B98735210105_224.pdf
- Texte
-
BULLETIN
DE M
SOCIETE
DES ETUDES
OCEKNIENNES
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N° 224
TOME XIX
—
N° 1 /
Septembre 1983
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Société des Études Océaniennes
Fondée
Rue
Lagarde
-
en
1917.
Papeete, Tahiti.
Polynésie Française.
B.P. 110
-
Tél. 2 00 64.
Banque Indosuez 21-120-22 T
—
C.C.P. 34-85 PAPEETE
CONSEIL D'ADMINISTRATION
M. Paul MOORTGAT
Me Eric LEQUERRE
Mlle Jeanine LAGUESSE
Vice-Président
M.
Trésorier
Raymond PIETRI
Président
Secrétaire
assesseurs
M. Yvonnic ALLAIN
t Me Rudi BAMBRIDGE
Mme Flora DEVATINE
M. Roland SUE
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
R.P. O'REILLY
M. Yves MALARDE
t M. Raoul TEISSIER
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ
DES
ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
N° 224
TOME XIX
-
N° 1 SEPTEMBRE 1983
-
SOMMAIRE
1357
1364
Archéologie de l'Archéologie : J.M. Chazine
Pritchard
parle
1372
Naissance d'une tradition : A. Babadzan
Notes de lecture
Edwin Ferdon
:
Manfred Kelkel
1378
Early Tahiti. As the explorers saw it. 1767-1797
:
A la découverte de la
1384
Musique Polynésienne
Compte-rendu
A. Babadzan
Beslu C.
1387
Naissance d'une tradition
:
1391
La Philatélie à Tahiti
:
M.C. de Mijolia : Les
P. Bellwood
:
J.L. Ducher
:
Les
pionnières maristes en Océanie. 1845-1931
-....
Tahiti, mythes et paradoxes
l'étude des habitations protohistoriques à Tahiti
C. Orliac
:
Matériaux pour
P. Hodée
:
Tahiti 1834-1984
P.-Y. Toullelan
:
-
La France en
P.-Y. Toullelan :
Inventaire provisoire
1393
1393
Polynésiens
150
ans
de vie chrétienne en Eglise
Polynésie Orientale (1870-1914)
des archives de Polynésie Française (1860-1914)
Société des
Études Océaniennes
1394
1395
1395
1396
1399
1357
"ARCHÉOLOGIE DE L'ARCHÉOLOGIE"
Éléments d'histoire
de
l'archéologie ancienne
L'origine des Polynésiens a été une préoccupation constante,
premiers contacts connus et relatés par les navigateurs. En
effet, ces îles de Polynésie qui émergent au milieu de l'Océan
Pacifique ont toujours intrigué : elles sont plus de 350 qui, toutes
surfaces réunies, ne dépassent guère celle de la Corse et s'étendent
sur un espace supérieur à celui de l'Europe et elles surprennent,
puisque la terre continentale la plus proche est au moins à
5000 km. Wallis, Bougainville, et Cook, premiers découvreurs
officiels de Tahiti entre 1767 et 1769 en parlent déjà et proposent
une origine insulindienne ou amérindienne, à partir de compa¬
raisons de caractères physiques ; les mêmes que ceux qui seront
utilisés jusqu'au XXème siècle.
De fait, jusqu'à la fin du XIXème siècle, tout un chacun,
traversant l'Océanie et surtout la Polynésie, émettra des hypothèses
sur l'origine de ses habitants ; certains invoquant une genèse locale,
quand elle ne fait pas appel à d'obscurs descendants du continent
dès les
Mu
ou
de la 13ème tribu d'Israël.
préoccupation des origines, dont les formulations
faire sourire maintenant, porte cependant en elle des
germes de recherche du passé, des tentatives pour expliquer et
comprendre le présent par le passé. En effet, la vision d'un monde
sauvage et / ou édénique, qu'avaient les premiers visiteurs, les
incitait déjà à comparer et à échafauder un processus d'évolution
qui mènera aux premières élaborations archéologiques de la fin du
Cette
peuvent nous
XVIIIème.
Société des
Études
Océaniennes
1358
Il était difficile
voyageurs de pouvoir imaginer un monde
plus barbare, c'est-à-dire plus arriéré - au moins par sa technologie
que celui qu'ils pouvaient observer en Océanie. Tout y concurrait
à représenter les premiers âges de l'homme : un climat enchanteur,
un paradis végétal et marin, dans lequel hommes et femmes s'ébat¬
taient avec l'insouciance et aussi la brutalité de l'adolescence, une
culture matérielle basée sur la pierre, le coquillage et le végétal ;
quoi de plus simple et de plus primaire en effet ?
En dehors des lieux précis d'origine, au-delà d'un océan
Pacifique encore méconnu, que chercher de plus ?
Il faudra attendre longtemps pour que puissent émerger
d'autres questions.
L'ethnographie à ses débuts, les recueils de traditions orales,
les observations et les descriptions de la vie matérielle et sociale des
insulaires ont, jusqu'au milieu du XXème siècle, été les seuls
moyens de reconstituer le passé de ces populations. Étant
"arriérées", elles ne pouvaient - et dans le meilleur des cas qu'avoir une histoire, mais pas de passé. Pas de trace d'observation
de changement ni d'évolution dans les techniques, les répartitions,
les aménagements de l'espace, dans les préoccupations des
navigateurs, missionnaires, administrateurs, puis savants du début
aux
-
du siècle.
De la
Polynésie orientale dont l'île de Pâques est un des plus
pôles de mystère, jusqu'à la Nouvelle-Guinée, les études
qui furent menées jusqu'au premier tiers du XXème siècle, n'ont
jamais concerné les archéologues (celles des africains, des groupes
transhumants d'Asie ou de l'Insulinde non plus d'ailleurs !).
Même une fois mises en place les procédures de recherches
archéologiques européennes, le passé ancien des océaniens ne
présentait pas d'intérêt notable car on ne voyait pas quelle infor¬
mation nouvelle des populations de l'âge de pierre (même polie) et,
de plus, sans vestiges architecturaux notables, pourraient apporter.
En effet, est-ce par hasard si, jusqu'en 1925, n'ont été observés,
prospectés et pour certains cartographiés, que les îles, territoires,
ou sites, présentant des ensembles de structures monumentales
qui
pouvaient les faire correspondre, au moins par une origine même
mythique commune, aux grandes civilisations asiatiques ou
fameux
amérindiennes ?
Ainsi, à aucun momênt, n'a-t-on pensé que le sol pouvait
fournir des renseignements importants sur le passé de ces popula¬
tions. On était là, à l'aube des temps humains, donc là où il n'y a
pas encore de
monde,
en
passé, où techniquement, il
ne peut y en
avoir. Ce
outre, était si complexe, si extraordinaire à observer "au
Société des
Études
Océaniennes
1359
venu à l'esprit
littéralement inconcevable.
présent", qu'il n'est
de
personne
de fouiller
un
passé
Puisque l'archéologie, en Europe, s'est limitée jusqu'au début
siècle, soit aux grandes civilisations attestées par des
monuments remarquables, un art statuaire ou pictural, ou par
l'écriture, soit aux traces des premiers hommes, le monde insulaire
océanien, n'ayant à montrer ni ensemble monumental ni vestiges
paléontologiques, était éliminé du champ des investigations des
premiers hommes de science et des navigateurs.
Même les grandes expéditions organisées entre 1870 et 1914
par les puissances industrielles au cours de leur expansion
coloniale (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Russie, pour le
monde océanien) n'avaient à leur bord que des naturalistes et des
anthropologues culturels ou physiques. Leurs journaux et compterendu qui nous sont maintenant d'une grande importance pour
l'archéologie du passé récent, ne sont que des observations ethno¬
graphiques que le temps a "archéologisées". C'est d'ailleurs de cette
époque que datent des clivages importants entre scientifiques
anglo-saxons, allemands et français. Ces clivages sont certes
méthodologiques, mais en outre, ils couvrent déjà des aires
d'influence et de contrôle du Pacifique. La conquête et le contrôle
politico-économique des différentes zones culturelles océaniennes
vont de pair avec l'envoi de missions d'études. Ces missions à but
plus ou moins anthropologique présentent déjà des différences de
préoccupations.
Dès la fin du XIXème siècle, l'Allemagne, pour toute la région
des Samoa à la Nouvelle-Guinée, l'Angleterre (et le Common¬
wealth) pour la même région au sud, implantent des musées
d'ethnographie, créent des Sociétés (impériales, royales ou locales)
d'études et de défense du patrimoine indigène, regroupant quelques
scientifiques émigrés et des notables locaux, passionnés par tel ou
du XXème
tel secteur des sciences humaines ou naturelles. Il faudra attendre
1917 pour que des métropolitains et les premières générations
métissées de Tahiti, créent la Société des Etudes Océaniennes,
premier organisme d'études et de sauvetage du patrimoine
polynésien. A Hawaii, les américains créent dès 1889 le B.P.
Bishop Museum, qui en 1925, avait déjà à son actif, plus de
missions sur la Polynésie qu'il n'y en eut depuis... Il faut dire
qu'une grande fortune et des biens fonciers importants, légués par
un érudit et mécène lié à la famille royale de Hawaii, ajoutés à la
relative proximité des U.S.A., avaient bien facilité les choses.
Mais toutes ces associations, sociétés d'érudits et de scienti¬
fiques, n'ont fait que recueillir des données "de surface". Enquêtes
Société des
Études
Océaniennes
1360
orale, recueils de chants cosmogoniques, collectes
d'objets ethnographiques plus ou moins anciens, vitrines et
expositions, ne faisaient que donner une image figée, à peu près
plate, de ces sociétés sans écriture et donc sans histoire. Les
quelques vestiges matériels marqués n'étaient que ceux qui
pouvaient être observés en surface : anciens lieux de culte (marae)
et grottes funéraires ; tous lieux sacrés, intouchés et inviolés par les
autochtones. Ces lieux, contenant des squelettes et des objets
sacrés ou rituels, étaient recherchés en priorité par les visiteurs. Il
n'en est pas encore tout à fait autrement aujourd'hui. Ainsi, s'est-il
créé par la même occasion, un clivage net entre les investigateurs
étrangers et les préoccupations des populations. Les européens, les
blancs, c'est-à-dire simplement les étrangers, en ne s'intéressant
pratiquement qu'aux lieux chargés de mort et de croyance, ont-ils
relégué dans l'ombre, tout le champ du vivant, du social et de la
de tradition
culture ?
Pourquoi montrer à un étranger l'emplacement de la case du
grand-père de son grand-père puisqu'il n'y reste rien de manifes¬
tement visible ? Pourquoi montrer l'emplacement des grands fours
cérémoniels d'autrefois à quelqu'un qui ne cherche que des outils,
des objets, des biens matériels, complets, facilement repérables et
récupérables.
Ignorant la poterie et le métal, les Polynésiens privaient les
archéologues classiques de la majeure partie de leur vocabulaire et
...
de leurs concepts.
Nous payons encore
nature des
maintenant le prix de ce doute quant à la
spécialistes du passé.
motivations des chercheurs et des
Il s'est donc
formé, au fur et à mesure des investigations, des
typologies des vestiges de surface les plus apparents et les plus
remarquables. Typologies des structures cérémonielles (marae),
des herminettes (seulement polies, le reste n'étant classé que
comme ébauches), des pilons (polis également), puis des hameçons
en nacre, au fur et à mesure
que leur remplacement par l'impor¬
tation les faisaient entrer dans l'espace de l'archéologie. La
Polynésie a pourtant la remarquable particularité due à son tardif
et court peuplement à l'échelle terrestre, de nous montrer l'emploi
simultané des outils polis ou taillés.
Que le premier inventaire systématique de surface n'ait été
réalisé qu'en 1925, par le Pr. K.P. Emory, est significatif du peu
d'intérêt que le gouvernement de l'époque manifestait à l'égard du
passé des Etablissements Français d'Océanie. Mais Hawaii n'est
qu'à quelque 2200 km et, dès la fin du XIXème siècle, les
chercheurs de Hawaii s'intéressaient-ils aux connections impor-
Société des
Études
Océaniennes
1361
Polynésie et notamment avec Tahiti. Il
logique que disposant de moyens financiers suffisants, ils
étendent le champ de leurs investigations à la Polynésie orientale.
Quant aux anglais de Nouvelle-Zélande, leur situation est simi¬
laire : une société d'érudits et de savants qui, dès la fin du XIXème
siècle, étudie la société maorie et recueille un très grand nombre de
vestiges, aidée plus ou moins consciemment par tous les prospec¬
teurs, mineurs et pionniers de ce pays en plein bouleversement. Par
ailleurs, des contacts nombreux, souvent dramatiques et mortels
entre maoris et émigrants, viennent de se produire et la culture
maorie, beaucoup plus sophistiquée et artistiquement élaborée que
celle de leurs cousins de l'est, est encore très riche. Les chercheurs
néo-zélandais sont donc, eux aussi, amenés à faire des investi¬
gations dans le passé et à remonter vers l'est : vers les îles Cook, les
Australes et Tahiti, incursions suscitées principalement par la
tantes avec le reste
de la
était
tradition orale et des éléments de
généalogies.
qu'à cette époque aucune investigation n'est
faite, ni en Nouvelle-Calédonie, ni aux Nouvelles-Hébrides, qui,
peuplées de Mélanésiens représentent, à défaut de connaître encore
l'intérieur de la Nouvelle-Guinée ou le grand désert australien, le
stade le plus primitif de l'évolution humaine. Et les Canaques
seront délaissés jusqu'à ce que le missionnaire-ethnologue
M. Leenhardt étudie la complexité de leur organisation sociale et
leur histoire. Les premières fouilles archéologiques ne seront faites
qu'en 1950, par suite de la découverte fortuite de fragments de
poterie dont des éléments analogues ont été trouvés aux Iles
Salomon à Watom, quelques années auparavant. Il a fallu la
découverte de cette poterie décorée, c'est-à-dire porteuse de signes
modelés, graphiques en quelque sorte, provenant d'un autre
archipel éloigné pour que des archéologues américains découvrent
que les Canaques avaient eux aussi, un passé qui pouvait s'être
inscrit dans le sol. Mais là encore, les premières et seules questions
posées étaient : d'où viennent-ils, et depuis quand sont-ils là ?
La Polynésie centrale et orientale n'a donc commencé à être
prospectée, d'une manière organisée, qu'après 1925. L'inventaire
de surface se voulait exhaustif, mais alimenté seulement par la
connaissance qu'avaient les indigènes de leur environnement, il
s'est très rapidement révélé incomplet.
C'est la carte de la connaissance des informateurs qui a été
ainsi établie, et non celle de l'ensemble des vestiges subsistants.
Il faudra attendre la seconde guerre mondiale et des
découvertes fortuites à Hawaii, pour faire apparaître un passé
archaïque nettement différenciable. Ce n'est qu'à la fin des années
On peut noter
Société des
Études
Océaniennes
1362
des vestiges mis au jour par des travaux agricoles ou de
provoquent la mise en place de chantiers de fouilles
organisés. Mais ce sont des spécialistes des pays limitrophes anglosaxons qui, plus facilement proches des lieux et déjà implantés,
interviennent. Jusqu'en 1960, aucun archéologue français n'avait
encore fouillé, ni, a fortiori, établi de programme de recherches en
Polynésie française. L'archéologie océanienne dès ses débuts fut
américano-hawaïenne, toute préoccupée de schémas de
peuplement établis à partir, d'objets-témoins. Il faudra attendre les
missions de P. Vérin et surtout du Pr. Garanger, pour qu'une autre
image du passé polynésien puisse être recherchée. Rien d'étonnant
à ce qu'à ce moment s'opposent sur un même espace, à fleurets à
peine mouchetés, non seulement des individus, représentant des
intérêts nationaux divergents, mais surtout des conceptions de
l'archéologie, c'est-à-dire des méthodes, des procédures et des
moyens différents.
50 que
terrassements
cherche à
produire de quoi reconstituer une
grande fresque joignant les uns aux autres les archipels du
Pacifique, dans un diorama dont la clarté schématique doit calquer
un triangle polynésien défraîchi, de l'autre, on veut montrer une
somme de mini-informations prudemment corrélées les unes aux
autres, dont les contradictions sont soigneusement mises en
évidence avec les justificatifs ethnographiques qui conviennent.
Deux conceptions divergentes des procédures archéologiques, que
l'arrivée à Hawaii de la "new archeology" risque d'amplifier !
Il est cependant apparu récemment un paramètre régulateur
purement local : la population. Celle-ci, éveillée et stimulée par les
scientifiques eux-mêmes, demande maintenant que le domaine
socio-culturel lui apporte des réponses précises concernant son
propre passé et sa propre culture matérielle. Ces données
culturelles et humaines à la fois ne peuvent plus être négligées, et
les précautions prises par J. Garanger, aux Nouvelles-Hébrides, il y
a 20 ans sont encore plus d'actualité maintenant. En outre, les
Territoires du Pacifique commençant depuis peu à financer la
recherche et d'une manière générale la sauvegarde de leur
patrimoine, il se pose une chaîne de contraintes bien connue des
archéologues : il faut avoir les moyens de fouiller, donc faire des
découvertes intéressantes pour le public et les élus locaux, donc
faire la publicité nécessaire et suffisante pour obtenir des moyens...
qui ne collent pas exactement aux préoccupations des scientifiques.
