B98735210105_260.pdf
- Texte
-
Bulletin
de la
Société
des Etudes
Océaniennes
MM
vmMnWm
Tome XXII
-
N° 12
AVRIL-OCTOBRE 1993
WM
Société des Etudes Océaniennes
Fondée le 1er janvier
1917
Service des Archives Territoriales
Vallée de
B.P. 110
Tipaerui
Papeete
Polynésie Française
TéL 41 96 03
Banque Westpac : 012022 T 21
—
CCP : 834-85-08 Papeete
CONSEIL D'ADMINISTRATION
Président
t M. Paul MOORTGAT
t Me Eric
Vice-Président
LEQUERRE
Mlle Jeanine LAGUESSE
Secrétaire
M.
Trésorier
Raymond PIETRI
ASSESSEURS
M. Yvonnic ALLAIN
M. Robert KOENIG
Mme Flora DEVATINE
M. Roland SUE
MEMBRE D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
Société des
Études Océaniennes
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ
ÉTUDES OCÉANIENNES
DES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
260. (TOME XXII
N°
avril 93
-
-
N°
12)
octobre 93
SOMMAIRE
Raymond Vananga PIETRI
Pape'ete de jadis et de naguères
Sonia FAESSEL
L'expérience vécue et le mythe de Tahiti
au
Catherine JARDIN
2
20
XIX e siècle
La restauration de zones dégradées
36
La situation juridique
lagons polynésiens
47
L'évolution institutionnelle
54
dans les récifs coralliens
René CALINAUD
des
Bernard GILLE
sur
Mai-Arii CADOUSTEAU
P. Hervé AUDRAN
le Territoire de 1842 à 1992
A la recherche de l'origine de quelques
prêtres tahitiens
70
Mapu Nui
71
ou
Mapu Teretere de Takume
Société des
Études
Océaniennes
2
Pape'ete
de jadis et naguères
"À
L'ABORDAGE DU VILLAGE DE PAPE'ETE"
(Troisième suite et fin de la première partie : voir B.S.É.O. n° 252-253 :
39; n° 254-255; n° 256-257 : pp. 94 à 111; n° 258-259 : pp. 2 0 27).
36
pp.
3 à
MELTING POT DE DIASPORA
-
Cette chute de
Napoléon III interrompt la vision planétaire
empire colonial. A Pape'ete, le Quai Napoléon est
rebaptisé Quai du Commerce. 'Atimaono périclitant, Stewart tente la
culture du café, mais l'entreprise mal gérée fait faillite peu de temps
après. Quant aux coolies, travailleurs de passage tous rapatriables
entre 1873 et 1878, ils finissent par offrir au début une main-d'œuvre
bon marché pour les colons français et anglo-saxons, avant de
s'installer à leur compte comme cultivateurs maraîchers ou
colporteurs. Puis certains deviendront, dans Pape'ete, commerçants,
bouchers, restaurateurs, menuisiers, cordonniers, sommeliersbourreliers, forgerons, maréchal-ferrants. Ils parviendront ainsi à
posséder des terrains autour de la Place du Marché ; en outre, ils
bâtissent leurs immeubles en bois, avec commerce au rez-de-chaussée et
habitation à l'étage abritant une vérandah-trottoir.
Aux îles Marquises, Eyriaud voit s'interrompre l'exploitation
de coton, par le colon Nichols et les coolies émigrés de Tahiti, dès
déclarée la faillite de 'Atimaono (en 1873) ; mais le Résident, — par
d'un
vaste
ailleurs siffleur versé en bouchon verseur et pervers persiffleur des
versets du versifieur vicaire Dordillon— doit subir une enquête
(en 1873) sur sa gestion administrative de l'archipel et une
dépêche ministérielle (1er octobre 1874) le rappelle en France, via
Tahiti d'où son départ est "marqué d'incidents pénibles pour l'honneur
d'un officier"... lequel aura tout de même séjourné six pleines années
aux Iles
Marquises qu'il ne reverra pas, étant rentré à Cherbourg (1er
février 1875), où il mourra à 47 ans (1889), après s'être marié (12 juin
1878) en Belgique avec une Anglaise née au Brésil...
Le travail à la plantation de 'Atimaono ayant cessé, en 1873
ouverte
son directeur Stewart endosse seul, ruiné, la déconfiture, loin de son
beau-frère Soarès à Londres, et est déclaré par le Tribunal person¬
nellement insolvable dans la faillite : il mourra modestement,
condamné à résidence dans sa maison de 'Atimaono (24 septembre
1875) quelque peu oublié. Notre polyglotte d'origine écossaise, natif
d'Ulster, ayant épousé en premier mari, quelque temps auparavant,
Société des
Études
Océaniennes
3
Tapuni Gibson (1849-1948), fille de Vahineri'i (1818-1883) avec son
époux de commerçant écossais Andrew Gibson (1813-1869) de Glasgow
(négociant patenté Gibson & Co., près du front de mer, rue de la
Petite-Pologne ; consul du Chili et attachant citadin).
On retiendra que l'entreprise de 'Atimaono ayant été
favorisée par le Gouverneur, des colons calomnieux avaient
provoqué
la constitution d'une commission d'enquête sur les conditions de
travail à la Plantation
Eugénie, Stewart étant accusé de "faire
marcher
ses
travailleurs
comme
des
esclaves"
:
acccusation
unanimement
rejetée par la quinzaine de notables désignés enquêteurs
(rapport du 27 septembre 1867).
'Atimaono évoque un pan de vestige de l'Histoire locale,
ayant été dix années durant le centre vital de Tahiti, dans une
diaspora multiple, où les personnalités agissantes de l'époque ont
cadré le tableau d'un faste suranné dans un décor colonial de balustres
et de haut lustre... pour le premier lustre de cette décennie. Le lecteur
s'en divertira, dans le fictif et néanmoins instructif roman "La Grande
Plantation" d'Albert T'Sterstevens, par sa nostalgie virginienne
décroissant de concessions en dérive...
Félix Robin
(1818-1889), natif de Poitiers, arrive à Pape'ete
la frégate YUranie (4 novembre 1843) ; premier Directeur des
ponts et chaussées de Tahiti, puis notaire à Pape'ete et commissairepriseur (octobre 1848 - février 1856) et "réfugié" sept ans à Raitea, est
de retour à Pape'ete (1863) comme homme lige du gouverneur La
par
Roncière : nommé membre du Conseil Privé de la Reine et du Conseil
Général (président !), il est président du Tribunal de Commerce (1868)
et membre du Comité directeur de la Caisse Agricole. Il deviendra
grand propriétaire et cotonnier et participera avec J.B. Laharrague et
François Cardella dans la société française acquéreur (en 1875) de
'Atimaono pour poursuivre la vocation agricole de ce domaine : sucre
et
rhum, café et vanille
37
-
avec
bétail clairsemé...
PERSPECTIVES DU PERCEMENT
DE L'ISTHME DE PANAMA
Citons l'ouvrage de recherche "Du dialecte de Tahiti, de celui
îles Marquises et, en général, de la langue polynésienne" (Paris,
Didot 1853) de Pierre Louis Jean Baptiste Jaussin (1821-1886), prix de
des
linguistique Volney 1852, ingénieur hydrographe de la Marine natif
de la Guadeloupe, — lequel a séjourné quatre années sous les ordres du
vice-amiral Bruat aux Iles de la Société et Iles Marquises, — qui
sera
président de la Société Anthropologique de Paris (1870-1871).
Après les incidents ingrats de 1867, Mgr Dordillon s'absentera
de Taioha'e (23 janvier 1869 - 6 décembre 1870) pour le Concile du
Vatican, où le Pape invite l'évêque à continuer sa mission
Société des
Études
Océaniennes
4
marquisienne. Et le poète et affectueux missionnaire luttera
évangéliquement contre le laiser-aller, jusqu'à sa mort à Taihoa'e
(11 janvier 1888) âgé de 80 ans, ayant en particulier légué à la
postérité son précieux travail collectif "Grammaire et Dictionnaire de
la langue des Iles Marquises : marquisien-français et françaismarquisien" (Paris, 1932).
La Roncière n'aura tenu qu'une session de l'Assemblée
Législative durant son mandat. Le fantasque et susceptible
gouverneur-comte quitte Tahiti à 66 ans, couvrant d'un paletot
judiciaire son néanmoins long séjour de plus de quatre ans et demi au
service de la France ; révoqué et rappelé, il arrive à Paris
(25 novembre 1869), où est constituée une commission d'enquête sur ses
agissements, étant donné les nombreux dossiers de protestations...
Mais le gong de la Guerre de 1870 avec le siège de Paris fera
s'estomper cet épisode océanien dans les préoccupations de la Nation.
Admis à la retraite (août 1870), "Monsieur de" meurt à Paris quatre
ans
plus tard.
En France, l'avocat Jules Grévy (1807-1891) est élu Président
de la République (de 1879 à 1887). Arrive sous son pouvoir (en 1886)
l'influent premier ministre Jules Ferry (1832-1893), réputé pour
l'instauration de la gratuité de l'enseignement primaire obligatoire et
laïque. Il sera l'artisan d'une expansion coloniale très importante
dans un but plus économique que militaire et dans une politique
d'assimilation des indigènes en citoyens français.
Son ami le vice-amiral Jauréguiberry a été nommé (en 1879)
Ministre de la Marine et des Colonies et le célèbre vicomte Ferdinand
de Lesseps (1805-1894), après avoir effectué le percement du canal de
Suez (1869), dirige depuis 1876 la Compagnie qui a commencé le
de l'isthme de Panama, dont la réalisation ferait de
Pape'ete-Tahiti une escale indispensable pour voiliers et navires à
vapeur (pour le chargement du charbon de terre).
Voici un survol des sept gouverneurs qui se sont succédés de
1869 à 1877 : 9ème gouverneur, Michel de Jouslard, né le 30 juin 1814
(Deux-Sèvres), est capitaine de vaisseau (1862), quand il est désigné
(décret du 27 février 1869) pour remplacer provisoirement La Roncière
et arrive par navire Duchayla via Panama à Pape'ete (12 juin 1869),
alors que l'intérim depuis une semaine (6 juin) est assuré par le
capitaine de vaisseau de Marigny. L'époque est troublée par les
affaires
judiciaires et mécontentements sus-évoqués où
l'administration du Protectorat est litigieuse. Les instructions de
Jouslard apportent, par des mesures de conciliation, un certain calme
dans le pays. A la proclamation de la République en France
(20 novembre 1870), il prend le titre de Commissaire de la République
et passe son commandement (30 mars 1871) — en quittant Tahiti sur le
navire d'Entrecasteaux (juin 1871) ; il mourra quelques mois après son
creusement
Société des
Études Océaniennes
5
retour
France
(15 novembre 1872) — à son successeur et lO^me
Hippolyte-Auguste Girard, Commissaire de la Marine,
qui est nommé le 1er juin 1871 dans "une situation dégagée
d'embarras"... ; suivi du llème gouverneur, Octave-Bernard GilbertPierre, Commissaire de la Marine, nommé à ce poste le 17 avril
1876... tandis que le suivant, Auguste
Laborde, Commissaire général
en
gouverneur,
de la Marine, nommé gouverneur
n'entrera pas en fonction.
des É.F.O. (décret du 18 avril 1877),
Le 13ème gouverneur, Joseph-PIenri Brunet-Millet,
Capitaine
de vaisseau, est nommé le 25 août 1877 :;suivi du 14ème
gouverneur,
Paul Serre, Contre-Amiral, nommé Commandant
"par intérim" le 15
septembre 1877 ; puis du 15ème gouverneur, Auguste-Marie-Edouard
d'Oncien de la Bathie, Capitaine de
frégate, nommé Commandant
"par intérim" le 1er décembre 1877...
Le lôème gouverneur, Jacques Ferdinand Planche
(1829-1894),
natif de Grenoble, capitaine de vaisseau en 1870, a
déjà fait une
campagne de trois ans dans le Pacifique (sauvetage du paquebot
anglais Sommerset au Détroit de Torres, Nouvelle-Guinée), en
commandant du navire Dayot, avec plusieurs mois à Tahiti (18761877). Nommé Commissaire de la République, Commandant des
É.F.O., il est en poste à Pape'ete (4 février 1878) à 49 ans, alors que
l'Assemblée Législative n'est plus convoquée depuis 1866.
38
LA REINE EST MORTE,
LUI SUCCÈDE SON FILS
-
PÔMARE
V
Femme de haute stature et forte au
port digne, Pômare
Vahine, mère tout d'abord de trois enfants morts jeunes, enfantera de :
Ari'iaue (1835 ?, mort en 1855), Teratane (1839), Maevarua
(1881,
décédée en 1873 ?), Tamatoa (1842, roi de Ra'iatea en 1857),
Tapunui
(1846) et Tuaira alias prince Joinville (1847, mort en 1875). Atteinte
d'une lésion au cœur, elle s'éteint à 64 ans et demi passés (lundi matin
17 septembre 1877), soit sept mois après l'arrivée
du nouveau
gouverneur ; embaumée par Charles Albert Chassaniol (1843-1927 ;
médecin-chef de l'hôpital, à Pape'ete depuis 1875), et
exposée dans
son cercueil en tamanu ; conduit
par l'amiral commandant en chef
Serre, le convoi funèbre (samedi 22) "de Pape'ete pour Papaoa à 5h 45
du matin... s'est effectué à pied pour tout le monde... au milieu d'un
grand concours du peuple..." par beau temps, après une nuit pluvieuse
et avant
un
samedi
après-midi diluvien...
Dès le lundi suivant, l'Assemblée
Législative en veilleuse est
l'amiral Serre, dans la grande salle du Palais de
Justice (24 septembre 1877), avec à sa droite Teratane (né à Taravao
le 3 novembre 1839), sous le nom de son frère aîné défunt Ari'iaue,
qui
est proclamé à 38 ans "Pômare V, Roi des Iles de la Société et
convoquée
par
Société des Études Océaniennes
6
Dépendances", fanfare et vingt et un coups de canon venant aussitôt
étouffer toute intervention de l'opposition pour un changement
dynastique pressenti, pendant que l'assistance du "couronnement" sort
devant les troupes armées sous les acclamations de la foule...
Devant "le nouveau Roi, roublard et fantasque, et pas aussi
maniable que sa mère", le Ministre-amiral Jauréguiberry a chargé le
Gouverneur, afin de consolider son pouvoir, d'obtenir le consentement
du Roi et des chefs pour faire muer le protectorat en colonie. Les chefs
sont invariablement fidèles aux conseils des influents pasteurs
Charles Viénot, Frédéric Vernier et Prosper Brun de la
de
S.M.É.
lesquels sont fermement opposés à cette transformation, et le
Gouvernement refusant constamment de reconnaître un statut officiel à
l'Église Protestante. Aussi, la consultation du Gouverneur pour
l'annexion ne recueillera que trois signatures.
L'on se souvient du premier séjour (1866-1869) de l'instituteur
missionnaire Viénot, pour le lancement des son École à Pape'ete.
Rentré en France, il sera consacré pasteur à Orléans (31 mars 1870) et
retournera à Tahiti avec un important matériel scolaire,
l'École se
dotant en 1872 d'une imprimerie...
Frédéric Vernier (1841-1915), formé pasteur à Genève (1866),
est envoyé à Tahiti pour la substitution de la mission protestante
anglaise par celle française dans le contexte politique du pays : il
arrive à Pape'ete par navire Clievert (12 septembre 1867) et fait un
stage à Papeto'ai-Mo'orea pour se pénétrer de la langue tahitienne...
qu'il finira par posséder parfaitement dans l'usage de son long
ministère (1867-1907). Véritable chapelain de la Reine à Pâ'ofa'iPape'ete (1867-1877), il va s'attacher à réorganiser son Église avec un
statut légal...
Prosper Brun (1843-1916), enseignant de vocation apostolique,
arrive pasteur à Tahiti (1870) pour remplacer François Atger, optant
d'abord pour l'École de Papeto'ai, où il exercera un ministère de
trente années et y ayant fondé une école de théologie (1884), avec
construction du caractéristique Temple octogonal de Fa'ato'ai...
Paris,
39
-
MODERNISATION
ET IRRIGATION DE LA VILLE
pionnier urbaniste, le gouverneur Planche fait entre¬
sur deux années, des travaux d'utilité publique
comme l'embellissement et la modernisation de Pape'ete : irrigation
en canalisations d'eau dans tous les quartiers de la ville, nouvelle
aiguade à Fare 'Ute bien supérieure à celle du Quai de la Reine,
permettant l'accostage des gros bâtiments pour l'approvisionnement en
eau douce. La Place du Marché a été
agrandie et ombragée par un toit
et flanquée d'un jardin avec fontaines ; de même que les abords de la
Place du Gouvernement ont été plantés d'arbres à ombrages avec
l'installation d'un kiosque à musique pour la fanfare hebdomadaire
Tel
un
prendre néanmoins,
Société des
Études
Océaniennes
7
du jeudi. Au programme, figurent également
bordées d'arbres et l'aménagement de trottoirs.
l'alignement de
rues
Au conseil d'administration de la colonie, il a
appelé des
immigrés
(avril 1878), discipliné la navigation, réorganisé l'administration des
Tuâmotu (avec Résident à Fakarava), rétabli la résidence aux îles
notables contribuables, créé
une
caisse de travailleurs
Gambier...
Alors
Capitaine de vaisseau depuis avril 1879, suite à un
l'égard de l'armée de mer (France Coloniale,
26 juin 1879 : "Faillite coloniale et capitulation militaire"), Planche donne
sa démission (6 septembre
1879), laissant sa fonction intérimaire à
l'ordonnateur Joyau... Rentré en France, il épousera (juillet 1880) la
veuve
depuis 8 ans de son prédécesseur Jouslard. Planche mourra à
Toulon (7 avril 1894) âgé de 65 ans.
Après l'échec de la mission de Planche pour le statut
politique colonial du pays, — la pétition réclamant l'annexion, que
Planche a fait circuler parmi les chefs des districts de Tahiti, ayant
même irrité le Roi,— le minismarcolo le remplace par un de ses plus
article calomnieux à
habiles collaborateurs, le chef de bureau Isidore Chessé
(1839-1912) :
17ème gouverneur. Natif de Martinique, ayant connu la guerre de
1870, il est le premier gouverneur civil de Tahiti avec le titre de
Commissaire de la
République
24 février
axis.
40
-
1880) à 41
aux
îles de la Société (nommé le
L'ANNEXION DE TAHITI ET MO'OREA
Avec
doigté indéniable, Chessé obtient d'abord l'accord du
en lui promettant, s'il abdique,
qu'il gardera
tous ses privilèges et honneurs", avec pension annuelle jusqu'à sa mort
et achèvement du Palais Royal (toujours en chantier depuis trente
nouveau
un
Roi Pômare V
ans). Mais 9 seulement des 22 chefs de Tahiti et Mo'orea suivent le
Roi lors de la
signature à la résidence (29 juin 1880) de l'acte de
cession, qui sera néanmoins ratifié le 30 décembre 1880 par le Sénat
(254 voix pour, 0 contre) et la Chambre des Députés (444 voix pour,
0
contre).
L'annexion,
connue
à Tahiti
en mars
1881, est aussitôt célébrée
grand banquet où assistent 110 notables, essentiellement colons
mixtes. Et Pape'ete connaîtra l'affluence de la population tahitienne
lors de la commémoration de la prise de îa Bastille (14 juillet
1789),— qui a commencé la veille par une visite à bord du navire de
guerre Hugon, le Roi Pômare V accoutré d'un uniforme d'amiral (don
du Maréchal Mac Mahon), accompagné d'un aide de camp du
gouverneur et d'un interprète,—avec succession de concours de chants
(30 groupes de himene, soit 800 exécutants aux trois-quarts féminins) et
danses la nuit du 13 juillet, courses de pirogues, courses de chevaux et
d'hommes, régates (dont des pirogues montées par plus de trente
par un
Société des Études Océaniennes
8
femmes...),
courses
de baleinières... Tout cela s'étalant sur plusieurs
semaines. La Place du Gouvernement est illuminée a giorno avec des
lanternes chinoises. La Fête Nationale du 14 juillet 1881, premier
Tiurai de la
même République, est annoncée à 8h du matin par la
batterie du fort de Faiere, les bâtiments de guerre en
leurs pavillons devant le Quai des Subsistances.
rade arborant
d'après-midi, danses échevelées au clair de lune,
spectacle de musique Place du Gouvernement, bal officiel des raffinés
sans
préjugés dans des valses effrénées en salle de bal et dehors dans
le parc d'accès libre.
Le traité de cession du 29 juin 1880 confère la nationalité
française à tous les anciens sujets du Roi Pômare V, ainsi qu'à tous les
résidents étrangers sur leur demande, à l'exception des Chinois.
Par arrêté, le gouverneur Chessé crée un Conseil Colonial de
douze membres élus (six à choisir par la population polynésienne, six
par les colons métropolitains de Tahiti et Mo'orea), les éligibles
devant savoir parler, lire et écrire le français. Aussi seuls trois élus
seront des représentants des autochtones (20 août 1880), cette
apparente discrimination temporaire devant disparaître dans le
Siestes
futur...
juillet 1881 rétablit les fonctions de gouverneur.
jusqu'au 6 septembre, mais l'annexion
partisans de la monarchie locale un
inextinguible ressentiment.
18ême gouverneur, Frédéric Dordolot des Essarts (1832-1899),
natif d'Arras, après une campagne dans le Pacifique (1875-1877)
comme second sur la Galisonnière, puis Commandant du Beautemps
Beaupré (1877-1879) est commandant partitif de Nouvelle-Calédonie
(révolte de 1878). Capitaine de vaisseau, il est nommé Commandant
des É.F.O. (5 juillet 1881), étant en poste à Pape'ete le 6 septembre
Le décret du 5
Chessé administrera la colonie
de Tahiti lui vaudra chez les
,
1881.
Lui succède
saire de la
Marine,
Marie-Nicolas-François-Auguste Morau, Commis¬
19^me gouverneur, en poste le 8 octobre
comme
1883.
Le
nouveau
Conseil
Colonial
n'a
cependant qu'un rôle
purement consultatif et les colons lanceront des pétitions appuyés à
Paris, aux fins d'instituer un système parlementaire analogue au
modèle national.
41
-
L'INCENDIE DE PAPE'ETE EN 1884
Localement VOcéanie
Française, premier journal politique de
Tahiti, est financé par Auguste Goupil, avec comme
Cohen
rédacteur Albert
(ancien journaliste communard déporté à Nouméa). L'ancien
journal lancé par le gouverneur Page étant devenu Journal Officiel (en
Société des
Études
Océaniennes
9
1884), à leur tour les commerçants François Cardella, Victor Raoulx et
Martiny fondent un journal en reprenant à leur compte le nom du
nouveau
Messager de Tahiti. De là une meilleure connaissance des
Paul
événements locaux de
l'époque, à commencer par le grand incendie à
juillet 1884, qui a ravagé des blocs commerciaux du centreville, où à partir de 1870 les nouvelles constructions en bois se sont
serrées aux abords du Marché, se touchant et sans jardin, augmentant
ainsi les risques de propagation rapide de tout feu.
l'aube du 23
rue
L'immense brasier, déclaré nuitamment Quai du Commerce et
de la Petite-Pologne, a fait intervenir les pompes de la Police, de
la S.C.O., des navires de guerre en rade et de l'arsenal de Fare-'Ute ;
au matin, le
foyer dompté, une bourrasque fait craindre une extension
d'incendie, qui sera contrariée par le hupe descendu de la montagne.
