur, 2, 36 mm.. Tous les segments bien séparés, sans crêtes ou
tubercules sternaux ; le quatrième segment plus large ; les angles des deux premiers articles
arrondis, les autres dirigés en arrière. Yeux distincts. Antennes visibles d’en haut dans leur partie terminale. Une paire de maxillipèdes non segmentés. Segments de l’abdomen distincts et
mobiles avec pléopodes simples, laminaires ; uropodes laminaires articulés avec le telson.
Sur Xantho (Eudora) tetraodon Heller. Cavité branchiale de droite. île Hao.
Dr G. Nobili
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Coquille de Cyprée, usée à l’une de ses extrémités, et servant à enlever l’écorce du fruit
de l’arbre à pain (Bulletin des Sciences pharmacologique, 1903).
Note sur les Cypraeides
des Tuamotu et de Mangareva41
A la fin de 1901, M. Seurat, au moment de son départ pour
l’Océanie, voulut bien me promettre de m’adresser des Cypræa dans
l’alcool pour faciliter mes recherches anatomiques sur ce groupe, de
mollusques gastéropodes. Pendant son long séjour dans l’archipel de
Mangareva (Gambier) et dans celui des Tuamotu ou Paumotu, il a largement tenu sa promesse ; j’ai reçu à maintes reprises des échantillons,
souvent avec leur ponte. A son retour, il a rapporté de ces îles de nombreux spécimens à sec ou dans l’alcool de toutes les espèces de Cypræa
qu’il a pu recueillir.
Ce sont ces types formant la faune Cypræidaine de ces parages
océaniens que je vais faire connaître.
Le nombre des espèces récoltées s’élève à 32 pouvant se diviser en
24 Cypræa et 8 Trivia ; ce nombre considérable ne se trouve, dépassé à
notre connaissance que par celui des espèces signalées pour la NouvelleCalédonie et îles environnantes, par divers naturalistes (Crosse, P. Fischer,
Sowerby, Rossiter), et tout dernièrement par M. Ph. Dautzenberg dans sa
“Révision des Cypræidæ de la Nouvelle-Calédonie”, publiée en 1902
dans le Journal de Conchyliologie, vol. L, p. 291-384.
41 Extrait du Bulletin d’histoire naturelle. - 1906, n° 2, p. 115-117.
143
Les îles Tuamotu et Gambier, auxquelles l’on peut joindre les îles de
la Société, se trouvent donc être une des régions les plus riches en
Cypræa. Certaines espèces affectent ici des formes spéciales suivant les
points sur lesquels on les a récoltées.
Avant de signaler ces variations locales, nous donnons la liste de
toutes les espèces, en indiquant leur degré de fréquence, et cela sous la
forme d’un tableau d’ensemble montrant aussi leur répartition dans les
différentes îles que M. Seurat a visitées pendant les trois années de son
séjour dans cette région.
La présence d’un seul astérisque indique, sur le tableau ci-après,
que cette espèce est très rare dans cette localité ; deux astérisques
qu’elle est assez rare, trois commune et quatre très commune. Ces indications sont appuyées sur le nombre d’individus de chaque espèce pris
par le Dr Seurat dans chacune de ces îles, soit dans le lagon, soit le long
du récif extérieur, ou encore dans les chenaux reliant le lagon à la mer.
Comme on pourra le constater en parcourant le tableau, certaines
espèces telles que les Cypræa arenosa, ventriculus, reticula, erosa,
caput-serpentis et moneta, ; ainsi que les Trivia cicercula et Childreni, se trouvent dans la plupart de ces îles et souvent très abondamment :
d’autres, au contraire, Cypræa testidunaria, talpa, tigris, aurantium,
lynx, tabescens et Cumingii, ainsi que Trivia Adamsoni sont localisées
dans une, deux de ces îles et ne se rencontrent que très rarement.
Les espèces communes sont des types à aire géographique considérable, on les trouve à la fois dans tout l’Océan Pacifique, dans le nord et l’ouest
de l’Océan Indien : il en est ainsi pour les Cypræa moneta, erosa, caputserpentis…, quelques-unes communes dans l’Océan Indien et la partie
ouest de l’Océan Pacifique paraissent être sur la limite orientale de leur aire
géographique comme C. talpa, tigris, lynx, vitellus… Mais, de manière
générale, l’on peut poser en principe que, en se rapprochant de l’Amérique,
le nombre des Cypræa diminue, et il se réduit à une douzaine d’espèces le
long des côtes entre San Francisco et Panama ; ces espèces sont : C. albuginosa, arabicula, cervinetta, exanthema, spadicea et Sowerbyi ; Trivia
californica, pacifica, pulla, pustulata, radians et Solandri.
144
T A H I T I
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AMANU
FAGATAU
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OHURA
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FAKARAVA
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HAO
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FAKAHINA
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HAO
NARUTEA
NUKUTAVAKE
PUKARUA
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TAENGA
HIKUERU
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MAKEMO
•
DU SUD
OTEPA
1 - Oeno est une île coralienne située au Sud-Est de l’archipel des Tuamotu, à 140 kilomètres au Nord-Ouest de Pitcairn.
TRIVIA ADAMSONII GRAY
— MARGARITA SOLAND....................
— CICERCULA L..............................
— ANNULATA GRAY.........................
— NUCLEUS L................................
— CHILDRENI GRAY.........................
— HORDACEA KIENER......................
— TREMEZA DUCLOS.......................
CYPRCEA TESTIDUNARIA L.
— TALPA L....................................
— ISABELLA L................................
— CARNEOLA L..............................
— ARENOSA L................................
— VENTRICULUS LMK.....................
— RETICULA MARTYN......................
— SCURRA CHEMM.........................
— MAURITIANA L............................
— TIGRIS L...................................
— AURANTIUM MARTYN...................
— VITELLUS L................................
— LYNX L.....................................
— EROSA L...................................
— TABESCENS SOLAND....................
— IRRORATA SOLAND......................
— CAPUT-SERPENTIS L....................
— CAPUT-ANGUIS MELVIS................
— IIELVOLA L.................................
— MONETA L.................................
— ANNULUS L................................
— OBVELATA LMK...........................
— GOODALLII GRAY.........................
— CUMINGII GRAY...........................
DESIGNATION
TIKAHAU
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MANGAREVA
VAHITAHI
TUREIA
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AUKENA
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PUAMU
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TARAOURA
ILES GAMBIER
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TEMOE
ARCHIPEL DES PAUMOTU OU TUAMOTU
OENO
Enfin, quelques espèces ne semblent appartenir qu’à cette région de
l’Océan Pacifique, bien qu’elles y soient peu communes ; il en est ainsi
pour les Cypræa Cumingii et Goodalii ; la Cumingii habite surtout les
îles de la Société, et la Goodalii les îles du sud-ouest des Tuamotu. Il faut
cependant faire exception pour les C. annulus, variété orvelata, très
abondantes dans les îles de la Société : elles caractérisent bien la faune
Cypræa de ces îles, bien qu’on les trouve aussi dans d’autres archipels
de l’Océan Pacifique, mais jamais avec la même abondance.
Bien que la Cypræa aurantium Martyn (aurora Solander) n’ait
pas été recueillie par M. Seurat, je l’ai cependant indiquée, dans ma liste,
parce que ce naturaliste en a vu à Papeete (Tahiti) des exemplaires pris
dans la région. M. Allain, directeur principal des frères de Ploermel à
Papeete, qui habite ces îles depuis plus de trente ans, m’a aussi donné
quelques indications sur l’habitat de cette espèce dans ces parages
océaniens ; il en a obtenu ou vu plusieurs spécimens capturés sur les
récifs coralligènes du sud-ouest de l’île Tahiti, ainsi que dans ceux de
l’île Bora-Bora. Les Indigènes s’empressent d’ordinaire de la percer de
deux trous pour la mettre au centre de leur collier de coquillages ; c’est
ce qui explique l’abondance relative des porcelaines aurores ainsi percées qui se trouvent dans beaucoup de musées et qui ont été rapportées
par tous les grands navigateurs de la première moitié du XIXè siècle
(Dumont d’Urville, Laplace, Dupetit - Thouars...).
Je terminerai cette note par quelques remarques sur les variations
de forme que présentent plusieurs de ces espèces, variations assez grandes pour faire considérer certaines d’entre elles, lorsque l’on possède
peu d’individus comme des variétés distinctes, tandis que lorsque l’on a,
à sa disposition de nombreux spécimens, l’on passe insensiblement du
type de l’espèce à la variété la plus éloignée. Parmi les espèces de l’archipel des Tuamotu, celle qui à ce point de vue est la plus remarquable,
c’est la C. inoncta ; presque toutes les formes et teintes signalées en
1884 par M. de Rochebrune, Assistant au Muséum, dans son travail sur
les Monetaria (Bulletin de la Société Malacologique de France) se
retrouvent parmi les nombreux spécimens de toutes tailles récoltés par
M. Seurat dans certaines îles (Hao, Marutea du sud ou île de lord Hood,
Fagatau, Fakahina et Hikueru).
146
N°296-297 • Février-Juin 2003
Il en est de même pour les Cypræa caput-anguis que l’on peut
regarder comme la forme pas tout à fait adulte des C. caput-serpentis
si vivement colorées qui habitent ces diverses îles océaniennes.
Enfin, c’est grâce aux patientes recherches de M. Seurat que j’ai
non seulement pu avoir un grand nombre de spécimens dans l’alcool de
plusieurs de ces espèces, mais aussi des pontes de quelques-unes d’entre elles qu’il m’a recueillies. Il me sera ainsi possible d’étudier la disposition du groupement des œufs de ces Cypræa et peut-être les premières phases larvaires de ces mollusques.
A. V. Vayssiere,
Professeur à la Faculté des Sciences de Marseille
147
L.G. SEURAT, il y a un siècle :
un spécialiste de la nacre
L.G. Seurat, les perles et les parasites
Au début du XXe siècle, L.G. Seurat, avec de solides arguments tirés
de ses observations sur les huîtres perlières des îles Gambier émettait,
pour la première fois, l’hypothèse d’une origine parasitaire des perles
naturelles Cette hypothèse a été reprise au Sri Lanka avec les observations
sur le parasitisme des huîtres perlières. Depuis on s’est désintéressé de la
question de l’origine des perles naturelles, sans doute avec le développement des techniques conduisant à l’obtention de perles de culture.
En 1901 le gouvernement de Tahiti confiait à L.G. Seurat l’étude des
bancs d’huîtres perlières des îles Gambier. L’administration de la
Polynésie classait alors les îles de l’archipel en quatre catégories :
les îles avec des huîtres perlières “nacres”,
les îles épuisées,
les îles en décroissance,
les îles “sans nacre”.
Les Gambier entraient dans la première catégorie.
Seurat s’installe en 1902 à Mangareva et obtient très rapidement des
résultats puisque, dès le 9 juillet 1903, il écrit au professeur Guiart pour
lui soumettre ses premières observations sur l’origine parasitaire de
perles noires chez Pinctada margaritifera cumingi.
“Je crois que la formation des perles chez l’huître perlière est
due à la présence d’un parasite amphistome dont l’évolution m’échappe jusqu’à présent”.
Seurat a en effet observé, dans la chair de certaines huîtres perlières, des kystes sphériques de faible diamètre contenant un petit ver dont
il envoie trois dessins. C’est ce petit organisme qu’il pense représenter
la larve d’un amphistome (Trématode) et être à l’origine des perles
naturelles.
Sur la vue des dessins, Guiart estime à juste raison que le ver observé par Seurat n’est pas une larve de trématode mais une larve appartenant
148
N°296-297 • Février-Juin 2003
au cycle d’un cestode. Influencé par ce que l’on connaissait à l’époque
sur l’origine des perles dans les moules d’eau douce, Guiart attribue la
larve trouvée par Seurat à un cestode Pseudophyllide dont l’adulte parasite l’intestin de certains poisson d’eau douce.
On peut alors juger des qualités et de l’intuition de Seurat. Orienté
par la réponse de Guiart il reprend l’étude des larves trouvées dans le
huîtres et décèle une ressemblance de leur région antérieure avec celle
de Tylocephalum pingue. Ce petit cestode a été découvert en 1890 par
E. Linton dans l’intestin spiral d’une raie Rhinoptera quadriloba sur la
côte atlantique de l’Amérique du nord.
Seurat recherche alors les parasites intestinaux des raies qui fréquentent les côtes des îles Gambier et en particulier celles qui mangent des
huîtres. Il découvre ainsi, dans l’intestin spiral de la raie léopard Aetobatis
narinari, un cestode qu’il nommera, en 1905, Tylocephalum margaritiferae. Comme Rhinoptera, Aetobatis narinari possède à la mâchoire
supérieure et inférieure de solides plaques composées par la soudure de
nombreuses dents simples. Cette dentition en pavé et une puissante musculature, permettent à ces raies de broyer la coquille de mollusques ou la
carapace de crustacés qui forment l’essentiel de leur alimentation.
À la suite des observations de Seurat le cycle du cestode Tylocephalum margaritiferae pouvait être schématisé de la manière suivante.
(Fig. 1) Les vers adultes vivent dans l’intestin spiral de la raie léopard
où les individus sont solidement fixés par leur région antérieure (A), le
scolex. Les œufs du parasite sont rejetés dans le milieu extérieur avec les
fèces de la raie (B). Le mode de passage de l’œuf à l’huître perlière reste
inconnu (C). La larve infestante du cestode, le plerocercoïde, est encapsulée dans la chair de l’huître (D et E). Les A. narinari s’infestent en
consommant les huîtres ainsi parasitées.
Seurat montre alors comment certaines de ces larves, encapsulées
sont à l’origine des perles naturelles. Il décrit la formation autour de la
larve d’une seconde capsule réactionnelle puis le début de l’accumulation de nacre formée autour de celle-ci par l’huître. Comme la larve est
minuscule (0,5 mm) le nucleus central, à l’origine de la perle naturelle, est très petit. Cela peut expliquer que l’on ne trouve de grosses perles que dans les vieilles huîtres.
149
Ces observations originales de Seurat rejoignent celles réalisées,
presque à la même époque (1903), par Herdman et Hornell à Ceylan
(Sri Lanka). Ces auteurs, eux aussi partisans de l’origine parasitaire des
perles, observent au centre de “kystes fibreux” récoltés chez un bivalve
d’eau douce Margaritifera vulgaris une larve de cestode. En 1912,
Jameson, reprenant ce matériel, décrit cette larve comme celle d’une
autre espèce du genre Tylocephalum (T. ludificans). L’hôte définitif de
ce cestode est encore inconnu.
Outre ces résultats sur l’origine parasitaire des perles chez P. margaritifera cumingi on peut dégager des observations de Seurat un
deuxième fait important. Il a en effet remarqué que la spécificité de la
larve vis-à-vis de l’huître hôte est stricte (de type oioxène). Seurat précise qu’il n’a pas trouvé de “kystes”, avec une larve identique à T. margaritiferae, chez les autres bivalves des lagons en particulier chez les
pipi, petite huître à nacre jaune Margaritifera panasesae, maintenant
nommée Pinctada maculata. Dans un travail de 1905, il ajoute même
“la formation des perles chez M. panasesae est également due à un
parasite, différent de celui de l’huître perlière”. À l’heure actuelle on
ne connaît toujours pas ce parasite, ni son hôte définitif.
Ainsi il y a presque 100 ans, Seurat démontrait l’origine parasitaire des perles chez Pinctada margaritifera. Depuis ce problème n’a pas
fait l’objet d’études approfondies. On ne sait toujours pas comment la
larve issue de l’œuf de Tylocephalum parvient à parasiter les huîtres
(passage de B à D sur la Fig. 1). À ce sujet on peut émettre deux hypothèses :
a) soit il y a une infestation directe de l’huître à partir des œufs du
Tylocephalum,
b) soit le cycle du parasite comporte, comme celui de la majorité
des cestodes de vertébrés aquatiques, un copépode premier hôte intermédiaire. Seules de nouvelles recherches, si possible aux îles Gambier,
permettront de trancher entre les deux hypothèses.
L. Euzet,
Professeur émérite Université Montpellier 2
150
Schéma du cycle biologique de Tylocephalum margaritiferae Seurat, 1905.
A = cestode adulte,
B = œuf,
C = stade hypothétique dans un crustacé copépode, hôte intermédiaire,
D = larve encapsulée dans l’huître perlière,
E = larve plerocercoïde extraite de la capsule.
1 = raie léopard Aetobatis narinari, hôte définitif,
2 = huître perlière Pinctada margaritifera cumingi, hôte intermédiaire.
Dessin L. Euzet
151
Observations sur l’évolution
de l’huître perlière des Tuamotu et des Gambier
(Margaritifera L. var. cumingi Reeve)42
Dimorphisme sexuel
L’huître perlière des lagons des Gambier et des Tuamotu, la
Margaritifera var. cumingi, Reeve, découverte par Hugh Cuming à
Marutea du sud, est à sexes séparés. Les caractères extérieurs permettant de distinguer les huîtres perlières mâles des huîtres perlières femelles sont peu marqués et il faut une grande habitude pour reconnaître le
sexe à la seule inspection de la coquille : la valve gauche est généralement plus aplatie chez le mâle que chez la femelle mais cette différence
est à peine sensible. Le caractère le plus constant à notre avis paraît être
le suivant : la coquille de la méléagrine mâle est arrondie, son diamètre longitudinal étant plus grand que son diamètre transversal, ce dernier
étant mesuré de la charnière au bord libre ; la coquille de la femelle est
au contraire allongée dans le sens transversal.
Le nombre des huîtres perlières femelles paraît être beaucoup plus
grand que celui des huîtres perlières mâles ; sur une cinquantaine de
méléagrines prises au hasard, on est toutefois certain de trouver trois ou
quatre individus mâles.
Les différences sexuelles, si difficiles à apprécier par le simple examen de la coquille, deviennent plus évidentes quand on examine les parties molles de l’animal.
Le corps de l’huître perlière est enveloppé de deux feuillets ou
lames qui doublent la coquille, l’ensemble de ces deux feuillets étant
désigné sous le nom de manteaux ; chacune des lames du manteau est
réunie à la valve correspondante par 9 ou 10 points d’adhérence ; en
outre, deux tendons insérés dans la région céphalique, de chaque côté
et en arrière de la bouche, assurent l’adhérence de l’animal à la
coquille.
42 JOEFO du 14 juillet 1904 pp. 239-243
152
N°296-297 • Février-Juin 2003
Si après avoir coupé le muscle adducteur principal des valves près
de son insertion sur l’une des valves, on enlève le feuillet correspondant
du manteau et les branchies, dont la base d’insertion est située immédiatement en arrière de celle des palpes labiaux, on peut se rendre compte
de la disposition des organes de l’animal : la masse viscérale proprement
dite est située au-dessus du muscle adducteur ; l’un des organes les plus
volumineux est le pied situé dans la région antérieure du corps, immédiatement au-dessous de la bouche et formé de trois parties :
1) un appendice en forme de doigt, présentant un fort sillon à sa
face ventrale ;
2) au-dessous de cet appendice digitiforme, le byssus, ou ensemble
des filaments qui attachent l’huître perlière au support, la base du byssus étant renfermée dans une gaine qui est en relation avec l’appendice
digitiforme ; le byssus est en rapport avec deux forts muscles rétracteurs qui s’attachent à la face interne de la coquille, immédiatement audessus du muscle adducteur ;
3) au-dessous de la gaine du byssus se trouve un lobe en forme de
lamelle aplatie, qui est d’autre part en rapport avec la région ventrale de
la masse viscérale. L’examen de ce lobe permet immédiatement de reconnaître le sexe de l’animal : la partie digitiforme du pied est constituée de
même, mais le lobe est beaucoup plus développé et mieux séparé de la
partie ventrale de la masse viscérale chez la femelle que chez le mâle.
Glandes génitales
Les glandes génitales situées immédiatement sous la peau, occupent
la presque totalité de la masse viscérale, De chaque côté : il y a un massif de glandes génitales à droite et un massif à gauche ; ces glandes génitales sont blanches, quelquefois rosées.
Les orifices génitaux, situés à droite et à gauche du pied, tout près
de l’insertion de la branchie, ont deux petites fentes allongées difficiles
à voir ; si on presse sur la glande génitale d’un individu arrivé à maturité sexuelle, on voit les produits génitaux sortir par ces orifices.
Les œufs forment un liquide blanchâtre qui se mélange immédiatement à l’eau de mer ; les spermatozoïdes au contraire, se ramassent en
masses blanchâtres qui tombent au fond sans se mélanger à l’eau de mer.
153
Les glandes génitales sont bâties sur le même type dans les deux
sexes : ce sont des glandes tubulaires ramifiées, un grand nombre de
ramifications étant accolées aux rameaux principaux ; ces glandes ont
quatre canaux vecteurs principaux ; les deux plus importants par le
calibre, se dirigent l’un vers la région postérieure de l’estomac en donnant des arborisations qui couvrent la surface latéro-postérieure du foie,
l’autre, qui contourne le muscle rétracteur du pied, donne des arborisations qui couvrent la région postérieure de la masse viscérale ; deux
autres canaux vecteurs, de plus petit calibre, se dirigent, le premier vers
la région antéro-dorsale, en passant immédiatement en arrière des palpes labiaux, ses arborisations couvrant la région antérieure du foie le
second, vers la région antérieure ventrale du foie, en passant au-dessous
des palpes labiaux.
Structure des glandes. - Testicule. La structure du testicule est assez
simple : il est formé d’une série de tubes contournés, émettant de nombreuses branches, l’ensemble formant un massif, entouré d’une lame
fibreuse très mince, qui revêt les parties latéro-dorsales et latéro-ventrales de la masse viscérale. A l’intérieur de ces tubes se trouvent les spermatozoïdes, sous la forme de petits corps arrondis extrêmement nombreux.
Les spermatozoïdes mesurent 2/1000è de millimètre de diamètre ;
ces petits corps arrondis sont très vivaces et ont un mouvement saccadé
tout spécial : la trajectoire qu’ils décrivent est une série de demi-circonférences juxtaposées. Les éléments mâles conservent très longtemps
leur vitalité et il est très facile, en particulier d’en ramener vivant des
lieux de plonge, après une traversée de 2 heures dans un cristallisoir.
Ovaire. - Le type de structure de l’ovaire est le même que celui du
testicule ; l’ovaire est formé d’une série de tubes accolés se ramifiant un
grand nombre de fois et couvrant de leurs branches les parois latérales
et ventrales du corps ; l’enveloppe fibreuse très mince existe également.
A l’intérieur de cette enveloppe se trouve une assise de cellules dont un
certain nombre grandissent plus que leurs voisines, font hernie à l’intérieur et deviennent les cellules-œufs ; ces grosses cellules se développent aux dépens de leurs voisines, et quand les œufs sont arrivés à maturité, ces dernières ont disparu.
154
N°296-297 • Février-Juin 2003
L’époque de la maturité sexuelle ne dépend pas de l’âge de l’animal,
mais de la saison ; les jeunes huîtres perlières sont capables de même
que les huîtres perlières âgées d’émettre du frai, en quantité moins
grande toutefois. S. Pace a observé ce dernier fait chez l’huître perlière
du détroit de Torrès, la Margaritifera maxima Jameson, et plusieurs
auteurs (Brooks etc.) l’ont observé sur l’huître américaine Ostrea virginiana Lister).
Les œufs de l’huître perlière sont extrêmement volumineux et il est
facile de les distinguer avec une loupe grossissant seize fois ; ils sont
généralement ovoïdes, avec un pôle plus aigu, et mesurent 5/100è de
mm de longueur et 4/100è de mm de diamètre transversal ; le noyau de
l’œuf est très gros et mesure 25/1000è de mm de diamètre. Les œufs ne
possèdent pas de mouvement propre et sont entraînés par le courant de
l’eau. L’huître perlière les mange quand ils passent à portée et nous en
avons trouvé souvent dans l’œsophage de ce mollusque.
Fécondation des œufs ; fécondation artificielle, malaxage. - Les
œufs sont fécondés hors du corps de l’huître perlière ; le hasard joue
un grand rôle dans la rencontre des produits sexuels ; toutefois la grande vitalité des spermatozoïdes et leur mobilité contribuent beaucoup à
assurer la fécondation.
Il nous a été possible, en opérant sur les lieux de pêche ou au laboratoire sur des individus pêchés le jour même, de pratiquer avec succès
la fécondation artificielle ; l’œuf fécondé prend aussitôt une forme
sphérique et sa membrane d’enveloppe est très nette ; le développement
rapide des infusoires dans l’aquarium s’est toujours opposé au développement ultérieur des œufs fécondés : invariablement, ceux-ci sont dévorés au bout de 24 heures. La fécondation artificielle a été pratiquée avec
succès, d’ailleurs, chez l’huître américaine Ostrea virginiana Lister,
chez Xylotria fimbriata, etc.
Sur les lieux de pêche, les œufs fécondés artificiellement peuvent
continuer leur développement et donner naissance à des embryons. A ce
propos, l’opération du malaxage de la chair des huîtres perlières
pêchées, ordonnée pour la première fois par l’arrêté du 7 août 1900 sur
les conseils du professeur Al Agassiz, pourrait donner des résultats très
avantageux ; malheureusement ce malaxage n’est pas pratiqué par la
155
majorité des plongeurs et si quelques, rares d’entre eux effectuent cette
opération, ils la font d’une telle façon quelle n’est pas susceptible de
donner un résultat utile. Les arrêtés ordonnent de rejeter toutes les parties molles de l’animal et ne permettent par conséquent pas aux
Indigènes de conserver le muscle adducteur des valves qui est pour eux
un aliment très recherché43.
Le malaxage de la masse viscérale seule, débarrassée des lobes palléaux, des branchies et du muscle donnerait de meilleurs résultats et
permettrait aux plongeurs de conserver le muscle adducteur pour leur
nourriture ; d’un autre côté, étant donné le nombre restreint des méléagrines mâles, le malaxage doit être pratiqué quand le pêcheur dispose
d’un certain nombre de nacres et, par suite, cette opération devrait se
faire vers la fin de la journée les huîtres perlières n’étant ouvertes qu’à
ce moment.
Naissain. - Le développement de l’œuf donne naissance à un
embryon pourvu d’une coquille à deux valves égales, réunies entre elles
par une charnière d’un type tout particulier : la région cardinale est
épaissie et crénelée ; elle présente des dents très régulières, séparées
par des espaces ou fossettes plus larges ; ces dents engrènent avec celles de la valve opposée. Cette coquille primitive appelée prodissoconque,
se retrouve chez tous les lamellibranches.
L’embryon parvenu à ce stade est appelé embryon véligère : il est
pourvu d’une double couronne ciliée pré-orale, établie sur un épaississement de la peau et appelée voile ; le battement des cils de cette double couronne détermine un déplacement très rapide de l’animal.
Ces embryons véligères mènent pendant quelques jours, une existence pélagique, à la recherche d’un endroit favorable pour y continuer
leur développement. Cette phase est l’une des plus délicates de leur existence et celle pendant laquelle ils sont le plus en butte aux attaques de
leurs ennemis.
43 Les Indigènes des Tuamotu et des Gambier préparent le muscle adducteur des valves de
l’huître perlière de la même façon que les maoa, Turbo setosus Gmelin : ils l’enfilent dans une
ficelle et le font sécher au soleil.
156
N°296-297 • Février-Juin 2003
Faune du plancton
La faune du plancton est assez pauvre dans le lagon de Mangareva,
comme d’ailleurs dans les lagons de l’archipel des Tuamotu ; elle varie
avec la saison considérée et en particulier, les embryons véligères de
gastropodes et de lamellibranches, ne se rencontrent guère que du mois
d’octobre inclus au commencement du mois de mai (à Mangareva).
Les types les plus constants de cette faune sont les Leucifer,
quelques copépodes, les Sagitta, les cténophores, les globigérines
(foraminifères) et les Ceratium (ces derniers servent de nourriture à
l’huître perlière).
Les Leucifer sont des crustacés décapodes de 10 à 15 mm de longueur, très abondants à Mangareva et d’une voracité extrême : ils dévorent les petits cténophores et paraissent s’attaquer également aux
embryons véligères.
Les Sagitta vivent généralement par bandes de nombreux individus
et on trouve souvent des embryons véligères entre les crochets qui
entourent la bouche de ces animaux.
Outre ces formes qui se rencontrent toute l’année, on en trouve
d’autres à certaines périodes de l’année seulement ; c’est ainsi qu’aux
mois de décembre, de janvier et de février, la mer est littéralement couverte (lagon de Mangareva récif extérieur de Marutea du sud) de masses rouges et blanches que S. Grand44 a voulu considérer, comme le frai
des huîtres perlières ; ces organismes, allongés et piriformes, mesurent
1 mm ? de longueur et 7/10è de mm de diamètre transversal, et ne sont
autre chose que des larves de coralliaires.
Pendant la saison chaude (octobre à avril), les nauplii et les zoé les
larves de squille, les jeunes palémons sont très fréquents et jouent un
rôle important dans la constitution de la faune pélagique.
Parmi les autres animaux du plancton, il faut signaler les hémiptères marins, halobates et hermatobates qui viennent de temps en temps
de la haute mer dans le lagon, les embryons de poissons, les jeunes
poulpes, les foraminifères, en particulier les rosalies et les globigérines
44. S. Grand. - Revue maritime et coloniale tome 125, pages 576 à 590 ; mai 1896.
157
ces dernières étant parfois d’une abondance extrême et venant s’échouer sur la plage où elles forment un cordon littoral, les siphonophores, vélelles et physalies et enfin les grandes méduses qui apparaissent
au mois d’avril et marquent le début de la saison froide. Il est intéressant de noter la présence dans la faune pélagique de Mangareva, du
Podocerus chelonophilus Chevr. et de Guerne, espèce qui a été signalée
dans l’Atlantique et la Méditerranée.
Prodissoconques
Les prodissoconques des lamellibranches, tout en présentant de
grandes similitudes entre elles, ont toutefois des caractères spéciaux qui
permettent de les distinguer : ces caractères se rapportent à la forme, à
la dimension et à l’ornementation de ces petites coquilles.
La prodissoconque de l’huître perlière Margaritifera cumingi est
une petite coquille équivalve, pourvue de deux crochets très développés ;
chaque valve est ornée de stries ou lignes concentriques très rapprochées, parallèles au bord libre, la région du crochet en étant toutefois
dépourvue ; cette coquille mesure 17/100è de mm de diamètre transversal, mesuré du crochet au bord libre et 24/100è de mm de longueur.
La prodissoconque est facile à observer chez les jeunes spécimens d’huître perlière mesurant de 15 à 20 mm de diamètre transversal ; on peut
même la retrouver intacte chez des individus beaucoup plus âgés, par
exemple chez des méléagrines mesurant 70 mm de diamètre transversal.
La valve gauche de la prodissoconque est marquée d’une tache blanche
qui couvre la région du crochet et s’étend jusqu’au bord libre sous la
forme dune bande assez large ; la valve droite est marquée d’une tache
blanche beaucoup moins étendue et qui ne couvre guère que le sommet.
Il existe dans le lagon de Mangareva (ainsi d’ailleurs qu’aux Tuamotu),
une autre espèce de mollusque appartenant au genre Margaritifera, la
M. panasesœ Jameson, que l’on trouve assez fréquemment attachée sur
la coquille de l’huître perlière. La prodissoconque de la Margaritifera
panasesœ a la même forme que celle de l’huître perlière et ne s’en distingue guère que par une taille plus grande : cette prodissoconque
mesure en effet, 22/100è de mm de diamètre, du sommet au bord libre,
et 27/100è de mm de longueur ; les deux valves sont ornées de 16 lignes
158
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concentriques écartées les unes des autres de 1/100è de mm, la première de ces lignes ne commençant qu’à une certaine distance du sommet ;
la région du crochet est marquée d’une tache blanche très développée
qui ne descend pas toutefois jusqu’au bord libre comme chez l’huître
perlière.
La prodissoconque de Melina isognomum L. est très semblable à
celle des méléagrines : elle a la même forme et mesure 22/100è de mm
de diamètre transversal, du crochet au bord libre, et 25/100è de mm de
longueur ; chacune de ses valves est ornée de stries ou lignes concentriques très rapprochées les unes des autres. Il n’y a pas de tache blanche sur les valves.
La coquille primitive de l’Ostrea mordax Gould var., mollusque que
l’on rencontre si fréquemment sur les collecteurs et sur les valves de
l’huître perlière, et celle de la Chama pacifica Brod., diffèrent au
contraire beaucoup de celle des méléagrines. La prodissoconque de
l’Ostrea mordax Gould var., est très grande et est sensiblement aussi
longue que large (1/3 de mm de diamètre transversal, du sommet au
bord libre) ; elle est ornée de 16 stries ou lignes concentriques très
éloignées les unes des autres, la première commençant à une certaine
distance du sommet de la coquille lequel est marqué par un crochet très
accusé.
La coquille primitive de la Chama pacifica est très petite mesurant
15/100è de mm de diamètre transversal sur 20 de longueur et est ornée
de stries concentriques très rapprochées les unes des autres.
Les embryons véligères placés dans un verre de montre contenant
de l’eau de mer se déplacent très rapidement par le battement des cils
de la double couronne, ciliée pré-orale. Le pied chez ces jeunes huîtres
perlières est très développé par rapport aux dimensions de l’animal et
celui-ci s’en sert pour ramper sur le fond du verre de montre ; il se
meut ainsi d’une façon assez rapide.
Stades évolutifs ultérieurs
Stade néplonique. – L’un des problèmes les plus intéressants de
l’histoire évolutive de l’huître perlière est de savoir ce que deviennent les
embryons véligères de ce mollusque. Beaucoup de ces embryons après
159
avoir mené une existence pélagique pendant quelques jours tombent au
fond et se mettent à la recherche d’un support convenable ; un grand
nombre périssent avant d’avoir atteint ce résultat. Les faits que nous
avons observés récemment jettent un jour tout nouveau sur l’existence
de ces jeunes mollusques, et sont susceptible de donner des indications
utiles pour l’établissement de l’ostréiculture perlière. Les pâtés de récifs
du lagon de Marutea du sud, qui affleurent à marée basse, présentent,
sur leurs flancs, des bouquets d’algues vertes dans lesquelles nous avons
trouvé, en août dernier (1903), de jeunes Margaritifera panasesœ
Jameson dont la coquille mesurant à peine 2 mm de diamètre n’était pas
encore ornée de lamelles ; ces jeunes Margaritifera étaient déjà attachées par un byssus.
D’autre part, nous avons pu observer les faits suivants dans l’archipel des Gambier : deux bouées placées sur le banc de Tearai, au sud de
l’île Mangareva, sont couvertes d’algues vertes et d’algues rouges, les
ulves étant les plus abondantes ; au milieu de ces ulves vivent des
amphipodes, quelques crabes, des pycnogonides, de petits gastropodes
un certain nombre de jeunes lamellibranches Anomia ione Gray Ostrea
mordax Gould var., Circe pectinata, et de jeunes spécimens des deux
espèces de Margaritifera que l’on trouve dans le lagon de Mangareva,
la M. panasesœ et la M. margaritifera var. cumingi.
Les plus jeunes spécimens d’huître perlière que nous avons trouvés
dans cette station ont 8/10è de mm de diamètre transversal ; d’autres
plus âgés, mesurent 2 mm et _ de diamètre ; tous sont parvenus an
stade néplonique, stade qui suit la prodissoconque et qui est caractérisé par l’apparition de la dissoconque ou coquille définitive portant la
prodissoconque à son sommet.
Les jeunes méléagrines ont la même forme que les jeunes M. panasesœ et ne s’en distinguent que par leur couleur, qui est vert sombre
tandis que les secondes sont blanches. L’organisation interne des spécimens les plus jeunes est très peu avancée ; les branchies, en particulier
ne comprennent que quelques filaments couverts de cils vibratiles dont
le battement s’observe très bien par transparence ; les spécimens les
plus âgés au contraire ont une organisation interne très avancée. Le
stade néplonique est un stade de perfectionnement interne des divers
160
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organes de l’animal achevant alors leur évolution et, par suite ce stade a
une grande importance dans l’histoire biologique de l’huître perlière.
L’histoire évolutive de la Margaritifera panasesœ est intimement liée
à celle de la M. var. cumingi ; ces deux mollusques se rencontrent fréquemment ensemble et par suite nous devons étudier ces deux espèces.
Margaritifera panasesœ - La plus jeune Margaritifera panasesœ
que nous avons rencontrée mesure ? mm de diamètre transversal de la
charnière au bord libre ; la prodissoconque occupe une place très
importante, puisqu’elle mesure 22/100è de mm de diamètre ; les deux
valves de la prodissoconque sont situées sur chacune des valves de la
dissoconque ou coquille définitive, et elles sont séparées l’une de l’autre par la charnière définitive, qui a tous les caractères de la charnière
de l’adulte et présente déjà un ligament ; la dissoconque a une forme
irrégulièrement pentagonale le bord des valves étant arrondi, avec une
charnière très allongée, et par suite sa forme qui se rapproche de celle
de la coquille adulte diffère totalement de celle de la prodissoconque.
La structure de la dissoconque est également entièrement différente de celle de la prodissoconque : l’assise des prismes est apparue ; la
structure prismatique de la dissoconque ne fait pas suite immédiatement
à la structure concentrique de la prodissoconque : il y a une zone ou
marge intermédiaire mesurant 2/100è de mm de largeur.
Ces jeunes méléagrines ont une coquille lisse, non ornée de lamelles ; un spécimen mesurant 1,9 mm de diamètre transversal, attaché par
un byssus aux algues vertes des récifs de la partie S.-O. (Mokoe) du lagon
de Marutea du sud a également une coquille lisse, tandis que la coquille
d’un spécimen mesurant 2,4 mm de diamètre transversal, fixée sous les
lamelles d’une huître perlière (Marutea du sud) est ornée de quatre rangées de lamelles : la première rangée, située à 1,5 mm de la charnière,
est formée de deux lamelles calcaires la seconde de trois, la troisième de
quatre et enfin la dernière n’en comprend encore que deux.
Margaritifera var. cumingi - La prodissoconque et la dissoconque
sont séparées chez l’huître perlière, de même que chez la M. panasesœ,
par une marge de 2/100è de mm de largeur ; la dissoconque a une couleur vert sombre qui permet de la distinguer à priori.
161
Les lamelles apparaissent beaucoup plus tard chez l’huître perlière
que chez la M. panasesœ : de jeunes dissoconques de 5 mm de diamètre transversal en sont encore dépourvues, une dissoconque mesurant
5,5 mm de diamètre présente, au contraire, l’ébauche d’une lamelle. On
peut d’ailleurs constater ce fait sur la coquille de jeunes huîtres perlières dont les lamelles sont intactes : celles-ci ne commencent guère qu’à
une distance de 6 mm environ du sommet.
Etude des jeunes Margaritifera
Les jeunes Margaritifera dont nous venons de parler se conservent
très bien dans un aquarium : nous en avons conservé pendant plus d’un
mois dans l’appareil de Fabre-Domergue et Biétrix, où l’eau est agitée
par le mouvement d’un disque de verre dont le plan est oblique à l’axe
de rotation, et dans des flacons où arrive un fort courant d’air ; ce dernier dispositif paraît être plus favorable.
Le bleu de méthylène d’Erlich donne des résultats remarquables
pour la coloration de ces jeunes méléagrines vivantes : il suffit d’ajouter une très petite quantité de cette matière à l’eau de mer pour voir les
animaux se colorer. Certains organes ne se colorent pas ou presque pas,
d’autres au contraire, en particulier le bourrelet palléal et les branchies
se colorent très rapidement ; les deux feuillets du manteau ne se colorent pas.
L’animal placé dans un verre de montre, peut être examiné au
microscope : on le voit alors entrebâiller sa coquille, puis la refermer
d’un mouvement brusque ; en même temps le manteau se contracte,
puis s’étend de nouveau quand les deux valves s’écartent, les bourrelets
palléaux étant alors à peu de distance du bord libre des valves ; c’est à
ce moment qu’il est le plus facile d’observer la structure de ce bourrelet ou bord palléal.
Le bourrelet palléal est formé de deux lames, une externe, appliquée contre la face interne de la coquille, l’autre interne ; ces deux
lames ou feuillets sont réunies par une ligne commissurale qui se colore fortement ; leur bord libre présente des digitations ou lamelles espacées plus ou moins régulièrement sur chacune des deux lames des bourrelets palléaux. Les digitations du bord du manteau sont beaucoup plus
162
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développées, toutes proportions gardées, chez les jeunes spécimens que
chez les individus âgés.
Les branchies, fortement colorées, forment une sorte de croissant
dont la pointe est située dans la région postérieure du corps et la base
d’attache en arrière de la prodissoconque. Les branchies sont formées
essentiellement de 3 lames ou feuillets, chacune de ces lames étant constituée par une série de filaments étroits, garnis de cils vibratiles sur les
côtés, très espacés les uns des autres et sans commissures transversales ;
chacun des filaments du feuillet moyen se replie en V à chacune de ses
extrémités, l’ensemble de ces filaments réfléchis constituant, d’une part
le feuillet interne de la branchie, attaché dans la région antérieure de la
masse viscérale, au dessus du pied, d’autre part le feuillet externe, attaché dans la région postérieure de la masse viscérale ; l’union des deux
filaments formant les deux branches de chacun des V est assurée par une
partie plus épaisse.
Les jeunes M. panasesœ mesurant ? mm de diamètre transversal
n’ont que deux filaments branchiaux. L’examen de ces jeunes méléagrines par transparence permet de reconnaître le cœur avec son ventricule et ses deux oreillettes, qui se colore très faiblement et bat avec régularité, la masse viscérale, le rectum qui s’en détache, passe au-dessus du
cœur et va contourner la face externe du muscle adducteur, etc.
Le pied est l’un des organes les plus volumineux, et il joue, dans
cette phase de l’existence des méléagrines, un rôle très important. A l’état d’extension, le pied fait saillie hors de la coquille et se compose d’une
base d’attache assez longue, et d’une partie digitiforme, oblique à la
première, présentant un fort sillon à sa face ventrale au fond duquel se
trouve la glande byssogène. Les jeunes Margaritifera qui vivent au
milieu des ulves ne sont pas attachées par un byssus et se déplacent très
rapidement ; quand on les place, dans un cristallisoir ou dans un tonneau de verre, elles ne restent pas au fond, mais cheminent le long des
parois du vase jusqu’à ce quelles aient trouvé une station qui leur
convienne ; ce déplacement est très rapide comme on peut s’en
convaincre par l’expérience suivante : une jeune huître perlière de 1,5
mm de diamètre transversal, placée dans un tonneau de verre a remonté le long des parois, en rampant à l’aide de son pied ; de 4 h 54 du soir
163
à 4 h 59, l’animal a parcouru 42 mm, soit 8,4 mm par minute ; de 4 h
59 à 5 h 04 35 mm et enfin 32 mm de 5 h 04 à 5 h 09.
Les Margaritifera peuvent se déplacer d’une autre façon, elles peuvent rester en suspens dans l’eau, et s’y déplacer par des mouvements
brusques de rapprochement des valves de leur coquilles, à la façon des
limes ; le pied, qui est alors à son maximum d’extension semble jouer
un rôle de direction dans ce mouvement.
Quand une méléagrine a trouvé une station qui lui convient, elle
secrète un byssus et s’y attache ; cette fixation n’est pas définitive et l’animal peut, à son gré, couper son byssus et aller ailleurs chercher un
support plus favorable.
Les jeunes Ostrea mordax Gould var., qui vivent au milieu des
ulves, se fixent, au contraire, de très bonne heure par leur valve inférieure. Ces huîtres sont extrêmement abondantes, très rustiques et
paraissent nuire beaucoup aux méléagrines ; des tuiles collectrices
mouillées dans la baies de Kirimiro (février 1903) ont été couvertes peu
de temps après leur immersion, ainsi que les bouées indicatrices, de ces
jeunes Ostrea mordax var. ; les fascines en miki-miki Pemphis acidula Forster se couvrent également très rapidement de ces mollusques
et l’immersion de fascines-pièges rendrait des services appréciables
puisqu’elle permettrait d’en détruire un grand nombre. (L’Ostrea mordax var. est un mollusque qu’on reconnaît non seulement à de faibles
profondeurs dans les baies mais encore dans les fonds riches en huîtres
perlières, et la coquille de ces dernières en est quelquefois entièrement
couverte : banc de Taku, aux Gambier, lagon de Marutea du sud, etc.)
Les petites méléagrines dont nous venons de retracer une partie de
l’histoire biologique ne restent pas continuellement au milieu des ulves :
elles restent dans cette station jusqu’a ce que leur organisation interne
se soit perfectionnée et se laissent ensuite tomber au fond, pour y chercher un support convenable. Nous avons rencontré ces jeunes huîtres
perlières de couleur vert sombre, mesurant de 3,5 à 5,5 mm sur la
coquille de l’huître perlière adulte (banc de Tokaai, avril 1903 ; banc
de Tearai, janvier 1904) sur des morceaux de bois tombés au fond
(Tearai janvier 1904). Ces méléagrines sont attachées par un byssus et
leur coquille commence à s’orner de lamelles.
164
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Si on examine un jeune huître perlière, on retrouve, au sommet de
chacune des valves la prodissoconque qui est une zone de couleur vert
sombre, de 5 à 6 mm de diamètre, qui tranche sur la couleur brune du
reste de la coquille. Sur une méléagrine du banc de Tearia, mesurant 86
mm de diamètre transversal, de la charnière au bord libre, la zone de
couleur vert sombre est très développée, s’étendant jusqu’a 20 mm de la
charnière. A mesure que la coquille s’épaissit, la couleur primitive disparaît et fait place à la couleur brune ; le sommet reste rarement intact et
il est rare de retrouver la prodissoconque sur des spécimens âgés.
