B98735210105_228.pdf
- Texte
-
BULLETIN
DE M
SOCIETE
DES ETUDES
OCEKNIENNES
N° 228
TOME XIX
—
N° 5 /
Société des
Études
Septembre 1984
Océaniennes
Société des Études Océaniennes
Fondée
Rue Lagarde
-
en
1917.
Papeete, Tahiti.
Polynésie Française.
B.P. 110
-
Tél. 2 00 64.
Banque Indosuez 21-120-22 T
—
C.C.P. 34-85 PAPEETE
CONSEIL D'ADMINISTRATION
M. Paul MOORTGAT
Me Eric LEQUERRE
Mlle Jeanine LAGUESSE
M.
Raymond PIETRI
Président
Vice-Président
Secrétaire
Trésorier
assesseurs
M. Yvonnic ALLAIN
M. Robert KOENIG
Mme Flora DEVATINE
M. Roland SUE
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
R.P. O'REILLY
M. Yves MALARDE
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ
DES
ÉTUDES
DES OCÉANIEN
OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
N° 228
-
TOME XIX
N° 5 SEPTEMBRE 1984
-
SOMMAIRE
Une
navigation bibliothécaire océanienne : J. Scemla
1603
Les tortues et le passage
sur
dans l'au-delà marquisien. Etude pilote
l'interprétation des pétroglyphes polynésiens : B. Rolett
Achatina fulica en Polynésie française : répartition,
caractérisation des populations et conséquences de
l'introduction de l'escargot prédateur Euglandina rosea
en 1982-1983 : J.P. Pointier & C. Blanc
Datations
au
Carbone 14 à Reao
:
J.M. Chazine
1613
1637
1654
d'un pilier de bois découvert à Papara : détermination
botanique et interprétation palethnologique : C. Orliac
1661
premières investigations archéologiques menées
Tepoto (nord), archipel des Tuamotu : E. Conte & I. Calaque
1667
Compte-rendu du 1er Congrès international de l'île de Pâques
et de la Polynésie orientale : P. Ottino
1670
A propos
Note
à
sur
les
Comptes rendus
Observatoire du
G. Blanchet
:
Français dans le Pacifique
L'économie de la Polynésie française de 1960
à 1980
1673
1674
Brigitte Piquetpellorce : Po'e poèmes
1676
S. Hatanaka & N. Shibata : Reao report
1677
Société des
Études
Océaniennes
Société des
Études
Océaniennes
1603
I
BIBLIOTHÉCAIRE
OCÉANIENNE
UNE NAVIGATION
"La littérature semble liée à
une parole qui ne peut s'inter¬
Mais l'acte poétique n'est pas cette parole. Il est
commencement et elle-même ne commence jamais. Mais
elle dit toujours à nouveau et toujours recommence".
rompre.
M. Blanchot
(L'espace littéraire).
Les écrivains tournent dans le Pacifique dans les mêmes eaux
polynésiennes. Chacun a sa façon de humer Pair et de se
comporter, mais tous se promènent dans le texte d'un autre.
Stevenson et London se rendent aux Marquises puis à Tahiti.
Des itinéraires
étapes,
se
créent,
se
croisent. En
sens
inverse, et
aux
mêmes
succèdent Loti, Gauguin, Segalen.
"Je peux dire n'avoir rien vu de la Polynésie avant d'avoir
parcouru et presque vécu l'œuvre de Gauguin", reconnaît Segalen.
Jack London aux Marquises évoque l'aventure de Melville chez les
Taipi et dort dans une maison où Stevenson a séjourné. Ce dernier
ne cite pas TEden cannibale" de Melville, mais il l'a lu et ne cesse
durant tout son séjour de s'interroger sur la pratique de
l'anthropologie. Ces constantes chez les écrivains ne sont pas des
répétitions, mais des réponses à travers le temps qui viennent
compléter un texte ancien : le livre de la Polynésie.
La
se
mort
moments et
constitue
les pages
un chapitre de ce livre.
Elle hante les
de tous les hommes qui ont vu et décrit la
Société des
Études
Océaniennes
1604
Polynésie. Une partie entière de "Dans les mers du Sud" de
Stevenson est consacrée à ce thème. "Les hommes meurent, la
rivière coule à plein bord mais la sève humaine est tarie"
(Journal
des Iles) écrit Segalen aux Marquises, London confirme : "la mort
règne partout" (Le
voyage
du Snark).
Bien
plus tard, en 1952, alors que la survie du peuple, n'est
jeu, Reverzy fait de la mort en Polynésie le thème de son
roman "Le
Passage", et en 1980, le journaliste J.C. Guillebaud écrit
"il faudra dire bientôt et plus longuement le
principe de mort qui
plus
en
flotte aussi sur
faciles de l'atoll
terres
ces
et
océanes, comme si les bonheurs trop
lagon y abritaient leurs propres punitions.
du
Pourquoi voit-on chez nous ce continent comme un Club Médi¬
géant, alors que c'est le plus métaphysique qui soit".
terranée
Ce sentiment est exactement
l'expérience que Loti, en 1872,
séjour de Moorea, là où, isolé et en proie à
panique, il connaît une surprenante défaillance, tombe
rapporte déjà de son
une
peur
évanoui et doit être
une chose morte". A
emporté dans les bras d'un homme "comme
son réveil, il décrit une merveilleuse sensation
de bien-être.
"Tahiti
de
est
tellement irréel" écrivait
encore
Henri Adams dans
lettres, "si semblable à une planète tellement différente
que je suis très peu préoccupé de mes problèmes personnels. Je
peux rester pendant des heures à somnoler sur le pas de ma porte
n'ayant conscience que du merveilleux de l'air et de la lumière et de
la beauté du décor et ne pensant à rien d'autre. Les cochons sont
des prodiges d'énergie et de nervosité en
comparaison avec moi.
Même les indigènes ne peuvent m'apprendre grand'chose
quant à
la paresse. La Farge travaille avec moi, mais
je ne fais que
somnoler, même quand je prétends faire quelque chose. On ne peut
décrire Tahiti. Ne vous attendez pas à ce que je le fasse. Je
l'appelle
un cimetière
exquis. On voudrait être enterré ici. Presque tout y est
plus ou moins mort". "Cimetière exquis" ces mots sonnent comme
une
ses
d'"Eden cannibale" de Melville et avec
Gauguin, c'est encore
le même regard quand le
peintre constate que dans toute beauté il
entre une part de monstruosité. "On ne
peut pas décrire Tahiti".
ceux
★
★
★
La
Polynésie toujours recommencée, garantit la littérature.
est l'une des
premières pages sinon la première chez
les romanciers, mais il est lui-même une
page blanche. 11 a 22 ans
Melville
\
Société des
Études
Océaniennes
1605
en Polynésie. Il n'a pas écrit une ligne et presque pas
lu de livres. Rien jusque là ne l'a préparé à la littérature et il ne peut
se douter qu'il va écrire un livre, puis une œuvre, l'une des plus
lorsqu'il vient
fastes de la littérature, l'une de celles dont on ne parle habituel¬
lement qu'avec des grands mots, toujours ceux grandiloquents des
l'océan, le ciel, l'incrée, un monde total et transparent,
l'équivalent écrit de l'univers. Exemple, le commentaire de D.H.
Lawrence "Quand il nous donne sa pure appréhension de l'univers,
il est merveilleux et son livre (Moby Dick)... impose à l'âme,
comme un silence, un respect".
Melville est, en effet, un géant
solitaire, qui jette une ombre inquiétante sur la littérature, nous
faisant découvrir dans les profondeurs vertigineuses le passage
blanc d'un Léviathan. Or le hasard a voulu que pour cet homme à
son propre seuil, qui va écrire le premier grand roman des Mers du
Sud, la Polynésie soit la face claire et joyeuse de l'œuvre. "Taipi"
(1846), "Omoo" (1847), "Mardi" (1849), les trois livres polynésiens
écrits coup sur coup mènent à Moby Dick (1851).
sommets :
Du
jeune Julien Viaud, qui ne devient Loti qu'à Tahiti, à
qu'est Jean Reverzy, condamné à mort par la
maladie, nombreux seront ceux qui, accomplissant le voyage, "le
passage", en Polynésie y deviendront écrivains. Le "Journal des
Iles" de Segalen est de façon exemplaire le mouvement même de
l'expérience d'écrire, itinéraire véritablement initiatique, nous
l'homme usé
faisant assister
la
mer,
au fur et à mesure de l'avancée dans les mots et
à la naissance de Segalen à la littérature.
Lorsqu'il sera en Chine,
jusqu'à la dissolution de
forces
au
son
sur
Thibet, Segalen éparpillera ses
être. La Polynésie représente au
contraire le moment de la concentration de ses forces, le lieu de son
éveil à lui-même, l'accès "au bout de son moi". Tahiti, milieu et
sommet de ce tour du monde où il s'est trouvé la tête renversée de
joie, Tahiti coïncide avec la pleine possession de ses moyens. Et
c'est donc sous l'auspice de cette plénitude qu'il peut définir, dès
son "journal des Iles", le maître mot de sa recherche et de son
œuvre à venir, qu'il désigne par la "sensation vraie". Quelques
années plus tard, il publie les "Immémoriaux", un livre qui compte
aujourd'hui parmi les rares ouvrages qu'une génération nouvelle de
lecteurs tahitiens revendique comme sienne et intègre à son
patrimoine. Pourquoi ? Est-ce dû à la parfaite documentation
réunie par Segalen ? Pas seulement. Celle-ci garantit bien sûr son
texte, mais l'on sait aussi qu'il existe mille et une manières de
composer des simulacres avec des reliques. L'authenticité
manifeste de ce livre tiendrait plutôt au fait que Terii, le
personnage du jeune tahitien qui va connaître le passage de l'ensei¬
gnement des "harae po", à l'apprentissage de la Bible, est lui aussi
Société des
Études Océaniennes
1606
page blanche sur
fur et à mesure que
une
laquelle les événements viennent s'inscrire
Segalen, et son lecteur, les découvrent.
au
"On ne peut pas décrire Tahiti". Pourtant
malgré cette
impossibilité, ou précisément à cause d'elle, le livre de la Polynésie
a toujours été
régulièrement tenté, comme si, afin de saisir Tahiti,
énigme qui ne cesserait d'échapper, il ne restait plus qu'à l'enfermer
dans une bibliothèque (voir l'entreprise immense de
Ropiteau) ou
dans
un
livre, autrement dit
comme
tous les mots
corps
si la solution était de recueillir
sur le
qui sont venus, depuis la découverte, .s'inscrire
vierge et bienheureux de l'île.
Chez les écrivains, c'est le cas dès Melville. "Taipi",
qui est
tout le roman d'une aventure est aussi une
présentation
avant
complète et la meilleure de son époque, de l'état des mœurs et de
l'histoire des Marquises. Pour l'écrire, Melville, boulimique, a
réuni tous les livres sur la Polynésie
qu'il a pu trouver au moment
de son retour aux Etats-Unis.
Quant à Segalen, exemple fameux,
c'est sa force et son honneur d'avoir basé son roman
ethnogra¬
phique, sur une documentation exhaustive pour son époque.
Ainsi les écrivains poursuivent à leur façon la tradition
compilatoire du 18è siècle. C'est encore le cas de Jules Verne qui
nous fournit, au 19ème siècle, une autre illustration avec
"Les
grands navigateurs", une série historique écrite comme un roman.
Il la rédige en mer, à bord de son
yacht, le "Saint Michel III". De la
même façon que le capitaine Nemo
possédera une bibliothèque
admirable dans son "Nautilus" (ses voyages
dépendant de ses
lectures) le romancier sillonne la mer et organise son travail à
partir des notes de lectures qu'un certain Gabriel Marcel a réuni en
digérant pour lui tous les récits de voyage, journaux et témoignages
divers qu'il a pu lire à la Bibliothèque Nationale. "Cet art de la
mémoire, cet "enchaînement de l'imaginaire et de la collection,
autrement dit, le travail de fiction à l'intérieur d'une
bibliothèque",
Michel de Certeau l'a appelé
"la navigation bibliothécaire" (1).
N'avait-elle pas, cette navigation, commencé avec les
premiers
circum-navigateurs, les bibliothèques ayant toujours été du
voyage, au centre du navire (2). Ce trait qui caractérise encore
l'époque des découvertes permet à H. Jacquier, en 1946, de
conclure qu'une bibliothèque océanienne existait
déjà, avant même
que Tahiti ne soit découverte (3).
(1) Introduction
aux "Grands
Navigateurs" : Jules Vernes. Edition Ramsay-Paris 1977.
(2) Les textes de Buffon, du président de Brosses ou les thèses de Gonneville sur le continent
austral ont accompagné les
expéditions de Bougainville, Cook et Lapérouse.
(3) B.E.O. n" 146-147.
Société des
Études
Océaniennes
1607
Serait-elle née d'une
bibliothèque ? Constatons qu'après sa
découverte, la Polynésie a suscité chez les lecteurs, de prodigieuses
pris
sillage de Melville.
En 1938, un français Jean Simon, fait une thèse sur le grand
écrivain américain dont le séjour dans le Pacifique a inspiré
"Taipi", "Omoo", "La Vareuse blanche" et "Mardi". Un an après
sa soutenance, J. Simon présente une thèse complémentaire
intitulée "la Polynésie dans l'art et la littérature d'Occident" (4), un
texte qui reste quarante ans plus tard, l'une des meilleures
introductions à la littérature dite océanienne. J. Simon n'est jamais
venu en Polynésie.
En 1978, un canadien, Victor Levy Beaulieu se passionne pour
"Mr. Melville" (5) à qui il consacre un fort volume de 400 pages.
Mais pourquoi faut-il qu'à son tour il plonge dans les textes
polynésiens ? et de s'enthousiasmer sur les récits de Bougainville et
Cook (tous deux ont séjourné au Canada), Rousseau, Diderot,
Dumont d'Urville "l'Encyclopédiste" et l'américain Porter nous
offrant pour l'occasion une amusante version québécoise de la
bibliothèque océanienne.
dérives d'un livre à l'autre. Limitons
nous
à deux exemples
dans le seul
mieux. Le livre introuvable de la "bibliothèque de
O'Reilly l'a écrit pour
la Polynésie. Sa "bibliographie de Tahiti et ses îles" (6) est un
somptueux cadeau, un ouvrage rare et fascinant qui semble sorti
des mains de l'un des scribes imaginaires de Borges. Avec un index
de 70 pages, l'ouvrage traverse toutes les disciplines, regroupe
toutes les productions. En tout plus de 10 400 titres recensés.
La "Bibliographie" mais aussi tous les autres livres de
P. O'Reilly représentent l'expression unique d'une passion pour
l'île, microcosme géant. Un ouvrage comme "Tahitiens" n'est pas
un simple répertoire ou bottin mondain.
11 reconstitue le tissu
entrecroisé des généalogies et des noms propres et compose un
annuaire de la société tahitienne saisie dans toutes ses époques.
D'autres œuvres comme son "Histoire de la photographie à
Tahiti", ou encore son dernier livre "Tahiti, la vie de chaque jour"
témoignent de cette même démarche : collectionner les petits faits
vrais et autres "impressions" qui ont marqué l'île.
Dans le domaine strictement littéraire, c'est-à-dire celui des
romans, essais, nouvelles, P. O'Reilly dénombre dans sa biblioIl y a encore
Babel", celui qui contient tous les autres, P.
(4) Thèse, Paris, 1939.
(5) Edition Flammarion, Paris, 1980.
(6) Publications n" 14 de la
Société des Océanistes, Musée de l'homme, Paris 1967.
Société des
Études
Océaniennes
1608
graphie 537 œuvres en prose et 247 œuvres poétiques
cela sans
compter les innombrables relations de voyage dont beaucoup font
preuve de qualités littéraires.
Cependant bien des ouvrages cités sont introuvables, comme
...
le n° 9295 assorti de cet étonnant commentaire : "livre
rare,
recherché à la fois par les rétiviens, les collectionneurs
d'utopie et
les amateurs d'aéronautique".
D'autre part, si l'on fait un simple tri
les auteurs (romanciers ou non) traduits en
français, et ceux, les meilleurs, que l'on estime mériter de figurer
dans une bibliothèque imaginaire, la liste s'amenuise
rapidement.
P. O'Reilly en convient, lui
qui déplore que "les nombreux
épigones et émules modernes de Melville, Stevenson et Loti n'ont
fait que développer une copieuse littérature d'évasion
qui gagne en
abondance ce qu'elle perd en qualité".
ne
retenant
que
C'est aussi l'avis de J. Simon. L'auteur de "La
Polynésie dans
l'art et la littérature d'Occident" nous
aide, pour avoir été l'un des
premiers à tenter de présenter une vision d'ensemble de la
littérature de Polynésie, d'y répérer des périodes et le
rythme des
évolutions. Malgré quelques erreurs et omissions, c'est encore à
l'heure actuelle l'une des rares études de
qualité sur le sujet.
Cependant, avec ses "fréquentes inexactitudes de détail", il ne
pouvait trouver grâce aux jeux de P. O'Reilly qui, rigoriste, lui fait
la leçon, reprochant une "documentation sommaire
pour un sujet
vaste, qui eut exigé des connaissances bien plus sûres et nuancées".
La
critique est sévère de la part de P. O'Reilly, qui tout au
bibliographie dégage de l'histoire océanienne les mêmes
cycles que Jean Simon et va même jusqu'à lui emprunter ses
commentaires sur les principaux écrivains. Non seulement Simon
revêle un jugement sûr mais il
l'exprime avec élégance et un réel
engouement, lui aussi, pour son sujet ce qui paraît d'autant
plus
admirable que l'auteur, ne l'oublions pas, a
entrepris son travail
sans être jamais
venu à Tahiti.
long de
sa
Le
panorama qu'il dresse va jusqu'en 1939. Sautons les
premières époques, des découvreurs aux premiers romanciers.
Simon situe "l'âge d'or" de la littérature océanienne à
partir des
années 1870. La période qui rassemble en
effet, Loti, Stevenson,
Gauguin, Segalen, London, Ruppert Brook, se prolonge jusqu'à la
première guerre mondiale. Après, la source se tarie. La plupart des
écrivains malgré quelques exceptions
(Maugham, Simenon,
Chadourne, Gerbault) se contentent "d'exploiter le mythe",
constate Simon qui achève son étude en
1939, sur cette note.
Depuis ? Rien de
continué d'être entonnée
nouveau
et ce
Société des
puisque la même antienne a
la naissance, après la
n'est même pas
Études
Océaniennes
1609
2ème guerre
mondiale, d'un mouvement nationaliste tahitien
Pouvanaa qui a fait cesser le ressasement (7).
La vie tahitienne a pu se maintenir, plus ou moins débonnaire,
grand changement jusque là. Elle va cependant finir par être
exprimée
sans
par
brisée.
îles de la Polynésie entrent
jets et du nucléaire, avec la construction
d'une piste internationale à Faaa (1960) et l'implantation du C.E.P.
(1962). Le bouleversement qui en résulte est si brutal qu'on
pourrait presque parler ici, en plein milieu du 20ème siècle d'une
seconde colonisation (8). L'homme traditionnel ne peut plus
Au début des années 60, les
brutalement dans l'ère des
reconnaître
son
environnement. Avec l'enrichissement subit, son
acquis les infrastructures d'un Etat moderne : station de
télévision, institutions de crédit, caisse de prévoyance sociale, etc...
pays a
On aurait pu penser que ce nouveau contexte allait renouveler
l'inspiration des écrivains. Or c'est précisément le contraire qui s'est
produit. Il n'y a guère qu'un seul écrivain à avoir pris en compte
cette mutation : Romain Gary dans "la tête coupable", une oeuvre
(7) Seules de l'époque, les
œuvres
de Reverzy, TSerstevens
ou
René Charnay sont à retenir.
(8) Tahiti représente un cas à part de l'histoire coloniale. L'arrivée, il y a plus de deux
siècles, de l'Occident technicien et évangélisateur a provoqué, c'est banal de le dire, un
traumatisme qui ne peut se comparer qu'à celui que connurent les Amérindiens. On en
: les ravages des épidémies parmi les populations, le désespoir,
pourquoi le souvenir n'en a jamais été tout à fait effacé. Mais deux
éléments distinguent le cas tahitien. D'une part la conquête militaire et la "missionarisation" ne s'accompagnèrent pas à Tahiti d'une véritable exploitation des terres. D'autre
part, en produisant l'avènement de l'écriture et de l'histoire, l'Occident suscitait dans le
même temps, un mythe puissant qui allait désormais s'attacher à l'image de Tahiti.
Les Tahitiens sont sortis progressivement du traumatisme dans lequel ils ont été plongés
et ont élaboré une culture syncrétique, bien décrite récemment par l'ethnologue Alain
Babadzan. Son livre "Naissance d'une tradition" (Ed. Orstom) est l'un des plus impor¬
tants qui soit paru ces dernières années, sur les milieux insulaires. 11 permet de tirer un
certain nombre de conclusions fondamentales. Tout d'abord, il faut admettre une fois
connaît les méfaits
l'alcool. C'est
nostalgiques de tous bords, que nous n'en sommes plus à Segalen
.aujourd'hui que des visiteurs romantiques et
ignorants pour croire que le christianisme soit toujours une violence aux Tahitiens. Le
texte de la Bible a fait mieux que s'imposer dans le corps social, il a retatoué la mémoire
tahitienne. Enfin Babadzan permet de savoir ce qui doit être sauvé et c'est précisément,
nous dit-il, "la nouvelle tradition" issue des rencontres des cultures nouvelle et ancienne.
Acquise à la suite d'une longue maturation, cette vision du monde est à son tour
menacée par l'irruption d'une modernité où non seulement l'économie mais aussi la
culture deviennent l'enjeu de nouveaux pouvoirs.
