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BULLETIN
DE LA SOCIETE
DES
ETUDES OCEANIENNES
N°292 / 293 • Janvier / Juin 2002
ARCHEOLOGIE
SOUS-MARINE
BULLETIN
DE LA SOCIETE
DES
ETUDES OCEANIENNES
(POLYNESIE ORIENTALE)
N°292 / 293 • Janvier / Juin 2002
Sommaire
Les canons et les obusiers du Port Autonome de Papeete
Robert Veccella................................................................................................. p. 2
Les vestiges de Amanu
Max Guérout...................................................................................................... p. 12
Le naufrage du Julia-Ann en 1855 sur l’atoll de Scilly,
et la recherche archéologique subaquatique des vestiges
Robert Veccella.................................................................................................. p. 24
La marine marchande chilienne
et la guerre avec l’Espagne (1865-66)
Diego Carabias................................................................................................... p. 40
Fouille de l’épave du Francisco Alvarez à Mangareva et inventaire
du patrimoine archéologique sous-marin de l’archipel des Gambier
Max Guérout, Robert Veccella, avec la participation de Diego Carabias............ p. 44
Un long voyage du 11 mars 1868 au 29 janvier 1869............................ p. 66
Les ventes du matériel sauvé de l’épave du Francisco Alvarez............. p. 72
Annexes de 1 à 16......................................................................................... p. 93
Les canons et les obusiers
du Port Autonome de Papeete
Depuis 1992, des travaux d’aménagement et de modernisation des
installations portuaires entrepris par le Port Autonome de Papeete ont
nécessité l’enlèvement de plusieurs canons servant de bitte d’amarrage.
Sur une photographie prise en 1909 lors du déchargement du
Versailles, on peut voir les aussières du navire frappées sur des canons.
De nos jours, 15 pièces d’artillerie servent encore à l’amarrage des
navires civils ou militaires qui font escale au quai des paquebots. Leurs
amarres sont retenues aux volées1 de canons dont la culasse et les
renforts sont pris dans le béton des gabions2. Les lignes qui suivent
décrivent quatre pièces en bon état qui ont été extraites de leur
fondation et quinze autres qui sont encore fichés dans le sol (Fig. 1).
Dans un article paru dans la revue “Cols Bleus”, le Contre Amiral
Moulin indique en note qu’il serait intéressant de savoir si en France et
dans les ex-colonies, il reste d’autres canons obusiers (…)3 à la Paixhans.
Nous avions déjà entrepris nos travaux d’inventaire archéologique
maritime de la Polynésie française et l’étude des vestiges que nous
pouvions trouver à terre (ancres, canons, chaudrons, etc.) lorsque la
phrase précédente vint renforcer notre intérêt pour la question.
1 Pour la terminologie se reporter à la figure 7 en fin d’article.
2 Ce qui explique le bon état de conservation des canons qui ont été retirés, la partie inférieure
n’a pas ou peu de contact avec les agents atmosphériques ou l’eau de mer (protection due au
béton), en partie haute d’épaisses couches de peinture (rouge et blanche) les signalent et les
protègent de la corrosion.
3 Moulin, 1995 p. 7.
Figure n° 1 :
plan de situation des canons de l’ancien Quai des Paquebots à
Papeete
Au lendemain de la chute de l’Empire, un artilleur de talent, le chef
de bataillon Joseph Henri Paixhans, présente en 1819 le résultat de ses
travaux entrepris depuis 1809 : recherches portant sur un type de
bouche à feu, de la longueur d’un canon et utilisant des projectiles
explosifs sphériques de gros calibre. J.H. Paixhans dénomma cette
bouche à feu : canon à bombes et plus tard obusier. On gardera le nom
de canon obusier à la Paixhans4.
Le canon de 0,22 modèle 1827 est le premier type adopté
réglementairement, cette bouche à feu est également dénommée canon
obusier de 80, ceci en supposant l’emploi d’un boulet massif dont le poids
pour ce calibre aurait été de 80 livres5, alors que le poids de l’obus chargé
n’est que de 27 kg environ. Ce n’est qu’en 1837 que l’on emploiera la
désignation de 0,22 (à la suite de la loi du 4 juillet 1837 rendant obligatoire
l’emploi des mesures métriques) ; auparavant, ce canon obusier était dit
de 8 pouces. Les premières pièces de ce type ont été coulées en série à
partir de 1830. Mais ce n’est qu’en 1837 qu’une ordonnance légalisera
l’emploi de l’artillerie Paixhans dans la Marine de l’époque.
Le temps des grands progrès6, groupés et complémentaires,
changea fondamentalement la construction navale et la guerre sur mer,
et rendit les canons obusiers Paixhans obsolètes très rapidement. Pour
s’en convaincre, il suffit d’examiner les deux canons qui flanquent le
buste de Bougainville du square près de l’Office des postes à Papeete.
L’un, une pièce de 100 modèle de 1893 révisé en 1897 de 1725 kg.
Il appartenait à la canonnière Zélée qui coula en 1914 dans la rade.
L’autre, un canon allemand de 1899 des célèbres usines allemandes
Freid Krupp qui appartenait au corsaire Seeadler, le fameux célèbre
corsaire qui fit naufrage en 1917 à Mopelia. D’un design inspiré de l’ère
industrielle et du machinisme, les lignes sont effilées, les assemblages
4 D’après Boudriot, 1992 p. 116.
5 40 kg.
6 Les grands progrès furent les canons rayés se chargeant par la culasse, et les grandes
distances de tir, le cuirassement des navires qui imposait la propulsion à vapeur et l’hélice, la
construction “en fer” des bâtiments de combat.
4
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sont boulonnés, les réglages en hauteur et en direction se font par des
systèmes mécaniques. Ils étaient placés sur des pivots métalliques qui
leur assuraient une plus grande mobilité. L’utilisation de munitions en
cartouche (obus cylindrique à ogive pointue) et le chargement par la
culasse en augmentaient la rapidité d’utilisation.
Tous les modèles 0,22 confondus modèles 1841 1842 et 1849
représentent moins de 2% de l’ensemble des bouches à feu construite
durant cette période. Le dernier modèle de canon à âme lisse se
chargeant par la bouche a été adopté en 1856. C’est-à-dire qu’en
l’espace de quarante années, l’artillerie a changé plus rapidement de
physionomie, de technique et d’efficacité qu’au cours des deux cents
années précédentes.
Fig.2
1° canon type 30 long modèle 1820 – Ruelle
La première pièce (Fig.2)
que nous décrivons, a été fondue
dans les forges de Ruelle7, c’est un
canon de 30 long du modèle 1820,
outre les dimensions, deux détails
permettent une confirmation
certaine : la présence d’un anneau
de brague fermé et de moulures
(en particulier l’astragale de
lumière) sur le premier renfort.
Les dimensions réglementaires de ce modèle sont : diamètre de
l’âme du canon = 164,5 mm, longueur = 283,5 cm, poids = 6 200,00
livres. Le poids indiqué sur l’un des tourillons est de 6 328 livres, sur
l’autre le N°2 indique le rang dans la coulée.
7 Les fabriques Nevers et Ruelle seront historiquement parmi les plus importantes et
principales fonderies de la Marine. Nevers est actuellement la préfecture de la Nièvre au
confluent de la Loire et de la Nièvre, elle fut une création révolutionnaire et fonctionna jusqu’en
1850. Ruelle est une commune de Charente de l’agglomération d’Angoulême. C’était une
industrie privée à laquelle la Marine faisait appel pour la fabrication des canons de fer. Elle
devint propriété royale en 1776, en 1840 la fonderie de Rochefort y fut transférée. Leur
situation géographique au milieu des terres s’explique par l’emploi du charbon de bois et la
proximité des forêts. D’après Boudriot 1968 p 28.
5
Fig.3
2° canon obusier 0,22 modèle 1841 – Nevers
Fig.4
La seconde pièce (Fig. 3),
fabriquée à Nevers, est un canon
obusier à la Paixhans de 0,22
modèle 1841 avec un anneau de
brague ouvert et un support de
fronteau de mire placé en avant du
renfort.
Par suite de multiples aménagements de la plage du quai des
yachts près de l’embouchure de la
rivière Vaiami, le troisième canon
(Fig. 4), avait perdu tout usage
maritime. Les murettes qui
l’entouraient empêchaient toute
possibilité de passer l’œil des
amarres. Son extraction a été
rendue nécessaire en raison de
travaux de génie civil.
3° canon obusier 0,22 modèle 1827
Ruelle 1837
Ce canon est un canon obusier
à la Paixhans de 0,22 modèle 1827. Il faut noter qu’il ne possède pas
comme le modèle type, l’anneau de brague fermé mais ouvert comme les
modèles 1841. Autre différence à souligner, le départ du canal de lumière
est circulaire au lieu de la forme de poire classique. La forte saillie du
fronteau de mire sur la plate-bande de la bouche reste conforme au modèle
type. Le diamètre de la bouche 0.24, supérieur de 2 cm au diamètre de
l’âme s’explique par un évasement. Les inscriptions que l’on retrouve sur
le cul-de-lampe sont : N° 25 P 3679k.2 F. AN 1 837 RUELLE. Vingt
cinquième de la coulée, son poids est indiqué en kilogramme : 3679. Nous
ne connaissons pas la signification de 2F8. Il a été coulé en 1837 à Ruelle.
8 Sur le premier canon de la Pointe de l’artillerie à Nouméa, nous avions relevé les indications
suivantes : NEVERS 1837 9 F N°(illisible) P 1 370 K. Le F avec un chiffre devant est présent, il
est à remarquer que si la fonderie est différente, par contre l’année est la même. Sur le second
canon, les marques sont N° 92 F P 1 (5 possible) 97 (NEVERS possible) 1838. On peut
également observer le 2 F à la suite du N° 9.
6
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Fig.5
4° canon : obusier 0,22 modèle 1827
Ruelle 1829 (avec son affût reconstitué)
Enfin, le quatrième (Fig. 5),
est un canon obusier à la Paixhans
de 0,22 modèle 1827. Les
inscriptions que l’on peut voir sur
les tourillons sont “P 7 551” qui
indique son poids en livres (3 750
kg environ) et “N° 5” qui indique
sa position lors de la coulée. Sur
le cul-de-lampe, il est inscrit
“RUELLE AN 1829”. Il est à noter
qu’il s’agit de la date la plus
ancienne de la série.
Tableau N°1 : caractéristique dimensionnelle des quatre canons
9 Les dénominations des tourillons sont données en se positionnant à l’arrière du canon.
10 Au-dessus de l’indication 770, une inscription dans une taille de police plus petite,
difficilement lisible, semble être un “ 2 “.
7
Ces canons sont destinés à orner l’entrée des bâtiments
administratifs du Port Autonome et le quai de Vaiare à Moorea. Ils ont
reçu comme seul traitement un sablage et ils ont été enduits avec une
peinture contre la rouille. Ces opérations ont été réalisées par une
entreprise locale spécialisée en peinture industrielle.
Des affûts ont été dessinés par le bureau d’étude du Port Autonome
à partir d’une reproduction d’un plan d’époque détaillé que nous leur
avons transmis. Ils ont été réalisés en bois dans un premier temps par
les services techniques de cet établissement public puis en béton pour
résister aux attaques des insectes xylophages.
Fig.6
Détail des tulipes des bittes d’amarrage
du quai des paquebots - Papeete
Quinze autres canons servent
à frapper les amarres des navires
au quai des paquebots. Ils sont
tous fichés dans le sol, la tranche
de la bouche vers le ciel, les volées
des canons dépassent d’environ
50 à 60 et 70 à 85 cm du bitume
en raison leur inclinaison. Leur
examen a permis de définir deux
familles (canon et obusier) avec
chacune un type de tulipe (ou
fronteau) différent et une variante
caractéristique du viseur pour le
canon de type 4 (Fig. 6).
Les obusiers (N°1, 2 et 15)11 sont identifiables par leur fort
diamètre de leur bouche (Ø 24 cm, la gueule est évasée de 2 cm par
rapport à l’âme du canon qui est de 22 cm) et de leur volée, et par leur
fronteau de mire : celui du N°2 est différent de deux autres en raison de
son retrait par rapport au plan de bouche. Par comparaison avec la
typologie des tubes, il est probable qu’il s’agit de pièces d’artillerie du
type 0,22 modèle 1827 ou 1841.
11 L’ordre des numéros du tableau synoptique correspond à leur position sur les quais du nord
au sud (Fig. 1).
8
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Les canons ont deux diamètres de bouche et deux types de volées
différents avec une variante pour le type 4, le N° 5 n’a pas de glissière
pour le viseur.
Le type 4 n’a pas d’astragale de volée, la courbe et la contre-courbe
de la tulipe ne dépassent pas 15 cm de longueur, la bouche est marquée
par une simple couronne de 6 cm de large et 1,5 cm d’épaisseur. Le
diamètre de l’âme à la bouche est de 17 cm environ.
Le type 3 a une d’astragale de volée en plate-bande (largeur 3,5
cm) qui délimite la tulipe. La mouluration de sa tranche de bouche est
double. Le diamètre de l’âme à la bouche est de 16 cm environ.
Ces rares éléments ne permettent pas pour l’instant d’identifier avec
certitudes le modèle, mais il pourrait s’agir (avec beaucoup de réserves)
de pièce de 36 ou 24 de 1786, comme peut le laisser croire la simplicité
des moulures et de l’astragale. Mais cela demande à être confirmé.
Tableau n° 2 :
synoptique des canons bittes d’amarrage
du quai des paquebots à Papeete
9
L’état d’avancement des recherches en archives ne permet pas
d’indiquer pour l’instant la provenance de ces pièces d’artillerie. S’agitil de matériel provenant d’un navire désarmé ou d’une épave, d’artillerie
de côte, du lest d’un navire ou d’une commande spécifique pour
l’équipement des quais ?
Les seuls obusiers de 0,22 connus en Métropole seraient le canon
obusier exposé aux Invalides et le modèle 1841, fondu en 1843 à SaintGervais d’où le grand intérêt des trois exemplaires mis en valeur devant
les bureaux l’administration du Port Autonome et les trois autres qui
servent encore de bittes d’amarrage sur le quai des paquebots.
Robert Veccella
Fig.7
Terminologie du fût d’une pièce de 30 longue, année 1820
10
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BIBLIOGRAPHIE
BOUDRIOT, J., 1968a, L’artillerie de mer de la Marine française - 1674-1856 - in
Triton n° 84D 1° trimestre, supplément du Neptunia n° 89.
BOUDRIOT, J., 1968b, Fonderies et forges de la Marine du XVII° siècle au milieu du
XIX° siècle in Triton n° 85, supplément de Neptunia n° 90, pp. 27 et 28.
BOUDRIOT, J., 1969, L’artillerie de mer de la Marine française - 1674-1856 - B2 : les
canons obusiers à la Paixhans in Neptunia n° 96.
BOUDRIOT, J., 1992, les canons obusiers à la Paixhans in L’artillerie de mer de la
Marine France 1650-1850, Collection Archéologie Navale Française, Editions J.
Baudriot, Paris, pp. 115 à 130
MOULIN, A., 1995, Artillerie de Marine : un canon obusier à la Paixhans. Calibre 22
cm – Modèle 1 841 – Saint-Gervais sur Isère in Cols Bleus n° 2298 du 18 mars 1995,
pp. 4 à 7.
VECCELLA, R., 1994, Rapport d’activités n°2 du Groupe de recherche en archéologie
navale en Polynésie française, année 1993, diffusion restreinte, 114 p.
VECCELLA, R., 1995, Rapport d’activités n°3 du Groupe de recherche en archéologie
navale en Polynésie française, année 1994, diffusion restreinte, 89 p.
VECCELLA, R., 1996, Rapport d’activités n°4 du Groupe de recherche en archéologie
navale en Polynésie française, année 1995, diffusion restreinte, 40 p.
11
Les vestiges
de Amanu
Entre le 28 février et le 6 mars 2000, une équipe du GRAN en
Polynésie, dirigée par Robert Veccella et soutenue par la vedette des
Douanes Arafenua a effectué une courte campagne de recherche sur
l’atoll d’Amanu.
Cette mission avait pour but de retrouver sur le récif de l’atoll un
site où avaient été prélevés par le passé plusieurs canons et des pierres
volcaniques et d’essayer d’y collecter d’autres éléments matériels qui
pourraient permettre de trancher entre deux hypothèses divergentes
émises au sujet de l’origine de ces vestiges.
L’histoire des vestiges de Amanu remonte à l’année 1929, lorsque
François Hervé, administrateur des Tuamotu, entendit parler par les
habitants de l’atoll de Amanu d’un site sur le récif où se trouvaient des
canons. Il s’y fit conduire et y découvrit en effet quatre canons pris dans
le corail et des pierres éparses qui semblaient d’origine volcanique. Il
préleva l’un des canons et quelques-unes des pierres et les fit porter au
Musée de Papeete.
L’année suivante Gilford Pinchot, un Américain effectuant une
croisière dans le Pacifique, apprenant la découverte de la bouche de
François Hervé, se fit confier quelques-unes des pierres dans le but d’en
faire faire l’analyse. Puis de retour aux Etats-Unis publia le récit de son
voyage dans le Pacifique sud1. Le Pacific Islands Year Book dans son
édition de 1935-1936 mentionna la découverte de François Hervé : “one
old canon believe to have spanish manufacture”.
1Pinchot, Gilford, To the South Seas, Philadelphie, 1930.
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En 1964, l’Australien Robert Langdon, journaliste au Pacific Island
Monthly (PIM) qui devait ensuite (1968) travailler pour le compte de
l’Université Nationale de Canberra ; ayant pris connaissance de la
découverte du canon à la lecture d’un livre de Samuel Russel2, du Pacific
Islands Year Book, puis un peu plus tard du récit de Pinchot, pensa que
la découverte du canon pouvait peut-être provenir du naufrage d’un
navire ayant participé aux premières explorations européennes dans le
Pacifique sud et expliquer pourquoi Cook et d’autres navigateurs à la fin
du XVIIIè siècle avaient aperçus à Tahiti et dans les îles voisines des
habitants ayant les yeux bleus et des cheveux roux. Il se rendit en 1967 à
Tahiti pour examiner le canon mais celui-ci ne put être retrouvé, sans
doute égaré à l’occasion du déménagement du Musée en 1935.
Curieusement, l’année suivante l’histoire allait connaître un
nouveau rebondissement. En effet, le capitaine de corvette Claude
Maureau, commandant le Groupe aéronaval de Polynésie, ayant luimême pris connaissance du Pacific Islands Year Book avant de prendre
ses fonctions à Hao, se mit à rechercher le site signalé avec les
hélicoptères dont il avait la charge. Il eut la chance de localiser le site
où ne se trouvaient plus que deux canons encore enkystés dans le corail.
Les deux canons dégagés par une équipe déposée par un hélicoptère
furent transportés à Hao, dépouillés de leur gangue de concrétion puis
peu après envoyés à Tahiti où ils furent remis officiellement au Territoire
et exposés au Musée de la Découverte à la pointe Vénus.
Le sort du dernier canon disparu, quant à lui ne fut jamais élucidé.
Robert Langdon apprenant la découverte de ces canons fit une
escale à Tahiti en août 1969, les photographia et en prit les mesures.
L’une des photographies envoyée aux spécialistes de la Tour de Londres
conduisit à l’identification d’un canon en fer forgé d’un type utilisé
jusqu’en 1550. C’est en se fondant sur cette identification qu’il
construisit sa démonstration et rédigea successivement deux ouvrages,
2 Russel, Samuel, Tahiti and French Oceania, Sydney, 1935.
13
le premier en 1975, intitulé The Lost Caravel et le second en 1988, The
Lost caravel Re-explored. Langdon fait remonter la présence des
canons sur l’atoll d’Amanu à l’expédition des sept navires envoyés en
1525 par Charles Quint pour explorer la voie ouverte par Magellan dans
le Pacifique. Placée sous les ordres de Garcia Jofre de Loaisa ayant Juan
Sebastian Elcano comme second, cette expédition fut un échec. Elcano
et Loaisa moururent au cours de l’expédition et l’un des bâtiments, le
San Lemnes, disparut peu après avoir passé le détroit de Magellan. La
théorie de Langdon est que le San Lemnes s’échoua sur l’atoll d’Amanu,
jeta ses canons à la mer pour se déséchouer, y parvint et poursuivit sa
route pour finir sa course près de là, à Hao.
En 1987, sous l’impulsion du Centre d’Études sur l’Île de Pâques et
la Polynésie alors présidé par M. André Valenta, les deux canons
prélevés par Claude Maureau furent envoyés en France pour vérifier si
un traitement de conservation était encore possible. Nous eûmes pour la
première fois à cette occasion la possibilité de les examiner
attentivement et de les dessiner, comme le fit aussi un peu plus tard M.
Jean Boudriot pour le compte du Musée de la Marine. La conclusion de
ces deux expertises3, non concertées, fut qu’il s’agissait de canons
probablement d’origine anglaise datant du XVIIIe voire du XIXe siècle.
Les deux hypothèses en présence concernant l’origine du naufrage
reposaient en définitive sur la seule identification des canons. Chacun
campant sur ses positions, les choses en restèrent là.
C’est pour tenter de trouver une issue à cette situation que nous
avons décidé d’essayer de retourner sur le site du naufrage pour essayer
d’y retrouver d’autres indices nous permettant de trancher.
Grâce à la participation des habitants de Amanu, le site a été
retrouvé rapidement et identifié comme étant bien celui sur lequel
avaient été prélevés les canons puisque subsistaient encore visibles sur
le récif leurs quatre empreintes teintées par la rouille. Une exploration
3 Ce sont les seules qui se soient fondées sur une observation directe des deux pièces
d’artillerie.
14
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menée sur le récif et en mer au large de celui-ci, n’a pas permis de
retrouver d’autres canons et ni de vestiges des structures du navire. Un
nombre significatif de fragments d’objets de petite dimension érodés par
la mer ont été trouvés constitués pour l’essentiel de verre (14
fragments), de terre cuite (6 fragments), de deux pierres volcaniques,
de deux fragments de brique et un d’un fragment de métal à base de
cuivre. Ces objets semblent bien indiquer un naufrage dont la mémoire
est d’ailleurs restée dans la mémoire collective des habitants.
Les analyses de tels objets sont assez délicates et nous cherchons
actuellement les fonds nécessaires pour les entreprendre.
En attendant, il nous faut revenir aux canons, exposer les
arguments en présence et voir comment ceux-ci ont évolués.
Concernant l’identification effectuée par M. A.N. Kennard, alors
Assistant master of the Armouries of the Tower of London, il n’est pas
inutile de lire la réponse qu’il fit le 29 juillet 1970 à la lettre que lui avait
adressé Robert Langdon. Nous possédons une photocopie de cette lettre
dont le texte figure à la page 22 de The Lost caravel. “The gun shown
in your drawing and photograph is a strange looking affair. Its
corrugated surface lead me to suspect that it is not cast but is “built
up”, being composed of wrought iron rings shrunk on to an interior
tube this being the old method of constructing large iron guns before
the art of casting them was perfected in the mid-sixthteen century.
The trunions seem very small, almost too small for their purpose and
the gun has altogether an archaic look. It could well be of sixteenth
century date. If, however, there is any possibility of the guns to being
Chinese or from anywhere in that part of the world, then they could
be as late as 1800 since the Chinese were making cannon of
incredibly primitive methods at a very late date indeed…”
La manière dont cette identification a été conduite appelle une
première remarque. Sans doute M. Kennard n’était-t-il pas conscient de
l’enjeu de l’expertise qui lui était demandée, et l’eut-il été, qu’il se serait
probablement entouré de plus de précautions, car une identification
15
d’après une photo, si bonne soit-elle, est toujours très délicate. Le début
de sa phrase : “ Its corrugated surface lead me to suspect that “ montre
bien que l’identification n’était pas évidente. La photographie de l’un des
canons publiée par Robert Langdon dans The Lost Caravel (Plate 1) et
reprise dans Tahiti-Pacifique magazine n° 116 de décembre 2000, à la
page 47 explique l’opinion avancée par M. Kennard. L’aspect du canon
correspond à la description qu’il en fait, la surface externe évoque bien
un canon composite formé d’une série de cerclages parallèles, toutefois
l’examen visuel des canons que nous fûmes amenés à faire en 1987
permet de rejeter formellement cette interprétation, en aucune façon il ne
s’agit de canons composites en fer forgé (built-up en anglais), mais bien
d’un canon en fonte de fer. La caractéristique principale des canons
composite en fer forgé est que l’absence de maîtrise de la fonte du fer par
les métallurgistes du début du xvie siècle se traduit par l’impossibilité de
concevoir un tube fermé à l’une de ses extrémités. Ces canons sont donc
systématiquement chargés par la culasse et cet aspect pourtant
déterminant ne semble pas avoir amené M. Kennard à poser des
questions à ce sujet. Non seulement les canons que nous avons examinés
ne sont pas ouverts mais ils sont dotés d’un bouton à l’arrière de la
culasse, caractéristique de l’artillerie en fer fondu, tout comme les
tourillons bien que certains canons en fer forgé les plus tardifs aient
parfois été équipés de tourillons montés sur un cerclage particulier.
Nous avons pour notre part des difficultés à comprendre la
différence d’aspect de ce canon entre la photographie que nous venons
de citer et ce que nous avons observé. L’aspect que présente le canon sur
la photographie pourrait peut-être s’expliquer par un état intermédiaire
de son nettoyage, où l’enlèvement de la gangue de concrétion aurait été
pratiqué à l’aide d’un burin en travaillant de manière à rester
systématiquement perpendiculaire à l’axe longitudinal du canon, lui
donnant cet aspect sans doute aussi exagéré par l’éclairage.
Quelle qu’en soit la raison, l’erreur d’interprétation commise est
manifeste et a conduit Robert Langdon à développer une argumentation
dont l’un des éléments de base était erroné.
Faute de pouvoir s’appuyer sur l’avis des experts de la Tour de
Londres, une autre thèse, celle là plus particulièrement soutenue par le
16
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capitaine de vaisseau Claude Maureau fut qu’il s’agissait bien d’un canon
en fonte de fer, mais qu’il avait fort bien pu être fabriqué par les
Espagnols avant la date indiquée par A. N. Kennard : “ the art of casting…
perfected in the mid-sixthteen century “. L’avis de Claude Maureau
s’appuyait sur les informations fournies par plusieurs experts espagnols
dont le contre-amiral Jorge Garcia-Parreno y Karen et M. Francisco
Mellen Branco précisant que les Espagnols avaient acquis dès le début du
XVIè siècle un savoir-faire en matière de fonte des canons en fer leur
permettant de couler de telles pièces. Nous doutons pour notre part de
cette hypothèse car l’étude des documents d’archives et des références
archéologiques (ces dernières de plus en plus nombreuses) ne nous ont
jamais mis en présence de tels canons. Citons en particulier les
inventaires de la Tour de Londres où le terme “caste yron Ordenance”
apparaît pour la première fois en 15594 à côté des catégories “Brasse
Ordenance” et “fforged ordinance of Yron”. Au demeurant la fouille
exhaustive de l’épave de la Mary Rose, une caraque anglaise, coulée en
1545 devant Portsmouth n’a produit que de fort beaux canons en fonte
de bronze et des canons composites en fer forgé chargés par la culasse,
alors qu’on peut penser que cette caraque, l’un des plus beaux navires
d’Henri VIII, était probablement dotée des armes les plus récentes.
Pour revenir à des références espagnoles, c’est sur les épaves
espagnoles coulées en 1554 sur les côtes du Texas, dans les parages de
Padre Island (San Esteban, Espitu Santo, Santa Maria de Yciar)
qu’ont été trouvés des canons en fer forgé dont le tube seul pourrait être
en fonte de fer5, il s’agit de canons chargés par la culasse, mais d’un
calibre de seulement 5 cm. Le plus ancien canon en fonte de fer, chargé
par la bouche, a été trouvé sur l’épave du San Pedro coulé en 1596 aux
Bermudes en compagnie de canons en fer forgé chargés par la culasse.
Le mélange des deux types d’artillerie montre bien qu’on se trouve
encore dans une période de transition6.
4 Cette catégorie est absente des inventaires précédents qui ont été conservés : ceux de 1540
et 1547. (Blackmore, H.L., The armouries of the Tower of London, Londres, 1 976.)
5 Les archéologues américains continuent à penser qu’il s’agit également de fer forgé. D.L.
Olds, Texas legacy from the Gulf, 1976, pp. 75-82.
6 Georges F. Bass, Ships and shipwrecks of the Americas, New-york, 1988, p. 89.
17
Un message électronique laconique que nous a fait parvenir
Francisco Mellen Branco en août 2001 nous indique que les canons
supposés du San Lemnes dataient en fait de la période 1765 – 1784.
Nous n’avons pas obtenu plus de précisions, mais il semble donc que
cette deuxième hypothèse aboutisse, elle aussi, à l’abandon d’une
datation des canons remontant au XVIè siècle.
Nous espérons que cette bien longue histoire va trouver là son
terme. Il nous reste cependant à essayer de déterminer quel navire a fait
naufrage sur l’atoll de Amanu et à quelle époque.
La mission menée par le GRAN sur Amanu a mis en lumière un
autre aspect de cette histoire qui nous parait d’une autre portée. La
mémoire collective des habitants de l’atoll garde le souvenir de
l’évènement dont la trace matérielle a été retrouvée sur le récif. Celui-ci
raconté avec quelques variantes mêle les évènements historiques et des
personnages légendaires, nous fournissant l’exemple rare d’un mythe en
cours de construction.
Max Guérout
18
Dessins tessons (1)
Amanu 1
Tesson de poterie :
Couleur : blanc cassé
Forme : triangulaire et concave (3 mm pour 30
mm)
Dimensions : 80 x 30 mm
Epaisseur : 5 mm
Observations : le biscuit ne présente pas de
dégraissant apparent. De nombreux trous
minuscules laissent à penser que la poterie
serait poreuse. La partie convexe est
relativement lisse avec des irrégularités et des
aspérités, la partie concave présente un
rainurage régulier parallèle. Il est espacé de 10
mm approximativement avec une double
rainure, une bande en creux et une bande en
bossage d’environ 4 mm chacune. Ces
indications laisse à penser que c’est une poterie
tournée.
Amanu 3
Amanu 3 Tesson de poterie :
Couleur : biscuit ocre rouge, enduit extérieur
brun foncé, enduit intérieur brun clair.
Forme : concave dans les deux sens.
Dimensions : 45 x 15 mm
Epaisseur : 4 mm
Observations : présence de plusieurs
dégraissants et de petits espaces (bulles pas
rondes).
Amanu 2
Tesson de poterie :
Couleur : biscuit saumon, les faces sont ocre
jaune.
Forme : très certainement le 1 /4 du fond d’une
poterie.
Dimensions : 45 x 15 mm
Epaisseur : 4 mm
Observations : absence de dégraissants visibles
et de petites bulles rondes. Léger enfoncement
de 2 mm, point d’appui circulaire de 4 mm,
gorge de 2 mm au-dessus dans lequel reste 18
mm de longueur de vernis blanc, faïence (?).
Epaisseur du départ du corps 7 mm. Diamètre
estimé extérieur 71 mm et intérieur 60 mm.
Amanu 22
Tesson de terre cuite :
Couleur : biscuit ocre jaune clair, extérieur brun
foncé, intérieur brun clair.
Forme : concave 2 mm pour 40 mm.
Dimensions : 40 x 20 mm
Epaisseur : presque 4 mm
Observations : glaçure extérieur faïencée brune
foncée avec des traits noirs. L’intérieur présente
des irrégularités et des stries, une tache ovoïde
noire, des taches nuageuses blanches avec une
surface avec des pores.
19
Figure 1 : Dessins tessons (2)
20
Amanu 6
Tesson de verre de bouteille :
Couleur : vert très foncé.
Forme : l’angle formé par les deux cotés est
d’environ 90 d°..
Dimensions : 49 x 48 x 62 x 42 mm
Epaisseurs : variables 4, 5, 6, 8 et 9 mm, les
épaisseurs les plus importantes se trouvent de la
jonction des deux faces sur le point d’appui.
Observations : c’est l’angle du cul d’une bouteille
carré. La pâte présente de nombreuses bulles
rondes et ovoïde. Un départ d’enfoncement de
10 mm pour une distance de 30 mm. les
tranches et le fond sont recouverts d’irisations.
Amanu 7
Tesson de verre de bouteille :
Couleur : vert très foncé, plus que le précédent.
Forme : l’angle formé par les deux cotés est
d’environ 70 d°.
Dimensions maximales de l’échantillon : 46 x 47
x 44 x 28 mm
Epaisseurs : variables 3.5, 4, 5, 6, 8 et 9 mm, les
épaisseurs les plus importantes se trouvent en
dehors de la jonction des deux faces.
Observations : c’est l’angle du cul d’une
bouteille, peut-être triangulaire ?. La pâte
présente de nombreuses bulles rondes et
ovoïdes. Le tesson est recouvert d’irisations.
Figure 2 : Dessins tessons (3)
Amanu 10 Tesson de goulot de bouteille :
Couleur : vert foncé.
Forme : environ le 1/3 de l’extrémité du goulot.
Dimensions : diamètres estimés extérieur 32
mm et intérieur 10 mm (ouverture du goulot ?).