Notre collaboratrice Jeannine Laguesse, secrétaire de la S.E.O.,
indique que l'ancienne rue de la Petite-Pologne (aujourd'hui rue Paul
Gauguin) a été ainsi appelée à cause d'un bistrot à l'enseigne Petite
Pologne où le tenancier, un Polonais bien entendu, rafraîchissait les
soiffards de
sa
bistre
eau...
Un décret ministériel annonce le remplacement du Conseil
Colonial par un Conseil Général, avec comme seule innovation
l'élection des douze membres sur une même liste, mais aux pouvoirs de
décision pas plus étendus. "Au scrutin du 2 novembre 1884, les
électeurs voteront massivement por les mêmes candidats, papa'a et
demis, plus aptes à manipuler ce système de gouvernement." Les
conseillers réélus multiplient leurs interventions pour réclamer à Paris
des
pouvoirs réels
;
leur mandat expirant après seulement
un an,
le
Journal Officiel (8 avril 1886) promulgue deux décrets du 28 décembre
1885
paraphés par le Président de la République Jules Grévy : l'un
compétences du gouverneur pouvant s'appuyer sur un
Conseil Privé de cinq personnes, l'autre crée un conseil Général de dixhuit membres, avec pouvoirs élargis, élus au suffrage universel pour
six ans, fonctionnaires et militaires ne pouvant en être candidats.
Est nommé Dauphin Moracchini, Directeur de l'Intérieur,
comme 20eme
gouverneur "par intérim", en poste le 1er décembre 1885.
définit les
42
-
PREMIER CONSEIL
GÉNÉRAL
premières élections du 13 juin 1886, les électeurs des îles
en leurs candidats européens soutenus par l'Eglise
Protestante,— comme des îles Marquises, des Tuâmotu, de Tupua'i et
Rapa (îles soumises à l'Administration coloniale et aux consignes des
armateurs et commerçants qui facilitent leurs échanges de marchan¬
dises), élisent ainsi dix-sept papa'a, le 18ème étant Tati Salmon, demi
évolué, chef de Papara et arrière petit-fils du célèbre chef de la
lignée des Teva.
Aux
du Vent,
—confiants
Société des Études Océaniennes
10
décrété officiellemnt (début
laquelle peut se
doter d'un Conseil Supérieur (Synode) où siègent les pasteurs de toutes
les paroisses pour que soient pris en considération les intérêts
polynésiens.
On retiendra que
Jules Grévy
a
1884) l'existence de l'église Protestante de Tahiti,
2lème gouverneur, étienne-Théodore Lacascade (1841-1906),
Guadeloupe, d'abord chirurgien dans la Marine, député de
Guadeloupe (1876), directeur de l'Intérieur de l'Inde (1879), directeur
de la Banque de Guadeloupe (1881), directeur de l'Intérieur de la
Nouvelle-Calédonie (1884), est nommé gouverneur des colonies pour
les é.F.O. (décret du 2 mai 1886).
natif de
accepté l'abrogation de la Convention de
îles -Sous-le-Vent.
Lacascade arrive à Tahiti par le trajet maritime Le Havre - New
York, puis le train pour San Francisco, enfin par goélette entrant à
Papeete début septembre 1886, c'est-à-dire après l'ouverture de la
session budgétaire (16 août).
L'Angleterre
a
Jarnac (1847) reconnaissant l'indépendance des
A été élu Président du Conseil Général
le colon
corse
de 48
ans
François Cardella (1838-1917), barbu au tempérament vif, médecin
auxiliaire de l'expédition du Mexique (en 1863) : ayant stationné trois
à Tahiti, il se fixe définitivement à
ouvrir une pharmacie (angle rue Brea et rue de Rivoli),
avec son
collègue de santé marine François Graffe (1840-1879) :
médecin auxiliaire comme lui à la campagne du Mexique (1862) et
médecin de la Plantation à 'Atimâono (jusqu'au fiasco en 1877) puis
administratif aux îles Marquises, lequel mourra impotent à Pape'ete.
ans
sur
un
Pape'ete
navire de guerre
pour
(en 1882) quand il achète
Stewart pour remplacer le
coton par de la canne à sucre en vue de la distillation du rhum. Il
épouse Marie-Louise Cébert (1847-1918), la veuve de son ami Félix
Lagarde (décembre 1886), et confie la direction de sa pharmacie au
gendre de ce dernier,— Ambroise Millaud (1854-1911) : natif
d'Angoulême, arrive à Pape'ete en avril 1878, dans l'Administration
jusqu'en août 1889,— jusqu'en 1906... lequel deviendra un puissant
homme politique, sa belle-mère en femme intelligente et autoritaire
ayant eu, dit-on, une influence décisive dans son entourage.
Dans son clan dit catholique, l'ancien marin Victor Raoulx
(1842-1914) de l'île d'Oléron, arrivé à Tahiti en 1861, est un self-made
man ayant pratiqué
du cabotage aux Tuâmotu pour la maison
Crawford & Co., devenu négociant et homme politique influent. Il est
élu Vice-Président du Conseil Général. Ayant alors fondé sa propre
maison de commerce, il devient l'importateur le plus important en
avec
Grande est la fortune de Cardella
associés l'ancienne plantation de
ses
Société des
Études
Océaniennes
11
produits français, étant associé de longue date dans les affaires
avec
Cardella, libre penseur.
Le Conseil Privé du Gouverneur est
composé de ses trois
principaux et de deux notables locaux : s'y sont fait
nommer Me
Auguste Goupil (dont l'épouse est protestante) et Adolphe
Poro'i qui, après la disparition de Paraita, sert d'intermédiaire entre
l'Administration et la population de la ville portuaire de Pape'ete
(environ 3 500 habitants), en raison de sa grande connaissance des
problèmes locaux. En novembre 1887, le pays apprend que la nouvelle
loi votée en Métropole, pour une plus grande autonomie aux conseils
municipaux, n'est pas répercutée de la même façon à la colonie, le seul
changement étant l'application localement du système d'élection des
conseillers municipaux au suffrage universel.
collaborateurs
Le Conseil Général de Cardella adresse alors un vœu pour que
la nouvelle législation municipale soit intégralement appliquée dans
la colonie, à commencer par la ville
est mal reçue à Paris où le Président
de Pape'ete. Mais cette requête
Jules Grévy et son minismarcolo
Jules Ferry ont disparu de la scène politique, les rapides minismarcolo
successifs, tous amiraux ne s'intéressant qu'à la Flotte, refusant
d'écouter le nouveau délégué des é.F.O. Franck Puaux, élu en 1886 au
Conseil Supérieur des Colonies, qui appuie les demandes répétées du
Conseil Général, étant lui-même de l'Eglise Réformée et ayant eu la
faveur de l'ensemble des électeurs polynésiens protestants.
Le 15 mars 1889, le Département des Colonies est transféré du
Minismarcolo au Ministère du Commerce et de l'Industrie et confié à
un sous-secrétaire d'Etat : est nommé à ce
poste Eugène étienne ,
négociant né
attachant
à
en
son
Algérie et député d'Oran, administrateur-modèle
œuvre
rénovatrice
le
souhait
d'une
extension
pacifique et d'une mise
a
en valeur du domaine colonial.
Nouméa étant doté d'un conseil municipal depuis 1879, étienne
étudié le dossier des é.F.O. et trouvé justifiées les insistances
polynésiennes : les réticences du Ministre pour doter Pape'ete d'un
conseil municipal, imité de son homologue néo-calédonien, attendront
mars 1890
pour qu'un changement politique ramène l'ingénieur et
académicien Charles de Saulses de Freycinet (1828-1923) pour la
quatrième fois au pouvoir (Président du Conseil en 1879 et 1892).
étienne est maintenu à son poste et le député Jules Roche, avocat et
journaliste, siégeant depuis 1881 en républicain convaincu, est nommé
miniscoincolo : tous deux élaborent le décret pour la création de la
Commune de Pape'ete. Avis favorable est donné par le Gouverneur
se trouvant en consultation à Paris à ce moment-là (les
quatre Ministres parisiens qui se sont succédés, ayant apprécié sa
compétence, le maintiendront en poste à Tahiti pendant plus de six
années entre le 2 septembre 1886 et le 4 juin 1893). Pendant cette
Lacascade
Société des Études Océaniennes
12
consultation à Paris, Maurice d'Ingremard, Directeur de
est nommé aux fonctions de Gouverneur "par intérim" le
1889
43
l'Intérieur,
29 octobre
(22ème gouverneur)...
-
TERAUPO'O CONTRE L'ANNEXION DE RA'IATEA
PROTECTORAT DE RURUTU ET RIMATARA
L'Angleterre ayant reconnu l'indépendance
acceptant l'abrogation de la Convention de Jarnac de
des I.S.L.V. en
1847, Lacascade
proclame la souveraineté de la France solennellement à Ra'iatea
mars 1889), Huahine (le 17) et Porapora (le 19).
En octobre 1887, trois chefs de Ra'iatea dont Teraupo'o ne
reconnaissent pas l'autorité du Résident français, s'étant familiarisés
avec les missionnaires anglais. Teraupo'o ayant hissé son pavillon à
'Avéra, il résistera en subissant la canonnade d'expéditions militaires
françaises comme rebelle retranché dans la vallée. Il se maintient
dans sa réserve quand Lacascade fait sa proclamation de souveraineté
y
(16
de la France à Ra'iatea
en mars
1889. à Huahine,
une
sédition vite
réprimée fait néanmoins résurgence l'année suivante (22 juillet 1890),
cependant que Lacascade a établi son protectorat aux Iles Australes :
à Rurutu (27 mars 1889) et Rimatara (le 28).
Jean-Marie Cadousteau (1855-1916), fils parmi les nombreux
enfants d'Étienne Cadousteau (1825-1870), né à Pape'ete, est
interprète du Gouvernement et apposera ainsi sa signature au bas des
actes les plus importants concernant l'histoire des E.F.O., tels que
l'annexion de Tahiti à la France (29 juin 1880), les prises de
possession en mars 1888 de Huahine (16), Ra'iatea (17) et Porapora
(19), le protectorat de Rimatara (29 mars 1888) puis sa prise de
possession (2 septembre 1901). Il fera partie du groupe pour le
rattachement à la France. Conseiller privé du Roi Pômare V,
conseiller municipal de Pape'ete, il meurt à Pape'ete le 24 février
1916.
a entrepris notamment, outre la fixation de
phares, l'aménagement du port de Pape'ete et la perception des droits
d'octroi en mer. La ligne maritime San Francisco-Tahiti (durée un
mois environ en long-courrier) n'a pu être établie, la Chambre
d'Agriculture et le Tribunal de Commerce sont réformés, le Code des
Iles Gambier est abrogé, l'instruction publique s'organise (arrêté du
24 janvier 1887). Il veut combattre l'opium, organise la participation
polynésienne à l'Exposition coloniale de 1889.
A Paris, sur le rapport (20 mai 1890) du miniscoincolo Roche,
est aussitôt paraphé par le Président de la République Sadi Carnot le
Le Gouverneur
décret instituant dans les E.F.O.
une commune ayant pour chef-lieu
Pape'ete (voir textes du rapport et du décret en fin d'article). En route
Société des
Études
Océaniennes
13
pour
Tahiti, Lacascade est lui-même le
annoncer
la bonne nouvelle dans
son
messager de Tahiti pour
discours d'ouverture de la session
ordinaire du Conseil Général
(18 août 1890), confirmée par courrier
(9 septembre), l'arrêté de promulgation paraissant au Journal Officiel
(25 septembre). Un arrêté gubernatorial simultané convoque les
électeurs de Pape'ete à l'effet de nommer un Conseil
municipal de
quinze membres (23 novembre).
44
-
LE PREMIER CONSEIL MUNICIPAL DE PAPE'ETE
Membre du Conseil
le
général, Cardella ambitionne de devenir
premier maire de Pape'ete. Au scrutin, qui sera ouvert de 8h du
matin à 4h de
relevée, en salle d'état-civil (local sis dans le parc
Marché), voici la liste historique des vainqueurs attendus
élus par 336 votants :
1) 292 voix : Émile Creusot (1852-1903), natif des Vosges, arrivé
soldat à Pape'ete par le navire Calvados (avril 1875), s'installe
horloger (1878) ; a épousé Elisa Keck (décembre 1882), fille
parmi les nombreux enfants de François Keck (1831-1888) :
attenant
au
originaire du Haut-Rhin, arrivé à Pape'ete serrurier-ajusteur
(décembre 1854) et y ayant épousé (novembre 1860) Léonie Ruis
(1839-1916) originaire du Mexique ; - sans descendance.
2) 292 voix : Charles Georget (1855-1895), Conseiller général
1886-1894, fils d'Étienne Lubin Georget (1824-1869) : natif
d'Eure-et-Loir, arrive ouvrier-artilleur à Pape'ete (fin 1849), se
fixe colon éleveur en vallée de Tipaeru'i (1852) et boucherrestaurateur, a épousé Anne Goutard (1853) arrivée comme
gouvernante chez l'ordonnateur (juillet 1850), ayant laissé une
nombreuse descendance à Tahiti, dont Charles, célibataire, qui
prend la suite des affaires de son père.
3) 228 voix : François Cardella (1838-1917), évoqué ci-dessus et
ultérieurement.
: Léonard Bonnet (1858-1920), natif de Saint-Étienne,
caporal d'infanterie de marine à Tahiti (1880), devient
colon (avril 1885) puis magasinier de la Marine, avant de se
fixer définitivement à Pape'ete d'abord comme brigadier de
police (1900), ensuite commerçant en cycles ; a épousé Yvonne
Salou à Taioha'e (1886), laissant plusieurs enfants ayant fait
4) 228 voix
arrivé
souche à Tahiti.
5) 217 voix : Germain Coulon (1854-1918), né à Bourges, arrivé
sergent d'infanterie de marine à Tahiti par navire Navarin
(avril 1878), s'installera horloger à Pape'ete rue de la
Petite-Pologne (octobre 1881), y dirigera l'Imprimerie Nouvelle
(1906) avec un salon de photographie, sera Conseiller général
Société des
Études
Océaniennes
14
épousé à Pape'ete (janvier 1882) Blanche
(1862-1906), fille parmi les nombreux enfants des
de 1898 à 1903... ; a
Hamelin
époux Ferdinand Hamelin (1829-1899 : à Pape'ete depuis janvier
1852,
propriétaire travailleur rue de la Petite-Pologne) et
Heaulmé (1844-1899) ; - et ils auront beaucoup
Amélina
d'enfants.
Jean-Marie Laharrague, à Pape'ete depuis 1844, dirige
frères le comptoir commercial Laharrague & Fils,
succursale de la Maison paternelle de Valparaiso ; a épousé
Parurururu a Heimata (décédée en 1880), originaire de Mai'ao :
deux enfants, dont Pierre (1853) à la descendance toujours
6) 212 voix
avec
:
ses
installée à Fautau'a.
7) 211 voix
Dr
:
Édouard Vincent, natif du Jura, arrivé médecin
Pape'ete par navire Sybille (juillet
auxiliaire de la Marine à
plantation de
Pape'ete (1873),
épousant Alexandrine Georget (juillet 1873), fille d'Etienne cité
plus haut ; médecin de Pômare V, sera Président du Conseil
1870), aussitôt dirigé comme médecin à la
'Atimâono ; puis se fixe comme médecin civil à
Général et rentrera définitivement en France
après
son
mandat
municipal ; - son frère Gustave Vincent (1858-1924), nommé
greffier-notaire pour les îles de la Société en 1873, est notaire
titulaire de 1881 à 1922, ayant été Conseiller privé du
Gouvernement 1894-1900 et 1907-1909, marié en
Ta'urua a Ma'i (1861-1918) : plusieurs descendants.
1876
avec
8) 207 voix : Ambroise Millaud (1854-1911), évoqué plus haut.
9) 202 voix : Hégésippe Langomazino (1844-1911), né à Toulon,
arrivé avec ses parents (voir Joseph langomazino sus-évoqué),
dans
aide-commissaire
la
Marine
:
désigné
en
Nouvelle-
(1872-1876), revient à Tahiti travailler avec son
Calédonie
père avocat
pour
lui succéder (1885), est président de la C.C.I.
(1884), Conseiller Général (1886, réélu 1893) ; a épousé à
Pape'ete (juillet 1877) Berthe von Ewald (1861-1890), - fille de
Harold, sujet du Schleswig-Holstein, et de Mathilde Hunter
(1840-1918) en premières noces : née à Ra'iatea, décédée à
Haïphong, elle-même fille parmi les nombreux enfants
d'Edward John Hunter d'York avec Suzannah Chapman de
Sydney : - et ils auront beaucoup d'enfants.
10) 197 voix : Nicolas Huet (1852-1914), né à Metz, arrivé à
Pape'ete (octobre 1876) par navire Petit Bourgeois,comme ouvrier
mécanicien, il deviendra propriétaire et entrepreneur de
travaux divers ; membre du Conseil colonial (1882-1884), sera
Conseiller général des Tuâmotu (1896-1899) ; a épousé en
secondes noces (1888) Amélie Fragon (1850-1899), arrivée à
Pape'ete par navire Var (septembre 1875) ; tous deux mourront
en août 1899 : union sans
postérité.
11) 181 voix
:
Simonin.
Société des
Études Océaniennes
15
12) 190 voix
: Victor Raoulx (1842-1914), évoqué par ailleurs, ayant
président du Conseil colonial (1880-1882), membre du
Conseil général (1886-1903), président de la C.C.I. (1886-1912) ;
a épousé Caroline Hort (1850-1918) à Pape'ete
(juin 1867) : dix
été
enfants et de nombreuses descendances.
13) 180 voix
:
Sosthène Drollet (1829-1897),
venu
de l'Aube, arrive
Californie par le Cap Horn
d'abord boulanger-pâtissier, il se
en
gelée de
(1890)
:
goyave, monte une
puis à Pape'ete (août 1857) ;
distingue par la création de la
fabrique de glace et d'eau gazeuse
est membre du Conseil colonial (1882), du Conseil
général, du Conseil Privé du Gouvernement (1894) et du comité
directeur de la Caisse Agricole (1888-1894) ; a épousé à
Pape'ete (octobre 1859) Célestine Raita Smith (1844-1918) : dix
enfants et beaucoup de progéniture.
14) 179 voix : Orsini, mécanicien, époux d'Elisabeth Cadousteau,
née en 1866, fille parmi les nombreux enfants du charpentier
Étienne Cadousteau (natif du Lot-et-Garonne, arrivé à 1 age de
45 ans) et de Célestine Brémond son épouse (fille des époux
Joseph Brémond et O'opa a Tetuanui, évoqués au temps de
Pômare
IV).
15) 179 voix : Victor-Jacques Jehan (1842-1906), natif de Saint-Cyr-
Bayeul en Manche, militaire venu se fixer à Tahiti en 1877,
colon agriculteur à Fa'a'a ; a épousé en 1890 Mélanie Chevalier
(1875-1912), divorce en 1894.
Lors
de
la
séance
d'installation
du
Conseil
Municipal
(1er décembre 1890), sont élus : Cardella, maire (13 voix) : Raoulx, 1er
adjoint (8 voix) et Langomazino, 2ème adjoint (8 voix). En cadeau de
Noël, le gouverneur Lacascade concède gracieusement à la nouvelle
commune de Pape'ete
les propriétés suivantes de la colonie : les
bâtiments de l'état-civil, les places et bâtiments publics du Marché,
l'abattoir, l'immeuble de l'Eglise Catholique, les presbytères
catholique et protestant, le terrain de l'ancienne Prison, la Place du
Gouvernement avec le kiosque, le Cimetière de l'Ouest, la parcelle
réservée pour un jardin public à Mama'o, le matériel en place de la
conduite d'eau, le matériel d'incendie.
Pape'ete est entrée maintenant dans l'ère de la communapuis le lit en plaine de la rivière Fautau'a font le
partage de Pare depuis 1890, du levant au couchant, en Pi'i-ra'a-'e à
l'est et Pape'ete au ponant.
A Ra'iatea, Teraupo'o refusant de se soumettre après une
dizaine d'années de résistance, une expédition militaire française
(janvier-février 1897) a fini par s'emparer de cet audacieux chef
indigène. Il sera emmené à Papeete, avec sa femme et une dizaine de
partisans, pour être exilés en Nouvelle-Calédonie... et être de retour
lisation. La vallée
en
1905 à Ra'iatea.
Société des
Études
Océaniennes
16
qui concerne Pape'ete, le lecteur parcourra
: "Pape'ete : un exemple de croissance urbaine
Gabriel Teti'arahi (Cahiers d'Outre-Mer, oct.-déc.-1993).
En
ce
avec
intérêt
accélérée", par
l'opuscule
Pape'ete
Vananga Raymond PIETRI
Société des
Études
Océaniennes
-
Août 1990
17
"PAPE'ETE DE
Notes
JADIS ET NAGUERES"
bibliographiques pour la 1ère partie
A l'abordage de Pape'ete.
:
: Mars 1991 (p.2 à 39) - n° 254/255 : Juin/Décembre 1991 (p.94 à
n° 256/257 : Mars/Octobre 1992 (p.2 à 27) - n° 258/259 : Décembre
1992/Avril 1993 (p. 97 § 3) et n° 260 : Septembre 1993 (p. 2 à 20).
Magazine Distance n° 99, Mars-Avril 1990, Jean-Marie Dallet.
Les migrations polynésiennes, Peter H. Buck, Payot, Paris, 1952.
B.S.E.O. n° 253
114)
-
-
-
Le Petit Larousse Illustré.
-
O'Mai ambassadeur du
-
Pacifique, E.H. Me Cormick, Edts. Perspectives Ma'ohi,
1986.
Rodriguez, interprète espagnol, diairc 1774-1775 : trad. Charles
Pugeault, Imprimerie du Gouvernement, Papeete, 1930.
-Journal de James Morrison, Trad. Bertrand Jaunez, Société des Océanistes, Paris,
-Journal de Maximo
1966.
Du
-
nom
original de Papeete, Temaeva Anahoa, BSEO n° 55 (p. 528 à 532),
Novembre 1935.
A la recherche de la
-
Polynésie d'autrefois, William Ellis, 2 tomes, Société des
Océanistes, Paris, 1972.
Marquisien Temoteitei, Philippe Rey-Lescure, BSEO 1945.
English Dictionary (with Introductory Remarks on the Polynesian
Language and a short Grammar of the Tahitian Dialect), L.M.S. Press 1851 : Le
Davies des Vernier, Edt. Haere Po no Tahiti, 1985 et 1987.
A Dictionary of some Tuamotuan dialects of the Polynesian language , J. Frank
Stimson & Donald Stanley Marshall (The Peabody Museum of Salem
Massachusetts/The Royal Institute of Linguistics and Anthropology of The Hague),
La Haye, 1964.
Tahiti aux temps anciens, Teuira Henry, trad. Bertrand Jaunez, Société des
Océanistes, Paris, 1951.
Voyage aux Iles du Grand Océan, Jacques Moerenhout, 3 tomes, Paris, 1941.
Les Iles Marquises, Dr. Louis Rollin, Paris, 1929.
Les Derniers sauvages, Max Radiguet, Calmann-Lévy, Paris, 1882.
Les débuts du Papeete français 1843-1863, Robert Dauvergne. Etude topographique,
35 pages, Journal de la Société des Océanistes n°15, décembre 1959, Paris.
Etat de la société taliitienne à l'arrivée des Européens, Edmond de Bovis, Annuaire
1855 des E.F.O., réédité par la S.E.O. en 1978.
Archipel de Tahiti, Gilbert Cuzent 1860 - Ed. Haere Po no Tahiti 1983.
Le Roi de l'Ile de Pâques, Bob Hubert Miot-Puligny, Laffont, 1929.