Ainsi la Polynésie connaît actuellement la seconde capture de son histoire. Cependant,
s'il y a deux cents ans Tahiti - "le grand poissons" - a été pris dans les filets de l'histoire
par l'Occident, aujourd'hui il se voit attaché par de nouveaux moyens. Télex dans les
administrations et télévisions dans les foyers réalisent, en effet à distance, une emprise
inédite quasi totale. A l'heure où les informations proviennent chaque soir par satellite,
depuis Paris, ce n'est plus l'ouverture au monde qui est contestée, mais le décentrement
même de la société qui doit être mise en question.
pour
et
toutes contre les
aux
"Immémoriaux". Il n'y a plus
Société des
Études Océaniennes
1610
déjà ancienne, si l'on considère l'accélération
connu depuis Tahiti.
des événements
qu'a
Son propos,
cependant, n'a rien perdu de sa force. Coupabledrôle, Gary, introduit un rire apocalyptique dans l'Eden.
Tonitruant, irrespectueux, mais jamais sans amitié, il réserve à
Tahiti un traitement inouï. Il va jusqu'à brouiller sa
géographie
(par exemple, l'île sœur qui se dresse devant Tahiti n'est plus
Moorea mais Moururoa) et dévitaliser sa réalité pour lui conférer
une substance délirante. C'est le
grand plagiat, la parodie absolue
de toutes les exploitations possibles de l'idée tahitienne. L'île se
transforme en un Dysneyworld aux rouages
imprévus. Même les
personnages et les institutions du passé participent au fonction¬
nement de cette rebondance de
Tahiti, enfin confondue, ironi¬
quement, avec son idéal. Rien ne manque, ni Gauguin, ni
l'inventeur de la bombe atomique, ni même Adam et Eve, témoins
de la création du monde,
s'accouplant devant un groupe de
ment
touristes enchantés à l'heure où le ciel s'embrase derrière
Moururoa.
Le livre de Romain Gary marque une borne dans la
produc¬
tion littéraire. Après lui, les romanciers semblent déserter ou sinon
s'abstenir d'écrire. La célébration n'est
plus de mise. La parole est
maintenant à de nouveaux arrivants : les
scientifiques.
Se
déployant dans tous les champs de la société, les chercheurs
français qui avaient jusque là laissé le terrain libre aux universi¬
taires anglo-saxons, s'efforcent de rattraper leur retard,
et tentent
de cerner sous toutes ses faces le
Tahitien, promu "homo
economicus" à part entière. L'économie mais aussi les autres
sciences humaines et les sciences de l'environnement sont
désormais étudiées minutieusement, analysées
avec méthode.
Cependant avec les problèmes soulevés (chômage, étroitesse des
marchés, délinquance, choix du type de société et du dévelop¬
pement etc), un avenir, son historicisme diraient certains, est aussi
désigné,
on,
s'en
reconnu
à
dispenser.
un
peuple qui pouvait jusqu'à présent, croyait-
Toutes ces questions sont dominées par la
présence du site
d'expérimentation nucléaire français qui, en s'installant à
Moururoa, a confronté la petite société, souvent décrite comme
Clochemerle, comparaison qui a le don d'exaspérer les Tahitiens,
aux
enjeux stratégiques planétaires. C'est donc pour le pays le
temps des premiers livres politiques ; de "Secrets tahitiens" de Noël
Ilari à "Moruroa, mon amour"
peut se mesurer le changement.
\
Société des
Études
Océaniennes
1611
Cherchant son destin, Tahiti découvre également son passé.
Tout ce qui peut le rappeler est alors adulé et dans l'élan passionné,
la société d'avant le C.E.P., c'est-à-dire d'avant le développement,
"passé" que chaque jour qui passe rend plus lumineux,
jusqu'à se confondre avec l'autre passé, celui perdu et mythique
d'avant la découverte (9).
devient le
Il était donc normal qu'un certain nombre d'ouvrages tentent
d'aller à la rencontre de cet engouement pour le Tahiti d'autrefois.
Parmi eux, le "Mémorial Polynésien" (10) qui a remporté à la
fin des années 70, un grand succès d'édition et peut-être même, l'un
des premiers succès de l'édition tahitienne, si l'on considère que les
titres les plus vendus jusque là, étaient destinés à une clientèle de
passage. Luxueusement présentée en plusieurs tomes, et repro¬
duisant de nombreux documents, la série du Mémorial offre pour
la première fois à un large public un texte de vulgarisation
embrassant toute l'histoire de la
Polynésie depuis les temps pré¬
européens jusqu'au milieu du XXème siècle. Si cette œuvre d'un
caractère commercial avoué mérite surtout d'être citée, c'est qu'elle
a été écrite dans cet esprit nouveau, de dire l'histoire d'une jeune
nation.
Autre événement décisif
la naissance d'une presse
quoti¬
Depuis son apparition, il y a 20 ans, la douce vie tahitienne
au jour le jour est rythmée par la parution d'articles, c'est-à-dire
des événements, des débats. En familiarisant la population avec
l'écrit, autre que la Bible, en jouant ce rôle de prise en charge des
discours, en restituant un style politique local, les journaux ont
intéressé d'une nouvelle manière, les Tahitiens à leur histoire.
Enfin Tahiti, en voie de fixer son identité, a connu un tout
récent ouvrage, "Tahiti, côté montagne" (11) qui est venu
consacrer cette évolution. Il s'agit d'un recueil d'interviews qui, en
permettant une prise de parole, restera dans l'histoire du pays
comme l'une des premières expressions d'un discours populaire
:
dienne.
tahitien.
seulement par la trop rapide transformation de la
désir d'une population qui cherche à se réapproprier son histoire,
mais encore par l'effet du mythe polynésien qui joue ici son dernier tour. 11 effectue plus
exactement son retour à Tahiti, où après sa propagation tout autour de la terre, il
revient conquérir les Tahitiens, qui n'avaient pas eu auparavant besoin de cette
invention de l'Occident. Mais aujourd'hui le mythe parle aux Tahitiens.
(9) Il faut expliquer ce phénomène, non
société et le légitime
(10) Editions Hibiscus, Tahiti.
(11) Editions Haere-Po, Tahiti.
Société des
Études Océaniennes
1612
Bien d'autres chapitres au livre de la Polynésie restent à écrire
certains le seront en tahitien. L'époque est véritablement
charnière. Rien d'étonnant à ce qu'elle survienne dans le même
et
temps où, confrontés pour la première fois de leur histoire à la
gestion de leur mythe, les Tahitiens commencent à constituer des
bibliothèques dans les foyers et disposent d'une presse quotidienne,
mais aussi syndicale et militante. La vieille société sans écriture est
bien lointaine. Aujourd'hui Tahiti est sur le point de dire l'idée
qu'elle a d'elle-même, l'idée qu'elle est.
Jean SCEMLA
\
Société des
Études
Océaniennes
1613
LES TORTUES ET LE PASSAGE
DANS L'AU-DELA MARQUISIEN
Etude Pilote
des
l'interprétation
pétroglyphes polynésiens
sur
De récentes études
nouvel intérêt
qui
se
archéologiques témoignent de l'éveil d'un
manifeste pour la reconstitution de la pensée
historique.
Les chercheurs travaillant dans
ce
domaine partent tous
du
postulat que "retrouver l'esprit" est un but tout à fait accessible. Ce
postulat s'apparente à la considération générale que "l'archéologie
est une science culturelle, et que toute adaptation, toute stratégie
sociale doit être comprise comme un élément faisant partie d'un
conteste culturel chargé de sens symbolique" (Hodder, 1982 b :
viii). On a aussi avancé que les études archéologiques qui visent à la
connaissance devraient le faire d'un œil
particulariste plutôt
que
généraliste.
peut jamais y avoir de principes généraux utilisables
prévoir les rapports directs entre culture matérielle et
comportement social, parce que dans chaque contexte
particulier les principes généraux et les tendances générales
de l'intégration de la croyance et de l'action font chaque fois
l'objet d'un arrangement différent selon des voies particu¬
lières en tant qu'éléments des stratégies et des desseins des
individus et des groupes. Le "tout" est particulier, il dépend
du contexte" (Hodder, 1982 a : 217).
"11
ne
pour
Cet article analyse un sujet étroitement limité d'enquête sur les
pétroglyphes de tortues aux îles Marquises, s'inscrivant dans le
large contexte de la culture polynésienne. Mon intérêt pour la
Société des
Études
Océaniennes
1614
signification profonde de motifs de tortues a pour origine la
découverte d'un remarquable site de pétroglyphes (fig. 1) à Nuku
Hiva.
Les huit tortues
comprises parmi les figures qui recouvrent
presqu'entièrement la face décorée du rocher sont intéressantes
non seulement pour être les premiers exemplaires de ce genre
de
motif qui est répandu dans la Polynésie mais aussi parce qu'elles
paraissent avoir été délibérément disposées en groupes et exécutées
d'une manière qui montre son appartenance à des modèles
stylistiques aisément reconnaissables (1).
On connaît bien les pétroglyphes de tortues des îles de la
Société et d'autres îles de la Polynésie orientale, de sorte que la
découverte du même type de pétroglyphes aux Marquises ouvrait
une voie prometteuse à la recherche
comparée.
La décision de centrer ce travail sur les seuls pétroglyphes de
tortues n'a pas été prise à cause de quelque a priori que ce soit,
accordant moins d'importance aux autres pétroglyphes, mais
plutôt parce que les motifs de tortues sont des créations aisément
identifiables et que la documentation ethnographique sur la valeur
des tortues dans les cultures polynésiennes fournirait un point de
départ commode pour une recherche sur la signification de ces
motifs.
En nous concentrant sur ce thème, nous tentons de démontrer
l'utilité de l'analyse de pétroglyphes dans le large cadre de données
ethnographiques et archéologiques. Cet abord de la recherche
permet à l'enquête de pénétrer la signification possible des sujets
iconographiques, en passant par la reconstitution de leur contexte
original. Mais, alors que cette méthode est séduisante dans les cas
où il n'existe pas d'archives textuelles pour expliquer le contexte
d'un message iconographique, elle présente un inconvénient de
taille, d'ailleurs signalé par l'un de ses principaux défenseurs (A.
Leroi-Gourhan, 1975 : 49).
La nature de la documentation archéologique de la plus
grande partie du monde est telle que l'interprétation icono¬
graphique de l'art préhistorique par inférence ethnographique a été
explorée plus à fond en théorie qu'en pratique. Dans le Pacifique
cependant on a une continuité frappante entre les cultures
préhistoriques et les cultures ethnographiquement documentées. Et
pourtant, malgré la richesse de documentation portant sur les
cultures océaniennes à la période des premiers contacts, on a fort
(I) Suggs (1961
:
145, 147) signale avoir trouvé des pétroglyphes de tortues dans l'île de
Nuku Hiva à Ha'atuatua
et
à Hatiheu mais
Société des
Études
ces
motifs n'ont pas été relevés.
Océaniennes
1615
peu essayé d'étudier le matériel iconographique de cette région, sur
la proposition d'hypothèses reposant sur la connaissance ethno¬
logique. Qui plus est, la plupart des enquêteurs qui ont fait usage
ethnologique se sont limités à l'information
donnée par des informateurs indigènes à qui on avait demandé
d'expliquer le sens de tel motif spécifique (Cox et Stasack, 1970 :
67-68, Ellis, 1917 : 346). L'usage ainsi restreint de documentation
ethnologique est d'un potentiel limité, car des références à des
pétroglyphes spécifiques sont extrêmement rares.
La plupart des études sur des pétroglyphes océaniens ont été
réalisées avec comme objectif essentiel la compilation d'un
inventaire des motifs (Lavachery 1938, Linton 1925, Emory 1933,
Cox et Stasack 1970, Frimigacci et Monnin 1980). Ces inventaires
de pétroglyphes ont été d'un intérêt considérable pour les
chercheurs qui ont comparé ces motifs et ceux relevés sur le
mobilier et les tatouages, pour tenter de définir des parentés
iconographiques entre différentes îles et les formes de l'art (cf.
Handy, 1938). Cependant la contribution des études de pétro¬
glyphes à ce genre de recherches a été relativement mineure et le
principal mérite de ce travail comparatif est qu'il a mis en évidence
des rapports solides entre les motifs du mobilier et du tatouage (cf.
Von den Steinen 1928, Begouen 1928).
de documentation
Le travail récent de Frimigacci et Monnin (1980) en NouvelleCalédonie est un bon exemple de la contribution qui peut être faite
des études de pétroglyphes orientées vers l'inventaire. En
analysant la distribution des motifs dans l'espace, ces auteurs ont
pu identifier des associations qui sont caractéristiques des
différentes régions géographiques. Ces associations caractéris¬
tiques distinguent effectivement certaines régions et il a été suggéré
qu'elles reflètent peut-être des sous-groupements culturels
(Frimigacci & Monnin, 1980 : 52).
L'étude spatiale de l'art rupestre, méthode dont LeroiGourhan a été le pionnier dans son étude sur l'art pariétal
paléolithique, est séduisante parce qu'elle produit d'abord un
"catalogue raisonné" des motifs et maintient ensuite une
distinction fondamentale entre représentation et signification.
par
La forme et
l'espace
Afin de classer les pétroglyphes du rocher du site de la
Hatiheu de l'île de Nuku Hiva (fig. 1), j'ai adopté un système
vallée
utilisé
par Leroi-Gourhan (1982) dans l'étude de l'art pariétal paléo¬
lithique. C'est une classification morphologique qui comprend
quatre niveaux successifs, ou états figuratifs, sans impliquer de
direction dans laquelle les changements d'un état à l'autre se sont
Société des
Études
Océaniennes
1616
Société des
Études
Océaniennes
1617
produits. L'un des problèmes rencontrés dans l'ancienne recherche
sur l'art décoratif
polynésien, était que les rapports entre motifs
étaient interprétés d'une manière évolutionniste, bien qu'il n'y eut
pas de preuves d'une telle évolution. Avec Leroi-Gourhan, les états
figuratifs varient du géométrique pur composé de signes nonfiguratifs, au figuratif analytique qui tend vers une expression
naturaliste.
Les figures géométriques pures sont des signes qui, à la
différence des éléments des autres états figuratifs, ne peuvent pas
être identifiés sans information de sources orales ou écrites.
Les figures géométriques pures du site de Hatiheu com¬
prennent des croix, des quadrilatères, des cercles et des arcs.
L'intérêt d'identifier des signes comme catégorie séparée est que
l'étude des associations répétées entre signes et autres motifs peut
éventuellement révéler des rapports statistiquement significatifs,
comme cela fut le cas dans l'art pariétal paléolithique.
une telle étude de l'art rupestre océanien
possible à l'heure actuelle, car la plupart des sites connus
qu'incomplètement relevés et pas assez d'attention n'a été
accordée aux associations spatiales des motifs.
Les éléments figuratifs géométriques sont aussi des signes,
mais à la différence des éléments géométriques purs, le sujet qu'ils
représentent est relativement identifiable. Ces éléments sont en
général des formes géométrisées de représentations animales ou
humaines, que l'on retrouve ailleurs représentées sous une forme
plus naturaliste.
Le figuratif synthétique est un stade intermédiaire entre le
figuratif géométrique qui tend vers des expressions non-figuratives,
et le figuratif analytique qui offre des portraits d'animaux avec une
relative précision de leur morphologie naturelle.
Les éléments figuratifs synthétiques expriment l'essentiel de la
forme, mais sans le détail du figuratif analytique. Les représen¬
tations animales du rocher de Hatiheu sont des motifs figuratifs
synthétiques.
On y compte trois types de tortues, deux poissons, un animal
surnaturel non identifié et un volatil de brousse (fig. 1). Le grand
poisson sculpté en bas relief et qui domine les autres animaux est
directement identifiable, comme un coryphène ou mahi-mahi.
Malheureusement
n'est pas
n'ont été
de tortues se distinguent par la forme de leur
leurs nageoires et la présence ou l'absence
de leur carapace. Celles qui possèdent une
ligne dorsale ont la carapace pointue, et les nageoires antérieures
plus développées que celles de derrière (tableau 1 : 6a). Les trois de
Les types
carapace, la taille de
d'une ligne en travers
Société des
Études Océaniennes
1618
ce
type se distinguent des 4 autres,
qui ont aussi la
carapace
par l'absence de ligne dorsale et une moindre différen¬
ciation des nageoires antérieures et postérieures (tableau 1 : 6b). Le
troisième type représenté par un spécimen situé bien à l'écart du
pointue,
des autres tortues, une carapace de forme ovale et des
nageoires de dimensions presque égales (tableau 1 : 6c). Les motifs
de tortues peuvent être classées par leur degré d'exactitude visuelle.
Les formes s'écartent des motifs, les plus exacts morphologi¬
quement, selon deux modes :
1) par géométrisation aboutissant à la stylisation
2) par abréviation aboutissant à des figures simples avec un
nombre minimum de lignes.
groupe
Société des
Études
Océaniennes
1619
La
dimorphie sexuelle est peut-être responsable d'une partie
de la variabilité entre motifs.
Les tortues à longue queue sont
probablement des mâles. La différenciation basée sur ce critère est
particulièrement marquée dans les motifs des Fidji, de Hawaii et de
Bora Bora. A la comparaison des motifs de tortues de Hatiheu
avec ceux d'autres sites océaniens, un certain nombre de tendances
stylistiques deviennent apparentes. Les motifs de Hatiheu sont des
formes abrégées qui expriment les traits essentiels de la morpho¬
logie naturelle en utilisant un nombre minimal de lignes. Par
contre, deux motifs de l'île de Pâques (tableau 1 : la, lb)
approchent de l'exactitude visuelle, mais les autres silhouettes de
tortues présentées dans le tableau 1, sont des formes géométrisées
Légendes du tableau I
la
-
lb
-
le
-
Id
-
2a
-
2b
2c
-
-
2d
-
2e
-
2f
3a
3b
3c
-
-
-
-
3d
-
4a
-
4b
4c
4d
-
-
-
4e
-
4f
-
4g
-
5a
-
5b
-
5c
-
6a
-
6b
-
6c
-
7a
-
7b
-
8a
-
8b
-
9a
-
Société des
Coulée de lave
(Lavachery 1939, fig. 19)
(Lavachery 1939, fig. 185)
Coulée de lave (Lavachery 1939, fig. 171)
papa (F. Lee, Communication personnelle)
marae Tainu'u (Emory 1933, fig.
132a)
paepae de chef (Emory 1933, fig. 132c)
paepae de chef (Emory 1933, fig. 132a)
marae Tainu'u (Emory 1933, fig.
132g)
marae Tainu'u (Emory 1933, fig.
132b)
marae Tainu'u (Emory 1933, fig.
1320
marae Rauhuru (Emory 1933, fig.
132i)
marae Rauhuru (Emory 1933, fig. 132k)
marae manunu (Emory 1933, fig. 132d)
marae anini (Emory 1933, fig. 132m)
rocher (Emory 1933, fig. 131b)
rocher (d'après photo de l'auteur)
rocher (d'après photo de l'auteur)
rocher (Emory 1933, fig. 131c)
rocher (Emory 1933, fig. 131a)
marae Fare opu (Emory 1933, fig.
131e)
marae Fare opu (Emory 1933, fig. 131 d)
lave tubulaire (Cleghorn 1980)
(Cox & Stasack 1970 : 19)
(Cox & Stasack 1970 : 61)
rocher (d'après photo de l'auteur)
rocher (d'après photo de l'auteur)
rocher (d'après photo de l'auteur)
abri en pierre (O'Reilly 1954, fig. A)
abri en pierre (O'Reilly 1954, fig. A)
Frimigacci & Monnin (1980, fig. 43)
Frimigacci & Monnin (1980, fig. 124)
rocher (Brown 1925 : 100)
Coulée de lave
Études Océaniennes
1620
abrégées à divers degrés de développement. Les motifs de
des Iles de la Société offrent une plus grande diversité,
depuis ceux qui présentent certains éléments naturalistes (tableau
1 : 2a, 2b, 3a, 3b) jusqu'à ceux qui sont abrégés (tableau 1 : 2e, 2f,
3d, 4g) et géométrisés (tableau 1 : 2b-d, 3b, 3c, 4a-f)et
tortues
Le tableau 1
présente les principaux types de tous les motifs de
Pacifique. Ils ont été relevés essentiellement en
Polynésie orientale ; les exemples issus des Fidji, de NouvelleCalédonie, et du Vanuatu étant plus rares.
En l'absence de chiffres qui permettraient de mesurer les
fréquences relatives des différents motifs, nous sommes contraints
de nous en remettre à des observations non-systématiques pour
nous faire une idée de la distribution géographique.
tortues des îles du
DISTRIBUTION DU "TAPU"
SUR LA CONSOMMATION DE TORTUE DANS
*
L'OCÉANIE
Hawaii
* Futuna
«Uvea
*
Marquises
Samoa
Tahiti
*
Fidji
JÉL
*
«Tuamotu
*
Iles
Loyauté *
*
Mangareva
* lies Cook
♦ Ile de
Pâques
Emory (1933) a remarqué que les motifs de tortues étaient les
plus fréquemment rencontrés aux îles de la Société. Dans la
plupart des autres îles, les motifs de tortues comptent parmi les
plus rares. Dans les endroits où ils sont rares, les motifs sont
généralement isolés, alors que dans les îles de la Société et à Nuku
Hiva, on les trouve souvent concentrés de façon similaire au
groupement caractéristique de Hatiheu.
Le tableau I met
en
lumière
un
certain nombre de tendances
stylistiques. D'abord il y a des similitudes sensibles entre les motifs
abrégés des îles de la Société, des Marquises, de Hawaii et de
Nouvelle-Calédonie. Ceux des Fidji et du Vanuatu, sont quelque
peu différentes des autres formes abrégées.
Société des
Études
Océaniennes
1621
et
En outre il y a une tradition vigoureuse aux îles de la Société
à l'île de Pâques qui concerne des dessins à stylisation
géométrique. Les figures stylisées font preuve d'une grande fidélité
aux traditions esthétiques établies, car certaines de leurs formes
géométrisées caractéristiques ont été relevées sur de multiples sites
de la même île. Un bon exemple en est la figure 4 du tableau 1 qui
est un motif éminemment représenté sur le site "Ofai honu" de
Emory ( 1933), de même qu'à un autre site voisin relevé par l'auteur
en 1981. Il est également intéressant de noter que les figures 4b, 4d,
4c du tableau décrivent les nageoires antérieures comme partant de
la tête ce qui est un trait caractéristique des motifs fidjiens. Aux
Marquises, où les tortues, comme d'autres figures artistiques en
pierre, sont décrites sous forme abrégée, on trouve des motifs
analytiques de tortues dans le mobilier, et une forme hautement
géométrisée était largement employée dans les tatouages.