Hauteur de la lèvre : 3 mm
Hauteur de la bague : 4 mm
Hauteur de l’extrémité : 7 mm
Observations : présence d’une lèvre à rebord plat
en saillie et d’une bague. Celle-ci n’est
visiblement pas rapportée mais elle forme un pli
qui laisse un espace très fin entre elle et le
goulot. Le verre contient des micros bulles. Ce
type d’extrémité permet de fixer le bouchon de
liège avec une cordelette qui passait sous la
bague (comme le fil de fer actuel des bouteille de
champagne).
Amanu 8 Tesson de verre de cul de bouteille
ronde :
Couleur : vert foncé peu translucide.
Forme : concave.
Dimensions maximales de l’échantillon : 40 x 50
mm
Diamètre possible : 80 mm
Epaisseurs : variant de 3 à 7 mm
Observations : Tesson de cul de bouteille
représentant environ le 1/6 de l’appui avec le
départ de l’enfoncement. La pâte présente de
nombreuses bulles rondes et ovoïdes dont une
plate de 10 x 6 mm. Les surfaces sont lisses
avec des aspérités et des renflements sur
l’extérieur. Présente de petites traces en face
extérieure sur l’enfoncement qui peuvent être
celles de pontil ou de bulles d’air.
Amanu 11 Tesson de verre :
Couleur : vert foncé.
Forme : plate irrégulière.
Dimensions : 42 x 64 mm
Epaisseur : 2,5 mm
Observations : la tranche donne l’impression
d’un verre feuilleté. La patte présente de
nombreuses bulles. Plusieurs taches se trouvent
sur un côté dont une avec des irisations.
21
Dessin canon 12 livres
Dessin d’un canon de Amanu avec complément
Trois pièves d’artillerie de la marine du début du XVIe siècle
22
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
BIBLIOGRAPHIE
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Cook, traduit de l’anglais par Bertrand Jaunez dans BSEO n° 174, mars 1971,
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BOUDRIOT J., Artillerie de mer, France 1650-1850, Paris, 1992, 198 p.
GUÉROUT M., RIETH E., Gassend J.-M., l’artillerie dans Le navire génois de
Villefranche, un naufrage de 1 516 (?), Paris, 1989, p. 99-126.
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Militaria, mai 1984, p. 17-24.
SUR AMANU ET HAO
BOUGAINVILLE L.A., Voyage autour du monde par la frégate du Roi, la Boudeuse
et la flûte l’Etoile, 1771, réed. 1982, 477 p.
CONTE E., 1990, Amanu dans Archéologie des Tuamotu (Polynésie française),
Prospection de dix atolls du centre de l’archipel, Département archéologie, CPSH, p.
53-57.
23
Le naufrage du Julia-Ann
en 1855 sur l’atoll de Scilly,
et la recherche
archéologique subaquatique
des vestiges
L’atoll de Scilly est situé à l’extrémité ouest de l’archipel de la Société
en Polynésie française. En janvier 1979, une importante expédition
pluridisciplinaire et inter-organisme a été mise sur pied par l’antenne
Museum-EPHE avec le concours de la Marine nationale, elle regroupait
35 personnes : chercheurs et techniciens. Cette expédition à caractère
essentiellement biologique1 était justifiée par le classement de cet atoll en
réserve territoriale, huit ans auparavant et la protection d’un lieu de
ponte important pour les tortues marines et d’un des rares endroits de
Polynésie à posséder un stock de nacres encore non exploité.
Mais un autre pôle d’intérêt, à caractère archéologique et
historique celui-ci, a justifié notre mission du 28 décembre 1996 et 10
janvier 1997. En effet, le 3 octobre 1855, le trois-mâts américain JuliaAnn fit naufrage sur l’île, plusieurs personnes périrent au cours de
1 Il faut souligner que F. Semah a cependant réalisé une prospection archéologique sur l’atoll
lors de cette mission.
Carte de l’atoll de Scilly
avec les emplacements des différents sites
Carte réalisée par Jean-pierre Carlotti
25
l’accident, les survivants séjournèrent plus de deux mois sur ces îlots
inhabités. Avec les “débris” du navire, l’équipage réussit à construire
une embarcation. Quelques hommes allèrent chercher du secours, puis
revinrent récupérer ceux qui étaient restés sur l’atoll avec une goélette.
Enfin, Ils arrivèrent tous à Tahiti à bord du Emma-Parker dans un état
complet d’épuisement et de dénuement.
Notre opération était une première du genre puisque excepté
quelques découvertes d’objets appartenant au passé maritime de la
Polynésie française (Ancre de Bougainville, de Cook2, canons, etc.)
aucune recherche autorisée en archéologie subaquatique, mis à part le
travail d’inventaire réalisé depuis 1990 par le GRAN, n’avait été
entreprise jusqu’à cette date sur le territoire.
L’histoire de cette recherche débute en 1994 lorsque Paul Hundley
archéologue à l’Australian National Maritime Museum de Sydney prend
connaissance d’un livre où Benjamin Franklin Pond3, capitaine du Julia
Ann, retrace le naufrage du navire. Durant une année, Paul Hundley
rassemble des informations sur cet événement. Au mois de décembre
1995, il contacte le Département archéologie du Centre polynésien des
sciences humaines en demandant la procédure à suivre afin d’obtenir
les autorisations nécessaires pour entreprendre la recherche des
vestiges du Julia-Ann.
Devant la complexité à la fois administrative et technique de
l’opération, la coordination et le suivi scientifique, de cette opération,
ont été confiés à l’antenne du GRAN en Polynésie sous la responsabilité
du Département archéologie. Une année encore sera nécessaire pour
monter l’expédition et obtenir toutes les autorisations.
2 La recherche de l’ancre dite de Cook qui se trouve au Musée de Tahiti et des Iles a fait l’objet
d’une autorisation administrative.
3 Narrative of the wreck of the barque Julia Ann in the South Pacific Ocean. Two month’s
residence of the survivor on a barren coral reef, and providential escape therefrom, Esq. New
York 1858.
26
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Le financement de l’opération a été pris en charge pour l’essentiel
par l’Australian National Maritime Museum de Sydney. Celui de l’équipe
du GRAN a été assuré par une subvention du Haut Commissariat de la
République en Polynésie française. L’aide de la Polynésie française a été
essentiellement une aide matérielle ou humaine. Le Port Autonome de
Papeete a apporté son soutien par un prêt de matériel, le Ministère de
l’Equipement a mis à disposition du Département Archéologie un agent
pour la durée de la mission, ainsi que d’autres services comme celui du
Développement rural ou de l’Urbanisme. Des entreprises locales : VITA
Industrie, Bouygues Off Shore, J.L.Polynésie, La STAM, Medves Renato, le
centre de plongée du Yacht Club, le Club de Paea Plongée et de nombreux
particuliers ont eux aussi contribué au bon déroulement du projet. Une
couverture photographique aérienne de la zone d’investigation a été
réalisée par l’escadrille 12 S après autorisation du Vice-Amiral commandant les forces armées en Polynésie. La solution retenue pour le
bâtiment base de l’opération a été celle d’un voilier catamaran de 44
pieds (14 mètres) au départ de Papeete.
L’équipe se composait de neuf personnes. Le responsable de la
mission était M. Paul Hundley, Curator of the USA Gallery, Australian
National Maritime Museum de Sydney assisté de Mrs Sue Bassett, Senior
Objects Conservator du même musée. L’équipe américaine se composait
de Mrs Sheli Smith, Directrice du Newport Harbor Nautical Museum,
Newport Beach, California, de M. Jack Hunter, District Archaeologist,
Departement of Transportation State of California et, de M. Richard W.
Swete, Archéologue Indépendant californien. L’équipe du GRAN se
composait de Max Guérout, responsable métropolitain de l’association,
de Robert Veccella, responsable local et Jean Pierre Carlotti, membre de
l’association. M. François Mayol était le patron du Mareva III de la
compagnie Tahiti Yacht charter.
Sur place, au cours des deux premiers jours, les conditions
météorologiques ont empêché l’équipe de rentrer en contact avec les
habitants, des prospections visuelles et à l’aide d’un magnétomètre ont
été réalisées côté océan dans la zone présumée du naufrage. Le 3 janvier,
27
le temps s’étant amélioré, l’équipe a pu prendre contact avec les
habitants de l’atoll et commencer les prospections à l’intérieur du lagon.
Il faut souligner que l’équipe a été reçue très chaleureusement et
qu’une aide appréciable a été apportée par René Taputu et sa famille. La
mission a quitté l’atoll le 7 janvier.
Mais avant de donner des résultats de la prospection, voici le
déroulement du naufrage du Julia-Ann au sauvetage des rescapés. Tout
commence par :
“HARD DOWN THE HELM !”4
Le capitaine Pond était descendu dans sa cabine depuis une demiheure lorsqu’il entendit ce terrible cri d’alarme. Pourtant, en cette fin de
journée, il avait pris toutes les précautions d’usage en cas de navigation
dans une zone dangereuse où de surcroît les cartes sont imprécises :
durant la journée l’allure avait été augmentée pour sortir le plus
rapidement de la proximité des îles basses, la vigie avait été renforcée et
mise en alerte. Quand il s’était retiré pour profiter d’un repos nécessaire
après plusieurs jours de mer pénibles, le capitaine s’était assuré que la
voie était libre devant le navire.
Aussitôt sur le pont, il put s’apercevoir de l’effroyable situation : le
Julia-Ann a frappé violemment un récif submergé, aucune terre n’est en
vue, pas un seul rocher découvert. Le capitaine réalise rapidement qu’il
n’y avait plus aucun espoir pour le bateau. La panique est générale à
bord alors que les secours s’organisent tant bien que mal. Il est 21
heures le 3 octobre 1854, le naufrage a eu lieu dans la partie sud de
l’atoll de Scilly.
Le Julia-Ann, un trois-mâts barque de 350 tonneaux, avait été
construit par les chantiers J. Stetson en 1851 à Robbinston dans le
Maine en Amérique du Nord. Les premières années il navigua entre la
4 “La barre toute dessous !”
28
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Nouvelle Angleterre et la Californie durant la ruée vers l’or, puis sillonna
le Pacifique, de San Francisco et Sydney, pour transporter nourriture,
matériel et mineurs pendant le rush australien.
Le navire quitte Sydney le 7 septembre 1855 sous le commandement du Capitaine B. F. Pond, en route pour la Californie avec 56 âmes
à bord dont de nombreux Mormons retournant à leur maison-mère à
Salt Lake City. Comme à ses précédents retours d’Australie, le navire est
chargé d’une cargaison de charbon de Newcastle. Vingt-sept jours plus
tard, il percute l’atoll le plus à l’ouest des îles de l’archipel de la Société,
approximativement à 400 miles à l’ouest de Tahiti. Les 51 survivants
passèrent 2 mois sur cette île déserte ; au cours du naufrage, deux
femmes et trois enfants perdirent la vie malgré les efforts de l’équipage
pour évacuer les passagers vers le platier au-delà des brisants à l’aide
d’une noria improvisée avec des cordes. Sous les coups de boutoir, la
coque s’ouvrit en deux et se vida de son chargement. La partie avant du
navire allégée de sa cargaison monta par-dessus l’obstacle. Vers 23
heures, tous les rescapés avaient été débarqués.
Deux jours durant, ils restent sur le récif accrochés à des radeaux
de fortune où ils ne pouvaient pas tous prendre place, sous un soleil
tropical, sans pouvoir boire ni manger jusqu’à la découverte d’un îlot
distant de 10 miles du lieu de l’accident. Les naufragés s’y installent et y
organisent leur campement. La nature y était “généreuse” avec des noix
de coco, des mollusques et crustacés, des poissons, des crabes, mais le
menu était aussi agrémenté de requin et de tortue. De l’eau “buvable”
avait été trouvée par un jeune garçon qui en creusant le sable avait
atteint la nappe phréatique. Des graines de potirons, de petits pois et de
haricots sauvés de l’épave sont plantés dans un potager avec un succès
limité.
Ayant trouvé des moyens de subsistance, l’objectif suivant du
capitaine Pond est de se libérer de cette “captivité”. Tout ce qui peut être
récupéré dans la carcasse de l’épave est utilisé pour la réalisation d’une
embarcation et une forge improvisée permet la fabrication de clous. En
cinq semaines le bateau est construit.
29
Mais où aller pour chercher du secours : aux îles de la Société à
400 miles à l’Est ou aux îles Cook à une distance de 1 500 miles au sudouest ? Dans le premier cas le vent contraire et dans le second cas la trop
grande distance pour l’embarcation rendait le choix difficile. Les
conditions climatiques n’étaient favorables ni à l’une ni à l’autre
solution. Il fallait donc attendre. Cette attente faillit être fatale au projet
car, par une nuit de grand vent, l’embarcation par laquelle devait venir
leur salut rompit ses amarres et disparut ! Par chance, elle fut retrouvée
échouée de l’autre côté du lagon plein d’eau mais sans avarie.
Le temps montra des signes de changement et la huitième semaine
après le naufrage, le vent se mit à souffler en rafales du nord-ouest. La
décision fut aussitôt prise de rejoindre les îles de la Société. Toutes les
personnes valides tirèrent l’embarcation sur 8 miles et la portèrent sur
deux cents yards pour atteindre le point d’embarquement choisi. Le
capitaine Pond et son équipage de 9 hommes ramèrent vers l’Est, sans
que la moindre brise vienne gonfler la voile du canot. Le soir du 3è jour
d’efforts, exténués, sous l’emprise du désespoir, les hommes se
reposaient sous la bâche tirée au-dessus de l’embarcation pour se
protéger de la pluie. Quand l’un d’eux cria : “terre, terre” en soulevant
la toile de protection. Dans le sud-est à 15 miles apparaissait le contour
d’une crête montagneuse : c’était Bora-Bora. L’accueil des autochtones
ne fut pas très cordial, ceux-ci craignant avoir affaires à des pirates.
Deux jours plus tard, la goélette américaine Emma-Parker arriva
de Raiatea pour secourir les naufragés du Julia-Ann sur ordre du
Consul britannique qui avait été alerté par les habitants de Bora-Bora.
Dix jours après avoir laissé leurs compagnons d’infortune, le capitaine
Pond embarqua tous ceux qui étaient restés sur l’atoll à destination de
Tahiti où les consuls américains et britanniques les prirent en charge.
Mais outre leur détresse physique et leur dépouillement matériel, les
tracasseries administratives concernant les émigrants les attendaient.
30
Plan de l’épave du nord à Scilly
La recherche des vestiges
Grâce aux indications des habitants de l’atoll, deux sites de
naufrages ont été localisés et expertisés. Au sud, un site qui est
vraisemblablement celui du naufrage présumé du Julia-Ann et au nord
celui d’un autre navire, vraisemblablement postérieur.
Sur le récif sud de l’atoll, plusieurs vestiges provenant d’un naufrage
avaient déjà été localisés par les habitants : une ancre de 245 cm (elle
avait été dégagée du corail depuis longtemps par les habitants et
transportée devant une maison pour servir d’amarrage pour leur
embarcation), un cabestan et une seconde ancre située à l’extérieur du
récif.
Sur place, nos prospections ont permis de trouver, d’autres traces
caractéristiques d’une épave : de nombreuses pièces métalliques
concrétionnées (mailles de chaînes, objets non identifiés), des
fragments de feuilles de cuivre provenant du doublage, des clous et des
chevilles en bronze, du lest de pierre, du charbon, etc. Les objets les
plus lourds et les plus gros se trouvant à proximité de la crête algale
dans les déferlantes et les plus légers jusqu’à une distance de 300 à 400
mètres des précédents dans une direction sud-est/nord-ouest.
Le site est pauvre : pas de structures, peu de mobilier archéologique. Cette situation s’explique par la violence des naufrages se
produisant sur un récif corallien (dans le cas du Julia-Ann le navire
s’est cassé en deux), la violence de la mer en un endroit battu par une
Ancre à jas de bois provenant
du site du naufrage du Julia Ann
récupérée par les habitants de Scilly.
32
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
forte houle de sud, les cyclones qui frappent quasi chaque année, sans
compter les récupérations ultérieures effectuées sur l’épave5.
Le lieu et la répartition des vestiges sont cohérents avec la
description du naufrage qu’en a fait le capitaine du Julia Ann. L’analyse
des restes du doublage de la coque, des pierres de lest, du charbon
retrouvés sur le site devrait permettre de confirmer la datation et de
déterminer une provenance géographique. La confrontation des
résultats de ces analyses avec les données recueillies dans les archives
devrait renforcer (ou infirmer) l’hypothèse du Julia-Ann. Les
échantillons et le résultat des analyses réalisées par le soin de
l’Australian National Maritime Museum de Sydney sont arrivés courant
2001 au Service de la Culture et du patrimoine. Les données seront
exploitées prochainement.
L’épave du nord est mieux conservée. Elle se situe sur le récif, côté
lagon loin des déferlantes. Après avoir franchit le récif, elle a donc été
portée, au moment du naufrage ou ultérieurement, à plusieurs centaines
de mètres du point d’impact. Le site comporte trois parties distinctes
réparties sur une longueur d’environ 38 mètres : les restes d’un
gouvernail de 5,80 m de long, une zone comportant des pierres de lest
éparses et un amas concentré de pierres de lest recouvrant les vestiges
d’une coque de bois doublée de métal jaune.
Sous ce dernier amas de lest quelques tessons de verre (une
bouteille à vin entière, quelques tessons de bouteille à gin) et de
céramique ont été retrouvés permettant en première analyse de dater le
site dans la seconde moitié du XIXè siècle. On se trouve en présence d’un
site plus cohérent qui mérite une fouille plus complète.
La mission de recherche du Julia Ann nous a permis de faire
l’inventaire des épaves sur l’atoll de Scilly et de mesurer combien ces
îles présentent un danger pour la navigation.
5 Voir en annexe le Messager de Tahiti n° 51 du 21 décembre 1856.
33
La partie sud-ouest de la couronne de l’atoll est constituée d’un
récif immergé de 1 à 1,5 km de largeur. Obstacle infranchissable, peu
visible de nuit ou quand il pleut, il a été heurté par au moins six navires.
Trois bateaux de pêche asiatiques en 1966, 1967 et 1970 y ont fait
naufrage, ainsi qu’un yacht américain en 1978. Ces épaves récentes qui
sortent du cadre de nos investigations nous éclairent sur les conditions
de navigation et sur les dangers que constituent ces terres basses malgré
les performances les moyens de navigation modernes.
Au XIXè siècle, les conditions de navigation étaient moins élaborées
et les cartes étaient aussi moins précises, voire erronées pour certains
atolls, de surcroît les moyens de communication étaient inexistants.
Dans le cas du Julia Ann, nous l’avons vu, le courage et la volonté d’un
capitaine et de son équipage ont triomphé de la malchance, mais qu’en
est-il de l’épave du nord que la famille Taputu nomme malicieusement
celle du “Pirate” ?
Les îlots surélevés, sur lesquels la végétation pousse, constituent un
chapelet presque ininterrompu sur la côte nord-est. Aucune épave n’y
est signalée. Toutefois nous avons observé un tumulus de pierres situé à
l’intérieur du lagon à proximité de la maison devant laquelle l’ancre a
été transportée. Il pourrait s’agir d’un lest de navire disposé dans le fond
d’une carène, mais se pose le problème de l’entrée de ce navire dans ce
lagon car il n’existe pas à l’heure actuelle de réelle passe. Est-ce une
cargaison de pierres destinée à des travaux dont le transport lagunaire
par barge ou radeau s’est achevé prématurément ou, est-ce une
construction dont la destination reste à trouver ?
Scilly, l’atoll isolé aux sept épaves et dont l’histoire est peu connue
mérite de nouvelles recherches.
Robert Veccella
34
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
BIBLIOGRAPHIE
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l’archipel de la Société Polynésie française, compte-rendu préliminaire d’une
expédition scientifique interdisciplinaire et inter-organismes en janvier 1979,
Muséum national d’histoire naturelle, école pratique des hautes études, antenne de
Tahiti, Bulletin N° 1 - juin 1979, Imprimerie Officielle, Papeete, pp 75 à 76.
SALVAT B., 1979, (sous la direction de), SCILLY, atoll de l’archipel de la Société
Polynésie française, compte-rendu préliminaire d’une expédition scientifique
interdisciplinaire et inter-organismes en janvier 1979, Muséum national d’histoire
naturelle, école pratique des hautes études, antenne de Tahiti, Bulletin N° 1 - juin
1979, Imprimerie Officielle, Papeete, 78 p.
35
ANNEXE 1
EXTRAITS DU MESSAGER DE TAHITI
C’est dans le Messager de Tahiti du dimanche 23 décembre 1855 que l’on
trouve pour la première fois des indications sur le naufrage du Julia-Ann et l’état de
dénuement dans lequel se trouvaient les rescapés. Ils sont évoqués dans ces termes:
“Mercredi soir 19 du courant est arrivé de Huahine la goélette américaine
Emma-Parker amenant à Papeete l’équipage et les passagers du trois-mâts JuliaAnn, qui a fait naufrage le 2 octobre dernier sur les îles Scilly. On se fait difficilement
une idée des souffrances que ces malheureux ont du supporter après la perte de leur
navire. Ils ont passé deux mois sur ces îlots dénués de ressources employant toutes
leurs forces et toute leur industrie, à construire, avec les débris jetés sur la plage,
une embarcation qui les a apportés à Raiatea, où ils ont embarqué sur Emma-Parker.
C’était un spectacle navrant que celui de ces malheureux au nombre desquels on
compte dix femmes, quatorze enfants et parmi ces derniers quelques orphelins dont
les parents ont péri dans le désastre. Un bon nombre est resté pendant près de deux
jours à bord de la goélette accostée au quai ; ils étaient à peine vêtus, et leur
dénuement les empêchait de descendre à terre avant d’avoir reçu des secours.
Heureusement la charité publique s’est promptement organisée et quelques
personnes bienfaisantes ont pu avec l’aide du gouvernement faire face aux premiers
besoins de ces infortunés et leur assurer le gîte et la nourriture ; on a même distribué
des vêtements aux enfants.
Ils sont pour le moment et en attendant mieux, installés dans un magasin de
la compagnie indigène.”
Les entrées des mouvements du port de Papeete indiquent les détails suivants
à la date du 19 décembre 1855 :
Goélette américaine Emma-Parker, capitaine Lathan, 93 tonneaux, 7 hommes
d’équipage, 51 passagers [Ce sont les naufragés du Julia-Ann.], venant de Huahine
en 4 jours, huile, etc.
Dans les colonnes du Messager de Tahiti, on peut y lire que le Emma-Parker,
du capitaine Latham, fait deux voyages en 1855 vers San Francisco en Californie
depuis Papeete pour y exporter environ 200000 oranges chaque fois. C’est une
goélette américaine de 93 tonneaux dont l’équipage varie entre 5 et 8 personnes.
Chaque voyage durait 36 jours.
Dans le journal de la semaine suivante, le tirage du dimanche 30 décembre
1855 fait un nouvel appel à solidarité pour venir en aide aux naufragés :
“Dans notre dernier numéro, nous avons annoncé l’arrivée à Papeete des
naufragés du Julia-Ann ; tous ces malheureux sont sans ressources, les premiers
secours donnés par les personnes dont nous avons parlé leur ont bien assuré
l’existence pendant quelque temps, mais ils ne tarderont pas à devenir insuffisants.
36
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Nous sommes priés d’informer le public qu’une souscription en faveur de ces
infortunés est ouverte chez M. Cebert sur la plage ; nous sommes certains que tout
le monde voudra s’associer à une bonne œuvre et apporter son offrande au
soulagement d’une misère si grande et si digne de pitié.”
Le Messager n°5 du 9 février 1856 indique le montant atteint par la
souscription mais révèle qu’au 27 janvier certains naufragés sont encore à Papeete!
Alors que le capitaine Pond est déjà parti depuis un mois. Après quelques démêlés
avec les autorités françaises au sujet de la réglementation concernant l’immigration,
il s’embarque sur l’Africaine le jeudi 27 décembre 1855 au matin à destination de
Callao. C’est un trois-mâts français de 385 tonneaux 39/100, commandé par le
capitaine Josse, le navire appartient à la maison Beyssac et Gautier, armateurs à
Bordeaux. On apprend par le Messager que le navire a fait une longue escale à
l’Arsenal de Fare-Ute pour y subir un carénage complet.
“On se rappelle qu’une souscription avait été ouverte chez M. Cébert, en faveur
des naufragés du Julia-Ann, amenés à Papeete par la goélette Emma-Parker ; elle a
produit une somme de 500 francs, qui le 27 janvier a été distribuée à ses infortunés
par les soins de MM. Prat, Gillet, Gasaubon, Cébert, et Adams.
L’espace nous manque pour donner la liste des personnes qui se sont
associées à bonne œuvre.”
Puis plus de nouvelle de l’affaire Julia-Ann, jusqu’au Messager n°43 du 26
octobre 1856 par lequel on apprend que c’est la Loge maçonnique de Tahiti qui était
à l’origine de la souscription relatée précédemment :
“Nous recevons, avec prière de l’insérer, la lettre suivante
Papeete, 25 octobre 1856.
Monsieur Le Directeur des affaires européennes.
La loge maçonnique de Tahiti, toujours empressée à secourir tous les
infortunés, ainsi qu’elle l’a prouvé maintes fois déjà et particulièrement à l’occasion
du naufrage de la Julia-Ann, me charge de vous adresser 1 200 francs, en vous
priant de vouloir bien les joindre aux souscriptions ouvertes en faveur des inondés
de la France.
Je vous prie d’agréer, Monsieur Le Directeur, l’assurance de ma haute
considération
Le Président de la loge.
G. Cuzent.”
En fin d’année, l’avant dernier numéro du Messager, le n° 51 du 21 décembre
1856 relate dans les avis officiels une affaire concernant les soupçons qui pèsent sur
le capitaine Ruxton quant à son honnêteté lors du sauvetage des biens du Julia-Ann.
“Le commandant Particulier, Commissaire Impérial P.I. aux îles de la Société.
Ayant appris par l’inspection des papiers du sieur Ruxton, ex-capitaine de la
goélette du protectorat Rob-Roy, décédé à bord de la Caroline-Hort, dans sa
traversée de Sydney à Tahiti, et par divers autres renseignements.
1° Que ce capitaine avait opéré le sauvetage d’une somme de 310 souverains
et demi, perdus aux Îles Scilly, lors du naufrage du trois-mâts barque Julia-Ann ;
37
2° Que lorsque le Rob-Roy se jeta lui-même à la côte aux îles des Navigateurs,
le dit Sr Ruxton prétendit n’avoir pu emporter avec lui que 40 souverains et demi,
sur les 310 et demi sauvés primitivement : fait qui semble extraordinaire puisque
l’on put retirer du navire, un grand nombre d’objets d’une très faible valeur ;
3° Qu’il existe des soupçons portant à croire que feu Ruxton aurait détourné à
son profil, la partie des souverains de la Julia-Ann, déclare perdue une 2° fois avec
le Rob-Roy ;
A ordonné qu’une enquête fut faite par le juge de paix F. F. de juge d’instruction,
relativement aux faits rapportés ci-dessus.
De cette enquête, où l’on n’a pu interroger, pour cause d’absence, le Sr
Charlton, second du Rob-Roy, et les hommes de l’équipage, dont les dépositions
eussent été d’un grand poids, il est néanmoins résulté :
Que feu Ruxton a fait à Sydney des dépenses excessives, peu en rapport avec
l’état de ses finances, à son départ de Papeete et sa position de naufragé ;
Qu’interrogé l’un des témoins, sur l’origine de l’argent qu’il dépensait très
largement, il déclara le tenir à titre de secours, d’une société d’Ecossais, appelée
Scolia ;
Enfin qu’après la mort du Sr Ruxton, on trouva en faisant l’inventaire des objets
lui appartenant, 69 souverains et quelques dollars, ainsi que des marchandises et
des bijoux, dont on ne saurait facilement expliquer la provenance.
En conséquence M. le Commissaire Impérial a décidé que le présent résumé
sera inséré au journal officiel, afin de mettre tous les intéressés ou ayant droit, à
même d’adresser leurs réclamations, relativement, à la succession du Sr Ruxton,
que le Consul anglais, entre les mains duquel elle a été déposée, le 4 novembre
dernier, conservera pendant une année, à partir de cette date.“
ANNEXE 2
LISTE DES PASSAGERS ET DES MEMBRES D’EQUIPAGE
DU JULIA ANN 6
L’équipage du Julia Ann se composait de 17 personnes mais 2 ont dû quitter
le navire en Australie avant le dernier départ, les noms des personnes en italique ne
sont pas confirmés, ceux qui sont en gras sont portées disparues lors du naufrage :
1. Capitaine Benjamin Franklin Pond, 36 ans ;
2. Capitaine Peter Martin Coffin, 59 ans, premier officier ;
3. M. Owens, 25 ans, second officier ;
4. C.T. Clark, 40 ans, cuisinier ;
6 D’après une communication personnelle de Paul Hundley.
38
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
H. Perkins, 35 ans, steward ;
S Anderson, 37 ans, charpentier ;
J. Elder, 40 ans, marin américain ;
C. H. Duncan, 35 ans, marin américain ;
W. W. Eggert, 29 ans, marin américain ;
T Evans, 30 ans, marin américain ;
F. Victs, 26 ans, marin américain ;
N. Cliff, 45 ans, marin américain ;
W. Sutton, 32 ans, marin américain ;
Bully Williams, marin américain ;
Charles Logie, 26 ans Mormon australien, marié à Rosa Logie (entrepont) ;
John McCarthy, 25 ans, Mormon australien ;
John Pegg, 32 ans, Mormon australien
Les passagers américains :
Miss Ester E. Spangenberg ;
John S. Eldridge, 24 ans, missionnaire mormon ;
J. Graham, missionnaire mormon ;
J. Cohen ;
W. Limmores ;
John Bull
Miss Logan ;
M. Mc Cahme ;
Les passagers australiens/britanniques mormons :
En cabine :
John Penfold, 58 ans et Elizabeth Penfold, 61 ans ;
Entrepont :
Peter Penfold 24 ans ;
Stephen Penfold 19 ans ;
Andrew Anderson 44 ans ;
Elizabeth Anderson 44 ans, avec les enfants : Jane (19), Agnès (17), Alexander
14 ans, Marian 10 ans, John 10 ans, Andrew, 8 ans, Joseph 5 ans, James 3 ans.
Rosa Clara Logie 19 ans avec l’enfant : Annie Augusta de 14 mois.
Eliza Harris 30 ans avec les enfants : Maria 2 ans ; Lister 6 mois ;
Martha Humphrey 44 ans avec les enfants : Mary 9 ans, Eliza 12 ans, Francis 7
ans.
Les passagers non-mormons :
Thomas Abel Lawrence 21 ans ;
Thomas Magee 35 ans ;
Eliza Magee 32 ans, avec les enfants : Thomas J.-R. 14 ans ; Ann 12 ans,
John 10 ans ; James 8 ans, Constantine 5 ans, Margaret 2 ans ;
Sarah Wilson, une jeune fille sous la responsabilité de M. Penfold
39
La marine marchande
chilienne
et la guerre avec l Espagne
(1865-1866)
Pour bien comprendre l histoire du trois-mâts Francisco Alvarez,
il faut la replacer dans le contexte historique à l’époque du naufrage, et
plus particulièrement, celui des événements découlant de la guerre entre
le Chili et l’Espagne de 1865-1866.
Ce conflit naval fût court, mais bien qu’il n ait provoqué que peu de
pertes en vies humaines, il eut des conséquences très négatives sur
l économie chilienne en général et sur la marine marchande nationale
en particulier.
En effet, tout commence en avril 1865 par un conflit entre le Pérou
et l’Espagne quand cette dernière s appropria les îles Chinchas, localisées
au sud du pays, où se trouvait une importante exploitation de guano.
Après quelques mois de négociations diplomatiques infructueuses,
le gouvernement du Chili décida de se solidariser avec son voisin et
entra en guerre contre l’Espagne. Nous sommes alors en septembre
1865.
En représailles, la flotte espagnole établit un blocus général du
littoral chilien. A la suite de cette situation, tous les navires marchands,
afin de pouvoir continuer leurs activités commerciales, furent obligés de
prendre des pavillons de complaisance pour éviter d’être détruits ou
capturés par les Espagnols.
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Les opérations navales se prolongèrent durant quelques mois. Les
évènements les plus significatifs furent la capture de la goélette
espagnole Covadonga et le suicide de l Amiral espagnol Pareja. En
janvier 1866, avant de quitter le port de Caldera (situé à 800 km au nord
de Santiago), la flotte espagnole brûla toutes ses prises de guerre, soit
16 navires (Vidal Gormaz 1901), au nombre desquelles figurait le troismâts barque Cornelia de 322 tonneaux, dont son propriétaire fût très
probablement Francisco Pascual Alvarez1.
Finalement, la guerre se termina en mars 1866 par le
bombardement du port de Valparaiso, triste épisode historique qui
indigna l’opinion publique chilienne de l’époque2. Le port de Callao
(port de Lima, la capitale péruvienne) subira le même sort lors du
départ de la flotte espagnole du Pacifique Sud.