Les faits qui précèdent nous montrent quel est le rôle important des
collecteurs de surface, garnis d’algues vertes, dans l’évolution des jeunes Margaritifera, qui traversent, dans ces stations, une des périodes les
plus difficiles de leur existence, période qui est surtout une phase de
perfectionnement des organes ; les jeunes huîtres perlières complètement développées peuvent alors tomber au fond et y trouver un support
convenable.
Les pâtés de récifs couverts d’algues vertes sur leurs flancs (lagon
de Marutea du sud) jouent certainement un grand rôle dans la fixation
du naissain ; il n’en résulte pas moins cependant, que l’on pourrait en
multipliant les collecteurs de surface, faciliter dans une large mesure le
développement des jeunes méléagrines.
Il nous reste à décrire l’évolution des jeunes huîtres perlières qui,
ayant dépassé un diamètre transversal de 10 mm, partagent la vie des
huîtres perlières adultes ; c’est ce que nous nous proposons de faire
prochainement.
Rikitea, le 20 avril 1904
Fragment de râpe à coco
en nacre (14-A.L.)
voir p. 300
165
La nacre et les perles en Océanie française45
La France possède, dans ses colonies lointaines du Pacifique, des
pêcheries très importantes d’huîtres perlières, qui fournissent à notre
industrie nationale la nacre si recherchée, connue sur le marché sous le
nom de nacre à bord noir (black edged)46 et des perles aussi estimées
que celles de Ceylan et du golfe Persique.
L’huître perlière d’Océanie Margaritifera margaritifera var.
cumingi Reeve, trouvée par Hugh Cuming à Marutea du sud, en 1828,
vit dans les lagons des Tuamotu et des Gambier ; elle est toutefois très
rare dans certaines îles, dites “îles sans nacres”, abondante dans d’autres. On la trouve également dans quelques-unes des îles Sous-le-Vent
(lagon de Scilly) et même à Tahiti et aux Marquises, où elle est très peu
commune.
On trouve des méléagrines depuis la zone littorale jusqu’à une profondeur de 45 m ; toutefois, la zone littorale n’est pas très favorable à
leur développement.
Les huîtres perlières vivent toujours dans les lagons, ou à l’intérieur
des récifs qui entourent les îles hautes, quelquefois dans les bras de mer
qui font communiquer le lagon avec la haute mer ; mais nous n’en
avons jamais rencontré sur le récif extérieur.
L’huître perlière à bord noir peut atteindre un diamètre de 30 cm,
son poids peut dépasser 8 kg (les deux valves) ; nous possédons des
spécimens dont le poids excède 5 kg.
45 N.D.E. Ceci est une synthèse de deux articles rédigés à quelques années d’intervalle dont la
dernière a été présentée le 24 mars 1906 lors d’une conférence au Musée Océanographique de
Monaco. Archives Seurat SEO Br 4 n°34
46 Le marché de la nacre est à Londres ; tous les efforts faits pour l’amener à Paris ont
échoué ; l’industrie française consomme cependant une grande quantité de nacre, en coquilles
brutes, qui est de :
En 1899................... 3.913.410 kilos.
En 1900................... 4.117.150 —
En 1901................... 3.016.589 —
En 1902................... 2.997.417 —
En 1903................... 4.394.477 —
soit une moyenne quinquennale de 3.685 tonnes.
166
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On rencontre dans les lagons d’Océanie une autre méléagrine de
très petite taille, dont le diamètre transversal n’est guère supérieur à 5
cm, dite méléagrine à nacre jaune Margaritifera panasesae Jam. ; ce
mollusque appelé pipi par les Indigènes, donne des perles jaune d’or,
quelquefois des perles noires, de très belle forme, mais dont l’orient
s’altère très vite ; celles-ci n’ont par conséquent pas de valeur, mais
habilement présentées, elles ont pu souvent tromper des connaisseurs et
être vendues comme perles d’huître perlière.
L’huître perlière n’arrive pas à son développement normal dans les
endroits peu profonds : celles qui vivent sur les pâtés de coraux morts
découverts aux grandes marées vieillissent sans accroître beaucoup leur
diamètre ; nous avons trouvé, sur les pâtés du port de Rikitea, des huîtres perlières parvenues à leur état adulte, dont le diamètre transversal
ne dépasse pas 45 mm et le poids des deux valves 14 g.
Ce mollusque se développe également mal dans la zone tout à fait littorale, où il meurt le plus souvent par suite de l’envasement ; la méléagrine à nacre jaune, et d’autres lamellibranches, Circe pectinata L., Melina
costellata Conrad, prospèrent au contraire très bien dans cette zone.
Les fonds de sable et de vase calcaires, caractérisés par des bucardes Cardium fragrum L., des tellines Tellina rhomboïdes Q. et G., T.
crebrimaculata Sowb., Clava pharos Hinds, Mitra pacifica Reeve,
Terebra undulata Gray, Calappa tuberculata, etc., si fréquents dans
certains lagons des Tuamotu (Marutea du sud), entre les pâtés de
coraux morts, ne conviennent pas à l’huître perlière ; celle-ci ne s’y
développe que si elle trouve dans ces fonds un support favorable,
coquilles de chames ou branches de mikimiki, Pemphis acidula Forst.
Points d’attache du byssus
L’étude des supports sur lesquels l’huître perlière se fixe le plus
volontiers présente un intérêt pratique considérable.
Ce mollusque, en attachant son byssus, ne tient généralement pas
compte des dimensions du support ; il se fixe aussi bien sur une petite
coquille ou un petit fragment de madrépore que sur un support volumineux. D’autre part, il ne s’attache jamais sur les coraux vivants, et si parfois on trouve un byssus attaché sur un corail (branche de madrépore,
167
etc.), on constate toujours que la partie servant de point d’attache est
une partie morte ; pas un seul filament du byssus n’est fixé sur une partie vivante du coralliaire.
Par contre, les huîtres perlières se fixent fréquemment sur les
coquilles vivantes, en particulier sur les chames et sur d’autres huîtres
perlières ; dans ce dernier cas, elles forment des chapelets plus ou
moins longs. L’union de l’huître perlière avec son support est souvent
très intime ; c’est ainsi que nous avons trouvé des spécimens de Melina
isognomum L. ayant leur byssus attaché sur celui d’une huître perlière,
cette dernière ayant d’autre part fixé un certain nombre des filaments de
son byssus sur la coquille de la perne.
Les méléagrines se fixant sur les supports qui sont à leur disposition, la nature de ces supports varie suivant les régions considérées.
Aux îles Gambier, dans les baies de Taku et de Kirimiro, les coraux
appartenant au genre Oxypora sont très communs, et constituent un très
bon support pour les huîtres perlières, support qu’affectionnent également d’autres mollusques, la Chama pacifîca Brod., la Melina isognomum et les arches.
Le nombre des filaments du byssus des méléagrines augmente avec
l’âge de l’animal : le byssus très volumineux d’une méléagrine adulte du
banc de Taku était formé de 550 fils, attachés sur cinq morceaux
d’Oxypora morts et quelques-uns sur le sommet de la coquille d’une
perne Melina isognomum L. vivante, fixée sur le même support ; le
byssus dans ces mêmes bancs nacriers, est fréquemment fixé sur des
Oxypora morts et sur des branches de madrépores morts.
Les huîtres perlières du banc de Tearia (Gambier) se fixent fréquemment sur des coquilles mortes de chames, d’arches et de pernes,
et sur des branches de madrépores morts ; les fungies mortes, les
coquilles mortes de Sistrum, de spondyle Spondylus pacificus Reeve et
d’huître perlière sont également des supports fréquents.
Dans le lagon de Marutea du sud, les huîtres perlières se fixent sur
les supports suivants : 1°) rameaux morts d’un arbrisseau à bois très
lourd, appelé mikimiki, Pemphis acidula Forst. ; 2°) chames mortes
et chames vivantes (ces mollusques sont extrêmement fréquents dans le
lagon) ; 3°) coquilles de spondyles ; 4°) valves de tridacnes ; 5°)
168
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coquilles de lithophages, de Sistrum, de Margaritifera panasesae et de
M. Cumingi ; 6°) fungies et madrépores morts.
Les tuiles, et surtout la face concave des tuiles courbes, sont des
supports très recherchés par les méléagrines ; les chaînes qui retiennent les bouées du port de Rikitea (Mangareva) sont littéralement couvertes de méléagrines à nacre jaune paille M. panasesae.
Les huîtres perlières adultes sont capables de couper leur byssus et
d’aller s’attacher ailleurs, mais elles ne le font que rarement ; si au
contraire, on coupe leur byssus et qu’on les mette dans une caisse avec
des supports qui leur conviennent (tuiles, coquilles mortes, etc.), elles
ne tardent pas à s’y attacher.
L’expérience suivante montre avec quelle facilité les méléagrines
peuvent se déplacer : le 19 mars 1903, une méléagrine à nacre jaune
paille Margaritifera panasesae Jam., était fixée sur la plaque de verre
centrale d’un appareil Fabre-Domergue et Biétrix, dans un tonneau de
verre ; la plaque venant à être mise en mouvement, la méléagrine s’est
détachée et le 20 mars elle était attachée sur les parois du tonneau, par
un byssus de 18 fils.
Dans leur jeune âge, les méléagrines se déplacent très facilement et
elles restent même quelque temps sans être fixées.
Organismes fixés sur la coquille - La coquille des huîtres perlières pêchées est le plus souvent couverte d’animaux et d’algues marines très variés et qui diffèrent suivant les bancs nacriers considérés.
Les huîtres perlières des bancs de Tearia et d’Atitouiti (Gambier)
sont le plus souvent couvertes de chames Chama pacifica Brod. ; fréquemment, ces chames s’accolent les unes aux autres et couvrent la plus
grande partie de la coquille ; nous avons trouvé jusqu’à huit de ces animaux adultes fixés sur la valve supérieure d’une huître perlière.
Le Spondylus pacificus Reeve, l’Anomia ione Gray et la Melina
isognomum L. sont, avec les chames, les mollusques que l’on trouve le
plus fréquemment sur la coquille de ces méléagrines ; le 25 octobre
1902, nous avons trouvé un spécimen de Spondylus pacificus, dont la
coquille pesait 180 g, la valve inférieure ayant 105 mm de longueur, fixé
sur une huître perlière du banc d’Atitouiti. Les spondyles des îles
Tuamotu sont de plus grande taille.
169
L’Ostrea nobilis Sowb., très commune sur les nacres pêchées par
les scaphandriers dans les lagons d’Amanu et de Hao, sont assez rares à
Mangareva ; nous en avons trouvé un spécimen de très grande taille, en
septembre 1902, fixé sur une huître perlière du banc de Tearia, par 20
m de fond ; la coquille de ce mollusque peut atteindre un poids de près
de 3k g (2827 g).
L’Ostrea mordax Gould var., et surtout l’Ostrea circumsuta Gould
se rencontrent très fréquemment aux Gambier (baie de Kirimiro), à
Marutea du sud et à Hao.
La Margaritifera panasesae est assez rare sur les méléagrines des
Gambier ; ce mollusque est, au contraire, extrêmement fréquent sur les
valves des huîtres perlières pêchées dans le lagon de Marutea du sud :
en décembre 1903, nous avons trouvé, dans ce lagon, une nacre dont la
coquille était couverte de 16 méléagrines à nacre jaune, dont 15 adultes.
Ce dernier mollusque ressemble beaucoup à une huître perlière de
petite taille et ceci explique les méprises fréquentes des personnes qui
ont cru voir du naissain d’huître perlière dans ces petites méléagrines.
Les huîtres perlières de petite taille sont fréquemment attachées sur la
coquille des spécimens adultes ; elles se fixent de préférence sous les
lamelles qui ornent la coquille, sur le bord de celle-ci ; les méléagrines de
grande taille sont, au contraire, attachées près du sommet de la coquille.
Un petit gastropode, Sistrum dumosum Conrad, est très fréquent
sur la coquille de l’huître perlière des Gambier, mais ce mollusque n’y
est pas fixé d’une façon permanente. Il en est de même des chitons
Tonicia confossa Gould, si abondants dans ces lagons.
Les coralliaires s’attachent fréquemment sur la coquille des nacres
aux îles Gambier ; le plus fréquent est une Astrée, Astraea denticulata
Ellis, laquelle couvre quelquefois toute la surface de la valve de son
hôte ; Mussa costata Dana est également commun sur les huîtres perlières du banc de Tearia.
Aux îles Tuamotu, on trouve fréquemment des madrépores branchus qui pèsent un poids considérable, et sont vendus avec la nacre sur
laquelle ils sont fixés, aux Européens de passage.
Les alcyonnaires Lobophytum sont communs sur les nacres du
banc d’Atitouiti,
170
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Parmi les autres animaux que nous avons rencontrés sur les valves
de l’huître perlière, nous citerons : 1°) des ascidies, parmi lesquelles
des phallusies ; 2°) une némerte trouvée à Atitouiti, le 24 octobre
1902, par 25 m de fond, au milieu des algues (Caulerpes) attachées sur
la coquille ; 3°) des ophiures ; 4°) des crustacés, parmi lesquels les
crabes, les isopodes et les amphipodes sont les plus communs. Il est
curieux de noter que sous les lamelles de l’huître perlière on trouve des
amphipodes appartenant au genre Microdentopus, dont une espèce M.
gryllotalpa vit sous les lames gaufrées qui bordent les coquilles des huîtres des parcs de la côte océanique de France ; 5°) des annélides ; 6°)
des éponges, en particulier une éponge de couleur noire et de grandes
dimensions ; 7°) un foraminifère de couleur rouge corail, le Polytrema
miniaceum Linné, extrêmement commun dans tous les lagons et sur le
récif extérieur.
Algues
La coquille de l’huître perlière est fréquemment couverte d’algues ;
la coquille des spécimens âgés est souvent entièrement recouverte de
nullipores, algues calcaires incrustantes, formant une croûte de 1 mm
d’épaisseur ; les lithothamnes se fixent également sur ces coquilles
(Tearia, 20 m).
L’halimède oponce H. opuntia L. et l’H. macroloba Decaisne,
algues vertes de la famille des Siphonées dont le thalle est incrusté de carbonate de chaux, sont fréquemment fixées sur le bord de la coquille des
méléagrines ; l’halimède oponce, dont le thalle a la forme d’une raquette, est très abondante sur les nacres de Tearia et d’Atitouiti, par des fonds
de 12 à 18 brasses ; cette algue, très commune dans les lagons des
Gambier, vit fréquemment avec les corallines ; en certains endroits, en
particulier sur la côte sud de l’île Aukena, à Makaroa et à Kouaku, le
sable est presque entièrement formé de débris de thalle d’halimède, et en
certaines places (Kouaku) ce sable est consolidé en calcaire.
Les algues vertes si fréquentes sur les huîtres perlières de la baie de
Taku (Gambier) appartiennent au genre Caulerpa ; la Caulerpa taxifolia Ag., qui vit sur la nacre a Atitouiti (12 brasses) et à Tokaai (16 brasses) se rencontre également sur les récifs du port de Rikitea découverts
171
aux grandes marées, dans les marules de l’entablement de basalte, couvert à haute mer, de l’île Makapou, etc. ; la Caulerpa clavifera Ag., que
nous avons trouvée sur la coquille de l’huître perlière à Marutea du sud
(10 m) est abondante sur les pâtés de récifs du port de Rikitea, entourant les alcyonnaires et à la pointe Teone Kura (île Mangareva). La C.
Browni var. selaginoïdes est extrêmement commune sur les huîtres perlières du banc de Tokaai (10 brasses, avril 1903) et sur celles de
Marutea du sud ; la Caulerpa Freycinetii Ag, qui est si commune dans
la zone des corallines et des modioles Modiola australis Gray de la côte
occidentale de l’île Aukena, est fixée sur la coquille des huîtres perlières
du banc de Tearia (20 m, août 1902).
Les sargasses, si abondantes dans la zone littorale des îles Gambier,
s’attachent souvent sur la coquille des huîtres perlières qui vivent dans
cette station.
Beaucoup des animaux fixés sur la coquille de l’huître perlière, en
particulier les lamellibranches, nuisent à son développement normal et
partagent sa nourriture ; les arrêtés récents n’ordonnent plus de rejeter
ces animaux à la mer, et conseillent, au contraire de les détruire47.
Toutefois, les chames, mollusques rustiques, contribuent, par leur
développement, à la formation de fonds propices aux huîtres perlières.
Cependant, il est utile d’ajouter que ces fonds peuvent être créés artificiellement en ensemençant les endroits formés uniquement de vase et de
sable calcaires, de coquilles mortes, de blocs de coraux, ou mieux encore de fascines et de morceaux de tuiles courbes.
Commensaux de l’huître perlière
Quand on ouvre la coquille de l’huître perlière, en tranchant le
muscle adducteur des valves, on trouve fréquemment un petit crustacé
47 Voici le texte que nous avons proposé au gouvernement de Tahiti, et qui a été adopté dans
les arrêtés ouvrant la plonge pour 1905 : «Les pêcheurs devront procéder à l’inspection de la
coquille des huîtres perlières pêchées, aussitôt celles-ci amenées dans leur bateau, afin de s’assurer si de jeunes méléagrines ne sont pas attachées sur les valves ; dans ce cas, ils devront
couper avec un couteau les byssus de ces petites huîtres perlières et rejeter celles-ci immédiatement à la mer. Le rejet des algues (rimu) qui couvrent assez fréquemment la coquille est
recommandé ; au contraire, les plongeurs agiront utilement en ne rejetant pas les chames
(kapikapi) et autres mollusques qui peuvent être nuisibles aux pintadines.
172
N°296-297 • Février-Juin 2003
Alpheus parvirostris Dana, qui vit entre les lobes du manteau et les
branchies ; aux Tuamotu, on rencontre, dans les mêmes conditions un
autre commensal appartenant au genre Pontonia et qui n’existe pas aux
Gambier. Ces animaux ne font d’ailleurs aucun mal au mollusque et se
nourrissent des particules alimentaires en suspension dans l’eau qui baigne les branchies, eau qui se renouvelle quand le mollusque entrouvre
sa coquille.
On trouve également, mais plus rarement, logé entre les branchies
et le manteau, un petit poisson allongé, presque transparent, le Fierasfer
homei Richardson, (banc de Tearia, oct. 1902) qui vit aussi en commensal dans certaines holothuries.
Ennemis de l’huître perlière
1) Animaux qui perforent la coquille
Un certain nombre d’animaux élisent domicile dans la substance
calcaire de la coquille et causent, de ce fait, un préjudice considérable.
a. Cliones - Les plus redoutables sont les éponges siliceuses appartenant au genre Cliona ; les cliones sont extrêmement communes dans
les coquilles mortes et vivantes, les débris de coraux, etc., des lagons
d’Océanie ; nous en avons rencontré plusieurs espèces, parmi lesquelles la Cliona orientalis Thiele, la Cliona insidosa Hancock et une espèce appartenant à un genre nouveau, la Cliothosa seurati Topsent.
Les huîtres perlières piquées par les cliones ont la coquille percée
de nombreux trous très rapprochés, mesurant 0,8 mm ; quand on examine l’éponge à l’état frais, on voit que ces trous sont fermés par une
papille de couleur rouge brique ou jaune de chrome, selon l’espèce
considérée. Ces trous mènent dans des galeries creusées dans la substance des prismes et dans la substance nacrée, galeries formées de
nombreuses chambres de 1 à 2 mm de diamètre, communiquant entre
elles ; quand la coquille est fortement piquée, les galeries pénètrent
dans l’assise nacrée, et on les aperçoit par transparence à la face interne de celle-ci. La nacre piquée par les cliones est connue dans le commerce sous le nom de “ Nacre piquée n°3 “ et sa valeur marchande est
à peu près nulle. Il est à remarquer que les huîtres perlières piquées
173
sont très fréquentes dans certains bancs nacriers, rares dans d’autres ;
c’est ainsi qu’aux îles Gambier, les bancs d’Atitouiti ou Teota, de Tearai
et de Tokaerero contiennent une notable proportion de nacres piquées,
tandis que celles-ci sont rares sur les bancs de Taku et de Tokaai ; les
huîtres perlières du lagon de Marutea du sud, qui vivent dans les fonds
de 5 à 15 m sont rarement piquées, bien que les cliones abondent dans
toutes les coquilles mortes de tridacnes et de chames qui servent de
point d’attache au byssus ; celles qui vivent dans les grands fonds (15
brasses) sont plus fréquemment piquées.
L’opinion générale est que les cliones n’attaquent que les méléagrines âgées, ayant atteint leur parfait développement, en sorte qu’il y aurait
avantage à ne pas laisser vieillir celles-ci ; nous avons toutefois trouvé
chez une huître perlière mesurant 24 mm de diamètre, prise à Taku le 5
mars 1903, par 20 m de profondeur, un trou et une galerie de clione sur
le bord de la coquille, le trou mesurant 1/25è de mm de diamètre et la
galerie ? de mm ; cette observation montre combien l’action du parasite est précoce.
L’immersion de la coquille dans l’eau douce détruit le parasite, sans
nuire à son hôte, en sorte que ce procédé pourrait être mis en pratique
pour les jeunes méléagrines rejetées à la mer par les plongeurs, Le
moyen le plus efficace pour la destruction des cliones paraît être l’exploitation intensive, par le scaphandre, des bancs contaminés.
b. Mollusques perforants - Certains mollusques habitent une galerie
creusée dans la substance de la coquille de l’huître perlière ; les plus
communs sont les gastrochènes et les lithophages. Les gastrochènes G.
lamellosa Desh. sont extrêmement abondantes dans les lagons ; on les
trouve logées dans les coraux morts ou dans les coquilles. Leur présence est révélée, au dehors, par un orifice ovale, rétréci en son milieu, ayant
sensiblement la forme d’un 8 ; cet orifice mène dans une galerie de
même forme, laquelle débouche dans une chambre ovoïde dans laquelle
est logé le mollusque perforateur ; la galerie est d’ailleurs revêtue d’une
assise calcaire très résistante, qui peut atteindre 1 mm d’épaisseur, sécrétée par la gastrochène ; elle n’est pas tapissée dans l’assise nacrée. La
galerie qui fait communiquer le commensal avec le dehors dépasse le
174
N°296-297 • Février-Juin 2003
plus souvent la surface de la coquille de l’hôte et se continue par un petit
tube calcaire dont la section a la forme d’un 8, de 1 mm de longueur, également sécrété par la gastrochène. Ces mollusques abondent sur certains
bancs nacriers (Tearia) dans les coquilles et les coraux morts sur lesquels les huîtres perlières fixent leur byssus, en sorte que l’infection de
celles-ci est à peu près certaine. Nous avons trouvé tous les stades, depuis
la gastrochène de très petite taille, qui a établi sa galerie dans l’assise
externe de la coquille, jusqu’à la gastrochène adulte, dont la galerie s’étend jusqu’à l’assise la plus interne de l’assise nacrée.
Quelques mollusques, en particulier les Malleus M. regulus
Forskael viennent se loger et s’attacher par un byssus, au fond de ces
galeries vides ; dans ce cas on retrouve toujours les deux valves de la
coquille de l’hôte primitif ; nous avons trouvé également des arches
dans ces galeries vides.
Les chames, en se fixant sur la coquille des méléagrines, bouchent
souvent l’orifice des galeries de gastrochènes, en sorte que celles-ci
meurent emprisonnées ; nous avons observé ce cas sur des huîtres perlières pêchées à Tearia en octobre 1902.
Les lithophages, mollusques de la famille des Mytilidés, dont nous
avons recueilli trois espèces Lithophaga teres, L. lœvigata et L. cinnamomea Lamk., creusent également des galeries dans la coquille de
l’huître perlière. L’espèce la plus commune est Lithophaga lœvigata,
qui atteint une assez grande taille et se tient plus particulièrement dans
la région de la coquille voisine de la charnière, en particulier dans la
région épaissie, voisine du byssus.
La présence de ce mollusque se révèle, à l’extérieur, par un trou
elliptique, un peu étranglé en son milieu, beaucoup plus long que large
et qui peut atteindre 15 mm de longueur sur 3 de largeur, la longueur de
la galerie dépassant, dans ce cas, 40mm ; cette galerie n’est pas tapissée.
La Lithophaga cinnamomea Lamk. se rencontre très fréquemment
dans la coquille des méléagrines du banc de Tokaerero (Gambier) et
des lagons de Marutea du sud, d’Hikueru, etc.
Les siponcles perforent également la coquille des huîtres perlières,
dans laquelle ils creusent une galerie parallèle à la surface, à section
arrondie (huître perlière pêchée à Tearia, 28 novembre 1902).
175
2) Animaux qui mangent l’huître perlière
Un certain nombre de poissons se nourrissent de mollusques dont
ils broient la coquille, et s’attaquent éventuellement à l’huître perlière ;
parmi eux, il convient de citer en premier lieu l’Aëtobatis narinari
Euphr. (tapereta des Indigènes des Tuamotu), raies de très grande
taille, à queue armée de trois forts aiguillons, qui font un trou vers le
milieu de l’une des valves de la coquille et mangent la chair du mollusque ; les raies-aigles s’attaquent de préférence aux coquilles perforées par les cliones, qu’elles arrivent à briser plus facilement.
Les balistes (kokiri des Mangaréviens) se nourrissent de siponcles,
d’ascidies, d’oursins, de crabes et de mollusques ; on trouve dans l’intestin de ces poissons le Vermetus maximus Reeve, des arches, des
lithophages, des pernes, des gastrochènes, des limes, des tellines, des
pinnes, Cardium fragrum L., Modiola japonica Dkr. var., Nassa granifera Kiener, Margaritifera panasesae Jameson et enfin des débris
d’huîtres perlières, byssus ou fragments de coquille.
Un troisième ennemi de l’huître perlière est le hue des Tahitiens
(Tetrodon leopardus Gray), qui se nourrit surtout d’algues (corallines,
halimèdes, sargasses) et de crustacés ; le tube digestif d’un spécimen
capturé le 29 novembre 1902 sur le banc de Tearia renfermait de nombreuses ascidies, des fragments de coquilles de pinne, deux gastropodes
et des débris de coquille d’huître perlière.
Les crabes mangent les méléagrines qui vivent dans les petits fonds ;
de jeunes huîtres perlières fixées sur des tuiles et mises par nous dans
le vivier du Régent, à Mangareva, ont été dévorées par ces crustacés, qui
n’ont laissé que la coquille.
Les poulpes sont considérés par les Indigènes comme s’attaquant
aux méléagrines de petite taille.
3) Parasites de l’huître perlière - Formation des perles
Les huîtres perlières pêchées sur certains bancs nacriers, aux îles
Gambier (bancs de Tearia, de Tokaai, de Teota, etc.) montrent, à l’examen, de nombreux kystes plus ou moins volumineux dans les différentes parties du corps. Les organes les plus fréquemment atteints sont les
branchies ; la lame d’attache de celles-ci et les filaments branchiaux
sont souvent farcis de ces kystes (Fig. 1 p. 177) ; le cœur et surtout le
176
N°296-297 • Février-Juin 2003
ventricule, plus rarement l’oreillette, le manteau, les régions dorsale et
latéro-dorsale du corps, les palpes labiaux, le foie, la paroi de la veine
branchiale, la paroi du rectum, sont les autres parties atteintes.
Ces kystes, dont le diamètre est d’environ 1,5 mm, renferment à leur
intérieur un petit animal, visible à l’œil nu, que l’on arrive à extraire
assez facilement, en dilacérant l’enveloppe. Cet organisme est un ver, qui
continue à vivre dans l’eau de mer, et se déplace au fond du verre de
montre dans lequel il est placé par des mouvements de contraction et
d’extension ; ce ver est un scolex de cestode, que nous rapportons aux
genres Tylocephalum Linton.
À l’état de contraction (Fig. 2, B et C voir hors-texte pp. 184-185),
ce scolex est ovoïde, atténué à l’une de ses extrémités et mesure 250 µ
de longueur ; l’extrémité la plus grosse présente un orifice arrondi, qui
mène dans une cavité en forme de dé, entourée d’un anneau musculaire
Fig. 1 - Kyste des branchies,
avec une larve de Cestode
à l’intérieur.
Tokaai (Gambier),
14 avril 1903.
Fig. 2 - Larve de Tylocephalun
extraite de son kyste et examinée
à l’état vivant (août 1902).
A. animal à l’état de complète extension,
B et C. l’anneau musculaire
est réinvaginé.
177
très net, et au fond de laquelle se trouve une petite trompe arrondie,
mesurant 55µ de diamètre à sa base ; quand l’animal veut se déplacer,
il dévagine toute la partie antérieure de son corps, l’anneau musculaire
et la trompe sortant entièrement (Fig. 2, A) ; presque aussitôt l’anneau
musculaire, puis la trompe, se réinvaginent.
Organisation interne
Le scolex est entouré d’une enveloppe anhyste assez épaisse ; il n’y
a pas trace de différenciation interne, pas de tube digestif, ni d’organes
génitaux, ce qui montre bien que l’on est en présence d’un organisme
larvaire ; la cavité du corps est remplie de cellules arrondies, toutes
semblables ; une coupe longitudinale médiane rencontre, sur les parois
latérales internes de la ventouse, le bourrelet musculaire annulaire dont
les fibres ont été coupées transversalement ; le mamelon qui occupe le
fond est très développé, son épaisseur étant environ le tiers de la longueur totale ; il est formé de fibres allongées, fusiformes, présentant un
gros noyau.
Les kystes peuvent renfermer un scolex de cestode, et alors ils sont
“simples” et de forme arrondie, ou en renfermer un certain nombre, logés
chacun dans une chambre distincte et alors ces “kystes multiples” affectent les formes les plus variées. Les premiers se rencontrent sur les filaments branchiaux, dans le manteau, etc. ; les seconds sont très fréquents
sur la lame d’attache des branchies et sur la face externe de celles-ci.
Les kystes sont sécrétés par l’huître perlière, qui réagit contre le
parasite et l’enveloppe d’une série de lamelles concentriques de nature
conjonctive ; la région voisine des kystes est occupée par de nombreux
leucocytes tandis que ceux-ci sont rares dans les régions plus éloignées
de la partie atteinte (Fig. 3 p. 179).
Les scolex restent enkystés dans les tissus de l’huître perlière sans
que leur organisation interne se modifie, quelle que soit l’époque de
l’année où on les examine ; ils ne peuvent continuer à évoluer qu’à l’intérieur d’un second hôte qui, d’après nos observations, paraît être la
raie-aigle ; le rectum de cette raie renferme un certain nombre de cestodes parasites, parmi lesquels nous avons cru reconnaître l’adulte du
parasite de l’huître perlière (voir hors-texte pp. 184-185 fig. 4).
178
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Le scolex enkysté dans les tissus de l’huître perlière parait être la
cause dominante de la formation des perles ; les kystes multiples ont toutes les formes qu’affectent les perles ; en outre, la décalcification des
perles donne un kyste et un résidu organique tout à fait semblables au
kyste et au scolex des tissus. Les lagons ou bancs nacriers les plus riches
en huîtres perlières renfermant des perles (Kaukura aux Tuamotu, Tearai
aux Gambier, etc.), sont remarquables par l’abondance des Aëtobatis.
Ces derniers brisent plus facilement la coquille des méléagrines
perforées par les cliones, en sorte que celles-ci joueraient un certain
rôle dans la propagation du cestode margaritifère. On a remarqué
d’ailleurs que les bancs ou abondent les nacres dites piquées sont généralement riches en perles.
Ces considérations montrent quelle relation étroite il existe entre la
présence des raies-aigles et la formation des perles. Quel que puisse être
le dommage que ces poissons causent aux bancs nacriers, il s’efface
Fig. 3. - Kyste branchial, coupé transversalement.
Les leucocytes, qui se colorent très vivement, sont marqués par des points noirs.
(La longueur du trait servant d’échelle = 500 µ).
179
devant les bénéfices qui peuvent résulter de leur présence dans un lagon.
Elles montrent aussi qu’il ne faut pas trop se hâter d’exploiter les bancs
nacriers à blanc, à l’aide du scaphandre, afin de détruire les cliones.
Perles
Les perles fines sont libres à l’intérieur des tissus ; le plus fréquemment, on les trouve dans la région latéro-dorsale du corps, renfermées dans une poche entièrement close. La poche contenant la
perle finit d’ailleurs par se rompre et celle-ci est expulsée au dehors.
Assez fréquemment on observe, adhérentes à la coquille, des productions nacrées qui ont la forme et l’aspect d’une perle fine ; ce sont
les “perles de nacre” ou “chicots”. Les perles de nacre habilement détachées de la coquille, peuvent être vendues à un prix très avantageux,
mais toutefois leur valeur marchande est de beaucoup inférieure à celle
des perles fines. Tandis que la matière calcaire qui forme les perles fines
est à l’état d’aragonite, celle qui forme les perles de nacre est à l’état de
calcite.
Structure des perles
L’étude de la structure des perles se fait, de même que celle de la
coquille, sur des coupes minces pratiquées à la meule ; examinées en
lumière polarisée, ces sections présentent le phénomène de la croix
noire. D’autre part, il est nécessaire, pour étudier la structure des perles, de décalcifier celles-ci dans l’alcool additionné de quelques gouttes
d’acide chlorhydrique ; les perles de petite taille, en place dans les tissus, se décalcifient très bien dans le liquide de Perenyi.
La partie centrale ou “noyau” de la perle, est généralement de nature
organique ; ce noyau est entouré d’assises concentriques de conchyoline,
c’est-à-dire de la même substance que celle qui forme l’assise externe
de la coquille. La partie externe de la perle est formée d’assises concentriques très minces de calcaire, séparées par des lames de conchyoline ;
les lames de conchyoline sont plus serrées et plus épaisses du côté interne
que sur la périphérie, où elles sont très minces. C’est à cette grande quantité de matière organique (conchyoline) que les perles doivent leur dureté,
qui est un des caractères permettant le mieux de déceler les imitations.
180
N°296-297 • Février-Juin 2003
Par suite de cette structure de la perle, il est possible d’enlever les
assises externes en laissant intactes les assises sous-jacentes : cette particularité est bien connue des marchands de perles qui peuvent, dans
quelques cas obtenir une perle fine en enlevant les assises externes
d’une perle qui n’a pas d’éclat.
Action des acides – Altérations
Les acides attaquent les perles très rapidement, mais ne les dissolvent complètement qu’au bout de quelques jours le vinaigre le plus fort
ne les dissout que très lentement et, par suite, l’histoire de la perle dissoute dans le vinaigre par Cléopâtre buvant à Antoine, son vainqueur,
doit être reléguée dans le domaine des fables.
La sueur et les sécrétions acides de la peau, l’eau sale ou l’eau de
savon, le jus de fruits, etc. peuvent détériorer la perle, qui se ternit et
devient “vieille”, suivant le terme consacré ; lorsque la perle a perdu
tout son éclat, elle est dite “morte”. On a cherché le moyen de rendre
leur éclat à ces perles mortes ; le procédé le plus généralement employé
consiste à enlever, avec un couteau, ou à dissoudre par un acide, les
enveloppes externes ; on peut, en opérant ainsi, avoir la chance d’arriver sur une assise nacrée d’un bel orient. Les Californiens proposent,
pour arriver au même résultat, de faire avaler la perle par une poule et
de sacrifier celle-ci quelque temps après, quand les couches externes
ont été dissoutes.
Origine et mode de formation des perles
Le problème de l’origine et du mode de formation des perles fines
a depuis longtemps excité la curiosité des naturalistes. Les Hindous les
considéraient comme résultant de gouttes de rosée tombant dans la
coquille du mollusque, au moment où celui-ci venait à la surface entrouvrir ses valves : ces gouttes de rosée constituant le germe des perles se
solidifiaient dans la suite sous l’action de la chaleur du soleil. Cette fiction était connue de Pline et de Dioscoride, qui disent que la coquille qui
produit les perles reste les valves entr’ouvertes pendant la nuit, à l’époque de sa reproduction, et que c’est alors qu’elle reçoit la goutte de
rosée qui donne naissance à la perle.
181
Les théories émises par les naturalistes modernes peuvent être rangées en trois catégories :
1.- Pour les uns, la perle est le résultat d’une excitation de la face
externe du manteau due à l’introduction de corps étrangers (grains de
sable, etc.) entre la coquille et la paroi du corps, ou résultant de la présence d’œufs du mollusque égarés dans cette région. On doit faire
remarquer, toutefois, que les perles qui se forment dans ces conditions
sont des perles de nacre et non des perles fines. Les Chinois connaissent
depuis longtemps ce fait qu’un corps étranger, introduit entre la coquille
et le manteau de certains bivalves, en particulier du Dipsas plicatus
Leach, se recouvre au bout de quelque temps, d’une assise nacrée qui
lui donne un aspect rappelant celui d’une perle ; ils fabriquent des perles et des camées artificiels en glissant à la face interne de la coquille de
ces grandes naïades qui vivent dans les lacs de la Chine orientale, des
sphérules d’étain ou de petites figurines de Bouddha faites avec le même
métal ; la coquille du mollusque est ensuite découpée à la scie autour
de ces productions nacrées et celles-ci, après quelques apprêts, sont
vendues sur place. Les Japonais pratiquent également cet art et font produire des perles à la petite méléagrine Margaritifera martensi Dkr. des
côtes de leur pays. Linné avait réussi à provoquer la formation des perles chez les mulettes des rivières en trépanant la coquille et en introduisant par l’orifice ainsi obtenu un petit sphérule de nacre ou autre substance ; le trou de la coquille était ensuite fermé par un morceau de
nacre et bien cimenté. Le procédé a été expérimenté depuis par un certain nombre de naturalistes, sans grand succès d’ailleurs ; les essais les
plus récents sont ceux que M. L. Boutan a faits sur l’haliotide de nos
côtes. Cette expérience est d’ailleurs réalisée dans la nature ; les cliones
et les mollusques perforants percent quelquefois la coquille de leur hôte
de part en part et provoquent, dans ce cas, une irritation de la surface
externe du manteau, irritation qui donne lieu à une production nacrée
ou “chicot”, dont la valeur marchande est le plus souvent très faible.
L’introduction de corps étrangers entre la coquille et le manteau, et l’excitation de la face externe de celui-ci donnent lieu, uniquement à la formation de perles de nacre et n’expliquent pas le mécanisme de la production des perles fines.
182
N°296-297 • Février-Juin 2003
2. - Certains auteurs considèrent les perles comme des concrétions
calcaires analogues aux calcosphérites qui se forment, dans certains cas,
chez l’homme et chez les animaux. En 1554, Rondelet a émis l’idée que
les perles étaient des concrétions se formant de la même façon que les calculs morbides se forment chez les mammifères. Meckel, von Baer et plus
récemment M. L. Diguet ont soutenu cette opinion ; pour von Baer et
Diguet, la perle résulte de la calcification ultérieure d’un coagulum qui se
forme dans les tissus sous l’influence d’une excitation dont la cause reste
à déterminer. D’autre part, d’après Herdman et J. Hornell, qui ont étudié
la formation des perles chez l’huître perlière de Ceylan Margaritifera vulgaris Schum. beaucoup des perles que l’on trouve dans les muscles musclepearls se forment autour de concrétions calcaires, de “calcosphérules”, qui se produisent dans les tissus et forment des centres d’irritation.
3. - La théorie de l’origine des perles la plus en faveur, actuellement, est celle qui tend à les considérer comme résultant de la calcification de kystes déterminés dans les tissus des mollusques par la présence d’un parasite. Cette théorie est devenue célèbre depuis les recherches du naturaliste italien de Filippi, qui en 1852, attribua la formation
des perles, chez les anodontes du parc royal de Racconigi, près de Turin,
à la présence de larves d’un trématode, le Distomum duplicatum von
Baer. L’origine parasitaire des perles a été soutenue par un grand nombre de naturalistes, Kuchenmeister, Moebius, Kelaart, Garner et plus
récemment Jameson, Hornell et Herdman, Giard et Seurat. Garner,
Raphaël Dubois et Jameson, attribuent la formation des perles, chez la
moule de nos côtes Mytilus edulis à la présence d’une larve de distome.
Jameson a suivi l’évolution complète de ce parasite ; les sporocystes se
rencontrent dans le Tapes decussatus Gmel. et le trématode pénètre à
l’intérieur de la moule à l’état de cercaire sans queue ; l’adulte, le
Distomum Leucithodendrium somateriœ Levinsen, a été trouvé dans
l’eider Somateria mollissima Linné du Groenland, et dans la macreuse
Oidemia nigra L. de Bridlington Bay et de l’estuaire de la Villaine ; les
habitants du Morbihan appellent cette dernière “cane moulière”, parce
qu’elle mange les moules. Plus récemment (1903), Herdman et J.
Hornell ont reconnu que la plupart des perles fines qui sont libres dans
les tissus de l’huître perlière de Ceylan Margaritifera vulgaris Jameson
183
contiennent les restes d’un cestode, le Tetrarhynchus unionifactor.
Pendant notre séjour aux îles Gambier (1902-1904) nous avons pu
constater que le Tylocephalum margaritiferae joue un rôle important
dans la production des perles fines chez l’huître perlière à bord noir
Margaritifera margaritifera var. cumingi. Les kystes qui se forment
dans la région latéro-dorsale du corps autour de ce parasite constituent
des noyaux autour desquels sont sécrétées les perles. En décalcifiant des
perles provenant des bancs des Gambier, nous avons trouvé, au centre,
un noyau organique entouré d’assises concentriques de conchyoline,
l’ensemble ayant près d’1 mm de diamètre ; le noyau lui-même est
constitué par un scolex de 225µ de longueur, dans lequel il est facile de
reconnaître celui du Tylocephalum. Les kystes déterminés dans les tissus par la présence de ce cestode ont d’ailleurs toutes les formes réalisées par les perles. Il est à remarquer en outre, que les méléagrines les
plus perlifères se rencontrent dans les lagons ou bancs nacriers où les
raies-aigles sont les plus communes (bancs de Tearai, de Tearia et
d’Atitouiti aux Gambier, lagon de Kaukura aux Tuamotu). La formation
des perles chez la Margaritifera panasesae Jam. ; est également due à
un parasite, différent de celui de l’huître perlière. Les perles de
Margaritifera vulgaris provenant de l’île des Pins (Nouvelle-Calédonie)
et de Nossi-Bé (Madagascar) ont également comme noyau formateur
des larves de cestodes, dont nous faisons actuellement l’étude.
La théorie de l’origine parasitaire des perles fines a pris, comme on
le voit par ce rapide exposé, une place prépondérante ; elle explique
d’une façon très simple le mécanisme de la formation de celles-ci. Les
recherches que nous avons entreprises sont susceptibles de donner des
indications utiles pour la résolution du problème si intéressant, pour l’avenir de nos Colonies du Pacifique, de la production forcée des perles
fines.
184
Grand hameçon de nacre
(27-A.L.)
Fakapua, hameçon à murène (15-A.L.)
Deux hameçons à bonite (31,32-A.L.)
voir p.p. 301-310
Fig. 4. - Tylocephalum margaritiferae Seurat. A, individu mesurant 3,5 m de longeur ;
B, tête du même ; C, anneaux terminaux d’un individu long de 3,8 m ;
tête et cou, avec les ventouses accessoires.
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Pêche de l’huître perlière48
La pêche des huîtres à nacre est ouverte chaque année, par un arrêté
du Gouverneur de la Colonie ; jusqu’en ces derniers temps, elle avait lieu
du 1er novembre de chaque année au 31 octobre de l’année suivante ; un
arrêté pris récemment (27 avril 1904), sur notre proposition, a établi
une période de repos de quatre mois, du 1er octobre au 1er février ; cette
période correspond d’ailleurs à la saison pendant laquelle a lieu l’émission principale des produits génitaux.
Jusqu’en ces derniers temps, l’Administration ouvrait chaque année
le tiers des îles productives, chaque île étant exploitée, de cette façon,
tous les trois ans ; le système en usage actuellement est celui du tiercement de chaque lagon, chacun de ceux-ci étant divisé en trois secteurs
ouverts alternativement à chaque saison de plonge. Ce tiercement est
d’ailleurs insuffisant pour assurer la bonne conservation des fonds
nacriers.
L’activité devient très grande dans les îles lors de l’approche de l’ouverture de la pêche ; les Indigènes font de grands préparatifs, avec une
ardeur fébrile. Un certain nombre d’entre eux vont, en effet, quitter leur
île pour aller tenter la fortune dans une autre plus riche que la leur ; les
Indigènes des Tuamotu sont restés nomades, malgré tous les efforts que
l’on a pu faire pour les engager à devenir sédentaires ; ils sont, toutefois, très fortement attachés à leur sol natal.
Beaucoup de plongeurs des Tuamotu possèdent des cotres très
confortables, construits au chef-lieu (Tahiti) par des charpentiers européens, sur lesquels ils se déplacent d’île en île ; toutefois ils n’ont pas
renoncé à l’usage de la pirogue à balanciers, qui leur sert très avantageusement dans les lagons ; ces pirogues sont fabriquées à Tahiti et aux
îles Sous-le-Vent. Les pirogues anciennes, faites de planches de bois
assemblées et cousues entre elles, ne sont plus utilisées que dans
quelques îles pauvres de l’archipel, Nukutavake, Vahitahi et Fagatau49.
48 Les quantités de nacre exportées de la colonie dans ces dernières années sont les suivantes :
en 1899 : 336 533 kilos, 1900 : 391 449, 1901: 287 917, 1902 : 354 762, 1903 : 613 462, 1904 :
633 530.