Contexte culturel
Le rocher de Hatiheu est situé dans l'intérieur de la vallée, sur
portion supérieure d'une série de terrasses
pavées. Une plateforme mégalithique, se dresse au bas des
terrasses ; elle est remarquable par sa maçonnerie élaborée et par
un très ancien figuier des banians, qui pousse dans un angle.
Si l'on en juge par les dimensions de la plate-forme, par la
proximité du terrain des cérémonies en terrasse (tohua), par la
qualité de la maçonnerie en pierres sèches et par la présence du
banian, cette structure en pierre semblerait être un mea'e, point
central des cérémonies religieuses marquisiennes (2).
une
pente proche de la
Bien qu'il soit difficile de faire la distinction entre mea'e
marquisien et plate-forme d'habitation d'après la seule maçon¬
nerie, on constate en général une dimension plus importante et une
construction plus élaborée pour les mea'e que pour les platesformes d'habitations (Linton, 1925 : 34). On a certains indices
d'indication fonctionnelle entre deux types de mea'e : ceux qui
étaient réservés essentiellement aux cérémonies et ceux qui étaient
le théâtre de cérémonies plus variées, mais généralement de
moindre importance que les rites mortuaires. Les mea'e mortuaires
sont presque tous situés dans les parties retirées des hautes vallées
(Linton, 1925 : 33), tandis que les mea'e publics se trouvent
habituellement dans le voisinage des zones résidentielles et surtout
près des croisés des grands chemins (Gracia, 1843 : 59). Les
archives missionnaires donnent une liste de treize mea'e à Hatiheu.
(2) Différents termes : mea'e et aim étaient utilisés dans le même sens dans différentes
parties des Marquises. Dans cet article on a suivi Linton ( 1925 : 31 ) et afin d'éviter toute
confusion, on a utilisé le terme mea'e pour désigner généralement tous les sites de cette
nature.
Société des
Études
Océaniennes
1622
Ce
site est très probablement le mea'e te Ipoka dédié
Tevanauaua, le dieu qui accorde la victoire (MsCMI : 14).
à
Von den Steinen a visité Mea'e te Ipoka, à la fin du 19ème, et a
identifié le site comme la résidence traditionnelle du taua, ou prêtre
inspiré de Hatiheu (1928 : aY). Les taua marquisiens se distin¬
guaient du reste de la population par leur aptitude notoire à
communiquer directement avec les déités (atua) dont les marqui¬
siens considéraient le plus grand nombre comme les
esprits des
défauts taua et chefs (hakaiki). Le terme marquisien pour déité,
atua, s'appliquait aussi à certains taua qui atteignaient le statut
divin dans le cours de leur vie, mais le nombre de taua à atteindre
ce
rang n'était probablement que d'un ou deux par île (VincendonDumoulin, 1843 : 226). Tous les autres taua étaient élevés à leur
nouveau statut divin après la mort, au cours d'une série de
cérémonies marquées par de nombreux sacrifices humains.
Aux Atua était attribué un pouvoir
surnaturel sur les
éléments, celui de donner de riches récoltes ou de rendre la terre
stérile, ou d'infliger la maladie et la mort à leur gré. Moins
puissants que les atua, mais très proches d'eux, les taua possédaient
le pouvoir de déterminer la cause des calamités qui frappaient la
population et de prévoir le danger (Vincendon-Dumoulin, 1843 :
227). Le lien spirituel entra taua et le atua se manifestait par des
transes où se plongeait le taua et au cours desquelles il
paraissait
possédé par le atua, dont soit il s'emparait en le capturant dans ses
mains soit il devenait habité en son corps même (Gracia, 1843 : 46).
Le taua prononçait des oracles pendant ses transes,
qui se
produisaient toujours sur le mea'e, en transmettant les informa¬
tions que lui communiquait le atua d'une voix artificielle, aigùe,
produite à la manière d'un ventriloque. Les oracles proférés par le
réclamaient souvent des victimes humaines ou des offrandes
de nourriture à apporter sur le mea'e afin de satisfaire les désirs des
taua
De tels ordres recevaient l'appui de l'autorité des hakaiki
qui
étaient considérés comme les descendants directs de certains atua,
atua.
qui parfois étaient eux-mêmes également taua (Gracia, 1843 :
47). Les descriptions de mea'e aux Marquises que nous ont laissées
les voyageurs au début du 19ème siècle brossent des
images
frappantes de ces sites et des économies qui s'y déroulaient. Les
représentations anthropomorphes de pierre et de bois, dont
certaines dépassaient deux mètres de haut, semblent avoir été un
trait quasi universel des mea'e mortuaires de Nuku Hiva (Tautain,
1897 : 669) et apparaissaient aussi, bien
que communément sur les
mea'e publics. Ces images connues sous le nom de tiki,
étaient
toutes sculptées dans un
style extrêmement conventionnel et
pourtant semblent avoir représenté divers atua différents, et
et
Société des
Études
Océaniennes
1623
hakaiki et taua déifiés
constructions à toits pointus,
surtout des
(Tautain, 1897 : 673, 677). Des
comparées par les premiers
à des obélisques, étaient également un trait caracté¬
ristiques des mea'e mortuaires (Porter, 1892 : 110). Ces structures
connues sous le nom de ha'e tua (maison pointue) étaient le
domaine du taua et étaient dédiées aux dieux tutélaires tribaux qui,
croyaient-on, venaient souvent les habiter (Handy, 1923 : 49). Les
ha'e tua et les arbres du voisinage du mea'e étaient drapés de
banderoles de tissu d'écorce blanc qui signalaient l'ensemble
comme une enceinte tapu. Voici le récit que Porter fait d'une visite
voyageurs
à
un
mea'e
:
obélisques ont environ 35 pieds de haut, et autour de
suspendues des têtes de porcs et de tortues
que l'on m'a dit être des offrandes à leurs dieux. A droite de
cette futaie, à la distance de quelques pas, étaient quatre
magnifiques pirogues de guerre, équipées chacune de son
balancier, et décorées d'ornements en cheveux humains,
coquillages, etc, avec une abondance de banderoles
blanches. Leurs proues étaient tournées vers la montagne et
à l'arrière de chacune était figuré un homme avec une
pagaie, en grande tenue ornée de plumes, avec des boucles
d'oreilles faites pour représenter celles que l'on réalise en
ivoire de cachalot, et tous les autres ornements à la mode du
"Les
leur base étaient
pays.
L'une des
pirogues était encore plus magnifique que les
plus près de la futaie. Je demandai qui pouvait
bien être le digne personnage assis à l'arrière, et je fus
informé que c'était là le prêtre qui avait été tué, pas
longtemps auparavant, par les Happaks. La puanteur en ce
lieu était intolérable à cause du nombre des offrandes qui
avaient été faites, mais poussé par la curiosité, je m'appro¬
chai pour examiner les pirogues plus en détail et découvris
les corps de deux des Typees que nous avions tués, tout
boursouflés, dans le fond de la pirogue du prêtre et quantité
d'autres quartiers humains, la chair encore sur les os,
répandus dans toute la pirogue".
(Porter, 1822 : 110-116.)
autres et
description de Porter nous est précieuse parce qu'elle
comme ayant une importance en rapport avec la
mort récente d'un prêtre ou taua. Il est particulièrement intéressant
de noter que des têtes de tortues étaient suspendues à l'entour de la
La
identifie le mea'e
base du ha'e
tua ou
mea'e. Selon toute vraisemblance c'étaient des
têtes de tortues vertes
(Chelonia mydas). Bien
Société des
Études Océaniennes
que
la tortue
1625
imbriquée (Eretmochelys imbricata) ait été
recherchée pour son
écaille utilisée dans la confection d'ornements,
c'est la tortue verte
qui semble avoir été considérée avec une certaine valeur religieuse.
Une indication portée sur la haute estime portée à la tortue
verte nous est donnée par le fait, qu'après que l'influence
chrétienne aux Marquises ait prévalu contre l'usage rituel des
qui leur fut
de la valeur
religieuse rituelle des tortues nous sont donnés dans un mythe
rapporté par Handy (1930 : 35). Dans cette légende, deux hommes
entreprennent de construire une plate-forme surélevée en pierres
(paepae) pour commémorer la mort d'un proche parent. A
l'approche de la finition de leur ouvrage, ces hommes partent pour
une pêche spéciale, afin de capturer des tortues pour les utiliser lors
victimes humaines, c'est la tortue verte ou honu,
substituée (Jardin, 1862 : 74). D'autres indices
des cérémonies associées à
l'achèvement de l'édifice. Quand le
fut achevé et que les cérémonies concernant les tortues
été célébrées, l'esprit du parent honoré, qui errait encore
jusque là dans le monde, fit son passage final dans l'au-delà. La
paepae
eussent
référence à dés tortues en rapport avec une cérémonie commémorative semble reliée à la pratique marquisienne de célébrer des
cérémonies mortuaires. Un festin en était une partie importante, de
l'offrande rituelle de nourriture du atua, que l'on croyait
responsable de l'assistance aux esprits des morts (Handy, 1923 :
même que
217).
commémoratives
Selon Gracia (1843 : 117) les cérémonies
se
déroulaient un mois lunaire après la mort, puis à nouveau après
dix mois lunaires. Les offrandes étaient jugées essentielles pour
assurer un heureux passage de l'esprit à son lieu de repos
dans
l'au-delà. Ceci est bien
illustré par la réponse faite
final
à Porter à ses
guerriers ennemis
de récentes
morts
sur la raison pour laquelle les
avaient été placés dans la pirogue d'un taua tué dans
hostilités avec la vallée voisine. Porter put apprendre par le
truchement de son interprète que le taua était en route pour l'audelà et qu'un "équipage" de dix guerriers
questions
ennemis était nécessaire
l'y conduire à la pagaie ( 1822 :
remarqué que de sept à dix sacrifices
pour
111). Gracia ( 1843 : 45) a aussi
humains étaient généralement
nécessaires pour élever l'esprit d'un taua au statut de atua. La
description du passage du taua dans l'au-delà comme un voyage en
pirogue, est une métaphore appropriée car la déification du taua
après sa mort entraînait essentiellement une transition de la terre à
l'au-delà, dont les antipodes étaient considérées comme le lieu de
séjour des atua. Ainsi donc les offrandes de tortues faites en
rapport avec la cérémonie commémorative citée dans la légende, de
même que les victimes humaines placées dans la pirogue du taua,
Société des
Études
Océaniennes
1626
peuvent être considérées comme répondant au besoin d'effectuer
une transition, de réussir un
passage dans le sens de déplacement
physique réel, de ce monde dans l'autre.
En plus de leur valeur en rapport avec les cérémonies commémoratives, les tortues étaient aussi importantes dans d'autres rites
religieux. Les archives de la Mission catholique indiquent que les
occasions pour lesquelles des victimes humaines ou des offrandes
de nourriture étaient déposées sur le mea'e
comprenaient les
cérémonies destinées à remporter la victoire à la guerre (CM 11
42), à faire venir la pluie (CM 11 38) et à obtenir l'aide des dieux
pour se venger d'un ennemi qui pour une raison ou une autre se
trouvait hors d'atteinte (CM 11 44). Certaines
espèces de la flore et
de la faune marquisienne étaient considérés comme offrandes
particulièrement dignes des dieux et avaient été rendus tapu. La
liste de Delmas (1927) de plantes et animaux tapu
dans chaque
vallée de Nuku Hiva démontre le haut
degré de variabilité d'une
vallée à l'autre et renforce la conclusion que l'imposition d'un
tapu,
qu'il soit provisoire ou définitif était entièrement à la discrétion
d'un taua agissant de sa seule autorité
(Handy, 1923 : 259, - Gracia,
1843 : 52). Le tapu sur la tortue verte semble avoir été le
plus fort et
le plus culturellement enraciné. Dans le
rapport missionnaire de
William Crook au 18ème siècle (nd : 55) et dans l'histoire naturelle
des Marquises de Jardin (1862 : 74) la tortue est donnée comme
étant réservée à la consommation des seuls
personnages de haut
rang. Une autre source déclare que la tortue "était dédiée aux
Dieux" (CM 1 14). Toutefois ces déclarations sont si
générales
qu'elles sont insuffisantes pour réléver la pleine mesure dans
laquelle le comportement marquisien à l'égard d'une espèce
particulière était affectée par le fait qu'elle était tapu. Ce
renseignement peut se déduire uniquement de l'examen d'un cas
spécifique, dans lequel le comportement à l'égard d'une espèce tapu
est documenté d'une manière
précise. Bien qu'il n'y ait nulle
mention dans les écrits d'un cas spécifique concernant la tortue, on
peut tirer de précieuses déductions de l'examen d'un événement
intéressant que rapporte Gracia (1843 : 53-54) et qui concerne le
comportement à l'égard d'un cochon rouge, considéré comme
faisant partie des animaux les plus
tapu à Taiohae, siège de la
Mission catholique à Nuku Hiva. Ayant acheté le cochon, Gracia
fut surpris de la façon
brutale dont son domestique marquisien
entreprit de le conduire chez lui. Pourtant, en dépit de la brutalité
abusive dont il avait fait montrer pour ramener le
cochon, ce jeune
homme repoussa avec épouvante la
suggestion de le tuer. Après
que le porc eut été abattu et débité, le garçon consentit
cependant,
à en faire cuire une
partie pour les missionnaires, mais refusa de
Société des
Études
Océaniennes
1627
manger lui-même un seul morceau de viande et même des légumes
cuits dans la même marmite. Par contre, le jeune marquisien prit
portion séparée de viande crue et alluma un autre feu pour se
préparer son propre repas, en prenant bien soin d'utiliser des
ustensiles différents, de ceux déjà utilisés pour préparer la
une
nourriture des missionnaires.
De l'anecdote
rapportée
nombre de conclusions
l'alimentation
par Gracia, on peut tirer un certain
la force culturelle des tapu de
sur
marquisienne.
Tout d'abord il semble que
le fait qu'une nourriture soit tapu
n'interdisait pas nécessairement d'en manger, à tout le monde, en
dehors des personnages de haut rang, tels que taua, hakaiki ou
missionnaires chrétiens. En effet des individus de rang inférieur
comme le jeune homme du récit de Gracia, avaient permission de
manger de la viande d'un animal tapu, à condition qu'ils prennent
des parts cuites et servies séparément de celles apprêtées pour les
de rang supérieur. Dans ce contexte, il est possible
les restes des festins qui se déroulaient sur le mea'e aient été
suspendus aux murs des ha'e tua, et accrochés aux branches des
arbres de l'enceinte religieuse, parce que cette nourriture était tapu
pour tout le monde en dehors des participants à la cérémonie. En
outre il semble que les participants n'étaient soumis à l'influence du
tapu que pendant la durée de la cérémonie (Porter, 1822 : 115, au
sujet de tapu provisoires associés à certaines cérémonies). Enfin
bien que les gens de rang inférieur, n'aient apparemment pas eu le
droit de tuer un animal tapu, tout autre comportement à l'égard de
l'animal était moins strictement contrôlé, comme le montrent les
mauvais traitements infligés au cochon de Gracia.
personnages
que
Des
témoignages directs pour vérifier la validité de ces
conclusions, éventuellement valables pour un comportement
similaire à l'égard des tortues, ne se trouvent qu'à propos de la
pêche, en vue de capturer les tortues destinées aux cérémonies et les
pêcheurs étaient tapu, aussi bien durant la cérémonie que pendant
l'expédition de pêche qui suivait. Porter a assisté à une cérémonie
de mea'e, dont il a appris qu'elle se rapportait à la réussite de la
chasse à la tortue
:
"J'ai vu Gattanewa avec tous ses fils et beaucoup d'autres,
assis ensemble pendant des heures à battre des mains et à
chanter devant une quantité de petits dieux de bois,
disposés dans de petites maisons bâties pour la circonstance
et
décorés de bandes de tissu. Ces maisons étaient
comme
qu'un enfant aurait pû faire, d'environ deux pieds de
long, et d'un pied et demi de haut (60 cms x 45 cms) et il n'y
celles
Société des
Études
Océaniennes
1628
avait pas
moins de dix ou douze, toutes groupées comme
petit village. A côté de celles-ci étaient plusieurs
pirogues, garnies de leurs pagaies, filets, harpons et autres
appareils de pêche, et autour de l'ensemble, une ligne avait
été tirée pour montrer que le lien était tabu. A l'intérieur de
cette ligne se trouvaient Gattanewa et les autres, tels des
enfants attardés, chantant et battant des mains, et parfois se
mettant à rire et à bavarder, et ne paraissant pas plus
accorder d'attention à la cérémonie... Je m'enquis de la
cause de cette cérémonie
auprès de Gattanewa ; il me dit
qu'il allait attraper des tortues pour les dieux et qu'il devait
prier ceux-ci plusieurs jours et plusieurs nuits pour réussir,
et pendant tout ce temps il serait tabou et redouterait
d'entrer dans une maison fréquentée par les femmes".
(Porter, 1822 : 115).
en
un
Edward Robarts, aventurier des Mers du Sud au début du
19ème siècle, a aussi parlé du tapu porté par les hommes
qui
chassaient la tortue, faisant la remarque que lui et un hakaiki qu'il
accompagnait n'étaient
recherche des tortues de
pas autorisés "durant
rendre chez les femmes"
se
le temps de la
(Dening, 1974
;
251).
Comparaison inter-culturelle
Les cultures polynésiennes partagent un fonds commun de
traditions ancestrales qui rendent la méthode comparative riche et
fertile pour le chercheur qui s'y engage. La
comparaison par
inter-insulaires de la valeur culturelle des tortues en
Polynésie est utile pour démontrer que l'importance religieuse des
tortues qui a été observée aux
Marquises est liée à des concepts
profondément enracinés dans la culture ancestrale polynésienne.
Les données comparatives peuvent aussi servir de base à des
déductions concernant des aspects de la culture marquisienne
pour
lesquels manque une documentation adéquate.
Les tortues jouaient un rôle central dans certaines cérémonies
célébrées sur des sites religieux des îles Tuamotu de
Polynésie
oriental. Selon un missionnaire catholique (Montiton, 1874 : 378379) qui a assité à ces cérémonies au milieu du 19ème siècle, les
tortues étaient décapitées et vidées de leurs viscères sur les
marae,
puis mises à cuire dans des fours spéciaux et mangées par les
officiants de la cérémonie et leurs assistants. Après ce
premier
service, la viande de tortue était partagée et distribuée aux autres
groupes
hommes.de la communauté, mais semble-t-il, ni aux femmes ni
enfants. Dans l'île de Polynésie centrale de
aventurier, Lamont, participa à
Société des
Tongareva,
une
Études
cérémonie de
Océaniennes
marae,
aux
un
qui
1629
comprenait un festin de tortue (Lamont, 1867 : 182-183). La tortue
était décapitée et vidée sur le marae, puis mise à cuire dans un four
contigu au marae et ensuite portée à la place de réunion de la
communauté où elle fut servie à Lamont et à trois chefs. Entouré
de spectateurs qui le complimentaient sur sa
générosité quand il partageait des morceaux de chair avec eux,
Lamont voulut en lancer un peu aux épouses des chefs. Mais à sa
grande surprise, celles-ci reculèrent terrifiées et crièrent "Huia
atua" (défendu). Lamont remarqua qu'après la cérémonie, il fut
traité avec un respect accru dans la communauté et qu'on lui
accorda le plus haut rang social, celui de ariki. (Voir Buck, 1932 :
91-92, pour l'analyse du récit de Lamont).
La pratique de cérémonies analogues comprenant un festin de
tortues dans les îles de la Société et les îles Cook est suggérée par
l'observation du rapport missionnaire de John Williams :
par un groupe
"La
tortue
Tahitiens
était
comme
considérée par les Rarotongiens et les
sacrée. Un morceau de chaque tortue
capturée était offert aux dieux, et le reste était cuit au feu
sacré et partagé entre le roi et les principaux chefs
uniquement.
(Williams, 1838 : 429).
La vaste
répartition géographique des cérémonies à tortues
supplémentaire dans les notes ethnogra¬
phiques rassemblées par Kirch et Rosendhal (1973 : 26) et qui
identifient un marae situé dans le voisinage immédiat du principal
marae pré-chrétien comme étant un site où tortues et dauphins
étaient cuits et mangés dans des cérémonies religieuses. Les
rapports concernant l'importance culturelle des tortues dans les
autres groupes d'îles sont moins spécifiques et ne parlent
généralement que des tapu qui les entouraient et qui en restrei¬
gnaient la consommation par les individus autres que les
personnages de premier rang.
Un chef de Rarotonga dont le portrait figure en frontispice du
trouve
une
confirmation
récit de Williams avait des motifs de tortue tatoués sur les genoux,
alors que le reste de ses tatouages était des motifs géométriques.
Williams (1838 : 463) identifiait ce chef comme Tepo et déclarait
conséquence de la mort
comparative recoupant
plusieurs cultures revèle également qu'on a constaté des associa¬
tions archéologiques entre pétroglyphes de tortues et sites ayant
une importance religieuse, non seulement aux Marquises, mais
aussi aux îles de la Société et à l'île de Pâques.
que les tatouages avaient été exécutés "en
de son neuvième enfant". La recherche
Société des
Études
Océaniennes
1630
en
Les associations entre pétroglyphes de tortues
pierre sont de deux types :
et les structures
1) le
cas où l'on trouve des motifs de tortues gravés sur des
pierres
utilisées dans la construction de murs extérieurs de marae et de
plates-formes surélevées
ou
paepae
dont
on
des résidences de l'élite.
2) le
sait qu'elles étaient
où les motifs de tortues sont gravés sur des rochers situés
proximité de structures en pierres surélevées ayant une
importance religieuse. C'est le premier des deux cas qui, de loin,
cas
à
se
retrouve le
plus fréquemment.