Les conséquences de ces événements furent que la marine
marchande chilienne disparut complètement et, que sa reconstruction
fut très lente et très difficile. En effet, malgré la signature de l armistice
avec l`Espagne en avril 1871, la paix définitive fut seulement assurée en
juin 1883 à Lima avec le Traité “de Paz y Amistad”. Soit 15 ans plus tard,
période durant laquelle l’insécurité régna.
Jusqu’à cette date, la reprise des hostilités constitua une menace
réelle qui entraîna une certaine méfiance des armateurs chiliens.
La Memoria de Marina, rapport annuel du Ministre de la Marine
pour le Congrès National, nous donne idée de la situation en 1867 :
“La marina mercante nacional ha comenzado a reaparecer a
principios del presente año. Desde que en septiembre de 1865 la
España nos trajo la guerra en que se halla empeñada la República, la
marina mercante nacional, amenazada sériamente en sus intereses
i con el propósito de salvarlos abandonó nuestro pabellon, i
valiéndose de las facilidades que proporciona la lei de navegacion,
pasó a formar parte de la marina de diversas naciones neutrales en
la guerra. En mui poco tiempo no habia un solo buque mercante que
1 Voir le Rapport d Activité Nº 7, p. 17.
2 El Mercurio de Valparaíso 1866, Biblioteca Nacional, Santiago du Chili.
41
llevase la bandera chilena… Mientras permanezca el estado de
guerra, la marina mercante nacional no aumentará sino mui
lentamente3”.
En effet, des 259 navires qui figurent sous pavillon chilien en
septembre 1865, aucun ne subsiste en janvier 1866 après la destruction
des bateaux à Caldera.
Après la fin de la guerre, le rétablissement fut extrêmement lent. En
1867, il ne figure que 9 navires sur les listes chiliennes ; en 1869, ils
sont 40 ; 75 en 1871 et 132 en 18744.
Une fois la guerre finie, la plupart des bâtiments de la marine
marchande nationale ont continué pendant longtemps à utiliser des
pavillons de pays neutres. Les causes sont multiples pour expliquer cette
situation. En premier lieu, les armateurs devaient faire des pénibles et
coûteuses démarches pour retrouver les inscriptions originales de leurs
navires. D autre part, depuis la promulgation de l “Ordenanza de
Aduanas de 1864”, une loi de libre-échangisme qui a ouvert le cabotage
aux navires d autres nationalités, les bâtiments chiliens avaient les
mêmes avantages que les navires étrangers pour faire de la navigation
hauturière et de cabotage. Finalement, le risque de la reprise des
hostilités avec l Espagne fit que l’adoption du pavillon chilien demeurait
une alternative peu attirante pour les armateurs (Véliz 1961).
Mais la situation historique est plus compliquée et d autres
facteurs doivent être pris aussi en compte. Selon la Memoria de Marina,
en 1865 la plupart des navires de la marine marchande nationale :
3 La marine marchande nationale a commencé à réapparaître au début de cette année. Depuis
qu’en septembre 1865 l’Espagne nous a apporté la guerre dans laquelle se trouve engagée la
République. La marine marchande nationale, dans le dessein de sauver ses intérêts
sérieusement menacés, abandonna notre pavillon, et utilisant les facilités que lui offraient les
lois de la navigation alla grossir les marines des diverses nations neutres. En peu de temps, il
n’y eut plus un seul navire marchand qui portât le pavillon chilien… Tant que durera l’état de
guerre, la marine marchande nationale ne se développera que très lentement. D’après Memoria
de Marina 1867, Archivo Nacional, Santiago.
4 Memorias de Marina 1865 – 1874, Archivo Nacional, Santiago.
42
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
1.- Avaient des propriétaires ou des armateurs étrangers ;
2.- Furent construits à l`étranger (aux États-Unis, en Europe et en
Australie) ;
3.- Avaient des capitaines et équipages composés en majorité
d’étrangers (anglais, nord-américains, italiens et allemands).
Ainsi, la lente reconstruction de la marine marchande chilienne,
peut aussi s’expliquer parce que la plupart des bâtiments appartenaient à
des commerçants étrangers, qu’ils avaient des capitaines et des équipages
étrangers et qu’ils n’étaient pas construits au Chili (Véliz, op. cit.).
Par conséquent, le cas du trois-mâts Francisco Alvarez reflète bien
la situation générale de la marine chilienne à cette époque. Malgré un
propriétaire et armateur chilien (Francisco Pascual Alvarez), il avait un
capitaine étranger (Louis Alexandre) et un équipage composé pour la
plupart d’étrangers5. En outre comme nous verrons, selon les analyses
du bois et certains caractéristiques du navire il s’agit très probablement
d un bâtiment construit en Amérique du Nord.
Toutes ces données historiques permettent d’expliquer les raisons
pour lesquelles le Francisco Alvarez battait pavillon guatémaltèque lors
son naufrage en Mangareva en octobre 1868.
Diego Carabias
5 Voir le Rapport d Activité GRAN Polynésie Nº 7, p. 15.
43
Fouille de l’épave
du Francisco Alvarez
à Mangareva
et inventaire du patrimoine
archéologique sous-marin
de l’archipel des Gambier
Introduction
Les données historiques concernant les circonstances du naufrage
du Francisco Alvarez, dont nous disposons proviennent essentiellement
de l’ouvrage du père Laval (H. Laval, 1968), missionnaire de la
Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, dits pères de Picpus
et du Messager de Tahiti. Ces données nous le verrons ont été complétées
par des recherches historiques menées par Diego Carabias au Chili,
permettent de situer le Francisco Alvarez, son histoire et ses
mouvements, dans le contexte maritime chilien, et de mettre aussi en
lumière la personnalité de plusieurs armateurs. Cependant, nous ne
disposons pas de données techniques sur la construction du navire, telles
que celles fournies par les documents de certifications des compagnies
spécialisées (Veritas, Lloyd) ; le but de la fouille était donc de rassembler
le plus possible de données pour permettre une comparaison ultérieure
avec ce type de documents que nous espérons retrouver.
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Même si le navire est coulé par petit fonds (6 m) et s’il a été l’objet
d’une récupération intensive lors de son échouage, le fond de carène a
été préservé par le lest en pierre. Nous avons donc là l’une des rares
opportunités en Polynésie française d’étudier une carène.
Le père Laval donne des informations sur une partie la vente du
bâtiment et de sa cargaison de pin d’Oregon, et la description de
l’utilisation du bois pour la construction des maisons particulières et des
édifices publics. Le but de notre recherche est d’essayer de retrouver
soit des preuves matérielles soit des traces de ces événements dans la
mémoire collective des habitants.
De la même manière, nombre d’objets furent conservé par les
habitants et leur présence contribue à perpétuer la mémoire de cet
événement.
Bien que le Francisco Alvarez n’ait pas été destiné à faire escale
aux îles Gambier, sa présence met en lumière les relations privilégiées
entre le Chili et l’archipel. L’un des axes d’étude que nous nous sommes
fixés concerne précisément cet aspect.
Le cadre de la recherche
Le naufrage du Francisco Alvarez a été relaté par le Père Laval et
quelques articles sont parus à l’époque dans les journaux de Tahiti et du
Chili, mais depuis, l’épave semble avoir été oubliée. Depuis 1917, on ne
trouve aucune allusion à cet événement dans le BSEO qui publia
pourtant dans son bulletin n°124 de 1958, à la rubrique Histoire locale,
un article de madame Laguesse intitulé “Quelques naufrages oubliés”.
Même sur le port de Rikitea, distant de quelques centaines de mètres du
lieu où se produisit le naufrage, on connaît mal l’histoire et on a du mal
à mettre un nom sur l’épave.
Mis sur la piste par des passionnés de l’histoire locale et par des
plongeurs, un membre du GRAN a procédé à deux repérages de la zone
afin d’en évaluer le potentiel. Les résultats furent surprenants : l’épave
repose par 6 mètres de fond, à quelques encablures du village, elle se
présente sous une forme allongée d’une quarantaine de mètres de long
par une dizaine de mètres de large.
45
Le travail en archives nous a révélé d’autres naufrages aux Gambier.
Sauf une épave se trouvant sur l’atoll de Temoe, dont nous ne
connaissons presque rien, nous savons que les autres fortunes de mer
n’ont pas occasionné de pertes humaines. Peut-être est-ce cette absence
de drame qui a favorisé leur effacement des mémoires.
Presque toutes les épaves de Polynésie se trouvent sur les récifs. La
violence du choc au moment du naufrage et la puissance des cyclones
qui surviennent ensuite, détruisent en général entièrement la structure
des navires. Travailler sur un fond de carène bien conservé et dans les
eaux calmes d’un lagon, représente une chance inespérée. Le Francisco
Alvarez nous offrait l’opportunité rare en Polynésie de mener à bien
l’étude in situ d’une carène. Le projet prit une dimension particulière
lorsque le GRAN fut sollicité par M. Diego Carabias, un jeune
archéologue chilien qui souhaitait se spécialiser en archéologie
subaquatique. Encouragé par les autorités chiliennes, il pu se joindre à
nous et par ses recherches historiques au Chili donner à l’entreprise une
grande cohérence et une dimension particulièrement intéressante.
La campagne de fouille du Francisco Alvarez et l’inventaire du
patrimoine sous-marin de l’archipel des Gambier s’inscrivent dans le
cadre de la mission générale du GRAN Polynésie d’inventaire du
patrimoine sous-marin de la Polynésie française. L’étude du site de
naufrage du Francisco Alvarez, se prolonge d’une part, par l’étude de
l’impact du naufrage sur la vie des habitants de l’île, et celle des relations
entre l’archipel et le Chili. Enfin cette campagne entre dans le cadre
d’une coopération franco-chilienne dans le domaine de la formation aux
techniques de fouille sous-marines.
Cette campagne a fait l’objet d’une autorisation6 prise en conseil des
Ministres du Gouvernement de la Polynésie française sur présentation du
Ministère de la Culture et de l’enseignement supérieur, chargé de la
promotion des langues polynésiennes. Ce travail de recherches
archéologiques est conduit sous l’égide du Service de la Culture et du
Patrimoine.
6 Arrêté 335/CM du 29 février 2000 (JOPF n° 10 du 9 mars 2000 – page 583)
46
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Elle s’est déroulée du 10 octobre au 1er novembre 2000.
Après un premier examen du site, et la détermination de l’axe et de
l’orientation de l’épave, une filière repère axiale de référence a été mise
en place entre l’étrave et la partie arrière.
Un plan général du site a ensuite été dressé au moyen de mesures
transversales effectuées tous les deux mètres, les profondeurs relevées
au bathymètre électronique en tenant compte du marnage, ont permis
de réaliser un profil du site en trois dimensions. Les profils en travers
ont été réalisés à l’aide d’une jauge et de règles graduées de 5 mètres de
longueur. 184 plongées en scaphandre autonome ont été effectuées,
représentant 201 heures de plongées.
En fin de chantier, les deux sondages ont été rebouchés, une bâche
a été disposée sur le vaigrage et le sédiment remis sur l’épave. Le
nettoyage systématique de la zone a été réalisé. Quelques semaines plus
tard, aux dires de plongeurs locaux, le site avait retrouvé son état initial.
La situation du Francisco Alvarez en fait un chantier archéologique
sous-marin très facile d’accès mais l’expose à de multiples risques :
L’extraction éventuelle de soupe de corail a proximité pourrait
nuire à la stabilité du site ;
La récupération du lest du navire (blocs de carrière) fragiliserait la
structure en bois sous-jacente ;
Des travaux d’élargissement du chenal pourraient le mettre en
danger.
Sans évoquer le pillage ou l’installation d’une ferme perlière, nous
saisissons l’occasion pour évoquer la vulnérabilité d’un tel patrimoine
historique.
Tout le matériel et la logistique, en dehors des embarcations et du
ponton, y compris l’essence en fûts de 200 litres, a été acheminé par
bateau plusieurs semaines avant le début du chantier. Le matériel de
plongée et de fouille était composé d’un compresseur, d’une
motopompe, de deux suceuses à eau, de blocs de plongée, d’un petit
équipement photographique, d’unité de levage, de matériel de balisage,
47
d’un GPS, etc. Un ponton de 6 x 7,5 m appartenant à MM Mateo Pakaiti
et Louis Labbeyi a été embossé sur le site. Les déplacements entre le port
et le site se faisaient avec une embarcation motorisée avec hors-bord de
75 CV appartenant à M. Sylvain Girardot et un Boston avec moteur horsbord de 40 CV appartenant à M. Mateo Pakaiti.
Ont participé à la campagne 2000 :
Alenda Bernard (Direction régionale des Douanes de Polynésie) ;
Carabias Diego (Chili) ;
Carlotti Jean-Pierre (GRAN Polynésie) ;
Fabreg Jean-Marc (Direction régionale des Douanes de Polynésie) ;
Girardot Karine (plongeur de Rikitea) ;
Girardot Sylvain (Médecin, plongeur de Rikitea) ;
Guérout Max (vice-président GRAN Métropole) ;
Veccella Robert (responsable GRAN Polynésie) ;
Vergeaud Hervé (Infirmier, plongeur de Rikitea) ;
Villegas Tatiana (GRAN métropole).
Durant une semaine, une couverture vidéo a été réalisée par “Local
Vision”, entreprise polynésienne de production de films de Simoné
Forges Davanzati, d’autres images sous-marines ont été réalisées par des
plongeurs de l’équipe avec deux caméras Sony.
Le soutien à terre et la logistique étaient assurés par Bruno Schmidt
et l’intendance par Zineb Guérout.
Le financement de l’opération a été assuré par la Présidence du
Gouvernement de Polynésie française; le Ministère de la Culture et de
l’Enseignement supérieur en Polynésie française ; Robert Wan ; la
Société des Etudes Océaniennes (SEO) ; la Brasserie de Tahiti et
l’entreprise Vita Industrie. Une aide matérielle a été apporté par Scuba
Tek, Centre de plongée du Yacht Club de Tahiti, le Service des Phares et
Balises, le service du Développement rural. Elle a reçu sur place une
aide remarquable de Bruno Schmidt, Sylvain et Karine Girardot, d’Hervé
Vergeaud, de la pension Benoît et Bianca, Yves Scansy et de Mateo
Pakaiti.
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N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Le site
On avance couramment la date du XIIIe siècle après J.-C. pour
l’installation des premiers polynésiens sur les îles de l’archipel des
Gambier, probablement venant de celles des Marquises, plus au nord.
Les travaux récents ont tendance à reculer cette date. Il est probable que
dès 800, certaines îles ont pu être occupées. Les légendes font état des
relations avec les îles Cook (ces îles font partie de la même dorsale de
l’archipel des Australes). C’est le 24 mai 1797, que James Wilson, le
capitaine du Duff, le navire des premiers missionnaires anglais, aperçoit
les îles Gambier lors de son voyage vers les Marquises, mais sans y faire
escale. Il faut attendre 1826 pour que le premier Européen, l’Anglais
Frederic Beechey, mette le pied à Mangareva7. En 1834, la congrégation
des Sacrés-Cœurs choisit cet archipel pour établir la première mission
catholique dans le Pacifique (ce choix est un peu forcé puisque Tahiti
leur est interdit par les Protestants). En quelques années, l’ensemble de
la population est converti et a abandonné les anciens cultes. Des travaux
de construction gigantesques sont réalisés dans toutes les îles, plus
d’une centaine d’édifices religieux, civils et techniques sont bâtis. Le
Code Mangarevien est rédigé et appliqué. C’est une véritable théocratie
qui est instaurée jusqu’en 1871, année où le Père Laval est prié de
quitter l’archipel et où la France établit son Protectorat.
L’archipel des Gambier se trouve au sud-est de la Polynésie
française à 1650 km de Tahiti, au voisinage du tropique du Capricorne,
par 23° 10’sud et 135° ouest. Son climat est de type tropical, toutefois
durant l’hiver austral au cours des mois de juillet et août la température
peut descendre jusqu’à + 15°. Il comporte dans un même lagon
plusieurs îles hautes : Mangareva qui culmine à 441 m (Mont Duff),
Aukena, Akamaru, Makaroa, Angakauitai, Taravai, Kamaka, Manui, l’îlot
coralien de Totegegie et à l’extérieur, l’atoll de Temoe (petit atoll situé à
50 km au sud-est de Mangareva).
7 Il n’est pas interdit de penser que le passage à Mangareva d’Européens avant 1826 soit
possible. L’Histoire officielle n’y fait pas référence.
49
Le village principal de Mangareva est Rikitea, on accède par une
passe étroite à un lagon intérieur qui constitue un petit port abrité où se
trouve l’appontement des navires assurant la liaison mensuelle avec
Tahiti.
Le site de naufrage du Francisco Alvarez se trouve sur le bord du
chenal d’accès au port de Rikitea, entre les balises tribord n° 5 et n° 7.
L’archipel est caractérisé par la présence d’une grande couronne
récifale entourant toutes les îles qui disposent elles-mêmes d’un récif
corallien propre pouvant former comme à Rikitea un second lagon
intérieur, le plus souvent de petite dimension. La profondeur à l’intérieur
du lagon principal est inférieure à 60 mètres. Les courants à l’intérieur
du lagon et sur le site, qui se trouve loin des passes de l’atoll extérieur,
est uniquement dû à la marée et parfois au vent lorsqu’il est fort et de
secteur Est. Les marées ont atteint une amplitude d’environ 70 cm
durant notre séjour. La visibilité est excellente sur le site, à la fois en
raison de la clarté de l’eau mais aussi en raison de la faible profondeur.
La température de l’eau sur le site du Francisco Alvarez était de 23°,
lors des prospections réalisées sur d’autres sites plus proches de la
barrière de corail, l’eau avait perdu un degré.
L’épave repose dans sa plus grande partie sur un fond de sable blanc,
à l’exception de la partie arrière qui est adossée à un pâté de corail.
L’épave et sa fouille
Les caractéristiques du Francisco Alvarez ne sont pas connues avec
précision, seul le tonnage est mentionné dans les documents trouvés au
Chili, soit environ 7 à 800 tonnes, il s’agit donc d’un bâtiment d’environ
55 à 60 mètres de long, dont on peut estimer le tirant d’eau en charge à
environ 5,5 mètres. Avec trois pieds d’eau dans la cale le tirant d’eau
devait atteindre environ 6 mètres. Lorsqu’il touche un pâté de corail, le
navire continue sans doute sur son erre puis se pose, cale remplie d’eau,
sur un fond d’environ 6,5 mètres, l’arrière adossé à un pâté de corail, il
s’incline légèrement sur bâbord. L’arrière posé sur les contreforts du
pâté de corail se trouve sur une pente plus accentuée, ce qui contribue
50
MANGAREVA
à vriller la coque. Le bâtiment ainsi posé, les superstructures du navire
dépassent largement de l’eau : bien entendu la mâture et les
superstructures mais aussi le pont supérieur. Il est donc aisé aux
habitants de l’île de récupérer une grande partie des charpentes du
navire. Comptant dans leur rang d’excellents plongeurs du fait de leur
activité de pêcheurs de nacre, il leur est sans doute aussi possible de
récupérer sous l’eau les structures du pont inférieur et la cargaison de
bois qui se trouve dans la cale. Ensuite la robustesse des charpentes du
navire a sans doute ralenti leur ardeur, laissant le champ libre aux tarets
(Teredo navalis) et aux diverses bactéries xylophages. Finalement
protégée par le lest de pierre, le fond de la carène est conservé sur toute
la longueur du navire.
Sous une couverture d’algues vert-jaunes ayant de petites feuilles
circulaires coriaces8, l’amas de lest forme un tumulus délimité par les
vestiges des plaques de doublage émergeant du sable. La partie visible
de l’épave est orientée au 230 et mesure environ 45 mètres de longueur,
pour une largeur maximale de 9,5 mètres. A l’avant le doublage qui
entourait l’étrave émerge du sédiment, ailleurs les plaques de doublage
dessinent le contour de la coque, dont l’arrière est moins bien délimité.
Au centre de l’épave à 19 m de l’étrave émerge une concrétion
métallique : il s’agit sans doute de l’ancre de réserve qui était en place
dans la cale, elle marque donc très probablement l’emplacement d’un
panneau de cale.
Une première zone est délimitée à l’arrière à environ 26 m de
l’avant, sur le côté tribord (sondage arrière environ 4 x 2 mètres). Son
dégagement a occupé la première semaine de fouille, l’étude détaillée
s’est poursuivie ensuite alors qu’une seconde zone de fouille était
délimitée à bâbord avant à 3 m de l’étrave (sondage avant).
8 Halimeda opuntia (avec de petites feuilles) et Halimeda distorta (avec de grandes feuilles).
Identification effectuée par Mme Claude Payri, Directeur du laboratoire d’écologie marine de
l’Université de Polynésie française.
52
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Notre intention première était d’effectuer la fouille d’un secteur situé
sur l’arrière, au droit du château arrière pour espérer accéder aux
structures de la coque et en même temps à un éventuel mobilier
archéologique provenant de cette zone du navire (logement de l’état major).
Mais la présence de concrétions métalliques volumineuse nous faisant
craindre de ne pouvoir accéder qu’avec difficultés aux structures, nous fit
choisir une zone située plus en avant et occupée uniquement par du lest.
Plan général du site
Coupe profil du sondage arrière
Sous la couche d’algue d’une épaisseur moyenne de 10 cm, mais
pouvant atteindre le double, les pierres de lest sont apparues libres de
tout envasement sur une épaisseur moyenne de 20 cm. Sous cette
première couche de lest libre, est apparu un lest noyé dans un sédiment
vaseux gris blanc très compact, formant un pudding très difficile à
dissocier, occupant entièrement l’espace compris entre la serre et la
carlingue sur une épaisseur maximale d’environ 60 cm. Sous les vaigres
est apparu entre les varangues un sédiment vaseux noir plus fluide.
53
Il faut aussi noter la présence le long de toutes les pièces de charpente
de très nombreux coquillages d’une dizaine de centimètres de diamètre.
Il s’agit de coquillage de la famille des Lucinidae, espèce Codakia
tigerina (Linné, 1758)9
Le bordé qui affleure la surface du sédiment est très dégradé, il
mesure 10 cm d’épaisseur, a été taillé par les charpentiers dans l’érable
sycomore (Acer pseudoplatanus).
En raison de la présence du doublage, afin d’éviter les phénomènes
d’électrolyse, le clouage du bordé sur la membrure est effectué au
moyen de clous de cuivre, d’une longueur de 185 mm, ayant une section
carrée sous la tête de 12 mm de côté et se terminant en langue de carpe
(aplatie). La tête carrée mesure 20 mm de côté.
Les extrémités des six membrures sont très dégradées, les quatre
membrures situées au centre ont été dégagées sur toute leur largeur.
Elles mesurent au droit de la serre, 20 cm d’épaisseur et ont une largeur
de 30 cm. Après le retrait des vaigres, les membrures sont apparues très
bien conservées, leur épaisseur évolue pour atteindre 40 cm au droit de
la vaigre n°6. Deux écarts10 correspondant aux membrures n°2 et n°4
se trouvent sous la serre n°2. Pour ces deux membrures, on se trouve
donc en présence du genou, et en allant vers l’axe du navire, de la
varangue. Il est probable que la varangue correspondant aux
membrures n°1, n°3 et n°5 se prolongeait au-delà de la serre. La
détermination de l’essence de l’échantillon prélevé sur une membrure
révèle que c’est de l’orme (Ulmus sp.) qui a été utilisé.
9 Lucinidae : Les lucines ont des valves arrondies presque circulaires et dont la taille, pour les
quatre principales espèces communes à Tahiti et dans les archipels voisins, est comprise entre
12 et 70 mm. Les Lucinidae vivent dans le sable corallien franchement océanique. Ils sont
présents en abondance dans certains lagons d’atolls fermés, notamment les deux plus petites
espèces Codakia divergents et Anodontia edentula, mais aussi dans les lagons d’îles hautes.
Les deux autres espèces, C. punctata et C. tigerina, colonisent habituellement des substrats
meubles fréquemment remaniés par la houle. Ces Bivalves possèdent un pied allongé qui leur
permet de bonnes performances pour s’enfouir rapidement dans le sédiment. (D’après Salvat,
Rives, p. 196)
10 Un écart est un assemblage de deux pièces de bois, il en existe de nombreuses formes.
54
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Nous avons identifié deux serres mais il n’est pas impossible qu’elles
constituent la partie inférieure d’un vaigrage renforcé que l’on rencontre
fréquemment dans la construction des navires de commerce au XIXè
siècle. Ce sont des pièces de bois très dégradées et envahies par les tarets
dont les dimensions sont pour la première (la plus haute) entre 25 et 29
cm de large et 25 de hauteur (partie restante) et pour la seconde 30 cm
de large par 33 cm de hauteur. Elles sont assemblées à la membrure par
un système de chevilles de fer de 2,5 cm de diamètre par membrure. Au
droit de l’écart entre la varangue et le genou, le chevillage est double. La
tranche de la serre n°2 comporte le cœur de l’arbre [pin sylvestre
(Pinus type silvestris)] dans lequel elle a été taillée.
Entre la serre et la carlingue, se trouvent 8 vaigres. Elles mesurent
8 cm d’épaisseur, elles sont très soigneusement assemblées, ne laissant
aucun interstice entre elles. Leurs largeurs sont 25, 35, 31, 30, 32, 30,
30 et 30 cm.
Elles sont clouées sur la varangue à l’aide de clous de fer d’environ
15 cm de longueur et ayant une section carrée, mesurant environ 10 mm
sous la tête, à raison de deux clous par varangues11. Un seul écart entre
deux virures a été observé, il s’agit d’un simple aboutage dont les
extrémités sont clouées sur la membrure. Toutes les virures prélevées
pour analyse sont débitées autour du cœur de l’arbre dont elles
proviennent (le cœur se trouvant soit au centre de la virure soit en
bordure). Les quatre analyses de bois font apparaître quatre essences
différentes : du cèdre (Cedrus sp.), du pruche de l’ouest (Tsuga
heterophylla), hard pine (Pinus palustris), et du pin sylvestre (Pinus
type silvestris).
11 Les clous en bronze ou en fer sont généralement utilisés en construction navale pour le
clouage du bordé ou du vaigrage. La règle habituelle des chantiers américains est que la
longueur du clou (spike) est égale à deux fois et demi l’épaisseur de la pièce de charpente
clouée : soit 25 cm pour une virure de 10 cm d’épaisseur et 20 cm pour une virure de 8 cm.
On voit ici que le coefficient est plutôt 1,8 que 2,5 ce qui implique une construction moins
robuste.
55
Reconstitution possible du fond de carène
Un espace libre de 5 cm sépare la dernière vaigre et la carlingue.
Cet espace est habituellement utilisé pour y introduire une vaigre mobile
appelée paraclose12, qui n’a pas de rôle structurel mais uniquement
fonctionnel, permettant d’inspecter les fonds sous la carlingue et
éventuellement de désengorger le canal des anguillers. Une pièce de
charpente en pin de Weymouth (Pinus Strobus) ne portant aucune
trace de clouage ni d’assemblage repose à plat sur le vaigrage,
parallèlement à la carlingue. D’une largeur de 30 cm et d’une épaisseur
12 La Paraclose (Limber Board), avait un rôle fonctionnel et non structurel. Ses dimensions
étaient telles que son épaisseur pouvait résister à une charge considérable, alors que sa largeur
était déterminée par l’espace qu’elle était destinée à recouvrir dans le fond de la cale. Elle était
en général parallèle à la carlingue ou au carlingot sur une portion considérable de la longueur
du navire et à une distance de 10’(25 cm), déterminant une ouverture qui permettait l’accès au
canal des anguiller (limber) si nécessaire. Dans le but d’éliminer la possibilité de chutes de
saletés et d’objets étrangers dans l’espace entre les varangues et dans le but de réaliser une
plate forme complète sur laquelle la cargaison puisse être posée, cette ouverture était couverte
par une série de planches mobiles relativement courtes : les paracloses (limber boards). Leur
longueur était choisie de manière à permettre un maniement aisé et à une stabilité suffisante
pour être maintenues dans leur logement. Leur largeur était plus grande que celle de l’ouverture
qu’elles couvraient, en conséquence lorsqu’elles étaient en place, elles formaient avec un angle
important par rapport à l’horizontale, se trouvant ainsi calée en place sans poser de problème
de manutention. Il y avait plusieurs méthodes pour installer les paracloses, mais dans le plus
simple des cas, la paraclose avait une section rectangulaire et était mise en place comme le
montre la figure. Les paracloses si elles étaient fixées, l’étaient par quelques clous enfoncés de
place en place de manière à pouvoir être facilement enlevés si la situation l’exigeait (Crothers,
p. 213).
56
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
de 10 cm, l’un de ses bords était taillé en biseau. Sans doute tombée au
moment du chargement du lest du navire, elle est restée prise sous celuici. Cette pièce de charpente pourrait être la paraclose, mais l’étroitesse
de l’espace disponible (5 cm) pose problème. La largeur de l’espace
habituellement pratiqué est de l’ordre de 25 cm (Crothers, p. 213), peut
être ici l’espace très étroit explique-t-il le biseau de la paraclose.
La carlingue très robuste est formée de trois pièces de charpente
superposées. Les deux pièces inférieures (dont une en pin sylvestre
(Pinus type silvestris), entièrement conservées ont une section de 36 x
36 cm, il ne subsiste de la partie supérieure que l’extrémité des trois
chevilles de fer entourées d’un reste de bois imprégné d’oxyde de fer
(hauteur proche de 36 cm). L’assemblage est effectué au moyen de
chevilles de fer de 3 cm13 de diamètre.
Le profil transversal du sondage fait apparaître un fond relativement
plat, correspondant à un acculement des varangues relativement faible.
La partie conservée s’arrêtant à l’amorce du bouchain on ne peut
évidemment rien dire du profil de la partie haute de la coque. On trouve
quelques exemples de fond présentant une inclinaison semblable parmi
ceux adoptés pour les clippers (Crothers, p. 86)
L’étude d’une section de coque, nous ayant fourni l’essentiel des
informations sur l’architecture du navire dans sa partie centrale, notre
choix s’est porté sur la partie avant, de préférence à l’arrière.
Considérant en effet que lors du naufrage, les charpentes et les objets se
13 Les dimensions des chevilles en fonction de l’épaisseur des pièces de charpentes étaient les
suivantes dans les chantiers américains, selon Crothers, (p. 67) :
Epaisseur des charpentes
Diamètre des chevilles
1’= 30,48 cm
7/8” = 2,2 cm
2’
1/2
= 79 cm
1” = 2,54 cm
Entre 2’1/2 et 3’1/2 = entre 79 cm et 110 cm
1” 1/8 = 2,85 cm
Entre 3’1/2 et 4’1/2 = entre 110 cm et 140 cm
1”1/4 = 3,16 cm
57
trouvant au-dessus de la flottaison ou à faible profondeur avaient fait
l’objet d’une récupération systématique, il était plus probable de trouver
quelques objets représentatifs de la vie du bord, dans la partie avant, où,
sous le pont inférieur, se trouvaient les soutes des maîtres : manœuvrier,
voilier, calfat, charpentier, etc. Une zone de 2 m de large située à 3 m de
l’étrave sur toute la largeur de l’épave fut choisie. Le dégagement de
plusieurs pièces de charpentes liées aux structures de l’extrême avant
(en particulier les guirlandes) nous a amenés à n’étudier que la partie
bâbord mais en prolongeant la zone de fouille de 2,00 m vers l’avant.
On retrouve à l’avant l’algue verte couvrant le site, mais à ce niveau
hormis une couche superficielle, le lest est pratiquement absent.
Quelques concrétions ferreuses provenant de ferrures ou de clous sont
présentes dans le sédiment. Ensuite, dans une couche de sédiment gris,
on trouve un grand nombre d’éléments en bois.
Le doublage s’élève dans cette zone de 70 à 100 cm au-dessus du
sol. A l’image de l’étrave dont il ne reste plus que la protection contre
les tarets, les plaques de cuivres dépassent par endroit très largement les
bois qu’elles protégeaient.
Le sondage avant est situé près de la proue. Huit bordés,
difficilement accessible et identifiable, d’une épaisseur de 10 cm, se
présentent de bout en raison leur courbure est très accentuée. Un
prélèvement a permis d’identifier l’essence de bois du bordé n° 8. Il a
été taillé dans du chêne caducifolié (Quercus sp.).
Les extrémités très dégradées de onze membrures sont apparentes
en abord. Leurs largeurs varient de 25 à 45 cm pour une épaisseur de
30 cm. Les espaces les séparant (mailles) sont compris entre 5 et 20 cm.
Entre la serre et la carlingue, se trouvent 10 vaigres (voir figure).
Elles ont semble-t-il une épaisseur (5 cm pour la vaigre n°1) plus faible
que celles observées dans le sondage arrière, ce qui est probablement
dû à l’absence de lest à cet endroit et donc aux contraintes moins
58
Plan du sondage avant
59
importantes auxquelles le vaigrage est soumis. Là aussi, elles sont
soigneusement assemblées et en raison du profil de la coque à cet
endroit certaines virures ne sont pas de largeur constante, et sont taillées
en biseau, l’une d’elles présente un écart droit. Il semble que la vaigre
n°10 située le long de la carlingue soit un carlingot ou une vaigre
renforcée, et celle n°9 soit une vaigre de section trapézoïdale (voir figure).
