B98735210105_225.pdf
- Texte
-
BULLETIN
DE M
SOCIETE
DES ETUDES
OCEKNIENNES
N° 225
TOME XIX
—
N° 2 / Décembre 1983
Société des
Études Océaniennes
Fondée
Rue
Lagarde
-
en
1917.
Papeete, Tahiti.
Polynésie Française.
B.P. 110
-
Tél. 2 00 64.
Banque Indosuez 21-120-22 T
—
C.C.P. 34-85 PAPEETE
CONSEIL D'ADMINISTRATION
M. Paul MOORTGAT
Président
Me Erie
Vice-Président
LEQUERRE
Mlle Jeanine LAGUESSE
Secrétaire
M.
Trésorier
Raymond PIETRI
assesseurs
M. Yvonnic ALLAIN
t Me Rudi BAMBRIDGE
-
Mme Flora DEVATINE
M. Roland SUE
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
R.P. O'REILLY
.
M. Yves MALARDE
t M. Raoul TEISSIER
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ
DES
ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
N° 225
TOME XIX
-
-
N° 2
DÉCEMBRE 1983
SOMMAIRE
Embarcations de l'ancienne île de Pâques. Plus spécialement
les pirogues à balancier (Vaka Ama) : A. Cea Egana
1411
Les maladies des
1433
Journal de
Européens à Tahiti, en 1880
Bligh. Le jour de la mutinerie
La conservation du feu
E. Conte - J. Kape
:
1441
description d'une méthode ancienne
:
1450
Xlème
et
Congrès International des Sciences Anthropologiques
Ethnologiques : 14-25 août 1983 : D.T. Tryon
1454
Nécrologie
Pierre Jourdain
-
1456
Biographie P. Moortgat
Les escales océaniennes dans la vie
Marie-Thérèse et Bengt Danielsson
exemplaire du commandant Jourdain
:
1458
Comptes-rendus
A.
Taylor
:
1463
Polynesian Tattoing
Edt. Moana
:
I. Ollivier, C.
1464
Nouveau
regard
Hingley
Early Eyewitness accounts of Maori life
:
l'île de Pâques
P. Hodèe
:
G. Irwin
Comment Lapita perdit l'usage de la Poterie
:
Tahiti 1834-1984
sur
:
150 ans de vie chrétienne en
R. Brousse, C. Macherey,
trois volcans successifs
E. Berger et G. Boutault
F. Forment
aux
:
Le
Pacifique
:
1464
1466
Eglise
L'île de Huahine
1470
:
1472
îles innombrables
-
Ile de Pâques
1472
Publications de l'antenne du Museum d'histoire naturelle
et de l'Ecole
pratique des Hautes Etudes
Société des
Études
Océaniennes
1474
1411
EMBARCATIONS DE L'ANCIENNE
ILE DE
PLUS
PAQUES
SPÉCIALEMENT LES PIROGUES
A BALANCIER
(VAKA AMA)*
De "Ora Ora Miro" à "Reina de Los
Angeles".
Le
cataclysme secoua violemment la grande terre de Hiva et
Renga, le territoire du Roi Hotu Matua, à la consternation
effrayée de ses habitants, s'enfonça lentement dans la mer.
Alors, la voix puissante du Roi s'éleva au-dessus du
grondement des vagues et du rugissement du vent, réclamant l'aide
de Make Make, le plus ancien des Dieux et protecteur de son
peuple. Make Make écouta finalement la prière du Roi et accourut
à son aide. Il le fit par l'intermédiaire de Hau Maka, le savant
sorcier Tatoueur à qui le dieu polynésien signala qu'au delà de
l'horizon, là où mystérieusement s'engendre l'ombre et naît le
soleil, existait le refuge espéré. Là-bas, une île solitaire et inconnue
Marae
les attendait.
Un groupe de sept navigateurs prit alors la mer dans une
embarcation du nom de "Ora Ora Miro".
Cette reconnaissance aurait été ou serait à l'origine de la
présence humaine dans l'Ile de Pâques et son embarcation, la
première à fendre les eaux de cette mer insulaire inconnue.
Ils revinrent, ayant terminé leur exploration, à leur terre
d'origine et racontèrent au Roi que la Terre promise par Make
Make l'attendait.
Nous ne savons rien de la pirogue exploratrice et pouvons
seulement supposer qu'elle devait être du type des grandes
embarcations polynésiennes de haute mer. La tradition rapportera
plus tard,
*
Voir
que
glossaire
le roi colonisateur accompagné de
page
1431.
Société des
Études
Océaniennes
son
peuple, arriva
1412
de l'Occident à bord de deux
grandes embarcations transocéa¬
niques nommés Oteka et Oua, après deux mois de navigation sur
un cap inconnu, progressant prudemment sur la mer immense,
dérivant au grès des courants, poussé par les vents et l'effort
rythmé de leurs pagaies.
Les informations sont également pauvres au sujet de ces deux
pirogues hypothétiques dont la longueur de 30 mètres et la largeur
de 2 mètres restèrent signalées par de modestes jalons de pierre au
voisinage d'Anakena, la plage où les émigrants touchèrent terre.
Ces pirogues aux proues élégantes en forme de col de cygne et
aux poupes fourchues seraient arrivées "ensemble
jusqu'aux îlots
Motu Nui et Motu Iti et n'étaient pas équipées de voile" (1).
L'information est trop sommaire ; elle provoque le doute et
son interprétation est difficile, car il
paraît possible aussi que Oteka
et
Oua aient été les
noms
de chacune des coques
d'une grande
pirogue double qui serait arrivée, avec son pont intermédiaire
détruit (PIRI) par les tempêtes, et dont le gréement aurait été
perdu au cours de la longue et difficile navigation. D'autre part
nous savons que les pirogues doubles se
nomment Vaka Houua
aux îles Marquises.
Peut-être alors, Oteka aurait-il été le nom
d'une grande embarcation à double coque. (Oteka, Houna, Oua ?).
Les émigrants arrivèrent enfin tels des naufragés sur une terre
inhospitalière et durent devant la nécessité, utiliser leurs pirogues
renversées comme abri pour se protéger contre le froid intense et
les vents forts de l'hiver austral, créant peut-être ainsi les bases
d'une future architecture locale : maisons bateau ou Hare
Paenga,
de grande simplicité fonctionnelle.
Nous ignorons ce qu'il est advenu de ces grandes embarca¬
tions. Selon la légende, elles seraient retournées à leur terre
d'origine pour y chercher des biens abandonnés dans la précipi¬
tation du départ.
Ils partirent et revinrent (2).
Ici s'arrête l'information et
commence
le silence de la tradition
orale
qui s'altère et se perd avec l'arrivée de nouveaux groupes
d'émigrants, accentué plus tard par la décadence culturelle et les
guerres tribales. Les rares souvenirs conservés jalousement par les
sages se perdront au cours des rapts massifs du siècle dernier et
c'est de cette façon que les tablettes d'idéogrammes deviendront
définitivement muettes (Kohau Motu Rongo Rongo).
(1) Il
est
possible
que ce soient elles, comme le signale l'un des informateurs (M.H.V.), le
principal du grand pétroglyphe nautique de Hanga Papara (La Pérouse).
(2) La narration est basée sur l'information existant à cette date et citée par divers auteurs
avec de
légères variantes. (Voir Bibliographie page 1432)
motif
Société des
Études
Océaniennes
1413
A
nous
partir de 1722,
avons
avec
l'arrivée des navigateurs européens,
à nouveau, des informations sur les embarcations
pasçuanes.
Les voyageurs
arrivent dans
période d'extrême décadence
l'écosystème.
La pauvreté locale en matière première, explique le faible
nombre de petites et modestes pirogues à balancier "de construc¬
tion fragile et de pauvre apparence" que les étrangers observent
avec un intérêt spécial. Les insulaires qui montent sur les
ponts des
de la culture et
une
forte détérioration de
une
bateaux, étonnés et curieux, montrent un intérêt et une connais¬
sance peu commune en construction navale. Ils examinent d'un œil
expert, mesurent, discutent et comparent les dimensions et la
distribution des grands voiliers.
Au fur et à mesure que le temps passe, les visites des marins
européens, et bientôt celles des américains, se succèdent avec une
fréquence croissante. Finalement, l'homme occidental s'installe
dans l'île, apportant des connaissances précieuses en charpenterie
de bord, bois adéquats, outils efficaces, clous de fer et le dessin
d'une embarcation qui, par ses qualités nautiques, établira dans le
Pacifique, un règne prolongé et bien mérité. Cette embarcation est
le canot ou la chaloupe baleinière, définie par sa sveltesse stylisée
de sa proue et de sa poupe qui confondent l'étrave et l'étambot.
Dotée de grande résistance de structure et d'une capacité
supérieure de charge, elle est stable, docile et agile dans la
manœuvre.
Ces conditions ne pouvaient passer inaperçues aux insulaires,
connaisseurs ataviques des choses de la mer. Dès lors, leurs
embarcations commenceront à se transformer imperceptiblement.
Sur la base de la structure de l'étroite pirogue primitive - que seul le
balancier arrive à stabiliser - on incorpore les détails et les qualités
du canot baleinier. La pirogue se fait plus ample et la poupe étroite
remplacée par un petit tableau arrière triangulaire. Elle acquiert
plus de stabilité, et de ce fait, le flotteur latéral disparaît. Elle se fait
aussi plus longue et solide, avec des couples fermes, des traverses
serrées et de solides bancs de nage (Pepe). La pagaie cède la place à
la longue rame -assujettie dans les tolets taillés comme des
créneaux sur les bordés- et qui impose la force de sa pelletée.
est
A l'intérieur des
anses pasçuanes, l'œil expert peut percevoir
simplicité et la modestie des embarcations actuelles, les
influences subtiles ou évidentes de ces autres canots qui présidèrent
dans la
à leur naissance.
Comme cela
cérémonies
faisait pour
la pirogue à balancier, les vieilles
qui assurent à l'embarcation la bonne fortune dans sa
se
Société des
Études
Océaniennes
1414
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"Le Pora"
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Société des
pig-1
Études
(Flotteur de "totora")
(De DU PETIT"THOUARS)
Océaniennes
1415
vie de pêche, sont encore en vigueur. L'habileté pour l'utilisation de
l'herminette (Kautoki) des sculpteurs pascuans d'idoles en bois, a
également reproduire les proues et les poupes pointues des
baleinières, les étraves et les étambots, qui caractérisent avec le
maître couple étroit, l'embarcation pascuane d'aujourd'hui, spécia¬
lement adaptée pour accomplir élégamment sa fonction dans les
conditions difficiles et changeantes de la mer insulaire (3).
su
La
légende signale qu'il existait aussi
par
le passé (?) des
embarcations moyennes pourvues de voile : des chaloupes lourdes
et stables, capables de voyager jusqu'à l'îlot retiré de Motu Motiro
Hiva, île de Sala y Gomez, pour y recueillir des œufs d'oiseaux de
mer ainsi
que les nombreux poissons et langoustes de ses fonds. Ce
fait mentionné dans une légende constitue la seule information
disponible.
Nous pensons que son existence a pu, sans doute, être possible
des temps historiques ; mais si la dénommée Vaka Poe Poe
existait alors, sa présence constituerait une exception dans le style
en
général
stylisées
que
gardent entre elles les embarcations polynésiennes
La pauvreté forestière de
construction locale d'une
pour la navigation hauturière.
rend encore plus improbable la
l'île
embarcation de
cette
dimension.
Il est
permis de penser que cette embarcation aurait pu
correspondre au modèle de l'ancien catamaran utilisé à Mangareva
et appelé Pae Pae (Poe Poe ?), dont les formes et les caractéris¬
tiques pourraient, en abusant de l'imagination, s'assimiler à la
lourde et vaste embarcation moyenne de l'île de Pâques.
Le nombre restreint de pirogues à balancier et l'impossibilité
de l'augmenter, expliquent sans doute, l'apparition et la prolifé¬
ration de dispositifs succédanés qui, par leur grande simplicité et
leur construction économique, pouvaient les remplacer.
Les flotteurs
(Fig. 1) -de deux mètres de longueur et de forme
avec des bottes de roseaux (totora) et recevant
un ou deux membres d'équipage- appelés "Pora" se fabriquèrent en
grand nombre et étaient très utilisés pour la pêche côtière et dans
les déplacements sportifs et de loisirs des insulaires sur la zone
côtière. Allongés sur les "Pora", les Hopu Manu -athlètes chargés
de chercher entre les rochers le premier œuf du Manutara sacré
(Sterna fuscata)-, nageaient jusqu'aux îlots.
Une variante de cet engin de flottaison individuelle était le
rectangle d'épais tissu de "totora" appelé "papa" qui était utilisé
conique fabriqués
(3) En 1954, F. Teao, A. Pont
rurent
dans
un
canot de 7
leur île de l'atoll de
et
D. Te Ave, trois pêcheurs natifs de l'Ile de Pâques, parcou¬
mètres de longueur, et en
29 jours, les 2140 milles qui séparent
Kauhi, situé dans les îles Tuamotu à 270 milles
Société des
Études
Océaniennes
au
nord de Tahiti.
1416
pratique du traditionnel sport insulaire de "courir la vague"
(ngaru) qui se pratiquait en certains lieux comme Hanga Rio-Rio
et Hanga Nui.
Parmi les manifestations supérieures de l'ancienne culture
Rapa-Nui et parmi les expressions les plus élevées de son
artisanat utilitaire, nous devons considérer les pirogues à balancier
(Fig. 2), les hameçons en pierre (Mangai Maea) et les filets de
pêche (Kupenga). Tous, des ouvrages remarquables, par la qualité
particulière de leur fabrication qui suppose une maîtrise technique
parfaite et une patience infinie des artisans.
dans la
Fig. 2
Nous
signalé que l'existence d'embarcations était
limitée, à Rapa Nui, par la carence presque totale de matière
première permettant leur construction. A cet effet, ils disposaient
uniquement des rares et inadéquats arbres locaux et du bois
flottant occasionnel rejetés sur la côte. Apparemment, tous ces
avons
matériaux étaient difficiles à travailler avec des outils trop simples
de pierre et d'obsidienne.
Pour ces raisons, nous croyons que les pirogues à balancier
furent toujours rares dans l'île. Si rares, que nous pensons que son
impact dans l'économie alimentaire de l'île n'a eu qu'une valeur
limitée, qui ne pouvait raisonnablement être comparée à celle que
représentaient la pêche et le ramassage de rivage, techniques qui
atteignirent dans l'ancienne Ile de Pâques, des niveaux de
sophistication de développement et d'efficacité remarquables.
Fondamentalement, la pirogue à balancier aurait été alors un
objet d'une haute valeur matérielle, une expression écrasante du
pouvoir, de la richesse et de la capacité d'individus ou de groupes ;
Société des
Études
Océaniennes
1417
témoin
nostalgique d'un passé lointain de navigateurs océaniens et
symbole de leur union intime et permanente avec la mer. J'oserais
le qualifier comme un objet très soigné
du culte de la pêche,
utilisable uniquement par un personnel possédant une connais¬
sance
profonde du milieu marin et de la pêche, capable de tenter la
capture de grands poissons de profondeur, qui seraient l'aliment
sélectif des rois, des nobles et des prêtres.
La pêche au thon, à l'espadon et au requin furent sans doute
des événements rares, et la prouesse de leur capture est restée
immortalisée dans les pétroglyphes. Les découvertes archéolo¬
giques paraissent confirmer
cette
supposition.
La capture
des gros poissons, détenteurs de pouvoirs
mystérieux (Mana), aurait eu ainsi pour les propriétaires de la
pirogue, la même signification que celle de la capture du premier
œuf de l'oiseau sacré, dans les cultes cérémoniels,
par les guerriers
qui se disputaient sa possession.
Nos
sources d'information :
Pour réaliser ce travail
nous
nous
sommes
basés
:
1) Sur les renseignements et dessins qui illustrent les récits des
navigateurs et sur la consultation bibliographique de quelques
textes fondamentaux (voir bibliographie).
2) Dans les pétroglyphes (véritables photos du passé pascuan),
nous avons
trouvé les confirmations et les nouvelles références
qui nous permettent d'accorder
spéciale à leur étude,
en
priorité
une
attention
3) Dans la contribution patiente et généreuse d'informateurs insu¬
laires qualifiés qui nous ont transmis durant les années 1967/81
de précieuses informations concernant cette thématique et qui
constitue l'apport initial et original de ce travail.
Il
s'agit de
:
Mateo Here Veri Vaka,
Santiago et Domingo Pakarati Rangitaki,
Regino Calderon, Révérend Père Sebastian Englert, Victoria
Rapahango, (tous décédés), Santiago Pakarati Atan, José Pati
Puarakey, Felipe Teao, José et Rodolfo Paté, Alfonso et Sergio
Rapu Haoa et d'une façon particulière et très spéciale Léon Tuki
Hey et Amélia Tepano.
A ces personnes vont la reconnaissance et les sincères
remerciements de l'auteur, à qui l'on devra seulement reconnaître
le mérite d'être le scribe de la connaissance transmise.
Société des
Études
Océaniennes
1418
Société des
Études
Océaniennes
1419
La Construction
: Fig. n° 3
grandes similitudes entre les petites pirogues à
balancier de l'Ile de Pâques et celles similaires des Iles Tuamotu
(Napuka et Tatakoto) et des îles Gambier, qui présentent, comme
l'Ile de Pâques, des limitations semblables dans l'existence de
matières premières.
Sans aucun doute, les constructeurs émigrants d'où qu'ils
soient venus, connaissent très bien la technique de l'assemblage du
bois. Cette connaissance, appliquée à la pierre omniprésente à l'Ile
de Pâques, a peut-être permis le développement de la surprenante
maçonnerie des sanctuaires côtiers (Ahu) (Fig. 4).
"Les constructeurs qui savaient assembler le bois, apprirent à
l'Ile de Pâques, à assembler la pierre".
Un ensemble de cérémonies magico-religieuses, les interdic¬
tions (Tapu), et l'application de techniques précises dans la
fabrication des canots, constituaient toujours dans l'ancien temps,
un événement de
grande importance pour toute la communauté
Il existe de
insulaire.
Une grande partie de ces rites s'es perdue, mais, heureusement,
plusieurs se maintiennent dans le souvenir ou subsistent encore
aujourd'hui dans la pratique.
Les pirogues se construisaient dans des lieux réservés, avec un
succès contrôlable, loin de la présence et de la vue des femmes et
des enfants, pour éviter à l'embarcation, le mauvais sort dans sa
future vie marine et de pêche.
Léon Tuki relate qu'un vieux pêcheur qui habitait dans une
grotte à Hanga Piko lui a raconté que, lorsqu'il était encore enfant,
les pirogues à balancier se construisaient près de la baie de
Mataveri-o-Tai dans la grotte côtière connue comme Ana Kai
Tangata : "la grotte où l'on donne à manger aux hommes" (et non
pas "la grotte des anthropophages ou cannibales comme l'indique
une traduction erronée"). Dans cette grotte
spacieuse à laquelle on
accédait par un étroit sentier, les confréries de charpenterie (maori)
et leurs aides, travaillaient dans une solitude cachée. Ceux qui
avaient commandé la construction de la pirogue devaient fournir
régulièrement la nourriture nécessaire aux artisans, en paiement de
leur travail.
La grotte
de Ana Kai Tangata dont l'ouverture se trouve à
quelques mètres de la mer, offre un endroit protégé pour la mise à
l'eau de l'embarcation. Sur l'une de ses parois subsistent encore les
traces d'une grande peinture rupestre où des représentations
d'embarcations sont entre-mêlées aves des figures indéchiffrables et
des oiseaux sacrés.
Société des
Études
Océaniennes
1420
Fig. 5
Fermoir fin
Hache (Ohio)
Société des
Études
Océaniennes
(Tini)
1421
Il est fort
Thomson
en
possible que ce soit dans cette caverne que W.