L'archéologie que la France a mise en place et pratiquée par
l'intermédiaire de ses chercheurs successifs, n'a pas réussi à sortir
de cette boucle logique, alors que le Bishop Museum de Hawaii,
D'un côté
on
Société des
Études Océaniennes
1363
considérablement diminué depuis une dizaine
d'années, y entrait progressivement. Les uns ont engrangé surtout
des informations thématiques et les variantes des combinaisons
dont les moyens ont
géo-socio-économiques avec les vestiges matériels. Les autres
exploitaient quelques sites tout à fait exceptionnels par leur
richesse et leur ancienneté mais tout à fait ponctuels et isolés
jusqu'à présent. Oserait-on maintenant retracer l'histoire des
mouvances de l'Europe depuis Jésus-Christ avec seulement une
dizaine de sites fouillés... ?
ailleurs entreprendre une analyse de contenu précis
systématique de ce qui a été découvert et surtout de ce qui
pendant longtemps n'a pas retenu ou provoqué l'attention des
archéologues. Cela mériterait un autre développement que cette
brève introduction, et permettrait de vérifier avec plus de précision
l'ordre dans lequel les sites ont été fouillés et comment la mise au
jour du passé des océaniens s'est, en fait, inscrite dans la démarche
des archéologies nationales. L'éloignement, les contingences
matérielles et les difficultés d'accès dues à une végétation et un
climat tropicaux n'expliquent peut-être pas totalement l'état des
connaissances actuelles. L'histoire de l'archéologie des peuples sans
écriture, et à industrie lithique est surtout significative de
l'évolution et de l'élargissement des conceptions de l'archéologie
européenne. Ces peuples "primitifs" considérés, au début, comme
un réservoir vivant d'informations comparatives, ne pouvaient à la
fois être et avoir été. Il fallait toute la démarche de l'ethnologie,
leur reconnaissant le statut de cultures à part entière, pour qu'elles
existent en tant que telles et ne soient plus vues automatiquement
comme un maillon résiduel ou attardé de la chaîne universelle de
l'évolution. Leur droit au passé dépendait de leur droit d'accéder
au présent.
Il faudrait par
et
Jean-Michel Chazine
CNRS/Paris.
Société des
Études
Océaniennes
1364
PRITCHARD PARLE
précédemment annoncé dans nos pages (n° 219,
1103) la prochaine parution du manuscrit de
George Pritchard, The Aggressions of the French in Tahiti and
Other Islands in the Pacific, introduit et annoté par Paul De
Deckker. Ce manuscrit, propriété de la Bibliothèque Turnbull de
Wellington depuis 1936, donne une version, anglaise et de
l'intérieur, des événements qui ont conduit au protectorat français
Nous avions
Tome XVIII, n° 8, p.
sur
Tahiti.
George Pritchard (1796-1883) fut une des chevilles ouvrières
de la Société Missionnaire de Londres à Tahiti ; sous sa propre
impulsion, il réussit en 1837 à se faire nommer consul britannique
les îles de la Société. En tant que tel, il tenta en vain de
s'opposer à l'accroissement de la présencefrançaise dans ce groupe
d'îles qui, à cette époque, malgré l'augmentation du nombre
d'Européens, était resté nominalement indépendant.
Cette publication reste un exemple d'histoire immédiate dans
la mesure où l'objectivité obtenue par le travail d'archives permet
de replacer dans son contexte total les impressions immédiates et
emportées de l'auteur. La lutte acharnée entre Pritchard et
Moerenhout, le consul de France, pour s'assurer une influence pré¬
pondérante sur la reine Pomare, prend ici les dimensions d'un
conflit épique, typique d'ailleurs des nombreux autres qui eurent
lieu en ces temps-là dans le Pacifique Sud, alors que les pouvoirs
européens rivalisaient entre eux pour accaparer des territoires, sans
beaucoup d'égard pour les désirs ou intérêts des habitants
pour
insulaires.
Société des
Études
Océaniennes
1365
style polémiste du texte de Pritchard, rédigé dans une
après les événements qu'il décrit,
offre plus qu'une simple relation des faits. Le missionnaire-consul
est un véritable narrateur dans la façon dont il rapporte ses efforts,
ses réussites et ses échecs. Nous donnons ci-après un exemple
traduit de quelques pages de son manuscrit, accompagnées des
notes de bas de page comme elles apparaissent dans l'édition
luxueuse des Presses d'Auckland-Oxford.
Le
certaine hâte et immédiatement
Les compte-rendu les plus exagérés de cette affaire ayant été
adressés à l'amiral français sur la côte de l'Amérique du Sud et au
...
commandant A. du Petit-Thouars fut
dépêché sur la frégate la Vénus pour enquêter sur l'affaire et exiger
réparation (2). Cette frégate de 60 canons mouilla l'ancre dans le
port de Papeete le 29 août 1838. Immédiatement, le commandant
se rendit au consulat américain d'où ces rapports exagérés avaient
précédemment émané. Il peut être nécessaire ici d'indiquer que la
personne faisant fonction de consul pour les Etats-Unis n'était pas
américaine, mais belge. Aussitôt que le gouvernement qu'il repré¬
sentait eut vent de la conduite de son consul qui, à l'aide du
drapeau américain, protégea des prêtres catholiques romains qui
piétinaient les lois de l'île, il envoya un de ses propres citoyens pour
le remplacer (3). Mais ce même individu fut nommé consul de
gouvernement français (1), le
à Valparaiso et au
qu'une lettre de protestation signée par Caret, Laval et
Vincent et qu'il certifia (lettre au consulat de France, 22 décembre 1836 ; lettre au gou¬
vernement français, 27 décembre 1836 aux archives du Ministère des Affaires
étrangères, Paris, Tahiti : Mémoires et Documents 1836. Protestation de MM. Laval et
Caret et du Sieur Vincent dans A. du Detit-Thouars, Voyage autour du Monde sur ta
frégate la Vénus, Paris, 1840-1843, vol. IV, p. 50-53).
(1) Moerenhout adressa des compte-rendu au consulat de France
gouvernement français de même
Kamtshatka en mars 1838, le capitaine Abel du Petitinstructions, datées du 10 juin 1837, du Ministre de la
Marine, Amiral de Rosamel, qui avait été prié par le Ministre des Affaires étrangères, le
Comte Molé, d'envoyer du Petit-Thouars à Tahiti afin d'enquêter sur "l'affaire", (voir
les lettres de Molé et de Rosamel dans Vincendon-Dumoulin et Desgraz, les îles Taïti.
Esquisse historique et géographique précédée de considérations générales sur la coloni¬
sation française dans l'Océanie, Paris, 1844, p. 340-342).
son arrivée à Valparaiso du
Thouars (1793-1864) reçut des
(2) A
(3) Pritchard avait envoyé plusieurs rapports à la Maison Blanche pour faire part des
agissements de Moerenhout. 11 eut d'autres lettres, rédigées par lui et signées par la reine
Pomare, qui demandaient que Moerenhout soit remplacé en tant que consul des EtatsUnis (31/12/1836 et 15/02/ 1837 dans "l'affaire Pritchard racontée par lui-même".
Collection
O'Reilly-Ropiteau, Territoire de la Polynésie Française, Tahiti).
Société des
Études
Océaniennes
1366
importants services rendus à ces prêtres (4).
jusqu'à 16 heures, le commandant et le consul
furent activement occupés (5) à fomenter leur plan sans précédent,
pour effrayer une pauvre reine impuissante et son peuple, et pour
France à la suite de ses
De midi environ
les forcer à une soumission absolue vis-à-vis de leurs demandes
insoutenables. A dix heures le lendemain matin, un document,
dont
ce
qui suit est
Pomare :
A bord de la
une
copie conforme, fut envoyé à la reine
frégate française la Vénus, rade de Papeïti,
le 30 août 1838, à dix heures du matin
A la reine d'Otaïti.
Madame,
Le roi des Français et son gouvernement, justement irrités de
l'outrage fait à la nation, par les mauvais et indignes traitements
que l'on a fait subir à plusieurs de ses membres, qui se sont
présentés sur le territoire d'O-Taïti, et notamment en 1836 à
MM. Laval et Carret (sic), missionnaires apostoliques, m'ont
envoyé pour réclamer et exiger, au besoin, la prompte réparation
due à une grande et puissante nation, qui a été insultée d'une
manière grave et non provoquée (6).
Le roi et
1.
son
gouvernement exigent :
Que la reine d'O-Taïti écrive
au roi des Français pour s'excuser
des violences et autres avanies commises sur des Français, dont
par du Petit-Thouars sous réserve de
l'approbation du roi Louis-Philippe. Il fut présenté en tant que tel lors d'une assemblée
publique qui se tint le 4 septembre 1838 et à laquelle assistèrent de 3 à 400 personnes en
présence de la reine Pomare et des grands chefs. (Barff à la London Missionary Society,
12 septembre 1838, South Seas Letters XI-5-D). Pomare était peu disposée à recon¬
naître la nouvelle nomination de Moerenhout mais du Petit-Thouars la convainquit de
le faire en arguant que Moerenhout représentait déjà les Etats-Unis et qu'il possédait dès
lors toutes les capacités et qualifications pour représenter la France (A. du PetitThouars, op. cit. vol. II, p. 399).
(5) Moerenhout confirma verbalement ses lettres au gouvernement français à du PetitThouars et le conseilla sur la stratégie à adopter.
(6) Du Petit-Thouars avait également été approché par Brémond, un charpentier français
qui s'était établi à Tahiti après que son baleinier, Enterprise, se fut échoué sur la côte
méridionale du Chili en 1834. Brémond vivait avec une Tahitienne qui était enceinte de
leur troisième enfant au moment de l'arrivée du capitaine français. Leur requête d'être
autorisés à se marier n'avait point été accordée. Au contraire, ils avaient été frappés
d'une amende parce que leur relation enfreignait la loi. Cette loi, interdisant des unions
entre étrangers et Tahitiennes, avait été décrétée par les missionnaires comme moyen
d'empêcher l'installation permanente des personnes qu'ils n'approuvaient pas. Le
charpentier considérait qu'il était brimé. Il déclara à du Petit-Thouars que la reine s'était
opposée à son mariage seulement à cause du fait qu'elle lui tenait rigueur
personnellement (il avait arrêté de travailler pour elle car elle ne l'avait pas payé) et lui
demanda d'intercéder pour qu'il puisse légitimer ses enfants en épousant leur mère (A.
du Petit-Thouars, op. cit. vol. II, p. 400-407).
(4) Moerenhout avait été nommé consul de France
Société des
Études
Océaniennes
1367
point mérité le châtiment qui leur
infligé. La lettre de la reine sera écrite en polynésien et en
français, et les deux textes seront signés par elle. Cette lettre sera
envoyée officiellement au commandant de la Vénus, dans les
vingt-quatre heures qui suivront la présente notification.
Qu'une somme de 2.000 piastres fortes d'Espagne (7) soit versée
dans les vingt-quatre heures de la présente notification, dans la
caisse de la frégate la Vénus, pour servir à indemniser MM.
Laval et Carret du dommage que la conduite tenue envers eux
leur a occasionné (8).
la conduite honorable n'avait
a
2.
3.
été
Que le pavillon français soit arboré le 1er septembre, à midi sur
Motu-Outa, et qu'il soit salué de vingt-et-un coups de
canon par le fort de la reine.
l'île de
Je déclare à Votre
Majesté, qu'à défaut de l'accomplissement
de la satisfaction demandée, dans le temps prescrit, je me verrai
bien à regret, obligé de lui déclarer la guerre et de commencer les
hostilités contre tous les Etats de sa domination, et que ces
hostilités seront continuées par tous les bâtiments de guerre qui
vont successivement passer par ces îles, jusqu'à ce qu'enfin la
France ait obtenu une réparation suffisante.
Je
suis, avec un profond regret,
Majesté, le très humble serviteur,
le commandant de la frégate la Vénus,
(signé) A. du Petit-Thouars.
de Votre
la petite île Motu Uta, à environ un demi
île. Elle s'était à peine rétablie de son
accouchement, étant restée alitée à peu près trois semaines. Le bébé
n'étant pas bien, il se fait que Mr Barff (9) et moi-même étions là en
train d'administrer quelques médicaments quand nous avons été
les témoins d'une scène incroyable, jamais vue auparavant. Un
homme, de haute taille et solidement bâti (10), en grand uniforme,
La reine résidait
mille de la grande
sur
(7) La piastre d'Espagne ou dollar mexicain
était la seule monnaie qui avait cours dans le
Pacifique. 200 dollars espagnols valaient 10000 F. ou £ 400.
(8) Leur perte incluait le coût de leur passage jusqu'au Chili. Si Moerenhout avait offert de
payer ce passage, il était entendu que cela s'était fait à titre de prêt.
(9) Charles Barff (1792-1866) était un missionnaire anglais qui arriva aux îles de la Société
novembre 1817. Il résida principalement à l'île de Huahine, au nord-ouest de Tahiti.
Dans une lettre aux directeurs de la Société missionnaire de Londres, il précisait : "Je
suis allé avec Mr Pritchard sur le motu pour voir Pomare et son petit garçon" Barff à la
L.M.S., South Seath Letters, XI-5-D).
(10) Cette personne est Normand, un
op.
cit. vol. II,
p.
lieutenant de du Petit-Thouars (A. du Petit-Thouars,
385).
Société des
Études Océaniennes
1368
se tenait devant la reine avec un papier dans une main et faisait de
grands gestes de l'autre, si près du visage de la reine que je
m'attendais à tout moment de le voir entrer en contact avec le nez
de sa Majesté. Il était en train de raconter à la reine, en mauvais
anglais, que la France était une grande nation, que la France avait
60 frégates, toutes pareilles à celle-là, désignant du doigt la Vénus
au mouillage. Mais ce qui était encore plus dégoûtant restait que ce
gentilhomme, si je peux me permettre de l'appeler ainsi, avait la
bouche tellement pleine de tabac qu'il était contraint de se
détourner constamment après deux ou trois phrases pour en
cracher le jus juste à l'extérieur de la natte qui était étendue comme
un tapis. Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi dégoûtant. Cet
homme a-t-il été élevé en France ? Un pauvre Tahitien n'aurait pas
agi ainsi. Est-il possible de trouver un officier dans la marine
britannique, du rang le plus élevé au plus bas, qui, s'il avait été
dépêché pour une telle commission, aurait pris la liberté de dire un
mot à sa Majesté ? N'aurait-il pas simplement remis le document
dans les mains de la reine, sans plus ? Si les indigènes avaient
encore été à l'état païen, l'officier français n'aurait pas quitté vivant
cette île. Il peut ne pas être au courant du fait que, pour la
préservation de sa vie, il est redevable au labeur de ces mêmes
personnes qu'ils s'efforcent maintenant de supplanter (11).
Mr Barff et moi-même
avons
traduit à la reine le document
qu'elle venait d'avoir reçu. Immédiatement, sa Majesté résolut
sur la grande île pour consulter ses chefs. En un court
moment, son mari (12) et elle-même, accompagnés de leur petit
enfant, nous suivirent au rivage. Elle se réfugia dans ma demeure.
Cela mit sa Majesté dans un bel état d'angoisse nerveuse (13). Elle
ne savait
pas quoi faire. La grande frégate avait chargé et poussé
ses canons dehors et tous les hommes étaient en armes, prêts à
d'aller
(11) En fait, les Tahitiens avaient été beaucoup impressionnés par les Français car ils
la taille de ses navires de
bâtiments français, Y Astrolabe
les capitaines Dumont d'Urville et
Jacquinot, étaient arrivés à Tahiti. Même si les Tahitiens avaient contemplé, un court
moment, la possibilité d'attaquer l'équipage de du Petit-Thouars, ce déploiement de
force navale française aurait freiné une telle impétuosité.
avaient l'habitude de
juger de la puissance d'un
guerre. Pritchard omet de mentionner que deux
et la Zélée, respectivement commandés par
pays par
autres
(12) Le mari de Pomare était Ari'i Faite, le fils d'un chef de Huahine. 11 était son second
époux ; elle avait répudié le premier, Tapoa, qui était stérile.
(13) Pomare était extrêmement effrayée et tint Pritchard responsable dans une large
mesure.
Elle fut
persuadée
par
Pritchard de se réfugier dans
L.M.S., 21 septembre 1838, South Seas Letters, X1-5-A).
Société des
Études Océaniennes
sa
demeure. (Pritchard à la
1369
l'action si les
satisfaites (14).
demandes
n'étaient
point promptement
première chose que fit la reine fut d'écrire une lettre au
commandant, le priant d'autoriser une enquête, en déclarant
qu'elle avait compris que c'était la coutume des nations civilisées de
toujours juger d'abord le cas et ensuite, si la personne accusée était
La
coupable, de lui infliger un châtiment ou de lui imposer
sanction selon l'énormité du crime. Sa Majesté souhaitait
seulement un jugement. Si quoi que ce soit pouvait être prouvé
reconnue
une
plein gré la sanction imposée.
au commandant en
compagnie d'un membre de la famille royale. Nous nous rendîmes
à bord de la frégate (15) mais le commandant ne voulut pas
recevoir la lettre ni entendre de ma part la moindre expli¬
cation (16), et il me dit que si les demandes n'étaient pas satisfaites
contre
elle, elle payerait alors de son
Cette lettre
me
fut confiée pour
la porter
matin, il tirerait sur l'établissement et
provoquerait dévastation et mort, sur tous les Etats de sa Majesté
et que chaque bâtiment français qui viendrait ferait de même
jusqu'à obtenir réparation suffisante. Il frappait du pied le pont,
avec colère, parce que la reine avait quitté la petite île. Il avait
dépêché une garde pour y retenir la reine mais, à sa grande
déconvenue, il découvrit que sa Majesté s'en était allée. Il avait
également placé une garde autour de la petite goélette de la reine et
imposé un embargo sur les mouvements maritimes de façon
qu'aucun vaisseau ne puisse sortir tant que l'affaire ne fût pas
résolue. Je dis au commandant que la reine avait un droit de se
rendre sur la grande île si elle le jugeait utile, qu'il était souhaitable
pour elle de voir les chefs, de les consulter sur ce sujet déplaisant.
