B98735210105_248.pdf
- Texte
-
BULLETI ZsT
DE
LA
Société d'Etudes Océaniennes
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
N° 248
TOME XXI-1 /
Septembre 1989
CHOIX DE TEXTES
N° 1.
N" 10.
—
-
MARS 1917
JUILLET 1925
Anthropologie
—
Ethnologie
Philologie.
Histoire
—
des
Institutions
et
Antiquités
populations maories.
vyWkWMAAvw
Sciences naturelles.
A
PAPEETE
Société des
(TAHITI)
Études Océaniennes
Société des Études Océaniennes
Fondée
ORSTOM
-
en
1917.
Arue
-
Tahiti.
Polynésie Française.
B.P. 110
-
Tél. 43.98.87
Banque Indosuez 012022 T 21
-
C.C.P. 834-85-08 PAPEETE
CONSEIL D'ADMINISTRATION
'V
-
■-
M. Paul MOORTGAT
Président
Me Eric LEQUERRE
Mlle Jeanine LAGUESSE
Vice-Président
Secrétaire
M.
Trésorier
Raymond PIETRI
assesseurs
M. Yvonnic ALLA IN
Mme Flora DEVATINE
M. Robert KOENIG
M. Roland SUE
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
ÉDITORIAL
Pour des raisons de santé le Président Moortgat a dû
poser
à terre et cesser toute activité. Chacun attendait
d'un
son sac
séjour qu'il vient d'effectuer
tion. Cette dernière
J'ai dû
se
métropole
plus longue
en
révèle
une
bonne récupéra¬
que
prévue.
qualité de vice-président de notre Société le
suppléer selon l'expression consacrée. Pour vite m'apercevoir
combien était énorme la tâche
accomplie par notre cher Prési¬
dent. Il assurait avec compétence -et surtout la franchise
qu'on
en ma
lui connaissait- la couverture de toute la vie administrative de
notre Société en assistant aux nombreuses commissions et
autres conseils. Ses avis étaient
appréciés et ses jugements et
critiques craints.
Il exerçait avec le talent qu'on lui sait les
fonctions de
représentation de notre Société à l'occasion des civilités et
mondanités de la ville : inaugurations, cocktails,
vernissages,
manifestations culturelles. Paul Moortgat connaissait tout le
monde. Tout le monde le connaissait.
C'est dire la surprise et la consternation
lorsque fut connue
la nouvelle de son accident de santé et surtout son
départ pour
la métropole. Tous ceux qui ont
pu m'entretenir du Président
l'ont fait en termes qui ne trompent pas et surtout avec une
émotion significative de la qualité du travail
qu'il avait pu
accomplir et des relations d'amitié qu'il possédait dans ce pays
qui est devenu le sien et qu'il connaissait et aimait tant.
Je sais, mon cher Paul, que ta grande modestie sera mise à
l'épreuve à l'occasion de ces quelques lignes. Mais le Bureau de
la Société te le doit bien. Et je le
fais pour lui.
On conviendra aisément que remplacer Paul
Moortgat
n'est pas chose aisée. Nous avons, grâce à la constance et les
volontés des membres du Bureau, pallié la situation.
Nous publions donc avec quelque retard notre Bulletin de
septembre, lequel comportera exceptionnellement la reproduc¬
tion en fac-similé des articles les plus demandés des 10
pre¬
miers numéros
1917.
:
la couverture actualise celle du n° 1 paru
mars
Société des
Études
Océaniennes
en
Le Bulletin à paraître sera consacré au "Bicentenaire de
la Révolution'. Un travail intéressant a été assuré dans cette
entreprise
par des amis de la Société qui ont tenu à couvrir
l'événement en assurant une publication ad hoc. Qu'ils soient
ici remerciés par le Bureau qui leur dit toute sa gratitude.
Qu'adviendra-t-il de notre Société en 1990 ? Il s'agira cer¬
tainement de son année la plus difficile. L'état de ses finances
en sera la raison principale. Il faut en effet savoir que, malgré
de pressantes démarches en ce sens, le versement de notre
subvention n'a pu être assuré depuis 4 ans !
Nous avons pu tenir à force d'économies sur des postes
pourtant vitaux : personnel, loyer, énergie électrique, etc.
Association sans logis, nous avons été hébergés provisoire¬
ment par l'O.R.S.T.O.M. et le dévouement, la compétence et la
gentillesse de notre secrétaire sont restés exemplaires.
Nous devrons d'ici à la fin de l'année gagner les locaux qui
sont réservés dans le bâtiment des Archives du Territoire
nous
Tipaerui. L'opération sera longue, délicate et coûteuse. Nous
déjà que les fonds dont nous disposons manqueront et
qu'une fois de plus nous devrons nous "débrouiller"et solliciter
à
savons
les bonnes volontés.
Nous ne pourrons plus à partir de 1990 assurer la publica¬
tion de notre Bulletin dont la lecture n'est pas le seul fait ou
privilège de "certains" comme on a pu le dire. Il est lu et com¬
menté
aux
quatre coins du monde. Sa collection complète est
devenue rare et coûteuse et, pour cette raison, très précieuse.
Les travaux de recherche poursuivis dans le Territoire et les
publications qui s'ensuivent trouvent dans ce modeste support
un organe apprécié de publication. Les correspondances reçues
à cette occasion sont là pour le démontrer si besoin était.
Notre prochaine assemblée générale aura à se pencher sur
grave sujet et décidera des moyens appropriés à mettre en
place pour éviter l'état de "cessation de paiement" de notre
Société : relèvement du tarif des cotisations, recherche de
ce
mécènes, recrutement de
nombre de ventes
ou
nouveaux
abonnements
membres, amélioration du
au Bulletin, etc.
C'est à cette tâche ingrate que je suis aujourd'hui con¬
fronté. Je suis persuadé que cet appel sera entendu et qu'aucun '
de nos "sociétaires" ou amis y sera indifférent. Nous le saurons
demain et je vous en rendrai compte.
la
ora
na, e a
hio i to
moua
!
Éric LEQUERRÉ
Société des
Études
Océaniennes
SOMMAIRE
OCTOBRE 1989
Éditorial
numéro 1
1917
mars
Création de la SEO / Liste des membres résidents /
Divinités mégalithiques de l'île Raivavae / Ile de
Christmas / Légende des "Pierres marchantes" Ofaitere
de
Papetoai
numéro 2 septembre 1917
Bureau de la SEO / Conservation et
non-exportation des
monuments et objets ayant un caractère
historique ou
artistique / Affectation de l'ancienne caserne d'Infanterie
à la SEO / Moeava, le grand kaito
paumotu / Fin du
corsaire Seeadler / Ascension de l'Aorai / Poésie
France-Tahiti
numéro 3
mars
Napuka et
1918
ses
habitants-légende du cocotier
conscrits d'Eimeo et de Tahiti / La
/ Chants des
pierre Anave
numéro 4 septembre 1918
Poésies : Bienvenue aux troupes australiennes et
italiennes ! Le lagon bleu - Les teintes sombres
numéro 5 mars 1919
Notes sur le dialecte paumotu / Particularité de
Napuka /
Un glorieux épisode de la vie de Moeava /
Épitaphe du
tombeau de Nott à Arue / Variétés : Tahiti nui
La Nlle-Cythère (cantate) - Sur le récif
-
numéro 6 septembre 1922
Éditorial
quelques
/
Archéologie des îles Marquises, liste de
marae
de l'île Hiva Oa / Rectifications à
l'orthographe tahitienne / Liste des poissons, de quelques
mollusques, cétacés et amphibies des îles Tuamotu /
Tourisme
en
Océanie / Lyrisme des Tahitiens
numéro 7 avril 1923
Editorial / Croyances relatives aux âmes et à l'autre vie
chez les Polynésiens / Noms d'illustres marins Paumotu
des temps passés
numéro 8 décembre 1923
Mentalité féminine autrefois et aujourd'hui
numéro 9 décembre 1924
Lyrisme des Tahitiens /
polynésiennes
numéro 10
Plonge à Hikueru / Migrations
juillet 1925
Tiurai, le guérisseur
Société des
Études
Océaniennes
AYIS IMPORTANT
Par lettre du iâ
Président de la
mars
dernier M. le
République
a porté
Gouverneur
à la connaissance
du
qu'il accordait
haut patronage à
son
la Société d'Etudes
Océaniennes.
M. le Ministre des Colonies avait
lait part
d'une semblable décision
quelques mois auparavant.
Ces deux marques d'estime et de
bienveillance données à notre jeune
Société sont un précieux encoura¬
gement à poursuivre notre program¬
me qui
est de constituer en Poly¬
nésie française un centre d'activité
littéraire et scientifique appelé à pro¬
pager dans cette partie du Pacifique
l'influence légitime de notre langue
et de notre génie national.
Le
Gouverneur,
Gr. JULIEN.
Société des
Études
Océaniennes
1
ARRÊTÉ
créant la "Société d'Etudes Océaniennes"
(Du lpr janvier 1917.)
Le Gouverneur des Etablissements français de
Officier de la Légion d'Honneur,
Vu le décret
l'Océanie,
organique du 28 décembre 1885, concernant le Gou¬
Colonie;
vernement de la
Considérant l'absence
en
une
complète d'un centre d'études océaniennes
région du Pacifique où les investigations de toute nature
auraient chance de donner de bons résultats ;
Considérant la nécessité et
protéger, avant qu'ils
ne
l'urgence de recueillir, conserver ou
disparaissent, les derniers témoins de la
civilisation maorie ;
Considérant l'intérêt social et
scientifique attaché à une connais¬
plus approfondie de la langue, des mœurs, coutumes, tradi¬
tions, arts, industries, folk lore, etc., des populations anciennes
et actuelles de l'Océanie française;
sance
Considérant le profit
matériel et moral pouvant résulter pour
rapports plus étroits noués avec d'autres centres
d'études du monde polynésien et des Sociétés de même ordre d'Eu¬
rope, d'Amérique et d'Asie ;
cette colonie de
Le Conseil d'Administration
entendu,
Arrête:
Article 1er.
Il est fondé, à Papeete, chef-lieu des Etablisse¬
français de l'Océanie, un groupement dit "Société d'Etudes
Océaniennes", ayant pour but l'étude sur place de toutes les ques¬
tions se rattachant à l'anthropologie, l'ethnographie, la philolo¬
gie. l'archéologie, l'histoire et les institutions, mœurs, coutumes
—
ments
et traditions
des maoris de la
Polynésie orientale.
La "Société d'Etudes Océaniennes" affirmera son
existence et fera connaître ses travaux par le moyen d'un organe
Art. 2.
—
périodique appelé "Bulletin de la Société d'Etudes Océaniennes ",
portant en sous-titre la rubrique "Polynésie Orientale", afin
de bien situer l'aire géographique de son action principale.
et
Ce bulletin
de
sera
édité
aux
frais du Service
Local, par les soins
l'Imprimerie du Gouvernement.
Société des
Études
Océaniennes
2
Art. 3.— Les membres de la "Société d'Etudes Océaniennes'
sont
1°
répartis
en
trois sections.
Membres d'honneur et Membres
bienfaiteurs, choisis parmi
personnalités dont le patronage peut aider au succès de la So¬
ciété, ou celles qui, par le don généreux de documents, objets de
collections, subsides ou dotations auront mérité que leur nom
—
les
-reste attaché à l'œuvre elle-même.
2°
Membres résidents, choisis parmi les personnes
présentées
deux autres membres titulaires et qui, résidant en l'un quel¬
conque des Etablissements français de l'Océanie, s'engagent à ver¬
—
par
ser
à la caisse de la Société la
intérieur.
cotisation fixée
par le règlement
Le bureau de la
tion,
sera
Société, choisi parmi les membres de cette sec_
composé d'un Président, d'un Secrétaire, d'un Archi¬
viste-Bibliothécaire
et d'un Trésorier soumis à
l'élection et
con¬
firmés dans leurs fonctions par
arrêté du Gouverneur.
Les Chefs des Services de la Justice, des Domaines, de l'Ensei¬
gnement et le Directeur du Service de Santé feront, de droit, par¬
tie de la "Société d'Etudes Océaniennes", au titre de membres ré¬
sidents.
3°— Membres
correspondants, choisis sur présentation de mem¬
de l'extérieur pouvant aider aux
recherches entreprises, fournir des
renseignements utiles, ouvrir
des enquêtes, procurer des documents, aider en un
mot, de quel¬
que façon que ce soit, à la prospérité des "Etudes Océaniennes".
Art. 4.— La présidence delà "Société d'Etudes
Océaniennes",
de même que la fonction de Secrétaire, purement
honorifiques et
gratuites, devront toujours et obligatoirement être confiées à des
citoyens français.
bres résidents parmi les personnes
Art.-5.— La Colonie subventionnera la " Société d'Etudes Océa¬
niennes" dans
une mesure qui
sera tous les ans fixée au moment
de la préparation du budget local en Conseil d'Administration
;
elle devra, autant que possible, mettre à sa
disposition les locaux
et le matériel mobilier nécessaires
pour ses réunions et la conser¬
vation
en
lieu sûr de
ses
archives, ouvrages de bibliothèque, collec¬
tions, etc.
Art. 6.— Un
élu
et soumis à
règlement intérieur élaboré par le premier bureau
l'approbation du Gouverneur, fixera par le détail
les conditions de fonctionnement de la " Société d'Etudes Océa¬
niennes".
Société des
Études
Océaniennes
3
Art. 7.— Le présent arrêté sera publié pour exécution et com¬
muniqué partout où besoin sera.
Papeete, le 1er janvier 1917.
G. JULIEN.
LISTE
au
1er juillet 1917, des membres résidents
Société dEtudes Océaniennes ".
de la
"
Dr
Chassaniol, ancien Médecin principal de la Marine, Papeete.
M. James,
Pasteur
de
LyleYoung, Présidents. R. MaxwellC°Ltd, Auckland.
Pomaret, Président du Conseil supérieur des Eglises
Tahitiennes.
Président du Conseil du district de Papara.
Salmon, Papeete.
Princesse Teksiu Pomare, Papeete.
M. Lagarde, Chef du Service des Contributions, Papeete.
^,'Abbé Rougier, Propriétaire-Directeur de la " Cocoanut Plan¬
tations Ltd ", à Christmas Island.
M. L. Bouge, Chef de Cabinet du Gouverneur des Etablissements
français de l'Océanie, à Papeete.
M. Orsmond Walker, Papeete.
M. J. B. Solari, Secrétaire Général du Gouvernement des Etablis¬
sements français de l'Océanie, à Papeete.
M. L. Sigogne, Avocat-défenseur, Consul de Suède à Papeete.
M. E. Touze, Directeur de la Compagnie Française des Phosphates
de l'Océanie, Papeete.
M. 'E. Gharlier, Trésorier-Payeur des Etablissements français de
l'Océanie, Papeete.
M. A. Goupil, Défenseur honoraire, Papeete.
M. Ed. Ahnne, Directeur de l'Ecole française-indigène de garçons,
à Papeete.
M. A. Leverd, secrétaire d'Avocat-défenseur à Nouméa, NouvelleM. Tati Salmon,
Mme Marautaaroa
Calédonie.
Dr
Bellonne, Médecin-major des Troupes coloniales, à Uturoa,
île Raiatea
(Iles-Sous-le-Vent).
privé, Juge à la Haute-Cour tahi-
M. Poroi, ancien Conseiller
tienne.
Dr H.
Pailloz, Médecin de la Compagnie des Phosphates de
l'Océanie à Makatea.
M. A.
Rowland, à Papeete.
M. Gardrat, Maréchal des
logis-chef de Gendarmerie à Papeete.
Société des
Études
Océaniennes
4
M. Thomas B. L.
Layton, Consul of the United States of America,
Tahiti.
Dr W. Johnstone Williams,
Acting Consul de Sa Majesté Britan¬
nique, à Papeete.
Commandant Simon,
Capitaine de Port, Chef du Service de la
Navigation, à Papeete.
M. B. Chazal, Administrateur des Iles-Sous-le-Vent, à Uturoa
(Raiatea).
Pasteur Ch. Vernier, à Uturoa (Raiatea).
Pasteur P. L. Vernier, à Papeete.
Frère Anthème, Directeur de l'Ecole des Frères de l'Instruction
chrétienne, Papeete.
M. Cardella, Maire de Papeete.
M. A. Drollet, Interprète principal à Papeete.
M8r Hermel, Evêque de Casium, Vicaire apostolique de Tahiti,
Papeete.
M. Philipps, à Papetoai (Ile Moorea).
Dr Gautier, Médecin-major de lre classe des Troupes coloniales,
Directeur du Service de Santé à Papeete.
M. Hayem, Chef du Service des Travaux publics p. i., à Papeete.
M. A. Leboucher, Négociant à Papeete.
Société Parisienne d'Exportation et Importation, à Papeete.
M. J. A. Amédet, Directeur de la Société Parisienne d'Exportation
et Importation, à Papeete.
M. H. Simoneau, Procureur de la République, Chef du Service
Judiciaire, à Papeete.
M. Nadeaud Tu a Temarii, Membre de la Chambre d'Agriculture,
à Papeete.
Dr Le Strat, Médecin arraisonneur et de la Municipalité, à Pa¬
peete.
Graffe, Interprète principal du Gouvernement, à Papeete.
M. Chas. H. Norris, à Arue (Tahiti).
M. Secrétan, à Papeete.
M. Charles, Administrateur des Colonies, à Papeete.
M. Gautron, Géomètre à Papeete.
M. Hervé, Armateur à Apataki
(Tuamotu).
M. Danès, Médecin du Service Local, à
Papeete.
M. Vermeerscii, Chef du Service de
l'Enregistrement et des
Domaines, à Papeete.
M1,e E. Banzet, Directrice d'école, à Papeete,
M1!* Perrier, Institutrice, à Papeete,
M.
Société des
Études
Océaniennes
5
Directeur de S. R. Maxwell & C° Ltd, à Papeete.
constructeur de navires à Papeete.
M. F. Homes, commerçant à Papeete.
M. G. Spitz, à Papeete.
M. V. Gooding, à Papeete.
M. B. F. Varney, Directeur de la Maison Donald, à Papeete.
M. E. Thuret, Greffier en chef des Tribunaux, Papeete.
M. R. Guého, Papeete.
M. Guyetant, Chef de la Station de T. S. F., à Mahina.
M. Le Brazidec, Docteur en pharmacie, à Papeete.
M. Brault, Défenseur à Papeete.
M. le Rd. P. Hervé, Missionnaire aux Tuamotu.
M. Norman Brander, à Papeete.
M. Marting, Ingénieur à la Compagnie Française des Phosphates,
M. Bunkley,
M. Ch. Brown,
Makatea,
Notaire, à Papeete.
Walker, Arthur, a Papeete.
Kresser, Charles, à Papeete.
Miller, Charles, à Papeete.
Gillet, Maurice, à Papeete.
Marcantoni, Pascal, à Papeete.
Victor Raoulx, à Papeete.
Paraita Tehanai, à Papeete.
M. Vincent,
M.
M.
M.
M.
M.
M.
M.
M.
Darison, Chef mécanicien du " Sl-François
Virieux, Agents de la Compagnie
MM. Bérard et
Navale de
l'Océanie.
Guitteny, instituteur à Huahine.
Stimson, de Moorea.
M. W. Bredien, Papeete.
M. Amand Fradet, Conseiller municipal, à Papeete.
M. Teriieroo a Teriierooiterai, Président du Conseil
M.
M.
de
de district
Papenoo.
Société des
Études Océaniennes
Correspondance
au
sujet des Divinités mégalithiques
de l'Ile Raivavae.
Papeete, le
G.
20 mai
1916.
Julien, Officier de la Légion d'Honneur, Gouverneur des
Etablissements français de l'Ocèanie,
A Monsieur
l'Agent-Spécial de Tubuai-Raivavae.
J'ai appris récemment qu'il existait à Raivavae des divinités
mégalithiques analogues à celles de l'île de Pâques. Quelquesunes d'entr'elles, les
plus petites, auraient, paraît-il, été brisées
et détruites ou utilisées comme de
vulgaires matériaux. Je me
propose de prendre un texte pour les préserver de la destruc¬
tion. En attendant, il convient de
protéger celles qui existent en¬
core et qui sont au nombre de deux
grosses et de deux petites.
J'attache le plus grand intérêt à ce que l'on respecte ces té¬
moins du passé, et qu'on évite avec le
plus grand soin toutes
causes
accidentelles de détérioration.
G. JULIEN.
Tubuai, le
Le
29
juillet 1916.
gendarme Dupire, faisant fonctions d Agent spécial
de Tubuai,
A Monsieur le Gouverneur des Etablissements
français
/' Océanie.
Monsieur le
J'ai l'honneur de
de
Gouverneur,
rendre compte que, suivant les ordres
n° 402, du 20 mai
1916, j'ai donné
Chef de Raivavae, en vue de la préservation
vous
contenus dans votre lettre
des instructions au
des divinités mégalithiques
Société des
de cette île.
Études
Océaniennes
Ii
existe, en effet, quatre divinités de ce genre à Raivavae:
grandes, dont l'une peut atteindre trois mètres — les dif¬
férents équipages de la "Zélée" se sont malheureusement plu à
y graver leurs noms — et deux plus petites, de im50 à im75 (il
manque un bras à une de ces dernières). Elles sont faites d'une
pierre rouge, poreuse, friable et auraient beaucoup à gagner à
être mises à l'abri des injures du temps, mais elles sont d'un tel
poids qu'elles ne peuvent être transportées, du moins avec les
moyens dont on dispose à Raivavae.
D'après les dires des anciens de l'île, les petites divinités au¬
raient été détruites, non pas pour être.utilisées comme maté¬
riaux, mais par Ordre des premiers pasteurs venus à Raivavae,
qui s'attachaient à faire disparaître tout vestige de paganisme.
deux
G. DUP1RE.
Société des
Études
Océaniennes
8
ILE DE CHRISTMAS
Cette île est l'atoll le
moins
connus.
plus grand du Pacifique et l'un des
i degré 57' lat. Nord et au
Il est situé à
28'
long. Ouest.
point de vue des émigrations polynésiennes cette île est
à première vue très intéressante. En effet, si vous jetez les yeux
sur une carte du Pacifique, vous voyez qu'elle est la première
au milieu du grand courant équatorial roulant vers l'ouest avec
des différences de vitesse de 2 à 70 milles par 24 heures, selon
Au
les vents et les mois.
Là est la limite des alizés Nord-Est et Sud-Est,
avec
le résul¬
tat que les calmes y sont inconnus, les brises d'Est y soufflant
constamment et fortement. Au Nord, un contre courant équa¬
torial amène
rums
avec
du
vers
l'Est tout
ce
qui flotte dans le calme des dol-
pour le jeter dans les alizés qui le ramènent à Christmas
le courant équatorial. C'est donc, par sa position, le point
Pacifique où, naturellement, on doit trouver le plus d'épa¬
épaves de bateaux, épaves humaines.
ves:
Cette île était nécessairement
sur
tion de l'Est à l'Ouest et du Nord
le chemin de toute
émigra¬
Sud. Bien plus, une émi¬
aurait pu être emmenée par le contre
au
gration de l'Ouest à l'Est
courant équatorial très loin à l'Est, puis ramenée à Christmas
par les alizés et l'immense tourbillon que fait à cet endroit le
Pacifique. Mais c'est surtout l'Est (courant) et le Nord-Est et
Sud-Est (alizés) qui devaient amener à Christmas des traces ca¬
pables d'aider à éclaircir les mystères des origines polynésien¬
nes.
devait être,
effet arrivé.
les pierres, un
Voici maintenant des faits prouvant que ce qui
la position géographique de Christmas, est en
vu
A l'extrémité Sud-Est de l'île
se
trouve,
jeté
sur
racines, mesurant 40 mètres de long et
d'un diamètre de om. 50 sur une longueur de 20 mètres. Un
autre arbre, sur la même plage, et avec ses racines également,
tronc d'arbre avec ses
a un
diamètre de
1
mèt^e mais n'a que 20
mètres de long. Un
autre, côté Est, n'a que 1 j mètres, mais lui aussi a ses racines, et,
comme les autres, est de la famille des pins. Or, il est certain
que ces
arbres,
avec
leurs racines, i° ne faisaient pas parti d'un
Société des
Études
Océaniennes
9
; 2° ne sont pas de la flore in¬
sulaire océanienne et n'ont pu remonter ici, ni de Nouvelle-Zé¬
lande ni d'Australie: leur provenance est américaine. Donc un
chargement de bateau naufragé
courant
d'Amérique ici existe. Il est fort, puisque des racines de
la grosseur du bras ont subsisté et que sûrement de plus peti¬
tes existaient lors de leur abordage ; il est rapide puisque ces ar¬
bres ont peu
souffert de l'attaque des bernaeles (Lepas anati-
fera).
Autre fait
la même tortue de terre
qui se trouve dans les îles
l'Equateur comme Christmas, se, trouvait
ici. Une carapace de ces chéloniens fut envoyée par mes soins
au Bishop Museum d'Honolulu. Evidemment, les tortues n'ont
pas nagé des îles Galapagos ici, mais le bateau qui les avait
prises à bord, probablement comme provisions de voyage, n'en
a
pas moins échoué à Christmas, suivant ainsi une course di¬
:
Galapagos, îles
sous
recte de l'Est à l'Ouest.
Ma conclusion est donc que
amènent
vers
les alizés Nord-Est et Sud-Est
beaucoup de
ce qui flotte dans le courant équatorial
l'île de Christmas. Assise dans le milieu même de ce cou¬
rant, cette île y ouvre ses deux bras de 50 km. d'envergure. Il
qu'elle ait reçu et gardé des traces cer¬
est donc tout naturel
taines
d'émigrations polynésiennes.
aujourd'hui prouvé que les habitants des îles Hawai
sont frères des Tahitiens. Les voyages entre Tahiti et les îles
Sandwich étaient d'ailleurs fréquents, sur leurs pirogues dou¬
bles, et Christmas se trouvant sur leur passage devait être un
point de repère et de repos très apprécié au milieu d'une si
longue traversée. Une proue de pirogue et un reste de mât dé¬
couverts parmi bien d'autres épaves prouvent que
parfois ils
y ont même trop touché. Le mât était terminé par un croissant
et la
pirogue m'a paru être en Tou (cordia subcordata) et était
II est
creusée à la hache de silex.
Traces humaines trouvées à Christmas.
Il est fort
probable qu'à des époques très reculées, remontant
débuts de la navigation dans le Pacifique et l'apparition au
soleil de cet atoll, des êtres humains ont abordé à
Christmas;
mais y ont-ils laissé des traces? La
réponse à cette question est
qu'ils en ont laissé, mais de très rares et de très difficiles à dé¬
couvrir. Pourquoi? Parce que cette île, par sa position même,
aux
Société des
Études Océaniennes
10
était destinée l'une des dernières à
végétation et
cette raison aucun être humain n'aurait pu s'y fixer.
si on examine les graines des arbustes qui couvrent
tous ces atolls, on constate que la plupart de ces graines sont
flottantes et peuvent garder leur vitalité durant de longs mois,
même dans l'eau de mer. Se trouvant la première en amont des
courants et des vents, l'île de Christmas devait être la dernière
à recevoir ces graines. On peut dire qu'il n'y a encore qu'un
seul arbre, leTournefortia argentea (Tahunu); quant auKenigii
scevola (nashu), il a pu être importé par le Kivi ou courlis (Numenius femoralis) qui parfois se nourrit de ses graines et dont
il digère seulement la pulpe blanche. De même les graines mi¬
nuscules du pourpier (Portulaca lutea) et de la cuscute ont pu
s'attacher à des plumes d'oiseaux de mer, mais jusqu'ici je n'ai
pu m'expliquer la présence du Tournefortia et du Suriana Maritima (Hubu, Kurima) autrement que par les courants. LeTour¬
nefortia, quoique se trouvant actuellement un peu partout sur
l'île, est loin de l'avoir envahie complètement ; son peu de déve¬
loppement prouve d'ailleurs son introduction relativement ré¬
cente. De plus, à mon avis, après maintes observations et ex¬
plorations à l'intérieur de l'île, ou la mer se retira subitement,
ou l'île surgit soudainement des flots, et cela à une date qui ne
peut pas être très éloignée, et il fallut encore bien des années
pour qu'une graine pût germer et se développer dans un sol
nouveau formé tout entier de coquilles et de corail en putréfac¬
tion. Résultat: aucune émigration polynésienne ne put s'y éta¬
blir; il fallait ou s'en aller sur n'importe quel radeau, ou y vé¬
géter et mourir; on ne vit pas uniquement d'oiseaux et de pois¬
se
couvrir de
que pour
En effet,
sons.
Enfin la
pluie était plutôt rare sur une île dépourvue de toute
végétation. Cook en 1777 dit qu'en vain ils creusèrent en bien
des endroits pour avoir de l'eau potable. Mais déjà en 1858 le
Capitaine Hooper en trouvait de suffisamment bonne. Aujour¬
d'hui il y a de l'eau potable partout où l'on creuse, excellente
même en des endroits, et voire même de l'eau de source se dé¬
versant dans la mer dès que la marée le permet. Et ces sources
ne proviennent pas d'un excédent de pluie (l'île n'en a pas eu
plus de 20 mm. en 7 mois). J'attribue la concentration de cette
eau à la formation rapide d'un béton naturel sous le sable du
rivage au contact de l'eau de mer et de l'eau douce qui naturel¬
lement doit se diriger au rivage par infiltration. L'eau de pluie
Société des
Études
Océaniennes
11
captée comme dans une immense citerne souterraine
remplie de débris coralien; mais si à un endroit ce béton n'a
pu se former ou qu'il y ait une fissure, ce qui est mon cas pour
les sources découvertes, le trop plein de l'île se déverse dansla
mer à toutes les marées basses. Tout ceci pour dire qu'il ne
faut pas s'attendre à trouver les traces de polynésiens ayant
séjourné longtemps dans l'île, mais bien les traces de leur pas¬
sage et leurs tombeaux. C'est ce que j'ai eu le bonheur de dé¬
couvrir en plusieurs endroits différents.
est ainsi
Marae de la Pointe Nord-Ouest.
