B98735210105_220.pdf
- Texte
-
BULLETIN
DE M
SOCIETE
DES ETUDES
OCEKNIENNES
A
#
N° 220
TOME XVIII
—
N° 9 / Septembre 1982
Société des Études Océaniennes
Fondée
Rue Lagarde
-
en
1917.
Papeete, Tahiti.
Polynésie Française.
B.P. 110-Tél. 2 00 64.
Banque Indosuez 21-120-22 T
-
C.C.P. 34-85 PAPEETE
CONSEIL D'ADMINISTRATION
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Président
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Vice-Président
M.
Trésorier
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Secrétaire
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t Me Rudi BAMBRIDGE
Mme Flora DE VATINE
M. Roland SUE
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
R.P. O'REILLY
M. Yves MALARDE
M. Raoul TEISSIER
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BULLETIN
Tah'ti
(Polynésie Orientale)
TOME XVIII
—
N° 9 / Septembre 1982
n° 220
SOMMAIRE
CATHERINE & MICHEL ORLIAC
Les structures de combustion, reflets des
et des structures sociales en Polynésie
-
-
-
MAIARII CADOUSTEAU
Notes sur l'origine traditionnelle
des
activités
marae
1123
1130
CH. LANGEVIN-DUVAL
Un
-
1113
TAMARIKI TE PUKA-MARUIA
Légende des trois frères de Hava-Iki
-
1141
village à Sava'i
COMPTE RENDU
Contribution à l'étude des reptiles terrestres
-
de
La
La
-
-
-
-
-
-
-
-
Polynésie Française
nacre en Polynésie Française
pêche bonitière en Polynésie Française en 1980
Islands and Beaches
Nineteenth century hawaiian
1146
1147
1147
1148
chant
Mollusques lagunaires et récifaux
de Polynésie Française
Le fiu, un éprouvé psychique polynésien
1149
Cadran N° 2
Recherches archéologiques à Ua Pou,
1155
Société des
Études
îles Marquises
Océaniennes
\j|
M
V\
ÉTUDES OCÉANIENNÊ
DE LA
SOCIÉTÉ DES
-
1149
1152
1156
1113
Les structures de combustion
reflets des activités et des structures sociales
en
Polynésie
Les récits des premiers européens qui ont séjourné en
Polynésie (Wallis, Bougainville, Cook, Banks, Forster, Rodriguez,
Morrison, etc.) contiennent des descriptions de techniques liées à
l'emploi du feu, accompagnées de renseignements sur les utili¬
sateurs et parfois la localisation des structures de combustion dans
l'habitat ; la qualité des visiteurs et de leurs hôtes, appartenant à
classe sociale élevée, a eu un effet sélectif sur la nature des faits
observés.
une
Une seconde
source
de documents est issue des observations
effectuées par les missionnaires (Orsmond, Ellis, Laval, etc.) ; les
traditions orales recueillies constituent une catégorie d'infor¬
mations soumise elle aussi à
valorisés : fêtes, cérémonies.
une
sélection de faits socialement
façon très générale, le monde des activités du petit peuple
ignoré et la même obscurité s'étend sur les utilisations
communes du feu, l'aspect des habitations les plus humbles et
l'emploi des outils de pierre autres que l'herminette et le pilon.
Les observations ethnologiques plus récentes, ou celles que
l'on peut encore effectuer, ne rendent compte que des survivances,
même dans les lieux qui passent pour plus traditionnalistes que
Tahiti ; il semble que partout la dépopulation, la dislocation des
structures anciennes provoquée par l'adoption rapide de religions
et de techniques nouvelles, n'aient permis la conservation que de la
partie la plus élémentaire des techniques.
Cet aspect restrictif des observations se double d'une
imprécision assez générale sur la localisation et la dimension des
structures, sur la nature des combustibles brûlés, la nature et la
De
est
Société des
Études
Océaniennes
1114
dimension des
pierres chauffées dans les fours. Malgré ces
obstacles, il nous a paru possible de dresser un tableau provisoire
groupant les données fonctionnelles et sociologiques des structures
de combustion liées à leur morphologie et à la nature des témoins
de combustion
qui les constituent.