Les motifs de tortues associés avec des marae aux îles de la
Société sont gravés sur les blocs de calcaire taillés en
plaques qui
forment le mur de façade du ahu, longue structure étroite
qui était
le point central du marae au cours des cérémonies. Bien
que Emory
(1933) ait découvert des pétroglyphes de tortues dans seulement 5
des 114 marae qu'il a relevés aux Iles sous le Vent, trois de ces
(Manunu, Anini, Tainuu) sont parmi les plus grands de
marae Tainuu de Tevaitoa, à Raiatea, est le plus
grand de tous, avec 163 pieds de long et 20 pieds de large (environ
49 m et 6 m). Des motifs de tortues sont
gravés sur deux des pierres
de façade du marae Tainuu (tableau 1 : 2a,
2d-f) et sur la pierre
d'angle basaltique d'un paepae voisin qu'Emory a relevé comme
résidence du chef de Tevaitoa (1933 : 154). Les marae Manunu et
Anini sont d'un type distinct. Ces deux sites ont une
plate-forme
plus petite construite par-dessus le ahu et de la même manière que
lui, ce qui constitue une caractéristique inconnue sur les autres
marae (Emory, 1933 : 34).
Deux des marae, Manunu et Rauhuru,
sont de Maeva, où les marae de toutes les
principales familles de
Huahine Nui se trouvaient réunies en un
groupe de 25 structures. Il
y a deux sites de gros rochers, à Bora Bora et à Maupiti, avec
d'impressionnants groupes de pétroglyphes de tortues, mais il
semble qu'ils n'aient ni l'un ni l'autre été associés à des structures de
pierres surélevées (Emory, 1933 : 173-175). Des dessins de ces
groupes de pétroglyphes et des renseignements détaillés sur les
marae des Iles sous le Vent, se trouvent dans
l'ouvrage d'Emory,
"Stone Remains in the Society Islands".
marae
l'archipel. Le
A l'île de
sur
une
Pâques,
dalle d'une
un
motif de tortues (tableau 1
importante
:
ld) est gravé
religieuse, le Ahu lhu
Arero (Lavachery, 1939 :
35). D'autres motifs parmi lesquels on
remarque des représentations "d'homme-oiseaux", de pieuvres et
structure
peut-être de baleines
sont associés à la tortue, mais il semble
que ce
site soit bien la seule structure
religieuse de l'île de Pâques, à être
Société des
Études
Océaniennes
1631
directement associée
(Lavachery, 1939
:
avec
les
pétroglyphes de motifs animaux
10).
Interprétation
On sait peu
de choses
sur
en Polynésie, même
sites de pétroglyphes.
pétroglyphes
riches
en
Il y a
deux problèmes qui
pétroglyphes :
la motivation des créateurs de
dans les archipels relativement
se posent pour
l'interprétation des
1) la signification iconographique peut varier aussi bien dans
l'espace que dans le temps
2) la motivation du créateur d'un travail particulier, qu'elle soit de
nature sociale, religieuse ou esthétique, doit être démontrée si
l'on prétend essayer de distinguer entre ces sources d'inspira¬
tion, souvent ici étroitement liées entre elles (Leroi-Gourhan,
1975 : 50). Le premier problème, sur la variabilité de la signifi¬
cation iconographique dans l'espace et dans le temps, soulève la
question de savoir dans quelle mesure les données ethno¬
graphiques tirées des récits de la période des premiers contacts
européens sont valables pour l'interprétation de pétroglyphes
qui, sauf en de rares cas concernant des sujets européens ou
ayant une association directe avec des dépôts culturels datables,
ne peuvent encore
pas être datés.
Un moyen efficace permettant d'établir l'ancienneté de
certains concepts caractéristiques des cultures polynésiennes est de
par comparaison entre groupes insulaires distincts, que
les thèmes sous-jacents remontent à la période d'une tradition
culturelle ancestrale commune. Des concepts remontant à cette
démontrer,
tradition ancestrale, comme par exemple la signification religieuse
des tortues, peuvent alors être utilisées avec assurance pour
proposer des interprétations ethnologiques des pétroglyphes qui
soient ethnologiquement fondées. Il est cependant probable que de
même qu'il y a variabilité, résultant vraisemblablement de périodes
de développement indépendant parmi les concepts polynésiens qui
l'importance culturelle des tortues, de même la
signification iconographique des pétroglyphes de tortues s'est-elle
sans doute aussi développée différemment dans chaque groupe
d'îles. Une documentation plus complète des sites de pétroglyphes
aux Marquises et dans les autres archipels fournira une base plus
concernent
solide à la définition de la nature de cette variabilité
contexte
archéologique.
Société des
Études
Océaniennes
en termes
de
1632
Le second problème, celui de la distinction entre les sources
d'inspiration religieuse, sociale et esthétique est particulièrement
complexe, tant ces sources mêmes étaient étroitement liées entre
elles dans les cultures polynésiennes. Même les observations
directs, dont les récits constituent la base des reconstitutions de
cultures traditionnelles n'étaient pas très clairs sur ces distinctions.
Par exemple Gracia (1843 : 55) écrit que les hommes des
Marquises
se réunissaient
régulièrement au mea'e public en des occasions, qui
comportaient à la fois des cérémonies religieuses et des festins et
que même le festin semblait avoir été considéré comme une sorte
d'acte religieux, parce qu'on y portait la nourriture aux lèvres des
tiki et qu'on attachait les restes inachevés du festin aux murs de la
maison de feuillages construites sur le mea'e. Il n'y avait pas de
frontière clairement définie entre les domaines religieux, social et
esthétique. Au contraire, la culture marquisienne a été caractérisée
par le fait que ces aspects de la culture étaient entrelacés à l'infini et
c'est en gardant cette idée en premier
plan, qu'on pourra le mieux
tenter une interprétation des
pétroglyphes des tortues de Hatiheu.
La
signification des tortues dans les cérémonies religieuses en
rapport avec le traitement des morts, comme le suggère la légende
rapportée par Handy, ainsi que la description de Porter d'un mea'e
mortuaire, semble indiquer une corrélation entre les tortues et le
passage dans l'autre monde. Les Marquisiens croyaient en un
monde inférieur et
un
monde céleste Aki.
Dordillon (1931 : 156) donne les trois niveaux stratifiés du
Hawaiki :
Hawaiki ta uka : supérieur, Hawaiki vaveka
Hawaiki ta ao : inférieur.
La croyance était
chance d'atteindre le
désirable de tous. Si
mortuaires appropriés,
que
les
gens
du
:
commun
intermédiaire
et
avaient peu de
niveau inférieur du Hawaiki, le plus
l'on n'honorait pas le mort des rites
on croyait que son esprit ne pourrait pas
resterait hanter les vivants (Delmas, 1927).
La tortue a peut-être été associée au
Hawaiki, à cause de son
aptitude à plonger à de grandes profondeurs océaniques. Mais plus
important sans doute, est l'aptitude de la tortue à passer des
profondeurs de l'océan à la terre ferme, où elle pond ses œufs.
Dans ce sens métaphorique la tortue était
capable de franchir la
frontière entre deux mondes séparés.
Le taua marquisien était aussi considéré comme
capable de
communiquer entre deux mondes, celui des mortels et celui des
déités. Je suggère donc que la signification
religieuse des tortues
dans la culture marquisienne et dans la culture
polynésienne en
quitter cette terre,
et y
Société des
Études
Océaniennes
1633
une association entre les tortues et la transcen¬
dance des frontières entre les mondes. Les chants des Tuamotu
général, est liée à
relatifs
aux
cérémonies
tortues illustrent
avec
bien le fait que les
Polynésiens considéraient les tortues pour leur aptitude à franchir
frontières. Une de leurs incantations récitées quand on tuait la
ces
tortue
Ka
ma
disait
:
te po,
Koia Tu koia
ka
ma te ao Le monde d'en bas, le monde
haut est libéré de contraintes
Voici Tu, voici
Ragi
po,
Hura tana pu
Ragi
Mata Iki Mata ho
Mata Iki, Mata ho
Tagi i te
d'en
tagi i te
ao
hai katau
Sonnant dans le monde d'en bas, son¬
nant dans le monde d'en haut
e On entend leur conque
à droite
Pour la mort de la victime.
Kia mate
(Emory, 1947 : 75)
oppositions du haut et du bas, du côté mer et du côté terre
incantations faites durant les
cérémonies avec les tortues. Les tortues ont donc pu être
symboliquement associées aux taua parce que, comme leurs
correspondances humaines, elles pouvaient transcender les
Les
sont
des thèmes communs à d'autres
frontières entre les mondes.
De même, en tant que symbole de transcendance entre les
mondes, la tortue peut avoir été considérée comme d'usage
particulièrement approprié dans les cérémonies
commémoratives
mortuaires dont le but était de favoriser le passage d'un esprit
la terre à sa destination finale, à travers les couches stratifiées
l'au-delà.
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Handy's field notes in the Bishop Mus. library. The numbers refer to
Handy's typed pages and probably do not correspond with any
numbers on the original notes. Many of these notes were compiled
Ms CM
and
-
This is
a
published by Delmas (1927) but he didn't include
typescript a valuable resource.
everything,
making Handy's
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POLYNÉSIE FRANÇAISE
RÉPARTITION, CARACTÉRISATION
DES POPULATIONS ET CONSÉQUENCES
DE L'INTRODUCTION DE L'ESCARGOT
PRÉDATEUR EUGLANDINA ROSEA EN 1982-1983
I. Introduction
L'escargot Achatina fulica, ou achatine, est un Mollusque
grande taille, à activité nocturne, et se nourrissant
de végétaux et détritus divers. L'espèce est originaire de l'Est de
l'Afrique. Dès le XlXè siècle, il fut introduit à Madagascar, dans
les îles Mascareignes, les Maldives, l'Inde, Sri Lanka, puis
progressa vers l'Est pour coloniser de nombreuses îles du
Pacifique. Parmi les dernières étapes connues de cette colonisation,
on peut citer la Floride en 1966, la Nouvelle-Calédonie en 1972 et
l'Australia en 1977. Pour plus de détails sur la dispersion de cet
escargot à travers la zone tropicale on se reportera aux ouvrages
très complets de MEAD (1961-1979).
terrestre de très
Polynésie française, l'achatine fut introduite en novembre
présence dans la nature n'a été constatée
que deux ans plus tard en juin 1969 (vallée de Faaa). Depuis cette
date, son expansion a été signalée à Moorea, Huahine, Raiatea,
Tahaa (1973), à Moruroa, Apataki et Hao (1978) et Hiva-Oa aux
Marquises (1979).
Les achatines peuvent provoquer des dégâts considérables sur
les cultures traditionnelles, sur les jeunes plans de reboisement,
ainsi que sur de nombreuses espèces horticoles. Les ravages causés
En
1967 à Tahiti-Faaa. Sa
Société des
Études Océaniennes
1638
par cet escargot sont
parfois spectaculaires et l'impact visuel est
d'importants aggrégats.
Par ailleurs, il peut représenter un
danger pour la santé
humaine car il joue le rôle d'hôte intermédiaire
d'Angiostrongylus
cantonensis, agent de la méningite à éosinophiles. De plus, ses
coquilles amoncelées dans les jardins constituent autant de gites
larvaires pour les moustiques.
Le présent article expose les
résultats de deux missions qui ont
été effectuées en 1982 et 1983 dans les
archipels de la Société et des
Marquises. Ces missions avaient pour objectifs principaux de
préciser la répartition de YAchatina fulica en Polynésie française,
d'évaluer l'abondance de ses populations et des
problèmes posés à
l'agriculture, et enfin d'étudier l'impact de l'escargot prédateur
Euglandina rosea introduit en 1974 sur les populations d'achatines
et d'escargots
locaux.
souvent
II.
en
renforcé par la présence
Répartition de YAchatina fulica en Polynésie française
Aux Tuamotu, la
présence d'Achatina fulica avait été signalée
août 1978 dans trois îles :
Apataki, Hao et Moruroa. Il n'a pas
été possible de le vérifier
par nous-mêmes dans le cadre de
ces
deux
missions. Néanmoins, il apparaît évident
que ces introductions ne
sont
susceptibles d'avoir qu'une portée limitée car les conditions de
milieu régnant sur ces atolls ne sont
pas favorables au dévelop¬
explosif d'importantes populations d'achatines. Dans ce
type d'île, les escargots ne peuvent, en effet, se maintenir
qu'en
pement
Société des
Études
Océaniennes
1639
présence de certaines cultures comme les pastèques ou les tarots.
Nous avons pu ainsi observer de petites populations d'achatines
sur
certains motu d'îles de la Société comme Huahine où sont
pratiquées des cultures de pastèques et de melons et où les
conditions de milieu sont très voisines de celles des atolls. Ces
petites populations étaient toujours fort limitées dans leur
extension et ne semblaient pas poser de problèmes graves aux
agriculteurs.
Aux Gambier et aux Australes, quelques observations
réalisées dans le cadre d'autres recherches en 1981 et 1982, n'ont pu
mettre en évidence la présence d'Achatina fulica.
En
Polynésie française, il apparaît donc que seuls les archipels
Marquises ont été colonisés par les achatines
de la Société et des
(Fig. 1).
1) L'Achatina fulica dans les îles de la Société
En 1982 Achat ina fulica est présent dans 6 îles de la Société :.
Tahiti, Moorea, Huahine, Raiatea, Tahaa et Bora-Bora. Le
calendrier officiel de son introduction qui nous a été communiqué
est le suivant : novembre 1967 : premiers escargots introduits
frauduleusement à Faaa (Tahiti) ; 30 juin 1969 : présence constatée
dans une vallée de Faaa (Tahiti) ; 29 novembre 1973 : présence
constatée à Moorea, Huahine, Raiatea et Tahaa.
Les prospections réalisées en juin 1982 ont porté sur 7 îles :
Tahiti, Moorea, Huahine, Raiatea, Tahaa, Bora-Bora et Maupiti.
Seule cette dernière île n'héberge pas l'escargot géant.
a) Tahiti
grande partie de la zone
escargots ont également
les vallées comme voie de
pénétration. Des achatines ont ainsi été récoltées jusqu'à 350 m
d'altitude et actuellement elles n'apparaissent donc pas limitées aux
seules zones de cultures mais débordent largement dans les forêts
comme dans la partie haute de la vallée de la Fautaua. Dans ces
forêts les populations observées sont toutefois très peu denses et il
ne semble pas que ce type de milieu leur soit très favorable.
En général, presque toutes les populations d'achatines qui ont
été observées à Tahiti en 1982, sont peu denses et ne paraissent plus
provoquer de gros problèmes à l'agriculture (vallées de la Punaruu,
Fautaua, Taharuu, Vaihiria, Trois Cascades). Dans certaines
vallées, les achatines ont même presque totalement disparu (vallée
de Vaiata) et on y rencontre de nombreuses coquilles mortes. Dans
d'autres cas, comme dans la vallée de Vaitepiha à Tautira, la
L'A chat ina fulica a envahi la plus
littorale de l'île et de la presqu'île. Les
colonisé l'intérieur de l'île en empruntant
Société des
Études Océaniennes
1640
distribution des populations est très irrégulière. Enfin, des
aggrégats importants d'escargots ont été observés dans certaines
zones
de culture de la vallée de la
Papenoo.
b) Moorea
La situation est sensiblement la même
qu'à Tahiti où
l'achatine s'est répandue sur l'ensemble du littoral et des vallées
jusqu'au contrefort des montagnes, débordant largement en forêt.
Dans la plupart des vallées, les populations d'achatines
qui ont été
observées, sont peu denses (vallées d'Opunohu, Vaiare, Paoroa,
Maatea, Haapiti et Terahimaua). Certains aggrégats ont cependant
été notés dans la vallée d'Afareaitu. En
revanche, l'espèce semble
avoir totalement disparu de certaines zones où l'on ne rencontre
que des coquilles mortes (Pao-Pao, Maharepa).
c) Huahine
La situation est apparue quelque
peu
la colonisation de l'île est plus
récente.
Elle
est encore
différente à Huahine où
incomplète
et des populations en phase
évidence dans la région de Tefarerii à
Mahuti où se situait en juin 1982 un front de colonisation laissant
indemne la partie Nord-Ouest de l'île de Huahine-Iti. En
revanche,
l'île de Huahine-Nui est totalement colonisée.
Cependant, les
explosive ont été mises
en
populations d'achatines y sont très peu denses et ne posent plus de
problèmes à l'agriculture. Il nous a cependant été affirmé que celà
n'avait pas été le cas il y a quelques années. Il semble donc
que dans
l'île de Huahine-Nui les
populations d'achatines ont subi un fort
déclin.
Comme à Tahiti
et
à
Moorea, les escargots ont débordé
que les specimens récoltés y soient
(vallée de Haamene et de Tevairahi).
largement dans les forêts bien
rares
d) Raiatea
A
Raiatea, la situation
colonisation
est
également particulière
avec une
incomplète.
La partie Sud de l'île est en effet indemne en 1982.
Cela est
probablement du au fait qu'il n'existe pas de route dans cette
région ce qui ralentit considérablement la dissémination passive
des escargots. La limite Sud-Est de l'extension des
populations est
située dans la vallée de
Hotopuu où l'on a observé des aggrégats
assez
importants dans les zones de culture malgré l'emploi d'appats
empoisonnés. Dans cette vallée, les achatines sont limitées aux
zones de culture et ne
débordent pas
forêt.
en
Société des
Études
Océaniennes
1641
La limite Sud-Ouest de la répartition des
situe dans la région de Vaihuti.
achatines est moins
nette et se
A l'échelle de l'île, les populations d'escargots apparaissent en
fait peu denses. Dans la plupart des vallées prospectées, elles ne
posent pas (ou plus) de problèmes à l'agriculture (vallées de
Tetooroa, Haava, Faaroa, et Opoa). Nous n'avons pas récolté
sur le plateau de Temehani, ceux-ci étant limités en juin
partie basse vers le littoral.
Quelques sous-bois et forêts sont colonisés mais toujours très
faiblement et ne constituent pas des milieux très favorables : vallée
de Faaroa jusqu'au pied du mont Faraito, vallée Opoa jusqu'au
pied du mont Teeapu.
d'escargots
1982 à la
e) Tahaa
A
Tahaa,
on retrouve
Moorea et Tahiti
et
des vallées
avec une
une
situation semblable à celle de
colonisation de toute la région littorale
principales.
Dans les vallées, les achatines remontent très
les forêts jusqu'à 200-300 m d'altitude (vallée de
largement dans
Haamene) mais
leurs populations y sont toujours très disséminées et peu denses...
Aucun aggrégat important d'escargots n'a été observé et certaines
populations semblent même avoir complètement disparu de
certaines vallées laissant
comme
témoins de nombreuses
coquilles
(Vallée de Hurepiti).
mortes
La colonisation de cette île
populations sont
en
paraît
phase de déclin.
assez
ancienne et les
f) Bora-Bora
beaucoup plus sèche que les précédentes.
fait, la situation s'y est révélée très particulière.
Bora-Bora est
De
ce
une
île
petites populations ont été observées dans les
plus humides de l'île :
la baie de Faanui où une petite population s'est installée au pied
du mont Pahia dans une zone de cultures maraîchères. Ses
effectifs sont faibles et ne posent pas de problèmes particuliers
aux agriculteurs qui utilisent cependant des appâts empoisonnés.
à Vaitape, où une autre population a été découverte près d'un
point d'eau. Quelques specimens ont colonisé une zone de
cultures et les sous-bois à Hibiscus situés en amont au pied du
Seules deux
zones
-
-
les
mont
Le
limité
Pahia.
risque d'extension de ces deux populations paraît très
des caractéristiques géomorphologiques et hydriques
au vu
Société des
Études Océaniennes
1642
de l'île. Bora-Bora constitue
sans
doute
un
l'implantation des achatines.
2) L'Achatina fulica
aux
cas
limite pour
îles Marquises
L'introduction de XA chatina fulica aux îles
Marquises serait
plus récente (présence constatée à Hiva-Oa en 1979). Les
investigations que nous avons entreprises au cours de la mission de
juin/juillet 1983 dans l'archipel marquisien ont montré que les
achatines sont présentes uniquement dans deux îles : Nuku-Hiva et
Hiva-Oa.
a) Nuku-Hiva
Les
achatines
Hakaui.
prospections réalisées en 1983 ont montré que les
sont présentes dans deux
régions : Taiohae et Hakatea/
A Taiohae, plusieurs vallées ont été
prospectées et notamment
la vallée française, la vallée Hoata et la vallée Pakiu. Les achatines
sont peu denses dans cette
région et leur répartition paraît limitée à
la zone habitée où l'extension des cultures est d'ailleurs faible. Il est
possible
la saison des pluies 1983, exceptionnellement
prolongée puisse favoriser une augmentation
temporaire des effectifs de Mollusques.
que
abondante
et
La vallée d'Hakatea est inhabitée et
ne
comporte que quelques
d'élevage de bovins. Les achatines y auraient été introduites
avec l'importation de
tuyaux il y a quelques années. Leurs
populations sont actuellement en phase explosive et leur densité est
très importante même dans les bois d'acacias
qui couvrent de
parcs
grands pans de la vallée. Les achatines ont commencé à envahir
une partie de la vallée voisine d'Hakaui où elles
sont actuellement
limitées à la partie basse de l'ancien
village.
A Nuku-Hiva, Achatina fulica
est donc présente en deux sites
seulement et son extension dans chacun d'entre eux est très limitée.
Cette limitation est vraisemblablement due aux facteurs suivants :
-
-
favorables à l'extension de l'espèce peu importantes : il
s'agit essentiellement de zones de cultures (rappelons que la
densité de population humaine est très faible aux
Marquises avec
un millier de
personnes seulement à Nuku-Hiva).
zones
voies internes de communications très
peu
développées : les
véhicule interposé, des axes de dissé¬
mination favorables aux achatines, sont
quasi inexistantes aux
Marquises, et à Nuku-Hiva en particulier. La seule piste
aujourd'hui accessible conduit au plateau de Tovii, au domaine
de l'Economie Rurale où il
n'y a pas d'achatines.
pistes, qui constituent,
par
Société des
Études
Océaniennes
1643
b) Hiva-Oa
La présence d'achatines à Hiva-Oa a été constatée en 1979, à
Atuona. Actuellement, sa répartition s'est étendue dans la région
d'Atuona et elle a été favorisée par l'existence de pistes qui
conduisent à l'aéroport d'une part, et à Taaoa, d'autre part.