Grammaire et Dictionnaire de la langue des Iles Marquises (2 vol. : marquisienfrançais et français-marquisien), Mgr René Ildefonse Dordillon, Paris 1932.
Omoo ou le vagabond du Pacifique, Herman Melville, Paris, Gallimard, 1951.
La nef des fous, Philippe Draperi, Edt. Haere Po no Tahiti, 1991.
La grande Plantation, Albert T'Serstevens, Albin Michel, Paris, 1952.
Les mémoires de Ariitaimai Salmon, Henri Adams, Publication n°12 de la Société
des Océanistes, Paris, 1964.
Le
-
A Tahitian and
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
'
-
-
-
-
-
Société
des
Études
Océaniennes
18
Du dialecte de Tahiti, de celui des lies Marquises et, en général, de la langue
polynésienne, ouvrage de recherche, par Pierre Louis Jean-Bapliste Jaussin, ingénieur
hydrographique de la Marine, prix de linguistique Volney 1852, Didot, Paris, 1853.
Papeete, un exemple de croissance urbaine accélérée, opuscule de 36 pages diffusé
par les Edls. Hacre Po no Tahiti (Crct/Ceget : collection Iles & Archipels), extrait des
Cahiers d'Outre-Mer 36 (144), Octobre-Décembre 1983 ; par Gabriel Tetiarahi,
Docteur de 3ème cycle.
Ancient Tahitian Society, 3 volumes, Douglas Oliver, The University Press of
-
-
-
Hawaii, Honolulu 1974.
Le
-
Messager de Tahiti.
et surtout
Tahiti
-
au
temps
:
des cartes postales, Patrick O'Reilly, Société des Océanisles,
Paris,
1975.
Tahitiens (Répertoire bio-bibliographique de la Polynésie Française), Patrick
O'Reilly et Raoul Teissier, Société des Océanisles, Paris, 1962 et 1975.
Les mutins du Bounty, Sir John Barrow, Livre de Poche/Robert Laffont, 1961.
-
-
-
Papeete 1818-1890 (De William Crook à Jean Juvcntin : texte par Bengt et MariePapeete, l'album : par Christian Gleizal), Cobalt Productions,
Thérèse Danielsson;
mai
1990.
Rapport au
suivi d'un décret
d'Océanie une
(Sous-Secrétariat
d'État
Affaires
que
politiques et
l'Indo-Chine).
Président de la République française,
instituant dans les Établissements français
commune
ayant pour chef-lieu Papeete.
des
Colonies
Administration
—
1ère Division — 1er Bureau :
générale de toutes les colonies autres
Paris, le 20 mai 1890
Monsieur le Président,
général des Établissements français d'Océanie a
Papeete, chef-lieu de la colonie, fût érigée en commune.
Le Conseil
la ville de
locale
a
donné
un
émis le vœu que
L'Administration
avis favorable à cette création.
L'importance de la ville de Papeete, principal centre commercial des
archipels environnants, dont la population s'élève à 3 500 habitants, jouissant
presque tous de la qualité de français, me paraît justifier suffisamment cette demande.
J'ai préparé, en conséquence, en vue d'y donner satisfaction, le projet de
décret ci-joint, que j'ai l'honneur de vous soumettre, en vous priant de vouloir bien le
revêtir de votre signature.
Ce projet de décret rend applicable à la nouvelle commune le décret du
8 mars 1879, qui a institué un Conseil municipal à Nouméa (Nouvelle-Calédonie),
sous la réserve que la
police municipale, qui, en raison de la présence à Nouméa de
l'élément pénitentiaire, est placée dans les attributions du Directeur de l'Intérieur,
relèvera à Tahiti de l'autorité municipale.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'hommage de mon profond
respect.
Société des
Études
Océaniennes
19
Le
Décret
Ministre
instituant
une
du
dans
les
commune
Le Président de la
Commerce,
de l'Industrie et des Colonies,
Signé : Jules ROCHE.
Etablissements
français de l'Océanie
Papeete.
ayant pour chef-lieu
(20 mai
1890)
République française,
Sur le rapport du Ministre du Commerce, de l'Industrie et
Vu l'article 8 du sénatus-consulle du 3 mai 1854 ;
Vu le décret du 8
1879 instituant
mars
un
Conseil
des Colonies
;
municipal à Nouméa (Nouvelle-
Calédonie),
Décrète
Art. 1er.
Il est institué, dans les
qui
chef-lieu Papeete et
a pour
1° A l'Est, le cours de la
nom
2°
pour
:
Établissements français d'Océanic,
limites :
une commune
rivière Fautaua, depuis son embouchure jusqu'au fort du même
;
A l'Ouest, la route
actuelle du cimetière, prolongée jusqu'à la mer ;
3° Au Nord, la
mer ;
4°
ligne qui, partant du fort de la Fautaua, aboutirait à la route du cimetière
Au Sud, une
Le tout
un kilomètre dans l'intérieur des terres.
conformément à un plan approuvé par le Gouverneur en
annexé
au
prolongée à
Art. 2.
Conseil privé, qui
sera
présent décret.
Sont rendues
applicables à Tahiti les dispositions du décret du 8
mars
1879, instituant à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) un conseil municipal, sous la réserve
que les attributions dévolues, par cet acte, au Directeur de l'Intérieur, en ce qui
concerne la police municipale, seront exercées à Papeete par le Maire, sous l'autorité
de l'Administration
Art. 3.
supérieure.
Le Ministre du Commerce, de l'Industrie et des Colonies est
l'exécution du présent
de l'Administration
décret, qui
des
sera
inséré
colonies,
au
au
chargé de
Bulletin officiel
Journal officiels des
Bulletin des Lois,
Bulletin
et au
au
Établissements français de l'Océanie.
Fait à
Paris, le 20 mai 1890.
Signé
:
CARNOT.
Par le Président de la
Le
Ministre
du
Commerce,
de l'Industrie
Signé
Société des
Études
Océaniennes
et
:
République :
des Colonies,
Jules ROCHE.
20
L'expérience vécue
et le mythe de Tahiti au XIXe siècle :
"Mais où sont donc les Tahitiens d'antan ?"
êtes. Je ne
passés au
milieu de vous et, tant que je vivrai, je célébrerai l'heureuse isle de
Cythère" L tel était le voeu pieu qu'exprimait Bougainville en
quittant l'île de Tahiti le vendredi 15 avril 1768.
"Adieu, peuple heureux et sage, soyez toujours ce que vous
me
rappellerai jamais sans délices le peu d'instants que j'ai
En écrivant ces quelques mots dans son Journal de bord, le
chevalier Louis-Antoine de Bougainville était loin de se douter qu'il
ferait entrer Tahiti dans l'histoire européenne : en rapportant la
"fable de Tahiti", comme l'écrit Diderot dans le Supplément au Voyage
de Bougainville, le voyageur français détruisit, sans le vouloir, ce qu'il
voulait préserver.
Terre
privilégiée par une
par la société harmonieuse
modèle pour l'Europe, sera une terre
suivant. La fiction philosophique de
nature bienfaisante, royaume
qui l'habite, Tahiti, devenu un
d'expérimentation pour le siècle
Diderot est publiée en 1796 et,
un an
plus tard, le 5 mars 1797, les premiers missionnaires, envoyés
par la London Missionary Society à bord du Duff, posent le pied sur
l'île avec la ferme intention de civiliser ces indigènes trop païens qui
se livraient à l'abominable pratique des sacrifices humains, ainsi que
l'avaient révélé les récits de Cook. Les sombres prédictions du
vieillard imaginé par Diderot, dans le deuxième chapitre du
Supplément intitulé : "Les Adieux du vieillard", vont se réaliser au
d'Utopie
du XIX ème siècle : bateaux de commerce, baleiniers,
missionnaires et administrateurs coloniaux détruisent les structures de
la société tahitienne telle que l'avaient connue Bougainville et Cook.
cours
Comme l'explique très bien Jean-François Baré dans Le
Malentendu Pacifique 2, le contact entre Européens et Tahitiens
s'établit sur un gigantesque malentendu : jamais les Européens ne
Société des
Études Océaniennes
21
perçurent la culture tahitienne
en tant que telle, trop imbus des
le peuple de Tahiti.
C'est à partir du moment où les habitants furent déculturés
que l'on s'avisa qu'ils possédaient effectivement une culture complexe
que l'on s'efforcera de reconstituer. Du coup, les descriptions de Cook
et de Bougainville vont appartenir à l'ethnologie et serviront de
référence à ceux qui parleront du passé tahitien. Tout le monde va
s'intéresser à ce passé perdu et s'improviser ethnologue, qu'il s'agisse
des missionnaires, - les Polynesian Researches 3 de William Ellis sont
une référence dès leur
publication en 1829 et Dumont d'Urville les cite
dans son Voyage pittoresque 4 en 1834, - des voyageurs, - le même
d'Urville raconte comment le narrateur de son Voyage pittoresque
collecte auprès des vieilles personnes les histoires anciennes de
Tahiti, - des Européens qui ont vécu à Tahiti, le modèle étant JacquesAntoine Moerenhout qui intitule la deuxième partie de ses Voyages aux
îles du Grand Océan 5 : "ethnographie", ou des écrivains dont la
tentation ethnologique culmine avec Segalen dans Les Immémoriaux6-
préjugés qu'ils projetèrent
sur
Chez tous ces témoins, existe la conscience aiguë d'un passé
tahitien en train de disparaître irrémédiablement, tant les
bouleversements apportés dans cette île de Tahiti sont rapides. Cook
avait
déjà entamé la structure sociale tahitienne
Tu, le futur Pomare,
comme
en
imposant le chef
roi.
Ainsi que l'expliquera la vieille Ariitaimai, dont l'historien
américain Henry Adams recueillera les récits en 1891 7, les Anglais
firent de ce petit chef, qui n'avait qu'une place fort médiocre dans la
hiérarchie tahitienne, un interlocuteur
privilégié tout simplement
qu'il commandait le district de Matavai, la baie où ils
débarquèrent. Grâce aux présents des Anglais, que son rang de chef lui
permettait de s'approprier, il acquit une puissance usurpée. Cette
bévue politique fut reprise par les missionnaires qui considérèrent à
parce
leur tour le successeur de Tu, Pomare II, comme le seul roi de l'île et
l'aidèrent à écraser ses adversaires, mais manoeuvrèrent avec
suffisamment d'habileté pour
que le protestantisme devienne la
religion officielle de Tahiti, promulguée par le roi Pomare lui-même,
ardent défenseur de la religion nouvelle et traducteur de la Bible en
langue tahitienne.
Le
16
juillet 1819 voit le couronnement des efforts des
anglais : le roi Pomare II est baptisé solennellement
dans la chapelle royale de la Mission de Papaoa et cet acte consacre
l'abandon définitif des coutumes païennes et la victoire de l'Évangile.
C'est à cause de l'intolérance religieuse et de la trop grande ferveur
des Pomare que les Français interviendront, quelque vingt années plus
tard. En 1840, l'amiral Abel-Aubert Dupetit-Thouars vient établir le
Protectorat français avec le navire de guerre La Reine Blanche, suite à
missionnaires
Société des
Études
Océaniennes
22
l'expulsion des Pères Caret et Laval, prêtres catholiques : ainsi
commence l'histoire coloniale de Tahiti. L'histoire de la découverte,
l'histoire de la conversion religieuse et l'histoire coloniale
s'imbriquent donc étroitement les unes dans les autres et concourent à
l'anéantissement de la culture tahitienne. A cela s'ajoute l'expansion
du commerce : dès la fin du XVIII ème siècle, les baleiniers font escale
à Tahiti. D'abord Anglais et Américains, puis Français vers 1820,
tous rivalisent d'astuce pour s'assurer une présence dans le Pacifique.
Une lutte sans merci s'engage entre les puissants : Angleterre, France,
Allemagne, États-Unis et plus tard le Japon, au terme de laquelle le
Pacifique sera partagé 8.
Au regard de la politique internationale, les populations
autochtones comptent peu et le minuscule territoire de Tahiti paraît
bien dérisoire. Pourtant il bénéficiera d'un intérêt constant : les
administrateurs multiplieront les expériences — oranges, canne à
sucre, vanille, coprah, plantations que l'on fait vivre à grand renfort
de main -d'oeuvre étrangère — et Tahiti reste bien un laboratoire
pour l'Europe, ainsi que l'avaient pensé les hommes des "Lumières", à
la différence cette fois que l'île est l'objet d'un enjeu économique et non
plus idéologique. On mesure donc l'ampleur des bouleversements
apportés à Tahiti par ce XIX ème siècle, ère économique, industrielle
et coloniale : que vaut encore le Tahitien, cet être beau, innocent et
Bougainville ? Si peu de choses qu'il en meurt :
maladies apportées par la civilisation, la population
semble en voie d'extinction, puisqu'en à peine un demi-siècle —de
Cook à Ellis
elle est passée de 200 000 à 8 000 âmes, et tous les
témoins : voyageurs, colons, administrateurs concluent à la disparition
de la race tahitienne à plus ou moins longue échéance . Dans un tel
contexte, qu'en est-il du mythe forgé par les voyageurs au XVIII eme
bon décrit par
décimée par les
—
siècle ?
l'expédition Duperrey, rappelle les
de Tahiti : "Pour qui a lu les narrations pleines
de charmes de Bougainville et de Cotnmerson (...) O'Taïti par son seul
nom fait
palpiter le coeur et retrace à l'imagination mille scènes
voluptueuses. L'homme est ainsi fait. Il n'a pas retenu les formes
gouvernementales, les idées religieuses des O'Taïtiens, mais dans sa
mémoire sont gravées en traits de feu les peintures libres d'un sensualisme
dans toute sa naïveté, des tableaux de l'Albane à coloris remarquable par
sa nudité. Pour lui O'Taïti est ce paradis de Mahomet, où l'âme n'est
pour rien dans les plaisirs des sens qu'il prodigue." 9
Appel à l'imagination, puissance évocatrice du nom de
Tahiti, abstraction du paysage, évoqué par les tableaux de l'Albane,
le peintre même auquel avait pensé Bougainville 10, sensualité
débordante et libre de tous préjugés, image du paradis, telles sont en
effet les caractéristiques de la fable de Tahiti rapportée par les
Le naturaliste Lesson, de
composantes du mythe
Société des
Études
Océaniennes
23
voyageurs
du XVIII eme siècle. Les textes de Bougainville et de
Commerson, le naturaliste de La Boudeuse ,dont la lettre au Mercure
de France
parue alors que l'expédition était encore en mer en 1769,
,
largement contribué à la diffusion du mythe de Tahiti,
deviennent des références et Lesson n'est pas le seul à évoquer les
récits des voyageurs du siècle précédent.
Écoutons Adalbert von Chamisso : "Dans mon enfance, Cook
avait levé le rideau qui dissimulait un monde encore séducteur à la
manière des contes et je ne pouvais me représenter autrement cet homme
extraordinaire que comme une lueur, un peu comme son bisaïeul
Cacciaguida apparut à Dante dans le cinquième ciel." 11
avait
un homme des "Lumières" : notons le mot "lueur"
de Cook, il a rencontré à Londres Sir Joseph Banks,
Chamisso est
associé au
alors âgé
nom
de soixante-quinze ans, établi dans sa bibliothèque son.
"quartier général" et vu "chez lui, parmi d'autres, le capitaine James
Burney, le compagnon de Cook au cours de son troisième voyage" 12.On
devine que la lecture des Voyages de Cook contribua à sa décision de
participer en tant que naturaliste à l'expédition d'Otto von Kotzebue
à bord du Rurik en 1815. Mais c'est aussi son imagination, plus que sa
curiosité
bien que le plus âgé à bord, il se présente comme celui qui
fait preuve de la plus grande curiosité : "j'avais toujours été celui qui
manifestait la plus extrême curiosité et personne n'était impatient comme
moi" 13
qui est sollicitée par les récits de Cook que cet ami
d'Hoffman compare à des "contes". Ne vient-il pas d'écrire L'Étrange
Histoire de Peter Schlemihl peu avant son embarquement sur le Rurik 14
—
—
?
Ainsi les récits du
grand navigateur anglais se trouvent-ils
philosophie et au monde "séducteur" des contes
un homme qui fut à la fois un botaniste reconnu par ses
pairs et un homme de lettres. Domeny de Rienzi recense, dans
L'Univers, gigantesque compilation géographique, toute la littérature
concernant Tahiti, depuis les Voyages de Cook jusqu'en 1836, date de
rédaction de son ouvrage. Il cite Bougainville, Diderot, Delille,
Cooper, Chateaubriand et Hugo.
En 1866, l'ingénieur Jules Garnier, s'extasiant devant les
associés à la
allemands chez
charmes
de
la nature
et
de la vie tahitienne,
se
souvient des
descriptions des auteurs : "on comprend que de tels spectacles aient pu
inspirer nos voyageurs et nos poètes, qui auront cru trouver dans ce nouvel
Éden la réalisation des plus douces rêveries de l'homme à tous les
temps!" 15 et excuse leurs" rêveries", d'abord parce qu'elles
correspondent à un désir de bonheur — l'Éden — ensuite parce qu'elles
sont en accord avec la réalité, si l'on se contente d'une approche
superficielle de Tahiti.
Société des
Études
Océaniennes
24
Henry Adams parle lui aussi
le nom de Tahiti évoque et il cite les écrivains : "Tahiti ! Ce
nom évoque-t-il quelque chose pour vous
? Pour moi, il possède une
saveur unique, fruit d'une association de pensées qui n'ont aucun rapport
avec les autres essences des Mers du Sud, où se mêlent toutes les choses
imaginées il y a au moins quarante ans, sorte de mélange d'Herman
Melville et du capitaine Cook, de l'opéra français et de Pierre Loti16
faisant la synthèse de l'imaginaire européen."
Tahiti est donc devenu un mot magique qui déclenche chez
celui qui y vient une série d'images en référence à une culture. C'est
bien ce que constatent les auteurs que nous venons de citer : ils évoquent
avec
plaisir le mythe de Tahiti mais en dénoncent le caractère
illusoire. Lesson montre qu'il est dans la nature de l'homme de ne
retenir que ce qui lui plaît davantage, il n'a donc pas gravé dans sa
A la fin du siècle, l'Américain
de
ce
que
gouvernementales" ni "les idées religieuses des
sur le caractère illusoire de ces "rêveries"
que les voyageurs ont "cru" trouver réalisées à Tahiti ; Adams se
réfère clairement à un imaginaire. Si le mythe de Tahiti est cité, il
est donc soumis à un regard critique. Voyageurs et visiteurs savent
bien que Tahiti a suscité une imagerie littéraire et cependant, en
hommes cultivés qu'ils sont, ils se réfèrent spontanément à la culture
classique, tout comme l'ont fait les voyageurs du XVIII eme siècle.
mémoire "les formes
O'Taïtiens"; Garnier insiste
Que Rienzi, qui n'est pas allé à Tahiti, utilise un langage
stéréotypé, soit! Voici sa présentation de Tahiti : "Taïti semble être la
patrie de Pomone, de Flore, de Vénus et de Morphée. Elle réalise toutes les
plus séduisantes fictions de l'ancienne poésie grecque et latine." 17 Mais
que ceux qui ont eu l'expérience des Tropiques parlent de la race
polynésienne en évoquant la mythologie grecque, voilà qui nous
ramène aux textes des auteurs du XVIII ème qu'ils ont pourtant
critiqués.
Henry Adams parle de la noblesse antique de la race
"un peuple de sang presque aussi pur que les Grecs" tandis
que Paul Huguenin, directeur des Écoles des îles Sous-le-Vent à la fin
du siècle, décrit les attitudes : "les démarches princières où la noblesse
du mouvement s'allie à la lenteur de la marche et à la grâce du geste de la
main qui salue" 18.
tahitienne:
Le texte de Radiguet, secrétaire de l'amiral Dupetit-Thouars,
à bord de La Reine Blanche en 1842, semble un écho amplifié de celui
de Bougainville. Il raconte l'accueil des femmes de Nuka-Hiva : "Dès
qu'on eut jeté l'ancre, l'air retentit de joyeuses clameurs. Semblables aux
océanides, des femmes, la guirlande verte au front, semblaient surgir des
flots. Elles folâtraient autour de la frégate, se suspendaient aux saillies, aux
ceintures, aux échelons, bouchaient l'étroite ouverture d'un hublot en y
Société des
Études
Océaniennes
25
passant leur tête rieuse et, s'aventurant sur la préceinte, se montraient à
l'entrée des sabords, enlaçant de leurs bras souples le cou noir des
canons.
" 19
Rappelons le passage de Bougainville, racontant lui aussi
l'arrivée de La Boudeuse dans le Voyage autour du monde : "il entra à
bord une jeune fille qui vint sur le gaillard d'arrière se placer à une des
écoutilles qui sont au-dessus du cabestan ; cette écoutille était ouverte pour
donner de l'air à ceux qui viraient. La jeune fille laissa tomber
négligemment un pagne qui la couvrait et parut aux yeux de tous, telle
Vénus se fit voir au berger phrygien. Elle en avait la forme céleste." 20
que
Dans les deux cas, une scène tirée de la mythologie : les
océanides, Vénus. Chez Radiguet, les ébats rieurs des filles de la mer
pourraient précéder l'apparition de la déesse surgie des flots : Vénus,
qui monte à bord du navire et se laisse admirer. Une sensualité
nettement soulignée dans les deux passages : les océanides "enlaçant de
leurs bras souples le cou des canons", la jeune fille laissant "tomber
négligemment un pagne qui la couvrait".
Une finalité différente cependant : l'apparition de cette jeune
fille, seule et dévêtue, objet de regard, est une pause dans le récit de
Bougainville, un moment de silence, alors que Radiguet multiplie les
gestes, les rires et les cris pour suggérer l'animation la plus vive : les
femmes "folâtraient", espiègles, autour de la frégate et sont partout à
la fois
:
"aux saillies, aux ceintures, aux échelons", aux hublots, "sur la
préceinte". Radiguet a retenu l'aspect enfantin et rieur de la race
polynésienne et son texte décrit une gaieté un peu folle tandis que
Bougainville donne à voir la beauté céleste de la race tahitienne et
s'est souvenu du saisissement de Paris, l'heureux mortel auquel fut
accordé le privilège de contempler l'image de la beauté absolue :
Vénus.
Paradoxalement, Bougainville est plus vrai que Radiguet : il
traduit son propre
évidente pour lui, mais
émerveillement par une référence culturelle
aussi pour ses contemporains qui ne manqueront
pas d'associer désormais la femme tahitienne à la déesse de la
beauté, gravant ainsi une image appartenant au domaine de
l'esthétique et du désir. Chez Radiguet, on sent l'effort de
construction, même si le passage est plutôt réussi : la mythologie est
pour lui une image lointaine qu'il exploite pour ordonner sa
description, elle ne parle plus à son coeur, elle est mise à distance et
n'est plus qu'un agréable jeu littéraire.
a
nous,
de
Ainsi, le texte de Bougainville qui nous paraît artificiel, à
lecteurs du XX eme siècle, l'est en fait beaucoup moins que celui
Radiguet qui pourtant
a
l'air plus naturel
Société des
Études
: pour
Océaniennes
Bougainville, la
26
mythologie exprime directement ce qu'il ressent, pour Radiguet, elle
est une référence et, lorsqu'il l'utilise, il renvoie consciemment ou non
à Bougainville, à l'imagerie mythologique associée au mythe de
Tahiti. Parlant du vêtement des femmes, Radiguet écrit : "elles se
drapent avec une élégance dont les nymphes seules peuvent avoir révélé le
secret" et, lorsqu'il décrit le paysage, c'est un tableau "du même genre
des illustrations composées pour le premier chant de Télémaque." 21.