1886, découvrit deux vieilles pirogues très détériorées
qui avaient servi de cercueils.
Lorsqu'un clan décidait de réaliser la construction d'une
embarcation, ses membres devaient se préoccuper de réunir et de
sélectionner les bois nécessaires. Ils parcouraient le littoral tribal à
la recherche d'épaves ou échangeaient avec d'autres clans, les
précieux bois que la mer avait rejetés sur leurs rivages. Ils allaient
chercher à l'intérieur de l'île, les troncs les plus adéquats et les
grosses branches de :
Hau Hau : (Triumfeta semitriloba)
Toromiro : (Edwardasia sophora)
Makoi : (Tespesia populna) et autres de moindre importance :
Mahute, (Broussonetia papyrifera), Larikuru (Sapindus saponaria) et Nau nau (Santalum).
Une fois le bois rassemblé, il était présenté aux Maori pour sa
sélection et son transport jusqu'à la grotte. Les cordes nécessaires
pour attacher et coudre les structures, ainsi que les lignes pour la
pêche, étaient confectionnées uniquement par les femmes qui
tressaient toujours, sur leurs cuisses tatouées, un nombre variable
et impair de fibres de Hau Hau et de cheveux humains.
Il existe peu d'information spécifique sur les outils qui étaient
utilisés dans la construction des pirogues à balancier. Nous
disposons seulement de rares références s'y rapportant d'une façon
tangentielle.
Pourtant, nous estimons qu'il est permis de supposer que les
constructeurs des pirogues utilisaient les mêmes types d'outils que
les sculpteurs d'images et d'objets en bois (Fig. 5)
Lames d'herminettes en pierre de mesures diverses Toki,
montées sur des manches angulaires en bois durs Kau Toki,
spécialement indiquées pour dégrossir les grandes pièces de bois
destinées à la quille, ainsi qu'à la proue et à la poupe de
l'embarcation ; haches (ohio) et couteaux (hoe) pour préparer
l'ajustement des bords ; ciseaux fins (tingi) pour le travail de détail
(comme celui recueilli en 1887 par A. Salmon et qui aujourd'hui,
est conservé au musée Pigorini de Rome) ; perçoirs étroits en
obsidienne (hou), pour perforer des orifices dans le bois, lesquels
par la suite seraient traversés par des aiguilles minces et flexibles en
os humain (ihe ivi tangata) enfilées de fines et résistantes cordes de
hau hau
de cheveux humains ;
dents de rats ou de grands
poissons, pour dessiner, avec un tracé incisif, les positions des trous
dans la charpente de la coque et des pierres pour le polissage du
bois (pierre ponce, corail, obsidienne rêche et basalte) aux
dimensions, formes et texture différentes.
ou
Société des
Études
Océaniennes
1422
préparation du tronc qui deviendra la partie centrale et
quille (tino) constituait le premier travail de
responsabilité par où commençait officiellement la construction.
Ce segment se dénommait hakari-o-te Vaka, l'axe, la colonne
vertébrale de la future pirogue ; en certaines occasions, il fallait
nécessairement l'assembler soigneusement avec d'autres morceaux
de bois jusqu'à obtenir la longueur désirée et, ensuite, les coudre
entre eux pour donner à l'ensemble la fermeté unitaire.
Aux extrémités de la quille s'incorporaient les pièces massives
de proue Po Iho Iho et de poupe Kauha toutes deux tirées du
segment proximal de troncs Tumu de Hau Hau ou Toromiro et qui
avaient été travaillées simultanément en façonnant leurs bords, de
façon à obtenir un ajustement parfait avec le segment corres¬
pondant de la quille. La qualité de cet ajustement étant vérifiée, on
perforait des orifices parallèles sur les deux côtés, lesquels étaient
La
fondamentale de la
ensuite unis
Hau Hau.
avec
des
amarres
de fibres résistantes de l'arbre
bois massifs de poupe et de proue donnait à la
forme classique : la poupe haute, presque
verticale, la proue étendue, presque horizontale (4).
La forme de
pirogue
ces
pascuane sa
L'ensemble étant
intégré et ferme, l'étape suivante correspon¬
placement des couples Te Kava ou Te Vaka, confectionnés
avec des branches épaisses de Manga et flexibles de Hau Hau.
On posait le premier couple dans le centre de la quille et les
dait
au
restants
à mi-distance entre celle-ci et les extrêmes de la future
pirogue, en taillant sur chacun un coin sur la face supérieure de la
pièce du fond Te Raro Nui. Les extrémités libres des couples de
proue et de poupe étaient unies provisoirement par des poutrelles
de 40 cm de longueur environ, donnant ainsi une forme latérale à la
structure et définissant la largeur de l'embarcation.
Les couples étaient unis ensuite, longitudinalement, par des
traverses Tarava, qui allaient de la pièce de proue à celle de poupe
de l'embarcation.
Le supérieur appelé Titiri ou Te Vaka, constituait le
parachèvement du bord (Titi) ; l'inférieur était placé à mi-distance
entre le supérieur et la quille, selon l'ampleur maximale de la
pirogue (ligne de bouchain).
Cette
armature
fondamentale de l'embarcation était
cousue
soigneusement avec du "Hau Hau" ou avec des fines cordelettes de
cheveux humains, lesquelles étaient utilisées de préférence dans les
endroits de grande exigence dynamique de la structure.
(4) A
ce sujet, reconnaître la valeur des dessins de
supérieure à ceux réalisés par Choris (1816).
Société des
Études
Blondella (1786), d'une
Océaniennes
exactitude très
1423
Les orifices étaient perforés avec des éclats d'obsidienne
ou/avec des dents de requins Mango Varcharhinus galapagensis et
Niuhi Isurus Oxirhinchus.
Pour enfiler facilement les
utilisait de fines aiguilles d'os
perforations correspondantes, on
humain Ihe Ivi Tangata dont le
polissage parfait et la grande flexibilité leur permettaient de
s'adapter aux trajets obliques perforés dans le bois.
Cette étape de la construction étant terminée, la structure était
habillée avec de petites et de grandes planches (Kohau Miro) qui
formaient la coque, et qui étaient placées en files parallèles, en
partant du bas.
Dans ce but, on taillait une rainure profonde le long des faces
latérales de la quille où l'on introduisait les bords inférieurs du
premier bordé. Une couture épaisse et serrée entre la quille et les
grandes planches maintenait solidement les éléments dans leur
position. Les constructeurs travaillaient à la fixation de ces
planches, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'embarcation.
Ces éléments si difficiles à trouver ou à préparer, représen¬
taient les éléments essentiels pour la pirogue. La fameuse tablette
inscrite appelée E-aha Ko Rau Ariki Kete, recueillie par
Thompson lors de sa visite à l'Ile de Pâques en 1886, était une
planche de la coque d'une pirogue construite pendant la période
avancée de la décadence, durant laquelle la tablette fut utilisée dans
un but utilitaire et
qui, par suite de cet usage, perdit une part
importante de ses idéogrammes (Fig. 6).
Haut
Morceau éliminé
de la tablette
originaire
Fig. 6
Société des
Études
Océaniennes
1424
La tranche des
permettre un
avec
les autres
d'obsidienne
planches était chanfreinée (Fig. 7) pour
en contact les unes
le sol, on incisait sur elles, à l'aide d'un éclat
ajustage parfait. Mises d'abord
sur
d'une dent de
requin, un trait pointillé en forme de
zig-zag ou de scie qui courait le long du bord des planches. On
perforait à chaque sommet des orifices de 5 mm environ de
diamètre, destinés à laisser passer les fines cordelettes tressées de
Hau Hau qui effectuaient toujours un ou plusieurs tours, dans le
sens dedans/dehors, selon la résistance
qu'on voulait donner à la
structure et aussi d'après le style des constructeurs (5).
Pour chaque embarcation, ces attaches se faisaient toujours
dans le même sens et avec le même nombre impair de tours. Dans
ces attaches et dans le nombre et le sens des
passages devait résider
définitivement le Mana, la force magique, le pouvoir et la capacité
de pêche de la nouvelle embarcation.
ou
(5) D'autres informateurs ont signalé que le nombre impair et le
gauche ou inversement), étaient propres à chaque famille.
Société des
Études
Océaniennes
sens
des tours (de droite à
1425
Selon le nombre de tours, la
pirogue serait Vaka Hahau (un
tour), Vaka Toru (trois), Vaha Rima (cinq), Vaka Hito (sept) et
Vaka Hiva (neuf).
Les bords étant préparés et les orifices perforés, on les unissait
à l'aide de fines aiguilles d'os humain enfilées avec des minces
cordelettes tressées de Hau Hau et/ou de cheveux humains. On
introduisait alors le calfatage dans les jointures ; celui-ci consistait
pâte blanche et compacte composée de petits morceaux de
"totora", de mousses et de racines à moitié pourries qui surna¬
geaient dans l'eau des étangs du cratère du volcan Rano Kau. On
mélangeait ce composé appelé Paka, avec les glaises jaunâtres Para et Marikuru- de ce même volcan, auxquelles on ajoutait le
Vare Vare, une boue poisseuse provenant du cratère du volcan
Rano Aroi. Dans le but de lui conférer plus de fluidité, on ajoutait
à ce mélange une quantité variable d'huile de thon ou de requin.
Conjointement avec l'application uniforme et abondante de ce
calfatage dans les jointures, on procédait à l'étirage des amarres à
l'aide d'une fourche en bois de Toromiro appelée Manga (Fig. 8).
en une
Fig. 8
La coque ainsi terminée, on humidifiait son intérieur (Ko
Roto O-Te Vaka) et tout spécialement le fond (Te Raro Nui) avec
de l'eau de mer. Ses madriers se gonflaient et on obtenait ainsi une
meilleure étanchéité des jointures, ce qui, par ailleurs, ne réussissait
jamais complètement.
Société des
Études
Océaniennes
1426
Les surfaces extérieure et intérieure de la pirogue qui
constituaient les œuvres/mortes de celle-ci, s'appelaient Kao Kao,
œuvres vives ou partie de la pirogue
ligne de flottaison. Ces surfaces étaient peintes de
couleurs ocre, jaune ou noire, préparées avec des teintures
naturelles, végétales et minérales ; les couleurs se distribuaient en
grands carrés, similaires à un tablier d'échiquier. Sur les surfaces et
sculptures de proue et de poupe, on ajoutait des dessins et des
incisions représentant des poissons ou des dieux tutélaires (Rei).
L'embarcation ainsi décorée se dénommait Vaka Papa Hakatara
(Fig. 2)
La coque achevée, on montait les poutres transversales et
définitives qui uniraient le flotteur ou balancier (Ama) à la pirogue.
Pour cela, on retirait les courtes poutrelles posées provisoirement
dans les couples de proue et de poupe (Tarava) et à leur place, en
unissant les extrêmes libres des couples, on fixait les fortes poutres
(Kiato) du balancier. La poutre de poupe s'appelait Kiato Haùha,
et, Kiato Po Ihu Ihu, celle de la proue. Pour leur donner plus de
fermeté, ces madriers reposaient dans une échancrure semicirculaire (Kari Kari) faite sur chaque bord ; des orifices
remplaçaient parfois ces échancrures. L'ensemble du couple et de
la traverse longitudinale formait un cadre ferme qui immobilisait
solidement le Kiato vers le haut, sa position étant renforcée par des
amarres de corde (Fig. 3).
Le balancier était toujours placé du côté de bâbord nommé
Haha Aka Ama, le lieu du balancier. Le côté de tribord s'appelait
et
Manava-O-Te-Vaka, les
située
sous
la
Haha Aka Tea ou le côté avec endroit vide.
Le balancier donnait à l'étroite pirogue la
stabilité nécessaire
poissons de passage. Le
flotteur était construit avec un tronc adéquat de Hau Hau. Son
extrémité antérieure plus lourde et massive était accomodée de
façon à lui donner une position légèrement élevée qui lui
permettrait de mieux supporter le choc contre la vague ou les
pierres du fond rocheux. Le balancier se fixait aux Kiatos par une
cheville ferme en bois durci au feu, qui traversait le Kiato dans sa
ligne moyenne et pénétrait dans le balancier suivant une direction
oblique, de l'intérieur vers l'extérieur et de haut en bas. Cette
première union était le Pou Ama ou cheville fondamentale, dont la
fonction était renforcée par deux types variables de fixations
secondaires de bois : Te Kio'e (Fig. 9), des épieux courts et aiguisés,
durcis au feu qui, de même que le Pou Ama unissaient le Kiato au
pour
la navigation et la pêche de très
gros
balancier.
On utilisait aussi d'autres sortes d'unions appelées Maanga
;
c'étaient des fourches dont l'extrémité inférieure traversait le
Société des
Études
Océaniennes
1427
balancier, et
ses deux extrémités supérieures, en demi-lune,
rejoignaient par-dessus le balancier les similaires d'une autre
fourche semblable,
fixées aussi dans le Ama, et faisant face à la
première. Dans l'angle d'union des branches supérieures, on
introduisait un picot appelé Hui qui passait immédiatement sous la
face inférieure du Kiato (Fig. 9). Les divers éléments de fixation
étaient maintenus en position avec de fortes cordes de fibre
végétale qui donnaient à l'ensemble de la solidité et une certaine
élasticité.
Les
pirogues à balancier étaient petites (trois à quatre mètres
longuer maximale). Elles étaient dépourvues de voiles, ne
possédaient pas de bancs de nage et avaient une dénomination
particulière, de même que les objets accessoires (rames, ancre,
calebasse pour écoper). On leur donnait un nom, non pas dans
l'intention de différencier des objets similaires, mais pour leur
reconnaître une vie propre, une intelligence, et des pouvoirs. Les
membres de l'équipage (deux ou trois), se tenaient à genoux au
fond de la pirogue (Fig. 10).
Les spécialistes en technique de pêche de la pirogue recevaient
la dénomination de Kena Vae Tea (oiseaux Kena aux pieds blancs)
et les responsables de la conduite de l'embarcation et profonds
connaisseurs des lieux de pêche s'appelaient Tangata Tere Vaka.
La propulsion de ces petites pirogues se faisaient fondamen¬
talement avec des rames du type pagaie (Matakao), pourvues d'un
manche (Kukuro) et d'une pelle relativement étroite (Pararaha).
Celle-ci était munie dans toute sa ligne antérieure moyenne d'un
aileron haut et aiguisé, de bord légèrement convexe et dont le but
aurait été de faciliter les projections obliques de la rame vers
l'avant, après la pelletée, ou bien selon un autre informateur, elle
aurait été confectionnée ainsi dans le but de produire par son choc
avec l'eau, un bruit intense qui attirait les poissons.
de
Société des
Études
Océaniennes
1428
Étant donné la rareté du bois adéquat, la pelle des rames
se fabriquer parfois en assemblant et en cousant
morceaux de bois. Juan Riroroko, l'un de mes informateurs,
plusieurs
devait
côtière une
rapporte que dans sa jeunesse il trouva dans une grotte
rame dont la pelle était composée de deux morceaux de
bois dans
grands orifices ovales et cousus avec
Selon l'information de Riroroko,
cet ouvrage était utilisé pour frapper l'eau et attirer ainsi les Ature
qui seraient utilisés plus tard, comme appât pour la pêche au thon
on avait taillé deux
des cheveux humains (Fig. 10).
lesquels
en
se
servant de
l'hameçon de pierre.
$
pêche
faisait une
Aka qui s'utilisaient dans les . sorties de
étaient faites de pierres non poreuses, sur lesquelles on
entaille circulaire ou col, pour permettre la fixation de la
Les
*
ancres
d'ancrage.
corde
signalé que l'étanchéité de l'embarcation ne
jamais complètement ; pour cette raison, on avait
toujours à bord un récipient ouvragé dans une calebasse qui
recevait le nom de Tataa, et qui était destiné à écoper l'eau.
Nous
avons
s'obtenait
Société des
Études
Océaniennes
1429
On emportait aussi dans les embarcations des talismans de
pierre ou de bois ; des objets auxquels on attribuait un grand
pouvoir propitiateur et, quelques fois, sélectif pour la pêche.
Parmi les nombreux pétroglyphes représentant des pirogues à
balancier, deux groupes ont à ce sujet une importance indiscu¬
table : le grand ensemble de pétroglyphes situé sur les chapeaux de
scorie rouge dans la carrière de Puna Pau et le groupe de Hanga
Papara dans la région de La Pérousse.
Là, sur les pirogues qui y sont représentées, apparaît un
ouvrage curieux situé à l'extrémité de la proue (Fig. 10), qui est
composé de deux tracés horizontaux semi-circulaires et opposés ;
le supérieur est toujours de plus grandes proportions et tous deux
sont unis par un tracé vertical qui fait corps avec la proue de
l'embarcation. Cet élément fut interprété par plusieurs informa¬
teurs, de façon concordante, comme un système destiné à la pêche
appelé Te Oho O Te Vaka (les cheveux ou crins de la pirogue) et
Vaero (ligne antenne) ; chacun de ses bras, dont la technique
d'utilisation est inconnue ; nous pouvons supposer
qu'il pouvait
représenter une variété locale du système tahitien de la pêche à la
bonite avec de larges perches (aira) sur des pirogues doubles.
D'après une information de Charlie Teao, le Père Sebastian
Englert signale que cet élément était destiné à suspendre les filets
pour la pêche du Ature (Kupenga Ature). On le nommait Vaka
Vaero et on le posait à l'extrémité de la poupe.
De toutes façons, il est actuellement impossible d'avancer une
interprétation plus précise, mais il semble qu'il accomplissait une
fonction spécifique importante dans la pêche et il était situé une
fois pour toutes dans la proue.
Un exemple des cérémonies propitiatrices qui accompagnaient
la construction des pirogues -maintenues dans la tradition orale et
survivant dans la pratique- est fourni par celui qui se pratiquait
après les trois premières sorties de pêche, de la pirogue récemment
construite. Cette cérémonie s'appelait Hangai I Te Vaka (Donner à
manger à la pirogue). Au retour de la pêche, le patron de
l'embarcation devait prendre l'un des poissons importants qui
avaient été capturés, habituellement le Nanue (Kiphosus cinerascens) ou le Po'o po'o (Caranx Cheilo) et le faire glisser en le
frottant sur le côté de bâbord de l'embarcation, de la poupe vers la
proue, en revenant par le côté de tribord.
De même, en relation avec la première pêche, la coutume était
de préparer avec son produit, un four polynésien que le construc¬
teur de la pirogue devait offrir à sa belle-mère.
Selon une information de Mateo Here Veri, le pétroglyphe qui
se trouve à proximité de celui connu sous le nom de Te Pu O Te
1430
Hakanini Makoi
(Fig. 11) situé à une certaine distance de la mer,
voisinage du Sanatorium, représente un rite cérémoniel
ayant trait à la construction des pirogues. D'une façon schéma¬
tique, celles-ci sont représentées à l'une des extrémités avec auprès
d'elles la figure connue de "l'Homme Oiseau" (Rona), ainsi qu'un
groupe de quatre coqs symbolisés avec un grand réalisme. Dans la
même pierre et près de l'un de ses bords du côté opposé, apparaît le
segment postérieur du corps et de la queue d'un grand thon.
dans le
f
Toujours d'après l'informateur, les oiseaux représentaient des
coqs blancs offerts aux constructeurs de pirogues pour que celles-ci
soient fortes et solides lors de la pêche au thon. La figure
anthropomorphe met
en
valeur le culte et la présence du dieu Make
Make dans le travail réalisé.
Les pirogues a balancier,
malgré leur haute valeur matérielle
protégées sous des abris spécialement
construits ; elles étaient simplement entreposées en lieu sûr, loin de
la limite des marées et recouvertes de branchages ; on en retirait
parfois le balancier.