49 L. G. SEURAT. Les engins de pêche des anciens Paumotu. L’Anthropologie t. XVI, p. 295-307,
fig. 13 et 15. 1905. cf IV/4
187
Les anciens Paumotu naviguaient sur de grandes pirogues doubles
accouplées, réunies par un pont, et munies d’une voile (la voile était une
natte en feuilles de pandanus). Les Mangaréviens ont complètement renoncé à l’usage de la pirogue et se servent de barques non pontées, allant à la
voile ; leurs ancêtres naviguaient sur de grands radeaux formés de troncs
d’arbre à pain juxtaposés et solidement attachés les uns aux autres.
Le mode de plonge le plus généralement en faveur, en Océanie, est
la plonge à nu ; la plonge à l’aide du scaphandre, autorisée à deux
reprises différentes a toujours dû être prohibée dans la suite.
Les pêcheurs partent, dans leur pirogue, le matin de bonne heure
pour se rendre sur les lieux de pêche ; ils sont vêtus d’un pareu, bande
d’étoffe qui entoure les reins et d’un tricot de coton.
Arrivés à destination, ils ancrent leur bateau près d’un pâté de corail
et commencent à explorer les fonds, à l’aide d’un miroir de plonge semblable à une “lunette de calfat”. C’est une boîte quadrangulaire, en bois,
dont le fond est formé par un verre à vitre mastiqué avec soin ; ce miroir
permet, étant donnée la transparence de l’eau des lagons, de distinguer
tous les détails dans les fonds de moins de 12 m. Autrefois les Indigènes
répandaient de l’huile de coco à la surface de la mer pour en supprimer
les rides ; ce procédé est encore en usage aux îles Marshall. Par les jours
de calme plat, réalisés quelquefois dans la saison chaude, on aperçoit
très distinctement le fond et on peut arriver à déterminer exactement la
nature des mollusques, des poissons, et des coraux. Sitôt que l’Indigène
a reconnu la présence d’une ou plusieurs méléagrines, il se prépare à
plonger. Les Paumotu peuvent être considérés, à bon droit, comme les
meilleurs plongeurs du monde ; ils descendent, en effet, sans aucune
pierre destinée à accélérer leur descente, jusqu’à une profondeur de quinze brasses (25 m). L’Indigène qui veut plonger s’assied sur le bord de son
bateau, les deux pieds ballants ; sa main droite est protégée par un gant,
sa main gauche tient une valve d’huître perlière ; pendant quelques minutes, il aspire de l’air à pleins poumons et le rejette en faisant entendre un
fort sifflement. À un certain moment, quand ses poumons sont bien
gonflés d’air, il se laisse glisser les deux pieds les premiers et descend
comme une masse jusqu’à cinq ou six mètres ; arrivé à cette profondeur,
il s’arrête, fait une révolution de 180 degrés et descend la tête première,
188
N°296-297 • Février-Juin 2003
par des mouvements des membres. Sitôt arrivé au fond, il se dirige vers
l’huître perlière dont il a reconnu la présence avec sa lunette de plonge,
la saisit et l’arrache de son support par un mouvement de bascule ; la
valve qu’il tient à la main lui sert à explorer les rochers et à se défendre
contre les attaques des murènes. Quelquefois le plongeur trouve deux ou
trois méléagrines pendant son séjour dans l’eau ; il les place sur son bras
gauche et, par une secousse brusque donnée sur le sol, il remonte rapidement à la surface et rejoint son embarcation.
Les Indigènes ouvrent généralement les huîtres sitôt plongées, dans
leurs moments de repos : ils se servent, à cet effet, d’un grand couteau,
qu’ils insinuent entre les deux valves et à l’aide duquel ils tranchent le
muscle adducteur. Ils procèdent alors à la recherche des perles qui sont
situées généralement dans la région latéro-dorsale du corps et complètement libres dans les tissus. Les huîtres perlières sont loin de renfermer
toutes des perles et il arrive souvent qu’on en ouvre plusieurs milliers
sans en trouver. Il est à remarquer, d’ailleurs, que certains fonds
nacriers sont plus productifs que d’autres. Il n’existe pas de caractères
extérieurs permettant de savoir si une méléagrine contient une perle
dans ses tissus. Toutefois, on peut dire que les perles ne se rencontrent
presque jamais dans les huîtres jeunes et qu’elles sont rares dans les
spécimens dont la coquille s’est développée normalement.
Les parties molles de l’animal sont rejetées à la mer, à l’exception
du muscle adducteur des valves, qui sert d’aliment aux plongeurs :
Ceux-ci l’enfilent dans une ficelle, le font sécher au soleil et le consomment sec50. Les deux valves de la coquille sont débarrassées des animaux
et des algues qui y sont fixées, ébarbées et échangées généralement le
soir même contre des marchandises.
La rencontre fortuite d’une perle est une circonstance heureuse
pour le plongeur, qui peut ainsi se procurer, dans les cas exceptionnels
50 Les règlements administratifs prescrivent de malaxer ces parties molles dans un seau rempli d’eau de mer bien propre, de façon à assurer la fécondation artificielle des œufs et de rejeter le tout à la mer.
*N.E. L’histoire des raies manta coupables de vouloir noyer des plongeurs est une légende et il
est curieux de voir un scientifique aussi remarquable que Seurat la présenter comme une vérité observée et observable.
189
une maison en planches, quelquefois un cotre ou une embarcation, le
plus souvent quelques pièces d’étoffe qui lui sont vendues fort cher, et
des bibelots divers dont il est obligé de faire cadeau à ses parents et
amis. Cette coutume obligatoire de partager les bénéfices rend les
Indigènes méfiants vis-à-vis les uns des autres et explique la vente clandestine des perles. Toutefois, quand un Indigène a vendu une perle, il lui
est impossible d’en garder longtemps le secret et bientôt tous ses parents
et amis viennent l’importuner.
La journée de plonge commence généralement le matin vers 6 heures et se termine vers 5 heures du soir. La vie des plongeurs à nu est très
pénible, mais les accidents sont heureusement rares ; l’animal qu’ils
redoutent le plus est la murène, contre laquelle ils se défendent avec une
coquille d’huître perlière ; les accidents dus aux requins sont assez
rares, bien que ceux-ci soient très communs dans certains lagons. Les
cératoptères ou “ diables de mer “, raies de dimensions énormes, très
communes dans les lagons des Gambier s’attaquent aux plongeurs,
qu’elles cherchent à noyer en les enveloppant de leurs vastes nageoires ;
ces raies sont également redoutées des pêcheurs de perles des côtes
d’Amérique (Panama, Basse Californie), qui les désignent sous le nom
de manta.
À certaines époques de l’année, pendant la saison chaude, la plonge
est rendue impossible par la présence d’un nombre incalculable de petites méduses brunes, appartenant au genre Nausithoë et qui sont très
urticantes ; le grand nombre de ces animaux empêche d’ailleurs de voir
le fond de la mer.
Pêche au scaphandre
On a essayé, dans ces dernières années d’utiliser le scaphandre
pour la pêche des huîtres perlières ; mais au lieu de chercher à exploiter méthodiquement les fonds nacriers, on s’est livré à une exploitation
intensive, en sorte qu’on a dû rapidement renoncer à ce genre de pêche.
L’armement d’une équipe de scaphandriers pour la pêche est
coûteux, chaque cotre de pêche étant monté par au moins dix hommes :
deux ou trois sont des plongeurs, qui descendent dans l’appareil à tour
de rôle ; un tient la ligne de vie, c’est-à-dire une corde grâce à laquelle
190
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le scaphandrier communique avec l’extérieur ; quatre tournent la manivelle, à tour de rôle ; enfin deux autres sont occupés à remonter le filet
rempli d’huîtres perlières et à ouvrir celles-ci. Les scaphandres sont
exploités, soit par un trafiquant européen qui prend toutes les dépenses
à sa charge, paie et nourrit les hommes qu’il emploie et prend la totalité des produits, soit par des syndicats indigènes.
Les scaphandriers proprement dits sont mieux payés que les
manœuvres ; leur salaire dépend de la quantité et de la qualité de la
nacre qu’ils recueillent ; il en résulte que les plongeurs n’aiment pas
travailler sur les fonds où on trouve beaucoup de nacres piquées par les
cliones.
Les scaphandres utilisés sont des engins américains ; le scaphandrier est habillé jusqu’à la ceinture ; la tête, le tronc et les bras étant
seuls emprisonnés dans un vêtement imperméable qui est solidement
maintenu, à la hauteur des hanches, par une courroie ; les poignets
sont également serrés par une courroie ; les jambes sont complètement libres.
Les Indigènes armés du scaphandre descendent jusqu’à une profondeur de vingt brasses et restent souvent trois heures consécutives à
travailler ; le plongeur met sa récolte dans un filet, qui est remonté lorsqu’il est plein de nacres, par un des hommes restés dans le bateau.
Existence matérielle des plongeurs
L’existence matérielle des pêcheurs d’huîtres perlières est des plus
précaires, surtout aux Tuamotu. Les Mangaréviens trouvent dans leurs
îles volcaniques des ressources alimentaires très variées, en particulier
les fruits de l’arbre à pain Artocarpus incisa L., avec lesquels ils font
une pâte fermentée, la popoi, qui est leur mets national, les tubercules
du taro Colocasia esculenta, le manioc, les patates douces Ipomea
batatas L., les ignames, les bananes et les oranges.
Les Indigènes des Tuamotu sont privés de ces ressources et vivent
de poisson, de noix de coco et de conserves de viande qu’ils se procurent en échangeant les produits de leur pêche ; les goélettes leur apportent des biscuits, du manioc, des ignames, des patates douces, des bananes, des oranges, de la farine et quelquefois même de l’eau douce.
191
La plonge n’enrichit pas les Indigènes, dont la plupart ne possèdent
qu’une misérable case, une pirogue, quelques ustensiles et sont, en
outre, fortement endettés.
Conclusion
Les lagons de nos îles océaniennes se prêtent admirablement, les
uns à la culture des huîtres perlières donnant de la belle nacre, les autres à l’élevage des méléagrines en vue de la production intensive de perles. Ce sont là des conditions qui ne sont réalisées dans aucune des autres pêcheries au monde.
N.E. En 2002 la Polynésie française a exporté 1267 tonnes de nacre pour une valeur de 195
millions de francs CP et 11.161,255 gr de perles (soit 11 kg) pour une valeur de 14.681.645 FCP.
192
III
Seurat
l’anthropologue
L.G. SEURAT, il y a un siècle :
un archéologue à Fakahina et à Fangatau
Cet article de L.G. Seurat et ses observations sur quelques marae
des Tuamotu orientales [voir pp.215-223], comme ses études sur les
engins de pêche, ont été cités par K.P. Emory, puis par E. Conte, ce qui
montre leur intérêt scientifique. L’auteur était un naturaliste et il n’a pas
fait une véritable enquête ethnographique sur les différentes parties d’un
marae et leurs fonctions. Elle aurait d’ailleurs été impossible : les habitants christianisés ne souhaitaient pas transmettre à des étrangers ce
qu’ils savaient d’un passé traditionnel encore assez récent. Mais, au-delà
des généralités, les descriptions et les relevés sur le terrain publiés par
Seurat ont le grand mérite de nous faire connaître le mode de construction et surtout l’état de conservation de ces marae avant les très
méchants cyclones qui ont ravagé les Tuamotu au début du XXe siècle.
Celui de 1903 fut particulièrement dévastateur pour les îles de Fakahina
et de Fangatau : sur l’atoll de Fakahina, à l’ouest, la crête située au-dessus de la plage, du côté du récif extérieur, fut détruite, ainsi qu’une partie du marae principal51. Les travaux successifs des archéologues montrent l’évolution de ces structures au cours du XXe siècle et surtout celle
de l’ahu, plate-forme principale et endroit le plus sacré de ces anciens
sites religieux.
51 Résumé des observations faites par L.G. Seurat en 1901-1902 (“Les marae des îles orientales de l’archipel des Tuamotu” L’Anthropologie, T. XVI, 1905) et comparaisons avec les études de K.P. Emory en 1929-1930, puis celles d’E. Conte en 1985. K.P. Emory : Tuamotuan
stone structure, Bernice P. Bishop Museum Bull. 118. Honolulu, Hawaii, 1934.
E. Conte : Archéologie des Tuamotu (Polynésie Française). Prospection de dix atolls du centre
de l’archipel, Département d’Archéologie, Centre Polynésien des Sciences Humaines Te
Anavaharau. Tahiti. Déc. 1990.
T. Teissier : “ Les cyclones en Polynésie française ( 1878-1903-1905-1906) ”. Bulletin de la
Société des Etudes océaniennes. N°s 166-167-mars et juin 1969. Réédition 1977.
N.E. Nous remercions Anne Lavondès pour cette étude qui retrace en fait, l’histoire de l’archéologie aux Tuamotu.
194
N°296-297 • Février-Juin 2003
Fakahina
Marae de Tahitinui - Marae Apataki
D’après L.G. Seurat [voir p. 216 et 220-221]
L.G. Seurat remarquait qu’aux Tuamotu, il ne restait des marae que
quelques vestiges dans certaines îles peu fréquentées par les Européens.
Ils étaient en général construits en bord de mer du côté du récif extérieur, ce qui est probablement vrai pour les plus anciens, surtout sur les
atolls orientaux. Depuis, de nombreuses structures en ruines ont été
retrouvées sur la plupart des atolls et bien souvent du côté du lagon. Le
marae de Tahitinui décrit par Seurat est situé au sud-est de l’île, non loin
de la pente qui descend vers le récif extérieur, et parallèle au rivage.
L’auteur a distingué un seul ahu long de 20 m, limité “par des dalles rectangulaires de calcaire corallien pris sur le récif, mesurant 0 m,50 de
hauteur sur 1m de longueur, 0,15 m à 0,20 m d’épaisseur et posées de
champ très régulièrement les unes à côté des autres ; les deux extrémités de l’enceinte sont fermées par une dalle plus grande...”
Et il ajoutait : “L’espace ainsi limité par ces dalles est rempli de
blocs de coraux...” Le long du “mur extérieur (situé vers la haute mer)”,
il y avait eu quatre pierres dressées, “des pierres sacrées ou keho”. Mais
déjà, au temps de Seurat, il n’en restait qu’une en place, les autres ayant
été prises par les habitants pour construire leurs maisons.
Seurat décrivait ainsi en peu de lignes les principales caractéristiques des ahu construits par les anciens habitants des Tuamotu pour
leurs marae.
A six mètres du “mur intérieur” de l’ahu, se trouvait une petite construction qui rappelait un “tombeau d’enfant”. Elle était entourée de quatre dalles de calcaire corallien dont trois étaient posées de chant, la quatrième de 1m de hauteur étant dressée verticalement. Cette petite enceinte
mesurait 1 m,50 de long, pour 0 m,80 de large. Le naturaliste en a reproduit un dessin au 1/50 dans sa publication de 1905 sur les marae.
En même temps que ces descriptions précises, Seurat a apporté des
informations ethnographiques qu’il n’a pas trouvées dans la bibliographie
qu’il cite, mais qu’il a certainement obtenues de ses informateurs, habitants de l’île ou missionnaires. Le marae qu’il décrivait était consacré à la
195
consommation rituelle des tortues, après l’organisation par le “prêtre”
de cette pêche particulière qui se déroulait sous la conduite du “Dieu”.
Les femmes et les enfants ne pouvaient pas participer à cette cérémonie
de dépeçage, de consécration et de consommation de la tortue. La tête
de l’animal était offerte au “Dieu”. Les os et les entrailles “étaient mis
dans un espace entouré de pierres appelé pafata. La tête était enfilée sur
une branche de pandanus et la carapace mise de côté sur une claie en
bois”. On pourrait ajouter que c’était à ces caractéristiques que l’on
reconnaissait les “autels” à tortues. A propos de ces rites consécutifs à
la pêche des tortues, Seurat donne le mot kaunuku pour le nom du prêtre principal et huhuki pour ses assistants, ce qui correspond aux informations transmises par le R.P. Hervé Audran52.
L.G. Seurat a repris aussi une information particulièrement intéressante. Sur le sommet des pierres sacrées ou keho, les habitants «plaçaient
diverses reliques, en particulier des cheveux de vieilles personnes, renfermées dans des vases en bois. Quelques unes étaient surmontées des idoles
ou tiki.» Seurat ne semble pas en avoir appris plus à propos de ce marae
de Tahitinui. En fait, il semble bien que les keho pouvaient servir de supports aux longs bâtons sur lesquels étaient posées les “fare tini atua”, ces
sortes de petites maisons en bois53 qui contenaient les reliques et d’autres
objets religieux. Cette information a été développée par K.P. Emory dans sa
description du même marae. Les “idoles ou tiki” citées par Seurat pouvaient représenter deux choses différentes : soit ce que l’auteur appelait
52 Cf. Bulletin de la Société des Etudes océaniennes, N° 19, juin 1927, en particulier pp. 234235. Ce vocabulaire relatif aux “grands personnages”, au chef principal, au grand prêtre, à ses
assistants, aux notables ayant des fonctions sacerdotales, dans les Tuamotu du centre et de
l’est, est mal connu et sujet à controverse, car les rares auteurs qui connaissaient ces atolls
n’ont pas toujours précisé de qui ils parlaient et sous quelle forme : noms propres ou noms
communs, chef principal d’une île, grand prêtre d’un marae tribal ou chef de famille, l’aîné faisant fonction de prêtre au marae privé familial. Il faut se référer aux recherches de K.P. Emory,
1934 et 1947, en particulier.
53 Ces contenants sacrés pouvaient, aux Tuamotu, porter d’autres noms. Voir Audran et Emory.
Il faut les rapprocher incontestablement des petits “ marae ” mobiles que les Tahitiens des
temps pré-missionnaires transportaient sur leurs pirogues. Ils rappellent que les Polynésiens
étaient aussi des “nomades” de la mer et qu’ils transportaient peu de choses avec eux : leurs
biens les plus précieux et les plus sacrés et la nourriture nécessaire pour des voyages plus ou
moins longs. Aux Tuamotu, il existait aussi de petites boîtes à offrandes sur les pirogues des
pêcheurs.
196
N°296-297 • Février-Juin 2003
“Dieu en pierre” (à propos du marae Katipa dont il sera question plus
loin), des pierres dressées sculptées pour évoquer une vague forme humaine, soit les petites effigies de bois ou de corail conservées dans le “fare tini
atua” et sorties au moment de la consécration des tortues.
D’après K.P. Emory
K.P. Emory (1934, 50-51) a laissé un relevé assez sommaire de ce
même marae qui se nommait Apataki et il avait nettement constaté qu’il y
avait deux ahu distincts, mais depuis l’époque où Seurat avait mesuré cet
ensemble, l’ahu situé au sud avait été complètement détruit et les matériaux réutilisés pour construire une citerne. Quand cet ahu fut démoli,
«on découvrit à l’intérieur un fare-tini-atua (boîte à fétiches) ou «petite
maison des dieux», une expression d’origine tahitienne. Mais Emory ne dit
pas ce qu’est devenue cette boîte. Cette information est pourtant de première importance quand on sait, en particulier par les écrits du R.P.
Audran, que ces petites «maisons des dieux», sur les marae consacrés
aux cérémonies succédant à la pêche des tortues, contenaient en plus des
reliques, une petite sculpture de bois ou de corail, évoquant la forme
d’une tortue. Au moment de consacrer la tortue, le prêtre était le seul qui
pouvait sortir l’effigie du fare tini atua et la poser sur l’animal avant de le
sacrifier en prononçant prières et invocations aux dieux. Lorsqu’elles
étaient sculptées dans du corail, ces “pierres sacrées” se nommaient niu
maru54. Elles étaient “l’ombre” ou ata des dieux de l’Océan, particulièrement importants pour les populations de navigateurs des Tuamotu, des îles
qui furent baptisées à juste titre par les Occidentaux : “Archipel
Dangereux”. Nous ne savons donc pas ce qu’est devenu le fare tini atua
découvert sur ce marae de Fakahina, mais nous savons que le Musée de
Tahiti et des Iles (autrefois “Musée de Papeete”) conserve une de ces
sculptures en corail (n°345) dont la provenance exacte est inconnue.
Cette pièce rare faisait partie de la collection du frère Alain (Joseph
Guitton), mais on ne sait pas à quelle date elle y était entrée.55
54 Hervé Audran, BSEO n°19, 1927n pp. 234-235. K.P. Emory, 1947, pp. 33-34.
55 A. Lavondes, La culture matérielle en Polynésie et les collections du Musée de Tahiti et des
Iles, 1976, vol. 3, p. 884, Pl. 109 et index des collections.
197
Cette collection est restée à l’Ecole des Frères jusqu’en 1914 à peu
près. De 1908 à 1918, date de sa mort, le Père Audran travailla aux
Tuamotu de l’est ; il connaissait bien les atolls de Fakahina et Fangatau.
Il aurait été tout à fait vraisemblable que les habitants lui remettent “l’idole” en corail. Quant au fare tini atua il était probablement en trop
mauvais état pour être conservé, ou bien, si Audran l’avait confié au Frère
Alain, il aurait pu disparaître par la suite. S’il contenait des cheveux ou
autres reliques, il a peut-être été enterré ailleurs par les habitants. Mais
il ne s’agit que d’une hypothèse qui ne peut être confirmée. Bien avant,
en 1874, le RP Albert Montiton avait remis au pape Pie IX des idoles provenant des îles où il avait exercé sa mission, mais les deux effigies qu’il
avait recueillies aus Tuamotu étaient en pierre ; les autres, en bois, provenaient des Marquises. Les sculptures de bois illustrées dans l’ouvrage
d’Emory (1947 fig. 10) ressemblent aussi à des tortues. On ne sait pas s’il
existait aux Tuamotu des sculptures comparables aux tiki des îles hautes.
Le père Montiton a évoqué «des morceaux de bois, où le sculpteur a surtout songé à faire un ventre énorme, tandis que des plumes figurent la
tête.» Ces objets étaient placés sur l’ahu, de la même manière, probablement, que les unu des marae tahitiens. D’après ce missionnaire, les
petits cercueils dans lesquels étaient gardées «religieusement» les
reliques des hommes défunts «étaient ciselés et enjolivés»56 Il s’agit probablement des «vases en bois» cités par Seurat. Les habitants des
Tuamotu considéraient ces objets comme des boîtes ou des paniers. Il est
certain que nous connaissons bien mal l’art ancien des Tuamotu et que
peu d’objets usuels ou rituels bien identifiés sont parvenus jusqu’à nous.
Sur son relevé du marae Tahitinui ou Apataki, Emory a représenté
en b la petite plate-forme entourée de corail, avec sa pierre dressée, telle
que l’avait signalée L.G. Seurat, et on trouve une photographie de ce
siège de chef en A, planche 4. La fonction exacte des structures de ce
type est assez mal connue et il y en avait de plusieurs sortes, à divers
emplacements.
56 A. Montiton, Les Paumotous, Les Missions catholiques, 1874, vol. 6, p. 366,459, 504
198
N°296-297 • Février-Juin 2003
D’après E. Conte
En 1985, Eric Conte a retrouvé le marae Apataki ou Tahitinui dans
le même état. Il en a fait un relevé complet accompagné de photographies très parlantes. De ce qui restait des structures au temps de la prospection d’Emory, E. Conte a trouvé l’ahu à peu près intact avec toujours
la pierre dressée derrière sa limite postérieure et des traces du deuxième ahu détruit. La ciste située face à l’ahu conservé paraît peu détériorée (E. Conte, 1990, pp. 38-39 ; 51-52) et a bien gardé des pierres de
chant, ainsi que la pierre dressée. Il faut se référer aux photographies
prises par E. Conte et à son analyse des divers types et fonctions de ces
cistes fréquentes dans les marae des Tuamotu (pp. 81-83).
Marae de Katipa
D’après L.G. Seurat [voir p. 217 et 220-221]
Ce marae tribal était le plus grand de l’île et le mieux conservé.
Seurat le trouva “très important”, mais comme pour le précédent il ne
distingua qu’un seul ahu, «une grande enceinte rectangulaire de 40m de
long et de 1m,50 de largeur». Emory signale que ce marae “est situé à
une centaine de mètres de la crête du rivage et fut balayé par les vagues
du cyclone de 1903, après le passage de Seurat, aussi est-il nécessaire
de s’appuyer sur sa description pour les parties qui ont été détruites”
(Emory, 1934, p. 50). Ce long ahu était comme d’habitude entouré de
dalles de calcaire corallien plantées de chant. “Huit dalles hautes de plus
de 2m, placées à quelque distance les unes des autres sont encore en
place sur le mur intérieur (du côté du lagon) de l’enceinte ; la première est placée à 2m,50 de l’extrémité de celle-ci”.
“En face de chacune des dalles verticales ou pierres sacrées se
trouvent, adossés au mur intérieur de l’enceinte, des sortes de Dieu :
trois blocs de madrépore aplatis entourent un espace rempli de blocs de
coraux, sur lesquels le prêtre s’agenouillait”. L.G. Seurat a décrit ensuite différents types d’ahu secondaires et de cistes : du côté de la haute
mer, “cinq petits marae rectangulaires, de 1m de largeur sur 2m à
2m,50 de longueur... caractérisés par la présence, en leur milieu, d’une
dalle de calcaire corallien posée verticalement dans le sens de sa hauteur”. La hauteur de cette pierre dressée était de 0m,80. Comme celles
199
de l’ahu ces pierres dressées étaient un peu plus étroites en bas qu’en
haut. Cette particularité est bien visible sur le croquis laissé par Seurat,
qui représente une extrémité du grand ahu et une de ces petites enceintes qu’il décrit de façon précise. (p. 478) Ce même croquis est reproduit dans le livre sur “Tahiti et les Etablissements français de l’Océanie”
(p. 115).
Parallèlement à ces structures, il y avait une autre rangée de 8 petites constructions, semblables à celles du marae de Tahitinui et ressemblant aux “tombeaux d’enfants” de nos cimetières. Leurs dimensions
étaient de 1m,50 de longueur, sur 0m,80 de largeur “avec une dalle verticale de 0m,80 à 1 mètre de hauteur sur le côté qui regarde la haute
mer”.
A une distance que Seurat ne précise pas, il y avait le pafata, un cercle d’une dizaine de mètres de diamètre, entouré de blocs de coraux,
dans lequel on jetait les ossements des tortues57 car ceux-ci ne devaient
pas être dispersés. Cette structure était encore en bon état et les ossements reconnaissables, malgré leur vétusté. Près de l’ahu, Seurat avait
trouvé les vestiges d’un “Dieu en pierre ou tiki ; c’est une dalle de calcaire à amphistégines et à orbitolites, mesurant 0m,90 de longueur sur
0m,60 de largeur ; la naissance des bras est bien indiquée, mais ceuxci manquent, de même que la tête”. Le naturaliste, qui a laissé un croquis (p. 480) de “cette divinité du marae de Katipa”, pensait que ces
pierres façonnées étaient incomplètes et qu’elles avaient été détruites
par les habitants. En fait, il ne semble pas que leur sculpture ait jamais
été très élaborée (cf. Emory, 1934, pp. 6-9).
Il est possible de représenter par un schéma les différents éléments
de ce marae en suivant les descriptions de L.G. Seurat, mais il ne s’agit
nullement d’un relevé précis du monument à cette époque, contrairement à celui qui a été fait par E. Conte en 1985 (1990, pp. 41-42) avec
lequel on peut le comparer.
57 Nous avons observé des structures de ce type, mais en très mauvais état, dans l’atoll de
Rangiroa ou elles étaient destinées, d’après les informateurs, à recevoir des déchets de poissons.
200
N°296-297 • Février-Juin 2003
D’après K.P. Emory (1934, pp. 49-50, fig. 38)
Emory avait retrouvé les vestiges de deux ahu alignés, avec entre
eux, deux cistes, ces structures correspondant certainement à l’unique
“enceinte” décrite par Seurat. Des huit pierres dressées, une seule était
encore en place. En avant de ces ruines, il y avait des restes de petites
plates-formes, vestiges probables de celles qu’avait observé Seurat.
Emory se référait aux descriptions du naturaliste, comme on l’a dit plus
haut. Il n’avait pas retrouvé le pafata. D’après lui, la plupart des pierres
dressées de ce marae devaient avoir des ébauches de têtes et de bras.
D’après E. Conte (1990, pp. 41-43)
Eric Conte a observé à peu près les mêmes vestiges qu’Emory, mais
il les a relevés avec une grande précision. Les cistes accolées aux ahu
qui se trouvent vers le sud montrent que celles qu’a décrites Seurat
étaient bien du côté intérieur du marae. Un relevé fidèle met en évidence le fait que dans la réalité, les alignements d’ahu ou de cistes n’étaient
pas rectilignes comme ceux qu’on peut reproduire sur de simples schémas. Les informateurs de Conte donnaient le nom de Rangi te tau noa à
ce marae pour lequel un chant est cité (p. 43). Il fait allusion au site
voisin de Oromea ou Fare Upoko (la maison des têtes) où étaient
conservés les crânes d’étrangers qui avaient abordé l’île et avaient été
massacrés par ses guerriers. Aux temps anciens ceux-ci protégeaient
leurs atolls contre les envahisseurs ou les pillards venus d’autres îles.
Extrémité du marae de Katipa (île Fakahina), montrant les pierres sacrées,
un prie-Dieu et une enceinte plus petite en face de la première pierre sacrée.
201
Fangatau
L’île est à 40 milles à l’ouest de Fakahina. D’après L.G. Seurat les
marae des deux atolls sont semblables. A Fangatau quelques uns ont été
détruits par le cyclone de 1903, d’autres par les habitants. Seurat aurait
donc fait son étude après le mois de janvier 1903.
Le marae de Ramapohia
D’après L.G. Seurat [voir p. 219 et 220-221]
Il est situé sur la côte méridionale, près du village de Teana, “en un
endroit appelé Matiuga”, et il est déjà en mauvais état. Cette fois-ci,
Seurat a bien distingué deux ahu, situés “sur une même ligne parallèle
à la crête du récif extérieur” et séparés par quelques mètres seulement.
Ces ahu mesuraient à peu près 12m de longueur sur 1m de largeur. Ils
étaient caractérisés par la présence, du côté du récif, de “hautes dalles
de calcaire corallien, taillées, ayant vaguement la forme d’un homme et
représentant la Divinité ; ce sont les pierres sculptées ofai tiki ou peaugaga ; deux de ces dalles sont renversées, tombées à terre ; une est
encore debout ; deux occupent le mur extérieur de la première enceinte”. Les pierres dressées du deuxième ahu étaient au nombre de trois,
deux d’entre elles n’étant pas sculptées.
“Les tiki ou Divinités sont de longues dalles, hautes respectivement
de 2m,25 ; 2 m et 1m,58 et larges de 0m,70, 0m,65 et 0m,58 un peu
plus étroites en bas qu’en haut, et présentant à leur partie supérieure
une sorte de tête très grossièrement taillée mesurant 0m,30 de largeur à
la base sur 0m,185 de hauteur.”
“Les autres pierres formant l’enceinte sont des blocs aplatis de
madrépores de 0m,30 de hauteur, à l’intérieur de cette enceinte se trouvent des débris de coraux formant dôme” (L.G. Seurat, pp. 480-481).
La ciste qui se trouvait entre les deux ahu et celle qui était à l’extrémité du premier ahu étaient bien visibles, puisque Seurat les a décrites. On se demande pourquoi il n’a pas reconnu les deux ahu des autres marae et les petites structures à pierre dressée qui les séparaient. Ils
avaient peut-être été détériorés ou remaniés par la suite. En revanche, il
avait raison de ne pas confondre les pierres sculptées, ofai tiki, avec les
202
N°296-297 • Février-Juin 2003
“pierres sacrées” ou keho qui supportaient les “boîtes à reliques” et qui,
dans la cour du marae, pouvaient servir de dossiers aux sièges commémorant la place des ancêtres ou à ceux des prêtres, des chefs ou des
notables assistant aux cérémonies. C’est en relation avec ces rites, certainement, que Seurat avait pu noter la présence, à l’extrémité du second
ahu d’une série de pierres plantées dans le sol. “C’est en cet endroit,
paraît-il, que les hommes mangeaient la tortue, animal sacré”.
L.G. Seurat a représenté (p.480, Fig. 4) le deuxième ahu du marae
Ramapohia avec, à l’arrière, les trois pierres dressées. Celle de gauche
est sommairement sculptée. Un dessin d’une de ces “ofai tiki”, peutêtre la même, “taillée en forme d’homme”, se trouve à la page 481
(Fig.5). Dans le cas du marae Ramapohia, Seurat s’est servi du mot
“enceinte” pour désigner les deux ahu, alors qu’en décrivant les platesformes des autres sites, il les nommait “marae”. Cette confusion peut
s’expliquer par le fait que le mot ahu n’était pas employé dans toutes les
îles et que les habitants ne savaient déjà plus très bien comment nommer les différentes parties d’un marae. De plus, les ensembles décrits
étaient constitués de structures dispersées et il n’y avait pas de murs
d’enceinte pour entourer la “cour” du marae, soit qu’il n’y en ait jamais
eu, soit que ces murs extérieurs peu élevés aient disparu avant les autres structures, comme on peut le constater sur d’autres sites. En principe, d’après Emory, les marae des Tuamotu occidentales n’avaient pas de
véritable cour délimitée par un ou deux rangs de pierres. Ce type de
marae était représenté jusqu’à Fakahina, Napuka, etc… à l’est. En réalité, les deux formes, avec ou sans mur de clôture, peuvent se retrouver
sur un même atoll, selon le statut ancien de la structure, et aussi en fonction des influences venues de Tahiti peu avant la christianisation. Seurat
(p. 482) a bien décrit cette enceinte rectangulaire des marae tahitiens.
D’après K.P. Emory
(1934, pp. 8, fig. 5-6 ; 11 ; 39-41 et fig. 29 ; Pl. 1 A et B. 1947,
pp. 14 ; 18-19.
En 1930, K.P. Emory avait constaté peu de changements depuis des
descriptions faites par L.G. Seurat. En plus des deux ahu, il avait repéré
quelques petites structures et, vers l’extrémité nord-ouest de la cour, un
tas de corail et deux pierres dressées peu élevées qui constituaient l’autel
203
de Ruahatu, divinité de l’Océan. En fait les deux ahu appartenaient à deux
marae distincts dont Emory avait relevé les noms : à l’est, le marae
Tohitika ; à l’ouest, le marae le plus ancien, Tepaepae. Après l’extrémité de ce deuxième ahu, il restait trois petites pierres dressées et une dalle
tombée à terre, les vestiges, probablement, du lieu où, d’après Seurat, les
hommes mangeaient les tortues. Plusieurs des pierres dressées et des
petits autels secondaires portaient des noms propres se rapportant aux
esprits ancestraux qui présidaient à la pêche des tortues, à des divinités
ou à des personnages historiques, propriétaires des marae. L’une des
pierres dressées au milieu de l’ahu de gauche, à l’est, s’appelait
“Pehaugaga”, un nom qui ne correspondait à aucun ancêtre, ni à personne d’autre. On peut comparer ce nom au mot peaugaga utilisé par
Seurat58 pour désigner les ofai tiki ayant une vague forme humaine.
S’agissait-il d’un mot local pour désigner la pierre calcaire très dure kara
ainsi découpée ? On pourrait plutôt, comparer la forme de ces pierres
plates mais épaisses, qui ont, pour certaines d’entre elles, des ébauches
de tête ou de bras, ou les deux, qui sont plus étroites vers le bas qu’au
sommet, avec des tortues de mer lorsqu’elles remontent pour respirer.
Dans le dictionnaire de la langue des Tuamotu (Stimson et Marshall,
1964) on trouve pehau signifiant “nageoire de tortue” (en tahitien,
“nageoire de poisson” et aussi pour Tepano Jaussen “titre de propriété”).
Ces pierres sculptées, ou au moins certaines d’entre elles, seraient peutêtre les équivalents permanents au marae des petites sculptures mobiles
en corail (voir plus haut), appelées niu maru, ou pierres ata, avec la
même ambiguïté de ces formes, animales ou humaines, qui étaient l’ombre maru,59 l’émanation des divinités. La tortue étant l’émanation des
dieux de l’Océan (cf. T. Henry, p. 395) une pierre qui les évoquait globalement pouvait ne pas porter le nom d’un dieu ou d’un ancêtre précis.
Seurat aurait donc eu raison d’y voir une version paumotu des tiki de
pierres des îles hautes. Mais il s’agit de rares exemples, dans la sculpture
polynésienne, d’objets évoquant des formes animales. Le lézard et la tor58 On écrit maintenant pehunganga, ng étant utilisé en l’absence de signe spécial et disponible
pour noter le “n” vélaire.
59 Le sens littéral des mots ata et maru est bien “ombre”.
204
N°296-297 • Février-Juin 2003
tue étaient aussi des symboles de pouvoir. Malgré des outils rudimentaires, les constructeurs des anciens marae des Tuamotu auraient été très
capables, s’ils l’avaient voulu, de découper dans la pierre calcaire des
têtes plus élaborées et de figurer des bras entiers sur les côtés étroits ou
par de légers enlèvements sur une des faces principales des stèles. On ne
peut avoir la certitude que les quelques statuettes en bois ou sculptures
de pierre anthropomorphes attribuées aux Tuamotu proviennent véritablement de cet archipel. Il se pourrait donc bien que les anciens artisans
des Tuamotu aient voulu évoquer des tortues plutôt que des êtres
humains. Si de nombreuses sculptures avaient existé, puis avaient été
détruites au moment de la christianisation des atolls, on en retrouverait
au cours des fouilles archéologiques ou de travaux divers. Aucune sculpture n’a été mise au jour au cours des fouilles de marae réalisées par
José Garanger à Rangiroa. Il est vrai aussi que de nombreux habitats
anciens ont été ravagés par les cyclones et les raz de marée. J. Garanger
a cité Seurat (p. 64) dans une étude où il compare les marae typiques
des Tuamotu à ceux de Tahiti et des Îles sous le Vent.
D’après E. Conte, 1990
Eric Conte et Joseph Tchong ont retrouvé à peu près les mêmes
structures, mais en plus mauvais état encore, abîmées par les Pisonia
qui ont poussé ici comme dans d’autres marae des Tuamotu, et par le
manque d’entretien. Beaucoup des pierres plantées de chant avaient
disparu, ne laissant que le remplissage de débris coralliens. Il restait une
magnifique pierre tombée à terre, semblable à celle qui est reproduite
dans l’article de Seurat (sur laquelle on voyait déjà une rainure transversale, la marque d’une tentative de débitage plutôt qu’un élément
décoratif). Cette pierre, peut-être la plus haute de l’île ou même des
Tuamotu, mesure 290 cm. D’autres pierres dressées, encore en place,
portaient une ébauche de “bras”, sur un côté.
En conclusion, on constate que les descriptions des trois auteurs
sont cohérentes, mais elles montrent une nette détérioration des structures au cours du siècle. Si les pierres de marae ne sont probablement
plus prélevées pour être remployées dans des constructions modernes,
205
l’état de ces marae laisse à penser que jusqu’en 1985, les habitants ne
se sont pas préoccupés de les entretenir ou de les faire restaurer.
Pourtant la valeur de ce patrimoine est indiscutable, la structure de ces
marae et leurs grandes stèles commémoratives ayant des caractères originaux, propres aux Tuamotu. Ces vestiges ont attiré l’intérêt des archéologues, alors qu’ils étaient dans un état d’abandon total au début du vingtième siècle. C’est un des mérites de L.G. Seurat de nous avoir laissé ces
précieux témoignages sur quelques marae des Tuamotu du nord-est.
Anne Lavondès
Conservateur honoraire du Musée de Tahiti et des îles
Ethnologue retraitée de l’ORSTOM (IRD)
BIBLIOGRAPHIE
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19, juin 1927, pp. 227-235, n°20, août 1927, pp. 251-259.
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atolls du centre de l’archipel. Département Archéologie. Centre Polynésien des
Sciences Humaines - Te Anavaharau. Tahiti, 1990. (Inventaire archéologique de la
Polynésie française).
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Bishop Museum Bull. 191. Honolulu, Hawaii, 1947.
HENRY Teuira, Ancient Tahiti. Bernice P. Bishop Museum Bull. 48, Honolulu, 1928.
Kraus reprint, New York, 1971, 651 pages, index.
HENRY Teuira, Tahiti aux temps anciens, traduit de l’Anglais par Bertrand Jaunez,
Publications de la Société des Océanistes n° 1, Musée de l’Homme, Paris, 1962. 671
pages, index
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la Société des Océanistes N° 22. Musée de l’Homme, Paris, 1969.
MONTITON Albert, Les Paumotous. Traditions et coutumes. Missions catholiques,
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SEURAT L.G. Les marae des îles orientales de l’archipel des Tuamotu. L’Anthro-pologie, T. XVI, 1905.
SEURAT L.G. Tahiti et les Etablissements de l’Océanie. Paris, 1906.
STIMSON J.F. et D.S. MARSHALL. A Dictionary of some Tuamotuan dialects of the
Polynesian language. The Peaobody Museum of Salem (Massachussets) et La Haye,
1964. 623 pages, cartes.
206
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Sur quelques similitudes des langues et des coutumes
des Indigènes de Funafuti
et des Indigènes de l’archipel de la Société
et de l’archipel des Tuamotu, etc.,
par Donat et Seurat60
La langue et les coutumes des Indigènes (natives) du groupe des
Ellice présentent avec celles des Indigènes de la Polynésie orientale (Iles
Tahiti, Tuamotu, Gambier, & c.) des similitudes qui nous permettent,
jusqu’à un certain point, de saisir les affinités qui existent entre ces différents peuples. Nous nous proposons dans ce qui va suivre, d’indiquer
ces analogies en nous référant du remarquable travail de Mr Charles
Hedley, “The Atoll of Funafuti” (Sydney, 1896-1900).
Tabu
La coutume de réserver un cocotier (Cocos nucifera, L.) en y
suspendant un fruit ou une feuille, appelée “niu tabu” aux Ellice
(Hedley, pp. 26 et 27, fig. 2) existe également à Tahiti, aux îles Tuamotu,
Gambier et Marquises, où elle est connue sous le nom de tabu61. Les
Indigènes des îles Tuamotu (Paumotu) réservent un cocotier en attachant, sur le tronc à quatre mètres de hauteur, des feuilles vertes ou desséchée de cet arbre. Les Tahitiens se servent, pour réserver un arbre à
pain (Artocarpus incisa, L.) d’une branche de cet arbre qu’ils amarrent
au pied ; pour réserver un cocotier, ils emploient une feuille de cocotier, ou bien ils attachent, au pied de l’arbre, trois ou quatre feuilles
sèches de bananier.
60 Proceedings of the Linean Society of the New South Wales. Sydney Vol. 23; 1903 pp. 926931
61 Les Mangaréviens désignent cette coutume sous le nom de rahui
207
Plantes
Le mot niu employé par les Indigènes de Funafuti pour désigner le
cocotier, est également employé, pour désigner le même arbre, par les
Indigènes des îles Tuamotu.
Le nonou des habitants de Funafuti (Morinda citrifolia, Linn.) est
désigné sous le nom de nono par les Tahitiens et les Mangaréviens. Cette
plante existe à Tahiti, aux îles Sous-le-Vent, et dans les archipels des
Tuamotu, des Gambier, Tubuai et Cook. Les Indigènes de Tubuai et des
îles Cook se servent de la racine du nono mélangée avec de la chaux
fabriquée avec du corail, pour teindre les nattes en rougeâtre. À Tahiti,
on ne s’en sert plus ; les Tahitiens, autrefois, se servaient plutôt de l’écorce du fei (Musa fei) pour teindre leurs nattes.
La racine du ti, (Cordyline terminalis, Kunth) est cuite au four et
mangée par les Tahitiens ; autrefois, ils faisaient une boisson avec la
racine. Les Mangaréviens mangeaient également cette racine quand les
vivres manquaient.
Costumes
Le maro en langue tahitienne primitive, en paumotu, en langue de
Rurutu, désigne une ceinture faite avec diverses écorces d’arbres entrelacées de plumes d’oiseaux de différentes couleurs. D’autres ceintures
sont simples et ne comportent pas de plumes d’oiseaux. Ce mot maro
n’est plus employé par la nouvelle génération.
Le couvre-œil (Eye-shade), a été employé anciennement à Tahiti ;
actuellement on rencontre encore quelques vieilles femmes qui s’en servent, mais cet usage disparaîtra sous peu. Ce masque, fabriqué avec des
feuilles vertes de cocotier tressées est destiné à préserver les yeux du soleil.
Pêche
(a) Hameçons. Les Tahitiens n’emploient plus les anciens hameçons, sauf l’hameçon en nacre pour la pêche de la bonite en pleine mer.
(cf chap. Engins de pêche) Les habitants des îles Tuamotu ont conservé
l’hameçon en nacre pour la pêche de la bonite ; seuls, les habitants de
Napuka (14° 12’ lat. Sud ; 143° 28’ W.) et de Fagatau (19° 92’ lat. Sud ;
143° 14’ W.) ont conservé les hameçons en bois et en écaille de tortue.
208
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Les habitants de Tubuai ont conservé l’usage d’un hameçon en bois
pour la pêche, d’un poisson appelé uravena, qui vit dans les fonds de
300 à 400 brasses, et dont la chair est excellente, quoique produisant
une légère dysenterie.
(b) Appâts. Les Indigènes des îles Tuamotu et Gambier emploient
de préférence, comme appât, l’abdomen du Cœnobita perlata, Edw.,
crustacé qui habite les coquilles vides de Turbo setosus, Gmelin, et se
trouve en abondance au pied des pandanus. Ce pagure, appelé ounga
koula par les Indigènes de Funafuti est appelé uga (prononcez 0unga)
par les Indigènes des Tuamotu et des Gambier, uà par les Tahitiens. (Le
mot koura signifie rouge, en langue paumotu).
Les Indigènes des Tuamotu se servent également de l’encre des
céphalopodes : ils la font sécher au soleil sans l’imbiber dans le pétrole, et, s’en servent comme amorce pour les poissons à bouche petite.