Quel autre gentilhomme aurait même pensé à retenir la reine
prisonnière, avant l'expiration de l'ultimatum.
Le commandant m'envoya une lettre m'offrant son navire
comme asile pour ma
famille et moi-même, déclarant que lorsqu'il
à 10 heures le lendemain
aurait commencé à tirer
sur
l'établissement, la fumée des canons les
empêcherait de voir notre maison et sans doute ne seraient-ils pas à
avaient été placés sur la route
goélette royale (Archives nationales, Section Outre Mer, Océanie, Carton A. 4).
(15) Pritchard avait envoyé un Français devant lui pour s'assurer qu'il pourrait se rendre en
toute sécurité à bord de la Vénus (A. du Petit-Thouars, op. cit. vol. II, p. 388).
(14) L'embargo avait également été déclaré. Plusieurs cotres
de la
une promesse de paiement mais l'officier français fut prêt à
l'accepter à la condition qu'elle soit également signée par le consul d'Amérique. Bien
évidemment, elle n'eut pas de suite concluante. (A. du Petit-Thouars, ibid. p. 389).
(16) Pritchard avait offert
Société des
Études
Océaniennes
1370
même de tirer
l'évitant (17). J'ai dit à l'officier qui m'apporta la
lettre, de remettre mes compliments au commandant et de lui dire
en
que je comptais sur ce drapeau (indiquant du doigt les couleurs
anglaises au-dessus de mon consulat) pour me protéger.
Quelques amis se joignirent à moi pour procurer l'argent à la
reine (18), somme qui fut dûment payée à bord de la Vénus et pour
laquelle je possède actuellement un reçu (19). La reine écrivit
quelques lignes au roi des Français (20) et elles furent remises au
commandant. Il restait encore une demande qui se devait d'être
satisfaite, mais comment ? Il fallait hisser le pavillon français sur le
mât du drapeau tahitien et le saluer de 21 coups de canon, mais les
indigènes ne possédaient de la poudre que pour cinq coups. Je
déclarai au commandant que s'il insistait pour que 21 coups soient
tirés, il devrait fournir la poudre car on n'en pouvait trouver nulle
part. Il dit : "Ceci me met dans une position difficile. Si je leur
donne la poudre, cela se trouvera peut-être dans un journal en
France que j'ai personnellement donné de la poudre aux indigènes
pour saluer mon propre drapeau". Après avoir marqué une pause,
il ajouta : "je vais vous dire ce que je peux faire : je vais vous
donner un peu de poudre, à vous, en tant que consul britannique et
vous pourrez en faire ce que vous voudrez". Donc, nous avions
(17) Du Petit-Thouars avait confié à l'un de ses officiers, La Pérouse, neveu de
l'explorateur, une lettre pour les deux consuls, Pritchard et Moerenhout. Il ne s'y
mention de la fumée des
canons. Moerenhout accusa réception de ce
Pritchard s'excusa de ne pouvoir le faire parce que ni
plume ni encre n'étaient disponibles au fare de la reine où il se trouvait alors. (Du PetitThouars, op. cit. vol. II, p. 385-386).
(18) Sous la pression de Pritchard, deux Anglais, Bicknell, un négociant en sucre, et un
Docteur Vaughan, lui remirent respectivement 500 et 1000 dollars. Pritchard ajouta
lui-même la différence. Ils devaient être remboursés par des collectes effectuées en
Angleterre. Mais dans une lettre aux directeurs de la London Missionary Society, en
date du 6 janvier 1840, Pritchard déclarait : "j'espère que vous avez fait quelque chose
avec le public religieux afin de recueillir un millier de dollars
pour nous aider à Tahiti.
Quand le Dr Vaughan me prêta les 1000 dollars, il accepta de patienter 2 ou 3 ans, mais
insista par après d'obtenir une lettre de change sur la Société pour la somme. Il
n'existait aucune alternative, nous n'avions pas l'argent à donner et fûmes contraints de
nous conformer à sa
requête. J'ai sollicité 500 dollars à la Colonie de Nouvelle Galles
du Sud mais n'ai encore reçu aucune nouvelle de ce qu'ils vont faire pour nous
aider.
Nous ne pouvons nous procurer plus de 500 dollars parmi nous-mêmes. Je reste
persuadé que si une déclaration convenable était faite au public religieux, la somme
serait vite recueillie". (Pritchard à la L.M.S., ôjanvier
1840, South Seas Letters XIII-1 -
trouve
aucune
message par une courte note.
A).
(19) 125 onces d'or furent comptés par Chiron du Brossay, le premier lieutenant de du PetitThouars, et Fillieux, le comptable de la Vénus. Ceci fut témoigné par Barff et
Rodgerson, tous deux missionnaires. (Du Petit-Thouars, op. cit. p. 389).
(20) "... Je ne suis souveraine que d'un petit et insignifiant pays ; que le savoir, la gloire et le
pouvoir soient avec Votre Majesté ; que votre colère cesse et pardonnez-moi l'erreur
que j'ai commise". (Du Petit-Thouars, ibid. p. 389-390).
Société des
Études
Océaniennes
1371
vraiment de la poudre française avec laquelle saluer le drapeau
français. A-t-il été honoré par un tel acte ? Laissons le com¬
mandant répondre lui-même (21). Mais il y avait encore une autre
difficulté. Plusieurs gros canons se trouvaient sur la petite île et un
seul parmi eux apte à être utilisé. La Vénus dut prêter plusieurs
instruments avec lesquels préparer les canons pour le tir. Alors que
les Indigènes, en compagnie de quelques Anglais pour les aider,
travaillaient dur pour préparer les dits canons, un officier fut
envoyé de la frégate à ma demeure pour me requérir de dire à la
reine que le commandant était fort surpris que le drapeau français
n'avait point encore été salué, que s'ils ne commençaient pas le
salut à dix heures, il tirerait sur la ville. Je priai l'officier de dire
qu'il n'y avait aucun besoin pour moi de me rendre auprès de la
reine avec un tel message, que si le commandant voulait prendre la
peine de regarder du pont de son propre bâtiment, il verrait que les
indigènes et leurs amis les Anglais travaillaient dur à préparer les
canons. Ceux-ci furent prêts seulement quelques minutes avant dix
heures. Les indigènes tirèrent un coup chaque minute comme s'ils
tiraient pour la procession funèbre de du Petit-Thouars. Ainsi
furent satisfaites ces trois demandes, imposées au nom "d'une
grande et vaillante nation".
George Pritchard, The Aggressions of the French in
Pacific (edited by Paul De
Deckker), Auckland-Oxford University Press, Auckland,
1983, p. 45-52.
Extrait de
Tahiti and Other Islands in the
(21) Qu'il
se
sentît
donner de la
ou non
poudre
Thouars, id. p. 390).
embarrassé, du Petit-Thouars mentionne clairement qu'il avait à
aux Tahitiens pour le salut du drapeau français. (Du Petit-
Société des
Études
Océaniennes
1372
NAISSANCE D'UNE TRADITION
Le
syncrétisme dont il vient d'être question représente un état
d'équilibre du système de croyances mis en place à la suite d'une
première vague acculturative, contemporaine de la période
missionnaire et coloniale de l'histoire de ces sociétés. Cet équilibre,
maintenant tant bien que mal depuis lors, apparaît depuis quelques
années sérieusement menacé par l'irruption de la modernité.
Le boom économique spectaculaire provoqué à partir du
milieu des années 1960 par l'installation en Polynésie française du
Centre d'Expérimentation du Pacifique a amorcé un exode rural
massif des populations des archipels éloignés vers Tahiti (1). Je
n'insisterai pas sur les conséquences sociales souvent
dramatiques
de la transplantation de ces populations rurales en milieu urbain :
entassement dans des bidonvilles, sous-prolétarisation et montée
de la délinquance juvénile accompagnent l'exode rural, à Tahiti
comme dans tout le Tiers-Monde.
L'organisation sociale et les
modes de penser en vigueur en milieu rural apparaissent de moins
en
moins adaptés à la réalité nouvelle des populations trans¬
plantées, et se heurtent aux modèles et aux valeurs de la société
urbaine. La place occupée dans la hiérarchie de Vestablishment
religieux ne symbolise plus désormais à elle seule un statut social :
(1) En 1977, 74,4 % de la population du Territoire se massaient aux Iles du Vent (contre
70,8 % au recensement de 1971), alors que les archipels des Iles Marquises, TuamotuGambier et Australes ne comptaient
plus que 13,3 % de la population (contre 15,9 %en
1971). Entre 1971 et 1977 l'archipel des Australes passait de 4,2 % à 3,8 % de la
population totale du Territoire.
Société des
Études
Océaniennes
1373
aujourd'hui en ville le critère
majeur d'une définition sociale, exprimée cette fois sur une base
individuelle (2), en des termes parfaitement occidentaux. Face au
discours dominant et omniprésent de l'argent et de la marchandise,
les valeurs traditionnelles ne représentent plus pour les jeunes que
les vestiges d'un passé en voie d'abolition (3).
le niveau de consommation devient
L'apparition en ville, de l'incroyance religieuse en tant
qu'option légitime, librement éligible, constitue sans nul doute le
bouleversement le plus radical qu'ait eu à subir depuis plus d'un
siècle le système des croyances populaires. La montée de
l'incroyance, plus ou moins consciemment assumée, ou la
légitimation même du doute sur l'existence de Dieu, œuvrent à la
déstructuration du syncrétisme dont toutes les figures s'organisent,
précisément, en rapport à la figure divine chrétienne. Que l'on
supprime Dieu, et le syncrétisme s'effondre. L'ensemble des autres
figures dont la définition, les attributs et les corrélations n'ont de
sens que dans le cadre du syncrétisme commencent alors à voguer à
la dérive dans la plus parfaite confusion.
Lorsque la question des entités surnaturelles ne peut plus être
réglée culturellement, elle devient une affaire individuelle. Mais les
divers ajustements individuels ne peuvent se substituer à un
système de croyances organisé, ni en remplir les fonctions. D'où la
remarquable disparité entre la position des croyances en milieu
rural et en milieu urbain. Alors que dans des îles comme Rurutu
une place stable leur est tacitement assignée, en milieu plus
acculturé par contre le commerce avec le surnaturel pose souvent
un véritable problème, comme en témoigne la place considérable
qu'y prennent les phénomènes hallucinatoires, les délires, les crises
de possession, le recours à la sorcellerie etc... De manière générale,
les discours et les pratiques se rapportant aux entités surnaturelles
frappent par leur standardisation dans les microsomes insulaires
les plus à l'écart de l'influence urbaine, alors qu'ils présentent en
ville des variations considérables et
un
caractère obsessif
singulièrement prononcé (on n'entend jamais autant qu'à Tahiti
parler des tupapa'u ou des varua 'ino). Engendrée par la nouvelle
situation acculturative, la déstabilisation des représentations
(2) L'émergence de Xindividu,
le moindre
son
autonomisation croissante face à la collectivité, n'est pas
apport de la phase moderne de l'acculturation.
pas sans perplexité que j'entendis un jour à Rurutu un jeune, qui ne rêvait que
partir à Tahiti, s'adresser à moi en ces termes : "Ne va pas avec eux, ce sont des
etene !". Ceux qu'il traitait ainsi de "païens" n'étaient autres que les vieux diacres de
l'Eglise protestante, piliers de l'ordre traditionnel...
(3) Ce n'est
de
Société des
Études
Océaniennes
1374
syncrétiques traditionnelles qu'accompagne une multiplication des
situations anxiogènes débouche parfois en effet sur de profondes
perturbations individuelles (rarissimes en milieu rural), qui
peuvent, le cas échéant, se solder par un traitement psychiatrique.
Cette situation de désarroi culturel est aggravée par le bilinguisme,
plus fréquent à Tahiti que dans les archipels, et l'intériorisation, à
des degrés variables, d'un second registre symbolique, celui de la
langue française, qui, lui aussi, véhicule un certain nombre de
concepts relatifs au surnaturel. Que l'on ajoute à ce brouillage
symbolique l'influence, loin d'être négligeable, des films d'épou¬
vante (type "Dracula", "Nuit des morts-vivants" etc...) pour
lesquels les Tahitiens montrent un goût tout particulier, et l'on
aura une idée du trouble pouvant régner dans les esprits.
Ce rapide tableau des facteurs de la décadence actuelle du
syncrétisme populaire et des valeurs traditionnelles des sociétés
rurales polynésiennes ne serait pas complet sans faire mention de la
prise en compte par les Polynésiens du discours à caractère
idéologique sur les traditions et l'identité culturelle polynésienne
élaboré depuis quelques années en milieu urbain. Ce discours
nouveau est important au moins à deux titres : d'abord en ce qu'il
semble être placé (1980) en situation de monopole idéologique à
Tahiti ; ensuite en ce qu'il constitue depuis l'évangélisation la
seconde tentative historique de fournir aux Polynésiens une
représentation de leur identité, de leur passé et de leur devenir.
idéologie, au lieu social de production relativement bien
départ ("l'intelligentsia" tahitienne aux aspirations
indépendantistes, essentiellement recrutée dans les couches
dominées de la classe dominante "demie" :
fonctionnaires,
instituteurs
etc...) s'est en effet rapidement diffusée, jusqu'à être
reprise en tout ou partie dans le discours dominant : elle inspire
certaines décisions politiques, imprègne les programmes scolaires
Cette
défini au
-
-
et
les média. Mais c'est
au
niveau des institutions culturelles locales
qu'elle joue le rôle le plus marquant, en tant qu'elle est en premier
lieu un discours sur la "polynésianité" et le retour aux traditions
perdues.
Mon propos
n'est pas ici de fournir une analyse détaillée de ce
conditions historiques de production, de sa nature
idéologique ni du rapport qu'il entretient à certains discours
occidentaux contemporains. Je me bornerai à évoquer la manière
dont ce discours urbain sur la tradition est reçu en milieu rural, et
la façon dont il peut entrer en contradiction avec les repré¬
discours, de
ses
sentations traditionnelles.
Société des
Études
Océaniennes
1375
Ce discours apparaît en effet à bien des égards paradoxal pour
les ruraux, tout d'abord en ce qu'il semble renverser les postulats
de base du discours moderniste habituellement véhiculé par la
bourgeoisie "demie". A celui-ci, qui opposait à T'arriération" des
polynésien rural la "positivité" des valeurs
occidentales, se substitue brutalement aujourd'hui une valorisation
systématique du passé et du mode de vie traditionnel d'autant plus
surprenante qu'elle émane des couches de la société citadine les
plus coupées de leurs racines polynésiennes, et les plus tournées
valeurs du monde
vers
l'univers occidental.
Ce
phénomène n'aurait sans doute pas tiré à conséquence
les populations rurales si le choc de la modernité n'avait
gagné depuis ces dernières années les îles les plus éloignées du
Territoire, qui pénètrent à leur tour progressivement dans le
monde post-colonial de la marchandise et du salariat. Et si, à la
faveur de ce bouleversement d'ordre socio-économique, les valeurs
de la modernité (dont ce type de discours est à l'évidence aussi
porteur) ne commençaient à entrer en conflit avec les valeurs
polynésiens traditionnels (4).
La valorisation absolue du passé comme âge d'or et paradis
perdu consécutive du discours "demi" d'avant-garde, sa condam¬
nation de l'ensemble des signes extérieurs de la modernité, de tout
ce qui se présente comme un apport occidental, s'opposent aux
représentations ambivalentes de la pensée syncrétique populaire
pour lesquelles le passé est associé au domaine abhorré du po, et
activement censuré en tant que tel, mais fait également, dans le
même temps, l'objet de certaines représentations positives (5). Tout
se passe comme
si ce discours nouveau prenait le contre-pied de
cette définition populaire : le passé devient "Monde de Lumière",
et les temps modernes "Monde des Ténèbres"... L'ambiguïté
pour
(4) Cette introduction des nouveaux modèles urbains est due, dans le cas de Rurutu, à
plusieurs facteurs, parmi lesquels une plus grande ouverture sur l'extérieur du
microcosme traditionnel (inauguration en 1975 d'une liaison aérienne avec Papeete,
développement d'un embryon de mouvement touristique, mobilité accrue des jeunes)
qui active la circulation des idées nouvelles, mais coïncide aussi avec l'apparition récente
sur l'île d'un groupe important de travailleurs dont les revenus ne proviennent pas
d'activités rurales, mais de salaires. Les fonctionnaires territoriaux (parmi lesquels en
1979 plus d'une vingtaine d'instituteurs) qui sont tous des Polynésiens, souvent même
originaires de l'île, sont associés aux "demis" de par leur mode de vie, leurs aspirations,
leur position de pouvoir et leurs importants revenus, et relatent activement sur place
l'idéologie de la modernité. Les interventions du pouvoir en local en matière de
promotion économique des archipels, de contenu des programmes scolaires etc..., jouent
également un rôle considérable dans la diffusion des valeurs du Tahiti moderne.
(5) Sur l'ambivalence syncrétique de la notion du po, cf. supra pp. 194-197.
Société des
Études Océaniennes
1376
proprement syncrétique caractéristique de la définition du po
disparaît ici, comme disparaît celle de la définition du passé : le
temps du passé est le temps de la tradition, le temps de l'authen¬
ticité, et il faut "revenir aùx traditions" pour rompre avec
l'aliénation moderne de l'identité polynésienne.