La carlingue très robuste, comme à l’arrière14, est formée d’un
assemblage de trois pièces de charpente superposées d’une section de
36 x 36 cm. Dans la terminologie anglaise utilisée par Crothers (pp.
158-159), il pourrait s’agir des : keelson, 1 st rider et 2nd rider. Les
trois éléments de la carlingue pourraient être renforcés par des
carlingots (sister keelson).
La structure de l’avant est renforcée par trois pièces de charpente
de forte section. Deux sont superposées contre la carlingue, elles ont
une section rectangulaire de 30 cm de large par 36 cm de haut chacune
et la troisième triangulaire épouse la courbure du vaigrage. Leur tranche
laisse apparaître le cœur de la grume utilisée (voir figure).
Deux guirlandes d’une section moyenne de 30 cm prennent naissance
sur les renforts (voir figure). Elles épousent la courbure du vaigrage et ont
pour fonction d’assurer la liaison des deux murailles du navire à son
extrémité avant. Il est probable que d’autres guirlandes étaient situées à
différentes hauteurs en arrière de l’étrave.
Les deux profils réalisés à moins de 2 m l’un de l’autre, présentent des
courbures très différentes, compte tenu de la proximité de la proue. Les
membrures ne semblent pas s’être affaissées depuis le naufrage du navire.
La zone avant est apparue très rapidement occupée par un grand
nombre de fragments de bois (sous forme de dosse, de morceaux
fendus sans trace de façonnage) ou de pièces de bois façonnées (simple
bout de planche isolée ou planches rangées en les unes contre les
autres, chute de planche rainurée et bouvetée, ébauches avec trace de
coup de scie, pièces identifiables : chantiers de barriques, pied de table,
14 A l’avant la carlingue est complète, à l’arrière la pièce supérieure a disparu.
60
Plan du sondage avant
essieu, épontille mobile, douves de barriques, caisse de poulie, etc.).
Trois fragments de noix de coco étaient également présents. De
nombreux morceaux de charbon ont été trouvés mêlés au bois
notamment le long de la carlingue. Les analyses des échantillons
prélevés ont permis de reconnaître des bois variés. Comme le veut la
coutume de la marine à voile, l’atelier du charpentier est situé à bâbord
avant. Les outils de celui-ci n’ont pas été retrouvés dans la zone fouillée
car la caisse du charpentier a été vendue aux enchères le 2 décembre
1868 pour la somme de 6 francs à Routeff (lot 57 de la vente aux
enchères). Mais le mobilier trouvé ne laisse pas de doute sur la nature
et l’utilisation de cet endroit.
61
Si le doublage est omniprésent sur le site nous n’avons pu recueillir
qu’une seule plaque pratiquement complète, tombée dans le sable à
bâbord avant de l’épave. Cette plaque de métal jaune15 mesure 122 cm
de long pour 35,5 cm de large et a une épaisseur d’environ 1,5 mm16.
Les mesures observées sont proches des mesures généralement
adoptées pour les plaques de doublage utilisées dans la Royal Navy : soit
4’x 15” (122 x 38 cm) (P. Goodwin, p. 225) ; dimensions qui semblent
avoir été ensuite ramenées à 4’x 14” (122 x 35,6 cm) dans la
construction navale anglo-saxonne au xixe siècle (Crothers, p. 329).
Elles sont, au contraire, assez éloignées des valeurs en usage dans la
Marine française à la fin du XVIIIè siècle.
A l’avant du site se dressent les restes de l’étrave. Il s’agit non pas
des charpentes de bois qui constituent l’étrave elle-même, mais des
vestiges du doublage qui les entouraient, de clous et de restes de bois
imprégnés d’oxyde de cuivre, recouverts de concrétions calcaires. La
partie conservée mesure 2,2 m au-dessus du niveau du sable.
15 Les tentatives pour protéger les coques de navires de l’action des tarets et de la prolifération
des algues et des crustacés qui en diminuaient les qualités hydrodynamiques, aboutirent en
1761 aux premiers essais de doublage à l’aide de plaques de cuivre (frégate de la Royal navy
Alarm). Mais cette solution avait plusieurs inconvénients : étant très malléable le cuivre était
sujet à l’érosion ; le délais de détérioration inégal de chacune des plaques, pouvait entraîner une
détérioration prématurée de l’ensemble ; le coût était très élevé (1/10 du prix de la coque pour
un navire de commerce). Aussi d’autres solutions furent recherchées qui aboutirent à
l’invention en 1830, à Birmingham (Angleterre) par George Frederik Muntz, d’un alliage breveté,
constitué de 50% de cuivre et 50% de zinc, appelé métal jaune, qui connut un succès immédiat.
16 Les plaques de doublage sont disposées parallèlement à l’axe du bâtiment, bout à bout avec
un recouvrement de 3 cm, de telle manière que la feuille la plus en avant recouvre la plaque la
plus en arrière. Les rangées situées au-dessus et au-dessous, sont disposées en quinconce
avec un recouvrement de 3 cm des plaques les plus hautes par les plaques les plus basses.
Elles sont fixées sur le bordé à l’aide de clous de cuivre à tête ronde, de 30 mm de long et ayant
un diamètre sous la tête de 4 mm, la tête mesurant 8 mm. Le clouage s’effectue d’une part sur
la bordure de la plaque, à environ 1,5 cm, avec en moyenne un clou tous les 4 cm. Le reste de
la plaque (voir figure) est maintenu par une série de clous disposés en diagonale sur 4 lignes
parallèles espacées d’environ à 7 cm soit 44 clous Il est intéressant de remarquer que les
habitudes des chantiers de construction américains de la côte Est étaient de clouer la partie
centrale des feuilles de doublage avec 3 ou 5 rangées de clous, utilisant à cet effet soit 39 soit
49 clous (Crothers, p. 329). Au total il faut donc environ 71 clous par plaque, si on compte les
seuls clous concernant la partie couvrante. En réalité chaque plaque est fixée par 118 à 120
clous.
62
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Détail du relevé de la carlingue du sondage avant
Restitution possible de la carlingue du sonfage avant
L’inclinaison de l’étrave vers l’est, soit sur bâbord est de 9°, ce qui
correspond à l’inclinaison mesurée dans la fouille avant (à environ 2,50
m de l’étrave) le long de la carlingue. La largeur de l’étrave mesurée à
l’intérieur du doublage est de 25 cm. Trois clous et une broche (?)
d’environ 3 cm de diamètre sont encore en place. L’inclinaison sur l’avant
de l’étrave est de 17 degrés environ, on doit en effet tenir compte du fait
que l’épave semble légèrement inclinée vers l’avant de 1 ou 2 degrés.
63
Conclusion
Le Francisco Alvarez est un navire de charge et sa construction très
solide en atteste. Cependant si on compare à la construction des clippers
décrite par Crothers (Crothers, 1997), on remarque que le Francisco
Alvarez est moins robuste que ceux-ci et ne comporte pas l’une des
caractéristiques constantes de ce type de bâtiment durant la même
période : une membrure formée de couples (membrure formée d’une
double épaisseur de bois, ce qui justifie le terme de couple). Le
chevillage de la coque est également plus faible que celui des clippers :
un exemple permet de s’en rendre compte : les vaigres observées (V1 à
V8) sont simplement clouées sur la membrure, alors que sur les
clippers, vaigres, membrure, bordés sont chevillés ensembles. Toutefois
il faut souligner que pour les constructions standard, le clouage du
bordé et des vaigres reste la règle, mais nous l’avons vu avec une
dimension des clous plus grande que celle que nous avons observée.
Pour autant, nous n’excluons pas une construction américaine.
Guérout
Robert Veccella
Diego Carabias
64
Calepinage des plaques de cuivre
Dessin de FA S 09
Restitution d’une plaque de doublage
65
Un long voyage
du 11 mars 1868
au 29 janvier 1869
Le 11 mars 1868, le Francisco Alvarez fait un aller retour à Lota
afin de charger une cargaison de 703 tonnes de charbon.
Le 13 mars 1868, il quitte le port de Valparaiso à destination de San
Francisco17.
Il quitte San Francisco avec une cargaison de bois (pin d’Oregon18)
à destination de Valparaiso.
Le 10 septembre 1868, une voie d’eau se déclare après un fort coup
de vent.
La décision est prise le 12 septembre 1868, de jeter par-dessus
bord le chargement en pontée.
Le navire franchit l’équateur le 2 octobre 1868.
Le 18 octobre 1868, le danger grandissant, il est décidé de faire
route vers la côte la plus proche sous le vent.
Le 21 octobre 1868, le navire mouillait devant Rikitea, avec trois
pieds d’eau dans la cale.
En voulant se mettre à l’abri dans le lagon intérieur, il heurta le
lendemain, 22 octobre 1868, un pâté de corail et s’échoua sur le bord
droit du chenal d’accès sinueux qui permet d’accéder au “port” de
17 Les dates arrivée et de départ de san Francisco ne sont pas connues.
18 Le pin d’Oregon a pour nom botanique Pseudotsuga douglasii (Lindley) Carrière, il est de la
famille des Pinacées. Il est communément appelé aussi sapin de Douglas ou Douglas vert. Il
s’agit d’une essence très largement répandue sur la façade Pacifique nord-américaine, du nord
de la Californie à la Colombie Britannique et dans une grande partie des Montagnes Rocheuses;
en Arizona. C’est un bois qui est très utilisé dans la construction.
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Rikitea19. L’échouement ne fit aucune victime. Un radeau fut construit pour
débarquer la cargaison et les équipements, malgré une mer très agitée.
Une première vente eut lieu sur place le 31 octobre. L’équipage et
son capitaine, embarquèrent le 22 novembre 1868, un mois après le
naufrage, sur la goélette mangarévienne Maria i te aopu, 109 tonneaux,
capitaine Irenéo, en même temps que tout le matériel prélevé sur l’épave
et destiné à la vente à Papeete. La Maria i te aopu arriva à Papeete le 26
novembre 1868. Le tribunal de commerce de Papeete, rendit le 28
novembre 1868 un jugement autorisant la vente aux enchères et confia
celle-ci à Maître Trusseau, notaire à Papeete. Après un inventaire et la
constitution de 115 lots, la vente eut lieu le 2 et le 3 décembre 1868. Le
10 décembre 1868 Louis Alexandre et son équipage prirent passage à
bord du trois-mâts anglais Harmon, 350 tonneaux, capitaine Dunn, qui
était arrivé le 2 octobre 1868 en provenance de Sydney et firent route
pour Valparaiso qu’ils atteignirent le 29 janvier 186920.
19 “ La goélette Maria est arrivée à Papeete le 26 novembre, venant de Mangareva. Elle avait été
affrétée par le capitaine Alexandre, du trois-mâts guatémalien Francisco Alvarez, naufragé aux
Gambier, pour amener ici son équipage et ce qu’on a pu sauver. Depuis le 10 septembre, à la
suite d’un fort coup de vent, le trois-mâts Francisco Alvarez fit de l’eau d’une manière alarmante.
Le 12 septembre, le capitaine et l’équipage avaient décidé, pour le salut commun, le jet à la mer
de la partie du chargement qui était sur le pont. Le 2 octobre, le navire passait la ligne, où il
trouva les vents d’est qui lui firent faire quelques jours de bonne route. Le 18 octobre, l’équipage
fut assemblé de nouveau, le danger ne faisant qu’augmenter. Une relâche au port le plus voisin
fut décidée à l’unanimité. On fit route sur les îles Gambier. Le 21 octobre, le navire y jetait l’ancre
avec trois pieds d’eau dans la cale. Toute la nuit fut employée à pomper. Le lendemain, le pilote
était à bord pour changer le mouillage. L’appareillage se fit sans difficulté. Au moment de donner
dans le canal qui conduit dans le petit port où l’on devait trouver un abri sûr, une variation subite
du vent fit tomber le navire sur tribord, où il s’échoua sur un bas-fond de sable et madrépores.
Tous les efforts furent inutiles. Le beau trois-mâts Francisco Alvarez était perdu. Un radeau fut
construit, mais la brise et la houle augmentaient, la mer enlevait les objets qu’on y déposait. Il
devint même impossible de songer à sauver tout ou partie de la cargaison. Le navire fut dégrée,
et on put porter à terre gréement, apparaux, etc., Le Francisco Alvarez était un beau navire de
1 000 tonneaux, appartenant à la maison Francisque Alvarez, de Valparaiso. Pour qui connaît la
rade de Mangareva, ce sinistre n’a tien de surprenant. Elle est parsemée de bancs de coraux
presque à fleur obligées de faire de nombreux détours.
La vente des objets sauvés a eu lieu à Papeete le 02 décembre. Il sera pourvu au rapatriement
de l’équipage naufragé “. (Le Messager de Tahiti,, samedi 5 décembre 1868).
20 “ Naufrage : Par le navire britannique Harmon sont arrivés le capitaine et l’équipage de la
frégate guatémaltèque Francisco P. Alvarez qui fit naufrage aux Iles Gambier, où il se rendit avec
l’objectif de réparer quelques avaries survenues durant le voyage de San Francisco à ce port
[Valparaiso NDT]. Le chargement du navire était du bois et nous pensons qu’il était assuré. Par
contre, nous ne savons pas si le navire l’était. Il appartenait à Francisco Pascual Alvarez,
commerçant de la place.. “ (El Mercurio de Valparaiso, 30 janvier 1869).
67
Le bâtiment
Le trois-mâts Francisco Alvarez, d’environ 800 tonneaux21, est
commandé en 1868 par Louis Alexandre22.
Selon la terminologie chilienne c’est une frégate, terme qui sert à
désigner une “fragata de tres palos” soit un trois-mâts. Le gréement du
navire et ses équipements principaux nous sont connus grâce à un acte
notarié établi par Maître Trusseau, notaire à Papeete, le 2 décembre
186823. L’énumération des voiles, des vergues et des mâts de hune et de
perroquet permet de confirmer un gréement24 en trois mâts carré dont
le plan de voilure est conforme aux transformations adoptées vers 1850,
21 En 1868, seuls deux navires de tonnage équivalant ou supérieur font relâche dans le port de Papeete.
22 Dans le Messager de Tahiti on trouve la trace d’un capitaine Alexandre dont le prénom n’est pas
mentionné, d’abord capitaine d’une goélette française de 137 tonneaux, 9 hommes d’équipage, la Norma,
qui entre octobre 1 852 et octobre 1853, effectue trois aller-retour Valparaiso, Papeete via les Gambier
pour le compte de la maison Fauché Frères de Valparaiso dont l’agent à Papeete est Joseph Labbé. Il
apparaît ensuite comme capitaine d’une goélette chilienne de 138 tonneaux et 9 hommes d’équipage
(peut-être le même navire ayant changé de nom) nommée Penquista, pour le compte de la même maison.
Trois voyages sont mentionnés en 1854, un aller-retour Valparaiso, Papeete ; au début de l’année 1855,
un voyage Valparaiso, Melbourne, Papeete, Anaa, Valparaiso ; puis de juin à octobre 1855 un voyage allerretour Valparaiso, Papeete entrecoupé d’un passage sur cale dans l’arsenal de Fare Ute du 5 au 22 août.
Peut-être s’agit-il de la même personne, mais l’absence de prénom laisse encore planer un doute. Le
même personnage eut semble-t-il maille à partir avec le père Laval à Mangareva, sans doute à l’occasion
d’une escale de la goélette Norma : “ Il y eut, à cette époque [fin 1853 certainement, NdR], une distribution
des prix à Rouru, et, si M. Labbé n’y parut pas, parce qu’ils ne se voyaient plus, le Père Cyprien et lui,
cependant son capitaine M. Alexandre, s’y rendit, parce que ce marin n’avait pas encore eu occasion de
rompre avec le Supérieur de la Mission, qui était aussi, depuis déjà très longtemps, le représentant du
gouvernement français. Mais cette rupture de M. Alexandre ne se fit pas attendre. Il finit par épouser la
querelle de M. Labbé. Alors ce fut un chorus des plus curieux. C’était à qui de ces deux Messieurs aurait
le moins de politesse et de savoir-vivre. Comme le matelot, ils se frappaient le derrière pour se moquer
du représentant de la France : Ton Empereur, disait Alexandre, je lui couperais le cou avec un rasoir s’il
était là ; et toi, son représentant, tiens, voilà mon derrière !.. Je m’arrête ici, c’est déjà trop d’avoir trempé
ma plume dans cette ordure des agents de la maison Fauché “. (Laval, 294)
Par contre en 1866, Louis Alexandre commande l’Elvira Alvarez, 340 t, qui appartient également à
Francisco P. Alvarez, et sous pavillon italien, transporte du bois, le long de la côte chilienne (El Mercurio
de Valparaiso, 13 octobre 1866).
23 Estimation, le 2 décembre 1868 des débris et marchandises pour la vente aux enchères, acte enregistré
le 9 décembre.
24 On peut ainsi énumérer les voiles ; voiles d’avant : clin foc, foc, petit foc ; les voiles portées par le mât
de misaine : misaine, petit hunier fixe, petit hunier volant, petit perroquet, petit cacatois ; les voiles portées
par le grand mât : grand voile, grand hunier fixe, grand hunier volant, grand perroquet, grand cacatois ;
voiles portées par le mât d’artimon : voile barrée, perroquet de fougue du bas, perroquet de fougue du
haut, perruche, et à l’arrière la brigantine. Il faut ajouter à cela des voiles d’étai et des bonnettes pour la
grand voile et le grand hunier.
68
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
c’est à dire le fractionnement du hunier (la voile directement située audessus de la voile basse) en hunier fixe et hunier volant ou selon le
vocabulaire anglais (lower topsail et upper topsail25).
La mature est composée à l’avant, d’un beaupré et d’un bout dehors ;
d’un mât de misaine comportant un bas mât, un mât de hune et un mât de
perroquet ; d’un grand mât comportant un bas mât, un mât de hune, un
mât de perroquet ; d’un mât d’artimon comportant un bas mât et un mât
de perroquet de fougue et pour la brigantine, un gui et une corne.
Il semble bien que le Francisco Alvarez ait été acheté par Francisco
P. Alvarez pendant la guerre contre l’Espagne ou immédiatement après,
car il n’en est pas fait mention dans l’état de la marine de commerce
chilienne pour la période 1860-1865. Cet état montre également que les
navires de commerce chiliens étaient très souvent achetés à l’étranger
(en Europe, en Amérique du Nord ou en Australie). Parmi les 250
navires à voiles que compte la marine marchande chilienne à cette date,
six ont un tonnage comparable et seulement quatre sont des frégates.
Trois d’entre elles ont été construites aux Etats-Unis et achetées après 10
ans de service26. On ne peut toutefois pas écarter l’hypothèse d’un achat
du Francisco Alvarez sur le marché chilien.
Le Francisco Alvarez n’apparaît pas dans les mouvements du port
de Valparaiso avant 1867. On trouve mention des trois derniers
mouvements du Francisco Alvarez à Valparaiso dans les “Movimiento
Maritimo de Valparaiso : 1867-1868” :
Date
Capitaine
5 novembre/1867 Alexandre
Destination
Equipage
Etrangers
Chiliens
Propriétaires
Ancud
19
8
11
F.P. Alvarez
11 mars/1868
L. Alexandre Lota (*)
20
11
9
F.P. Alvarez
13/3/1868
L. Alexandre San Francisco
20
12
8
F.P. Alvarez
25 L’inventaire établi par maître Trusseau, n’utilise pas le vocabulaire français, soit : hunier fixe
et hunier volant mais utilise les termes de hunier du bas et de hunier du haut, traduction directe
des termes anglais. L’emploi de ces termes pourraient indiquer une origine anglo-saxonne du
navire, dans la mesure où les habitudes de langage prises à l’origine auraient pu perdurer.
26 Estado Jeneral de la Marina Mercante, el 1 de septiembre de 1865, dans Memoria de Marina,
1866.
69
L’étude des archives notariales27 montre que Francisco Pascual
Alvarez a acheté trois bâtiments à Valparaiso en 1867.
Le 11 mai, Francisco Pascual Alvarez achète le trois-mâts barque
guatémalien Evans appartenant à M. Pantaleón Uriarte pour 5 200
pesos, payant comptant28.
Le 30 avril, il emporte l adjudication du trois-mâts guatémalien
Julián appartenant à Laracondegui & Cie de Lima pour 11 317, 25
pesos, payant comptant29.
Le 29 novembre 1867, Francisco Pascual Alvarez emporte
l adjudication d un autre trois-mâts, cette fois nord-américain, le
Georges appartenant à M. Samuel P. Kissam et M. John G. Meiggs pour
14 450 pesos, payant comptant. Le capitaine Kissam avait essayé sans
succès d obtenir le financement nécessaire pour réparer son vaisseau,
qui est finalement liquidé par vente publique30.
Le Georges est acheté après la date du premier voyage du Francisco
Alvarez, et l’Evans est un trois-mâts barque dont le prix indique un
navire de tonnage réduit. Il est par contre possible que le Julian puisse
être le Francisco Alvarez : c’est une “frégate”, achetée près de six mois
avant le premier voyage du Francisco Alavarez, ce qui laisse à son
armateur assez de temps pour régler les problèmes administratifs et
pratiques ; on remarque que l’enregistrement de la vente a lieu
précisément le jour du départ du Francisco Alvarez pour son premier
voyage (il pourrait s’agir d’une régularisation administrative
indispensable pour permettre au bâtiment de naviguer en toute légalité);
enfin il arbore déjà le pavillon du Guatemala31. L’absence de données
techniques sur le Julian, ne nous permet cependant pas de confirmer
cette hypothèse.
27 Notarios de Valparaiso, Vol. 146, foja 222 : Notario Publico y Conservaor Licenciado don
Joaquin Secundo Iglesias, Année 1 867.
28 Lieu : Valparaiso, date : 11 mai 1867. Type document : Achat et vente, Nº : 293 Notarios de
Valparaíso, Vol. 146, Foja 222.
29 Lieu : Valparaiso, date : 05 novembre 1 867. Type document : Achat et vente, Nº : 792
30 Lieu : Valparaiso, date : 02 décembre 1 867 Type document : Achat et vente, Nº : 877
31 C’est dans cette direction que les recherches vont se poursuivre.
70
Figure 1 : restitution possible des voiles du Francisco Alvarez d’après la liste des
voiles de la vente aux enchères
(Pour les noms des voiles voir en annexe)
Figure 2 : restitution possible le mature du Francisco Alvarez
d’après la liste des mâts de la vente aux enchères
Les ventes du matériel sauvé
de l’épave du
Francisco Alvarez
La première vente eut lieu sur place, à Rikitea dès le 31 octobre.
C’est uniquement à celle-ci que le Père Laval fait allusion. “Le navire et
la cargaison sont vendus aux enchères, le 31 octobre 1868 ; et c’est à
l’homme du Roi, Iréneo, que la vente est adjugée, à raison de 2520 $
plus 50,50 $ pour le crieur, et 181 $ pour équilibrer l’or du Chili avec
la monnaie française = 2711 piastres ! “ (Laval, p. 577).
Dès l’arrivée à Papeete de la Maria i te aopu (dont le capitaine, il
faut s’en souvenir, est Irénéo, l’acheteur du premier lot de bois), Louis
Alexandre dépose le 26 novembre 1868, une somme de 2100 piastres
équivalent à 10 500 F chez Maître Trusseau32. Cette somme représente
sans doute le montant de la vente effectuée à Mangareva, diminuée des
frais engagés par Alexandre, pour loger et nourrir son équipage et
affréter la Maria i te aopu.
Le Messager de Tahiti passe une annonce le 28 novembre33
32 Acte notarié n°1 établi le 26 novembre en présence des témoins Théophile Van der Veene,
greffier et François Butault, écrivain de Marine et enregistré à Papeete le 28 novembre.
(Archives de Maître Cormier, notaire à Papeete)
33 Messager de Tahiti n°47 - Samedi 21 novembre 1868
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
“ETUDE DE M. P. TRUSSEAU, NOTAIRE À PAPEETE,
VENTE PUBLIQUE
Autorisée par justice
De divers agrès, apparaux, marchandises et objets mobiliers
provenant du navire Francisco Alvarez, portant le pavillon de la
République de Guatemala, appartenant à M. Francisco P. Alvarez, de
Valparaiso (Chili), commandé par M. le capitaine Louis Alexandre, et
naufragé, le 22 octobre 1868, sur l’île Mangareva (Gambier).
Le public est prévenu que, en vertu d’un jugement rendu sur
requête, le 28 novembre 1868, par le tribunal de commerce des Etats
du Protectorat des Iles de la Société, séant en la ville de Papeete, île de
Tahiti, il sera procédé, à la requête dudit M. Louis Alexandre, domicilié
à Valparaiso, mais se trouvant actuellement à Papeete, par le ministère
dudit M. P. Trusseau, le mercredi deux décembre prochain, et jours
suivants, s’il y a lieu, à midi, en ladite ville de Papeete, vis-à-vis les
magasins Brander et Hort, quai Napoléon, à la vente publique, à l’encan,
après inventaire qui en sera préalablement dressé par ledit notaire, aux
enchères, au plus offrant et dernier enchérisseur, des agrès, apparaux,
marchandises et divers objets mobiliers recueillis dans le naufrage
dudit navire Francisco Alvarez, et consistant notamment en mâts,
vergues, voiles, tentes, bonnettes, pelles à leste, porte-voix, bouées de
sauvetage, poulies, pitons, chevilles, grelins, habitacle et son compas,
fanaux de position, cloches, haricots, service de table, caisse de thé,
feuilles de vieux cuivre, chronomètre, pompes et leurs garnitures,
haussières neuves, et une grande quantité de bois de sapin neuf, à
Mangareva, cinq ancres et trois chaînes, etc. etc. etc.
Le prix de la vente sera payé comptant, sans frais, entre les mains
de l’officier public qui en est chargé.
Les autres conditions seront connues au moment de la vente.
Papeete, le 28 novembre 1868.”
73
Le 1er décembre, Maître Pierre Célestin Trusseau, en compagnie de
Louis Alexandre, procède à l’inventaire et à l’estimation du matériel
destiné à la vente du lendemain et établi une liste de 115 lots dont la
valeur totale estimée est de 14 962,10 francs34.
Le 2 décembre, la vente aux enchères a lieu comme prévu, quai
Napoléon, devant les magasins de la Maison Brander et Hort. Le premier
jour 73 lots sont vendus, la vente reprend le lendemain à midi au même
endroit. L’ensemble du matériel vendu atteint la somme de 14 366,
00,00 F et Maître Trusseau en dresse procès verbal35.
Le 9 décembre le notaire verse à Louis Alexandre, le produit de la
vente36.
Vingt et un acheteurs différents se répartissent le matériel, mais
l’acquéreur le plus important est sans conteste Brander qui achète près
de 50 % du matériel en valeur. Il est en particulier le principal acheteur
de la cargaison de bois, qualifié de sapin. Cette dernière est restée à
Mangareva, ainsi que les éléments de la mature et les vergues, entreposé
dans le hangar de M. Guilloux, à l’exception d’une petite partie qui a été
transportée par la Maria i te aopu.
Le bois est vendu en utilisant le pied marchand anglais comme unité
de mesure. En considérant que la longueur du pied anglais au XIXè siècle
est de 0.308 mètres, le pied marchand anglais (pied carré : 0.308 x
0.308 x 0.0256) a une valeur de 0,00243 m3.
Brander achète 31940 pieds anglais de bois se trouvant à
Mangareva à 9 centimes le pied pour la somme de 2 874,69 francs.
Passard achète 2374 pieds anglais de bois se trouvant à Papeete à
21 centimes le pied pour la somme totale de 498,54 francs.
34 Acte notarié n°2, “Estimation le 2 décembre des débris et marchandises pour la vente aux
enchères” établi le 1er décembre en présence des témoins William Mendez, cuisinier et
Alexandre Manson, commis négociant et enregistré à Papeete le 9 décembre. (Archives de
Maître Cormier, notaire à Papeete)
35 Acte notarié n°3, “Procès verbal de la vente aux enchères du 2 et 3 décembre” établi le 3
décembre en présence des témoins William Mendez, cuisinier et Alexandre Manson, commis
négociant et enregistré à Papeete le 9 décembre. (Archives de Maître Cormier, notaire à Papeete)
36 Acte notarié n°4, “versement la somme de la vente du navire au capitaine” établi le 9
décembre et enregistré à Papeete le 9 décembre. (Archives de Maître Cormier, notaire à
Papeete)
74
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Iréneo avait acheté à Mangareva pour 2520 piastres, soit 11600
francs de bois. Si on estime le prix de vente du bois à Iréneo à environ
10 centimes le pied (valeur proposée à la mise à prix), il aurait donc
acquis environ 116000 pieds anglais de bois.
La quantité de bois achetée est donc au total d’environ 150000
pieds anglais. Elle correspond à environ 365 m3. La densité du pin
d’Oregon est comprise entre 0.5 et 0.65 ce qui permet d’estimer le poids
du bois vendu au minimum à 182 tonnes et au maximun à 237 tonnes.
Ce qui est quatre fois inférieur à la quantité de bois indiquée par le Père
Laval, mais il faut se souvenir que le bois transporté en pontée sur le
Francisco Alvarez avait été jeté par-dessus bord lorsque la voie d’eau
s’était déclarée.
(les retranscriptions partielles des actes notariés,
la liste des lots et des acheteurs se trouvent en annexes)
Impact du naufrage du Francisco Alvarez
sur la population de l’archipel
Nous l’avons vu, c’est, le 31 octobre à Mangareva, puis les 2 et 3
décembre à Papeete que l’on procède à la vente publique des restes du
Francisco Alvarez. C’est finalement l’homme de confiance du Roi,
Iréneo qui emporte l’adjudication pour 2711 piastres de la plus grande
partie de la cargaison37, lors de la première vente.
Le père Laval écrit : “ Aussitôt on travailla au sauvetage, et ce fut
une bonne fortune pour le pays, en fait de planches brutes
bouvetées, en fait de bons madriers, etc “ (Laval, p. 576). Il ajoute :
“ J’ai dit plus haut que l’échouement avec bris du Francisco Alvarez
37 Après recoupement d’informations notamment celles trouvées concernant la vente aux
enchères du 2 décembre, l’adjudication évoqué par le Père Laval semble être celle de la partie
de cargaison vendue avant le départ de la Maria i te aopu avec les rescapés et le matériel, mais
aussi l’épave proprement dite du Francisco Alvarez. Il est fort possible que l’épave ait été
déclarée tabu et propriété de la régente.
75
était une fortune pour notre petit archipel… si dénué de bois.
Cependant maint indigène a pu commencer de suite à se faire une
maison en planches ; et c’est avec ces planches et madriers que
l’église de Taravai, qui n’aurait guère pu s’achever sans ce secours
inattendu, a pu aussi être voûtée en huit ou quinze jours de temps !
Qu’il me soit permis, de donner ici un tableau de toutes nos
églises… “ (Laval, p. 581). Suit un tableau où il est indiqué que l’église
de Taravai, desservie par le Père Laval et sise à Agakono, patron St
Gabriel, a été refaite et bénite en 1868. Construction en pierre et en
planche, dimensions 80 x 26 m. Laval poursuit : “…On rêva de se faire
des maisons avec les planches et les madriers de l’Alvarez qui
devaient souffrir d’être encore entassés à la pluie et au soleil chez
tous les acquéreurs de ce beau bois. Ce fut une fureur ! Comme tout
le monde donna dans ce nouveau travail ! Partout la carcasse de ces
maisons s’élevait comme par enchantement ! Taravai eux-mêmes
qui avaient à embellir l’intérieur de leur nouvelle église et celui de
leurs nouvelles maisons projetées. On travailla donc là huit jours
pour Dieu, et huit jours pour l’homme, et ainsi de suite. On préféra
les maisons en planches à celles en pierres, parce qu’il y avait moins
de travail à faire. C’est encore pour cette raison qu’on les faisait
petites de préférence, généralement parlant. “ (Laval, p. 606).
Un peu plus loin, il poursuit : “L’année 1870 a été féconde en
constructions de maisons en planches. C’était à qui leur donnerait
une plus belle extérieure. Les grands et gros mâts de l’Alvarez
servirent pour la colonnade du bâtiment construit pour les
tribunaux. Il y avait longtemps que ce bâtiment était là à attendre
sa charpente. C’était le R. Père Cyprien qui en avait fait jeter les
fondements ; c’était moi qui en avait fait élever les murailles ; mais
où était le bois pour une construction si considérable ? Il fallait
l’échouement de l’Alvarez et ses belles pièces de bois, pour être à
même de finir cette entreprise. Le Régent fut à même aussi de finir
sa belle maison en pierre. Bernardo Teoaiti, chez qui logeait la jeune
Reine et sa sœur aveugle, fit à la sienne tous les compartiments
nécessaires avec un bel escalier. Mais l’ancienne boiserie de la
76
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
maison royale, ouvrage du Frère Fabien, aidé de ses élèves, était bien
préférable à tout ce travail de nos indigènes livrés à eux-mêmes.”
(Laval, p. 627).
Le tribunal est détruit et les bois locaux ont le plus souvent
remplacé le pin d’Oregon. Il semble cependant que les charpentes de
l’église de Taravai, soient construites avec un bois qui n’est pas d’origine
locale, et qui pourrait bien provenir de la cargaison du Francisco
Alvarez, nous n’avons pas pu encore pousser plus avant l’examen de ces
charpentes qui sont difficilement accessibles.