Cette pêche est inconnue à Tahiti.
Il y a une quarantaine d’années, les Tahitiens se servaient du fruit
du hutu (Barringtonia speciosa, Forst.) pour endormir le poisson ;
actuellement cette pêche est abandonnée complètement, sauf aux
Marquises.
Pêche à la tortue
Les tortues marines sont abondantes dans un certain nombre d’îles
de l’archipel des Tuamotu : Napuka, Fagatau, Fakahina, Tatakoto,
Pukarua, Reao, Vahitahi, Tikei, Tepoto, Mataiva.
Les Indigènes savent que la saison des tortues est arrivée (octobre
et novembre) quand le groupement des six étoiles qu’ils appellent
matarii se lève à l’est. Ils veillent sur la plage et, quand une tortue est
signalée, ils sautent à la mer en emportant avec eux vingt-cinq brasses
de corde fabriquée avec l’écorce du coco, cette corde portant à son
extrémité un crochet à l’aide duquel ils saisissent la tortue entre le cou
et le membre antérieur ; sitôt qu’elle est prise, le plongeur saisit la tortue
par les deux membres antérieurs et lui fait prendre une direction presque
verticale, en appuyant sur l’arrière : la tortue monte à la surface et alors
209
un ou plusieurs individus s’emparent de la ligne et nagent vers les récifs
où l’animal est finalement hâlé, Les meilleurs pêcheurs amènent la tortue sur le rivage sans se servir de la ligne.
Les Indigènes sont très friands de la viande de cet animal ; avant
l’introduction du christianisme dans les îles Tuamotu, les femmes n’avaient pas le droit d’en manger.
Mollusques comestibles
Les Indigènes des Tuamotu et des Gambier sont très friands de la
chair de l’huître perlière Margaritifera margaritifera var. cumingi,
Reeve et surtout du muscle adducteur ; ils mangent également les chames Chama pacifica, Brod., les maua Turbo setosus, les ptérocères,
les modioles Modiolas australis, Gray et le Vermetus maximus.
Les Mangarévien mangent le poulpe Octopus cru de préférence ;
ils le font sécher pendant la saison ; les Indigènes des Tuamotu les
fument et les font ensuite sécher au soleil.
La râpe des Indigènes de Funafuti faite d’une peau de raie appliquée sur un morceau de bois (Hedley, p. 259, fig. 21 et 22) est comme
à Tahiti : les Tahitiens s’en servent pour râper le bois de santal
Santalum insulare pour la fabrication du monoi (huile parfumée).
Les Indigènes de Tahiti et même les Européens, emploient pour
râper le coco, un instrument en fer, monté sur un support. Le système
primitif est abandonné : les Indigènes se servaient, soit d’un morceau
de nacre présentant à l’extrémité des indentations formant une scie, soit
d’un morceau de corail dur. Les Indigènes des Paumotu se servent souvent d’un fragment de noix de coco taillé en scie.
Jeux
Les enfants tahitiens savent faire le moulin à vent en feuilles de
cocotiers en usage à Funafuti (Hedley, p. 304, fig. 80).
Les enfants Mangaréviens fabriquent des toupies avec le fruit du
miro (Thespesia populnea, Corr.), enfilé dans un petit morceau de bois.
Le jeu favori des jeunes Mangaréviens est le lancement de petits
bateaux en bois de purau (Hibiscus tiliaceus), armés en goélette, les
210
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voiles étant formées d’un fragment de feuille de cocotier enfilée dans les mâts ; ils lestent ce bateau à l’aide d’une tige de fer qui traîne à l’arrière et orientent
les voiles suivant la direction du vent.
Les enfants de Mangareva découpent, dans la
noix de coco, une calotte et font passer, à travers le
trou germinatif, une corde en nape (bourre de la noix
de coco) de 1 mètre de longueur, qui suspend la
calotte ; saisissant la corde entre le pouce et le
second doigt du pied, ils marchent à l’aide de cette sandale d’un nouveau genre, et font un bruit qui rappelle celui du pas des chevaux ; ils
tiennent les cordes à la main, de façon à maintenir la noix en place.
Divinités
Le marae en usage à Funafuti, signifie “ autel de faux Dieux ” en
tahitien, en paumotu, en langue de Tubuai et en langue des îles Cook.
(cf. l’article ci-après sur les marae)
Le mot fale atua qui signifie temple en langue de Funafuti, signifie
“maison de dieu” en tahitien fare atua.
Tangaloa, Dieu du ciel et principale divinité de la Polynésie, des
Indigènes de Funafuti, est Tangaroa des Indigènes de l’archipel des
Tuamotu et de l’archipel des Gambier, qui la considéraient comme le
Génie ou la Déesse de ces îles.
Marae - vue du côté de l’entrée.
211
Sur les anciens habitants de l’île Pitcairn62
Les Maoris, qui ont peuplé les différentes îles de la Polynésie, ont
laissé, en beaucoup d’endroits, des monuments qui témoignent d’un
certain degré de civilisation : il suffira de citer les statues colossales,
couvertes d’inscriptions, et les terrasses de l’île Rapanui (ou grande
Rapa)63, les terrasses ou fortifications établies au sommet des montagnes
de l’île Rapa ou Rapa-iti (la petite Rapa) et les marae ou autels que l’on
rencontre encore dans beaucoup d’îles de l’Océanie orientale (archipels
des Tuamotu et des Gambier), vestiges de l’ancien culte de Tangaroa,
dieu du ciel et principale divinité de la Polynésie, qui ont heureusement
subsisté en quelques places, malgré le zèle des missionnaires64.
L’île Pitcairn, découverte en 1767 par le capitaine Carteret, qui lui
donna son nom, est située par 25°3’27” de latitude sud et 133°2’ de
longitude ouest ; elle présente des vestiges d’anciens habitants sur lesquels nous allons donner quelques détails.
L’île Pitcairn est surtout célèbre par la façon dont elle fut peuplée,
en 1790, par les mutins de la Bounty, corvette anglaise qui était venue à
Tahiti chercher des “arbres à pain” pour les introduire dans les colonies
anglaises des Indes occidentales. Quand Christian, le chef des mutins, et
ses compagnons abordèrent dans cette île, en janvier 1790, ils furent
très étonnés d’y trouver des traces d’anciens habitants, telles que des
marae, des figures gravées sur le rocher, des haches de pierre et des
crânes humains65.
62 Extrait de l’ANTHROPOLOGIE tome XV - 1904, pp. 369-372
63 Cette île, Rapanui, a été découverte en 1721, le jour de Pâques, par Roggewein qui lui donna
le nom d’île de Pâques ; cette dénomination doit disparaître et être remplacée par le nom donné
à l’île par ses premiers habitants. Une tradition des habitants de Rapanui dit que leurs ancêtres
sont venus de Rapa (Rapa-iti), île située à 1900 milles à l’ouest, dans un grand canot.
64 Nous avons fait connaître la structure et la disposition des marae ou autels de l’île Tervol et
de l’île Marutea du Sud dans des notes précédentes. Cf. Anthropologie, t. XV, no 1,1904, p. 96.
65 Voir le récit de cette odyssée dans l’intéressant volume de Miss Rosalind, A. Young The
Story of Pitcairn Island by a native Daugther, Third edition, Oakland, Cal., 1894. (il y a sur cette
révolte des marins de la Bounty une nombreuse littérature. Lord Byron en a fait le sujet d’un de
ses poèmes)
212
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Les marae ou autels et lieux de sacrifice, ont été détruits depuis et
il n’en reste plus trace actuellement ; les squelettes trouvés avaient une
coquille d’huître perlière sous la tête (ce mollusque n’existe pas à
Pitcairn ; l’île la plus rapprochée où il se trouve est Mangareva.)66 Les
figures gravées dans le rocher sont les vestiges de l’ancienne occupation
de l’île qui ont le mieux résisté à l’action du temps et au vandalisme des
Européens.
Sur la côte nord-est de l’île, les rochers s’élèvent verticalement audessus d’une plage de sable et la descente, en cet endroit très escarpé,
ne pouvait se faire autrefois qu’à l’aide d’une corde, d’où le nom de
“The Rope”, donné à cet endroit ; actuellement, un chemin en zigzag
permet d’aller du haut du précipice jusqu’au bord de la mer.
Dans la partie la plus abritée de cette baie, se trouve une caverne
qui n’a guère plus de 15 m de profondeur, dans laquelle la mer arrive à
marée haute. Les figures sont gravées dans le rocher formant la paroi de
la caverne ; elles sont placées à une certaine hauteur et pour les atteindre et les mesurer, il a fallu qu’un jeune homme de grande taille montât
sur les épaules d’un autre jeune homme de grande taille.
Les figures ci-jointes (fig. 1 à 12), faites d’après des croquis que
nous devons à l’obligeance de Miss Rosalind Young, représentent ces
dessins avec la disposition qu’ils ont sur la roche (les dessins reproduits
sont ceux qui sont les mieux conservés, les autres ayant été plus ou
moins altérés sous l’action des agents atmosphériques).
La figure 13, qui représente un animal indéterminé, est située à
environ 5 m au-delà des dessins précédents. Dans un autre endroit de
Fig. 13 gravure sur roche de l’île Pitcairn.
213
l’île appelé Saint-Paul existe une autre petite caverne sur la voûte de
laquelle sont tracées des lignes entrecroisées, gravées dans le rocher.
Toutes ces figures ont été tracées sur les parois des grottes avec des fragments de roche trachytique plus dure que la roche en place.
Parmi les autres vestiges d’ancienne habitation de l’île Pitcairn il faut
citer les haches de pierre (fig. 14) qui étaient autrefois assez abondantes, mais qui deviennent rares actuellement, les habitants s’en étant dessaisis un peu trop à la hâte, et sans beaucoup de bénéfices. Ces haches
sont très finies et polies ; elles ont été faites avec des roches du pays.
On trouve également, dans la terre, des pilons ou tuki à peu près
identiques à ceux dont les Mangaréviens se servent pour écraser le mâ
ou pâte fermentée faite avec le fruit de l’arbre à pain.
Les habitants de Pitcairn considèrent comme une idole des anciens,
une large pierre noire, à demi enfoncée dans la terre ; elle est polie et
pèse plusieurs tonnes.
Fig. 14
Hache en pierre polie
de l’île Pitcairn
(1/2 gr. nat.).
66 N.E. Pitcairn se trouve à environ 2000 km au sud-est de Tahiti et à 500 km des Gambier.
214
Gravures sur roche de l’île Pitcairn
Dimensions des dessins gravés dans la pierre,
à l’endroit appelé “The Rope”, île Pitcairn.
01 • Dos 62,5 cm ; partie ventrale 72,5 cm
02 • Dos 37,5 cm, y compris la queue ; partie ventrale 30 cm
03 • Rayon de l’étoile, 25 cm. chacun
04 • Partie dorsale 87,5 cm., partie ventrale 62,5 cm
06 • Côté le plus long (gauche) 61 cm
Côté le plus court (droit) 45 cm. Sommet 10 cm
07 • Tête, circonférence 62,5 cm. Bras 35 cm. ; avant-bras, à partir du coude 17,5 cm.
Tronc 35,6 cm. (de l’épaule à la hanche). Jambes, de la hanche aux pieds, 35 cm
08 • ab = 24 cm. ; bc = 18,7 cm ; cd = 25 cm
09 • Circonférence, diamètre 49,5 cm
10 • Circonférence 63,8 cm
12 • Longueur de chacun des rayons de la croix : 30 cm
13 • Cette figure est située à environ 5 m au delà des autres.
ab = 85 cm ; acb = 180 cm. ; de = 20 cm.
BCDE : ligne de fracture naturelle de la roche
Fig. 4. Marae de Ramapohia (Fagatau) ; deuxième enceinte, avec une pierre représentant la Divinité à l’une de ses extrémités,
et deux pierres sacrées. 1/100 de grandeur naturelle.
N°296-297 • Février-Juin 2003
Les Marae des îles orientales
de l’archipel des Tuamotu67
Les Maoris, habitants de la Polynésie, célébraient autrefois leurs
cérémonies religieuses sur des autels, appelés par eux marae, dont il
reste encore quelques vestiges dans certaines îles peu fréquentées par
les Européens.
Ayant eu l’occasion de visiter récemment quelques îles situées au
nord-est de l’archipel des Tuamotu, nous avons pu y voir des marae
assez bien conservés et d’un type tout différent de celui des marae précédemment décrits par nous, des îles Temoe et Marutea du sud, voisines de l’archipel des Gambier ; ces marae sont situés dans les îles
Fakahina et Fagatau.
Marae de l’île Fakahina ou Niuhi (15°55’ lat. S. ; 142° 25’ long. W.).
Niuhi est le véritable nom de l’île, celui sous lequel les habitants la
connaissent ; Fakahina est un nom donné par les étrangers ; les vieux
habitants connaissent encore le himene de cette île :
Niuhi te henua !
Tukao matagi !
Tere te vaka ki tua kiritia ;
Tere te vaka i aro kiritia.
Kia hipa hia atura e koe.
Te tika o te henua
Ua taka pipita te rahufara.
Ua torikiriki te tika te henua !
Fakarua te matagi.
Paupau toku manava.
Ehoro te kaiga !68
0 Terre de Niuhi !
Dieu du vent !
Voilà la pirogue en dérive en mer ;
voilà la pirogue en dérive dans le lagon.
Quand on aperçoit l’endroit où est la terre, celle-ci
paraît comme une feuille de pandanus enroulée.
La terre disparaît dans un brouillard,
s’éloigne de lavue !
Le vent est à l’ouest.
Ma pensée se trouble quand
je vois ainsi disparaître mon pays natal !”.
N.E. Les illustrations se trouvent en hors-texte pp. 220-221.
67 [extrait de L’ANTHROPOLOGIE. - T. XVI. - 1905. 31 ; page 475]
68 Le “g” en langue paumotu se prononce “ng” ; le “u” se prononce “ou”.
217
Les autels sont nombreux dans cette île et chaque famille paraît
avoir eu le sien. Dans la partie orientale de l’île, on observe les marae
de Tahitinui, situé à Ariahaiko, de Kotukurere, situé à Vaitikatika,
d’Apataki et d’Aturona situés à Kopuava, de Maruhoa, situé à Tumureva
et de Magamagateie ; dans la région septentrionale, ceux de Taaroa, de
Fakekura situé à Fakapikunga, d’Auhutai, de Fakatokatehau, situé à
Ahuroa et de Tevereoteragi, situé au nord-ouest ; dans la région occidentale, ceux de Tugata et de Katipa, et dans la région méridionale, ceux
de Punakao, de Ragihoa, de Puhigaru, etc. Les autels les mieux conservés sont ceux de Tahitinui et de Katipa ; celui de Tahitinui étant le plus
simple, nous le décrirons en premier lieu.
Marae de Tahitinui
Ce marae est situé à peu de distance de la crête qui limite la pente
menant au récif extérieur et à la haute mer, dans un endroit aride, où le
sol est formé de blocs de madrépores et de coraux entassés sans ordre ;
cette position des marae à proximité de la haute mer paraît être la règle
générale aux Tuamotu et aux Gambier.
La partie la plus importante de l’autel est une longue enceinte rectangulaire, mesurant 20 m de longueur sur 1,50 m de largeur, allongée
parallèlement à la crête extérieure ; cette enceinte est limitée par des
dalles rectangulaires de calcaire corallien prises sur le récif, mesurant
0,50 m de hauteur sur 1 m de longueur et 15 à 20 cm d’épaisseur, et
posées sur chant très régulièrement les unes à la suite des autres ; les
deux extrémités de l’enceinte sont fermées par une dalle plus grande. Le
mur extérieur (situé vers la haute mer), est remarquable par la présence de quatre grandes dalles de 2 m de hauteur plantées verticalement
dans le sens de la hauteur et à quelques mètres les unes des autres ; ce
sont les pierres sacrées ou keho (il n’en reste plus qu’une en place ; les
autres ont été prises par les habitants pour construire leurs maisons),
sur le sommet desquelles les Indigènes plaçaient diverses reliques, en
particulier des cheveux de vieilles personnes, renfermés dans des vases
en bois. Quelques-unes étaient surmontées d’idoles ou tiki.
L’espace ainsi limité par ces dalles est rempli de blocs de coraux,
sur lesquels étaient posées des dalles rectangulaires qui ont été enlevées.
218
N°296-297 • Février-Juin 2003
En face la seule grande pierre qui subsiste, et à 6 m de distance du
mur intérieur, on trouve une petite construction qui rappelle assez un
tombeau d’enfant : quatre dalles de calcaire corallien, dont trois sont
posées sur chant et une plus grande est posée verticalement dans le sens
de sa hauteur, forment une enceinte de 1,50 m de longueur sur 80 cm
de largeur et 30 cm de hauteur, la dalle posée verticalement ayant 1m de
hauteur ; l’intérieur de cette enceinte est rempli de morceaux de coraux
entassés sans ordre (fig. 1).
On ne faisait pas de sacrifices humains sur le marae que nous
venons de décrire ; c’est en cet endroit que les hommes venaient manger la tortue (Chelone mydas), animal sacré, les femmes et les enfants
n’étant pas autorisés à assister à ce repas69. Le dieu du marae avertissait
le prêtre (kaunuku) de la présence d’une tortue sur le récif et ce dernier ordonnait aux hommes d’aller la chercher. À leur retour, le prêtre,
aidé de deux assistants (huhuki), coupait la tête de l’animal et, s’agenouillant devant les grandes pierres du marae, la tête de la tortue à la
main, il offrait celle-ci au dieu. Puis l’assistance mangeait la tortue ; les
os et les entrailles de l’animal n’étaient pas jetés au hasard, mais mis
dans un espace entouré de pierres, appelé pafata. La tête était enfilée
sur une branche de pandanus et la carapace mise de côté sur une claie
en bois. Personne n’avait le droit d’approcher du marae en l’absence du
prêtre ; le dieu punissait de mort ceux qui enfreignaient cette loi.
Marae de Katipa
Le marae de Katipa est le plus grand de tous ceux de Fakahina ;
c’est le seul où avaient lieu les sacrifices humains, les victimes étant des
étrangers qui abordaient dans l’île ; les têtes des victimes étaient portées
dans un grand trou situé près d’un marae établi en cet endroit ; sur le
rivage du lagon ; les corps étaient enterrés au grand marae. Les victimes étaient tuées à l’aide d’un harpon komore en bois de mikimiki
(Pemphis acidula, Forst.).
69 L’interdiction pour les femmes et les enfants de manger de la tortue paraît être une règle
générale dans toute la Polynésie.
219
L’ensemble du marae de Katipa, établi près de la pente qui mène au
récif extérieur, en un endroit où le sol est formé de blocs de coraux noircis
par le soleil, est très imposant ; il comprend les parties suivantes (fig. 2) :
1- Une grande enceinte rectangulaire, de 40 m de longueur et 1,50
m de largeur, entourée de dalles de calcaire corallien posées sur chant ;
huit dalles hautes de plus de 2 m, placées à quelque distance les unes
des autres, sont encore en place sur le mur intérieur (du côté du lagon)
de l’enceinte ; la première est placée à 2,50 m de l’extrémité de celleci. En face de chacune des dalles verticales ou pierres sacrées, on trouve, adossées au mur extérieur de l’enceinte, des sortes de prie-dieu :
trois blocs de madrépores aplatis entourent un espace rempli de blocs
de coraux, sur lesquels le prêtre s’agenouillait.
2 - Immédiatement en avant de ce grand marae rectangulaire, c’est
à dire du côté de la haute mer, on observe cinq petits marae rectangulaires, de 1 m de largeur sur 2 m à 2,50 m de longueur, entourés de
blocs aplatis de calcaire corallien posés sur chant, et caractérisés par la
présence, en leur milieu, d’une dalle de calcaire corallien posée verticalement dans le sens de sa hauteur, et dont le plan est disposé parallèlement à la longueur du marae, la hauteur de cette pierre étant de 0,80
m. Cette dalle verticale, de même que les huit pierres sacrées de la grande enceinte, est un peu plus étroite en bas qu’en haut.
3 - On trouve ensuite, faisant face au grand marae, deux rangées
de petits autels semblables à celui que nous avons fait connaître en
décrivant l’ensemble du marae de Tahitinui. Ce sont des constructions
qui rappellent les tombeaux d’enfants dans nos cimetières, de 1,50 m à
2 m de longueur, sur 0,80 m de largeur, avec une dalle verticale de 0,80
m à 1 m de hauteur, sur le côté qui regarde la haute mer ; il y a huit de
ces marae sur la seconde rangée.
4 - Le pafata, endroit où les Indigènes jetaient les ossements des
tortues, est en bon état : c’est un cercle d’une dizaine de mètres de diamètre, entouré de blocs de coraux ; on y trouve de nombreux ossements de tortue, qu’il est aisé de reconnaître, malgré leur vétusté
L’ensemble du marae de Katipa est, comme on le voit, beaucoup
plus compliqué que celui de Tahitinui ; cet autel est également le mieux
conservé.
220
N°296-297 • Février-Juin 2003
Près du grand enclos rectangulaire, nous avons trouvé un dieu en
pierre ou tiki ; c’est une dalle de calcaire à amphistégines et à orbitolites, mesurant 90 cm de longueur sur 60 cm de largeur ; la naissance
des bras est bien indiquée, mais ceux-ci manquent, de même que la tête
(fig. 3) ; ces tiki ont d’ailleurs été détruits par les Indigènes et il est à
peu près impossible d’en trouver d’intacts.
Marae de l’île Fagatau (15°52’ lat. S ; 143°14’ long. W.).
L’île Fagatau située à 40 milles à l’ouest de Fakahina, présente des
marae semblables à ceux de Fakahina ; quelques-uns de ces autels ont
été détruits par le cyclone de 1903, d’autres par les habitants de l’île qui
ont pris les dalles aplaties pour faire les fondations de leurs cases en
pandanus. Nous allons décrire le marae désigné sous le nom de
Ramapohia, car il présente des pierres sculptées ou divinités, en bon état
de conservation, et encore en place. Ce marae est situé sur la côte méridionale de l’île, sur la partie orientale de la vaste baie au fond de laquelle est établi le village de Teana, en un endroit appelé Matiuga, occupé par
une riche végétation de gatae (Pisonia umbellifera) et de cocotiers, ce
qui en rend l’accès difficile. Malgré le mauvais état de conservation du
marae, nous avons pu y reconnaître les parties suivantes (fig. 4).
Les parties principales sont deux enceintes rectangulaires, beaucoup plus longues que larges, mesurant environ 12 m de longueur sur
1 m de largeur, situées sur une même ligne parallèle à la crête du récif
extérieur et à quelques mètres l’une de l’autre ; la caractéristique la
plus importante de ces enceintes est la présence, sur le mur extérieur
qui regarde la haute mer, de trois hautes dalles de calcaire corallien,
taillées, ayant vaguement la forme d’un homme et représentant la divinité : ce sont les pierres sculptées, ofai tiki ou peaugaga ; deux de ces
dalles sont renversées, tombées à terre ; une est encore debout ; deux
occupent les extrémités du mur extérieur de la première enceinte.
Le second marae présente une de ces pierres à son extrémité, et
deux autres dalles plantées verticalement, moins hautes que la pierre
sculptée, et non taillées en forme d’homme.
Les tiki ou divinités sont de longues dalles, hautes respectivement
de 2,25 m, 2 m et 1,58 m et larges de 0,70 m, 0,65 m et 0,58 m, un peu
221
plus étroites en bas qu’en haut, et présentant à leur partie supérieure
une sorte de tête très grossièrement taillée mesurant 30 cm de largeur à
la base sur 18,5 cm de hauteur (fig.5).
Les autres pierres formant l’enceinte sont des blocs aplatis de
madrépores de 30 cm de hauteur ; à l’intérieur de cette enceinte se
trouvent des débris de coraux formant dôme.
Les deux marae, ou espaces rectangulaires, sont séparés par une
petite construction comprenant un espace à peu près carré, entouré de
blocs de madrépores aplatis et présentant, du côté de la haute mer, une
dalle rectangulaire de 1,60 m de hauteur sur 0,54 m de largeur, plantée
verticalement. À l’extrémité du premier marae une construction semblable existait également, mais il n’en reste plus que la dalle verticale et
quelques blocs de coraux.
En face la seconde pierre sculptée ou tiki du premier autel se trouvent les débris d’une construction semblable à celles que nous avons
observées à Fakahina, c’est à dire une petite enceinte rectangulaire, de
1 m de longueur sur 0,80 m de largeur, présentant une dalle verticale
sur le côté intérieur, l’axe de cette construction étant perpendiculaire à
celui du grand marae.
Enfin, à l’extrémité du second marae, on observe une série de dalles plantées verticalement dans le sol ; c’est en cet endroit, paraît-il, que
les hommes mangeaient la tortue, animal sacré.
L’île Napuka, la plus septentrionale de l’archipel, présente des
marae bien conservés, d’un type tout à fait semblable à ceux, que nous
venons de décrire ; il n’en existe pas dans l’île Pukapuka.
Tels sont les faits que nous avons pu observer et que nous avons
pensé utile de relater, car il est à craindre que les derniers vestiges de
ces monuments des anciens Paumotu ne tardent pas à disparaître. Les
Indigènes n’y attachent aucune importance, et il m’a fallu insister beaucoup pour qu’ils me conduisent dans les endroits où sont situés les
marae, endroits non fréquentés, heureusement, par les Européens.
Il est utile de comparer les marae des Paumotu à ceux des
Tahitiens, décrits par le capitaine Cook et les navigateurs qui l’ont suivi,
et à ceux des Marquisiens.
222
Fig. 1. - Petite construction
rappelant un tombeau d’enfant,
située en face le grand marae de Tahitinui.
Echelle 1/50
Fig. 2. - Extrémité du marae de Katipa (Fakahina), montrant les pierres sacrées,
un prie-Dieu et une enceinte plus petite en face de la 1re pierre sacrée. Echelle 1/50.
Fig. 3. - Divinité du marae de Katipa :
la tête manque.
1/20 de grandeur naturelle.
Fig. 5. - Pierre taillée
en forme humaine,
marae de Ramapohia.
1/20 de grandeur naturelle.
Fig. 4. - Marae de Ramapohin (Fagatau) ; deuxième enceinte,
avec une pierre représentant la Divinité à l’une de ses extrémités,
et deux pierres sacrées. 1/100 de grandeur naturelle.
N°296-297 • Février-Juin 2003
Marae tahitiens
Les marae des Tahitiens étaient entourés d’une enceinte rectangulaire, formée de blocs de basalte et de calcaire madréporique entassés
régulièrement, dont les dimensions étaient quelquefois très grandes ;
cette enceinte était fermée, sur un côté par une barrière basse. Les
arbres, miro (Thespesia populnea), tamanu (Calophyllum inophyllum), tou (Cordia subcordata), bois de fer (Casuarina equisetifolia), poussant autour et à l’intérieur du ces murs étaient sacrés et par
conséquent respectés.
La partie principale du marae était une construction oblongue, en
forme de pyramide triangulaire, formée de pierres entassées régulièrement ; cet autel, qui atteignait parfois une grande hauteur, présentait des
gradins ou marches permettant d’aller au sommet. En face de l’autel se
trouvaient les idoles en bois et les claies fatarau sur lesquelles on plaçait les offrandes. Quelques pierres s’élevaient, par places, au-dessus du
sol, portant attachés des lambeaux d’étoffes. La maison des prêtres et
celle des gardiens des idoles se trouvaient également à l’intérieur de
l’enceinte du marae. Les sacrifices humains étaient très fréquents chez
les Tahitiens, le corps de la victime étant finalement porté au charnier ;
la tête était exposée sur un autel en pierre.
Marae marquisiens
Les marae marquisiens comprenaient essentiellement une construction en pierres sèches, formée de deux plates-formes de niveaux différents. La plate-forme inférieure présentait un ou plusieurs trous servant de charnier ; les statues des dieux et la victime offerte en sacrifice,
y étaient également placées.
Le marae était protégé par une toiture ; les assistants se tenaient en
dehors, sur un terre-plein limité par un mur.
Les marae des Tahitiens, des Marquisiens et des Paumotu présentent, dans leur ensemble, de grandes similitudes chez ces trois peuples,
les sacrifices humains ne pouvaient avoir lieu que sur certains autels,
appartenant au roi. Ces analogies s’expliquent par la communauté d’origine de ces peuplades ; les Paumotu sont, en effet, des émigrés venus
225
directement de Tahiti, île avec laquelle ils eurent dans la suite un commerce assez actif, sur leurs grandes pirogues doubles ou pahi.
Toutefois, les marae des Paumotu ont un certain nombre de caractères qui leur donnent une originalité propre. Ces autels étaient plutôt
des endroits où les hommes se réunissaient à l’exclusion des femmes et
des enfants, pour manger certains mets considérés comme sacrés, en
particulier la chair de la tortue.
Marae des Mangaréviens
Les marae des Mangaréviens, dont il existe encore des vestiges à
Temoe et à Marutea du sud, îles voisines de l’archipel des Gambier, diffèrent au contraire beaucoup de ceux des Tahitiens, des Marquisiens et
des Paumotu. Ce sont des constructions en pierres sèches, affectant la
forme d’un parallélépipède rectangle de 2 m de largeur, 6 m de longueur et 2 m de hauteur, et formées de blocs de madrépores aplatis
posés régulièrement les uns sur les autres ; sur le devant de l’autel est
ménagée une petite ouverture de 80 cm de hauteur, qui mène dans une
chambre dans laquelle un homme pourrait se tenir à plat ventre, chambre considérée comme le séjour de l’esprit du dieu du marae. Ces autels
étaient généralement groupés par cinq ou six et un sentier de pierres
plates bien arrangées sur le sol menait à chacun d’eux.
Ces différences s’expliquent par ce fait que les Mangaréviens ne
sont pas originaires de Tahiti, mais sont venus au contraire de
Rarotonga, comme le montrent la similitude du langage et certaines de
leurs légendes. Les Mangaréviens n’avaient pas les grandes pirogues
doubles des Tahitiens et des Paumotu, et voyageaient sur des radeaux
paepae formés de troncs d’arbres solidement attachés les uns aux autres et allant à la voile.
Ces différences entre les diverses peuplades de la race maorie ont
d’ailleurs été acquises lors de leurs migrations secondaires, les Polynésiens
dérivant, d’une même souche, originaire des Célèbes ; ces migrations
secondaires ne peuvent d’ailleurs être suivies que par la comparaison
attentive des mœurs et des monuments de ces diverses populations.
226
N°296-297 • Février-Juin 2003
BIBLIOGRAPHIE
COOK, J. Troisième Voyage. 1777.
BEECHEY. Voyage of the Blossom. Part. I. London, 1831.
ELLIS, W. Polynesian Researches, vol. I. London, 1831.
MOERENHOUT, J.- A. Voyage aux îles du grand Océan. Paris, 1837.
BOVIS, E. de. État de la société tahitienne à l’arrivée des Européens. Revue
Coloniale, 1855.
TAUTAIN (Dr). Notes sur /es constructions et monuments des Marquises,
L’Anthropologie, VIII, Meae, 1897, p. 667.
227
Les engins de pêche des anciens Paumotu70
La pêche est l’occupation favorite des Polynésiens, et c’est en même
temps cette industrie qui leur procure la base de leur alimentation ; la
nature du sol des Tuamotu71, îles basses d’origine corallienne, a obligé les
habitants de cet archipel à se procurer leur nourriture presque exclusivement dans le domaine maritime, les fruits du pandanus étant leurs seuls
aliments végétaux ; l’introduction récente du cocotier a d’ailleurs amené
une amélioration très sensible dans l’existence de ces populations.
Il nous a semblé intéressant de rechercher les anciens procédés de
pêche de ces Indigènes ; malheureusement, les engins primitifs ont à peu
près complètement disparu, et il n’y a guère que quelques îles très pauvres
et peu fréquentées (Napuka, Fagatau, etc.), où on puisse encore se procurer des hameçons anciens. Dans toutes les îles, sauf peut-être une (Napuka),
les engins de fabrication européenne ont remplacé les engins primitifs.
Les Indigènes avaient à leur disposition, pour fabriquer des hameçons, plusieurs substances, dont les plus usitées étaient : 1° la nacre ;
fournie par la coquille de l’huître perlière ; 2° les os des cétacés (kega
parahua), cachalot et baleine, qui s’échouent parfois sur les récifs ; 3°
l’écaille de tortue ; 4° les valves des tridacnes ou bénitiers ; 5° le bois
très dur, et très résistant, d’un arbrisseau très commun sur les plages de
toutes les îles basses, appelé mikimiki, le Pemphis acidula Forster.
A. Hameçon à bonite (fig. 1)
Le seul hameçon en nacre qui soit encore utilisé en Polynésie est
l’hameçon à bonite, aviti auhopu des Tahitiens. Il se compose essentiellement d’une lame de nacre, longue d’environ 12 cm et large de 18
mm, taillée dans une valve d’huître perlière, de la charnière au bord libre,
et polie à la meule ou sur une pierre. À l’une de ses extrémités, cette lame
est percée d’un trou dans lequel est fixée la ligne de pêche ; à l’autre
70 Extrait de L’ANTHROPOLOGIE - T. XVI. - 1905, pp [295-307]
71 Les Iles Tuamotu (Iles lointaines) étaient désignées autrefois sous le nom d’îles Paumotu
(îles soumises), dénomination qui a été abandonnée en 1852 sur la demande des habitants ;
quelques géographes écrivent à tort Pomotu.
228
N°296-297 • Février-Juin 2003
extrémité se trouve un fort crochet en nacre, en os de baleine ou en os
de bœuf solidement fixé sur la lame de nacre ; à l’extrémité inférieure
de l’hameçon est attachée une touffe de soies de porc ou de plumes de
frégate. Cet engin est mis à la remorque des embarcations ; le jeu de la
lame de nacre et de la touffe de soies ou de plumes attire la bonite, qui
saisit l’hameçon et se trouve prise par le fort crochet qui en garnit l’extrémité. Le plus souvent, la ligne est montée sur une forte gaule en bambou, le pêcheur jette l’hameçon et le fait traîner à la surface, en ayant
soin de ne jamais le laisser descendre ; cette pêche est accompagnée
d’une chanson appropriée72.
B. Hameçons en bois, pour la pêche des requins (fig. 2)
Dans certaines îles de l’archipel des Tuamotu, en particulier à
Fagatau, les Indigènes se servent encore de grands hameçons en bois de
mikimiki pour la pêche des requins ; ces hameçons sont de très grande taille ; l’un de ceux que nous avons pu nous procurer mesure 22 cm
de longueur et 18 cm de largeur. Ils ont sensiblement la forme d’un V
dont le sommet est plus ou moins arrondi. À l’extrémité de l’une des
branches est attachée la ligne de pêche, solidement amarrée ; à l’extrémité de l’autre branche est fixé un crochet très pointu, en bois de mikimiki, dont la direction est normale à l’axe du V. Ce crochet entrant dans
les chairs, sur les côtés de la gueule du poisson, sert à maintenir ce dernier. Les Indigènes désignent les hameçons de ce type, avec un crochet
droit rentrant, sous le nom de kao (il y a des kao en nacre). À Reao, on
les désigne sous le nom de maga ; à cause de la pointe recourbée, s’approchant de la tige (maga signifie “pointe ; crochet” en langue paumotu). Ces grands hameçons en bois sont également employés pour la
pêche d’un poisson énorme, appelé uravena (Ruvettus pretiosus
Cocco), qui se tient dans les grands fonds. On s’en sert dans toute la
Polynésie et la Micronésie. M. Charles Hedley, qui les a trouvés à
72 Les Indigènes avaient l’habitude d’accompagner leur occupations de chansons ou pitautau ;
cette habitude a presque totalement disparu aujourd’hui.
73 Les Indigènes des îles Tuamotu désignent les poissons sous le nom général paru ; mot qui
se prononce de la même façon que palu.
229
Funafuti (Ellice Group) dit qu’ils servent surtout à la pêche du Ruvettus
pretiosus ; poisson appelé palu dans cette île73.
C. Hameçons en nacre et en écaille
Les hameçons en nacre sont devenus extrêmement rares, et ce n’est
guère qu’accidentellement qu’on peut en trouver dans le sol. Désignés par les
Indigènes des Tuamotu sous le nom générique de Kanehu, ils étaient de diverses formes et de diverses grandeurs, chaque forme ayant un nom particulier.
Dans l’énumération qui suit, nous donnons les noms adoptés par
les Indigènes de Hao (îles Tuamotu), et ceux donnés par les Indigènes
de Reao, île dont la langue diffère un peu de celle des autres Tuamotu et
se rapproche plutôt de la langue mangarévienne.
1 • Numi (fig. 3) - Le numi était l’hameçon le plus employé, et
l’un des meilleurs ; il est de forme arrondie, et caractérisé par un coude
brusque de sa branche libre, dont l’extrémité, en pointe, s’approche de
l’autre branche de l’hameçon.
Le numi se faisait en nacre ou en écaille de tortue. Les Indigènes
s’en servaient pour prendre les poissons qui ne mordent pas franchement (carangue, etc.). Le poisson, piqué sur les côtés de la bouche, ne
pouvait plus se détacher, étant retenu par le crochet terminal.
2 • Tagoro (prononcer Tangoro) (fig. 4) - La forme de cet hameçon
se rapproche de celle du numi ; elle en diffère par ce fait que la branche
libre se termine en arc de cercle très régulier, la pointe restant éloignée de
la branche principale. Le poisson pris pouvait se détacher. Les Indigènes
de Reao désignent cette forme d’hameçon sous le nom de matau.
3 • Koru (kotohe des Indigènes de Reao) (fig. 5) - Le koru, de
forme arrondie, est caractérisé par la présence, sur le bord externe de
la branche libre, d’une dent ou crochet à pointe dirigée vers l’arrière.
4 • Kahoka (Tukumakumapatiki en langue de Reao) (fig. 6) Cet hameçon, dont nous avons pu nous procurer un spécimen en écaille
dans l’île Fagatau, est caractérisé par sa pointe, légèrement courbée vers
l’extérieur, et qui reste éloignée de la tige.
73 Les Indigènes des îles Tuamotu désignent les poissons sous le nom général paru ; mot qui
se prononce de la même façon que palu.
230
fig. 1
fig. 2
fig. 3
fig. 4
fig. 1
fig. 2
fig. 3
fig. 4
fig. 9
fig. 10
Hameçons des anciens Paumotu
fig. 11
5 • Kavero (Karekereke des Indigènes de Reao) (fig. 7) - La branche libre du kavero, hameçon en nacre, se recourbe brusquement à son
extrémité, la partie recourbée étant parallèle à la tige.
6 • Numi kahoka (vivo des Indigènes de Reao) (fig. 8) - Le numi
kahoka, dont nous possédons un spécimen en écaille de tortue, provenant de Fagatau a sa branche libre recourbée, mais moins fortement que
celle du numi, la pointe se dirigeant obliquement sur la tige, tandis
qu’elle est perpendiculaire à cette dernière dans le numi.
7 • Kuma - Les Indigènes des Tuamotu désignent sous ce nom l’hameçon figuré par M. Charles Hedley dans son ouvrage sur l’atoll de
Funafuti (fig. 31, p. 266).
Cet hameçon, a sensiblement la forme d’un “C” quand on le place
devant soi, la pointe dirigée en bas ; la pointe est perpendiculaire à la
tige et la branche libre présente sur son bord externe une dent, diamétralement opposée à la pointe.
8 • Taue (fig. 10) - Cet hameçon, en nacre, est caractérisé par sa
branche libre dont l’extrémité se recourbe en une pointe très fine ; on
met l’appât à cette extrémité et c’est la pointe qui pique le poisson ; on
utilise le taue pour la pêche des perroquets (scares). Les Indigènes prenaient les kokiri (balistes) avec un hameçon de même forme, mais en
bois de mikimiki Pemphis acidula Forster, car ces poissons brisent les
hameçons en nacre.
9 • Kiriti et kiriti maga - Ces hameçons, dont l’un (kiriti maga)
est figuré par M. Charles Hedley (op. cit. ; p. 266. fig. 32), servaient
à prendre les petits poissons qui viennent sur le littoral ; ils ont la forme
d’un comma et sont caractérisés par ce fait que bien qu’étant relativement de grande dimension (1 pouce), ils sont très minces, atteignant à
peine 1 mm d’épaisseur.
D. Hameçons à murènes
Ces hameçons, désignés sous le nom de reke ; étaient en os de
cachalot ou de baleine, substance très résistante. La région où était attachée la ligne de pêche, et une partie de celle-ci, étaient entourées de
cordes faites avec les racines latérales aériennes du pandanus (kueke),
de façon à empêcher la murène de couper la ligne. Les Indigènes de
232
N°296-297 • Février-Juin 2003
Reao ne connaissaient qu’une seule forme d’hameçon à murène, appelé karekereke (voir plus haut, n°5) ; les Indigènes des Tuamotu (Hao),
au contraire, distinguaient trois sortes de reke :
1 • Fakapua (fig. 11) - C’est la forme la plus généralement adoptée ; l’hameçon est arrondi, et sa branche libre se termine par une pointe
à peine courbée du côté externe. Cet engin, de grande dimension (6 cm
de largeur), convient pour prendre les murènes qui ont déjà été piquées
par l’hameçon. Les Indigènes utilisent encore aujourd’hui le fakapua ;
mais ils le font en fer, et se servent d’étoffe pour protéger la ligne.
2 • Pihoro - La branche libre de cet hameçon est très écartée de
l’autre branche et un peu relevée ; le pihoro convient pour les murènes
qui n’ont pas encore été piquées et qui saisissent l’appât avec voracité.
3 • Tira - La branche libre est arrondie et a peine courbée du côté
de l’autre branche. Les murènes de petite taille ne peuvent pas se prendre avec le tira qui ne convient que pour celles de très grande taille.
Amarrage de la ligne de pêche sur l’hameçon
- Ligne de pêche
Les Paumotu se servaient presque uniquement, comme ligne de
pêche, de cordes tressées avec le nape ou bourre de la noix de coco,
après rouissage de celle-ci dans l’eau de mer. Cette ligne appelée karava par les Indigènes des Tuamotu, kereka par ceux de Reao, était une
corde ronde à deux brins (totakitahi ; Reao) ou à trois brins (rotoru,
Reao), ou une tresse aplatie à trois brins (cette tresse se vend encore
par paquets de 950 g environ, contenant 70 m de corde, dans les îles
orientales de l’archipel, Reao, Takoto, Nukutavake, Vahitahi.) La corde
tressée avec les fibres des racines latérales aériennes du pandanus,
appelée kueke était également employée ; elle était surtout en faveur
avant l’introduction du cocotier dans ces îles. Les Tahitiens se servaient
de lignes de pêche en roa, Pipturus argenteus, Urticacée, ou en more,
écorce du purau, Hibiscus tiliaceu).
Nous possédons de la ligne de pêche faite avec des cheveux, provenant des îles Gilbert.
La branche de l’hameçon sur laquelle était amarrée la ligne de
pêche présentait une gorge (fig. 9) qui empêchait la corde de glisser.
233
La corde était fixée sur l’hameçon à l’aide d’une petite ficelle, désignée
sons le nom de kavei (Reao). Les vieux Indigènes de Reao amarraient
leur ligne sur l’hameçon en s’accompagnant de la chanson suivante :
Chanson qui peut se traduire ainsi :
“Kavei toro ; kavei taku matau ;
E pouga teretere ; e pouga taiara.
Kavei i ; kavei toro ; kavei taku matau.
E pouga tiritiri ; e pouga taiara.
Matau ; matau nui na Tama ;
0 Magaiateragi ; a kaira taku Ika. emakouaikopo !
E pouga tiritiri ; e pouga taiara.”
“J’amarre, j’amarre mon hameçon,
(L’hameçon de nacre) descend en oscillant dans l’eau74,
il est déjà happé (par le poisson).
J’amarre, j’amarre, j’amarre mon hameçon.
(L’hameçon) est jeté dans l’eau, il est déjà happé.
Hameçon, grand Hameçon de Tama75.
0 Magaiateragi76, le poisson est pris, c’est un makaouai kapo77 !
L’hameçon est jeté dans l’eau, il est déjà happé.”
L’appât était maintenu sur l’hameçon à l’aide d’une ficelle appelée
kereka par les gens de Hao et takaimaunu par ceux de Reao.
Fabrication des hameçons de nacre
Les Indigènes des Tuamotu fabriquaient leurs hameçons de la façon
suivante, Il commençaient par découper, dans une valve d’huître perlière
74 (1) Teretere, oscillation de la lame de nacre qui descend dans l’eau. (Les mots entre parenthèses sont ajoutés pour donner plus de clarté à la phrase.)
75 Tama, nom d’un homme.
76 Magaiateragi, nom de l’hameçon, consacré aux dieux par son propriétaire.
77 Makaouaikapo, nom du poisson pêché.
234
N°296-297 • Février-Juin 2003
un carré de nacre ayant à peu près les dimensions de l’hameçon qu’ils
voulaient faire ; il sciaient la nacre à l’aide d’une peau de raie ou de
requin, qui leur servait également de râpe. L’hameçon était ensuite
façonné à l’aide d’une branche d’un madrépore rameux, Madrepora
brachiata, Dana ; l’ouvrier, tenant le morceau de nacre avec la main
gauche et le pied, usait la nacre avec la branche de madrépore (cette
dernière jouant le rôle d’une lime ronde) et arrivait assez vite à la forme
désirée. Ce mode de fabrication des hameçons par les Paumotu est
assez semblable à celui décrit par Cook pour les hameçons tahitiens.
Pirogues
L’Indigène des îles Tuamotu ne va guère à la pêche sans sa pirogue.