L'inversion par ce type de discours du rapport traditionnel au
passé apparaît incompatible avec le maintien de la croyance aux
enseignements de la vulgate missionnaire : si les Polynésiens
doivent maintenant adorer tout ce que depuis un siècle et demi ils
se sont efforcés de brûler, sur quelle base pourraient-ils encore
s'affirmer comme chrétiens ? Cette difficulté est aggravée par le fait
que le discours moderne de l'ethnicité confond aujourd'hui dans
une même valorisation idéologique l'ensemble indistinct des traits
culturels du passé païen et du présent chrétien - pour peu que celuici semble exempt de la "souillure" des signes les plus récents de la
modernité (6).
Et ceci alors même que l'ensemble des manifestations
religieuses des Polynésiens ruraux se veulent actes de foi tournés
contre le paganisme ancestral. Autant que la réhabilitation du
paganisme, l'association de la tradition chrétienne à la tradition
païenne au sein d'un discours laïc, urbain, où Dieu semble de
surcroît avoir perdu sa place, vont à rencontre des principes
mêmes des représentations syncrétiques polynésiennes. Ajoutons
que ce discours n'est pas sans entrer en contradiction avec les aspi¬
rations de ceux des ruraux qui désirent prendre leur part, si
modeste soit-elle, à la modernité, ainsi qu'avec les valeurs des
éléments les plus conservateurs de ces communautés, dont le
rapport à la tradition et au passé n'est pas susceptible d'être
modifié.
Le message
véhiculé par un tel discours normatif me semble
comparable, toutes choses égales par ailleurs, avec celui dont
étaient porteurs les missionnaires du début du siècle précédent. A
terme, il menace d'effondrement le système de représentations
contemporains dans les mêmes conditions que le furent autrefois,
lors de l'évangélisation, les conceptions religieuses anciennes : par
la négation de leurs principes, doublée de l'imposition d'un
(6) C'est ainsi que de nombreux traits, produits de l'acculturation, se trouvent néanmoins
valorisés globalement en tant que "traditions anciennes", typiquement
polynésiennes :
c'est le cas de toutes les coutumes instaurées
par les missionnaires, ou sous leur influence
directe, aux XIXème siècle (comme les himene chantés à l'Eglise, les rituels du tere ou du
tomora'a fare de Rurutu : voir supra 3.1), mais aussi de faits de civilisation
récents, tels
que la culture intensive du cocotier pour le coprah qui constitue pourtant le symbole
même de la colonisation.
Société des
Études
Océaniennes
1377
entreprise de culpabilisation (7). L'espace et
du Mal se trouvent aujourd'hui définis, et
échangent leurs positions au sein d'un discours formulé en termes
moraux, dont les déterminations, une fois de plus, semblent
étrangères à la pensée polynésienne traditionnelle.
Le destin proposé aujourd'hui par le discours urbain à la
mode aux quelques milliers de cultivateurs-pêcheurs qui refusent
encore l'exode vers Tahiti et ses bidonvilles ne paraît plus devoir
être que de constituer sur place une sorte de réserve culturelle, de
musée de plein-air, conservatoire figé d'une polynésianité idéale et
manichéisme et d'une
le temps du Bien et
réifiée.
A l'heure où
je quittais Rurutu, certains commençaient à
jeu de la "folklorisation" de leurs traditions.
Sans bien en mesurer encore toutes les conséquences, ni toutes les
servitudes. Sans doute pensaient-ils y gagner sur un plan matériel
ou symbolique. D'autres au contraire s'y refusaient, pressentant
confusément la décadence. Le célèbre rituel du tere (tour de l'île à
cheval accompagné de récitations mythiques) qui n'était effectué
d'ordinaire qu'aux alentours du Premier de l'An, et qui tombait
pratiquement en désuétude sous sa forme traditionnelle, était mis
en scène en 1980 à chaque visite sur l'île de personnalités ou de
délégations officielles. A la même époque, peu de temps après la
"grande peur" suscitée par les fouilles archéologiques du marae
Tararoa, le site jusqu'alors déserté était devenu un lieu de
pèlerinage où l'on conduisait systématiquement les visiteurs de
marque sous la houlette d'un des spécialistes locaux de la tradition
orale, haut-parleur en main.
accepter de jouer le
Face à la succession contradictoire des discours de la
modernité, comment réagiront les petites sociétés des archipels
éloignés de Polynésie française ? La pensée traditionnelle saura-telle à nouveau intégrer l'innovation, plier sans se rompre, en
déjouant les pièges de l'occidentalisation et de son double langage ?
s'agit désormais de préserver une identité. Puisse-t-elle ne
devenir une marchandise de plus.
Il
pas
Alain Babadzan
Ce texte constitue
l'épilogue du livre
"Naissance d'une tradition".
A.
Babadzan, Editions ORSTOM.
(7) Les citations
ne sont pas rares qui font honte aujourd'hui aux Polynésiens des îles
éloignées d'avoir adopté la tôle ondulée pour couvrir leurs toits ou d'avoir acquis depuis
quelques années des tronçonneuses ou des moteurs hors-bord, comme s'il s'agissait là
d'une trahison de leur propre identité.
Société des
Études Océaniennes
1378
NOTES DE LECTURE
EDWIN FERDON.
saw it. 1767-1797.
University of Arizona Press, Tucson, Arizona, 1981, 372 p., glossaire,
notes, bibl., index, illus., cartes.
Early Tahiti. As the explorers
The
L'ouvrage de Edwin Ferdon apporte
au
chercheur
en
Sciences
Humaines une somme de renseignements sur la seconde moitié du XVIIIè
siècle ; le tableau de la société polynésienne de cette époque montre bien
les structures,
qui n'avaient
qualifiées alors de primitives, de ces collectivités humaines
subi l'irréversible influence des Européens.
pas encore
Il est difficile de savoir exactement
d'alors,
au moment
ce qu'était la vie polynésienne
où Samuel Wallis abordait à Tahiti en 1767. Seule
l'observation minutieuse des
coutumes et modes de vie décrits par les
premiers navigateurs et dont on trouve des relations fort pertinentes dans
les journaux de bord de l'époque, permet de se faire une idée raisonnable
de ce que pouvait être la société tahitienne au moment même où
l'Occident venait à elle.
Il convient de noter que les officiers et les
n'étaient pas de véritables anthropologues ; ils
naturalistes embarqués
avaient certes des dons
d'observation leur permettant de discerner directement certains traits
ethnographiques et de dessiner avec réalisme ce qu'ils voyaient. Pourtant,
toute une frange culturelle leur échappait parce que, dans le domaine
linguistique, la communication verbale était difficile. La barrière de
langage ne fut franchie que dans les années 1800 lorsque les premiers
missionnaires essayèrent de pénétrer plus avant dans le domaine culturel
et tentèrent une sorte de reconstitution du passé. Leur manière de voir,
leur interprétation de la "vie indigène" était entachée d'erreurs
parce que
trop marquée par leur éducation puritaine et orientée. Seuls les récits des
premiers navigateurs, ceux qui précédèrent les missionnaires entre 1767 et
1797, donnent une bonne idée du Tahiti primitif.
Société des
Études
Océaniennes
1379
Si l'on en croit les récits de la "London Missionary Society" on se
rend compte que le prosélytisme anglo-saxon voulut gommer ce qui, dans
les premiers récits des découvreurs, était réaliste. Pour ces premiers mis¬
sionnaires, le rêve d'un "Paradis" dans le Pacifique-Sud, s'il avait jamais
existé, avait disparu bien longtemps avant que les premiers européens
prirent pied
sur
Trente
ans
les rivages de ces îles.
s'écoulèrent entre la découverte de Tahiti par
les
en 1767 et le débarquement des premiers
1797. Durant cette période assez longue, la société
missionnaires en
tahitienne subit
quelques changements, des modifications structurales peu importantes
Européens
mais
significatives.
navigateurs Tahiti était considérée, après de
agréable leur permettant un
ravitaillement en eau
frais tout en procurant aux
équipages un repos attendu. Les naturalistes embarqués, John et George
Forster, Joseph Banks, Anders Sparrman, étaient fort compétents et
désireux de tout noter avec objectivité ; d'autres, instruits à la rude école
de l'expérience, analysaient avec discernement les traits caractéristiques
d'une société inconnue jusqu'alors.
Pour de nombreux
longs jours de traversée,
comme une escale
douce et en produits
Cette
période de contact fut surtout dominée par le "troc". L'apport
domaine, objets de pacotille, et surtout le fer, modifia
certains aspects de la culture matérielle, mais le style de vie en général, la
manière de voir et le comportement religieux ne furent que très
légèrement affectés.
européen
en ce
Les
premiers navigateurs européens, à l'encontre des missionnaires,
d'efforts évidents pour forcer les Tahitiens à abandonner leur
façon de vivre.
ne
firent pas
Edwin Ferdon conduit
bord et récits de voyage
de
son
étude
ceux
en se
basant
sur
qui participèrent à
les
ces
journaux de
explorations.
La masse de documents mis à la disposition du chercheur est
importante et permet de fructueux travaux car il est inexact de dire que
ces relations ne concernent que de courtes escales durant lesquelles de
rares éléments ethnographiques de valeur ont pu être recueillis ; la somme
des jours passés à Tahiti durant cette période représenta, en tout 1014
jours, soit près de trois ans.
L'ouvrage est intéressant parce qu'il est construit à la manière du
d'Ethnographie de M. Mauss. Cette division en grands chapitres
abordant la vie quotidienne, l'aspect matériel des choses, le monde
surnaturel et la religion, la vie biologique de la naissance à la mort, les
ressources de la terre et de l'océan, facilite la lecture et permet, de ce fait,
Manuel
de mieux discerner la structure d'une Société.
Une
analyse rapide de cet ouvrage, remarquable par son contenu et
qu'il constitue une synthèse vivante de la manière de voir des
navigateurs et naturalistes de l'époque, me permet de mettre l'accent sur
certains aspects de cette société.
aussi parce
Société des
Études
Océaniennes
1380
Structure de la Société.
titi, selon la classification
Ferdon, avec ses couches sociales organisées en fonction de
droits, avantages, prérogatives et devoirs attachés aux individus selon
leur rang ou position dans la hiérarchie.
Attachement à la terre, à la personne du chef et au rôle du marae
Société de classes, ari'i, manahune,
adoptée
par
trait d'union avec le surnaturel, dans la mesure où il favorise le
divinité par le biais du tahu'a, considéré comme prêtre
mais aussi guérisseur. Le sacrifice humain est longuement évoqué mais
comme
contact avec la
imparfaitement décrit,
parce que
les premiers européens
ne
furent guère
autorisés à y assister.
La vie quotidienne permet
à Ferdon de passer en revue les modes
d'habitat, la division de travail, la préparation des repas et les modes
alimentaires, le calendrier, le rôle de la musique et des rythmes, les loisirs,
le rôle joué par le "tapa" en tant que matériau constitutif de vêtement et
surtout dans le domaine du "don". Lin paragraphe intéressant est
consacré à la décoration du tapa et à l'usage des couleurs d'origine
végétale : rouge, jaune, brun et noir. Un essai sur la symbolique de ces
couleurs, à la manière chinoise, dans la société tahitienne est trop
rapidement esquissé.
De la naissance à la mort.
L'homme
enveloppé le cycle de sa vie d'un tissu de croyances et de
techniques abortives sont bien connues et l'infanticide
pratiqué, mais doit être accompli à un moment bien déterminé. Dès sa
coutumes.
a
Les
naissance l'enfant
est
considéré
comme
sacré
et
soumis à
une
série de rites.
S'agissant d'une société hétérosexuelle, la sexualité obéit à certaines règles
concernant le mariage et ses divers aspects. On note avec surprise la
présence, vers la fin du XVIIIè siècle, dans cette société, et paraissant bien
acceptée par la collectivité, des homosexuels. George Mortimer en fait
l'observation en 1789.
La maladie joue un
rôle dans la vie de chaque jour. La question reste
nombre d'affections, de savoir si elles étaient antérieures ou
non à l'arrivée des européens. On sait que la filariose et sa manifestation
majeure et la plus spectaculaire, l'éléphantiasis, est bien antérieure aux
premiers contacts européens. Le problème de l'introduction des maladies
vénériennes, singulièrement de la syphilis semble bien lié à celui des
apports occidentaux. Parmi les affections courantes, notamment les
infections cutanées, certaines conjonctivites, une "lèpre" (dont parlent J.
Cook et J. Forster), l'ictère (mentionné par M. Rodriguez) : il est difficile
de se prononcer. Dans le domaine des affections mentales il est fait état de
phénomènes hallucinatoires dont il est délicat de préciser l'étiologie
(quelques missionnaires attribuent à la position du soleil l'apparition de
certains syndromes psychiatriques passagers ?).
posée,
pour
Mort
Selon
Bligh, Journal du second Voyage, le cadavre d'une
personne
appartenant à la classe sociale la plus basse dans la hiérarchie, était
rapidement enterré après une courte période de deuil. Cette forme de
Société des
Études
Océaniennes
1381
sépulture primaire, inhumation de cadavre entier, était la plus
en vigueur à Tahiti.
Dans les classes supérieures de la société, le cadavre était exposé sur
une civière placée en hauteur sur une sorte d'abri et y demeurait jusqu'à la
décomposition complète des chairs.
Quant aux chefs de haut rang, la période d'exposition de corps était
beaucoup plus longue, parfois supérieure à un an. Le cadavre est soumis à
une préparation particulière avant d'être exposé : éviscération et onction
cutanée par une huile de coco parfumée.
Le corps est exposé sur une construction légère surélevée, bien
protégée éontre les rats, permettant l'exposition au soleil par beau temps,
en vue de faciliter la dessication, et l'abritant par temps de pluie. Les
onctions par huile de coco étaient périodiquement entretenues ; elles
communément
maintenaient
une
certaine flexibilité
au
niveau des articulations.
Les personnes chargées de la tâche, peu enviable, de
traitement du corps d'un chef étaient regroupées dans une
suivre le
classe de
spécialistes connus sous le nom de "miri". On ne sait pas exactement si ces
spécialistes étaient chargés de l'éviscération initiale ; on pense plutôt que
cette opération était dévolue à certains "tahu'a" et que les "miri" étaient
chargés des onctions d'huile et de surveiller les périodes d'exposition au
soleil.
sexe masculin ou féminin, traitant les cadavres
qu'eux. Pendant toute la période consacrée au "traitement"
du cadavre, le "miri" acquérait un caractère sacré ; il ne pouvait toucher
aucun visiteur, même pas sa propre nourriture et devait être nourri par
Les "miri" étaient de
de même
une
sexe
tierce personne.
La dessication du corps, tout comme
la momification
sous
d'autres
latitudes, avait pour but essentiel la conservation du cadavre.
Ces restes mortels étaient, d'une certaine manière, considérés comme
attachés à la terre et, dans quelques cas, représentaient un titre hérité du
l'importance de sauver le corps complet. Le chef devait être
préservé de la décomposition, car son cadavre était considéré comme une
sorte de testament scellant les droits légaux de succession à la terre et au
défunt. D'où
titre.
En temps de guerre, la prise d'une pareille "relique" en complet état,
avait plus d'importance que la mort de l'ennemi ; celui qui arrivait à
s'emparer d'un corps ainsi desséché avait le droit de prendre le nom du
chef décédé et pouvait aussi faire valoir ses droits sur les terres qui
au défunt. C'est pour cette raison, qu'en périodes de
d'hostilités, les corps étaient emportés dans l'intérieur de l'île
appartenaient
troubles
pour y
ou
être cachés.
pratiques funéraires étaient
laps de temps, sous l'effet du
climat, lorsque les chairs desséchés se désintégraient, les ossements étaient
soit inhumés, soit incinérés. Pourtant l'incinération des restes ne semble
pas avoir été largement utilisé à Tahiti ; elle est citée en Mélanésie, en
Lors de l'arrivée des Européens ces
moins suivies. On pense qu'après un certain
Nouvelle-Zélande et à l'île de
Société des
Pâques.
Études Océaniennes
1382
Le cérémonial du deuil
en
relation
avec
la mort d'un chef de haut
était directement fonction du rang social occupé par le défunt. Le
rituel, souvent fort complexe, était conduit par les "deuilleurs" dont les
costumes étaient constitués par de nombreux éléments se recouvrant les
uns les autres et destinés à les envelopper complètement, à l'exception des
pieds. Le masque porté par le chef-deuilleur était manifestement un objet
impressionnant dont la mise en forme et l'ajustement des fragments de
coquillages nécessaires à sa décoration avaient demandé beaucoup de
temps et d'habileté. On considérait cet objet comme la quintessence de
l'artisanat tahitien. Quoique que cela ne fut pas habituel ou traditionnel,
l'extrême en matière de rituel funéraire pour un chef de haut rang, semble
rang
avoir été l'offrande d'un sacrifice humain.
Les Tahitiens d'alors laissaient s'écouler les
jours de leur vie
en
respectant les traditions séculaires de leur culture, en craignant les tabous
émanant des divinités et, de ce fait, considérés comme héritage religieux.
En règle générale, ils jouissaient tranquillement d'une existence assez
agréable jusqu'au moment de leur fin.
Bligh notait qu'il n'avait pas trouvé l'indication évidente d'une croyance
en un autre monde, mais seulement le sentiment du néant après la mort.
Les Tahitiens, cependant, avaient d'autres croyances. Ils distinguaient
deux éléments dans la vie humaine : le corps matériel ou charnel, se
desséchant avant d'être détruit ; l'esprit, se perpétuant indéfiniment.
John Forster pense qu'après la mort l'âme quitte le corps pour rôder
autour du cadavre durant quelque temps avant d'aller se fixer de manière
permanente dans une des statues en bois érigées sur les lieux de sépulture.
Selon une autre hypothèse, l'esprit a sa vie propre, formant un tout
immatériel qui, du vivant de l'individu, partage l'excitation de
vagabondages nocturnes éventuels, et en rend compte au corps charnel
par le biais des rêves. Au moment de la mort, l'esprit s'échappe du corps,
sous la forme d'un oiseau "oiseau de dieu", qui fréquente
le marae comme
messager supposé des divinités, est alors purifié et se transforme en
divinité mineure.