A l'extrémité de la
pointe Nord-Ouest, sur une plage sablon¬
qui mesure 2m. X4X2. Une grande
pierre plate le surmonte. C'est à peu de chose près le marae que
dépeint M. L. G. Seurat, page 116, dans son étude sur Tahiti et
ses dépendances. C'est le marae des
Mangaréviens, frères des
Rarotonga et Hawaian. Ceux-ci avaient-ils érigé cet autel lors
de leurs voyages fréquents entre Tahiti et Hawaii? car en face
de ce marae est une passe, un bon ancrage et un lieu de repos.
neuse,
s'élève
un
marae
J'ai fait fouiller
ce marae et reconstruire. Ce n'était pas une tom¬
monument, un mémorial ou un autel comme il s'en
trouve à Hawaii et aux Gambier. J'ai découvert au centre même
de l'île d'autres marae ou lieux de prière ou de sacrifices comme
be, mais
on en
un
voit
aux
Tuamotu. Ce sont des enceintes de 4
mètres de
long
res
sur 1 m. 50. Ces enceintes sont fermées par de minces pier¬
de corail, fichées en terre, d'une hauteur de 30 à 40 cm. Il y en
7 les unes à la suite des autres et en demi-cercle, face au cou¬
chant. Plus loin, on trouve la trace de ce que j'ai pris pour un
ancien village, d'ailleurs merveilleusement bien situé, à proxi¬
a
mité d'une
source abondante, au bord d'une presqu'île dans le
lagon qui est à cet endroit très poissonneux. Un village-à l'en¬
trée du lagon ou sur les bords de la mer nous aurait semblé plus
rationnel, mais ces pauvres gens ne fuyaient-ils pas, à l'intérieur,
les yeux inquisiteurs et les mains sanguinaires des négriers du
Pérou qui, autrefois, dépeuplèrent tant d'îles? Une autre trace
de village existe également à 40 km. plus au
sud-est, toujours à
l'intérieur de l'île et sur le bord d'un joli lac. Là aussi est un
marae, mais de proportions minuscules comparé aux autres.
Dans ces deux endroits la végétation semble plus âgée, étant
plus dense et développée. Des sources excellentes indiquent
Société des
Études
Océaniennes
12
qu'ils occupent la partie la plus basse d'une immense cuvette
fait l'île.
que
Tombes,
De nombreuses tombes, mais isolées, se trouvent sur le lit¬
l'île, surtout sur le littoral Est, dit des Epaves. Celles qui
recouvrent des Européens sont mieux soignées et
plus à l'inté¬
toral de
rieur; celles des Polynésiens regardent le levant et sont sur le
rivage même où les vagues viennent déferler. La curiosité me
fit ouvrir une de celles qui semblaient doubles. Vers la tête
je
trouvai une hachette en silex très noir et si dur qu'il raie facile¬
ment le verre. Dimensions : n cm.
x3x3. Les défunts, car ils
étaient bien deux, avaient été recouverts de sable puis de pierres
de corail. De larges et minces dalles entouraient leur tombe
commune. A 1 m. de profondeur une très mince
épaisseur de
cendres très fines était la seule indication que ceci avait eu
vie. Mais qui avait rendu le dernier service à ces pauvres nau¬
fragés? La réponse était à 10 mètres. Là, dans les pierres, une
tranchée de
2 mètres sur 1 laissait voir des traces mieux conser¬
vées d'un être humain. J'y ai relevé un tibia, qui s'effrita entre
mes mains, et une rotule toute
pétrifiée. Celui qui avait rendu
autres les devoirs
suprêmes s'était couché dans sa tombe
mourir et la nature ne l'avait pas encore recouvert; une
jeune plante y commençait sa vie.
aux
pour y
Ce sont à peu près toutes
: deux
emplacements de
les traces humaines laissées sur
villages très primitifs, quelques
maraes, de nombreuses tombes indigènes, de plus nombreuses
tombes d'Européens, 30 kilomètres d'épaves de toutes sortes:
pirogues simples, pirogues doubles, bateaux à voile de toutes
grandeurs, vaisseaux en fer, etc. ; çà et là des pierres alignées
sur la plage menant à 100 mètres à l'intérieur, et puis plus rien.
Pourquoi ces pierres? Ailleurs de petits monticules de pierres
de corail qui veulent bien dire quelque chose, mais quoi?
l'île
Une inscription gravée dans une planche et
le sable d'une des collines de l'île dit :
découverte dans
Wreck Settlement 9 milles west.
Des
noms
évidemment
indigènes gravés sur les pierres des maraes sont
plus' récents que ces marae. En voici quelques-
uns:
Société des
Études
Océaniennes
Nuima, Tubou, Polatola, Tuira, etc.
Les mêmes noms se retrouvent à Samoa, Tonga, Fiji, Tahiti.
Les Polynésiens qui ne naviguaient jamais Sans cocos ont dû,
après un naufrage, vivre sur ces cocos. Mais à mon opinion, ils
ont dû en planter quelques-uns, car, en trois endroits différents
de l'île signalés déjà par Cook, il
y a des traces de très vieux
cocotiers, précisément où sont ces marae et traces de villages.
Question
sur un
" Totem ".
Quelqu'un de ceux qui liront ces lignes pourrait-il me dire
quelle tribu océanienne a pour Totem le petit oiseau connu
sous le nom de "Tartare arundeli", sorte de fauvette
grise qui
vit d'insectes, attache solidement son nid aux arbustes,
pond
4 à 5 œufs gris et fait entendre le cri guttural de kokikokiko;
gentil oiseau, très familier, qui vient jusque dans les maisons.
Je pose cette question parce que nous avons ici des millions
d'oiseaux de mer, mais le Tartare est le seul oiseau de terre de
l'île. Il ne peut guère voler à plus de 20 m. Inutile de songer à
ce qu'il ait été
transporté ici par le vent. Ma thèse serait qu'une
tribu qui a pour totem le tartare a fait
naufrage ici alors qu'elle
émigrait avec son totem, comme aujourd'hui certains voyageurs
leur mascotte, les anciens leurs dieux lares. Ce serait un
jalon
pour une tribu
au
moins du milieu du Pacifique.
Pour ce qui regarde la race blanche, je me prends parfois à
espérer que la découverte d'un manuscrit (une bouteille déjà a
été trouvée contenant une lettre
qui malheureusement est tom¬
bée en cendres entre mes mains) permettra de lire une des
nombreuses et tristes histoires dont cette île a été témoin. N'é¬
tait-elle pas, autrefois comme aujourd'hui, sur le chemin direct
de l'Amérique du Sud en Chine et au
Japon, au
temps où les
belles galères s'y rendaient chargées de butin, d'or et d'argent?
Stevenson aurait pu y placer son "Treasure Island" s'il avait
voulu
placer le théâtre de son roman dans le Pacifique.
Quant aux Polynésiens, je crains bien que les pages relatant
l'histoire des premiers habitants de Christmas ne restent à ja¬
mais scellées. J'ose tout au plus espérer que ces lignes pourront
quand même intéresser ceux que passionne encore l'étude des
races
polynésiennes.
EMM. ROUGIER.
Société des
Études
Océaniennes
14
La
légende des "Pierres marchantes" (Ofaitere) de
Papetoai, racontée par nn ancien du pays.
Les
génies de Raiatea avaient entendu parler des beautés de
"Rotui", qui se trouvait alors au fond de la baie
d'Opunohu, à Papetoai, mais beaucoup plus à l'intérieur des
terres. Ils formèrent le projet de venir voler cette belle
montagne,
pour la transporter chez eux, aux lles-Sous-le-Vent.
Alors, par une nuit très noire, ils arrivèrent à Moorea ; ils
la montagne
étaient trois: deux frères et leur
sœur.
Ils entourèrent la
mon¬
tagne Rotui avec une longue.çorde que la sœur devait tirer par
devant, pendant que les deux frères pousseraient la montagne
par derrière. Et la montagne se déplaçait lentement,
Mais il y avait aussi à Moorea un bon génie : c'était une femme.
Elle s'aperçut qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire
pendant cette nuit; elle sentit que la montagne se déplaçait et
s'avançait lentement vers la mer : elle comprit qu'on voulait la
voler. Alors, elle imita le chant du coq, et au milieu de cette
nuit lança des "coquericos" étourdissants.
Les génies de Raiatea crurent à l'approche du jour; ils eurent
honte d'être surpris et s'arrêtèrent.
Les deux frères furent changés en deux grandes pierres ayant
la forme de têtes d'homme avec une hauteur de presque deux
mètres. Ces deux pierres existent toujours au fond de la baie
d'Opunohu, et les indigènes du pays chantent leurs noms de
"Pierres marchantes" dans leurs chansons. Quant à leur sœur,
elle fut changée en un grand bloc de corail situé à peu près au
milieu de la passe de Papetoai, qu'on appelle la passe "Taareu",
et
on
l'appelle encore maintenant
Et voilà comment la montagne
le "Côrail aux requins".
Rotui, qui se trouvait plus à
l'intérieur des terres, est placée maintenant au bord de la mer.
Mme TETUA A TEFAAFANA.
Société des
Études
Océaniennes
15
DOCUMENTS OFFICIELS
ARRÊTÉ
constituant le bureau de la Société d'Etudes
Océaniennes.
(Du 27 mars 1917.)
Le Gouverneur
des
l'Océanie, Officier
Etablissements français de
de la
Légion d'honneur,
Vu le décret organique du 28 décembre 1885, concernant, le
Gouvernement de la Colonie;
Vu l'arrêté local du 1er janvier 1917, créant la " Société d'Etu¬
des Océaniennes", et notamment l'article 3,
paragraphe 2, relatif
à la constitution du bureau de la dite Société ;
Considérant que
les membres de cette Société présents à l'as¬
inaugurale du 22 mars 1917 ont ratifié la désignation des
sociétaires devant composer le premier bureau,
semblée
Arrête
Article 1er.
—
:
Est confirmée ainsi
qu'il suit la constitution du
bureau de la Société des Etudes Océaniennes
Président
M.
:
Simon, Lieutenant de vaisseau en retraite, Chevalier de
la Légion d'honneur, Chef du Service de la
Navigation à
Papeete.
Secrétaire
M.
:
Sigoqne, Docteur
en
droit, Avocat Défenseur à Papeete.
Trésorier
M. 0. Walker,
à
:
:
Employé à la Compagnie des Phosphates
Papeete.
La
désignation d'un archiviste-bibliothécaire est réservée jus¬
cet emploi soit d'opportunité reconnue.
Art. 2.
Le présent arrêté sera enregistré, publié et communi¬
qu'à
ce que
—
qué partout où besoin
sera.
Papeete, le 27
mars
G. JULIEN
Société des
Études
Océaniennes
1917.
16
ARRÊTÉ organisant la conservation des monuments et objets ayant
un caractère
historique ou artistique intéressant les Etudes Océa¬
niennes, et interdisant l'exportation des fragments et objets de
même nature.
(Du
Lis
Gouverneur
Vu le décret
dis
juin 1917.)
Etablissements français
des
l'Océanie, Officier
il
ois
Légion d'honneur,
la
organique du 28 décembre 1885, concernant le
Gouvernement de la Colonie ;
Vu, à titre documentaire, la loi du 30 mars 1887, relative à la
objets d'art ayant un intérêt his¬
conservation des monuments et
torique et artistique
Vu l'arrêté du 1er
;
janvier 1917, créant à Papeete
une
Société
d'Etudes Océaniennes ;
Considérant qu'il y a
de la
ques
utilité urgente de préserver de la ruine et
disparition les quelques vestiges de monuments mégalithi¬
ou autres existant encore dans nos Etablissements,
Arrête
Article 1er.
—
vant intéresser
Les immeubles
ou
:
monuments
d'un caractère pou¬
l'histoire, l'archéologie ou l'art des populations
océaniennes seront inventoriés et classés par
voie d'arrêté : 1° d'of¬
fice, s'ils font partie du domaine de la Colonie; 2° avec le consen¬
tement et d'accord avec les propriétaires, s'ils sont situés sur des
immeubles
Art. 2.
particuliers.
—
Le classement
tion des dits monuments
Art. 3.
—
a
ou
Le monument
détruit, même
exclusivement
en vue
la
conserva¬
immeubles.
ou
l'immeuble classé
ne
pourra
être
partie, ni être l'objet de restauration, réparation
ou modification quelconques, qu'après autorisation écrite du Gou¬
verneur sur avis donné par la Société d"Etudes Océaniennes.
en
Les effets du classement suivront le monument
en
ou
l'immeuble
quelques mains qu'il passe.
litiges survenant après classement seront tranchés par les
Les
tribunaux administratifs.
Art. 4.
dépense
ce
—
Si la Colonie
ou
la Société d'Etudes n'a fait
aucune
monument classé appartenant à un particulier,
sera déclassé de droit dans le délai de six mois après
pour un
monument
la réclamation que le propriétaire pourra adresser au Gouverneur.
Art. 5. — L'exportation hors de la Colonie des fragments de
monuments
mégalithiques
ou
Société des
de pierres portant des inscriptions,
Études
Océaniennes
17
dessins
traces
quelconques de l'industrie ou de l'art primitif,
spéciale du Gouverneur.
Les objets exportés en fraude et
qui viendraient à être décou¬
verts seront confisqués et
déposés parmi les collections de lu So¬
ou
interdite sauf autorisation
est
ciété d'Etudes Océaniennes.
Art. 6.
Dans toute l'étendue des Etablissements
français de
l'Océanie toute découverte du
genre cité plus haut intéressant l'ar¬
—
chéologie mégalithique, l'histoire
ou l'art, si elle a lieu sur des
concédés par la Colonie à des Etablis¬
ou des particuliers, est réservée à la Colonie.
immeubles du Domaine
sements
publics
Art. 2.
—
Le
ou
présent arrêté
publié partout où besoin
sera
enregistré, communiqué et
sera.
Papeete, le 11 juin 1917.
G. JULIEN.
ARRÊTÉ affectant provisoirement l'ancienne caserne
d'Infanterie
au
logement des Chambres de Commerce et d'Agriculture, de la
Société d'Etudes Océaniennes, de leurs archives et collections.
(Du 24 octobre 1917.)
Le Gouverneur
des
l'Océanie, Officier
Vu le décret
Etablissements français
Légion d'honneur,
de
de la
organique du 28 décembre 1885,
Gouvernement de la Colonie
concernant le
;
Vu le bail
passé entre l'Etat et la Colonie, pour une durée de 3,
années, qui ont commencé à courir le 1er janvier 1911, de
l'ancienne caserne d'infanterie, coté A au plan
général des anciens
immeubles militaires, suivant acte administratif en date du 11 no¬
vembre 1910, approuvé en Conseil privé le 12 du môme mois;
Vu la décision du 27 juillet 1914,
autorisant la remise par le
Service des Domaines et des Travaux publics, au Service militai¬
6
ou
re,
9
de certains immeubles dont la
ci-dessus,
pour y loger un
à Tahiti était
imminente;
caserne d'Infanterie désignée
détachement d'infanterie dont l'arrivée
Vu la
dépèche ministérielle du 25 juin 1914, arrivée à Papeete
1914, prescrivant d'installer ledit détachement dans l'an¬
cien quartier d'artillerie, entièrement
occupé par les services de
le 2 août
la Justice ;
Vu le procès-verbal en date du 19 avril 1916,
nommée par décision du Gouverneur, en date
Société des
Études
de la commission
du 13 avril 1916,
Océaniennes
18
proposant d'affecter les anciens locaux du quartier
d'artillerie
au
détachement d'infanterie, en conservant pour les besoins de la
Justice le 1er étage du grand bâtiment, ce qui pratiquement ne gè¬
ne en
rien le détachement,
largement logé dans la partie restée
libre ;
Considérant
à loger les Services des Cham¬
d'Agriculture, ainsi que les collections im¬
portantes que possède la Colonie ;
Vu d'autre part la délibération du Conseil d'Administration, en
date du 13 août 1917, mettant une somme de dix mille francs à la
disposition du Service des Travaux publics pour réfection de l'im¬
qu'il
y a urgence
bres de Commerce et
meuble militaire sus-visé ;
Qu'il
ne
saurait,
en
l'état actuel des choses, être question de
qu'il est au contraire indiqué de tirer
bâtir des immeubles mais
parti de ceux que la Colonie a pris en charge avec engagement de
pourvoir à leur entretien,
Arrête
Article 1er.
est et
—
La décision du 27
:
juillet 1914, sus-mentionnée,
demeure rapportée.
Art. 2. — Le bâtiment b, dépendant de l'ancienne caserne d'In¬
fanterie et comprenant un rez-de-chaussée surélevé d'un étage
avec vérandah sur la façade et couverture en tuiles, sera provisoi¬
rement affecté
au
logement des Services des Chambres d'Agricul¬
ture, de Commerce et de la Société d'Etudes Océaniennes, ainsi
qu'aux collections, archives et bibliothèque en dépendant.
Art. 3.
—
Le Secrétaire Général et les Chefs des Services des
Domaines et des Travaux
publics sont chargés de l'exécution du
présent arrêté, qui sera enregistré, communiqué et publié partout
ou
besoin
sera.
Papeete, le 24 octobre 1917.
G. JULIEN.
Par le Gouverneur
:
Le Secrétaire Général p. i.,
a. solàri.
Le
Chef du Service des Domaines,
E. Vermeersch.
Le
Chef du Service des Travaux
publics p. i.,
J. L. Marctllac.
Société des
Études
Océaniennes
19
MOEAVA
LE
GRAND
"KAITO
PAUMOTU"
Moeava est, sans contredit, le marin, le guerrier, le héros
par
excellence des Tuamotu. Sa renommée est restée fort
grande
dans toutes les iles de l'archipel.
11 naquit, il y a environ une vingtaine
de générations, dans l'île
Takaroa, connue alors sous le nom de "Takapua". Il était fils
de Kanaparua et de Ruritau,
appelée aussi Punakeuariki. Son
père était originaire de Hao. Sa mère était de Takaroa même. Ils
eurent plusieurs enfants, entre autres:
Tagaroa-Tiraora et Moe¬
ava. C'est de ce dernier
qu'il va être particulièrement question
ci-après.
Tagaroa, l'aîné d'entre
eux, eut pour femme "Korare", dite
née à Hao, disent quelques-uns, àTakume, se¬
lon d'autres. Elle lui donna cinq enfants : quatre
garçons et une
fille, respectivement nommés: Tagihia-ariki, Parepare, Rogota-
Mautekaunuku,
ma,
Reipu
et Tutapuhoatua.
Devenus orphelins de bonne heure, Moeava adopta ces enfants
Société des
Études
Océaniennes
20
et les aima à
l'égal d'un père. Mais c'était un homme trop épris
péripéties de la navigation aux îles loin¬
taines pour s'attacher de manière permanente au sol natal. Sur
son fameux bateau " Murihenua", il parcourut tous les archipels
environnants. Tour à tour, il visita les nombreuses îles éparses
sur cette immense plaine liquide qu'est le Pacifique. C'était, rap¬
porte la tradition, un navigateur hors ligne, un manœuvrier de
premier ordre, en un mot, un véritable loup de mer. On peut
dire de lui qu'il était aussi habile marin que brave guerrier. 11
vint à Hao, pays de son père, lier connaissance avec les nom¬
breux parents qu'il avait dans cette île. 11 demeura un certain
temps au milieu d'eux à Vainono, ancien village de Hao, situé
au fond de l'île. De Hao, Moeava poussa une pointe jusqu'à Napuka où il fit un long séjour. Là, il rencontra une femme nom¬
mée "Huarei". L'ayant épousée, il en eut bientôt un enfant au¬
quel fut donné le nom de "Kehauri". A quelque temps de là,
pris du désir de revoir ses enfants adoptifs, il remit son bateau
à l'eau, y embarqua sa femme et son enfant et mit le cap sur
Takaroa. De retour au pays, toutes sortes d'ennuis l'assaillirent.
Ses enfants adoptifs, se targuant du droit d'aînesse, ne purent
s'entendre longtemps avec le cousin nouvellement arrivé. Ils lui
montrèrent peu d'estime, vu qu'il était né dans l'île réputée la
des aventures et des
dernière des Tuamotu. Ils le tinrent donc à l'écart. Kehauri res¬
ces sentiments d'aversion ; il en était humilié et
jeune et moins fort qu'eux, il ne pouvait rien. De
jour en jour, la situation devenait plus tendue. Outré d'indi¬
gnation, il n'attendait qu'une occasion pour donner libre cours à
sentait vivement
offensé. Plus
sa
colère. Cette occasion fut
une
tête de tortue dont Kehauri
injustement frustré. Il s'ensuivit une violente querelle qui
dégénérer en meurtre fratricide, Kehauri ne pouvant ad¬
mettre, lui fils unique et légitime de Moeava, que son père don¬
nât à Tagihia-ariki la tête de tortue qui, en toute équité, lui reve¬
fut
faillit
nait.
Tout le monde sait que la tortue est un mets royal en Poly¬
nésie. La tête était de droit réservée au chef du "marae" où elle
avait été consacrée à la divinité avant sa mise au four. Or, Tagi¬
hia-ariki, né à Takaroa même, était non seulement roi mais"Tahua", c'est-à-dire grand prêtre et propriétaire à la fois du marae
"Ragifaoa" sis sur la terre Matiti-marumaru, au district de Tevavaro.
hauri
Il refusa
en
"marae"
donc d'abandonner cette tête de tortue à Ke¬
l'engageant, s'il en désirait une, à se rendre sur son
de Napuka, où il était le maître.
Société des
Études
Océaniennes
21
Depuis lors
haine très vive sépara les deux cousins. Kepouvait oublier, et un jour, las de souffrir, il
insista pour retourner à Napuka, sa terre natale. Sa mèreHuarei
hauri surtout
une
ne
tenta vainement de le calmer et de lui faire entendre
que cette
tête de tortue revenait de droit à Tagihia-ariki, comme étant
l'ainé de la famille. Ces paroles, loin de désarmer Kehauri, eu¬
rent le.don de
l'exaspérer. Il répondit à sa mère: "Taku nanu
i Havaiki" : « Ma malédiction suivra mon frère jus¬
qu'à la nuit à Havaiki (enfer). »
Tagihia-ariki entendant ces propos s'empressa de les rappor¬
ter à Moeava. Celtii-ci, très peiné, essaya à son tour de récon¬
cilier ses enfants. Rien n'y fit. Cependant, à force d'instances
réitérées, Kehauri obtint enfin l'objet de ses plus vifs désirs:
la permission de partir. Moeava lui-même, toujours vaillant et
intrépide pour entreprendre des voyages lointains, se chargea de
le rapatrier. Huarei les accompagna, heureuse d'aller revoir son
fenua-fanau" et ses "fetii". Cependant Moeava, à force de guer¬
royer avec succès dans beaucoup d'îles qu'il soumettait à son
joug, rançonnait ou ravageait, finit par se créer de nombreux
ennemis. Avertis sans doute de son absence de Takaroa, ceuxci en profitèrent pour se liguer et exécuter à leur tour une des¬
cente dans l'île de l'ennemi commun; c'étaient, en majeure par¬
tie, les peuplades des îles de l'Ouest et du centre des Tuamotu,
Ragiroa, Kaukura, Kauehi, Apataki, Niau, Fakarava, Makemo,
Anaa, et de celles plus lointaines appelées "Marama".
Dix-neuf Tini-tagata au moins participèrent à cette invasion de
nei
e e
i te po
"
Takaroa.
Voici le
nom des principales peuplades qui prirent part à cette
expédition et dont la tradition garde encore le souvenir:
Te tini a Muta, te Uni o Tuhiragi, te Uni o Fakarere, te Uni
o
Kaua, te tini o Parakau, te tini o Mauriokeba, te tini o Tuaerokura, te tini o Tegagi, te tini o Taramoa, te tinio Pakou, te
tini o Marioka, te tini o Tuteriha, te tini o Goio, te tini o To~
korega, te tini Marivaha, te tini o Kauro, te tini o Tuakarabi,
te tini
o
Tous
Tautu.
tini-tagata venaient de Marama (no Marama anae ratou), terre située à l'Ouest. Marama, dans la plupart des dialectes
ces
polynésiens, signifie : lune, mois, savant. Mais on lie trouve en
aucune terre appelée jadis de ce nom. La carte du célè¬
bre tahitien Tupaia, qui est le premier et seul monument géogra¬
phique polynésien, n'en fait aucune mention. Ils ne descen¬
daient pourtant pas de la lune?
Océanie
Société des
Études
Océaniennes
22
En tout cas, les
Tini-Tagata saccagèrent Takaroa de fond
en
comble et, pour assouvir leur haine contre Moeava, tuèrent trois
de ses enfants adoptifs. Reipu, le plus jeune des garçons, et sa
Tutapuhoatua réussirent, par un hasard extraordinaire, à
échapper aux bourreaux de leurs frères. Voici comment: Dès
l'apparition de la flotte ennemie dans les eaux de Takaroa, ils
s'enfuirent à l'intérieur de l'île en un point connu sous le nom
de Matiti-Marumaru, au coin du marae de
Ragifaoa. Cet endroit
avait plusieurs appellations, entre autres : Teporiu i te tara o
Ragifaoa, Temuriavai, ou encore, Marinoteragi. C'est là que
sœur
Moeava avait construit
Us montèrent
son
célèbre bateau
:
"Micrihenua".
"Kahaia "
(guettarda speciosa) entière¬
garni d'une sorte de plante grimpante à filaments rougeâtres, espèce de cuscute que les indigènes de nos îles appellent
"Kainoka", et s'y cachèrent soigneusement. Muta et les siens,
malgré leurs recherches, ne purent les découvrir. Reipu et sa
sœur dénommèrent ce Kahaia: Raumihi, c'est-à-dire
(Mihihaga
metua) l'arbre du chagrin ou de la compassion pour leur père:
sur un
ment
Moeava.
C'est dans cette triste circonstance
qu'ils composèrent le chant
suivant.
i° E
pupuni fakakitekite ko maha u u.
he pupuni to ki te pohoriu u !
e he pupuni ki te
pohoriu ko mafatu u.
He pupuni e rae ka pupuni e.
2° E pupuni fakakitekite ko maha u u.
e he pupuni to ki te
pohoriu u !
e he pupuni ki te pohoriu ko mahatu-u.
He pupuni to rau e i ai i.
3° Tagihia he ariki-ko mahatu-u.
e he
pupuni to ri te pohoriu ko maha tu u.
4° E Parepare he ariki-ko mahatu-u.
E he pupuni to ri te pohoriu, ko mahatu u !
3° Rogotama he ariki, ko maha tu u !
e he
pupuni to ri te pohoriu ko maha tu u.
E pupuni to rau e i ai i !
e
Ils
échappèrent ainsi au massacre de Muta dont furent victi¬
Tagihia-ariki, Parepare et Rogotama. Un seul tini, celui de
Tautu, ne prit aucune part à ce massacre. La fille de Tautu,
appelée Ragahua, qui se trouvait à bord avec son père, descendait
mes
Société des
Études
Océaniennes
23
fréquemment à terre. Elle assista au meurtre de Muta et de son
tini. En passant devant les cadavres étendus la face
contre terre
les uns près des autres, elle
s'aperçut qu'ils n'étaient que trois.
Il en manque donc un, se dit-elle, et examinant
les dessins, les
marques particulières de leur tatouage,
était l'absent.
elle devina aussitôt quel
Le tatouage, en effet, n'était
pas seulement un décorum pour
les anciens Polynésiens, mais bien et avant tout un
signe distinctif et honorifique accordé à
qui le méritait par ses talents,
son origine ou ses
exploits. Or Ragahua, en voyant sur le pre¬
mier la marque royale du "Moko a hia",
compritque ce ne pou¬
vait être que Tagihia-ariki. Sur le deuxième elle
aperçut le "Pareke", distinction decernée au " Toa" : « Ah ! se dit-elle c'est Parepare».Quant au troisième il portait le "Tavaro", signe de Rogotama. « Où est donc,
sedemanda-t-elle, le "Putaka ïa"? », sorte
de dessin de Tiki,
propre à Reipu II n'était pas là. Ragahua en
déduisit ainsi que Reipu, qu'on n'avait pu trouver, devait être
resté caché quelque part et demeurait sain et sauf.
Les victimes furent rôties dans un
grand four indigène dont
le feu brûla plusieurs jours. On
apporta alors a Tautu sa portion
de chair humaine mais il ne la
mangea pas, il l'attacha à l'arrière
.
de
son bateau sans
y toucher.
Après plusieurs jours de mortelle anxiété, tenaillés par la faim,
Reipu et sa sœur descendirent de leur cachette aérienne. Ils re¬
tournèrent avec précautions au bord du lagon pour
guetter de
loin si Muta était encore là.
N'apercevant personne ils conclurent
qu'il était parti avec les siens. Effectivement, Muta avait déjà re¬
pris la mer suivi de tous les Tini-tagata qui s'étaient joints à lui
pour cette expédition ; seul Tautu était resté avec quelques hom¬
mes. Par
prudence Reipu et sa sœur, après avoir apaisé leur faim,
remontèrent sur leur Raumihi. Reipu saisitalors deux mouettes,
outaketake, que les indigènes appellent aujourd'hui "Kirarahu".
Après leur avoir confié son message, il les lança sur Napuka
afin de faire connaître à Moeava que des événements fort
graves
s'étaient passés à Takaroa et qu'il avait à revenir au plus vite.
Voici le "Pehe" que Reipu chanta et déclama en expédiant ces
messagers extraordinaires, emportés jadis probablement par
Huarei de Napuka.
i°
Taketake taku manu tuku mai e te i po rohoeru e e !
Taketake pirikura o hoe turaga tehipo (bis)
Taketake pirikura, taketake taku manu.