Nous avons prélevé un échantillon d’un madrier de bois rouge qui
servait de banc devant une maison d’habitation à Rikitea. Selon les dires
du père du propriétaire, il s’agit de bois flotté qu’il aurait récupéré luimême. Une rapide vérification des registres d’état civil de Rikitea montre
que cette personne est née en 1897. Ou bien il s’agit d’un bois flotté
récupéré postérieurement au naufrage de F. Alvarez, ou la mémoire
familiale confond père et grand-père. L’analyse du prélèvement de
l’échantillon du bois effectué a révélé qu’il s’agissait de l’araucaria
(Araucaria sp.), essence originaire d’Amérique du Sud.
L’absence presque complète d’objet sur le site, est la marque
certaine que les superstructures du navire émergeant, la population
comme c’est le cas sur toutes les côtes du monde, récupéra
systématiquement après la vente tout ce qui pouvait représenter un intérêt
ou une valeur quelconque. C’est donc à terre que notre attention s’est
reportée pour tenter de retrouver des objets ayant pu provenir du
Francisco Alvarez. Finalement cette recherche partielle n’a pas été très
fructueuse. Sans doute, se trouve-t-il dans certaines maisons de la
vaisselle qui a pu provenir de l’épave, mais il bien difficile de la distinguer
avec certitude d’une vaisselle contemporaine ayant une autre origine.
Par contre, un dessus de commode ou de desserte en marbre blanc,
avec une rambarde de section circulaire en cuivre soutenue par des pitons
également en cuivre nous a été signalé par un habitant dont d’après le
père, cet objet provenait d’un bateau. Le style de cette rambarde est
typique de l’aménagement d’un bateau, et vus les dimensions et le poids
de l’objet nous parait venir très probablement du Francisco Alvarez.
77
Les autres événements maritimes mangaréviens
Le cas de l’archipel des Gambier est particulier en Polynésie
française, dans la mesure où à partir de 1834 à l’arrivée des pères de
la Congrégation des Sacrés Cœurs, la mémoire locale est essentiellement
confondue avec les écrits du Père Laval et du frère Soulié. Non
seulement ceux-ci mentionnent scrupuleusement les escales des navires
dans l’archipel mais aussi nombre d’événements de mer dont les
principaux sont le naufrage du Glaneur sur l’île d’Akamaru en 1859, et
ceux du Francisco Alavarez en 1868 et du Maria i te aopu à Mangareva
en avril 1869.
Pour la période antérieure, nous n’avons aucune information, sauf
une notation du frère Soulié datant de 1835 : “ Nous n’avons pas encore
pu nous procurer de quoi faire une porte à notre baraque en roseaux :
un lambeau de navire, voilà ce qui nous défend des voleurs. “ (Delbos,
p. 28) qui pourrait indiquer un naufrage antérieur à 1834.
C’est le 17 décembre 1858 que se présente pour la première fois
dans la passe du lagon des Gambier un beau bateau, apparemment neuf.
Jean Pignon, a acquis le Glâneur à Valparaiso. Lors de ce premier
voyage, le nouveau gouverneur intérimaire de Tahiti le capitaine de
Frégate Gauthier de la Richerie et sa famille sont parmi les passagers. A
plusieurs reprises Pignon, durant cette escale, tente de faire acheter la
moitié du navire par la régente Maria-Eutokia qui décline cette offre car
la somme est “énorme”.
Après six jours passés à Mangareva, le Glâneur reprend la mer le
23 décembre 1858 pour sa destination finale : Tahiti. Il y arrive le 1er
janvier 1859. Le Messager de Tahiti N°2 du dimanche 9 janvier indique
que c’est un brig chilien de 138 tonneaux avec 10 hommes d’équipage,
transporte 40 passagers et diverses cargaisons et bagages. Le voyage a
duré 50 jours. Jusqu’au numéro 3 de l’hebdomadaire, le capitaine est un
certain Jordan. Dans la semaine du 17 au 23 janvier, Clark devient le
nouveau patron du navire. Le 28 janvier 1859, il quitte Papeete pour son
dernier voyage.
78
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
En effet, dans la nuit du 18 au 19 février 1859, le Glâneur fait
naufrage dans le lagon de Mangareva. Le père Laval décrit cet événement
avec les détails suivants : “Il était 4 heures du soir, et le capitaine Clark
voulait que l’on n’entrât pas dans les passes de Tokani. Pignon était
pour que l’on y entrât. C’était bien un vendredi ! Mais c’était aussi
le 18 février, et son grimoire38 disait que le 18 février était un jour de
bonheur. On entra donc vers les 6 heures du soir, quand la nuit se
formait, et qu’un grain assombrissait encore davantage la soirée. Au
moment de doubler le cap de Tokani [extrémité nord-ouest de l’île
Akamaru], la roche percée, un coup de vent vint s’emparer des
voiles, qui étaient toutes dehors, et dans un instant, le navire court
sur les brisants ! Pour comble de malheur, le second n’entendit pas
l’ordre de jeter vite l’ancre, et quand il la jeta, le navire talonnait sur
les susdits brisants ; le vent y poussait à outrance, et dans moins de
rien le naufrage est accompli ! (…) [Des passagers se jettent à l’eau]
et se sauvent à la nage sur le rivage qui n’était à pas plus de deux
toises du sinistre. [Ce détail ne semble pas cohérent, NDR]
M. Pignon fait descendre du bord sa femme et ses enfants. A
minuit on cria à Mangareva que le navire de Pignon s’est perdu à
Tokani. (…) Je fis partir six canots pleins de monde pour aller au
secours du navire. Quand ils arrivèrent avec M. Marion, le navire
n’était pas encore endommagé ; mais, à la fin, le vent fit casser la
chaîne de l’ancre que l’on avait jetée tard, et ce fut fini. Le Glaneur
se trouva percé de madrépores. Quand j’arrivai moi-même, le matin,
avec M. Grandet et le capitaine de la Marie-Louise, M. Lemoine, il n’y
avait plus d’espoir ! Du moins le capitaine ne voulut pas nous laisser
travailler à débarrasser de là le navire meurtri. Après avoir fait
enlever les voiles, etc. il fit partir tout le monde, et alla rejoindre son
équipage à terre”. (Laval, page 325)
38 Entre le père Laval et l’homme d’affaire Pignon les relations sont tendues notamment au
sujet de ce grimoire que Pignon utiliserait à des fins peu correctes. Laval revient à plusieurs
reprises dans son ouvrage sur ce sujet.
79
Le frère Soulié donne moins de détail mais arrive rapidement à la
même conclusion : “la coque du Glâneur est percée de madrépores ;
il est inutile pour les Mangareviens de poursuivre leurs efforts pour
relever le navire” (...)”(Delbos, p 131).
De suite l’épave est vendue à Mangareva, car la Maria i te aopu est
en projet, cet apport de matériaux tombe très bien.
“Le 22 février, le capitaine Clarck se présente à Mangareva
devant notre conseil des européens et nous soumet le procès-verbal
de son naufrage, après quoi il demande à être autorisé à vendre aux
enchères les débris du navire. L’autorisation est donnée, la vente a
lieu et c’est la reine Maria-Eutokia qui emporte l’enchère pour 2 500
piastres - 12 500 francs.
Le souhait d’Honoré Laval va maintenant se réaliser : avec ces
débris, les Mangaréviens vont pouvoir construire LEUR brick-goélette
dont le nom est déjà choisi, “Maria i té aopu” (Marie reine de paix).
La démolition de l’épave commence aussitôt (…)” (Delbos, 131).
La Maria i te aopu est mise à l’eau le 26 novembre 1861 après 20
mois de travaux démesurés à l’image des constructions religieuses
édifiées sur les îles de l’archipel des Gambier. Le Père voulait accéder à
“l’indépendance de l’archipel dans le domaine commercial” (O’Reilly,
Laval page 372 note 2) et ne plus être soumis au bon vouloir des
armateurs et de leurs capitaines. Mais l’affaire n’est pas si simple : la
construction, l’approvisionnement des matériaux, la mise à l’eau, les
capitaines et l’équipage, puis l’entretien et les réparations mais aussi les
conflits avec l’administration du Protectorat induits par ce navire sont
autant de problèmes qui persistent durant ses 7 années et quatre mois
de “navigation39”.
39 La Maria i te aopu ne navigue pas durant toute cette période puisqu’elle est désarmée du 12
octobre 1863 au 16 mai 1865 dans la rade de Papeete.
80
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Le n°51 du Messager de Tahiti du 19 décembre 1868 indique que
le brick-goélette français Maria de 10940 tonneaux quitte Papeete pour
aller à Mangareva en touchant Haapape41. C’est Irénée qui commande le
bateau. Il ne semble pas que ce brick-goélette ait beaucoup voyagé après
son arrivée à Rikitea, car en avril 1 869 le Père Laval écrit :
“De retour de Tahiti (…) après 8 jours de négligence de la part
du capitaine et des matelots, du chef Akakio et des plongeurs de
nacre, qui ne voulaient pas se déranger pour pomper à la place du
matelot descendu à terre, la Maria i te aopu, par un calme
magnifique, et en plein midi, sombra par les 40 pieds de profondeur
qu’offre en cet endroit notre port ! C’était au mois d’avril 1869, et en
mai, non seulement les lois, mais la pêche de la nacre même furent
retardées par cet incident inattendu. On voulut tirer le navire coulé
bas : ce qui n’était pas une petite affaire pour des gens si dépourvus
de moyens ! Pour me faire plaisir, a-t-on dit depuis (c’était le Père
Nicolas et le Père Barnabé qui parlaient ainsi) pour me faire plaisir
donc, on se mit à l’œuvre.
Mais que faire pour pouvoir tirer un brick-goélette de 102
tonneaux, d’une aussi considérable profondeur ! On ne voyait que le
bout des mâts ! C’est égal, on se mit à former deux énormes radeaux
avec les grosses poutres de 100 pieds de long dudit chargement mis
à terre ; puis trois cabestans d’une énorme grosseur ! on réussit
aussi, à force de plonger, à vider de la cale à peu près tout le lest, qui
consistait en cailloux et grosses pierres. On put également enlever les
deux chaînes et leurs ancres, mais non pas sans s’être donné bien du
mal. Après cela, toute l’île travaillant aux cabestans, nous réussîmes
à soulever d’un pied le devant du navire, mais nos cordages ayant
cassé les uns après les autres, on fut malheureusement obligé
d’abandonner cette fameuse opération”. (Laval, page 600)
40 Le tonnage de la Maria i te aopu fluctue de 110 ton. en 1862 à 109 ton. en 1868 en passant
par 102 en 1863, 103 en 1865. Il n’y a aucune trace de ce navire en 1866 et 1867 dans les
journaux cette période. Les différences concernant la jauge des navires sont fréquentes dans le
journal.
41 Ancien nom de la commune de Mahina.
81
L’expérience “qui coûtera si cher à la famille royale” (O’Reilly,
Laval page 372, note 2) n’est pas renouvelée. Après ce paragraphe le
Père Laval ne parle plus de la Maria i te aopu et aucun autre navire de
cette importance n’est construit à Mangareva.
Une rapide analyse des mouvements des navires entrés dans le port
de Papeete en 1861, date de la construction de la Maria i te aopu donne
des repères pour la comparaison avec les autres bateaux qui naviguent
dans les eaux polynésiennes. Quatre types de navire sont présents : les
cotres, les goélettes, les brig-goélettes et les trois-mâts. Leur tonnage
moyen respectif est de 143 tonneaux, 16, 39 et 300 pour les derniers.
Les bricks-goélettes sont les plus gros navires du Protectorat, le seul
trois-mâts «tahitien» le Sultan, n’excède pas les 130 tonneaux. 14
bricks-goélettes sont entrés dans le port de Papeete en 1868, dont
quatre du Protectorat français. Mis à part le Suerte qui avec ses 200
tonneaux est largement au-dessus de la moyenne, les trois autres sont de
taille similaire à la Maria i te aopu, le Père Laval ne pouvait évidement
pas faire construire un navire plus petit.
Il semble que la Maria i te aopu soit allée une seule fois en
Australie et à l’île de Pâques : “De retour de Rapa nui, où il avait été
second, Daniel fit un autre voyage comme capitaine à la NouvelleHollande42, à Sydney (...)” (Laval, page 401). Le navire a servi
essentiellement entre Mangareva et Tahiti, ou pour des voyages aux
Tuamotu pour la pêche de la nacre. Le tonnage de la Maria i te aopu
n’était semble-t-il pas adapté au travail qu’on lui fit faire et c’est sans
doute ce qui explique l’échec de l’entreprise : la pêche et le commerce
de la nacre sont habituellement effectués par les goélettes locales qui ont
une jauge 3 fois inférieure et les bricks-goélettes, du même type
naviguent quant à eux dans le Pacifique Sud et sillonnent la mer de
Valparaiso ou San Francisco à Sydney ou en Nouvelle-Zélande.
42 Australie.
82
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Dans la période qui suit la prise de possession de l’île par la France,
en 1871, aucune source historique suivie n’est disponible. Nos
recherches en archives ont permis de trouver la trace du naufrage le 17
janvier 1875 sur le récif de Tokorua (au sud de l’archipel) d’un troismâts anglais à coque de fer, nommé Airey Force43. Le navire transporte
du charbon, la coque métallique s’est ouverte lors du choc. Les 22
membres d’équipage échappent au naufrage et regagnent Tahiti avec la
goélette Vivid. Ils embarquent ensuite le 11 février sur la Margaret
Crockard, 169 tonneaux, qui chavire à son tour le 23 février causant la
mort de 17 personnes dont 15 membres de l’équipage de l’Airey Force.
Des éléments de l’épave semblent avoir été aperçus, il y a une vingtaine
d’années. Nous avons effectué une rapide prospection en surface qui n’a
pas permis de les retrouver.
Des pêcheurs fréquentant l’atoll de Temoe ont signalé la présence
d’une épave dont les vestiges de la charpente jonchent le haut d’une
plage, sur laquelle aurait été trouvé dans le sable une cloche portant
l’inscription, Capiolani.
La découverte au sud-est de Mangareva d’un support de compas en
bronze, représentant un cheval à queue de poisson pourrait aussi
indiquer un naufrage non répertorié, peut-être antérieur à l’arrivée des
pères de Picpus. En effet ce type de monture de compas est parfois daté
de la fin du XVIIIè siècle. La présence sur la côte sud de Mangareva de
points d’eaux utilisés par des navires de passage pourrait expliquer la
cause d’un tel naufrage.
Enfin, un habitant de Rikitea a trouvé sur une plage située au sudouest d’Akamaru un certain nombre d’objets : cadenas en cuivre, pièce
de monnaie française datée de 1840, compas de charpentier, serre-joint
en cuivre, et ferrures de gouvernail d’embarcation, qui pourrait indiquer
le naufrage d’une chaloupe ou d’un canot peut-être en relation avec le
naufrage du Glâneur, naufragé en 1859.
43 L’Airey Force est un trois mâts carré à coque de fer avec deux ponts et une demi-dunette
surélevée, construit par les chantiers Williamson à Herrington et lancé en mars 1873. Longueur
= 216’(65,83 m), largeur = 34’ 1” (10,39 m), creux = 21’(6,40 m), jauge brute = 1 029 tonneaux.
Propriétaire J. Sprott de Liverpool, capitaine Cotier. (Lloyd Register 1875)
83
Mais l’histoire qui reste la plus présente dans la mémoire locale est
l’histoire du Pyrénées44, dont l’incendie au large avait coïncidé avec la
brûlure accidentelle d’une jeune Mangarévienne qui fût dès lors, avec un
humour un peu cruel, surnommée Pyrénée. Autour de cette anecdote,
les versions rapportées divergent plus ou moins et restent surtout
imprécises. Il nous a été d’abord possible d’identifier la jeune
Mangarévienne nommée Maria Mamatui qui a une douzaine d’années au
moment de l’accident. Puis la solution nous est apportée par le livre de
B. Lubbock où figure l’histoire du Pyrénées. Ce quatre-mâts à coque de
fer, capitaine Robert Bryce, a quitté le 14 octobre 1900, le port de
Tacoma pour Leith, avec un chargement de blé et d’orge. Le 16
novembre au passage de l’équateur, par 126° ouest, la cargaison prend
feu. Le navire se dirige vers Pitcairn, dans l’intention de s’échouer, mais
devant l’impossibilité de trouver un lieu favorable il fait route vers
Mangareva avec M. Mac Coy, gouverneur de l’île, comme pilote. Il peut
finalement s’échouer sans dommage à Mangareva le 2 décembre 1900.
Le navire fut ensuite renfloué et conduit jusqu’à Tahiti. Alain Gerbault fait
allusion à cet événement : “Année 1935 à Mangareva. Je suis
accompagné jusqu’au milieu du lagon par Steve l’Américain et sa
femme Pyrénée, une pure indigène ainsi nommée parce que, tout
enfant, elle avait été brûlée à bord du voilier du même nom qui
s’était échoué en flamme sur l’île de Aukena ; c’est sur cet événement
que Jack London a brodé un récit fantaisiste dans ses Contes des
mers du Sud”. (A. Gerbault, 1949, p. 54)
Construction navale
La construction navale fut active dans l’archipel des Gambier, mais
elle culmine avec la construction de la Maria i te aopu, en partie
réalisée avec les débris du Glâneur. Les caractéristiques du navire sont
l’objet de longues discussions, l’enjeu pour Mangareva est de disposer
d’une goélette qui permette de mettre sur pied, sans faire appel à des
44 D’après le site de Fredrick Sandström “ Alphabetic register of 767 sailling vessels “ le
Pyrénées est un 4-mâts-barque en acier lancé en 1891 à Glasgow de NRT 2169, il se perd en
mer en 1917. Il est à noté que son dernier nom a été Manga Reva.
84
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
intermédiaires, des campagnes de pêche de nacre, dans l’archipel ou
aux Tuamotu et de commercialiser le produit de cette pêche à Tahiti. Les
constructeurs souhaitent un navire plus modeste que celui qui est
finalement construit sous l’impulsion du père Laval, qui voyait toujours
grand. C’est un brick de 121 pieds de long (environ 30 m) et de 109
tonnes. Sa coque est doublé en cuivre et clouée avec le même métal.
Les restes du Glâneur, sont vendus aux enchères le 21 février 1859
et achetés 2 500 piastres par la régente, on travaille aussitôt à sa
démolition (Laval, p. 329). On entreprend alors la construction qui dure
près de 2 ans, c’est l’une des grandes entreprises des mangaréviens. La
Maria est lancée en 1861. “Nous autres à Gambier, nous travaillons
fort à la construction de la Maria i te aopu. On dirait en français la
Notre-Dame de Paix. Quelle ardeur et quelle audace des ouvriers ! Ils
sont parvenus à faire un navire solide et beau ! Il a été et est encore
l’admiration de tous ceux qui l’ont examiné et vont encore le voir
par une curiosité bien naturelle. C’est le Français Jacques Guilloux
et son fils Daniel, qui ont indiqué à nos insulaires la manière de le
mâter, et la manière de le coucher pour y mettre une fausse quille.
Mais pour le mettre à flot, nos indigènes eux seuls et nos frères ont
dû seul y travailler. Le navire n’avait pas assez de pente pour partir
lui-même, une fois ses étançons partis. Il a fallu tirer dessus, et nos
cordes se rompaient. Alors on fit des rouleaux. Le frère Gilbert se mit
à l’œuvre. 20 rouleaux le firent enfin partir. Quelle joie quand il fila
vers la mer ! Un coup de canon fit suite aux cris que causait
l’allégresse générale, et la régente montée sur son canot en fut si
surprise qu’elle en tomba à l’eau !” (Laval, p. 372-373).
Outre la Maria, la construction d’embarcations plus petites semble
avoir été très active, un côtre, le Joseph, des canots et des baleinières
sortent ainsi des chantiers : “ Sans parler de la Maria i te aopu, ce beau
navire qui a fait l’admiration des étrangers et qui date de 1860, sans
compter le côtre qu’a fait faire plus tard le père Nicolas par son
collège, et qu’il a vendu au roi son élève ; sans compter encore les
gros canots qui sont venus à la même époque des tisserands, de J.
Guilloux, du sieur Marion, de D. Guilloux, de la régente, d’Irénéo, et
85
le mien, il vient de sortir des mains de nos ouvriers mangaréviens 4
ou 5 jolies baleinières ! Nous les devons à Justin de Taravai. Il est
grand chef de son île et ne dédaigne pas de se livrer à ce beau
travail… C’est sur ce côtre, le Joseph, que vinrent à l’enterrement de
la jeune Reine Agapa les habitants de Hakamaru et le collège
d’Aukena ; et sur une de ces baleinières que j’allais biner à Taravai”
(Laval, p. 560-561).
Les relations entre
l’archipel des Gambier et le Chili
L’épave du Francisco Alvarez est l’occasion de nous intéresser aux
relations entre le Chili et l’archipel. La lecture du père Laval est
éclairante à cet égard, le rôle joué par Valparaiso y apparaît comme
crucial. Escale indispensable aux navires qui viennent de franchir le Cap
Horn, avant d’entreprendre une traversée dans le Pacifique, comptoir
commercial privilégié du Pacifique Sud, c’est aussi la base de la station
navale française, et la tête de pont de l’évangélisation catholique45. Le
grand port chilien est omniprésent dans la vie de l’archipel.
Les exemples abondent de ces relations : escales de navire46, arrivée
de matériaux, de marchandise, circulation des personnes. Mangareva est
45 Valparaiso : ville portuaire du Chili située sur la côte du Pacifique, à 150 km au nord ouest
de Santiago, la capitale du pays. Dès le début du XIX° siècle, Valparaiso devint une escale
importante sur les routes transocéaniques qui contournaient le cap Horn. Le commerce
extérieur étant le moteur de l’économie chilienne, la ville devint un comptoir commercial
cosmopolite exportant du blé et des nitrates et permettant aux navires reliant les ports du
Pacifique à ceux de l’Europe de se ravitailler.
Jusqu’en 1870, la Polynésie commerça régulièrement avec Valparaiso, au point que la piastre
chilienne fut la monnaie la plus utilisée à Tahiti au cours du XIX° siècle. La France avait
également installé une station navale dans cette ville, ce qui lui permettait, éventuellement,
d’intervenir militairement dans le Pacifique. C’est également à partir de Valparaiso que se fit
l’évangélisation catholique de la Polynésie. Après 1860, les relations établies avec la Métropole
par San Francisco puis Panama provoquèrent le déclin de la ligne Papeete-Valparaiso.
(Dictionnaire Illustré de la Polynésie)
46 Pour donner une idée de l’importance du trafic maritime chilien vers la Polynésie il faut
savoir que sur un total de 250 navires chiliens armés au commerce, 170 étaient armés au
cabotage et naviguaient sur la côte américaine et 38 étaient des navires portuaires. Sur la
cinquantaine de navires restant, 11 assuraient le trafic vers la Polynésie et l’Australie, soit
environ 20 % de la flotte hauturière. (Veliz, p. 180)
86
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
sur la route de Tahiti à Valparaiso et profite pleinement de sa situation et
de son plan d’eau abrité qui permet des escales sûres, d’autant que les
navigateurs redoutant les îles basses de Tuamotu, les contournent
souvent par le sud. Mais une anecdote éclaire bien cette interdépendance : lorsque les Mangaréviens entreprirent en 1860, la construction
de leur goélette, la Maria i te aopu, c’est à Valparaiso qu’ils envoient
chercher les clous dont ils ont besoin. La Maria i te aopu est le seul
bâtiment à porter au loin les couleurs de l’archipel des Gambier,
l’histoire de ce pavillon illustre, elle aussi, les relations étroites tissées
entre les Gambier et le Chili47.
En 1837, les Chiliens pensent un moment pouvoir déporter à
Mangareva leurs prisonniers politiques, projet auquel les pères
s’opposent avec la véhémence que l’on devine (Laval, p. 160).
47 Dès l832, le capitaine Arnaud Mauruc, 1800-1871, avait installé un pavillon aux Gambier.
Mauruc avait son centre d’affaires à Valparaiso et il commerçait en Polynésie française. Il était
en bons termes avec les gens des Gambier et leur roi Maputeoa. “Je leur échangeais mes
pacotilles pour des coquilles que je chargeais sur mon navire chilien, la Polynésie, et j’allais les
vendre à Valparaiso”. Il a raconté à Cuzent comment il pensa à munir les Mangaréviens d’un
drapeau. “Naviguant sous le pavillon chilien, et le Chili étant alors en guerre avec le Pérou, je
craignais à chaque voyage de me voir enlever ma cargaison par les croiseurs péruviens.
J’imaginais donc, pour échapper à ces flibustiers, de doter les îles Gambier d’un pavillon
national, idée que le Roi déclara de son goût et qu’il s’empressa d’adopter”. Dumont-d’Urville
trouva ce pavillon en 1838, lorsqu’il vint à Mangareva. Un de ses dessinateurs, Marescot, dans
l’Atlas du Voyage, derrière un naturel des Gambier, a esquissé le bout d’un wharf sur lequel est
placé un mât de pavillon supportant un drapeau, celui de Mangareva.
Il était blanc, coupé horizontalement par le milieu d’une bande bleu ciel. Une étoile blanche
représentait Crescent [Temoe, NDR] au centre de la bande ; une étoile bleue figurait, à chaque
angle du fond blanc, les îles Mangaréva, Taravaï, Aokena et Akamaru.” (Cuzent, p. 39). C’est
Mauruc qui introduisit dans l’île, en 1834, les missionnaires picpuciens. On comprend donc la
réponse du père Laval au Commandant du Pylade lui proposant une croix dans le bande qui
tient à la hampe”. “Mais nous n’avons pas besoin de ce pavillon, lui déclare Laval, nous en
avons déjà un, un drapeau blanc que traverse un bande bleue où cinq étoiles sont
semées !”(Lesson, p. 31-32). Ce drapeau était réellement en usage et tous les visiteurs des
Gambier à cette époque, Mgr Pompallier en 1837, Dumont-d’Urville en 1838, etc., le
mentionnent. En 1843, l’amiral Dupetit-Thouars, alors à Tahiti, ayant envoyé la frégate la Charte
à Mangaréva, sous le commandement du capitaine de vaisseau Ch. Penaud, cet officier prit
possession de l’archipel Gambier, au nom de la France. Le pavillon tricolore fut hissé et salué
de vingt et un coups de canon ; il n’a cessé depuis, de flotter sur ces îles restées en notre
possession” (Cuzent, p. 44). Je tiens de la courtoisie du commandant Cottez un excellent
dessin à la plume qu’il attribuait, sans doute à tort, à Meryon, mais où l’on voit distinctement
flotter le pavillon des Gambier, sur un petit îlot devant Rikitéa. (O’Reilly, pp. 46-50)
87
Le commerce de la nacre et des perles se fait tout autant vers Tahiti
que vers Valparaiso et la monnaie chilienne : escudos puis pesos à partir
de 1835, communément appelée piastre, est très longtemps la monnaie
d’échange usuelle48. Quelques pièces de monnaie trouvées, il y a trois
ans en creusant les fondations d’une maison de Rikitea illustrent ces
pratiques49. Ces pièces sont désignées par les Polynésiens par le terme
Moni Manu (monnaie oiseau) à cause du condor emblématique qui y
figure. La pénurie de pièces française est longtemps la cause de cette
pratique et l’adjudication de l’épave du Francisco Alvarez, est l’occasion
de toucher du doigt les complications que cette situation entraînait.” Le
navire et la cargaison sont vendus aux enchères, le 31 octobre 1868 ;
48 Des monnaies frappées en Espagne et dans divers pays d’Amérique du Sud au XIX° siècle
(Chili, Pérou et Bolivie notamment) furent utilisées en Polynésie de 1820 à 1910. En raison des
relations privilégiées que les Etablissements français de l’Océanie avaient nouées avec les ports
de Callao (principal port du Pérou) et de Valparaiso, les piastres fortes et les demi-piastres en
argent circulaient en grand nombre sur le Territoire et faisaient concurrence à la monnaie
française. Pour imposer le franc français, le gouverneur Bruat (1796-1855) dut prendre un
arrêté le 20 novembre 1843 : la pièce de 5 francs, monnaie de France, sera étalon de monnaie
à Tahiti, et aura une valeur égale à la piastre forte dans les transactions du gouvernement et
dans tous les paiements à effectuer par la trésorerie de la colonie. Mais les pièces françaises
étaient trop rares et en 1850 on payait les fonctionnaires en piastres ! “En 1904, tous les prix
de la place ainsi que les salaires des ouvriers, manœuvres et domestiques étaient encore établis
sur la base de la piastre chilienne” (Christian Beslu). L’usage de la piastre ne put être
définitivement interdit que le 29 décembre 1911, après que la Banque d’Indochine ait
commencé à émettre de la monnaie locale. (Dictionnaire Illustré de la Polynésie)
49 La maison en question fut construite sur l’emplacement d’un temple protestant qui avait été
détruit quelques années auparavant, et il est de pratique courante que les fidèles déposent leurs
dons dans les fondations de l’édifice au moment de sa construction. Cette pratique est attestée
par la découverte du “trésor” de Mataeia. (Beslu, 1997). Le “trésor” de Rikitea est composé des
pièces suivantes :
Pays
Valeur
Métal
Année Nombre
Chili
50 cents
Argent
1865
1
Chili
50 cents
Argent
1868
3
Chili
50 cents
Argent
1870
5
Chili
50 cents
Argent
1872
4
Chili
20 cents
Argent
1880
3
Colombie
Cinco decimos Argent
précédé de
12,500
1882
1
Total
88
17
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et c’est à l’homme du Roi, Iréneo, que la vente est adjugée, à raison
de 2 520 $ plus 50,50 $ pour le crieur, et 181 $ pour équilibrer l’or
du Chili avec la monnaie française = 2711 piastres ! 50 “ (Laval, p.
577). La disparité entre les deux monnaies vient de ce que le franc
français est garanti par l’Etat alors que la piastre suit le cours toujours à
la baisse de l’argent métallique qu’elle contenait.
Le pavillon
de Mangareva
de 1832 à 1843
Conclusion
Etape sur la route entre Valaparaiso et Tahiti, le lagon de Mangareva
est connu depuis 1825 pour son mouillage et ses possibilités
d’avitaillements. Durant tout le XIXè siècle, il est utilisé comme escale,
comme refuge (c’est le cas de la Rosalie qui “lutte pour ne pas
sombrer” Delbos, 1989 113), et se trouve être parfois l’ultime étape de
quelques navires malchanceux. De 1835 à 1863, le frère Soulié ne relève
pas moins de 130 mouvements de navires de commerce (goélette, troismâts, brick, etc.) ou de guerre (corvette, frégate, etc.) sous ses fenêtres.
Tous ces navires tissent l’histoire de l’île, et ce sont les fils ténus de cette
histoire que nous avons cherché à découvrir.
L’épave fouillée, se présente sous la forme d’un fond de carène dont
la charpente et la coque sont bien conservées sur une longueur de 40
mètres. Les travaux ont été facilités par la proximité du site, la faible
profondeur et une eau particulièrement limpide. Même s’il reste encore
des zones d’ombre concernant l’histoire de ce navire, une partie du voile
commence à se lever grâce aux recherches en archives menées en
Polynésie, mais surtout au Chili.
50 Le compte ne semble pas y être, y a-t-il erreur de calcul ou erreur de transcription ?
89
Les diverses analyses en cours viendront compléter les informations
provenant des relevés in situ et l’étude du mobilier. Notre vision archéologique est encore partielle, puisque notre travail ne représente que le
vingtième de la superficie de l’épave, aussi pensons nous avoir l’occasion de poursuivre plus avant ce travail. Nous pensions au début de nos
travaux que le naufrage du Francisco Alvarez, aux Gambier était dû au
hasard d’une fortune de mer. Mais qu’elle ne fut pas notre surprise de
découvrir que son capitaine Louis Alexandre connaissait probablement
très bien les lieux pour les avoir fréquentés une dizaine d’année
auparavant et ce n’est pas un hasard s’il vint de si loin pour y trouver
refuge. C’est peut-être même sa grande connaissance des lieux qui lui fut
fatale ? Car qui d’autre qu’une pratique des lieux aurait eut l’idée
d’emprunter, avec un aussi gros navire, un chenal aussi étroit et aussi
sinueux que celui qui permet d’accéder au port de Rikitea. C’est ainsi
que le Francisco Alavarez est sans doute doublement lié à l’histoire de
l’archipel, par son épave, mais aussi par son capitaine.
Nous avons tenté de reconstituer l’histoire maritime de cette partie de
la Polynésie en nous appuyant sur l’étude des vestiges du trois-mâts chilien.
L’importance du Chili, dans la vie quotidienne de l’archipel a été
l’un des résultats inattendus des recherches entreprises, et nous pensons
que s’est ouvert là un domaine de recherche particulièrement fructueux,
dans la mesure où plusieurs épaves connues en Polynésie française sont
aussi chiliennes.