A.J. Wilson
qui demandait où était parti un défunt,
répondit "Haere po" ".. parti dans la nuit"..
un
vieux tahitien lui
Produits de la terre et de l'Océan.
On
connaît pas
beaucoup de régions dans le monde, même sous
tropiques, où la nature procure tout au long de l'année une riche
moisson de produits variés. Lorsque l'on parlait de famine, plutôt de
disette, en un lieu de l'île, c'était beaucoup plus la conséquence d'une
action humaine que d'un caprice de la nature.
Il faut savoir que toute action de guerre s'accompagnait de la
destruction complète des arbres, surtout de l'arbre à pain, et des cultures
ne
les
vivrières du vaincu ; cette tradition était fortement établie à Tahiti. Il en
résultait alors une pénurie temporaire. Il y avait toujours du poisson dans
la
et des
nourritures sauvages dans la montagne,
pouvait compter pour maintenir la vie pendant que de
étaient réalisés, les arbres et bananiers replantés.
mer
Société des
Études
Océaniennes
sur
lesquelles on
jardins
nouveaux
1383
On distinguait, dans l'ancien Tahiti, deux formes d'agriculture : une
agriculture sur les hauteurs et dans les vallées de l'intérieur'et une
agriculture de plaine côtière. Le tahitien n'était pas un fermier au sens
européen du terme, mais une sorte de "fermier-horticulteur". Pour les
Européens du XVIIIè siècle la conception tahitienne de "culture en
jardin" était une énigme.
Parmi les aliments d'origine animale, en premier lieu, le porc
(l'ancêtre du porc tahitien se situe quelque part en Asie du Sud-Est) puis
le chien en seconde place et le poulet.
Dans le domaine de l'océan, nombreux sont les produits comestibles.
Forster dénombre 48 espèces de poissons comestibles, Cook en détermine
150. Certains tabous freinent la consommation (ou permettent une
protection de l'espèce) ; c'est ainsi que thon, dauphin, requin, marsouin et
baleine ne peuvent être consommés par certaines catégories de personnes.
La Tortue était considérée comme sacrée et ne pouvait être consommée
que par les chefs.
mer. Il considère la surface océanique
faisant partie de son domaine. Il maîtrisait divers types
d'embarcations : en premier lieu, le plus simple, le radeau ; puis la pirogue
ou "va'a" et un navire de plus fort tonnage et de grandes dimensions ou
Le Tahitien est homme de la
comme
"pahi". Pour naviguer, deux points cardinaux marqués par le lever et le
coucher du soleil ; pour compas, l'horizon marin les circonscrivant,
visuellement divisé en 16 segments nommément désignés. Ils connaissent
le ciel et les constellations liées à ces latitudes. Ils ne pouvaient cependant,
en pleine mer, déterminer la direction et la force des courants marins.
sa
La maîtrise de la manœuvre des grandes pirogues de guerre trouvait
consécration dans le combat naval. J. Cook, en 1774 et 1777 assista
préparatifs d'une bataille navale entre Tahiti et Moorea. On sait
qu'entre l'arrivée de Wallis en 1767 et le second voyage de Bligh en 1792 il
n'y eut pas moins de huit guerres, sans compter deux révoltes mineures.
Après le combat, les biens du vaincu était détruits ; le prisonnier souvent
tué, un de ses yeux offert aux divinités, l'autre symboliquement offert au
chef de haut rang. Quant à sa mandibule après avoir été enlevée et
nettoyée, elle était suspendue dans la maison du vainqueur.
L'impact des possibles contacts antérieurs ne put être comparé à
celui créé par les navigateurs européens qui abordèrent et séjournèrent
aux
dans
ces
îles entre 1767 et 1797.
période de trente années de contacts fréquents avec
européens que les tahitiens, subjugués par ces produits nouveaux pour
eux et par des modes de vie inconnus jusqu'alors, commencèrent
insensiblement à modifier leurs comportements, au moment où ils
percevaient de nouveaux besoins et une tendance au changement.
C'est durant cette
les
adopté et fort prisé (les clous étaient préférés à tout
objet). La nourriture bouillie (viande cuite dans un récipient en fer)
fut une découverte, comparée à leurs modes de cuisson, mais la viande
cuite de cette manière n'était pas conforme à leurs goûts culinaires.
Le fer fut aussitôt
autre
Société des
Études
Océaniennes
1384
ces trente années, l'apport du fer et des textiles fut capital ;
produits furent intégrés à la culture des insulaires à un point tel
qu'ils en auraient énormément souffert si, brusquement, les vaisseaux
étrangers avaient mis fin à leurs voyages dans le Pacifique.
Les navigateurs européens essayaient d'acclimater de nouveaux
Durant
ces
deux
fruits à Tahiti. De nombreux essais furent tentés, non seulement avec les
agrumes,
mais
avec
d'autres fruits, pêche,
prune,
cerise, qui
ne
poussèrent
jamais.
L'ananas, originaire d'Amérique tropical, fut introduit par J. Cook
en
1769 ; d'autres
un
total de 15
plants furent apportés en 1788 par Bligh. En 1797, sur
espèces de fruits introduites à Tahiti, seul l'ananas était une
réussite.
Bougainville, dès 1768, avait tenté d'acclimater des céréales. Le fait
bien accueilli, présuppose que les Tahitiens avaient
de le consommer.
Bligh observateur plein de finesse et très amateur de fleurs, apporta
que seul le maïs fut
découvert le moyen
des
semences
de
roses
en
1788 et
en
1792 l'aloès.
La culture
européenne, par le biais du contact direct, fut le primum
changement.
En 1797, le "Duff' apportait avec lui de nouvelles semences, celles
d'un ethnocentrisme qui par sa partialité et ses aspects protecteurs
enveloppa Tahiti dans un emballage humanitaire bien ordonné qui aurait
pu porter l'étiquette "Protestantisme du XVIIIè siècle". Les missionnaires
furent les premiers apportant avec eux à l'île de Tahiti un changement
culturel forcé. Ils savaient, eux, ce qui était juste et bon pour les Tahitiens.
Ainsi naquit à Tahiti un processus d'acculturation par lequel les
insulaires en modifiant leurs comportements culturels furent progressi¬
vement limités dans leur liberté de choix ; une force croissante les poussait
vers de nouveaux, et souvent non
intégrés, modèles de styles de vie
européens.
Les "Faites et ne Faites pas" du protestantisme du XVIIIè siècle
furent ensuite remplacés, ou confortés, par ceux du catholicisme.
movens
du
H. Carlos
MANFRED KELKEL
A la découverte de la
Musique Polynésienne.
Publications Orientalistes de France. 150 p,
bibl., ill.
Livre précieux car aucune étude globale de la musique traditionnelle
polynésienne n'existe. Après un chapitre consacré à l'histoire et à la
géographie de la Polynésie, l'auteur passe en revue les instruments de
musique, puis les différents genres musicaux et traite successivement du
phénomène d'acculturation, des rythmes, du problème des micro¬
intervalles ainsi que du rôle des consonances fondamentales et des
échelles mélodiques dans la musique traditionnelle. Cette étude s'attache
Société des
Études
Océaniennes
1385
point des "bribes d'informations" dont nous disposons malgré
en grande partie de l'étude d'"une musique morte" qu'il
s'agira et non point d'une musique vivante comme l'est encore le
à faire le
tout.
C'est donc
"folklore" de certaines tribus africaines.
Parmi les instruments à vent, on trouve les flutes droites ou
traversières, les flutes de Pan, les sifflets et surtout les trompes, dont le
type le plus répandu et le plus ancien était la trompe en coquillage. En
étudiant mythes et légendes on peut affirmer que les conques marines
servaient avant tout d'instrument de signalisation.
Toute l'Océanie est très pauvre en instruments à cordes, on ne peut
guère citer que l'arc musical polynésien, petite harpe rudimentaire ; par
contre les instruments de percussion étaient nombreux. La présence de
différents tambours avec membrane en peau de requin est attestée dans
toute la Polynésie, exception faite de l'île de Pâques. Les tambours étaient
courts et bombés, ou étroits et longs, jusqu'à 2,50 m de hauteur, ce qui
forçait le musicien à monter sur un piédestal. On battait les tambours
généralement avec les mains, et parfois avec des baguettes.
Parmi les instruments idiophones, il faut citer le ka'éké'éké hawaïen,
gros bâton de rythme en bambou creux qu'on faisait résonner en
pilonnant le sol.
Polynésien, les chants étaient inséparables de la poésie : il ne
de poésie "récitée" dans le sens où nous l'entendons,
phénomène qui semble commun aux cultures anciennes.
Pour le
connaissait pas
Si l'on peut toujours distinguer les chants et les danses par leurs
fonctions funéraires, totémiques ou de travail, il n'y a pratiquement pas
de chanson "isolée" ni de frontière définie entre les danses et les chants.
polynésienne est toujours accompagnée de chant ou elle est, au
en musique, tandis qu'une quantité de chants polynésiens
se trouvent accompagnés de mouvements rythmiques du torse ou du
ventre. Vouloir distinguer entre musique instrumentale et musique vocale
est un leurre puisque les Polynésiens n'avaient pratiquement pas de
musique instrumentale proprement dite.
La danse polynésienne fut un moyen d'appréhender le monde
surnaturel, mais elle avait aussi une fonction sociale, et pour l'auteur la
fonction rituelle de ces danses érotiques était manifestement d'ordre
social : il s'agissait sans doute d'amener la fécondité pour peupler un atoll
ou une île déserte. D'une manière générale cependant la danse érotique ne
représente qu'une particularité des danses à fonctions sociales, et malgré
l'accent mis par les Européens déracinés, sur les danses érotiques, les*
danses guerrières telles que les Haka maories ou les Kailaos tonganes
étaient sans doute aussi primordiales pour la société polynésienne où les
guerres tribales étaient incessantes.
La danse
moins, mimée
musique, délectation du son en lui-même, en
signification que lui donne les textes exprimant par ces
"longues et abondantes tenues qui se répètent et qui s'éternisent" voilà un
trait marquant de la musique traditionnelle qui fut vocale avant tout.
Cette délectation de la voix s'accompagne d'une recherche de timbres
Plaisir de faire de la
dehors de toute
Société des
Études
Océaniennes
1386
fréquemment dans les civilisations extra¬
européennes.
De ce fait, on a souvent qualifié le timbre des voix polynésiennes de
"cassant et aigre, les voix de femmes évoluant volontiers dans le registre
du fausset. Les hommes aussi tantôt se font de petites voix de fausset,
tantôt produisent des sons caverneux et imitent le son grave des
tambours. Cette recherche de timbres inouïs s'exprime encore par
l'emploi systématique d'expirations brusques, de sons produits en
gonflant les joues, de coups d'haleine, de râles, sanglots et gémissements,
d'aspirations violentes et gutturales, par une espèce de sifflement, des
soupirs gutturaux et des cris rauques, des grognements sourds et
saccadés, la bouche fermée.
La polyphonie vocale était accompagnée de tuilage (overlapping)
c'est-à-dire polyphonie produite par le chevauchement des couplets et
refrains d'un chant. Il semblerait que le tuilage dans la musique
occidentale soit une conséquence due à la négligence ou à l'impatience des
chanteurs. L'archevêque de Rouen, Odon Rigaud voyait déjà au XlIIème
siècle l'origine du tuilage dans des négligences coupables et notait que le
phénomène se produit lorsque "le second chœur attaque le commen¬
cement d'un verset, avant que le premier ait achevé la récitation du sien".
L'impatience pourrait bien être également la source du tuilage dans la
musique polynésienne. Enfin, le tuilage serait à son tour l'origine du
bourdon, cette caractéristique si fréquente dans la musique traditionnelle,
et même dans les genres les plus récents tels que les himenes, où de
longues tenues de notes durant parfois tout un chant, sont légion.
Les Polynésiens, ignorant la division de l'octave, semblent avoir
développé leur système vocal de manière empirique, en partant du
récitatif parlé-chanté et du recto-tono, donc d'une note centrale unique
autour de laquelle la voix oscillait et produisait des sons indéterminés
pour aboutir par glissement continu au remplissage du cadre intervallique
préféré : l'intervalle de tierce.
Les hyménés peuvent-ils être considérés comme faisant partie de la
musique traditionnelle, ou bien s'agit-il d'un sous-produit hybride
d'inspiration euro-américaine ? En fait, les hyménés constituent un genre
à part qui n'est ni traditionnel ni tout à fait polynésien et qui s'est
développé en Polynésie centrale à partir de 1815 environ. Ce genre
hybride est formé d'éléments mélodiques et harmoniques empruntés aux
hymnes et psaumes chrétiens ou au Folk-song euro-américain, bien qu'on
y trouve aussi quelques éléments typiquement polynésiens tels que la
prédilection pour les accords parfaits majeurs, l'originalité rythmique de
certains schémas mélodiques ou de bourdon fleuri, inspirés par l'imitation
des rythmes des tambours.
inhabituels qu'on rencontre
Une bonne bibliographie, des exemples musicaux et quelques
illustrations complètent ce travail original et fort instructif.
P. M.
Société des
Études
Océaniennes
1387
COMPTE-RENDU
A. BABADZAN
Changement culturel et syncré¬
religieux aux Iles Australes (Polynésie Française).
Naissance d'une tradition.
tisme
Travaux et Documents de l'ORSTOM n° 154, Paris 1982, 313 p.,
bibl.
départ du livre d'A. Babadzan, un constat : plus d'un siècle et
après la conversion brutale et massive des Polynésiens, subsistent
encore dans le monde rural des "croyances et des pratiques non
orthodoxes" au regard du christianisme. Qui, en effet, en Polynésie
Française, n'a pas entendu parler de ces tupapa'u dont tous les habitants
du Territoire, hormis les Européens et les "Demis" les plus accultérés
vivant en milieu urbain, se protègent la nuit en laissant allumée une lampe
à pétrole ? Qui n'a pas lu de temps à autre dans la presse locale le compterendu d'une profanation de sépulture ?
Pour le "sens commun local", il s'agit de "superstitions" dont la
"survivance" permet de douter, sinon de la sincérité, du moins de la
profondeur de la foi des Polynésiens, point de vue qui peut être
vigoureusement contesté par tous ceux qui en font des "chrétiens
modèles". L'intelligentsia locale, quant à elle, ne doute pas que ces faits, à
l'instar de certaines coutumes et traditions qui paraissent préservées de
toute "pollution" étrangère, ne soient des témoignages de l'ancienne
culture. Les ethnologues spécialistes de la Polynésie, à de rares exceptions
près (Firth à Tikopia et Lévy aux Iles sous le Vent notamment), ne se sont
guère intéressés à ces phénomènes, nous dit A. Babadzan, pas plus qu'ils
n'ont vraiment abordé la question du syncrétisme qui, du point de vue
anthropologique, est fondamentale si on veut comprendre comment les
sociétés acculturées ont assumé le changement culturel provoqué par le
Au
demi
contact.
Société des
Études Océaniennes
1388
Le propos de l'auteur dans ce livre est précisément de prendre en
compte le mouvement de l'histoire, de le restituer, pour aller au-delà de
certaines apparences, pour montrer que les Polynésiens, dans une certaine
phase acculturative dite "traditionnelle"- elle démarre avec la conversion
mais risque de s'achever avec l'irruption, depuis vingt ans, de la modernité
ont su, autant que faire se peut, rester eux-mêmes tout en changeant,
c'est-à-dire élaborer une "nouvelle tradition", construire par le biais de
tout un travail de syncrétisation, un système unique et cohérent de
représentations qui traduit un "compromis", un "lourd compromis" entre
les visions païenne et chrétienne du "monde non matériel".
La démonstration d'Alain Babadzan me paraît d'autant plus
convaincante qu'elle repose sur une riche information recueillie pour
l'essentiel aux Australes et notamment à Rurutu, une information
toujours éclairée par une pensée novatrice qui se nourrit d'une parfaite
maîtrise de la langue et d'une connaissance étendue de la littérature
ethnologique toujours passée au crible d'une critique constructive.
Dans la première partie de son travail, l'auteur nous montre que les
"croyances et pratiques non officielles" ont pour "points d'ancrage" des
"entités surnaturelles", les tupapa'u "esprits des morts récents" et les
redoutables varua 'ino qui sont des "ancêtres accomplis", certains "sites",
tels ceux qui portent les ruines des marae païens, certains "objets" de
pierre comme les ti'i qui sont les effigies des divinités de l'ancienne
religion. Tous font l'objet, en raison des interdits (tapu) qui les entourent,
de procédures systématiques et très standardisées d'évitement (pour les
marae), d'éloignement pour les tupapa'u ou même d'interventions plus
radicales pouvant prendre la forme d'un véritable "meurtre rituel" quand
il s'agit de "tuer" un ti'i malfaisant ou d'empêcher la "métamorphose"
d'un mort en un varua 'ino qui reviendra menacer les vivants. Dans les cas
particulièrement graves, l'intervention d'un spécialiste (tahu'apifa'o) doté
d'un mana puissant et menaçant - il peut être utilisé en sorcellerie - peut se
révéler nécessaire pour détecter le danger ou prescrire les actions à
entreprendre.
Dans tous ces comportements, ce qui est en cause, c'est un certain
rapport à la mort, au destin de l'homme après la mort, aux "créatures" de
l'au-delà qui est pensé et vécu dans la crainte, avec un lourd sentiment de
culpabilité car il est inséparable de la "survie" (ora) d'un passé païen qui
continue à se manifester concrètement et négativement (toute trans¬
gression est accompagnée de sanctions surnaturelles) et à s'incarner dans
certains vestiges matériels qui n'ont pas été "tués" (poke) et "neutralisés"
(noa) au moment des destructions et des autodafés de la conversion.