Autre
celle d'une nature bienveillante
du paradis terrestre.
Dupetit-Thouars, en vue des côtes de l'île, l'appelle "la reine de
l'Océanie" et retrouve, pour décrire le littoral, les termes de
Bougainville : "Le même jour, vers 2 heures de l'après-midi, la reine de
l'Océanie se montra devant nous.(...) Nous prolongeâmes alors la côte
(...) dont nous suivions avec ravissement les bords enchantés ; ils offraient
à l'oeil les tableaux les plus pittoresques. Çàet là nous apercevions des
groupes de cases au milieu des cocotiers, des orangers et des bananiers, qui
bordent tout le rivage et annoncent l'étonnante fertilité de cette brillante
oasis polynésienne." 22
Bougainville, quant à lui, parle dans le Voyage autour du
monde de "riant spectacle" et de la dispersion de l'habitat dans la
nature : "c'est là qu'au milieu des bananiers, des cocotiers et d'autres
arbres chargés de fruits, nous apercevions les maisons des insulaires" 23.
et
image forte de Tahiti
:
fertile, à laquelle est associée l'évocation
C'est bien ce désordre charmant qui frappe Dupetit-Thouars et
qui compose ce qu'il appelle "les tableaux les plus pittoresques". Il
ajoute une notion nouvelle, peu développée par Bougainville, celle
d'enchantement, de "ravissement", sentiment éprouvé par l'ensemble
des voyageurs devant le paysage de Tahiti. Il retient surtout la
fertilité de la nature qui l'étonné et transforme l'île en une "brillante
oasis polynésienne". Cette idée d'une nature généreuse, souvent
exprimée dans le Voyage autour du monde : "un peuple nombreux y
jouit des trésors que la nature verse à pleines mains sur lui", "de riches
paysages couverts des plus riches productions de la nature " 24, se
retrouve dans les récits de
nos
auteurs
:
Rienzi : "On a bien de la peine à ne pas attribuer aux rochers le don de
produire et d'entretenir cette charmante verdure (...). A la vue de ces
richesses du sol, le spectateur est convaincu qu'il n'y a pas sur le globe de
témoin d'une végétation plus vigoureuse et plus belle. La nature y a
répandu l'eau avec la même profusion : on trouve des ruisseaux dans
chaque vallée. " 25
-
Delessert
-
-
D'Urville
d'arbres à
"des milliers d'arbres
produisent des fruits excellents." 26
magnifique (...) couvert de bois de cocotiers,
pain et de spondias. " 27
:
:
"Le sol était
Société des
Études
Océaniennes
27
Non seulement la nature est
généreuse, mais elle dispense,
remarqué Bougainville, une "fraîcheur délicieuse" ;
"Dans ces vallées que le soleil éclaire à peine quatre heures par jour, la
fraîcheur est constante et délicieuse", écrit d'Urville 28, tandis que
Dupetit-Thouars note que les "soirées sont délicieuses à O'Taïti" 29.
Dans cette nature de rêve, le Tahitien vit en parfaite harmonie et ce
que Bougainville avait suggéré est nettement explicité.
Radiguet reprend et développe le tableau esquissé dans le
Voyage autour du monde : "nous trouvions des troupes d'hommes et de
femmes assises à l'ombre des vergers" 30- "L'ombre et la lumière
s'éparpillent sur un groupe de femmes assises, demi-couchées ou
accroupies, sur un monticule qui les dispose en amphithéâtre, les unes les
coudes dans les genoux et le menton dans la main ; les autres, la tête
renversée et les yeux au ciel, rêveuses, livrées à l'extase (...) . Ce groupe se.
présente à l'oeil avec une espèce d'ordonnance étudiée. Les attitudes ont
une harmonie, une grâce, une élégance à ravir l'artiste du goût le plus
raffiné (...) .Toutes ont des couronnes de feuillages ou de fleurs, toutes ont
d'épais colliers d'herbes odoriférantes ou de baies écarlates ; toutes enfin
portent au lobe de l'oreille un petit tronc de cône, blanc comme l'albâtre,
ou
une fleur rouge comme le pavot.
Les chevelures noires, brillantes,
ruissellent à flots sur les épaules, ou se relèvent en épais chignons." 31
.Radiguet peint ici un groupe de femmes marquisiennes et ce qui le
frappe, c'est l'harmonie, consciente ou non, recherchée avec la nature :
les ornements aux vives couleurs sont ceux-là même du paysage et les
comme
l'avait
attitudes s'accordent
avec
la nonchalance de la nature,
comme
si le
Polynésien était doué instinctivement d'une âme d'artiste propre à
satisfaire l'Occidental le plus exigeant.
Il y a là une notion nouvelle : celle d'un esthétisme instinctif,
que Bougainville avait certes vu quand il parlait des ornements des
Tahitiens, qui devient la qualité naturelle de l'insulaire. Cette idée
est également exprimée par Chamisso, mais il est plus proche des
philosophes du XVIII ème siècle : "Nulle part le ciel n'est plus beau, la
température plus égale que sur les îles basses. La mer et le vent
s'équilibrent et les brèves ondées qui passent ne manquent pas de
maintenir la forêt dans sa luxuriante splendeur de verdure. On plonge
dans le flot bleu sombre avec la joie de s'y rafraîchir lorsqu'on a été bien
brûlé par un soleil vertical, et Ton se replonge sous celui-ci avec le plaisir
de s'y réchauffer lorsqu'après une nuit passée en plein air on commence à
sentir la fraîcheur du matin.(...) partout, de belles liliacées en fleurs et
parfumées, plantées autour de leurs habitations témoignent de leur
diligence et de leur sens de la beauté. "32
C'est leur sens de la décoration qui manifeste le don artistique
des insulaires. Outre l'emploi du superlatif qui suggère l'aspect
paradisiaque de ces "îles basses", est développé le mode de vie
naturel que l'Occidental peut savourer sous les Tropiques : baignade et
Société des
Études
Océaniennes
28
bain de soleil, brûlure du soleil et fraîcheur de l'eau,
saines voluptés que l'indigène comme le visiteur goûtent
telles sont les
également.
à la
perception du Tahitien, la beauté physique qui avait déjà fasciné les
Outre cet accord
voyageurs
avec
la nature,
français du XVIII eme siècle
on
:
"Tous les Taïtiens, sans presqu'aucune
leurs membres ont des proportions gracieuses
Lesson
-
robustes
:
en
apparence.
retrouve, quant
exception, sont bien faits,
mais , en même temps,
" 33
"Je voyais enfin cette population qui avait inspiré de si
riantes descriptions aux premiers navigateurs (...) .C'était bien en effet ,les
plus belles formes de l'espèce humaine qui s'offraient à mes regards. Les
femmes, aux traits fins et réguliers, au maintien noble et touchant, avaient
cette teinte brune des climats chauds, mais rien ne rappelait chez elles
Delessert
-
:
l'altération des
sauvages.
formes qu'on remarque si généralement chez les peuplades
" 34
Huguenin : "La beauté de la race tahitienne (...) est plutôt due à la
pondération, à la plénitude et à l'équilibre des formes, à la souplesse et à la
grâce de l'attitude, du geste, des attaches et de toutes les lignes du corps
féminin. Chez l'homme c'est la noblesse et la fierté quelque peu
dédaigneuse qui domine." 35
-
Harmonie des proportions et plénitude des formes sont les
caractéristiques de la beauté tahitienne. Huguenin voit une noblesse
dans les attitudes, ce que Chamisso avait déjà exprimé à propos de la
race
polynésienne en 1815 : "j'ai trouvé là encore la noblesse comme je
m'imagine qu'elle a autrefois existé chez nous"36, écrit-il pour opposer
la splendeur d'une race à la gaucherie des Européens. A cette beauté
du corps, correspond l'expression de la physionomie douce et gaie,
"généralement empreinte d'une grande douceur et d'une apparence de
bonhomie " 37, écrit Lesson.
C'est donc parce qu'il vit en harmonie avec la nature que le
Tahitien est beau et heureux et nous retrouvons là les propos de
Bougainville : "partout nous voyions régner l'hospitalité, le repos, une
joie douce et toutes les apparences du bonheur." 38.
Comme Bougainville encore, les voyageurs et témoins
admirent l'art avec lequel le Tahitien sait s'orner en puisant dans
l'immense richesse de la nature : le subrécargue John Tornbull décrit
les "bonnets de feuilles de coco, verts, jaunes ou paille" 39 que portent les
jeunes filles qui entourent son navire. Radiguet s'émerveille de
l'adresse des Marquisiennes à se parer: "Les chevelures, nouées à la base
sur le
sinciput, s'épanouissaient en gerbes au-dessus de la ligature (...).
Les manteaux, teints par places en jaune indien et jaspés çà et là de taches
Société des
Études
Océaniennes
29
carminées,
drapent.(...) Quelques-unes tressent des guirlandes d'une
se
herbe aux violentes senteurs ; d'autres enfilent, pour en faire des colliers,
des fruits semblables à des prunes vertes qui alternent avec des baies
écarlates." 40
Ainsi orné des
avec
ses
productions de la nature, le Polynésien se
sans pareille et fait honte à l'Européen, engoncé
vêtements. Cette opposition, largement développée
une
grâce
meut
dans
par
ses compagnons ainsi que par les auteurs qui
XVIII ème siècle, est reprise par Chamisso :
parlèrent
de Tahiti au
" en nous
engonçant dans nos hideux vêtements, nous renonçons à l'expression du
corps et à celle de nos bras" 41. Plus loin dans son récit, parlant d'une
danse organisée pour leurs visiteurs par les habitants des îles
Sandwich, il n'hésite pas à qualifier l'Européen de sauvage : "quels
barbares nous sommes ! Nous appelons "sauvages" ces hommes doués du
Bougainville et
de la beauté et nous laissons
mime en deuil de ces salles que
sens
le valet chasser le poète mortifié et le
nous
glorifions d'avoir consacrées à
l'art" 42.
Notons toutefois que c'est sur le sujet de l'art que porte
l'opposition entre Européen et "sauvage" et non plus sur une pureté de
moeurs naturelles opposée à la corruption des institutions européennes,
débat lié au primitivisme au XVIII eme siècle. Parlant de la langue
de ces peuples, Chamisso se fait 1 echo de Commerson : "le Polynésien,
mobile et bavard, parle avec la bouche, avec le visage et avec les bras (...)
un
signe chez lui tient lieu de discours" 43. De nombreux témoins ont noté
cette propension à la parole, que Bougainville avait pu voir à
l'oeuvre lorsque le conseil des anciens avait déterminé la durée de son
séjour, qui semble correspondre à l'aisance des gestes.
Lesson parle "d'intrépides causeurs" 44 et de discussions qu'il
jusque tard dans la nuit avec Pomare Vahine. Moerenhout
explique que : "l'éloquence était aussi honorée chez ces insulaires que chez
aucun peuple de la terre. Ils avaient des maîtres de rhétorique et des écoles
où l'on enseignait l'art de parler"45. Fasciné par le discours du chef
Tati, il n'hésite pas à le comparer à Talma : "quelle mélodie que sa
voix ! Quel geste et quelle tenue ! C'était Talma sur scène ... ; mais Talma
eut
dans
un
de
ces
rôles d'éclat" 46.
l'écart avec le mythe créé au XVIII ème
la parole et le geste qui l'accompagnait traduisaient
une
transparence opposée à l'opacité européenne, ici le discours
s'exerce dans le cadre d'une représentation. Le Tahitien semble être
naturellement un artiste : ses danses, sa parure, sa démarche noble et
gracieuse, ses discours éloquents et ses gestes témoignent d'un sens inné
de l'esthétique. Dans les districts éloignés de Papeete ou dans les îles,
Là encore, on mesure
siècle
:
alors que
'
Société des Etudes Océaniennes
30
les Tahitiens ont conservé la
comme au
pureté de leurs moeurs et vivent encore
temps où les voyageurs
On retrouve des scènes du
du XVIII eme siècle les ont observés.
: "à mesure que nos marches nous
retrouvions chez les indigènes des moeurs
Garnier
-
nous
Bougainville :
éloignaient du chef-lieu,
plus originales", dans la
Voyage autour du monde de
presqu'île, "les habitants ont conservé leurs moeurs
anciennes" (...) "ces
nombreux filets et
repaire de fauves.
gens ne vivaient que de poissons et de coquillages ; leurs
leurs flèches acérées couvraient les parois de ce véritable
Il me semblait être reporté en arrière de plusieurs milliers
j'avais devant moi l'homme primitif."
d'années
:
47
Rienzi : "Dans la délicieuse vallée de Matavai, tout annonce
l'abondance et le bonheur : on ne passe jamais devant une hutte, où l'on
voit des troupeaux de cochons errer autour de chaque cabane, sans que
habitants n'invitent le voyageur à y entrer et à se rafraîchir ; on ne peut se
-
les
défendre de leur invitation et ne pas être touché de leur
civilité naïve. 48
rappelle celui de Bougainville : "chaque
jour nos gens se promenaient dans le pays sans armes, seuls ou par petites
bandes. On les invitait à entrer dans les maisons, on leur y donnait à
manger" 49, Garnier parle de "l'homme primitif", suggérant la
caverne préhistorique, —"repaire de fauves"
— plongeant ainsi dans
le passé des premiers âges.
Si le texte de Rienzi
Le mode de vie décrit par
Bougainville appartient alors au
passé perdu des Tahitiens et c'est, en effet ,ce que constatent les
témoins. Si Tornbull, en 1805, voit les démonstrations d'amitié des
insulaires qui arrivent en foule autour de son navire, Duperrey , qui
mouille à la baie de Matavai le dimanche 2 mai 1823, ne cache pas
son
désappointement ; "connaissant à peine les changements survenus à
Tahiti (...) nous étions bien étonnés en arrivant au mouillage de n'avoir
pas encore aperçu une
seule pirogue" 50. C'est que le dimanche est à
présent le jour du sabbat, consacré au seigneur, et qu'il n'est pas
question de déroger à la nouvelle règle établie par les missionnaires.
Le lundi seulement, les compagnons de Duperrey voient les pirogues
entourer le navire, mais sans démonstration licencieuse d'aucune sorte.
De
Blois, l'un des compagnons
de Duperrey, peut alors écrire
"Nous arrivions à Tahiti, enthousiasmés d'avance de
ce que
nous nous attendions à y trouver, mais hélas
! notre bonheur
imaginaire ne fut pas de longue durée et ,lorsque nous eûmes passé
quelques heures sur cette île, nous désirions presque la quitter pour ne pas
connaître plus amplement l'état de bonheur où les fanatiques échappés de
l'Europe ont réduit ces vrais enfants de la nature."51. Texte
particulièrement révélateur et que Voltaire n'eût pas renié, — il faut
dans
son
Journal
:
Société des
Études Océaniennes
31
"fanatique" employé par de
qui traduit à la fois le prestige du mythe de Tahiti,
l'ampleur de la déception et la rage de constater à quel point l'Europe
a corrompu "ces vrais enfants de la nature".
reconnaître le missionnaire dans le terme
Blois,
—
Déconvenue également pour ceux qui s'imaginent bénéficier du
culte de Vénus dont parlait Bougainville. Le naturaliste Lesson se fait
leur porte-parole : "les premiers jours, un cruel désappointement assiégea
que tourmentaient des images sensuelles. Les récits de Bougainville
avaient fait naître tant de douces espérances qu'il était cruel de les voir se
ceux
détruire" 52.
Ce même Bougainville, dont les descriptions avaient
enthousiasmé le public en 1771, est à présent le "tourmenteur" des
voyageurs imprégnés de ses tableaux paradisiaques. D'ailleurs, si
certains ont pu louer la beauté des Tahitiens, d'autres trouvent les
insulaires franchement laids, en particulier les femmes :
prêtresses de Vénus" sont "très laides de figure", et le
jugement a été "déformé par les tableaux gracieux et fantastiques qu'on a
faits de leurs traits"(...) "dans toute l'île, à peine trouverait-on une
trentaine de figures passables", sans parler de "leur flaccidité générale" et
de leur "embonpoint considérable" 53.
-
Lesson
:
"ces
Dupetit-Thouars : "en général, tous ces Indiens étaient laids, couverts de
scrofuleuses et d'ulcères, d'un aspect repoussant" 54 .
Comme on le voit, le spectacle qu'offrent les Tahitiennes est
peu ragoûtant et a de quoi décourager les plus enflammés ! Par
comparaison, les images rapportées par Bougainville apparaissent
comme une tromperie — "tableaux fantastiques", écrit Lesson.
C'est Moerenhout qui explique le mieux le processus de désen¬
chantement qui attend le voyageur : "Quand Wallis, Bougainville,
Cook et les autres navigateurs, qui ont visité les îles de l'Océan dont je
m'occupe, publièrent leurs ouvrages, l'étonnement fut extrême ; car,
décrivant ce qu'ils avaient vu des peuples de ces îles, sans connaître les
raisons de leur conduite et sans pouvoir se l'expliquer, il se trouvait, dans
la peinture de ce mélange d'élégance et de rudesse, de douceur et de
cruauté, quelque chose d'aussi inexplicable, pour les détails, que l'ensemble
en était intéressant. Ces relations offrent, en effet, des scènes dont le charme
et la nouveauté surpassaient tout ce qu'on avait vu jusqu'alors, dans les
descriptions des découvertes, soit du continent de l'Amérique, soit de tout
autre pays ou de tout autre peuple du monde. Néanmoins, ces voyageurs
ne faisaient
guère que passer au milieu de ces populations diverses, et les
jugeant, trop souvent, d'après la réception qu'ils en avaient reçue, il est
naturel de supposer qu'ils en ont également exagéré les vices et les
-
tumeurs
vertus. "
55
Société des
Études
Océaniennes
32
L'idée essentielle est le peu de temps passé par les voyageurs
ils ont pris des instantanés de la vie tahitienne, un peu comme une
série de clichés photographiques, d'où une collection de tableaux, ceux
:
que
retiennent précisément les voyageurs qui arrivent ensuite à Tahiti.
pourrait penser que ceux qui découvrent Tahiti au début du
davantage imprégnés de la "fable de Tahiti" que ceux qui
y passent à la fin du siècle : il n'en est rien . Moerenhout écrit en
1835:, simplement, il y a des individus plus lucides que d'autres parce
qu'ils ont une pratique plus grande du Tahitien, que leur expérience
s'inscrit dans la durée. Ainsi, les voyageurs de passage vont-ils
accuser très vivement la civilisation, tandis que les missionnaires,
administrateurs et colons vont réfléchir davantage et proposer des
solutions. Le procès de la civilisation européenne peut alors
On
siècle sont
commencer.
Sonia FAESSEL
NOTES
1.
Bougainville : "Journal de bord", in Bougainville et ses
du monde, Journaux de navigation, Etienne Taillemitc, éd. de
l'Imprimerie Nationale, 2 vols., Paris, 1977, p. 328.
Jean-François Baré : Le Malentendu Pacifique, des premières rencontres entres
Polynésiens et Anglais et de ce qui s'ensuivit avec les Français jusqu'à nos jours,
Louis-Antoine de
compagnons autour
2.
Hachette, Paris, 1985.
: Polynesian Researches during a residence of nearly 8 years in the
Society and Sandwich Islands, Fisher & Jackson, 2 vol. , 1829, éd. française : "A
3. William Ellis
de la Polynésie d'autrefois",
Océanistes n° 25, Musée de l'Homme, Paris, 2
la Recherche
Publications de la Société des
vol., 1972.
4. Dumont d'Urville, Jules-Sébasticn-César : Voyage pittoresque autour du monde,
Résumé général des voyages et découvertes publié sous la Dr. de M. Dumont
d'Urville, chez L. Tcnré, libraire-éditeur, Paris, 2 vol., 1834 ; éd. moderne :
Voyage pittoresque, éd. Haere Po No Tahiti, Papeete, 1988, 1 vol., extraits.
5. Moerenhout, Jacques-Antoine : Voyages aux îles du- Grand Océan, contenant des
documents nouveaux sur la géographie physique et politique, la littérature, la
religion, les moeurs, les usages et les coutumes de leurs habitants, et des
considérations générales sur leur commerce, leur histoire et leur gouvernement,
depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, par J.-A. Moerenhout, consul
général des États-Unis aux îles Océaniennes, 2 vol., reproduction de l'édition
princeps de 1837 par la librairie d'Amérique et d'Orient, Adrien Maisonneuve,
Paris, 1959.
6.
7.
Segalen, Victor : Les Immémoriaux, Mercure de France, Paris, 1907, sous le
pseudonyme de Max-Anély ; éd. moderne : Pion, coll. "Terre Humaine", dirigée
par Jean Malaurie, Paris, 1956 et 1982.
Adams, Henry : "Mémoires d'Ariilaimai", Publications de la Société des
Océanistes, n° 12, Musée de l'Homme, Paris, 1964.
font le point sur l'époque coloniale :
Toullelan, Pierre-Yves : Tahiti colonial (1860-1914), Publications de la
Sorbonne, 1987.
8. Deux ouvrages
Société des
Études Océaniennes
33
Bachimon, Philippe : Tahiti : entre mythes et réalités, CTHS, Paris, 1990.
9. Lesson, P. : Voyage autour du monde entrepris par ordre du gouvernement sur la
corvette La Coquille
(...) par P. Lesson, Membre de l'Institut, Paris, P. Pourrat
Frères éd., 2
10.
vol., 1839, vol. I, p. 238.
: "Journal de bord", in Bougainville et ses compagnons autour du
monde, Journaux de navigation, Etienne Taillemite, éd. de l'Imprimerie
Nationale, vol. I, p. 327 :"Pour bien décrire ce que nous avons vu, il faudrait la
Bougainville
plume d'un Fénelon, pour le peindre, le pinceau charmant de l'Albane ou de
Boucher".
Voyage autour du monde, 1815-181 8, Corli éd., coll.
Romantique", Paris, 1991, éd. moderne du texte paru en 1836, trad, de
11. Chamisso, Adalbert von :
"Domaine
Henri-Alexis Baatsch.
318.
13. Ibidem, p. 170.
14. C'est en 1812 que Chamisso écrit le comte de Peter Schlemihl, pour l'amusement
des enfants de son ami Hitzig. 11 confie le manuscrit à ses amis Hitzig et La MolteFouqué, et c'est Fouqué qui le fait publier, alors que Chamisso lui-même n'en avait
nulle intention, à Nuremberg, en 1814. Éd.. française : L'Étonnante Histoire de
Peter Schlelmihl, coll. "Romantique", n° 20, Corli éd., Paris, 1989.
15. Garnier, Jules : Voyage autour du monde, Océanie, Les Iles des Pins, Loyalty et
Tahiti, Paris, Henri Pion éd., 1871, p. 328.
16. Adams, Henry : Lettres des mers du Sud, Boston & New-York, 1930, lettre n° 38, à
Élisabeth Cameron, p. 241.
17. Rienzi, M. G. L. D. de: L'Univers, Histoire et description de tous les peuples,
Océanie, par M. G. L. D. de Rienzi, Océanie ou 5è partie de Monde, Revue
géographique et ethnographique de la Malaisie, de la Micronésie, de la Polynésie
et de la Mélanésie ; offrant les résultats des voyages et des découvertes de l'auteur
et de ses devanciers, ainsi que ses nouvelles classifications et divisions de ces
contrées : par M G L Domeny de Rienzy, Paris, Firmin Didot Frères, Éditeurs, 3
vol.., vol II, p. 392.
18. Huguenin, Paul : Raiatea la sacrée, Ncuchûtcl, 1902, p. 78.
19. Radiguct, Maximilien-Rcné : Les Derniers Sauvages, première éd.: Hachette,
Paris, 1860, rééd. Calmann-Lévy, 1882, p. 80.