Lorsqu'une pirogue était détruite, les éléments encore
utilisables étaient adaptés et modifiés pour ressusciter dans la
et
symbolique n'étaient
pas
structure d'une nouvelle embarcation.
Alfredo Cea Egana
Traduction partielle d'un article paru
dans le Bulletin n° 17 du
Archéologie de La Serena-Chili.
Avec tous nos vifs remerciements à Mme Cécilia DIVIN et à Mr
Guy BECHAZ qui ont bien voulu assurer la traduction.
Musée
Société des
Études
Océaniennes
1431
GLOSSAIRE
Nom pascuan
Grande embarcation
Mfro, Pah* (*)
Embarcation moyenne
Petite embarcation
Vaka Poe Poe
Petite embarcation
Vaka
conique de "totora"
plat de "totora" ou
Flotteur
Flotteur
Vâka Âma
P*ra
baleinier
avec
en
bois
Parties de l'Embarcation
(Pirogue à balancier)
Tîno
Quille
Pièce fondamentale de la quille
dénomme aussi l'ensemble de la
l'étrave et
(ainsi se
quille,
l'étambot)
Hakari
Poupe
Beaupré de
Ouvrage de
ou
K&uha
de
proue ou
poupe
la pêche
pêche de l'antérieur
proue pour
à
cannes
Huki
Oho
Vaêro
TÎti
Traverses
Tara va
Kava
Couples
Titîri
supérieure
Œuvres mortes
Kao Kao
Œuvres vives
Manava
Kohâu/Mîro
Planches de la coque
Côté de bâbord
Côté de tribord
Les côtés de l'intérieur de la coque
Fond de la pirogue
Bout-dehors pour
Idem de proue
Idem de poupe
Flotteur latéral
Pieu de fixation
Râro Nui
Kiâto Po iho iho
Kiato Kauna
ou
balancier
en
Ama
forme de fourche
bois pour
de deux fourches
Maanga
Pou Ama
principale
Kio/e
Pieu de fixation accessoire
en
Hâha Âka Âma
Hâha Âka Tea
Ko Roto
Kiato
le flotteur
Madrier de fixation
Cheville
Te Vaka
Po-Iho Iho
Bord
Traverse
o
Hâha
Bords externes de la coque
Proue
Perches
Papa
unir la fixation
Hui
Cordes pour amarrer
Fourche pour étirer les
Hau
Maanga
cordes
(*) Le point indique l'accentuation.
Société des
Études
Océaniennes
1432
Ornements
et
anthropomorphes de
proue
Rêi
de poupe
Voile
(utilisée seulement
les pirogues
modernes monoxiles arrivées de Tahiti)
Kahu,
Rame
Matâkao (Hoe
Pelle de la
sur
Calebasse pour
de la
Kekêho, Moênga
moderne)
:
PararSha
rame
Manche de la
Tolet taillé
sur
Kukuru
rame
le bord de la
Kari Kari
pirogue
écoper l'eau du fond
pirogue
Tataa
Âka
Ancre
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Études
Océaniennes
1433
LES MALADIES DES
A
Nous
EUROPÉENS
TAHITI, EN 1880
publié (Bull. n° 216, sept. 1981) les notes du
Marquisiens, et donnons ici la
pathologie européenne, à Tahiti, vers les années 1880.
Ce texte provient d'un manuscrit dû au Dr. Sicard, qui a
séjourné à Papeete à cette époque, et offert par la suite au
avons
Dr.
Lesson
Dr.
Roilin.
On y trouve une
sur
les maladies des
référence à "l'Etude sur les maladies des
îles Tahiti" par Ch. Harcourt, médecin de
2ème classe -Thèse Paris 1880- et nous ne précisons pas les parts
respectives revenant à chaque auteur.
Européens
aux
L'hôpital militaire français ouvert aux habitants civils, avec,
autorisation de l'Ordonateur, consiste en une grande case de bois,
fort vermoulu, située vers l'ouest de Papeete. Un jardin et un
enclos, très vastes, servent de promenade aux malades toujours peu
nombreux. Un édifice en pierres doit remplacer cet hôpital actuel.
Le nouveau comme l'ancien contiendra 40 lits. Le service médical
militaire est assuré par 2 médecins et un pharmacien de la marine.
Deux docteurs en médecine et un pharmacien, tous français,
soignent la population européenne civile. Les Tahitiens ont
rarement recours à
la science des Blancs et s'adressent de
préférence à leurs guérisseurs (taote).
C'est dans les mois les
plus chauds et les plus pluvieux qu'on
hygrométriques les plus élevés.
Peut-être cette grande quantité de vapeurs d'eau contenue
dans l'air n'est-elle pas étrangère à ce fait que les insolations sont
rares à Tahiti et se bornent à des érythèmes très bénins.
Cependant
observe les états
Société des
Études
Océaniennes
1434
la température y est élevée, le soleil éclatant, le ciel au zénith
presque toujours serein. Malgré ces conditions climatériques, que
l'on retrouve dans des contrées
où les
sont si
tropicales
insolations
dangereuses, on s'expose impunément à Tahiti à l'action des
rayons solaires. En plein midi, on porte la casquette sans couvrenuque, ou le léger chapeau de paille tahitien. Ces coiffures seraient
insuffisantes dans les autres colonies.
La fraîcheur des brises a aussi été
invoquée pour expliquer la
bénignité des insolations. En tout cas l'humidité excep¬
tionnelle du climat de Tahiti semble plus utile
que préjudiciable à
la santé. Il y a là comme une couche
isolante, dans l'atmosphère
qui modère la chaleur, empêche les refroidissements, réduit les
écarts de température.
rareté et la
Les bains
sont un des grands charmes de Tahiti
; les bains de
guère bons à prendre, ils prédisposent à la bourbouille
et d'ailleurs la
température de l'eau de mer est toujours trop élevée
pour que le bain soit agréable (28 à 29° dans la baie de Papeete).
Mais les innombrables rivières et ruisseaux
qui traversent la plaine
de ceinture, offrent des bains frais et
réparateurs.
mer ne sont
Un fait remarquable en
géographie médicale, et qui doit être
admis aujourd'hui sans contestation,
malgré les assertions du
Dr. Guidasse (1), c'est l'absence totale de
paludisme à Tahiti. Les
de fièvre intermittente observée chez les
Européens habitant
cette île, ont toujours été contractés ailleurs. A
quelles causes rap¬
porter cette innocuité des marais tahitiens, quand il existe des
conditions de température analogues à celles
cas
qui favorisent la
naissance des miasmes palustres en
Afrique et dans l'Inde, et quand
on sent
parfaitement dans le voisinage de plusieurs d'entre eux, la
mauvaise odeur de vase ? On a pu
invoquer : la faiblesse des marées
à Tahiti qui ne permet pas le
mélange des eaux douces et salées et le
découvrement des vases ; la constance des brises,
qui chassent les
effluves ; la pauvreté du règne animal dans les eaux
; le peu de
variation dans leur niveau, ce qui les fait rentrer dans la
catégorie
des marais couverts, la plus inoffensive
; l'absence des
palétuviers
que nous avons fait remarquer plus haut. Mais la raison la
plus
importante de l'innocuité de ces amas d'eau consiste sans doute
dans la perméabilité du sous-sol corallin. C'est
probablement pour
cette cause que ni le lac saumâtre de
Temae, à Moorea, ni les
étangs de Papaoa, situés à 5 kilomètres
n'ont
vase.
du chef lieu de la colonie,
jamais engendré de fièvres palustres, malgré leurs bancs de
(1) Guillasse Charles (1812-1879). Voir Tahitiens
Société des
Études
-
O'Reilly.
Océaniennes
1435
A Moorea, les
villages indigènes sont situés au fond de criques
marécageuses, au sein de véritables jungles où volent sans cesse des
nuées de moustiques, et c'est à ces circonstances
qu'il faut attribuer
l'extrême fréquence de l'éléphantiasis à Moorea. Moins
éprouvés
par cette affection pénible, en outre ridiculisée dans l'esprit
Kanaque, les Tahitiens ne se font pas faute de railler leurs mal¬
heureux amis de Moorea sur leur "feefee".
Pathologie des Européens
Les endémies graves des pays chauds
manquent presque
complètement à Tahiti. Les Européens n'y contractent pas non
plus les affections à frigore de l'appareil respiratoire, communes
dans les régions tempérées. Les maladies accidentelles
indépen¬
dantes de toute influence climatérique, celles contractées dans
d'autres contrées, les embarras gastriques fébriles sans
gravité qui
se présentent souvent sous forme
d'épidémie dans les chaleurs de
l'hivernage, ne méritent guère attention.
Tuberculose
Le climat de Tahiti semble plus utile que nuisible aux
gens
porteurs de cette diathèse ou de son germe à l'état latent. Les
formes lentes de la tuberculose prédominent. Rarement, contrai¬
rement aux récits des médecins et
voyageurs, y rencontre-t-on ces
formes rapides de la tuberculose chez les jeunes gens, auxquelles on
attribue la dépopulation de Tahiti.
Fièvre
Typhoïde
Cette affection existe à Tahiti, soit qu'elle tire son
l'équipage des navires, soit qu'elle naisse
l'hôpital de Papeete.
Anémie
sur
place. En 2
origine de
4 cas à
ans,
Tropicale
A Tahiti
symptômes ne prennent jamais un caractère
inquiétant. Toutefois, certaines causes spéciales au pays tendent à
l'aggraver. Ce sont :
L'envoi à Tahiti d'un personnel souvent mal remis d'affections
contractées sous des climats moins hospitaliers (Sénégal,
ses
-
-
-
-
-
Cochinchine ...)
Les excès de boissons et de femmes
La fréquence, assez grande, quoique souvent
auteurs, de la syphilis
L'insuffisance de l'alimentation
La tendance des blancs à ne prendre qu'un
exagérée
par
les
exercice corporel
insignifiant.
Toutes
ces
causes
sont
atténuées par une
privée.
Société des
Études
Océaniennes
bonne hygiène
1436
L'Administration s'est rendue
Par
ses
mesures
vexatoires, elle
a
passible d'un
grave
forcé les colons à
reproche.
renoncer
à
l'élevage des bestiaux. La suppression de la libre pâture a entraîné
le dépeuplement des bêtes à cornes. Il arrive de temps
en temps, des
Sandwich ou des Marquises, des bœufs fatigués par la traversée :
leur viande est chère et mauvaise. Les moutons, dont
procurer quelques
les estime à l'égal
échantillons
du chevreuil
Marquises,
si
on
peut se
qu'on
France. Le porc et les volailles
abondent, mais leur chair est fade et peu nutritive. On trouve
d'excellents poissons, des fruits délicieux et même quelques
légumes d'Europe, depuis l'arrivée d'une colonie de Chinois qui
sait les cultiver. La farine de bonne qualité vient de San-Francisco.
Ce qui manque, c'est la viande. Il serait facile de remédier à cette
disette, en encourageant les élevages de bœufs.
11 ne tient aussi qu'aux gouvernements de restreindre la
syphilis par des mesures sanitaires bien ordonnées.
Enfin, on devrait se pénétrer de cette idée, que les possessions
océaniennes très saines assurément, sont trop chaudes pour ne pas
nuire aux convalescents qui proviennent de contrées brûlantes et
insalubres de 17\sie
ou
de
aux
sont
rares
en
l'Afrique.
Dysentérie
Elle existe
légère, tantôt
aux
grave.
îles de la Société, revêtant
une
forme tantôt
Elle est parfois épidémique.
Hépatite
Elle est très
rare,
et
n'aboutit jamais à la
suppuration.
Hématurie Chyleuse - Eléphantiasis
En 1877, M M. les Drs Guyot et Chassaniol ont
publié dans les
archives de médecine navale, une observation d'hématurie
chyleuse.
L'helminthe décrit pour la première fois par Wucherer (filaria
Wiicherer), a été trouvé en grande abondance dans les urines.
D'après M. Chassaniol, les symptômes observés sur son malade
semblent indiquer une pathogénèse conforme à
l'opinion de John
Harley, c'est-à-dire une rupture mécanique des vaisseaux
lymphatiques et sanguins obstrués par les parasites. Sir Joseph
Layer admet que la filaire de Wiicherer peut être aussi la cause de
l'affection lymphatique du scrotum et de certains ulcères
chroniques des pays chauds. Lewis, les médecins brésiliens et
Patrick Manson, médecin de la douane
d'Amoy, pensent en outre
que l'éléphancie doit son origine à la même influence
parasitaire
que l'hématurie chyleuse. D'après Manson, le moustique est le
propagateur de ces maladies exotiques diverses : en se gorgeant du
Société des
Études
Océaniennes
1437
de l'homme, ce culex absorbe les embryons de la filaire de
Wiicherer, qu'il rapporte ensuite à l'homme par l'intermédiaire des
eaux : c'est ainsi que les jeunes filaires de Médine habitent
pendant
un certain temps le corps
d'un petit crustacé, le cyclope. C'est
sang
d'ailleurs
une règle en
helminthologie que le parasite doit habiter,
une période de son existence, hors de l'organisme humain.
Aux îles de la Société l'éléphantiasis des Arabes est une affection
pendant
très
commune.
Non seulement les
Indigènes, mais les Européens
en
atteints ; pour ceux-ci, il est vrai, un séjour prolongé dans le
pays, 15 ans au moins est nécessaire : de plus, chez les colons
travaillant aux plantations en plein air, l'affection se rencontre
sont
presque
toujours.
Étant données la fréquence relative de l'éléphantiasis des
Arabes et la rareté de l'hématurie chyleuse, dont on ne connaît
que
2 cas à Tahiti, il semble difficile d'admettre l'origine commune de
affections. L'éléphantiasis a son lieu de prédilection dans les
baies vaseuses infestées de moustiques ; mais, si c'était cet insecte
ces
porteur des embryons de filaire qui propageait cette infection, on
comprend avec peine comment l'apparition de cette dernière est si
tardive. On peut dire, il est vrai, que les lésions anatomiques du
derme sont consécutives à longue échéance, à la présence dans les
systèmes veineux et lymphatique de la filaire : mais dans ce cas, un
Européen ayant fait quelques années seulement de séjour à Tahiti,
puis quittant ce pays, verrait ailleurs apparaître chez lui des symp¬
tômes de l'éléphantiasis dont il portait le germe. C'est plutôt à une
sorte de macération très prolongée dans un milieu chaud et
humide, jointe à l'irritation causée par les piqûres de moustiques et
aux lésions de toute sorte, écorchures, coupure, etc... que
l'on doit
attribuer l'origine de ce mal. C'est aux organes génitaux et aux
membres abdominaux que les Kanaques sont surtout atteints ; en
raison de l'immersion dans l'eau salée de ces parties et de leur
habitude de marcher pieds nus avec un pagne flottant (pareo)
autour de la ceinture. Le colon européen, mieux vêtu et n'entrant
pas journellement dans la mer est moins souvent affecté des parties
inférieures du corps ; il travaille les bras nus dans des bois humides
où le culex pullule, occupé à ses plants de vanille ; il n'est pas rare
que la maladie affecte chez lui les membres supérieurs.
Faut-il mentionner l'influence de l'ichthyophagie, de l'héré¬
dité ? Celle-ci est au moins restreinte par le fait de la fréquence de
l'affection chez les étrangers venus d'Europe.
La maladie est beaucoup plus rare chez les enfants et les
femmes. L'éléphantiasis ne compromet pas l'existence mais
constitue une infirmité pénible que viennent rendre plus fâcheuse
Société des
Études
Océaniennes
1438
des douleurs
périodiques parfois très vives. Les Kanaques
soignent la 1ère période de l'affection, période phlegmoneuse ou
érysipélateuse, par des purgatifs, des applications émolluentes,
dans lesquelles figurent surtout les feuilles du purao (hibiscus
tiliaceus-malvacées). Plus tard, ils combattent par des frictions
avec l'huile de coco les douleurs passagères de la
période d'état ; ils
s'efforcent de réduire le volume des parties malades par des appli¬
cations répétées de substances âcres, le suc de la racine de Y ape
(arum esculentum) très irritant avant la cuisson qui rend cette
racine bonne à manger, ou le suc du fruit du nono (morinda
citrifolia). Cette médication n'a pas plus de succès que les divers
moyens employés jusqu'ici par les médecins. Le retour vers les pays
tempérés amène une amélioration réelle, et souvent très marquée.
encore
Lèpre tuberculeuse
Les moyens
thérapeutiques sont également à peu près nuls
l'éléphantiasis des Grecs, ou lèpre tuberculeuse, que les
Tahitiens appellent Oovi et qui n'a de commun avec l'affection
précédente que le nom d'éléphantiasis. Le retour dans les pays
tempérés est la seule prescription utile pour cette maladie
dégoûtante amenant la mort à la longue qui est heureusement plus
rare que la précédente aux îles de la Société.
Pourtant, les blancs
semblent relativement atteints dans une plus forte proportion que
les indigènes : une léproserie avait été créée depuis longtemps dans
l'ilôt de Motu-Uta, située au milieu de la baie de Papeete ; elle a été
abandonnée. Quelles sont les causes de cette affection ? La chaleur
du climat y prédispose sans doute ; la nourriture
presque
exclusivement composée de poisson ou de porc peut être également
incriminée. La contagion a peut-être une influence (?)
pour
Syphilis
On dit que,
importée par les Européens, elle a fait de grands
à Tahiti au commencement du siècle. Cook et Bougainville
se
reprochent mutuellement de l'avoir introduite. Il y a une
quarantaine d'années, au début de l'occupation française, les
médecins de marine signalaient encore la fréquence et la gravité des
affections syphilitiques ; ils insistaient surtout sur l'existence du
ravages
bubon d'emblée
donnant
lieu à des accidents constitutionnels
consécutifs.
Aujourd'hui, la situation est améliorée, et la syphilis
joue un rôle restreint par rapport à la blennoragie et aux chancres
simples. Sur 83 femmes admises au dispensaire de Papeete
d'octobre 1877 à octobre 1878, il y avait 63 blennoragies, 9 chan¬
cres simples, 3 chancres infectants et 8 accidents secondaires. La
proportion était à peu près la même pour les hommes traités à
l'hôpital maritime.
Société des
Études
Océaniennes
1439
L'administration coloniale a fait récemment
supprimer le
dispensaire. Les médecins de la marine résidant à Papeete font leur
possible pour le faire rétablir sans grandes chances de succès
jusqu'ici. On a donné pour sa suppression cette raison dérisoire que
c'était
une
institution attentatoire à la liberté individuelle des
Kanaques.
Tétanos
Assez
fréquent à la suite des plaies. Il enlève parfois très
rapidement les malades.
Animaux
toxicophores
dangereux sont très rares à Tahiti. L'ordre des
reptiles n'y est représenté que par quelques geckos et lézards, des
tortues de mer et l'hydrophis (planturus-fasciatus) tuna tore des
Kanaques. Ce serpent marin qui vit sur des récifs de madrépore
porte des crochets venimeux, mais sa timidité, son agilité et la
petitesse de sa gueule le rendent peu dangereux. De mémoire
d'indigène, il n'a jamais blessé personne.
Les poissons offrent une espèce munie d'un appareil veni¬
meux ; c'est peut-être la seule qui existe au monde. On sait que
beaucoup de ces animaux ont été accusés à tort d'inoculer dans les
plaies qu'ils produisent, un liquide particulier et nuisible. Les
blessures causées par les dents des sphyrènes, par les aiguillons des
pectorales des trigles, par les épines du corps de certains diodons,
par le dard caudal barbelé des raies, ont été autrefois considérées
dans les pays chauds, comme le point de départ d'accidents
spéciaux mortels. Aujourd'hui, on admet que le climat, l'influence
des races de couleur auxquelles appartenaient les blessés, l'irré¬
gularité de la blessure, l'irritation causée par l'eau de mer, peuvent
donner à ces plaies une prédisposition particulière à engendrer le
Les animaux
tétanos.