Les pirogues qui sont utilisées actuellement sont, rarement de fabrication locale, et il faut aller dans les îles orientales de l’archipel (Fagatau,
Vahitahi, Nukutavake, etc.) pour trouver des embarcations du type
ancien. L’embarcation ancienne se compose de la pirogue proprement
dite et des balanciers.
La pirogue est taillée dans un tronc de cocotier ou de tou, Cordia
subcordata ; à Mangareva, les Indigènes utilisaient le tamanu,
Calophyllum inophyllum L. et l’arbre à pain78. Les habitants des îles les
plus délaissées de l’archipel des Tuamotu se servent aujourd’hui d’outils
d’importation européenne ; autrefois ils faisaient usage de haches
taillées dans la coquille des gros tridacnes ou bénitiers, ou même de
haches de pierre (basalte) importées de Tahiti. La hache proprement
dite, ou toki, était fixée à un manche en geogeo, Tournefortia argentea
L. ayant la forme d’un L ; le manche, ou grande branche de ce L mesurait environ 65 cm, l’autre branche, 30 cm. Le toki était placé dans une
encoche pratiquée sur le côté de l’extrémité de cette petite branche, et
maintenu à l’aide d’une corde en nape (bourre de coco) ; l’instrument,
dont le tranchant était situé dans le plan des deux branches du manche,
de même que dans nos haches européennes, était utilisé pour abattre les
arbres ; l’ouvrier, en, faisant ce travail, s’accompagnait de la chanson
suivante, dite d’une façon saccadée :
78 L’usage de la pirogue a complètement disparu dans l’archipel de Mangareva.
235
“Patetoki ;
Hitia marama ;
Tau tau ;
Hamariki ;
Pupa !
“La hache touche (l’arbre),
Elle s’enfonce (dans l’arbre),
(L’arbre) est prêt à tomber,
(L’arbre) s’incline,
(L’arbre) tombe !”
Le tronc d’arbre abattu était façonné et creusé à l’aide d’une hache
qui rappelle l’herminette (fig. 12) ; cette hache, ou tokitoki ; était
fixée à un manche ayant à peu près la forme d’un V à branches inégales,
la plus grande mesurant environ 50 cm et l’autre 20 cm. Le tokitoki était
inséré dans une encoche pratiquée sur la face externe de la petite branche et solidement maintenu par une corde en nape ; le tranchant étant
perpendiculaire au plan des deux branches. Les vieux Indigènes emmanchent encore de cette façon les petites hachettes d’importation américaine et s’en servent avec une habileté incomparable.
La pirogue taillée dans un tronc d’arbre est trop peu profonde pour
tenir la mer ; les Indigènes y ajoutent une superstructure, formée, dans
les pirogues modernes, de planches d’une seule pièce. Dans les pirogues anciennes (Nukutavake, Fagatau. Reao, etc.), au contraire, cette
superstructure est formée de planches mesurant environ 90 cm de longueur sur 16 cm de largeur, réunies entre elles par de la corde de nape
(fig. 13).
Les planches, façonnées à la hache, étaient percées à l’aide d’un
vilebrequin qui dénote une grande ingéniosité chez ces Indigènes (fig.
14), et qui se composait essentiellement d’une tige en bois de mikimiki, de 40 cm de longueur, présentant vers son milieu un plateau arrondi de 8 cm de diamètre, perpendiculaire à la tige, cette dernière traversant le plateau en son centre. À l’extrémité supérieure de cette tige sont
attachées deux ficelles, reliées d’autre part aux extrémités d’une baguette de mikimiki perpendiculaire à la première, et située un peu au-dessus du plateau. En bas, la tige se continue par un aiguillon caudal de
Trygon de 15 cm de longueur, solidement amarré au moyen d’une cordelette. On se sert de cet instrument de la façon suivante : sa pointe
étant appliquée sur la pièce à percer, on place la main gauche sous le
plateau, de façon à maintenir la tige, la main droite tenant la baguette
236
fig. 12
fig. 14
fig. 13
fig. 15
fig. 16
fig. 17/18
Pirogue et outils des anciens Paumotu
parallèle au plateau. Avec la main gauche, on fait tourner légèrement la
tige verticale, soit à droite, soit à gauche, ce mouvement ayant pour effet
d’enrouler les deux ficelles et de relever la baguette horizontale ; il suffit alors d’abaisser brusquement cette dernière pour faire tourner l’appareil. L’élan communiqué à l’outil, et conservé grâce au plateau qui sert
de volant, déroule les deux cordes, puis les enroule en sens contraire ;
la main droite suit le mouvement d’élévation de la baguette horizontale,
puis donne une nouvelle pression qui fait tourner l’appareil en sens
contraire, et ainsi de suite. L’aiguillon de la raie tourne, par suite, alternativement dans le même sens et en sens contraire des aiguilles d’une
montre. Le résultat pratique de cette rotation est qu’il s’enfonce rapidement dans le bois et y perce un trou bien régulier.
Dans les trous ainsi percés, on passe la corde de nape. On place, sur
la jointure des deux pièces de bois que l’on veut coudre ensemble, une
latte tirée du rachis ou nervure médiane de la feuille du cocotier (fig.
15). La corde, passant dans les trous des deux planches, par dessus cette
latte, assure, si elle est bien serrée, une solidité à toute épreuve.
La corde était serrée à l’aide d’un instrument, appelé keke (fig.
16), qui a également disparu. Le keke, en bois de mikimiki, a la forme
d’un Y renversé dont la branche impaire présente, à son extrémité, une
gorge assez profonde. Les deux pieds de l’Y reposant sur le fond de la
pirogue, on passait la corde à serrer dans la gorge, l’instrument étant
penché ; on le redressait en tirant sur la tige impaire présentant la gorge
et, la corde étant amarrée à ses deux extrémités, l’instrument faisait
levier et la serrait très fortement.
L’embarcation était calfatée avec un instrument formé d’une lame
rectangulaire, en os de baleine, aiguisée à une de ses extrémités, appelé karahi, sur lequel on frappait à l’aide d’un marteau ou plutôt d’un
maillet en bois de mikimiki, appelé patupatu (fig. 17). Les Indigènes
se servaient en guise d’étoupe, de la poudre obtenue en râpant, à l’aide
de leur râpe formée d’une branche de bois recouverte d’une peau de
raie, la tige d’un petit arbrisseau appelé huhu, Suriana maritima L.
Les trous dans lesquels passaient les cordes de nape étaient bouchés avec un tampon en bourre de coco, enfoncé à l’aide d’une cheville
238
N°296-297 • Février-Juin 2003
en bois de mikimiki appelée tikao (fig. 18), sur laquelle on frappait
avec le patupatu79.
Les balanciers, généralement en mikimiki, sont fixés, un à l’avant et
un à l’arrière de la pirogue, et amarrés avec la corde de coco ; à leur
extrémité libre, ils sont recourbés et vont s’attacher sur une pièce de bois
léger, Guettarda speciosa, flottant parallèlement à la longueur du bateau.
L’eau de mer qui entre dans l’embarcation est vidée au moyen d’une
écope, tata, encore en usage à Vahitahi et à Nukutavake, taillée d’une
seule pièce dans un morceau de geogeo. Le fond de cette écope est
arrondi, comme celui de la pirogue ; une tige centrale, qui fait corps
avec la paroi postérieure, sert de poignée.
La pirogue est actionnée à l’aide d’une pagaie ; les grandes embarcations peuvent aller à la voile. Les anciens Polynésiens voyageaient dans
de grandes pirogues accouplées ou dans des pirogues simples de grandes dimensions appelées pahi. La mâture comprenait un grand mat tira
et une vergue tahatu, attachée en haut de ce mât. Une voile carrée, formée par une natte en pandanus, était attachée sur la vergue et maintenue à sa partie inférieure par deux cordages qui permettaient de l’orienter suivant le vent. Les Maoris faisaient de très longs voyages sur
leurs pahi : les vieux habitants de Reao se souviennent d’un bateau venu
de Rapanui (île de Pâques) et ayant abordé dans leur île. Ils se servaient
des étoiles pour établir leur route ; les plus âgés d’entre eux connaissent encore les noms de celles-ci, qu’ils groupent en constellations différentes des nôtres. La génération nouvelle ignore à peu près complètement toutes ces notions astronomiques, ainsi que tout ce qui a trait aux
engins de pêche en usage chez leurs ancêtres ; dans quelques années,
il sera impossible d’obtenir aucune donnée à ce sujet.
Les renseignements qui précèdent, et que nous n’avons pu nous
procurer qu’avec la plus grande peine, montrent quelle était l’ingéniosité des anciens Paumotu, réduits à se nourrir presque exclusivement des
produits de la mer. La population actuelle a perdu toute notion du passé,
et le contact des Européens ne paraît pas avoir amené une amélioration
sensible dans sa civilisation.
79 Nous avons pu nous procurer ces instruments dans l’île Fagatau.
239
BIBLIOGRAPHIE
COOK, J. A Voyage to the Pacific Ocean, I, 1785, p. 219.
ELLIS, W. Polynesian Researches, London, 1831, vol. I.
EDGE-PARTINGTON. Journ. Anthrop. Inst., I et II, pl. XXI.
HEDLEY, Charles. The Atoll of Funafuti ; Ethnology, pp. 264-265. Sydney.
COBB, J.N. Commercial. Fisheries of the Hawaian Islands. Report U.S. Comm. of
Fish and Fisheries for 1901, pp. 415-421, Washington, 1902.
Photo A. Lavondes
ALEXANDER, A.B. Notes on fishing Methods of the South Seas, (même recueil), pp.
741-829.
Fig. 16 Keke en bois de mikimiki
pour tendre les cordes du tendeur
(5-A.L.)
Fig. 17/18
Patupatu en bois de mikimiki
Tikao, coin en pointe (7,6-A.L.)
240
N°296-297 • Février-Juin 2003
Mœurs des anciens Paumotu80
L’archipel des Tuamotu, appelé autrefois archipel des Paumotu,
Archipel Dangereux, comprend 80 îles coralliennes, élevées de
quelques mètres au-dessus du niveau de la mer (l’île Makatea a une altitude de 70 m), s’étendant à l’est de Tahiti jusqu’à l’archipel des Gambier
(ou îles Mangareva).
Toutes ces îles, à l’exception de Makatea, présentent une uniformité de structure remarquable : ce sont des îles très basses, allongées, formées d’un grand nombre de petits îlots très étroits, motu, et très rapprochés les uns des autres, entourant un lac central ou lagon, dont la
profondeur n’excède pas 50 m ; la profondeur est, au contraire, très
grande (environ 2 000 m) du côté de la haute mer, où elle tombe très
brusquement. Sur ce versant, les motu sont protégés par un plateau
madréporique, découvert à marée basse, sur lequel les vagues viennent
déferler avec une grande violence, rendant l’accès de ces îles très difficile ; toutefois, dans un certain nombre de celles-ci, dites “îles à passe”,
le plateau ou récif extérieur est interrompu en certains endroits, de sorte
que les navires peuvent pénétrer a l’intérieur du lagon. Les passes de
certains lagons, en particulier celle de Fakarava, permettent l’accès de
navires d’un fort tonnage. Il règne dans ces passes un courant très violent, qui se renverse toutes les six heures : à six heures de courant sortant font suite six heures de courant rentrant, et ainsi de suite.
Le nombre des îlots ou motu et leur grandeur sont variables : nous
en avons compté près de 80 dans l’île Marutea du sud et leur nombre
dépasse une centaine dans l’île Hao. La longueur des motu varie d’une
centaine de mètres à plusieurs kilomètres et leur largeur varie le plus
souvent de 200 à 300 m ; exceptionnellement elle peut atteindre et
même dépasser 1 km (îles Fakahina et Pukapuka). Quelques îles
Tuamotu sont très petites, leur circonférence ne dépassant guère 3
80 Revue coloniale 1905 pp. 385-399
241
milles (Tauere) ; d’autres atteignent des dimensions considérables et
Rangiroa, la plus grande, a une longueur de 42 milles, son lagon étant
une véritable mer intérieure.
La structure des îles basses est assez uniforme ; nous avons fait
connaître, dans des publications antérieures, la structure des îles
Temoe, Marutea du sud, Fakahina, Fagatau et Pukapuka. En certaines
places, le sol des motu est formé d’une accumulation de blocs énormes
de madrépores et de coraux, entassés sans ordre, au milieu desquels la
marche est très pénible ; ailleurs, les blocs de madrépores sont beaucoup plus petits, et il y a prédominance de sable corallien et de débris
de coquilles ; enfin, dans certaines îles, le sol est presque entièrement
formé de sable à protozoaires, amphistégines et orbitolites.
L’une des particularités les plus saillantes des îles Tuamotu est l’absence totale de toute source d eau douce, ce qui en rend le séjour très
pénible pour les Européens qui doivent conserver l’eau de pluie dans
des réservoirs. Dans quelques îles, l’eau de pluie s’accumule dans des
dépressions d’un sol madréporique imperméable et offre ainsi une ressource aux habitants. Les Indigènes se procurent une eau à peine saumâtre en creusant, dans le sable et le calcaire coralliens, un trou de 1,5
m de profondeur environ.
L’origine des îles basses ou atolls et des îles Tuamotu, en particulier, a fait l’objet de nombreuses controverses. Darwin, qui traversa l’archipel sans s’y arrêter, a laissé une théorie restée célèbre, quoique universellement abandonnée aujourd’hui. La théorie la plus vraisemblable,
celle qui s’accorde le mieux avec les faits observés, est la suivante : l’activité volcanique qui a donné naissance aux îles volcaniques (îles de la
Société, îles Mangareva, etc.) a fait surgir, à l’endroit où sont actuellement les îles basses, une série de plateaux sous-marins, arasés par les
flots, sur lesquels les organismes coralligènes se sont établis et ont construit des récifs, récifs qui sont arrivés jusqu’à fleur d’eau.
La mer, déferlant sur ces barrières, a amené les gros blocs de
madrépores et de coraux et le sable corallien qui constituent, actuellement, le sol des motu.
242
N°296-297 • Février-Juin 2003
Les îles Tuamotu, arrivées ainsi à cet état de récifs à fleur d’eau et
de blocs de coraux, coupés de place en place par des bras de mer, ont
alors subi un exhaussement général de plusieurs mètres, exhaussement
qui s’est d’ailleurs étendu a toutes les îles de la Polynésie et qui a eu
pour effet de les amener à leur état actuel.
Les îles basses, vues du large, ont un aspect très agréable, la végétation y apparaît très riche, le plus souvent caractérisée par des cocotiers
séparés par un fourré très serré de petits arbustes, dont les plus caractéristiques sont le mikimiki, Pemphis acidula Forster, le huhu,
Suriama maritima L. et le pandanus.
L’impression change totalement quand on aborde ces îles ; on
reconnaît alors que la végétation qui s’est établie au milieu de ces blocs
de calcaire madréporique est très pauvre et très spéciale. L’arbre à pain,
d’une si grande ressource pour les Polynésiens, n’existe pas dans ces
îles basses.
Le cocotier, qui y prospère d’une façon remarquable, est un arbre
dont l’introduction récente a amélioré singulièrement les conditions
matérielles des Indigènes, qui étaient autrefois réduits à se nourrir de
poisson, des amandes des graines du pandanus et de taro ; la culture
de taro Colocasia esculenta, qui se faisait dans de grandes tranchées,
maite, et nécessitait beaucoup de travail, a par contre disparu depuis
que la culture du cocotier s’est développée. Ce dernier arbre est non
seulement un aliment pour les Indigènes, mais aussi une source de revenus très importants, surtout pour les îles sans nacres ; à Fakahina, la
production moyenne annuelle de coprah (amande de la noix de coco
séchée au soleil et coupée en fragments) est de 200 tonnes. On calcule, aux Tuamotu, qu’un cocotier rapporte en moyenne 2 francs par an
et un cocotier peut commencer à rapporter, dans ces îles, dès l’âge de 6
à 7 ans.
Les Indigènes des Tuamotu appartiennent à la race maorie, dont
l’aire de dispersion est si vaste ; ils sont de grande taille et d’une grande beauté de formes ; le nez est à peine aplati, les cheveux rarement
crépus ; le teint bronzé. Ils se sont moins mélangés avec les Européens
que les Tahitiens ; quoique d’un abord beaucoup plus rude que ces
243
derniers, ils sont d’un naturel aussi doux, et aussi hospitaliers ; d’un
caractère très nomade, ils aiment à aller d’île en île, bien qu’ils demeurent attachés à leur île natale. Leurs ancêtres étaient très belliqueux,
accueillant très mal les étrangers, au dire de Moerenhout, qui eut des
difficultés très sérieuses avec eux dans l’île Anaa ; il est certain qu’ils
étaient autrefois anthropophages, et que l’abord de ces îles était redouté par les capitaines de voiliers. La belle conduite des Indigènes de Reao
envers les naufragés du Savernake, en 1901 montre combien leurs
mœurs se sont modifiées dans la seconde moitié du siècle dernier.
Le dialecte de ces Indigènes a de grandes ressemblances avec les
dialectes mangarévien, tahitien et marquisien ; il est caractérisé par
l’existence du “k” et du “g”qui manquent dans le dialecte tahitien, d’une
consonance plus douce ; la plupart des mots tahitiens se retrouvent
dans la langue des Tuamotu, un peu modifiés par l’addition de ces
consonnes : mo’ô, u’a, ‘atae, correspondent à moko, uga, gatae.
VETEMENTS - Les premiers navigateurs qui ont visité les îles
Tuamotu ont trouvé les habitants dans un état de nudité presque complète ; actuellement, tous sont vêtus très décemment, d’un pagne en
cotonnade pareu et d’un tricot ; quelques-uns ont adopté le pantalon.
Ils vont nu-pieds et marchent avec la plus grande aisance sur les coraux
déchiquetés et tranchants. Quelques rares Indigènes des îles pauvres de
l’archipel portent encore le pagne tihere tressé avec la feuille du pandanus.
Les vieux Paumotu se couvraient de certains vêtements, qui étaient
plutôt des parures, lors des grandes cérémonies ou au moment d’un
combat ; ils avaient le tiputa, vêtement en écorce interne battue d’arbre [tapa], dans lequel on passait la tête, et qui rappelle le poncho des
Indiens d’Amérique. Ils portaient des cuirasses en peau de requin et leur
tête était ornée d’une couronne pupukatu de plumes de frégate kotaha
et de paille-en-queue ou oiseau des tropiques tavake.
Le plus brave d’entre les guerriers, ou chef de ceux-ci, portait
comme insigne du commandement un collier kaneanea formé de
244
N°296-297 • Février-Juin 2003
plaques semi-circulaires de nacre, découpées chacune dans une valve
d’huître perlière à l’aide d’une scie en peau de requin ; nous avons pu
nous procurer à Hao un de ces colliers ayant appartenu à M. Munanui,
ancien roi de cette île.
ARMES - Les armes des anciens Paumotu étaient en bois ; la plus
redoutable était une lance de 2,70 m de longueur (cagaaga), dont l’extrémité aplatie, présentait, de chaque côté, une rangée d’indentations et
de barbelures ; cette arme se tenait avec les deux mains et était destinée
à arracher les entrailles de l’adversaire ; il existait un modèle plus court
de cette lance, pouvant être manié d’une seule main. Le korare était une
pique simple, d’environ 2,5 m de longueur ; le tarapa servait de cimeterre ou de sabre ; cette arme, mesurant 1,35 m de longueur, présentait
une poignée et une lame à arête tranchante ; le parotu, massue très
pesante, servait à casser les membres. Les Paumotu attachaient, dans la
paume de la main, une mâchoire inférieure de murène, et s’en servaient
pour déchirer le visage de leur ennemi ; ces mâchoires niho kamia
leur servaient également de couteau.
HABITATIONS - Dans presque toutes les îles Tuamotu, il existe des
habitations en bois, avec véranda et couverture en tôle ondulée, c’est à
dire des habitations “à l’européenne”. Il faut aller dans les îles orientales les plus pauvres de l’archipel, pour retrouver les habitations primitives. Les villages de Fagatau, de Nukutavake, sont entièrement formés de
cases en pandanus. Les piliers et le faîtage de ces maisons sont formés
par des troncs de pandanus, les intervalles entre les piliers verticaux
étant occupés par des baguettes transversales très rapprochées en rachis
de feuilles de cocotier ; la toiture est faite avec des feuilles de pandanus,
groupées et arrangées en bardeaux raufara, les bardeaux étant attachés
aux chevrons par des cordages en bourre de coco, fibres tressées ou
nape. Ces cases, dont la construction demande un certain temps, peuvent durer plusieurs années ; elles sont d’un séjour très agréable lors
des grandes chaleurs, et de beaucoup préférables aux maisons de bois,
couvertes en tôle ; ces dernières présentent, par contre, l’avantage très
appréciable de permettre de capter l’eau de pluie qui tombe sur le toit.
245
OUTILS - Les Paumotu se servaient autrefois d’outils fabriqués
avec les rares matériaux qu’ils avaient à leur disposition.
Leur “hache” était taillée dans une valve de tridacne (bénitier), ou
faite avec un morceau de corail dur : ils choisissaient un rameau de
geogeo, Tournefortia argentea L. en forme de V à branches inégales et
la hache était fixée dans une encoche pratiquée sur la petite branche de
ce V et solidement maintenue en place a l’aide de cordes tressées avec
les racines adventives du pandanus kueke. Quelques-uns avaient des
haches en basalte, qu’ils se procuraient dans leur commerce avec les
Tahitiens, commerce qui paraît avoir été très actif. Ils avaient une hache,
pour abattre les arbres, et une sorte d’herminette avec laquelle ils façonnaient leurs pirogues.
La “scie” était formée d’un arc en bois de mikimiki avec une corde
tendue, sur laquelle était fixée une peau de requin ou de raie ; le frottement de la peau de requin ainsi tendue avait pour effet de scier l’objet
attaqué. Une peau de raie fixée sur un morceau de bois arrondi constituait la râpe paumotu.
[Voir la descripton du vilebrequin pp. 232-234]
Les Paumotu cultivaient le taro dans de grandes tranchées maite
dont on retrouve encore les traces dans beaucoup d’îles (Kauehi,
Fakahina, Fagatau, etc.). Ils se servaient de bêches tokitoki faites avec
le cœur du tronc du pandanus, pour défoncer la terre, et rejetaient
celle-ci sur les côtés à l’aide de pelles pikaro constituées par une valve
d’huître perlière parau, percée de quatre trous près de sa charnière, et
fixée à un manche en bois de mikimiki par des cordes passant par ces
trous. Ils employaient également des valves d’huître perlière non
emmanchées et tenues a la main parau huke gaere (nacres à creuser le
sable).
Nous avons signalé, au début de cette note, la rareté de l’eau douce
dans ces îles. Les Indigènes conservaient l’eau dans des noix de coco
qu’ils avaient préalablement vidées à l’aide d’un bâton kapoka portant,
attachée a son extrémité, une dent de poisson perroquet. Ces noix servant de calebasse tanae étaient groupées par trois dans un cadre en nervure de feuille de cocotier, pouvant être porté a la main ; les tanae
étaient bouchées avec un tampon en feuille de pandanus. Les calebasses
246
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étaient également mises à l’abri dans un récipient puha en geogeo, muni
d’un couvercle, dans lequel l’eau se conservait très bien. Pour les usages courants, les Paumotu utilisaient une noix de coco entourée d’un
filet en corde de bourre de coco.
Le poisson étant la base de l’alimentation de ces populations, la
pêche était l’une de leurs occupations favorites. Nous avons publié
récemment une note sur les procédés de pêche des Paumotu, dans
laquelle le lecteur pourra trouver tous les renseignements concernant
cette industrie.
PIROGUES - L’Indigène des Tuamotu se sépare rarement de sa
pirogue ; c’est en pirogue qu’il va à la pèche, en haute mer ou dans le
lagon ; c’est avec sa pirogue qu’il se rend sur les lieux de plonge, à la
recherche des huîtres perlières. Les pirogues employées aujourd’hui
sont apportées de Tahiti : il n’y a plus que quelques rares îles (Fagatau,
Nukutavake, Vahitahi), où l’on voit encore des pirogues anciennes ; celles-ci étaient creusées dans un tronc de tou, Cordia subcordata et surmontées d’une superstructure formée de planches “cousues” ensemble
et solidement attachées au corps de la pirogue par des cordes ou tresses en fibre de coco, passant dans des trous très rapprochés pratiqués à
cet effet de chaque côté de la ligne de suture. Ces pirogues sont munies
d’un balancier.
Les Paumotu naviguaient sur de grandes pirogues doubles pahi,
formées de deux bateaux accouplés et réunis par un pont, présentant
une quille et des membrures, et pouvant contenir de nombreux passagers et des vivres pour la route. Ces pahi allaient à la voile, étant munis
d’un grand mât tira et d’une vergue ; la voile était une natte tressée avec
les feuilles du pandanus. Les Indigènes dirigeaient leur course à l’aide
des étoiles, dont ils connaissaient les noms et qu’ils groupaient en constellations différentes des nôtres.
Les Mangaréviens naviguaient sur des radeaux paepae formés de
troncs d’arbre à pain Artocarpus solidement amarrés les uns aux autres
par des cordes en écorce de purau Hibiscus tiliaceus L. ; ces radeaux,
qui étaient munis d’une voile et pouvaient porter de nombreuses personnes et des provisions, servaient à l’émigration des Mangaréviens
247
condamnés à l’exil ; c’est sur ces bateaux primitifs que ceux-ci ont
abordé les îles orientales de l’archipel des Tuamotu, Reao, Pukaruha,
Tematangi, etc. qui ont été peuplées par eux ; les Mangaréviens sont
même allés jusqu’à Rapa, île la plus australe de nos possessions de la
Polynésie et ils ont certainement poussé leurs migrations vers l’est jusqu’à Pitcairn81.
DIVISION DU TEMPS - Les Paumotu, de, même que les Tahitiens
et les Mangaréviens, avaient des mois lunaires, qu’ils divisaient par nuits,
d’après l’état de la lune.
L’année, qui commençait vers juin, était divisée en 12 mois, [voir pp.
281-282] :
Les deux premiers mois étaient des mois de disette paroro, le poisson étant rare à ce moment ; il y avait un premier mua mois de disette,
suivi d’un second muri ; kaukune (auhune en tahitien) était le mois
d’abondance, les poissons et les tortues étant alors très communs ; le
mot hakahu signifie mois des fortes chaleurs ; pipiri était le mois pendant lequel les poissons sont bien gras. Les Indigènes ont depuis longtemps abandonné et oublié ces dénominations, les noms actuels des
mois étant tirés de l’anglais : tenuare, janvier, etc.
Le système cosmogonique paumotu
CROYANCES - Le système cosmogonique des Paumotu se rapproche beaucoup de celui des autres Maoris ; l’être suprême est
Vatea82, qui a créé le Monde, assisté de ses douze enfants, dont chacun
a eu une occupation particulière :
0 Ru etoko ite Ragi iamamao ;
Pigao eharo ite Ragi iakono ;
Tope ekoti ite Ragi iamotu ;
Pepe ekana ite Ragi iamamari ;
Tane ehoa ite Ragi iagahoa ;
81 Les mutins de la Bounty, à leur arrivée à Pitcairn, trouvèrent des squelettes humains avec,
sous la tête, une valve d’huître perlière, mollusque qui n’existe pas à Pitcairn.
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Tagaroa etutu ite Ragi iavera ;
Titi etini ite Ragi kia puta ;
Tiki enati ite Ragi iamate ;
Ruanuku ehohora ite Ragi iamahora ;
Maui eruruku ite Ragi iamaopo ;
Gaohe eruruku ite Ragi iakatoa ;
Vaerua etatara ite Ragi iamatara.
Le premier de ses enfants Ru, soulève le ciel et le maintient élevé ;
Pigao le façonne et l’arrondit ; Tope le coupe en deux ; Pepe et Tane
aplanissent le ciel ; Tagaroa allume le feu dans le ciel, fait briller les
éclairs ; Titi perce le ciel et y fait un trou ; Tiki le répare ; Ruanuku
l’élargit ; Maui et Gaohe l’attachent et le maintiennent immobile ;
enfin, Vaerua le détache et le laisse tourner librement.
Le premier homme, nommé Tiki, et la première femme, Hina, ont été
formés par la terre, de laquelle ils ont poussé à la façon d’une plante. À la
suite d’une faute ou péché, Hina a été atteinte d’une maladie et soignée par
son mari ; la maladie ayant gagné ce dernier, elle le soigne à son tour, puis
tombe de nouveau malade, et ainsi de suite. À la fin, Hina, fatiguée de soigner constamment son mari, s’enfuit dans la lune, où elle est restée.
Le souvenir de cette première femme est d’ailleurs resté vivace dans
la population indigène : les synaptes portent le nom de “ceinture
d’Hina” Hitiki no Hina, les étoiles de mer celui de “chapeau de Hina”
Kanoe no Hina.
Maui et Tagaroa sont également des personnages restés célèbres ;
le premier s’est illustré en ralentissant la marche du soleil ; Tagaroa a
été happé par un requin et n’est parvenu à s’échapper du ventre de ce
monstre qu’au bout de plusieurs jours.
La légende du bateau de Rata est connue chez tous les Maoris ; on
la retrouve partout la même avec quelques variantes. D’après la légende
paumotu, Rata est un jeune homme élevé par sa grand’mère, dont le
père a été mangé par divers animaux de la mer et dont la mère a été saisie par une murène monstrueuse qui l’a emmenée dans son trou. Rata,
82 À Tahiti, le dieu suprême, père de tous les autres, est Taaroa (Tagaroa).
249
désireux d’aller à la recherche de ses parents, se met en devoir de
confectionner un bateau : il prend sa hache et va abattre un arbre dans
un endroit où sa grand’mère Kuhi lui a bien recommandé de ne pas
aller ; il enlève les branches de l’arbre abattu et, la nuit approchant, il le
laisse sur place. Quel n’est pas son étonnement, le lendemain matin, en
retrouvant sur pied et avec toutes ses branches, l’arbre abattu la veille.
Il recommence l’ouvrage de la veille et, le soir venu, il se cache de façon
à observer ce qui va se passer. Il voit alors les kaveu (crabes des cocotiers), les moko (scinques à queue bleue), les toti (cénobites) et les
kiore (rats) se grouper autour de l’arbre abattu et chercher à le remettre en place. Ils vont y parvenir, mais un cri de Rata les fait se sauver :
ce dernier, très intrigué par ce qu’il vient de voir, va en faire part à sa
grand-mère. Celle-ci lui explique alors que tous ces animaux sont ses
grands-parents tupuna et qu’ils ont la garde du terrain où elle lui avait
recommandé de ne pas aller ; elle lui conseille de s’adresser à ses
tupuna et de leur demander de lui construire son bateau. Rata suit ce
conseil, retourne le soir près de l’arbre qu’il a coupé et demande aux
animaux assemblés en cet endroit de lui faire une pirogue et de la lui
amener le lendemain matin près de sa maison.
Pendant la nuit, il rêve que son bateau est terminé, et à son réveil,
il constate que son rêve ne l’a pas trompé. Il veut lancer son bateau, mais
celui-ci n’est pas calfaté, il fait de l’eau de tous côtés et Rata est obligé
de renoncer à son projet et de recourir encore à l’aide de ses tupuna
Toia kote vaka. no Rata ;
Itua i havaiki ;
Aore anahoe, aore ana tata ;
Rata koia nake ;
Manurere a Itoita ;
Manurere a oeoe :
E matuku e, matuku reua.
Le bateau de Rata est mis à la mer : ce bateau dont Rata a rêvé : il
n’a pas de pagaie, pas d’écope : Rata est seul pour le lancer ; son
bateau file comme un oiseau, il accoste, il est amené à terre.
250
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Les kaveu, les toti etc., viennent alors à son aide, mettent le bateau
en état, et le lancent ; un kaveu se met à la barre et Rata part en expédition, Les divers animaux marins qui ont mangé son père cherchent à
le happer, mais il en triomphe grâce aux conseils de ses tupuna ; il
coupe avec sa hache et amène sur le pont un rori, (holothurie) monstrueux à l’intérieur duquel il retrouve la tête de son père : plus loin, il
harponne un grand tridacne pahua et trouve un bras : il finit par retrouver toutes les parties du corps de son père, les rassemble, et celui-ci
renaît à la vie.
Rata se met alors en devoir d’aller retrouver sa mère ; il arrive près
du trou où elle est prisonnière et y place du poisson, pour attirer la
murène ; celle-ci sort, elle a sept têtes, qui repoussent sitôt coupées ;
Rata a soin de la frapper en arrière des sept têtes ; il soulève la pierre
qui cache l’entrée du trou et se trouve alors dans une belle maison, il
aperçoit sa mère pendue au plafond par les pieds, et gardée par une
femme qui est son ennemie. Le héros délivre aisément sa mère et réunit
ses parents, qui le félicitent.
La légende de Rata est celle qui est restée la plus vivace dans le souvenir des Paumotu : beaucoup d’entre eux connaissent encore les
paroles qu’il prononce en coupant l’arbre dont il veut faire sa pirogue,
celles qu’il prononce en aiguisant sa hache. Les Maoris avaient, en effet,
l’habitude d’accompagner chacun des actes de leur existence d’une
chanson appropriée : ils avaient la chanson accompagnant le frottement
de deux morceaux de bois secs et glorifiant Hiro, l’inventeur de ce procédé de faire du feu : la chanson du lancement d’un bateau, la chanson
de la bonite (poisson de haute mer), etc.
Marae
CÉRÉMONIES RELIGIEUSES - Les Indigènes des Tuamotu ont tous
adopté la religion chrétienne : les uns, en particulier ceux des îles de l’est,
sont catholiques, les autres mormons : il n’existe qu’un petit nombre de
protestants parmi eux. Il est par conséquent devenu difficile de se procurer
des données sur leur ancienne religion, dont les différents missionnaires les
ont détournés. La plupart des autels marae ont été détruits par eux ; nous
251
avons pu toutefois en observer d’assez bien conservés à Temoe, Marutea du
sud, Hao, Amanu, Tauere, Fakahina, Fagatau ; les beaux marae du sud de
l’île Hao (Vainono) ont été détruits par le cyclone de 1903.
Les marae des Paumotu proprement dits diffèrent essentiellement
de ceux des Mangaréviens. (cf. article pp. 215-223 sur les marae83. )
L’endroit occupé par l’ensemble de ces autels était tabu le prêtre,
seul, avait le droit d’y pénétrer en tous temps ; l’accès en était formellement interdit, même lors des cérémonies, aux femmes et aux enfants84.
Les sacrifices humains ne pouvaient avoir lieu que sur le marae
appartenant au Roi ; les personnes sacrifiées étaient généralement des
étrangers accostant l’île ; la tête des victimes sacrifiées était portée dans
un grand trou, préparé à cet effet ; le corps était enterré. Nous n’avons
vu aucune trace d’ossements humains dans le charnier pafata du marae
royal de Katipa (île Fakahina), ce charnier n’étant par conséquent destiné a recevoir que des ossements de tortue. Le prêtre avait deux assistants, qui l’aidaient lors de la célébration des offices.
Tels sont les documents que nous avons pu nous procurer sur les
cérémonies religieuses des anciens Paumotu ; ces cérémonies étaient
plutôt, comme on le voit, des repas en commun, qui avaient lieu après
que l’offrande des mets. avait été faite aux Dieux.
Les cérémonies religieuses, la disposition et la forme des autels
montrent assez les rapports d’origine des Paumotu et des Tahitiens ; les
îles Tuamotu ont été peuplées par des Tahitiens expulsés de leur île. Il
existe d’ailleurs des légendes paumotu dans lesquelles il est question de
Tahiti : la légende de l’origine du cocotier parle d’une anguille de grande taille Tuna vivant dans le lac Vaihiria (île Tahiti) ; c’est la tête de cette
anguille, coupée par Maui, l’amant d’Hina (épouse de Tuna) qui, mise
en terre par Hina, a poussé et donné naissance au cocotier. Il existe également une légende d’un enfant qui se livre a la pêche et qui, tirant sur
sa ligne, voit venir à lui l’île Tahiti.
83 Les Mangareviens actuels, tous catholiques, n’ont aucune souvenance du passé ; les premiers missionnaires ont brûlé leurs idoles en bois.
84 Le dieu punissait de mort ceux qui enfreignaient cette règle.
252
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Les relations étaient d’ailleurs fréquentes entre les Paumotu et les
Tahitiens, comme le prouvent les mares où étaient cultivés les taro, taro
amenés de Tahiti, et la possession, par certains Indigènes des Tuamotu,
de haches en basalte.
Les Mangaréviens ont, au contraire, une origine différente et sont
venus de l’île Rarotonga, comme le prouvent les similitudes du langage
et certaines légendes de Rarotonga, où il est question de Mangaréviens
retournant dans l’île d’où étaient partis leurs ancêtres. Si l’on ajoute que
les habitants de Rapanui (île de Pâques) sont venus de Rapa, on voit
combien est intéressant et complexe le problème des migrations secondaires des Maoris. Ceux-ci. originaires des Célèbes, ont peuplé, en effet,
toutes les îles de la Polynésie, les îles Hawaii et la Nouvelle-Zélande : les
diverses tribus migratrices, en s’arrêtant dans certaines îles, se sont
modifiées, de façon à former des peuplades qui paraissent aujourd’hui
très différentes les unes des autres, bien qu’ayant une origine commune.
BIBLIOGRAPHIE
MOERENHOUT, J-A. Voyage aux îles du Grand Océan. Paris, 1837.
MARIOT, Note sur les îles Tuamotu. Revue maritime et coloniale, 1875.
PAILHES, Souvenir du Pacifique. L’archipel des Touamotou. Tour du monde 1875,
XXIX, p. 266.
RIBOURT (Général). Observations géologiques sur Tahiti et les îles basses de l’archipel de Paumotu. Bull. Soc. Géographie. Paris, 1878, t. XVI, p. 1840.
SEURAT, L.G.
•Observations sur les îles basses de l’archipel des Gambier. Papeete, 1903.
•Observations sur l’île Temoe. Papeete, 1903.
•Observations sur l’île Marutea du Sud. Papeete, 1901.
•Observations sur quelques îles orientales de l’archipel des Tuamotu. Papeete,
1901.
•Les procédés de pêche des anciens Paumotu. L’Anthropologie, Paris, 1905.
253
Légendes85 des Paumotu
Histoire de Tangaroa
Tangaroa habite l’île Timanu86 ; ses compatriotes ayant pris un jour
des tortues et ne lui en ayant pas donné, contrairement à l’usage, il va
sur le récif pour en pêcher ; apercevant un de ces animaux, il se met à
la nage pour le poursuivre et est alors happé par un requin énorme qui
l’avale sans le broyer.
Après un séjour de deux à trois jours dans le ventre de l’animal,
Tangaroa entend soudain le bruit de la mer déferlant sur les récifs, ce
qui lui fait penser qu’il est arrivé près d’une île ; à ses mains sont attachées des maxillaires inférieurs de murènes (niho kamia), garnis de
leurs dents, et avec cette arme, semblable à une scie, et qui est le couteau des anciens Paumotou, il ouvre le ventre du poisson et parvient à
s’échapper ; le requin, effrayé, s’enfuit et la mer rejette l’homme sur le
récif. Ce dernier se traîne à grand peine sous un pandanus ; sa peau est
enlevée, ayant été digérée par le poisson.
L’endroit où Tangaroa vient d’aborder n’est habité que par des femmes ; un certain nombre d’entre elles viennent sur le récif chercher des
rori (biches de mer, ou holothuries) ; deux autres se dirigent vers le
pandanus où est caché le naufragé, de façon à se procurer les racines
adventives de cet arbre, dont elles font usage ; elles le découvrent alors
et veulent le mettre à mort.
Tangaroa les persuade de n’en rien faire et leur explique ce que
c’est qu’un homme, chose qu’elles ignoraient. Elles l’amènent alors au
village et le soignent très bien.
Tangaroa a laissé sa femme et sa sœur à Amanu ; sa sœur a deux
enfants, fils de Tangaroa : l’un, Te Rupetugane87, est un oiseau semblable à une frégate ; l’autre, Hina, est une fille. Cette dernière, ayant appris
85 Cette légende a paru dans la Revue des Traditions populaires, tome XX, n°11, de novembre
1905 pp. 125-131. Elle a été recueillie à Amanu.
86 Timanu est le nom ancien de l’île Amanu.
87 Tugane, signifie frère en langue paumotou.
254
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où est son père, part à sa recherche ; quand elle arrive dans l’île où
celui-ci a abordé, les habitants l’accueillent très mal et font un grand feu
pour la brûler. Hina les supplie de lui accorder quelques instants et
appelle son frère à son aide ; une pluie survient, qui lui annonce l’arrivée de ce dernier ; elle met alors au monde un enfant et au même
instant Te Rupe arrive et le prend entre ses pattes ; il met sa sœur sur son
dos et s’envole. Hina lui demande de le mener très haut dans les airs ; à
une certaine hauteur, il n’y a plus de vent et l’oiseau agite ses ailes sans
avancer ; sa sœur lui conseille alors de descendre et de voler en se maintenant à une petite distance au-dessus de l’eau ; à ce moment, la lune se
lève et Hina propose à son frère de la conduire dans cet astre ; arrivée
dans la lune, elle prépare à manger pour son frère et pour son fils.
Au bout de deux ou trois jours, Te Rupe demande à retourner à
Amanu, son pays ; sa sœur le fait beau, lisse ses plumes et le prie d’aller, dans l’île où habite son père, chercher les femmes qui ont voulu lui
faire du mal et de les noyer.
L’oiseau part, arrive dans l’île, et propose aux habitants de les
emmener dans un autre pays très joli, où il y a beaucoup à manger88 ;
les femmes acceptent et un certain nombre d’entre elles montent sur le
dos et les ailes de l’oiseau ; celui-ci les emmène très loin et les jette dans
la mer ; il revient de nouveau dans l’île, prend un certain nombre d’autres femmes et va les noyer en un autre endroit, et ainsi de suite, jusque
ce qu’il n’en reste plus.
Il prend alors son père, Tangaroa, et l’emmène voir sa fille dans la
lune, puis le ramène à Amanu, sa patrie. Tangaroa se remarie à Pangai
et a un nouvel enfant, Tinarau ; ce dernier épouse Puturua, et de ce
mariage naissent six enfants, quatre filles et deux garçons, ces derniers
étant deux baleines, dont nous parlerons plus loin.
85 Cette légende a paru dans la Revue des Traditions populaires, tome XX, n°11, de novembre
1905 pp. 125-131. Elle a été recueillie à Amanu.
86 Timanu est le nom ancien de l’île Amanu.
87 Tugane, signifie frère en langue paumotou.
88 Les Maoris estimaient un pays d’après la plus ou moins grande abondance des aliments
qu’on pouvait s’y procurer.
255
Quelques personnes pensent que Tangaroa est resté dans la lune
avec sa fille Hina, la version la plus répandue est qu’il est revenu à
Timanu (Amanu), après avoir été voir sa fille89.
Histoire de Kae
(Légende paumotou faisant suite à celle de Tangaroa)
Le fils de Tangaroa, Tinarau, marié à Puturua, a eu six enfants, quatre filles, Katohuri, Katomea, Katoehau et Ruatamahine, mariées toutes
les quatre à Kae, et deux garçons, Tutunui et Togamautuku ; ces derniers sont deux baleines, qui vivent dans un grand trou rempli d’eau,
dans l’île où sont leurs sœurs.
Kae, qui a consenti à suivre Ruatamahine dans le pays où elle habite avec ses frères et sœurs, désire revoir sa patrie, mais ne sait comment
s’y rendre ; Ruatamahine lui propose de le faire mener par ses deux frères ; Kae accepte, monte sur l’une des baleines, et part dans son pays,
formé d’un groupe d’îles qui ont été séparées par un espadon (akura)
d’un coup de sa défense. Kae se fait conduire à terre par la baleine qui
le porte (Tutunui), et quand celle-ci est sur le récif, il appelle ses gens
et la fait tuer ; Togamautuku, qui est resté en haute mer, voit le crime et
boit le sang qui s’écoule du corps de son frère, en se mélangeant à l’eau
de mer, puis s’en retourne auprès de ses sœurs.
A son approche, celles-ci reconnaissent immédiatement, à la
manière dont il rejette l’eau par les évents, qu’il est arrivé un malheur à
leur frère. Togamautuku raconte la façon dont Tutunui a été traité ;
Ruatamahine et ses sœurs décident alors d’aller chercher leur mari et
de le punir de son crime. Elles arrivent dans l’archipel où il habite et lui
demandent de les accompagner. Kae refuse.
89 Hina est encore très connue des vieux Paumotou ; ils appellent les syngnates « ceinture
d’Hina » (hikitiki no Hina) ; les ophiures et étoiles de mer, « chapeau d’Hina » (kanoe no
Hina).
Taaroa (Tangaroa en langue paumotou) est le premier Dieu des Tahitiens, le père de tous les
autres ; sa femme est Hina. Tangaroa est généralement considéré, dans la Polynésie, comme
le Dieu suprême. Aux Tuamotu le Dieu suprême est Vatea.
256
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Ruatamahine le traite alors avec beaucoup de douceur, pour avoir
sa confiance, et, un jour, elle le prie de reposer sa tête sur ses genoux,
afin qu’elle puisse lui enlever ses poux (ngutu) ; elle lui gratte la tête et
Kae finit par s’endormir ; ses femmes le secouent pour le réveiller et
constatent, à un grognement qu’il pousse, qu’il n’est pas encore suffisamment endormi ; elles continuent à lui gratter la tête et, à la troisième fois, elles constatent qu’il dort très profondément. Elles le prennent
alors et l’enferment dans un grand panier en niau (feuilles de cocotier
tressées) qu’elles cousent et emportent avec elles.