Ces croyances et ces pratiques non officielles sont donc les lieux d'un
conflit, qui peut être mortel, entre le monde des vivants éclairé par la
lumière divine (ao) et le monde des morts et de l'obscurité associé à tout
un
passé païen (po) dont la survie est attestée par l'expérience. Ce conflit,
à travers l'existence de certaines paires de concepts opposés (ao-po, orapohe, tapu-noa) est essentiellement pensé et vécu en termes polynésien ce
qui n'empêche pas certains faits de croyance d'être porteurs d'une
ambiguité "troublante" qui traduit tout un travail de syncrétisation qui
-
Société des
Études
Océaniennes
1389
opère dès les lendemains de la conversion. L'auteur nous le montre
il éclaire la signification du terme varua 'ino (p. 52),
quand il décrypte le mythe du ti'i A'a (p. 96), quand il décrit les
manifestations qui accompagnent la métamorphose des morts (p. 74).
clairement quand
Pour éclairer ces remarques qui procèdent, selon sa formule, d'un
"inventaire raisonné", A. Babadzan, dans la seconde partie de son travail
consacrée aux "concepts et représentations anciennes" (pp. 123-182),
s'emploie à nous montrer, qu'autrefois toute la vision du monde non
matériel s'organisait autour de deux notions qui s'opposent et se
complètent, le ao et le po, qui rendent compte de la genèse des "créatures"
(dieux du Panthéon, ancêtres divinisés, humains) et, dans la synchronie,
de la hiérarchie qu'elles occupent dans l'ordre du monde, et des relations
qu'elles entretiennent du fait de cet ordre. Celui-ci oppose rigoureusement
le ao, monde des vivants apparu avec le premier homme, au po, monde
des origines, de l'obscurité, peuplé de créatures, les dieux et les ex¬
humains ancêtres divinisés, tous entourés de rigoureux tapu. Il n'y a pas
toutefois de barrière infranchissable
hommes,
serait-ce
entre ces deux mondes car les
à bien leurs entreprises, ont besoin
ce qui ne peut être fait que par la
médiation de prêtres dotés de mana et à condition, sous peine de
sanctions surnaturelles, que les tapu qui entourent les créatures de l'audelà soient respectés dans les rituels par une très stricte observance. Il n'y
a pas non plus de barrière infranchissable,
parce que les hommes qui, lors
de leur existence terrestre, appartiennent au ao, n'en viennent pas moins
du po en sortant de la matrice de la femme et ils y retournent à leur mort
pour accéder au statut d'ancêtre divinisé, si tout se passe bien. La destinée
de l'homme est donc conçue comme une série de "passages" qui sont
ne
de rentrer
en
que pour mener
contact avec les
divinités,
strictement ritualisés.
Toute cette
analyse ne permet pas seulement à l'auteur de montrer
"pensée polynésienne est à l'œuvre dans les croyances et les
pratiques (actuelles) non officielles" ; elle lui permet aussi d'éclairer la
façon dont la foi chrétienne est aujourd'hui pensée et vécue par les
Polynésiens : "Croire en Dieu dans la relation ti'aturi, c'est s'engager en
passant un contract avec Lui ; Dieu est censé apporter sa protection en
échange d'un comportement formel et d'observances rituelles", ce qui
implique l'acceptation de sanctions en cas de rupture du contrat. Qui
pourrait nier par ailleurs que le Pasteur qui est le médiateur entre Dieu et
la communauté paroissiale n'est pas doté de mana à l'instar des sacerdotes
comment la
païens.
C'est donc un même système de pensée organisé autour de deux
notions antagonistes et complémentaires, un système de pensée exprimé
dans une langue qui n'est ni un "pidgin" (comme en Mélanésie), ni la
langue du colonisateur, qui continue à structurer en profondeur les
représentations, qu'elles soient officielles ou non, ce qui ne veut
évidemment pas dire que ces représentations, du fait de la conversion et
du processus de syncrétisation qu'elle a entraîné, n'aient pas, A.
Babadzan le démontre dans la troisième partie de son livre (pp. 184-265)
Société des
Études
Océaniennes
1390
changé de significations, en relation obligée avec une reformulation
syncrétique préalable de la vision du monde : les chrétiens vivants, avec le
vrai Dieu, il s'agit là de l'innovation fondamentale, appartiennent
désormais au ao, tandis que le po, tout en demeurant peuplé des
divinités païennes, est défini comme le domaine des morts, mais de tous
les morts, chrétiens et païens confondus, ainsi que des figures surna¬
turelles non reconnues par la religion officielle. Les Polynésiens croient
donc sincèrement au vrai Dieu qui leur a été imposé au moment de la
conversion mais la relation qu'ils entretiennent avec Lui ressemble
étrangement au rapport que leurs ancêtres pouvaient avoir avec leurs
atua ; leur foi ne les empêche pas pour autant d'avoir de la destinée de
l'homme après la mort et du rapport aux créatures de l'au-delà des idées
qui ne sont pas très orthodoxes, même si certains concepts et certaines
pratiques, l'auteur l'a signalé dans la première partie de son travail, ont
d'étranges résonances bibliques.
Toutes ces représentations syncrétiques qui se mettent en place
après la conversion et en tant que conséquences de la dite conversion, ne
sont en rien le produit de la "juxtaposition", de "l'addition" de traits
spécifiques appartenant aux deux religions, la chrétienne et la païenne.
Elles sont plutôt le fruit de leur "fusion", d'un "compromis acceptable
pour les Polynésiens" : l'habileté des missionnaires a été d'imposer le
christianisme sans remettre en cause ce qui procédait de l'expérience, à
savoir les "entités issues de l'humain" (esprits des morts, ancêtres). Ce
compromis n'en a pas moins été fort "lourd" car ces croyances ne pouvant
trouver leur place dans le cadre de la religion officielle qui ne saurait
admettre que l'on puisse croire à la fois à Dieu et aux ancêtres, ont été
rejetées dans le monde chargé de négativité du po qui renvoie au
passé païen. "Tristes tropiques", souligne fort justement A. Babadzan.
Il s'en faut pourtant de beaucoup que ce rapport au passé soit
exclusivement négatif et, tout comme le syncrétisme dont il est
l'expression, il est chargé d'ambiguité. Le passé n'est-il pas assimilé dans
le discours populaire à l'"Age d'or" ? Certes, les ancêtres étaient
d'abominables cannibales, mais n'avaient-ils pas l'excuse de ne pas être
éclairés par l'Evangile ? Peut-on par ailleurs répudier ceux dont on a
hérité les terres, les coutumes, la technologie ?
Le livre d'A. Babadzan se termine sur un certain nombre de
considérations théoriques relatives à la nature du syncrétisme et portant
le concept
de tradition. Nul doute qu'il y ait là tout un ensemble de
qui témoignent de l'apport novateur de la réflexion de
l'auteur et attestent sa capacité, assez exceptionnelle, de penser la réalité
sans jamais
perdre de vue les faits corrects. Nous sommes aussi loin du
catalogue de connaissance que de toute cette pesante littérature où
l'information vient se ranger dans les catégories stéréotypées du "prêt-àpenser".
sur
vues
nouvelles
Les habitants du Territoire de la Polynésie Française doivent
absolument lire ce livre ; à un moment où bon nombre d'entre eux sont à
Société des
Études
Océaniennes
1391
la recherche d'une "identité" bien difficile à
matière à réflexion.
en
définir, ils
y trouveront
ample
Les autres, tous les autres, pas seulement les
ethnologues, pourront
tirer le plus grand profit. A. Babadzan nous rappelle ce que l'on a trop
tendance à oublier
aujourd'hui, surtout en ces temps de crise où
que jamais roi à savoir que "les conceptions de la
naissance, de la maladie et de la mort, du rapport à l'au-delà, au
surnaturel et aux interdits sont des points vitaux dans toute culture". Au
moment où le syncrétisme étudié par lui, qui représente "un certain état
d'équilibre du système de croyances mis en place à la suite d'une première
vague acculturative", paraît singulièrement menacé en Polynésie
Française par "l'irruption d'une modernité" placée essentiellement sous le
signe de l'argent et de la marchandise, ces quelques vérités devaient être
rappelées.
Un souhait pour terminer : qu'A. Babadzan très vite puisse avoir
l'occasion et la possibilité de nous donner un autre livre qui donne autant
l'économique est plus
à penser.
François Ravault
BESLU, CHRISTIAN.
La Philatélie à Tahiti.
Tahiti, Publico Editions (B.P. 5040), 1981. 316 p., ill. en noiretcoul., carte,
bibl., 28 cm.
L'auteur, collectionneur impénitent, installé à Tahiti depuis une
quinzaine d'années, s'est tout naturellement orienté vers les éléments
typiques du pays : gravures anciennes, cartes postales, billets de banque et
timbres-poste. La réunion des documents nécessaires à la composition de
cet ouvrage lui a demandé plus de trois ans de travail.
Ce livre constitue une étude exhaustive sur la philatélie locale depuis
les premiers timbres mis officiellement en circulation en 1862 qui étaient,
comme pour toutes les colonies françaises, du type "Aigle". Ils furent
vendus à Papeete jusqu'en 1870. Antérieurement, quelques timbres
métropolitains "émissions de 1849-1850" arrivèrent à Papeete et furent
utilisés pour l'affranchissement. Mais ces vignettes sont naturellement
très
rares.
En
colonies
1882, la surcharge "Tahiti" se rencontre sur des timbres des
générales. Par manque de timbres, on voit parfois diverses
surcharges dont les variétés font la joie des collectionneurs. En 1892,
apparaissent les premiers timbres-poste portant, dans le cartouche, sur
deux lignes, la légende "Etablissements de l'Océanie".
L'auteur nous rapporte la fameuse spéculation qui porta en 1915 sur
des timbres surchargés au profit de la Croix-Rouge et ses diverses
variétés.
Société des
Études
Océaniennes
1392
Puis, nous voyons apparaître, en 1934, les premiers timbres "avion".
Ensuite, ceux de l'exposition internationale de 1937 pour arriver, en
1941, aux timbres surchargés de "La France libre" ; avec des timbres
"Victoire" à fausse surcharge.
Signalons les éditions spéciales du gouvernement en exil à Londres,
les éditions de Vichy, 1941-1944.
La série dont les dessins sont du
grand artiste de Tahiti, Jacques
Boullaire, voit le jour en 1948. Ces timbres portent toujours la mention
"Etablissements français de l'Océanie" et ils seront utilisés jusqu'à ceux
mentionnant
"Polynésie Française"
en
novembre 1958.
Un
chapitre du livre est consacré aux "Premiers Jours" de la
Polynésie Française. Les collectionneurs savent bien que rien n'a plus
d'intérêt qu'un "Premier Jour" ayant circulé. Le premier cachet "Premier
Jour" fut apposé le 24 septembre 1953 sur le timbre de Gauguin. Depuis
cette date, toute sortie de timbre comporte une enveloppe philatélique
"Premier Jour". On en compte aujourd'hui 305. Les enveloppes "Premier
Jour" reproduites sont un peu réduites : 16,5 x 9,2.
Sept pages en couleurs nous apportent un panorama de tous les
timbres émis en Polynésie de 1981. Les timbres "taxes" sont également
étudiés ainsi que les "timbres de service", les "entiers postaux" et les
"aérogrammes".
Les vols expérimentaux et inauguraux du courrier par avion ont
donné lieu, de 1944 à 1977, à l'émission de nombreuses enveloppes ou de
cartes souvenirs émises la plupart du temps par les compagnies effectuant
les vols ; et bien peu furent vraiment apposés par l'Office des Postes.
Des pages sont consacrées aux bureaux et cachets de Tahiti, des Iles
Sous-le-Vent, des Tuamotu (y compris Makatea), des Marquises, des
Gambier
et des
Australes.
Deux pages sont consacrées aux flammes postales ainsi
de la plonge et au bureau temporaire et flottant de la
qu'au service
plonge, aux
Tuamotu, ainsi qu'à la poste navale, au temps du C.E.P.
Dans
ce livre, notre ami, Bengt Danielsson, déclare : "On ne connaît
image de ce roi que celle qui est reproduite", ceci à propos des
Pomare p. 196. Je possède un portrait de Pomare 1er conservé à La Royal
Anthropolical Society sous le n° 6610.744 ; elle représente un visage
différent du roi, un peu plus âgé.
d'autre
Cet
album, qui a été composé par Polytram et maquetté par
Madame
Médus-Deligny fait le plus grand honneur à son auteur, à ses
imprimeurs et fera la joie de tous les collectionneurs et amateurs
s'intéressant à la philatélie à Tahiti.
Patrick O'Reilly
Société des
Études
Océaniennes
1393
MÈRE MARIE-CÉCILE DE MIJOLLA.
Les pionnières maristes en Océanie. Aux origines
missionnaires de la Société de Marie. 1845-1931.
Rome. Sœurs Missionnaires delaSociétédeMarie. 1980.
sim., portr., carte, bibl., 21
des sœurs
299p., ill. h.-t., fac
cm.
11 ne s'agit pas, nous avertit la préface du livre, d'une "histoire totale"
origines des Sœurs Missionnaires Maristes, non plus qu'une
évocation de la vie quotidienne des sœurs et de leur apostolat. Ce que le
lecteur trouvera dans cet ouvrage, c'est "la reconstitution extrêmement
patiente et solide des événements qui ont conduit du départ en 1845 d'une
pionnière, la lyonnaise Françoise Perroton, en Océanie, jusqu'à
l'approbation en 1931 d'une congrégation missionnaire de droit
pontifical. Avec une trace de l'effort constant des pionnières pour garder
leur vérité aux divers éléments essentiels de leur vocation et maintenir, à
travers les difficultés quotidiennes de l'existence des îles, une vie
réellement missionnaire". Par ailleurs, les aspects dynamiques de la vie
chrétienne à Lyon au début du XIXème siècle sont bien marqués. Une
grande et belle page de l'histoire religieuse du Pacifique qui nous permet
de mieux connaître cette épopée féminine qui fait honneur à la France
des
missionnaire.
P. O'Reilly
PETER BELLWOOD.
Les
Polynésiens.
Archéologie
et
Histoire d'un peuple
insulaire.
Editions du Pacifique. Papeete 1983. Trad, de l'anglais, bibl., index, ill.,
165 p.
Il n'est pas
largement connu
les classiques.
nécessaire de présenter cet ouvrage fondamental,
langue anglaise, car son succès l'a déjà rangé parmi
en
Il faut féliciter les Editions du Pacifique de l'avoir mis, avec une
présentation de qualité, à la disposition des francophones.
Cet ouvrage de base, qui dresse le bilan de nos connaissances, sans
masquer les zones d'ombre qui estompent encore le passé polynésien,
mérite à coup sûr, le label "doit figurer dans toute bibliothèque
océanienne".
P.M.
Société des
Études
Océaniennes
1394
J.L. DUCHER.
Tahiti, mythes et paradoxes.
Mémoire pour l'obtention du C.E.S. de psychiatrie,
de Clermont I, Faculté de Médecine, 88 p.
année 1981, Université
choisi de traiter "à chaud"
un sujet touchant Tahiti, juste à
pairs, pour, dit-il, apaiser la force de l'attrait qu'a
exercé sur lui son séjour en Polynésie. Pour ce faire, et correspondre à ce
que demande la Faculté pour la soutenance d'un tel mémoire, il fait une
revue générale des derniers travaux touchant la psychopathologie en
Polynésie. Il le fait avec fidélité en y mettant tout son cœur et en ajoutant
quelques éléments chiffrés glanés dans les Institutions de Papeete,
conscient de l'insuffisance méthodologique de son approche épidémiologique. Après avoir campé le décor en rappelant la situation
géographique de la Polynésie Française, il fait un chapitre sur les origines
et la nécessité du mythe de Tahiti en citant les auteurs les plus fameux qui
l'ont créé et nourri. Une approche de la Société Polynésienne l'amène
ensuite à aborder 3 sujets qui sont au cœur même de ce mythe : l'enfant, la
vahine et le concept de "tabu" avec ses rapports avec les religions
révélées. L'auteur envisage plus loin de manière classique la psychopa¬
thologie polynésienne : différents tableaux illustrant la nosographie et la
morbidité n'ont qu'un intérêt indicatif mais montrent bien l'importance
globale des problèmes psychiatriques. Les propositions concernant la
prévention primaire faites à Tahiti en 1976 par le symposium de
l'Association Mondiale de Psychiatrie sont rappelées. Dans deux
chapitres sur l'alcoolisme et les problèmes de drogue en Polynésie,
l'accent est mis sur l'aspect culturel avec une partie originale et bien
observée concernant les champignons hallucinogènes. Vient ensuite
l'étude de la dépression de l'humeur en Polynésie. Bien que d'expression
et d'étiopathogénie différente, le nombre des dépressions surprend dans
les deux ethnies et semble bien paradoxal dans le paradis mythique de la
joie de vivre. Le Docteur J.L. Ducher fait pour terminer une approche de
la personnalité polynésienne en y incluant l'état particulier et difficile à
définir appelé "fiu". Dans sa conclusion, il analyse conjointement le
spleen de Baudelaire et le "fiu" en laissant entrevoir une possible
apparition en Occident d'états pouvant s'apparenter au "fiu" tahitien à la
L'auteur
son
retour
a
parmi
ses
faveur de modifications éducatives.
L'ouvrage du Docteur J.L. Ducher est donc particulièrement dense ;
agréable à lire et on ne peut qu'en conseiller la lecture à ceux qui
s'intéressent à la psychopathologie ou simplement aux aspects socio¬
culturels de la Polynésie.
il est
G. JOUFFE
Société des
Études
Océaniennes
1395
CATHERINE ORLIAC.