C'est donc à cette
complication, et non à des accidents
faut attribuer les morts survenus à la suite de piqûres
Deux seules descriptions de poissons réellement
venimeux, c'est-à-dire, aux aiguillons desquels sont annexées des
glandes à venin, ont été publiées il y a quelques années : un
médecin anglais a signalé la présence d'une synancée réellement
venimeuse, au centre Amérique ; et M. le Dr. Nadeaud, médecin de
la marine, (thèse de Montpellier), a décrit une autre synancée
toxicophore propre à Tahiti.
propres, qu'il
de poisson.
Ce poisson semble n'être qu'une variété de l'espèce Synanceia
Brachio de Cuvier. Il appartient à l'ordre des Acanthoptérygiens,
famille des Joues Cuirassées. Longueur = 15 à 20 centimètres
Société des
Études
Océaniennes
1440
forme prismatique, ventre plan regardant en bas. La face ressemble
à un grossier masque humain ; les pectorales étendues horizon¬
talement indiquent un poisson de fond mal
organisé pour la nage ;
les dorsales sont munies de 7 aiguillons
longs de 3 centimètres,
susceptibles de rentrer dans des
anneaux
fibreux de la peau ou d'en
sortir à la volonté de l'animal. A la base de
chaque aiguillon existe
une cannelure peu sensible et
une glande qui secrète un liquide
âcre. Quand l'animal est menacé, il sort ses
aiguillons : la glande à
venin pressée entre la base de l'aiguillon
et l'anneau fibreux, laisse
alors échapper son contenu.
Ce
poisson, noho des Tahitiens, habite les bancs de corail que
ou 2 pieds d'eau ; le
pêcheur indigène, qui parcourt
pieds nus sur ces récifs, peut marcher sur cet animal très lent à
s'échapper, et dangereux par sa lenteur même. Les accidents
consistent en : douleurs locales vives, phlegmon
consécutif, très
rarement gangrène. Phénomènes
généraux : anxiété précordiale,
soif vive, faiblesse. Souvent, ces
symptômes sont masqués par le
recouvrent 1
tétanos bien autrement grave.
Les poissons vénéneux, dont la chair occasionne si
graves
accidents
en
Océanie,
souvent
de
à Tahiti. On n'y
trouve ni la sardine ou melette vénéneuse
(dangereuse surtout, diton, à l'époque de la floraison du corail) qui
empoisonna l'équipage
de l'Alcmène sur la côte de Balade
(Nile Calédonie), ni le tétrodon
scélératus aussi redoutable dans cette île, ni le
sparus pagnus, qui
fit des victimes sur l'escadrille du
capitaine Cook, aux îles
Sandwich. Les sphyrènes ou bécunes, les tassards,
poissons
dangereux quand ils atteignent une certaine grosseur et que leur
chair n'est pas très fraîche n'ont
pas donné lieu non plus à des
intoxications à Tahiti. Les dorades, balistes,
perroquets de mer ont
causé des accidents peu
graves, à plusieurs reprises : diarrhée,
vomissements, douleurs épigastriques, tendance à la syncope,
accidents jamais suivis de mort (2). Les Tahitiens
parlent d'un
poisson de hauts-fonds et rare dont la chair rougeâtre peut rendre
très malade. En petite quantité, elle
serait, d'après eux un purgatif
énergique utile : enfin, on pourrait se mithridatiser contre cette
chair vénéneuse. Ce poisson ono en maori, devrait être recherché et
ne se rencontrent pas
étudié.
Dans l'archipel Tuamotu,
plusieurs îles renferment dans leur
lac intérieur des poissons très vénéneux.
Dans l'ordre des insectes, il existe à Tahiti des
scolopendres,
dont la morsure est
douloureuse, mais sans gravité : le scorpion de
Tahiti est encore moins redoutable
que
(2) Ces syndromes correspondent
au
tableau
Société des
le scolopendre.
clinique de la ciguattera.
Études
Océaniennes
1441
JOURNAL DE BLIGH
Le
jour de la Mutinerie
Une des
plus fameuses histoires maritimes, la mutinerie de la
Bounty, revient à l'actualité grâce à la projection prochaine d'un
nouveau film.
Nous donnons ici la traduction, très rarement publiée, du
journal de Bligh, relatant l'événement.
Mardi 28 avril 1789
Juste avant le lever du soleil, Mr Christian, troisième officier,
Charles Churchill, maître d'armes, John Mills, adjoint du
canonnier et Thomas Burkett, matelot, entrèrent dans ma cabine
pendant mon sommeil ; ils me saisirent et me lièrent les mains
derrière le dos à l'aide d'une corde. Ils me menacèrent de mort
instantanée si je parlais ou faisais le moindre bruit. Je criai
toutefois aussi fort que possible pour alerter tout le monde mais les
officiers étaient eux-mêmes retenues à leurs portes par des
sentinelles. Quatre hommes se trouvaient dans ma cabine et trois à
l'extérieur, c'est-à-dire Alexander Smith, John Sumner et Matthew
Quintal. Mr Christian tenait un coutelas en main, les autres avaient
des mousquets et des baïonnettes. Ils me forcèrent en chemise sur le
pont alors que je souffrais beaucoup de la force avec laquelle ils
m'avaient attaché les mains. Je demandai la raison d'un tel acte
violent mais ne reçus aucune réponse si ce ne fut des menaces de
mort instantanée si je ne me taisais
pas. Mr Hayward et Hallet
faisaient partie du quart de Mr Christian mais ils n'avaient aucune
idée que quelque chose se préparait jusqu'à ce qu'ils furent tous
armés. Les
étaient toutes
gardées par des sentinelles de telle
pouvait s'en approcher. Mr Elphinstone,
troisième officier, était attaché à sa couchette. Mr Nelson, le
sorte
armes
que personne ne
Société des
Études
Océaniennes
1442
botaniste, Mr Peckover, le canonnier, Mr Ledward, le chirurgien
second étaient enfermés dans leur cabine ainsi
que Mr Samuel,
le secrétaire, qui, par ruse, obtint permission de monter sur le
pont.
L'écoutille d'avant était gardée par des sentinelles
; le maître
d'équipage et le charpentier furent toutefois autorisés à venir sur le
pont où ils me virent à l'arrière du mât d'artimon, les mains liées
derrière mon dos et sous une garde dirigée
par Christian. Le maître
d'équipage reçut ensuite l'ordre de mettre la chaloupe à la mer,
sous la menace de
prendre bien soin de lui-même au cas où il ne
et le
l'exécuterait pas sur-le-champ.
On ordonna à Mr Hayward et Mr Hallet,
aspirants, ainsi qu'à
Mr Samuel de prendre place dans la
chaloupe ; à la suite de
j'invoquai
ceci,
mon
pouvoir et demandai la raison d'un
tel ordre tout
du devoir. Mais ce fut en
en m'efforçant de ramener chacun au sens
vain : "taisez-vous, Monsieur, où vous êtes à l'instant un homme
mort" me fut constamment répété.
A ce moment, le second a fait demander d'être autorisé à venir
sur le pont ; on
l'y autorisa mais il fut aussitôt renvoyé à sa cabine
où il retourna.
Je
poursuivais mes efforts pour transformer le cours des
lorsque Christian échangea le coutelas qu'il avait en main
contre une baïonnette qui lui fut
apportée. Me tenant d'une bonne
poigne par la corde qui me liait les mains, il continua de me
menacer de mort instantanée si
je ne me tenais pas tranquille.
Autour de moi, les scélérats avaient leurs fusils
chargés et garnis de
baïonnette. Ils appelèrent certaines personnes
pour les faire aller
dans la chaloupe et les précipitèrent
par dessus bord. J'ai
évidemment conclu que je serais abandonné à la dérive avec ces
personnes. Dès lors, m'efforçant une nouvelle fois
d'opérer un
changement, je m'exprimai d'une façon telle qu'ils l'accueillirent
choses
par :
"Faites-lui
sauter la cervelle".
Le maître
d'équipage et les matelots qui devaient aller dans la
chaloupe prirent du fil de caret, de la toile, des lignes, des voiles,
des cordages et un baril de 28
gallons d'eau ; le charpentier prit sa
boîte à outils. Mr Samuel obtint 150 livres de
pain ainsi qu'une
petite quantité de rhum et de vin. Il prit aussi dans la chaloupe un
octant et une boussole mais on lui interdit sous
peine de mort de
toucher à n'importe quelle carte, au livre des
éphémérides, des
observations astronomiques, aux sextants, à la montre marine et à
l'un de
mes
relevés
Les mutins
chaloupe
l'on
ou
dessins.
dépêchèrent ensuite de mettre chacun dans la
lorsque la plupart s'y trouvait, Christian ordonna que
un petit verre de rhum à
chaque membre de son
se
et,
serve
Société des
Études
Océaniennes
1443
équipage. Je
trouvai alors excessivement exténué et je me
je ne pouvais malheureusement rien faire pour
récupérer le navire, chaque tentative ayant été menacé de mort. Les
personnes suivantes se trouvaient dans la chaloupe :
me
rendis compte que
John
Fryer
second
Thomas Denman Ledward
David Nelson
William Peckover
William Cole
William Purcell
chirurgien
William Elphinstone
Thomas Hayward
John Hallett
John Norton
Peter Linkletter
troisième officier
Lawrence
voilier
botaniste
canonnier
maître
d'équipage
charpentier
aspirant
aspirant
quartier-maître
quartier-maître
Leboque
John Smith
matelot
Thomas Hall
matelot
George Simpson
second
Robert Tinkler
Robert Lamb
John Samuel
matelot
quartier-maître
matelot
secrétaire
Restaient à bord
comme
Fletcher Christian
Peter Heywood
pirates
en armes :
troisième officier
aspirant
aspirant
aspirant
George Stewart
Edward Young
Charles Churchill
John Mills
James Morrison
Thomas Burkett
Mathew Quintal
John Sumner
John Millward
William Mickoy
maître d'arme
second canonnier
second maître
matelot
matelot
matelot
matelot
matelot
Henry Hillbrant
matelot
William Muspratt
Alexander Smith
John Williams
Thomas Ellison
Isaac Martin
Richard Skinner
Mathew Thompson
matelot
matelot
matelot
matelot
matelot
matelot
matelot
Société des
Études
Océaniennes
d'équipage
1444
William Brown
Michael Byrne
aide-botaniste
matelot
armurier
Joseph Coleman
Charles Norman
Thomas Mcintosh
Au total, 25
aide-charpentier
charpentier d'équipage
hommes,
pour
bord du navire.
la plupart très compétents, sont à
Brièvement, ceci forme l'exposé des faits. Les officiers furent
appelés et forcés de prendre place dans la chaloupe alors que je me
trouvais sous une garde à l'arrière du mât
d'artimon, Christian me
tenant d'une main par les liens
qui me garrotaient les poignets et
ayant une baïonnette dans l'autre. Les hommes armés qui m'entou¬
raient avaient leurs mousquets chargés, ce
qui me rendit tellement
furieux à l'encontre de ces misérables ingrats
que je les défiai de
faire feu ; ils les mirent à l'abattu.
Je vis que j'avais ramené au sens du devoir l'un des
gardes,
Isaac Martin ; comme il me donnait à
manger du chadec (mes
lèvres étant si desséchées suite à mes efforts
pour
opérer un
situation), nous nous exprimèrent mutuel¬
lement nos souhaits par nos regards. Ceci se
remarqua cependant
et Martin fut immédiatement
éloigné de moi. Il quitta le navire
changement de
ma
mais fut menacé de
mort
instantanée s'il
ne
chaloupe.
revenait pas de la
L'armurier, Joseph Coleman, et les deux charpentiers,
Mcintosh et Norman, furent gardés contre leur
gré ; après que je
fus amené de l'arrière dans la
chaloupe, ils me prièrent de me
souvenir qu'ils avaient déclaré ne
pas avoir trempé dans l'affaire.
Michael Byrne, le violoniste, à moitié
connaissance,
me
dit-on, de
ce
le navire.
Ce n'est d'aucune
de
mes
aveugle, n'avait aucune
qui s'était passé et il voulait quitter
importance
efforts pour rallier et
pour
moi de donner les détails
coupables à leur sens du
ramener ces
devoir ; tout ce que j'ai pu faire fut de m'adresser à chacun
d'entre
eux, devant les autres, car personne n'était autorisé à
m'approcher.
J'ai fait mon devoir autant
que possible pour sauver le navire et ils
me connaissaient
trop bien pour mettre quoi que ce soit à ma
portée ; ils m'attachèrent très fermement.
Je dois à Mr Samuel de s'être
procuré pour moi mes journaux
de bord et mes instructions ainsi
que certains des documents
importants du navire. Sans ceux-ci, je n'avais aucune preuve pour
prouver ce que j'avais fait, et mon honneur et mon nom auraient
pu être compromis sans un document valable
pour ma défense. Il
s'acquitta de tout ceci avec une grande résolution
puisqu'il était
Société des
Études
Océaniennes
1445
sous
garde et strictement surveillé. Il
marine
et une
boîte contenant tous
a
tenté de
sauver
la montre
relevés, mes dessins et les
remarques en grand nombre de ces quinze dernières années. Parmi
ceux-ci se trouvaient mes relevés
généraux de la côte occidentale de
l'Amérique, de la côte orientale de l'Asie, des îles Sandwich et des
Amis, mais il fut précipité hors du navire : "va te faire fiche, tu as
de la chance d'avoir ce que tu as".
ma
mes
La cabine du second était
opposée à la mienne, il les vit dans
cabine car nos yeux se rencontrèrent à travers sa fenêtre de
porte. Il possédait dans sa cabine une paire de pistolets et des
munitions. Une ferme résolution de sa part l'aurait
poussé à y
recourir à bon escient. Depuis le 24 janvier
(1), j'avais donné
l'ordre que ces pistolets servent à l'officier de
quart en cas de
désertion pendant la nuit ; on les mit tout d'abord dans l'habitacle
mais, considérant qu'ils pouvaient y être volés, le second les garda
sa cabine.
Après avoir fait demander deux ou trois fois à
Mr Christian la permission de venir sur le
pont, il y fut finalement
autorisé. Sa question fut la suivante : "Me laisserez-vous rester sur
le navire ?" "Non". "Avez-vous
quelque objection, capitaine
Bligh ?" Je lui ai soufflé à l'oreille : "Assomez-le, Martin est bien",
car ceci se déroula
juste avant que Martin fut éloigné de moi.
Christian me repoussa cependant et le second partit avec l'ordre de
retourner dans sa cabine et je ne l'ai
plus revu jusqu'à ce que tout
fut mis dans la chaloupe. Il me dit par la suite,
lorsque je l'ai
questionné, qu'il ne put trouver personne avec qui agir et qu'en
restant sur le navire, il espérait le reprendre. Au
sujet des pistolets,
il était si bouleversé et surpris qu'il ne se
rappela point les avoir.
Son frère (2) indiqua à ma demande comment les clés du coffre à
armes sortirent de sa cabine,
que Richard Skinner, qui le servait,
les avait emportées, ce qui est certainement le cas.
Quant aux officiers dont les cabines se trouvaient à l'infir¬
merie, il n'y eut point de soulagement pour eux. Ils s'efforcèrent de
venir à mon aide mais ne furent pas autorisés à sortir leur tête de
dans
l'écoutille.
Le maître
d'équipage et le charpentier avaient toute liberté, le
premier s'occupait, sous menaces de mort, de qiettre la chaloupe à
la mer, mais je vis le second jouer au paresseux avec une mine
impudente et malveillante, ce qui me poussa à croire qu'il était un
des mutins, jusqu'à ce qu'il fut parmi ceux à recevoir l'ordre de
quitter le navire. Il me semble qu'il y avait tout d'abord un doute en
Christian de savoir s'il lui fallait garder le charpentier ou ses
(1) Date de la désertion à Tahiti de Charles Churchill, John Millward
(2) 11 s'agit en fait de son beau-frère, Robert Tinkler.
Société des
Études
Océaniennes
et
William Muspratt.
1446
était un garçon à problèmes, il se
charpentier fut contraint de prendre
reçut par dessus bord sa caisse à outils
assistants mais, sachant qu'il
décida pour les assistants. Le
place dans la chaloupe et il y
sans grande difficulté.
Beaucoup de disputes eurent lieu entre les mutins pendant
toute la durée de l'affaire, certains juraient : "Je serai damné s'il
n'arrive pas en Angleterre s'il emporte quelque chose avec lui"
(parlant de moi). D'autres, lorsque la caisse à outils du charpentier
fut mise dans la chaloupe, "Va te faire fiche, ils vont construire un
navire en un mois de temps" alors que d'autres encore se
moquaient de la situation de la chaloupe, très creuse et sans place
pour ceux qui s'y trouvaient. Quant à Christian, il semblait mani¬
gancer sa propre destruction instantanée et celle de tous, car il
surpassait toute description possible d'un homme diabolique.
Je demandai des armes mais ils se moquèrent de moi en me
disant que je savais très bien où j'allais et n'en avais donc point
besoin. Toutefois, quatre coutelas furent jetés dans la chaloupe
après qu'elle fut. virée de l'arrière.
Lorsque les officiers et les matelots furent mis dans la
chaloupe (je n'ai pas été autorisé à avoir des contacts avec eux), ils
n'attendirent plus que moi ; le maître d'arme en informa Christian
qui me dit alors : "Venez, capitaine Bligh, vos officiers et vos
matelots se trouvent maintenant dans la chaloupe et vous devez les
accompagner. Si vous tentez d'opposer la moindre résistance, vous
serez immédiatement mis à mort". Me poussant devant lui en
tenant la corde qui me bridait les mains derrière le dos et ayant
dans l'autre main une baïonnette, il m'obligea, au milieu de cette
tribu de brutes armées, de passer par dessus le bastingage où ils me
délièrent les mains. Étant dans la chaloupe, ils nous ont viré par
l'arrière au moyen d'un cordage, et nous ont jeté quelques
morceaux de porc et quelques vêtements. Après nous avoir
décoché de nombreuses railleries, nous fûmes enfin lâchés à la
dérive en plein océan. Sous presque pas de vent, nous avons ramé
assez vite dans la direction de Tofua, situé au NE à 10 lieues
environ ; le navire, encore en vue, prit la direction ONO. Mais je
considère que c'était une simulation car, lorsque nous avons été
lâchés, nous avons fréquemment entendu parmi les mutins : "Vivat
Tahiti".
Christian, le capitaine des mutins, provient d'une famille
respectable du nord de l'Angleterre. C'est le troisième voyage qu'il
a effectué avec moi et, comme
je pensais nécessaire de répartir
l'équipage en trois quarts, je lui avais donné l'ordre de prendre le
troisième ; ses
capacités correspondaient parfaitement à cette tâche
Société des
Études
Océaniennes
1447
et, de la sorte, mon second et le canonnier
ne
alternativement.
prenait
pas
le quart
Heywood est issu également d'une famille respectable du nord
l'Angleterre et c'est un jeune homme aussi capable que
Christian. Ces deux-là furent l'objet de mes égards et de mes
attentions et je les ai formés avec un zèle inlassable car ils
promettaient de faire honneur à leur pays dans leur profession.
Young me fut recommandé par Sir George Young, capitaine
dans la marine. Il m'avait paru être un marin
capable et solide et je
l'avais donc engagé. Mais il s'est constamment montré un scélérat
de
sans
valeur.
Stewart est un jeune homme de parents dignes de foi, des îles
Orcades. C'était un marin de bon caractère.
Nous pouvons observer ici jusqu'où peut aller la bassesse de la
nature
humaine,
seulement
ingratitude des plus odieuses
patrie et leurs parents.