Ruatamahine, au moment où elle approche d’un bras de mer séparant deux îles, ordonne à celles-ci de se rapprocher, de façon à ce qu’elle puisse passer avec ses sœurs et son fardeau : elle s’exprime ainsi, en
parlant aux îles :
Henua raka tutaki e
E a poie tutaki te henua.
Quand elle est passée, elle ordonne aux îles de se séparer de nouveau, de façon à empêcher le retour de Kae dans son pays :
Kotiara te henuanei
Kia motu motu kote po no havaiki
Motu mai kote ao, noku
Fakatagata, Teipo i kotia, e kotia !
Et les îles s’éloignent les unes des autres.
Ruatamahine parvient enfin dans son pays natal avec ses sœurs ;
elle reproche à Kae sa mauvaise action envers son frère Tutunui et le fait
attacher à un arbre ; elle ordonne ensuite à ses gens de le tuer en lui
donnant chacun un coup de couteau.
Histoire de Tuna
Le cocotier est l’un des arbres les plus utiles aux Indigènes de la
Polynésie ; la noix de son fruit leur donne un aliment très apprécié ; la
bourre qui l’entoure, mise à rouir dans l’eau de mer, donne une fibre
avec laquelle ils font des cordages imputrescibles ; les feuilles, convenablement tressées, servent à couvrir les cases indigènes.
257
Cet arbre si utile devait fatalement éveiller l’imagination si féconde
des Maoris, et il nous a paru curieux de recueillir les légendes de ces
derniers relatives à son origine.
Dans un travail récent relatif à Tahiti90, M. J. Agostini raconte, d’après M. Poroï, “qu’une femme du district de Papeari, ayant jadis enfoui,
sur un tertre, une tête d’anguille, un cocotier naquit à cet endroit, et cet
arbre se multiplia dans le pays.”
Cette légende manque totalement de détail ; au contraire, celle qui
nous est transmise par le Rév. Gill91, auquel on doit tant de connaissances
sur les choses du Pacifique, est très intéressante. En voici la traduction.
“Un roi, nommé Tai (la mer), avait épousé la charmante reine Uta
(le rivage). Un grand désir vint à celle-ci de visiter les parents qu’elle
avait laissés au pays de son enfance. Le roi ne voulut pas qu’elle s’en aille
sans un cadeau approprié.
Il demanda en conséquence, à l’oracle ce qui serait le plus convenable. Le Dieu lui donna le conseil d’envoyer sa femme vers un certain
ruisseau et de lui recommander de guetter la venue d’une anguille ; elle
devait capturer la première qui se présenterait, couper sa tête, la déposer dans une calebasse en bouchant l’ouverture de celle-ci avec soin. Le
corps de l’anguille fut, en conséquence, rejeté dans le ruisseau et la calebasse amenée chez le mari.
Lors du retour d’Uta de la rivière, le roi lui demanda si elle avait
suivi les instructions de l’oracle. La femme répondit oui d’une voix
joyeuse, et déposa la calebasse bien fermée à ses pieds. Tai lui ordonna
alors de partir pour le voyage convenu et d’offrir la précieuse calebasse
à ses parents et frères, “car il y avait une vertu merveilleuse en elle.” Il
lui dit qu’elle se développerait en un cocotier, lequel porterait un fruit
délicieux qui n’avait pas encore été vu auparavant. Il lui recommanda,
sous aucun prétexte, ni de se détourner du chemin, ni de se baigner
dans aucune fontaine tentante, ni de s’asseoir, ni de dormir sur la route
et, pardessus tout, de ne pas mettre la calebasse à terre.
90 Folklore de Tahiti et des îles voisines, p. 13. P. 13. Paris, 1900.
91 W. W. Gill, The South Pacific and New Guinea ; the Coconut tree, a tahitian Myth, p. 33.
Sydney, 1892.
258
N°296-297 • Février-Juin 2003
Uta se mit en voyage avec joie. Pendant quelque temps, tout alla
bien, mais à la fin, le soleil s’élevant dans le firmament, elle eut très
chaud et fut fatiguée. Apercevant un ruisseau clair comme le cristal, elle
oublia la promesse faite à son époux, posa sa calebasse à terre et sauta
dans l’eau qui la tentait. Après s’être divertie quelque temps dans l’eau
fraîche du ruisseau, elle jeta un regard vers la calebasse, mais hélas !
celle-ci avait poussé. La tête de l’anguille était devenue un jeune arbre
avec d’étranges feuilles. Désolée de sa propre folie, elle courut vers la
rive et s’efforça, mais en vain, d’arracher l’arbre, car ses racines avaient
poussé profondément.
Uta pleura longtemps amèrement. Embarrassée à présent sur ce
qu’elle devait faire, elle aperçut avec joie, un petit oiseau messager de
son mari lui ordonnant de retourner. Elle revint vers le roi avec honte et
crainte et lui raconta tout ce qui était arrivé. Tai, tristement, lui dit : “Va
au ruisseau dans lequel tu as jeté le corps de l’anguille, dont tu avais mis
la tête dans la calebasse ; trouve la queue frétillante et détruis-la en la
frappant avec un bâton, ensuite reviens me le dire.”
Uta fit ce dont on l’avait priée, mais sitôt qu’elle revint dans leur
demeure, son mari expira en expiation de sa faute.
Nous avons pu recueillir, dans l’île Amanu92, de l’archipel des
Tuamotu, une légende relative à la naissance du cocotier qui présente,
dans quelques détails, des analogies avec la précédente, bien qu’elle en
diffère d’une façon générale.
Histoire de Tuna, E fatara no Tuna
C’est l’histoire de Tuna (E fatara no Tuna).
Tuna est une anguille de grande taille, qui habite dans le lac
Vaihiria, à Tahiti ; sa femme est Hina (une autre Hina que celle dont il
est question dans la légende de Tangaora)93.
92 Amanu île située dans l’Océan Pacifique sud, par 17° 51’ de latitude et 142° 58’, de longitude ouest ; le nom ancien de l’île est Timanu.
93 Tuna est le nom tahitien de l’anguille d’eau douce. Le lac Vaihiria, situé à 400 mètres d’altitude, nourrit des anguilles de très grande taille, dites «anguilles à oreille». Certaines familles de
Tahiti se prétendent les descendants de ces anguilles et d’une femme.
259
Hina désire quitter le lac et aller pour quelque temps à terre ; son
mari craint qu’elle soit enlevée par un homme et qu’elle ne revienne
plus ; toutefois, il consent à la laisser partir, non sans lui avoir fait de
grandes recommandations d’être vertueuse.
Hina s’en va à terre et, au bout de quelque temps, elle aperçoit un
homme, nommé Maui. Ce dernier est le héros qui a ralenti la marche du
soleil : sa mère faisait du feu pour cuire les aliments, mais le soleil,
allant très vite dans sa course, se couchait peu de temps après son lever,
en sorte que la nuit venait de suite et qu’il était impossible de faire la cuisine. Maui, voyant cela, prit une grande corde, fit un nœud coulant et le
plaça autour du trou d’où sort le soleil lors de son lever. Au moment où
le soleil allait passer, Maui tira sur la corde et, l’astre étant solidement
attaché, ne lâcha la corde que très lentement, de façon à ralentir la marche du soleil, et à augmenter la durée du jour94.
Maui, voyant Hina, s’en empare et en fait sa femme ; le mari de celle-ci,
inquiet de ne pas la revoir, quitte le lac où il habite et part à sa recherche.
L’amant le voit arriver et saisit une hache en pierre pour le frapper ;
Tuna, sitôt qu’il aperçoit sa femme, lui demande de prendre sa tête après
sa mort, lui recommande d’en avoir bien soin, et de laisser ses entrailles,
sans s’en occuper.
Maui lève sa hache et frappe Tuna avec force ; celui-ci s’abat sur le
sol, la tête tranchée, et reste étendu à terre :
Te toki na te tuake te tumu ki avaiki ;
Tuakia kiga katokoto.
Kiha au maura hia,
Kapai ki futu marigirigi ?
Katinai te Ika a Maui kotuna.
Te vahiroa no Maui hoki na Rakamaurere.
La hache est levée depuis la surface du sol ;
Elle s’abat sur le corps tout à fait couché.
94 Maui est également connu à Tahiti, à Mangareva, et dans toute la Polynésie en général,
comme ayant ralenti la manche du soleil ; les Mangaréviens disent qu’il a séparé la terre de
l’Océan, élevé le firmament et ralenti la marche du soleil à l’aide d’une corde formée de tresses
de cheveux.
260
N°296-297 • Février-Juin 2003
Tuna s’est affaissé,
Il reste étendu sur le sol.
Le poisson de Maui est mort
Il reste longtemps étendu à terre.
Maui découpe le corps de l’anguille à coups de hache ; Hina prend
la tête et l’enterre près de sa maison.
Une semaine plus tard, un petit cocotier apparaissait au-dessus du
sol, sortant de la tête de l’anguille.
La plupart des Indigènes des Tuamotu savent que la noix de coco
est la tête de Tuna (pepenu no Tuna), le trou germinatif étant la bouche, et les deux autres trous, situés à la base, correspondant aux loges
stériles, étant les yeux,. Un petit nombre d’entre eux connaissent encore
la légende que nous venons de relater.
Fable du coq et de la tortue
La tortue de mer, tifai95, joue dans l’existence des Polynésiens, un
rôle prépondérant ; beaucoup de chansons et de danses lui ont été
consacrées par eux. Nous avons pu recueillir à Hao, auprès d’un vieil
Indigène de Reao (îles Tuamotu), la fable suivante, dans laquelle cet animal intervient avec le coq, moa. La tortue adresse la première la parole
à un coq qui est sur le rivage :
Te tifai : Haere mai kivaho nei. (bis)
Te moa : Haere mai kiuta nei. (bis)
Te tifai : Aore au e haere kiuta,
A kai au ite tutae.
Te moa : Aore au e haere atu kivaho
A kai au ite rimu
95 Cette légende a paru dans la Revue des Traditions populaires T. XXI n° Y de mars 1906. Voir
t. XX, p. 433 et p. 481.
La tortue de mer (Chelonia mydas L.) assez répandue dans les mers de l’archipel des Tuamotu,
était un animal sacré chez les Maoris. Les tortues capturées sur les récifs étaient sacrifiées par
le prêtre sur le marae (autel et lieu sacré) et mangées ensuite par les assistants après de nombreuses prières et offrandes. Il était interdit aux femmes et aux enfants, sous peine de mort, de
toucher à la chair de cet animal.
261
Te tifai : E tiua koe, aore ou roo
0 vau ra, e higa ia vau,
Kimanaha o Tugaroa,
E roo toku.
La tortue : Viens vers moi, en mer (bis)
Le coq : Viens vers moi, à terre (bis)
La tortue : Je ne veux pas aller à terre,
Pour ne manger que des immondices
Le coq : Je ne veux pas aller en mer,
Pour ne manger que des algues.
La tortue : O toi, oiseau errant, tu es sans renommée
Quant à moi, quand je serai immolée,
Sur la terre de Tangaroa,
J’aurai de grand honneurs96
Chansons relatives à la pêche
La pêche est l’occupation favorite des Polynésiens auxquels elle
procure la plus grande partie de leurs aliments. Les Indigènes se servaient autrefois d’hameçons en nacre, en écaille de tortue, en os de cétacés (cachalot), ou en bois, de formes et de dimensions variées, suivant
les poissons auxquels ils étaient destinés.
Les Maoris avaient l’habitude d’accompagner la plupart des actes
de leur existence de chansons appropriées, destinées à stimuler leur
zèle et il en existe un certain nombre relatives aux diverses occupations
de la pêche.
L’hameçon étant préparé, amarré à une ligne en roa (Urtica argentea) ou en fibres de racines adventives du pandanus, l’Indigène le garnissait d’un appât approprié, abdomen d’un cénobite (Bernard l’ermite
terrestre), bras de poulpe, morceau de poisson, etc., en s’accompagnant
de la chanson suivante :
96. cf. note sur «les marae des îles orientales de l’archipel des Tuamotu»
262
N°296-297 • Février-Juin 2003
Maunu toro, maunu taku matau
E pouga teretere et pouga tuira.
Maunu, maunu toro, maunu kie aveave
Epouga teretere, epougataira
Aveave, aveavi mai ragi.
E pouga teretere, e pouga taira
J’attache l’appât à mon hameçon.
L’hameçon descend en oscillant, il est presque arrivé au fond.
L’appât pend par lambeaux.
L’hameçon descend en oscillant, il est presque arrivé au fond
L’appât est en suspens au-dessus des coraux.
L’hameçon descend en oscillant, il est presque arrivé au fond.
La ligne et l’hameçon s’engagent souvent dans les bouquets de
coraux qui tapissent le fond des lagons et le bord des récifs et il est alors
difficile de les dégager. Le Paumotu faisait appel, dans ce cas au rokea
(Parthenope horrida), crabe de grande taille dont la forme très particulière et la ressemblance avec un caillou ont très vivement excité leur
imagination ; ils s’adressaient à ce crustacé en ces termes :
L’hameçon descend en oscillant, il est presque arrivé au fond.
Rokea atea, rokea tai
Rokea kite fare, tokia mai tataua takirikiri hakarevahia
Kakore koe e fakapiko
Kia kiruga i to taua vauvau
Kia tokia marerei ahomai ataua tokerekere
Kia pupuni taua kitefare
Hia hakapiko kia koe i ruga io taua roki.
Gaere, gaere, gaere rau.
Crabe du rivage, crabe de la mer,
Crabe de la maison, venez dégager notre ligne.
Vous97 ne resterez pas couchée sur notre natte,
97 L’Indigène s’adresse à sa compagne. Cf. Sur des conjurations adressées aux poissons, Paul
Sébillot. Le Folklore des pêcheurs p. 236 et suiv. et sur la puissance attribuée aux crabes par
les pêcheurs des environs de Saint-Malo, les pages 238-239.
263
Tant que le rokea n’aura pas cassé le corail pour dégager notre
hameçon.
Allons nous enfermer dans notre case,
Et dormir sur notre lit.
Sur notre natte, notre natte, notre natte.
Les habitants de Reao (îles orientales de l’archipel des Tuamotu)
font appel, lorsque leur ligne est engagée, à un monstre de la mer, sorte
d’esprit malin, qu’ils nomment Roke :
Roke, Roke, kai kana, tukitukia (bis)
Hakahoro ake io Puarikiriki
Fagaura, fagatoto, matiroke,
Kia tataura vahi kia tavavaka.
Kia taramai, te hihi taku matau nei e, Roke.
Tukua taku matau nei e, Roke.
Roke, Roke, mange les coraux, brise ceux où est pris mon hameçon (bis)
Laisse mollir la ligne, prise dans les madrépores,
Pour que je puisse la dégager
La ligne est emmêlée, comme les cordages d’un navire.
Roke, dégage convenablement mon hameçon, Roke.
Et laisse venir à moi la ligne et l’hameçon, Roke.
Le poisson, pris à l’hameçon, était amené dans la pirogue, par des
mouvements bien mesurés, par le pêcheur, qui s’accompagnait de la
chanson suivante :
Hia hia mai te ika, (bis)
Etahi hapikoe koe (bis)
Mate ai koekoe, (bis)
Kohiti koraurau,(bis)
Pouri ragitaketake, pouri ragi e hua,
Ae, farau, farau te matau,
E kuna, e kumae rauae.
264
N°296-297 • Février-Juin 2003
Le pêcheur et le poisson tirent sur la ligne, chacun de leur côté,
Le pêcheur enroule la ligne autour de sa main, le poisson se rapproche en faisant des zigzag.
Le poisson, fatigué, vient sans résistance, (bis)
Sa tête sort de l’eau de temps en temps (bis)
Le poisson, à bout de forces, flotte à la surface,
Eh ! l’hameçon est bien piqué, bien piqué.
Le pêcheur amène à lui le poisson et le jette dans sa pirogue.
La pêche de certains poissons était accompagnée de chansons spéciales, en particulier celle des murènes, qui sont très redoutées des plongeurs
à cause de leurs morsures cruelles, et celles des bonites, poissons de haute
mer dont la chair est très estimée. Les bonites sont capturées à l’aide d’un
hameçon d’un modèle tout particulier, encore en usage aujourd’hui et
formé d’une lame de nacre portant attachés à son extrémité un fort crochet
en os de baleine et une touffe de soies de porc ou de plumes de frégate, le
jeu d’oscillation de la lame de nacre mise à la remorque de la pirogue à
balanciers ayant pour effet d’attirer le poisson, qui la saisit et se trouve pris
par le crochet terminal ; voici la chanson qui célèbre sa pêche :
Tohoranui a Turukoropaga
Vaiturugugu, vaitururearea
Kaumere tei tua, kaumere tei aro ;
Kaumere oti koti uhi tapa ite ragi
Karupe iama, karupe ika tea,
Tuavihi tuatakahia, a puta,
Te vaigaruerue, puehuehu
Te tai otohora98, kiaa mau, kiaa mau,
Te iroiro.
La bonite joue comme une baleine devant Turukoropaga.
Elle se sauve à l’approche des pêcheurs, les gens restés sur le rivage croient qu’elle est prise
98 Haute mer, mot à mot, la mer où vit la baleine.
265
Les pêcheurs poussent des cris de joie, les hommes restés sur la
plage leur répondent ;
Les pêcheurs ont fini de crier, leur pagne blanc comme le ciel est
tout mouillé.
Le sillage laissé par la bonite est tantôt du côté des balanciers, tantôt de l’autre côté.
Le poisson s’éloigne, disparaît sous l’eau, puis reparaît.
L’eau tourbillonne et jaillit.
Au milieu de la haute mer, maintiens ferme
La bonite.
Les Indigènes capturent les gros crabes Carpilius convexus du
récif extérieur en s’accompagnant également de chansons.
Chanson du navire
Les Maoris faisaient de très longues traversées sur de grandes pirogues doubles, pahi, formées de deux pirogues réunies par un pont, et
munies d’une voile, mahipa, qui n’était autre qu’une natte tressée avec les
feuilles du pandanus. La mâture comprenait un grand mât, tira, et une vergue, fana. Ces peuples allaient d’île en île pour faire la guerre, et la chanson suivante montre quelles étaient leurs occupations dans ces voyages :
Refrain99
Ragona e vaka iuta ite henua.
Koneao hiri ikakotina kote piu e. (bis)
Vahia te puta ite horau.
Toia e vaka iuta ite fenua.
Toia tapotu kite moana.
Kia tu te tira mate fana.
Hutia te vaha i ruga
Hutia te vaha i raro.
Horahora mahina ite ata.
99 Le refrain est répété après chaque phrase.
266
N°296-297 • Février-Juin 2003
Reva tu kite tai toahaga.
Rigirigi, te horo o tana vaka.
Kianoho ko Patu i tana hoe.
Hikiatu kote maroto tuaregarega.
Hakapua e vaka ite henua.
Kakamau taura ki avatea.
Uiui tupua ite henua.
Piki kiruga te magareva.
Les rondins de bois sont placés sous le navire, encore à terre.
Refrain :
Le bateau est lancé, prêt à être gréé (bis).
La porte du hangar100 est ouverte.
Le bateau, encore à terre, est sur le point d’être lancé.
Ile est maintenant à l’eau, en mer.
On fixe le mât, on attache la vergue.
On raidit les haubans supérieurs.
On raidit les haubans inférieurs.
La voile est hissée.
La pirogue est en haute mer,
Elle file très vite, en faisant jaillir l’eau de chaque côté,
Patu est assis à son gouvernail.
Les poissons-volants fuient en s’envolant devant le bateau.
La pirogue arrive en vue de terre et est signalée.
On mouille l’ancre et sa corde.
Les insulaires demandent au chef de la pirogue d’où il vient.
Celui-ci retourne à bord pour prendre ses armes et se préparer à la
lutte.
Le chef ou guerrier montant la pirogue, après avoir revêtu sa cuirasse en peau de requin et mis son collier de nacre, insigne du
commandement, descendait à terre avec sa lance en bois, et allait
se mesurer avec le chef des guerriers de l’île où il venait d’aborder.
100 Horau, hangar couvert en feuilles de Pandanus, où sont remisées les pirogues.
267
Chanson de feu
Les Polynésiens se procuraient du feu en frottant un morceau de
bois bien sec avec une baguette d’un bois plus dur. L’inventeur de ce
procédé est Hiro, et sa découverte est glorifiée dans la chanson suivante, qui accompagne la production du feu par frottement :
Haere atu vau kitua i taku henua, Motutapu
Tukakai, tukakai te ure no Hiro
Tupere, tupere te ure no Hiro,
Hika tu vau taku auahi kitua i Motutapu.
Tukakai, tukakai te ure no Hiro
Tupere, tupere te ure no Hiro.
Je suis allé du côté de la haute mer de mon pays, Motutapu.
Frotte, frotte le bâton de Hiro.
Le bâton de Hiro est presque allumé.
J’ai fait du feu sur la plage de Motutapu.
Frotte, frotte le bâton de Hiro.
Le bâton de Hiro est presque allumé.
Cette façon de se procurer du feu est à peu près abandonnée
aujourd’hui en Polynésie ; quelques Indigènes des îles pauvres de l’archipel des Tuamotu l’utilisent cependant encore.
268
N.E. La coquille qui chante…
Vocabulaire des termes d’histoire naturelle101
(Animaux et plantes)
en tahitien, tuamotu, mangarévien et marquisien102
A
Aarau (tah.), murène (Ophichtys colubrinus Bodd).
Aavere (tah.), Fistularia serrata Cuv.,
poisson de la famille des Gastrosteidae.
Aeho (tah.), roseau (Erianthus floridulus).
Ahi (tah.), mollusque comestible, abondant à Tahiti (Asaphis deflorata, L.).
Ahi (tah.), santal.
Ahia (tah.), eugénier (Eugenia malaccensis, Myrtacées).
Ahura (tah.), espadon (Histiophorus).
Aie (tah.), arbrisseau très commun sur
les îles basses (Pemphis acidula Forster,
Lythracées).
Akahitaka (mang.), noix de coco dont
l’eau est bonne à boire ; voir viavia.
Ako (mang.), poisson de roche, dont la
chair est excellente (Serranus hexagonatus Forster).
Akura (tuam.), espadon.
Ama (nuh.), noix de bancoul (Aleurites
moluccana).
Anae (tah.), mulet (poisson de mer).
Anee (tah.), crustacé (Ibacus).
Anei (tah), arbre dont les feuilles servent
à la préparation du monoi, huile parfumée [Fitchia nutans, Composées).
Anga (mang.), poisson vénéneux
(Serranus Louti Forskal).
Aoa (tah.), banian (Ficus prolixa
Forst).
Apai (tah.), poisson de mer (Diacope
gibba Forsk.).
Ape (tah.), aroïdée à tubercule alimentaire (Alocasia macrorhiza Schott.).
Api (tah.), valves de la coquille d’un
mollusque bivalve.
Apiparau (tah.), valve d’huître perlière.
Apota (tah.), avocatier (Persea gratissima L., Laurinées). Fruit comestible.
Apûku, poisson, apûkupûku, ses petits
Ara (mang.), pandanus.
Arahi (tah.), corbeille tressée avec des
folioles de cocotier.
Arava (tah.), céphalopode.
Atae (tah.). arbre à fleurs rouges
(Erythrina indica Lamk.).
Ati (tah.), arbre de grande taille, qui donne
un bois excellent pour l’ébénisterie
(Calophyllum inophyllum, Clusiacées).
Atiati (tah.), râcle, herbe de la famille
des graminées, dont les graines s’attachent aux vêtements (Cenchrus echinatus) ; voir piripiri.
Atiatia (tah.), poisson de mer (Upeneus
macronemus Lacép.).
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102 Les noms de ce vocabulaire sont suivis des indications du dialecte auxquels ils se rapportent : tah., dialecte tahitien ; mang., dialecte mangarévien ; tuam., dialecte des Indigènes de
l’archipel des Tuamotu ; nuh., dialecte marquisien (Nuka-hiva).
270
N°296-297 • Février-Juin 2003
Atu (nuh.), bonite, poisson de haute
mer.
Au (tuam.), instrument en os de baleine,
servant pour la confection des toits en
feuilles de pandanus.
Aû (tah.), Belone, poisson à bec très
allongé, qui produit en s’élançant, hors
de l’eau, sur le pêcheur, des blessures
souvent mortelles.
Au (tah.), Aplysie. (Dolabella rumphii
Cuvier).
Au fenua (tah.), mollusque terrestre
(véronicelle).
Aua autaraa (tah.), badamier
(Terminalia, glabrata catalpa).
Auato (tuam.), aiguille en os de baleine,
utilisée pour coudre ensemble les rauoro
ou bardeaux en feuilles de pandanus.
Auhopu (tah.), Thynnus pelamys L.,
poisson de haute mer.
Aukatakata (mang.), guirlande en graines de pandanus.
Aupikitavake (mang.), couronne faite
avec des plumes de paille-en-queue, ou
oiseau des Tropiques.
Aurumokoe (mang.), couronne faite
avec des plumes de frégate.
Autaraa (tah.), arbre (Terminalia glabrata).
Aute (tah.), rose de Chine (Hibiscus
rosa-sinensis, Malvacées).
Aute (tah.), Broussonetia papyrifera
Venten.
Auti (tah.), feuilles du ti (Cordyline terminalis).
Ava (tah.), arbrisseau dont les racines
servaient autrefois à la préparation d’une
boisson enivrante (Piper methysticum L.).
Ava (tah.), poisson de mer (Chanos salmoneus Forster).
Avaava (tah.), tabac.
Aviti auhopu (tah.), hameçon en nacre,
pour la pêche de la bonite.
E
E ai (mang.), raie (poisson).
E ai manu (mang.), raie-aigle (Aëtobatis narinari Euphr.
Eetu (mang.) étoile
Ehi (nuh.), cocotier.
Eiei (tah.), Poisson de mer (Holocentrum diadema C. V.).
Eke (mang.), poulpe.
Emoi (tah.), poisson de mer (Polynemus plebeius Brouss.).
Enuhe (mang.), chenille.
Erei (mang.), cocotier.
Ereiakahitihiti (mang.), noix de coco
qui commence à mûrir (voyez omoto.)
Ereigoa103 (mang.), coco sec.
Ereitupu (mang.), noix de coco germée.
Erere (tuam.), écale de la noix de coco.
Eriri (mang.), Gastéropode comestible
(Turbo setosus Gmelin).
Erero (mang,), madrépore branchu.
Ete (tah.), corbeille tressée avec des
folioles de cocotier.
Etu (mang.), étoile.
Etuke (Mang.), oursin à gros piquants
(Heterocentrus mammillatus).
Etukokiri (mang.), étoile filante.
Etupeka (mang.), croix du sud (constellation).
Eva (nuh.), arbre à fruit vénéneux
(Cerbera odollam Gaertn., Apocynées).
103 Prononcer ng. Cette lettre n’existe pas dans le dialecte tahitien.
271
F
Fafarua (mang.), raie de très grande
taille (diable de mer).
Fakarau (tuam.), hameçon à tortue.
Fakerokero (tuam.), murène de petite
taille, brune.
Fanea (tuam.), aiguillette, poisson de
mer (Hemiramphus).
Fara (tah.), pandanus.
Fara papaa (tah.), ananas.
Fare toru (tah.), crustacé qui vit dans le
sable (Calappa tuberculaea).
Fau (tah.), arbuste (Hibiscus tiliaceus L.).
Fee (tah.) poulpe.
Fei (tah.), bananier sauvage qui pousse
sur les flancs des montagnes.
Fetia (tah.), étoile.
Fetia no te miti (tah.), étoile de mer.
Fetu (tah. ancien), étoile.
Fetue (tah.), oursin (Heterocentrus
mammilatus).
Fetuke (tuam.), voir fetue.
G104
Gaîro (mang.), ver qui perce le bois.
Gaofe (tuam.), feuille de cocotier.
Gatae (tuam.), arbre (Pisonia umbellifera).
Gatae (mang.), arbre (Erythrina indica).
Gatapa (tuam.), arbrisseau (Scoecola
königi) ; voir kopapa.
Gegie (mang.), arbrisseau (Suriana
maritima L.).
Geogeo (tuam.), arbre (Tournefortia
argentea L., Borraginées).
Goio (tuam.), oiseau de mer (Anous
stolidus L.).
Gora haiko (tuam.), coco sec.
Gora ura (tuam.), coco mur.
Gutu (tuam.), pou (insecte).
Gutura (mang.), poisson de mer (Lethrinus rostratus C. V.).
H
Haamea (tuam.), poisson vénéneux
(Epinephelus louti Bloch et Schneider).
Hai (mang.),raie
Hai manu (mang.)Aetobatis narinari
Hakahau (tuam. ancien), février, mois
des fortes chaleurs.
Haoua (nuh.), diable de mer, raie de
très grande taille.
Hapu (tah.), poisson de mer.
Hara (mang.), pandanus. (fruit du pandanus).
Hatuke (nuh.), oursin (Heterocentrotus mamillatus).
Hau (nuh.), arbuste (Hibiscus tiliaceus
L.).
Haumi (tuam.), écope pour vider l’eau
de la pirogue.
Havake (tuam.), oursin (Laganum
depressum Less.).
Haveke (tuam. nouveau), pirogue.
He (tah.), chenille.
Hehe (mang.), phasme qui mange les
feuilles du cocotier.
Hêke (mang.), poulpe.
Hemahema (tah., tuam.), physalies,
animaux marins rejetés sur le rivage, et
dont les femmes ornent leur chevelure.
Hetika (tuam.), étoile.
Hetu (Reao), étoile (yeux d’hommes,).
Hihi (tah.), nérites (gastéropodes
marins).
104 Prononcer ng. Cette lettre n’existe pas dans le dialecte tahitien.
272
N°296-297 • Février-Juin 2003
Hihi pape (tah.), petits gastéropodes
fluviatiles
(Melania gracilina Gould).
Hitiki no Hina (tuam.), synapte (ceinture d’Hina).
Hora (tah.), plante utilisée pour anesthésier le poisson (Tephrosia piscatoria
Pers.).
Horahora (tuam.), Lepidium piscidium.
Huara (tuam. ancien), pandanus.
Hue (tah.), poisson de mer (Tetrodon
leopardus).
Huhu (tah.), hyménoptère qui perfore le
bois, et y établit ses galeries.
Huhu (tuam.), arbrisseau (Suriana
maritima L.).
Hukurere (tuam.), crabe terrestre
(tourlourou).
Hume (tah.), poisson de mer, portant
une corne sur le front (Nason fronticornis Comm.).
Hûmi (tah., tuam., mang.), phoque.
Huniu (tah.), fleurs du cocotier.
Huruhurumahu (mang.), annélide marine, à soies très urticantes (amphinome).
Hutu (tah., mang., nuh.), arbre du littoral
(Barringtonia speciosa Forster, Myrtacées).
I
Ia (tah.), poisson (nom général).
Ieie (tah.), plante grimpante, dont on se
sert en guise de lien (Freycinetia demissa, Pandanacées).
Ihe (tah., mang., marq.), aiguillette,
poison de mer à long bec (Hemiramphus).
Iihi (tah.), poisson de mer (Myripristis
murdjan, Forsk.).
Iita (tah.), papayer.
Ika (mang.), poisson (nom général).
Ika (Reao), poisson.
Inamaukoro (mang.), aplysie.
Iniini (mang.), sauterelle.
Iore (tah.), rat.
Iorepereaau (Iles Cook}, chauve-souris.
Ioro (mang.), huître perlière.
Iro (mang.), ver (larve).
Iroiro (Reao). (nom ancien), bonite.
Itatae (tah.). Sterne blanche (Sterna
alba Sparrm.)
Itikoe (mang.). Pigeon noir (Phlegoenas
pectoralis Peale).
K105
Kaevaeva (nuh.), coucou (Endynamis
tahitensis Sparm.).
Kafifa (tuam.), millépore.
Kagakaga (tuam.), cénobite, bernard
l’ermite terrestre.
Kaha (mang.), enveloppe fibreuse
externe de la noix de coco.
Kahi (tuam.), mollusque bivalve (Venus
reticulata Linné).
Kahia (tuam.), arbre (Guettarda speciosa).
Kahikahika (tuam.), fungie (coralliaire).
Kaka (mang.), gaîne fibreuse qui se
trouve a la base des feuilles du cocotier.
Kakaa (nuh.). gecko (Gehira oceanica
Lesson).
Kakakuru (tuam.), murène (Ophichthys).
Kakama (mang.), crabe du littoral.
105 Le k n’existe pas dans le dialecte tahitien ; beaucoup des mots tahitiens dérivent des mots
des autres dialectes par la suppression de cette lettre ; exemple ahi et kahi, ia et ika, etc
273
Kakariuri (tuam.), remora (Echeneis
remora L.).
Kakavere (tuam.), poisson de mer
(Fistularia, serrata).
Kakioa (nuh.), fou, oiseau de mer
(Dysporus sula L.).
Kana (mang.), madrépore, coralliaire.
Kanae (mang.), mulet, poisson de mer.
Kanameneo (mang.), millépore (corail
venimeux).
Kanapiro (mang.), Lobophytum, alcyonaire (corail qui sent mauvais).
Kanehu (tuam.), hameçons (nom général).
Kanoe (tuam.), poulpe.
Kanoe no Hina (tuam.), étoile de mer.
Kaparari (tuam.), haliotide, oreille de
mer (Haliotis pulcherrima L.).
Kapikapi (tuam.), chame, mollusque.
Karava (tuam.), enveloppe fibreuse
externe de la noix de coco. Karearea
(tuam.), ptérocère, mollusque comestible.
Kariga (tuam.), fou (Disporus), oiseau
de mer.
Kava (nuh.), Piper methysticum.
Kaveka (tuam.), hirondelle de mer
(Sterna lunata Peale).
Kavehêkê (mang.), les huit bras du
poulpe.
Kaveu (tuam.), crabe des cocotiers
(Birgus latro L.).
Kaviti ahuopu (tuam.),hameçon en nacre,
pour la pêche des bonites en haute mer.
Kavitiviti (mang.), crabe de sable
(Ocypoda urvillei Guérin).
Keakea (tuam.), petites méduses brunes (Nausithoë), très urticantes, abondantes dans les lagons en novembre et
décembre.
Kehika (mang.), eugénier (Eugenia
malaccensis).
Keho (nuh.), basalte.
Keho (ou Keo), (mang.), pierre basaltique, dure et coupante, propre à faire
des haches.
Keho (tuam.), pierre sacrée du marae.
Keiga (tuam.), os.
Kena (nuh.), Dysporus piscator Linné,
oiseau de mer.
Kenae (nuh.), Erythrina indica L.
Kere (tuam.), gaine fibreuse, à l’aisselle
des feuilles du cocotier.
Kererau (tuam.), spadice de l’inflorescence du cocotier.
Kerikeri (tuam. ancien), huître perlière.
Kero (tuam.), panier tressé avec des
folioles de cocotier.
Keuhe (nuh.), pluvier {Charadrius fulcus L.), oiseau des plages.
Kikoioro (mang.), muscle adducteur des
valves de l’huître perlière (comestible).
Kioe (nuh.), rat.
Kiore (mang., tuam.), rat.
Kirarahu (tuam.), Hirondelle de mer
blanche (Sterna alba Sparrm).
Kito (tuam.), poisson de mer.
Kivi (tuam.), courlis (Numenius femoralis Peale).
Kivi (mang.), courlis.
Kivi (nuh.), chevalier, oiseau des plages
(Actitis incanus L.).
Koeha (tuam.), chair des tridacnes.
Koere106 (mang.), anguille d’eau douce
(koere, qui rampe sur le sol).
Koeriki (mang.), arbre (Terminalia
glabrata).
Kohai (tuam.), arbuste (Sesbania
grandiflora Pers.).
106 Koere, en mangarévien, signifie misérable ; on nomme ainsi un homme qui se bat avec
une femme.
274
N°296-297 • Février-Juin 2003
Kohiti (tuam.), crabe de sable
(Ocypoda Urvillei Guérin).
Kohitihiti (tuam.), crevette.
Kohoro (tuam.), amande du fruit du
pandanus.
Kohuerei (mang.), feuille du cocotier.
Koioho (nuh.), sterne (Anous stolidus
L.).
Koiro (mang., tuam.), Fierasfer, petit
poisson commensal de l’huître perlière et
des holothuries.
Koiru (tuam.), anguille.
Kokikokiko (tuam.), oiseau chanteur
(Tatare longirostris Gmelin).
Kokiri (mang.), Balistes (poisson).
Kokohi (tuam.), pierre corallienne.
Kokorohua (tuam.), poisson du littoral.
Kokota (mang.), mollusque (Pinna).
Kokuu (nuh.), Ficus tinctoria.
Komaga (tuam.), langouste.
Komako (nuh.), oiseau chanteur
(Tatare longirostris L.),
Komene (tuam.), poisson de mer
(Caranx affinis).
Komo (tuam.), eau.
Komoviavia (tuam.), eau de coco,
bonne à boire.
Komuko (mang.), voir mukomuko.
Konao torire (tuam.), pierre ponce.
Konini107 {mang.), plante utilisée pour
endormir le poisson (Tephrosia piscatoria).
Koomi (nuh.), puce.
Kopapa (mang.), crustacé comestible
(Ibacus).
Kopapa (tuam.), arbrisseau (Scoevola
Koenigi).
Kopeka (nuh.), salangane (Salangana
fuciphaga Bp.).
Kopihi (mang.), coquillage, nom générique.
Kopihitakoïko (mang.), nérite (Nerita
maxima) ; mot à mot, coquillage tatoué.
Kopihitonga (mang.), patelle (Helcioniscus tahitensis), acmée (Acmaea costata
Sowb.).
Kopura (mang.), poisson très petit,
qu’on ne mange pas.
Kopuraitiiti (mang.), talitres, puces de
mer (Orchestia mackleagani).
Koputu (nuh.), (Daption capensis L.).
Koraï (tuam.), chétodonte (Chœtodon
setifer Bloch.).
Koranihi (tuam.), crevette.
Korora (tuam.), Lamellibranches :
Asaphis deflorata L., Pecten pallium S.,
tellines.
Korori parau (tuam.), muscle adducteur des valves de l’huître perlière.
Kotaha (tuam.), frégate, oiseau de mer.
Kotava (nuh.), (Pecten pallium L.).
Kotake (nuh.), oiseau de mer (Gygis
alba L.).
Kotake (mang.), hirondelle de mer
blanche.
Kotohe (tuam.), Balistes de grande
taille (poisson).
Kotuku (tuam., mang.), héron crabier
(Ardea sacra Gmelin).
Koua (nuh.), langouste.
Koueriki (mang.), Terminalia glabrata.
Kouko (tuam.), marsouin (cétacé).
Koute (nuh.), rose de Chine (Hibiscus
rosa-sinensis L.).
Kovakeura (mang.), petite langouste.
Koveu (mang.), crabe des cocotiers.
Ku (mang.), poisson de mer (Myripristis murdjan Forsk.).
107 Nini signifie sommeil, en mangarevien ; le nom de Konini fait allusion à la propriété qu’a
cette plante d’endormir le poisson.
275
Kueke (tuam.), racines adventives aériennes du pandanus.
Kufarufaru (tuam.), Kito de petite taille
(nom ancien).
Kukina (tuam.), scare. poisson-perroquet.
Kuku (mang.), pigeon vert (Ptilinopus
coralensis Peale).
Kuku (nuh.), tourterelle verte des îles
Marquises (Ptilinopus Dupetitthouarsi
Neboux).
Kukukuku (mang.), modiole, mollusque comestible (Modiola australis).
Kumaa (nuh.), patate douce (Ipomea
batatas L.).
Kumara (mang., tuam.), patate douce.
Kura (mang.), oiseau rouge, dont les
plumes servaient à orner le manteau royal.
Kurearea (tuam.), pterocère (Pterocera
lambis L.).
Kutaro (tuam.), baliste.
Kutu (nuh.), pou.
M
Mago (tuam., mang.), requin.
Maho (tah.), ralle (Ortygometra tabuensis Gmel.).
Maiore (tah. nouveau), fruit de l’arbre
à pain.
Makamaka ohina (nuh.), étoile de mer.
Makakatifai (tuam.), écaille de tortue.
Mako (nuh.) requin.
Makoke (nuh.), frégate, oiseau de mer.
Mamanukura (mang.), crabe du littoral (Gelasimus tetragonon Herbst.).
Mamatai (tah.), étoile de mer.
Mamau (tah.), fougère (Cyathea
medullaris) dont la feuille fournit une
paille pour chapeaux.
Mamao (tah.), gobe-mouche (Monarcha
nigra Sparrm.).
Mamea (tah.), murène du récif extérieur.
276
Manina (tuam.), raie (poisson).
Manu aero patia (tah.), scorpion (animal à queue qui pique).
Manu hamani repo (tah.), pélopée.
guêpe maçonne.
Manu patia (tah.), animal qui pique ;
scorpion ; poliste (Polistes hebraeus L.).
Manu peraro (tah.), chauve-souris.
Mao (tah.), requin.
Maoa (tah.), gastéropode comestible
(Turbo setosus Gmelin).
Mape (tah., mang.), arbre à fruits
comestibles, mangés à la façon des châtaignes (Inocarpus edulis).
Mapihi (tah.), patelle (Helcioniscus
tahitensis), mollusque.
Maragao (tuam.), poisson de mer.
Marara (tah., tuam.), poisson volant
(Exocoetus ecolans L.) dactyloptère.
Maru (mang.), groseille du Cap (Physalys peruviana L.).
Matarii (tah.), les Pléiades (constellation).
Matariki (tuam., mang.), les Pléiades.
Mati (tah.), figuier (Ficus tinctoria
Forst.).
Matirohe (tuam.), murène vénéneuse.
Matuku (nuh.), héron crabier (Ardea
sacra Gmelin).
Mauku (tuam.). Lepturus repens R.
Br.,(Graminée.)
Maupere (tah.), Morus.
Mauroa (tah.), paille-en-queue à brins
rouges (oiseau des tropiques).
Maveru (tuam.), baleine.
Mei (mang.), coquillages bivalves (tellines, Asaphis deflorata L.).
Meia (tah,), banane.
Meika (mang.), banane.
Meko (tuam.), poisson (Lethrinus rostratus C. V.), vénéneux dans certaines
îles.
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Meromero (tuam.), poissons de mer :
Serranus louti Forsk. et Lutjanus argentimaculatus.
Mikimiki (tuam.), arbrisseau (Pemphis
acidula Forst.) à bois très dense et très
dur, très commun sur les îles basses.
Mio (nuh.). faux bois de rose (Thespesia populnea Corr.).
Miri (tah.), basilic (Ocimum basilicum L.).
Miro (tah., tuam., mang.), faux bois de
rose (Thespesia populnea Corr.).
Moana (mang.), mer (sens le plus
large).
Mohoi (tuam.), coraux employés pour
faire la chaux.
Mokoe (mang.). frégate (Tachypetes aquilus Linné).
Mokohe (nuh.), frégate.
Momoa (tah.), coffre (poisson. Ostracion cornutus L.).
Momoaerei (mang.), noix de coco qui
tombent à terre avant maturité.
Momoari (tah.), poisson coffre (Ostracion, cornutus L.).
Momohari (mang.), poisson coffre
(Ostracion cubicus Linné).
Moo (tah.), scinque à queue bleue ;
gecko (Gehira oceanica Less.).
Moko (tuam.), scinque à queue bleue ;
gecko.
Mookirikiri (îles Cook), chauves-souris.
Mora (tah.), canard sauvage {Anas
superciliosa Gmel.).
More (tah.), écorce du purau (Hibiscus
tiliaceus L.), servant de lien.
Motu (tah., tuam.), îlot corallien boisé
et à peine élevé de quelques mètres audessus du niveau de la mer.
Mou hairi (tah.), cypéracée (Cyperus
pennatus Lamk.).
Muko (tuam.), bourgeon terminal du
cocotier, bon à manger en salade.
Mukô (tuam.), gastéropode comestible
(Vermetus maximus Reeve).
Mukomuko (tuam.), jeune coco
N
Namu (tah.), moustique.
Namu (tuam.), hémiptère marin (Halobates).
Nanue (tah., tuam.), poisson de mer.
Nape (tah.), poisson de mer.
Nau (nuh.), aplysie.
Niaa (tah.), noix de coco avec une pulpe
tendre, bonne a manger.
Niau (tah.), feuille du cocotier.
Ninita (tah.), papaye (Carica papaya
Gaertn.).
Niu (mang.), jeune cocotier.
Niu (tuam.), cocotier.
Noanoa (tah.), moustique.
Nohoi (tuam.), Porites (coralliaire).
Nohu (tah.), poisson venimeux (synancée).
Nohunohu {tuam.), coco germé.
Nono (tah., mang.), arbuste (Morinda
citrifolia) à fruit comestible.
Nono (nuh.), simulie, mouche piquante.
Enuhe [N.d. e. et non Nuhe] (mang.),
chenille.
O
Oaha (tah.), fougère (Asplenium nidus
L.) dont la feuille fournit une paille pour
chapeaux.
Oaki (mang.), oursin (Heterocentrus
mammillatus).
Oeo (tah.), poisson vénéneux dans certaines îles (Lethrinus rostratus C.V.).
Oeoe (tah.), coquillage pointu (Terebra
subulata L.),
Ofaitere (tah.), pierre ponce.
Ohani (tuam.), voir maoa (Turbo setosus Gmelin).
277
Ohiti (tah.), petit crabe de sable
(Ocypoda, urvillei Guérin) utilisé par les
Indigènes des Tuamotu pour faire la
sauce appelée taiero.
Oi (nuh.), biches de mer (holothuries).
Oio (tah.), oiseau de mer (Anous stolidus L.).