Cette première campagne a confirmé la richesse du patrimoine de
l’archipel des Gambier. Les futures campagnes permettront de poursuivre
les travaux commencés. Elles comprendront la recherche du Glâneur ;
la localisation de la Maria i te aopu (seul navire de commerce de cette
taille construit à Mangareva notamment avec les débris du Glâneur) ; le
relevé de l’épave non identifiée de la plage de Rikitea ; la recherche du
Airey Force naufragé en 1875 sur le banc de sable Tokorua ; la recherche
du mouillage pour l’aiguade dont Beechey parle en 1825 ; la réalisation
d’une prospection sur l’atoll de Temoe où une épave est signalée. En
outre, d’autres sondages sur le Francisco Alvarez sont également
nécessaires pour compléter les données déjà recueillies.
Robert Veccella
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N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
A N N E X E 1 51
Premier acte : le dépôt d’une somme de 10 500F
par Louis Alexandre le 26 novembre 1868
Aujourd’hui, devant Me Pierre Célestin Trusseau, notaire à la résidence de
Papeete, île de Tahiti, Océanie,
Et en présence des témoins ci-après nommés, aussi soussignés, requis pour
suppléer un second notaire ;
A comparu :
Monsieur Louis Alexandre, Capitaine au long cours, domicilié à Valparaiso
(Chili), se trouvant actuellement à Papeete, dite île de Tahiti, ainsi déclaré ;
Lequel a déposé entre les mains dudit Me Trusseau, notaire susnommé et
soussigné, une somme de dix mille cinq cents francs, en deux cent dix pièces d’or
chilien, d’une valeur chacune de dix piastres aussi chiliennes, soit cinquante francs
en monnaie de France.
De laquelle somme de dix mille cinq cents francs ainsi déposée le dit Me
Trusseau se charge à titre de dépôt s’obligeant à rendre se dépôt au dit Monsieur
Alexandre à la première réquisition, sur récépissé signé de lui en présence de deux
témoins majeurs, en même espèces que celles qu’il vient de recevoir.
Dont acte :
fait et passé à Papeete, en l’Etude,
L’an mil huit cent soixante huit.
Le vingt six novembre,
En présence de Monsieur Théophile Van der Veene, greffier des tribunaux,
séant à Papeete et Arthur François Butault, écrivain de marine demeurant et
domiciliés séparément en la ville de Papeete, témoins instrumentaires, majeurs ;
lesquels ont avec le dit Monsieur Alexandre, comparant et déposant, et nous dit
notaire, signés le présent acte, après lecture faite, suivant la loi.
(signature des quatre personnes)
Enreg° à Papeete le vingt sept novembre 1868
2,00
F°20. V° b° 8. Reçu deux francs.
(signature illisible)
51 Les quatre premières annexes sont la retranscription d’actes notariés faits en 1868
concernant le dépôt d’une somme d’argent par capitaine Louis Alexandre et la vente aux
enchères des “ débris “ du navire Francisco Alvarez. Ces actes ont été retrouvés chez Me
Cormier notaire à Papeete en janvier 2001. Pour une raison de simplification, le document 2 a
été tronqué de la partie estimative des lots.
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ANNEXE 2
Deuxième acte : l’estimation, le 2 décembre 1868,
des débris et marchandises pour la vente aux enchères
L’an mil huit cent soixante huit et le premier décembre à huit heures du matin
à (blanc)
A la requête de M. Louis Alexandre, Capitaine au long cours, domicilié à
Valparaiso (Chili) se trouvant actuellement à Papeete (Ile de Tahiti), commandant du
navire Francisco Alvarez, Portant pavillon de la république de Guatemala,
appartenant à Monsieur Francisco Alvarez, négociant à Valparaiso, et naufragé, le
vingt deux octobre dernier sur l’île de Mangareva (Gambier) ;
lequel nous a exposé qu’un jugement rendu sur requête, le vingt huit
novembre aussi dernier, par le tribunal de commerce des Etats du Protectorat des
îles de la Société, séant dans la ville de Papeete, enregistré, l’ayant autorisé à faire
procéder, le deux de ce mois et jours suivants, s’il y a lieu, à midi, en la ville de
Papeete, vis-à-vis les magasins Brander & Hort, (Dans la marge : où se trouvent
déposés les dits agrès, apparaux, marchandises et objets mobiliers. Initiales) quai
Napoléon, à la vente publique, à l’encan, aux enchères, au plus offrant et dernier
enchérisseur, des agrès apparaux, marchandises et objets mobiliers provenant dudit
navire naufragé Francisco Alvarez, il désire faire dresser par un officier publique,
préalablement à ladite vente, un inventaire fidèle et exacte les dits agrès, apparaux,
marchandises et objets mobiliers sauvés dans le naufrage du susdit navire Francisco
Alvarez, lequel a eu lieu comme il est ci-dessus dit le vingt deux octobre dernier.
En conséquence le Sir Louis Alexandre, nous ayant requis d’obtempérer à sa
réquisition, nous nous sommes sur le champ transportés avec nos témoins ci-après
soussignés et nommés, requis pour suppléer un second notaire, au devant des
magasins Brander et Hort, quai Napoléon en ville de Papeete, afin de procéder à
l’inventaire d’iceux (?) ;
Nous Pierre Célestin Trusseau, notaire à la résidence de Papeete, Ile de Tahiti
(Océanie) avons procédé à cette appréciation ainsi qu’il suit :
Objets amenés à Papeete sur la goélette La Maria de Mangareva.
1° Un lot de filins, estimés cent francs, ci
2° Un autre lot de filins, prisés cent soixante francs
100.00
160.00
(…)
115 Enfin, une grande vergue, une vergue de misaine, une vergue barrée,
quatre vergues de hune, deux vergues de perroquet fougues, deux vergues
perroquets, une vergue perruche, deux vergues de cacatois, deux mâts de hune, un
mât de perroquet fougue, deux mâts de perroquets, un bout d’hors (dehors) de
grand foc (que) et clin, deux cornes de brigantines, un gui et quatre bouts d’hors
(dehors) de bonnettes ; ce tout estimé cinq cents francs, 500.00
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N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
(En marge : La prisée des objets ci-dessus (mot illisible) estimés et désignés a
été faite par le dit (illisible) notaire, en vue d’éviter des frais au requérant. Initiales
des signataires)
Le montant des objets inventoriés ci-dessus et d’autre part, s’élève à la somme
de quatorze mille neuf cent soixante deux francs dix centimes, ci
14 962,10
Il a été signé à tout ce que dessus depuis huit heures du matin jusqu’à six
heures du soir, en présence de MM William Mendez, cuisinier et Alexandre Manson,
commis négociant, demeurant et domicilié séparément en la ville de Papeete,
témoins instrumentaires majeurs, requis pour suppléer un second notaire, et celle de
M. Louis Alexandre requérant.
Attendu qu’il ne s’est plus rien trouvé à co (??)endre,
Dire et déclare après inventaire, il a été clos et terminé ici.
Et le dit requérant, sous toutes réserves et toutes prétentions de droit, a signé
avec les témoins ci-dessus nommés et nous notaire, le présent acte, après lecture
faite, suivant la loi.
(quatre signatures)
Enregistré à Papeete le neuf décembre 1868
F° 22 ?° C° 3, reçu Quinze francs pour trois vacations.
(signature illisible)
ANNEXE 3
Troisième acte : le procès-verbal de la vente aux enchères
des 2 et 3 décembre 1868
L’an mil huit cent soixante huit et le deux décembre à midi,
A la requête de M. Louis Alexandre, Capitaine au long cours, domicilié à
Valparaiso (Chili) se trouvant actuellement à Papeete (Ile de Tahiti), commandant du
navire Francisco Alvarez, Portant pavillon de la république de Guatemala,
appartenant à M. Francisco Alvarez, négociant à Valparaiso, et naufragé, le vingt
deux octobre dernier sur l’île de Mangareva (Gambier) ;
Et en vertu un jugement rendu sur requête, le vingt huit novembre aussi
dernier, par le tribunal de commerce des Etats du Protectorat des îles de la Société,
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séant dans la ville de Papeete, enregistré ; lequel jugement a autorisé le requérant,
M. Louis Alexandre, a faire procéder par notre Ministère, ce jourd’hui et jours
suivants, s’il y a lieu, à midi, en la ville de Papeete, vis-à-vis les magasins Brander &
Hort, quai Napoléon, à la vente publique, à l’encan, aux enchères, au plus offrant et
dernier enchérisseur, des agrès apparaux, marchandises et objets mobiliers
provenant dudit navire naufragé Francisco Alvarez désignés dans l’inventaire qui en
a été fait par Me Trusseaux, notaire ci-dessus dénommé, en présence de témoins, le
premier de ce mois et qui sera enregistré au plus tard en même temps que le présent
procès-verbal de vente et détaillé ci-après ;
Nous Pierre Célestin Trusseau, notaire à la résidence de Papeete, Ile de Tahiti,
Océanie, soussigné,
Et en présence des témoins ci-après nommés aussi soussignés, requis pour
suppléer un second notaire ;
Après avoir fait annoncer tant par insertion dans le journal Le Messager de
Tahiti que par des placards imprimés et apposés aux lieux publics désignés par la loi,
que la vente publique agrès, apparaux, marchandises et objets provenant du dit
navire Francisco Alvarez aurait lieu aujourd’hui et jours suivants, s’il y a lieu, à midi.
Nous nous sommes transporté, avec nos témoins, devant les magasins Brander et
Hort, négociant à Papeete, quai Napoléon, à l’effet de procéder à la dite vente aux
conditions suivantes dont nous avons donné connaissance au public.
1° Le prix de chaque adjudication sera payé comptant, sans frais, sauf
exceptions portées aux numéros 4 et 5 qui suivent, entre les mains de l’officier public
chargé de la dite vente, en avoir ou argent monnaie (?) ayant cours ;
2° Chaque adjudicataire prendra les objets adjugés dans l’état où il se trouve
au moment de la vente ;
3° Les bois de sapins, propres à la construction, qui sont à Mangareva
(Gambier) entre les mains de Daniel Guilloux, seront vendus en pieds et pouces
marchands, mesure anglaise, et ils seront livrés au dit lieu de Mangareva ;
4° l’acquéreur ou les acquéreurs de ce bois en prendront donc livraison à
Mangareva et ils paieront en sus du prix d’adjudication, une somme de cinquante
francs par mois au dit M. Guilloux qui en est le dépositaire, et ce à compter du quinze
novembre dernier jusqu’au jour où sera effectuée la livraison du dit bois entre les
mains de l’acquéreur ou des acquéreurs ou de leurs fondés de pouvoir ;
5° Les mâts et vergues qui sont déposés à Mangareva seront également livrés
dans ce dernier lieu, par le dit Sir Guilloux qui en est aussi dépositaire, à
l’adjudicataire ou aux adjudicataires qui paieront également à celui-ci, en outre du
prix d’adjudication, la même somme de cinquante francs par mois depuis le dit jour
quinze novembre dernier jusqu’à celui de la livraison des dits mâts et vergues ;
6° Et les objets et marchandises à vendre deviendront la propriété de
l’adjudicataire par le seul fait de l’adjudication et dès ce moment là ils seront aux
risques et périls de celui-ci qui devra les enlevés ou faire enlever, sans délai, du lieu
de la vente.
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LES OBJETS QUI VONT ÊTRE MIS EN VENTE SONT LES SUIVANTS
1 Un lot de filins, adjugé à M. Brothers, capitaine à Papeete, pour cent vingt francs,
ci
120.00
2 Un autre lot de filins, adjugé à M. Brander, négociant à Papeete cent quatre-vingt
francs, ci
180.00
3 Deux aussières et un grelin pesant ensemble quatre cent quatre vingt deux kilos,
adjugé au même Brander, à trente cinq centimes le kilo, soit cent soixante huit
francs et soixante dix centimes, ci
168.70
4 Un autre lot de filins, adjugé au même Brander deux cent soixante quinze francs,
ci
275.00
5 Un autre lot de filins adjugé à M. Mac’Grath, capitaine de la goélette Eugénie à
Papeete, pour cent quatre-vingt francs, ci
180.00
6 Un autre lot de filins, vendu à Brander, négociant à Papeete trois cent cinquante
cinq francs
355.00
7 Un lot de chaînes et poulies, pesant sept cent quatre-vingt quinze kilogrammes,
adjugé à Brothers, pour vingt cinq centimes le kilogrammes, soit cent quatrevingt dix huit francs et soixante dix huit centimes, ci
198.78
8 Deux grelins, vendu à Brander, négociant à Papeete vingt cinq francs,
25.00
9 Un lot de chaîne et poulies pesant neuf cent soixante kilogrammes, vendu à
Mac’Grath, capitaine à Papeete, à quarante deux centimes et demi le
kilogrammes, soit pour le tout, quatre cent huit francs, ci
408.00
10 Deux ponts (?? pompes) et leur accessoires, adjugés à Brander, négociant à
Papeete, pour cinq cents francs
500.00
11 Un lot de filins pesant trois cent vingt un kilogrammes adjugé à Brothers à trente
centimes le kilogramme, soit quatre-vingt seize francs trente centimes,
ci
96.30
12 Un autre lot de filins pesant deux cent quarante cinq kilos, adjugé à Brander, à
trente centimes le kilog, soit soixante treize franc, cinquante centimes
ci
73.50
13 Un autre lot de filins pesant cent soixante huit kilos, adjugé à Mac’Grath, capitaine
à Papeete, à trente centimes le kilog, soit cinquante francs quarante centimes,
ci
50.40
14 Un autre lot de filins pesant deux cent quarante huit kilos, adjugé à Brander,
négociant à Papeete, à vingt centimes l’un, soit quarante neuf francs cinquante
centimes, ci
49.50
15 Un autre lot de filins pesant deux cent soixante six kilos, adjugé à Gorget,
Restaurateur à Papeete, à vingt six centimes un quart l’un, soit soixante neuf
francs quatre-vingt trois centimes, ci
69.83
16 Un autre lot de filins pesant trois cent soixante onze kilos, vendu à Wilkens (?),
négociant à Papeete, à dix sept centimes le kilog, soit soixante quatre francs
quatre-vingt treize centimes, ci
64.93
17 Un autre lot de filins pesant deux cent cinquante cinq kilos, adjugé à Blackett,
négociant à Papeete, à trente centimes le kilo, soit. soixante seize francs
cinquante centimes
76.50
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18 Un autre lot de filins pesant deux cent quarante huit kilos, vendu à Brander de
Papeete, à trente centime le kilo, soit soixante quatorze francs quarante centimes
74.40
19 Un autre lot de filins pesant deux cent quatre vingt dix kilos, adjugé à Wilkens de
Papeete, à vingt cinq centimes le kilo, soit soixante douze francs cinquante
centimes,
72.50
20 Un autre lot de filins pesant deux cent trente cinq kilos, adjugé au même Wilkers,
à vingt deux centimes du kilo, soit cinquante deux francs quatre-vingt huit
centimes, ci
52.88
21 Un lot de cuivre pesant quatre cent quatre-vingt cinq kilos, adjugé à Brander, à
soixante quinze centimes du kilo, soit trois cent soixante trois francs soixante
quinze centimes, ci
363.75
22 Un lot de poulies, adjugé à Blackett de Papeete, pour vingt cinq francs, ci 25.00
23 Un autre lot de poulies, vendu à Wilkens, pour vingt cinq francs, ci
25.00
24 Un autre lot de poulies, vendu à Brander de Papeete, pour dix francs, ci 10.00
25 Une paire de pistoles (pistolets ?) d’embarcation en fer, vendu à Brander, pour
trente cinq francs, ci
35.00
26 Une paire de pistoles (pistolets ?) d’embarcation et quatre autres pièces aussi en
fer, adjugé à Blackett, pour cinquante cinq francs, ci
55.00
27 Un lot de portes et fenêtres, vendu à Brander de Papeete, pour soixante deux
francs cinquante centimes, ci
62.50
28 Un lot de filin, pesant cent quarante huit kilos, vendu au même Brander, à
soixante quinze centimes le kilo, soit cent onze francs, ci
111.00
29 Un lot de pelles à lest et une masse, vendu à Tiolet (ou Fiolet ?), charretier à
Papeete, pour quarante francs
40.00
30 Un lot de chaîne pesant cinq cent quinze kilos, adjugé à Brander de Papeete, à
quinze centimes le kilo, soit soixante dix sept francs vingt cinq centimes,
ci
77.25
31 Un lot de trèfles de hunier, adjugé à Brander, pour dix francs, ci
10.00
32 Une roue de gouvernail à patente avec ses accessoires, adjugé à Brander de
Papeete, pour cent vingt cinq francs, ci
125.00
33 Une cuisine complète avec marmites et casseroles, adjugé à Mac’Grath de
Papeete, pour deux cents francs, ci
200.00
34 Deux ancres pesant ensemble deux cent quatre vingt quinze kilos, adjugé à
Brander de Papeete, à trente cinq centimes le kilo, soit cent trois francs quarante
cinq centimes, ci
103.45
35 Un lot de bois comprenant deux mille trois cent soixante quatorze pieds
marchand anglais, vendu à Passard, cantinier à Papeete, à vingt un centimes le
pied marchand anglais, soit quatre cent quatre vingt dix huit francs cinquante
quatre centimes, ci
498.54
36 Un lot de poulies, vendu à Wilkens de Papeete, pour cinquante cinq francs,
ci
55.00
37 Un autre lot de poulies, vendu au même Wilkens, pour cinq francs, ci
5.00
38 Un lot de cercles en fer et cabillots en bois, vendu à Drollet, patissier à Papeete,
pour quinze francs, ci
15.00
39 Un cabestan et sa garniture, adjugé à Blackett de Papeete, pour soixante cinq
francs, ci
65.00
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40 Un lot de poulies, adjugé à Brander de Papeete, pour dix francs, ci
10.00
41 Un autre lot de poulies, adjugé au même Brander, pour trente francs, ci
30.00
42 Un autre lot de poulies, vendu à Wilkens de Papeete, pour vingt cinq francs, ci 25.00
43 Un lot de filins pesant deux cent cinquante cinq kilos, adjugé à Brander de
Papeete, à vingt centimes le kilo, soit cinquante et un francs, ci
51.00
44 Un lot de fer et de barres, vendus à Blackette de Papeete, pour six francs,
ci
6.00
45 Un lot de poulie, adjugé à Irénéo, capitaine de la Goélette Maria de Mangareva,
pour vingt francs, ci
20.00
46 Un autre lot de poulies, adjugé à Louis de la mission Catholique, vingt huit francs,
ci
28.00
47 Un lot de bagues et cercles en fer, adjugé au Capitaine Brothers de Papeete, pour
sept francs, ci
7.00
48 Quatre pipes vides, adjugé à Irénéo de Mangaréva, pour cinquante cinq francs,
ci
55.00
49 Un lot de poulies et de cercles en fer, adjugé à Brothers de Papeete, pour cinq
francs, ci
5.00
50 Un autre lot de poulies, vendu à Brander de Papeete pour dix francs, ci
10.00
51 Quatre escaliers en cèdre, vendu à Lamotte, débitant à Papeete, pour vingt francs,
ci
20.00
52 Deux cloches en bronze, adjugé à Keen (?) propriétaire à Papeete, pour quarante
cinq francs, ci
45.00
53 Une barrique de goudron et des barres de perroquets, vendus à Mac’Grath de
Papeete, pour vingt quatre francs, ci
24.00
54 Un canot avec deux avirons, adjugé à Foster de Papeete, pour deux cents francs,
ci
200.00
55 Quatre bouées de sauvetage, adjugé à Brander de Papeete, pour vingt francs,
ci
20.00
56 Deux barres rembouré(e) s et quatre montant en fer, vendus à Drollet de Papeete,
pour quarante francs, ci
40.00
57 Un caisse d’outils de charpentier, vendu à Routleff, pour. six francs, ci
6.00
58 Douze sacs de biscuit, pesant ensemble quatre cent soixante quinze kilos, adjugé
à Hort, négociant à Papeete, à quarante et deux centimes et demi le kilo, soit deux
cent un francs quatre-vingt huit centimes, ci
201.88
59 Un lot de haricot blanc et de farine de blé, pesant cent quatre vingt trois kilos,
vendu à Gorget de Papeete, à cinquante centimes le kilo, soit quatre-vingt onze
francs cinquante centimes,
91.50
60 Un habitacle, vendu à Brander de Papeete, pour cent soixante quinze francs,
ci
175.00
61 Un baril de clous et deux œil de bœuf, adjugé à Mac’Graph de Papeete, pour six
francs, ci
6.00
62 Un lot de plateaux en bronze et anneaux, adjugé à Brander de Papeete, vingt cinq
francs, ci
25.00
63 Quatre fanaux, vendu à Gorget de Papeete, pour vingt six francs, ci
26.00
64 Trois autres fanaux, adjugé à Brander de Papeete, pour cinquante francs,ci 50.00
65 Un compas renversé, adjugé à (illisible), officier de marine à Papeete, pour trente
francs, ci
30.00
99
66 Un autre compas, vendu à Blackette de Papeete, pour vingt francs, ci
20.00
67 Un autre compas, adjugé à Mac’Grath de Papeete pour sept francs, ci
7.00
68 Un autre compas, adjugé à Blackette de Papeete, pour douze francs, ci
12.00
69 Un autre compas, vendu à Mac’Graph de papeete, pour six francs, ci
6.00
70 Un compas de relèvement avec son pied, adjugé à Blackett de Papeete, pour
soixante-dix francs, ci
70.00
71 Quatre crachoirs en cuivre et une soupière en métal, adjugé à Dexter, marchand
à Papeete, pour seize francs, ci
16.00
72 Une dame-jeanne, une lampe avec ses ustensiles, et une boite de munitions,
adjugé à Fiolet, voiturier à Papeete, pour dix huit francs, ci
18.00
73 Un lot de vaisselle et deux boucamp [mal orthographié dans le texte original, lire
boucaut NDR], adjugé à Mac’Graph de Papeete, pour vingt trois francs, ci 23.00
Attendu qu’il est cinq heures du soir, nous avons renvoyé la continuation du
présent procès-verbal de vente à demain à midi, aux mêmes lieux, et ce, du
consentement du requérant ; lequel a avec messieurs Wiliams Mendez, cuisinier, et
Alexandre Manson, commis négociant, demeurant et domiciliés séparément en la
ville de Papeete, témoins instrumentaires, majeurs, et nous notaire signé le présent
procès-verbal, après lecture.
(quatre signatures)
Et le dit jour, trois décembre mil huit cent soixante huit, à midi, en conséquence
de la remise indiquée par la clôture de la rédaction qui précède, il va être, aux mêmes
requête et présences que ci dessus, procéder par le même notaire à la continuation
de la vente dont il s’agit
74 Une boite de médicament, adjugé à Blackett de Papeete, pour cent cinq francs,
ci
105.00
75 Un baromètre, vendu à Brander de Papeete, pour vingt sept francs et cinquante
centimes, ci
27.50
76 Un chronomètre et sa boite, adjugé à Mac’Graph, pour trois cents francs,
ci
300.00
77 Trente un mille neuf cent quarante un pieds marchands anglais de bois, se
trouvant à Mangareva, adjugé à Brander de Papeete, à neuf centimes le pied, soit,
deux mil huit cent soixante quatorze francs et soixante neuf centimes, ci 2.874.69
78 Une grande vergue, une vergue de misaine, une vergue carrée, quatre vergues de
hune, deux vergues de perroquet fougues, deux vergues perroquets, une vergue
perruche, trois vergues de cacatois, deux mâts de hune, un mât de perroquet
fougue, deux mâts de perroquets, un bout dehors de grand foc (que) et clin, deux
cornes de brigantines, un gui et quatre bouts dehors de bonnettes, se trouvant
également à Mangareva, adjugé à Brander à Papeete pour trois cent soixante
quinze francs,
375.00
79 Un canot et quatre avirons, adjugé à Irénéo de Mangareva, pour deux cent trente
cinq francs, ci
235.00
80 Une bonnette de hune et une voile d’été (étai), vendu à Blackett pour quarante
francs, ci
40.00
81 Un cacatois et un foc (que), vendu au même Blackett quarante cinq francs 45.00
82 Une grande voile, vendu à Mac’Graph pour cinquante cinq francs, ci
55.00
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83 Une voile d’été (étais) et une bonnette d’hune, adjugé à Brander de Papeete pour
vingt sept francs et cinquante centimes, ci
27.50
84 Un hunier haut, vendu à Mac’Graph pour cent dix francs, ci
110.00
85 Un hunier bas, adjugé à Brander de Papeete, pour soixante-dix francs, ci 70.00
86 Une brigantine, adjugé à Blackett de Papeete, pour cent douze francs cinquante
centimes
112.50
87 Un grand perroquet, adjugé à Amiot, pour cent francs
100.00
88 Une bonnette basse et une petit foc (que), adjugé à Réveillon, à Papeete pour
cinquante deux francs, ci
52.00
89 Une brigantine, vendue à Brander de Papeete, pour quarante francs, ci 40.00
90 Une benjamine, adjugé à Réveillon à Papeete pour trente francs, ci
30.00
91 Un perroquet du fougue du haut, vendu à Brander de Papeete pour trente francs, ci 30.00
92 Un perroquets du fougue du bas, une perruche et une tente, vendu à Amiot à
Papeete, pour trente cinq francs, ci
35.00
93 Une bonnette de hune et une voile d’été (étai) de perroquet, vendu au même
Amiot pour cinquante francs, ci
50.00
94 Un perroquet de fougue du bas, adjugé à Brander de Papeete, pour cinquante
francs, ci
50.00
95 Un petit hunier du haut, vendu au même Brander pour trente cinq francs, ci 35.00
96 Une grande voile, adjugé au même Brander pour quarante francs, ci
40.00
97 Un hunier du bas, vendu à Irénéo (?) de Mangareva pour deux cents francs, ci 200.00
98 Un grand hunier du bas, vendu à Brander de Papeete, pour trente cinq francs, ci 35.00
99 Un hunier du bas, vendu au même Brander pour cent francs,
100.00
100 Un hunier haut, adjugé au Même Brander pour cent francs, ci
100.00
101 Une voile barrée ou carrée ? vendue au même Brander, pour quarante francs,
ci
40.00
102 Une misaine, vendue à Mac’Graph, pour cent cinquante francs
150.00
103 Un Perroquet de fougue, adjugé à Blackett de Papeete pour quatre-vingt cinq
francs, ci
85.00
104 Un clin foc et une misaine, vendu à Brander pour quarante cinq francs, ci
45.00
105 Un perroquet adjugé à Georget de Papeete, pour cinquante francs, ci
50.00
106 Un petit hunier haut et voile d’été (étai), vendu à Brander de Papeete, pour
soixante-dix francs, ci
70.00
107 Un cacatois et une tente adjugés à Amiot de Papeete cent quatre-vingt quinze
francs, ci
195.00
108 Un perroquet, adjugé à Drollet de Papeete pour soixante cinq francs, ci
65.00
109 Deux manches à vent et une tente à gaillard vendu à Gorget de Papeete pour
trente cinq francs, ci
35.00
110 Une caisse de pavillons et une caisse de thé, adjugé à Brander de Papeete pour
vingt francs, ci
20.00
111 Quinze vieux fusils et leurs baïonnettes et douze sabres, vendu à Brander, de
Papeete pour cinquante deux francs, ci
52.50
112 Une ancre à palette, pesant treize cents kilos, adjugé à Brander de Papeete, à
douze centimes et demi le kilo, soit cent soixante deux francs et cinquante
centimes, ci
162.50
101
113 Trois sacs de charbon de terre adjugé à Hall, Georges, de Papeete, pour six
francs, ci
6.00
114 Un canot, adjugé à Irénéo, capitaine de la “ Maria “ pour la somme de deux cent
soixante seize francs et 25 centimes, ci
276.25
115 Et en fin trois chaînes et une ancre, pesant seize mille cinq cents kilogrammes,
adjugées à Amiot, négociant à Papeete, à neuf centimes le kilo, soit mille quatre
cent quatre-vingt cinq francs, ci
1.485.00
N’ayant plus d’objet à mettre en vente, nous avons clos ici le présent procèsverbal dont le montant s’élève à la somme de quatorze mil trois cent soixante six
francs
14.366F.00C
[Un erreur de 2F 50C est constatée, NDR]
Nous avons procédé tout ce que dessus par double vacations, depuis midi
jusqu’à cinq heures du soir, tout en présence de M.M. Williams Mendez, cuisinier et
Alexandre Manson, commis négociant, demeurant et domiciliés séparément en la
ville de Papeete, témoins instrumentaires, majeurs, requis pour suppléer en second
notaire, qu’en celle de M. Louis Alexandre, requérant ; lesquels ont, avec nous,
notaire, signé le présent procès-verbal, après lecture, suivant la loi.
(Quatre signatures)
(Dans la marge)
Enregistrer à Papeete le neuf décembre 1868
f° 22 B° C…, reçu pour vente de débris et accessoires du navire cinq francs,
pour vente de marchandises seize francs quatre vingt dix centimes
(signature illisible)
ANNEXE 4
Quatrième acte : le versement le 9 décembre 1868
de la somme de la vente du navire au capitaine
(sur le même document que la vente)
Reconnais que Me Trusseau notaire à Papeete (mot manquant) versé ce jour le
montant de la présente vente s’élevant à la somme de quatorze mil trois cent
soixante six francs dont décharge pleine et entière, Papeete le neuf décembre mil huit
cent soixante huit.
(Signé Louis Alexandre)
Enregt à Papeete, le neuf décembre 1868
F° 74 V° C° 2 reçu quatre francs
(Signature illisible)
102
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
ANNEXE 5
Mâts, vergues et voile de la vente
du Francisco Alvarez
(Le deuxième chiffre correspond aux numéros des lots de la vente du navire)
MAT DE BEAUPRE
01.
78 Un bout dehors de grand foc
et clin
02. 104 Un clin foc
03.
81 Un foc
04.
88 Un petit foc
MAT DE MISAINE
05.
78 Une vergue de misaine
06.
78 Une vergue de hune
07.
78 Une vergue de hune
08.
78 Une vergue perroquets
09.
78 Une vergue de cacatois
10.
78 Un mât de hune
11.
78 Un mât de perroquets
12. 104 Une misaine
13.
95 Un petit hunier du haut
14. 102 Une misaine
15.
97 Un hunier du bas
16. 106 Un petit hunier haut
17. 105 Un perroquet
18. 107 Un cacatois
GRAND MAT
19.
78 Une grande vergue
20.
78 Une vergues de hune
21.
78 Une vergues de hune
22.
78 Une vergue perroquets
23.
78 Une vergue de cacatois
24.
78 Un mât de hune
25.
78 Un mât de perroquets
26.
82 Une grande voile
27.
96 Une grande voile
28.
98 Un grand hunier du bas
29.
84 Un hunier haut
30.
87 Un grand perroquet
31.
81 Un cacatois
36.
37.
38.
39.
40.
41.
42.
43.
44.
45.
46.
47.
48.
49.
78
78
78
78
78
101
92
91
92
103
94
86
89
90
Une vergue de cacatois
Une corne de brigantines
Une corne de brigantines
Un gui
Un mât de perroquet fougue
Une voile barrée
Un perroquet du fouque du bas
Un perroquet du fouque du haut
Une perruche
Un perroquet de fouque
Un perroquet de fouque du bas
Une brigantine
Une brigantine
Une benjamine
VOILES D’ETAIS
50.
80 Une voile d’étai
51.
83 Une voile d’étais
52. 106 Une voile d’étai
53.
93 Une voile d’étai de perroquet
BONNETTES
54.
78 Un bout dehors de bonnettes
55.
78 Un bout dehors de bonnettes
56.
78 Un bout dehors de bonnettes
57.
78 Un bout dehors de bonnettes
58.
80 Une bonnette de hune
59.
88 Une bonnette basse
60.
83 Une bonnette de hune
61.
93 Une bonnette de hune
62. 108 Un perroquet
63.
85 Un hunier bas
64.
99 Un hunier du bas
65. 100 Un hunier haut
66. 107 Une tente
67.
92 Une tente
68. 109 Une tente à gaillard
69.
53 Des barres de perroquet
MAT D’ARTIMON
32.
78 Une vergue barrée
33.
78 Une vergue de perroquet fougue
34.
78 Une vergue de perroquet fougue
35.