J'avais à peine fait 200 mètres sur ma route que je commençai
à réfléchir sur les vicissitudes des affaires humaines, mais au cours
de cette réflexion, je ressentis un bonheur interne qui empêcha
toute dépression de mon esprit, conscient de ma
propre intégrité et
de ma sollicitude empressée pour la réalisation de la mission qui
m'incombait.. Mon esprit s'en trouva extrêmement soutenu et je
commençai, malgré une calamité aussi grave, à formuler des
espoirs de pouvoir faire part de mon malheur à mon roi et à ma
patrie.
Dans quelle situation plus flatteuse aurait pu se trouver un
autre homme que moi douze heures auparavant ? J'avais un navire
dans le meilleur état et bien fourni de tout le nécessaire, à la fois
pour sa mission et pour la santé de l'équipage. De par mon
attachement très tôt à ces détails, j'avais agi contre le destin au cas
où je ne pourrais passer le détroit de l'Endeavour et contre les
autres accidents qui auraient pu m'arriver. En outre, j'avais
conservé avec succès les plants dans un état des plus florissants de
telle sorte qu'au total, le voyage était accompli aux deux-tiers et
aucun doute ne planait sur la partie restante. Chacun se trouvait en
parfaite santé, j'avais pris les plus grands soins pour l'établir et la
leur conserver tout au long du voyage.
mais aussi
une
non
une
atteinte éternelle contre leur
Il est certainement vrai qu'il n'y a point d'effet sans cause,
mais il est tout aussi certain dans ce cas qu'aucune cause ne puisse
justifier un tel effet. L'on pourrait très naturellement me demander
quelles pourraient être les raisons d'une telle révolte. En réponse, je
ne peux que conjecturer que les mutins se soient faits une idée selon
laquelle ils se sont persuadés qu'ils auraient une vie heureuse
Société des
Études
Océaniennes
1448
parmi les Tahitiens que celle qu'ils pourraient espérer en
Angleterre ; ce fait, adjoint aux quelques rapports qu'ils ont eus
avec des femmes, a formé la principale cause de toute l'affaire.
Les femmes sont belles, douces dans leurs manières, et leurs
conversations sont empreintes d'une grande émotivité ; elles ont
suffisamment de délicatesse pour se faire admirer et aimer. Les
chefs se sont tellement liés à nos gens qu'ils les ont plutôt
encouragés à rester parmi
eux et ils ont même fait la promesse de
biens étendus. Dès lors, pour ces raisons et
autres similaires et tout aussi engageantes, on ne peut
leur attribuer des
plusieurs
s'étonner, quoique cela soit impossible à prévoir, qu'un groupe de
marins conduits par des officiers, sans attache ou, s'ils en ont,
dépossédés des sentiments naturels suffisants pour leur faire
souhaiter n'en avoir jamais été séparés, ait pu se laisser entraîner
par de tels mobiles. Pareillement, quelle tentation pour de tels
scélérats lorsqu'ils se trouvent en leur pouvoir, de s'installer,
malgré l'illégalité de la chose, au milieu de l'abondance dans la plus
belle île du monde où il n'est pas besoin de travailler et où les
attraits de la dissipation sont supérieurs à tout ce qui peut se
concevoir.
Les désertions
bâtiments qui ont
été
plus ou moins fréquentes parmi les
mouillé dans les îles de la Société, mais il a
toujours été dans le pouvoir du commandant de forcer les chefs à
rendre les déserteurs. Ils se rendaient compte donc qu'un tel plan
ne pourrait réussir et ils se sont
imaginés que jamais plus un pareil
petit navire et une telle occasion favorable se représenteraient à eux
une
ont
nouvelle fois.
Le secret de cette mutinerie
dépasse toute imagination et il est
parmi les membres du groupe avec
moi, qui vivaient intimement avec les autres, n'aient pu découvrir
des indices de mauvaise intention parmi eux. Pourtant, cette
mutinerie contre le navire, ou son projet, se tramait depuis
longtemps si je considère avec justesse le sectionnement du câble le
6 février comme son début, car cet acte fut certainement
entrepris
par quelques membres de l'équipage pour faire échouer le navire
quoiqu'à cette époque, je le pris naturellement pour un acte des
indigènes qui, comme il apparaît, en étaient certainement inno¬
cents (3). A la suite de plans de vilénie tellement bien tramés et de
mon état
d'esprit exempt de tout soupçon, il n'est pas étonnant que
je me sois fait avoir. Mais la possibilité d'une telle catastrophe ne
pénétrait jamais mes pensées. Christian devait déjeuner et dîner
avec moi la soirée
précédente, mais il me pria de l'excuser sous
surprenant que treize personnes
(3) En réalité c'est Vaetua qui était responsable du sectionnement du câble.
Société des
Études
Océaniennes
1449
prétexte d'une indisposition dont je m'inquiétais plus que de
soupçonner son intégrité et son honneur.
J'ai trouvé que la quantité exacte de
provisions qu'ils avaient
mise dans la chaloupe s'élevait à 150 livres de
pain, 16 morceaux de
porc, 6 quarts de gallon de rhum, 6 bouteilles de vin, 28 gallons
d'eau et 4 barils vides.
Bligh termine
mutins.
Nous
son
journal du jour
par
la description des
donnerons que celle de Christian Fletcher,
responsable principal de la mutinerie et celle de James Morrison,
auteur du fameux Journal, édité
par les soins de notre Société.
ne
Description des pirates
Fletcher Christian : Age 24. Adjoint du second. 1,75 m. Teint
ou très foncé. Cheveux brun foncé. Bien bâti. Une étoile
sur son sein
gauche et une autre sur son postérieur. Ses
noirâtre
tatouée
genoux sont
quelque
peu
écartés et
on
peut dire que ses
jambes
particuliè¬
qu'il manipule.
sont un peu arquées. Il souffre de fortes transpirations,
rement des mains, de telle sorte qu'il sâlit tout ce
James Morrison 28
Second Maître. 1,72 m. Teint
brouillé, longs cheveux noirs, taille élancée, a perdu l'usage de la
phalangette de l'index de la main droite. Tatoué d'une étoile en
dessous du sein gauche et d'une jarretière autour de la jambe
gauche avec la devise Honni soit qui mal y pense, et a été blessé
d'une balle de mousquet à l'un de ses bras.
ans.
Société des
Études
Océaniennes
1450
LA CONSERVATION DU FEU
Description d'une méthode ancienne
Nous avons, dans un
précédent article (1) décrit le procédé de
production du feu par friction observé à Napuka (Tuamotu). Nous
voudrions poursuivre en présentant la méthode de conservation du
feu.
Pour les usagers domestiques, à tout moment, on peut avoir
besoin de feu, aussi, pour ne pas être obligé d'en refaire à chaque
fois, est-il préférable de posséder un moyen de le conserver. Ce
moyen, à Napuka était le timau, un dispositif ressemblant à un
four à nourriture dans lequel le feu produit par friction (le procédé
est nommé hika) était conservé.
Cependant, contrairement au hika qu'il est encore possible,
dans certaines conditions, de voir faire, le timau n'est plus utilisé
depuis le début du siècle. D'ailleurs, Emory qui dit quelques mots
du procédé dans son livre sur la culture matérielle des Tuamotu (2)
rédigé à partir d'observations faites dans les années trente, en parle
déjà au passé.
Bien sûr, des personnes âgées ont entendu parler du timau et
peuvent fournir des renseignements plus ou moins précis, mais ce
sont des conditions particulières qui ont permis de recueillir une
information auprès de Madame Tekava a Teakau qui a elle-même
utilisé ce moyen de conserver le feu.
Dans sa jeunesse (elle est née en 1911) le feu n'était déjà plus
gardé grâce au timau mais son père, un homme traditionaliste,
(1) E. CONTE
et J. KAPE : "La production du feu par friction, éléments d'observation et
d'analyse", B.S.E.O. N° 222, mars 1983, p. 1272-1282.
(2) K.P. Emory "Material Culture of the Tuamotu Archipelago", Pacific Anthropological
Records N° 22, B.P. Bishop Museum, Honolulu, September 1975, 253
p.
Société des
Études
Océaniennes
1451
voulu l'éduquer en lui inculquant ce
que, selon lui/'une femme
devait savoir. Ainsi, il fit un timau, apprit à sa fille à l'entretenir et
celle-ci conserva du feu par cette méthode durant deux années.
Description et fonctionnement du
timau
Le timau ressemble à un four à aliments, mais sans morceaux
de corail. Chaque maison possède le sien. Il est constitué d'une
fosse d'un diamètre compris entre
quarante centimètres et un
mètre, pour une profondeur d'une trentaine de centimètres. Dans
cette fosse sont rassemblées des
coques d'amandes de fruit de
pandanus (tuka hatu) conservées à cet effet après
en
aient été extraites.
que
les amandes
Puis, le feu produit par friction est communiqué aux tuka
Quand les tuka hatu brûlent bien, on en ajoute d'autres et
attendre que les nouveaux aient eu le temps de prendre feu, le
hatu.
sans
tout est recouvert de sable.
Ce sable provient du centre des îlots et ce pour plusieurs
raisons : il est fin, comme de la terre et constitue donc une
couverture
hermétique ; de plus, dans le sable de plage pourraient
gravillons qui risqueraient de provoquer de larges
interstices entre lesquels l'air s'infiltrerait en trop grande quantité
(3).
Sous la couche de sable, en raison de l'apport très limité en
oxygène (qui est cependant nécessaire), la combustion des tuka
hatu se fait au ralenti et les braises se conservent. Le principe du
timau repose donc sur une recherche de la quantité d'oxygène
adaptée à une combustion lente.
Chaque fois que l'on a besoin de feu, il suffit d'ouvrir le timau,
d'y introduire un bâton dont l'extrémité qui se consume permet
ensuite de communiquer le feu au combustible à enflammer. Cet
intermédiaire qui sert à transporter le feu est appelé tamau (4). Le
se
trouver
des
timau est ensuite refermé.
Précautions
d'usage
cependant nécessaire de veiller à ce que tout le
combustible ne se consume pas, ce qui ferait s'éteindre le timau.
Ceci est surtout important chez les personnes âgées qui ne peuvent
recommencer souvent à faire du feu, cette opération étant
pour
elles assez pénible.
Il est
(3) L'expression employée
est percé".
pour
parler de
ce
risque est "puta
le timau" c'est-à-dire "le timau
(4) Mais à partir du moment où il
(ou hakakai)
ce mot
timau
feu
ou au
que
est mis dans le timau, il est désigné sous le nom de fakakai
ayant le sens de "nourrir", comme si l'on donnait à manger au
l'on
va
allumer.
Société des
Études
Océaniennes
1452
en général, une fois par jour, de préférence le soir (mais
plus de sécurité on peut le faire matin et soir), l'état du timau
est inspecté et l'on intervient si besoin.
Quand on remarque que la terre est enfoncée (poko poko)k la
surface du timau, c'est un signe qu'une grande partie des tuka hatu
est consumée. Ces tuka hatu ayant été réduits en cendres avec un
peu de sable corallien, ceci a libéré un espace dans lequel s'est
affaissé le sable de couverture. Dans un tel cas, il faut ouvrir le
timau pour ajouter du combustible (5). Ce réapprovisionnement
est presque quotidien.
Si l'on voit un peu de fumée sortir, par endroits, à la surface
du timau, c'est un signe que sa perméabilité est trop importante.
L'excès d'infiltration d'oxygène risque de faire se consumer trop
vite les tuka hatu. Du sable est ajouté sur le timau pour résoudre ce
problème.
Donc,
pour
D'ailleurs,
pluie il est logé
protéger le timau des courants d'air et de la
abri, le karuru timau, situé à proximité de
l'habitation. Il s'agit d'une construction en palmes de cocotier
tressées, sans fenêtre, dont la porte est fermée par une ligature
lorsqu'il n'y a personne à l'intérieur afin d'éviter au maximum les
courants d'air. Cet abri est suffisamment grand pour qu'en plus du
timau y soient conservés au sec des paniers contenant du sable et
des tuka hatu destinés à servir de combustible. Ces paniers sont
empilés contre les parois pour réduire les arrivées d'air par les
pour
sous un
interstices des palmes de cocotier.
Moyen de transporter le feu lors des voyages inter-insulaires
Selon un récit, ce mode de conservation du feu était connu des
hommes qui peuplèrent Napuka sous la conduite de Unu Hia, une
souveraine marquisienne qui avait dû fuir son île d'origine. Ce récit
donne des précieux renseignements sur la façon dont le timau était
transporté lors des voyages inter-insulaires sur des embarcations
décrites comme des radeaux. Cette information est d'autant plus
intéressante que le procédé était, paraît-il, le même pour les fours à
nourriture.
D'après les éléments que nous avons recueillis, nous pouvons
essayer de reconstituer ce dispositif de transport du timau.
On faisait entrer de l'eau dans un compartiment aménagé sur
l'embarcation afin d'isoler le timau du bois du radeau. Des dalles
de corail étaient empilées, en laissant un creux
que l'on tapissait de
sable pour servir de cuvette au timau. Pour assurer une bonne
(5) Cette opération
se
dit J'akakai,
ce mot
"nourrir".
Société des
ayant, comme nous l'avons déjà vu, le sens de
Études
Océaniennes
1453
isolation au timau, les dalles supérieures étaient scellées entre elles
de la chaux.
Le croquis en coupe que nous présentons ci-dessous essaie de
avec
figurer le dispositif.
Après avoir abordé la production du feu dans
un
précédent
article (B.S.E.O. N° 222) et examiné ici sa conservation, il resterait
à présenter ses différentes utilisations, notamment pour la cuisson
des aliments. Ceci fera probablement l'objet d'un autre travail qui,
espérons
nous,
traditionnelle
aidera à mieux connaître certains aspects de la vie
aux
Tuamotu.
Eric conte
Société des
Études
-
Jean Kape
Océaniennes
1454
CONGRÈS INTERNATIONAL
Xlème
DES SCIENCES
ANTHROPOLOGIQUES
ETHNOLOGIQUES :
1983 ; Québec et Vancouver, Canada.
ET
14-25 août
SYMPOSIUM SUR LE PEUPLEMENT DU
PACIFIQUE
Dans le contexte du Xlème Congrès International des
Sciences Anthropologiques et Ethnologiques, un symposium
spécial intitulé "Le Peuplement du Pacifique"
a eu
lieu, à
Vancouver, le dimanche 21 août 1983.
Le symposium fut présidé par le Prof. Keichi Omoto (Univ. de
Tokyo) et par le Prof. Robert Kirk (Université Nationale Austra¬
lienne). Ce colloque comporta deux parties, une première
consacrée aux résultats des toutes dernières recherches, et une
deuxième qui a fait le bilan de l'état actuel de nos connaissances en
ce qui concerne le
peuplement du Pacifique, basé sur plusieurs
disciplines différentes, notamment la génétique, l'anthropologie,
l'archéologie et la linguistique.
Le programme
Première
-
partie
du symposium fut le suivant
:
Rebecca Cann
Développements Récents
(Berkeley) : Comparaisons DNA Mitochon¬
Omoto Keichi
(Tokyo)
:
drials Humaines
-
:
Les Négritos : Origines génétiques
et
-
-
-
Kazuro Hanihara
(Tokyo)
:
Micro-évolution
Origines et Affinités des Japonais
d'après les mesures crâniennes
Andrew Pawley (Auckland) : La
communauté
Proto-Océa& Roger Green (Aukland)
nienne : Distribution, Diversité,
Dates des Migrations
Patrick Kirch (Hawaii)
: Les 'Outliers' Polynésiens : Con¬
tinuité, Changement et Rempla¬
cement
Société des
Études
Océaniennes
1455
Douglas Yen (Canberra)
-
Deuxième
-
F.J. Allen
-
-
-
partie
Peter Bellwood
Darrell
L'Environnement et la Colonisa¬
tion des Iles du Pacifique : Point
de vue Ethnobotanique
Vue d'Ensemble
:
(Canberra)
:
(Canberra)
:
Tryon (Canberra)
:
R.H. Ward
Le
:
(Washington)
symposium
a
:
Le Pacifique vu du Sud-est
Asiatique
Foyer Familial et/ou demeure
temporaire : L'Archipel des
Bismarck et le Peuplement du
Pacifique
Le Peuplement du Pacifique :
Point de Vue Linguistique
Diversité Génétique dans le Paci¬
fique Sud
suscité la participation active d'une assistance
nombreuse. Comme bilan
nous nous
bornerons à deux conclusions
principales susceptibles d'intéresser particulièrement les membres
de la Société des Etudes Océaniennes
:
1. Il est maintenant incontestable que les
populations polyné¬
siennes et micronésiennes ne seraient pas descendues direc¬
tement d'une
population mélanésienne, bien que les langues de
deux groupes soient de toute évidence
développées d'une
souche mélanésienne. Ils sembleraient être arrivés directement
des Philippines ou d'Indonésie orientale.
ces
2. Le
symposium a reconnu le fait que bien que des progrès remar¬
quables aient été faits pendant la dernière décennie, on est
encore loin d'avoir résolu les problèmes
scientifiques qui nous
permettraient d'établir une chronologie détaillée et définitive du
peuplement du Pacifique.
D.T. Tryon
Société des
Études
Océaniennes
1456
NÉCROLOGIE
PIERRE JOURDAIN
Le temps apporte son contingent de joies, mais aussi de
peines
de deuils. Notre Société n'échappe pas à la règle et de destin a
frappé nos cœurs en la personne de notre ami, le capitaine de
vaisseau Pierre Jourdain, l'un de nos plus anciens membres.
et
Pep, car il était communément appelé ainsi, était une syllabe
qui retentissait dans l'air léger de Paea, et ce surnom familier dont
l'étymologie est teintée de mystère aura perduré tout au long de ses
carrières maritime et civile.
Membre à vie de notre Société
depuis 1932, plusieurs années
il n'aura cessé de lui apporter attention et encoura¬
gements, et de lui témoigner son intérêt ; son dernier compte-rendu
d'ouvrage est publié dans notre Bulletin de mars 1983.
assesseur,
Revivre le Tahiti de Pierre Loti ! Tel avait été le sort
exceptionnel de Pep. La fréquentation de cette époque heureuse
des années 30 ne le prédisposait pas à la fièvre
contemporaine, et il
se montrait parfois décontenancé
par le tohu-bohu du moder¬
nisme, et d'une évolution générale trop brutale, mais la modernité
a rejoint Tahiti...
Généralement affable et courtois, il pouvait s'emporter avec
vivacité juvénile lorsqu'il tenait à faire prévaloir son
point de
vue dans une discussion sur un
sujet historique ou politique ; mais
très vite le calme du vieux marin reprenait ses droits, aidé
par une
bonté toujours présente.
une
Société des
Études
Océaniennes
1457
Il
préférait de beaucoup, deviser à propos d'un livre récent ou
une question polynésienne ; certes il n'était
pas
indifférent au reste du Pacifique mais il réservait enthousiasme et
érudition pour la Polynésie Orientale.
Jusqu'au bout il a espéré revoir Tahiti ; l'avant-veille de sa
mort, il s'informait de la rédaction d'un certificat médical qui le
dispenserait du port obligatoire de la ceinture de sécurité dans les
commenter
avions.
L'article suivant
témoigner brièvement,
notre
précise sa biographie ; nous voulions
avec la simplicité qu'il affectionnait, de
amitié sincèrement attristée et de la reconnaissance de notre
Société.
P. Moortgat
LES ESCALES
OCÉANIENNES
DANS LA VIE EXEMPLAIRE
DU COMMANDANT PIERRE JOURDAIN*
Un véritable ami de Tahiti vient de nous quitter et notre
chagrin est immense. Il s'agit du Capitaine de Vaisseau (H.C.)