A Atuona, les achatines ont des populations assez denses
localement, et leur extension n'est probablement pas achevée, en
particulier dans les parties hautes des différentes vallées qui sont
peu ou pas contaminées comme celles de Atikoua et Vaioa.
encore
A
Hanaiapa, on trouve des achatines en populations assez
partie basse de la vallée. Ces populations étaient
denses dans la
limitées en 1983 aux zones habitées.
A Puamau, les achatines auraient été introduites par
malveillance en 1980. Elles ont envahi toute la partie basse de la
vallée et leurs populations y sont assez denses.
Comme à Nuku-Hiva, la distribution des achatines est
limitée aux zones habitées dans les parties basses des vallées.
extension est plus large à Hiva-Oa, certainement à cause
donc
Leur
de la
présence de pistes fréquemment utilisées, de l'aéroport à Atuona et
à Taaoa.
démographique des populations
Polynésie française
III. Abondance et caractérisation
d'Achatina
fulica
en
L'échantillonnage des escargots terrestres pose, depuis
toujours, des problèmes difficiles à résoudre. L'évaluation des
stocks
d'achatines, nécessaire pour une éventuelle exploitation
ou pour des études démographiques fines, demande
commerciale
au
point de techniques fiables d'échantillonnage. La mise
point de ces techniques, qui est liée à deux contraintes (la marge
d'erreur susceptible d'être considérée comme acceptable et l'effort
nécessaire de récolte) doit tenir compte du modèle de distribution
des escargots dans la nature (aléatoire, en aggrégats...).
La méthode des quadrats a déjà été utilisée pour évaluer les
stocks d'achatines dans la nature (Tillier et al, 1981). En Polynésie,
un test d'échantillonnage a été effectué à Huahine afin d'apprécier
la marge d'erreur ainsi que l'effort de collecte nécessaire. Pour cela,
une surface de
10 m x 10 m a été choisie dans une zone en
la mise
au
homogène (pelouse à Graminées) et hébergeant des
populations d'achatines. Les cent carrés de 1 m de côté compris
dans cette surface ont été matérialisés à l'aide d'un topofil et tous
les escargots se trouvant dans chaque carré ont été ramassés,
comptés et mesurés.
La distribution des achatines dans ce quadrat se révèle très
aggrégative. En effet, si l'on teste l'hypothèse "les variations des
apparence
Société des
Études Océaniennes
1644
effectifs dans les 100 carrés de 1 m x 1 m peuvent-elles être dues au
seul hasard ?", à l'aide d'un test de X2 (Schwartz, 1963), on obtient
une valeur de X2 de 1718 avec 99 ddl
(P 0.001). L'hypothèse doit
donc être rejetée.
Si l'on augmente la taille des carrés (2 m x 2 m) cette
hypothèse doit également être rejetée : X2 = 593 avec 24 ddl
(P 0.001). Avec des carrés de 5 m x 5 m, c'est encore le cas : X2 =
162 avec 3 ddl (P 0.001).
Les
échantillonnages réalisés
sont donc insuffisants car le
carré (même pour des carrés de 5 m x 5 m)
Poisson. Il n'est donc pas possible d'utiliser
les tests statistiques classiques dans le but de
comparer les effectifs
de quelques quadrats de ce type.
nombre d'individus par
n'obéit pas à une loi de
Si l'on voulait vraiment effectuer des comparaisons
et surtout
évaluer les stocks d'achatines d'une vallée, il faudrait augmenter la
surface et leur nombre. Cela entraînerait un travail hors de
proportion
les résultats escomptés (deux heures de récolte à 3
quadrat de 10 m x 10 m).
De ce fait, dans le cadre d'une mission exploratoire limitée
dans le temps, il était plus raisonnable de donner des estimations
d'abondance relatives telles que "peu denses, denses ou très denses"
que nous avons utilisées dans l'étude de la répartition des
achatines. Vouloir donner des chiffres précis aurait été
utopique
avec
personnes pour un
dans le cadre de notre étude.
Pour chaque station prospectée, un échantillon
d'escargots a
été récolté (sauf dans le cas de populations trop abondantes, tous
les escargots visualisés au cours de la
Les achatines
ont
prospection).
ont été regroupée
été mesurées et les classes de taille
pour
chaque île (Fig. 1).
Il est bien évident qu'un tel protocole de collecte sous-estime
énormément les juvéniles souvent très bien camouflés et qui
nécessitent des recherches beaucoup plus minutieuses
que les
adultes.
L'étude des classes de taille des échantillons ainsi récoltés dans
les îles de la Société montre
que, dans toutes les îles, les tailles
moyennes des adultes sont comprises entre 50 et 60 mm et que les
tailles maximales observées varient de 65 à 85 mm (Fig. 1). La seule
exception à
ce
schéma
concerne
des tailles moyennes nettement
dépassant 100
l'île de Huahine où l'on observe
plus élevées et des tailles maximales
Or, Huahine est la seule île de la Société où
observer des populations très denses en phase de
colonisation explosive. Cette situation est en accord avec toutes les
observations réalisées à ce jour dans d'autres
régions indonous
mm.
ayons pu
Société des
Études
Océaniennes
1645
Fig. I
populations Achat inafulica dans les différentes îles
juin 1982 (Tahiti, Moorea, Huahine, Raiatea, Tahaa,
Bora-Bora) et des Marquises en juin 1983 (Nuku-Hiva, Hiva-Oa). On
remarquera les tailles moyennes des adultes similaires pour toutes les îles
de la Société à l'exception de Huahine.
Classes de taille des
de la Société
en
Société des
Études
Océaniennes
1646
coquilles est
populations
d'achatines (Mead, 1961, 1979). Les faibles densités malacologiques qui ont été observées dans toutes les îles de la Société à
l'exception de Huahine-Iti, le confirment par ailleurs.
Aux Marquises, l'analyse des classes de taille des populations
d'Achatina fulica met en évidence des tailles moyennes des adultes
pacifiques où la baisse de la taille
considérée
comme
un
moyenne des
bon indice du déclin des
voisines de celles observées dans les îles de la Société (60 à 65 mm
A Nuku-Hiva,
des populations
notée principalement à Hakatea, se traduit par des tailles
moyennes plus faibles (Fig. 1). Il convient toutefois de ne pas
oublier que toutes ces observations ne présentent qu'une image
ponctuelle des populations dans le temps.
Toutes les prospections réalisées en Polynésie française en
1982/1983 tendent à montrer que les populations d'achatines sont
actuellement en phase de déclin. Cependant, comme l'avait déjà
montré Mead (1961) à Sri Lanka, une grande variété de situations
a pu être observée localement : populations en phase explosive
(Huahine-Iti, Nuku-Hiva), populations stables (Raiatea, Tahiti,
Hiva-Oa...), populations en déclin (Tahaa, Tahiti, Moorea...) ou
populations apparemment éteintes (Moorea, Tahaa...). Néanmoins
malgré cette mozaique de situations qui est due à différentes étapes
de la colonisation des milieux, le modèle d'évolution générale d'une
population donnée apparaît assez clairement. Il comporte :
pour la taille moyenne adulte à Hiva-Oa).
l'abondance de jeunes due à la phase explosive
-Une
phase d'explosion initiale avec des individus de grande taille,
vigoureux.
-Une phase de plateau, de durée variable.
Une phase de déclin avec des individus de taille plus faible, à
coquilles ternes, sans periostracum, et présentant des malfor¬
mations. Localement, le déclin peut même aller jusqu'à une
disparition complète des populations comme cela a pu être
observé dans quelques vallées de Moorea ou Tahaa.
-
Dans toutes
les
régions envahies par les achatines et
particulièrement dans les îles du Pacifique, ce modèle d'évolution a
pu être vérifié. Pour plus détails on se reportera aux excellentes
descriptions de Mead (1961-1979).
De nombreux facteurs ont été
évoqués pour expliquer la
phase de déclin des populations d'achatines. En fait, il apparaît
clairement que tout un spectre de conditions environnementales
interviennent dans ce phénomène. Trois grandes catégories de
facteurs sont couramment envisagés (Mead, 1979) :
Société des
Études
Océaniennes
1647
Les facteurs
génétiques
Les
premières études génétiques ont été réalisées sur des
populations d'Hawai (Oahu) en 1973 (Mead, 1979) et ont montré
un fort taux d'homozygotes. D'autres études sont actuellement en
cours sur des populations de la zone Indo-Pacifique et en
particulier, sur quelques populations de Polynésie française
(Woodruff, com. pers.).
Au vu des premiers résultats, on peut donc s'attendre à un
haut degré d'homozygotie dans l'Ouest Pacifique car presque
toutes les populations colonisatrices proviennent d'un foyer unique
à Singapour. Pour l'Océan Indien, en revanche, les populations
seraient plus polymorphes car d'origines variées (incertaines) et
d'une image génétique plus proche de celle du stock parental de
l'Afrique Orientale.
Ces problèmes d'homozygotie joueraient donc un rôle
important dans le potentiel d'adaptation des populations
d'achatines du Pacifique. De ce fait, les facteurs écologiques
acquéraient une importance accrue.
Les facteurs
écologiques
Ces facteurs sont nombreux et concernent la
température,
lumière, la qualité du sol, la qualité
et la quantité de nourriture, la quantité de calcium disponible dans
les différents types de sols, etc... L'importance de ce dernier facteur
a été démontrée notamment sur la formation du periostracum, la
taille, le poids, la couleur et la croissance de la coquille (Mead,
1979).
Dans l'archipel de la Société, l'île de Bora-Bora, dont
l'hygrométrie est plus faible que dans les îles voisines de Raiatea,
Tahaa ou Huahine, représente certainement une situation limite et
les populations d'achatines y sont réduites et très localisées.
Les conditions de milieu jouent donc un rôle essentiel dans la
dynamique des achatines et en particulier dans son déclin.
l'humidité relative, l'altitude, la
Les
épizooties
Divers phénomènes pathologiques ont été signalés dès 1965
Mead dans les populations d'achatines en phase de déclin. Ces
syndromes se traduisent par des lésions leucodermiques discrètes,
par
des lésions mélano
-
ou
granulo-dermiques. Ces lésions seraient
présence de germes gram - du Genre Aeromonas
(Kojima, 1965).
Le parasitisme par le Nématode Angiostrongylus cantonensis,
agent de la méningite à éosinophiles, entrerait également dans le
processus pathologique. Des prévalences d'infestation très élevées
ont été décelées dans de nombreuses populations indo-pacifiques
associées à la
Société des
Études
Océaniennes
1648
(Picot etal, 1975-1976). En Polynésie française, aucune recherche
systématique n'a, semble-t-il, été réalisée à ce jour.
Le déclin des populations d'achatines,
qui n'exclut pas des
périodes de reprise, apparait donc comme un phénomène
inéluctable qui est lié à toute une série de facteurs dont les plus
importants sont les facteurs du milieu.
En Polynésie française, il a presque
toujours été facilement
admis que le déclin observé était dû aux différentes méthodes de
lutte utilisées. A Tahiti, dès l'apparition du fléau, de nombreuses
méthodes de lutte
particulier, de
surtout
ont
été testées
avec
la mise
en
œuvre, en
systématiques, d'appâts chimiques et
l'introduction d'escargots prédateurs tels que XEuglandina
ramassages
rosea.
IV. L'introduction de
et
et
XEuglandina rosea en Polynésie française
conséquences sur les populations d'Achatina fulica
d'escargots locaux
ses
Le déclin des
populations d'achatines, observé actuellement à
Moorea, est considéré couramment comme une consé¬
quence de la lutte biologique par l'escargot prédateur Euglandina
rosea. Ce
Mollusque fut introduit le 19/12/1974 à Mahina (Tahiti)
puis entre le 28/12/1976 et le 16/3/1977 cinq introductions furent
réalisées à Pirae, Papara, Papeari, Afaahiti (Tahiti) et à Pao-Pao
(Moorea). D'autres lâchers furent réalisés également sur le plateau
de Taravao (Tahiti) et dans la vallée d'Afareaitu
(Moorea).
Actuellement, à Moorea, les zones hébergeant Euglandina rosea se
Tahiti
sont
et
étendues.
S'il n'est pas douteux que
XEuglandina rosea ait eu un impact
populations d'achatines, celui-ci reste cependant très limité
et non mesurable. Il n'est en effet,
pour s'en convaincre, que de
comparer les situations observées dans les îles où le prédateur a été
introduit (Tahiti et Moorea) avec celles des autres îles où il ne l'a
pas été. A Huahine, par exemple, aucune méthode particulière de
lutte n'a été utilisée et pourtant, les populations d'achatines de l'île
sur
les
de Huahine-Nui sont actuellement
sur
le déclin et à
un
niveau
comparable à celui de Tahiti et Moorea. De même, à Raiatea et
Tahaa, l'ensemble des populations d'achatines est revenu à un
niveau tolérable pour l'agriculture.
En revanche, l'introduction des
prédateurs s'est
la faune malacologique
locale, très souvent encore méconnue, mais qui s'avère la plupart
du temps d'un très haut intérêt
scientifique. Tahiti et surtout
Moorea, constituent en ce sens des exemples révélateurs. Dans ces
deux îles, les
euglandines se sont multipliées et dispersées dans de
surtout
révélée
catastrophique
Société des
escargots
pour toute
Études
Océaniennes
1649
nombreuses vallées. Si leur action sur les achatines a été
impossible
à évaluer, nos prospections ont montré sans
équivoque leur impact
sur la faune des
escargots terrestres locaux.
La faune polynésienne d'escargots terrestres est tout à fait
particulière et remarquable. Elle est célèbre dans toute la
scientifique internationale à la suite des travaux de
Crampton (1932), Crampton et Cooke (1953), Clarke et Murray
(1969), Kondo (1973), Murray et Clarke (1980).
A Tahiti comme à Moorea, les escargots locaux ont
complète¬
ment disparu de tous les sites où l'introduction
d'Euglandina a été
réalisée. A Moorea, en particulier, 2 espèces endémiques de
Partula (P. taeniata striolata et P. aurantia) sont déjà éteintes et
toutes les autres espèces du même Genre auront
disparu dans les
années 1986/1987 (Clarke et al, sous presse).
La lutte biologique contre Achatina fulica à l'aide
d'escargots
prédateurs s'avère donc non seulement inefficace, mais surtout très
nuisible pour le patrimoine génétique de la faune malacologique
terrestre de ces îles (Tillier et Clarke, 1983).
Aux Marquises, une introduction d'Euglandina rosea aurait
été réalisée en 1981. Il semble heureusement que cette introduction
communauté
en soit restée au stade des intentions comme nous l'ont affirmé les
services de l'Economie Rurale à Nuku-Hiva. Nos prospections sur
le terrain l'ont également confirmé.
Conclusion
Les achatines sont actuellement présentes dans deux
archipels
Polynésie française : l'archipel de la Société et celui des
Marquises. Leur présence signalée dans les Tuamotu (Apataki,
Hao et Moruroa) n'a pu être vérifiée au cours des deux missions
qui ont été effectuées en 1982 et 1983. Cependant, les caracté¬
ristiques de ces îles les rendent à priori peu favorables à une
expansion des populations de type catastrophique. Les îles des
autres archipels (Gambier, Australes) sont pour l'instant indemnes
de
de toute contamination.
Dans l'archipel de la Société, les achatines sont actuellement
présentes dans 6 des 7 principales îles (Tahiti, Moorea, Huahine,
Raiatea, Tahaa, et Bora-Bora). Elles ont envahi très largement
toutes
-
-
-
ces
îles sauf
à Huahine-Iti où
:
l'expansion est actuellement
en cours.
Sud de Raiatea où l'absence de route a semble-t-il ralenti
fortement la dissémination passive.
à Bora-Bora, dont le climat trop sec a limité les
populations
au
d'escargots à deux
zones
restreintes près de Faanui et Vaitape.
Société des
Études
Océaniennes
1650
Dans toutes les
régions colonisées (à l'exception de HuahineIti), la plupart des populations d'achatines présentent aujourd'hui
de faibles densités ne posant plus de gros problèmes à l'agriculture.
Ce phénomène, considéré actuellement à tort comme une
conséquence des méthodes de lutte mises en place ces dernières
années, et en particulier, de l'introduction de l'escargot prédateur
Euglandina rosea, est en réalité lié à d'autres facteurs dont les plus
importants sont les facteurs environnementaux. Il n'est pour s'en
convaincre, que de comparer les situations présentes aujourd'hui à
Tahiti et Moorea où le prédateur est abondant, avec celles de
Huahine-Nui et Tahaa où cet escargot est absent.
Enfin, l'introduction d'Euglandina rosea à Tahiti et Moorea a
eu comme conséquence de provoquer l'extinction totale des
populations locales d'escargots terrestres endémiques dans les
zones envahies par ce
prédateur.
Aux Marquises, il apparaît que deux îles seulement ont été
contaminées par Achatina fulica : Nuku-Hiva et Hiva-Oa. Il s'agit
des deux îles les
plus importantes de l'archipel. L'expansion des
escargots géants dans ces deux îles paraît ralentie par un certain
nombre de facteurs (milieux non favorables, difficulté et limitation
des
échanges à l'intérieur des îles etc...). Les problèmes posés par la
présence de l'achatine semblent très limités du fait même de
l'absence de cultures importantes.
En
qui concerne les autres îles des Marquises, leur situation
n'apparaît pas très favorable à la colonisation par A. fulica. Il faut
signaler en effet :
-
-
ce
la faiblesse relative des échanges
la faible densité de population
inter-îles
humaine ainsi
que le petit
nombre de milieux cultivés favorables à l'installation des
escargots
-
les précautions prises dans certaines îles comme Fatu-Hiva visà-vis des matériaux creux importés tels que tuyaux, parpaings,
etc, qui subissent
leur arrivée.
systématiquement
un
bain de
La
mer
prolongé à
majorité des populations d'achatines est actuellement sur le
Polynésie française. Dans les zones où cet escargot pose
encore un
problème, diverses méthodes de lutte peuvent être
employées. Il convient cependant de prohiber absolument toute
introduction d'escargot prédateur. Cette introduction est catastro¬
phique pour le patrimoine naturel que constitue la faune locale
d'escargots terrestres comprenant de nombreuses espèces endé¬
miques et n'a aucun impact quantifiable sur les populations
déclin
en
d'achatines.
Société des
Études
Océaniennes
1651
Summary
The distribution of Achatina
fulica was studied in the
Society
Marquesas Archipelagoes of French Polynesia.
A. fulica was present in June 1982 in six islands
of the Society
Archipelago : Tahiti, Moorea, Huahine, Raiatea, Tahaa and Boraand
Bora. In all the islands the snails colonized all the
cultivated
and over-flowed to a
large extent into forested areas.
areas
Most of the
populations are however in a state of decline and
problem to farming.
Only two islands of the Marquesas were colonized in June
1983 : Nuku-Hiva and Hiva-Oa. Snail
expansion in these islands
was limited by a
certain number of factors : unfavourable envi¬
ronmental conditions, few cultivated areas,
the non-existence of a
network of roads, etc...
no
longer
pose a
The introduction of the
predator snail Euglandina rosea on
Tahiti and Moorea does not seem to be
responsible for the general
decline of Achatina populations on these two islands.
In fact
the
a
similar decline
predator snail had
was
not been
observed in other islands where
introduced.
In addition this introduction was
catastrophic for the local
fauna of land snails, which
disappeared completely in the areas
colonized by the predator snails.
Résumé
La répartition d'Achatina fulica a été étudiée
dans les
archipels de la Société et des Marquises en Polynésie française.
Dans l'archipel de la Société, A. fulica est présent en
juin 1982
dans six îles : Tahiti, Moorea, Huahine, Raiatea, Tahaa et BoraBora. Dans toutes ces îles les
escargots ont colonisé toutes les zones
cultivées et débordent largement en zone forestière.
La
plupart des populations sont cependant en phase de déclin
plus de gros problèmes à l'agriculture.
Aux Marquises, deux îles seulement sont colonisées
en juin
1983 : Nuku-Hiva et Hiva-Oa. L'expansion des
escargots dans ces
et
ne
posent
deux îles
est
défavorables,
etc...
ralentie par un certain nombre de facteurs : milieux
faibles zones cultivées, réseau routier inexistant,
L'introduction de l'escargot prédateur Euglandina
Tahiti et Moorea ne semble pas être
responsable du déclin
Société des
Études
Océaniennes
rosea
à
général
1652
populations d? Achatina dans ces deux îles. En effet un déclin
similaire a été observé dans les autres îles où le prédateur n'a pas
été introduit. En revanche, cette introduction a été catastrophique
des
pour la faune locale d'escargots terrestres
des zones colonisées par le prédateur.
J.P. Pointier
a
totalement disparu
(1) et C. Blanc (2)
(2) Université Paul Valéry
(I) Ecole Pratique des Hautes Etudes.
Laboratoire de
55 rue Buffon
qui
Biologie Marine et Malacologie
Laboratoire de
75005 Paris France
34043
(Directeur
(Directeur
B. Salvat)
:
zoogéographie
B.P. 5043
Montpellier cedex
:
C. Blanc)
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Études
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Société des
Études Océaniennes
1654
DATATIONS AU CARBONE 14 A REAO
L'atoll de Reao
fait l'objet ces vingt dernières années de
plusieurs missions scientifiques dirigées par le professeur Sachiko
Hatanaka, ethnologue japonaise.
La position particulière de Reao - le plus original des atolls
des Tuamotu
-,
a
la survivance d'une tradition orale
et
d'un dialecte
proto-polynésien lui confèrent un caractère unique, propice aux
recherches interdisciplinaires de l'ethnologie, de la linguistique et
bien sûr de l'archéologie. La dernière mission, réalisée en 1980, a
permis de mettre au jour plusieurs vestiges cérémoniels (marae),
des sites d'habitat ainsi que de nombreuses fosses de culture
(kauwai) : il est impossible maintenant de reconstituer en
combinant, l'aménagement et l'occupation des sols, de retrouver la
production et l'utilisation des ressources alimentaires et de donner
à partir des échantillons de charbon les datations de ces sites (*).
12 échantillons de charbons ont été prélevés en tous les points
où des vestiges d'occupation attestés, répartis sur le pourtour de
l'île (Gake, Pagoa, Takiaka) apparaissaient. Ils complètent assez
bien les trois datations qui avaient
de 1976, dans la partie Est et Nord.
de 1100 avant J.C. pour les plus
siècle pour les plus récentes.