Oiri (tah.), poisson de mer (Balistes).
Omamao (tah.), voyez mamao.
Omoto (tuam., tah.), noix de coco
bonne à boire.
Onuonu (mang.), crustacé de sable
(Remipes testudinarius).
Oo (tuam.), pigeon vert (Ptilinopus
coralensis Peale).
Oopea (tah.), hirondelle noire (Collocalia spodiopygia Peale).
Oota (tah.), coquillage bivalve (Pinna).
Oovea (tah.), coucou (Eudynamis
tahitensis Sparrm.).
Opaa (tah.), coco sec dont on fait du
coprah.
Oporoporo (tuam.), Coprosma tahitensis.
Opuhi (tah.), Amomum cevuga.
Oraa (tah.), banian (Ficus prolixa
Forst.).
Orare (tah.), poisson (Caranx affinis
Rüppel).
Oroe (tah.), spathe de l’inflorescence du
cocotier.
Oroherohe (tuam.), spathe du cocotier.
Otaha (tah.), frégate (oiseau de mer).
Otatare (tah.), Halcyon pealei Finsch.
Hartl.
Otuu (tah.), héron crabier (Ardea sacra
Gmel.).
Oua (tah.), noix de coco dont l’eau est
bonne à boire.
Oua (tah.), marsouin (Cétacé).
Oura (tah.), crevette d’eau douce
(Palemon lar Fabr.).
278
Oura vaero (tah.), langouste.
Ouru (tah.), arbrisseau (Suriana maritima L.).
P
Paaihere (tah.), carangue, poisson de
mer.
Paheke (tuam.}, poisson de mer
(Tetrodon leopardus).
Pahi (tuam.), grande pirogue double.
Pahonu (tah.), écaille de tortue.
Pahua, tridacne.
Pakana (tuam.), coquille de tridacne
(Bénitier).
Pakaonu (mang.), écaille de tortue.
Pakarepotaro (mang.), croûte de terre,
dans une plantation de taros.
Pakarero (tuam.), poisson de mer
(Acanthurus humeralis C. V.).
Paketo (tuam.), plante rampante.
Pakipaki (tuam.), méduse de grande
taille (voisine du genre Crambessa).
Pako (tuam.), girelle, poisson de mer
(Julis quadricolor Lesson).
Pamuera (tah.), baleine.
Panapana (tuam.), poisson (Chœtodon
cornutus L.).
Paoa (nuh.), cétacés.
Paoro (tah.), poisson de mer (Cheilinus
chlorurus).
Paou (tah.), girelle, poisson de mer,
voyez pako.
Papaikea (tuam.), crabe du récif extérieur (Grapsus cruentatus).
Papaka (mang.), crabe.
Pape (tah. nouveau), eau.
Paraha (tah.), poisson de mer (Chœtodon ornatissimus Sol.).
Parahirahi (tuam.), héliotrope des îles
coralliennes (Heliotropium anomalum
Hook et Arn.).
Parahua (tuam.), baleine (cétacé).
N°296-297 • Février-Juin 2003
Parai (tah.), poisson de mer (Acanthurus humeralis C. V.).
Parakatiki (mang.), sole (poisson du
récif).
Parakiraki (tuam.), ouest.
Paraparahatiani (tah.), poisson de
mer (Chœtodon unimaculatus Bl.).
Pararo (tah.), acanthure (poisson de mer).
Pararaoia (tah.), poisson (Chœtodon
rcticulatus C. V.).
Paru (tah., tuam.), non général du poisson.
Pata (tah.), calandre du cocotier.
Pate fee (tah.), hameçon à poulpe.
Patii (tah.), sole (poisson).
Patiki (tuam.), voir patii.
Patiotio (nuh.), oiseau (Monarcha
nigra Sparrm.).
Peikea (mang.), crabe.
Peikeatonga (mang.), crabe du littoral ;
voir papaikea.
Pepe (tah.), papillon.
Peretei (tah.), grillon (insecte).
Peti (tuam.), poisson de mer (Myripristis murdjan Forsk.).
Pia (tah., mang., nuh.), Tacca pinnatifida Forster.
Piao (tah.), libellule.
Piere (tah.), bananes séchées.
Pigao (mang.), libellule.
Pihiti (nuh.), perruche bleue (Coryphilus dryas Gould).
Pikuku (tuam.), coquillage bivalve
(Cardium fragrum L.).
Pinako (Rarotonga), libellule.
Pipi (tuam.), huître perlière à nacre
jaune (Margaritifera panasesae Jam.).
Piriaau (tah.), coquillage comestible
(Acmaea costata Sowb.).
Piriakau (tuam.), voir piriaau.
Piripiri (tah.), herbe (Cenchrus echinatus L.).
Pita (tuam.), gastéropodes marins
(Astralium petrosum Martyn, Sistrum,
etc ).
Pitarauri (mang.), coffre (Ostracion
cornutus L.), poisson.
Pohua (nuh.), tridacne (Bénitier).
Pokea (tuam.), pourpier (Portulaca
oleraca).
Popo (tuam.), balle en feuille de cocotier, pour les enfants.
Popoti (tah.), cancrelat.
Popoti (tah.), crustacé (Remipes testudinarius).
Popotu (nuh.), cancrelat.
Potipoti (mang.), crustacé de sable
(Remipes testudinarius).
Potipoti miti (tah.), insecte de mer.
Poreho (tah.), porcelaines (Cyprées).
Poreho (tah.), hameçon à poulpe, fait
avec des coquilles de porcelaines.
Potipoti (maori), talitre.
Potou (nuh.), chat.
Pouna (nuh.), araignée.
Pu (tah.), coquille de gastéropode de
grande taille (Triton) servant de trompe.
Pua (tah.) Fagrea berteriana.
Pua (tah.), pierre de corail tendre.
Pua (tah.), porc.
Pueôe (mang.), Gastéropode (Terebra
subulata L.).
Puhara (mang., tuam.), pandanus.
Puahuaru (tah.), corail tendre utilisé
pour râper les noix de coco.
Puatea (tah.), arbre de grande taille
(Pisonia umbellifera).
Puga (tuam.), Porites (coralliaire).
Pugapuga (tuam.), poisson venimeux
(synancée).
Pugara (tuam. ancien), Porites (Coralliaire).
Pugataia (mang.), étoile de mer.
Pugaverevere (mang.), araignée.
279
Puhi (tuam. ancien, mang.), murène,
anguille de mer.
Puhi huone (tah.), murène (Brachisomorphis crocodilinus Bennett).
Puhuki (tuam.), violet.
Puhuki (tuam.), cénobite (Cenobita
clypeata), Bernard l’ermite terrestre.
Puka (tuam.), arbre ; voir puatea.
Pukakana (tuam.), madrépores branchus.
Pukaokao (mang.), gastéropode
(Terebra subulata L.).
Pukatea (tuam.), arbre ; voir puatea.
Pukava (mang.), coquillages (Strombus urceus L.).
Pukava (nuh.), coquillage.
Pukaveevee (nuh.), araignée.
Punaveevee (nuh.), araignée.
Punionio (mang.), gastéropodes de
petite taille (Cyprœa caput serpentis L.,
Cyprœa monetea L., etc.).
Punioniotaratara (mang.), petits gastéropodes à coquille hérissée de pointes
aiguës (taratara).
Puooura (tah.), panier pour pêcher des
crevettes.
Pupu (tah., tuam.), nom qui désigne
beaucoup de coquillages, surtout des gastéropodes.
Pupuhailofe (tuam.), porcelaine (Cyprœa talpa. L,).
Pupu karearea (tuam.), hameçon à
poulpe.
Pupu nakonako (tuam.), gastéropode
(Dolium perdix L.).
Pupu one (tah.), cônes (coquillages de
sable).
Pupu tara (tah.), gros gastéropode
comestible (Pterocera lambis L.).
Puputohekeokeo (tuam.), Terebra
subulata L.
Puputoheroa (tuam.), Terebra subulata L.
280
Pupu vahine (tah.), casque (coquillage
de femme).
Purau (tah.), arbuste (Hibiscus tiliaceus L.).
Purehua (tah.), phalène (papillon).
Puriri (tuam.), noix de coco très jeune,
sans eau.
Putakoiko (mang.), cône (Conus hebraeus L.), coquillage à ouverture (puta)
tatouée (koiko).
Putara (mang.), Pterocera lambis L.
Putarau (tuam.), plante à fleurs rouges.
Putararautonga (mang.), gastéropode,
(Pterocera rugosa L.).
R
Rahukataa (mang.), fougère (Asplenium nidus L.),
Rairai (mang.), bonite (Thynnus pelamys C. V.).
Raki (tuam.), ouest.
Rakoa (mang.), poisson de mer
(Upeneus macronemus Lacépède).
Râma (mang.), noix de bancoul.
Raparapakouerei (mang.), pétiole de
la feuille du cocotier.
Rauoro (Reao), bardeau en feuilles de
pandanus.
Reho (tah.), coquille de cyprée (Cypraea tigris L.), utilisée pour enlever l’écorce du fruit à pain.
Reva (tah., mang.), apocynée (Cerbera
odollam Gaertn.) à fruit vénéneux.
Revareva (tah.), rubans faits avec la
cuticule des jeunes feuilles du cocotier.
Rimu (tah., mang., tuam.), algues, lichens.
Roa (tah.), plante textile (Pipturus
argenteus Weddell).
Rohurohu (tuam.), crustacé comestible (Ibacus).
Rokea (tuam.), crustacé (Parthenope
horrida).
N°296-297 • Février-Juin 2003
Roku (mang.), (mot nouveau), rocouyer
(Bixa orellana).
Romaha (tah.), plante textile (Pipturus
argenteus Weddell) dont l’écorce était
employée autrefois par les Indigènes
pour confectionner leurs lignes de pêche.
Rori (tah.), biche de mer (holothurie).
Roro (mang.), spathe de l’inflorescence
du cocotier.
Roromi (mang.), crabe du littoral.
Rotoru (Reao.), ligne de pêche à trois
brins.
Ruhi (tah., tuam.), carangue.
Rukeruke (tuam.), diacope (Diacope
gibba Forsk.), poisson de mer.
Rupe (nuh.), Serresius galeatus.
Rupe (tah.), pigeon vert.
Ruro (tah.), martin-chasseur (Todiramphus sacer), oiseau sacré.
T
Ta (mang.), poisson de mer (diacope).
[n.d.e. Mais aussi marque l’action. Ex
takau, causer = faire marcher le gosier.]
Taape (tah.), diacope (Diacope octolineata C. V.).
Tagutugutu (mang), poisson de mer ;
voir tamure.
Takaruru (tuam.), poisson (Choetodon
cornutus L.).
Takurua (mang., tuam.), Sirius, étoile
très brillante.
Tamanu (tah., mang.), arbre de grande
taille (Calophyllum inophyllum).
Tamano (tuam.), raie-aigle (Aëtobatis).
Tamure (tah., tuam.), poisson de mer
(Pagrus unicolor Q. G.).
Tanae (tuam.), noix de coco vidée, servant de calebasse.
Tao (nuh.), voir taro.
Tapatapahiru (tuam,), dactyloptère,
poisson volant.
Tapereta (tuam.), raie-aigle (Aëtobatis
narinari Euph.).
Tapiro (tuam.), poisson de mer (Cheilinus).
Tapotapo (tah.), pomme-cannelle.
Taramea (tuam.), poisson venimeux.
Tarao (tah.), poisson de roches (Serranus hexagonatus C. V.) dont la chair est
excellente.
Tarapapa (tah.), hirondelle de mer
(Gygis alba Sparrm).
Tariaiore (tah.), champignon comestible (Auricularia auricula Judae L.)
exporté en Chine sous le nom de fungus.
Taro (tah., mang.), plante à rhizome alimentaire (Colocasia antiquorum Schott.).
Tata (Reao). écope pour vider l’eau de la
pirogue.
Tataraihau (tuam., tah.), poisson venimeux (Pterois volitans C. V.).
Tatare (tah.), oiseau chanteur (Tatare
longirostris Gmel.).
Taumataroa (tah., tuam.), requin marteau (Zygaena malleus L.).
Taurua (tah.), Sirius, étoile.
Tava (mang.), arche (Arca Helbingi),
mollusque.
Tavae (tah.), paille-en-queue (Phaëton
aethereus).
Tavake (tuam.), paille-en-queue à brins
rouges (Phaëton rubricauda).
Tavake, paille-en-queue à brins blancs.
Tavake uaka (mang.), paille-en-queue
à brins rouges.
Tavere (tuam.), (mot nouveau), murène.
Tegatega (tuam.), pseudoscare, poisson perroquet.
Tekau (mang.), îlot corallien, à peine
élevé au-dessus du niveau de la mer ;
voyez motu.
Tero (tuam.), poisson de mer (Lutjanus bohar Forsk.).
281
Teruna (tuam.), plante rampante.
Ti (tah.), Dracoena terminalis.
Tiairi (tah.), bancoulier.
Tianee (tah.), crustacé comestible (Ibacus).
Tiare (tah.). Gardénia de Tahiti.
Tiatiauri (tah.), rémora ou poisson
pilote (Echeneis remora).
Tiere (tah.), poisson de mer (Holocentrum tiere C. V.),
Tifai (tuam.), tortue de mer (Chelone
rnydas L.).
Tima (tuam.), pandanus.
Tinatore (tah.), serpent de mer
(Hydrus platurus L.). (Aujourd’hui
Pelamys platurus)
Tio (tah.) huître comestible (Ostrea).
Tio (mang.), gastéropode comestible
(Vermetus maximus Reeve), abondant
sur le récif extérieur des îles coralliennes.
Tipanie (tah., mang.), frangipanier (Plumiera alba), arbrisseau à fleurs très odorantes, originaire de l’Amérique tropicale.
Tipoti (mang.), crabe de sable (Calapa
tuberculata Fabr.).
Tira (tah.), lilas de Chine (Melia azedarach Linné).
Titiriri (tuam.), poisson de mer (serran).
Tivivi (tuam.), cônes (mollusques).
To (tah., mang., nuh.), canne à sucre.
Toa (mang., nuh., tah.), bois de fer
(Casuarina equisetifolia).
Toake (nuh.), paille-en-queue à brins
blancs (Phaëton œthereus L.).
Toau (tah.), poisson de mer (Lutjanus
bohar Forsk.).
Toerau (tah.), nord.
Toetoe (tah.), crabe (Grapse).
Toga (mang.), sud ; vent du sud ; habit
en mûrier à papier (le vent du sud,
Tonga, était habillé de feuilles de mûrier
à papier).
282
Toghiti (tuam.), sauterelle.
Tohara (tah.), baleine.
Tohonu (tah.), arbuste (Tournefortia
argentea L.) de la famille des Borraginées.
Tohuhu (nuh.), légumineuse (Tephrosia purpurea Pers.) employée pour anesthésier le poisson.
Toka (mang.), corail.
Tokakura (tuam.), stylaster (Hydrocoralliaire, corail rouge).
Tokerau (tuam.), nord.
Tonu (tah,), poisson de mer {Serranus
myriaster C. V.).
Torea (mang., tah., tuam.), chevalier
(Actitis incanus Gmelin), oiseau des
plages.
Toroire (tah.), arbre introduit d’Amérique (Leucaena forsteri).
Torotoro (tuam. ancien), cénobite.
Torotoroeke (mang.), gastéropode (Cassis vibex L.).
Totakitahi (Reao), corde ronde, à deux
brins.
Totara (tah.), poisson à carapace épineuse (Diodon).
Toti (tuam.), cénobite (Cenobita perlata Edw.).
Totoviri (tuam.), orphie (Belone), poisson à bec très allongé, qui s’élance, la
nuit, au-dessus de l’eau et produit des
blessures très dangereuses quand son
bec s’enfonce dans le corps du pêcheur.
Tou (tah.), grand arbre (Cordia subcordata, Borraginées).
Toueea (tah.), poisson de mer (Pempheris otaitensis C. V.).
Tuga (mang.), ver de la canne à sucre
(larve de calandre).
Tuiahotaporahu (Reao), capuchon fait
avec des feuilles du pandanus.
Tukau (mang.), byssus de l’huître perlière.
N°296-297 • Février-Juin 2003
Tuke a Maui (maori), ceinture d’Orion
(constellation).
Tumatatoka (mang.). chame, mollusque comestible ; (tumata, pousser ;
toka, corail ; qui pousse au milieu des
coraux).
Tumuerei (mang.), pied de cocotier.
Tumurama (rnang.), bancoulier.
Tuna (tah.), anguille d’eau douce.
Tunatore (tah.), anguille de mer.
Tunatore (tuam.), syngnathe, poisson
de mer.
Tunapu (tah.), anguille d’eau douce, qui
vit dans l’eau très profonde.
Tupa (tah., tuam.), crabe terrestre.
Tupapa (mang.), arbrisseau des îles basses coralliennes (Pemphis acidula
Forster).
Tupere (tah.), mollusques bivalves
(Venus reticulata L., Lucina divergens
Philippi).
Tupereatotatota (mang.), mollusque
(Pecten pallium L.).
Turei (tuam.), ce mot, mis avant le nom
du fruit, désigne l’arbre qui produit ce
fruit ; il correspond au mot tahitien tumu.
Tutaro (tuam.), Balistes, poisson de
mer.
Tutiri (tuam.), Echinoderme (Culcita),
oreiller de mer.
Tutua (tuam.), marsouin (cétacé).
Tutua (tah.), puce (insecte).
Tutuau (tah., tuam.), gros crabe du
récif extérieur (Carpilius convexus
Forskäl).
Tutufau (tah.), voyez tutuau.
Tutui (tah.), bancoulier.
Tutuke (tuam.), coffre (Ostracion cornutus), poisson de mer.
Tutupa (mang.), gros crabe ; voir
tutuau.
Tuto rahonui (tah.), araignée.
Tutururu (tuam.), pigeon noir des îles
Tuamotu (Phlegoenas pectoralis Peale).
U
Uà (tah.), cénobite, Bernard l’ermite terrestre.
Uahao (tah.), fou (oiseau de mer).
Uà vahi haari (tah.), crabe des cocotiers.
Uea (tah.), courlis.
Uga (mang.), cénobite (Cenobita perlata Edw.).
Uga kagakaga (tuam.), cénobite
(Ceno-bita clypeata).
Uga puhuki (tuam.), cénobite (puhuki, violet).
Ugauga (tuam.), vermet à tube noir
(mollusque du récif).
Uhi (tah. ancien), huître perlière.
Uhi (tah.), igname.
Uhu (tah.), pseudoscare, poisson perroquet.
Ume (tah.), poisson de mer (Nason
fronticornis).
Uouo (tah.), mollusque comestible
(Vermetus maximus Reeve).
Upai (tah.), gros crabe comestible
(Scylla serrata).
Upe (nuh.), pigeon (Serresius galeatus
Bp.).
Ura (mang.), espèce de langouste.
Uravena (tah., tuam.), poisson de très
grande taille (Ruvettus pretiosus
Cocco).
Uri (tah.), chien.
Uri (tah.), rémora, poisson pilote.
Uri aiava (tah.), phoque.
Uriri (tah.), pluvier (Charadrius fulvus
Gmel), oiseau des plages.
Uru (tah.), arbre à pain (Artocarpus
incisa).
Uru maohe (tah.), Artocarpus integrifolia.
283
Uto (tah.), noix de coco germée.
Utu (tah.), pou (insecte).
Utuura (tuam.), poisson de mer ; voy.
oeo.
Uu (tah.), modiole (Modiola australis
Gray), mollusque comestible.
Uupa (tah.), pigeon vert (Ptilinopus
purpuratus Gmelin).
V
Photo A. Lavondès
Vai (tah. ancien, mang., Reao), eau.
Vaiti (tuam.), chétodonte, poisson de
mer.
Vaka (tuam.), pirogue.
Vana (tah.), oursin (Echinothrix turcarum) dont les piquants produisent une
blessure douloureuse.
Vanatoa (nuh.), voy. vana.
Varo (tah., mang.), squille, crustacé
comestible.
Varo (tuam.), fond de sable calcaire très
fin.
Vava (tah.), harpe (Gastéropode).
Vava (tah.), phasme (insecte).
Vavao (tah.), noix de coco sans eau.
Veki (tuam.), poulpe.
Veri (tuam.), annélides marines (Amphinomes) à soies très urticantes.
Veri (mang. tah.), scolopendre (Scolopendra subspinipes Leach.).
Veve (tuam.), poisson de roche (Serranus hexagonatus Forster).
Vi (tah.), pomme cythère.
Viavia (tuam.), jeune noix de coco, dont
l’eau est bonne à boire.
Vini (tah.), perruche (Coriphilus taitensis Gmelin).
Vi papaa (tah.), manguier.
Vivi (tuam.), libellule.
Râpe en peau de raie. (10-A.L.)
(voir p. 242)
284
N°296-297 • Février-Juin 2003
Les mots pour dire le temps
et les directions du vent108
Division du temps
chez les anciens Polynésiens
L’année était divisée en douze mois chez les Tahitiens, les Paumotu
et les Mangaréviens.
N O M S
Tahitien
D E S
M O I S
Paumotu
Paroro mua
Paroro mua
Mai - Juin
Paroro muri
Paroro muri
Juin - Juillet
Muriaha
Muriha
juillet - Août
Hiaia
Higaia
Août - Septembre
Tema
Hiriga
Septembre - Octobre
Teori
Kauhune
Octobre - Novembre
Tetai
Vaitua
Novembre - Décembre
Avarehu
Orepo
Décembre - Janvier
Faaahau
Hakahu
Janvier - Février
Pipiri
Opipiri
Février - Mars
Taaoa
Pahoka
Mars - Avril
Aununu/Apaapa
Manu
Avril - Mai
108 Archives SEO Br 4 N° 34
285
DIVISION DU TEMPS (JOUR DE LA LUNE)
Tahitien
Paumotu
Mangarévien
Ohirohiti
Hoata
Hami-ami-mua
Hami-ami-roto
Hami-ami-mûri
Oreore mua
Oreore muri
Tamatea
Ohuna
Oari
Omaharu
Ohua
Omaitu
Ohutu
Omarae (Te marama ati)
Oturu tea
Raau mua
Raau roto
Raau muri
Oreore mua
Oreore roto
Oreore mûri
Taaroa mua
Taaroa roto
Taaroa muri
O tane
O roomie
O roomaori
O mutu
O Terieo
Ohiro
O hoata
Hania tahi
Hania roto
Hania fakaoti111
Nakore tahi
Nakore roto, -fakaoti
O tamatea
O huna
O vari
O maharu
O hua
O maitu
O Hotu
O maragi
Oturu, paoro
Rakau tahi
Rakau roto
Rakau fakaoti
Nakore tahit
Nakore roto
Nakore fakaoti
Na Tagaroa tahi
Na Tagaroa roto
Na Tagaroa fakaohi
Maeàmatahi109
-rua110
-toru
-riro
Korekore tahi112
-rua
-toru
-kaha
Oâri
Ohûma
Omaharu
Ohuâ
Oetuâ
Ohôtu
Omaûre (pleine lune)
Otûru
Orakâu
Omotohi
Korekoretahi
-rua
-toru
-riro
Vehi tahi
-rua
-toru
-riro
Otâmu
Omoûri
Ohoâta
Tunui (nouvelle lune)
286
Horogonui
Horogomaori
Maorikero
Tinaitepo Otipi113
N°296-297 • Février-Juin 2003
Rose des vents
Les Maoris, peuple essentiellement navigateur, ont des noms particuliers pour chacun des vents qui soufflent dans ces régions, nous
croyons utile de donner ici les renseignements que nous avons recueillis
à ce sujet.
Mangarévien114
Paumotu
Tokorau
Tonga
Moake
Tiu
Akarua
Parapu
Maragai
Tokerau
Tonga
tonga tahi
parakiraki
Maoake
Tokerau maehaa
Muriroa
Manavai
116
Akarua patokorau Pafaite ou Fakaite
Akarua Pamoake Maoake
Parapu patokorau
Parapu patiu
Maragai pamoake
Maragai patonga
Uru patiu
Tahitien
Toerau
Toa, apatoa
Hamuri
Arueroa
Maoae
Apatoerau
Maraai, maraamu
Ruahine, anahoa
Maoae
N
S
F
O
N-F
N-O
S-E115
S-O
N-N-E
E-N-E
N-N-O
O-N-O
E-S-F
S-S-E
O-S-O
NOTES DES PAGES 282 & 283
109 Tahi, premier
110 Roto, moyen ; rua, second
111 Fakaoti, fini, toru, troisième
112 Oreore, nakore, Korekore, négation ; riro, quatrième
113 Kero, corbeille en folioles de cocotier.
114 Nous devons les noms mangaréviens des vents à l’obligeance du R. P. Ferrier Janeau.
115 Ce vent est celui qui souffle le plus habituellement dans les îles polynésiennes.
116 pa, placé entre les noms de deux vents signifie qui touche à, ou voisin de.
287
Collection Seurat
Le 29 octobre 1999, j’ai examiné la collection d’objets recueillis
par Léon Gaston Seurat, actuellement conservée par son fils, M. Silvère
Seurat, pour en faire un inventaire rapide. Bien qu’elle ne soit pas très
ancienne, cette collection présente un intérêt particulier : elle est bien
localisée puisque les objets proviennent des Tuamotu de l’est, principalement de l’atoll de Fangatau ; elle est strictement datée par la période
durant laquelle L.G. Seurat a accompli sa mission en Polynésie française et en particulier aux Tuamotu et à Mangareva entre 1902 et 1905 ;
elle est assez homogène, car le naturaliste a surtout conservé des objets
dont les habitants se servaient dans leur vie quotidienne pour la construction des maisons, pour la fabrication des pirogues et pour la pêche.
Elle est bien documentée par le collectionneur lui-même qui les a
décrits dans quelques uns de ses articles. Enfin, elle a le mérite d’avoir
été citée, ainsi que les écrits de Seurat, par des chercheurs qui se sont
intéressés aussi à la civilisation traditionnelle des Tuamotu, aux méthodes ou aux engins de pêche, comme E.W. Gudger, José Garanger,
Kenneth P. Emory, et plus récemment, Eric Conte.
L’homme discret qu’était L.G. Seurat est peu connu à Tahiti. Il n’est
pas mentionné dans la “biobibliographie” du Père O’Reilly et de Raoul
Teissier, mais ma collègue, la regrettée Aurora Natua, qui fut longtemps
bibliothécaire de l’ancien musée de Papeete et de la Société des Etudes
Océaniennes, estimait beaucoup ses travaux. Elle s’intéressait à la faune
marine et d’eau douce et elle avait recueilli des “calendriers” traditionnels utilisés par les pêcheurs des îles de la Société. Ici, en l’absence
d’autres documents, je me réfère à la “Bibliographie de Tahiti” de P.
O’Reilly et de E. Reitman pour situer de façon sommaire le naturaliste
voyageur. Sous-directeur du laboratoire colonial du Muséum d’histoire
naturelle de Paris, il était en mission en Océanie au début du XXe siècle,
comme naturaliste au service local et directeur du laboratoire de
recherches zoologiques de Rikitea, à Mangareva, un laboratoire qu’il
avait probablement fondé. En 1905, il se désignait lui-même comme
“Docteur ès Sciences. Naturaliste aux Iles Tuamotu.” Effectuant ses prospections surtout aux Gambier et aux Tuamotu de l’est, il fit un énorme
288
N°296-297 • Février-Juin 2003
travail de collecte, recueillant de très nombreux échantillons de la faune
locale, marine et terrestre, et découvrit des espèces nouvelles. Beaucoup
de ses trouvailles ont été envoyées au Muséum d’histoire naturelle,
décrites et étudiées par d’autres chercheurs. Mais il a lui aussi publié,
entre 1903 et 1908 environ, de nombreux articles dans des revues très
diverses. Il était bien intégré dans la “colonie” puisque certains de ses
travaux ont été publiés par l’imprimerie du gouvernement, à Papeete.
Ce qui nous importe ici, c’est que l’intérêt de L.G. Seurat était loin
de se limiter à l’histoire naturelle et à la zoologie de l’huître perlière, un
des objets principaux de sa mission. Curieux de tout, il est un des rares
naturalistes, à la suite du botaniste J. Nadeaud (ancien chirurgien de la
marine), à avoir recueilli les noms vernaculaires en les comparant d’une
île à l’autre, ou d’un archipel à l’autre. On peut citer par exemple, son
“Vocabulaire des termes d’histoire naturelle (Animaux et plantes)
dans les dialectes tahitien, tuamotu, mangarévien et marquisien”,
Ses longs séjours sur les atolls l’avaient amené à s’intéresser aux modes
de vie de leurs habitants et à comparer par exemple, ceux des Tuamotu
à ceux de Funafuti, aux îles Ellice, aujourd’hui Tuvalu (Donat et Seurat,
1904) A ses nombreuses publications, il faut ajouter les lettres adressées
à d’autres scientifiques. Voir dans “la bibliographie” d’O’Reilly et
Reitman les n°s 2951-2954 ; 3272-3275 ; 3935 ; 3311 ; 5662 ; 4427;
4476 ; 5381 ; 8685- 8692, concernent ses travaux. Mais curieusement,
sauf erreur de ma part, l’article essentiel pour la compréhension de la
collection, intitulé “Les engins de pêche des anciens Paumotu”
(l’Anthropologie, T. 16, 1905, pp. 295-307), ne figure pas dans cette
bibliographie de Tahiti et des archipels de la Polynésie française. En
revanche, le n°4776 donne la référence d’une publication sur “L’archipel des Tuamotu et ses habitants. Mœurs des anciens Paumotu”,
(1905). L.G. Seurat précise bien qu’il s’agit des anciens Paumotu.
Même si la culture traditionnelle a été conservée plus longtemps dans les
Tuamotu orientales, plus pauvres et plus éloignées de Tahiti, au tournant
du siècle, au moment où Seurat parcourt ces atolls, bien des coutumes
sont en voie de disparition. On ne fabrique plus de pirogues “cousues”.
Les maisons basses aux toitures en pandanus sont remplacées par des
maisons carrées couvertes de feuilles de cocotier. Et il y a longtemps
289
déjà que les outils de métal ont remplacé les herminettes en pierre ou
en tridacne. Mais sur les atolls les objets se conservent mieux que dans
l’humidité des îles hautes et des pièces de pirogues, conservées dans le
sable, pouvaient à l’occasion être utilisées pour de nouveaux assemblages. C’est pourquoi les objets réunis par Seurat n’appartiennent pas réellement au matériel mis au jour, plus tard, par les archéologues. Il s’agissait probablement d’objets conservés dans les familles, témoins d’un
passé récent, dont les hommes adultes ou âgés savent encore se servir ;
ou bien ceux-ci se souviennent de la façon de les utiliser, lorsque les
hameçons, par exemple, étaient fabriqués en matériaux locaux. D’ailleurs
les pêcheurs emploient encore de nos jours certains de ces objets.
Dans son article précis, rigoureux et bien documenté sur Les
engins de pêche des anciens Paumotu, L.G. Seurat insistait sur ces
changements et sur le fait que sauf sur des îles très pauvres et peu fréquentées comme Napuka et Fangatau117, on ne trouvait plus déjà d’hameçons anciens. A peu près partout : “les engins de fabrications européennes ont remplacé les engins primitifs”. Pour analyser et décrire les
objets rapportés par L.G. Seurat, on ne peut que se référer à cet article
dans lequel il a réuni ses propres observations et les renseignements
qu’il a pu obtenir auprès de ses informateurs. Ceux-ci sont particulièrement précieux pour la détermination des matières premières qui ont
servi à la fabrication des objets (pp. 295-296) et en partie pour comprendre comment les anciens pêcheurs des Tuamotu les utilisaient. Les
archéologues depuis une cinquantaine d’années, ont découvert de nombreux hameçons simples, surtout en nacre, souvent incomplets. La plupart d’entre eux proviennent des îles Marquises et de la Société et de
sites anciens datant de la fin du premier millénaire de notre ère jusqu’au
XVIIIe siècle. On est émerveillé à la fois par la diversité, l’harmonie et la
finesse des formes, leur valeur esthétique accompagnant leurs qualités
fonctionnelles. Mais il est impossible aujourd’hui de connaître l’usage
précis de chacune de ces pièces anciennes. Même si les formes ont évolué dans le temps et en fonction de l’isolement relatif de chaque archipel,
117 L. G. Seurat notait le “n vélaire” de la langue des Tuamotu par un “g”. On reprend ici la graphie adoptée par les auteurs moderne : “ng” comme dans Fangatau.
290
Vieil indigènes des tuamotu en costume ancien, armé de sa lance.
il est très précieux d’avoir des hameçons complets dont les habitants,
derniers témoins de certaines méthodes de pêche traditionnelle,
connaissaient encore l’usage. La “tête” des hameçons simples, en particulier, était différente sur les pièces anciennes : “des protubérances”
internes ou externes facilitaient la fixation du bas de ligne à l’hameçon.
Sur les derniers exemplaires en nacre recueillis aux Tuamotu au début
du XXe siècle, le sommet de la hampe est souvent découpé pour former
la tête, une encoche ou “gorge” étant obtenue par limage. Ce procédé
était certainement plus rapide, mais il est moins élégant et on ne sait pas
s’il était aussi efficace. Aux îles de la Société, on peut considérer comme
intermédiaires les hameçons recueillis par les anciens voyageurs européens. Ceux qui datent des trois expéditions de James Cook, vers la fin du
XVIIIe siècle, ressemblent aux pièces anciennes découvertes par les
archéologues : la tête se termine souvent en pointe avec une protubérance externe plus ou moins importante. On peut penser que des formes
dont l’efficacité avait été prouvée depuis longtemps pour la pêche de telle
ou telle catégorie de poissons pouvaient se perpétuer sans modifications
importantes. La terminologie des différentes parties des hameçons simples ou composés est ici empruntée à l’article de référence sur la typologie des hameçons océaniens établie par le professeur José Garanger.118
En comparant les objets collectés par L.G. Seurat avec ceux d’autres collections et par recoupement avec des travaux plus récents, on
parvient à se faire une idée assez précise des fonctions de chaque catégorie d’hameçons. Des recherches plus approfondies, comme celles
qu’a entreprises Eric Conte119 sur la pêche aux Tuamotu peuvent affiner
les connaissances et montrer pourquoi il était nécessaire de se servir
d’hameçons indirects pour pêcher certains poissons, alors que pour
d’autres, un hameçon direct était suffisant. L.G. Seurat avait très bien
compris cette distinction. Par exemple, à propos du Tangoro, il souligne
que la “branche libre” de l’hameçon et sa pointe restent éloignées de la
branche principale. “Le poisson pris pouvait se détacher”. Alors qu’à
118 J. Garanger, 1965
119 Dans sa thèse, Eric Conte (1988) a consacré plusieurs chapitres aux hameçons anciens et
modernes, à leur fabrication et leur utilisation (pp. 119-139, 331-349, 399-479 etc…)
292
N°296-297 • Février-Juin 2003
propos du Numi, il note qu’il est de forme arrondie “et caractérisé par
un coude brusque de sa branche libre, dont l’extrémité, en pointe, s’approche de l’autre branche de l’hameçon.” Cet hameçon indirect rotating en anglais, fonctionne d’une manière particulière, bien observée
par Seurat : “Le poisson, piqué, sur les côtés de la bouche, ne pouvait
plus se détacher, étant retenu par le crochet terminal”. Autrement dit,
selon les définitions proposées par José Garanger, “l’hameçon indirect
tourne, dans les plans de ses faces droite et gauche, autour du centre virtuel de sa région interne. Ce mouvement suppose que la force exercée
sur la ligne a sa résultante dans cette région interne, ceci s’obtient d’une
part en fixant le bas de ligne du côté frontal de la hampe, et d’autre part,
en favorisant le mouvement par la forme même de l’hameçon : hameçon circulaire, hampe courbe ou à angle, pointe et dard recourbés ou
dard faisant angle avec la pointe.” Le côté frontal est celui qui fait tourner dans la bouche du poisson, ce mouvement achève la pénétration du
dard sans que la traction exercée sur la ligne soit modifiée.120
Dans son article, Seurat a représenté trois hameçons montés sur un
bas de ligne : l’un d’eux est direct (fig. 6), avec un point d’attache frontal. Les deux autres sont indirects : sur celui de la figure 3, la ligne est
dans le prolongement de la hampe alors que sur la figure 8 la protubérance externe est visible et l’attache semble bien partir du côté frontal.
Dans la collection, tous les petits hameçons simples sont ligaturés à un
bas de ligne dont le point de départ se situe sur la face frontale de la tête,
sauf un, celui que, dans son article, Seurat nomme kavero (fig. 7) dont
la hampe et la ligne sont en continuité.
“La petite ficelle” qui permettait de fixer le bas de ligne à la tête de
l’hameçon se nommait kavei et Seurat ajoutait que ce mot appartenait au
dialecte de Reao. Cette précision ainsi que d’autres articles du même
auteur montrent que celui-ci s’intéressait aux langues océaniennes. Il avait
certainement une bonne pratique des langues des Tuamotu et des Gambier
et savait qu’il existait plusieurs aires culturelles et linguistiques aux
Tuamotu. Sans entrer dans les détails de ces particularismes, on peut dire
120 J. Garanger, 1965, p. 133 et figure p. 28
293
que le dialecte du nord-ouest a été plus influencé par le tahitien, alors
qu’au contraire, les langues parlées à Napuka d’une part, à Reao d’autre
part étaient très particulières, archaïques et difficilement comprises par
les habitants des autres îles. Au début du XXè siècle, les connaissances sur
les différents dialectes parlés aux Tuamotu étaient très limitées. De 1893 à
1895, E. Tregear avait publié un lexique comparatif dans le “Jounal of the
Polynesian Society”, d’après des informations recueillies essentiellement
par les premiers missionnaires, mais il ne faisait pas de distinctions entre
ces différents parlers paumotu. On sait que les manuscrits du père
Germain Fierens, qui avait surtout travaillé à Napuka, avaient disparu dans
un naufrage et le père Hervé Audran n’avait publié son étude linguistique
qu’en 1919. Il a fallu attendre les travaux scientifiques de J. F Stimson, qui
avaient débuté dans les années 1920 et furent complétés par D.S. Marshall,
pour avoir une bien meilleure connaissance de ces différences linguistiques et de l’extraordinaire richesse de la langue des Tuamotu121.
Le vocabulaire proposé par L.G. Seurat, avec les distinctions qu’il
fait selon les îles, paraît donc résulter de ses propres recherches. Le mot
kavei n’apparaît ni chez Tregear, ni chez Audran, mais Stimson et
Marshall l’ont défini pour l’île de Anaa : “attacher avec des cordelettes,
comme une ligne de pêche sur l’extrémité du tate ou hameçon.” Il existait en fait plusieurs mots pour désigner les différentes manières de fixer
la ligne et pour les noms de ces attaches.
Un autre mot cité par Seurat est importants parce qu’il répond à
une question qu’on se pose assez souvent. L’appât était maintenu sur
l’hameçon à l’aide d’une ficelle appelée kereka par les gens de Hao et
takaimaunu par ceux de Reao (p. 301). Aujourd’hui, beaucoup de
gens, même parmi les pêcheurs, pensent que ces petits hameçons de
nacre étaient utilisés sans appât. En effet, comme l’a noté Eric Conte, la
nacre est un matériau assez résistant, qui, “ayant en outre l’avantage de
121 E. Tregear, “A paumotuan Dictionary” Journal of the Polynesian Society, vol. 2,3,4, 1893-1895.
H. Audran, “Napuka et ses habitants”, Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes, n°3, mars
1918 et “Notes sur le dialecte Paumotu”, BSEO, n°5, mars 1919. J.F. Stimson et D.S. Marshall,
1964 : on trouve, au début et à la fin du volume, une carte des aires linguistiques des Tuamotu,
avec leurs noms. Les références lexicographiques, par comparaison avec le vocabulaire utilisé par
Seurat, sont empruntées au dictionnaire de Stimson et Marshall, sauf mention du contraire.
294
N°296-297 • Février-Juin 2003
scintiller dans l’eau, attire les proies. Toutefois, mis à part l’engin
employé pour pêcher la bonite, tous les hameçons en nacre étaient utilisés avec un appât” (p. 119). Le mot kereka utilisé à Hao et à Anaa
signifie aussi “attacher l’appât à l’hameçon”. Kai et takai évoquent également l’idée d’attacher quelque chose. K. P. Emory a relevé, d’après des
informations transmises par le Père Paul Mazé, qu’à Reao, “le kereka
était la ligne attachée à l’hameçon et le kavei était ce qui entourait la
ligne sur l’hameçon”, mais il ne fait pas allusion à la fixation d’un appât.
L.G. Seurat a décrit la manière de fabriquer les hameçons de nacre
à partir d’un carré découpé dans la valve d’une huître perlière : ils
sciaient la nacre à l’aide d’une peau de raie ou de requin qui leur servait également de râpe (p. 301). Plus tard, des vestiges archéologiques
sous forme d’ébauches, d’hameçons inachevés et de déchets de taille,
ont permis de mieux comprendre les différentes étapes de cette fabrication. D’après les hypothèses formulées par Y. Sinoto et M. Kellum, il existait deux méthodes pour façonner la partie interne de l’hameçon : par
usure avec une lime en corail ou bien en découpant carrément le
contour intérieur, ce qui laissait des déchets de taille reconnaissables.
En fait, les informations recueillies par Eric Conte à Napuka tendent à
montrer que la description faite par Seurat reste très valable et que les
anciens se servaient de scies en peau abrasive fixées sur une monture en
forme d’arc. Un de ces objets, muni d’une peau de requin, provient de
Fangatau : il est conservé au Bishop Museum de Honolulu et illustré
dans l’ouvrage de K. P. Emory sur les Tuamotu122. Dans son article sur
L’archipel des Tuamotu et ses habitants (p. 390), Seurat a bien décrit
cet objet et le mode d’emploi : “La scie était formé d’un arc en bois de
mikimiki, avec une corde tendue, sur laquelle était fixée une peau de
requin ou de raie ; le frottement de la peau de requin ainsi tendue avait
pour effet de scier l’objet attaqué.” Ce qu’ajoute le témoignage de Seurat
à ces notions un peu abstraites concerne “la chaîne opératoire” et rend
plus vivant le processus de fabrication, quel qu’il soit dans le détail de
l’exécution : “l’ouvrier, tenant le morceau de nacre avec la main gauche
122J. Garanger, 1965, pp. 142-144. Sinoto et M. Kellum, 1965. E. Conte, pp. 116-118. K.P.
Emory, 1975, pp 213-214. L.G. Seurat est cité par Emory et Conte.
295
et le pied, usait la nacre avec la branche de madrépore (cette dernière
jouant le rôle d’une lime ronde)…”
Une autre contribution de L.G. Seurat à ces connaissances sur les
méthodes de pêche traditionnelle, peut-être la plus intéressante,
concerne les fonctions des différentes catégories d’hameçons. L’usage
des hameçons composés pour la pêche des bonites, des requins, des
poissons de grands fonds nommés Ruvettus preciosus Cocco, ou même
des murènes, a persisté jusqu’à nos jours : il est donc assez bien connu.
En revanche, rien ne permettait aux archéologues de savoir avec précision à quelle pêche servait autrefois telle ou telle forme d’hameçon simple en nacre ou en écaille de tortue, direct ou indirect, et si chacune
d’entre elles portait un nom spécial. Aux Tuamotu, kanehu est le nom
générique des hameçons ; on pouvait seulement supposer qu’un même
type, homogène par sa morphologie, pouvait pêcher plusieurs espèces
de poissons différentes. Seurat avait commencé à défricher ce terrain
d’investigation et ses recherches ont été confirmées et complétées par
les travaux de K.P. Emory, d’E. Conte, et dans une mesure importante par
le dictionnaire de quelques dialectes des Tuamotu établi par Stimson et
Marshall. Les comparaisons entre ces différentes sources seront présentées plus loin dans l’inventaire des hameçons de la collection.
Il est intéressant également de comparer les objets décrits par
Seurat, ceux de sa collection, avec des pièces similaires conservées dans
les musées ou étudiées par ailleurs. On constate par exemple, qu’en plus
des emprunts qu’il a fait aux dessins et aux descriptions publiés par L.G.
Seurat, K.P. Emory, avec la collaboration de Y.H. Sinoto123 a illustré des
hameçons appartenant à diverses collections, ce qui permet de les comparer. Il y a de grandes similitudes entre les objets récoltés et décrits par
Seurat et ceux qui sont conservés au Bishop Museum, en particulier des
pièces provenant de la collection Young. Il existait aux Tuamotu une
grande constance dans les formes et les techniques pour une même île
ou un même groupe d’îles. La terminologie utilisée par Emory pour
nommer différents types d’hameçons anciens est souvent conforme à
123 Material culture of the Tuamotu archipelago, Pacific Anthropological Records N° 22.
Bernice P. Bishop Museum, Honolulu, Hawaii, 1975.
296
N°296-297 • Février-Juin 2003
celle que proposait Seurat (Numi, Tangoro, etc.) soit par emprunt
direct à ce dernier, soit à la suite de ses propres recherches et de celles
des missions du Bishop Museum aux Tuamotu, alors que les informateurs d’Eric Conte à Napuka n’utilisaient pas (ou plus) ces mots de la
même façon.