Pierre Jourdain, appelé "pep" par tous ses amis, qui a appareillé
définitivement vers les horizons lointains le 21 septembre. Laissant
à ses camarades du service le soin de fixer avec plus du précision sa
glorieuse carrière militaire, nous nous contenterons d'évoquer ici
les importantes escales océaniennes dans la vie exemplaire de ce
vieux marin, qui débarque à Tahiti pour la première fois il y plus
de cinquante ans.
C'est en 1931 que le jeune enseigne de vaisseau Jourdain, âgé
de 24 ans, est nommé second sur le seul bâtiment de la marine
nationale stationné dans nos eaux, la goélette "Zélée", d'un
déplacement de 250 tonnes. Primitivement baptisée "Papeete", elle
avait été construite en 1892 à San Francisco et, en sa qualité
d'ancien marin de la Royale, Gauguin avait souvent été reçu à son
bord. Vendue en 1901 à la maison Maxwell, la marine la rachetait
et la rénovait trente ans plus tard, en la rebaptisant "Zélée".
*
Cet article
a
été
publié dans la "Dépêche" du 30 septembre 83.
Société des
Études
Océaniennes
1458
subsistait sans doute de l'ancienne "Papeete"
les formes de carène, constate l'enseigne Jourdain. Depuis
longtemps déjà, toutes les parties de la coque avaient été changées
petit à petit et cette fois-ci, le gréement était renouvelé une fois de
plus. L'addition de deux moteurs auxiliaires Dièsel de 45 CV
diminuait certes les qualités nautiques de ce bâtiment mais en
augmentait considérablement les possibilités d'action". En 1931,
l'équipage est composé de deux officiers-mariniers, huit quartiersmaîtres métropolitains et vingt matelots polynésiens, recrutés sur
place. Le commandement est assumé par le lieutenant de vaisseau
"A bord, il ne
que
Jean Hourcade.
Les missions de
ce petit navire consistent essentiellement à
d'inspection des gouverneurs, administrateurs,
juges et médecins, à travers les cinq archipels des Etablissements
français de l'Océanie, comme la colonie s'appelle alors. Lorsque
l'occasion se présente, les officiers effectuent aussi, avec les faibles
moyens à leur disposition, des reconnaissances hydrographiques.
C'est la belle époque d'entre les deux guerres mondiales, où la vie à
Tahiti justifie largement sa réputation de paradis terrestre.
assurer
les tournées
Le début de
recherches
scientifiques
Pep Jourdain apprécie pleinement le charme de cette vie
joyeuse et non-chalante, qu'il partage à partir du mois de décembre
1932 avec le jeune pharmacien de la marine, Henri Jacquier,
comme il l'a raconté dans le numéro spécial
du Bulletin de la
Société des Etudes Océaniennes, consacré à ce dernier, qui
ses
s'installa définitivement à Tahiti.
Ces deux camarades sont
également unis par le désir de mieux
peuple et les coutumes de ce pays qu'ils aiment tant.
L'imprimerie du Gouvernement vend alors, pour dix francs
chacune, deux publications que Pep s'est procurée dès son arrivée :
le "Journal de Maximo Rodriguez", premier Européen ayant
habité à Tahiti, en 1774 et 1775, et "Etat de la société tahitienne à
l'arrivée des Européens", du lieutenant de vaisseau Edmond de
Bovis, qui commandait un petit navire au début du protectorat.
Pep devient immédiatement membre de la Société des études
océaniennes et assite pour la première fois à une assemblée
générale le 25 février 1932. Les débats concernent surtout deux
vieux projets, dont le premier s'avère plus facile à réaliser que le
connaître le
second : l'érection d'une statue de Pierre Loti et la construction
d'un musée. Le nouveau membre s'avance timidement sur le terrain
scientifique, en traduisant pour le Bulletin de la S.E.O. le chapitre
Rapa, extrait du récit d'un yatchman américain, Harvey
consacré à
Société des
Études
Océaniennes
1459
S. Bissel. Il continue par un "texte
adapté" de la légende de trois
tortues, recueillie à Tevaitoa, à Raiatea, par A. Bonnet, ainsi que
rendu du célèbre article de l'amiral Rodman, qui
prétend avoir découvert à Honolulu une calebasse ayant servi de
sextant aux navigateurs hawaiiens, alors
qu'il s'agit, en réalité, d'un
simple récipient !
Avant la fin de 1933, le jeune officier chercheur arrive à
fournir encore au Bulletin deux articles plus originaux, fruits de ses
propres expériences. Dans le premier, il raconte ses impressions de
par un compte
Rurutu,
en
terminant par cette constatation
:
"L'isolement
relatif de Rurutu a fait que la vie des indigènes a
peu changé depuis l'annexion. Les habitants vivent en collectivité
sous la direction
ferme de leurs pasteurs qui sont les véritables
chefs de l'île. Leur autorité incontestée s'exerce d'ailleurs aussi bien
dans le spirituel que dans le temporel pour le bien de
l'indigène
dont ils connaissent à fond le caractère et surtout les faiblesses".
Dans le second de
ces
articles, il propose la création d'un club
de tourisme
nautique, possédant des voiliers charters, comme
moyen de développer un tourisme sain et profitable. Voici ses
arguments perspicaces : "Un peu de publicité, tant en France qu'à
l'étranger amènerait certainement une clientèle de choix qui
n'hésite actuellement à se déplacer que parce qu'elle ne sait pas ce
qu'on peut lui offrir. La possibilité de pouvoir louer, tout armé, un
petit bâtiment solide et relativement confortable, en gardant la
liberté du choix des itinéraires et une indépendance totale, me
parait pleinement satisfaisante. Délivrés des ennuis matériels
qu'une connaissance imparfaite des hommes et des choses
tahitiennes pourrait lui occasionner au début de son séjour, le
yatchman, de cette façon, jouira pleinement de sa croisière dans ces
archipels de rêve des Mers du Sud".
Le devoir et la détente
La même année, Pierre Jourdain rédige également un petit
"Guide des recrues tahitiennes". Les phrases -toutes traduites en
tahitien- qu'on y trouve ne sont pas seulement fort utiles mais
laissent aussi entrevoir les difficultés rencontrées par un jeune
officier pour commander une vingtaine de robustes marins
polynésiens, peu habitués à la discipline militaire. Citons seulement
ces deux phrases comme exemple : Quand on est factionnaire, il
faut bien veiller à bord et autour du bord, ne pas quitter son poste
ou s'endormir la nuit".
"Les vêtements
vous
gaspillez, votre argent,
appartiennent. Si vous les abimez, vous
achète des neufs sur votre
car on vous en
Société des
Études
Océaniennes
1460
compte".
Le vocabulaire de termes marins, avec leurs équivalents en
tahitiens, qui termine ce guide hautement pratique, fait de
l'enseigne de vaisseau Jourdain un précurseur dans un domaine où
l'Académie tahitienne déploie de grands efforts depuis quelques
années.
Même
pendant les bringues, Pep, qui joue fort bien de la
guitare, garde son côté sérieux, car il note soigneusement dans
d'épais carnets la musique et les paroles des chansons les plus à la
mode. Hélas, ces précieux recueils ne
pourront jamais être publiés
ou utilisés
par aucun musicien ou musicologue, car ils ont été
détruits dans
Lorsque
un
incendie il y a seulement deux
affectation
ans.
termine en 1934, Pierre Jourdain a
la "Zélée" et parcouru 12 500 miles.
Comme tous les marins, il assure à ses amis et amies
qu'il reviendra
un jour.
Mais ce sont des promesses si souvent entendues que
son
passé 255 jours
se
en mer sur
n'y croit sérieusement. Pourtant, le jeune enseigne laisse
derrière lui : grâce à un rappel de solde inattendu, qu'il
reçoit vers la fin de son séjour, il achète un petit terrain à Paea, où
il voudrait, un jour, construire un fare...
personne
un
gage
Ceci est forcément remis à
nazisme et le fascisme menacent
beaucoup plus tard. En 1934, le
l'Europe et la France a besoin de
tous ses officiers. Promu
lieutenant, Pierre Jourdain poursuit sa
carrière comme canonnier-marin, d'abord sur le
"Pluton", puis -et
avec quel
plaisir !- sur le "Bougainville". En 1939, il épouse
Christine Mimaud Grand Champs,
peu de temps avant d'être
envoyé en poste à Alger où sa jeune femme vient le rejoindre après
la débâcle. Il y demeure
jusqu'au moment de l'invasion de l'Italie,
en juillet
1943. La conquête de l'Italie s'avère plus difficile que
prévu et l'unité de canonniers marins à laquelle Pierre Jourdain
appartient est terriblement décimée lors de la sanglante bataille du
Mont Cassino. Au moment de la libération de la
France, elle subit
autre dure épreuve lors de la bataille de
Royan.
De 1945 à 1947, le commandant Jourdain est chef
d'Etat
une
Major de la marine aux Antilles, pour revenir ensuite sur le terrible
théâtre de guerre qu'est devenue l'Indochine. En
1952, il prend sa
retraite avec le grade de
capitaine de frégate, pour s'occuper de
l'entreprise familiale, les Freins Jourdain-Monneret, cédée dix ans
plus tard à une grande société.
Retour à Tahiti
Le vieux rêve de revoir l'Océanie
peut
Puisque
sa
force vitale
et son
Société des
goût du travail
Études
Océaniennes
enfin
réaliser.
intacts, le
se
restent
1461
commandant Jourdain accepte le poste
de
direction de la Compagnie française des
délégué à Papeete de la
phosphates de l'Océanie.
Voici comment il résume la situation de la
compagnie à son
arrivée à Tahiti : "Au cours de l'année 1961, la
Compagnie
française des phosphates de l'Océanie a produit 380 692 tonnes de
phosphate, contre 362 097 l'année précédente en raison du report
1962 d'une cargaison initialement
prévue pour 1961. Il est
penser que le programme d'exploitation pourra se
maintenir à la cadence actuelle pendant trois années
encore, avant
d'aborder la phase finale pendant laquelle les
tonnages iront en
décroissance.
sur
permis de
La main-d'œuvre
polynésienne continue de prouver ses
qualités de tous ordres. Sa stabilité, en dépit de la réputation qui
lui est généralement faite d'être inconstante, a
permis qu'elle arrive
au niveau des meilleures. La
politique de promotion locale
confirme ainsi ses heureux effets, puisque des responsabilités
d'encadrement de plus en plus étendues peuvent être
confiées aux
ouvriers et employés polynésiens : les cadres subalternes sont
recrutés en totalité localement et se voient même
confier
entièremnet certains travaux,
sous
le seul contrôle de cadres
supérieurs métropolitains".
Après que le dernier cargo ait emporté le 21 septembre 1966
les dernières tonnes de phosphate de Makatea, Pierre Jourdain est
chargé de liquider les machines, bâtiments et autres biens de la
compagnie et il le fait avec beaucoup d'habileté et de générosité.
Ajoutons que ses qualités de diplomate sont depuis longtemps fort
appréciées par les autres chefs d'entreprise locaux qui, en
conséquence, l'ont élu président de l'Union patronale.
En 1968, il prend sa retraite définitive et se
replonge dès lors
dans des études de toutes sortes, mais qui, toutes, ont un
rapport
avec son pays
d'adoption. Il y vit maintenant dans le fare qu'il a
fait construire sur sa terre de Paea, quand il ne
séjourne pas dans la
demeure familiale
en
Charente.
Fidèle à la société des Etudes
océaniennes, il publie dans le Bulletin ses derniers et plus
importants travaux : "Les marins français à Tahiti, 1768-1962" et
"Découverte et toponymie des îles de la Polynésie française". Pour
la Société des Océanistes, il rédige un dossier sur les "pirogues
anciennes de Tahiti".
Tous les amis, marins et chercheurs qui l'ont connu dans ce
cadre enchanteur garderont longtemps un souvenir ému de cet
homme droit et bon, encore capable de faire revivre un passé
tahitien depuis longtemps révolu.
Marie-Thérèse
Société des
Études
et
Bengt DANIELSSON
Océaniennes
1462
BIBLIOGRAPHIE
-
-
-
-
-
-
-
En croisière
sur le "Wanderlust". L'escale de
"Rapa" (octobre 1928).
H.S. Bissel. Traduit de l'anglais. (N° 44/Sept. 1932).
Légende des trois tortues du marae de Te-Vai-Toa. Recueillie
Bonnet. (N° 47/Juin 1933).
-
-
A.
La
navigation chez les Polynésiens d'autrefois. (N° 49/Déc. 1933).
(N° 52/Sept. 1934).
Le yachting dans les Etablissements français de l'Océanie.
(N° 52/Déc. 1934).
Rurutu.
Les
rues
Notes
de
sur
Papeete
en
1965 (Nomenclature). (N° 151/Juin 1965).
les commandants de la Marine à Tahiti.
Mars-Juin 1967).
-
par
(N° 158-159/
Découverte et Toponymie des Iles de la Polynésie Française
1970. (N° 171/Juin 1970).
A propos
-
Tahiti
de l'échouement du Seeadler à Mopelia. (N° 182/Mars 1973).
Pirogues anciennes de Tahiti. (Dossier de la Société des OcéanistesMusée de l'homme-Paris).
Société des
Études
Océaniennes
1463
COMPTE-RENDU
TAYLOR Alan
Polynesian Tattoing.
Laie, Hawaii, Institute for Polynesian Studies, 1981, 34 p., ill., bibl., 19 cm.
(Pamphlets Polynesia).
D'après l'auteur le tatouage polynésien trouverait son origine dans
Lapita dont on voit les premiers témoins quitter le SudEst asiatique au 3ème siècle avant notre ère
pour parvenir à Samoa au
1er siècle et, de là, se répandre dans le
Pacifique.
En ce qui concerne la Polynésie française, les
Marquises sont
touchées vers l'an 300. On y construit sur des "pavés" sacrés des huttes
consacrées spécialement à cette pratique. Ce sont des lieux
tabous, tour à
tour silencieux. Les
Marquisiens avaient parfois le corps entièrement
recouvert de tatouages, comme on peut le voir sur une célèbre
gravure de
Langsdorf. Aux Tuamotu, les motifs sont géométriques ou tirés de
l'histoire naturelle : fleurs et poissons principalement. Aux îles de la
Société, chefs et gens du commun sont tatoués. Les grades, dans la société
des Arioi, sont marqués par des tatouages.
Les outils des tatoueurs sont essentiellement des
peignes de toutes
tailles, certains droits, certains courbés. Ils sont fabriqués en os d'oiseaux
sacrés ou en écaille de tortue. On en trempe l'extrémité dans une matière
colorante faite de charbon ou du produit de la combustion de noix.
L'opération est très douloureuse et des plaies apparaissent qui parfois
s'enveniment. On les traite avec des jus de fruits. Les chefs surtout sont
tatoués ; la jeune mère doit avoir la main droite tatouée.
l'ancienne culture
P. O'REILLY
Société des
Études
Océaniennes
1464
Nouveau regard sur l'île de Pâques.
Saintry-sur-Seine (Essonne). Editions Moana, 288
31
p.,
ill., cartes, bibl.,
cm.
Un important album, très illustré de photographies en noir, et en
couleur, dont certaines occupent des doubles pages. Exprimons de suite
nos regrets de découvrir une bibliographie
qui ne comporte que les trois
premières lettres de l'alphabet ; on ne voit pas la justification de cet
éclectisme simplificateur privilégiant les premières lettres de l'alphabet.
La présence d'un astérique devant certaines références
bibliographiques
aurait dû être
expliquée.
pas avoir compris la répétition, par six fois, et à des
différentes, du dessin figurant la reconstitution du village
J'avoue
échelles
ne
pascuan.
Les
chapitres classiques, peuplement, origine, découverte, les Moai,
Rongo-Rongo, etc... ne sont pas neufs pour un océaniste,
mais constituent de bonnes synthèses pour le lecteur non familiarisé. Les
aspects les plus origina-ux de l'ouvrage sont traités par le professeur
J. Dausset "Groupe HLA et polymorhisme des indigènes de l'île de
Pâques", et par J.R. Flenley, qui a effectué des prélèvements au bord du
marais du cratère de Rano Kao. Les analyses polliniques et les datations
attestent l'existence d'un important couvert
végétal vers l'an 1000 à l'île de
Pâques. Trois arbres identifiés : le Triumfetta (variété d'hibiscus), les
les caractères
Palmiers
et le
Toromiro.
On sait que
certaines statues étaient peintes et parfois porteuses
d'yeux amovibles. J. Poirier pense qu'elles ont pu avoir été pourvues de
barbes, et trouve comme éléments favorables : un sillon oblique près de
l'oreille pouvant loger une corde, un menton proéminent et la "moue"
caractéristique qui évitait la disparition de la bouche sous la barbe...
Ce livre est le fruit de travaux communs
entrepris par des
scientifiques éminents et des amateurs passionnés. Le fait est trop rare
pour qu'il ne soit pas relevé.
P. M.
ISABEL OLLIVIER AND CHERYL HINGLEY
Transcription and Translation
Early Eyewitness Accounts of
Maori Life 1
:
Extracts from
Journals Relating to New Zealand of the
Ship St Jean Baptiste in
December 1769 Under the Command of J.F.M. de Surville.
With an Appendix of Charts and
Drawings Compiled by Jeremy Spencer.
Alexander Turnbull Library Endowment Trust in association with
the
National Library of New Zealand,
26
Wellington, 1982, 225
cm.
Cet ouvrage
p.,
ill., cartes,
forme le premier élément paru d'un vaste programme
"Early Eyewitness Accounts of Maori Life" qui se donne pour but de
Société des
Études
Océaniennes
1465
repenser
certaines des conceptions établies à
propos
de la société maori de
Nouvelle-Zélande par des chercheurs de grand
talent, tels Elsdon Best,
Peter Buck et Raymond Firth. En effet, au fil de leurs nombreuses
publications, ces derniers nous ont offert des sommes ethnographiques
dans lesquelles le monde maori coutumier nous
apparaît relativement
statique, ordonné et possédant des structures socio-politiques et
économiques similaires, à peu de choses près, d'un tribu à l'autre.
Pourtant, cette soi-disante homogénéité des structures du passé ne résiste
pas à l'examen historique de l'évolution des contacts avec les Européens
d'une part et aux travaux archéologiques des dernières années
qui, d'autre
part, montrent bien l'importance des variations, ne fut-ce que dans
l'organisation de l'habitat, la fabrication d'armes, d'outils et les styles
sculpturaux, pour ne citer que quelques exemples. Il serait intéressant
d'étudier les raisons se trouvant à l'origine de ces réductions
opérées par
Best, Buck
ou
Firth.
Mais le
projet dont nous parlons ci-dessus est de retourner aux
comptes rendus offerts par les premiers Européens qui ont visité la
Nouvelle-Zélande afin d'obtenir tous les éléments possibles
pour établir
les bases d'une reconstruction historique et mieux percevoir
ainsi non
seulement les
particularités de chaque région mais aussi le point de départ
des mutations qui allaient suivre l'implantation européenne dans chacune
d'elles. En assemblant et en comparant les éléments que contiennent
journaux de bord, récits de
dessins et cartes, l'on devrait être à
renseignements précieux sur les sociétés
voyage,
même d'obtenir de
nouveaux
maori de la fin du
18ème siècle.
Il fallait
donc, dans un premier temps, transcrire les documents
reproduire le matériel iconographique avant de les traduire
ensuite pour le cas des expéditions françaises, afin de les mettre à la
disposition des chercheurs anglophones. C'est ce qui a été accompli pour
ce premier volume consacré au St Jean
Baptiste, commandé par le
capitaine de Surville.
d'archives
et
Armé, par les gouverneurs de Pondichéry et de Chandernagor
(respectivement Jean Law de Lauriston et Jean-Baptiste Chevalier) et de
Surville lui-même, ce bâtiment partit du Bengale en mars 1769. Il atteignit
les côtes septentrionales de la Nouvelle-Zélande le 12 décembre suivant,
au sud
d'FIokianga, alors que James Cook se trouvait sur la côte opposée.