Matériaux pour
l'étude des habitations protohistoriques à
Tahiti.
Thèse de 3°
cycle. Ethnologie préhistorique, Université de Paris I. Bibl., ill.
Lexique. 317 p.
L'objectif de ce travail était de déterminer dans quelle mesure les
ethnohistoriques pouvaient aider les archéologues dans
l'interprétation des vestiges découverts lors des fouilles de sites d'habitat.
L'étude des récits des premiers Européens parvenus à Tahiti à la fin
du XVIIIème siècle (Wallis, Cook, etc), des écrits des missionnaires, des
recueils de tradition orale et des ouvrages ethnographiques a permis de
donner la première description critique d'une quarantaine de "fare"
(maisons) et de "fata" (constructions provisoires en bois) de la période
protohistorique (période précédant immédiatement l'arrivée des
Européens dans l'île). Ces divers édifices ont été étudiés dans le contexte
de leur utilisation et du rang social de leur propriétaire.
documents
La confrontation des résultats de cette étude ethnohistorique avec les
observations issues des fouilles d'habitations datant du XVIIIème siècle
à Tahiti et Moorea a fait apparaître la gratuité des interprétations
naguère proposées, basées sur une connaissance superficielle des textes et
incomplètes. L'interprétation sociale et fonctionnelle des
édifices mis au jour reste néanmoins possible par l'étude topographique
du site d'habitat, la forme et la dimension de l'infrastructure des édifices,
la localisation et la morphologie des structures de combustion, l'étude des
témoins de combustion, des vestiges alimentaires et du mobilier.
des fouilles
fragmentaire des documents ethnohistoriques
qu'une image assez floue des habitations protohistoriques ;
l'archéologie permettra de brosser un tableau plus fidèle de l'époque la
plus récente de l'histoire de Tahiti.
Le caractère sélectif et
ne
donne
Cette thèse
remarquable qui
originale, abondamment illustrée constitue un travail
a valu à son auteur les félicitations du jury.
P.M.
P. HODÉE.
"Tahiti 1834-1984 - 150 ans de vie chrétienne en Eglise".
Edit. St. Paul. Paris-Fribourg. Archevêché de Papeete. 700 p., ill. bibl.,
cartes, index.
Une
œuvre
catholique
en
monumentale consacrée à l'histoire de la Mission
Polynésie Française de 1834 à 1984.
La
première partie, Terres minuscules, mer immense, peuples
dispersés, brosse en 70 pages un condensé d'histoire et géographie, qui
débouche sur le mélange des races et le choc des cultures, c'est-à-dire le
contexte
humain.
Société des
Études
Océaniennes
1396
La deuxième
partie, Appel des îles lointaines, développe l'évangélichrétiennes, puis apparaît
sation protestante et des autres communautés
la Mission catholique en Océanie Orientale.
Le chapitre Puissance de l'Eucharistie au cœur de l'Océanie traite
plus particulièrement de la vie chrétienne en Polynésie, de l'évangélisation, des bâtisseurs d'églises et de la vie matérielle avant d'examiner les
rapports entre l'Etat et l'Eglise, qui n'ont jamais été simples. Les conflits
parfois violents, y furent fréquents. Paragraphe délicat où l'intelligence de
l'auteur nous fait comprendre les éléments de ces rapports difficiles et
permet de mieux cerner les motivations des divers protagonistes.
La dernière
de
l'Eglise
monde
en
au
partie, Peuple en marche dans l'espérance, évoque la vie
service d'une nouvelle Polynésie qui se cherche dans un
crise radicale.
Un
chapitre original est celui des repères chronologiques qui donne
les concordances entre les dates historiques de l'histoire générale, de
l'histoire de France, de l'histoire de Polynésie, de l'Eglise catholique en
Polynésie Française, des Eglises issues de la Réforme, et de l'histoire de
l'Eglise.
Cet ouvrage
de grande importance aura certainement un succès
renseignements précis qu'il apporte aux catholiques et à
leurs responsables, il raconte de façon vivante l'histoire de la Polynésie,
établie souvent sur des documents de première main.
Il deviendra un ouvrage de références fort utile car il. rassemble de
nombreuses données généralement dispersées. Le livre vient de paraître et
nous publierons dans un prochain
bulletin des articles critiques.
mérité ; outre les
P. M
PIERRE-YVES TOULLELAN.
La France en Polynésie Orientale (1870-1914).
Thèse de lllème cycle. Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne). 1983.
dacty. 665 p.
L'auteur estime que le XIXème siècle en Polynésie Orientale, c'est
d'abord l'action de la France et il examine les causes, les conséquences et
les limites de cette action.
Pourquoi et comment la France s'implanta-t-elle en Océanie ? C'est
première partie, "Le Choc des Impérialismes".
Dominé dès le début du siècle par la Grande-Bretagne, le Pacifique
est délaissé par les autres nations. Seule la France entend concurrencer sa
puissante rivale. C'est la politique des points d'appui.
La France s'assure le contrôle d'un
sous-espace : ce sont les
Etablissements Français d'Océanie. Elle le fit avec lenteur, difficultés,
sans plan
d'ensemble, et accumula les maladresses.
le thème de la
Société des
Études
Océaniennes
1397
Pourtant elle s'octroya cinq archipels formant un bloc compact dans
l'est du Pacifique, alors qu'en Mélanésie, la prise de
possession de la
Nouvelle-Calédonie et, dans une certaine mesure celle des Nouvelles-
Hébrides, affirmèrent
sa
volonté de présence dans le "Grand Océan".
Mais il serait vain de rechercher
une politique cohérente et soutenue
la Métropole. L'action de la France en Océanie, ce fut, par
conséquent, l'action de la poignée d'hommes qui la représente.
par
Dans
seconde
partie, "L'Administration coloniale des E.F.O.",
poignée d'hommes qui forment l'adminis¬
Laissés le plus souvent sans directives, ce furent eux qui
légiférèrent, administrèrent et tentèrent, de leur propre initiative, de
une
l'auteur a voulu
tration du pays.
mettre
en
cerner cette
valeur la colonie.
La Marine
écartée, non sans heurts, des gouverneurs civils prennent
main les destinées du pays. Ils ont tous les pouvoirs. Mais
l'absentéisme est la règle. Rarement colonial de vocation ou de métier, le
en
des E.F.O. s'avère un personnage sans ambition, ni
pays, isolé, il n'a guère les moyens de connaître et de
son domaine si
éparpillé.
gouverneur
originalité. Coupé du
contrôler
Pourtant il peut
s'appuyer
sur une
administration imposante. Mais
les fonctionnaires sortent rarement de Papeete et méconnaissent le pays.
Hauts cadres métropolitains et fonctionnaires recrutés sur place n'ont, de
plus, rien
forment une administration hétéroclite.
partie est consacrée aux "Colons français de la
Polynésie Orientale".
Aucun courant migratoire continu ne vint apporter de métropole des
flots d'émigrants. Venu de tous les coins du monde, le Français de Tahiti
a souvent fait une ou
plusieurs étapes avant de se fixer à Papeete. Ou
bien, il est issu de l'armée : les anciens marins et soldats démobilisés dans
les îles, forment, de loin, le noyau le plus important de la communauté
française de Tahiti.
en commun et
La troisième
Son niveau s'en ressent : à l'opposé des Anglo-saxons, point de
grands propriétaires, de riches hommes d'affaires, mais une forte majorité
de petits planteurs, de détaillants ou d'artisans, menant une vie souvent
difficile. L'indigence frappe un grand nombre d'entre eux. Certes une élite
se dégage : c'est elle qui anime la vie politique, fournit les cadres aux
assemblées consultatives et elle saura, plus qu'une administration mal
adaptée, être un puissant agent de transformations économiques et
sociales.
Fonctionnaires
et colons
s'entendent
de tirer
consenti. Les
exportations
basées sur un système de plantations laissées en grande partie aux mains
des Indigènes, en raison de l'accès par trop difficile à la propriété foncière.
La crise démographique que connait la population polynésienne limite les
productions possibles de la colonie. On fait donc appel à la main-d'œuvre
océanique, puis asiatique.
cependant
parti de la colonie. Mais
pour tenter
aucun travail d'infrastructure n'est
communications sont mal assurées, rendant difficiles des
Société des
Études
Océaniennes
1398
Négoce et capitaux demeurèrent entre les mains de sociétés
étrangères, essentiellement allemandes, mais aussi australasiennes ou
américaines. Les milieux d'affaires français manquèrent singulièrement
d'agressivité, ainsi que le démontre la dernière partie (Le Développement
économique des E.F.O.).
Néanmoins la mise en place de différents groupes ethniques, le poids
administration
centralisatrice et
pléthorique, un système
commercial fondé sur une économie de traite, la création de groupes
sociaux (créoles ou demis) accaparant pouvoir politique et économique,
d'une
tout, en cette fin du XIXème siècle,
préfigure la société actuelle.
P.M.
Société des
Études
Océaniennes
1399
INVENTAIRE PROVISOIRE DES ARCHIVES
DE
POLYNÉSIE FRANÇAISE (1860-1914)
Les chercheurs
qui séjournent en Polynésie Française et qui
pencher sur le passé de Tahiti, disposent d'une masse de
documents qui, dans la discipline que nous avons choisi, l'histoire,
permet de mener à bien des recherches universitaires ou autres.
veulent
se
Nous
ne
reviendrons pas
ici
sur
la bibliographie, terriblement
vaste, traitant de la Polynésie. En 1967 déjà, O'Reilly et
Reitman (1) recensaient plus de 10 000 titres. La matière ne
Il n'est pas facile de se frayer un chemin dans ce fatras
d'informations, d'autant que nombre d'ouvrages se révèlent sans
grand intérêt. Les études d'ensemble font cruellement défaut. Si on
ne saurait négliger cette première source d'informations, rendue de
plus possible sur le territoire grâce à la très belle bibliothèque de la
Société des Etudes Océaniennes, force est de se tourner rapidement
vers les archives, documents fondamentaux pour toute recherche
manque pas.
sérieuse.
L'objet de notre étude était la seconde moitié du XIXème
siècle (soit de 1860 à 1914). De cette période, strictement coloniale,
il ne semblait guère demeurer de traces sur le territoire. La
centralisation française exigeait que toutes les archives fussent
concentrées dans la capitale.
(1) O'REILLY (P.) / REITMAN (E.) - Bibliographie de Tahiti et de la Polynésie Française,
Publication de la Société des Océanistes, n° 14, Musée de l'Homme, publié avec le
concours du C.N.R.S., Paris, 1967, 1046 p.
Société des Etudes Océaniennes
1400
Le "Fonds Océanie" des Archives du Ministère de l'Outre-
Mer,
Oudinot, est la première étape obligatoire pour tout
a été inventorié par Monsieur Taillemite et est
abondamment utilisé par les historiens du Pacifique.
Comme le remarque Mr Taillemite lui-même (2), la période
1840-1860 est bien fournie, bien tenue, et avec des dossiers très
complets. Les années 70 par exemple, on ne trouve guère de traces
des correspondances des gouverneurs et fort peu de séries
statistiques semblent avoir été conservées.
rue
chercheur. Ce fonds
La situation
se
détériore
encore
pour
les années 80-90. De trop
nombreuses
pièces manquent pour que l'on puisse travailler avec
suivi. Les lacunes sont si importantes que des événements entiers
passent inaperçus.
Certes
on
autre source
peut combler les vides de la rue Oudinot par une
d'informations : les "Archives de la Marine",
entreposées
au Fort de Vincennes (3).
grandes séries concernent essentiellement les
Etablissements Français d'Océanie : les séries BB 2, BB 3, BB 4.
Composées essentiellement de rapports d'officiers de Marine,
pour la période que nous avons retenue, ces archives nous
renseignent parfaitement sur la marche de la division navale du
Pacifique. Les notes des capitaines de vaisseau chargés d'enquêter
sur les
archipels océaniens sont également pleines d'intérêt. Mais
Trois
cette
abondante et intéressante littérature
intérieure de la colonie
indépendants qui en font surtout l'objet.
assez
peu
la
vie
concerne comme toute
:
ce
sont
les
archipels
Il en résulte un vide très marqué
pour les années 1880 - 1890.
Bien que nous n'ayons personnellement pas étudié
les archives de
la "London Missionnary Society", il nous
apparaît peu probable
qu'elles puissent être d'un grand intérêt pour les années qui nous
préoccupent. Des pasteurs français avaient en effet, depuis plus de
vingt ans, remplacé les premiers missionnaires anglais.
Quant aux documents émanant des archives des pères du
Sacré-Cœur de Jésus (pères de Picpus), déposées à Rome, ils nous
ont parus intéressants, mais éclairent surtout la vie intérieure de la
mission et la propagation du catholicisme en Polynésie Orientale.
(2) TAILLEMITE (E.)
de la France
-
Inventaire du Fonds Océanie, conservé
d'Outre-Mer", in "Journal de la Société
p 267 - 320.
(3) LE MARESQUIER
-
Notice
sur
Sources de l'Histoire de l'Asie
aux
"Archives du Ministère
des Océanistes, Paris, t. 15, 1959,
le service historique de la Marine, extrait du Guide des
l'Océanie.
et de
Société des
Études
Océaniennes
1401
Les
Archives
Territoriales de Polynésie Française ne
rapide tour d'horizon, que plus d'importance.
En effet, de très nombreux documents, parmi lesquels la
correspondance gubernatoriale, et d'abondantes séries statistiques,
ont pu être conservés sur le territoire. Ils
portent essentiellement
prennent, après ce
sur
les années 1880
-
1930.
On peut
dès lors s'interroger, étant donné la pauvreté des
dépôts pour la période concernée, sur le fait que, jusqu'à
présent, ce fonds soit demeuré inexploité.
Il faut retracer l'historique de ces archives pour comprendre la
situation présente.
Les Archives Territoriales de Polynésie Française sont un
service récent, puisque créé seulement en 1962.
A cette date, Monsieur Félix Drollet reçut pour mission de
regrouper les "vieux papiers" déposés par les différents services
administratifs dans le grenier de l'ancien palais Pomare (à
l'emplacement de l'actuelle Assemblée Territoriale). Installé luimême dans ce vieux bâtiment, Mr Drollet n'eut, à cette époque,
que la possibilité de sauver le maximum de documents d'une perte
irrémédiable. En effet, en 1966, le palais des Pomare était détruit.
autres
C'est dans
un petit local de la salle du Conseil de Gouver¬
Mr Drollet emménagea, avec tout ce qu'il avait pu
Pour tout personnel, il disposait d'une secrétaire.
nement que
sauver.
Les faibles moyens
personnel)
ne
mis à sa disposition (espace, matériel,
lui permirent pas de mener son travail comme il
l'entendait.
De
plus, les Archives Territoriales reçurent pour mission de
s'occuper des "tomite". Les déclarations de terre, et tout ce qui
concernait d'une façon générale les problèmes fonciers, furent (et
demeurent) une activité prioritaire.
En 1975, les archives furent transférées rue du Commandant
Destremeau. En 1980, le conservateur actuel, Monsieur Pierre
Morillon, prit la succession de Mr Drollet.
tous
Ces dernières années furent marquées par la classification de
les documents ayant un caractère de longue série : les "Arrêtés
Décisions", le Journal Officiel, le Bulletin Officiel, et certaines
correspondances, comme celles du gouverneur au ministre.
Les liasses entreposées par ailleurs n'avaient encore pu faire
l'objet d'aucune cotation d'ensemble quand nous avons effectué
nos recherches, entre 1979 et 1982. Le plus souvent, c'est en
ouvrant caisse après caisse, et dans le plus grand désordre, que des
documents, souvent très détériorés, purent nous être fournis, grâce
et
Société des
Études
Océaniennes
1402
à la
compréhension de l'ensemble du personnel de ce service.
avec Monsieur le Conservateur, nous avons
procédé à une première classification, tant des registres déjà
répertoriés que des liasses sur lesquelles nous avons travaillé.
C'est donc cet inventaire sommaire que nous présentons ici.
Nous ne prétendons pas à l'exhaustivité. Tout au plus avons-nous
"défriché le terrain", en établissant de grandes séries. Mais le
dépouillement se poursuit actuellement (1983). Certaines séries ont
pu être heureusement complétées.
Les notes qui suivent ne sauraient donc se présenter que
comme un canevas, pouvant aider à des recherches futures. Nous
nous permettrons d'indiquer
les séries qui ont semblé presenter le
plus d'intérêt.
En accord
Pierre-Yves TOULLELAN
CLASSIFICATION PROVISOIRE POUR LES ANNÉES
1860 - 1914 DES ARCHIVES TERRITORIALES
DE
Série A.
POLYNÉSIE FRANÇAISE
Correspondance gubernatoriale (arrivée et départ)
A/1
- Gouverneurs à Ministres
Nous avons pu dépouiller 25 registres, allant de 1888 à 1914. Des lacunes existaient
pour les années 1899 - 1901.
Existent également 4 liasses non reliées : 1889, 1890, 1891, 1892.
Les trois registres les plus importants concernent la correspondance confidentielle. Ils
couvrent la période 1886 - 1896.
Toutes ces correspondances sont à l'état de copies. Les rapports accompagnateurs des
services ne figurent malheureusement pas.
Cette série est sans nul doute la plus importante de toutes : elle couvre l'ensemble de la
période étudiée, ne néglige aucun événement. Toutefois, elle varie énormément en fonction
de la personnalité et du mérite des gouverneurs. Parmi les plus dignes d'intérêt, signalons
celle du gouverneur Lacascade.
A/2
-
Dépêches ministérielles
Existent à partir de 1854.