Société des
Études
Océaniennes
24
2° Taketake taku manu,
tuku mai e te i po rohoeru e e !
pirikura o hoe turaga te hipo.
Taketake pirikura, fanau a vahine Huarei !
E vahine meitaki te i te po rohoeru e e !
Taketake
E'aha viranoa taketake pirikura ohoe
Turaga tehipo taketake pirikura.
4° Fanau a tama Tagihia he tagata meitaki.
Te hi po rohoeru e e !
E aha higa noa taketake pirikura ohoe
Turaga tehipo taketake pirikura !
3° Fanau a tama Parepare he tagata meitaki.
Te hi porohoeru e e.
E aha Toa noa, taketake pirikura ohoe
Turaga tehipo, taketake pirikura.
6° Fanau a tama Rogotama he tagata meitaki.
Te i po rohoeru e e !
E aha karo noa, taketake ohoe.
Turaga tehipo taketake pirikura
3°
Fanau
a
tama.
7° Fanau a tama Reipu he tagata
Te i po rohoeru e e !
meitaki
E aha horo noa, taketake pirikura ohoe
Turaga tehipo, taketake, pirikura,
Fanau
a
tama.
8° Fanau tama Moeava he
tagata maitaki.
Te i po rohoeru e e
E aha paha noa, taketake
pirikura ohoe
Turuga tehipo, taketake pirikura
O
aue
i ai i
ces entrefaites, Ragahua descendit à terre, à la demande
Tautu, pour saisir un bel oiseau blanc (une autre mouette
sans doute) qui venait de se poser tranquillement sur la branche
d'un guettarda. C'est en essayant de saisir cet oiseau, qu'elle
découvrit un jeune homme caché dans le feuillage touffu de
kainoka. Elle l'interpella en ces termes : «Qui es-tu ? que fais-tu
Sur
de
là-haut?
être que
» Sans attendre la réponse, elle devina que ce ne pouvait
Reipu, fils adoptif de Moeava, qui avait réussi à s'enfuir
et à se cacher.
Elle
usa
de tous les moyens pour
dissiper
sa
frayeur et le faire approcher. Ce ne fut qu'après de longues
instances et des promesses
Société des
réitérées
Études
que
Reipu finit par des-
Océaniennes
25
cendre et
se lia d'amitié avec
Ragahua. Ils vécurent ensemble et
Ragahua devint grosse. Reipu, pris alors de compassion
pour la vie de Ragahua et celle de son père, les pria de s'éloigner
afin d'échapper à la vengeance de
Moeava, et de se retirer à Motutapu (aujourd'hui Tekokota) petite île déserte distante de quel¬
ques milles d'Hikueru. Il demanda en outre à Ragahua que si
l'enfant qu'elle portait dans son sein était un
garçon, de lui
bientôt
donner à
sa
naissance le
nom
de Tamakura-Taketake. Tautu
et ses hommes furent assez
sages pour
écouter les bons conseils
Reipu, et s'éloignèrent. Ce fut leur salut. Moeava, prévenu
par les deux taketake qu'il se passait des choses anormales, ne
tarda pas à arriver. Dans sa colère il aurait bien
pu ne pas les
épargner.
A la réception du
message que les deux mouettes lui appor¬
taient, Moeava reprit vite la haute mer pour regagner Takaroa et
s'assurer par kii-même de ce qui s'était passé. En
passant à Makemo, au village de Punaruku, il eut connaissance du meurtre de
ses enfants. Voici comment:
quelques-uns des tini qui avaient
pris part à l'expédition de Takaroa se trouvaient là. Les jeunes
gens se baignaient avec les nouveaux arrivés de Napuka en de¬
hors du récif. Comme il arrive souvent,
après s'être bien amusés
ils se disputèrent. Entre autres
paroles amères et blessantes
échangées, les voyageurs de Napuka s'entendirent adresser cel¬
de
les-ci : "Kakati Mahina-hina mai koutou kia matou kakore i
raga
hia te taua o to koutou Ariki o Tagihiariki
i patua, i hamo hia e
i kai hia e matou": «
Mordez-nous,
gens
qui
avons
l'arène est
tué, mis
au
à combler
encore
de Mahina-hina,
nous
four et mangé votre roi Tagihiariki dont
».
Ces paroles, plusieurs fois répétées sur un ton de mélopée,
attirèrent l'attention des jeunes gens formant l'équipage de
Moeava. Ils les rapportèrent textuellement à Kehauri. Celui-ci
entra aussitôt chez
lui, se coucha sur le sol et fondit en larmes.
mère, le croyant malade, lui demanda ce dont il souf¬
frait. Le jeune homme déclara qu'il n'était nullement malade
mais que seul le
chagrin qu'il éprouvait de la mort de Tagihia¬
riki le faisait ainsi
pleurer. Ce fut Huarei elle-même qui se char¬
gea d'annoncer la triste nouvelle à son mari. Grande fut la co¬
Huarei
lère de
enfants
terre
sa
dernier
apprenant le massacre de ses neveux et
adoptifs. Moeava fondit en larmes lui aussi, se roula par
et, pour exprimer sa douleur, composa et chanta le " pehe "
suivant
ce
en
:
Société des
Études Océaniennes
26
—
i°
Tupu te taua
Pehe de Moeava.
—
e ! tupu te taua e !
He tura ha ki
torohoraga te taua u oa turaki atu e ra
Tupu te taua e ! Tupu te taua e !
Tupu te taua e ! tupu te taua e ! He turahaki torohoraga
2°
Te taua
ki atu
tura ha
u-oa
e ra u e
ei ai....
Na Tagihia te taua e! He turahaki torohoroga
3°
Te taua
tura ha ki atu e ra !
u oa
Na
Tagihia te taua e !
Na Parepare te taua e! He turaki torohoraga
4°
Te taua
turaki atu
u oa
e ra
Na
Parepare te taua e !
Na Rogotama te taua e ! He turahaki torohoraga
3°
Te taua u oa turaki atu e
Na Rogotama te taua e !
6°
Na
Reipu te taua
Te taua
e ! He
turaki atu
u oa
ra
!
turahaki torohoraga
e ra
Na
Reipu te taua e !
Na Kehauri te taua e ! He turahaki torohoraga
7°
Te taua
u
oa
turâki
Na Kehauri te taua
e ra
e
!
!
Na Tukairoa te taua e! He turahaki
8°
Te taua
9°
u oa
turaki atu
e ra
torohoraga
!
Na Tukairoa te taua
e
Na Moeava te taua
! He turahaki torohoraga
ra... u... e... i... ai... i.
Te taua
u oa
e
!
turaki atu
Tel est le
plus réputé de tous les chants de Moeava.
première crise de désespoir passée, Moeava alla lui-même
surprendre les jeunes gens à l'endroit où ils prenaient leur bain.
De son poste d'écoute, il entendit la phrase précitée. Impossible
de douter. Il ne leur dit rien, mais, rouge de colère, le cœur
bouillonnant, il revint silencieux à la maison, tressa une solide
corde, coupa un morceau de mikimiki, l'effila et l'attacha au
La
bout de
sa corde. Le lendemain, au moment
propice, pendant
les mêmes jeunes gens prenaient encore leurs joyeux ébats
dans la mer, il s'approcha d'eux et les enfila les uns après les
autres sur sa corde, absolument comme des poissons, en pi¬
quant son Mikimiki bien pointu sous l'aisselle et le faisant sor-
que
Société des
Études
Océaniennes
27
tir près de l'oreille. Il les prit tous de la
sorte, insensible à leurs
cris de douleur, en entassa une
partie sur son bateau, amarra
les autres à la poupe et partit
pour Takaroa avec ce chargement
étrange. Au large, avant d'avoir aperçu l'île, il vit comme des
âmes qui survolaient les eaux. 11
comprit aussitôt que ce ne
pouvait être que les mânes de ses enfants assassinés. Mais une
vieille sorcière (Taura) qu'il avait à son
bord, lui assura qu'il
restait encore un garçon en vie et
qu'il ne tarderait pas à l'aper¬
cevoir sur la plage. Effectivement, à
peine l'ancre du "Muribenua"
jetée près du récif, au large de Matiti-Marumaru, que
Reipu se jeta à la nage pour venir à bord, se précipita sans mot
dire dans les bras de son père et se
mit à sangloter. Moeava, ex¬
trêmement bouleversé, fit retentir toute la contrée de ses
pleurs
était-elle
et de ses cris de douleur tout
en
serrant dans ses bras
son
cher
Reipu, Le vieillard était inconsolable. Enfin, il descendit à terre,
parcourut les endroits jadis fréquentés par ses enfants. Il alla
même jusqu'au four encore fumant où
Tagihia et ses frères
avaient été cuits. Il le contourna, les
yeux baignés de larmes, en
répétant :
i°
2°
Takaviri hia pakura tinaki kamoreiatoro !
Takavere atioo auateo rire pu kamoreianoa
Takaviri hia pakura !
e ra
Takaviri hia pakura tinaki kamo reiatoro
Takavereatoo auateo rire ipu kamoreianoa
Tuitui Takapua a raue i ai i
A son tour il jeta au feu tous les
jeunes gens de Muta, Tuaerokura, Tuhiragi et de Kaua qu'il avait pris à Makemo comme
butin de guerre, et, n'arrivant
pas, malgré ses efforts à éteindre
le feu, il prit un
moyen extrême, en chantant:
Ka tinai, ka tinai taku ahi e te ruerue
Te koro atu
Ka
au e
te ruerue,
tinai, ka tinai taku ahi
ka tinai, ka tinai.. i !
e te ruerue
Te koro atu au e te ruerue, ka tinai, ka tinai... i rau
ei... ei... i...
Ka
tinai, ka tinai Tagihia ete
Te koro atu
Ka
te ruerue,
ruerue Marohau
ka tinai, ka tinai !
tinai, ka tinai Parepare te
Te koro atu
Ka
au e
au e
te ruerue,
ruerue Paretoa
ka tinai, ka tinai... i !
tinai, ka tinai Rogotama e te ruerue Tagitama
au e te ruerue, ka tinai, ka tinai !
Te koro atu
Société des
Études Océaniennes
e.
..
28
Ka tinai, ka tinai Reipu hue te ruerue Hoakore
Te koro atu
ka tinai, ka tinai
i!
tinai, ka tinai Tutapu te ruerue Nohoumatemakave
Te koro atu au e te ruerue, ka tinai, ka tinai rau ei.. ai.. i !
au e
te ruerue,
Ka
Il
se
jeta ensuite lui-même
tant sans cesse "Ka
sur le foyer, se lamentant et répé¬
tinai, Ka tinai". La légende rapporte qu'il
réussit ainsi à l'éteindre.
Moeava donna
longuement libre cours à sa douleur, mais le
reprit le dessus. Il fit ses préparatifs
Il rechercha de tous côtés les assas¬
sins de ses enfants. Il fit un tel carnage de ses ennemis, que
toutes leurs îles se soumirent à sa domination puissante et re¬
doutée. Moeava vécut tranquillement le reste de ses jours à Takaroa, sinon aimé du moins respecté de tous.
sentiment de la vengeance
de départ pour la guerre.
P. Hervé AUDRAN.
FRAGMENTS D'HISTOIRE CONTEMPORAINE
LA
FIN
D'UN
CORSAIRE
Le corsaire "Seeadler", schooner en acier de 1.700 tonnes,
après avoir été, au début de la guerre, le "Pass of Balmaha",
de nationalité américaine, ayant quitté le Weser le 21 décembre
1916, passait la 3e ligne anglaise de blocus le 25 décembre 1916,
arraisonné par le "Highland Scott" comme étant le voilier nor¬
végien à trois mâts Irma", allant de Christania à Sydney avec
un chargement de bois.
Ce trois-mâts était muni d'un moteur Diesel de
il
chevaux ;
possédait deux canons de 105 mm., des mitrailleuses et un im¬
2.000
portant stock de munitions ; le tout habilement dissimulé
sous
chargement de bois bientôt entièrement jeté à la mer. Au
début de l'année 1917, le "Seeadler" fit de nombreuses victimes
dans l'Atlantique ; 14 navires alliés furent coulés par lui.
En avril, le corsaire mit tous ses prisonniers à bord du der¬
nier bateau capturé dans l'Atlantique et les abandonna dans le
voisinage de Buenos-Ayres, leur permettant ainsi de rejoindre
un
ce
port.
Le "Seeadler"
se
proposait de poursuivre
Société des
ses
Études. Océaniennes
exploits dans
29
les archipels du
Pacifique, où de nombreuses goélettes navi¬
guaient sans songer à la présence des pirates.
Après avoir doublé le cap Horn, le corsaire arrivait, au
début
de juin, dans les
régions fréquentées du Pacifique. Le 15 juin, il
coulait la goélette américaine "A. B.
Johnston", le 18 juin, il
coulait une seconde
goélette américaine, la "Slade", et le 8 juil¬
let une troisième, "Manila".
Depuis plus de huit mois le "Seeadler" avait pris la mer et les
officiers ainsi que
l'équipage aspiraient ardemment à quelques
jours de repos sur la terre ferme ; le bateau avait
également
besoin de quelques réparations.
Le capitaine,
après avoir cherché un îlot isolé et inhabité du
Pacifique, choisit l'atoll français de Mopelia, à 265 milles à
l'ouest de Tahiti.
Le 31 juillet
1917, il jetait l'ancre à droite de la passe de
Mopelia, à quelques mètres seulement des récifs.
Le Ier août, le
capitaine du corsaire prenait possession de
l'îlot et arborait le pavillon allemand sur l'ultime
colonie, disaitil lui-même,
qui restât au Kaiser.
Le corsaire traîtait ses
prisonniers avec une dédaigneuse bien¬
veillance : le deux août il avait
organisé un pique-nique pour
distraire l'équipage et ses prisonniers, ne
laissant à bord qu'un
personnef réduit. Les embarcations n'avaient
pas encore touché
terre qu'un coup de canon était
tiré du "Seeadler". Une lame
vênait de le jeter sur les récifs où il
s'échouait, faisant, des Alle¬
mands, des prisonniers dans leur propre conquête.
L'îlot de Mopelia n'était pas
complètement désert : 3 Tahitiens
y récoltaient du coprah et y élevaient porcs et volailles
pour la
maison Grand, Miller et O, de
Papeete. Cette maison, arrivée à
l'expiration de son contrat d'exploitation, devait envoyer pren¬
dre ses travailleurs à une date
prochaine, aussi les corsaires
n'étaient-ils pas sans inquiétude. Aussitôt échoués ils débar¬
quèrent planches et toiles pour construire des baraquements,
des vivres, des
mitrailleuse-s, des munitions et des appareils de
T. S. F. afin d'être
deux
abandonnés
fut
en
communication
avec
l'extérieur.
Les
canons de
105, trop lourds pour être débarqués, furent
mais détériorés. Quelques jours après, le "Seeadler"
incendié-; préalablement,
les mâts avaient été dynamités et
le moteur Diesel mis hors
d'usage par la suppression de pièces
essentielles qui furent immergées au large de Mopelia.
Grâce à leur poste de T. S. F., les Allemands recueillaient tous
Société des
Études Océaniennes
30
les radios, mais un assez grand nombre étant chiffrés et intra¬
duisibles, les corsaires ne se sentaient pas en sécurité.
ils décidaient immédiatement d'aller chercher du
tout au moins
secours ou
l'hospitalité chez des neutres bienveillants.
Le 24 août le capitaine du corsaire s'embarquait avec 5 hom¬
mes sur une chaloupe à moteur,
prenant la direction des lies
Cook où il abordait 7 jours après et réussit à tromper la bonne
foi des autorités locales. 11 fut pris néanmoins, quelques jours
après, aux Iles Fidji.
Les autres pirates n'avaient qu'une pensée : Fuir; mais il leur
manquait une embarcation suffisante pour tout l'équipage com¬
posé de 58 hommes.
Le 5 septembre au matin, la goélette la "Lutèce", venant de
Papeete, se présentait devant la passe de Mopelia venant cher¬
cher les trois indigènes de la maison Grand, Miller & Cie et la ré¬
colte de coprah. La "Lutèce", voyant sur le récif un bateau échoué
et incendié, s'empressait pour secourir les
naufragés. De leur cô¬
té, les Allemands apercevant la "Lutèce", avaient immédiate¬
ment décidé de s'en emparer pour fuir et ils
avançaient à sa ren¬
contre avec une chaloupe armée d'une mitrailleuse.
La "Lutèce" avait à peine franchi la passe de
Mopelia qu'elle
se trouvait face à face avec l'embarcation des
pirates qui, au mê¬
me moment, arboraient le
pavillon allemand et démasquaient
leur mitrailleuse en donnant à la " Lutèce" l'ordre de
stopper et
d'amener le pavillon français.
La"Lutèce" étant sans arme et dépourvue de
moteur, toute
résistance était impossible. Cependant l'ordre d'amener les cou¬
leurs françaises n'étant pas immédiatement exécuté les corsaires
eux-mêmes procédèrent à la substitution du pavillon.
L'officier allemand déclara la "Lutèce" et sa cargaison
prises de
guerre, permettant cependant aux propriétaires et à l'équipage
d'emporter à terre leurs objets personnels et, le même jour, ils
fuyaient tous sur la "Lutèce", abandonnant leurs prisonniers à
peu près sans ressources.
Selon leur coutume, avant de quitter Mopelia, les
pirates eu¬
rent soin de détruire tout ce
qu'ils abandonnaient: appareils de
T. S. F., meubles et ustensiles divers, sans
compter les nom¬
breux arbres (environ cinq cents)
qu'ils avaient abattus pour en
récolter plus commodément les fruits.
Sitôt après la fuite des pirates, les prisonniers abandonnés s'é¬
taient empressés de hisser au mât du
pavillon allemand les
Société des
Études
Océaniennes
31
couleurs
françaises, après quoi les nouveaux Robinsons s'or¬
ganisèrent. Le capitaine Southard, du "Manila", fut reconnu
comme chef avec M.
Faïn, un des propriétaires de la" Lutèce",
en qualité de conseiller. Le
camp fut réédifié, les dégâts répa¬
rés, la tâche d-e chacun déterminée et la vie journalière reprit son
cours dans l'attente angoissée
des événements. Les vivres lais¬
sés par les pirates furent inventoriés et
rationnés, la base princi¬
pale de l'alimentation devant être fournie par les pêcheurs et
les chasseurs de tortues.
La
question à la fois la plus pressante et la plus difficile à ré¬
soudre était d'aller chercher du secours: Les Allemands avaient
annoncé à leurs prisonniers qu'ils reviendraient les
prendre pour
les emmener à Hambourg
d'autre
et,
toutes les embarcations. Que faire?
dre?
part, ils avaient détérioré
Essayer de s'enfuir ou atten¬
Cependant, trois jours après le départ des pirates, le 8 sep¬
tembre, M. Pedro Miller, l'un des propriétaires de la "Lutèce",
s'embarquait sur une vieille embarcation peu résistante, avec le
capitaine Southard du "Manila", le capitaine Porutu de la "Lu¬
tèce" le second William du "Manila" et
3 matelots de la "Lu¬
tèce" dans l'espoir d'atteindre l'île de
Maupiti à 85 milles dans
l'Est. Après huit jours de lutte contre des vents contraires et une
mer déchaînée, vaincus
par les éléments, ils retournaient, dans
un
suprême effort, au point de départ, exténués ou près de dé¬
,
faillir.
Malgré l'échec de
son
avec
cette première expédition, deux jours après
retour, le iq septembre, le capitaine Smith, du "Slade",
deux seconds et un matelot, prenaient la direction de l'Ouest
dans
mauvaise baleinière hâtivement réparée et dénommée
"Deliverer of Mopelia".
Cette seconde expédition devait être plus heureuse. En 10 jours
ces
courageux marins franchirent les 1.080 milles les séparant
de Tutuila, ce qui permit aux autorités
américaines des Samoa
de signaler à Tahiti
une
par eux
:
par
T. S. F. la situation des prisonniers aban¬
donnés par les Allemands.
Le radio reçu à Papeete avec
quatre jours de retard à cause
des conditions atmosphériques, signalait l'état de détresse dans
lequel
se trouvaient les victimes des
avait à leur porter secours.
Bien
qu'ayant
d'Apia, l'offre
reçu ce
pirates et l'urgence qu'il
y
même jour, des autorités anglaises
de secourir, avec le navire de la station, les aban-
Société des
Études
Océaniennes
32
donnés de
de
Mopelia, le Gouverneur des Etablissements français
ne voulant pas se décharger sur qui que ce fût du
l'Océanie,
soin de secourir de malheureux alliés abandonnés
dépendant de
sa
sur une
terre
autorité, remercia le Gouverneur anglais de
courtoise proposition et prit immédiatement les mesures
son
nécessaires.
11 réunissait
d'urgence les armateurs de Papeete, les mit au
situation, et M. Barberel, représentant de la Mai¬
son A. B. Donald Ltd, mit immédiatement à la
disposition de
l'Administration la seule goélette qui pût remplir une mission
aussi urgente dans des délais très courts. C'est donc la " Tiare Taporo", munie d'un moteur à gazoline de 40 chevaux, comman.
dée par le capitaine Winchester, qui
depuis 40 ans navigue dans
le Pacifique, à qui échut l'honneur
d'opérer le sauvetage.
Le jeudi 4 octobre, à 12 heures, la " Tiare
Taporo" quittait le
port de Papeete. L'expédition était placée sous la direction de
l'Administrateur des Colonies Chazal à qui avait été
adjoint, en
l'absence de médecin, le Pharmacien
aide-major de ire classe
des Troupes coloniales Lespinasse, Docteur en
pharmacie, pour
courant de là
donner éventuellement des soins aux malades et blessés.
La traversée, favorisée par le vent d'Est, se
passa sans accident.
Le samedi six octobre, à sept heures, la
vigie signalait
Mopelia à
Quelques minutes après on apercevait une colonne de
fumée qui s'élevait dans le ciel au nord de l'îlot.
Les naufragés avaient organisé un service de surveillance et
dès la première heure ils avaient aperçu la
goélette.
A 9 h. 50, la "Tiare Taporo " contournait le récif par
le sud
et distinguait bientôt nettement 1 e"Seeadler" échoué
près de
la passe, à l'Ouest de l'atoll. Au même moment de nouveaux
feux étaient allumés par les naufragés afin qu'aucun des
signaux
d'appel qu'ils faisaient depuis quelques jours ne passât inaperçu.
Quelques minutes après deux embarcations à voiles étaient
signalées dans la direction N-W, s'avançant à la rencontre de la
"Tiare Taporo".
Le capitaine Winchester faisait immédiatement mettre toutes
l'Ouest.
les voiles, ordonnait au mécanicien de donner le maximum de
vitesse, Quoique non armé il se préparait ainsi à aborder les
embarcations et à les couler, pour le cas où elles auraient été
montées par les Allemands revenus dans l'île.
Fort heureusement ces précautions étaient inutiles. Dix mi¬
nutes
après, M. Miller était
cation où il
se
trouvait
reconnu
avec un
Société des
Études
dans la première embar¬
Américain et trois
Océaniennes
indigènes.
33
La seconde embarcation était montée
par deux
Américains;
équipes de pêcheurs parties dès le matin
la "Tiare Taporo" ne fût signalée à l'horizon. Dès
c'étaient les
avant que
deux
qu'elles avaient aperçu la goélette elles étaient parties à
sa ren¬
contre, toutes voiles déployées, tant les abandonnés de
Mopelia craignaient de laisser
passer une occasion d'être secourus.
A io heures dix les deux embarcations accostaient la
"Tiare
Taporo" et les naufragés; montés à bord, tombaient, pleurant
de joie, dans les bras de leurs sauveurs.
A io heures trente la "Tiare
Taporo" mettait à la cape
la passe de Mopelia, tout
près du "Seeadler".
devant
Après un déjeûner pris à la hâte les sauveteurs s'embarquaient
chaloupe du bord, traversaient la passe et le lagon et à
onze heures arrivaient devant l'ancien
camp allemand de Mo¬
pelia.
11 est difficile de dépeindre
la joie des 47 malheureux prison¬
niers abandonnés par les Allemands et vivant sur cet
atoll, les
Américains depuis le 2 août, lesTahitiens depuis le 5
septem¬
dans la
bre: L'arrivée de la mission de
secours
fut saluée de hurrahs fré¬
nétiques»
Les naufragés se trouvant tous réunis, l'Administrateur
Chazal leur annonçait que le retour, conformément aux ordres
précis du Gouverneur, devait s'effectuer le jour même, afin
d'éviter une surprise possible des pirates. La recommandation
de faire vite était, à la vérité, inutile. Tout le monde avait hâte
de fuir cette terre d'angoisses et de souffrances. Il
n'y avait ce¬
pendant pas de malades. Quelques hommes avaient aux mem¬
bres inférieurs des plaies plus ou moins profondes qui furent
soignées
avec les pansements apportés de Papeete.
L'infirmerie du camp allemand, en dépit d'une prétentieuse
dénomination de feldla{arett, « Hôpital de campagne », peinte
en
grosses lettres au-dessous d'une grande croix-rouge, était
totalement dépourvue des médicaments et objets de panse¬
ments de
première nécessité.
heures, le groupe des rescapés fut photographié au
pied du pavillon français et, dès quatre heures, le départ com¬
mençait, chaque naufragé emportant ses objets personnels et
quelques souvenirs peu encombrants.
L'Administrateur Chazal, accompagné du Pharmacien aidemajor Lespinasse et de M. Pedro Miller, se faisait conduire à
bord du "Seeadler" pour constater l'état du bateau et prendre
quelques photographies d'une épave fortement malmenée par
A trois
Société des
Études
Océaniennes
34
l'accident
primitif qui causa son échouement, puis par l'incen¬
systématique de destruction des Allemands.
A 20 heures, la dernière embarcation
ayant rejoint la "Tiare
Taporo", l'ordre de départ était donné.
Le vent étant contraire, le retour fut
plus long que l'aller. Le
lundi matin, à 5 heures, la "Tiare Taporo" arrivait en vue
de
Bora-Bora, et à six heures reconnue par la goélette "Vahiné
Raiatea", patron Ellacott, qui avait assumé un rôle de surveil¬
lance et devait faire connaître
d'urgence à Papeete le sort de
l'expédition, pour le cas où il eût été défavorable.
Les deux goélettes rentraient ensuite en rade de
Bora-Bora;
la "Tiare Taporo" stoppait à environ 500 mètres du
warf.
die et l'œuvre
A 8 heures la "Vahiné Raiatea" amenait à bord de
WTïare
et la population de Bora-Bora chargés de vi¬
vres frais:
oranges, bananes, ananas, noix de
Taporo" les Chefs
coco,
etc., offerts
rescapés à titre purement gracieux,
A 9h. 10 la "Tiare Taporo"
quittait Bora-Bora et, deux jours
après, elle arrivait, sans autre incident, en rade de Papeete, le
mercredi 10 octobre, à 8heuresdu matin. Toute la
population s'é¬
tait donnée rendez-vous sur les
quais, attendant avec une impa¬
tiente curiosité le retour des
rescapés.
Au premier rang, pour les accueillir et les
féliciter, se trou¬
vaient, entourant le Gouverneur, MM. le Consul des Etats-Unis,
le Consul d'Angleterre, le Secrétaire Général et les
Chefs de
Service, les représentants de la Municipalité, etc. Les rescapés,
au nombre
desquels on remarquait la courageuse compagne de
M. Andrew Back Petersen,
après avoir exprimé au Chef de la
Colonie leur reconnaissance pour la
promptitude des secours en¬
voyés à Mopelia, les soins et attentions dont ils avaient été l'ob¬
jet de la part de l'Administrateur Chazal, du pharmacien Lespinasse et du commandant
Winchester-, poussèrent trois hurras
vigoureux en l'honneur de la République française.
aux
IDOCTTIMIIEICTT
L'expédition de secours dont la relation officielle est reproduite
a permis de
découvrir, entre autres documents intéres¬
ci-dessus
sants, la lettre d'un des officiers du "Seeadler" à
sa
femme, écrite
quelques jours avant le naufrage du corsaire et qui était, sans
doute, préparée en vue de son
expédition en Allemagne par une
occasion que les pirates avaient lieu de
supposer prochaine. Cette
lettre, dans la sincérité angoissée dont elle est l'expression, nous
Société des
Études
Océaniennes
35
permet de soulever
la véritable
une partie du voile sous lequel se dissimule
psychologie de nos ennemis, psychologie toute faite
d'anxiété, de brutalité et de manque absolu de scrupule chez les
dirigeants, de passive résignation et de révolte contenue chez
le peuple, les soldats et officiers non
titrés, pour lesquels la
guerre est sans espoir de profits.
L'élégante traduction ci-après est due à M. Ahnne, Directeur
de l'Ecole française
indigène de Papeete et Membre résident de
la Société d'Etudes Océaniennes.
Grand
Océan, le 29-7-17.
Midi. Point du navire 13°55'3
—
153°18'0.
Ma chère bonne Adèle.
Depuis 8 bons mois, c'est la première fois que je prends de
plume et une feuille de papier pour t'écrire quel¬
ques lignes, à toi ma chère jeune femme, bien que je sois plongé
dans la plus grande incertitude de ee monde.
Je puis à peine croire que cette lettre parviendra dans tes mains,
mais l'homme n'abandonne pas la plus petite
et dernière espé¬
rance. Je ne veux et ne
puis, mon cœur, t'écrire que la millième
partie peut-être de tout ce que tu pourrais certainement attendre.
Malheureusement, c'est moi-même qui dois t'informer de ma
propre main et le cœur brisé que nous ne nous reverrons plus
jamais, si, quand tu recevras ces lignes, bien aimée, je ne suis
déjà près de toi.