Le St Jean Baptiste visita l'extrême nord du pays, contourna le Cap Nord
avant de mouiller l'ancre pour une quinzaine de jours à Doubtless Bay. Il
repartit ensuite pour le Pérou après avoir emmené en otage un chef maori
(il mourut de soif en mer). Jean de Surville se noya le 7 avril 1770 en face
de Chilca en gagnant le rivage. Le second mena le bâtiment au Callao et
dut attendre trois années avant que les autorités espagnoles ne l'autorisent
à ramener le St Jean Baptiste en France où il revint en août 1773.
Scrupuleusement transcrits et accompagnés d'une traduction
anglaise très précise, les documents qui forment l'ouvrage proviennent des
journaux de bord du capitaine, des premiers et seconds lieutenants et de
Société des
Études
Océaniennes
1466
deux versions abrégées du voyage,
rédigées de façon rétrospective par le
clerc-écrivain du bâtiment. Trois appendices, comprenant des
cartes,
dessins et indications à propos de
l'usage fait de ces sources originales
dans des imprimés viennent
compléter l'ouvrage. Non seulement les
renseignements d'ordre ethnographique sont de la plus haute importance
mais ce court épisode du premier contact français avec la
population
maori reste révélateur d'un état d'esprit
particulier.
Après l'extraordinaire travail de Beaglehole sur les journaux de
Hakluyt Society) et le présent ouvrage sur le
St Jean Baptiste, il faut espérer
que les mêmes chercheurs ou d'autres se
pencheront sur les documents provenant des voyages de Marion du
Fresne, Vancouver, d'Entrecasteaux, Wilson, Duperrey et Dumont
d'Urville. Le projet sera ainsi complètement réalisé.
James Cook (publiés par la
Paul DE DECKKER
Université Paris VII
P. HODÉE
Tahiti 1834-1984
Edt. St. Paul.
cartes, index.
-
150
ans
de vie chrétienne en
Eglise.
de Papeete. 700 p., ill. bibl.,
Paris-Fribourg. Archevêché
La parution au mois de
septembre de
constitue un événement littéraire de
l'ouvrage du R.P. Paul Hodée
premier ordre pour la Polynésie.
Depuis une vingtaine d'années, et en dehors des publications très
spécialisées comme celles de l'O.R.S.T.O.M., les auteurs avaient
essentiel¬
lement offert au grand public des
compilations ou des livres plus riches
par leurs illustrations que par leur texte.
"Tahiti 1834-1984" séduit le lecteur et en
particulier l'enseignant par
la clarté du
langage et la rigueur toute pédagogique de l'ordonnancement
des chapitres. Le livre est aussi le
produit d'un travail de recherche
considérable qui le rendrait
digne d'être soutenu comme une véritable
thèse de doctorat. Les références sont
extraordinairement variées, des
romans aux
monographies en passant par les archives administratives, les
mémoires et les lettres ; elles
prouvent la grande culture de l'auteur. Mais
ce qui est nouveau
pour le lecteur polynésien attiré
par ce qui touche à
l'Histoire de son pays c'est
que l'ouvrage est explicatif. Il met en parallèle
les nombreux faits d'une
époque qui n'avaient jusque-là qu'un intérêt
moindre car ils étaient présentés
séparément. Cet effort de synthèse est
évident dans la grande
chronologie comparative proposée en annexe mais
on l'apprécie
également dès le deuxième chapitre où l'on voit clairement
s'établir les liens entre les
explorateurs, les rivalités internationales et la
Société des
Études
Océaniennes
1467
géopolitique mondiale à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. La
deuxième partie est aussi le lieu de rencontre
chronologique des intérêts
des églises, de l'administration et des mondes extérieurs.
Toutefois, il ne
faut pas attendre d'un tel ouvrage toutes les
réponses aux questions que
l'on se pose sur l'Histoire du pays. Il
s'agit avant tout d'une réflexion
pastorale et d'un regard sur le passé qui, s'il est en quête de la vérité, ne
souhaite pas raviver des antagonismes.
L'ouvrage du R.P. Hodée doit intéresser tous les lecteurs, mais en
qu'enseignant, il me sera permis de m'attacher aux aspects
didactiques du livre. Les deux premières parties seront sans doute les plus
tant
utilisées à
ce
titre.
La
première s'intitule "Terres minuscules, mer immense, hommes
dispersés", elle permet à l'auteur de replacer le développement de l'église
catholique locale dans son cadre géographique et son contexte historique.
Deux paragraphes parmi d'autres m'ont semblé
particulièrement
intéressants. L'un, pp 44-48, montre combien les contraintes de la
géographie n'ont été que récemment abolies (ou presque) en matière de
communications. La longue époque où "les voyages étaient
objet de
crainte justifiée et de prières ferventes" est fort bien opposée à
la mise en
place très récente d'un réseau maritime, aérien et de télécommunication
considérable. L'autre passage, qui serait également intéressant à travailler
avec des élèves
pp 64-65 concerne les caractères spécifiques de la mission
protestante à ses débuts, mission qui ne sépare pas la politique et le
matérialisme quotidien de l'évangélisation.
Cette partie est aussi émaillée de formules géographiques ou
historiques très heureuses. La Polynésie est justement qualifiée
"d'Extrême-Orient de l'Océanie" et l'on appréciera la densité d'une
réflexion telle que "le Pacifique est entré dans le courant mondial avec la
sortie des Européens de l'époque des mers fermées". Deux
points
pourraient cependant prêter à discussion. Il s'agit de l'atavisme marin des
polynésiens, déduit de la configuration de la région et des grandes
migrations d'avant l'an mil. Il faudrait peut-être opposer à ces faits la
faible exploitation des ressources littorales (si on la
compare avec celle
des rivages européens) et les déplacements maritimes actuels relativement
craintifs. Il s'agit aussi des réflexions sur le comportement intellectuel
français. L'auteur déplore apparemment que l'individualisme et la
rationalité issus du siècle des lumières aillent si facilement à l'encontre des
sentiments religieux et conduisent à une pensée sans nuances. Réflexion
engagée... et compréhensible dans
cet
ouvrage
jubilaire mais le R.P.
Hodée conviendra sans aucun doute que la pensée française s'est considé¬
rablement enrichie lorsque Descartes, Voltaire ou Anatole France ont
combattu les
monopoles puis les conformismes intellectuels de leurs
époques respectives.
La deuxième partie du livre, intitulée "l'appel des îles lointaines"
décrit la mise en place des différentes communautés religieuses. L'analyse
est faite dans un esprit de tolérance agréable et en
replaçant toujours les
vicissitudes des
unes
et des autres
Société des
de
Études
ces
installations dans le
Océaniennes
contexte
1468
historique. Le rôle moteur des missionnaires dans la colonie du XIXe est
bien observé et s'appuie sur d'importantes données statistiques placées en
annexe. On trouvera dans cette
partie tous les éléments de la vie
quotidienne de la Mission et on complétera cette lecture par celle des
chapitres de la troisième partie. Le R.P. Hodée y explique, au travers de
l'action des missionnaires, quels furent les facteurs sociologiques,
psychologiques voire économiques qui ont poussé les populations à
adopter la religion catholique.
Au total, il y a là matière à plusieurs leçons ou compléments de
leçons d'Histoire pour les élèves de l'enseignement secondaire. Ceux-ci
pourront facilement utiliser l'ouvrage pour bâtir des exposés, ils feront,
comme leurs aînés leur
profit du très gros travail de classement que
représente la chronologie comparative en annexe. Celle-ci, sur six
colonnes, met en parallèle les événements majeurs de l'Histoire du monde,
de la France, de la Polynésie, de l'Eglise et des deux grandes familles
chrétiennes en Polynésie.
Un enseignement de l'Histoire de la Polynésie aurait toutefois besoin
d'autres ouvrages de la même qualité. On aimerait voir vivre les autres
acteurs du Territoire avec autant de précision et dans le cadre d'une
analyse dont la rigueur et la modernité plairont aux tenants de "l'Ecole
des Annales".
F. MERCERON
La
parution de l'ouvrage du Père Hodée, "Tahiti, 1834-1984", est
livre de 700 pages ne saurait passer
inaperçu.
Le sujet traité, "150 ans de vie chrétienne en Eglise", est fondamental
pour une compréhension de la société polynésienne contemporaine : qui
ignore aujourd'hui la place et l'influence déterminantes des Eglises à
sans
conteste un événement : ce gros
Tahiti ?
C'est donc l'ensemble des chrétiens que le Père Hodée commence par
nous présenter dans
"L'appel des îles lointaines". La quatrième partie,
"Peuple en marche dans l'espérance", tente de situer la seule Eglise
catholique dans la société présente. Tous les problèmes nous paraissent
avoir été abordés sans esprit polémique aucun.
Si "Tahiti, 1834-1984" n'est pas, comme le souligne le Père Hodée
lui-même, un ouvrage d'histoire, tout au moins se veut-il solidement ancré
dans l'histoire. Et c'est à ce titre qu'il nous a intéressé.
Il est certain que le travail d'archives est considérable. Ce
livre, à
partir des travaux du Père Cools, nous révèle le grand intérêt que
présentent les correspondances missionnaires, déposées à Rome, et donc
jusqu'à ce jour d'un accès difficile.
En ce qui concerne l'ouvrage
lui-même, la première partie se veut un
condensé de l'histoire polynésienne. Elle prouve à l'évidence
que l'auteur
a beaucoup lu : de ce fait aucun événement
majeur n'a échappé à sa
Société des
Études
Océaniennes
1469
vigilance. On peut cependant regretter une certaine longueur (108 pages
pour cette approche historique) et le peu d'éléments nouveaux pour la
réflexion
:
mais était-ce là le but recherché ?
Par contre
une
remarquable chronologie (en dépit de l'étonnement
le choix de certains événements internationaux) d'une
quarantaine de pages s'avère fort utile en l'état des publications
historiques actuelles.
Les tableaux du personnel religieux se révèlent très précieux : il nous
semble que l'auteur n'en a pas tiré le maximum tant ils paraissent riches.
que
provoque
Quant à l'objet essentiel de cet ouvrage, l'implantation de la Mission
catholique en Océanie, nous disposions déjà de l'excellente analyse de
Wiltgens : "The founding of the Roman Catholic Church", pour la
période 1825-1850. Mais pour les années capitales, 1860-1870, qui voient
la réelle implantation de la France, et des transformations fondamentales
dans la société polynésienne, rien à ce jour n'était venu combler notre
lacune.
Au fil des pages, nous voyons évoluer cette Mission, qui peu à peu se
structure, connaît tour à tour succès et échecs. Peut-être peut-on
reprocher à l'auteur de ne pas avoir choisi une analyse plus chrono¬
logique. Les études thématiques qu'il propose, tout en ne négligeant
aucun aspect du problème, obligent
parfois à des rappels, voire à des
répétitions, qui alourdissent un peu l'ouvrage.
Pour la
domine
:
période que nous avons retenue, 1860-1914, un thème
le climat anticlérical dans lequel se débat la Mission. Sans
jamais exagérer les faits, et
nier non plus l'hostilité de l'Adminis¬
partie des colons se donnant pour librepenseurs ou franc-maçons, il nous semble cependant que la Mission
catholique a bénéficié d'un certain nombre d'atouts qui ont fait que la
situation se révéla en bien des cas plus favorable qu'en Métropole, par
exemple.
tration
et
sans
l'animosité d'une
Il est tout à fait exact que certains gouverneurs, soit par conviction,
soit par opportunisme, ce qui est pire pour la Mission, se soient
montrés très hostiles à son égard. Mais bien des officiers de Marine alors
ou
poste, appartenant ne l'oublions pas, à un milieu très conservateur et
catholique, favorisent et aident l'action des Pères. Les responsabilités
de la Mission dans les archipels seront de cette façon, en bien des
occasions, très étendues (action administrative, enseignement).
en
très
Il est
important également de souligner
que les bons pères, hommes
convictions, ne sont guère portés à la diplomatie.
Mgr Verdier, dans sa correspondance, les mission¬
souvent des "hommes entiers, vifs, portés à agir
A l'image de Mgr Mazé, ils ont "la parole vive et le
comprend que les rapports avec l'administration, en
idéologiques, n'aient pas toujours été très détendus.
très enracinés dans leurs
Comme le
rappelle
naires sont le plus
inconsidéremment".
ton autoritaire". On
dehors des
querelles
Société des
Études
Océaniennes
1470
Le seul vrai
reproche que nous adresserions au Père Hodée est peutavoir fait assez revivre les premiers temps de la Mission,
dans sa vie quotidienne.
Il faut souligner que ces missionnaires, venus essentiellement de
Bretagne ou de Lozère, comme leurs évêques, étaient des hommes d'une
grande simplicité. Issus de milieux modestes, presque toujours ruraux, ils
accomplissent un travail manuel considérable : ils sont à la fois maçons,
menuisiers, planteurs. Peu à l'aise dans les querelles théologiques, face à
des pasteurs français que Mrg Verdier juge "mieux formés, mieux élevés,
de langage plus distingué", le clergé catholique est pourtant un clergé
profondément religieux. Ces jeunes prêtres souvent mal préparés au
travail missionnaire, sont rapidement envoyés vers les terribles Tuamotu
ou les farouches Marquises. Leur vie matérielle est
particulièrement
difficile. Mais bien des lettres viennent témoigner des difficultés morales
qu'ils rencontrent.
être de
ne
pas
Le P. Hodée raconte
avec
la
plus grande honnêteté l'opposition entre
le P. Colette et la Mission.
D'autres conflits ; tel "le schisme picpucien, les rapports entre les
Frères de Ploërmel et les Pères, les liens entre les missionnaires et leur
évêque" (on pourra lire à ce sujet les très belles pages écrites par
Mgr Verdier lors du conflit qui l'oppose à certains pères) auraient mérité
quelques développements : ils viennent témoigner de toutes les misères et
de toute la grandeur de cette Mission tellement humaine.
On regrettera l'absence de quelques biographies qui
auraient permis
de saisir la complexité et la richesse de ces missionnaires.
Mais il est vrai que l'ouvrage est déjà bien assez épais, et qu'il apporte
au grand
public une masse énorme d'informations.
Ce livre est
sans
conteste une bonne
introduction à l'histoire de
ce
pays.
Pierre-Yves TOULLELAN
G. IRWIN
Comment Lapita perdit
l'usage de la Poterie.
Extrait du J.P.S., Vol. 90 n° 4 dec. 1981., Auckland, New Zealand.
Conclusions de l'article.
1. La documentation actuelle permet
de penser que Fiji et la Polynésie
Occidentale furent largement colonisées par des représentants de la
culture Lapita, vers la fin du deuxième millénaire avant J.C.
2. Un type de colonisation polynésienne généralement en faveur fait état
d'une pause d'environ 1000 ans avant la première colonisation de la
Polynésie Orientale. Au
cours
Société des
de cette période se développèrent les
Études
Océaniennes
1471
caractéristiques particulières de la langue et de la culture poly¬
nésiennes.
3. Ce
papier considère
de colonisation discontinu est en
raisonnablement admettre du
schéma de colonisation de la culture Lapita. Une hypothèse neutre
supposerait une progression régulière au-delà de l'étendue de la
Polynésie Occidentale. Nous pourrions garder présent à l'esprit qu'ils
ignoraient avoir des obligations vis-à-vis des théories modernes de
l'histoire de la culture, à savoir de s'arrêter et de se métamorphoser
avant toute chose en Polynésiens.
contradiction
avec ce
que ce type
que nous pouvons
4. L'absence de documentation ancienne
s'expliquer
prévisible
en
Polynésie peut
par :
des recherches
archéologiques fragmentaires sur le terrain ;
possibilité pour Lapita d'être rapidement devenu sans poterie.
De même que la girafe, l'Ethiopien et le léopard de "l'Histoire comme
Câ" de Kipling, ils émigrèrent dans un environnement nouveau, se
fondirent dans l'arrière-plan et disparurent de notre vue. Une variante,
peu plausible, pourrait être qu'à ce stade, les voyages de colonisation
Lapita ne réussirent plus.
-
-
la
5. Le type
de colonisation continu nous fournit une autre raison pour la
disparition de la poterie en Polynésie Occidentale. En bref,
l'écologie et l'effet d'enlisement expliquent sa subite disparition en
Polynésie Orientale. Pour y vivre, il fallait apprendre à se passer de
nourriture bouillie. Il faut croire que cet ajustement se fit de façon
•satisfaisante, et l'idée fit retour à la Polynésie Occidentale grâce à un
système de communication, ajoutant ainsi son poids aux autres forces
qui pouvaient s'y trouver. De tels systèmes de communication ont une
documentation sérieuse dans la littérature préhistorique et ethnogra¬
phique de l'Océanie. Ils sont relativement courants.
curieuse
6. Si l'on examine les divers aspects des
donnent le carbone 14, la linguistique, et
renseignements que nous
les exemples de similitude
parmi les artefacts, on constate qu'ils n'excluent pas un modèle
continu de colonisation des groupes d'îles dans l'Est, à moins que l'on
ne choisisse de l'interpréter autrement. Comme
l'indique Davidson
(1979 : 107) les renseignements existants sur la Polynésie Occidentale
"ne permettent pas l'identification d'une époque ou d'un lieu, même en
termes les plus généraux, pour le départ des colons à destination de la
Polynésie Orientale. Un hiatus existe toujours, en effet, entre les plus
anciennes données de Polynésie Occidentale et les plus anciennes de
Polynésie Orientale". (Voir aussi Bellwood 1978 b: 326).
7.
L'argumentation
en faveur d'un type de colonisation continu a déjà été
solidement établi bien que surtout implicitement. Lorsqu'en 1973, aux
Samoa,
du fond de la mer de la poterie décorée Lapita, la
discontinue, à l'intérieur même de la
Polynésie Occidentale, finit par s'écrouler. Dans la situation présente,
le même type de colonisation, si l'on examine les données de la même
on ramena
thèse d'une colonisation
Société des
Études
Océaniennes
1472
manière,
a
Occidentale
été rétabli
et la
et
re-situé
sur
la limite entre la Polynésie
Polynésie Orientale.
8. De
plus, de même que ce fût une erreur de croire à une patrie
polynésienne située à l'intérieur de la Polynésie Occidentale, ou encore
à un embouteillage (Bellwood 1978 b: 318) dans lequel les colo¬
nisateurs auraient fait la pause pour ensuite repartir, nous devons nous
méfier d'appliquer les mêmes idées à la Polynésie Orientale.
Il nous paraît, enfin, inutile de conclure qu'il est
imprudent de se fier
à des données au cas ou elles se révéleraient, comme
d'habitude,
inconstantes. Toutefois, c'est une erreur de considérer des éléments de
données comme étant statiques ; de les interpréter étroitement en
négligeant de les extrapoler entre eux ; et d'ignorer les erreurs possibles
sur les échantillons. Bien
que l'histoire puisse réagir à des éléments
extérieurs, c'est peut-être une erreur d'ignorer les probabilités de certaines
formes de comportement préhistorique, compte tenu de ce
que nous
savons dans un contexte plus
large des aspects dynamiques de la culture
océanienne.
R. BROUSSE, C. MACHEREY, E. BERGER et G. BOUTAULT
L'île de Huahine : trois volcans successifs.
C.R. Acad. Se. Paris, t. 296 (30 mai 1983).
L'île de Huahine localisée à 170 km
au NE de Tahiti dans
l'archipel
regardée, à juste titre, comme l'un des maillons de
l'alignement NE-SW de type hawaiien, produit à la verticale d'un hot spot
coiffé actuellement par le volcan Mehetia.
de la Société est
FRANCINA FORMENT
Le Pacifique aux îles innombrables - Ile de Pâques.