20. Bougainville : Voyage autour du monde, éd. Folio, p. 226.
21. Radiguct : Les Derniers Sauvages, p. 22.
22. Dupetit-Thouars, Abel-Nicolas Bergasse : Voyage autour du monde sur la frégate
La Vénus, pendant les années 1836-39, publié par ordre du Roi, par Abel DupetitThouars, capitaine de vaisseau, Commandeur de la Légion d'Honneur, Paris, Gide
éd., 4 vol., 1841, vol. II, p. 378-79, 27 août, 1838.
23. Bougainville : Voyage autour du monde, éd. Folio, p. 223.
.24. Ibidem, p. 235, p. 249.
25. Rienzi : Histoire et description de tous les peuples, Océanie (...), p. 304.
26. Delessert, Eugène : Voyages dans les deux Océans Atlantique et Pacifique, Paris,
A. Frank libraire, 1848, p. 214.
27. Dumont d'Urvillc : Voyage pittoresque, éd. Hacrc Po No Tahiti, Papeete, 1988, p.
l'allemand par
12. Ibidem, p.
530-531.
28. Ibid.
29.
Dupetit-Thouars : Voyage autour du monde sur la frégate La Vénus (...), Paris,
1841, vol. II, p. 431.
Société des
Études
Océaniennes
34
30.
31.
32.
33.
34.
35.
36.
37.
38.
39.
Bougainville : Voyage autour du monde, éd. Folio, p. 235.
Radiguet : Les Derniers Sauvages, p. 21.
Chamisso : Voyage autour du monde, Corti, Paris, 1990, p. 203-204.
Lesson : Voyage autour du monde entrepris (...), Paris, 1839, vol. I, p. 360.
Delessert : Voyages dans les deux Océans Atlantique et Pacifique, Paris, 1848,
p. 266.
Hugucnin : Aux Iles enchanteresses, Paris, 1912, p. 116-117.
Chamisso : Voyage autour du monde, Corti, Paris, 1990, p. 267.
Lesson : Voyage autour du monde entrepris (...), Paris, 1839, vol. I, p. 360.
Bougainville : Voyage autour du monde, éd. Folio, p. 235-236.
Tornbull, John : Voyage fait autour du monde en 1800-1801-1802, 1803 et 1804
par John Tornbull, dans lequel l'auteur a visité des îles principales de l'Océan
Pacifique et les Établissements des Anglais dans la Nouvelle-Galle méridionale ;
trad, de l'anglais par A. J. A. Lallemant, l'un des secrétaires de la Marine, à Paris,
Détcrville, Lenormanl, Petit, 1807, I vol. p. 84.
Radiguet : Les Derniers Sauvages, p. 20, p. 22.
Chamisso : Voyage autour du monde, Corti, Paris, 1990, p. 273.
Ibidem, p. 186.
Ibidem, p. 273.
Lesson : Voyage autour du monde entrepris (...), Paris, 1839, vol I, p. 308.
Moerenhout, A. : Voyages aux îles du Grand Océan (...), Paris, 1959, vol. I, p.
,
40.
41.
42.
43.
44.
45.
411.
46. Ibidem, p.
Al. Garnier
360
et
:
244. Discours du chef Tati contre la secte rebelle des mamaia.
Voyage autour du monde, Océanie (...), Pion, Paris, 1871, p. 359 et p.
366.
description de tous les peuples, Océanie (...), Paris, 1836,
298-299.
Bougainville : Voyage autour du monde, éd. Folio, p. 235.
cité par John Dunmore in Les Explorateurs français dans le Pacifique, XIXeme
siècle, les Éd. du Pacifique, 1983, p. 121.
Ibidem, Journal de De Blois, p. 121.
Lesson : Voyage autour du monde entrepris (...), Paris, 1839, vol. I, p. 250.
Ibidem, p. 263 à 268.
Dupctil-Thouars : Voyage autour du monde sur la frégate La Vénus (...), Paris, Gide
éd., 1841, vol. II, p. 287.
Moerenhout, A. : Voyages aux îles du Grand Océan (...), Paris, 1959, vol. II, p.
48. Rienzi
:
Histoire et
vol. Il, p.
49.
50.
51.
52.
53.
54.
55.
52,53.
Récits de voyage
Bougainville, Louis-Antoine, chevalier de
coll.
cités
:
Voyage autour du monde,
"Folio", Gallimard, Paris, 1982.
:
Éd. Gallimard,
Chamisso, Adalbert von : Voyage autour du monde, Corti éd., coll. "Domaine
Romantique", Paris, 1990.
Delessert, Eugène : Voyages dans les deux Océans Atlantique et Pacifique, Paris, A.
Frank libraire, 1848.
Société des
Études
Océaniennes
35
Dupetit-Thouars, Abel-Nicolas Bergasse : Voyage autour du monde
Vénus, (...), Gide éd., Paris, 1841, 4 vol.
Dumont d'Urvillc, Jules-Sébastien-César
:
Voyage pittoresque,
sur
Éd.
la frégate La
Haerc Po No
Tahiti, Papeete, 1988, extraits.
Gamier, Jules
:
Voyage autour du monde, Océanic, Les Iles des Pins, Loyalty et Tahiti,
Pion éd., Paris, 1871.
Lesson, P.
:
Voyage autour du monde entrepris (...), P. Pourrat Frères éd., Paris,
1839, 2 vol.
Mocrcnhout, Jacques-Antoine : Voyages aux îles du Grand Océan (...), Paris, 1959, 2
vol.
Rienzi, Domcny de : L'Univers, Histoire et description de tous les peuples, Océanie
(...), Firmin Didot éd., Paris, 1836., 3 vol.
Tornbull, John : Voyage fait autour du monde en 1801-1802, 1803 et 1804 (...),
Paris, 1807.
Société des
Études
Océaniennes
36
La restauration
de
zones
dégradées
dans les récifs coralliens
L'écosystème "récif corallien" peut être défini de la manière
:
une
communauté d'organismes incluant les coraux
hermatypiques (contenant des algues symbiotiques dans leurs tissus) et
des algues calcaires qui fixent de grandes quantités de carbonate de
calcium (calcaire) qui se cimentent et s'ajoutent au substrat pour
former un récif (DAHL & SALVAT, 1988). Une telle définition désigne,
sans équivoque,
les coraux hermatypiques comme les principaux
suivante
artisans dans la construction des récifs.
Ces récifs bâtis, en
Polynésie française, sur les flancs des îles
volcaniques sont structurés : les trois secteurs principaux sont le récif
frangeant s'étirant le long de la côte, le lagon, et le récif barrière
couronnant l'île au large. Chacun de ces trois secteurs présentent des
qualités écologiques et économiques qui leur sont propres. Ils abritent
de
nombreuses
communautés
:
Scléractiniaires
(Coraux
hermatypiques), Algues, Poissons, Mollusques, Echinodermes,
citer que les principaux en taille et en importance.
pour ne
Récifs frangeants et récifs barrières subissent des perturbations
qu'il est difficile de classer. Les origines de ces perturbations
permettent de les répertorier selon deux types : les perturbations
d'origine naturelle et celles d'origine humaine (ou perturbations
anthropiques). Ces deux origines ont des conséquences qui rejaillissent
sur les deux secteurs
frangeant et barrière du récif. Ces perturbations,
localisées ou non, naturelles ou pas, aboutissent à plus ou moins long
terme à une dégradation du récif.
Le
récif
a constitué le secteur cible de notre
la restauration d'un zone lagonaire dégradée. Elle a
constitué essentiellement en une expérience de transplantation de ces
organismes constructeurs de récifs, les coraux, dans une zone d'où ils
avaient disparus.
expérimentation
frangeant
:
Société des
Études
Océaniennes
37
POURQUOI UN PROJET DE RESTAURATION BIOLOGIQUE
LES PARTICULARITÉS DU RÉCIF FRANGEANT DANS
L'ÉCOSYSTÈME LAGONAIRE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE.
:
Récif barrière et récif
frangeant présentent des richesses
spécifiques similaires tant pour les Algues (PAYRI, 1984) que pour les
Mollusques (RICHARD, 1982). Les Poissons offrent l'indice de
diversité le plus faible pour les populations adultes (GALZIN, 1977).
Cependant , le récif frangeant abrite des espèces animales et
végétales qui lui sont propres. Ainsi, il existe des espèces
"restreintes"
aux
récifs
frangeants
:
chez les Algues (PAYRI, 1982): Caulerpa sertularoid.es
Dyctyota
pardalis Enteromorpha clathrata Halimeda opuntia H. simulans
Padina tenuis et Valoniopsis sp
chez les Mollusques (RICHARD, 1982) : 44 espèces sont
restreintes au récif frangeant.
-
,
,
,
,
,
.
-
chez les Echinodermes (SALVAT & al., 1972) : l'holothurie
Halodeinia atra
est la plus représentative du récif
frangeant
-
ainsi que
mathaei
-
l'Astéride Linckia multifora et l'Echinide Echinometra
.
chez les Coraux
(CHEVALIER & KUHLMANN, 1983)
Pavona cactus Porites (Synaraea ) rus
Pocillopora damicornis
P or it es
(Porites ) lutea
,
,
:
,
.
Outre ces particularités descriptives, GALZIN (1990) a mis en
évidence le rôle du récif frangeant au sein de la communauté récifale.
menée sur la faune ichtyologique dans le lagon de
Cette étude
Moorea a montré que 38 % des espèces de Poissons au moins transitent
obligatoirement
au stade juvénile par le récif
constitueraient donc une zone de nurserie et de
d'un tiers des espèces de Poissons.
frangeant. Ces secteurs
grossissement pour plus
Les dégradations subies par le récif frangeant ont donc des
conséquences écologiques par la perte de ces espèces et économiques par
la diminution des populations adultes de Poissons lagonaires.
Dans le cas particulier de l'île de Moorea, sur 61 km de récif
frangeant, 23 km , soit 38 %, sont qualifiés de dégradés. A l'origine de
ces dégradations : les extractions de matériaux coralliens.
De 1962 à 1980, on décompte 19 sites d'extractions pour la
seule île de Moorea. Ces extractions ont un impact direct à savoir la
disparition de la faune et de la flore des surfaces exploitées (les 19
sites de Moorea totalisant
Mais l'extraction
une
surface de 240 000
ni2).
profondeur provoque la mise en suspension
dans la colonne d'eau de particules fines. Ces particules
légères sont
maintenues en suspension au moindre mouvement de l'eau. Il en résulte
en
Société des
Études
Océaniennes
38
un
"nuage" de couleur blanchâtre et opaque. Les organismes dépendant
(Algues et animaux contenant des algues dans leur tissus
de la lumière
les Coraux, les bénitiers ou les
anémones) sont alors touchés.
particules plus grosses mises également en suspension se
déposent après un parcours plus ou moins long dans le lagon. Les
animaux et végétaux recouverts meurent alors par étouffement. Cette
dégradation "indirecte" est beaucoup plus étendue en surface et
dépend fortement des conditions environnementales lors de
l'exploitation du site. L'expérience que nous avons tenté dans le cadre
d'une restauration biologique a pour but, si ce n'est de recréer un récif
frangeant, tout au moins de "réensemencer" un site frangeant dépourvu
de ses espèces et n'assurant plus sa fonction de nurserie
ichtyologique.
comme
Des
LE
PROJET DE RESTAURATION BIOLOGIQUE
Un site situé à Tiahura
sur
(PK 24 à 25 ) dénommé pointe Tepee
la côte nord ouest de Moorea
a
été
particulièrement dégradé (fig
1).
5 km
Fig 1
:
Position des deux
zones
d'extractions encadrant la pointe Tepee au
nord ouest de l'île de Moorea.
Ce site a été encadré par une zone d'extraction
par deux zones de 1968 à 1974 puis enfin une seule
L'une de ces zones a été
réexploitée
de 1962 à 1968
de 1974 à 1978.
plus tard de 1985 à 1986 pour la
puis
construction d'un
hôtel, l'actuel Beachcomber Parkroyal.
Dans le cadre de la rénovation de l'ensemble du site
le Centre d'Etudes
a
proposé
un
hôtelier,
Techniques de l'Equipement (CETE) Méditerrannée
projet de restauration physique et biologique de la zone
Société des
Études
Océaniennes
39
récifale préalablement dégradée (PORCHER & BOUILLOUD, 1984 ;
PORCHER & GABRIE, 1989 ; PORCHER & PELISSIER, 1990, 1992a,
1992b). La méthodologie a été acceptée par le maître d'ouvrage. De
nombreux organismes se sont engagés, sous l'égide de la Délégation à
l'Environnement de Polynésie française : le CETE Méditerrannée, le
laboratoire d'écologie marine, Université Française du Pacifique, le
laboratoire de biologie marine et malacologie, Ecole Pratique des
Hautes Etudes et Tahiti Marine Control (TMC), ingénierie marine.
Ce
coraux
le
a consisté en une expérience de transplantation de
site d'où ils avaient disparu et un suivi de ce site dans
projet
dans
un
temps afin de déterminer si la transplantation corallienne est un
efficace de restaurer une zone lagonaire dégradée.
moyen
La
transplantation de Coraux a été expérimentée dans
pays : Floride (HUDSON & DIAZ, 1988), Hawaï
(MARAGOS, 1974), Guam (PLUCER - ROSARIO & RANDALL, 1987) et
Costa Rica (GUZMAN, 1991) à des fins strictement environnementales
:
restauration d'un site ou tentative de sauvetage d'une espèce
différents
corallienne
rare.
De ces études, un certain nombre de recommandations et
d'étapes à suivre nous ont permis de programmer notre propre
expérience qui constitue de fait une nouveauté puisqu'elle est réalisée
en
Polynésie et dans un site exclusivement sableux, à la différence des
autres expérimentations.
LA
RÉALISATION DE CE PROJET
BIOLOGIQUE.
DE RESTAURATION
Cette
expérience a été conçue comme une "greffe chirurgicale".
phases en sont fortement analogues :
Les différentes
1
-
2
-
3
-
4
-
recherche de donneurs
compatibles.
prélèvement et transport des transplants.
transplantation.
suivi de la transplantation.
Société des
Études
Océaniennes
40
Phase 1
:
recherche de donneurs
compatibles.
Cette
étape appliquée à notre expérience menée sur des
en la recherche d'espèces coralliennes
susceptibles
vivre dans un récif frangeant.
Différentes études menées en Polynésie française (BOUCHON,
coraux, a
de
consisté
1985 ; CHEVALIER, 1978, 1979 ; CHEVALIER & KUHLMANN, 1983 ;
FAURE & LABOUTE, 1984 ; PICHON, 1985), nous
a permis de
"exclusives" d'un récif frangeant
s'adapter parmi les 5 genres les plus
sélectionner les espèces coralliennes
et donc plus
susceptibles de
représentés
.
D'autres données sont intervenues dans cette sélection
:
Les vitesses de croissance : une
espèce
colonisera plus rapidement l'espace
•
à croissance rapide
mis à sa disposition.
La résistance des
espèces souvent liée à leur forme de
croissance : branchues, massives ou encroûtantes, les formes
massives et encroûtantes étant plus
résistantes que les
formes branchues lors des manipulations,
par exemple.
Le mode de reproduction de ces coraux : les
espèces ayant
plusieurs cycles de reproduction par an augmenteront
rapidement le nombre de colonies coralliennes sur le site.
•
•
Ces différents critères
nous ont permis de
sélectionner 14
espèces, branchues, massives et encroûtantes et pour la plupart
couramment rencontrées sur le récif
frangeant (*). Ces espèces sont :
Fa
m
ill
Pocilloporidae
Agariciidae
Acroporidae
Poritidae
Esp èce s
e
:
Pocillopora tneandrina, Pocillopora damicornis *,
Pocillopora verrucosa, Pocillopora eydouxi.
Pavona cactus *, Pavona varians *.
:
:
Montipora spumosa *, Acropora hyacynthus*
Acropora gemmifera, Acropora formosa *,
Acropora sp.
Porites sp.
*, Porites vaughani, Porites
rus
,
*.
Ces espèces sélectionnées, des sites donneurs ont été
recherchés. Ils ont dûs rassembler les deux
caractéristiques suivantes :
une forte densité de colonies adultes d'une ou
plusieurs de ces espèces
coralliennes et une faible distance entre ces sites et le site de
transplantation afin de réduire les durées de transport.
Société des
Études
Océaniennes
41
Quatre sites ont ainsi été sélectionnés (fig.2) : deux de ces
sites sont situés
la pente externe
Fig 2
:
le récif
frangeant, un sur le récif barrière et
du récif de Moorea à 5 m de profondeur.
sur
un sur
Position des différents sites donneurs proches de la pointe Tcpce, site choisi
pour notre expérience de transplantation, au nord ouest de l'île de Moorea
Phase 2
:
prélèvement et transport des transplants.
Cette phase et la suivante ont été réalisées en collaboration
l'équipe de Tahiti Marine Control (TMC).
La recommandation la plus importante issue de la littérature
(MARAGOS, 1974 ; AUiiERSON, 1982) concernant la transplantation
corallienne est celle qui conseille de ne jamais exposer les transplants
à l'air libre. Toutes les manipulations ont donc été effectuées sous
avec
l'eau.
Les colonies coralliennes prélevées ont été détachées du
substrat à l'aide d'un marteau et d'un burin. Elles ont ensuite été
rassemblées et placées dans des bacs fixés sur les flancs d'un bateau.
Les colonies coralliennes issues de la pente externe ont été placées
dans un panier métallique à 5 m de profondeur. Ce panier a ensuite
été ramené près de la surface à l'aide de bouées gonflées en plongée et
fixé à l'arrière du bateau pour le transport vers le lagon.
colonies coralliennes de 10 à 50 cm de diamètre
prélevées et transportées vers le site de transplantation.
Phase 3 : transplantation
Au total, 180
ont été
Société des
Études Océaniennes
42
C'est la
nouveau
dans des
assurant
effectuée
phase de fixation des colonies coralliennes sur un
a été
préparé à terre
pots en plastique qui facilitent les manipulations tout en
un
support aux colonies. La fixation des colonies s'est
substrat fait de ciment marin. Ce ciment
l'eau. Le ciment marin consolidé, les colonies étaient
sous
prêtes à être disposées
le site à restaurer.
préparé par le dépôt de modules. Ces
modules sont des blocs pleins en béton d'environ 800 kg et 1 m^ chacun.
De forme hémisphérique, ils présentent chacun 9 trous (15 cm de
diamètre et 20 cm de profondeur) pratiqués pour y déposer les
transplants.
Les 180 transplants ont été ainsi disposés sur le site. A ces transplants
se sont
ajoutés 37 massifs de coraux vivants d'un mètre de diamètre
disposés également sur le site.
Cette phase a été réalisée en trois étapes : avril - mai 1991,
avril 1992 et septembre 1992, pour des raisons principalement
biologiques : le phénomène de blanchissement des coraux survenu en
1991. Les coraux, sous l'effet d'un stress thermique, avaient expulsé
leur algues symbiotiques. Les manifestations de ce stress ont été
visibles jusqu'au mois d'octobre 1991, début de la saison chaude où les
coraux sont en
phase de reproduction et trop fragiles pour une
transplantation.
Le
site
avait
sur
été
Phase 4
:
suivi de la
transplantation.
Cette
diverses
phase est sans doute la plus importante car elle répond
questions posées par cette expérience dans le cadre de la
restauration d'un site lagonaire dégradé. Les questions concernaient la
faisabilité et les conditions de succès d'une telle expérience et son
aux
efficacité en terme de colonisation naturelle
différentes communautés des récifs coralliens.
Nous
concernant les
du
site
par
donc procédé à un certain nombre de mesures
transplants et les autres espèces venues coloniser le site
avons
Mesures de survie et de croissance des transplants
comparées à des colonies de même espèce mais non
transplantées
:
•
les colonies témoins.
•
Recensement et
mesures
de nouvelles colonies coralliennes.
Comptage
par espèce des autres organismes
site tels les Poissons et les Echinodermes.
•
les
Société des
Études
Océaniennes
présents
sur
le
43
RÉSULTATS
DE LA TRANSPLANTATION ET DISCUSSION
En décembre 1992, huit mois après la deuxième phase de
transplantation (la plus importante en nombre de colonies
transplantées), un premier bilan peut être fait à la lumière des
résultats enregistrés.
La survie et la croissance des
transplants
:
Sur les 165 colonies transplantées en avril 1992, 5 sont mortes
appartenant à une même espèce : Porites vanghani . Aucune
colonie de cette espèce n'a été transplantée lors de la dernière
dont 4
autre
phase de transplantation en septembre 1992. Le taux de mortalité
après 8 mois est donc de 3 %. Ce chiffre reste très faible comparé à
ceux
de la littérature: 30 % (AUBERSON, 1982), 17 à 21 %
(GUZMAN, 1991).
La croissance de ces colonies transplantées a été lente au cours
des premiers mois qui ont suivi la transplantation. A la suite de cette
phase nommée "phase d'adaptation", la croissance s'est accélérée.
Cependant, elle reste inférieure à celle mesurée sur les colonies
témoins (Fig.3).
Fig. 3
:
Comparaison des courbes de croissance des colonies témoins et des colonies
transplantées pour l'espèce Pocilloporci damicornis.
Les
recrues
Société des
coralliennes
Études
:
Océaniennes
44
Le terme de recrues coralliennes désigne une nouvelle
génération de colonies coralliennes fixées naturellement sur un site
déterminé. Dans le cas de notre expérience, aucune nouvelle colonie
corallienne n'a été enregistrée. Cependant, d'après la littérature, c'est
au cours de la saison chaude
qu'aurait lieu la période de reproduction
corallienne. Les jeunes colonies devraient donc apparaître plus tard au
cours
de l'année 1993.
Les autres
les Poissons
organismes
:
ils ont
rapidement colonisé le site (Fig.4).
Parmi ces espèces, les Chaetodontidae
(Poissons papillons) se
nourrissent de coraux vivants. Leur présence est donc directement liée
aux transplants. D'autres Poissons
regroupant les Pomacentridae
(poissons demoiselle) et les Balistidae utilisent les coraux en tant que
refuge.
—
:
les Echinodermes
trois
espèces d'Echinides (oursins)
trois espèces d'Holothurides (Holothuries, concombre de
mer), sont venus coloniser ce site. Ces animaux sont herbivores pour les
oursins ou se nourrissent de matière organique et de microorganismes
enfouis dans le sable pour les holothuries. Leur présence n'est donc pas
—
:
ainsi que
Société des
Études
Océaniennes
45
directement liée
aux
transplantés mais à l'aménagement du
coraux
site.
CONCLUSION
Les
dégradations dans les récifs coralliens sont nombreuses et
L'expérience que nous avons tentée en transplantant des
colonies coralliennes s'avère réalisable. Les huit premiers mois
d'observation ont montré un bilan globalement positif tant pour les
transplants que pour les autres organismes présents sur le site.
Le suivi de ce site se poursuit actuellement. Une plus longue
période d'observation, en particulier étendue sur différentes saisons
est nécessaire pour conclure quant à cette expérience et aux possibilités
réelles de restauration biologique de sites lagonaires dégradés en
Polynésie française.
variées.
Catherine
JARDIN,
Université française du Pacifique et
E.P.H.E., Centre de l'environnement Moorea.
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-
RA A
Société des
:
200 pp.
Études
Océaniennes
47
La situation juridique
des lagons polynésiens
"Seconde Table Ronde du 19 juin 1992 sur le droit applicable en
Polynésie française" (U.F.P. pp. 24-30), cette communication est publiée avec
l'aimable autorisation des Enseignants-chercheurs de la section "Droit" de
l'Université Française du Pacifique.