été effectuées lors de la mission
Ces datations vont des environs
anciennes au milieu du 19ème
(*) "Compte-rendu préliminaire des travaux archéologiques réalisés à Reao, îles Tuamotu,
juillet-août 1980" publié en mars 1983 par le Département Archéologie du Centre
Polynésien des Sciences Humaines.
Société des
Études
Océaniennes
1655
Gake : quatre prélèvements ont été faits, soit dans la zone des
fosses de culture, soit dans la zone de combustion proche du marae
étudié par le Professeur Nitta, par ailleurs. (Reao Report,
Hatanaka, UKPSE, 1982).
M2-1 (TK20 : après 1850) : les charbons proviennent d'un four
repéré dans une couche d'occupation assez dense, traversée par la
pente d'une fosse de culture. La date récente obtenue, postérieure à
1850, indique que cette fosse est contemporaine ou postérieure à
cette période. Étant située à la périphérie de la zone de fosses, elle
fait partie des plus récentes. Les trois pelles en os de tortue trouvées
lors des fouilles, sous, dans et sur la couche d'occupation indiquent
que, même si la présence où l'influence des missionnaires sur l'atoll
est attestée, c'est encore l'outillage indigène qui a été utilisé
pour
ces
énormes travaux de terrassement.
S2
(TK426 : après 1860), S8 (TK427 : après 1850) et S20
1720^40) sont des prélèvements charbonneux provenant
des sondages réalisés dans la zone de combustion proche du marae.
(TK428
:
Situés
au
maximum de concentrations charbonneuses,
juste
la surface actuelle, ces prélèvements permettent de dater les
dernières activités avant l'abandon des marae. Les dates récentes
sous
de S2 et S8, postérieures à
ultimes cérémonies rituelles
1850 correspondent certainement aux
pratiquées sur le site. Les vestiges de
squelettes de tortue dégagée dans l'enceinte du marae et l'empla¬
cement de cette aire de combustion, correspondent très exactement
aux descriptions recueillies par le Professeur Emory en
1930,
auprès des derniers témoins occulaires vivants.
Le sondage S20, situé à la partie
révélé une fosse de combustion à 15
Nord de la périphérie, a
cm de profondeur. Une
première couche d'occupation d'environ 5 cm d'épaisseur, suivie
d'une couche stérile de 5 cm environ de sable corallien, recouvre
niveau d'occupation assez riche en vestiges osseux de tortues et
un
de
poissons.
Cette occupation plus ancienne, datant du début du 18ème
siècle pourrait être corrélée avec les sous bassements des structures
dégagées à la partie Nord du marae actuel. En effet, les observa¬
tions et les sondages effectués aux abords des différents marae de
Reao confirment jusqu'à présent, le fait que les fours à tortue
cérémoniels, tout comme les informations d'Emory le précisaient,
étaient décalés de quelques mètres, de part et d'autre de l'axe
longitudinal des marae.
Pagoa : dans le secteur des zones de fosses de culture, 5 prélè¬
vements dans les niveaux d'occupation apparus en coupe, ont été
Société des
Études
Océaniennes
1656
ILE DE REAO
Emplacement général des échantillons de charbons collectés
Résumé des datations (1976 et
TUR 42
TUR 43
TUR 50
Takiaka
Pagoa
Tearere
M 2-1
M4-1A
M4-1B
M 4-2
M4-4B
M 4-4 A
S2A
S8
S20
1980)
1580
T 65 (N2656)
1080 T80 (N2657)
1635 T 80 (N2658)
(TK.417)
(TK418)
(TK4I9)
(TK420)
(TK421)
1120 T 40 (TK.422)
insuffisant (TK423)
1660 T 100 (TK424)
1500 T 60 (TK425)
après 1830 (TK.476)
après 1820 (TK427)
1690 q:40 (TK428)
après
après
après
après
après
1800
1820
1800
1820
1680
M4-IA
M4-2
^M4-1B
Pagoa
M 4-4A
M4-4B
-
.TUR 50
.
%
cP
TUR 42
.0
TUR 43
■
Takiaka
Tearere
S 20
Société des
Études Océaniennes
1657
datés. Les fosses M4-1, M4-2 présentaient chacune, à partir de la
surface originelle, trois couches d'occupation distinctes plus ou
Les prélèvements d'échantillons ont
répartis de façon à permettre des comparaisons signifi¬
moins riches
donc été
en
charbons.
catives.
M4-4B
: 290 T 60) : correspond à la seconde couche
d'occupation située à une dizaine de centimètres sous l'horizon
antérieur au creusement de la fosse, apparu dans un premier
sondage. M4-4-A, (TK425 : 450 T 100), situé à 4 m plus au Nord,
n'a pu être relié, lors de nos travaux aux couches supérieures ou
inférieures, étant donné l'extrême minceur de la couche de sable
qui les séparait. L'écart maximum des datations obtenues, de 1430
à 1750, permet d'inclure la succession de deux niveaux d'occupa¬
tion nettement distincts, ou une occupation semi-continue à
(TK24
l'intérieur de cet intervalle.
qui ont été repérés, étant situées à la
périphérie, sont de creusement tardif, l'horizon antérieur ne
présentant pas de vestiges d'occupation semble naturel. Il recouvre
par contre deux niveaux d'occupation assez profondément enfouis
qui ont donné les dates moyennes de 1700 (TK.421) et 1120
Les fosses M4-1 et M4-2
(TK422).
trouvées par ailleurs,
surprendre elle peut
également se justifier, comme nous le verrons plus loin.
Ces résultats confirment que les traces que l'on rencontre à
peu près partout sur le pourtour de l'île formant une couche char¬
bonneuse ininterrompue d'une dizaine de centimètres d'épaisseur,
correspondraient donc à la dernière occupation dispersée de l'atoll
jusqu'au premier tiers du 19ème siècle c'est à dire, avant l'arrivée
des missionnaires. Les 6 datations qui donnent des dates extrêmes
variant entre 1820 et 1860 correspondent à des couches sousjacentes à la surface actuelle, bien qu'étant dans des contextes
différents : niveaux d'occupation étendus à Takiaka, traversée par
La date de 1700 correspond aux valeurs
mais si la plus ancienne (1150 AD) peut
Pagoa en M4-4 ; sépultures à
certainement corrélées avec le marae
les fosses de culture à Gake en M2-1 à
Tearero ; aires de combustion
en S2 et S8 à Gake.
comprise entre 1500 et 1700 comprend
également 6 datations, dont deux réalisées pour la campagne de
La bande des datations
1976.
Trois
correspondent à un ou plusieurs niveaux
enfouis,
traversés par les fosses de culture au Nord de l'atoll à Pagoa
(M4-4-B et M4-1-4, M4-1-B). Les trois autres correspondent à des
foyers (TUR 50, TUR 42 et S20). TUR 42 présente la
Société des
Études Océaniennes
particularité
1658
d'être situé
antérieure
un
le ahu d'un marae détruit, donc une couche
moins à sa construction, tandis que S20 correspond à
sous
au
foyer périphérique de l'aire de combustion du
marae
TUR 10
(UKPSE 1978).
En ce qui concerne les autres datations plus anciennes aux
environs de 1100 avant J.C. Sinoto, s'interrogeait déjà sur la
validité de celle qu'il avait obtenue en TU R 43 ( 1080 T 80), Sinoto,
(1978 : 167). Le fait de retrouver une date proche, pour une couche
profondément enfouie (-60 cm), dans le secteur de Pagoa
permettrait de confirmer la possibilité d'une telle ancienneté. Il
existe par ailleurs une troisième couche située 20 cm sous la
seconde dont les charbons en trop petite quantité n'ont malheu¬
reusement pu être datés (TK423) et qui est encore, en tout état de
cause, plus ancienne.
Ces niveaux enfouis, que j'avais déjà observés lors de mon bref
passage à Reao en 1977,' pourraient très bien correspondre à des
occupations interrompues par un cataclysme naturel (cyclone ou
raz de marée). Ils sont
séparés en effet par des couches superposées
de sable et de débris coralliens bien sédimentés. Le premier recou¬
vrement mesure en moyenne 20 cm d'épaisseur et le second, plus
important, 35 à 40 cm.
Le manque de temps ne nous a malheureusement pas permis
d'ouvrir à cette profondeur, un sondage dans la paroi de la fosse, ni
de faire de relevé précis. L'étude plus approfondie de ces deux
couches enfouies pourrait donner des précisions sur
laissées par les premiers occupants de Reao. Il semble se
les traces
confirmer
également que c'est bien la partie NW de l'atoll qui a été occupée à
l'époque la plus ancienne puisque malgré les nombreux sondages
réalisés et l'observation de toutes les coupes produites par les fosses
de culture, aucun autre niveau réellement
observé ailleurs.
La
enfoui n'a
pu
être
pauvreté relative des couches archéologiques profondes en
ou en outillage mobilier ne permet pas d'établir, par sa
seule observation, de chronologie distincte. En effet, on ne perçoit
pas encore de changement typologique notable entre le matériel
des couches anciennes attestées et celui qui était encore utilisé à la
fin du 19ème siècle, même après l'introduction effective et durable
de la technologie occidentale. L'utilisation attestée de matériaux
locaux fournis par l'environnement animal et végétal jusqu'au
début de ce siècle, le prouve bien. Par ailleurs, les structures
d'habitation et cérémonielles qui ont été étudiées ne présentent pas
non plus de différences notables suffisantes, pour les classer avec
certitude dans une période historique déterminée ni de les rattacher
vestiges
Société des
Études
Océaniennes
1659
aire
géographique différente. Il faudra attendre des fouilles
complémentaires, réparties sur toutes les Tuamotu pour mieux
cerner les modalités du peuplement de cet archipel situé à l'inter¬
section des grandes voies d'échanges de la Polynésie orientale.
à
une
Jean-Michel Chazine
Répartition chronologique et spaciale
des datations pour l'atoll de Reao
Datation
C 14
Pagoa
Gake
Takiaka
M2-1.S2.S8
cm
approx.
1800 avant J.C.
1700 avant J.C.
Prof,
Cote E
Cote W
Nord
.
Tearero
S20
M4-4B, 1A
8
12
-TUR 50-- --TUR 421500 avant J.C.
1100 avant J.C.
_
M4-1B
•t
25
M 4-4 A
—
_
—
—
_
—
60
TUR 43
_
80
M 4-2
Résultats des missions de
—
1976 et 1980
Société des Etudes Océaniennes
1660
Société des
Études
Océaniennes
166!
A PROPOS D'UN PILIER DE BOIS
ET
DÉCOUVERT A PAPARA :
DÉTERMINATION BOTANIQUE
INTERPRÉTATION PALETHNOLOGIQUE
Ce pilier a été trouvé à Papara par M. J. Otcenasek et sa
famille dans le fond d'un marais ; d'autres poteaux, ou fragments
de poteaux, se trouvaient dans le même site mais n'ont pu être
sauvés tant ils étaient en mauvais état. Ce pilier est le seul du genre
des lies où il est répertorié sous le
A. Lavondès (1) ; ses dimensions,
ses caractéristiques
morphologiques ainsi que sa détermination
xylologique permettent de proposer des interprétations sur son
au Musée de Tahiti et
numéro 1802. Il a été décrit par
qui existe
usage.
morphologiques et dimensions.
droit mesure 178 cm de hauteur ; il est caractérisé
par un élargissement important au milieu de sa longueur. Sa
section transversale, circulaire, diminue progressivement vers la
base pour se terminer en pointe. Vers le milieu, elle s'épaissit en un
renflement qui forme une surface horizontale plane autour de l'axe
du poteau. Depuis ce point jusqu'au sommet, le diamètre diminue
très légèrement ; le sommet cassé se terminait probablement par
une, fourche. Le diamètre inférieur (sans l'élargissement) mesure
8,5 cm, le diamètre de la partie élargie 17,8 cm, et le diamètre
supérieur au-dessus de l'élargissement 5,2 cm ; au sommet, la
1) Caractéristiques
Ce poteau
(1) A. Lavondes, Déc.
1975,
p.
571.
Société des Etudes Océaniennes
1662
section n'est
plus
jusqu'à la base
7
cm
que de 4,6 cm. La hauteur depuis l'élargissement
est de 106 cm et la hauteur de la partie élargie de
(2).
2) Analyse xylologique
Le bois est
en
très mauvais état
précaution parti¬
prise lors de sa sortie de l'eau ; il est très fendu,
craquelé, et la couche superficielle tend à se détacher. Cependant à
une extrémité du
poteau, au sommet de la petite protubérance
évoquant le point de départ d'une branche de fourche, le bois est en
assez bon état de conservation sur 2 cm
d'épaisseur et 1 cm de
longueur environ. C'est à cet endroit qu'un prélèvement de 6 mm
de long et moins d'1 mm d'épaisseur fut
pratiqué.
Les sections transversales et
tangentielles ont été examinées à
la loupe binoculaire, au
microscope épiscopique et au microscope
électonique à balayage. Ces analyses (3) ont été effectuées au
Laboratoire d'Anatomie du Bois du Centre
Technique et Forestier
Tropical. L'identification a été réalisée par comparaison avec des
car aucune
culière n'a été
cubes et des lames de référence élaborés dans des échantillons de
bois récoltés à Tahiti par M. Orliac en collaboration avec J.
Florence, botaniste O.R.S.T.O.M.
L'échantillon prélevé sur le poteau de Papara
présente les
caractères
*
*
*
anatomiques suivants :
pores : uniformément répartis, isolés, parfois accolés, radialement par deux ou trois, de forme
légèrement ovalaire.
De taille moyenne (diamètre tangentiel
moyen d'environ
105 microns) plutôt rares : huit
par mm2.
parenchyme : abondant, en bandes onduleuses assez réguliè¬
rement espacées, de trois à
quatre cellules
d'épaisseur.
rayons
:
moyennement nombreux (environ douze par mm)
unisériés, plutôt étroits (environ 3 microns de large) de
structure hétérogène. Absence de cellules couchées.
Ces caractères
Gray
le
ex
nom
sont ceux du bois de Fagraea bertericma
A.
Bentham de la famille des Potaliacées connu à Tahiti sous
de pua.
(2) Voir fiches descriptives élaborées par le Musée de Tahiti et des lies.
*
L.A. n» 275 du C.N.R.S.
(3) Identification C. Orliac
avec
au C.T.F.T., rue de la Belle Gabrielle à
Nogent-sur-Marne (94)
l'aimable autorisation de M. Destienne, Chef de la Division anatomie.
Société des
Études
Océaniennes
1663
3) Interprétation.
Cette
pièce de bois n'a pas été trouvée sur un site archéolo¬
disposons par conséquent d'aucun renseignement
sur son contexte.
Pourtant, si l'on se réfère aux documents
ethnohistoriques, des interprétations sur l'usage de ce poteau
peuvent être proposées en considérant d'une part sa forme, d'autre
part sa nature (bois de Fagraea).
gique et
nous ne
a) Forme et dimensions.
La forme de
ce pilier se caractérise essentiellement
par la
présence d'un renflement à mi-hauteur. Cet élargissement avait
certainement pour fonction d'empêcher les rats (Rattus
exulans)de
grimper le long du poteau ; il semble donc fort probable que des
nourritures étaient accrochées à son sommet ou placées sur une
plate-forme qu'il supportait. Ce dispositif de protection contre les
rats a été peu décrit ; cependant deux types de poteaux pourraient
présenter cette forme particulière : le fata (ou pa'e) (4) et l'élément
de fata rau ou fata ai'ai (plate-forme d'offrande).
Les fata rau et fata ai'ai sont des plates-formes d'offrandes sur
lesquelles sont déposées des nourritures pour les dieux. Ces
provisions afin de les mettre hors d'atteinte des rats (6). Chaque
"maison pour dormir" (fare ta'oto) possède un ou deux (fata et ce
nombre pourrait encore augmenter dans certaines habitations
royales où l'on suspendait les fehi (bananes sauvages) destinées à
donner de l'embonpoint à la reine et aux fare'area (suivantes de la
reine). Le fata (ou pa'e) ne devait pas être bien haut afin de
décrocher sans peine ce qui y était suspendu (7).
Les fata rau et fata ai'ai sont des plate-formes d'offrandes sur
lesquelles sont déposées des nourritures pour les dieux. Ces
constructions, de dimensions parfois imposantes, sont érigées sur
les marae face à Yahu (8). J.R. Forster en donne la description
suivante
:
"Souvent il y a peu loin du marai (marae) des pieux fichés
en terre et joints par des poutres de traverses qui forment un
chassis ferme et de petites plates-formes élevées sur des
colonnes de différentes hauteurs et de différentes dimen¬
sions. Les plates-formes sont appelées Whattas (fata) et c'est
(4) Selon V. Bodin, le
terme
pa'e serait plus approprié
pour
désigner
(5) Moerenhout, 1959, t. 2, p. 89.
(6) Morrison, 1966,
p.
104
-
Moerenhout, 1959, t. 2,
p.
89.
(7) Voir C. Orliac, Thèse de troisième cycle, 1982, t. I, p. 68-69.
(8) T. Henry, 1968,
p.
142.
Société des
Études
Océaniennes
ce genre
de pilier.
1664
là que ce placent les cochons, les
fruits que les Naturels offrent à
chiens, les volailles, et les
leurs Dieux" (9).
Une gravure d'après un dessin de W. Wilson, un dessin
anonyme du premier voyage de Cook et ceux de W. Bligh, J.
Webber et Ellis (10), représentent de grandes plates-formes
d'offrandes supportées par un nombre varié de piliers présentant
tous un élargissement à mi-hauteur. D'après T. Henry, ces grands
autels, qui ont 2 à 4 m de longueur et 1 à 2 m de largeur, sont
appelés "fata rau". D'autres, plus petits, sur lesquels les Tahitiens
déposaient des morceaux de choix pour les dieux étaient appelés
"fata ai'ai" (autels pour petites nourritures) (11).
Plusieurs "Whattas"
premier
(fata), observés par Cook lors de son
à Tahiti, étaient élevés sur des piliers de bois
(2 m) de haut (12). Ces dimensions sont proches
pilier trouvé à Papara.
passage
d'environ 7 pieds
de celles du
b) Le
(Fagraea berteriana A. Gray
ex Bentham).
ethnohistorique livre peu d'information sur
l'usage du bois de pua (Fagraea berteriana). Seuls des récits de
pua
La
littérature
tradition orale recueillis au début du XIXème siècle par le
Révérend Orsmond nous apprennent que ce bois pouvait être
investi d'un caractère sacré indéniable. En effet,
"le
premier pua fut apporté sur la terre par le dieu Tane qui
l'avait pris dans son dixième ciel, aussi cet arbre lui était-il
consacré et ses images étaient toujours taillées dans ce
bois" (13).
D'autres détails sont donnés dans le récit de la Querelle et
Réconciliation du Ciel et de la Terre, récité en 1822 par Pao Raro
et Ra'i tupu, grands prêtres de Bora-bora et en 1845
par Temere,
grand-prêtre de Tahiti
:
"... où est Tane ? le voilà qui
main ? Il a un arbre un pua
(9) J.R. Forster, 1778,
(10) Vue intérieure du
p.
vient !... Que tient-il dans sa
dans sa main ! Qui est avec
447.
Tahiti (ou
marae Punaauia) au nord de la vallée de la vallée de
d'après un dessin de W. Wilson. "A platform for
supporting the offering made to the dead" dessin anonyme du premier voyage de Cook,
British Museum. "Evattarow or great altar" dessin de W. Bligh, Mitchell
Library,
Sydney. "A human sacrifice at Tahiti" dessin de J. Webber, British Museum. Voir
Ellis, 1972, t. 1, p. 218 et 221.
la
Punaruu
vers
(11) T. Henry, 1968,
marae
1797,
p.
142.
(12) In Hawkesworth, 1778,
(13) T. Henry, 1968,
p.
gravure
t.
1, p. 49.
67.
Société des Etudes Océaniennes
1665
Tane ? Grand Ro'o le messager,
pour y
planter le
pua en
ils se dirigent vers le monde
témoignage de paix... Tane et
Grand Ro'o descendirent en volant sur la terre !... ils furent
les bienvenus dans le monde et plantèrent leur arbre pua...
ce fut le premier arbre pua dans ce monde ; c'était un arbre
sacré de Tane planté à Puna'auia à Tahiti. Hau'ou (garantie
de paix) était le nom du pua dans les temps anciens" (14).
L'ouvrage du Révérend Orsmond livre peu d'indication sur
l'usage du pua dans la vie quotidienne ; cependant nous apprenons
que, sur les marae royaux, "presque tous les tambours étaient
taillés dans du pua, arbre sacré à grain très serré et consacré au
dieu Tane" (15), et que les ti'i "étaient tantôt finement, tantôt
grossièrement sculptés dans du bois sacré provenant des marae,
particulièrement le pua" (16).
D'après J. Otcenasek (17) cette pièce de bois a été trouvée
voisinage d'un' marae aujourd'hui détruit, mais rien ne
prouve que celle-ci en provienne ; cependant l'hypothèse d'un pilier
élément de fata rau (ou f'ata ai'ai) serait satisfaisante car elle
justifierait l'emploi d'un bois sacré pour l'édification d'une
construction sur un lieu de culte. L'usage du Fagraea pour
l'élévation d'un pa'e (fata) ne pourrait se concevoir qu'à l'intérieur
d'une maison sacrée (construite sur un marae ou appartenant à une
personne de haut rang social).
dans le
paraît nécessaire de souligner l'importance de la détermi¬
espèces ligneuses dans toutes étude concernant les
matériaux de construction à Tahiti. En effet, il semble que les bois
ne soient pas toujours -et uniquement- choisis pour leurs propriétés
physiques (dureté, flexibilité, par exemple) ; le choix peut
également porter sur le caractère symbolique de l'arbre ; certains,
plantés sur les marae -miro (Thespesia populnea (L) Sol ex
Correa), tamanu (Calophyllum inophyllum L), ai to (Casuarina
Equisetifolia Lj, pua (Fagraea berteriana A. Gray ex Bentham)sont considérés comme "des émanations des dieux et des innom¬
brables esprits" ( 18). Ces arbres ne sont pas coupés et travaillés par
n'importe quel individu mais plus vraisemblablement par des
personnes hautement qualifiées au niveau sacerdotal (les tahua).