Ont été consultés, les registres de 1865 à 1914. 33 volumes.
Manquent 1875 à 1880, 1885-1, 1887-1, 1888 à 1902, 1906-2.
Série très décevante, essentiellement technique et d'intendance.
A/3 - Gouverneurs à Divers
"Correspondance à Divers, 1872 à 1914", non reliés, feuillets disparates.
Ont été consultés, de 1885 à 1914, - 17 volumes, manquent : 1890 à
1905, 1910-1.
De nouveaux volumes ont été, depuis, retrouvés.
Société des
Études
Océaniennes
1403
Série B. Assemblées législatives et consultatives
B/l
-
B/2
-
Assemblée législative tahitienne (non consulté)
Conseil colonial
Les procès-verbaux des années 1880-1886 n'ont paru que dans le "Messager de Tahiti"
(voir C/2).
B/3
-
Conseil général
Les procès-verbaux de 1886 à 1903 ont été régulièrement publiés.
Manque
:
1894-95,
1901-1902.
11 existe aussi les manuscrits pour
les années 1887, 1889-1890, 1893, 1896-1897, 1900-
1901, 4 volumes.
B/4
-
Assemblée territoriale (non consulté)
B/5
-
Conseil privé
Instauré
en 1885, les procès-verbaux existent de 1904 à
1914, 11 volumes manuscrits.
Conseil d'Administration
Les procès-verbaux ont été consultés en totalité. Les originaux manuscrits ont été
conservés de 1903 à 1914, 4 liasses, non reliées.
Seul conseil ayant ses archives originales complètes. Elles sont importantes dans la
mesure où le Conseil d'Administration prend le relais
du Conseil Général, supprimé en
B/6
-
1903.
Un volume existe pour 1882 (?).
B/7
-
Chambre d'agriculture
Les procès-verbaux ont été, en principe, publiés.
Les archives ne possèdent que les années : 1884-86.
B/8
-
Chambre de
et de l'industrie
commerce
1 volume 1884-86.
Série C. Lois. Ordonnances et Arrêtés.
C/l
-
Bulletin Officiel des Etablissements Français d'Océanie.
1847-1914.
C/2
-
"Messager de Tahiti"
-
"Journal Officiel des Etablissements Français
d'Océanie"
1852-1884.
Complet sous forme de microfilms.
(Très important document, publiant, outre les arrêtés et décisions du gouverneur,
toutes sortes d'études sur Tahiti et les archipels dont les "Tableaux des Importations et
Exportations des E.F.O.").
"Journal Officiel des Etablissements Français d'Océanie"
(Beaucoup moins riche en informations).
C/3 - "Arrêtés et Décisions du gouverneur"
-
1883 à 1914
Manquent
:
-
1884-1914
Manuscrits.
1888-2, 1895-2.
Série D. Inspection et
Contrôles
sujet du lieutenant de vaisseau Mariot, résident des Tuamotu. Rapports
de la commission d'enquête, 1875-1877.
-
Enquête
-
au
"Mission
d'Inspection Revel, 1913-1914". Les rapports de cette mission se trouvent
Fonds Océanie sous la côte Q5.
Particulièrement riches, les documents conservés à Papeete contiennent les réponses
des fonctionnaires, dont le gouverneur Fawtier, aux critiques de l'inspecteur Revel.
La série contient également les "Rapports de l'inspecteur Saurin".
-
également
au
Société des
Études
Océaniennes
1404
Série E. Administration générale et Economie
Série très riche. Il
prétendons
pas
ne s'agit ici que des dossiers les plus importants. Nous
à l'exhaustivité du fonds.
ne
Administration générale
Correspondance du Directeur de l'Intérieur au gouverneur. (1888-1892).
Correspondance du Directeur de l'Intérieur aux fonctionnaires (1891-1982).
Directeur de l'Intérieur aux fonctionnaires des districts de Tahiti et Moorea, 1887E/l
-
-
-
1890, 1891-1892.
5 liasses
non
reliées.
(Série concernant essentiellement les Iles-du-Vent. Mais cette subdivision n'est créée
officiellement qu'en 1922).
Projet d'organisation municipale 1880-1889.
Projet de constitution de la propriété indigène présenté au conseil colonial par
F. BONNET, nov. 1883.
Correspondances diverses - 1895-1909. Lettres du maire Cardella, Instructions du
-
-
-
Ministre.
Affaires contentieuses et judiciaires.
-
Affaire du "Colbert" (1891). Rapport au Conseil Privé sur la S.C.O. (6 juillet 1894).
Préparation des annuaires.
Agents spéciaux (nomination)
Relevé des contributions.
Lettre du gouverneur au ministre sur la question chinoise.
Nouvelle réglementation proposée - 9 mai 1904.
Affaire Norman Brander
Plaintes de la "Society Islands
Affaire Marau Taaroa Salmon - mai 1914.
-
Cor.
-
-
Rapport du
E/2
-
-
gouverneur sur
Mme Salmon
-
Cie"
-
1913.
30 mai 1914.
Personnel
Plébiscite, Elections
Liste électorale européenne
-
E/4
gouverneur
Etat nominatif du personnel administratif 1914 et au-delà (très important).
-
E/3
Rapport du
-
-
Papeete
Police
Rapport du commissaire de police
l'invasion chinoise, sept. 1900.
1881-1884.
-
-
-
sur
la réunion et pétition des Français contre
Commissariat de Police. Fiches de Police établies de 1856 à 1879, puis 1914. Un fort
-
registre (document très important).
Rapport du gendarme de Rotoava
Accident du R.P. Lecarno, 22 août 1916.
Santé publique et Hygiène
Correspondance du Service de santé, 1888-1892.
Lettres du médecin principal au gouverneur, 1888, sur les Marquises,
E/6 - Population, Affaires économiques, statistiques
-
E/5
-
-
-
Cette série est constituée de "Recensements" effectués
par le 1er bureau. Il s'agit de
rapports d'ensemble concernant aussi bien la population que les cultures.
"Documents relatifs au recensement de la population des îles de Tahiti", Moorea,
-
Tubuai", 1881.
"Recensement du district de Faaa pour l'année 1881.
Electeurs de la ville de Papeete. Recensement de l'île de Nuku-Hiva.
Tableau des cultures pour le canton de Taravao, année 1882 - gendarmerie de
-
-
Taravao.
Note
Essarts.
-
sur
la situation monétaire de Tahiti
Société des
-
Études
22 août 1883. Cabinet du gouverneur des
Océaniennes
1405
Recensement de la population des îles Marquises
Résidence des Marquises.
-
-
1883.
Immigration européenne
pour l'année 1883 - Direction de l'Intérieur.
Etat-civil. Tableau des mouvements survenus dans la population
Indigène et
Européenne - 1869 à 1884 Tahiti et Moorea 1884.
-
-
-
-
Rapport du
gouverneur sur
les difficultés d'organiser le recensement
-
24 mai 1884
-
Gouverneur à Ministre.
Documents statistiques sur la population des E.F.O., par archipels
blanche par nationalité, novembre 1884, service de l'Intérieur.
-
-
Population
Tableau résumé de la Population, année 1884.
Elevage à Tahiti pour l'année 1884 17 juin 1884 - 1er bureau.
Statistiques d'immigration. Océaniens - Européens - pour l'année 1885.
Etat effectif des fonctionnaires pour l'année 1885
Tahiti et Moorea.
Tableau détaillé des cultures pour l'année 1885, Archipel des Marquises, 1er février
1886, le gendarme chef en poste.
Tableau détaillé des cultures pour l'année 1885 - Iles Tahiti et
Moorea, 8 avril 1886,
-
-
-
-
-
-
-
-
1er bureau.
-
Etat de la population de la colonie par
nationalité, Tahiti et Moorea, 8 avril 1886,
bureau.
1er
Idem, Tubuai, Tuamotu, Marquises, Mangareva.
Renseignements statistiques sur la Population, les cultures, 31 décembre 1887.
Etat civil de Papeete, Arue, Faaa, Pare, année 1889.
Séries statistiques - 2ème série - 1888-1892 - Divers. Etat des fonctionnaires
-
-
12 juin 1889.
-
Tableau de Population au 31 décembre 1888.
Tableau détaillé de la population par lieu de naissance
Etat des fonctionnaires pour 1889.
-
31 décembre 1888.
Population étrangère.
Etat des fonctionnaires, Cultures, Tuamotu, 1890 et 1891.
Tableau détaillé de la Population. Répartition par lieu de naissance, 1890 - 1er bureau.
Tableau détaillé de la Population. Archipel des Marquises, 14 mars 1891.
Tableau détaillé des cultures pour l'année 1891, Archipel des Marquises, 14 mars 1891,
-
l'Administration.
-
Recensements des Chinois depuis 1887
-
Nombre de patentes délivrées
aux
asiatiques, 1897.
Patentés chinois
l'exercice du commerce
-
-
Relevé de la valeur locative des états
ou
ou
ateliers
servant à
de l'industrie des Patentés chinois, 1904.
Cyclone des 7 et 8 février 1906 - Procès-verbal de la Commission d'enquête, 24 mars
sommes accordées aux sinistrés par la Commission, procèsverbaux du 6, 8, 11, 12 février 1907. Noms et Profession des sinistrés avec secours
-
1906. Liste nominative des
distribués.
-
-
Statistiques d'immigration chinoise arrivés à Tahiti du 1er janvier au 21 mai 1908.
Recensements des étrangers, 1913, Tahiti, par arrêté du 3 mars 1913, n° 266 du
gouverneur
L. Giraud.
Sujets ennemis - Liste nominative des 43 internés austro-allemands embarqués sur le
Moana 23 novembre 1916, envoyés à Sydney, 1916.
-
-
Commerce allemand en Océanie avant la guerre 14-18.
Lettres du gouverneur aux administrateurs des îles (août 14) au chef des contributions
(31 août 14), au commissaire de Police (août 14), à divers (1er septembre 14, 3 décembre
14, 10 juin 1915).
Société des
Études
Océaniennes
1406
Lettres de Grand et Gillet, gérants de Hoppenstedt de la S.C.O. (16 décembre 1914).
"Sur la compagnie française des phosphates de l'Océanie", société Française, août
1914.
E/7
Agriculture
Statistiques agricoles décennales des E.F.O. Tableau synoptique des réponses,
archipel, 1892.
Société cotonnière des E.F.O. dirigée par Mr. Froment-Guyesse - 1910.
-
-
par
-
Lettre de l'Administrateur des ISLV
Ministre des colonies
au
gouverneur
au
-
gouverneur.
28
mars
1910.
Rapport de Froment-Guyesse au Ministre, 7 janvier 1910.
Lettre du gouverneur au ministre, 28 mars 1910.
Rapport au sujet des concessions de terre à la Société cotonnière Cabinet du
gouverneur - 16 février 1910.
E/8 - Commerce
Réclamation Petersen au gouverneur, 30 sept. 1889.
Mémoire présenté à Mr. le Gouverneur des E.F.O. par 50 patentés chinois sur la
question de la taxe d'immatriculation des patentes asiatiques, Papeete, 1890, Imp. Brault.
Lettre du Président de la Chambre de Commerce Raoulx au gouverneur, 9 janvier
-
-
-
-
1909.
-
Procès-verbaux de la Chambre de
Commerce, séance du 8 janvier 1909, Plonge de la
Nacre.
Pétition adressée à Mr. le Ministre des Colonies par les citoyens
-
français habitant les
E.F.O., septembre 1900.
Série F. Subdivisions administratives
Série constituée des fonds d'archives des résidents des Archipels. Les sources les
riches sont constituées par les correspondances des résidents aux gouverneurs.
F/1
-
Marquises
Registre de Correspondance du résident
Octobre 1882
-
-
-
plus
au gouverneur :
Janvier 1884, 1887.
5 jan. 1894
20 oct. 1896, Dr. TAUTAIN.
-
23 avril 1904
-
25
nov.
1916, Dr. GROSFILLEZ (jusqu'en 1906) puis Dr. LAGARDE.
Contiennent d'abondants rapports sur la situation médicale des Marquises
Nombreuses statistiques.
-
"Note
sur les îles Marquises - Inventaire - 25.1.1875 - Résident des
Marquises.
Correspondance de l'Administrateur aux divers chefs de services, 12 sept. 1888 au 3
juin 1891, MERLIN, puis Dr. TAUTAIN, 1894-1, 1904-1.
-
-
F/2
-
Tuamotu-Gambier
Nous donnons ici les principaux documents
qu'il nous a été possible de consulter.
a) Pour les Gambier
"Lettres de l'Agent Spécial - Administrateur des Gambier au gouverneur - mai 1904 juin 1913".
1 très fort registre - Correspondance de 3 résidents : Dr. CASSIAU
LEMOINE
TAMATOA (1906-1909) - Correspondance anonyme (1909-1913).
Vie quotidienne des fonctionnaires français à Mangareva. Nombreux
rapports sur la
population - statistiques.
Rapports divers sur la nacre des Gambier (1881-1882).
Correspondance du résident des Gambier au gouverneur. Lettres des chefs, 7 mai
-
-
-
-
-
-
1882-18 décembre 1883. Etat-civil des Gambier 1881-1895.
b) Pour les Tuamotu
Les archives entre
Papeete et le résident des Tuamotu n'ont
Société des
Études
Océaniennes
pas
été conservées de
1407
façon régulière. Un fonds "Tuamotu" n'a cependant
Dossiers divers
pas encore
été répertorié (1983).
:
"Historique et Etat-civil de la question foncière", Rapport du résident Marcade,
Rotoapa (Fakarava), Tuamotu, le 21 mars 1913.
Rapport du lieutenant de Vaisseau E. Deman, commandant la goélette à voile
"Papeete", au gouverneur, Rapport d'ensemble - notice de Paix, Administration, Police de
la Pêche des nacres et de la navigation "en mer" -15 décembre 1897, Dossier volumineux et
-
-
très riche.
F/3
- Australes
(Aucune correspondance répertoriée à ce jour).
F/4 - Iles-sous-le-Vent (I.S.L.V.)
Correspondance du résident au gouverneur 1890-92, 1900, 1900-1909.
Correspondance du gouverneur au résident (fonds ISLV). 1893-1897.
Campagne d'inspection aux I.S.L.V. (1880-84). Indemnisation des étrangers
-
-
-
résidents. Lettres des Consuls.
Série L. Economie
-
Banques
-
Correspondance diverses, 1871-1884, 1884-1889. Caisse agricole
au
Directeur de
l'intérieur.
-
-
Acte de vente : Domaine MAMAO 1887 borné par AHUTAI - TERAITAE.
Route de ceinture des terres ayant appartenu aux indigènes ETAETA, EMIHIO.
Caisse agricole situation mensuelle 1880-1881-1882 (janvier).
Compte détaillé.
Balance des comptes 1884.
-
Adjudication de traites émises
sur
M.E. LOTZ courtier
au
Havre et
sur
la Caisse
centrale du trésor public 1882-1883.
-
Correspondance de la Caisse agricole et de Edward Berg, courtier
au
Havre, 1895-
1897.
-
Procès-verbal de REMISE de la Caisse et des écritures M. VIDAL comptable
M. DRAPEAU comptable sortant 13 novembre 1893.
entrant.
Inspection de la Caisse agricole
par
M. ARNAUD inspecteur des colonies 1897.
Répertoire alphabétique
Souscription d'action de société 1912
vers
1920.
Arrêté et Décision.
Réglementant la Caisse agricole 1903-mars 1928.
Note de compte-rendu du Conseil d'administration de la Caisse agricole (au crayon
papier) 448 p., 7 sept. 1899 - 24 nov. 1926.
Il s'agit des archives de la "Caisse Agricole", seul organisme de crédit public, avant la
création de la Banque d'Indochine et de Suez.
-
Série M.
Transport
-
Navigation
"Navigation" 1904-1909.
Projet de la ligne française maritime - Lettre du
Avis des Assemblées locales, 1904.
Règlement concernant le pilotage.
-
Série P.
-
gouverneur au
ministre, 27
nov.
1909.
Religion
Notice
sur
les desservants catholiques de l'Eglise de
Papeete, Secrétariat général, 5
septembre 1919.
Société des
Études
Océaniennes
1408
Série R. Affaires militaires
-
Exploration
Inspection générale du contre-amiral commandant
Inspection de la "Nu-Hiva", 19 mai 1882.
Inspection du "Taravao", 1882.
-
-
en
chef.
"Amiral commandant la frégate Flore au gouverneur", Situation
numérique
des
troupes de garnison. Liste des navires, Plan magasins de la Flotte, Rapport concernant
l'emplacement du magasin de la flotte, 1876-1887.
-
"Tentative d'annexion des îles Manihiki et Rakaana. Liste des chefs et notables.
sur l'aviso "Volage", devant les rois et les chefs de Manihiki et Rakaana.
Rapport
7 avril 1889.
Correspondance du
1895, 1904 - 1906.
-
Cette série offre
gouverneur avec
le commandant de la Station Navale, 1893
d'intérêt, étant donné la richesse
Vincennes, à Paris.
peu
la Marine du Fort de
Société des
Études
en ce
Océaniennes
-
domaine des Archives de
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réservé
ses
Toutes communications relatives
Société, doivent
être adressées
au
Tahiti.
au Bulletin, au Musée ou à la
Président. Boîte 110, Papeete,
Pour tout achat de Bulletins, échange ou donation de
livres,
s'adresser au siège de la société, rue Lagarde, B.P. 110
Papeete.
Le Bulletin, est envoyé gratuitement à tous
Cotisation annuelle des membres-résidents
résidant
en
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pays
pour
membres.
ou
français
2 000 F CFP
les moins de vingt
étudiants
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ses
ans
et les
1 000 F CFP
-
pays
étranger
20 dollars US
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 224