(Catalogue d'objets de la Polynésie et de la Micronésie, exposés dans la
salle Mercator), Bruxelles, Musées Royaux d'Art et d'Histoire, 1982, 212 p.
ill. cartes, bibl.
une
La salle Mercator du "Musée du
Cinquantenaire" de Bruxelles est
merveille pour qui peut la visiter ! Pour une part majeure, on la doit à
expédition franco-belge qui mena, sous l'impulsion de Paul Rivet,
et Henri Lavachery à l'île de
Pâques en 1934-1935.
L'élégante façon dont les objets sont présentés dans les vitrines, de
manière didactique (ce qui n'enlève rien à leur beauté
intrinsèque),
provient du labeur soutenu et tenace d'une assistante attachée aux
une
Alfred Métraux
Société des
Études
Océaniennes
1473
Musées Royaux d'Art et d'Histoire de
l'auteur du catalogue ici présenté.
Dans
Belgique, Francina Forment,
Francina Forment replace tout d'abord dans leur
et la pénétration européenne en Océanie du
lôème au milieu du 19ème siècle et fait quelque peu le
point sur certaines
questions ethnographiques actuelles. Elle passe ensuite à l'analyse de la
culture matérielle polynésienne par un examen précis
et méticuleux des
objets que recèlent les collections du Musée. On appréciera beaucoup la
façon dont l'évolution technologique est examinée par un support
iconographique élaboré et très détaillé, (par exemple pour les hameçons).
Il en est de même pour l'habitat, le vêtement ou la
parure et les armes.
L'auteur traite également de l'aspect ludique dans les sociétés
polyné¬
siennes ainsi que des influences étrangères qui
ont pu affecter ou
influencer la production artisanale. Toujours dans le même esprit,
Francina Forment s'intéresse ensuite aux objets de
provenance
cadre
son
ouvrage,
historique l'exploration
micronésienne.
Ce livre, fruit d'un patient travail d'ethnographe et de conservateur
musée, offrira non seulement un excellent guide de la salle Mercator
du musée bruxellois mais offrira aussi des
renseignements précieux sur la
culture matérielle de la Polynésie et de la Polynésie.
de
Paul DE DECKKER
Société des
Études
Océaniennes
1474
PUBLICATIONS DE
L'ANTENNE DU MUSEUM NATIONAL
D'HISTOIRE NATURELLE
ET DE
L'ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES
CENTRE DE L'ENVIRONNEMENT D'OPUNOHU
B.P. 12 MOOREA - Tél. 6.13.45
On trouvera ci-après, la liste des travaux de l'Antenne Museum-EPHE à compter du
janvier 1982. Quelques travaux actuellement sous-presse ont été mentionnés de même
que des thèses de doctorat en cours. Ces travaux sont répartis en quatre catégories : les
1er
publications scientifiques parus dans des revues spécialisées ou publiées lors de
participation à des congrès internationaux, les thèses de doctorat de spécialité ou d'état et
les diplômes de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, les rapports ronéotés à diffusion
restreinte enfin le bulletin de liaison de l'Antenne : OF AI. Tous ces travaux
peuvent être
au Centre de l'Environnement de Moorea. Les
thèses, les rapports et le bulletin
de liaison sont également déposés au Service des Archives du Territoire ainsi
consultés
que dans les
principales bibliothèques des organismes de recherche du territoire (ORSTOM, CNEXOCOP, IRMLM, EVAAM,...).
I. Publications scientifiques
a) Publications datées de
1981 mais parues en 1983
BIRKELAND, C., SMALLEY, T.L., 1981.
- Comparison of demersal plankton from
comparable substrata from a high island and an atoll. Proc. 4th Intern. Coral Reef
Symp., Manila, Philippines, 1 : 437 - 442.
CHEVALIER, J.P., 1981. - Reef Scleractinia from French Polynesia. Proc. 4th Intern.
Coral Reef Symp., Manila, Philippines, 2 : 177 - 182.
DENIZOT, M., FARGHALY, M.S., 1981. - The Genus Tydemania (Chlorophyta) :
structure, phylogeny and ecology. Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila,
Philippines, 2 : 411 - 413.
FONTAINE, M., MOMZIKOFF, A., TAXIT, R., BERNADAC, M., CHENNEBAULT, G„
1981.
-
Riboflavin contents in corals and release of this vitamin in the ecosystem.
Proc.
4th Intern. Coral Reef
Symp., Manila, Philippines, 2 : 75 - 80.
GALZIN, R., 1981. - Effects of coral sand dredging on fish fauna in the lagoon of the "Grand
Cul de Sac Marin" Guadalupe, French West Indies. Proc. 4th Intern. Coral Reef
Symp., Manila, Philippines 1 : 115 121.
-
Société des
Études
Océaniennes
1475
GALZIN, R., MAUGE, A., 1981. - Traditional fishery in Futuna and its dangers -- Horn
archipelago, Polynesia. Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines, 1 :
111.
JAUBERT, J., 1981.
Variations of the shape and of the chlorophyll concentration of the
Synarea convexa Verrill : Two complementary processes adapt to
light variations. Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines, 2 : 55 - 58.
-
scleractinian coral
JAUBERT, J., MEINESZ, A., 1981. - Light dependent growth forms of Caulerpa
urvilliana Montagne in the lagoon of the atoll of Takapoto (French Polynesia). Proc.
4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines, 2 : 425 - 429.
KROPP, R.K., B1RKELAND, C., 1981. - Comparison of Crustaceans associates of
Pocillopora from high islands and atolls. Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp.,
Manila, Philippines, 2 : 627 - 632.
KUHLMANN, D.H.H., 1981.
On the composition and ecology of deepwater coral
Symp., Manila, Philippines, Abst. : 36 -37.
MEINESZ, A., JAUBERT, J., DENIZOT, M., 1981. - Preliminary note of the distribution of
the algae belonging to the genus Caulerpa in French Polynesia (atoll de Takapoto and
island of Moorea). Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp. Manila, Philippines, 2 : 431 -
association. Proc. 4th Intern. Coral Reef
437.
NAIM, O., 1981. - Effect of coral sand extractions on the small mobile fauna associated with
the algae of a fringing reef (Moorea - French Polynesia). Proc. 4th Intern. Coral Reef
Symp., Manila, Philippines, 1 : 123 - 127.
RICARD, M., 1981. - Main features of phytoplankton and primary productivity of Moorea
island (French Polynesia). Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines,
1
:
454.
RICARD, M., 1981. - Some effects of dredging on the primary production of the Tiahura
lagoon in Moorea (Society Islands, French Polynesia). Proc. 4th Intern. Coral Reef
Symp., Manila, Philippines 1 : 431 - 436.
RICARD, M., DELESALLE, B., 1981. - Phytoplankton and primary production of the Scilly
lagoon waters. Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines, 1: 425 - 429.
RICHARD, G., 1981. - A first evaluation of the findings on the growth and production of
lagoon and reef Molluscs in French Polynesia. Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp.,
Manila, Philippines, 2 : 637 - 641.
RICHARD, G., BAGNIS, R., BENNETT, J., DENIZOT, M„ GALZIN, R., RICARD, M.,
SALVAT, B., 1981. - Geomorphology, Ecology and Socio-economy of the Futuna
marine ecosystem (Horn archipelago, Polynesia). Proc. 4th Intern. Coral Reef
Symp., Manila, Philippines, 1 : 269 - 274.
SALVAT, B., 1981. - Geomorphology and marine ecology of the Takapoto atoll (Tuamotu
archipelago). Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines, 1 : 503 - 509.
SALVAT, B., 1981. - Preservation of coral reefs : scientific whim or economic necessity ?
Past, present and future. Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines,
1
:
225
-
229.
SALVAT, B., 1981. - Utilization and trade of coral reef Molluscs in French Polynesia, past
and present. Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines, 1 : 331.
SALVAT, B., VENEC-PEYRE, M. T., 1981. - The living Foraminifera in the Scilly atoll
lagoon (Society island). Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines,
2
:
767
-
774.
VAUGELAS (de), J., 1981.
- Organic matter composition in lagoon sediments in French
Polynesia. Proc. 4th Intern. Coral Reef Symp., Manila, Philippines, 1 : 411 - 416.
VAUGELAS (de), J., et NAIM, O., 1981.
-
Organic matter distribution in the marine
Société des Etudes Océaniennes
1476
sediments of the Jordanian Gulf of Aqaba. Proc. 4th Intern. Coral
Reef
Manila, Philippines, 1 : 405 - 410.
Symp.,
b) Publications à compter du 1er janvier 1982
BLANC, F., sous presse. - Estimation du polymorphisme enzymatique dans trois
populations naturelles de nacre (Pinctada margaritifera) en Polynésie
française.
C.R. Acad. Sci. Paris.
DELESALLE, B., 1982. - Hydrology and phytoplancton of Mataiva atoll (Tuamotu
archipelago, French Polynesia). Int. Soc. Reef Studies, Leiden, 1 - 3 dec 1982,
Interdisciplinary studies in Coral Reef Research : 30.
DELESALLE, B., 1982. - Un atoll et ses problèmes : Mataiva et ses phosphates. Oceanis 8
(4)
:
329
-
337.
DELESALLE, B., BAGNIS, R., BELL, J., BENNETT, J., DENIZOT, M., GALZIN, R.,
MONTAGGIONI, R., PAYRI, C„ RENON, J.P., RICARD, M. et G. VERGONZANNE.
1983. Biology, Hydrology and
Geomorphology of the atoll of Mataiva
(Tuamotu archipelago, French Polynesia). Pacif. Sci. Assoc., 15th
Cong. Dunedin,
1983, Abstr., 1 : 59.
FONTAINE, M., DELERUE-LE BELLE, N., LALLIER, F., et LOPEZ, E„ 1982. - Toutes les
Anguilles succombent-elles après la reproduction et frayent-elles nécessairement en
mer ? C.R. Acad. Se.
Paris, 294 : 809 811.
GALZIN, R., BELL, J., 1982. - Fish Community structure of Mataiva atoll
(Tuamotu
archipelago, French Polynesia). Int. Soc. Reef Studies, Leiden, 1 - 3 dec 1982,
Interdisciplinary studies in Coral Reef Research : 31.
HARMELIN-VIVIEN, M., sous presse. - Distribution quantitative des Poissons herbivores
-
-
dans les formations coralliennes de l'atoll de Tikehau
Doc. O.R.S.T.O.M., Papeete.
HARMELIN-VIVIEN, M.
et Y.
BOUCHON-NAVARO,
significance of coral feeding
Polynesia). Coral Reefs.
among
(Tuamotu, Polynésie Française).
sous presse.
Chaetodontidae fishes
-
Feeding sites and
(French
in Moorea
NAIM, O., AMOUREUX, L., 1982. - Le Peuplement d'annélides polychètes
mobiles associé
aux algues d'un récif corallien de
Polynésie Française (Ile de Moorea, Archipel de la
Société). Bull. Ecol., 13 (1) : 25 - 33.
ODINETZ, O., 1982.
Man-made disturbances and physical factors
affecting the
-
community structure of coral
1
-
3 dec 1982,
ODINETZ, O., 1983.
corals in French
crustacean associates. Int. Soc. Reef
-
Assoc., 15th Cong. Dunedin, 1983, Abstr., 2
PAYRI, C.,
sous presse.
Turbinaria
ornata
Ile de Moorea
Studies, Leiden,
Interdisciplinary studies in Coral Reef Research : 32.
Community structure of Crustaceans associated with Pocillopora
Polynesia with a preliminary study on Guam (Micronesia). Pacif. Sci.
-
:
178
179.
-
Influences du milieu sur la morphologie et le comportement de
(Turner) J. Agardh (Phéophycées - Fucales) du récif de Tiahura -
Polynésie Française. Botanica marina.
PEYROT-CLAUSADE, M.,
sous presse. Cryptofaune mobile et macroforeurs des
formations récifales de l'atoll de Tikehau (Archipel des
Tuamotu) : Etude quantitative
préliminaire. Doc. O.R.S.T.O.M., Papeete.
PIRAZZOLI P., 1982.
-
Télédétection des récifs coralliens
Geogr. Franc., Paris 490
PIRAZZOLI P., 1982.
long North South
247.'
-
:
276
-
par
satellite. Bull. Assoc.
279.
Late Holocene sea-level changes in the Central Pacific
transect of French
Société des
: a
1000 km-
Polynesia. XIINQUA Congress Abstr., Vol. II
Études
Océaniennes
:
1477
PIRAZZOLI, P.-A., 1982. • Télédétection en milieu récital. Utilisation d'une image
LANDSAT pour évaluer la bathymétrie dans l'atoll de Rangiroa (Polynésie Française).
Oceanis 8 (4) : 297 - 308.
PIRAZZOLI, P.A., 1983. - Déterminations bathymétriques par télédétection dans l'archipel
des Gambier (Polynésie Française). Coll. Géogr. Amér. Télédétec. Spatiale,
Chantilly, 18 - 19 oct. 1983, Abstr.
PIRAZZOLI, P.A., 1983. - Mise en évidence d'une flexure active de la lithosphère dans
l'archipel de la Société (Polynésie Française), d'après la position des rivages de la fin de
l'Holocène. C.R. Acad. Sci. Paris, 296 (2) 695 - 698.
RICARD, M. et DELESALLE, B., 1982. - Approche d'un effet de masse insulaire en
Polynésie Française : phytoplancton des eaux côtières de Tahiti. Oceanis 8 (4) :
309
-
318.
RICARD, M. et F. ROUGERIE, 1983. - Primary productivity of atolls and high islands
lagoons of the southern Pacific ocean : a comparison of their functioning. Pacif. Sci.
Assoc., 15th Cong. Dunedin, 1983, 2 : 198.
RICARD, M. et B. DELESALLE, 1983. - Hydrological and phytoplanctonological features of
land-locked Taiaro atoll (Tuamotu archipelago, French Polynesia). Pacif. Sci. Assoc.,
15th Cong. Dunedin, 1983, 2 : 197.
RICARD, M., DELESALLE, B„ GABRIE, C. et J.P. POINTIER, 1983. - Main biological,
hydrological and sedimentological features of lake Vaihiria (Tahiti, French Polynesia).
Pacif. Sci. Assoc., 15th Cong. Dunedin, 1983, 2 : 198.
RICHARD
G., 1982.
Growth and Productivity of Mollusks in French Polynesian
- 3 december 1982, Inter¬
disciplinary studies in Coral Reef Research : 33.
-
ecosystems. Intern. Soc. for Reef Studies, LEIDEN 1
RICHARD, G!, 1982. - Bilan quantitatif et premières données de production de Cardium
fragum (Mollusca, bivalvia) dans le lagon de Anaa. Malacologia, 22 (1-2) : 347 - 352.
RICHARD, G. et SALVAT, B., 1982. - Abondance et croissance de Tectarius grandinatus
(Mollusca, gastropoda) en Polynésie Française. Malacologia, 22 (1-2) : 359 - 366.
RICHARD, G., 1983. - Biogéographie des Conidae Indo-Pacifiques. Xenophora, 14: 8 - 21.
RICHARD, G., sous presse. - Two new species of Conus from New Caledonia : Conus
boucheti and Conus kanakinus (Neogastropoda - Conidae). Proc. Malacological
Soc. Australia, 9 p.
SALVAT, B. et DENIZOT, M., 1982. - La Distribution des Mollusques supralittoraux sur
substrats carbonatés tropicaux (Polynésie Française) et leur régime alimentaire.
Malacologia, 22 (1-2) : 541 - 544.
SALVAT, B., 1983. - World coral reef conservation. Pacif. Sci. Assoc., 15th Cong.
Dunedin, 1983, 2 : 204.
SALVAT, B.,
sous presse.
-
Histoire des
ressources
marines vivantes du
Pacifique sud.
J. Soc. Océanistes.
SOURNLA A., 1982. - Calcification et production organique des récifs coralliens.
Océanis,
8 (4) : 319 - 328.
THOMASSIN, B., JOUIN, C„ RENAUD-MORNANT, J., RICHARD, G.
1982.
-
Macrofauna and Microfauna in the coral sediments
on
et SALVAT, B.,
the Tiahura reef
complex, Moorea Island (French Polynesia). Téthys, 10 (4) : 392 - 297.
WOOD, C.M., BOUTILIER R.G.. et RANDALL, D.J., 1983. - Physiology of the land crab,
Cardisoma cardifex under deshydratation stress. Symp. Resp. Osmoregul.,
Srasbourg, mars 1983, Abstr.
Société des Etudes Océaniennes
1478
II. Thèses et Diplômes
Ecologie et structure des peuplements de Crustacés Décapodes associés
du genre Pocillopora en Polynésie Française et en Micronésie (Guam).
Thèse de Doctorat de Spécialité, Université P. et M. Curie, Paris VI, 23 avril 1983.
ODINETZ, O.
-
aux coraux
PAYRI, C.
Les macrophytes du lagon de Tiahura (île de Moorea, Polynésie Française).
Techniques du
Languedoc, Montpellier, 20 décembre 1982.
-
Thèse de Doctorat de spécialité, Université des Sciences et
RICHARD, G. - Mollusques lagunaires et récifaux de Polynésie Française. Inventaire
faunistique. Bionomie. Bilan quantitatif. Croissance. Production. Thèse de Doctorat
d'Etat, Université P. et M. Curie, Paris VI, 8 mars 1983.
DE VAUGELAS, J.
- Etude qualitative et quantitative de la matière organique vivante et
détritique des sédiments coralliens dans les îles polynésiennes de Tahiti, Moorea et
Takapoto. - Diplôme de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris, 13 décembre
1982.
VENEC-PEYRE, M.T. - Etude de l'influence du milieu sur la distribution, la morphologie et
la composition du test des Foraminifères benthiques. Implications paléoécologiques.
Thèse de Doctorat d'Etat, Université P. et M. Curie, Paris VI, 17 décembre 1982.
III.
Rapports ronéotés et à diffusion restreinte
DELESALLE, B., GABRIE, C., MONTAGGIONO, L„ MONTEFORTE, M., NAIM, O.,
ODINETZ, O., PAYRI, C., POLI, G., RICHARD, G., 1982. - PUNAAUIA. Le lagon
de Punaauia : Etude de l'environnement lagonaire. Géomorphologie, plancton et
benthos, du secteur concerné par le projet de chenal. RA 7 - 1982 : 26 p.
POLI, G., RICHARD, G., 1982. - TAHITI (Lagon zone urbaine). Etude de l'environ¬
nement lagunaire du secteur urbain - Evolution des pollutions et des dégradations.
(Rapport préliminaire). RA 8 - 1982 : 63 p.
RICHARD, G., BAGNIS, R., BENNETT, J„ DENIZOT, M., RICARD, M., SALVAT, B„
1982.
WALLIS et FUTUNA. Etude de l'environnement lagunaire et récifal des îles
Wallis et Futuna (Polynésie occidentale). RL 9 - 1982 : 101 p.
-
RICARD, M., CHARLEUX, M., DELESALLE, B., EHRHARDT, J.P., FALLOURD, F.,
FLORENCE, J., GABRIE, C., MARQUET, G., MONTEFORTE, M., PAI, M.,
POINTIER, J.P., ROLLS, R., 1983. - LAC VAIHIRIA. Principales caractéristiques
hydrologiques, sédimentologiques et biologiques du lac Vaihiria (Ile de Tahiti,
Polynésie Française). RA 11 - 1983 : 35 p.
IV. Bulletin de liaison
OFAI
:
OFAI n° 1
:
mars
OFAI n° 2
:
juillet 1982
OFAI n° 3
:
octobre 1982
OFAI n° 4
:
février 1983
1982
66 p.
:
68
:
:
:
p.
35 p.
149 p.
Société des
Études
Océaniennes
Le Bulletin
Le Bureau de la Société accepte l'impression de tous les articles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
épouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien les
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POLYNÉSIE FRANÇAISE
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 225