Quoiqu'il y ait bien peu de probabilité, j'espère cependant que
nouveau une
cette seconde alternative se
réalisera, mais si cela ne devait pas,
chère bonne Adèle, fais ce que tu m'as promis :
reste vraiment brave aussi
longtemps que tu jouiras.encore de
cette belle vie. Ne m'oublie
pas de suite, je te prie, ni tes pro¬
messes; il en est trois en particulier que je voudrais encore une
fois placer devant tes yeux pendant que je suis vivant. Ma chère
bonne Adèle, reste rigoureusement et moralement honnête
aussi lontemps que tu vivras. Si ma dernière permission ne de¬
vait vraiment pas rester sans suites, comme tu semblés me le
faire remarquer dans ta dernière lettre que j'ai reçue au dernier
être, alors,
ma
sur le Wéser et à laquelle je n'ai pu répondre, alors,
bien chère Adèle, n'oublie pas ce que tu m'as promis par¬
ticulièrement à ce sujet. O ma chère Adèle, tout s'effondre en
moi quand je
pense seulement à la possibilité de l'existence de
cette pauvre créature
pour laquelle je ne pourrai peut-être jamais
rien faire, dont je ne connaîtrai sans doute jamais l'existence.
Oh ! si seulement ce supplice prenait fin !
Et maintenant cher cœur, encore une chose, n'oublie pas
non
moment
ma
Société des
Études
Océaniennes
36
plus
si, lorsque tu m'auras perdu et oublié, tu dois unir
jeune vie à un autre homme, tu n'iras pas de nou¬
veau à celui que tu as délaissé
par amour pour moi, car dans
ma tombe et même dans les
profondeurs de l'Océan, je n'aime¬
rais pas pour un autre n'avoir passé dans ta vie que comme un
court entr'acte (?)
Et maintenant, chérie, je veux essayer de causer encore un
peu avec toi, bien que ce soit peut-être inutile. C'est d'une ma¬
nière bien inattendue que j'ai été si soudainement et si du¬
rement séparé de toi. Le soir, à minuit, quand je revins de la
maison du parc, on me dit au poste que nous irions à bord le
lendemain; j'appris confidentiellement que le navire aurait été
remis en état à Inklenborg, sur la Genste(?) le grand chantier de
carénage dont tu peux peut-être te rappeler, sur le petit fleuve à
Bremerhafen. C'est pourquoi je t'envoyai le premier télégramme
puisque nous devions passer par Brème. Oui, ma chérie, cela
devait devenir plus terrible, dans la matinée; vers io'heures on
nous dit que nous devions aller
par Hude (?) à Blexen et que
nous connaîtrions alors notre sort ; nous ne
pûmes y arriver
que le soir, dans l'obscurité, un remorqueur attendait au quai
pour nous mener à notre destination. Chère petite femme, tu
peux m'en croire, toutes les horreurs qui m'apparurent en pers¬
pective à ce moment là, se sont jusqu'à présent réalisées. Nous,
c'est à dire le personnel de la machine, avons été enlevés (déro¬
bés) à nos familles, dans le vrai sens du mot.
Si on nous avait dit la vérité, aucun de nous ne serait parti,
car ils n'auraient pu nous
obliger à accepter volontairement ce
service de guerre (?). Le reste de l'équipage était composé de vo¬
lontaires, mais, pour la machine, ils avaient besoin d'un person¬
nel plus âgé et plus expérimenté, c'est pourquoi ils ont procédé
de cette manière. Ils auraient pu aussi trouver des volontaires à
notre place, mais des jeunes gens, sans
expérience, que seul le
goût des aventures aurait entraînés. 11 fallait aussi procéder avec
rapidité afin que nous ne puissions rien savoir. C'est une véritatable honte ; tous ces jeunes gens sont, comme l'on dit, de vrais
Schnotter (?), naturellement des volontaires, et c'est pourquoi ils
prétendent avoir eu presque tous 3 à 4 semaines de permission;
et maintenant ils parlent de prédilection de tous les
plaisirs qu'ils
ont eus; naturellement il n'est question que
de femmes et sur¬
tout du plaisir que l'on prend avec les femmes mariées. Oh ! chère
Adèle, ces femmes dégradées qui se livrent ainsi au premier venu
pendant que leurs maris se débattent avec la mort, elles mérite¬
raient pour l'éternité les tourments les plus terribles et
je les leur
que
ton sort et ta
souhaite à toutes.
A
Blexen, dans la nuit et le brouillard on nous a glissés à bord.
pleuvait à verse, c'est ainsi que nous sommes
11 faisait froid, il
Société des
Études
Océaniennes
37
sortis du Weser
avec un petit
remorqueur jusqu'à l'endroit où
navire, déjà sorti du carénage, se trouvait à l'ancre. Affreux
pas moyen d'écrire un mot
verbalement je t'ai encore
envoyé
mes salutations
par des ouvriers du chantier
je ne sais s'ils
ont tenu leur parole.
Depuis que nous avons quitté l'Allemagne, c'est avant-hier
pour la première fois que nous avons vu une terre, la
petite île
inhabitée des mers du sud "Wolstock". Et
que te dire de plus
ma chère femme?
j'espère ne pas perdre l'ancre de l'espérance.
Cependant, adieu dans ce monde méchant.
le
—
—
—
Ton Auguste.
DESCRIPTIONS ET VOYAGES
Excursionnisme de montagne à Tahiti.
On
cis
a
sur
pu souvent déplorer le manque de renseignements pré¬
l'intérieur de Tahiti. Hors de la route de ceinture et de la
partie basse dès vallées, d'un accès facile, on peut dire que l'on
tout de la région montagneuse. L'Administration locale
r à donc
pas hésité à seconder l'heureuse initiative prise par
M. Gauthier,
Photographe à Papeete, en vue d'effectuer une ex¬
cursion de reconnaissance dans la direction de l'Aorai. Une
équipe
de prisonniers, mise à sa
disposition, a réussi en trois jours à
rendre praticable un sentier d'environ 3 ou 4 kilomètres condui¬
sant du plateau des "oliviers"
(1.050 mètres) à un rocher vertical
situé à une altitude de 1.450 mètres. Ce rocher
pourrait être,
croit-on, contourné et le chemin continué jusqu'à l'Aorai (2.065
mètres) céqui nécessiterait encore deux ou trois journées de
ignore
débroussage.
Voici d'ailleurs les intéressantes notes recueillies par M. Gau¬
thier au cours de son ascension:
«
«
«
«
assez rude; on foule constamment des détrivégétaux qui, retardent beaucoup la marche; on devrait
améliorer la piste assez large pour livrer passage à deux hom-
mes ou
«
«
«
«
«
Le sentier est
tus
La
à
une
mule.
féérique. On domine constamment deux vallées
profondes de 800 à 1.200 m., recouvertes d'une végétation
inouïe; c'esCune véritable petite Suisse avec des fougères arborescentes au îieu de sapins. Ne pousserait-on pas plus loin
que l'on est déjà largement payé de sa fatigue par la beauté et
vue
est
Société des
Études
Océaniennes
38
«
«
«
«
«
«
«
la
grandeur des sites. Peu de pays possèdent detels paysages,
pourtant encore ignorés.
« Nous avons effectué le
parcours en n h. 30, aller et retour,
ce qui confirme notre conviction
que l'ascension de l'Aorai
est possible en une journée si on
dispose d'un bon sentier.
Avec l'appui de l'Administration nous
espérons pouvoir pousser plus loin notre
exploration et prendre une autre direction
si l'actuelle est reconnue impraticable.
Le but de nos tentatives n'est
pas seulement de satisfaire
les amateurs d'alpinisme, mais aussi de découvrir la meilleure
«
«
piste pouvant, dans un avenir peut-être prochain, conduire
sans trop d'effort le
grand public à la montagne.
« Pour
l'instant, le fait pratique qui se dégage de nos investi« gâtions est que nous avons
pu enregistrer, à 1.450 m. d'alti« tude, 180 à midi, tandis
que le même jour, à la même heure,
« le thermomètre
marquait 310 à Papeete, à l'ombre, soit une
différence énorme de 130. On ne saurait douter
qu'à ces alti« tudesla température doit descendre à i2°et à io°la
nuit, peut« être
plus bas en saison fraîche.
« Quels
avantages incalculables en retirerait la santé publique
« s'il était
possible de se transporter facilement dans ces regions
« de l'éternel
printemps! Le travail peut paraître immense, mais
« combien de difficultés
plus considérables ont été vaincues en
« des pays beaucoup
moins riches que Tahiti! Ce qu'il faut qu'on
« sache bien, c'est
que la montagne est une source de santé et
« d'énergie
pour quiconque sait en apprécier les sauvages beau« tés et ne craint
pas les fatigues qu'elle occasionne avant de se
« laisser conquérir. »
«
«
*
*
*
Quelques tentatives couronnées de succès ont été faites au
du mois d'octobre par d'intrépides marcheurs
pour par¬
venir jusqu'au sommet de l'Aorai. Le Gouverneur avait mis à
la disposition de M.
Gauthier, photographe et amateur d'ascensionnisme, une équique de prisonniers qui, après quelques jours
cours
de
travail,
a
débroussé
tier accessible
sur toute
l'étendue du parcours un sen¬
piétons et qui ne demanderait que quelques
améliorations pour être rendu muletier. Si ce genre
de sport,
digne d'être encouragé à bien des égards, venait à réunir un
groupe assez important d'adeptes, le Chef de la Colonie serait
disposé à consacrer sur le budget de l'année prochaine quelques
milliers de francs à l'amélioration d'un chemin de
montagne
aux
Société des
Études
Océaniennes
39
rendant
tion de
plus facile l'ascension del'Aorai, ainsi qu'à la construc¬
gîtes, abris et réservoirs d'eau pour l'ûsage des touristes
et amateurs
d'excursions de montagnes.
une relation bien faite
pour endoctriner les
personnes ne redoutant pas de payer de
quelques
Voici d'ailleurs
contemplation des beaux spectables de la
fatigues la
nature.
Papeete, le
10 octobre 1917.
Monsieur le Gouverneur des Etablissements
l'Ocèanie, Papeete.
français de
Monsieur le Gouverneur.
Nous aurions voulu écrire sous le
coup de notre enthousiasme
et crier bien haut notre admiration
pour l'œuvre du Créateur
lorsqu'il
nous fût permis de contempler l'indescriptible pano¬
qui se déroulait sous nos yeux. Rien ne surpasse la vue de
l'Aorai et nous pouvons dire sans crainte, tels les
Italiens, « Voir
l'Aorai et mourir ». Ce n'est pas notre
pauvre plume qui se
chargera de le décrire. Que les amateurs du beau voient de leurs
yeux et ils deviendront apôtres à leur tour. Nous pensons pou¬
voir dire que ceux
qui ont visité la Suisse si réputée et qui
verront l'Aorai tel
qu'il s'est présenté à nos yeux, donneront
peut-être la préférence à celui-ci. C'est autre. Ils auront vu plus
haut mais pas plus beau.
Grâce au sentier enfin achevé, nous
atteignîmes la première
cime après dix heures et demie d'ascension, tout en
ayant perdu
une bonne heure à
prendre quelques vues. Jusque là l'œil ne se
lasse jamais de contempler. Plus on s'élève
plus c'est ravissant.
A droite on domine à
1.400 m. le Diadème, le Pic des Français,
la vallée de Fautaua avec le
Marau, etc. A gauche on est séparé
de la crête de l'Aorai
par une belle vallée aussi profonde que celle
de Fautaua et dont les
pentes abruptes sont couvertes de fou¬
gères arborescentes. On commence alors à atteindre le pied de
la première cime
; le spectacle est encore plus beau. Mais quand,
tout-à-coup, on franchit cette cime et que l'on découvre brus¬
rama
quement devant soi la masse énorme de l'Orofena dans toute
la majesté de ses 2.200 m. avec mille cascades
qui disparaissent
dans la végétation inouïe des pentes pour rebondir plus bas et
se
perdre dans la fantastique vallée de Mahina; que l'on aper¬
çoit au loin d'autres vallées et d'autres pics inconnus, de toutes
formes, on croit être arrivé au terme du voyage. Eh bien, non !
Quelques centaines de mètres plus loin, la seconde cime offre
Société des
Études
Océaniennes
40
spectacle plus grandiose, et ainsi de suite jusqu'à la
cinquième cime où, alors, le cercle qui se déroule devient indes"
criptible. Ajoutez à cela les effets de nuages et les jeux de lumière
d'un soleil couchant, tel est l'inimaginable scène de l'Aorai.
On n'a pas le droit de garder pour soi seul de telles beautés,
on doit offrir à chacun la chance de les
contempler. Pour cela il
ne tient qu'à la bonne volonté de tous et surtout de l'Adminis¬
tration. Monsieur le Gouverneur, nous ne savons pas flatter mais
nous vous avons vu à l'œuvre et nous savons que vous faites le
possible pour embellir la Colonie. Eh bien ! nous vous disons :
rendez accessible à tous la vue de l'Aorai. Le pays, s'il ne com¬
prend ce service maintenant, vous en sera reconnaissant plus
encore un
tard.
Pour affirmer
ces lignes, nous avons tenu à
joindre des docu¬
plus précis et à l'abri de toute critique. Nous joignons à
ce rapport quelques vues, absolument inférieures à la réalité, car
il y manque le plus beau; elles contribueront néanmoins à con¬
vaincre les incrédules. Vous trouverez également un relevé inté¬
ressant des températures et altitudes, que nous avonstenu à faire
contrôler par l'homme qui nous accompagnait. Vous constaterez
que toutes nos suppositions ont été dépassées. Ayant dû coucher,
sans y être préparés, sur la cime de l'Aorai, à 4 h. il y faisait déjà
160 5 au bon soleil et 120 5 à l'ombre. A 5 h. 11°, à 8h. 8° et en¬
suite à 7 h. 50 jusqu'au matin, par nuit claire. N'ayant rien de
mieux à faire qu'àgrelotter et à battre la semelle, nousavonsvérifié vingt fois le thermomètre. Inutile de revenir sur l'intérêt que
présenterait pour la santé publique la création d'un sanatorium
à ces altitudes. Or cette idée, qui nous semblait chimérique, nous
paraît de plus en plus pratiquement réalisable. Il faudrait pro¬
céder par étape. Tracer d'abord un sentier muletier qui con¬
duirait au plateau des Oliviers à 1.050 m., ce qui n'offrirait au¬
cune difficulté. Construire autour du plateau un abri. Plus tard
améliorer le chemin pour atteindre la cime de l'Aorai où l'on
pourrait édifier quelques petites maisons sur les côtés afin de ne
pas gâter le coup d'œil. Q_uant à l'eau nécessaire, cette difficulté
pourrait facilement être surmontée, sans frais. II suffirait de
mettre des touques à benzine de place en place le long du sen¬
tier, en ayant soin de défoncer un peu le couvercle pour former
entonnoir en pratiquant une petite ouverture au milieu par où
pénétrerait l'eau tout en empêchant l'évaporation. En un mot,
on peut tout
espérer avec un peu de bonne volonté et de persé¬
vérance. Ce sera le premier pas vers le futur chemin à travers l'île.
ments
Société des
Études
Océaniennes
41
Nous manquerions à notre devoir si nous ne
vous signalions
la bonne tenue de Teau qui a commandé les deux
équipes de
débrousseurs ; c'est un courageux. Avec
son camarade Ateo il
leur a fallu une certaine audace et une belle endurance
pour ter¬
miner le sentier
malgré la pluie et en couchant souvent sous des
couvertures mouillées. Ces deux hommes nous ont
rapporté les
pas
procès-verbaux originaux des ascensions précédentes que nous
remis; une copie en a été déposée par nos soins au
vous avons
sommet de l'Aorai.
Reproduction des
documents trouvés
sommet de l'Aorai et remplacés,
raison de leur mauvais état,
par des copies.
au
en
Partisd'Aruele jeudi 30sept. »897, nous Veron, Sous-Commis¬
Colonies, Guerini, Lieutenant d'artillerie, Machecourt,
Garde-magasin (pour la 2e fois), Martelet, Garde-stagiaire, accom¬
pagnés des indigènes Hitiaa, Pai, Fatua, Taata, Tetuaitia, som¬
mes arrivés sur le sommet de
l'Aorai le dimanche 3 oct. 1897 à
4 h. de l'après-midi, où nous avons trouvé le
procès-verbal cons¬
saire des
tatant l'ascension de MM.
Grandjean, Lieutenant d'Artillerie, Ma¬
checourt, Garde-magasin, du 26 juillet 1893, et relatant les ascen¬
sions antérieures de M.
Georges Spitz du 23 avril 1883 et du 7
décembre 84
également
83 (dernier chiffre illisible). Nous avons trouvé
procès-verbal constatant l'ascension le 25 avril 1894
ou
un
de M. C. A. F. Ducorron.
Nous avons passé la nuit sur le sommet de l'Aorai et
y avons
semé avant de
des
partir, le lundi 4 octobre 1897, des (?), de l'orge,
conifères, des cèdres et différentes graines potagères : 40 va¬
riétés).
Nous avons quitté ce lieu après avoir dressé le présent procèsverbal que nous avons tous
signé.
Signé: Veron,Guerini, Machecourt,Martelet.
Au
Sur
verso :
un
Sept
2. 1904. W. F. Doty. U.
Rain & Hall. 8 45 A. M.
autre feuillet
S. Consul, Geo. Conn.
:
Expedition
of U. S. Consul Wm F. Doty & Rev. Edward S.
Hall et Revd. L. A. Miner the latter two of Salt Lake
City, Utah.
The party started from the beach at Arue at 8. 30 A. M.
Sept. 15,
Sept, 16,
1907
& arrived upon the summit of the Aorai at noon
expedition erected an iron flag pole and
tell honour to France.
1907. This
raised the French flag
Société des
Études
Océaniennes
to
nouvea
Observations
Températue
Heures
dsenetir Altiudes
Fareup,
l'aMAdsfclaeopneuirt8l18eoct?bre.
temdpcaéroeus
Rel vé
Aler:
temps.
Beau
19°
5
5
16°
26°
Pas age
m. m. m.
1.100 1.260 1.440
15°
12
5
5
14°
bras.
du
Superbe
1.700 1.800 1.830 1.890
m. m. m. m.
17°
12°
7
9
9
h. h. h.
—
h.
11
—
13
14
14
15
15
13°
dans à
beianbdrritoé.t bthesroumaopueèndt lamouse. l'ombre.
Mer
de Couvert gnifque Couvert
phots. nuages. dPangheortux.. nuages. ldasrmouai¬tre,lasguuchre. àgauche. lasgauucrhe.
55
19°
15°
deux Quelques
Pris
17°
l'eau. l'eau.
8
dans àl'air. dans là'air. saoluei daunns
15°
m. 1.0m.50
495
6
h. h. h.
ire
2e
Départ Ar ivée
Départ
30 34 36 40 21 45 05 55h. h.47 h.27 h.41 h.15 h.35
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à
55
12° 5
19°
à
11°
clair.
Temps
8°
m. m. m. m.
2.060 2.100 2.150 2.200
Départ Ar ivée
17
18
4e
id
20
—
3e 5e
—
id.
matin. solei.
11°
14°
5
16°
jusq'au saoluei. là'ombre. baeauu
7°
5 5
7°
21
h.
6
h
7
9
h. h.
7
Départ Ar ivée Départ Ar ivée
11
—
13
—
13
—
id. 2cieme id id Re:tour ecxitmrêm.e cirieme id Rocher Olivers Pd'eriasue Papet
17
03h. 15h. 38h. 30h. h. 45h. Minuit 25 35 15 h.35 h.15 h.45
17
Températue
eespxpoleonlseinéie tmpéraue soli.
saoluei. l'ombre. ld'teroauevuée l'air.
16°
58
h.
rai
15
2.020
Altiudes m.
Heures
ire
Airvée
delc'Aiom-e
^ ïS S3
FRANGE
-
TAHITI
A Monsieur le Gouverneur G.
JULIEN.
Hommage très respectueux.
WVWVmWWVAA/W
Enfants de Tahiti, tous debout pour la France!
Un barbare ennemi, dans sa folle espérance,
Voudrait faire plier sous son joug odieux
Le peuple libre et fier, le peuple radieux !
*
*
Loin dé
*
sol
sacré, notre île enchanteresse
Offre son doux rivage à la mer qui caresse:
De la lutte tragique, à peine un faible éclair,
Bref et déjà lointain, brilla dans son ciel clair !
ce
*
*
*
Si la faim
pâle et sombre, autrefois inconnue,
Par la guerre conduite, à cette heure est venue,
Silence ! Que sont donc nos infimes douleurs,
Devant l'immense deuil de la Patrie en pleurs ?
*
*
Les héros
qui, là-bas,
*
plainte et sans faiblesse,
Marchent droit à la mort, rayonnants de noblesse,
Ont oublié déjà, pour les lauriers offerts,
Et les nuits sans sommeil et les jeûnes soufferts !
sans
*
*
Si
*
partir, les yeux brillants de flamme.
Nos plus tendres enfants, que la France réclame,
Nous pouvons bien pleurer, mais ne murmurons point:
C'est à l'ennemi seul qu'il faut montrer le
poing!
nous
voyons
*
*
*
Parmi les millions de guerriers
admirables
Que la Justice oppose aux peuples exécrables,
Les fils de Tahiti sont-ils donc
méprisés
Et leurs mâles élans par avance bri-sés ?
*
*
Société des
Études
*
Océaniennes
Blasphème! Pour la France, au cœur divin de mère.
péril et de la peine amère,
Le plus humble secours de ses
enfants chéris
Mérite sa tendresse et vaut son plus haut
prix !
Au milieu du
*
*
*
Qu'importe à nos soldats de n'être pas en nombre,
Si le Drapeau
Français étend sur eux son ombre ?
Pour ces saintes couleurs, saintement
frémissant,
Plus d'un, avec
amour, a donné tout son sang!
*
*
*
Et quand la Liberté, superbe et
triomphante,
Couverte des lauriers que la victoire enfante,
A travers le
Du
fracas des acclamations
cortège sans fin de tant de nations,
*
*
Sur
*
char
aveuglant de céleste lumière,
Dans l'éblouissement de la Beauté première,
Au-dessus de Paris et des peuples vainqueurs,
Apparaîtra soudain, faisant bondir les cœurs,
un
*
*
*
Nos
enfants seront là; cette magnificence,
La vision sublime, et la toute-puissance
De la Patrie auguste
et du Droit rétabli
Toujours vivront en eux, plus fortes que l'oubli!
*
*
*
Tandis que les héros de la vaste épopée,
Transfigurés de gloire et l'âme enveloppée
Du bonheur surhumain de l'immortalité,
Innombrables dompteurs de la Brutalité,
*
Sous les fleurs et les cris d'une foule inlassable,
Fivant, les yeux ouverts, un rêve insaisissable,
Dérouleront la chaîne, aux splendides maillons;
Des jaunes et des blancs et des noirs bataillons,
*
*
*
Les fils de Tahiti, par leur
grâce native,
Fixeront les regards de la foule captive,
Et la France, attendrie, à leurs fronts couronnés
Mettra de doux baisers, dans son cœur moissonnés !
*
*
Société des
*
Études
Océaniennes
46
Pour
ce
suprême honneur, offrons à la Patrie
Nos enfants et nos biens, et notre âme meurtrie,
Nos larmes et nos deuils, nos espoirs anxieux
Qui montent
en
prière
au
plus profond des deux !
*
*
*
Que la joie et l'amour effacent dans notre âme
sanglant du plus terrible drame ;
Qu'un cri jaillisse enfin, du triomphe sorti:
Le souvenir
Vive, vive la France et vive Tahiti !
Papeete, septembre 1917.
H. MICHAS.
NAPUKA ET SES HABITANTS
L'île
ou Désappointement, située par I4°9'30" de
141017' 50" de longitude ouest, à environ 520
milles de Papeete, constitue avec l'îlot Tepoto le groupe le plus
nord des Tuamotu et le plus rapproché de l'Archipel Marquisien
dont elle n'est séparée que par 290 milles (jusqu'à Atuona, île
Hiva-Oa).
Elle se présente sous la forme d'une ceinture d'îlots reliés par
des seuils coralliens irréguliers, couverts par les lames et coupés
Napuka,
latitude sud et
Société des
Études
Océaniennes
47
de
plusieurs échancrures donnant
Lors de
découverte
accès dans le
lagon intérieur.
1765 par Byron, elle portait le nom
de" Tepukamaruia" et comprenait
quatre districts principaux
appelés : i° Gati Maro, 2° Gati Haumata, 30 Gati Pahaa, et 40 Gati
sa
en
Mahaga.
Population. — Une très ancienne légende que les vieillards
de Napuka aiment à rappeler raconte
que le premier habitant de
leur île était un homme
d'origine inconnue, nommé Taneharuruariki, qui eut un fils : Tiaikaroka.
Mais
une
autre version aussi accréditée fait remonter la nais¬
des
premiers êtres humains de Napuka aux trois esprits :
Tehurukanariki, Tehuruponoariki et Tehurupaeariki, venus de
Havaiki, région idéale, berceau du monde maori suivant de nom¬
sance
breuses traditions polynésiennes relevées par les historiens.
Plus tard, dit encore la
légende, quatre voyageurs venus de
pays ignorés dans un bateau étrange le "Katau Kihiva", cons¬
truit à Nukutavake (Nuu pia ki
Nukutavake) puis
baptteé à Na¬
puka, près du puits de Tavake (i te komo i Tavake) visitèrent
l'île. C'étaient Mahinui, Tutavake, Kiore et Tehui
(ou Kararo)
qui ne prolongèrent pas leur séjour et ne revinrent plus.
Le plus célèbre d'entre eux, Mahinui
Tetauira, fils de Tefau o
Tera (Tu Nui) et de Teuru o te
Noe, venait, suppose-t-on, de
Havaiki, et l'histoire de ces voyageurs est curieuse à rapprocher
de celle des trois esprits originaires de ce lieu
mystérieux.
Les anciens habitants conservent encore le souvenir
légendaire
d'un autre Mahinui Tutini dont l'existence serait
plus proche de
notre époque, et des fameux
guerriers athlètes (aito) Kopiki,
Korere, et surtout du terrible Kahurare qui, à lui seul, extermina
l'équipage d'un bateau marquisien (pahi no Nuhiva mai).
Enfin, leur mémoire permet de suivre pendant environ deux
cents ans la
lignée royale qui part de Tutefa et continue par Mapuhia, Maru, Fakaipoa, Maruake, Mapuhi (Tuakana),Piriaro(Teina), Tearikifautagata (Te Tohu), pour finir à Taku.
Quant à l'origine réelle de cette peuplade, elle n'a pas encore
pu être déterminée exactement. Le
type de Napuka ne diffère en
rien de celui des
indigènes des Tuamotu, caractérisé par un teint
olivâtre, un peu brûlé, dû en partie, chez ce peuple de pêcheurs
et de
plongeurs, à la vie en plein air et à l'action des brûlants
rayons solaires des tropiques.
La population actuelle de
Napuka, qui comprend 118 âmes,
aurait eu autrefois, suivant une version ancienne d'ailleurs com-
Société des
Études
Océaniennes
48
densité assez élevée; cependant
permet de contrôler cette assertion
mune
à bien d'autres îles, une
aucun
fait,
aucune preuve ne
les plus vieux habitants. Il s'agit peut-être, en la
circonstance, d'une manifestation d'orgueil de la race océanienne,
soutenue par
flattée du nombre restreint des éléments qui la compo¬
les événements du passé pour se
porter héritière d'une gloire et d'une puissance peu probables.
Il est possible, il est vrai, que des cyclones ou des raz de marée
aient submergé et ravagé cette île basse ; en tous cas, si ces événe¬
ments se sont produits, ils sont si éloignés de notre époque que le
souvenir de cataclysmes pourtant si impressionnants n'a même
pas été transmis et conservé dans la mémoire des anciens du
qui,
peu
sent, grossit démesurément
pays.
Caractère de la
L'indolence et l'insouciance
population. En par¬
ticulier chez les hommes, la négation de tout effort est de règle
absolue; leur temps se passe à flâner, à causer sur un ton si
flou que leurs paroles sont à peine perceptibles, à sommeiller,
à dormir et à recevoir la nourriture, toujours la même, que les
femmes préparent en faisant cuire des coquillages (bénitiers)
qu'elles vont elles-mêmes ramasser sur les récifs ou les pâtés de
coraux. Quelques noix de coco complètent ce repas de compo¬
sition invariable pendant tout le cours de l'année.
Et cependant cette apathie générale n'est point la conséquence
d'une dégénérescence physique de la race. L'exemple suivant en
donne la preuve: il y a quelques années, la femme aujourd'hui
décédée du Chef actuel se rendit comme d'habitude à la pêche
au bénitier ; son panier rempli de tridacnes, elle remonta dans sa
pirogue où elle donna naissance à un bébé. Seule, à ce moment,
elle fit la toilette du nouveau-né, se baigna et reprenant ensuite
la pagaie rentra tranquillement au village sans aucune consé¬
quence fâcheuse pour elle-même ou pour l'enfant.
Cette impression déplorable causée par la nonchalance des
habitants ne m'est point personnelle et je pense même être audessous de la vérité en déclarant que les gens de Napuka sont
les plus paresseux du monde.
Le Rd P. Germain Fierens qui eut l'occasion de vivre parmi
eux en 1877 s'exprime bien
plus durement sur leur compte. II
population.
—
dominent entièrement le caractère de cette
raconte
«
«
en
effet
:
Voilà dix
se
longs mois que j'interroge l'horizon, et rien ne
présente à mes regards, sinon les oiseaux de mer auxquels
Société des
Études
Océaniennes
49
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
je suis tenté de demander s'ils n'ont pas aperçu quelque voile
dans le lointain. Le plus triste, c'est que nos vivres sont
épuisés
et que l'île où je suis est la plus
sauvage des Tuamotu. Il y a
fort peu de cocotiers en rapport, une dizaine seulement. Toute
la nourriture consiste en bénitiers
(pahua) et en fruits de pandanus, mais cet arbre ne donnant presque plus rien à cette
époque, il ne nous reste plus que le vulgaire mollusque et le
poisson qu'on attrape ou qu'on n'attrape pas. J'ai vu des enfants ramasser à terre des arêtes de poisson, les sucer
longuement, puis les écraser entre deux pierres et les manger ainsi
avec des fruits de pandanus. »
Le Rd P. Germain aurait été plus d'une fois réduit à cette même
extrémité s'il n'avait eu soin de se munir d'une provision de lé¬
gumes secs
qui le dispensait d'aller mendier
sa
nourriture à
ces
sauvages égoïstes et grossiers.