Il
nation des
(14) T. Henry, 1968, p.
361-362-363.
(15) T. Henry, 1968, p. 164.
(16) T. Henry, 1968, p. 211.
(17) Communication personnelle.
(18) T. Henry, 1968, p. 394.
Société des
Études Océaniennes
1666
Ces matériaux ne peuvent être
construction à caractère sacré
employés
:
que pour l'érection de
habitation de chefs (ari'i), de
prêtres (tahua), construction sur le marae par exemple (19). Il est
regrettable que le contexte de la découverte n'ait pu fournir
davantage d'information sur ce pilier de Papara. Cet objet pourrait
illustrer l'idée d'un choix des matériaux selon des critères cultuels si
l'on était certain de son association avec un marae.
La détermination des
objets provenant de fouilles archéo¬
milieu subaquatique devrait permettre d'enrichir la
connaissance d'un des aspects les plus profonds de la culture
tahitienne, celui d'un échange permanent entre les hommes, les
dieux et la matière première.
logiques
en
C. Orliac
BIBLIOGRAPHIE
ELLIS W. 1972
: A la recherche de la
Polynésie d'autrefois (Polynesian
Researches). Publication de la Société des Océanistes n° 25, Musée
de l'Homme, Paris.
FORSTER J.R. 1778 : Observations faites
pendant le second voyage de
M. Cook dans l'hémisphère austral et autour du monde
Paris,
Saillant et Nyon, Panckoucke.
...
H A WKESWORTH J. 1774
Relation des voyages
:
entrepris par ordre de
faire des découvertes dans l'hémisphère
méridional par le Commodore Byron, le
Capitaine Carteret, le
Capitaine Wallis et le Capitaine Cook dans les vaisseaux le Dauphin,
le Survallow et d'Endeavour. Paris, Saillant et
Nyon, Panckoucke.
HENRY T. 1968 : Tahiti aux temps anciens. Publications de la Société
sa
majesté britanique
...
pour
des Océanistes n° 1, Musée de l'Homme, Paris.
LAVONDES A. 1975 : Bulletin de la Société des Etudes
Océaniennes,
n° 6, 193, Décembre 1975.
MOERENHOUT J.A. 1959
Maisonneuve, 2 vol.
:
Voyage
aux
îles du grand océan. Paris,
MORRISON J. 1966 : Journal de James Morrison, second maître à bord
de la Bounty. Publication de la Société des Océanistes n°
16, Musée
de l'Homme, Paris.
ORLIAC C.
1982
:
Matériaux pour l'étude des habitations
proto¬
I.
historiques à Tahiti. Thèse de troisième cycle, Université de Paris
(19) La construction d'une maison : un échange permanent entre les hommes, les dieux
la matière première. C. Orliac, Thèse de troisième
cycle, 1982, t. I, p. 13 à 43.
Société des
Études
Océaniennes
et
1667
NOTE SUR LES
PREMIÈRES
INVESTIGATIONS ARCHÉOLOGIQUES
MENÉES A TEPOTO (NORD),
ARCHIPEL DES TUAMOTU
Lors de notre récente mission
mai
aux
Tuamotu, effectuée du 1er
juillet 1984 dans les deux îles voisines de Napuka et
Tepoto, situées au nord-est de l'archipel, d'importantes fouilles
archéologiques ont été menées durant huit semaines à Tepoto, sur
le
au
marae
Ce
au
10
Te Tahata.
marae se
par
la cocoteraie, à proximité du rivage,
loin de l'unique village. Il avait été repéré
trouve dans
sud-ouest de l'île, non
l'ethnologue américain Kenneth. P. Emory lors de son passage
1934 et décrit comme un marae destiné à la consommation
rituelle des premières tortues de la saison (1). C'est au regard de ces
riches informations transmises par une tradition orale alors très
vivace et stimulés par le bon état de conservation des structures de
en
pierre apparentes
que nous
entreprîmes de fouiller le marae
Te Tahata.
carroyés pour circonscrire les recherches, ce
qui représente une surface déjà considérable et donne une idée de
l'ampleur du site.
Après une opération indispensable de nettoyage et de débroussaillage de la zone à explorer, les terres superficielles furent
enlevées, mettant au jour de nouvelles structures lithiques : pierres
1 148 m2 ont été
Ceremonies, by Kenneth.P. Emory Bernice P.
Bulletin 191 Honolulu-Hawaii. Published by the Museum 1947.
(I) Tuamotuan Religious structures and
Bishop Museum
-
Société des Etudes Océaniennes
1668
1669
dressées
isolées, cistes rectangulaires constituées de dalles coral¬
posées sur chant et d'une ou plusieurs pierres dressées, en
place ou tombées à terre. 35 structures ont pu être clairement
définies, s'agençant pour la plupart en alignements organisés.
Un décapage systématique du sol supérieur s'ensuivit,
donnant une vision des lieux tels qu'ils étaient lors de la dernière
période d'activité du marae. De nombreux ossements de tortue et
restes ichtyologiques furent trouvés épars sur toute la surface du
site ; ces témoins archéologiques attestent la véracité des infor¬
mations contenues dans la tradition orale, évoquées plus haut,
confirmées par la présence de plusieurs fours à tortue dans l'espace
liennes
du
marae.
Une fouille exhaustive de la zone de plus forte concentration
de structures révéla la présence de 22 sépultures (2), d'adultes et
d'enfants des deux
sexes.
Les corps trouvés à la plus grande profondeur, ceux d'un
homme et d'une femme, avaient été inhumés proches l'un de
l'autre, avec des outils traditionnels : l'homme avec une herminette
tridacne, la femme avec deux lissoirs à pandanus, en nacre
en
(kotore).
Une relation évidente entre les sépultures et les structures
devrait être précisée ultérieurement par les études en cours. Un
certain nombre de questions se posent, notamment les suivantes :
-
-
quel est le rapport chronologique des sépultures entre elles ?
les inhumations et les rites consacrés
aux
tortues sont-ils
contemporains ?
En effet, si tout ce qui concerne la consommation rituelle des
tortues, encore en usage au XIXe siècle, était bien connu des
informateurs de K.P. Emory et des anciens que nous avons
interrogés, les uns comme les autres ignoraient tout de l'existence
de sépultures sur ce marae, ce qui suppose une certaine ancienneté
de
ces
dernières.
Les travaux de cette année devront être poursuivis, pour
contribuer à une meilleure connaissance des rites funéraires des
anciens Paumotu.
Isabelle Calaque - Eric Conte
(Université de Paris I - Département Archéologie du CPSH)
(2) Signalons la présence de trois autres squelettes humains, dont les traces ont été décelées
dans des zones difficiles à fouiller cette année. Par ailleurs, il est probable qu'il y ait
d'autres
sépultures dans l'espace du
Société des
marae. non
Études
exploré lors de cette mission.
Océaniennes
1670
1er
COMPTE-RENDU DU
CONGRÈS INTERNATIONAL
DE L'ILE DE PAQUES
ET DE LA POLYNÉSIE ORIENTALE
Ce
Congrès auquel participèrent
chercheurs, du 6
au
personnes venant de
une
cinquantaine de
12 septembre 1984, a réuni environ 175
17 pays différents. Archéologues, ethnolo¬
anthropologues, conservateurs
amateurs passionnés
ou des 2 hémisphères, échangèrent leurs points
de vue
durant cette longue semaine qui fut close
par d'actifs débats et de
gues,
...,
locaux,
prometteuses résolutions.
Une soixantaine de communications furent
palement
attentif.
en
espagnol et
en
anglais, devant
présentées, princi¬
un
auditoire très
Six thèmes d'études orientèrent les
sujets de ces
présentations :
Le premier concernait la préhistoire de l'île de
Pâques ; le
second l'histoire de son peuplement et de son
développement,
notamment sur le plan de l'horticulture, les
systèmes de subsis¬
tance. Le troisième concernait les problèmes
linguistiques ; le
quatrième, les changements culturels qui affectèrent l'île de Pâques
et l'histoire de la
Polynésie Orientale. Le cinquième traitait de l'art
et du symbolisme ; le sixième enfin de l'ensemble des
problèmes de
conservation, de restauration et de mise en valeur du patrimoine.
Un certain nombre de conférences furent données devant
l'ensemble de l'auditoire, puis, pour les sujets plus particuliers,
celui-ci se divisa, en deux lieux distincts, entre
hispanisants et
anglophones.
Les tables rondes, en fin de
reprendre
en
congrès, eurent comme objectif de
les approfondissant les thèmes essentiels.
Les questions touchant
l'anthropologie sociale et la linguis¬
tique furent reprises lors de discussions dirigées par l'anthropoSociété des
Études
Océaniennes
1671
logue australien, spécialiste de l'île de Pâques, Grant Mac Call ; les
pascuans y participèrent très activement. Les sujets traités
concernaient essentiellement l'évolution et la préservation des
cultures. C'est ainsi que l'on y parla du rôle des administrations
telles que la Justice, les organismes éducatifs et de Santé ; le rôle
des pascuans dans l'étude de leur propre culture ; la place de la
femme et les aspects spécifiques à l'île de Pâques de la propriété
terrienne.
actuels et les grandes options de la recherche
archéologique en Polynésie occupèrent largement les débats
arbitrés par Roger Green assisté de William Ayrès. Ce fut un
moment privilégié de rencontre, d'échanges et de tentative de mise
au point de questions toujours ouvertes telles celles concernant les
premières séquences de la préhistoire polynésienne. L'accent fut
mis sur certains aspects de l'étude de l'environnement tels l'exploi¬
Les aspects
tation des ressources marines et l'évolution de l'horticulture. Un
bilan des méthodes actuelles, notamment de datation, fit ressortir
certaines faiblesses concernant les analyses de charbon et
d'obsidienne et les possibilités offertes par la palynologie. Enfin
l'étude des structures Ethiques pascuanes prit une place très
justifiée. Parmi les résultats de ces échanges, l'un des plus
importants fut sans doute la création d'une association permettant
aux scientifiques internationaux de faire le point sur l'état de leurs
recherches et de susciter, par exemple, la tenue d'autres rencontres.
Ainsi fut décidé un prochain congrès axé davantage sur l'archéo¬
logie de la Polynésie orientale, il se tiendrait à Tahiti dans 3 ans ;
Roger Green en fut nommé président, Maeva Navarro en
assurerait l'organisation avec l'assistance d'un comité interna¬
tional de chercheurs restant à désigner.
réunies autour des spécialistes de l'art,
aux problèmes actuels de repérage, d'inter¬
prétation et de conservation de la statuaire et de l'art rupestre, ainsi
qu'au rôle de l'artiste contemporain, créateur et porteur d'une
Les personnes
s'attachèrent surtout
tradition.
Les échanges furent conduits par Adrienne Kaeppler, spécia¬
liste de culture matérielle océanienne et des divers aspects de sa
conservation, et
pétroglyphes
par
Georgia Lee, spécialisée dans l'étude des
pascuans.
problèmes, souvent urgents et critiques
préservation du patrimoine firent l'objet de très
suggestions recueillies par Fernando Riquelme.
Monsieur Stanley Price, représentant de l'ICCROM - organisme
international, dépendant des Nations Unies, pour l'étude des
principes scientifiques de conservation des sites archéologiques Enfin de nombreux
que pose la
nombreuses
Société des
Études
Océaniennes
1672
orienta les
propositions vers un certain nombre de mesures
possibles. Un très vaste programme de protection du patrimoine de
l'île fut ainsi proposé en fin de congrès.
Il n'est guère possible de résumer ici le grand nombre des
communications qui furent données lors de ce congrès. Un
rapport
incluant les études les plus importantes doit paraître, en
espagnol
et en anglais, à l'initiative de l'Institut d'Etudes de l'île de
Pâques (*). Les sciences humaines furent particulièrement bien
représentées.
Parmi les
-
Atholl
personnalités, on citera pour mémoire :
Anderson, préhistorien, Université d'Otago, Nouvelle-
Zélande
-
-
-
-
-
-
-
-
William Ayres, préhistorien, Université d'Oregon, USA
James Boutillier, historien, Canada
Malcolm Clark, physicien, USA
Claudio Cristino, directeur de l'Institut des Etudes de l'île de
Pâques, Chili
Bengt Danielsson, historien, Tahiti
John Flenley, palynologue, Université d'Hull,
Grande-Bretagne
José Garanger, préhistorien, Université de Paris I, France
Roger Green, préhistorien, Université d'Auckland, NouvelleZélande
-
-
-
-
-
-
Thor
Heyerdahl, ethnologue, Norvège
Adrienne Kaeppler, conservateur, Smithsonian
Institution, USA
Patrick Kirch, préhistorien, Western
Wyoming College, USA
Grant Mac Call, anthropologue, Université de Nelle Galles du
Sud, Australie
Maeva Navarro, directrice du
Département Archéologie du
territoire de Polynésie française
Solange Petit-Skinner, directrice de l'institut de recherches pour
la culture
-
fidjienne, Fidji
Nancy Pollock, anthropologue, Université Victoria, Wellington,
Nouvelle-Zélande
-
-
-
-
Sergio Rapu, archéologue, gouverneur de l'île de Pâques
Fernando Riquelme Sepulveda, architecte, Faculté d'architec¬
ture et d'urbanisme, Chili
Yosihiko Sinoto, préhistorien, B.P. Bishop Museum, Honolulu,
Hawaii, USA
Douglas Yen, préhistorien, Université Nationale d'Australie
Pierre OTTINO
(*) Pour obtenir de plus amples renseignements, il est
possible de contacter T'Instituto de
estudios isla de pascua,
Hanga Roa, Isla de Pascua", en adressant son courrier par les
soins de Lan Chile,
pour raison de rapidité dans racheminement.
Société des
Études
Océaniennes
1673
COMPTE-RENDU
Observatoire du Français
N° 1. Études et documents.
C.N.R.S. Institut National de la
Didier édition. Paris 1983.
dans le Pacifique.
langue française. Université d'Auckland.
le Pacifique" cette étude
des modifications d'une
Consacrée aux "Français régionaux dans
constitue une excellente approche linguistique
langue métropolitaine confrontée, par delà la distance, aux
d'un nouveau milieu naturel, social ou ethnique.
influences
Faisant appel à un choix judicieux de documents et de datations, la
documentation lexicographique permet de situer -dans leur contexte
culturel- les nombreux matériaux
assimilés tout
au
long d'enquêtes ethno-
linguistiques admirablement conduites et recentrées dans leur environ¬
nement
géographique.
choisis proviennent principalement de
Nouvelle-Calédonie, de Tahiti et des rivages sud-américain. Cette étude
complète remarquablement les recherches effectuées, en son temps, par le
R.P. O'Reilly sur le "Français parlé en Nouvelle-Calédonie" (J.S.O.
1953).
Les mots et locutions
Un riche vocabulaire des noms
courte
d'oiseaux
apportent un réel
Nouvelle-Calédonie, une
talent de K..J. Hollyman-
en
étude lexicale de la flore locale -dûs au
intérêt à une revue dont ce numéro est plaisant et fort
agréable à lire.
L.C.
Société des
Études Océaniennes
1674
G. BLANCHET
L'économie de la
Polynésie Française de 1960 à 1980.
Notes et documents n° 10
-
Sciences humaines, 154 p.
ORSTOM
Pour le Polynésien comme pour le visiteur, l'histoire
économique du Territoire sont difficiles à saisir.
-
1984.
et la vie
11 était devenu commun de dire que l'arrivée du CEP a
apporté des
bouleversements considérables, mais la description de ces boulever¬
sements, de leurs
vague, trop
conséquences et de leurs prolongations actuelles restait
nourrie d'idées reçues et de mythes.
Nous avions besoin des faits et des chiffres qui sont nécessaires pour
décrire et interpréter cette période importante de l'évolution de la
Polynésie française.
Un document
remarquable publié
l'ORSTOM et signé de G.
présentant de façon claire et
clinique "L'économie de la Polynésie française de 1960 à 1980".
Blanchet vient combler cette lacune
C'est véritablement
par
en
de force que vient de réaliser G.
volume de 154 pages dont 43 pages de
tableaux et de graphiques, tous les indicateurs possibles
et imaginables
sur cette
période récente, cruciale et encore mal connue.
Blanchet,
en
rassemblant
En réalisant à la fois
un
tour
en un
un
travail de Titan
et
de fourmi, l'auteur
a
collecté
vingt années des données jusqu'ici éparpillées ou inaccessibles et
les a rendues homogènes et intelligibles
pour les besoins des analyses et
des comparaisons. L'évolution des institutions
politiques et les
cheminements des groupes politiques locaux sont également décrits avec
objectivité et sans complaisance.
Le corps de l'ouvrage est organisé en trois parties qui correspondent
à trois phases de la vie économique et sociale récente de la Polynésie
française : l'avant-CEP (jusqu'en 1962), le boom, 1963-1970 puis la
recherche du second souffle.
Il décrit d'abord la période d'après-guerre et le déclin de l'économie
héritée de l'époque coloniale. La Polynésie française équilibrait
plus ou
moins ses comptes avec les revenus de l'exploitation du gisement
phosphates de l'île de Makatea
de café et de
diverses liées
nacre.
Mais
ces
et
de
de l'exportation de coprah, de vanille,
ressources
connaissaient des fluctuations
mondiaux, et les signes d'épuisement amenèrent
les responsables d'alors à rechercher des activités de
remplacement.
L'ouverture de l'aéroport international de Faaa en 1961 ouvrait la
Polynésie française à un tourisme naissant, mais insuffisant pour
compenser la diminution des ressources monétaires résultant de la baisse
aux cours
des activités traditionnelles. L'aide de la Métropole
était alors sollicitée
pour le financement des travaux d'infrastructures, d'équipements sociaux
et la
régénération des
ressources
agricoles.
11 examine dans la deuxième
partie les circonstances
CEP et ses effets. Les années 62-70 ont été des années
Société des
Études
Océaniennes
de l'arrivée du
d'euphorie, de
1675
croissance
exceptionnelle : le "boom". Mais c'était aussi les années de
changements des structures économiques et sociales : déclin puis
marginalisation du secteur primaire, gonflement des secteurs secondaire
et surtout tertiaire, exode rural, changement des modes de vie, apparition
de nouveaux déséquilibres sociaux...
La troisième
partie intitulée "les incertitudes des années 70 et la
difficultés nées d'un nouvel état
économique dont on n'est pas sûr qu'il soit durable. Vers la fin de la
première décennie, on commence à envisager la période "après-CEP" : il
faut consolider les acquis de la croissance, remédier aux déséquilibres
économiques et sociaux, et rechercher des activités de remplacement. Les
espoirs reposent essentiellement sur le développement du tourisme et
l'exploitation des ressources de la mer et accessoirement sur une reprise
en main d'une agriculture modernisée.
Les tentatives de redémarrage
lancées dans la deuxième décennie pour rééquilibrer les secteurs
productifs par rapport au CEP connaissent des fortunes diverses, les
résultats sont loin d'être à la hauteur des espérances. En 1980, le poids
économique du CEP est toujours aussi élevé, et la réduction de son
activité depuis 1975 est compensée par un accroissement des dépenses
publiques financées par l'Etat.
Citons seulement quelques chiffres illustrant l'importance des
bouleversements intervenus en l'espace de vingt ans et l'ampleur des défis
recherche d'un second souffle" analyse les
à relever
En
:
1980
:
la couverture de la balance commerciale en
-
contre 83
-
%
en
la couverture des besoins alimentaires par
contre 37
%
en
biens et services est de 23 %
1960.
les importations est de 51,5 %
I960.
fait partie Tahiti, comptent 73 % de la
population totale du Territoire contre 54 % en 1956.
En 1977 les îles du Vent, dont
L'analyse des questions et des défis de l'avenir proche bénéficiera
beaucoup du travail de fond que M. Blanchet a réalisé pour nous
permettre de mieux situer le Territoire sur sa trajectoire de dévelop¬
pement.
approfondir certaines questions de fond sur cette période
informations de base sont disponibles,
comment s'analysent pour cette période les rapports entre le pouvoir
métropolitain et la collectivité territoriale ?
11 reste à
1960-1980. Maintenant que les
En dépit des efforts indiscutables pour stimuler des activités de
remplacement, il semble que la Métropole ait davantage réagi à court
terme que géré les évolutions à moyen et long terme. L'arrivée du CEP
comportait des risques prévisibles ; on ne les a pas analysés et contrôlés.
On n'a pas tenté d'utiliser en ce début des années 60 les outils de
Société des
Études
Océaniennes
1676
Planification et d'Aménagement du Territoire qui faisaient partie de la
panoplie normale des décideurs en Métropole. La Polynésie française a
reçu le CEP sans une préparation ni une stratégie associée que seul le
pouvoir métropolitain pouvait à ce moment définir. 11 porte aujourd'hui
la responsabilité de cette lacune et de ses
conséquences.
Un autre aspect frappant de la
description faite par M. Blanchet de
ces vingt années d'histoire
économique est la faiblesse des liens et
échanges du Territoire avec le reste de la région en dehors des problèmes
avec les "anti-nucléaires". S'il
apparaît que l'on a manqué de stratégie de
développement pour le Territoire, il semble clair aussi que l'on n'avait pas
de stratégie régionale.
L'ouvrage remarquable de M. Blanchet, par les informations qu'il
fournit sur la période 1960-1980 et par les bases qu'il offre à notre
réflexion, doit être lu et médité par tous ceux qui ont des responsabilités
économiques et sociales aujourd'hui. 11 me semble qu'il doit aussi être
présenté aux étudiants qui seront les acteurs du développement de
demain. Le chemin à parcourir est encore long avant que
le Territoire
puisse prétendre se situer sur une autre orbite économique, et la bonne
information de tous est indispensable pour
espérer y réussir.
nous
R. WONG FAT
Brigitte PIQUETPELLORCE
Po'e poèmes.