Parue dans la
La très
grande majorité des nombreuses îles de la Polynésie
Française comportent des formations madréporiques qui constituent des
récifs et délimitent des lagons. Ceux-ci, quant au droit de la
propriété, sont régis depuis sa promulgation locale par le Code Civil
d'où découle le principe de leur domanialité mais avec des exceptions
notables.
LE PRINCIPE DE LA DOMANIALITE DES LAGONS
Le texte normatif et, peut-on dire, unique 1 est l'article 538 du
Code Civil, qui déclare pour ce qui nous intéresse : "les rivages, lais
et relais de la mer, les ports, les havres, les rades (...) sont considérés
comme des dépendances du domaine public".
Polynésie, la géographie et le vocabulaire traditionnel
distinguer dans le lagon, pris dans son acception la plus large,
plusieurs zones successives :
En
font
1
-
haute (généralement sableuse oneone, ou conglomérat
surélevé
portion
qui n'est recouverte
qu'exceptionnellement par le niveau le plus élevé des eaux
marines, mais ne porte pas de végétation) ;
la plage
corallien
dit, tahatai (plage basse et /ou récif
frangeant, périodiquement recouverts et découverts par la mer) ;
2
-
le rivage proprement
3
-
le lagon
3a
-
le "vert ",
(miti roto : la
profondeur
3b
-
le "bleu"
où
1.
unique,
une
intérieure), lequel
se
décompose
en :
constamment submergée mais de faible
;
ou
passe
"chenal", partie profonde (navigable, dans la mesure
permet d'y accéder) ;
ni les textes plus anciens comme VÉdit de Moulins de 1566 et
la Marine de 1681, ni les plus récents comme la loi du 28
1963 n'ont été promulgués dans le Territoire.
car
l'Ordonnance
novembre
partie
mer
sur
Société des
Études
Océaniennes
48
3c
-
exception
par
4a
-
précédent, les lagons de quelques atolls
au cas
complètement fermés
;
le récif-barrière "a'au", surmonté d'une crête périodiquement
recouverte et découverte et où
4b
-
on
observe
ponctuellement
:
des passes (ava) accessibles aux navires de haute mer (au moins
aux
petits tonnages)
;
4c
-
des chenaux
4d
-
des îlots coralliens (motu) qui peuvent être de formation ancienne
ou
non
n'être apparus
Les
zones
navigables (hoa)
qu'au
1, 2 et 4a
cours
se
de
;
ce
siècle-ci (motu api).
classent à l'évidence dans la catégorie
des
"rivages". La partie centrale (3b), caractérisée à la fois par sa
navigabilité au moins pour les petites embarcations et par le fait que
le récif-barrière la protège des violences de la haute mer, doit être
rangée dans la catégorie des "havres et rades" avec les passes (4b)
qui en autorisent l'entrée. Les motu (4d) sont assimilables aux "lais et
relais" (au moins quant aux plus récents). La seule difficulté juridique
concerne les zones constamment
immergées mais non navigables (3a et
4c) ainsi que les lagons dépourvus de passe (3c), auxquels aucun des
termes de l'article 538 ne peut s'appliquer littéralement.
Or le cas n'est pas unique mais, au contraire, très semblable à
celui des "étangs salés" que l'on rencontre en Métropole dans la région
de Sète et sur la côte des Landes. Leur situation a été réglée, voici 150
ans, par
la Cour de Cassation qui
leur domanialité
:
a
communication
défini précisément les critères de
avec
la mer, salinité des eaux,
des poissons d'eau salée 2 On voit que nos lagons
peuplement
répondent bien à ces critères et on peut donc considérer qu'ils sont en
principe, dans toutes leurs parties, des dépendances du domaine
par
.
maritime.
On notera que,
si la question a pu être posée dans le passé 3, il
aujourd'hui qu'il s'agit, d'une part, du domaine public et
non
pas privé (sauf s'il s'agit de lais ou relais) et d'autre part,, du
domaine du Territoire et non pas de l'Etat, avec les conséquences qui
en découlent quant
à la gestion et aux concessions.
est établi
On observera surtout que
si plusieurs des zones lagonaires
champ d'application d'un texte formel, l'article 538,
en revanche, une autre et qui n'est
pas dénuée d'intérêt économique,
étant ouverte à la petite pêche, aux activités aquacoles, aux
entrent dans le
extractions de matériaux voire à l'habitat et au tourisme, n'est
domaniale qu'en vertu d'une extension jurisprudentielle. Or c'est cette
2. Cass Crim. 24 juin
1842 - D 1842 -1-318 (et plusieurs ultérieures).
46, 47
3. ROUCAUTE, 1951 p.
Société des
Études
Océaniennes
49
même
jurisprudence qui, en Métropole comme
exceptions au principe de la domanialité.
en
Polynésie, définit les
L'EXCEPTION DE L'APPROPRIATION
PRIVEE DES LAGONS
Les
spécialistes du droit public montrent parfois une tendance
prêter un caractère absolu à la règle de l'inaliénabilité du
domaine public, alors qu'il s'agit d'une construction artificielle qui,
dans la réalité, n'est pas intangible. Ses exceptions reconnues sont de
excessive à
trois sortes
1
-
2
-
:
lorsqu'il existe des titres de propriété antérieurs à la constitution
du domaine public (c'est le cas qui nous intéresse spécialement
ici)
;
lorsque l'administration a elle-même aliéné des portions du
domaine public ; le procédé des "concessions maritimes
définitives" longtemps pratiqué dans le Territoire ne lui étant pas
particulier car l'on peut citer de nombreuses privatisations
effectuées
ailleurs
tant
Outre-Mer
(décrets des
12/03/1887,
15/09/1901 et 13/01/1922 pour les Antilles et la Réunion) qu'en
Métropole (loi des 11/11 et 01/12/1790, Conseil d'Etat 17/12/1857,
loi du 28/11/1963 non applicable ici) ratifie expressément ces
créations de droits ;
3
-
lorsqu'une décision judiciaire passée en force de chose jugée a
reconnu la propriété d'une
tierce personne sur une portion
domaniale (un jugement de ce genre se fondera normalement sur
l'une des deux exceptions qui précèdent mais, même si ce n'était
pas le cas et même si la décision avait été prise à tort, une fois
devenue définitive son respect s'imposerait).
Venons-en
le
plus important qui découle d'ailleurs d'un
principe juridique plus général, celui de la primauté du titre le plus
ancien. Son application soulève deux séries de questions qui concernent
la constitution du domaine public et la situation foncière antérieure à
au cas
celle-ci.
En
Métropole, la constitution du domaine public est
qui
avait quelques antécédents moins précis mais qui, le premier, posa des
règles générales. C'est parce que des particuliers purent faire la
preuve d'acquisitions antérieures à cette date qu'une grande partie des
étangs languedociens et une part plus minime de ceux de la côte
atlantique ont des propriétaires privés.
Dans la société polynésienne pré-européenne, les auteurs
considèrent que la notion de domaine (public ou privé) était "vague
sinon inexistante"4* Le "domaine royal" n'était rien d'autre que le
traditionnellement attribuée à l'Edit de Moulins de février 1566,
4. ROUCAUTE 1951
-
p.
3
Société des
Études
Océaniennes
50
patrimoine attaché au marae titulaire de la souveraineté ; il existait
par ailleurs (au moins à Tahiti) des "terres d'apanage" (fariihau)
affectées
aux
fonctions des chefs de district ; la
mer
extérieure
pouvait être propriété soit d'une île entière, soit d'un district
déterminé5; aux Tuamotu, il semblerait que les lagons, ou certains
d'entre eux, aient peut-être fait l'objet "d'une sorte de
propriété
collective commune aux habitants des fonds" 6 ; mais il
s'agissait
toujours de situations particulières, aucune règle générale n'était
définie, le concept même de domanialité publique, qui suppose un Etat
unifié, n'existait pas.
A la place de l'Edit de Moulins,
qui n'a évidemment pas été
applicable à notre Territoire, c'est la promulgation locale du
Code Civil qui a eu pour effet d'introduire ce
concept juridique. Ici,
une première
difficulté pourrait se présenter, car en fait le Code Civil
a été
promulgué deux fois, une première par la loi tahitienne du 28
mars 1866, une seconde par un
arrêté gubernatorial du 27 mars 1874, et
on aurait pu hésiter entre ces deux dates
pour ce qui concerne les droits
immobiliers, mais la jurisprudence, en la matière, a toujours pris pour
rendu
base la loi de 1866. Une autre date-clé est celle de l'établissement des
titres individuels de propriété. Il s'agit,
on le sait, d'une procédure
systématique de constatation des droits fonciers spécifique au
Territoire. Abstraction provisoirement faite de la loi tahitienne du 24
mars 1852, le décret du 24 août 1887
(pour l'ex-Royaume de Tahiti et
dépendances), l'arrêté du 2 décembre 1898 (pour les îles-Sous-le-Vent)
décret du 31 mai 1902 (pour les îles
Marquises) posent tous en
principe que les terrains non revendiqués dans les délais prévus sont
par là même attribués au Domaine.
et le
La combinaison de
ces
deux séries de textes fondamentaux fait
que, sauf
il n'a pu
exception possible mais dont nous n'avons pas connaissance,
être établi de titre écrit de propriété, portant sur le lagon,
que sur le fondement de la loi tahitienne du 24 mars 1852
donc,
seulement dans l'ancien Royaume de Tahiti et
dépendances 7 et
seulement jusqu'à la date-butoir du 24 mars 1866. L'examen de tels
titres a donné lieu à deux autres sortes de
questions portant sur la
nature de la propriété
polynésienne pré-européenne et sur les effets de
—
la loi de 1866.
On aurait pu croire la première
interrogation inutile : si les
titres écrits ont été créés selon la
procédure de 1852, il suffit de
constater
qu'ils existent, et pourquoi mettre
en cause
5. COCHIN p. 31
6. BONMOUREp.
les caractères du
47
qu'aux Marquises il n'existe pas de lagon et que, de plus, le décret
du 31 mai 1902 y a institué la "zone de 50 pas géométriques"
qui place dans le
domaine tous les rivages.
7. On
notera
Société des
Études
Océaniennes
51
régime foncier antérieur ? C'est que leur interprétation reste parfois
discutable. Pour ne pas entrer dans un développement que nous avons
esquissé ailleurs, nous dirons, à la suite des juristes qui ont étudié la
société ancienne, d'après ce que l'on peut en savoir notamment par les
relations des premiers voyageurs et missionnaires et par les registres
de la Haute Cour Tahitienne, que la propriété appartenait à
différentes familles bien individualisées en tant que lignées. De plus,
ces anciens documents ainsi
que des passages de la législation locale
(Code Tahitien, loi XXIV, dans les versions révisées de 1842 et de
1848) démontrent que des portions du lagon (des "trous à poissons", des
"lacs", des passes, des rivages) avaient leurs propriétaires.
mer était une source de richesse pour les
Polynésiens qui
l'appropriation de celle-ci. Etaient considérés comme propriétés
privées les bancs de coraux et les lagons situés entre les récifs et le rivage, et
étaient propriétaires de ces biens les familles qui possédaient les terres
baignées par les lagons . " 8
Ces observations concernant principalement Tahiti-Moorea
étaient certainement valables pour les autres archipels. On rapporte,
par exemple, que vers 1893 un habitant de Raiatea avait pu faire
reconnaître ses droits sur "une grande étendue de mer devant Uturoa",
ce
qui aboutit à un échange avec le Gouvernement de l'île 9.
"La
concevaient
Ces coutumes étant avérées, les défenseurs des intérêts du
Domaine ont
pensé y faire pièce en proposant une application de la
qui aboutirait, sans le dire, à lui faire produire un effet
rétroactif, en se fondant pour cela sur leur lecture de la jurisprudence
loi de 1866
des
juridictions tahitiennes, compétentes à l'époque en matière de
des titres de propriété. Pourtant, l'analyse de cette
jurisprudence locale nous fait apparaître le contraire :
vérification
a)
avant le 28 mars 1866, les conseils de
Tahitienne admettent sans difficulté les
district et la Haute Cour
appropriations de lagons
lorsque les droits sont établis ; un arrêt du tribunal supérieur d'appel
du 27 octobre 1898 mentionne une quinzaine de décisions de ce genre
sur
des contestations relatives à la
mer ; on
de cassation du 19 mai 1864 relative
au
citera ici
Moorea W
8.COCHIN p. 31 ; dans le même sens
9.Anecdote relatée par HUGUENIN
ÎO.B.O.C. 1864- p. 208.
Société des
BROCHET p. 68.
in "Raiatea la Sacrée".
Études
une
ordonnance
bornage d'une "pêcherie" de
Océaniennes
52
b)
le 28 juillet 1866, la Haute Cour Tahitienne, pour la première fois
infirme une décision de propriété en se fondant expressément sur les
dispositions de l'article 538 ; mais le titre ainsi annulé était du 21 juin
1866, postérieur à la loi nouvelle ; il y a donc eu application normale du
droit en vigueur sans rétroactivité et on peut faire une observation
identique pour les autres exemples qui se produisent en 1867. De
même, l'arrêt du 20 janvier 1871 et l'ordonnance de cassation (rejet) du
07 octobre 1871 intervenaient sur une décision du 03 juin 1868
également
c)
sans
rétroactivité;
à l'inverse, la Haute Cour Tahitienne a continué après 1866 à admettre
les titres de ce genre lorsque les droits privatifs étaient établis avant
cette date ; exemples, arrêt n° 16 du 25 avril 1866 sur un "bras de mer",
arrêt n° 25 du 5 mai 1866 partageant une "pêcherie"; on notera que,
dans ces deux cas, la Haute Cour était présidée par le même
magistrat, Monsieur Langomazino, qui avait rendu l'arrêt du 28 juillet
1866 et dont on peut penser qu'il connaissait parfaitement la matière.
Cette jurisprudence tahitienne est homogène, conforme à ces
principes généraux de notre système juridique, que sont le respect des
droits acquis et la non-rétroactivité des lois, et en parfaite harmonie
avec la
jurisprudence française qui a suivi. De cette dernière, il
suffira de citer les principales décisions, toutes dans le même sens :
Tribunal supérieur d'appel de Papeete 1er juin 1893, 27 octobre 1898,
19 avril 1906, 8 avril 1943, 23 septembre 1943 ; Cass. Req. 27 avril
1900.
Plus récemment, la
chronique judiciaire a été défrayée par ce
a appelé "l'affaire Fuller". En résumé, le Tribunal de Première
Instance de Papeete, par deux jugements des 5 septembre 1979 et 7 mai
qu'on
1980, avait reconnu les droits de propriété des consorts Fuller sur une
portion du lagon prolongeant une parcelle de terre de Punaauia, en se
fondant sur les principes qu'on vient de voir.
Saisie d'un
du Territoire, la
juridiction d'appel crut
pouvoir éviter d'examiner les droits de propriété originaires sur le
lagon en considérant qu'en tout cas ils n'avaient pas été
ultérieurement transférés, mais elle fut censurée par la Cour de
Cassation(arret 1494 du 13 décembre 1983), et le Territoire s'étant
ensuite abstenu de reprendre l'instance d'appel, il en est résulté que
les jugements de 1979-1980 sont devenus définitifs. Par la suite, le
Territoire tenta d'y obvier en opérant une "délimitation" qui n'en
tenait pas compte, et l'affaire fut portée devant le Tribunal
Administratif. Celui-ci aurait pu se contenter de rappeler d'une part,
la distinction classique entre la délimitation du domaine (compétence
administrative) et la défense du droit de propriété privé (compétence
judiciaire) et d'autre part, l'autorité de la chose jugée entre les
recours
Société des
Études
Océaniennes
53
parties, mais il trouva plus utile d'apporter sa pierre à l'édifice
reconnaissant, lui aussi, la validité des anciens titres 11.
en
Tout comme cette décision de 1991, les jugements de 1979-1980
n'avaient rien de révolutionnaire, se bornant à faire application de
principes bien établis. Mais peut-être est-il intéressant de remarquer
qu'à cette occasion le tribunal a pris soin de circonscrire le contenu
concret de ces droits de propriété
Déjà, un arrêt du 1er juin 1893
avait constaté que les Polynésiens, s'ils pouvaient se considérer comme
propriétaires d'une partie de la mer ou des lagons, où ils avaient
seuls le droit de pêcher, restaient toutefois "sans pouvoir interdire
d'y passer et d'y naviguer" et cette servitude coutumière, conjuguée à
la réglementation moderne en matière d'aménagement et d'urbanisme,
conduit à dire que le propriétaire privé d'une portion du lagon ne peut
.
donc ni l'enclore ni la
remblayer.
En conclusion de cet aperçu sur
la situation juridique des lagons
polynésiens, il convient d'insister sur le caractère exceptionnel et
restreint de tels cas. Presque partout, les rivages et les eaux
intérieures dépendent bien du domaine public maritime du Territoire.
René CALINAUD
Conseiller à la Cour
d'Appel de PAPEETE
Bibliographie sommaire
-
BONHOURE R.
La
-
propriété foncière dans les Etablissements Français de
l'Océanie
-
-
-
BROCHET
CALINAUD R.
COCHIN R.
- Thèse Droit - Paris
1915.
L'introduction du droit civil et du droit
Vent - Thèse Droit Paris 1956.
-
La création des droits fonciers en
Judiciaire du Pacifique - Papeete 1991.
-
pénal
aux
Polynésie
-
Iles Sous-leConférence
L'application du droit civil et du droit pénal français aux
Français de l'Océanie - Thèse
-
autochtones des Etablissements
Droit
-
JANSSE
Paris
-
-
KUCHUKIAN
ROUCAUTE J.
-
Paris 1949.
Les traits
-
-
propriété privée des étangs salés - JCP 1964 - 1 - 1848.
réglementation foncière et les différents domaines dans les
Etablissements Français de l'Océanie - ronéoté Service des
La
-
ROUCAUTE J.
-
Etude
domaine
-SAGE Y-L
-
-
-
SAUJOT
-
La
-
Domaines
-
principaux du régime des biens du domaine public
Montchrestien 1936.
-
-
la situation
juridique des dépendances naturelles du
ibidem 1953.
foncier polynésien de la période antérieure à juin 1934
public
Le droit
Thèse Droit
Les
1972
-
1991.
sur
-
-
Grenoble 1951.
étangs salés du littoral méditerranéen
-
1
-
-
Gazette du Palais
Doc 157.
"Bulletin Officiel de la Colonie" et
Revue Pcnant
11. Tribunal Administratif de
-
1894 p.
Papeete
Société des
-
535
;
"Messager de Tahiti".
1899, 91 ; 1906, 302.
5 novembre 1991.
Études
Océaniennes
54
L'évolution institutionnelle
sur le Territoire de 1842 à 1992
L'histoire institutionnelle franco-tahitienne
a
commencé il y a
tout
juste 150 ans. En effet, le 9 septembre 1842 la Reine Pomare, le
Régent Paraita et une députation de trois chefs de l'Assemblée
Législative signèrent une demande de protectorat qui leur avait été
présentée par le Contre -Amiral Dupetit-Thouars.
Désormais, le royaume tahitien était placé sous la protection
de la France et les institutions locales allaient évoluer dans le cadre
du droit public français.
En introduction à cette table
synthèse
ronde,
nous
essaierons de faire la
les différents statuts qui ont jalonné la vie des hommes à
1842 à nos jours, c'est-à-dire le protectorat, la
colonie et le
sur
Tahiti de
Territoire d'Outre-Mer.
I LE PROTECTORAT
A
territoire,
:
1842
-
1880
Dupetit-Thouars, l'État tahitien avait un
pavillon, un hymne et la Reine Pomare entretenait des
d'État à État avec les grandes puissances qui nommaient des
l'arrivée
de
un
relations
consuls à Tahiti.
En
1842, il y avait dans ce royaume une Reine qui incarnait le
une assemblée législative, un corps de magistrats et
un
code de lois. La législation tahitienne et
l'organisation des
pouvoirs publics allaient être profondément modifiées après
l'instauration du protectorat. En particulier, les
pouvoirs reconnus aux
autorités locales allaient être limités
par le partage des compétences
entre l'État protecteur et l'État
protégé.
pouvoir exécutif,
Nous
verrons
ainsi successivement le traité de
la
répartition des compétences
législatif et judiciaire.
A
-
au
protectorat et
sein des pouvoirs exécutif
,
Le traité de protectorat
Les conventions signées
par la Reine et le contre-amiral
Dupetit-Thouars étaient passées entre deux Etats souverains et elles
créaient
un
protectorat de droit international.
La demande de protectorat
Société des
comportait plusieurs conditions
Études
Océaniennes
:
55
tout
-
le
d'abord, la souveraineté de la Reine
et l'autorité des chefs
puis, toutes les lois et tous les règlements devaient être faits
de la Reine et signés par elle;
-
sur
peuple étaient garanties;
au nom
ensuite, la possession des terres de la Reine et du peuple leur serait
garantie. De même, tous les problèmes de terre seraient de la
-
juridiction spéciale des tribunaux du
pays;
enfin, l'exercice de chaque culte restait libre et les missionnaires
étrangers devaient pouvoir continuer à
exercer
leurs fonctions
librement.
Désormais, la souveraineté de
l'État
tahitien était limitée
par ce traité qui transférait à la France de très nombreux attributs
cette souveraineté. Le commissaire français intervenait dans tous
pouvoirs et, tout d'abord,
B
-
Le
au
de
les
sein même de l'exécutif.
pouvoir exécutif
Le traité de
protectorat avait dédoublé le pouvoir exécutif.
L'organisation des pouvoirs publics n'était pas changée, pour tout ce
qui concernait les affaires tahitiennes d'ordre interne, puisque la
Reine Pomare avait gardé "l'administration et la juridiction entière sur
les naturels". La puissance protectrice était compétente pour toutes les
affaires concernant les étrangers au royaume, la gestion des relations
extérieures, la garantie de la sûreté individuelle et des propriétés
ainsi que pour l'ordre public.
La convention du 5 août 1847, signée entre la Reine Pomare et
le commissaire Lavaud, permit de fixer les conditions d'application
du traité de protectorat. Cette convention ne fut jamais ratifiée, mais
elle
sera
appliquée jusqu'en 1880 comme véritable charte du
protectorat. Aux termes de cet accord, le pouvoir exécutif devenait
bicéphale. En effet, la Reine avait auprès d'elle un commissaire
français qui intervenait de concert avec elle dans des affaires d'ordre
interne n'intéressant que des Tahitiens. Or, les textes de 1842
réservaient cette prérogative à la Reine et aux grands chefs.
En outre, tout ce qui concernait l'organisation intérieure des
îles de la Société était réglé avec l'approbation du commissaire. Il
était le seul à exercer la haute police et à disposer de forces
militaires. Enfin, la Reine et le représentant français avaient un
pouvoir conjoint de nomination aux emplois publics, c'est-à-dire pour
les chefs, les magistrats et les policiers qui, désormais, étaient payés
par le gouvernement protecteur.
Néanmoins,
jusqu'en 1880 le souverain tahitien fut toujours
d'État, salué par 21 coups de canon lors de
chaque cérémonie officielle. De la même manière, le pavillon du
traité
comme
un
chef
Société des
Études
Océaniennes
56
protectorat comportait
une couronne, emblème de la royauté, comme
signe de l'autorité personnelle de la Reine.