«
pas eux-mêmes de
«
«
«
«
Les
indigènes de Napuka sont certainement les plusstupides
plus sauvages des habitants des Tuamotu. Ils vivent à
peu près comme des animaux dans les bois, sans cases pour
les abriter, couchant sur la terre nue, qu'il pleuve ou qu'il fasse
«
«
Il est
vrai, ajoute-t-il pour les excuser, que souvent ils n'ont
quoi manger. Si leur pêche n'est pas abondante, ils se serrent le ventre et vont se coucher.
«
«
et les
beau temps, et presque sans habits. C'est un peuple enfantdont
il faut commencer l'éducation par
les premiers et les plus
«
simples éléments. Ils n'ont
«
et les
aucune idée des arts les plus utiles
plus nécessaires au moindre bien-être matériel. »
A ce manque total d'énergie, il faut encore ajouter l'entête¬
ment irraisonné de ces
indigènes qui même devant la claire dé¬
monstration de leurs erreurs gardent, sans y vouloir rien chan¬
ger, leur opinion première.
Pauvreté des habitants.
Préoccupés seulement de trou¬
chaque jour la misérable nourriture qui sert à leur alimen¬
tation, refusanttout travail, les habitants de Napuka vivent dans
un état de
pauvreté absolu. Leur costume est aussi réduit que
possible et consiste le plus souvent en un sachet d'étoffe pris
sur les
quelques mètres de tissus apportés par les missionnaires
dans leur tournée annuelle et dans lequel ils cachent leur sexe.
—
ver
Religion. — A part quelques variantes peu importantes, la
religion suivie par les gens de Napuka avant l'introduction du
christianisme était la même que celle adoptée dans toute la Poly-
Société des
Études Océaniennes
50
nésie. Elle avait pour base les sacrifices offerts aux
des lieux consacrés appelés « marae ».
Il
en
existait deux à
divinités dans
Napuka:
O
Tanariki, à Tematatoa ; 2° O Ragihoa, au village même, et
un troisièmedans l'îlot Tepoto, connusous lenomde OHavana.
Chacun d'eux, à l'image de ceux qui ont été visités, compre¬
i°
nait
une
s'élevait
assise considérable de grosses pierres plates sur laquelle
une sorte d'autel où était déposée une série de boîtes
finement
ouvragées (Fare tini atua) contenant des touffes
cheveux, blancs pour la plupart (Uruuru Tagata) provenant
de personnes décédées honorées d'un culte tout particulier. Il
assez
de
existait douze
Ragihoa.
reliques constituaient le fond même de la re¬
ligion et représentaient " la grande divinité" invoquée dans nos
îles il y a cinquante ans à peine.
A côté de ces sortes de reliquaires, étaient placées les lances en
bois de cocotier (Okaoka ou Komore niu) appartenant aux
en
A vrai dire,
au
marae
ces
vieillards formant la classe sacerdotale.
Les
jours de grande fête religieuse et principalement à l'épo¬
que du sacrifice ou de l'offrande des premières tortues capturées
de l'année, ces vieillards se rendaient en grande pompe au
prenaient leurs lances et se groupaient en demi-cercle,
sa longue pierre spéciale (te pofatu) au pied de
laquelle se trouvait le "Te Nohoga", tabouret lisse et brillant
taillé d'une seule pièce dans le tronc de l'arbre appelé "Tou".
Gravement appuyés sur leurs lances, ils suivaient la longue
« marae
»,
chacun adossé à
cérémonie rituelle.
Les tortues offertes en holocauste étaient portées au «marae»
décoré extérieurement, le long de l'enceinte réservée, de guirlan¬
des en feuilles de cocotier habilement tressées, appelées Tekaki-
les anciens.
Puis, avant le sacrifice, un des deux Tokiofa, amulettes de
grande importance faite de deux bâtonnets décorés et ornés de
tresses en feuilles de cocotier, était posé sur la victime ainsi
sanctifiée, puis ramené à sa place primitive tandis que les chants,
les gestes et les prières rythmés accompagnaient ces prélimi¬
ga par
naires.
Ensuite, l'exécuteur désigné, assisté du "Paragui", homme
chargé de la partie rituelle ou lithurgique de la cérémonie, tran¬
chait la gorge de la tortue déposée enfin dans un four canaque
préparé à l'avance. Et pendant les longues heures de sa cuisson
les chants et les prières ne cessaient point.
Société des
Études
Océaniennes
51
Lorsque la bête était retirée du four, on apportait à nouveau
"Tokiofa", puis le partage commençait. Sur des feuilles de
« gatae » choisies et
préparées pour la circonstance, chacun re¬
cevait sa part, à l'exclusion cependant
des femmes tenues à l'é¬
cart de ces fêtes et qui n'avaient
point le droit de manger de la
le
tortue.
Sol.
La nature du sol exclut à peu
près toute culture ré¬
gulière. Le contour de l'ile n'offre qu'une forêt exubérante de
brousse où les essences polynésiennes dominent. Le
pandanus,
le gatae et le cocotier constituent, comme dans les autres îles
Tuamotu, la principale végétation.
Ce sol, j'en suis persuadé, doit fort
probablement contenir
une assez forte couche de
phosphates et de guano qui explique
cette fertilité. Spécialement les noix de cocos de cette île sont
délicieuses à boire et supérieures en parfum à celles des autres
régions.
Si la population au lieu de se livrer à la
paresse voulait se
donner la peine de débrousser et de planter ensuite le terrain en
cocotiers qui, chose digne de remarque, poussent ici avec une
rapidité extraordinaire, quelle source de revenus abondants elle
—
procurerait pour l'avenir!
se
Il est
justement intéressant de noter que Napuka se trouve
la route directe suivie par les goélettes effectuant les
voyages entre Tahiti et les Marquises et que les produits de l'île
située
sur
trouveraient un débouché certain si les habitants voulaient se
donner le plus petit effort pour la mise en valeur de leurs terres.
Propriété foncière.
Trop éloignés et presque sans rela¬
recevoir à temps les instructions édic¬
tées par le décret organisant la propriété foncière, les habitants
de Napuka et de
Tepoto, comme ceux de Fangatau et du groupe
est des
Tuamotu, n'ont matériellement pas pu présenter leurs
tion
avec
—
le chef-lieu pour
revendications dans les délais voulus.
Il
résulte que, malgré un essai
ques années, l'indivision absolue, si
de partage tenté il y a quel¬
néfaste aux intérêts écono¬
miques, persiste sans modification. On est donc en droit de se
demander si la désignation nette et précise des limites de cha¬
cune des
propriétés et des possesseurs n'entraînerait pas ces
derniers à essayer la mise en culture des terres leur appartenant
dont les produits leur reviendraient sans contestation.
Par la suite, l'obligation de
débrousser et de planter pourrait
en
Société des
Études
Océaniennes
54
Il est
plus vraisemblable de supposer que cet arbre fut intro¬
duit par Mahinui Tutini, l'un des quatre voyageurs qui les pre¬
miers visitèrent l'île et venaient de l'ouest, dit la tradition, c'està-dire de la direction de Tahiti. Le bateau
qui les transportait
s'appelait "Hoopu" et la fille de Mahinui nommée O Nuhia se
trouvait à
son
bord.
Nuhia était Marquimaria à Napuka au
nommé Te Tira (le mât). C'est à elle, paraît-il, que l'on doit l'in¬
troduction dans l'île du premier plant de "Pokea", espèce de pour¬
pier, et du "Tau" qui fut dénommé Pikipiki dans le pays. Le pre¬
mier de ces arbres dont les graines donnèrent naissance à tous
les autres existant actuellement, fut abattu récemment pour ali¬
Une version différente
sienne et
menter
non
un
Fanne.
prétend que cette O
fille de Mahinui, et qu'elle se
four à chaux.
—
Les seuls animaux
domestiques sont représentés
par une belle race de poules originaire des Marquises. C'est le
nommé Laurent Vaipouri qui, à son retour de cet archipel, l'a in¬
Napuka où elle s'est multipliée à l'infini. Les rares
goélettes de passage en font ample provision, à bon marché. Le
chien, considéré comme animal comestible, n'est connu dans
l'île que depuis peu longtemps.
Etude du dialecte particulier à Napuka. — Bien qu'au
fond la langue en usage dans nos possessions océaniennes soit
une et même partout, elle offre d'île à île certaines variantes par¬
fois si nombreuses, qu'elle paraît constituer des dialectes diffé¬
rents. C'est ainsi, par exemple, qu'une conversation tenue par
des indigènes de Napuka ou de Reao reste parfois incompréhen¬
sible aux autres indigènes des Tuamotu.
A mon avis, l'origine de ces variantes doit provenir de la di¬
versité des points de départ d'émigration de ces peuplades. Le
fait d'ailleurs pourrait se vérifier en procédant à une étude com¬
parative du langage Tuamotu dans toutes ses formes diverses, et
troduite à
du Maori de Nouvelle-Zélande dans
ses
déformations de même
ordre.
Et,
analogie certaine relie ces deux langues, il n'est
polynésien de Nouvelle-Zé¬
du polynésien Tuamotu et
que les différents dialectes relevés dans cet archipel correspon¬
dent à ceux qui doivent encore subsister en Nouvelle-Zélande.
A l'appui de cette thèse, je noterai la remarque suivante : sur
les quatre-vingts îles Tuamotu on retrouve presque généralement
comme une
pas impossible d'en déduire que le
lande est en réalité la langue mère
dans chacune d'entre elles des
Société des
noms
Études
de terres absolument iden-
Océaniennes
55
tiques à ceux qui désignent, en Nouvelle-Zélande (appelée Ika a
Maui : poisson de Maui), les
grandes divisions territoriales.
11 est bien regrettable que
les travaux du Rd P. Germain qui
résida plusieurs années à
Napuka aient été détruits par le cyclone
dernier ou perdus. Ces documents
renfermaient, en effet, de pré¬
cieuses notes sur l'origine, l'histoire, les traditions et
croyances,
les us et coutumes des
gens de Napuka, renseignements recueil¬
lis par l'auteur en
interrogeant longuement les plus anciens du
pays.
Ilot
deTepoto.— A une dizaine de milles au large de Napuka
dans la direction du soleil couchant on
aperçoit, par temps
clair et mer calme, un
joli bouquet d'arbres. C'est la silhouette
de la petite île
Tepoto, anciennement connue sous le nom de
et
Tepukamarumaru. Elle se présente sous la forme d'un ovale
irrégulier portant une déclivité prononcée dans son centre, lui
donnant l'aspect d'un ancien cratère
presque entièrement com¬
blé.
De la côte surélevée de
3 mètres environ au-dessus du niveau
de la mer, le terrain descend en
pente douce vers le centre de
l'île transformé en un véritable réservoir naturel dont le
fond,
constitué par des roches imperméables, permet l'accumulation
des eaux de pluie rarement asséchées
par évaporation.
Une brousse exubérante, indice d'une fertilité
remarquable
du sol, couvre toute l'île d'une
végétation puissante qui trouve
une nourriture abondante dans la couche
épaisse et fort riche
d'humus répandue sur toute la surface.
Certes, la majeure partie des cultures tropicales
y donnerait
magnifiques résultats, et en particulier le cocotier, le bananier
et
l'oranger fourniraient des fruits en abondance. Fâcheusement,
la'population, composée de quarante-six habitants, originaires
de Napuka, n'a
guère le souci de mettre cette île en valeur. A vrai
dire, un tiers des terrains comporte des plantations, mais leur
établissement aussi peu rationnel que possible et le resserre¬
ment regrettable des
plants diminuent le rendement dans des
de
proportions élevées.
Assez
récemment, legiraumon, sorte de courge très appréciée
Antilles, a été introduite à Tepoto et sa récolte abondante
permet aux indigènes d'apporter une amélioration appréciable à
aux
leur alimentation traditionnelle.
Progrès et état actuel de INJapuka et de Tepoto. — La
note évidemment pessimiste qui se
dégage de cette étude ne doit
Société des
Études
Océaniennes
56
Cependant
conduire à une conclusion définitive sur l'avenir
resté soumis à l'influence désastreuse d'un isole¬
ment presque absolu.
Tout au contraire, il m'a été permis de constater que les indi¬
gènes de Napukaetde Tepoto étaient loin d'être inintelligents et
qu'ils avaient fait état en partie des conseils qui leur étaient pro¬
digués.
Déjà la noire misère qui menaçait ces îles est écartée grâce aux
premières plantations de cocotiers. Aussi est-il permis de sup¬
poser que l'extension de cette culture, si elle est encouragée, di¬
rigée, protégée et, faut-il l'avouer, un peu imposée, conduira à
une production suffisamment intéressante
pour attirer les ache¬
de
ce
pas
groupe
teurs et créer ainsi des relations suivies
avec
l'extérieur.
Je n'ose affirmer
que ce mouvement commercial entraînera
nécessairement le bonheur de ces indigènes, mais il leur procu¬
rera une
aisance matérielle
qui actuellement leur fait entièrement
défaut.
P. Hervé AUDRAN.
Société des
Études
Océaniennes
57
CHANTS
DES CONSCRITS D'EIMEO ET DE TAHITI.
La Société d'Etudes Océaniennes publie aujourd'hui quelques
chants tahitiens inspirés par la guerre et le départ des contingents.
Ils sont caractéristiques de la littérature tahitienne d'aujourd'hui.
Quoique modestes et de forme très simple, ils montrent que
toujours féconde et s'exerce sur tous les su¬
jets. Elle est spontanée et naïve et comme telle dépourvue de
cette littérature est
toute affectation.
Le
départ des conscrits tahitiens
pour
la défense de la France
qu'ils ont appris à aimer, ne pouvait manquer d'inspirer nos
bardes indigènes, et il y a effectivement eu, à cette occasion,
toute une floraison de ces chants qui tantôt sont modulés sur
des airs européens, tantôt sur la mélopée du "ute'" indigène, et
qui
sont
composés nul
ne
sait par qui.
Les jeunes conscrits tahitiens ont senti renaître en leurs cœurs
les vertus
guerrières de leurs ancêtres, mais on peut regretter
que dans ces chants il ne soit point parlé, en général, de ce passé
glorieux. Les jeunes générations ne le connaissent pas ou pres¬
que pas, et la Société d'Etudes Océaniennes a précisément pour
but de le leur rappeler.
Un de
nos
nos
membres et
non
des moins savants
îles, M. Tati Salmon, dans
Société des
un
le passé de
discours qu'il fit lors du dé-
Études
Océaniennes
sur
48
densité assez élevée; cependant
contrôler cette assertion
soutenue par les plus vieux habitants. Il s'agit peut-être, en la
circonstance, d'une manifestation d'orgueil de la race océanienne,
qui, peu flattée du nombre restreint des éléments qui la compo¬
sent, grossit démesurément les événements du passé pour se
porter héritière d'une gloire et d'une puissance peu probables.
11 est possible, il est vrai, que des cyclones ou des raz de marée
aient submergé et ravagé cette île basse ; en tous cas, si ces événe¬
ments se sont produits, ils sont si éloignés de notre époque que le
souvenir de cataclysmes pourtant si impressionnants n'a même
pas été transmis et conservé dans la mémoire des anciens du
mune
à bien d'autres îles, une
aucun
fait, aucune preuve ne permet de
pays.
Caractère do la
population.
L'indolence et l'insouciance
population. En par¬
ticulier chez les hommes, la négation de tout effort est de règle
absolue; leur temps se passe à flâner, à causer sur un ton si
flou que leurs paroles sont à peine perceptibles, à sommeiller,
à dormir et à recevoir la nourriture, toujours la même, que les
femmes préparent en faisant cuire des coquillages (bénitiers)
qu'elles vont elles-mêmes ramasser sur les récifs ou les pâtés de
coraux. Quelques noix de coco
complètent ce repas de compo¬
sition invariable pendant tout le cours de l'année.
Et cependant cette apathie générale n'est point la conséquence
d'une dégénérescence physique de la race. L'exemple
suivant en
donne la preuve: il y a quelques années, la femme
aujourd'hui
décédée du Chef actuel se rendit comme d'habitude à la pêche
au bénitier
; son panier rempli de tridacnes, elle remonta dans sa
pirogue où elle donna naissance à un bébé. Seule, à ce moment,
elle fit la toilette du nouveau-né, se
baigna et reprenant ensuite
la pagaie rentra tranquillement au
village sans aucune consé¬
quence fâcheuse pour elle-même ou pour l'enfant.
Cette impression déplorable causée
par la nonchalance des
habitants ne m est point personnelle et je
pense même être audessous de la vérité en déclarant que les
gens de Napuka sont
les plus paresseux du monde.
—
dominent entièrement le caractère de cette
Le Rd P. Germain Ficrens
eux en
raconte
«
«
qui eut l'occasion de vivre parmi
1877 s'exprime bien plus durement sur leur compte. II
en
effet
Voilà dix
se
:
longs mois que j'interroge l'horizon, et rien ne
mes regards, sinon les oiseaux de mer
auxquels
présente à
Société des
Études
Océaniennes
49
je suis tenté de demander s'ils n'ont pas aperçu quelque voile
dans le lointain. Le plus triste, c'est que nos vivres sont
épuisés
et que l'île où je suis est la plus
sauvage des Tuamotu. Il y a
fort peu de cocotiers en rapport, une dizaine seulement. Toute
la nourriture consiste en bénitiers
(pahua) et en fruits de pandanus, mais cet arbre ne donnant presque plus rien à cette
époque, il ne nous reste plus que le vulgaire mollusque et le
poisson qu'on attrape ou qu'on n'attrape pas. J'ai vu des enfants ramasser à terre des arêtes de poisson, les sucer
longuement, puis les écraser entre deux pierres et les manger ainsi
avec des fruits de
pandanus. »
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
Le Rd P. Germain aurait été plus d'une fois réduit à cette même
extrémité s'il n'avait eu soin de se munir d'une provision de lé¬
gumes secs
qui le dispensait d'aller mendier
sa
nourriture à
ces
sauvages égoïstes et grossiers.
«
«
«
se serrent
le ventre et
vont
se
coucher.
Les
indigènes de Napuka sont certainement les plus stupides
et les
plus sauvages des habitants des Tuamotu. Ils vivent à
peu près comme des animaux dans les bois, sans cases pour
les abriter, couchant sur la terre nue, qu'il
pleuve ou qu'il fasse
beau temps, et presque sans habits. C'est un
peuple enfantdont
«
«
vrai, ajoute-t-il pour les excuser, que souvent ils n'ont
quoi manger. Si leur pêche n'est pas abon-
dante, ils
«
«
Il est
pas eux-mêmes de
«
il faut
«
commencer
l'éducation par les premiers et les plus
simples éléments. Ils n'ont aucune idée des arts les plus utiles
« et les
plus nécessaires au moindre bien-être matériel. »
A ce manque total
d'énergie, il faut encore ajouter l'entête¬
ment irraisonné de ces
indigènes qui même devant la claire dé¬
monstration de leurs erreurs gardent, sans y vouloir rien chan¬
ger, leur opinion première.
«
Pauvreté des habitants.
Préoccupés seulement de trou¬
chaque jour la misérable nourriture qui sert à leur alimen¬
tation, refusant tout travail, les habitants de Napuka vivent dans
—
ver
état de pauvreté absolu. Leur costume est aussi réduit
que
possible et consiste le plus souvent en un sachet d'étoffe pris
sur les
quelques mètres de tissus apportés par les missionnaires
un
dans leur tournée annuelle et dans lequel ils cachent leur
sexe.
Religion. — A part quelques variantes peu importantes, la
religion suivie par les gens de Napuka avant l'introduction du
christianisme était la même que celle adoptée dans toute la Poly-
Société des
Études
Océaniennes
50
nésie. Elle avait pour base les sacrifices offerts aux
des lieux consacrés appelés « marae ».
11
en
i°
O
divinités dans
existait deux à
Napuka :
Tanariki, à Tematatoa ; 2° O Ragihoa, au village même, et
un troisièmedans l'îlot
Tepoto, connusous lenomde OHavana.
Chacun d'eux, à l'image de ceux qui ont été visités,
compre¬
nait une assise considérable de
grosses pierres plates sur laquelle
s'élevait une sorte d'autel où était déposée une série de boîtes
assez finement ouvragées
(Fare tini atua) contenant des touffes
de cheveux, blancs pour la plupart (Uruuru
Tagata) provenant
de personnes décédées honorées d'un culte tout
particulier. Il
en existait douze au marae
Ragihoa.
A vrai dire, ces reliques constituaient le fond même de la re¬
ligion et représentaient " la grande divinité" invoquée dans nos
îles il y a cinquante ans à peine.
A côté de ces sortes de
reliquaires, étaient placées les lances en
bois de cocotier (Okaoka ou Komore
niu) appartenant aux
vieillards formant la classe sacerdotale.
Les
jours de grande fête religieuse et principalement à l'épo¬
du sacrifice ou de l'offrande des premières tortues capturées
de l'année, ces vieillards se rendaient en
grande pompe au
«marae», prenaient leurs lances et se groupaient en demi-cercle,
chacun adossé à sa longue pierre
spéciale (te pofatu) au pied de
laquelle se trouvait le "Te Nohoga", tabouret lisse et brillant
taillé d'une seule pièce dans le tronc de l'arbre
appelé "Tou".
Gravement appuyés sur leurs
lances, ils suivaient la longue
que
cérémonie rituelle.
Les tortues offertes
en holocauste étaient
portées au «marae»
décoré extérieurement, le
long de l'enceinte réservée, de guirlan¬
des en feuilles de cocotier habilement
tressées, appelées Tekakiga par les anciens.
Puis, avant le sacrifice, un des deux
Tokiofa, amulettes de
grande importance faite de deux bâtonnets décorés et ornés de
tresses en feuilles de
cocotier, était posé sur la victime ainsi
sanctifiée, puis ramené à sa place primitive tandis que les
chants,
les gestes et les
prières rythmés accompagnaient ces prélimi¬
naires.
Ensuite, l'exécuteur désigné, assisté du
"Paragui", homme
chargé de la partie rituelle ou lithurgique de la
cérémonie, tran¬
chait la gorge de la tortue
déposée enfin dans un four canaque
piéparé à 1 avance. Et pendant les longues heures de sa cuisson
les chants et les
prières ne cessaient point.
Société des
Études
Océaniennes
51
Lorsque la bête était retirée du four, on apportait à nouveau
"Tokiofa", puis le partage commençait. Sur des feuilles de
« gatae » choisies et
préparées pour la circonstance, chacun re¬
cevait sa part, à l'exclusion
cependant des femmes tenues à l'é¬
cart de ces fêtes et qui n'avaient
point le droit de manger de la
le
tortue.
Sol.
La nature du sol exclut à
peu près toute culture ré¬
gulière. Le contour de l'ile n'offre qu'une forêt exubérante de
brousse où les essences polynésiennes dominent. Le
pandanus,
le gatae et le cocotier constituent, comme
dans les autres îles
Tuamotu, la principale végétation.
Ce sol, j'en suis persuadé, doit fort
probablement contenir
une assez forte couche de
phosphates et de guano qui explique
cette fertilité. Spécialement les noix de cocos de cette
île sont
délicieuses à boire et supérieures en parfum à celles des autres
régions.
Si la population au lieu de se livrer à la
paresse voulait se
donner la peine de débrousser et de planter ensuite le terrain en
cocotiers qui, chose digne de remarque, poussent ici avec une
rapidité extraordinaire, quelle source de revenus abondants elle
se procurerait
pour l'avenir!
Il est justement intéressant de noter
que Napuka se trouve
située sur la route directe suivie par les
goélettes effectuant les
voyages entre Tahiti et les Marquises et que les produits de l'île
—
trouveraient un débouché certain si les habitants voulaient se
donner le plus petit effort pour la mise en valeur de leurs terres.
Propriété foncière.
Trop éloignés et presque sans rela¬
recevoir à temps les instructions édic¬
tées par le décret
organisant la propriété foncière, les habitants
de Napuka et de
Tepoto, comme ceux de Fangatau et du groupe
est des Tuamotu, n'ont matériellement
pas pu présenter leurs
tion
avec
—
le chef-lieu pour
revendications dans les délais voulus.
II
en
résulte que,
malgré un essai de partage tenté il y a quel¬
années, l'indivision absolue, si néfaste aux intérêts écono¬
miques, persiste sans modification. On est donc en droit de se
demander si la désignation nette et précise des limites de cha¬
cune des
propriétés et des possesseurs n'entraînerait pas ces
derniers à essayer la mise en culture des terres leur appartenant
dont les produits leur reviendraient sans contestation.
Par la suite, l'obligation de débrousser et de planter pourrait
ques
Société des
Études (Océaniennes
52
être
envisagée, car il paraît difficilement admissible de tolérei
plus longtemps l'apathie actuelle des habitants.
Histoire du
A
premier cocotier introduit à IVapuka.
croire
une
avec
Hina
vieille légende universellement répandue dans
archipel, le premier cocotier des Tuamotu ne serait autre
que la tête germée de Tuna.
C'était un être moitié homme moitié poisson que l'illustre
Maui aurait tué et dont il aurait détaché le chef du corps. De
en
cet
concert
sa
femme, il l'ensevelit en terre. Cette tête de
germé et serait ainsi devenue le
Tuna aurait par extraordinaire
premier cocotier.
Voici le texte de la
légende
en
vieux tuamotu de
nos
îles:
Première scène.
Na Tuna
:
Ko ai koe ?
Tuna
Na Maui
:
Ko
Maui
Na Tuna
:
Na hea mai koe ?
Na Maui
:
Na ko
au
ko Maui?
Qui es-tu?
Je suis Maui.
Tuna: D'où viens-tu?
mai koki.
na
:
:
Na Tuna:
Ahipa koe, na konei
atu, tiaki ana koe, moehio
ana koekite
koapiapi a Tuna.
Maui
J'arrive de là-bas.
Regarde dans cette di¬
rection là, attends et saute,
:
Tuna:
entre dans la bouche de
Tu¬
na.
Na Maui
: Ahiri ka amama,
Ua tomo Maui i roto ia Tuna
ua
topitopi, tira
mai
ua
puroro o
Maui
e
Ouvre donc.
:
Maui sauta dans Tuna etil
I mûri
Maui ki va-
com¬
à scier à longs traits
et avec force répétition (avec
une dent de requin). A la lon¬
gue Maui réapparut dehors.
mea.
mença
ho.
Deuxième scène.
Ua poro a Tuna,
Na Tuna : Ahiri ko ai koe ?
Na Maui: Ko au ko Maui,
Tuna
NaTuna: A hipa koe na konei
atu, tiaki ana koe moehio ana
koe ki te
koapiapi
a
insiste,
Tuna: Qui donc es-tu?
Maui : C'est moi Maui.
Tuna
Regarde dans cette di¬
:
rection et attends
Tuna.
un
peu et
saute dans la bouche (gueule)
de Tuna.
Na Maui
Ahiri ka amama,
Uu tomo faahou o Maui i roto
ia Tuna. Te kahu
mea, te
:
Maui
Société des
Si tu ouvrais.
nouveau
dans
Tuna, il scia, il scia, tant qu'à
la fin,
kahu,
Ua puroro Maui ki vaho.
:
Maui entra de
Maui
Études
en
ressortit.
Océaniennes
53
Troisième scène.
I
(Mêmes interrogations, mêmes réponses.)
te toru raa no te temohaga o Ce ne fut
qu'à la troisième péné¬
te higahiga ia no Tuna.
tration de Maui que mourut
Tuna.
Ua poro o Maui.
E Tuna e Tuna e,
Na koe
vau.
moe
E
e
reko mai
I te
hio
tiaki
e
kopiapi
ana
Tuna
a
appela, cria,
Tuna, Tuna,
C'est toi-même qui m'aç invité
à attendre et à entrer dans ta
e
bouche.
ana.
tokohiaga
herehere
nu e
Maui
e
e ua
Maui
e ua matarai i te pepe-
Avec
poi hia i te fenua. I
ua poro atu ona i
vahine ia Hina : Ua higa
ua
te fenua ra
tona
hia
o
pela Hina,
Tuna teie tona pepenu.
criant
sa
Ua haere mai
e ua rave
e ua
poi
o
Hina
haere
e ua
raua
hipa
hache
sa
(herminette)
Maui scia, coupa et détacha
la tête de Tuna et la
porta
à terre. Arrivé chez lui, il ap¬
Hina
: «
tête
femme,
sa
en
lui
Tuna est mort, voici
».
précipita pour voir. Ils
prirent l'un et l'autre une
mâchoire, l'emportèrent et
i te gutu
raua e ua tanu.
se
l'ensevelirent.
Tanu atu, tupu atu, ta Maui
oia toa ta Hina.
Une fois
ensevelie, elle germa
aussi bien que celle
et poussa
de Hina.
Application des détails du cocotier
Le tronc du cocotier
représente le corps de Tuna.
{Te tumu hakari,
Turei: le
stipe.
—
Le
à Tuna.
o
corps
Tiau: les feuilles ou palmes.
Roherohe : spathe.
te tino ia
no
Tuna).
de Tuna.
— Chevelure de Tuna.
Pororiki, Puriri, Rehi, E rie : fleurs du cocotier.
Temotu, Tariga, Ua Pakari.
Une autre légende raconte que la première noix de coco fut,
comme à Reao, apportée par les flots qui la poussèrent sur le ri¬
vage de Napuka; elle venait de la direction des Marquises.
Une femme, dont le nom n'a pas été retenu, trouva ce fruit et
après l'avoir èxaminé avec curiosité le laissa retomber à terre,
mais trois semaines après, le
germe s'étant montré, elle recueillit
la noix dont elle ignorait la valeur et la
planta, ce fut l'origine
du premier cocotier.