On a vu que L.G. Seurat signalait ces changements.124 Eric Conte, en
citant un extrait de son article sur les engins de pêche et la fabrication
des hameçons ajoute que d’après cet auteur les habitants de Fangatau et
de la plupart des Tuamotu ne se servaient plus des hameçons simples en
matériaux traditionnels. “Leurs ancêtres se servaient d’hameçons à
pointe courbée en dedans, en nacre ou en écaille de tortue, ces hameçons sont encore en usage à Napuka”. : “Dans toutes les îles, sauf peutêtre une (Napuka), les engins de fabrication européenne ont remplacé
les engins primitifs”. Pour E. Conte, “on peut dire que le métal commença à remplacer la nacre vers la fin du dix-neuvième siècle, mais
celle-ci était encore employée au tout début du siècle et même, exceptionnellement, un peu plus tard. Les exemples donnés par mes informateurs témoignent de la fin de l’utilisation de ce matériau“. Les informateurs de Conte ont également confirmé l’exactitude des observations de
Seurat : les hameçons en écaille de tortue qui appartenaient à leurs
grands-parents ont cessé d’être utilisés à la même époque.
Ces convergences montrent que Seurat a bien recueilli en un lieu
précis, les derniers témoins matériels de techniques et de savoir-faire
ancestraux, ce qui donne une grande valeur scientifique et documentaire à sa collection.
La question des armes est différente. Au début du vingtième siècle, il
y avait longtemps que les Tahitiens et même les habitants des Tuamotu n’utilisaient plus d’armes traditionnelles pour se défendre. Mais il ne faut pas
oublier qu’un peu plus d’un demi-siècle auparavant, en 1839, les membres de l’United States Exploring Expedition conduite par Charles Wilkes
virent encore à Napuka des hommes armés de lances en bois. Ces objets,
autrefois utilisés comme des massues, restèrent longtemps à portée de
124 - L.G. Seurat, 1905, “ les engins de pêche “. E. Conte, 1988, première partie, pp. 116-119
297
main dans les maisons comme insignes de prestige ou bâtons de chefs plutôt que comme des armes véritables. En 1900, le souvenir n’en était pas
effacé et des armes plus anciennes ont probablement été conservées jusqu’à cette époque dans les Tuamotu de l’est. Mais elles étaient souvent
fabriquées de façon assez sommaire dans du bois de cocotier, il est donc
difficile de les distinguer d’objets plus récents, reconstitués pour les danses et les combats simulés accompagnant des représentations données au
moment des fêtes ou pour l’accueil de personnages importants.
La collection comprend trois armes lourdes et épaisses, en bois de
cocotier. Les deux massues appartiennent au type défini par Emory (1975,
p. 129-130), comme “sword club” (“épée-massue”). Cette appellation
paraît un peu paradoxale compte tenu de l’utilisation probable de ces
instruments, mais elle se réfère sûrement à la forme des objets qu’Emory a
nommé tarapa, d’après ses informateurs (on trouve tarapu dans le dictionnaire des Tuamotu de Marshall et Stimson, pour “clubs”, massues). On
peut se demander si ces deux objets sont anciens et s’ils avaient été conservés dans des familles jusqu’aux années 1900. La troisième arme, bien que
massive, a la forme d’une lance à barbelures ou d’un très gros harpon. A
manche court, elle devait être utilisée comme une massue et il s’agit probablement de l’imitation des lances traditionnelles à une ou deux paires de
barbelures des Tuamotu de l’est. Mais elle rappelle plutôt les lances barbelées de Mangareva ou de Rarotonga125. Il est possible qu’elle provienne de
Mangareva où Seurat avait séjourné ou des îles Cook. Des plongeurs des
îles Cook étaient parfois recrutés pour pêcher les huîtres perlières dans les
lagons des Tuamotu et donnaient des représentations avec chants et danses.
(1-2-3 A.L.)
125 K.P. Emory, 1975, pp. 129-130. Sur les armes de Mangareva, cf. Peter Buck – Te Rangi
hiroa, Ethnology of Mangareva, Bishop Museum Bull. n°157, 1938, et 1971, pp. 190-191.
298
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Catalogue sommaire
Je remercie Monsieur Silvère Seurat, qui m’a si aimablement reçue
et qui m’a permis de faire ce catalogue de la collection qui lui vient de
son père, L.G. Seurat.
Les données qui suivent ne sont pas très complètes et, en particulier, les dimensions des objets ont été prises rapidement en vue de l’organisation d’une exposition et ne sont pas précises.
Les armes
1- Massue en bois, en forme de lance avec 7 rangées de barbelures
symétriques. Le manche est de section transversale ovale à extrémité
arrondie. Long. Environ 126 cm ; larg. 13 cm ; épaisseur importante.
2- Massue en bois, à “lame” dissymétrique de section transversale
rectangulaire. Long. environ 132 cm ; larg. max. env. 10, 5 cm.
3- Massue en bois semblable à la précédente. Long. environ 131
cm ; larg. 9,5 cm.
“Les armes des anciens Paumotu” décrites par L.G. Seurat dans
son article sur L’archipel des Tuamotu et ses habitants (p. 389) ne
semblent pas correspondre exactement à celles de la collection, sauf
celle qui “présentait une poignée et une lame à arête tranchante” nommée tarapa : “le tarapa servait de cimeterre ou de sabre et mesurait 1
m, 35 de longueur”. Il pourrait aussi s’agir de la “massue très pesante”,
le parotu, qui “servait à casser les membres ;” Mais ces descriptions
sont conformes à ce que nous savons par ailleurs sur les armes anciennes, d’après les récits des navigateurs occidentaux, des gravures, des
objets de musées, etc… La première pièce décrite, “la plus redoutable”,
dont l’extrémité aplatie, présentait, de chaque côté, une rangée d’indentations et de barbelures “pourrait correspondre à la lance okaoka (cf
Emory, p. 122), la fameuse lance sculptée de Napuka conservée au
Musée de Tahiti et des Iles. L.G. Seurat avait probablement obtenu ces
descriptions auprès de ses informateurs, ainsi que les noms de chaque
type d’armes. Il a ainsi relevé le mot korare désignant “une pique simple d’environ 2 m,50 de longueur”, une arme habituelle très ancienne
299
qui servait pour la chasse aux oiseaux, à la guerre et pour les combats
simulés. Elle trouve une correspondance parmi les termes relevés par
Emory et Stimson et jusqu’à Rarotonga, aux îles Cook.126
Construction des pirogues : outils et instruments
4- Herminette emmanchée. L’herminette est authentique, en basalte abrasé, à épaulement bien marqué et section triangulaire inversée. Le
sommet du biseau est en saillie. Elle provient très probablement des îles
de la Société où ce type était bien représenté. Le manche coudé serait en
bois de ngeongeo (Tournefortia argentea L.), d’après Seurat.
L’herminette emmanchée est représentée par Emory (1975, p. 112, fig.
90 a) qui pensait qu’elle pouvait provenir de Reao et que le manche était
récent. Hauteur du manche, env. 40 cm ; long. De la “tête” avec l’herminette, env. 30 cm (figure 12 p. 245).
Le manche est de type “marquisien”. De nombreuses herminettes
anciennes ont été ainsi emmanchées à la fin du XIXème siècle ou au
début du vingtième. L.G. Seurat a décrit la manière de fixer l’herminette
sur ce manche en forme de V : “la hache était fixée dans une encoche
pratiquée sur la petite branche de ce V et solidement maintenue en place
à l’aide de cordes tressées avec les racines adventives du pandanus.”
Dans ces deux articles,127 l’auteur a apporté des précisions sur la
fabrication et l’utilisation de ces outils. Il livre même la chanson qui
accompagnait l’abattage d’un arbre avec ce qu’il nommait “une hache“,
un “instrument dont le tranchant était fixé dans le plan des deux branches du manche, de même que dans nos haches européennes.” Depuis,
on considère que les outils polynésiens en pierre ou en coquillage qui
étaient fixés sur un manche coudé sont tous des herminettes, la lame ne
comportant qu’un seul biseau, avec un tranchant perpendiculaire au
plan du manche. L’herminette emmanchée de la collection est la même
126 Parmi les noms de types d’armes de Rarotonga, dans une légende. Te Rangi hiroa, 1944
et 1971, p. 279
127 L.G. Seurat, 1905a, (Les engins de pêche…) pp 302-303, 1905b, (L’archipel des
Tuamotu…) pp 389-390. K.P. Emory a consacré tout un chapitre aux outils dans son ouvrage
sur les Tuamotu, (1975, chapitre V).
300
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que celle qui est représentée à la page 303 et il ne peut s’agir que d’une
herminette.
5- Instrument en bois pour tendre les cordes. Keke (figure 12 p.
245). Ces objets élégants en forme de Y étaient utilisés comme levier
pour tendre les cordes et serrer les “coutures” qui reliaient entre elles
les planches des anciennes pirogues. K.P. Emory a reproduit le dessin
que Seurat avait lui-même publié.128 Depuis, un côté de la petite fourche
s’est cassé. Long. 53,3 cm.
Ces objets sont rares. Emory n’en a pas illustré d’autres exemples.
On peut se demander, en passant, si son dessin de la fig. 114, montrant
l’utilisation de l’objet, est exact : sur ce schéma, la petite fourche ne servirait à rien alors qu’elle paraît avoir été conçue pour le passage de la
corde. Seurat a donné une explication un peu différente de son utilisation : “le keke, en bois de mikimiki, a la forme d’un Y renversé dont la
branche impaire présente à son extrémité une gorge assez profonde. Les
deux pieds de l’Y reposant sur le fond de la pirogue, on passait la corde
à serrer dans la gorge, l’instrument étant penché ; on redressait en
tirant sur la tige impaire présentant la gorge et, la corde étant amarrée
à ses deux extrémités, l’instrument faisait levier et la serrait très fortement.” Un schéma montre comment les bords des planches étaient percés, les trous joints avec de la corde, par-dessus les lattes en rachis de
feuille de cocotier assurant “une solidité à toute épreuve.” En plus nous
dit Seurat “l’embarcation était calfatée avec un instrument formé d’une
lame rectangulaire, en os de baleine, aiguisée à une de ses extrémités,
appelée karahi, sur lequel on frappait à l’aide d’un marteau ou plutôt
d’un maillet en bois de mikimiki, appelé patupatu (fig. 18). Les
Indigènes se servaient en guise d’étoupe, de la poudre obtenue en
râpant, à l’aide de leur râpe formée d’une branche de bois recouverte
de peau de raie, la tige d’un petit arbrisseau appelé huhu, Suriana
maritima L.”
[voir pp. 232-236]
128 L.G. Seurat, 1905a, pp 304-306, fig 15 à 17. K.P. Emory, 1975, pp. 144, fig 114 ; pp. 146147, fig. 119 et p. 141.
301
Les objets de la collection et ce savoir-faire ainsi recueillis, font partie de techniques disparues et oubliées, à l’égal des noms anciens qui ne
sont plus compris, les deux allant parfois de pair, et rendent ce témoignage irremplaçable. Il est peu fréquent, en effet, que des techniques
anciennes aient été décrites avec cette minutie.
6 - Maillet. Patupatu. Fangatau. En bois de mikimiki, Pemphis
acidula. Section transversale semi-circulaire. Une belle pièce, bien
polie, très probablement patinée par l’usage. Servait à calfater les pirogues cousues, en frappant et en enfonçant le coin dans les trous préparés le long des planches de bordages pour le passage des cordes. Long.
24 cm ; larg. 4,5 cm ; ep. env. 2,5 cm.
7 - Coin en pointe, instrument de calfatage. Tikao. L’encoche proximale servait à relier le coin au maillet par une cordelette. Long. 11
cm ; diam. env. 2 cm.
L.G. Seurat 1905 a, p. 246 : “les trous dans lesquels passaient les
cordes de nape étaient bouchées avec un tampon en bourre de coco,
enfoncé à l’aide d’une cheville en bois de mikimiki appelée tikao (fig.
17) sur laquelle on frappait avec le patupatu.” Seurat ajoute qu’il a pu
se procurer ces instruments dans “l’île Fagatau”, ce qui prouve leur
authenticité et leur valeur historique autant qu’ethnologique. K.P. Emory,
1975, pp. 144-147. Fig. 117-118.
8 - et 9 - Deux lames en os de tortue. Karahi. Fangatau. En forme
d’herminettes plates, avec biseau et tranchant. Instruments à calfater,
peut-être aussi pour ouvrir les joints, comme nos fers à calfater. 8 :
Long. 12,5 cm ; larg. 4,5 cm ; ép. 0,6 cm. 9 : Long 13,5 cm ; larg. 5,4
cm ; ép. 0,5 cm.
10 - Râpe en peau de raie ou de requin. Iku. Complète. Long. 27
cm ; diam. 3,4 cm.
Pour la finition du travail du bois dans la construction des pirogues.
Dans son article sur l’archipel des Tuamotu, L.G. Seurat a fait une liste
des outils utilisés autrefois ou de son temps. Il a décrit et illustré, parmi
ceux-ci, le “vilebrequin” ou perçoir à volant. Malheureusement, cet instrument, dont il explique si bien le fonctionnement ne fait plus partie de la
collection. Ce type de perçoirs était encore utilisé à Rangiroa dans les
années 1960, par des pêcheurs, pour la fabrication des leurres à bonites,
302
N°296-297 • Février-Juin 2003
parce qu’ils risquaient moins que des outils métalliques de fendre ou briser la nacre. Par contre, Seurat n’a pas mentionné les ciseaux en tridacne
façonnés autrefois dans les Tuamotu orientales et n’en a pas conservés,
pas plus que des herminettes de la même matière, qui peuvent être considérés comme des objets “ archéologiques “, car dans l’ensemble sa collection est représentative, comme il l’a dit lui-même, de la fin d’une
époque et non des périodes plus lointaines qui précèdent la colonisation.
L’habitation : instruments pour faire les toitures
Au début du XXe siècle, on utilisait toujours les “aiguilles” servant à
confectionner les toitures de pandanus. Seurat a décrit en détail la fabrication des ces “bardeaux” ou raufara à l’aide d’une aiguille en os de
cachalot et d’un crochet en os de baleine : les feuilles, lissées, étaient
repliées et “cousues” sur des baguettes de bois. Il mentionne aussi une
sorte de “capuchon” que portaient les anciens Paumotu pour braver les
intempéries129 : les feuilles de pandanus étaient percées avec les mêmes
instruments, mais pour plus de souplesse, elles étaient réunies par de la
corde. Ces objets sont très rares dans les musées et les collections privées. Pourtant, dans les années 1930, les habitants de Reao savaient
encore les faire [voir p. 123]
11 - Instrument pour la confection des toitures en Pandanus (thatching needle) - auoto. En os de cachalot effilé. Une des extrémités avec
encoche est cassée. Ces crochets servaient à traverser les feuilles de pandanus avec des cordes et les fixer sur les chevrons de la toiture. Long.
49 cm ; larg. Max. 2 cm ; ép. Env. 1 cm.
12 - Aiguille à deux pointes en os de cachalot, sans perforation.
Pour percer les feuilles de pandanus et former des pans de toitures en
les repliant sur elles-mêmes et en les maintenant avec des baguettes. Ou
bien aiguille pour traverser et fixer la couverture sur la faîtière. Long.
26,5 cm ; larg. 2 cm. K.P. Emory, 1975, pp. 55-57, fig. 33, 29, 31.
129 L.G. Seurat, 1906, pp. 58-60. K.P. Emory, 1975, chapitres II à V. Sur la construction des
pirogues et des maisons, les outils utilises et les techniques, cf. dans l’Encyclopédie de la
Polynésie, vol. 5, “La vie quotidienne dans la Polynésie d’autrefois”, Gleizal ed. Papeete 1987,
les articles d’Eric Conte et de Catherine Orliac
303
Les ornements corporels
Les vêtements et les parures étaient constitués essentiellement de
matières périssables, fibres végétales, feuilles, plumes… et sont donc
peu représentés dans les collections. L.G. Seurat a mentionné les cuirasses en peau de requin et les couronnes en plumes des guerriers. Le
collier qu’il a recueilli, bien qu’incomplet, est exceptionnel : par chance, il est personnalisé, ce qui lui donne aussi une valeur historique. “Le
plus brave d’entre les guerriers, ou chef de ceux-ci, portait comme insigne du commandement un collier… formé de plaques semi-circulaires
de nacre, découpées chacune dans une valve d’huître perlière à l’aide
d’une scie en peau de requin ; nous avons pu nous procurer à Hao un
de ces colliers ayant appartenu à Munanui, ancien roi de cette île.”
13 - Elément de collier de nacre, kanaenae, avec trois perforations. Cassé à la base. Haut. 6, 8 cm ; larg. 6,5 cm.
L.G. Seurat, 1905 b, pp 288-289. Ces pièces de nacre étant très minces et fragiles, il est très probable que celle-ci faisait partie du collier
acquis à Hao. Pour ce même type d’ornements, K.P. Emory, donne le mot
kanaenae que l’on trouve également dans les dictionnaires de E. Tregear
(1894) et de Stimson et Marshall. Il s’agit probablement d’une erreur de
transcription dans le texte de Seurat. K.P. Emory,1975, pp. 89-91.
Préparation de la nourriture
14 - Fragment de râpe à coco en nacre (ioro) portant une inscription : “Rape à cocos. I. Mangareva. 1902. L.G. Seurat”. Dimensions : 6
x 6 cm. Râpe mobile pour préparer le lait de coco.
Probablement un objet archéologique de surface. D’après P. Buck
– Te Rangi Hiroa130 ces râpes à bord distal dentelé étaient utilisés dans
les temps anciens. Par la suite, elles ont été ensuite remplacées par les
râpes “dormantes” fixées sur un support comme dans les îles hautes.
[voir p. 165]
130 Ethnology of Mangareva, Bishop Museum Bull. n°157,1938, et 1971, pp. 201-202, fig. 9
304
N°296-297 • Février-Juin 2003
Engins de pêche :
les hameçons
La collection Seurat montre un large éventail des hameçons simples
ou composés que l’on pouvait encore trouver à l’est des Tuamotu au tout
début du vingtième siècle. Dans son article sur les engins de pêche, L.G.
Seurat a dessiné des hameçons dépourvus de ligne pour que la tête et le
haut de la hampe soient bien visibles. Il est probable que, dans certains
cas, les empiles et bas de lignes ont été fait après, à la demande de l’auteur, par des pêcheurs qui connaissaient encore les techniques anciennes.
Les plus originaux de ces hameçons sont ceux qui étaient utilisés
pour la pêche des murènes. Un exemplaire non monté (n° 15) montre
qu’il n’y a pas à proprement parlé de “tête” d’hameçon, l’extrémité proximale se termine en pointe lisse. On voit sur les autres exemples que la
ligne entoure la hampe sur laquelle elle est fixée directement, sur
presque toute la longueur de celle-ci, par une ligature serrée. Les hampes ne semblent pas porter d’encoches pour faciliter la fixation, comme
celles qui ont été représentées par Emory (fig. 171). La solidité et la souplesse de l’assemblage sont assurées par de légères dépressions latérales sur une partie de la longueur de la hampe et par des “coussinets”
longitudinaux placés sous la ligature. Cette méthode de fixation est à
comparer à celle des anciennes herminettes. Sur les hameçons à hampe
courte, le bas de ligne est retenu par les protubérances ou les encoches,
le plus souvent externes, de la tête.
Les éléments de typologie et la terminologie de l’hameçon comme
on l’a dit plus haut, sont empruntés à José Garanger, 1965. K.P. Emory,
puis Eric Conte ont développé les descriptions de ces hameçons anciens
des Tuamotu et les ont comparées aux indications de leurs informateurs
et à des usages plus récents.
Hameçons à murène
L.G. Seurat a for bien décrit les différentes catégories d’hameçons à
murènes qu’il avait appris à distinguer, selon qu’ils provenaient de Reao
ou de Hao. Emory, en le citant a repris la même classification pour l’île
de Napuka (205, fig. 171) et représenté des hameçons bruts, de sorte
305
qu’il est facile de comparer les différentes formes et de remarquer les
fines encoches qui parfois étaient aménagées sur la hampe pour la fixation de la ligne. D’après Seurat “ces hameçons, désignés sous le nom de
reke, étaient en os de cachalot ou de baleine, substance très résistante.
La région où était attachée la ligne de pêche, et une partie de celle-ci
étaient entourées de cordes faites avec les racines latérales aériennes du
pandanus kueke de façon à empêcher la murène de couper la ligne.” on
reconnaît le souci de précision de l’auteur et on sait avec quelle puissance et quelle ténacité les murènes peuvent mordre tout ce qui se présente. A Reao, une seule forme d’hameçon à murène, appelé karekereke, était utilisée. A Hao, au contraire, les habitants distinguaient trois
sortes de reke : “1° Fakapua (fig. 11). C’est la forme la plus généralement adoptée ; l’hameçon est arrondi, et sa branche libre se termine
par une pointe à peine courbée du côté externe. Cet engin de grande
dimension (6cm de longueur), convient pour prendre les murènes qui
ont déjà été piquées par l’hameçon.” Mais déjà ces fakapua étaient faits
en fer, la ligne étant protégée avec de l’étoffe. 2° Pihoro – la branche
libre de cet hameçon était très écartée de l’autre branche et un peu relevée ; le pihoro convient pour les murènes qui n’ont pas encore été
piquées et qui saisissent l’appât avec voracité.” Une troisième catégorie
nommée tira, servait à prendre les murènes de très grande taille : la
pointe de l’hameçon est légèrement courbée vers la hampe ; tout en restant très écartée.131 Bien que Seurat n’y fasse pas allusion, semble-t-il, ces
hameçons, surtout les plus courts étaient parfois fixés à une baguette de
bois dur, ce qui expliquerait peut-être, les noms de karekereke ou tira.
Stimson et Marshall, pour le kere, indiquent qu’il s’agissait d’une gaffe à
poisson ou “gaffeau” (gaff-hook) : un appât était fixé au crochet de
cette hampe et présenté à la murène qui était crochetée et remontée. En
fait, plusieurs sortes d’hameçons étaient parfois nécessaires pour sortir
de leur trou ces poissons récalcitrants.
131 L.G. Seurat, 1905a, pp. 299-300. E. Conte (pp. 435-452) donne des explications détaillées
sur la pêche moderne des murènes à Napuka : lieux, méthodes, engins. D’après ses informateurs, au temps de Seurat, les hameçons en fer de type fakapua avaient encore une forme traditionnelle.
306
N°296-297 • Février-Juin 2003
15 - Hameçon à murènes, fakapua. Hao. Long. 19 cm. Avec ligature. La forme correspond au dessin (fig. 11) et à la description de Seurat.
16 - Hameçon à murènes, pihoro. Hao. Hauteur de la hampe, 13
cm.
17 - Hameçon à murènes, pihoro. Hao. Long 25,5 cm. Il reste un
doute sur la fonction exacte de cet objet. Même si le pihoro était destiné
à piéger “les murènes inexpérimentées et voraces”, la forme paraît un peu
atypique, la base trop pointue et la pointe trop courte. Il pourrait s’agir,
aussi, d’un crochet pour la construction des toitures en pandanus (cf plus
haut). Cependant, Emory a représenté une hampe en bois à crochet
presque aussi court et pointu, de 24,1cm de long (coll. Young, fig. 170 b)
Les autres hameçons simples de la collection, directs ou indirects
sont de petites tailles. Seul le n° 27 dépasse 10 cm. Tous correspondent
aux différents types décrits par Seurat et représentés par les figures 3 à
10 de son article sur les engins de pêche. On ne peut que reprendre sa
nomenclature (pp. 297-299)
Deux hameçons simples en écaille de tortue, provenant de Fangatau :
18 - Type numi kahoka, circulaire indirect (Seurat, 4°, fig. 8)
19 - Type kahoka, direct, en U. (Seurat, 4°, fig. 6)
Deux hameçons en nacre blanche
20 - Direct, en U, numi kahoka, (Seurat, 6°, fig. 8)
21 - Indirect type tangoro (Seurat, 2°, fig. 4)
22 - Bel hameçon circulaire, indirect, en nacre irisée, type tangoro (Seurat, 2°, fig. 4)
Quatre hameçons de nacre, simples.
23 - plus foncé que les autres, pourrait représenter le type numi,
à dard interne (Seurat, 1°, fig. 3)
24 - La pointe est cassée. Il n’était peut-être pas tout à fait circulaire, mais de type kao en U
25 - en belle nacre blanche, circulaire, tangoro. (Seurat, 2°, fig. 4)
26 - Forme rare, à ardillon de pointe externe. L’exemplaire de
Seurat, (koru, kotohe à Reao, 3° fig. 5) est reproduit par J.
Garanger (fig. 11b) et par K.P. Emory (fig. 162 d).
307
27 - Grand hameçon direct en nacre claire, épaisse, de type kavero (ou kaerekereke à Reao). (Seurat, 5°, fig. 7). On a vu que ce nom,
à Reao, correspondait à un hameçon à murènes, une fonction qui n’est
pas exclue pour ce solide hameçon de 10 cm de hauteur, qui pouvait
attraper plusieurs sortes de poissons.
Dans son article sur les engins de pêche, Seurat a donné quelques
indications sur au moins deux de ces hameçons simples en nacre, de
type traditionnel. La variété numi, par exemple, représentée par des
hameçons indirects, servait à “prendre les poissons qui ne mordent pas
franchement…” comme les carangues.
Le taue, qui ne fait pas partie de la collection, était utilisé “pour la
pêche des perroquets (scares).” Cet hameçon, de forme particulière, en
U, avec un court dard interne, a été illustré par Seurat, d’après les descriptions de ses informateurs. Il se rapproche de la variété numi. Il s’agirait d’un hameçon traditionnel dont la forme a inspiré les hameçons
en métal utilisés plus tard, à Napuka, notamment sous le nom de kariko. Seurat signale que les pêcheurs “prenaient les kokiri (balistes),
avec un hameçon de même forme, mais en bois de mikimiki Pemphis
acidula Forster), car ces poissons brisent les hameçons en nacre.” K.P.
Emory, puis E. Conte ont cité les informations de Seurat et les ont complétées par des comparaisons avec d’autres objets, essentiellement des
hameçons en métal, fabriqués localement.132
Cette partie de la collection nous permettant de connaître les noms
et la morphologie de quelques hameçons anciens en nacre, il paraît intéressant d’essayer de compléter ces informations par d’autres sources. Par
exemple, on trouve dans le dictionnaire de Stimson et Marshall les noms
de certains de ces objets traditionnels avec quelques indications sur leurs
utilisations. Pour les noms scientifiques des poissons, on se référera au
travail de Seurat lui-même (1906), ainsi qu’aux recherches de Goo et
Banner (G. et B.) Bagnis et alii (Bagnis ma) E. Conte et autres.
132 L.G. Seurat, 1905a, pp. 298-299, fig. 10. K.P. Emory, 1975, p. 202, fig 166 b. E. Conte, pp.
122-127 et figures. D’après les informations que j’ai trouvées au Musée de Papeete, un hameçon tahitien en métal assez semblable au taue, mais le dard est à peu près à la même hauteur
que la tête, servait à pêcher les ‘io’io, (Albula vulpes L.) avec une ligne de fond. A.L., La culture matérielle en Polynésie et les collection du Musée de Tahiti et des îles. 3 vol. multigraphiés,
Tahiti, ORSTOM, 1976, pp. 567-568, matau ‘io’io, pl. 63 1, n° 650.
308
N°296-297 • Février-Juin 2003
NUMI
Forme spéciale d’hameçon fait en nacre ou à partir du plastron
d’une carapace de tortue. On notera que Stimson et Marshall précisent
chaque fois qu’il s’agit de ces hameçons anciens, que c’est la partie inférieure de la carapace, les plaques ventrales ou plastron (breast-plate,
una aux Tuamotu) qui étaient utilisées, le mot “ écaille “ pouvant prêter à confusion. Ces hameçons étaient utilisés pour prendre les poissons
suivant parmi d’autres :
Ruhi, la carangue noire, Caranx lugubris Poey (Bagnis ma) ;
Caranx adscensionis Osbeck (G. et B)
Paruku Grosse carangue, carangue bleue, Caranx melampygus
Cuvier et Valenciennes (Bagnis ma) ou Caranx sp. (Bagnis, G et B.)
Pepe Jeune carangue ruhi
Corrélations : kao, taue, kavero, tangoro, reke, fakarau, toherua, c’est-à-dire les types décrits par Seurat, plus le fakarau : un bâton
à crochet pour prendre les tortues (mot récent) et le toherua, qui serait
une variante des formes numi et kao.
TANGORO
Variété d’hameçon en nacre ou fait dans la partie inférieure du plastron, una, d’une carapace de tortue. Pour pêcher toutes sortes de poissons, plutôt des poissons de coraux comme les rougets iihi ; peti,
Myripristis murdjan (Seurat, Bagnis, G et B) ou Myripristis sp. (E.
Conte). Peti ngurunguru, Myripristis kuntee Russel (Bagnis)
Kapio, non identifié.
KORU
et l’équivalent donné par Seurat pour Reao, kotohe, ne sont pas
cités par les autres auteurs.
KAHOKA
à Fangatau, cité par Emory comme équivalent du oka tika de
Napuka. (sur ce dernier, cf. E. Conte et sur cet hameçon nommé à Reao
takumakuma patiki ou kumakuma patiki, patiki étant la sole tropicale, cf. Emory.
309
KAVERO
Cet hameçon de nacre ou en carapace de tortue pêchait de nombreux poissons entre autres : Ahore, Kuhlia marginata Cuvier et
Valenciennes (Bagnis, E. Conte), patia, pêché surtout comme appât.
Utaki, pas identifié. Pakiriko (Seurat : pako, girelle), Thalassoma
purpureum Forskäll, girelle (Bagnis, Conte) Kotimutimu ou kotimu
Abdudefduf sordidus Forskäll, Abdudefduf septemfaciatus Cuvier et
Valenciennes (G. et B., Bagnis).
KUMA
Comme le mot koru, il n’est cité ni par Stimson et Marshall, ni par
les autres auteurs. Ces deux noms ne paraissent pas non plus, faire partie du vocabulaire de la pêche aux îles Ellice et Gilbert, devenues Tuvalu
et Kiribati. A comparer avec kahoka et kumakuma.
TAUE
Fait de nacre ou d’une plaque de carapace de tortue, una, il pouvait pêcher plusieurs sortes de poissons parmi lesquelles : Mu,
Monotaxis grandoculis Forskäll, la dorade tropicale. Kokiri (o’iri), les
balistes en général (Bagnis, 208-216). Kukina, scare, poisson-perroquet (Seurat). Scarus sp (G et B), Scarus ghobban Forskäll, “ perroquet crème “ (conte, Bagnis, uhu, kukina).
KIRITI et KIRITI MANGA
Ces mots ne sont pas définis comme des hameçons par Stimson et
Marshall, mais plutôt comme des fils de pêche ou les mouvements
brusques imprimés à une ligne. Manga apparaît à la fois comme un objet
fourchu, un gros hameçon à requin et un poisson, Promethictys prometheus, le mana tahitien, un poisson huileux de grands fonds comme le
‘uravena Ruvettus, mais il est possible qu’il y ait une confusion avec le
ono ou barracuda. Il est connu aux Tuamotu sous le nom de nako lorsqu’il est plus petit. A Napuka, manga et naho sont des noms pour la
carangue noire ruhi (Conte). Quoiqu’il en soit, il paraît difficile de trouver des correspondances aux descriptions de Seurat pour ces types.
310
N°296-297 • Février-Juin 2003
Les hameçons composés de la collection sont de trois sortes :
grands hameçons pour la pêche des requins, hameçon à Ruvettus,
hameçon à bonites classiques, avec cuiller ou leurre en nacre.
Trois hameçons de type numi, c’est à dire avec un dard interne à
peu près perpendiculaire au reste de la pointe, ou de type kao, sont en
bois ou en racine de mikimiki, Pemphis acidula. La pointe est rapportée, amincie à la base et fixée au corps de l’hameçon par une ligature
plus ou moins importante. Deux des hameçons ont une forme à peu près
en U avec une base courbe assez large. Ils étaient essentiellement fabriqués pour la pêche des requins dans le lagon. Pour la pêche au large,
on utilisait des hameçons plus grands. [voir p. 102]
Le troisième hameçon de ce type (n°28) est nettement triangulaire :
la hampe et la pointe divergent fortement en formant un V. E.W. Gudger
(1927), dans son étude sur les hameçons à requin et à Ruvettus, a défini une catégorie mixte d’hameçons utilisés à la fois pour la pêche des
requins et celles des Ruvettus. Pour appuyer son argumentation, il a cité
les travaux de Seurat (1905, 296). Je traduis (pp. 247-248) : “le
Docteur L.G. Seurat, un naturaliste français qui résidait aux Tuamotu, a
publié un article qui confirme la réalité de ces hameçons intermédiaires. Le dessin d’un hameçon qu’il a obtenu dans l’île de Fangatau est
frappant et je le reproduis ici (Fig. 30). Cet hameçon est fait du bois de
l’arbre miki-miki, avec une barbe ligaturée en même matière : il mesure 8,8 pouces de long (22,3 cm) et 7 pouces de large (mesure externe
apparemment, 17,8 cm). Les autres hameçons étaient plus larges. La
pointe du dard est largement séparée de la hampe, mais se trouve dans
le même plan, c’est à dire qu’il pointe directement vers elle. La ligne est
solidement attachée à l’intérieur du sommet de la hampe. En définitive,
on a la courbure arrondie, en forme de U, de l’hameçon à requin
typique et ce qui a été défini comme la pointe de l’hameçon à Ruvettus.
Sur son utilisation, Seurat nous dit que quand il était à Fangatau les
habitants l’utilisaient encore pour pêcher des requins, en dépit du fait
qu’ils pouvaient se procurer des hameçons de métal. Le dard pointu
entrait facilement dans les ouïes du requin en le maintenant fermement.
Gudger cite alors directement Seurat pour préciser que les hameçons de
311
ce type étaient nommés kao à Fangatau et maga à Reao. Et Seurat ajoutait une précision importante, à savoir que ces grands hameçons de bois
étaient aussi utilisés pour pêcher un poisson énorme appelé Uravena
(Ruvettus preciosus Cocco) qui vit à de grandes profondeurs.
Sans affirmer catégoriquement que Gudger avait tort de penser que
l’on pouvait combiner avec un même hameçon des pêches aussi différentes que celle des requins et celle des Ruvettus, on est amené à faire
quelques remarques. En effet, assez curieusement, l’hameçon reproduit
par l’auteur n’est pas le véritable hameçon triangulaire à Ruvettus (n°28)
de la collection Seurat, mais bien l’hameçon à large courbe, comme ceux
qui sont connus pour la pêche des requins (n°30). Dans le texte cité,
Seurat utilisait bien le nom de ‘Uravena donné par les Tahitiens au
Ruvettus. Il avait noté également (d’après Hedley) qu’à Funafuti, dans le
groupe des Ellice, aujourd’hui Tuvalu, ce poisson se nomme palu et que
pour les habitants des Tuamotu, le nom général des poissons est paru.
“mot qui se prononce de la même façon que palu”. Ce terme est utilisé
dans le Pacifique occidental, mais il paraît exceptionnel dans ce sens en
Polynésie orientale où le mot général pour poisson est i’a ou ika (également utilisé aux Tuamotu). Paru serait plutôt l’amorce (à base de poisson
ou non) dont on se sert pour pêcher. Palu est un terme général pour désigner les poissons de grandes profondeurs en Polynésie du nord-ouest
(Tokelau), un poisson qui meurt quand il arrive près de la surface
(Futuna). A Tahiti et dans la Polynésie de l’Ouest, palu ou paru désigne
aussi des sortes de perches de mer, Aphareus, sp. On ne sait si les Ruvettus
ont pu prendre le même nom à cause de leur forme ou si n’ayant pas de
nom traditionnel aux Tuamotu, on les appelait simplement “poissons”. Ces
quelques considérations donnent raison à Emory (1975, p. 206) qui pensait, à la suite de Nordhoff, que la pêche au ‘uravena avait été récemment
introduite aux Tuamotu par des pêcheurs venus des îles Cook ou des
Gilbert (Kiribati). Il est même possible que l’hameçon n°28 ne soit pas d’origine paumotu, sa facture étant un peu différente, en particulier par le
mode de fixation du bas de ligne qui n’est pas interne comme sur les deux
autres modèles ou sur les exemplaires qui ont été reproduits dans l’ouvrage d’Emory, mais directement dans le prolongement de la hampe.
Il faut remarquer aussi que le Ruvettus se pêche à très grande pro312
N°296-297 • Février-Juin 2003
fondeur, avec une plombée détachable, alors que le requin était plutôt
surpris en surface, comme le décrit très bien Eric Conte dans sa thèse,
1988, vol. 1, 2° partie, pp. 209-222.
28- Hameçon pour la pêche du Ruvettus preciosus Cocco uravena – en bois, à pointe rapportée, le dard étant perpendiculaire à la
hampe et son extrémité très proche de celle-ci. L’attache de la pointe et
celle du bas de ligne sur la tête de l’hameçon sont invisibles, étant très
finement et régulièrement surliées par une cordelette bien faite. L’empile
est dans le prolongement direct de la hampe. (L’hameçon est accroché
au mur et les dimensions n’ont pas été prises- environ 20 cm à vérifier)
29- Hameçon à requin en bois de mikimiki, Pemphis acidula, à
pointe rapportée avec dard interne, plus haute que la hampe. Forme en
V. Le haut de la tête est visible au-dessus du rétrécissement de la hampe
et d’une courte surliure. La fixation du bas de ligne est nettement interne. L’hameçon est peut-être assez ancien et usagé. Hauteur : 17 cm.
30- Hameçon à requin assez grand, à large courbure, en bois de
mikimiki. Pointe rapportée à dard aigu. L’attache interne surliée est
semblable à celle du n°29. La ligne est faite d’une très belle tresse.
L’objet est aussi, probablement, assez ancien et usagé. Hauteur : 22 cm.
Largeur 18 cm. [voir p. 113]
Trois beaux hameçons à bonites complets, kaviti, classiques, à
hampe de nacre formant leurre et pointe en os à une perforation.
31- 11 cm. La ligne est en fibres de bourre de coco tordues.
32- 12 cm. La pointe est plus large que sur l’exemplaire précédent.
Corde importée ou en fibres très fines, peut-être de Pipturus argenteus
ou de racines de pandanus.
33- 9 cm. On distingue un reste de leurre ou “mouche” en fibres à
la base de la hampe et de la pointe.
La collection comporte aussi des cordes et des tresses en fibres de
bourre de coco ou autres fibres, de différentes grosseurs, ayant pu servir de modèles de lignes de pêche, de cordages pour assembler les
divers éléments de pirogues, fixer les “tuiles” en pandanus, etc. Dans sa
totalité, elle est assez représentative des techniques traditionnelles
nécessaires à la vie quotidienne des populations qui vivaient autrefois
313
sur les atolls des Tuamotu, ainsi que des matériaux dont les habitants
disposaient pour les mettre en œuvre. La collection, qui comprend
quelques pièces rares, est complétée et bien documentée par les écrits
de L.G. Seurat et par sa connaissance de ces îles. Celui-ci a laissé des
précisions d’ordre chronologique qui aujourd’hui sont précieuses :
abandon des hameçons simples en nacre et en plaques de carapace de
tortue, continuité de la pêche des requins avec hameçons en bois dans
certaines îles, persistance des pointes en os sur les hameçons pour la
pêche des bonites, alors qu’à Tahiti les pointes en métal les ont remplacées depuis longtemps. Il a donné quelques indications sur l’environnement culturel dans lequel se déroulaient des opérations techniques,
comme l’abattage d’un arbre, favorisé par un chant dit “d’une façon saccadée”. C’est aussi en langue paumotu, avec la traduction française, que
nous suivons, dans un autre chant, les gestes du pêcheur, fixant l’hameçon à la ligne, le jetant à l’eau et attrapant le poisson. Ce dernier, ainsi
que l’hameçon sont honorés d’un nom propre.
Cet ensemble, par sa cohérence, reste incontestablement une référence pour tous ceux qui s’intéressent à l’évolution des sociétés et des
techniques en Polynésie.
Anne Lavondès
Photo A. Lavondès
Conservateur honoraire du Musée de Tahiti et des îles
Ethnologue retraitée de l’ORSTOM (IRD)
Hameçons à nacre (23, 24, 26 - A.L.)
314
N°296-297 • Février-Juin 2003
BIBLIOGRAPHIE
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SEURAT L. G., “Vocabulaire des termes d’histoire naturelle (Animaux et plantes)
dans les Dialectes tahitien, tuamotu, mangarévien et marquisien”, Revue de linguistique et de philologie comparée. Paris, T. 39, 1906, pp. 121-138 et 153-163.
SINOTO Yoshihiko H. et Marimari KELLUM, “Hameçons récoltés aux Tuamotu occidentales”, Journal de la Société des Océanistes, N°21, Déc. 1965, Paris, pp. 145149. PL. XVII et fig. 1.
STIMSON J. Frank with the collaboration of Donald Stanley MARSHALL, A
Dictionary of some Tuamotuan Dialects of the Polynesian Language, Peabody
Museum of Salem (Mass.) et the Hague – Martinus Nijhof, 1964.
Photo A. Lavondès
TREGEAR Edward, “A Paumotu Dictionary”, Journal of the Polynesian Society. Vol.
2, 1893, pp. 195-202 ; vol. 3, 1894, pp. 1-8, 51-58, 113-120, 179-186 ; vol. 4,
1895, 1-16, 73-88, 157-160.
Lames en os de tortue
(8,9 - A.L.)
316
Pour ne pas épiloguer…
Ce Bulletin “Seurat” est né d’une rencontre, celle des souvenirs
d’une enfance algérienne de Frédérique Edard de Laplante racontés lors
de soirées de musique classique, et celle d’une exigence rendue possible grâce à Silvère Seurat, réunir en un ouvrage unique, un siècle plus
tard, les articles connus, méconnus et surtout dispersés d’un naturaliste
à la curiosité encyclopédique, Léon-Gaston Seurat.
Partir aux Gambier en 1902, installer à Rikitea une station scientifique vouée à l’étude de l’huître perlière, décrire la vie naturelle mais
aussi s’intéresser aux hommes, aux histoires des temps anciens et aux
chants qui rythment leur vie quotidienne ; s’attacher à décrire la faune et
la flore, mais aussi les outils des îles éloignées, voilà un parcours inhabituel et exemplaire d’un homme qui s’intéresse à tout ce que mesurent ses
instruments et à tout ce qu’il y a autour. Ainsi dès 1904 le pionnier de la
perliculture moderne attire l’attention des autorités locales sur les gestes
nécessaires pour pérenniser la pêche de la nacre, et l’arrêté du gouverneur du 8 décembre 1904, qui réglemente la campagne de 1905, reprend plusieurs des propositions formulées par l’homme de science.
Comme l’écrira plus tard son fils Silvère, “mon père a largement
débordé cette mission prioritaire - étudier l’histoire naturelle de l’huître
perlière - en ouvrant le champ du naturaliste à l’environnement. L.-G.
Seurat s’est fait écologue (terme proposé en 1856 par Haeckel, un zoologue allemand) avant que ce ne soit la mode. Il y a convergence entre
le chercheur qui propose et le législateur qui dispose.”
Présenter au lecteur d’aujourd’hui les travaux polynésiens de L.-G.
Seurat parfois “enfouis sous la poussière du Muséum d’Histoire naturelle”,
317
c’est aussi avoir voulu juger de leur valeur : Bernard Salvat, Louis Euzet
et Anne Lavondès témoignent de l’éternelle actualité et validité des travaux scientifiques.
Mis en chantier il y a quatre ans, ce Bulletin n’aurait jamais vu le
jour sans l’amicale impatience de Silvère Seurat, qui a bien voulu mettre à notre disposition des articles introuvables à la bibliothèque de notre
Société et des documents familiaux inédits, et sans l’obstination méthodique de Simone Grand.
Nous espérons que ce Bulletin L.-G. Seurat, un naturaliste en
Océanie 1902-1905, le premier de ce genre, inspirera tous ceux qui,
partis étudier une histoire naturelle, recueilleront avec respect l’histoire
des hommes et leurs mythes, tous ceux qui jetteront un pont entre les
sciences “dures” et les sciences “molles”.
Nous aimerions aussi espérer que ce Bulletin puisse servir d’introduction à une future exposition à Tahiti des objets1 ramenés il y a un siècle par Léon-Gustave Seurat en France…
Photo A. Lavondès
Le président
Elément de collier
(13 - A.L.)
1 Anne Lavondès a mis à la disposition de la Société ses photos : ce Bulletin ne donne qu’un
avant-goût de la valeur muséographique et esthétique des outils des anciens Pau’motu. Nous
la remercions tout particulièrement pour le catalogue et les illustrations qui l’accompagnent.
318
Photo A. Lavondès
Photo A. Lavondès
Hameçon à requin
(29 - A.L.)
Hameçons à murènes
Pihoro (16-17 - A.L.)
PUBLICATIONS
DE LA SOCIETE DES ETUDES OCEANIENNES
Prix réservés aux membres - En vente au siège de la Société, aux Archives Territoriales
•Dictionnaire marquisien “Dordillon 1904”
1.500 FCP
•Dictionnaire de la langue tahitienne,
par Tepano Jaussen (9ème édition)
•Catalogue des titres parus aux Bulletins de la S.E.O.
1917 - 1997
1.500 FCP
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au temps du Protectorat (1842-1880),
par Raoul Teissier
1.000 FCP
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1.000 FCP
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(numéro spécial 1885-1985)
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•Moruroa, aperçu historique 1767-1964,
par Christian Beslu
1.000 FCP
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par Mai'arii
1.000 FCP
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par P. O'Reilly
1.500 FCP
•Mémoires de Marau Taaroa,
par Takau Pomare
1.500 FCP
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par Emile de Curton
1.000 FCP
•Archéologie des Nouvelles-Hébrides,
par José Garanger
3.000 FCP
•Alexandre Salmon et sa femme Ariitaimai,
par Ernest Salmon
1.500 FCP
•Collection des numéros disponibles des Bulletins de la S.E.O. : 200.000 FCP
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 296-297