Finalement, les dispositions constitutionnelles contenues dans
la convention du 5 août 1847 furent insérées dans le code de lois du
protectorat publié en 1848. Le cadre institutionnel ne changera plus
jusqu'à l'annexion, mais l'évolution du protectorat se fera dans le sens
d'une tutelle de plus en plus
étroite exercée par le commissaire
français sur l'État tahitien. Les compétences,, qui avaient été
reconnues en 1842 et 1847 à l'État
protégé, furent progressivement
réduites et transférées à la France avec
pour conséquence logique
l'annexion. Le contrôle du commissaire
français s'exerçait également
sur l'Assemblée
Législative tahitienne.
C
-
En
L'Assemblée
législative
1846,
le commissaire du Roi Lavaud voulait transformer
l'Assemblée en "une pierre
angulaire" du protectorat. Son successeur
Bonard y verra "un instrument
précieux" pour contrecarrer l'autorité
de la Reine. Ce commissaire
s'exprimait ainsi en 1850 : "Si la Reine
oppose une force d'inertie difficile à vaincre, elle n'ose rien en face de
l'Assemblée Législative ; toute loi votée
par cette assemblée sera
signée par elle si on lui dit que son veto est le seul obstacle à la
promulgation de la loi et qu'on le fera connaître. Toute idée de
résistance alors l'abandonnera.
L'Assemblée Législative indienne est très
impressionnable ; un
discours fait à propos fera voter d'enthousiasme toute mesure
que le
gouvernement français voudra faire adopter ; si quelque opposition se
manifeste par des paroles, pour
peu que le gouvernement insiste, celuilà même qui aura parlé contre la loi,, la votera
lorsqu'on ira aux voix.
Cette assemblée
ne
demande qua marcher ; c'est
un
instrument
précieux, car ses décisions sont acceptées partout et la Reine en a
peur." (Océanie carton 13, A 68 Lettre de Bonard au Ministre de la
Marine et des Colonies, 16 juillet 1850, centre des archives d'outre-mer
d'Aix-en-Provence). Entre 1850 et 1866, plus de quarante lois furent
votées pour appliquer la législation
française à Tahiti. Le travail
parlementaire fut orienté dans un sens favorable au développement
économique du royaume protégé. Colin Newbury décrit ainsi le but
poursuivi par les commissaires :
inculquer aux indigènes quelques-unes des valeurs de la civilisation
française... cette obsession du développement des Tahitiens leur fut
commune à tous" (The Administration
of French Oceania, 1842 - 1906,
Thèse, Australian National University, Canberra, 1956, p.99).
-
De ce fait, les commissaires se mêlèrent des affaires
intérieures et extérieures du
royaume pour développer l'agriculture et
Société des
Études
Océaniennes
57
le
commerce
afin
de
maritime. Pour
limiter
l'autorité
cela, ils s'appuyèrent sur l'Assemblée
de
la
Reine
et
de
législation française. Mais, quand il fut évident
faire
que
adopter la
le protectorat
était devenu un anachronisme, du fait de l'immixtion totale du
commissaire français dans les affaires tahitiennes, il ne fut
plus
nécessaire de réunir l'Assemblée. Les
prérogatives royales avaient
tellement été réduites qu'il était devenu inutile de s'opposer à la
Reine.
Néanmoins, les membres influents de l'Assemblée auront
rôle à jouer lors de l'annexion. En effet, la déclaration du
Roi Pomare V du 29 juin 1880, consacrant la réunion à la France des
encore un
îles de la Société et
dépendances,
sera
approuvée
par
vingt chefs
tahitiens, membres de l'Assemblée. Le protectorat avait également
réduit la compétence des autorités locales en matière judiciaire.
D
Le
pouvoir judiciaire
Une distinction avait été établie par
le Traité de 1842
le droit de
:
juridiction sur les indigènes et toutes les affaires de
propriété immobilière étaient du ressort de l'Etat protégé;
la juridiction sur les étrangers était de la compétence du
gouvernement protecteur. La loi du 28 mars 1866 réduit à peu de
choses la compétence des tribunaux tahitiens.
Désormais seuls les procès entre Tahitiens, relatifs au droit
de propriété des terres, seraient jugés par des juridictions locales.
Dans tous les autres cas, les tribunaux français seraient compétents,
même pour ce qui concernait les sujets de la Reine. Néanmoins, les
juridictions indigènes continueront à siéger en matière foncière bien
après l'annexion. En effet, le Roi Pomare V, dans sa déclaration du 29
juin 1880, demandait au gouvernement français de continuer à
gouverner ses sujets en tenant compte des lois et coutumes tahitiennes.
Mais surtout, il tenait à ce que les affaires foncières continuent à être
jugées par les tribunaux tahitiens.
La Cour de Cassation rappellera,
le 22 novembre 1883, que, les
déclarations échangées entre le Roi Pomare et le gouvernement
français ayant été ratifiées par la loi du 30 décembre 1880, les
réserves formulées par le Roi avaient donc été acceptées par la
France. C'est pourquoi le gouvernement de la République insistera
pour que le Roi renonce à ses réserves et une convention sera passée
avec lui le 29 décembre 1887. Celle-ci
prévoyait que les juridictions
indigènes seraient supprimées dès que les opérations de délimitation
de la propriété seraient terminées.
-
-
Société des
Études
Océaniennes
58
La conclusion logique de l'évolution de la
pratique institutionnelle de
1842 à 1880 fut l'annexion et la création d'une colonie
française
baptisée "Établissements Français de l'Océanie".
II
LA COLONIE
1880
:
-
1945
La cession à la France du royaume tahitien fut ratifiée
par la
loi du 30 décembre 1880 qui donna la nationalité
française de plein
droit à tous les sujets du Roi Pomare. La
période 1880-1945
être
va
jalonnée
-
par
plusieurs modifications institutionnelles importantes
Tout
d'abord, de 1881
attributions consultatives
aux
à
1885, le conseil colonial
fut pas un
ne
pouvoirs du Gouverneur.
au
suffrage universel.
Les abus engendrés par
l'administration inciteront les
conseil
aux
véritable contrepoids
Puis de 1886 à 1903, la
toute-puissance du Gouverneur
limitée par les attributions reconnues au conseil
général
-
:
fut
élu
l'hostilité des élus envers
pouvoirs publics à remplacer le
général par un conseil d'administration aux
attributions consultatives. Il faudra attendre 1930
pour que
cette assemblée soit dotée de
pouvoirs limitant timidement
ceux du
gouverneur.
-
Cette tendance
sera
confirmée par
en 1932.
économiques et financières
A
-
Du conseil colonial
au
la création des délégations
conseil
général
Durant cette
ses
mains tous les
période le chef de la colonie
pouvoirs civils et militaires.
:
va
1881
-
1885
concentrer entre
Un conseil colonial est créé en 1881 dont le rôle est de donner des avis
sur la fiscalité locale et sur le
de
projet
budget de la colonie. Cette
assemblée, élue au suffrage universel, s'opposa très rapidement au
gouverneur et à l'administration coloniale. Une anomalie existait
entre le mode d'élection de
ce
conseil
pouvoirs strictement consultatifs,
cette assemblée à
se
ce
suffrage universel et ses
qui expliquait les tendances de
au
croire constituante.
Finalement, l'échec du conseil général et la volonté de
une politique d'assimilation incitèrent le gouvernement
central à faire une réforme
globale des institutions locales.
Idéologiquement, l'instauration d'institutions électives libérales a été
développer
inspirée
par
la politique d'assimilation qui guidait le gouvernement
Société des
Études
Océaniennes
59
français à cette époque. Elle consistait à prendre les institutions de la
métropole comme un modèle qui devait s'appliquer progressivement
dans toutes les colonies. Ce fut
l'objet de deux décrets du 28 décembre
1885 qui organisaient d'une part le
gouvernement de la colonie et
d'autre part le conseil général.
B
Du conseil
-
général
au
conseil d'administration
:
1885
-
1903
La période 1885-1903 est une des plus intéressantes sur le plan
politique, car les conseillers généraux vont s'opposer
systématiquement au gouverneur. C'est à cette époque que vont se
mettre en place les acteurs de la vie politique future.
C'est
à
aussi
gouverneurs,
cette période que seront fixés les pouvoirs des
dont certaines dispositions resteront en vigueur jusqu'en
1977.
1) Le Gouverneur
-
Il est assisté par
deux chefs d'administration (le directeur
de l'intérieur et le chef du service judiciaire) et par trois
chefs de service (le chef du service administratif, le
-
trésorier-payeur et le chef du service de santé).
privé consultatif aide le gouverneur à prendre ses
décisions. Il se réunit également en formation du contentieux
administratif chargé de juger les contestations entre
l'Administration et les citoyens.
Les pouvoirs du gouverneur sont très étendus puisqu'il exerce
Un conseil
l'autorité civile et l'autorité militaire
-
'
-
il
dirige l'Administration,
il
est
et du
-
-
:
l'ordonnateur
du
budget
de
l'État
budget de la colonie,
il
exerce sa
tutelle
il
possède l'ensemble des pouvoirs de police.
sur
les délibérations du conseil
général,
Sur le plan militaire, il commande toutes les troupes.
Néanmoins, quand le gouverneur n'est pas officier, il donne délégation
à l'officier le plus gradé
des forces militaires.
afin qu'il
exerce
le commandement effectif
2) Le conseil général
Les conseillers étaient élus
avaient besoin de séduire
au
suffrage universel et les candidats
une
clientèle électorale essentiellement
polynésienne. Comme le remarquait l'inspecteur des colonies Salles
Société des
Études
Océaniennes
en
60
1903, les conseillers généraux "ne considéraient les
indigènes que comme
plus".
En outre, les indigènes des Marquises, des Gambier ainsi
que
ceux de l'île de Rapa n'étaient
que des sujets français, alors que les
habitants de l'ancien royaume tahitien avaient la nationalité
française. Or, de 1885 à 1903, l'Administration appela au vote tous
les habitants des Établissements Français de l'Océanie,
y compris les
sujets français qui n'avaient pas le droit de vote.
des machines à voter et rien de
Une décision du Conseil d'État du 24 avril 1891 ne laissa
subsister aucune ambiguïté sur le statut juridique
applicable aux sujets
français. Néanmoins, l'Administration continua à faire voter les
indigènes n'ayant que la qualité de sujet français. Il faudra attendre
1945 pour que tous les habitants de la colonie aient la nationalité
française, à l'exception des membres de la communauté chinoise. Les
général sont importantes pour l'époque.
C'est dans le domaine budgétaire que
les pouvoirs sont les plus
importants et que les débats sont les plus animés, dominés par
l'hostilité viscérale des conseillers à
l'égard de toute taxe ou impôt
nouveau pouvant
déplaire à l'électorat. L'essentiel des pouvoirs du
conseil résidait dans la discussion du
budget et plus particulièrement
dans le contrôle des dépenses facultatives de la colonie. Ces dernières
ne pouvaient pas être
changées ou modifiées par le Gouverneur.
Dès 1886 la suspicion et l'hostilité s'étaient installées dans
les rapports entre l'Administration et les membres du conseil. Lors de
la session extraordinaire de 1888, le conseil ira même
jusqu'à refuser
le vote de crédits pour les familles de soldats morts
pour la France
dans l'île de Huahine. La tactique
des conseillers est simple : ils sont
obligés d'accepter les dépenses obligatoires, mais ils repoussent les
dépenses facultatives. Ainsi, en 1888, les crédits affectés aux salaires
des domestiques, à l'entretien et à
l'éclairage des jardins du
Gouverneur seront réduits de moitié. En dehors des
questions de
personnes, un problème de fond demeurait j comment faire voter les
impôts nécessaires au développement économique de la colonie alors
que l'électorat y était opposé ?
L'administration demandait l'instauration d'un
impôt foncier,
afin d'obliger les Polynésiens à mettre en valeur leurs terres
qui
restaient en friche. Les conseillers refusaient cet
impôt et allaient
même jusqu'à faire les promesses les
plus démagogiques afin d'obtenir
les suffrages de l'électorat : certains promettaient ainsi
la suppression
de tous les impôts. Finalement, devant le
blocage de la situation, le
Gouvernement français finira par dissoudre le conseil
général par
attributions du conseil
décret du 19 mai
d'administration.
C
-
1903.
Le
même
texte
Le conseil d'administration
Société des
:
créait
1903
Études Océaniennes
-
le
1932
conseil
61
Les attributions autrefois dévolues au conseil
général sont
désormais exercées par le chef de la colonie en conseil
d'administration. Le Gouverneur concentre alors l'essentiel des
pouvoirs entre
ses mains et le conseil n'est
Les fonctionnaires sont majoritaires dans ce
qu'un organe consultatif.
conseil, ce qui donne un
pouvoir considérable au gouverneur, d'autant plus que ce dernier n'a
plus en face de lui des conseillers élus au suffrage universel. Les
attributions du conseil sont très limitées puisqu'il se contente de
donner des avis au Gouverneur en matière de fiscalité et de budget.
A partir de 1930, le conseil aura des
pouvoirs réels puisqu'il
délibérera sur les dépenses facultatives de la colonie. Les débats
n'auront aucune influence sur la politique locale.
En effet, les séances n'étant pas
publiques, cette assemblée
consultative ne pouvait pas se transformer en tribune
politique,
d'autant plus qu'il n'y avait pas de campagne électorale. Ce système,
qui concentrait trop de pouvoirs entre les mains du Gouverneur, fera
l'objet de nombreuses critiques qui aboutiront à la création des
délégations économiques et financières par décret du 1er octobre 1932.
D
-
Les
délégations économiques et financières : 1932
-
1945
Désormais les
représentants de l'Administration ne seront plus
majoritaires mais les pouvoirs de cette institution ne seront pas très
importants.
En
effet, si le
budget est délibéré par les délégations, il n'en
moins arrêté par le Gouverneur en conseil privé et approuvé
par décret. De même, l'initiative des dépenses et des recettes
appartient exclusivement au Gouverneur. Très vite cette assemblée
apparut comme une caricature de représentation mais la guerre
relégua au second plan toute réforme en la matière.
est pas
E
-
Les institutions dans le cadre de la France libre
Un "comité de Gaulle" est créé à Tahiti durant l'été 1940 et il
obtient
l'organisation d'un référendum,
par
lequel les électeurs
acceptent de rejoindre le Gouvernement de la France libre, qui
nommera
alors
un nouveau
Gouverneur.
En 1945 tous les habitants des Etablissements
Français de
l'Océanie deviendront citoyens français, à l'exception des membres de
la communauté chinoise. En outre, le décret du 31 août 1945, complété
par
celui du 25 octobre 1946, instituera l'Assemblée représentative.
III.- LE TERRITOIRE D'OUTRE-MER
:
1945
-
1992
C'est l'ère des changements, après une longue période
d'immobilisme et les péripéties de la guerre. Les colonies sont
remplacées
par
les Départements d'Outre-Mer,
Société des
Études
Océaniennes
les Territoires
62
d'Outre-Mer et les États associés. Les Établissements Français de
l'Océanie deviennent donc un Territoire d'Outre-Mer dans le cadre de
l'Union française.
Une Assemblée représentative est instituée et, pour la
première fois, les Polynésiens vont élire un député, un sénateur et un
conseiller au Haut Conseil de l'Union française. La loi-cadre de 1956
et le statut d'autonomie de 1957 apporteront un bouleversement
institutionnel qui aurait pu déboucher sur l'indépendance. Mais, dès
1958, l'exécutif local se verra retirer bon nombre de ses attributions.
1977, l'État dotera le Territoire d'un statut d'autonomie de gestion,
En
prélude à la grande réforme de 1984 qui instituera l'autonomie
interne. Quelle a été l'évolution de 1945 à 1984,
puis de 1984 à 1992 ?
A-De l'Assemblée
représentative à l'autonomie interne
:
1945-
1984
1) L'Assemblée représentative jusqu'à la loi -cadre
Elle est composée de vingt conseillers élus au suffrage
universel. Dès 1952 ce nombre est porté à vingt-cinq et l'institution
nom d'Assemblée Territoriale.
Ses attributions sont à peu près les mêmes que celles reconnues
conseil général entre 1885 et 1903. Les élus votent le budget
prend alors le
au
préparé
par le Gouverneur en conseil privé, mais ils ont le pouvoir
d'initiative pour les dépenses facultatives et pour toutes les affaires
intérieures au Territoire. Le Gouverneur conserve les pouvoirs qui lui
sont reconnus par le décret de 1885 et il en est de même pour
le conseil
privé dont les attributions restent inchangées. Mais l'évolution
politique en Indochine, en Tunisie et au Maroc incita le Gouvernement
français à faire voter la loi du 23 juin 1956, ou loi-cadre, qui
permettait de préparer l'évolution politique des possessions d'outre¬
mer. Cette loi et son décret
d'application du 22 juillet 1957 marquent
une étape très
importante puisqu'ils reconnaissent au Territoire une
grande autonomie.
.
2) Le statut d'autonomie de 1957
La loi du 26 juillet 1957
Territoriale dont les pouvoirs très
dote le Territoire d'une Assemblée
étendus assurent aux élus locaux une
grande autonomie par rapport au Gouverneur et à la Métropole.
C'est le même type de statut qui a permis aux États
d'Afrique
Noire d'accéder à l'indépendance quelques années plus tard. La même
loi transforme les Établissements Français de l'Océanie en
Polynésie
Française. Une partie des membres de l'Assemblée aurait préféré
"Tahiti
Océanie Française", car il existe des Polynésiens
français à
-
Wallis et Futuna
recouvre
pas une
et
donc
l'appellation "Polynésie Française"
réalité administrative.
Société des
Études
Océaniennes
ne
63
Les
attributions
reconnues
à l'Assemblée, en matière
de
réglementation générale, sont assez considérables. Celle-ci devient un
véritable organe législatif local puisque, dans une quinzaine de
matières, elle exerce des compétences qui, en Métropole, sont réservées
au Parlement. La loi de 1957 crée
également un véritable pouvoir
exécutif local, doté d'importantes attributions. Ce conseil de
gouvernement a des attributions collégiales dans tout ce qui concerne
la gestion des affaires territoriales. Les ministres ont également des
attributions individuelles. Ils sont chargés de la gestion des services
territoriaux, ce qui leur donne un pouvoir très important sur le plan
politique.
3) La réforme de 1958 et le recul de l'autonomie
Le
vice-président du Gouvernement Pouvanaa a Oopa appela
référendum du 28 septembre 1958, mais il fut désavoué
les électeurs. Après les incidents violents du 11 octobre 1958, il fut
à voter
non au
par
arrêté et condamné à huit ans de réclusion. Le conseil de gouvernement
fut dissous et l'Assemblée Territoriale opta pour le maintien du statut
de Territoire d'Outre-Mer. Cette même assemblée demanda à l'Etat
de limiter les pouvoirs de l'exécutif
l'ordonnance du 23 décembre 1958.
local,
ce
qui fut fait
par
En conséquence, le poste de vice-président sera supprimé et le
Gouverneur exercera alors une tutelle très stricte sur les conseillers du
Gouvernement. Ces derniers n'auront plus d'attributions individuelles,
ce
qui leur enlèvera l'autorité hiérarchique sur les services
désormais dirigés par le Gouverneur, clef de
territoriaux qui seront
voûte du système.
4) L'évolution institutionnelle de 1958 à 1977
Cette
période est marquée par une aggravation des difficultés
économiques et budgétaires, ce qui va inciter le Territoire à demander
à l'État de prendre à sa charge certaines compétences. Successivement,
l'État reprendra ainsi le contrôle des postes et télécommunications, de
l'enseignement secondaire et technique et de la lutte contre les
grandes endémies. Mais le développement des activités du Centre
d'Expérimentation du Pacifique (C.E.P.) permettra ensuite
d'améliorer sensiblement le budget du Territoire et la revendication
autonomiste se fera de plus en plus pressante jusqu'au statut de 1977.
5) L'autonomie de gestion : 1977
-
1984
locaux auraient souhaité revenir au statut
d'autonomie interne de 1957. En réalité, la loi du 12 juillet 1977
relative à l'organisation du Territoire, est très en retrait par rapport
au statut de 1957, puisqu'elle n'accorde qu'une autonomie de gestion.
Les
élus
a) Le Haut-Commissaire
Société des
Études
Océaniennes
64
Il remplace le Gouverneur dont les attributions avaient été
fixées en 1885 ! Il dirige les services de l'État et ceux du Territoire. Il
est l'ordonnateur du
budget et il veille à la légalité des actes des
autorités territoriales sur lesquelles il exerce une tutelle a
priori.
b) L'Assemblée Territoriale
La nouvelle loi ne modifie que les pouvoirs de l'Assemblée en
lui reconnaissant une compétence de droit commun. L'Assemblée
peut
donc agir dans tous les domaines qui ne sont
pas réservés à l'État ou
au conseil de Gouvernement. C'est la solution inverse de celle
qui
avait été retenue en 1957.
c) Le conseil de Gouvernement
Très
rapidement le Haut-Commissaire n'y siégera plus et
vice-président diriger le conseil. Ce dernier est chargé
collégialement de la gestion des affaires locales et les conseillers
n'ont pas d'attributions individuelles.
d) L'aide technique et financière contractuelle de l'État
laissera le
La
politique conventionnelle entre l'État et le Territoire est une très
grande innovation du statut de 1977. Plusieurs conventions ÉtatTerritoire auront pour objet le financement du
régime de protection
sociale en milieu rural, la formation
professionnelle, etc....
e) L'évolution de
ce
statut
Le cadre juridique fixé en 1977
apparut rapidement comme
trop étroit, en particulier à cause de la double fonction du HautCommissaire, représentant de l'État et chef du Territoire.
A la suite de
doté d'un
multiples demandes des élus locaux, le Territoire
nouveau
statut
B
en
-
sera
1984.
L'autonomie interne
La loi du 6
septembre 1984 accorde l'autonomie interne à la
Polynésie Française dans le cadre d'un Territoire d'Outre-Mer avec
une "organisation particulière
et évolutive..." Cette loi repose sur
trois principes :
la reconnaissance de l'identité
polynésienne,
la responsabilité directe des élus du Territoire
-
-
-
dans la conduite de leurs propres affaires,
l'accroissement des compétences relevant des
institutions locales.
L'identité polynésienne est reconnue solennellement
pour la
première fois dans un texte législatif, ce qui permet au Territoire de
posséder son propre drapeau, son hymne et son sceau. Le statut prévoit
un
partage de compétences entre l'État et le Territoire, il définit les
Société des
Études
Océaniennes
65
pouvoirs des institutions territoriales et du Haut-Commissaire et il
organise la tutelle juridictionnelle et financière du Territoire. La loi
du 12 juillet 1990 accroîtra les pouvoirs des autorités locales et créera
de nouvelles institutions.
1) Le partage
des compétences entre l'État et le Territoire
Ce dernier bénéficie de pouvoirs bien plus importants
que ceux
reconnus aux collectivités locales dans le cadre de la décentralisation.
Comme en 1977, la compétence du Territoire est de droit commun alors
que les attributions reconnues à l'État sont limitativement énumérées.
Ce partage des compétences ressemble à celui qui existe dans les
pays
à structure fédérale.
a
-
compétences de l'État
Les
Elles
l'unité de la
se
limitent
aux
matières touchant à la souveraineté, à
République et à l'égalité des droits des citoyens français.