Interprétation en tahitien
Tevaita
a
TETUMANAIFA
;
poèmes illustrés par Auri PERARD et mis en
x 21 ; 28
pages. ISBN
B.P. 1958 Papeete.
page par Ariette MEDUS-DELIGNY. Format 18
2-904171-05-03. Editions HAERE PO NO TAHITI
-
Nous signalons à nos lecteurs la publication d'un nouveau
petit livre
des Editions Haere Po no Tahiti, destiné aux enfants et nommé
Po'e
poèmes. C'est le troisième fascicule de la collection Haere Po Jeunesse
après l'origine du Uru et Honu la tortue. Comme les précédents, ce livre
de poèmes propose un texte
français et une interprétation en tahitien.
Abondamment illustré en couleur, il comporte une notice
pédagogique
originale de l'auteur, marionnettiste de profession, qui peut ainsi
permettre une mise en scène des textes. Ces
poésies modernes, pleines
d'humour ont principalement
pour thème des animaux.
Société des
Études
Océaniennes
1677
Sachiko HATANAKA & Norio SHIBATA
Reao report.
A Study of the Polynesian
migration to the eastern Tuamotus.
The University of Kanasawa,
Japon, 1982, 430 p.
Résumer la
publication de 430 pages éditée par le Pr. Sachiko
Norio Shibata, à la suite de la mission interdisci¬
Hatanaka aidée par
plinaire réalisée à Reao
fournies
la
en
sont nombreuses et
1980 est tâche ardue, tant les informations
stimulantes pour la recherche. C'est en effet
première fois qu'un atoll est ainsi ausculté
les Sciences Humaines et
présent. Seule la série
Takapoto pour le projet MAB,
entre 1975 et 76 peut lui être
comparée ; mais elle abordait la vie de l'atoll
par une approche nettement naturaliste.
par
que son passé est confronté simultanément avec son
de missions montées par le Pr. Salvat à
Les premiers travaux ethnologiques du Pr. Hatanaka, (Université de
Kanazawa, - Japon), dans les Tuamotu de l'est ont été réalisés entre 1961
et 1964, et concernaient le
groupe formé par les deux atolls de Pukarua et
de Reao, qui, au moins du point de vue linguistique, se différencient des
autres atolls des
Tuamotu.
Deux missions
pluridisciplinaires furent montées à Reao, la première
1976, la seconde en 1980. Y participaient, outre Hatanaka, un
psychologue (Pr. J. Komaki), un linguiste (Pr. J. Ward, remplacé ensuite
par N. Shibata) et un archéologue (Pr. Y. Sinoto, remplacé par la suite
par E. Nitta et JM. Chazine). La dernière mission comprenait en outre le
en
Pr. K.
Katayama
pour
l'anthropologie physique.
Les thèmes principaux retenus et communs aux quatre disciplines
concernaient la mobilité, la constitution et les zones d'implantation de la
population actuelle, la recherche des éléments anciens qui pourraient
subsister actuellement et leur comparaison avec les quelques données
disponibles pour le reste de la Polynésie.
I.
Ethnologie
par
S. Hatanaka. (64 p.)
Son enquête porte sur la
mémoire collective des mini-migrations
inter-insulaires depuis la fin du I8ème siècle ; ceci permettant une
extrapolation dans le passé. Bien qu'il ne subsiste qu'une seule généalogie,
elle ne remonte qu'à quelques générations seulement et situe l'origine des
insulaires dans trois îles : Vavau aux Tonga, Nukuhiva aux Marquises et
Mangareva
aux Gambier.
Un petit groupe d'émigrants provenant de
Makemo et de Niau, à la fin du I9ème siècle, s'est implanté et a obtenu
des droits sur certaines terres que leurs descendants même une fois
retournés chez eux, contrôlent encore. Leur trace s'est inscrite dans des
chants et des légendes intégrées maintenant. Après une substantielle
description des différentes techniques actuellement utilisées par les Reao
pour leur subsistance et leur économie (pêche, cueillette et cultures) nous
avons une description de la situation démographique et de
l'importance
de l'émigration vers Papeete et des emplois plus ou moins régulièrement
rémunérés et déterminants pour l'équilibre de la communauté. Pour une
Société des
Études
Océaniennes
1678
population
restante de 277 habitants
répartie dans 45 maisonnées, il y a
leur communauté. L'importance
de l'implantation de la base militaire
depuis 1966 est notée tant sur le plan
économique et technologique que démographique puisque il y a déjà 24
enfants issus de ces unions passagères. On ne trouve
pas à Reao
l'expression matakeinanga ni son corollaire, le 'ati, pour définir l'appar¬
tenance résidentielle et
lignagère, et ce même à l'arrivée des premiers
européens, vers 1850. Par contre les groupes familiaux sont classés par le
terme générique tahitien feti'i
pour la fonction et pupu
pour la
description. Hatanaka en a recensé au moins onze dont quatre affiliés à
Pukarua. A l'origine, le pupu ne correspondait
qu'à la branche
patrilinéaire issue de trois tumu, et la plupart des terres appartiennent
211 "absents"
ou
décrits
comme
tels par
...
d'ailleurs
aux
descendants
et
collatéraux de trois familles seulement.
Une des
particularités de Reao consiste dans des chants très anciens
qui avaient retenu l'attention des observateurs depuis longtemps (Caillot,
Emory, Buck, Stimson, Elbert). Ceux-ci, qui ont été recueillis lors de la
précédente mission ne sont déjà plus compréhensibles par les habitants
eux-mêmes et les tentatives faites auprès des
personnes les plus âgées
n'ont encore que peu abouti. On constate
par ailleurs une notable
dégradation du stock de chants mémorisés ainsi qu'une réactualisation
réductrice pour les plus connus. Ces chants dont nous avons la trans¬
cription pour onze d'entre-eux, sur 31 enregistrés en dernier, sont classés
en 5 selon le
lexique Reao mais les locuteurs étaient incapables de les
différencier pratiquement. Ce sont des invocations
intemporelles à des
référents émotionnels, des lamentations ou des
éloges à des personnalités
ou des héros morts, des odes ou des
complaintes adressées aux dieux, aux
héros, à la terre des ancêtres, des chants de guerre et d'actions : pêche, feu,
voyages. A cette occasion, Hatanaka a pu travailler sur des manuscrits
recueillis par le B.P. Bishop Museum dans les années trente et nous les
livrer. Ces chants ont une double signification
et leur fonction allégorique
et symbolique, bien
que certaine, reste encore à décoder partiellement.
La conclusion de Hatanaka, si elle est
légèrement pessimiste sur les
capacités des Reao à résister aux impacts et de l'Occident et de Tahiti,
pense que les prochaines générations se pencheront sur leur passé et sur ce
que les ethnologues auront réussi à en sauver.
II.
Anthropologie physique
K. Katayama (68 p).
déjà réalisés sur les généalogies de
Pukarua et de Reao, Katayama a défini un échantillon ne contenant
normalement pas d'éléments allogènes discriminables sur
lequel il a
procédé à différentes mesures métriques et biologiques. L'échantillon
retenu (31 hommes et 34
femmes) âgés de 16 à 64 ans correspond à 24 %
de la population totale mais à 90
% de non-métissés dans la même
fourchette d'âges. Onze mesures définissant 8 indices
(conformes aux
critères standart de Martin) ont été effectuées :
céphalique, fronto¬
parietal, céphalo-facial, zygo-frontal, zygo-gonial, facial, nasal et
auriculaire. Les valeurs de ces indices
représentés sur des diagrammes et
comparés à ceux d'autres groupes polynésiens donnent des indications sur
En
se
basant
sur
par
les travaux
Société des
Études
Océaniennes
1679
les
déplacements inter-archipels. Bien
que
la taille
moyenne
des Reao soit
inférieure à celle des autres groupes (mais non l'écart des extrêmes), ce
critère ne peut être isolé et correspond certainement à un "island effect",
bien
connu
Huit
des
généticiens des petites populations.
anthroposcopiques ont été effectuées mais, en l'absence
objectives qui permettent des comparaisons
scientifiques, elles ne sont données qu'à titre indicatif. Ces données sont
subjectives puisque portant sur l'aspect des cheveux, la couleur, le pli
mongolien, la forme du nez, le prognatisme, la bosse de Darwin... etc.
mesures
de tables de référence
Le
polymorphisme génétique
a
été étudié
par
trois méthodes
:
a) le cerumen auriculaire ;
b) les groupes sanguins ABO ;
c) les sécrétions salivaires ABH et Se ainsi que la sensibilité à la PTC.
Une quatrième méthode comparative a été employée en étudiant les
dermatoglyphes des paumes et des doigts gauches et droits.
En plus de ces mesures d'anthropométrie vivante, plusieurs
sépultures ont pu être fouillées et ont livré un matériel osseux important
qui a fourni un autre groupe de données.
Au total, 98 ont été
d'établir
cartographiés dont 36 fouillés
ce
qui
a
permis
corélation entre la taille des cistes (1) et l'âge des individus et
de les classer en trois groupes : enfants, adolescents et adultes. Cette
corrélation a permis d'établir que 44 % des sépultures observées étaient
celles d'enfants et ce, sur les 8 cimetières étudiés. L'orientation des
une
sépultures semble indiquer que c'est l'axe lagon/océan et non un azimuth
particulier qui la détermine. Les contenus des sépultures, dans lesquels le
mobilier funéraire est absent (à un élément de parure en nacre près)
semblent indiquer qu'on a pratiqué des enterrements secondaires et peutêtre la crémation puisque quelques oS brûlés ont été dégagés.
L'ensemble des résultats que Katayama a obtenus indique en tout
état de cause une grande homogénéité dans les caractères physiques des
Reao. La comparaison avec les autres groupes de Polynésiens est plus
divergente car les affinités varient notablement suivant les caractères et les
groupes considérés.
En résumé
on
peut dire que : par leur
taille, les Reao sont plus petits,
pour autant sortir des fourchettes extrêmes des autres groupes ; par
les dimensions de la tête, il y a similitude avec Hawaï, les Cook, Samoa et
sans
; par la distribution des gènes ABO, il y a similitude avec les
Pascuans, les Marquises, les Australes, Mangareva et les Maori de NlleZélande, affinités pour les empreintes avec Maupiti et les Maori pour les
doigts et Hawaï pour les paumes. Quant aux vestiges osseux, ils sont très
proches des Cook, des Maori et des Marquises.
Tonga
(1) Sépulture néolithique formée de pierres
Société des
assemblées en coffre.
Études
Océaniennes
1680
Ainsi,
complètes,
on
peut conclure sur ces premières séries de données aussi
que
la population actuelle semble plus proche des Polynésiens
aient été autrefois plus proches des Polynésiens du
bien qu'ils
de l'Est.
centraux
Sud et
III.
Psychologie
par
J. Komaki (31 p.)
Pour faire suite
aux travaux déjà réalisés lors de la
précédente
mission, en 1976, les buts consistaient à identifier et isoler les traits
caractéristiques du comportement et les modes de pensée des habitants
vis-à-vis d'un certain nombre de thèmes, à savoir : déplacements
interinsulaires (haere ori), relations parents-enfants. Un certain nombre
d'observations ponctuelles sur des attitudes ou des comportements types
ont également été relevés (boisson, gros mots, projets d'avenir).
Pour les voyages, 88 habitants représentant 82 % de la population de
plus de 15 ans ont été interrogés. Le nombre d'îles visitées, la fréquence,
les motifs, la répartition par sexes ont été analysés. Ils montrent qu'il
subsiste très peu de voyages sans motivation explicite telle que : coprah,
soins médicaux, accouchements, emploi, école,
Les hommes se
déplacent plus que les femmes qui vont surtout à Papeete pour accoucher.
...
Le nombre d'îles visitées s'étend de 0 à 26 mais les différentes escales des
bateaux comptent pour beaucoup. Le haere ori se révèle donc être plus un
modèle auquel on aspire qu'une réalité vécue.
La
personnalité des adultes étant modelée par les expériences de
a interrogé à la fois les parents et les enfants, à partir
d'un questionnaire type portant sur les activités domestiques, les
manifestations et les partenaires affectifs. Les réponses obtenues
indiquent un consensus relationnel parents-enfants : le rôle des parents se
l'enfance, Komati
limite à assurer les besoins matériels élémentaires
habillement et gîte. Les besoins affectifs ou de tendresse
:
nourriture,
n'apparaissent
que pour les tout petits enfants. Ce rôle assez restrictif des parents à Reao
diffère notablement des observations que R. Levy avait faites lors de son
enquête dans les lies de la Société. En outre les parents attendent une aide
importante pour les travaux domestiques ou agricoles et pensent avoir
tout pouvoir sur leurs enfants. Ceux-ci ne se confient que rarement à leurs
parents ou à leur famille. Ces observations sont confirmées dans les
familles ayant un ou plusieurs enfants adoptés (18 foyers dont 5 ayant en
outre leurs propres enfants). L'inventaire des travaux faits par les deux
sexes et leurs proportions en pourcentage
indiquent une surcharge
relative pour les filles. Elles s'occupent seules du lavage et vont moins
pêcher ou ramasser des poulpes que les garçons.
Komaki
filles
demande
cependant si cette distinction entre travaux des
d'origine traditionnelle ancienne et si l'acquisition
techniques s'effectue à ce moment là ou non. Les jeux
se
et des garçons
des savoirs
pratiqués
même à
hommes
par
ceux
est
les enfants maintenant
des enfants
comme un
moyen
sont semblables à ceux des villes et
japonais. La boisson
est
d'évasion, de rêve, mais ils
Société des
Études
Océaniennes
expliquée
par
constatent que
les
les
1681
ne boivent pas de la même manière et "résistent" mieux.
L'inventaire de "gros mots" comprend essentiellement les diverses
combinaisons entre la bouche, les organes sexuels et une grande variété de
européens
qualificatifs relatifs aux deux sexes.
D'après les adolescents interviewés, les relations sexuelles sont moins
fréquentes dans la réalité que dans le discours et il apparaît une tendance,
chez les jeunes filles, à rejeter les Reao et préférer les garçons "des villes"
et pratiquement à émigrer à Papeete. Bien que pouvant changer de
partenaires au cours de leur vie, le modèle conjugal monogame, même
temporaire, reste prééminent, appuyé par la morale chrétienne.
En conclusion, Komaki estime que les Reao, bien qu'ils aient changé
leurs habitudes et leurs coutumes en acceptant de moderniser certains
domaines de leur vie, ont conservé des modes de pensée et des
conceptions traditionnels. Ceci apparaît dans les cas limites tels que les
scènes de violence ou les délits qu'il a pu voir pendant les deux mois et
demi passés sur l'île. Les insulaires n'avaient pas le même registre de
perception de la répression ou de l'infraction et manifestaient un oubli
rapide des exactions passées. Ceci exprime un manque de normes pour
certains types de délits. La communauté n'a pas développé de mécanismes
de sanctions formalisées autres que le discrédit public. Ceci explique la
très grande sensibilité des gens aux "on dit", aux bonnes ou mauvaises
réputations qui ne jouent cependant pas de rôle normatif. L'Eglise et le
Gouvernement local ont introduit des institutions et des systèmes
nouveaux que la communauté n'utilise pas encore totalement et il subsiste
une marge importante entre leur fond culturel et ce qui a été introduit.
IV.
Linguistique
par
N. Shibata (88 p.)
précédents travaux avaient porté sur les chants et leur
signification sans apporter de résultats utilisables par manque de lexique
Les
actualisé des mots Reao.
lexique de 3000 mots avec leur traduction en anglais a donc été
l'aide de quatre informateurs âgés de 64 à 75 ans. Le dialecte
Reao se différenciait nettement des autres dialectes des Tuamotu, puisque
vers 1920, les travailleurs de Makatea ne les comprenaient pas. En plus du
vocabulaire spécifique, une étude phonétique a été effectuée et des
comparaisons avec les distributions des phonèmes dans toute l'aire du
Pacifique ont été effectuées. Shibata, à partir de ces observations en
déduit qu'après une "longue" période d'isolat qui a permis de développer
une langue originale les premiers contacts les ont engagés dans une phase
de "paumotuanisation", suivie récemment par une tahitianisation
marquée. La phase de paumotuanisation n'ayant eu lieu que vers les
années 1920, et la tahitianisation, à partir de l'implantation de la base
militaire en 1965. Phonétiquement ces changements se manifestent par le
remplacement du /k/ par l'arrêt glottal /'/, ainsi que certaines
réalisations du /h/ sous les formes /h/, /F/ ou /h/. Au contraire de
Stimson qui supposait que le Reao était une forme de survivance
extrêmement archaïque, sans liaison avec ses congénères, Shibata montre
que le Reao était plus proche de ce qui était le Pomotu originel que de
Un
établi,
avec
Société des
Études Océaniennes
1682
toute autre
langue polynésienne. A partir du diagramme de distribution
géographique de certains mots, il décrit un processus de différenciation
du Reao issu d'un langage commun à
l'origine aux Tahitiens, Paumotu et
Reao. Pour les périodes plus récentes, on se demande
pourquoi la
paumotuanisation a pu si facilement s'introduire, sans centre de décision
politique, économique notable comme l'est Papeete pour la tahitianisation.
En
conclusion, malgré la quantité de données recueillies pour cette
matière si fluide, Shibata pense que le dialecte
originel de Reao n'est pas
très éloigné géographiquement, et
que c'est leur isolât, à l'extrémité SE de
la
Polynésie qui a eu l'effet le plus conservateur. Un lexique des 500 mots
d'après le ILCAA de 1966, chacun illustré par une phrase, termine
chapitre.
établi
ce
V.
Archéologie
par
E. Nitta (82 p.)
Les travaux
archéologiques ont consisté en une prospection
extensive de surface pour inventorier tous les marae ainsi
que les
sépultures. Deux sites ont été particulièrement étudiés, l'un dans la partie
sud de l'atoll constitué d'un ensemble
important de marae qui était en
relation avec des structures de combustion et des fosses de
culture
étudiées par ailleurs par JM. Chazine ;
l'autre, dans la partie nord
également dans des fosses de culture repérées en 1977.
L'inventaire
l'étude morphologique des marae, 50 au total, dont
5
de les classer en deux grandes catégories, selon la
présence ou l'absence de murs. Une typologie beaucoup plus complète
tenant compte du nombre,
de l'emplacement des structures annexes et de
leur formes permet de les
ranger en onze sous-groupes. L'étude
approfondie du complexe de Gake indique une chronologie dans
l'apparition des formes. Si la forme générale de Yahu reste stable, la
distribution des structures annexes se ramifie. Pour
Nitta, le dévelop¬
pement des deux types (avec et sans murs) a été parallèle et
correspond au
moins à l'utilisation des déblais de nivellement ou de
nettoyage de la cour.
Lorsque le marae est implanté sur un sol naturellement caillouteux, il y a
toujours le type "avec murs", alors que un sol sableux provoque une
variation renvoyant à un choix culturel. Cet ensemble
d'informations
permet à Nitta de penser que le concept de marae,
c'est-à-dire, à la fois sa
structure et son rôle socio-religieux,
a été introduit avec les premiers
occupants. Par ailleurs, il s'est confirmé que les marae du type de l'ouest
des Tuamotu, décrits par la mission de 1976
(Sinoto : 168-169) ne sont
que les sous-bassements de marae
classiques de Reao, démontés et
récupérés pour en faire des parcs à poisson. En ce qui concerne la
chronologie, la comparaison avec les autres structures connues des
archipels polynésiens, fait penser qu'il y aurait eu au moins deux vagues
d'immigration : l'une du centre des Tuamotu, l'autre plus tardive, des
Tuamotu de l'ouest et des Cook Nord.
et
nouveaux, permet
que
L'étude de la répartition aussi bien des
l'implantation s'est d'abord faite dans
Société des
Études
que des types, montre
partie SE et la couronne
marae
la
Océaniennes
1683
d'îlots de la cote ouest, pour se distribuer ensuite assez régulièrement vers
le nord. La corrélation entre structures religieuses et d'habitat est
fréquente, mais en dehors des extrémités N et S, l'habitat est toujours
resté temporaire et soumis au régime de gestion du rahui. On peut
également noter que les poissons sont plus nombreux aussi aux deux
extrémités, là où subsistent des chenaux de communication ouverts par
intermittence, ce qui justifierait l'implantation permanente.
Les fouilles conduites à Gake ont livré
un très important ensemble de
cultes de la tortue. Ils apparaissent sous forme
ordonnés devant les plates-formes à offrandes
exactement de la manière dont cela avait été décrit au Pr. Emory en 1930.
Une tête de harpon en os a également été découverte, dont la
vestiges liés
aux anciens
d'éléments de squelette
détermination
est en cours.
grand nombre de sondages effectués sur le pourtour de l'île ont
beaucoup de vestiges alimentaires, osseux notamment. Conduites
dans la zone de fosses du nord de l'atoll, les fouilles extensives ont mis au
jour une surface d'occupation riche en vestiges divers. De l'outillage et des
éclats de débitage en bénétier permettent de reconstituer assez clairement
le processus de fabrication des herminettes. Des ébauches et des
percuteurs ont été également trouvés. Quelques fragments de pelles en os
de tortue figurent, avec des déchets alimentaires comprenant os de
poissons, de cochon et coquilles diverses.
Un
livré
Pour conclure, Nitta pense que ce sont toutes les composantes
écologiques qu'il faut prendre en compte pour la reconstruction du
peuplement de Reao et, surtout effectuer d'autres travaux archéologiques
complémentaires dans les Tuamotu, pour préciser les chronologies
obtenues.
VI.
Archéologie
par
JM. Chazine (80 p.)
rapport préliminaire a déjà été publié dans le
bulletin (2). L'arrivée, depuis, des résultats des datations au carbone 14
permet d'avancer un certain nombre de conclusions et d'hypothèses
énoncées dans une autre note.
Un résumé de
mon
générale, on ne peut qu'avoir une reconnaissance
particulière pour le Pr. S. Hatanaka pour avoir monté cette mission pluri¬
disciplinaire et surtout pluri-nationale, sans demander de subvention du
Territoire, ni invoquer ostensiblement le sauvetage du patrimoine
polynésien. Tous les résultats confirment le manque de données
comparatives pour l'archipel des Tuamotu et donc son retard dans ce
domaine. Cette carence montre s'il en était besoin, que de nombreux
travaux comparables devront être réalisés pour reconstituer le peuple¬
En conclusion
ment de ces
îles.
Jean-Michel CHAZINE
(2) B.S.E.O. n" 213
-
Déc. 1980.
Société des
Études Océaniennes
.
V
'
Société des
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 228