Société des
Études
Océaniennes
54
Il est
plus vraisemblable de supposer que
cet arbre fut intro¬
qui les pre¬
duit par Mahinui Tutini, l'un des quatre voyageurs
miers visitèrent l'île et venaient de l'ouest, dit la tradition,
c'esttransportait
s'appelait "Hoopu" et la fille de Mahinui nommée O Nuhia se
à-dire de la direction de
Tahiti. Le bateau qui les
trouvait à son bord.
Une version différente prétend que cette O Nuhia était Marquisienne et non fille de Mahinui, et qu'elle se maria à Napuka au
nommé Te Tira (le mât). C'est à elle, paraît-il, que l'on doit l'in¬
troduction dans l'île du premier plant de "Pokea", espèce de pour
pier, et du "Tau" qui fut dénommé Pikipiki dans le pays. Le pre¬
mier de ces arbres dont les graines donnèrent naissance à tous
les autres existant actuellement, fut abattu récemment pour ali¬
menter un four
Faane.
—
à chaux.
Les seuls animaux
domestiques sont représentés
par une belle race de poules originaire des Marquises. C'est le
nommé Laurent Vaipouri qui, à son retour de cet archipel, l'a in¬
Napuka où elle s'est multipliée à l'infini. Les rares
goélettes de passage en font ample provision, à bon marché. Le
chien, considéré comme animal comestible, n'est connu dans
l'île que depuis peu longtemps.
Etnde du dialecte particulier à Napuka. — Bien qu'au
fond la langue en usage dans nos possessions océaniennes soit
une et même partout, elle offre d'île à île certaines variantes par¬
fois si nombreuses, qu'elle paraît constituer des dialectes diffé¬
rents. C'est ainsi, par exemple, qu'une conversation tenue par
des indigènes de Napuka ou de Reao reste parfois incompréhen¬
sible aux autres indigènes des Tuamotu.
A mon avis, l'origine de ces variantes doit provenir de la di¬
versité des points de départ d'émigration de ces peuplades. Le
fait d'ailleurs pourrait se vérifier en procédant à une étude com¬
parative du langage Tuamotu dans toutes ses formes diverses, et
troduite à
du Maori de Nouvelle-Zélande dans
ses
déformations de même
ordre.
Et,
analogie certaine relie ces deux langues, il n'est
polynésien de Nouvelle-Zé¬
du polynésien Tuamotu et
que les différents dialectes relevés dans cet archipel correspon¬
dent à ceux qui doivent encore subsister en Nouvelle-Zélande.
A l'appui de cette thèse, je noterai la remarque suivante : sur
les quatre-vingts îles Tuamotu on retrouve presque généralement
comme une
pas impossible d'en déduire que le
lande est en réalité la langue mère
dans chacune d'entre elles des
Société des
noms
de terres absolument iden-
Études Océaniennes
55
tiques à ceux qui désignent, en Nouvelle-Zélande (appelée Ika a
Maui : poisson de Maui), les grandes divisions territoriales.
11 est bien regrettable que les travaux du Rd P. Germain
qui
résida plusieurs années à Napuka aient été détruits par le cyclone
dernier ou perdus. Ces documents renfermaient, en effet, de pré¬
cieuses notes sur l'origine, l'histoire, les traditions et croyances,
les us et coutumes des gens de Napuka, renseignements recueil¬
lis par l'auteur en interrogeant longuement les plus anciens du
pays.
Ilot
deTepoto. — A une dizaine de milles au large de Napuka
on aperçoit, par temps
clair et mer calme, un joli bouquet d'arbres. C'est la silhouette
delà petite île Tepoto, anciennement connue sous le nom de
Tepukamarumaru. Elle se présente sous la forme d'un ovale
irrégulier portant une déclivité prononcée dans son centre, lui
donnant l'aspect d'un ancien cratère presque entièrement com¬
et dans la direction du soleil couchant
blé.
De la côte surélevée de 3 mètres environ au-dessus du niveau
de la mer, le terrain descend en pente douce vers le centre de
l'île transformé en un véritable réservoir naturel dont le fond,
constitué par des roches imperméables, permet l'accumulation
des eaux de pluie rarement asséchées par évaporation.
Une brousse exubérante, indice d'une fertilité remarquable
du sol, couvre toute l'île d'une végétation puissante qui trouve
une
nourriture abondante dans la couche
épaisse et fort riche
d'humus répandue sur toute la surface.
Certes, la majeure partie des cultures tropicales y donnerait
magnifiques résultats, et en particulier le cocotier, le bananier
et l'oranger fourniraient des fruits en abondance. Fâcheusement,
la'population, composée de quarante-six habitants, originaires
de Napuka, n'a guère
le souci de mettre cette île en valeur. A vrai
dire, un tiers des terrains comporte des plantations, mais leur
établissement aussi peu rationnel que possible et le resserre¬
ment regrettable des plants diminuent le rendement dans des
proportions élevées.
Assez récemment, legiraumon, sorte de courge très appréciée
aux Antilles, a été introduite à Tepoto et sa récolte abondante
permet aux indigènes d'apporter une amélioration appréciable à
de
leur alimentation traditionnelle.
Progrès
de Tepoto. — La
pessimiste qui se dégage de cette étude ne doit
et état actuel de Napuka et
note évidemment
Société des
Études
Océaniennes
56
Cependant
conduire à une conclusion définitive sur l'avenir
resté soumis à l'influence désastreuse d'un isole¬
ment presque absolu.
Tout au contraire, il m'a été permis de constater que les indi¬
gènes de Napuka et de Tepoto étaient loin d'être inintelligents et
qu'ils avaient fait état en partie des conseils qui leur étaient pro¬
digués.
Déjà la noire misère qui menaçait ces îles est écartée grâce aux
premières plantations de cocotiers. Aussi est-il permis de sup¬
poser que l'extension de cette culture, si elle est encouragée, di¬
rigée, protégée et, faut-il l'avouer, un peu imposée, conduira à
une
production suffisamment intéressante pour attirer les ache¬
de
ce
pas
groupe
teurs et créer ainsi des relations suivies
avec
l'extérieur.
Je n'ose affirmer que ce mouvement commercial entraînera
nécessairement le bonheur de ces indigènes, mais il leur procu¬
rera une aisance matérielle
qui actuellement leur fait entièrement
défaut.
P. Hervé AUDRAN.
Société des
Études
Océaniennes
57
CHANTS
DES CONSCRITS D'EIMEO ET DE TAHITI.
La Société d'Etudes Océaniennes
publie aujourd'hui quelques
inspirés par la guerre et le départ des contingents.
Ils sont caractéristiques de la littérature tahitienne d'aujourd'hui.
Quoique modestes et de forme très simple, ils montrent que
cette littérature est toujours féconde et s'exerce sur tous les su¬
jets. Elle est spontanée et naïve et comme telle dépourvue de
chants tahitiens
toute affectation.
Le
départ des conscrits tahitiens pour la défense de la France
qu'ils ont appris à aimer, ne pouvait manquer d'inspirer nos
bardes indigènes, et il y a effectivement eu, à cette occasion,
toute une floraison de ces chants qui tantôt sont modulés sur
des airs européens, tantôt sur la mélopée du "ute" indigène, et
qui sont composés nul ne sait par qui.
Les jeunes conscrits tahitiens ont senti renaître en leurs cœurs
les vertus guerrières de leurs ancêtres, mais on
peut regretter
que dans ces chants il ne soit point parlé, en général, de ce passé
glorieux. Les jeunes générations ne le connaissent pas ou pres¬
que pas, et la Société d'Etudes Océaniennes a précisément pour
but de le leur rappeler.
Un de
nos
nos
membres et
non
des moins savants
îles, M. Tati Salmon, dans
Soeiété des
un
Études
sur
le
passé de
discours qu'il fit lors du dé-
Océaniennes
58
part du premier contingent, avait rappelé les hauts faits des an¬
ciens héros et l'on sentait dans toutes ses paroles comme un par¬
fum poétique et subtil du Tahiti de Bougainville et de
Cook, des
Tu, des Vehiatua, des Amo et des Puni. C'est là, croyons-nous,
que réside la vraie poésie tahitienne.
Quelle n'est pas non plus la douceur de ces anciens "mihi"
ou
élégies des guerriers mourants qui regrettent les charmes
puissants de leur district, de leur montagne, de leur baie, ou de
ces chants d'amour dont le secret est
perdu ?... Dans quelques
chants modernes sur la guerre nous retrouvons de ces allusions
aux pics altiers de
l'Orohena, de l'Aorai, du Tohivèa, à la vallée
de Fautaua,- à celle de
Vairaharaha, à la passe de Toata et autres
lieux chers aux partants. Dans d'autres, il est
parlé des fleurs aux
parfums pénétrants qui laissent une ivresse éternelle, surtout
du "tiare tahiti", du gardenia national;
dansbeaucoup, enfin, des
vahine laissées
Quoi qu'il
au
district.
soit et telle qu'elle est, la poésie tahitienne mo¬
point d'un reste de saveur. Elle est empreinte
d'un loyalisme indiscutable à
l'égard de la France. De temps en
temps, comme en un leit-motiv, on sent le regret ému de ceux
qui quittent l'île aimée : l'éternel murmure du flot sur le récif
est dans leurs oreilles, et la vision des nuits de lune et des cou¬
chers de soleil toujours présente à leurs
yeux. Et comment pour¬
derne
ne
rait-il
en
en
manque
être autrement?
A. L.
PREMIER CHANT.
ier
L'heure a sonné
Où nous devons
Et
nous
E ua tae i te hora
No to tatou tiaraa
lever
paraître devant
I
Notre mère Patrie ;
Levons-nous
Couplet.
mua
i te
aro
No to tatou Metua ;
A tia.
!
2me
Courons tous
Pour affronter la mort.
Mes enfants.
Pour notre Patrie,
Levons-nous !
Société des
Couplet.
Haere
anae a
I
i te
mua
Tau
mau
pohe
tamarii
No to tatou
fenua,
A tia.
Études
Océaniennes
59
Refrain.
Leve^-vous, jeunes soldats
Dépendan¬
De Tahiti, Eimeo et
A tia
e
te
tamarii faehau
mau
No Tahiti
no
Eimeo
e
tei
au
mai
ces,
A
i te maihaa iti
Prene^ vos armes,
Protègei le sol
Paru ru i te
De votre chère Patrie.
No to metua here
rave
fenua
e.
DEUXIEME CHANT.
Ainsi la voix du pays
S'est fait entendre
Inaha
Appelant
Tous ses enfants.
Ecoutei la voix hien-aimêe
I te
Te
tae mai nei
ua
te Hau
reo o
pii raa mai
I tana
tamarii.
mau
A faaroo anae
/ te reo iti here
De notre Patrie
to tatou Me¬
no
tua
La France chérie.
O Farani here
Levons-nous,
Enfants de Tahiti ;
Levons-nous,
Enfants d'Eimeo ;
A tia
E te
E te
Partons tous,
A son secours,
A
son
E tana
enfants,
Secourons-la,
ses enfants.
E tana
e
tatou
a
iana
iana
e
e
tamarii
ra mau
Ei paruru
Elle et
Tahiti
Tamarii Eimeo
mau
Ei paruru
Ei paruru
ses
o
tatou
anae
E haere
secours,
Et à celui de
tamarii
mau
A tia
mau.
tatou
anae
iana
e
tamarii.
ra mau
TROISIEME CHANT.
Ier
Couplet.
O terre de Tahiti
A la douce brise du soir,
Nous voilà séparés de toi,
Aue
Nous, tes enfants,
/ ta
Ne reculerons pas
Et irons jusqu'au bout
Eita matou
E tae noatu te
hope'a
e
Par
No te here ia Farani
e
amour
pour la France
Te
Tahiti
oe e
Ua taaè
oe
E te
mau
O emblème de
Aue
o
patrie !
Société des
Tau
e
tamarii
hoi ê
fenua iti e.
Tei nia
Études
ia matou
oe na mau
Notre patrie.
France objet suprême
Des enfants de Tahiti.
ma
e
fenua hupe haumaru
te
o
Farani
e
tamarii
o
reva e
Océaniennes
tau
Tahiti
fenua iti
e
60
C'est la Patrie,
O te basileia
France chérie,
C'est la Patrie,
O Farani here
O te basileia
Tahiti chérie,
O Tahiti here
2
e
e
e
e.
Couplet.
O Conscrits
De Tahiti et d'Eimeo,
Ne craignez point la mort,
No Tahiti
C'est la
Te hanahana ia
E te
mau
Eiaha
e
tamarii faehau e
e Eimeo e
vi i te
pohe
e
gloire du pays ;
Soyez dabord vainqueurs,
Puis revenez au pays
la
Pour l'amour de la France
Notre terre aimée.
No te here ia Farani
Tau fenua iti e.
roaa
mai hoi
te
o
o
te
fenua
e
re e
Hoi mai ai hoi i te fenua
e
QUATRIEME CHANT.
Salut! Salut! Tahiti la
laora Iaora Tahiti rahi
grande,
La voix de
Te
pii mai
Se
Te
reo
ma patrie
fait entendre au loin :
"Accourez mes enfants
"Le cœur plein d'allégresse''.
Dressons-nous,
Aujourd'hui,
Prouvons notre
Pour la grande
amour
France.
Ma te
aau
A tia
anae
ce
tau metua i te
na
tau
mau
hinaaro
ara
tamarii
mau
tatou i nia
/ teie nei mahana
A faaite i to here ra
la Farani rahi ra.
CHANT.
Maeva
grande
En
ra
no
Haere mai
CINQUIÈME
Salut ! Salut à toi, Tahiti la
iti
!
Maeva
oe e
Tahiti
e
Tahiti nui
jour de séparation ;
I to tatou taae raa i teie nei
ma¬
hana
Nous
répondons à la France
Pour combattre nos ennemis.
Grande est notre douleur ;
En partant, nous pleurons
Notre chère patrie,
Mais la pensée vole vers la
Te auraro nei matou i te
Farani
E haere e aro i te enemi
Aue hoi te mauiui
Te oto nei matou
/ te aia here
Haamanao
vau
France ;
Que l'ennemi soit
la victoire
Et que
donc vaincu
nous
appar¬
la vite enemi
No tatou te
re.
tienne.
Société des
Études
Océaniennes
reo o
i te H au Metua
61
SIXIEME CHANT.
ior
Par
Couplet.
voix le Gouverneur
Parlant à ses enfants
E
Dit
Haere
sa
2me
je
reviens pas,
nos enfants
Lamour du drapeau français.
ne
mau
ta-
Couplet.
aimée, sèche tes pleurs,
Enseigne à
te Tavana Rahi
mai i tau
anae mai e tauturu.
/ to tatou metua here o Farani e.
E hoa
oto
Et si
no
pii
raa
marii
: « Courons tous au secours
De la patrie aimée, la France. »
Ma bien
teie
reo
I te
E ia
e
tau here haamahu tena
e
hoi
au
ia
Haapii atu
oe
i to taua huaai
ore
I te here i te
hoifaahou ma
reva o
Farani
e.
Refrain.
Je pars, les
yeux
baignés de
Te
reva
nei
au ma
te oto rahi
larmes.
O !
qui m'êtes si chers
Malgré tout, il faut penser
vous
!
E tei here hia
E
mea oaoa
e
tau
toa ia
aau e
manao
aussi
Que si je pars, c'est pour la
No Farani here tau
France !
e
tauturu
nei !
Notice
sur
la
pierre "Anave".
La
pierre Anave, qui a été transportée à Papeete et sera déposée
Société, se trouvait dans la petite vallée de Maroto
dépendant de la grande vallée de Papenoo.
C'est une pierre simplement ovoïde, très régulière, de nature
siliceuse. Elle pèse 87 kilog. 500, a o m. 36 dans sa plus grande
largeur eto m. 50 dans sa plus grande longueur. Enfin, sa circon¬
férence dans le sens de la largeur est de 1 m. 07 et dans le sens
de la longueur de 1 m.
36.
Elle semble n'avoir rien d'extraordinaire et
pourtant, dansj'esprit des arteiens Tahitiens, elle avait, comme tant d'autres demidivinités de pierre, des vertus singulières. Elle est, autant
qu'il ap¬
paraît, de la catégorie de celles qui servaient, avec des rites définis
et quasi sacrés, à mesurer ou la force ou la taille des rois et des
guerriers, comme celles qui à Taputapuatea, Opoa, Raiatea, ser¬
au
musée de la
vaient d'étalon pour mesurer la taille des rois.
Société des
Études
Océaniennes
62
Celle-ci avait
renommée
particulière et dont l'écho était allé
jusqu'à Raiatea sinon plus loin. Les guerriers renommés de cette
île y venaient essayer leurs forces. L'épreuve consistait à la soule¬
ver pour la placer sur l'épaule.
Cette cérémonie, car c'en était une, nécessitait quelque prépa¬
ration. La pierre, préalablement enduite d'huile de noix de bancoul, était placée sur une natte, elle-même étendue sur une plate¬
forme de pierres sèches.
une
Des chanteuses et danseuses faisaient la ronde tout autour. L'a¬
se tenait alors au centre du cercle et
s'efforçait, jusqu'à com¬
thlète
plet épuisement, à soulever la pierre légendaire.
La placer sur l'épaule était considéré comme un haut critérium
de force pour un guerrier, mais la
légende rapporte qu'aucun des
guerriers de Raiatea n'y parvint. Elle ne dit pas si ceux de Tahiti
y réussissaient mieux.
Son nom voudrait dire « qui exige de la force et du fond ».
Nous trouvons à ce sujet, au mot " anave", dans le dictionnaire
tahitien de la Mission catholique: « Anave, subs.: air, souffle, vie,
respiration, couple, paire, corde, ficelle, persévérance; adjectif:
obstiné, persistant, doué d'une longue haleine pour plonger »,
sens qui correspondent
assez bien avec l'explication qui en est
ici donnée.
A. LEVERD.
Société des
Études
Océaniennes
A Monsieur le Gouverneur G.
JULIEN.
jiommage
très respectueux, à l'occasion du
passage
^Papeete des troupes australiennes et italiennes.
BIENVENUE !
VVVWWVA,
Beaux et vaillants soldats de l'immense
Et vous, fils enflammés de la
Australie,
fiére Italie,
Tahiti
vous
reçoit du meilleur de son cœur,
vous voit un futur
vainqueur!
Et dans chacun de
La liberté du
Autour de
Vous
Et
monde, à la flamme pâlie,
nos
drapeaux
ire% assouvir
une
vous
appelle et
sainte
rancœur
vous
lie !
goûter à la gloire, enivrante liqueur !
Au nom de la
patrie et de
âme altiére,
force indomptable est demeurée entière,
Au nom de Tahiti, dont le tendre baiser
son
Dont la
Efface les chagrins ou les peut apaiser,
Salut, honneur, amour et joyeuse espérance
A vous, les
çléfenseurs de l'éternelle France !
H. Michas.
Société des
Études
Océaniennes
64
AQUARELLES
Xi3±ï
LAG-OIJ
BLE U"
I
Sur le
lagon bleu glisse la pirogue ;
léger, légère elle vogue.
Dans le vent
Au choc de la lame et du balancier,
L'écume jaillit filant au sillage.
La
longue traînée aux lueurs d'acier
Reflète les ors tombant du nuage.
La voilure blanche enfle et s'arrondit,
Et l'écume encor plus vite jaillit.
Tenant l'aviron, des deux mains crispées,
Le pilote assis sur un
long bois dur
Evite les chocs et les embardées,
Sur le lagon bleu glisse la
pirogue
Dans le vent
léger, légère elle
;
vogue.
II
Et dans les
grands Jonds, le requin sans bruit
Chasse le grand thon dont l'écaillé luit.
Le soleil levant nuance et colore
Roches et coraux aux riches couleurs,
Passant du vert clair, au
rouge garance,
Qui vont s'estompant dans les profondeurs.
La nacre perlière ouvre son écrin
Que guette la pieuvre ; et le clair matin
Prodigue partout, dans l'eau d'émeraude,
Les rayons ardents de l'astre du
jour
Et dans l'air léger sa caresse chaude.
Et dans les grands fonds, le
requin sans bruit
Chasse le grand thon dont l'écaillé luit.
Société des
Études
Océaniennes
Ill
Là-bas,
l'atoll, monte la fumée
feu de brousse à peine allumée
Qu'attise un vieillard près de la maison ;
sur
D'un grand
Pendant que son fils avec sa
compagne
Se lavent les yeux, dans l'eau, sans
savon,
Et le torse nu,
les reins ceints du pagne,
S'assoient gravement sur de
gros cailloux.
De jeunes enfants se cherchent les
Dans la
ouverte,
case
ou
poux
des chiens étiques,
Par de courts
frissons, chassent les moustiques
jour leur folle chanson.
Les grands cocotiers balancent leurs
palmes,
Et sur le
récif déferlent les lames!
Commençant
LES
au
TEIZSTTZ1S
SOMBBES
I
La nuit s'épand sur le
village;
Des lueurs bordent un
nuage.
Là-bas,
Sur le
Et
vers
le jour qui s'éteint
récif, la houle gronde ;
son murmure
est si lointain
Que cela vient d'un autre
monde.
II
Tout
le,village est
en
émoi:
La mort
passe, et son effroi
S'étend sur tout, choses et gens.
Un homme meurt,#t dans sa case
Amis, voisins, fille, parents
Attendent la dernière
phase.
Société des
Études
Océaniennes
Ill
Dans le silence de la nuit,
On
Des
perçoit plus que le bruit
grands cocotiers qui frémissent ;
ne
Le lointain
murmure
Les morts anciens
se
des houles.
réunissent ;
Autour de soi l'on sent leurs
foules.
IIII
Superstition, crédulité,
Petit îlot, l'immensité.
Douqe vivants, un pauvre mort,
La mer, la nuit, une chandelle.
Les revenants, le mauvais sort.
Frissons, terreurs, l'âme éternelle?
Iles Tuamotu,
1916.
François Hervé.
Société des
Études
Océaniennes
NOTES SUR LE DIALECTE PAUMOTU
Le vieux
langage Paumotu se rapproche de très près du pur et
Polynésien. A mon humble avis, il mérite de vivre. Le
sauver de l'oubli serait une œuvre louable sous beaucoup de rap¬
ports. J'estime ce travail digne d'intérêt, pour aider à mieux con¬
naître le caractère de ces peuplades, urgent aussi, vu que sous
l'influence des idées nouvelles et au contact de plus en plus fré¬
quent des étrangers, ce curieux idiome que le paganisme seul
pouvait établir et maintenir,-tend à disparaître. Plus tard, quand
cette race sera éteinte, les ethnographes et les linguistes appré¬
cieront davantage les documents écrits d'une langue qui ne sera
plus parlée. Dans ces quelques pages, je me suis proposé avant
tout de ne m'occuper que du fond véritable et primitif de cette
belle langue océanienne que les savants devraient connaître
pour établir, sur cette étude, une de leurs précieuses recherches
sur
l'origine de ces peuples.
Mon intention est d'apporter mon humble contribution au
courant qui se dessine de plus en plus en faveur de notre ex¬
pansion coloniale et des explorations lointaines. Puisse l'étude
comparée de ces divers dialectes jeter un peu plus de jour sur
des questions intéressantes au plus haut degré, notamment sur
l'origine de ces peuples, leurs migrations, sur leurs âges, etc.
Heureux si nous réussissons à apporter un peu plus de lumière
et favorisons du même
coup l'expansion de notre langue natio¬
véritable
nale.
Société des
Études 'Océaniennes
68
11 n'est pas
possible, en effet, dans l'étude, quelque sommaire
qu'elle doive être, du caractère d'une nation, d'en négliger la
langue et la littérature, qui en sont l'expression la plus originale.
Par rapport aux qualités phoniques, les idiomes polynésiens
forment une série progressive, l'un étant plus avancé dans l'al¬
tération que l'autre. Les qualités phoniques offrent en consé¬
quence une base plus solide pour parvenir à une classification
de ces langues. On doit d'autant plus recourir à cette échelle de
comparaison que la formation grammaticale étant presque la
même dans tous les dialectes, elle ne peut guère servir à les ran¬
ger dans leurs proportions relatives. Comme la décadence est la
marque distinctive d'après laquelle il faut classer ces idiomes,
on doit préférer une gradation descendante à une ascendante.
On partira de celle des langues polynésiennes qui se rattache le
plus aux idiomes malais occidentaux. C'est la langue "tonga"
des îles des Amis qui se trouve à la tête des langues polynésien¬
nes. C'est la plus riche d'entre elles. Elle
forme, pour ainsi dire,
latransition du type occidental au type oriental.
La série descendante, partant de Tonga, se continue
par la lan¬
gue de la Nouvelle-Zélande, de Wallis, Rarotonga, de Mangaréva, des Tuamotu, la langue tahitienne ou des îles de la Société,
la langue des îles Marquises, et finit par la
langue des îles Sand¬
wich. Mais ces neuf dialectes d'une même
langue-mère ne se
suivent pas toujours dans la succession que
je viens de leur don¬
ner. Chaque langue sort, dans l'une ou l'autre
forme, de la série
établie et occupe une place avant ou après celles
qui la précè¬
dent ou la suivent ; le tonga a quelque fois la forme la
plus alté¬
rée d'ui> mot; et la langue sandwichoise, qui est la
plus pauvre
de toutes, présente quelques formes
plus parfaites et plus arron¬
dies que le Nouveau-Zélandais. C'est surtout les dialectes tahitien, sandwichois et marquisien qui se mettent tour à tour à
la dernière place par la mutilation d'une
partie de leurs formes.
LesTahitiens et les Sandwichois, par excès d'amour, sans dou¬
te, pour les coulantes et les liquides, ont éliminé de leur langue
primitive le "g" et le "k". Les Paumotu, au contraire, ont con¬
servé de préférence les sons durs et
gutturaux. De cette maniè¬
re, bien que leur langue n'admette point deux consonnes de
suite dans un mot, ils ont trouvé le moyen
de faire une langue
forte, mâle et guerrière comme leur caractère.
Le langage paumotu diffère
complètement des dialectes par¬
lés dans les archipels
environnants : Tahiti, Marquises, Gambiers, Rarotonga, Sandwich, bien qu'ayant avec eux une paren-
Société des
Études
Océaniennes
69
té évidente. Les
indigènes de nos îles affectionnent surtout le "k''
fortement prononcé, qui rappelle les "x" des Grecs, et le
"g" qui
se transforme en
"ng" nasal, comme aux Gambier, à Rarotonga
et chez quelques peuplades de Nukuhiva. Avec
cela, ils ont pu
se former à leur
goût un idiome fortement accentué, expression
parfaite de leur caractère ferme et décidé. Cependant, il a de la
douceur et de la sonorité, vu qu'il est
composé aux deux tiers
de voyelles.
En effet, un mot ne saurait finir
par une consonne, aucun
Océanien ne pouvant le prononcer de cette manière. C'est
pour
cela que si vous leur donnez à
prononcer un mot d'une langue
étrangère, qui soit ainsi terminé, ils ne manqueront pas de lui
donner de suite leur terminaison de choix ou
plutôt de nécessité,
à raison de l'habitude de
l'organe, retranchant la consonne in¬
commode ou y
la faire sonner.
Par
exemple
ajoutant
une
voyelle de
son
goût
pour
pouvoir
de Guilmard, ils feront KIMARA.
Gilbert, ils feront KIRIPERE.
La manière de parler le Polynésien n'a aucun
rapport avec
celle de parler nos langues européennes. Et en effet, comment
comparer nos longues périodes, liées de tant de conjonctions et
embarrassées de tant de "que" et de phrases incidentes, avec les
petites phrases courtes et pour ainsi dire sans liaison de nos idio¬
mes océaniens
qui, sous ce rapport, ont, semble-t il, de grands
traits de ressemblance et peut-être de
parenté avec les langues
primordiales du monde.
Dans l'hébreu, vous trouverez la même contexture, le même
génie que nous rencontrons dans les dialectes de nofrre belle
:
de
langue océanienne.
La langue polynésienne est d'une richesse extraordinaire. Ain¬
si, le même mot,
comme dans les langues primitives, peut-être
regardé soit comme nom, soit comme adjectif, soit comme ver¬
be, soit comme adverbe. Sans cela, on serait peut-être embar¬
rassé de faire une liste très nombreuse des mots de
tie du discours; mais cette richesse
d'acception
chaque par¬
d'un même
mot rend du même
coup la langue très riche, en lui ouvrant ce
grand trésorque nos langues européennes ne connaissent pas
ou qu'elles ont
perdu en spécifiant trop peut-être les espèces. Le
R. P. Laval, dans son essai de
grammaire mangarévienne, est
arrivé à traduire différemment 18.048 fois la même
phrase d'une
manière élégante et correcte, sans que le sens en ait été altéré.
La langue tuamotu appartient à la famille des
langues dites
Société des
Études
Océaniennes
70
"touraniennes". Le groupe touranien
comprend les langues des
races nomades
éparses dans le nord et le centre de l'Asie : le Mon¬
gol, le Turc, le Tongouse; ces races ont envahi et peuplé le sud
du même continent, puis les îles
limitrophes. Ce nom vient de
"Toura", qui exprime la vitesse du cavalier. Les langues toura¬
niennes ont pour caractère propre d'exclure la flexion et de con¬
server les racines entières et invariables. On le sait
: les racines,
dans le langage, sont l'élément primitif et irréductible de la
pa-
Tole; elles expriment les idées simples. Les langues Aryennes,
au contraire,
parlées dans notre vieille Europe, sont toutes des
langues à flexion. C'est là leur grande différence.
Monsieur Max Muller, dont le nom fait autorité en linguisti¬
assigne là leur place à tous les dialectes polynésiens. Dans
ses magnifiques tableaux, où il coordonne les neuf cents idio¬
mes connus, il les
rangé dans la branche touranienne méridio¬
nale, à côté des dialectes malais et à la suite de ceux de Siam et
de Laos, dans la classe dite Malaise
(i).