78 Une vergue perruche
103
ANNEXE 6
Liste des lots par acquéreurs aux enchères
du Francisco Alvarez le 2 et 3 décembre 1868
N°
115
87
92
93
107
39
66
68
70
44
17
74
26
22
80
81
86
103
34
112
3
75
77
55
62
30
21
64
27
2
4
6
12
14
18
28
43
111
8
104
Acquéreur
Amiot
Amiot
Amiot
Amiot
Amiot
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Blackett
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Désignation
Montant
chaîne et ancre
voile
voile
voile
voile
cabestan
compas
compas
compas
fer
filins
médicaments
pistolets
poulies
voile
voile
voile
voile
ancre
ancre
aussières et grelin
baromètre
bois
bouées
bronze
chaînes
cuivre
fanaux
fenêtres
filins
filins
filins
filins
filins
filins
filins
filins
fusils
grelins
1 485,00
100,00
35,00
50,00
195,00
65,00
20,00
12,00
70,00
6,00
76,50
105,00
55,00
25,00
40,00
45,00
112,50
85,00
103,45
162,50
168,70
27,00
2 874,69
20,00
25,00
77,25
363,75
50,00
62,50
180,00
275,00
355,00
73,50
49,50
74,40
111,00
51,00
52,50
25,00
Total
Acquéreurs
%
1 865,00
Amiot
12,98
Blackett
4,99
717,00
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
60
110
25
10
24
40
41
50
32
31
78
83
85
89
91
94
95
96
98
99
100
101
104
106
47
7
1
11
49
71
56
38
108
54
63
15
59
109
105
113
58
79
114
48
45
97
52
51
46
53
9
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brander
Brothers
Brothers
Brothers
Brothers
Brothers
Dexter
Drollet
Drollet
Drollet
Foster
Georget
Georget
Georget
Georget
Georget
Hall
Hort
Irénéo
Irénéo
Irénéo
Irénéo
Irénéo
Keen
Lamotte
Louis
Mac’Graph
Mac’Graph
habitacle
pavillons
pistolets
pompes
poulies
poulies
poulies
poulies
roue gouv.
trèfles
vergues
voile
voile
voile
voile
voile
voile
voile
voile
voile
voile
voile
voile
voile
cercles
chaînes et poulies
filins
filins
poulies et cercles
crachoirs
barres
cercles
voile
canot
fanaux
filins
haricot
manches à vent
voile
charbon
biscuit
canot
canot
pipes
poulies
voile
cloches
escalier
poulies
barrique
chaînes et poulies
175,00
20,00
35,00
500,00
10,00
10,00
30,00
10,00
125,00
10,00
375,00
27,50
70,00
40,00
30,00
50,00
35,00
40,00
35,00
100,00
100,00
40,00
45,00
70,00
7,00
198,78
120,00
96,30
5,00
16,00
40,00
15,00
65,00
200,00
26,00
69,83
91,50
35,00
50,00
6,00
201,88
235,00
276,25
55,00
20,00
200,00
45,00
20,00
28,00
24,00
408,00
7 164,24
Brander
49,88
427,08
16,00
Brothers
Dexter
2,97
0,11
120,00
200,00
Drollet
Foster
0,84
1,39
272,33
6,00
201,88
Georget
Hall
Hort
1,90
0,04
1,41
786,25
45,00
20,00
28,00
Irénéo
Keen
Lamotte
Louis
5,47
0,31
0,14
0,19
105
76
61
67
69
33
5
13
73
82
84
102
65
35
88
90
57
72
29
16
19
20
23
36
37
42
Mac’Graph
Mac’Graph
Mac’Graph
Mac’Graph
Mac’Graph
Mac’Graph
Mac’Graph
Mac’Graph
Mac’Graph
Mac’Graph
Mac’Graph
Officier marine
Passard
Réveillon
Réveillon
Routleff
Tiolet
Tiolet
Wilkens
Wilkens
Wilkens
Wilkens
Wilkens
Wilkens
Wilkens
chronomètre
clous
compas
compas
cuisine
filins
filins
vaisselle
voile
voile
voile
compas
bois
voile
voile
outils
dame-jeanne
pelles
filins
filins
filins
poulies
poulies
poulies
poulies
14 363,03
300,00
6,00
7,00
6,00
200,00
180,00
50,40
23,00
55,00
110,00
150,00
30,00
498,54
52,00
30,00
6,00
18,00
40,00
64,93
72,50
52,88
25,00
55,00
5,00
25,00
14 363,03
1 519,40
30,00
498,54
Mac’Graph
Officier marine
Passard
10,58
0,21
3,47
82,00
6,00
Réveillon
Routleff
0,57
0,04
58,00
Tiolet
0,40
Wilkens
100,00
2,09
300,31
Autres :
- Drollet
0.84 %
- Reveillon
0.57 %
- Tiolet
0.40
- Keen
0.31
- Officier de la Marine 0.21 %
- Louis
0.19 %
- Lamotte
0.14 %
- Hall
0.04 %
- Routleff
0.04 %
106
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
ANNEXE 7
Biographie sommaire des adjudicataires de débris
du Francisco Alvarez et des témoins de la vente
aux enchères, par ordre alphabétique
ADJUDICATAIRES :
Amiot négociant à Papeete. Etienne Amiot, 1836-1983, dont le nom reviendra
assez souvent sous la plume du père Laval, est un français, originaire de Libourne,
qui, arrivé à Tahiti comme marin, y avait pris son congé et s’était installé dans le
pays. Après avoir tenu quelque temps la cantine militaire, il s’établira comme
commerçant à Papeete. Il était le consignataire de la maison Ballande, de Bordeaux,
et viendra plusieurs fois aux Gambier pour y acheter de la nacre, y vendre des
marchandises diverses, étoffes et pacotilles. En 1868, il s’entendra avec le Père
Nicolas Blanc pour la fabrication d’huile de coprah. (Laval, page 431 note 5)
Blackett de Papeete. Plusieurs Blackett Anglais, D., G., M. et Melle sont
mentionnés dans le Messager de Tahiti n°11 samedi 14 mars 1868. L’un d’entre eux,
capitaine du trois-mâts barque Moaroa, serait mort le 24 juillet 1869 au cours d’une
mutinerie de la main d’œuvre kanaque (“ des travailleurs océaniens “) embarquée pour les
plantations de Stewart à Atimaono (Messager de Tahiti n°40 samedi 2 octobre 1869).
Brander négociant à Papeete. Nous verrons souvent ce nom revenir sous la
plume du père Laval. L’Anglais John Brander, 1814-1877, était arrivé à Tahiti en 1851.
Riche, il possède d’importants capitaux, se livre tout d’abord au commerce des perles,
mais élargit bientôt ses activités commerciales avec tant de succès que bientôt la
maison Brander est la firme la plus importante de l’archipel. Il possède de
nombreuses goélettes et installe des comptoirs un peu partout en Océanie française
et jusqu’à l’île de Pâques. A Mangareva, intéressé par la nacre et les perles, Brander
enverra souvent des agents : Auméran, Manson, Vincent, etc. et ses goélettes : Aorai,
Favorite, Iona. Homme droit et honnête en affaires, le Père Laval a de l’estime pour
Brander qui ne semble d’ailleurs jamais avoir mis les pieds à Mangareva. Laval lui
demandera cependant d’être le parrain de la goélette Maria i te aopu. Sur Brander, voir
O’Reilly, Tahitiens, pp. 54-56 ; et le chapitre XXIII du livre d’E. Salmon, Alexandre
Salmon et sa femme Ariitaimai (Paris, 1964) dans lequel l’auteur analyse les
opérations commerciales de la maison Brander en 1865. On y voit circuler toutes les
goélettes de la firme qui passeront un jour ou l’autre à Mangareva. (Laval, page 283)
M. J. Brander, armateur. Négociant, consignataire, etc. apparaît souvent dans
le Messager de Tahiti en 1868. Il semble qu’aussi bien Hort que Brander fasse le
commerce de la main d’œuvre indigène. Par exemple : dans le Messager de Tahiti
N°5 du samedi 01 février 1868, nous pouvons lire que le 26 janvier, le trois-mâts
barque du Protectorat Iona, de 174 tonneaux, du capitaine McLean, vennant de
Rurutu en 5 jours débarque 24 passagers indigènes, engagés par M. Brander.
C’est dans les magasins Brander et Hort, quai Napoléon, que se tient la vente
publique à l’encan de débris du Francisco Alvarez, les 2 et 3 décembre 1868.
107
Brothers capitaine à Papeete. De nombreux Brothers (capitaine, M. et Mme,
anglais, américains, etc.) sont référencés dans le Messager de Tahiti de 1866. En
1867, un seul Brothers, anglais débarque le 4 juin, de la goélette américaine John
Bright, de 132 tonneaux en provenance de Valparaiso en 34 jours (Messager de
Tahiti n°23 samedi 08 juin 1867).
Les Messager de Tahiti n°9 du samedi 29 février et n°11 du samedi 14 mars
1868 signalent les voyages de Brothers, anglais, sur les caboteurs du protectorat
Hope, de 28 tonneaux et Tumara, de 21 tonneaux.
A partir du 21 avril 1868, Brothers semble (re) prendre les commandements de
bateau. En premier, celui de la, goélette du Protectorat Eugénie, de 39 tonneaux,
allant à Atimaono le 21 avril (Messager de Tahiti n°17 samedi 25 avril 1868). A partir
du 26 avril (Messager de Tahiti n°18 samedi 2 mai 1868), il commande le caboteur
ou goélette du Protectorat Hope, de 28 tonneaux (Messager de Tahiti N°19 samedi
9 mai 1868 et suivant). Les destinations sont Rapa, Tubuai, l’île Caroline, Papeuriri,
Atimaono, etc.
Dexter marchand à Papeete. Le messager n°1 du samedi 4 janvier 1868 note
l’arrivée le 29 décembre 1867 d’un certain Dexter, capitaine de la goélette du
Protectorat Eliza, de 113 tonneaux venant de San Francisco en 30 jours, apportant le
courrier d’Europe et un passager M. J. Jenkins, américain, débarquant.
Cette même goélette repart le 15 janvier 1868 pour Raiatea mais avec un autre
capitaine : Chapman, (Messager de Tahiti n°3 samedi 18 janvier 1868).
Il est à noter aussi que le 15 mars, Dexter est le capitaine de la goélette du
Protectorat Eugénie de 181 tonneaux, venant de San Francisco en 27 jours.
(Messager de Tahiti N°12 samedi 23 mars 1867). Cette goélette appartient à la
Maison Hort.
Drollet pâtissier à Papeete. Deux voyages de M. et Mme Drollet et un enfant
français sont signalés dans le Messager de Tahiti n°14 samedi 4 avril 1868 et celui
n°30 samedi 25 juillet 1868.
Foster de Papeete.
Georget restaurateur à Papeete.
Hall Georges de Papeete. De fin décembre 1867 à juillet 1868, Georges Hall,
anglais, fait plusieurs voyages entre Tahiti et les Iles Sous-le-Vent, seul ou en famille
sur la Goélette de Bora-Bora Piilalo et le brick-goélette anglais Annie-Laurie
(Messager de Tahiti n°1 samedi 4 janvier, n°21 samedi 23 mai, n°22 samedi 30 mai,
n°27 samedi 4 juillet, n°28 samedi 11 juillet).
A partir du 21 août 1868, un capitaine Hall commande le brick-goélette du
protectorat Samoa, de 109 tonnes. Il part pour Nioue (Messager de Tahiti n°35
samedi 29 août 1 868) et revient en 23 jours le 20 novembre (Messager de Tahiti
n°48 samedi 28 novembre 1868) et part le 28 novembre à Rakahanga (Messager de
Tahiti N°49 samedi 5 décembre 1868) mais si c’est le cas et le même acheteur du lot
113, cela semble contradictoire.
108
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Hort négociant à Papeete. Sur Alfred William Hort, négociant anglais à Tahiti,
voir une longue notice dans O’Reilly, Tahitiens, pp. 216-217. On y lit “En 1857 les
frères Hort possèdent la goélette Julia. On les trouve commerçants à Mangareva. Ils
monopolisent en quelque sorte le commerce dans les Tuamotu, ce qui les fait entrer
en conflit avec l’administration française qui regrette qu’ils soient” parvenus à tenir
les indigènes dans une dépendance absolue. (Laval, page 281 note 5)
C’est dans les magasins Brander et Hort, quai Napoléon, que se tient la vente
publique à l’encan de débris du Francisco Alvarez, les 2 et 3 décembre 1868.
Le Messager de Tahiti n°3 samedi 18 janvier 1868 signale que : “La goëlette du
Protectorat Surprise, de la maison Hort, partira le mardi 28 du courant pour San
Francisco, emportant le courrier pour l’Europe.”
Il est possible que les Hort soient plusieurs, ou si nous avons à faire à un seul
personnage il était alors très actif dans la gestion de ses entreprises puisque dans le
Messager de Tahiti N°13 samedi 28 mars 1868, nous apprenons le départ pour la
Nouvelle-Zélande le 14 mars, de la goélette du Protectorat Eugénie, de 181 tonneaux
dont le capitaine est Hort, avec 34 250 kg coton égrené d’une valeur de 171 250
francs (Pour cette somme, on comprend que le patron fasse le déplacement).
Cette goélette est venue le 15 mars 1867 de San Francisco en 27 jours, avec
comme capitaine Dexter. (Messager de Tahiti n°12 samedi 23 mars 1867)
M. et Mme Hort, Anglais, arrivent de San Francisco en 32 jours le 2 octobre
1868 par le brick-goélette Timandra de 120 tonneaux du capitaine Niggins
(Messager de Tahiti N°41 samedi 10 octobre 1868). Il est possible que Hort, après
son séjour en Nouvelle Zélande, soit parti en Amérique.
Il semble qu’aussi bien Hort que Brander fasse le commerce de la main
d’œuvre indigène. Par exemple, nous pouvons lire dans le Messager de Tahiti N°23
samedi 06 juin 1868 que le 1er juin, la goélette du Protectorat Moorea, de 52
tonneaux, du capitaine Waterman, venant de Maniki en 18 jours ; débarque dix
passagers dont neuf indigènes engagés de M. Hort.
Irénéo capitaine de la goélette Maria de Mangareva. Irénée ou Irenao : C’est
l’homme d’affaires de la Régente Maria-Eutokia. Il est le subrécargue de la Maria i te
aopu, puis il devient le capitaine du navire en 1863 quand Daniel Guilloux est écarté de
ce poste (voir Laval, page 403). En 1868, c’est encore lui le capitaine (en 1865 d’autres
personnes se succèdent à la barre du bateau). Laval (Laval, page 577) prétend qu’il est
adjudicataire en tant que l’homme du Roi de l’épave et de la cargaison du Francisco
Alvarez, mais les documents du notaire Trusseau montre le contraire.
Keen propriétaire à Papeete.
Lamotte débitant à Papeete.
Louis de la Mission catholique.
Mac’Graph capitaine de la goélette Eugénie à Papeete. Mac’Graph ou
McGrath est le capitaine du brick-goélette du protectorat Alice, de 109 tonneaux
jusqu’en juillet 1868 où il prend le commandement de la goélette du Protectorat
Eugénie, de 39 tonneaux. (voir les Messager de Tahiti n°1, n°3, n°15, n°28, n°49 et
n°39 de l’année 1868)
109
Officier marine. Son nom est indéchiffrable sur le document du notaire
Trusseau.
Passard : cantinier à Papeete. Le nom et le métier ne sont pas certains.
Réveillon à Papeete. Réveillon est francais. Il est signalé au cours d’un voyage
aller retour à bord du brick-goélette anglais Annie-Laurie, de 47 tonneaux pour les
île Sous le vent. (Les Messager de Tahiti n°21 samedi 23 mai et n°22 samedi 30 mai
1868)
Routleff. Plusieurs orthographes de ce nom sont utilisés dans le Messager de
Tahiti : Routleff et Routliff. Il apparaît pour la dernière fois en tant que capitaine de la
goélette du Protectorat Temana Arii, de 48 tonneaux, dans la rade de Papeete durant
toute l’année 1866, elle y est rentrée le 9 décembre 1865 (Messager de Tahiti n°41
du samedi 13 octobre 1866).
Tiolet charretier ou voiturier à Papeete. L’orthographe de ce nom n’est pas
sûre.
Wilkens négociant à Papeete. Wilkens est cité dans les Messager de Tahiti n°7
samedi 15 février et le n°13 samedi 28 mars 1868 dans le Relevé des marchandises
importées dans la colonie par le brick-goélette anglaise Julia, capitaine Carmichael,
jaugeant 64 tonneaux, et venant de Sydney, brick-goélette, anglais Zillah, de 66
tonneaux, capitaine Johnson, venant d’Auckland. Les montants des marchandises
s’élèvent à 10 330 et à 12 209 francs.
En 1869, Wilkens est l’agents de la maison Grice, Sumner et Cie, de Melbourne
(Australie) sous l’enseigne : Wilkens, Scharf et Cie, négociants à Papeete (Messager
N°19 samedi 8 mai 1869). Laval signale (Laval, page 626) qu’en 1870, un certains
Wilkems est consul de Prusse et possède un bateau.
TEMOINS :
Manson Alexandre, commis négociant. Il s’agit d’Alexandre Manson, 18161887, un français de Caen, qu’on trouve à Papeete en 1857 comme commis dans le
magasin de la maison Hort et Brander. Brander semble l’apprécier et nous voyons
qu’il vend aux Gambier des marchandises diverses, voire même des affûtiaux
féminins que Laval qualifiera de falbalas. Cependant, Laval a manifestement du
respect pour l’individu qui lui servira d’expert juridique lors d’une contestation
nautique. Manson finira par créer une plantation de coton à Tahiti et en 1 869 ses
propriétés y sont en plein rapport. Voir sur lui O’Reilly, Tahitiens, p. 184. (Laval, page
345 note 8).
Mendez Williams, cuisinier.
110
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
ANNEXE 8
Les armateurs Alvarez
Les recherches en archives au Chili ont été effectuées par Diego Carabias.
Les recherches effectuées en archives au Chili, ont permis de compléter nos
connaissances sur Francisco P. Alvarez, sa famille et ses activités dans le commerce
maritime dans la deuxième moitié du xixe siècle. Le nom d’Alvarez a été porté au XIXè
siècle par trois personnes, toutes impliquées dans le commerce maritime. Nous
n’avons cependant pas encore réussi à trouver quel était leur lien de parenté exact.
Le premier est Francisco Salvador Alvarez (1814-1873), riche commerçant de
Valparaiso, fils unique d’un émigrant d’origine portugaise, fondateur du village de
Viña del Mar, et armateur particulièrement actif dans les années 1850. Il est
considéré en 1 849 comme l’un des plus riches héritiers du Chili52.
On retrouve dans le registre de demande de patente : “Pedimentos de patentes:
1850-1865” le nom de certains navires dont il fut propriétaire :
Un exemple de ses activités nous est fourni par un document cité par Véliz :
“Mouvements des navires chiliens dans le port de San Francisco durant le premier
trimestre 1853” (Véliz, 1961, pp. 107-109)
52 Les esprits s’échauffèrent extraordinairement à Valparaiso en 1849 lors des élections d’un
député. Le ministre présentait la candidature de don José Tomas Ramos, commerçant
considéré de la place, et les opposants celle de don Manuel Antonio Toconal avec comme
suppléant Francisco Salvador Alvarez, le plus riche héritier du Chili, fils unique d’un négociant
portugais, décédé quelques années auparavant, en laissant des propriétés urbaines et rurales
d’une richesse évaluée à 1 700 000 pesos de 44 pennies, qui était alors considérée comme la
plus grosse fortune du pays (Barros Arana, p. 296).
111
Pour ce qui concerne les deux autres personnages, Francisco Pascual Alvarez,
le propriétaire du Francisco Alvarez, et Pacifico Alvarez ; ils étaient armateurs et
faisaient le commerce du bois et du charbon. Ils exercèrent leurs activités à la même
époque, à partir du début des années 1860.
Le registre de demande de patente : “Pedimentos de patentes : 1850-1865” cité
plus haut, mentionne dès 1860 le nom de F. P. Alvarez et de deux navires dont il est
propriétaire :
Un document : “Estado Jeneral de la Marina Mercante el 1° de setiembre
1865”, nous donne la mesure de la place qu’occupe Francisco Pascual Alvarez dans
le commerce maritime chilien. Sur les 8 navires mentionnés, F. P. Alvarez est
propriétaire de 4 d’entre eux et consignataire de 3 autres. Pacifico Alvarez, quant à
lui, n’est consignataire que d’un seul navire. Encore faut-il se rappeler qu’à cette
époque, nombre de navires chiliens sont déjà passés sous pavillon de complaisance.
On retrouve F. P. Alvarez et P. Alvarez sur les registres mentionnant les
mouvements du port de Valparaiso en octobre 1868.
Il semble bien que les deux Alvarez se soient spécialisés, au moins à cette
époque : Francisco Pascual dans le transport du bois et Pacifico dans le transport du
charbon. On trouve ainsi dans le Mercurio de Valparaiso, des annonces qui
soulignent ce partage du marché ; même si, on l’a vu, le Francisco Alvarez avait
assuré successivement les deux types de transport.
Parmi les navires armés par F. P. Alvarez trois retiennent l’attention.
Le premier d’entre eux, le Tránsito de Alvarez est souvent simplement appelé
Tránsito. Ce trois-mâts barque de 375 tonneaux, se livrait au commerce du bois le
long de la côte Pacifique. Le 28 mars 1870, sous pavillon salvadorien, il naufrage sur
le banc de Tres Hermanas au large de Corral53.
53 “Transito : navire salvadorien de 375 tonneaux de port, propriétaire Pacifico Alvarez de
Valparaiso, capitaine Federico Becker. Il sortit du port de Corral, le 25 mars à destination de
Valparaiso, quand au large de l’île de Mocha il commença à y avoir une telle quantité d’eau
[dans la cale, NDT] que l’équipage décida d’aller s’échouer avant que le navire ne fasse naufrage
et que les membres de l’équipage périssent. Le vent du nord favorisa le retour du Transito vers
son port de départ, qu’il atteint 3 jours plus tard, s’échouant sur le banc des Trois Sœurs. A cet
endroit, il était possible de sauver le navire et sa cargaison ; mais le gros temps des jours
suivant détruisit navire et cargaison” (Vidal Gormaz, p. 402).
112
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Sans doute pour compenser la perte du Tránsito, Francisco Pascual achète en
1871 un nouveau trois-mâts carré (une frégate) qu’il baptise Erminia Alvarez. Ce
navire de 666,71 tonneaux bat pavillon chilien, son premier capitaine est M. Bozzo.
Il se perdra dans le port de Valparaiso le 21 mars 187854.
Le navire le plus célèbre est l’Elvira Alvarez, dont nous trouvons la première
mention en 1 866 lorsqu’il est affecté au commerce du bois sur la côte Pacifique
sous les ordres de Louis Alexandre. Lors de la “Guerre du Pacifique” entre le Chili et
le Pérou, entre 1879 et 1880, l’Elvira est affrété comme transport par le
Gouvernement chilien. La guerre finie F.P. Alvarez fait don de son navire à la Marine
chilienne qui en 1 887 le rebaptise Almirante Simpson. Il est alors utilisé comme
école des mousses jusqu’à sa transformation en ponton en 188955.
ANNEXE 9
Résultats des brais et résines
Trois prélèvements de brais et résines ont été effectués au cours du chantier.
Les analyses ont été réalisées par le Dr Jacques Connan, Directeur de recherches
associé au CNRS, Laboratoire des substances Naturelles de l’Université Louis
Pasteur-Strasbourg à Pau. Il ne manque encore que quelques éléments mais d’ores
et déjà les quelques données moléculaires préliminaires sont assez significatives.
Le premier prélèvement a été arbitrairement appelé “ résine “, substance était
plaquée sur une douve de barrique dont la longueur est proche de celle d’une demibarrique française de 120 litres (longueur : 77,5 cm ; longueur 70,3 cm entre jables ;
largeur aux extrémités : 9 cm ; largeur maximale 10,3 cm ; épaisseur 15 mm et 10
mm aux extrémités ; jables : largeur : 4 mm, profondeur 2 mm.) Sa face interne était
recouverte d’une couche de couleur brune. Il s’agit très probablement d’un enduit
destiné à assurer l’étanchéité d’une barrique contenant un liquide.
54 Herminia Alvarez : frégate de 666,71 tonneaux de port, propriétaire Francisco P. Alvarez de
Valparaiso, capitaine J. J. Happ. Par le même temps, il rompit ses amarres et alla sur la côte,
subissant une perte totale. Pas de victime. (Vidal Gormaz, p. 495).
55 Site Internet de la Marine chilienne : www.armada.cl
113
L’analyse a révélé que si la première impression “ privilégiait un produit de type
résine de conifère, l’analyse a montré qu’il s’agissait plutôt d’une poix c’est -à-dire
un goudron de conifère obtenu par un traitement thermique modéré “. L’utilisation
de la poix pour enduire l’intérieur de récipients destinés à recevoir un liquide soit
pour en assurer l’étanchéité soit pour éviter une réaction entre ne contenant et le
contenu est attesté depuis l’antiquité pour les amphores.
Le second prélèvement provient aussi de la face interne d’une douelle (partielle)
de petites dimensions (35,5 x 8,1 x 1,5) qui est enduite d’un produit de couleur noire
(dessin 2). La première hypothèse a été qu’il pouvait s’agir d’une planche provenant
d’un fût de brai gras destiné au calfatage du navire. En effet le calfat dispose en
général de deux sortes de brai : le brai sec fournit en pain et le brai gras conditionné
en barils. Il faut remarquer à cet égard qu’une barrique de goudron du Francisco
Alvarez fut vendue aux enchères à Papeete le 2 décembre 1868 (lot n°53).
L’analyse a confirmé que c’était effectivement un brai de houille (coaltar),
probablement de basse température. Des compléments d’examens sur les
composés aromatiques peuvent renforcer cette conclusion.
Enfin, le troisième prélèvement a été obtenu d’un matériau de calfatage
compris entre le bordé et le doublage à l’avant du navire.
“A l’analyse, il apparaît surtout de la poix sans coaltar. Des stérènes qui viennent
du règne animal ont été détectées, peut-être de graisse (suif ?). Il faudrait rechercher
les triglycérides dans les fractions polaires pour conclure sur ce point. Cet échantillon
contient pas mal de soufre libre ce qui n’est pas étonnant étant donné le vert de gris
visible sur l’échantillon. Cette information va bien avec le fait que l’acide déhydroabiétique est dégradé (oxydation in situ ? oxydation lors du stockage ?)”
114
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Quelques définitions d’après le Dictionnaire de la marine à voile
de Bonnefoux et Paris56 et du Petit Robert :
Bordages : Planches épaisses (ou tôles) recouvrant la membrure d’un navire.
Bordé : Ensemble des bordages.
Brai : dernier résidu des sucs résineux après qu’on a fait sortir le goudron. Le brai
sec obtenu par cuisson et mélange d’eau est utilisé pour enduire l’étoupe des
endroits calfatés pour préserver cette étoupe de l’humidité. La mise en fusion du brai
sec avec divers autres composants (goudron, suif, matières grasses) permet
d’obtenir du brai gras pour enduire les haut des navires. Le brai de houille est un
enduit servant aux navires non doublés de cuivre pour les garantir des vers, et pour
empêcher leur trop prompte détérioration.
Calfater : action de remplir, boucher les joints des bordages d’un navire avec des
cordons d’étoupe ou autre matière semblable, afin de leur faire occuper tous les
vides et fermer tout accès à l’eau. L’opération est terminée en couvrant l’étoupe de
brai, ce qui l’empêche d’être pourrie par l’eau.
Douelle : Petite douve de tonneau.
Douve : Planche servant à la fabrication des tonneaux. Douves de corps, longues et
courbées. Douves de fond.
Douvelle : Petite douve de tonneau.
Etoupe : Composante fibreuse produite lors du teillage et/ou du peignage des fibres
textiles, notamment du lin et du chanvre. Chanvre non tordu en cordage, qui sert à
calfater les navires en bois.
Goudron minéral ou coaltar : matière extraite de la houille.
Goudron végétal : matière résineuse qui découle de certains arbres (pins, sapins et
mélèze) après entaille et action du feu.
Goudron : matière employée comme enduit pour être appliqué sur la carène des
navires ou autres usages afin de conserver les corps qui en sont imprégnés.
Jable : Rainure pratiquée aux extrémités des douves d’un tonneau pour fixer les
fonds. Partie de la douve en saillie sur le fond du tonneau.
Poix : résine grasse provenant de vieux pins, dont on fait usage pour conserver les
bois.
Suif : graisse animale mais se dit aussi en terme marin un mélange de suif, brai gras,
soufre et noir de fumée dont on se sert pour enduire des parties qui commencent à
se détériorer.
56 BONNEFOUX ET PARIS, 1994 [1855], Dictionnaire de la Marine à voile, Editions de la
Fontaine du Roi, Paris, Réédition, 776 p.
115
ANNEXE 10
Monnaies asiatiques
(Sapèques)
Une seule pièce de monnaie a été découverte au cours de la fouille du
Francisco Alvarez lors de la campagne 2000. Elle n’a pas été trouvée en place mais
dans les déblais de sédiments rejetés de la dévaseuse au cours du dégagement du
lest du sondage de la zone arrière. Elle est très corrodée, son diamètre est de 24 mm,
le trou central mesure 6 mm de côté. Il s’agit d’une monnaie chinoise de la dynastie
mandchoue Qing (1644-1911). L’inscription au droit est “Dao Guang Tongbao” ce
qui signifie que c’est une monnaie courante de l’empereur Dao Guang (1820-1850).
Au revers, il est indiqué : “Bao Yun” qui peut se traduire par “hôtel des monnaies du
Yunnan”. L’identification a été effectuée par M. François Thierry, du Cabinet des
médailles de la Bibliothèque nationale à Paris.
C’est en 621, sous la dynastie Tang, que l’empereur chinois Kao-Tsu émet pour
la première fois une pièce de monnaie ronde avec un trou carré qui sera utilisée dans
è
tout l’Extrême-Orient jusqu’à la fin du XIX siècle. Cette sapèque ou cash est en laiton
comportant 3 parties de cuivre pour deux parties d’étain. Etant donné leur faible
valeur (inférieure au centime en 1868) les pièces sont souvent liées ensemble, 100
sapèques forment une ligature ou mace, 1000 un chouan ou tiao.
La dernière escale du Francisco Alvarez à San Francisco suggère une
hypothèse (parmi d’autres57) pour expliquer la provenance de cette pièce de
monnaie. A partir de 1 848 la ruée vers l’or de Californie coïncide avec une forte
émigration de coolies chinois. Les Chinois occupaient les emplois négligés par les
Européens : portefaix, dockers, personnel de maison. On peut ainsi imaginer la perte
de cette sapèque par un coolie/docker pendant le chargement de la cargaison. La
présence de main-d’œuvre chinoise est aussi attestée dans tous les grands ports de
la côte Ouest du continent américain et l’origine de cette pièce peut bien entendu être
tout autre.
Les références de sapèques provenant de fouilles archéologiques subaquatiques sont les suivantes :
Une pièce de l’époque Song (xiiie siècle) provenant d’épave de la jonque qui fit
naufrage sur le Royal Captain Shoal aux Philippines au xvie siècle.58
57 Il faut aussi rappeler la forte immigration de coolies chinois entre 1840 et 1858, vers les îles
Chincha au large du Pérou où était exploité le guano.
58 Dossiers histoire et archéologie, n°113, février 1987, p. 80.
116
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Deux pièces de laiton de 25 mm de diamètre percées d’un trou carré, pesant
respectivement 3,54 et 2,54 g coulées sous l’empereur Wanli de la dynastie Ming,
dites “Wanli Tong Bao”. Ce sont des monnaies courantes de l’ère Wanli trouvées lors
du chantier du galion espagnol San Diego coulé devant Manille le 14 décembre
160059.
Les fouilles de l’Astrolabe, le navire de La Pérouse coulé à Vanikoro en 1788
ont livré deux pièces de monnaie de la dynastie Qing (1644-1912). La première
mesure 28 mm de diamètre, 1 mm d’épaisseur et elle pèse entre 1,5 et 2 grammes,
le trou central mesure 5,5 mm de côté, c’est un Kang Xi Tongbao, dite “monnaie
courante de l’ère Kang Xi” de l’empereur Shengzong (1662-1722). La seconde
mesure 24,5 mm de diamètre, 1 mm d’épaisseur et elle pèse entre 1,5 et 2 grammes,
le trou central mesure 6 mm de côté. Cette dernière est un “Qian Long Tongbao”, dite
monnaie courante de l’ère Qian Long de l’empereur Gaozong (1736-1795), au revers
on peut y lire aussi le nom de l’atelier “Bao Nan”, hôtel des monnaies de Nan
[chang], dans la province de Jiangxi60.
Enfin les travaux archéologiques sur les vestiges de la frégate cuirassée
française, Magenta, qui a coulé dans le port de Toulon le 31 octobre 1875, ont
permis de retrouver une pièce de monnaie vietnamienne. Elle est ronde en alliage
cuivreux de 22 mm de diamètre, avec un trou carré de 6 mm de côté, son poids est
de 2,11 grammes. Cette pièce est dites “Minh Mang Tong Bao” a été coulée sous
l’empereur de Cochinchine Minh Mang, de la dynastie Nguyên (1820-1833)61.
Sapèque trouvée sur l’épave
du Francisco Alvarez en 2000
Sapèque trouvée sur l’épave
du Magenta en 1998
59 Ouvrage collectif, Le San Diego, un trésor sous la mer, p. 188, François Thierry, Les
monnaies chinoises ? Paris, 1 994.
60 Communication personnelle de M. Alain Conan pour les caractéristiques physiques des
monnaies et de M. François Thierry, du Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale pour
la description.
61 M. Guérout, Fouille de la frégate cuirassée Magenta, campagne 1 998 (Compte rendu, p. 10),
identification et description effectuées par François Thierry, du Cabinet des médailles de la
Bibliothèque nationale.
117
ANNEXE 11
Analyses pétrographiques d’échantillons de charbon
provenant de l’épave du Francisco Alvarez
D. Vogt et P. Mallick
Centre de Pyrolyse de Marienau (CPM) à Forbach.
A l’occasion de la fouille de l’épave du Francisco Alvarez, nous avons prélevé
des échantillons de charbon provenant de la cargaison du navire. Ces échantillons
ont été transmis au CPM afin de vérifier leur origine probable. Venant du Chili le
charbon, selon les informations disponibles, pourrait provenir de la mine de Lota.