Dans certains domaines
l'État
l'ordre, la compétence de
elle
n'est
que
partielle
:
par
comme
la défense
ou
le maintien de
est totale. Dans d'autres domaines,
exemple
en
matière de relations
extérieures, de desserte aérienne. Enfin, pour certaines compétences,
l'État doit consulter le Territoire, par exemple en matière de contrôle
de
l'immigration.
b
-
Il
Les
compétences du Territoire
compétence de droit commun pour toutes les matières
qui n'ont pas été réservées à l'État. L'Assemblée Territoriale peut
délibérer dans des matières relevant du domaine
législatif et les
compétences nouvelles sont nombreuses. A titre d'exemple nous citerons
les compétences nouvelles en matière d'enseignement secondaire, mais
les personnels continuent à être payés par l'État. De même, dans le
domaine des relations extérieures dans le Pacifique Sud le Président
du Gouvernement local peut représenter, conjointement
avec le HautCommissaire, le Gouvernement de la République au sein des
organismes régionaux. Il participe également à la négociation des
a
une
accords intéressant la desserte aérienne et maritime du Territoire.
2)
a
-
Les institutions du Territoire
Le Gouvernement
C'est la principale innovation du statut. Désormais il y a un
véritable Gouvernement local dont le Président est élu par
l'Assemblée. Il nomme 6 à 10 ministres et ce choix doit être entériné
par un autre vote
de l'Assemblée. Le statut de 1984 innove également
Société des
Études
Océaniennes
66
en
supprimant la tutelle
a
priori
sur
les décisions du Gouvernement et
de l'Assemblée.
Le contrôle de la légalité est assuré a posteriori par
le Tribunal
Administratif et les comptes du Territoire sont contrôlés par
la Cour
des Comptes. Le Gouvernement a des compétences
propres
limitativement énumérées alors que l'Assemblée a une compétence de
plein droit. Le Président du Gouverment
est désormais la clef de voûte
de l'exécutif et ses pouvoirs seront renforcés en 1990. Il est le chef de
l'administration territoriale et l'ordonnateur du
budget local. Il
représente le Territoire dans tous les domaines. Le Président est
responsable devant l'Assemblée qui peut le démettre en votant une
motion de censure, ce qui entraîne la démission de l'ensemble du
Gouvernement.
b
-
L'Assemblée Territoriale
Désormais les délibérations de l'Assemblée ne sont
plus
limitées que par les conventions internationales applicables
au
Territoire. L'Assemblée a une compétence de droit commun et elle vote
le budget local.
3)
Le Haut-Commissaire de la
République
Dans le statut de 1977, il était le chef du Territoire et le
représentant de l'État. Il
ne conserve désormais que cette dernière
Ainsi, il doit défendre les intérêts nationaux et faire
respecter les lois et l'ordre public. Enfin, il veille à la légalité des
actes des autorités territoriales
qu'il peut déférer au Tribunal
fonction.
Administratif.
4)
a
Il
-
La tutelle
remplace le conseil du contentieux administratif et il exerce une
a
posteriori
Il peut être saisi à la demande du Haut-
tutelle
.
Commissaire,
un
juridictionnelle et budgétaire
Le Tribunal Administratif
intérêt pour
b
-
Elle
d'un conseiller territorial
ou
de toute
personne ayant
agir.
La Cour des
exerce une
Comptes
tutelle
budgétaire qui était, autrefois, assurée
par le représentant de l'État et par
Territoires d'Outre-Mer.
le Ministre des Départements et
5) Les relations contractuelles
entre
l'État
et le Territoire
Désormais les conventions État-Territoire
formes de coopération. Elles ont
s'appliquent à
permis d'organiser les
toutes les
Société des
Études
Océaniennes
67
transferts de
et pour
compétences en matière de postes et télécommunications
l'enseignement secondaire.
6 ) L'évolution du statut
la loi du 12
:
juillet 1990
Cette réforme aboutit à une présidentialisation des
institutions. Elle accorde également l'autonomie financière à
l'Assemblée Territoriale et elle crée de nouvelles institutions.
a
-
Le Gouvernement du Territoire
Le conseil des Ministres a désormais le droit d'autoriser tous
les investissements directs
étrangers quel que soit leur montant. Le
nombre de ministres est dorénavant
compris entre 6 et 12.
b
-
Le Président du Gouvernement
Il accroît considérablement
être
investi
par
ministres n'a donc
Le
pouvoirs puisqu'il est le seul à
l'Assemblée, et la composition du conseil des
plus a être approuvée par les élus locaux.
Gouvernement
ses
devient
donc
une
sorte
de
cabinet
présidentiel mais le Président reste responsable devant l'Assemblée.
De la même manière, sur le plan des relations extérieures, le rôle du
Président est nettement développé. Désormais, il peut représenter
l'État au sein des organismes régionaux du Pacifique, alors
qu'auparavant il n'exerçait cette prérogative que conjointement avec
le Haut-Commissaire. De même, le Président peut recevoir
délégation
des autorités de l'État pour négocier dans le Pacifique des accords
qui
seront ensuite soumis à ratification.
c
L'Assemblée Territoriale
-
Elle dispose désormais de l'autonomie financière et
président devient l'ordonnateur du budget de cette institution.
d
Le Conseil Économique Social et Culturel
son
-
sur
Il peut dorénavant
des thèmes entrant dans
e
-
réaliser des études de
sa
compétence.
sa propre
initiative
Le Tribunal Administratif
Il a maintenant un rôle spécifique puisque le Président du
Gouvernement et le Président de l'Assemblée peuvent le saisir d'une
demande d'avis pour éviter d'éventuels problèmes contentieux.
f
-
a
Les institutions nouvelles
/ Les conseils d'archipel
Un conseil est institué dans chacun des cinq archipels
polynésiens. Le conseil est composé des conseillers territoriaux et des
Société des
Études
Océaniennes
68
maires élus dans
l'archipel. Il est à remarquer que les maires, qui
dépendent de l'État, sont majoritaires dans ces conseils.
Ceci peut faire craindre aux tenants de l'autonomie interne le
développement d'un contre-pouvoir au coeur même des institutions
territoriales. Ces conseils doivent être consultés
par le Président du
gouvernement dans les domaines de la planification économique et
pour les dessertes aérienne et maritime. En 1993, ces conseils n'ont
toujours pas été institués.
fi / Le
collège d'experts fonciers
composé de personnalités nommées par l'Assemblée et il
peut être consulté par le Président du Gouvernement, par le Président
de l'Assemblée et par le Haut-Commissaire. En outre, il
propose à la
Cour d'Appel une liste de personnes parmi lesquelles
seront choisis les
experts judiciaires.
Il est
CONCLUSION
Ainsi, au terme d'une histoire institutionnelle francotahitienne de 150 ans, l'évolution statutaire du Territoire est-elle
terminée ? En d'autres termes, a-t-on atteint une limite en matière
d'autonomie interne,
limite au-delà de
laquelle le seul
possible serait l'indépendance ? Il y a
plusieurs réponses à cette question.
bouleversement institutionnel
Tout d'abord, sur
un plan formel, un nouveau statut est toujours
possible dans le cadre d'une loi votée par une majorité future au
Parlement. Ainsi,
l'État
pourra
transférer
au
Territoire
un
certain
nombre de
compétences qui sont encore exercées par le Gouvernement
de la République. Il en est ainsi, par
exemple, de l'enseignement
supérieur, du commerce extérieur et de la communication
audiovisuelle. De même, certains souhaiteraient
que le Président du
Gouvernement local soit élu au
suffrage universel direct, alors que
d'autres envisagent la création d'une deuxième chambre sous la forme
d'un Sénat.
Enfin, des voix récentes n'ont-elles pas demandé un statut
d'état associé, d'indépendance-association,
proche de celui des îles
Cook ? Dans le même ordre d'idées,
pourquoi ne pas revenir au
protectorat avec une nouvelle répartition des compétences entre l'Etat
protecteur et l'Etat protégé ?
Pour les plus radicaux, il reste
l'indépendance politique dans
plus brefs délais. Mais cette dernière n'est rien sans
l'indépendance économique, laquelle est difficilement envisageable
tant que l'endettement du Territoire — et donc sa
dépendance
les
financière vis à vis de
l'État
—
Société des
ne
diminuera pas.
Études
Océaniennes
69
Le
problème majeur de ce Territoire n'est pas de créer de
politiques mais bien de produire les richesses
qui lui permettront d'accéder à une véritable autonomie budgétaire ne
reposant plus sur une économie artificielle.
nouvelles institutions
Bernard GILLE
Maître de
Conférences d'Histoire du Droit
et desinstitutions à l'Université
Société des
Études
Océaniennes
Française du Pacifique
70
A la recherche de l'origine
de quelques prêtres tahitiens
C'est en lisant un article relatif aux aïeux d'Abraham Meitai, ordonné prêtre
depuis quelque temps déjà, que je suis remontée aux sources des anciennes familles
princières ; or il s'avère que les R. P. Holozet, Bruno Mai et Abraham Meitai ont des
ancêtres communs, les arii de l'ancienne aristocratie de nos îles. Ci-joint un résumé
succinct de leur généalogie.
Maheanuu
Mai et
a
son
frère cadet Tera'imano
a
Mai dit
Mano sont issus des deux
dynasties royales de Porapora : les Mai arii
et les Puni arii, par leur père le prince Tefaaora Tehuiarii,
descendant de l'illustre roi Puni, et par
leur mère Te-ahu-ura, fille du
roi Mai troisième du nom, de la
dynastie des Mai dont parle Cook en
1769.
Maheanu'u
en
1852, est marié
a
Mai, premier pasteur protestant de Faaa nommé
premier tavana de Faaa, la grande cheffesse
au
Terii-Tau-mai-te-rai a Tati de la dynastie des Teva, ancienne
aristocratie tahitienne. De cette union sont nés neuf enfants, dont
Ariininito épouse Vaite. Plusieurs enfants, parmi
lesquels Temehu a
Mai, père de Paul Mai l'aïeul du père Bruno Mai, et Vahine-turamaatua-i-ahuroa épouse Frédéric Holozet, aïeule du Père Holozet.
Tera'imano a Mai dit Mano est nommé
pasteur protestant à
Tautira et marié à la grande cheffesse de Tautira, Ahu-ura Faitohia
a Tati de la
dynastie également des Teva. De leur union sont nés trois
enfants dont Ariie, grand chef de Tautira à la mort de sa mère Mano
Vahine. Marié à Sarah Poroi, Ariie est père
de deux enfants dont
Nanu'a-te-rai né en 1883, bisaïeul du Père Abraham
lequel est le fils
de Teraimateata Ariie et de Tavita Meitai,
petit-fils du roi Parima
de Rapa.
Le Père Joël Auméran est
également issu de l'ancienne
aristocratie de Tahiti et Moorea, par sa trisaïeule
Taitapu Tetuanui
Marama descendante des arii nui de
copropriétaire,
avec la
où fut édifié le tnarae
Teavaro...) et cela,
Papara, Paea, Moorea...
princesse Moe a Mai, de la terre Maraetefano
royal des Marama arii de Moorea (Haapiti,
en
vertu de leur ancêtre
commun
Tetuanui-
Marama-i-te-tau'o-o-te-ra'i-i-maraetefano, nous dit le jugement de
partage des terres de la famille royale de Moorea au siècle dernier.
Le premier mariage entre un Français
et une Tahitienne, célébré dans
une église catholique, est celui de
Taitapu Tetuanui avec Joseph
Brémond. De leur union sont nés plusieurs enfants dont Rosina, née en
1837 et mariée à Antoine, Jean-Baptiste Auméran, bisaïeule du Père
Joël Auméran.
Mai-arii Cadousteau
Société des
Études Océaniennes
71
Mapu Nui
ou Mapu Teretere de Takume
Article paru
la
dans le Bulletin n°14 de la S.É.O.,
rubrique : Folklore, légende.
en
août 1926 (exemplaire épuisé) sous
Mapu-le-Grand ou Mapu-le-Voyageur est fils de Varoa Nui,
Kuraigo, originaire de Fagatau. Il naquit non a
Tepukamaruia* (Takume) comme le répètent plagiairement plusieurs
auteurs, mais à Marupua, aujourd'hui appelé Fagatau.Voici sa
roi de Takume et de
chanson de
geste :
£ Parau Faateniteni No
"Ko
Mapu Teretere
ko
Mapu tere e lama fanau o Varoa. E tu ana i tera hiti rere te
matagi. Puahiohio te maoake, fakaritorito maoake taku rima nei ra ki taku
rakau nei ra ko "Rapaheuira ki te Ragi".
Rigirigi te horo taku vaka. Puehuehu te tau ama Mahina, ki te tau Katea ;
e tere ana ki te tai
roa ki te
taipoto e toa raga taua, e tere ana ki te atu
motu, ki te ata ahiahi, turâga heiva a te toa tagi reka i taku vaka ia
"Tagohe" e vaka te eki tera Gataua.
Ko vau ko Mapu tere e tnau ana ki taku rakau i Rapaheuira ki te
Ragi ei
hauhau i te "upoko o te toa haka atua atu.
Ko vau ko Mapu Tere, he toa raga taua, he toa tagi reka."
vau
En voici la traduction
"C'est moi
Je demeure là-bas
fécond
en
:
Mapu-le-Navigateur, fils légitime de Varoa.
sur
le confin où souffle le vent. Le
trombes. Ma main tenant
son
bâton
vent d'Est est
Rapaheuira ki te Ragi
a
ce vent d'Est. Ma barque file tout doucement. Les deux
balanciers Mahina et Katea ont été fort agités ; elle vogua sur la mer
lointaine (tai roa ), sur la mer rapprochée (tai poto ) ; et
guerrier
apaisé
vengeur, je naviguai jusqu'aux îles lointaines, perdues dans les nuages
du soir pour y porter la guerre au guerrier
qui convoite ma pirogue
Tagohe sise près de Gataua. C'est moi Mapu-le-Voyageur. Je tiens
prêt mon baton Rapaheuira ki te Ragi pour scalper la tête du guerrier
qui osera se faire Dieu (ou se diviniser). Oui, c'est moi, Mapu-leVoyageur, le guerrier qui aime à tirer vengeance, le guerrier au cri si
joyeux."
,
Mapu était désigné aussi parfois sous le nom de Tuahakarere Il était
grand guerrier et habile navigateur. De là son surnom de Mapu
Teretere. Il naviguait sans cesse, d'un côté ou de l'autre.
.
Société des
Études
Océaniennes
72
Le
principal mobile de ses voyages était de faire la chasse à
repaître de chair humaine. C'était un cannibale de
premier ordre. C'est en ce temps qu'abordèrent à Takume trois bateaux
montés par des anthropophages. Dans leur nombre, il y avait trois
"kaite" remarquables. Ils se nommaient respectivement : Fatoga ,
Terehu et Toga
Ils n'eurent pas de chance. Tous les trois furent
exterminés avec leurs équipages. Ce fut le brillant début des
nombreuses victoires de Mapu. Le nom de sa lance était Rautetoa
Après ce glorieux fait d'armes, il entreprit un voyage à
Tahiti pour visiter son père Varoa Nui qui s'y trouvait depuis un
certain temps. Il se rendit, à cet effet, à Raroia. De là, il partit du
côté de Taharoa. A ce qu'il paraît, il eut pas mal de démêlés avec les
habitants de ce groupe d'îles. Il aborda également à l'île appelée
Faau, connue aujourd'hui sous le nom de Niau. Il y fut mal accueilli et
traité en ennemi. Les habitants de l'île le poursuivirent et le
cernèrent dans la brousse dite Uuti. Mais il bondit par dessus ses
ennemis et se sauva. C'est à cette occasion qu'il fut appelé par ceux de
Niau : Mapu-Rere (Mapu-qui-vole).
A son départ de Niau, il voulut, sans doute, gagner Tahiti,
but de son voyage, mais par un hasard de la navigation fréquent en ce
temps-là, il tomba tout à fait à l'Ouest, de l'autre côté même des îles
Sous-le-Vent, au large de Maupihaa. Cette île est désormais célèbre
par la fin qu'y a eu le fameux bateau pirate allemand Seeadler . Elle
est aussi réputée pour ses tortues. Sa situation géographique est par
16° 52 de latitude Sud et 156° 20 de longitude Ouest.
Le bateau de Mapu avait pour nom Tagohe . C'est sur ce pahi
paumotu
qui n'était autre chose qu'une pirogue double portant un
petit abri en feuilles de pandanus démontable à volonté et servant de
refuge durant le mauvais temps, que Mapu arriva en face de
Maupihaa.
l'homme pour se
.
.
,
MAPU À MAUPIHAA
L'île, qui n'est habitée que "transitoirement" de nos jours,
paraît avoir été bien peuplée en ce temps-là. Les habitants de l'île
l'ayant aperçu arriver, coururent à leurs lances et, debout sur le récif,
l'interpellèrent en ces termes : Ko vai koe ? Qui es-tu ? Il leur
répondit :
"Ko vau teie, ko Mapu Teretere i te tua o
Maupihaa.
Gahegahe te rauere o te himene
Ke hakihaki te
rauere o
Takina i Vaereta nei, te
te tamanu.
fenua teie
e
te porehorere."
"C'est moi, Mapu-le-voyageur au
large de Maupihaa.
Le bruissement des feuilles de pandanus s'est fait entendre.
Société des
Études
Océaniennes
73
Les feuilles de tamanu
se
sont desséchées.
Me voila arrivé à Vaereta, le pays où le nombre des tortues
être comparé à celui de la porcelaine semée sur le rivage."
Durant
son
peut
séjour à Maupihaa, Mapu eut la chance d'attraper
Kura
C'était un oiseau rare dont le plumage rouge écarlate était
fort recherché par les rois et les chefs comme ornement des jours de
fêtes. A cette occasion, il changea même, paraît-il, le nom de son
bateau.
Désormais, il l'appellera pendant quelque temps
un
.
Manukura
(L'Oiseau Rouge ) pour perpétuer le souvenir de cette
heureuse.capture, A chaque fois qu'on l'interrogera sur son identité, il
ne
manquera jamais de faire mention de cet oiseau de bonheur dans sa
réponse. C'est pour lui, dorénavant, un point d'honneur.
Fakatere, Fakatere
Koi, te garu roa
Koi, te garu poto
Koi, te garu e heke
Fakatere, Kaikava (bis)
Tuahakarere, Kaikava (bis)
I
na
kare
roa
Tikotikoti, Tagohe, i gape au.
C'est
qui était
sur
Ko vai koe?
Ko
vau
Dirige (Gouverne) droit (bis)
(pendant) la longue lame
—
la lame courte
la lame qui porte en haut
Gouverne bien, Kaikava (bis)
—
Tuahakarere, Kaikava (bis)
la
longue lame
Tagohe fend hardiment la volute.
sur
village actuel de Temarie
le récif lui cria:
au
fare ika
il débarqua. Temanava
Qui es-tu ?
C'est moi, Mapu Maroa,
teie, ko Mapu Maroa,
Te ahua a te tai ki
huna i Matiti.
qu
e
L'écumeur de
demeure
mer qui habite la
poissons cachés à
des
Matiti.
Teahioragi-papatoa ki tono
Hiro kakati te kiri
o
na
Tautu kia
Je suis le Teahioragi Papatoa qui
décida
Hiro
à
aller
mordre
la
hume aka ai toku nei ariki.
peau
Tahuhu o te ragi te kura mau
ki taku rima e e aha i hau a
taku manu kitea, kura ê!
Je suis le faîtage du ciel dont la
mon
de Tautu, afin d'en revêtir
roi.
main
bien
mon
a
saisi
un
kura. Comme il est
apprivoisé,
mon
cher oiseau,
kural
Taitoaaaga taku
manu kitea e
kotiki taratara tua tei poti teitei
aroha teipo tuniaa ê.
Mapu aborda donc à Anaa (Gana) où il livra bataille et
un bon nombre de la
population de l'île. Il y a quelques
années, un vénérable vieillard de cette île, nommé Matuanui à la tête
bosselée (Pepenu puku ), en témoignait encore devant ses jeunes
compatriotes en ces termes ironiques: "Pourquoi êtes-vous si bouffis
extermina
Société des
Études
Océaniennes
d'orgueil, jeunes gens de Anaa ? Ignorez-vous, par hasard, que vous
les restes dédaigneusement abandonnés par les Fangatau ?"
(£ toea anake kotou no to Fagatau ? ).
n'êtes que
Après avoir soumis Anaa à sa domination, Mapu tira une
bordée jusqu'à Hao. De là, il gagna Raroia et Takume, où il s'établit
définitivement et y laissa de la progéniture. Il construisit un
mausolée pour le corps de son père, à l'endroit connu sous le nom de
Paetaha
Ce lieu fut désormais appelé 0 te pa Varoa . Ce devoir de
.
piété filiale accompli, Mapu continua ses courses marines. C'est en ce
temps-là qu'arriva à Takume un cannibale du nom de Tane, de
provenance, sans doute, des îles de l'Est. Ce fut le guerrier
Teragiheikapu qui l'attaqua et le tua avec sa suite.
P. Hervé AUDRAN.
A PROPOS DE L'ILLUSTRATION SUR LA COUVERTURE
L'éventail marquisien, tahi'i, qui illustre notre couverture provient de
la "Collection Moortgat" offerte en 1993 par le frère de notre
regretté
Président au Musée de Tahiti et des îles, dépositaire des objets de
notre Société.
Cet éventail remarquable et complet fait partie d'un
ensemble comprenant un tapahi tohi 'uru (fendoir en basalte du fruit
de l'arbre à pain) des îles de la Société, un ke'a tuki popoi (pilon en
basalte) des îles Marquises, un gagahu (herminette en bénitier) de
l'archipel des Tuamotu ainsi qu'un casse-tête canaque, trois modèles
réduits de pirogues (dont l'une provient de
l'île de Santa Cruz, les
deux, autres étant encore d'origine indéterminée), un récipient et un
galet.
Que la famille du docteur Paul Moortgat soit vivement
et que son geste serve
d'exemple...
remerciée
—
Le bureau de la Société des Etudes Océaniennes.
Société des Etudes Océaniennes
Cet ouvrage a paru pour la
à
en
en
dialecte tahitien
en
1887 et
et
en
1969 à
1898 à Paris,
le titre de
dictionnaire de la
est
"Tepano Jaussen"
publiée
le titre de Dictionnaire de la
langue tahitienne
la Société des Etudes océaniennes
sans
mais
langue tahitienne
1987 à Bar-le-Duc
en
par
-
Issy-les-Moulineaux
la sixième édition du
sous
langue maorie
1949 à Braine-le Comte et
sous
Grammaire
1861
le titre de
dictionnaire de la
et
-
puis
en
Saint-Germain-en-Laye
sous
Grammaire
première fois
avec un
la
grammaire
petit lexique du Fare Vana'a.
La
en est
la
septième édition
première édition tahitienne.
Société des
Études
Océaniennes
;
PUBLICATIONS DE LA SOCIETE
DES ETUDES OCEANIENNES
EN VENTE AU SIEGE DE LA SOCIETE
Dictionnaire de la
langue tahitienne (T. Jaussen)
Etat de la société tahitienne à l'arrivée des
1.200 F
Européens (E. de Bovis)
Journal de James Morrison
Alexandre Salmon et
Les
cyclones
en
sa
1.500 F
femme Ariitaimai
(Ernest Salmon)
Polynésie Française (R. Teissier)
Chefs et notables des E.F.O.
au
français
temps du Protectorat, 1842-1880
800 F
en
Polynésie Orientale - B.S.O. n° 221
(P.Y. Toullelan)
Etablissements
800 F
Français de l'Océanie - 1885 - B.S.O. n° 231
Moruroa 1767-1964
(C. Beslu) - B.S.E.O. n° 232
Généalogies commentées des arii de la Société (Maiarii)
àn°
-
1.000 F
(reproduction des numéros 1 er
mars 1917
10juillet 1925) -B.S.E.O. n°248
Société des
1.500 F
800 F
B.S.E.O. n° 239-240
Choix de textes
1.500 F
800 F
(R. Teissier)
Colons
800 F
Études
1.000 F
Océaniennes
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Océaniennes
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 260