Le Paumotu, comme le Polynésien
pur, a son alphabet com¬
posé de 15 caractères, savoir: 10 consonnes et 5 voyelles.
Les voyelles sont : A, E, I, O, U.
que,
Les consonnes sont:
F, G, H, K, M, N, P, R, T, V.
cinq voyelles se prononcent comme en français, excep¬
tion faite poiir 1' "U" qui se prononce alors "OU" comme en
espagnol ou en italien. Cependant, dans l'intérêt de la lecture à
haute voix, certains auteurs ont cru
préférable d'écrire comme
Les
doit prononcer.
On fait ainsi pour les mots de cette
langue où se trouve le "g''
entre deux voyelles,
par exemple dans les mots Fangatau et Rangiroa. Comme les naturels donnent toujours en ce cas le son
on
guttural à la voyelle qui précède, l'usage a prévalu de l'indiquer
en ajoutant l'"N" et en écrivant
Fangatau au lieu de Fagatauî
Rangiroa au lieu de Ragiroa. Toutes les consonnes se pronon¬
cent comme en
français, à l'exception du "g" qui a le son de
"ng" nasal et dur des Mangaréviens comme dans le mot français
"hangard" et le mot Paumotu "mago", requin. Elle se prononce
toujours ainsi, que ce soit au commencement du mot, par exem¬
ple "gatae", ngatae, ou bien dans le corps du mot, exemple:
Negonego, prononcé Nengonengo. De tous les idiomes connus
de la langue polynésienne dont Max Muller fait mention dans
son savant livre " Science de
langage", le paumotu, avec le maori
(i) Science de langage : IXma leçon, Ier vol., p. 474-
Société des
Études
Océaniennes
71
de la Nouvelle-Zélande (i), le mangarévien sont les seuls dialec¬
qui aient conservé toutes les lettres de l'alphabet polynésien
tes
primitif.
A l'égal sinon davantage que le dialecte des
Gambiers, la lan¬
gue paumotu a beaucoup d'analogie avec celle de la NouvelleZélande et, par le fait même, du véritable polynésien. Je
prends
comme preuve le tableau
comparatif du dialecte des îles Marqui¬
ses avec la langue
polynésienne, inséré à la fin de la grammaire
de Monseigneur J. R. Dordillon
(2). Des 171 mots que contient
ce tableau, toute la colonne inscrite en
regard comme polyné¬
sien n'est, tout simplement, que du
pur paumotu.
Comme.je l'ai fait remarquer plus haut, le paumotu est doué
du moyen de multiplier le sens des mots sans les multiplier euxmêmes. On pressent par là que le vocabulaire tuamotu doit être
très riche. Ces procédés de l'enfance du langage, s'ils encombrent
un peu la
phrase, ne nuisent aucunement à la délicatesse et
servent beaucoup à la précision de la pensée. Le paumotu
pré¬
sente sur ce point des ressources qui
font vraiment honneur à
l'esprit de ces populations. Avec de légères modifications dans
le mot, le sens revêt une nuance
qui contribue beaucoup à la
clarté et à la grâce. Ainsi, outre le pluriel, il possède le duel.—
Nuances faciles et précieuses : comme l'anglais, le tuamotu tire
un merveilleux
parti des prépositions mises après le verbe, pour
en modifier le sens, en
indiquer la direction, etc.
Une autre remarque encore à l'honneur de la délicatesse d'o¬
reille et d'organe de nos insulaires Tuamotu, c'est l'emploi de
l'accent. Il suppose à l'ouïe assez de sensibilité pour distinguer,
dans les mots orthographiés de la même façon, la syllabe qui
porte le sens propre, et à la gorge, assez de souplesse pour la
bien marquer. Outre l'avantage de diminuer le nombre des mots
sans appauvrir la
langue, ce procédé donne au langage quelque
chose de musical et de sympathique ; il en relève aussi la dou¬
ceur trop habituelle, due à la
multiplicité des voyelles.
Le procédé
d'agglutination décuple ces moyens. C'est ainsi
que la racine "faka" ou "haka", qui exprime l'idée si vaste et si
complexe de notre verbe "faire", entre dans la composition de
plus de cent'mots et qu'il n'en est aucun qui ne lui doive .un©
force et une nuance qu'on n'admire en
l'analysant.
La structure des mots en paumotu est des plus simples: les
(1) Le Rarotongien
(2) Page 90.
manque
complètement des lettres F et H.
Société des
Études
Océaniennes
72
syllabes se composent invariablement, ou d'une seule voyelle, ou
de deux réunies en diphthongue, ou d'une consonne et d'une
voyelle. Jamais un mot ni une syllabe ne finissent par une con¬
sonne; jamais deux consonnes ne se suivent S'il faut introduire
dans le vocabulaire un mot européen ainsi
construit, on dédou¬
ble, comme il a été déjà dit précédemment, la syllabe en inter¬
calant une voyelle. Enfin, les consonnes b,
c, d, j, r, x man¬
quent : on les remplace par des équivalentes ; par exemple,
t
d ; p = b ; k = g; r = 1. Ce sont des
couples de lettres qui
appartiennent au même organe. Ainsi Petrus deviendra Petero ;
Français = Farani,'etc. Les mots suivants: Mangareva, Fangatau, pango, mango, etc., ne sont pas une exception. On ne
les écrit ainsi que pour leur donner la
prononciation qu'ils récla¬
ment, attendu que la voyelle qui précède le "g" prend toujours
un son guttural.
Mais, rationnellement, ils doivent s'écrire Magareva, Fagatau, pago, mago, etc... Il résulte de ces procédés
et de ce goût pour les voyelles,
que le paumotu est coulant, doux
et mélodieux. C'est l'italien ou peut-être
plus exactement l'ionien
des archipels polynésiens, le reao en serait l'allemand ou le do=
rien.
Ce que
je dis du vieux langage paumotu, vous pouvez l'appli¬
à la plupart des autres idiomes de la Polynésie. Les Pau¬
motu n'ignorent pas l'harmonie de l'oreille et même l'harmonie
imitative qu'ils savent si bien mettre en
rapport avec leur carac¬
quer
tère.
Je termine
ces
quelques
pages en
rappelant qu'on ne saurait
assez
regretter, pour la question linguistique de notre archipel,
la perte irrémédiable des manuscrits très
précieux du R. P. Ger¬
main Fierens : partie volés,
partie emportés et engloutis par le
cyclone de 1903 àTukuhora (Anaa). Grâce à un travail de longue
haleine, à une expérience de plus de trente ans du pays et des
gens
qui l'habitent, et à
une
connaissance approfondie de la lan¬
gue qu'il savait manier à la perfection, il était
le tact judicieux et le bon sens
critique qui
arrivé à réunir, avec
le caractérisait, des
matériaux considérables pouf composer un dictionnaire de ce
dialecte
le seul, je crois, qui en manque — et faire l'histoire
des Tuamotu, avec, à
l'appui, une multitude de
de
—
légendes et
les autres. Ce n'est
certes pas une petite affaire de
composer une histoire et un dic¬
tionnaire. Un pareil ouvrage, si peu complet qu'il soit pour une
langue d'un génie si particulier, demande beaucoup de patience,
de laborieuses et longues recherches, d'innombrables retouches ;
traditions plus intéressantes les
Société des
Études
unes que
Océaniennes
73
travail
plus ingrat que rémunérateur, vu le nombre restreint de
personnes auxquelles il s'adresse.
Le paumotu, au point de vue
linguistique, offrait autrefois
plusieurs variantes dont voici les principales:
i° Rangiroa, Kaukura et îles
adjacentes parlaient un sousdialecte à part. Les habitants de ce
groupe affectaieut d'être flous
et coulants dans leur
langage ;
2° Le parler de l'île d'Anaa
(la Chaîne) offrait également bien
des particularités ;
3° Fangatau et Fakahina présentaient aussi
différents dans l'ensemble;
beaucoup de mots
4° Napuka
à part ;
langage tout à fait
possède, même de
5° Reao parle également
sible
aux
autres
nos
jours,
un
idiome absolument incompréhen¬
un
peuplades des Tuamotu.
P. Hervé AUDRAN
Missionnaire
Etude
aux
Tuamotu.
linguistique du dialecte particulier de Napuka.
Par
P. Hervé AUDRAN.
le
Bien qu'au fond la
langue de nos îles soit une et même partout,
cependant, d'île à île, elle offre certaines variantes. Et ces va¬
riantes, dans certaines îles, particulièrement à Napuka et à Reao,
sont si nombreuses et d'un
usage si fréquent dans la conver¬
sation, qu'on serait parfois tenté de croire que ces districts ont
des dialectes à
part. Deux Napuka aussi bien que deux Reao
peuvent très bien tenir
devant
un
autre
une
Paumotu
conversation
dans
être
leur dialecte
compris de lui. Quelle est,
en
somme, l'origine de ces variantes ? A mon avis, la véritable
origine de ces variantes dans le langage, tient à la diversité des
points de départ d'émigration de ces peuplades. Si on pouvait
faire un étudè comparative du
paumotu avec ses variantes et du
maori de la Nouvelle-Zélande avec ses variantes
également, on
arriverait, j'en suis persuadé, à trouver la clef du mystère. Il est
à remarquer en effet
que le Polynésien de la Nouvelle-Zélande a
des affinités si grandes avec le
Polynésien des Tuamotu qu'on
est tpnté de considérer celui-là
pour la langue-mère, la languesans
Société des
Études
Océaniennes
74
souche. Et rien d'étonnant que
là-bas comme ici, il y ait aussi
quelques différences de district à district.
Une autre chose m'a beaucoup frappé et qui, en même
temps,
m'a un peu dessillé les yeux au
sujet de l'origine soi-disant
inconnue de nos peuplades : Sur les
quatre-vingts îles qui for¬
ment notre vaste archipel, il n'y a
en pas une où vous ne ren¬
contrerez deux, trois, quatre, cinq
terres dont les noms sont
absolument identiques à celui de grandes, portions ou divisions
de terres, surtout dans l'île sud de la Nouvelle-Zélande, connue
des anciens sous le nom de Ika a Maui (poisson de Maui).
Le R. P. Germain durant sont séjour
prolongé à Napuka avait
remarqué et noté bien des choses intéressantes. Il avait eu l'occa¬
sion fréquente de questionner les anciens, de les réunir même,
de les interroger longuement et de savoir d'eux une foule de dé¬
tails sur leur origine, leur histoire, leurs traditions, leur croyance,
leurs us et coutumes. Il avait pu compulser ainsi beaucoup de
matériaux en vue d'écrire l'histoire du pays. Il est infiniment
regrettable que tous ces précieux documents aient disparu, car
cette perte est vraiment irréparable.
Voici le nom des principales terres de Napùka, en commençant
par le milieu du village pour faire ensuite le tour de l'île en
passant d'abord par Kereteki (Toga), c'est-à-dire la partie sud,
ensuite par Tematahoa ou Gake (est) pour
revenir par le nord
(Tokerau) et s'arrêter enfin au point de départ, c'est-à-dire à
l'ouest, ou plutôt nord-ouest, à Ragihoa où se trouve le village.
1.
2.
Tiaaumaoma.
Tarahu.
O Heko.
Ragihoa.
5. Pahora.
6. Tupiti.
7. Matau.
3.
4.
8. Ohomo.
9. OGoio.
10.
11.
12.
Tahinuga.
Farapeke.
O Nimo. '
13. Tevera.
14. OTetau.
15. Mahora.
16. Kahiti.
17.
Poroporo.
18. O Feko.
33.
34.
19.
Tehavini.
35.
20.
Temarae.
36.
21.
Faraveke.
37.
22.
Faturoko.
38.
Kofai.
24. Ohupo.
25. Tivirimahaga.
39.
40.
26. Tekororeka.
42.
23.
27.
28.
29.
30.
31.
32.
Société des
41.
O Gare.
43.
Fagai.
Tematagiteiau.
Pakana.
Tikanoa.
Kurima.
44.
Études
45.
46.
47.
Océaniennes
Taeroeroa.
TeKotika.
Na Katiga.
Tagurega.
Takahuriga.
Kurupeti.
Fagutu.
Raupeka.
Taranaki.
Tagana.
Matainiga.
Tupenu.
Te Ruarua a
Tupa.
Tahiri ragi.
Haukoro.
75
48. Tefakanohoga.
Pepehava.
50. Tapae.
51. Kirau.
52. Upaki.
53. Temahuri.
59. Fakaîrioro.
60. Makeikava.
70. Tevete.
7i- Te Makoto.
61. Kavake.
49.
63. Koehaka.
72. 0 Vete.
73- 0 Mauku.
74- 0 Paraoa.
64. Fatifati.
65. Tevekeveke.
75- 0 Vavau.
76. Terenarena.
66. Taaroa.
77- 0 Namu.
78. Tikara.
62. Tiviniti.
Timiroga.
55. Tefata.
56. Pakana.
57. Tepokoga.
58. Kavehinaaro.
54.
67. Tègatae.
68. Hugaga.
69. Tamapuhia.
GLOSSAIRE NAPUKA
I.
•—
La numération.
Te taioraa
numera.
1.
Ka rari.
26. E rari takau
2.
Ka ite.
3.
Ka geti.
Kaope.
Ka mihe.
27. E rari takau ma tika.
28. E rari takau ma hava.
4.
E rari takau ma gohuru.
E rari takau tapahi reka.
31. E rari takau tapahi ma rari.
32.- E rari takau tapahi ma ite,
29.
7. Ka tika.
8. Ka hava.
etc., etc.
E
41. E
42. E
30. E
51. E
Gohuru.
10.
Tapahi reka.
11. Tapahi
ma rari.
12.
Tapahi ma ite.
13. Tapahi ma geti.
9.
15.
16.
17.
18.
19.
40.
Tapahi ma ope.
Tapahi ma mihe.
Tapahi ma hene."
Tapahi ma tika.
Tapahi ma hava.
Tapahi gohuru.
21.
E rari takau.
E rari takau marari.
22.
E rari takau
ma
ite.
23. E rari takau
ma
geti.
20.
24. E rari takau ma ope.
25. E rari takau
hene.
30.
5.
6. Ka hene.
14.
ma
ma
mihe.
Société des
ite takau.
ite takau ma rari.
ite takau ma ite, etc.
ite takau tapahi reka.
ite takau tapahi ma rari,
etc., etc.
60. E
70.
80.
90.
100.
200.
geti takau.
E geti takau tapahi reka.
E ope takau.
E ope takau tapahi reka.
E mihe takau.
E rari kiu.
300. E rari kiu ma
400. E ite kiu.
600. E geti kiu.
800. E ope kiu.
1000. E mano.
Études Océaniennes
mihe katau.
76
II.
—
Le
des diverses
nom
phases de la lnne
(ou des nuits).
Te igoa 0 te haga ruki.
l.
0 hoata.
16. E tahi korekore.
2.
E tahi hania.
3456.
E roto hania.
17. E roto korekore.
18. Fakaoti korekore.
Fakaoti hania.
E tahi korekore.
20.
19.
E roto korekore.
7- Fakaoti korekore.
8. 0 Vari.
21.
22.
E tahi Tagaroa.
E roto Tagaroa.
Fakaoti Tagaroa.
E tahi rakau.
E roto rakau.
Fakaoti rakau.
25. 0 Tiketike.
26. 0 Rogo nui.
27. 0 Rogo mauri.
23.
9- 0 Tamatea.
10. 0 Hua.
ii. 0 f^aharu.
12. 0 Maitu.
24.
13- 0 Hotu.
14. 0 Ragi.
28. Mauri kero.
*5- O
Tinai po.
Tamu te aiahi.
31.O Hiro.
29.
Tu?u.
III.
30.
—
Te
Le
nom
igoa
Dialecte Napuka.
Paroromua.
1.
des douze mois de l'année.
nona
Paroromuri.
3- Muriaha.
4- Hiriga.
5- Higaia.
6. Kauhune.
7- Vaitua.
8. Herehu.
9- Fakaahu.
2.
kavake
Janvier.
Février.
Mati.
Mars,
Aperire.
Avril.
Me.
Mai.
Tiunu.
Juin.
Juillet.
Tiurai.
Atete.
Pipiri.
11.
OUnu.
0 Kupa.
Noema.
Titema.
—
Le
nom
igoa
Dialecte Napuka.
Août.
no te
Septembre.
Octobre.
Novembre.
Décembre.
des différents vents
à
Te
Français.
Fepuare.
10.
IV.
matahiti.
Tenuare.
Tetepa.
Atopa.
12.
a 12 0 te
Dialecte Tahitien.
qui régnent
Napuka.
haga matagi 1 Napuka.
Dialecte Tahitien.
Français.
1.
Pahakaiti.
Pafaite.
Vent du nord-est.
2.
Mamaragi.
Maoae.
Vent d'est.
Société des
Études
Océaniennes
77
Dialecte Napuha.
Dialecte tabitien.
Français.
Tokerau.
Toerau.
Vent du nord et du
Moiho.
5. Ragaiku.
Haapiti.
nord-ouest.
Vent du nord-est.
Vent du sud-ouest.
3.
4.
Arueroa.
6. E raki.
Maraamu.
To'a tuamuru.
To'a.
7. E mûri.
8., E toga.
y.
—
Le
nom
des diverses étoiles
Vent du sud-esU
Sud.
on
constellations
à
Napuka.
Te igoa no te haga hetika itea hia i Napuka.
(Pour .désigner une étoile les Napuka emploi le mot "Heko".)
0 Matkriki (i) e
nej
vahi-
0 Matarii.
OTakero
(ekaefaia).
0 Taoro.
Te heko
0
te ahiahi.
Fetiâ
Te heko
0
te
Fetia
E
na
Pléiade.
ia)
poipoi.
Poutuu.
VI.
E mota.
La
Les Trois-Rois.
Etoile sdu matin.
(na Panoe).
no te poipoi
(Takurua).
E
—
te ahiahi
no
na
(Vénus.)
id.
Potu.
pirogue.
—
id.
Sa construction.
Vaa (en Paumotu
Pirogue.
Aveke).
Faro.
Naero.
Fakanoho.
Kokihe.
Tapiri.
Ripine.
Lier.
Patupatu.
Hamara.
Tieke.
Karahi.
E hou.
E ihu.
E noko.
O
Tugata.
E pae hou.
Pakiri.
Ua oti.
Te iato.
Kiea.
Ua tigatiga/
Te kiato.
Tohi.
mua
Marteau.
Raboter.
Herminette.
ia.
O mûri ia.
L'avant,
L'arrière.
Le support
lancier.
du ba¬
(1) Les anciens attribuaient une grande influence à ce groupe d'é¬
toiles, par exemple, au sujet de l'abondance des tortues. Son appari¬
tion était toujours accompagnée d'un fort coup de vent.
Société des
Études
Océaniennes
78
Dialecte
Napuka.
Dialecte tahitien.
Te
E ama.
Paruku.
Te taamu i te kiato
e i te ama.
Lier, lien,
E hoe.
Rame.
Ramez.
Te tipoka.
A hoka.
À hoe.
14a kopiti hia.
Ua tigatiga hia.
Ua oti hia.
Version
Ua tahuri hia.
indigène
Français.
Le balancier.
ama.
sur
Elle s'est chavirée.
C'est fini.
Napnka, Tepoto et Pnkapnka.
D'après les dires de Th. Teururehu, fils de Popo a Kainuka,
qui accompagna.le R. P. Albert Montiton dans son premier vo¬
yage dans ces îles écartées, Napuka s'appelait autrefois Tepuka-a-maruia ou encore Tepukaruga;
Tepoto était désigné sous le nom de Tepukamarumaru ou
Tepujcararo, et Pukapuka avait nom Mahinate Tahora, ou enco¬
re Puaga.
Les propriétaires de ces îles étaient Maruia et sa sœurTahagamarie, qui avaient pour ancêtres TETAIKAM1KI et KAIVIARIKI.
Celle-ci était originaire de Mahina-te-Tahora. Depuis eux jus¬
qu'à nos jours, il y aurait, parait-il, trente-huit générations.
Ces trois terres représenteraient un poisson dit TAGIHAGA
dont Pukapuka serait la tête, Napuka le ventre et Tepoto la queue.
,
P. Hervé AUDRAN
Missionnaire
Société des
Études
Océaniennes
aux
Tuamotu.
79
Un
glorieux épisode de la vie de Moeava.
(Combat singulier entre Moeava et Patira à Makemo.)
Une action d'éclat qui eut Makemo pour théâtre rendit fort
célèbre Moeava dans toute la Polynésie orientale. Le souvenjr en
est resté
profondément gravé dans la mémoire des indigènes:
parlent encore avec fierté et s'en font un sujet de gloire.
Moeava, on le sait, monté sur son Murihenua'(i), ne cessait de
parcourir les Tuamotu. Il sillonnait l'archipel en tous sens. Un
jour, voguant au large de Kaukura, il rencontra par hasard,
un autre
voyageur. C'était un inconnu pour lui. Selon l'habitude
en ces
circonstances, ils s'interpellèrent d'un bord à l'autre,
Moeava questionnant en ces termes le nouveau venu : « Ovai teie
vaha i taku tara net. »'(Quel est ce bateau qui se trouve ainsi
sur mon flanc
?).
D'une voix puissante l'inconnu lui répondit : « C'est moi, Pa¬
tira, que tu aperçois. »
Patira était un fameux Kaito, un guerrier de la trempe de
Moeava. Sa réputation n'était plus à faire ; il passait pour un des
meilleurs champions des îles d'au delà de Tahiti. Il était issu,
d'après la tradition, de la grande tribu de Marama (No roto mai
oia i te tini rahi o Marama). Cet ancien et illustre district de Ma¬
rama se
trouve, semble-t-il. aux Iles-Sous-le-Vent (2), sinon
plus loin même, car dans l'île sud (Te vahi Punamu) de la
Nouvelle-Zélande, sur la côte est entre Okarite et Orepuki, on
ils
en
(1) Voici la description sommaire de
Le
Le
Le
La
Le
La
Le
Le
Le
Le
balancier se dénommait
Kiato -d'avant
Kiato d'arrière
rame
bateau
-
qui sert de gouvernail
mât
:
O Oheohe.
O Hotutaihonuku.
O Paratito.
O Taripo.
O
voile
Tiriatofa.
O Kukuti ki te
banc d'avant
banc d'arrière.
bout du mât
ragi.
Kifakatakuariki.
Tearokaharia,
.
Kifarefataha.
coin extrême de la voile
Kitaiomoro.
Le tatakoto
Tiriakoukou.
Le bout extrême du tatakoto.
La case d'avant
(2) Au district
femme du
cer
nom
de Matairea
O Fani.
Te piha
(Huahine) régnait autrefois
de Marama.
Société des
Études
Océaniennes
tuaniki.
célèbre
une
80
rencontre une localité qui porte ce nom de Marama. Ne serait-ce
pas le lieu d'origine de ce Tiniï
Patira était un valeureux guerrier. Sa taille était colossale. La
légende rapporte que, d'un
pas
ordinaire, il enjambait facilement
d'une île à l'autre. Sans navire, il pouvait, selon son bon
plaisir,
visiter nos différents archipels.
Piqué de curiosité, Moeava poursuivit ses questions : « Où vasrépondit d'une manière énigmatique : « Te
tere ana van i te hurikuri o te huraro. »
(Je poursuis la bon¬
ne odeur d'un huraro dont
je suis comme alléché). Le huraro
est, paraît-il, le nom d'un poisson rare. En l'espèce, il figurait
tu ainsi?» Patira lui
Huarti.
« Où se trouve ce huraro ? » invectiva Moeava. « 11 est
à Tepuhamaruia », fit nonchalamment Patira, sans même
soupçonner
qu'il soulevait pat ces paroles la méfiance et la susceptibilité
de son interlocuteur. Moeava lui
répliqua très sèchement : «Ce
huraro tuiragapua m'appartient. Il est
déjà la propriété de Moe¬
précédents voyages, il s'était fiancé à Huarei. De son côté, Patira avait ouï-dire
que c'était une belle et in¬
comparable jeune fille. Mais, pour s'en convaincre, il s'était dé¬
ava. »
Dans
un
de
ses
cidé à lui rendre visitex
D'un pas, Patira se trouva tout
près du Murihenua, presque
à le toucher. Moeava,
déjà fort excité, lui cria de toutes ses forces ':
« Au
large I
Ecarte-toi ou bien tu auras affaire à la
de
pointe
Puanea. » C'était le nom de sa fameuse lance
(i). A
cette menace Patira
s'éloigna, mais n'en continua pas moins son
voyage sur Napuka. A son arrivée dans cette île, il se ménagea
une entrevue avec Huarei.
C'était effectivement une belle jeune
fille, une vraie beauté polynésienne. Elle n'avait sûrement pas
ma
égale dans toutes les îles environnantes. Ses yeux noirs, son
regard langoureux, sa taille souple, tout en elle la rendait dési¬
son
rable. Patira fut littéralement charmé.
Aussi, à la fin de son en¬
lui donner une marque sensible.de son amour, il
joue, et, lui adressant la parole, dit : « Reste ici,
chez toi, àTepukamaruia
; je vais dans l'ouest ; je m'en retourne
sur mes
propriétés et en*temps opportun je reviendrai à Tepukamaruia pour t'épouser. » Sur
ce, Patira s'en alla. 11 avait déjà
oublié les dures paroles
que lui avait adressées Moeava au large
de Kaukura : « E huraro
tuiragapua Huarei na Moeava. »
(i) La lance, chez les Polynésiens, est le symbole du courage et de
la valeur. Celle de
Parepare s'appelait Tearovaru, et celle de Rotretien,
pour
lui caressa la
gotama, Terefa.
Société des
Études
Océaniennes
81
C'est à partir de ce moment que Huarei devint le mobile de
rancune. Un peu plus tard, elle donna lieu à la
tragique rencontre à Makemo.
Huarei était promise à Moeava dès sa
plus tendre jeunesse.
Les fiançailles avaient eu lieu dès le premièr
voyage de Moeava
à Tepukamaruia. Si donc elle n'était
pas encore l'épouse de
Moeava, il avait du moins des droits sur elle que n'avait pas
Patira. Or, comme nous l'avons vu, celui-ci n'en tint aucun
compte.
Le Murihenua continua, comme de coutume,
de sillonner les
leur mutuelle
mers
de notre
archipel, allant tantôt vers l'est, tantôt vers l'ouest,
s'aventurant dans les plus forts courants : le Temarapoto, le Temararoa, etc.. 11 parvint de la sorte jusqu'au milieu du fameux
courant : Te moemoe, qui traverse le goulet (i te gure) 'entre Na-
puka et Tepoto.
C'est dans cet espace que Moeva entendit soudain le cri
plain¬
tif d'un oiseau. Il demanda aussitôt : « O vai ra teie
ipapaki ite
tara o Murihenua? » (Qu'est-ce
qui clapote ainsi sur le côtéduA/wrihenua ?). C'était une espèce de petit pigeon qui, tout en
volant,
chantait tout près du Murihenua. En s'éloignant, il répétait sans
cesse : « Ovau teie o
Rupe i fano. » ( C'est, moi le Rupe qui vole
de la sorte. Je suis le Rupe
qui se baigne dans les eaux de Tefanomaruia, sur mon île de Tepukamaruia). Moeava élevant son
regard, s'aperçut alors que c'était un Rupe (i). Son cri décelait
pourtant une douce voix de jeune fille. Moeava lui dit : « E Rupe
e, e hurare tuiraga pua koena Moeava ? »
(Eh ! Rupe, est-ce toi la
guirlande de fleurs de Moeava ! ) Le gracieux animal fit encore
entendre sa plainte une ou deux foix, puis s'enfuit à tire-d'aile et
gagna en un clin d'oeil Tepukamaruia qu'on apercevait à l'hori¬
zon. A cet
augure significatif, Moeava se dit: «Je m'en vais
voir ma petite fleur qui
s'épanouit à Tepukamaruia». La brise
s'établit, les voiles du Murihenua se gonflèrent et en peu de temps
il eut le bonheur d'aborder l'île tant désirée. Avant de descendre
à terre êt d'aller retrouver sa
fiancée, Moeava composa le pehe
de circonstance
que voici :
i°
'
Ko
vau ra
kl te
moe
C'est moi
qui suis dans cet
es¬
pace.
(i) Cette espèce d'oiseau existait autrefois, m'affirme-t-on, à Te¬
poto. On en trouve encore aujourd'hui à Makatea ? Partout aillleurs
dans les Tuamotu, il est inconnu.
Société des
Études
Océaniennes
82
E aha
e
Rupe i fano mai
Qu'as-tudonc/?^àvolervers
moi
Teie te
moemoe
rihi
Sur
ce
terrible courant de Moe¬
moe?
Ko vau ra ki te moe
E aha e Rupe i fano mai
Teie te moemoe rau e ei ai i i
(Répétition.)
e
Natira te moe. E aha ko vau ra
ki Tepukamaruia Kahopu, ka-
Pourquoi suis-jeàTepukamaruia? c'est l'amour, c'est' la
pahahee
E aha ke
rencontre.
ki te vahine nui
vau ra
tapairu Huarei te ri hi
E aha koti hoki
manu
ro
mai i
iti
teipo
Pourquoi suis-je ici, si ce n'est
pour voir cette charmante
Huarei qui m'appartient au¬
jourd'hui?
Qu'as-tu cher petit oiseau à
tagi mai
faire entendre ton chant
plaintif?
Teie te kuriri
tagi mai
Voici le Kuriri
ra
qui élève
sa
voix
Ko
vau ra
ki Matiti
maru e
(bis)
C'est moi l'homme de Matiti
maru,
Kahopu kapahake
Toi
e.
de
E aha ke
vau ra
Moeava te ri hi
ki te toa nui
re a
tu
l'objet de
mes
mon amour et
désirs.
C'est moi le grand
Moeava, qui vient
u
guerrier
donner
me
tout entier.
E aha kotikoti mapu
mai.
Teie te kuriri
ai i i e.
iti teipo tagi
tagi mai
e rau e
ei
Qu'est-ce qu'il y a donc, cher
petit ami, pour faire enten¬
dre tes appels ?