Nous avons donc effectué les mêmes analyses sur des échantillons de cette mine,
fournis par le GRAN.
Le charbon majoritairement constitué de matière organique est sensible au
vieillissement. Son immersion dans l’eau l’en préserve naturellement et l’on peut
donc espérer que les analyses effectuées sur les échantillons issus de la fouille
seront fiables.
Un charbon peut être caractérisé par une analyse microscopique
(pétrographie) qui indiquera sa composition macérale et son rang. La genèse du
charbon s’accompagnant de dépôts minéraux, la composition chimique de ceux-ci
peut également être utilisée comme un traceur de l’origine du charbon.
Selon l’origine (matière ligneuse, spores, etc.) et les conditions de dépôt de la
matière organique, celle-ci se retrouvera dans le charbon sous forme de constituants
reconnaissables en lumière réfléchie au microscope. Ces constituants portent le nom
de Maceraux. Il en existe une grande variété regroupée en familles : Vitrinite – Exinite
et Inertinite. Leur définition est établie par un système de classification international.
Le Rang d’un charbon exprime, en première approximation son age (époque de
formation). Outre la teneur en matières volatiles du charbon (élevée pour les
charbons les plus jeunes), la mesure du pouvoir réflecteur de la Vitrinite (PRV) est
un indicateur précis du rang. Cette mesure globale du charbon, présentée sous
forme d’un histogramme de réflectance, permet en outre d’établir une véritable “
empreinte digitale du charbon “.
La matière minérale du charbon peut être concentrée par une combustion
complète. Le résidu appelé “ cendres “ fait alors l’objet d’une analyse chimique qui
donne une composition sous forme des principaux oxydes.
NB : Dans le cas des échantillons ayant séjourné dans l’eau de mer nous
n’avons pas connaissance des effets éventuels sur la composition chimique des
cendres.
Les analyses pétrographiques portent sur quatre échantillons qui nous ont été
fournis sous forme de grains grossiers (environ 10 x 10 cm). Ces grains ont été
broyés et préparés aux granulométries propres à chaque analyse. Nous avons
référencé G 311 et G 312 les échantillons provenant de la fouille du Francisco
Alvarez et, G 313 et G 314 pour ceux de la mine de Lota.
118
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Dans les deux cas, il s’agit de charbons jeunes de type Lignite. Les PRV sont
respectivement de 0,54 pour le charbon de l’épave et de 0,67 pour le charbon de la
mine de Lota.
Les écarts observés entre leurs pouvoirs réflecteurs sont supérieurs à une
demi-classe (0,05 %), ce qui permet de les distinguer nettement.
La composition macérale des charbons est résumée dans le tableau cidessous.
Une légère différence apparaît sur la teneur en Vitrinite qui est plus élevée dans
les échantillons issus de l’épave. Inversement la teneur en Inertinite et en SemiFusinite est plus élevée dans les échantillons de la mine de Lota.
Pour les échantillons G 311 et G 312 provenant de l’épave, les Vitrinites
observées ne sont pas totalement gélifiées, ce qui témoigne de la “jeunesse” de ce
charbon. Les contours des grains sont parfois anguleux et apparaissent de
nombreuses fissures se terminant en forme de pointe. On distingue encore
facilement les structures botaniques. Ces échantillons se distinguent par des
structures de type Sclérotinite inclues dans la Vitrinite.
Pour les échantillons G 313 et G 314 provenant de la mine, le charbon est plus
évolué et les végétaux sont plus gélifiés. Certaines particules comportent encore des
structures végétales mais de nombreuses vitrinites sont bien gélifiées et présentent
une surface lisse et homogène (photo).
Ces échantillons se distinguent par des Inertinites plus grossières.
Plusieurs arguments laissent penser qu’il ne s’agit pas exactement du même
charbon. Tous deux sont de faible rang (charbons de type lignite, abondants en
Amérique du Sud62) mais de pouvoir réflecteur suffisamment différents pour ne pas
être confondus. De plus, ils présentent des faciès qui leur sont propres : Sclérotinite
pour le charbon de l’épave ; Inertinite plus grossière pour celui de la mine. Nous ne
pouvons pas, à ce stade, exclure qu’il s’agisse de deux charbons géographiquement
voisins. Au fur et à mesure de l’exploitation d’une mine63, les veines varient
sensiblement (rang et composition macérale).
62 Sans trop de risque d’erreur, nous pouvons dire que ces deux charbons proviennent
d’Amérique du Sud. Nous connaissons particulièrement ceux de Colombie/Venezuela importés
aujourd’hui en Europe. Ces deux charbons s’en rapprochent par leurs propriétés
pétrographiques et leur faible teneur en matières minérales. Communication personnelle Denis
Vogh, décembre 2001.
63 Les mines de charbon de Lota ont été en activité pendant 150 ans. La mine de Chiflon del
diablo, désormais arrêtée, descendait à 495 m de profondeur et s’étendait à 1 300 m sous la mer.
119
La composition, sous forme d’oxydes, des cendres de ces charbons est
présentée ci-dessous. Les deux charbons sont très différents mais présentent tous
deux de faibles taux de cendres. Celui de la mine présente un fort taux de soufre sous
forme de SO3. En dehors de ce point, on notera que le charbon de la mine est
exceptionnellement riche en Calcium et pauvre en Silicium. L’échantillon de l’épave
est, quant à lui, plus proche des “caractéristiques moyennes” des charbons.
Aux vues des ces résultats, il parait beaucoup plus improbable que ces deux
charbons soient issus de la même mine.
Les analyses pétrographiques révèlent des différences sensibles entre les
échantillons de charbons prélevés sur l’épave de Francisco Alvarez et ceux de la mine
de Lota au Chili. Les rangs, mesurés par le pouvoir réflecteur de la vitrinite, sont
différents. Chacun des échantillons présente des faciès qui lui sont propres.
L’analyse chimique des cendres permet également de distinguer ces deux
charbons.
Il nous apparaît fortement improbable que le charbon de l’épave provienne de
la mine de Lota, malgré les variations possibles de qualité entre le charbon exploité
il y a un siècle et demi et celui prélevé récemment.
120
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ANNEXE 12
Analyse géologique du lest
Le lest d’un navire est le nom donné aux matières pondéreuses qui se placent,
se répartissent et se rangent dans la partie basse de la cale, pour lui procurer de la
stabilité. Au XIX° siècle le lest varie entre 15 % et 25 % de ce que peut transporter
un navire.
En 1850, le lest des bâtiments de guerre, ne se compose plus que de gueuses
en fer de forme parallélépipédiques, d’une masse de 50 ou 25 kilogrammes chacune.
Celui des navires du commerce est composé de pierres, mais les parties les plus
lourdes de leur chargement sont aussi prises en compte dans le calcul de la stabilité.
Une deuxième catégorie de lest qu’on appelle “ lest volant “ 64 constitué de gueuses
est placé aux endroits convenables pour garder le navire dans ses lignes d’eau
optimum.
Le lest du Francisco Alvarez est resté inclus à l’intérieur du périmètre dessiné
par les plaques de doublage et sur une hauteur dans l’axe du navire quasi égale à
celle de la carlingue. Il est essentiellement constitué de blocs de pierre provenant de
carrière65 (arêtes vives) et non comme c’est le cas habituellement, de galets de rivière
ou de plage (cailloux arrondis). La dimension de ces pierres est très variable allant
de blocs d’une trentaine de kilos à des petites pierres de quelques décigrammes. Une
évaluation du volume occupé par ce lest sur le sondage arrière donne un volume de
2 800 dm3. Si l’on estime à 20 % le volume du sédiment occupant les interstices
entre les pierres, le volume du lest est donc d’environ 2 240 dm3. En prenant une
densité de 2,5, la masse contenue dans cet espace est environ 5,7 tonnes. Un calcul
assez grossier permet ainsi d’évaluer le poids total du lest à environ 150 tonnes. Ce
qui permet de donner une fourchette du tonnage du navire entre 600 et 1 000 tonnes.
Les analyses du lest appartenant à l’épave du Francisco Alvarez ont été
réalisées par monsieur Chistian Belliard, maître de conférences en géologie à
l’Université de Bordeaux 1. Madame Laurence Caillon TITRE à Université de la
Polynésie française s’est occupée de l’acheminement des prélèvements jusqu’à
Bordeaux et nous a communiqué les résultats. Deux échantillons ont été soumis aux
spécialistes, l’un d’un ton gris foncé et l’autre plutôt vert.
64 Dont le poids total est égal à environ au dixième du poids total du lest.
65 Dans l’ouvrage sur l’histoire de la marine marchande de Véliz Claudio, une photo, provenant
de la bibliothèque du Musée Historique National de Santiago, prise aux environs de 1910
montre le port de Ancud, l’un des plus gros villages de l’île de Chiloé au sud du Chili. Sur cette
illustration, on peut observer sur le quai un tas de lest provenant de carrière. D’après les
recherches réalisées en archives, nous savons que le Francisco Alvarez et d autres navires de
l’armateur Francisco Pascual Alvarez s’approvisionnaient en bois sur cette île pour le convoyer
à destination des villes du Chili dont Valparaiso.
Véliz, Claudio, 1961, Historia de la Marina Mercante de Chile, Ediciones de la Universidad de
Chile, Santiago, Chile, 406 pp
121
D’après Christian Belliard, le premier est une roche constituée essentiellement
de “quartz, plus ou moins anguleux (0,05 à 0,1 mm) associés à des feldspaths,
plagioclases et alcalins, également anguleux, de même taille, peu ou pas altérés.
D’autres minéraux, beaucoup moins nombreux, complètent la paragenèse : de
petites muscovites et des restes de biotites brun-verdâtre, des épidotes (pistachite)
en grains, des zircons (0,05 mm), et de très petits opaques (0,01 à 0,06 mm). La
roche présente aussi des fractures remplies de quartz jusqu’à 0,3 mm de diamètre.
Les grains sont réunis par une matrice très réduite, plus ou moins micacée et
oxydée. Cette roche doit être une grauwacke.”
Pour la seconde, “les composants sont à peu près identiques à la première,
mais de taille légèrement plus grande. Les quartz sont anguleux (0,04 à 0,6 mm)
avec des feldspaths, plagioclases et alcalins, de même taille et plus ou moins altérés.
On trouve des petites biotites (0,05 à 0,1 mm) avec quelques-unes plus grandes
(jusqu’à 2 mm) et des petites muscovites (0,05 à 0,3 mm), avec quelques zircons et
épidotes de même taille. La matrice séparant les grains est toujours réduite, micacée
et oxydée. Des zones sont fracturées et remplies de calcite. La roche est aussi une
grauwacke.”
Enfin, ces grauwackes doivent provenir de région où se sont accumulés des
sédiments peu évolués, peut être continentaux, avec des feldspaths, encore
nombreux et peu usés comme le sont les quartzs qui les accompagnent. “
Laurence Caillon complète les données du premier géologue par les
explications suivantes :
“Les grauwackes sont des roches sédimentaires détritiques dont les éléments
sont des minéraux de taille comprise entre 0.063 et 2 mm. Mais dans ces roches, à
côté des grains de quartz, on trouve d’autres minéraux, feldspaths, micas… et
même des débris fins d’autres roches.
Les grauwackes sont des roches très communes. Le terme de “sédiments peu
évolués” signifie que les éléments ont subi un transport très court avant d’être
sédimentés. (en effet, les minéraux autres que le quartz s’altèrent et disparaissent si
le transport entre milieu d’érosion et milieu de sédimentation est long). C’est pour
cela que Christian Béliard parle de sédiments continentaux. Cette observation est
renforcée par le fait que les grains de quartz sont anguleux : ils se seraient arrondis
si le transport avait été long.
Une chose est sûre, la roche ne vient pas de Polynésie française. Elle peut se
trouver aussi bien en Amérique du sud (y compris dans les vieilles chaînes de la
Patagonie) qu’en Nouvelle-Zélande ou en Australie, également en Nouvelle
Calédonie.”
122
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
ANNEXE 13
Détermination des essences de bois
Introduction
Les recherches historiques entreprises au Chili n’ont pas permis d’identifier le
chantier de construction du Francisco Alvarez.
L’étude des structures du navire et l’analyse des matériaux de construction
utilisés avaient pour but de nous permettre d’orienter nos recherches ultérieures et
de rassembler des données nous permettant l’analyse des documents officiels, tels
que les documents de certification, que nous espérons toujours découvrir. La lecture
du résultat de l’analyse des échantillons de bois que nous avons prélevés n’apporte
pas, nous allons le voir, les éclaircissements attendus.
Les prélèvements/résultats des analyses
Dix huit prélèvements de bois ont été effectués : 10 sur la structure du navire,
7 sur du mobilier archéologique collecté dans le sondage avant et 1 échantillon
provenant d’un madrier atypique à terre. Deux laboratoires ont été consultés pour
déterminer les essences. Les premières analyses ont été faites par Monsieur Frédéric
Guibal (CNRS) de l’Institut Méditerranéen d’Ecologie et de Paléoécologie de Faculté
des Sciences et Techniques Saint-Jérôme à Marseille. Pour les secondes, c’est le
Département de l’ingénierie du bois, Faculté des sciences de la Forêt, l’Université du
Chili (Directeur Javier Gonzalez Molina) qui a mené les études.
Dans le tableau suivant, les analyses effectuées ont été regroupées suivant
l’ordre logique des structures avec indication de la répartition géographique de
l’essence :
1 • Structure axiale
Carlingue C
Pin type sylvestre (Pinus type silvestris)
Europe - Asie
2 • Bordé
Bordé B1
(Érable sycomore)
Great maple (Acer pseudoplatanus)
Europe
Bordé B’8
Chêne caducifolié (Quercus sp.)
Amérique du Nord
Europe – Asie
3 • Vaigrage
Vaigre V1
Cèdre (Cedrus sp.) (sapin du Canada)
Afrique du Nord – Asie
Vaigre V2
Pruche de l’ouest (Tsuga heterophylla)
Amérique du Nord
Vaigre V5
Longleaf pine (Pinus palustris)
Amérique du Nord
Vaigre V6
Pin type sylvestre (Pinus type silvestri) s
Europe - Asie
Paraclose ?
Pin de Weymouth (Pinus strobus)
Amérique du Nord
123
4 • Serre
Serre S2
Pin type sylvestre (Pinus type silvestris)
Europe - Asie
5 • Membrure
Membrure
Orme (Ulmus sp.)
Amérique du Nord
Europe - Asie
6 • Pont, plancher et structures de soutien
Sans objet
7 • Matériel d’armement
Sans objet
8 • Mobilier archéologique
Epontille mobile
Luma (Amomyrtus luma Mol.)
Amérique du Sud
Barriques
Douve fond de barrique Lingue (Persea lingue Nees. ?)
Amérique du Sud
Bonde de barrique
Pin (Pinus sp.)
Amérique du Nord
Europe – Asie
Douve fond de barrique Pin (Pinus sp.)
Amérique du Nord
Europe - Asie
Planches et fragments
Planchette
If (Taxus baccata)
Europe
Bois rouge branche
Ulmo (Eucryphia cordifolia Cav.)
Amérique du Sud
Fragment bois av.
Sapin de Douglas (Pseudotsuga menziesii) Amérique du Nord
9 • Divers
Banc H. Purakaueke
Araucaria (Araucaria sp.)
Amérique du Sud
Ce qui frappe dans cette énumération c’est la variété des bois utilisés. Le navire
ne présente pas l’homogénéité observée sur certaines épaves, comme l’épave II de
port Berteau, où sur les 160 échantillons prélevés, 158 sont en chêne (Quercus sp.),
ou bien le bateau de la Bourse à Marseille dont les 15 échantillons du vaigrage
prélevés sont tous en pin d’Alep (Pinus Halepensis). Toutefois ces deux épaves sont
des épaves anciennes et l’évolution de la construction navale moderne en particulier
au xixe siècle permet un usage plus élaboré des caractéristiques mécaniques des
diverses essences de bois. Les circuits d’approvisionnement sont aussi beaucoup
plus développés à cette époque.
Toutefois la variété des essences utilisées pour la construction et les
réparations éventuelles du Francisco Alvarez est étonnante. Par exemple, l’analyse
des essences utilisées pour le vaigrage du sondage arrière, identifie quatre essences
différentes alors que nous avons prélevé une vaigre sur deux. Nous n’avons pas pour
l’instant d’explication satisfaisante à cette particularité.
124
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
Nous avons séparés les résultats concernant les structures du navire de ceux
qui concernent les éléments de la cargaison ou les équipements. L’étude de ces
derniers ne permettant pas d’apporter d’informations concernant le chantier de
construction du Francisco Alvarez. Nous savons par contre que ce navire a navigué
sur la côte pacifique et de ce fait il est logique que les bois non structurels
proviennent de la côte ouest des deux Amériques
Il faut remarquer que sur les 10 échantillons prélevés sur la structure, les
conifères représentent 70%, et les feuillus 30% des essences identifiées.
Dans son ouvrage sur les clippers américains entre 1850 et 1856, Crothers cite
une douzaine de bois principaux entrant dans leur construction : le châtaignier (castanea
dentata), le sapin baumier (Abies balsamea), le mélèze (larix laricina), le robinier ou faux
acacia (Robinia pseudo-acacia), l’érable (Acer saccharun), le chêne (Quercus alba), les
pins (pinus palustris, resinosa, echinata, taeda, et strobus). On trouve peu de points
communs avec les essences utilisées pour la construction du Francisco Alvarez.
Les éléments longitudinaux
La structure axiale
Un seul prélèvement a été effectué sur la carlingue dans le sondage arrière. Il
provient de la pièce centrale66. Le bois utilisé est du pin type sylvestre (Pinus type
silvestris). Cette essence n’est pas utilisée par les charpentiers américains car elle
est absente de leur territoire. Par contre depuis l’antiquité c’est un bois qui est
largement employé en architecture navale en France métropolitaine. En 1 856
Nanquette indique que “le pin sylvestre sert exclusivement à la mature des bâtiments
militaires. On l’emploie concurremment avec le chêne, à faire des baux, des demibaux, des barrots de gaillard, des poutres, des bordages de ponts”.
Le bordé
Deux prélèvements ont été faits sur le bordé, l’un dans le sondage arrière,
l’autre à l’avant. Pour le premier, il s’agit d’érable sycomore (Acer pseudoplatanus),
un bois exclusivement européen67. Pour le second près de l’étrave, il s’agit de chêne
caducifolié (Quercus sp.). Le chêne est le bois le plus utilisé par le charpentier de
marine aussi bien en Europe que dans les Amériques68. Le chêne reste généralement
l’essence la plus utilisée pour les membrures et le bordage. Pour border la coque, on
emploie, quelques fois, le hêtre et pour les parties supérieures, le sapin ou autre bois
peu pesant. Les navires très légers sont presque entièrement en sapin69.
66 La carlingue du Francisco Alvarez était composée de 3 pièces de bois rectangulaires
superposées. Dans le sondage arrière, la partie haute a été arasée au niveau du sédiment.
67 Les charpentiers américains n’ont pas utilisé cette essence dans la construction des clippers
dans les années 1 850 mais du Rock maple (Acer saccharun), essentiellement pour la quille
68 En 1850, en Amérique du Nord, c’est le White Oak (Quercus alba), chêne de seconde qualité,
qui est travaillé car le Live Oak (Quercus virginiana) de premier choix n’est plus disponible. La
pénurie de bois noble se fait sentir aussi en France, Bonnefoux et Paris signalent qu’au milieu
du XIX° siècle, les forêts d’Europe commencent à s’appauvrir en raison de leur surexploitation.
En effet une grande quantité de bois est nécessaire pour la construction d’un navire de guerre.
69 Bonnefoux, 1855, 108.
125
Le vaigrage
Des échantillons ont été prélevés sur quatre vaigres, il s’avère que ce sont
quatre résineux différents qui ont été utilisés : du cèdre (Cedrus sp.), du pruche de
l’ouest (Tsuga heterophylla), du longleaf pine (Pinus palustris) et du pin type
sylvestre (Pinus type silvestris). Cette diversité est déconcertante, chacune de ces
essences est utilisée individuellement des deux côtés de l’Atlantique, mais leur
utilisation simultanée est étonnante. Peut-être peut-on trouver une explication dans
les nombreuses réparations successives subies par le bâtiment, voire par une
refonte ce celui-ci à mi-vie. Le Pinus palustris semble être un bois apprécié par les
Américains qui préféraient toutefois le chêne, ils l’employaient pour la coque mais
aussi pour les courbes, les baux, les grosses pièces, à l’exclusion de la quille et de
ses prolongements.
L’échantillon prélevé sur une paraclose (un élément mobile du vaigrage) révèle
du pin de Weymouth (Pinus strobus). Ce bois nord-américain a une bonne
résistance aux intempéries, était utilisé généralement pour les mâts et les
revêtements de pont exposé. Son choix pour une pièce de charpente sans fonction
structurelle utilisée dans un endroit humide est incohérent.
Les membrures
Un seul échantillon a été prélevé sur une membrure lors du sondage arrière.
L’analyse a révélé qu’il s’agissait de l’orme (Ulmus sp.). Cette essence fait partie des
bois d’œuvre utilisé dans la construction navale française mais pas américaine.
La provenance des essences
La répartition géographique des essences ne nous permet pas de situer le
chantier de construction du Francisco Alvarez. Trois essences sont endémiques
d’Amérique du Nord : le pruche de l’ouest (Tsuga heterophylla), le Longleaf pine
(Pinus palustris) et le pin de Weymouth (Pinus strobus). Le great maple (Acer
pseudoplatanus) est exclusivement européen. Les autres essences se rencontrent
sur 2 continents comme le pin type sylvestre (Pinus type silvestris) en Europe et en
Asie ou le cèdre (Cedrus sp.) en Afrique du Nord et en Asie. Enfin deux autres
essences de feuillus l’orme (Ulmus sp.) et le chêne caducifolié (Quercus sp.) sont
communs en Amérique du Nord, en Europe et en Asie.
Conclusion
Nous attendions beaucoup de l’analyse des bois pour éclairer nos recherches,
mais la variété des essences identifiées ne nous permet pas de progresser.
La première conséquence de cette variété est que le nombre des échantillons
prélevé s’est révélé insuffisant70. Nous étions en effet partis du principe que les
essences utilisées pour la construction du navire devaient avoir une certaine
70 A titre d’exemple, ce sont 260 échantillons de bois qui ont été prélevés sur l’épave de la
bourse à Marseille, navire marchand romain, datant du III° siècle après J.-C. ; 150 analyses sur
la Lomellina, caraque génoise coulé en 1 516 à Villefranche sur mer ; et pas moins de 160
échantillons sur l’épave II de port Berteau, caboteur fluvio-maritime de Charente-Maritime, dont
la construction est située au cours de l’année 600 après J.-C.
126
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
homogénéité pour limiter le nombre des prélèvements, tout comme nous avions limité
la surface des deux sondages effectués par rapport à la superficie totale de l’épave71.
Le résultat des analyses ne nous donne qu’une vue partielle du problème et il
n’est donc pas possible de tirer de conclusions. Il est toutefois possible que cette
variété d’essences résulte de réparations successives.
Le fait que la carlingue, l’un des éléments structurels majeur de la carène, soit
façonnée dans une essence européenne [pin sylvestre (Pinus type sivestris)] peut
nous faire penser que le navire a pu être construit en Europe, cette hypothèse étant
confortée par la présence de plusieurs autres pièces de même origine : vaigre n°6
[orme (ulmus sp.)] et la serre n°2. [érable sycomore (Acer)], mais à ce stade, cette
observation ne peut constituer tout au plus qu’une piste de recherche.
Tableau comparatif des essences de bois en fonction de leur usage
(1) D’après Crothers, William
L., The American-Built Clipper
Ship,
1850 – 1856 - Characteristics,
Construction, Details,
International marine,
USA, 1997.
(2) D’après Bois de marine,
les bateaux naissent en Forêt,
Ballu Jean-marie,
Editions du Gerfaut, 2000.
(3) Résultats des analyses
pour la détermination des
échantillons prélevés
durant la campagne 2000.
71 Les deux sondages atteignent 18 m2 soit à peine plus de 7% de la surface totale de l’épave
estimée à 248 m2.
127
ANNEXE 14
Mobilier archéologique
Le mobilier archéologique a reçu deux types de numérotations. La première
concerne les objets qui ont été mis au jour et conservés. Ils sont repérés par les
lettres FA S (pour Francisco Alvarez – Surface) suivies d’un numéro d’inventaire. La
seconde concerne les objets vus sur le fond et qui n’ont pas été remontés ou qui ont
été remontés pour être photographiés et dessinés mais qui ont été à nouveau enfouis
dans le sédiment. Ils sont repérés par les lettres FA F (pour Francisco Alvarez – Fond)
suivies d’un chiffre repère.
FA S 01 – Sapèque (pièce chinoise) voir annexe
FA S 02 – FA S 03 – FA S 05 – FA S 06 – FA S 08 – FA S 11 - Clous de cuivre.
Il s’agit de clous destinés au clouage du bordé sur la membrure, d’une longueur de
185 mm, ayant une section carrée sous la tête de 12 mm de côté et se terminant en
langue de carpe (aplatie). La tête carrée mesure 20 mm de côté.
FA S 04 – Tesson de céramique.
Tesson vernissé bleu et blanc, glaçage intérieur, épaisseur 5 mm, trouvé dans le
sondage tribord avant.
FA S 07 – Fragment d’os.
Il s’agit peut-être d’une omoplate de bovidé, portant des traces de débitages,
probablement d’un fragment d’os provenant d’un baril de salaison faisant partie des
provisions de bord.
FA S 09 – Plaque de doublage en cuivre.
Dimensions : 120 x 35 cm, trouvée à bâbord avant à l’extérieur de l’épave.
FA S 10 – Languette de plomb.
Languette d’usage indéterminé comportant un trou et une trace circulaire autour du
trou, suggérant un loquet ou une pièce tournante.
FA S 12 – Fragment de verre blanc plat.
Il y a généralement peu de verre plat à bord des navires à l’exception des vitres de
lanternes ou peut-être de certains ameublements du carré. La première hypothèse
est sans doute la plus probable dans la mesure où ce fragment a été trouvé à l’avant
de l’épave.
FA F 01 – Planchette de bois (122/124 x 7 x 2,5 cm), une douzaine d’exemplaires.
Un grand nombre de planchettes de ce type se trouvaient au-dessus du plancher de
cale dans la zone fouillée à bâbord avant. Une douzaine d’exemplaires entiers ont été
retirés du secteur de fouille, indiquant probablement une réserve et peut-être la
proximité de la soute du maître charpentier.
128
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
FA F 02 – Essieu avec deux axes (76,5 x 10 x 7 cm).
Cet essieu est formé d’une partie centrale quadrangulaire (section 10 x 7 cm) de 54,5
cm de long et de deux extrémités de section circulaire (diamètre 7 cm) mesurant
15,5 cm de long et portant des traces d’usure par rotation. Les traces de clouage sur
la partie centrale la plus large indiquent la fixation de cet essieu sur une autre pièce
de bois. Les extrémités sont percées d’un trou à 7 cm de l’extrémité, interprété
comme le logement d’une clavette maintenant une roue. Cet essieu, très semblable
à un essieu d’affût de canon primitif (xvie siècle), semble plutôt correspondre à celui
d’un chariot, d’une brouette ou d’un diable.
FA F 03 - Epontille mobile (128,5 x 9 cm de Ø).
L’extrémité de cette pièce de bois porte une gorge grossièrement aménagée destinée
à l’amarrage d’un cordage. Il pourrait s’agir d’une pièce mobile destinée à l’arrimage
d’une cargaison de bois ou de barriques.
FA F 04 – Bâton (84 x 4 cm de Ø).
FA F 05 – FAF 06 – FAF 10 – FAF 11 - Chantiers de barrique.
Ces quatre chantiers sont différents dans leur forme extérieure, mais les parties
courbes destinées à recevoir les barriques sont semblables. FAF 06 dont la
fabrication est la plus soignée pourrait faire partie de l’armement initial et les autres
avoir été fabriqués à bord. Des chantiers très semblables ont été trouvés au cours de
la fouille de la frégate cuirassée Magenta coulée dans le port de Toulon en octobre
1875, ils correspondaient à des chantiers destinés à recevoir des pièces de 3 dont la
hauteur est de 143 cm, le diamètre maximal : 95 cm et le diamètre aux extrémités :
81 cm.
FA F 07 - Douve (douelle) de barrique.
Longueur totale 77,5 cm, longueur entre jables : 70,3 cm, largeur aux extrémités : 9
cm, largeur maximale 10,3 cm, épaisseur 15 mm et 10 mm aux extrémités. Jables :
largeur : 4 mm, profondeur 2 mm. Face interne recouverte d’une couche de résine
de couleur brune. Cet enduit diffère de celui observé sur la douelle FAF O9, il s’agit
très probablement d’un enduit destiné à en assurer l’étanchéité d’une barrique
contenant un liquide. La longueur de la douve est proche de celle d’une demi
barrique (120 litres) (version française).
FA F 08 – Douve de fond de barrique, 40 x 18 x 1,8 cm.
Diamètre restitué : 42 cm, sur la tranche : deux chevilles carrées de 8 x 8 mm,
marque sur le dessus gravée XVIIII.
FA F 09 – Fragment de douve de barrique (35,5 x 8,1 x 1,5).
La face interne est enduite d’un produit de couleur noire, très probablement du brai
(voir Prél. N°22). Il pourrait s’agir d’un fût de brai gras destiné au calfatage du navire.
En effet le calfat dispose en général de deux sortes de brai : le brai sec fournit en pain
et le brai gras conditionné en barils. Il faut remarquer à cet égard qu’une barrique de
goudron provenant de l’épave fut vendue à Papeete le 2 décembre 1868 (lot n°53).
129
FA F 12 – Douve de fond de barrique.
Dimensions : (40 x 20,5 x 3,5 cm). Diamètre restitué : 42 cm. Bonde en bois de 4,6
cm de diamètre. L’ensemble est fabriqué de manière très grossière : on relève des
traces de scie et d’outil tranchant (herminette ou doloire). La présence de deux
chevilles de bois (l’une est ronde et l’autre carrée) d’environ 3,5 mm de côté, indique
un assemblage à une seconde moitié. On peut cependant se demander si ce fond a
été utilisé ou s’il était en cours de fabrication. Le diamètre restitué est le même que
celui de FAF 08, proche de celui d’une demi barrique (120 litres).
FA F 13 – Douelle de barrique (79,3 x 13,2 x 1 cm)
Douelle de barrique très aplatie et présentant un nœud important, ce qui pourrait
indiquer une fabrication à bord ou un élément de barrique destinée à contenir un
produit solide. La distance entre jables est de 74,3 cm.
FA F 14 – Douve de fond de barrique (94 x 14,8 x 2,5 cm).
Ø restitué 108 cm. Elément de fond de barrique, soigneusement façonné, présentant
sur la tranche la plus grande trois trous de chevilles d’assemblage de section carrée
de 5 mm de côté, et sur le tranche la plus petite deux trous de cheville de même
dimensions. Il pourrait s’agir du fond d’une barrique d’environ 240 litres de
contenance.
FA F 15 – Planchette (67 x 6,2 x 2,1 cm)
Planchette bouvetée et rainurée, portant des traces de clouage. Pourrait faire partie
d’un élément de décor d’intérieur.
FA F 16 – Embase ou pied (39,2 x 9,7 x 2,5 cm)
Embase ou pied rectangulaire portant la trace de 4 clous de fixation, dont une
extrémité a été aménagée avec un adent. Deux trous carrés de 12 mm de côté ont
été pratiqués dans la partie centrale. Usage inconnu.
FA F 17 – Planche (20 x 12,3 x 2,5 cm)
Petit morceau de planche rainurée.
FA F 18 – Planchette (46,8 x 13,3 x 0,8 cm)
Planchette avec des assemblages à tenon et adents aux deux extrémités. Sans doute
éléments d’un petit coffre ou d’une caissette, dont l’origine ne semble pas anglosaxonne, les adents et les tenons mesurant deux centimètres.
FA F 19 – Elément de caisse de poulie (56 x 12 x 7,5 cm)
Joue d’une poulie taillée en biseau, portant des traces de clouage et le logement d’un
axe de 15 mm de diamètre. Sur la face interne légèrement bombée le chiffre romain
II est gravé. Il pourrait s’agir d’une joue de poulie de rappel fixée à une paroi plane,
peut être la poulie de rappel d’une drisse d’embarcation fixée le long d’un mât ?
130
N° 292/293 • Janvier/Juin 2002
ANNEXE 15
Les entrées du port de Papeete en 1861
131
ANNEXE 16
Les entrées des navires dans le port de Papeete en 1861
132
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135
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par Takau Pomare
1.500 FCP
•Tahiti 40,
par Emile de Curton
1.000 FCP
•Archéologie des Nouvelles-Hébrides,
par José Garanger
3.000 FCP
•Alexandre Salmon et sa femme Ariitaimai,
par Ernest Salmon
1.500 FCP
•Collection des numéros disponibles des Bulletins de la S.E.O. : 200.000 FCP
Canon de 12 livres
Canon d’Amanu
Dessins de Max Guérout et Robert Veccella
ISSN 0373-8957
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 292-293