Voici le kuriri qui élève sa
voix.
C'est
cepehe que chanta Moeava avant d'aller embrasser Huarei.
La demeure de celle-ci était établie tout près du marae de
Ragihoa. Avec son consentement, Moeava
l'épousa. Huarei était une
descendante directe de Maruia, première reine de
Elle
Napuka.
était, de ce fait, reine de Tepukamaruia, de Tepoto-nui et de Ma-
Société des
Études
Océaniennes
83
bina-te-tahora même. Bientôt, elle devint mère et donna naissance
à un
joli petit garçon que son père appela Kehauri. En lui donnant
Moeava lui adressa les paroles suivantes : « O teitoe ia'u
nei na oe ia e amu e pau roa. » (Tout ce que j'aurai de reste, tu
le mangeras ! ).
Kehauri était doué d'un corps sanguin, ce qui lui valut le sur¬
nom de O-ura-noa (celui qui brûle sans
cesse). Depuis sa nais¬
sance, jusqu'à l'âge viril, Kehauri ne quitta guère son père. Ce
dernier arma guerrier son fils parvenu à l'adolescence et le dota
d'une belle et forte lance qui avait nom Pakekerua-kv-te-ragi.
C'est cette fameuse lance qui devait donner la coup de grâce à
la puissante légion de Muta et d'autres qui
l'accompagnaient et
tirer ainsi vengeance de la mort de
Tagihia-ariki et de ses frères.
Le moment venu Patira mit à exécution son projet et vint cher¬
cher Huarei à Tepukamaruia. Plusieurs années après leur mari¬
age, Moeava, durant une de ses courses à travers les îles, l'avait
ramenée et confiée à des parents. Patira la trouva donc seule.
ce nom
Elle eut beau lui faire des remontrances et essayer par toutes
sortes de bonnes raisons de le détourner de son projet d'enlè¬
vement, il n'écouta rien. Elle lui dit, entre autres : « Est-ce que,
par hasard, tu ne connais pas le Toa Moeava, autrement'dit, le
courageux et fort Moeava ? » Patira feignit l'ignorance. « Non,
dit-il. » Comment, répliqua Huarei fort intriguée, tu ne connais
pas Moeava le héros ? le
champion de Vabitu (i ) et de la tribu des
Goio-Tuarebu, qui plane dans les nuages du nord ? Patira répéta :
« Non,
je ne le connais pas. Ce que je sais, c'est que je suis cham¬
pion moi-même à Marama, dans la tribu des Tohorega. » Ceci dit,
il emporta Huarei de force à travers les mers.
En ce temps-là, Moeava tenait également la haute mer.
Par une
circonstance fortuite, il aperçut Patira qui franchissait d'une seule
enjambée l'espace qui sépare Napuka de Katiu, et dans ses bras
sa pauvre
Huarei, plutôt morte que vive. Le sang lui battit aux
tempes et il entra dans une colère extraordinaire. Assoiffé de
vengeance, Moeava provoqua sur le champ Patira, son puissant
rival, à un combat singulier, a Allons, lui dit-il, vider notre que¬
relle à Makemo-roa-hua. » (2)
(A boatu to taua tamakii Makemo
(1) C'est l'ancien
des TuaAhe, Manihi,
Takaroa, Takapoto, Tikei, Taiaro, Aratika, Kauehi, Raraka.
(2) Le nom du district de cet endroit était Tahau, Mauumea en
était le roi ; Teutuga était le marae,
,Vaihumu le nom du lagon et
Taganui celui du tahora.
motu.
Il
se
nom
générique du second
groupe ouest
composait de 9 îles dont voici les noms
Société des
Études
Océaniennes
:
84
roa.) Patira consentit de son côté. Il fut décidé que la
lieu, à telle date, à Makemo, à l'endroit dénommé
te Pohue. Il y avait là, en effet, une arène bien appropriée à des
joutes. Les deux adversaires étaient de force et d'adresse à peu
près égales. L'un et l'autre jouissaient d'une grande renommée
dans leurs îles respectives. Ils furent fidèles au rendez-vous.
Majgré le rapide moyen de locomotion de Patira, Moeava le pré¬
céda de plusieurs jours dans l'île. Il voguait tout en faisant le guet
entre Katiu et Makemo, quand soudain il vit Patira poser un pied
à Tepana. Moeava se trouvait alors au lieu dit Raumati. L'autre
pied était encore dans l'eau de Gatiha. A cette vue, Moeava saisit
sa ceinture magique dite Manava-apeape, et il s'en ceignit. Sans
perdre de temps, il arracha ensuite du sol une espèce de liane
connue, justement sous le nom de pohue, en tressa une solide
corde et en fit une fronde. Il y plaça une pierr^dure et lisse, du
nomdQ Amiomio-i-te-ragi(i). Elle avait été apportée jadis, dit-on,
de Tahiti par Hono-ura qui l'avait laissée à Tepoto à la mort de
Toarere toa, marquisien dont il fut vainqueur.
Moeava, sa fronde à la main, se tenait debout sur l'îlot Rau¬
mati, scrutant d'un œil exercé l'horizon du côté nord pour mieux
voir approcher Patira, dont l'un des pieds se posait maintenant
sur Ororia. Alors, Moeava fit entendre son chant de
guerre:
c'était une prière au dieu Tu (2).
i te taua
e
rencontre aurait
i°
Ka hohora i tai e-ki te heiva
Tu,
va
du côté du lagon, lieu
de combat.
E Tu e, e rerei e,
Il fait calme, Tu, calme plat
même.
E Tu e,
reregei ai te matai (bis)
rau
e-i-ai-i-i-e.
Tu, brave Tu, viens assister au
combat au bord du lagon,
Il fait fait calme Tu, calme plat.
2°
Kahohora i tai e-ki te heiva
Viens au combat, Tu, au
du lagon.
E Tu
Il fait calme, Tu, calme plat.
e
rerei e,
bord
(1) D'après Luc Piritua, chef actuel de Makemo, cette pierre s'ap¬
pelait Pohatu taka i Marama (pierre qui tourne à Marama.)
(2) Tu était un dieu de Moeava. Mais sa principale divinité était
Tarigerige. Au sujet de Tu, voir le dictionmaire Mangarévien-Français, page 3, au mot Tu.
Société des
Études
Océaniennes
85
E Tu
e e rorogoi ai te maitai kia
hume, kia hume Moeava-Tukirima noho i ta ora e e ; E Tu e
e
rerei
Viens afin de protéger et conserver en
vie Moeava-Tuki-
rima,
e
E Tu e, reregei ai te matai kia-
Il fait calme. Tu, calme plat,
kia heke mai ru¬
ga etupuna ra ko
Tapakia ; E Tu, e rerei e e Tu e. Viens, Tu, réveille l'ancêtre
rorogo i ai te maitai rau e-i-aiTaftakia. Tu, il fait calme,
i-i-e.
calme plat.
Au moment où Moeava terminait son pebe, il vit Patira
rap¬
procher son autre jambe. « Voilà, se dit-il le moment propice. »
Il ajusta la pierre mise dans sa fronde, la fit tourner rapidement
et, au bout de quelques instants, la lança avec toute sa force dé¬
cuplée par la haihe. Il appliqua son coup avec une justesse re¬
marquable. Patira fut atteint en plein front et tomba. La pierre
rebondit à Rehega, au bord du lagon de Makemo, où elle se voit
aujourd'hui, dans l'eau claire, à un mètre de profondeur.
heke mai
ru
;
Une foule innombrable était
accourue
des îles environnantes
pour assister à cette lutte, anxieuse d'en connaître l'issue.
Patira s'était abattu de tout son long, la face vers la terre. Tan¬
dis que sa tête dépassait le récif extérieur, au nord de l'île, du
côté de
Taenga (Tautua), ses pieds baignaient dans les eaux
tranquilles du lagon. Moeava, la lance au poing, se précipita
sur le corps étendu et, comme on traverse un
pont, il le parcou¬
rut au pas de course. Puis, avec sa vaillante Puanea, il lui tran¬
cha la tête. D'une main, il saisit le chef grimaçant par la cheve¬
lure, tandis que de l'autre il dégageait Huare des bras de son
ennemi vaincu. Il les emporta l'un et l'autre à l'intérieur de l'î¬
lot, prépara ensuite le four pour cuire son adversaire, et donna
tête à Kehauri.
Sa vengeance ainsi assouvie, il retourna à Takapua, emme¬
nant avec lui sa femme et son enfant, dont il ne se
sépara plus.
sa
Ainsi,
par un tour de bras habile et bien
calculé, Moeava ter¬
premier coup son colossal et terrible adversaire. Vain¬
queur, il revint couvert de gloire de cette rencontre restée célè¬
rassa du
bre dans tout
l'archipel.
La mort de Patira fut bientôt
connue
de
ses
compatriotes les
nombreuses tribus venues de Marama, principalement cèile de
Muta. Elles firent une descente à Takaroa, et, n'y trouvant pas
Moeava, elles exterminèrent
adoptifs.
Société des
ses neveux
Études
devenus
Océaniennes
ses
enfants
86
Moeva, à son tour, ne tarda pas à tirer vengeance de la mort de
Tagihia-ariki, Parepare et Rogotana, par la capture à Punaruku
(Makemo) de la légion de Muta et de celles qui l'avaient suivie.
Plus tard, après la conversion des indigènes au christianisme,
quand ceux-ci eurent connaissance de la Bible, ils ne manquè¬
rent pas de faire des rapprochements entre ce combat singulier
et celui de David et Goliath.
P. Hervé AUDRAN
Missionnaire
TOMB
AT
aux
Tuamotu.
ARUE
TAHITI
Sacred to the memory of
The Rev. Henry Nott,
Missionary.
Who
departed from this life of sin and
sorrow
And entered into his rest
On the 2nd
day of May 1844,
a great fight of afflictions.
He had been for 18 years the faithfull servant
Of the London Missionary Society having been sent
Out by them to this Island on the ship Duff, commanded
By Captain James Wilson in the year 1796.
He was translater of the Sacred Scriptures
Into the Tahitian language.
I have fought a good fightf I have finished my
Course. 1 have kept the faith : henceforth there
Is laid up for me a crown of righteousness wich
The Lord, the righteous Judge, shall give me at
That day : and not to me only, but unto all them
Who also have loved his appearing.
And God shall wipe away all tears from their
Eyes. And there shall be no more death.
After
having endured
Société des Etudes Océaniennes
TAHITI NUI
Au bon poète S. Charles
Leconte,
Lointain souvenir.
La nuit tombait des
montagnes prochaines.
rythme cadencé
Le flot berçait ma pensée incertaine
Qui s'endormait dans l'ombre du passé.
La nuit tombait des
montagnes prochaines*
Par
son murmure au
O
parfums de la brise, ô senteurs enivrantes
gardénias éclos durant ce soir d'avril!
Combien il suscitait d'images décevantes
Pour mes sens assoupis; votre arôme subtil,
O parfums de la brise, ô senteurs enivrantes
Des
!
Parmi l'espace aux voûtes constellées
De clairs diamants et de vivants
rubis,
L'œil entrevoit des chimères ailées
Désirs de flamme et rêves infinis
Comme l'espace aux voûtes constellées.
«à
Que dites-vous tout bas, sous les arceaux gothiques
De vos troncs élancés,
majestueux palmiers*
Ne répétez-vous pas les soupirs
érotiques
Des couples tant de fois enlacés à vos
pieds ?
Que dites-vous tout bas, sous vos arceaux gothiques ?
Terre d'oubli, de langueurs éternelles,
D'où te provient le philtre insidieux
Qui te conquiert les
cœurs
les plus rebelles
Et les retient prisonniers sous tes
deux,
Terre d!oubli, de langueurs éternelles ?
O brune Tahiti,
fille des mers australes,
Des sèves du printemps ton sol a la verdeur
Et des puissants étés les
splendeurs sidérales
Ravivent chaque jour sa généreuse ardeur,
O brune Tahiti,
fille des mers australes /
OUTSIDER.
Société des
Études
Océaniennes
LA
NOUVELLE-CYTHÈRE
GAITTATE
I
Tahiti! Tahiti! souriante
Cythère,
Dont le charme indicible est voilé de
mystère,
Salut, pays béni, par qui nous fut rendu
Le bonheur oublié du Paradis perdu !
Chœur
De ton aimable et
Laisse
en nos
langoureuse grâce
chants /'harmonieuse trace !
II
Les arbres et les
fleurs, sous ton ciel radieux
l'infini leurs tons mélodieux;
bords attiédis, la mer toujours sereine,
Mêlent à
Sur tes
Caressante, charmée
a reconnu sa
reine !
Chœur
De ta beauté le pur
Plonge
nos cœurs
enchantement
dans le ravissement 1
III
Sur
sol fortuné-, sur
cette douce terre,
point de douleur et point de règle austère ;
Du désir de savoir l'homme n'est pas mordu,
line trouve à sa faim aucun fruit défendu !
ce
Il n'est
Chœur
Dans
ce
séjour, où tout aime et s'enlace,
Jamais la haine
en
notre âme n'eut place !
IV
Chastement ignorants du mensonge odieux,
Ils passent, nus et beaux comme de jeunes dieux,
Les couples alanguis, que la Nature entraîne,
De leurs
cœurs
ingénus maîtresse souveraine !
Chœur
O Tahiti! délicieusement
Tu fais rêver le poète et l'amant !
H. MICHAS.
Société des
Études
Océaniennes
STTie,
Xj -ES
EÉCIP
Le soleil de midi
parsème sur les -vagues
paillettes de nacre et de saphir brûlant.
Le récif tortueux vêtu de mousse et
d'algues
Dessine sur la mer un serpent écumant.
Des
Debout
sur
le corail où tourbillonne et
fume
des étés tropicaux,
Le pêcheur alerté
dirige sur l'écume
Son long harpon qui vibre en plongeant dans les
Le
ressac
orageux
eaux
Les yeux sur le remous
qui drape l'aiguillette,
Solitaire, figé devant l'immensité,
Il dresse un corps d'airain dont la
ligne parfaite
Evoque l'art antique et sa pure beauté.
Et, brusquement, le fer agile et redoutable
yole et pénètre au sein du tiède tourbillon ;
Et l'homme, rajustant son
pagne au nœud instable,
Bondit : sa proie émerge au bout de l'aiguillon.
E. SALMON.
Société des
Études
Océaniennes
90
iSa EE> Et"Q* œ. 12
££&
Après une interruption de trois années,
Bulletin de la So¬
ciété des Etudes Océaniennes reparaît. Ceux
nos Sociétaires
ou de nos Correspondants
qui ont réclamé ave"8 insistance ou
attendu avec curiosité
ce retour
voudront bien
pas trop s'é¬
légers changements apportés à la nou¬
velle publication : renaître de ses propres cendres ne se
passe
point de lenteurs, voire aussi de quelque métamorphose. Ce
qu'il importe, c'est qu'au temps et-au silence, survive la volon¬
té d'être, de se continuer, et aussi la confiance dans l'oeuvre à
poursuivre, dans le fait à réaliser.
L'impulsion initiale donnée à la Société des Etudes Océanien¬
nes par son
fondateur, le Gouverneur JULIEN, avait permis à
ne
tonner des retards et des
groupement, une fois pourvu des aides morales et intellectu¬
elles nécessaires à ses premières démarches, élégamment pa¬
tronné et duement encouragé,
de tracer son itinéraire dans
divers domaines intellectuels, de se mettre en route d'une belle
ce
allure, et de fournir
défaillance
une étape de près de trois
étape de précieuses relations furent
nouées, d.'heureux échanges engagés, d'utiles collaborations
recrutées. Adressés aux Institutions
scientifiques d'Europe,
d'Amérique et d'Asie, aux personnalités des deux continents
attachées aux questions polynésiennes, les
premiers Bulletins
ramènent une ample moisson de
correspondances qui toutes té¬
moignent de l'utilité de l'œuvre entreprise et de l'intérêt qu'elle
suscite. Des documents s'amassent, des curiosités s'éveillent
;
et sans grands moyens
d'action, sans outillage scientifique, sans
technicité proprement dite, mais placé au cœur même de son
domaine d'études et doué
d'expansion par la seule activité de
son fondateur et la bonne volonté de
quelques adeptes zélés,
c'est un véritable centre
scientifique qui se forme, s'organise et
propage, avec ce Bulletin, l'instrument fondamental de son ac¬
années. Au
cours
sans
de cette
tion.
L'œuvre était viable et vivait
pulsion qu'elle tenait de
son
Société des
quand vint à lui faire défaut l'im¬
fondateur. La bonne volonté des
Études
Océaniennes
91
meilleurs, le désir de tous de voir durer une Institution dont le
l'archive, le conservatoire, en un mot la
mémoire de cette région du Pacifique, ne suppléèrent
pas à l'é¬
nergie et à l'esprit d'organisation d'un seul. L'étincelle man¬
quant qui eut animé ce bon vouloir et ce désir de persévérer,
l'œuvre fut laissée en-route, les collaborateurs se
dispersèrent,
le Bulletin cessa de pa' -ntre, la Société ne fut
guère plus qu'un
nom sur la porte dv l Musée
presque abandonné.
C'est avec le so-dci de ne point jouer avec l'éphémère, de don¬
ner à la Socié^ et au Bulletin le
moyen de survivre aux contin¬
gences personnelles, qu'en août dernier un appel fut lancé. II
eut tout le succès qu'on en
pouvait attendre .et réunit non seu¬
but mêtne était d'être
lement les anciens Membres mais bon nombre de Membres
nou¬
faisant ainsi la preuve du besoin réel auquel répond ce
centre d'études et de l'attraction
qu'un petit cercle intellectuel est
appelé à exercer sur ceux que les. spéculations de l'esprit ne lais¬
sent pas indifférents. Les
premières réunions dela'Société n'eurent
pas seulement pour résultat de rassembler ses éléments épars,
mais aussi de lui donner un mode de fonctionnement
qui est le
plus propreà assurer, en dehors des coups dezèle intermittents, la
continuité et l'indépendance propres à ses travaux. En effet, en
demandant et en obtenant le rattachement du Musée, accordé
par l'arrêté du 31 décembre 1921, en acquérant ainsi le droit
d'administrer et de surveiller ses collections, de désigner ellemême son Conservateur, et de disposer à son
gré de la subven¬
tion annuelle servie parla Colonie
; d'autre part, en se réservant
veaux,
la faculté de confier à tel
ou
tel de
ses
Membres la rédaction du
Bulletin, la Société s'est assurée pour l'avenir, par cette sorte
d'autonomie, un libre jeu qui lui laisse le mérite et la responsa¬
bilité de son effort, et lui vaudra, nous l'espérons, un durable
fonctionnement.
A la suite de ces réunions
plénières, le nouveau Bureau,
chargé des initiatives et de la préparation des travaux, s'est ef¬
forcé, au cours de séances mensuelles, d'aborder quelques réa¬
lisations dont nous donnerons plus loin le détail, et en tête des¬
quelles figure la publication de ce Bulletin.
Les modifications
apportées à la présentation du Bulletin ont
eu pour
but, en la dégageant de son aspect et de son caractè¬
re de
publication officielle, de faciliter sa diffusion et sa vente.
Dans le même sens un effort sera fait, dès le
prochain numéro,
pour insérer dans le texte des reproductions
photographiques
Société des
Études
Océaniennes
92
ou
des illustrations. Enfin la tentative faite pour en
cadre,
élargir le
faisant place à certaines rubriques d'actualité^ « Tou¬
risme » entre autres, a eu en vue de préparer le terrain à des
réalisations pratiques, telles que, par exemple, la mise en œu¬
vre
en
du tourisme local.
Mais cette
publication marquant à nos yeux le point-de dé¬
part et le but essentiel de l'activité de. *a Société, il a semblé
qu'au moment d'amener à jour ce Bulletin s'imposaient, pour
générales quelles soient, certaines considéra."ôns relatives à la
bonne volonté
commune et
à la collaboration coi.ective que sup¬
pose "une entreprise de ce genre.
11 convient
effet de
prévoir une objection de principe, qui,
lorsqu'elle ne traduit pas seulement l'esprit de critique ou la
seule nonchalance, peut se formuler ainsi : que peut-on
atten¬
dre dans un domaine aussi spécial que celui de
l'investigation
ethnologique, archéologique ou philologique, d'un groupement
qui compte au total une soixantaine de membres, au nombre
desquels l'on ne trouve qu!en minorité ceux qui, ayant avec les
lieux des attaches durables, sont disposés à ces recherches par
leurs aptitudes, leurs professions et leurs goûts? — Au premier
abord une réponse de découragement tend à se formuler. Mais
si, àu lieu de se placer au seul point de vue du nombre et de la
compétence des collaborateurs, l'on envisage les résultats à ob¬
tenir en raison de l'objet des études, de sa facilité d'accès, de la
proximité et de l'abondance des matières offertes, l'on est tenté
de conclure plus favorablement à l'effort.
En effet, en un centre où, plus peut-être qu'en aucun
autre du
Pacifique, foisonnent les souvenirs des époques anciennes, où
les traditions et les coutumes se mêlent encore à la vie
quoti¬
dienne, où les témoins du passé sont nombreux qui n'auraient
que d'interroger leur mémoire, pour glaner au jour le* jour des
trésors que seuls le temps ou l'indifférence égarent, il n'est pas
tant besoin des studieuses recherches de savants ou de
spécia¬
listes que du concours bien
compris d'érudits, de curieux ou
en
d'anciens du pays.
Si l'on songe que ceux qui ont établi les monuments les
plus
doctes et les plus durables de l'histoire et de
l'ethnographie po¬
lynésienne, les Forster, les Ellis, les Moërenhout, les VinaendonDumoulin n'étaient conduits à ces travaux par aucune
prépara¬
tion professionnelle (l'un était
Ingénieur hydrographe, l'autre
commerçant et Consul, cet autre Missionnaire) et qu'ils n'eurent
Société des
Études
Océaniennes
93
avec ces îles que des attaches passagères, ne peut-on sans am¬
bition Attendre d'un groupe, si réduit fut-il, d'« amateurs éclai¬
rés », le faible effort de retenir et de sauver de l'oubli tant de
vestiges et de témoignages, encore inédits ou inclassés, qui ne
d'être recueillis.
Si l'on songe aussi que tout retard compromet cette indis¬
pensable sauvegarde-^ ue d'année en année les derniers té¬
moins disparaisses., que les vestiges des derniers maraës sont
fouillés et dispe^ es, que la langue maorie s'altère d'infiltrations
étrangères, q&e le fil des traditions légendaires est sur le point
de se rompre et qu'avec les années sombrent les dernières
lueurs qui éclairent encore cette civilisation disparue, peut-on
demandent que
encore
hésiter ?
— Sauver, vaille que vaille, de ce qui fut
qu'il demeure encore, et ne pas laisser périr ce qui vit. 11 ne
s'agit que d'une œuvre de conservation, d'autant plus réalisable
que les plus modestes y peuvent contribuer. Notre but, il con¬
vient de le rappeler, n'est pas tant de poursuivre une ardue re¬
cherche de particularités scientifiques que de tâcher à reprendre
le fil d'un passé dont l'histoire, les traditions et les coutumes
mêlent encore intimement leur trame à la vie de ce pays. Notre
programme envisage moins les subtilités d'une philologie com¬
plexe que l'apurement de cette langue vivante qu'est la langue
tahitienne, moins les laborieuses investigations archéologiques
que le bilan et le classement des derniers monuments. Ces pa¬
ges tendront moins à établir les origines immémoriales ou les
chronologies séculaires, qu'à retenir dans le texte original, ac¬
compagné de traductions littérales, les fragments rompus —
légendes, chants ou poèmes — de cette geste maorie dont quel¬
Que pouvons-nous ?
ce
ques mémoires retiennent encore des lambeaux.
Maints groupements locaux, entre les plus notoires les félibres provençaux qui sont un excellent modèle, nous montrent
ce dont est
capable en faveur d'une langue, d'une littérature,
d'un pays, le zèle de simples amateurs animés d'un vivifiant es¬
prit régionaliste. Chaque résident faisant l'inventaire des con¬
naissances personnelles que sa profession, ses
goûts ou simple¬
permis d'adquérir,
est en mesure
d'apporter sa part à l'inventaire global. Tout co¬
lon, tout ancien de la Colonie est peu ou prou un historien, parlois un archéologue, souvent un érudit. Quelle contribution on
peut attendre aussi de ceux que leur mission religieuse ou leur
ment le fait d'avoir vécu dans
Société des
ces
îles lui ont
Études
Océaniennes
94
fonction administrative
a
penché,
en une
observation quotidien¬
les races insulaires des Archipels éloignés. AinsÇ, à con¬
dition qu'ils veuillent y montrer quelque goût, qu'ils veuillent
« aimer », par les seuls " amateurs'', peut se constituer un fonds
de connaissances locales plus nourri, plus riche et sans nul doute
plus vivant que celui que peuvent acquérir les Institutions scien¬
tifiques les mieux outillées.
Le rôle de ce Bulletin, dont la rédaction Ta aisément assu¬
rée si l'appel que nous adressons ici à la colla qration de toutes
les bonnes volontés est entendu, sera de conserver et d'entrete¬
nir ce fonds et aussi d'en faire, sans rien en aliéner, un fonds d'é¬
ne, sur
change. Les grandes Institutions scientifiques dont les études
domaine, Bernice Pauahi Bishop Museum,
Historical Hawaian Society, New Zealand Institute, Polynesian
Society, pour n'en citer que quelques-unes, qui sont les corres¬
pondantes du Bulletin depuis sa fondation, ne manqueront pas
en effet de
puiser dans ce fonds des matériaux qui, par leurs
soins, serviront à l'œuvre de Science. Par la révision critique,
par le filtrage et par la synthèse des données plus ou moins bru¬
tes, plus ou moins fragmentaires, mais toujours franchement
extraites de leur terrain originel, dont ce Bulletin leur apporte¬
ra le tribut, ces Institutions
pourront parfaire le travail entrepris
et nous suppléer où nous serions insuffisants.
Mais ce n'est pas à ce seul échange que l'on peut espérer voir
Océaniennes sont le
aboutir la diffusion de
ce
Bulletin et la collaboration des Institu¬
tions
scientifiques. La complaisance manifestée jusqu'à ce jour
par nombre d'entre elles qui ont continué de faire à la Société,
même alors que le Bulletin avait cessé de paraître, le service de
leurs publications, l'intérêt bienveillant que la plupart d'entre
elles n'ont cessé de montrer aux premiers efforts de leur sœur
cadette de Tahiti, nous permettent d'espérer pour l'avenir la
possibilité de certaines aides matérielles de la part de centres
d'études puissamment dotés et outillés qui tendent, ainsi qu'en
témoigne la Pan Pacific Conference, à une généreuse expansion.
En retour des apports que ce Bulletin pourra faire à leur propre
fonds en matières neuves, inédites, des travaux préparatoires,
recherches, enquêtes, qui peuvent être effectués sur leurs indi¬
cations, en échange aussi des facilités que notre Société peut
donner ou faire obtenir aux nombreuses missions scientifiques
envoyées par elles, nous pouvons attendre de ces Institutions,
sans avoir à en éprouver aucune
gêne de parent pauvre, certains
Société des
Études
Océaniennes
95
matériels dont elles
ne perdront
pas tout le profit. En
par exemple d'enregistrer sur le disque nos « hymene » tahitiens si insuffisamment connus ou de fixersur le film nos dan¬
concours
vue
locales, il suffirait très probablement que la demande en soit
ou tel grand Musée,
pour que nous soient confiés les
appareils nécessaires. Et ce n'est là qu'un simple exemple pris
au hasard des
échang^iflectifs, si faciles de la part des grands
centres d'études, si/précieux
pour nous, dont il nous est per¬
mis d'entrevoir Impossibilité,*pour
peu que nous cherchions de
ses
faite à tel
notre côté à soôtir le fonds de nos connaissances ou de nos
cu¬
riosités locales et à propager ce dont nous sommes détenteurs.
Et ce faisant, en sauvant de l'oubli les traditions, les coutu¬
mes, les derniers vestiges du passé, en ramenant à la lumière
des-richesses qui, pour n'être pas matérielles, n'en sont pas moins
inappréciables, en ajoutant aux multiples mirages de ces îles le
prestige de leurs titres de civilisation, ce n'est pas seulement aux
intérêts et à l'honneur de ce pays mais encore,
par delà toutes
limites territoriales, au grand-œuvre d'Art et de Science
que
notre effort Contribuera.
© 33
HÉi
©
© © ï !H
ILES MARQUISES
Le terme de « Marae » est à tort
néral et on le fait, improprement,
tous les vestiges de monuments
té, des Iles Australes
ou
des
employé dans un sens très gé¬
s'appliquer sans distinction à
mégalithiques des Iles de la Socié¬
Iles Marquises.
Dans ce dernier archipel
ces monuments sont au moins de
deux sortes : les « Mé'ae »
aux
où
qui étaient les lieux sacrés réservés
prêtres et à leurs sacrifices, et les « Koïna », sortes d'agoras
siégeaient les chefs et les notables.
L'étude que nous publions ci-dessous et qui est due à M. l'Ad¬
ministrateur Clayssen ne tient pas compte de ■cette distinction .et
confond ces deux catégories sons l'appellation de « Marae »,
qui
n'existe pas en dialecte
Il
marquisien.
pourrait
en
résulter dans l'esprit de certains une confu-
Société des
Études'Océaniennes
96
sion contre
laquelle
nous
mettons
en
garde les lecteurs du Bulle¬
tin.
De par
ailleurs, la liste dressée est loin d'être complète et les
descriptions que ïon y trouve ne constituent pas, à proprement
parler, l'étude archéologique des « Me'ae » et des « Koïna » marquisiennes.
Un archéologue américain, Monsieur Pyyton,
envoyé l'an der¬
nier en mission par le Bernice Bishop Pauay ciété des Études Océaniennes
30 dollars US
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 248