Activités culinaires
quotidiennes
pouvait être faite sur des foyers et dans des fours.
L'interprétation fonctionnelle, ambiguë dans le cas des foyers, est
relativement claire pour les fours.
La cuisine
Les structures de combustion les
sont celles connues sous
plus abondamment décrites
polynésiens". Ces
le terme abusif de "fours
fours se signalent, archéologiquement, par un amas de pierres
chauffées contenu dans une fosse de diamètre et de profondeur
variables,
aux
parois cuites, nappées de charbons souvent
volumineux.
La dimension et la morphologie des fours d'usage quotidien
dépendent à la fois de la nature des nourritures mises à cuire et de
la qualité des utilisateurs. En ce qui concerne la nature des
nourritures, il y a lieu de distinguer les aliments végétaux disposés
en amas dans les fours, et ceux, végétaux ou animaux, étalés en
nappe ; dans le premier cas, la fosse ouverte sera plus profonde.
Parmi les nourritures végétales, le ape, le apura (petit tard) et le
teve contiennent des oxalates de calcium, matières irritantes
neutralisées après une nuit de cuisson (Morrison, 1966 : 117) ; la
longue durée de la cuisson mobilise un volume de pierres plus
important que celui nécessaire à des cuissons plus courtes ; la fosse
creusée pour recevoir ces pierres sera donc probablement de plus
grande dimension que celle des autres fours. Ces végétaux aux
propriétés irritantes, poussent en montagne, et paraissent peu
prisés ; en dehors des périodes de disette, peut-être n'étaient-ils
consommés couramment que dans les classes sociales les plus
défavorisées.
Seules les classes "aisées" (ui ari'i, ui r a'at ira) mangeaient
fréquemment des cochons cuits entiers dans de grands fours
(diamètre supérieur au mètre), peu profonds, relativement à leur
dimension (cuisson en nappe). Les gens du commun (manahune)
n'avaient le plus souvent pas les moyens, ni le droit, de manger du
porc ; ils devaient se contenter de poissons et de légumes, peut-être
de volailles, cuits dans des fours de faible dimension (0,60 m de
diamètre).
Société des
Études Océaniennes
1115
Pour cuire de petites quantités de nourriture, quelques pierres
pouvaient être empruntées à un four voisin ou chauffées sur un feu
à proximité et placées sur le sol ou dans une fosse à peine creusée.
Ces structures, que nous dénommons "calorifères", sont consti¬
tuées par un amas de pierres de chauffe superficiel ou en fosse peu
profonde aux parois non cuites ne contenant pas de charbon. Ce
dispositif était utilisé pour griller les intestins du chien et du cochon
(Parkinson, 1797 : 40 ; Morrison, 1966 : 177) ou pour brûler les
soies des porcs offerts sur les marae (lieux de culte ; voir tableau de
Weber, 3ème voyage ce Cook in T. Barrow, 1979 : 13). Des
structures calorifères, situées à proximité de foyers en fosses, ont
été observés sur le site TPP05 dans la vallée de la Papeno'o à
Tahiti (M. Orliac, 1978 : 26).
Les aliments des hommes et des femmes étaient préparés sur
des feux
ou dans des fours distincts. A Hawaii, selon L. Choris,
11) il était interdit aux femmes, sous peine de mort, "de
manger du cochon, des bananes et des cocos, de faire usage du feu
allumé par des hommes ;• d'entrer dans l'endroit où ils mangent...
chaque famille a pour ce motif plusieurs maisons : l'homme en a
trois, il dort dans l'une, mange dans la seconde et fait du feu dans la
troisième. La femme en a un nombre égal. Si un homme mange
dans la maison de la femme, aucune femme ne peut plus y entrer ;
si l'homme se sert du feu allumé par les femmes, aucune d'elles ne
peut ensuite en faire usage (1820 : 11). Aux Marquises, "le feu est...
parmi les choses inanimées au plus haut degré des choses sacrées ;
celui des hommes, c'est-à-dire celui destiné à préparer leur
nourriture, ne peut être mêlé avec celui qui doit cuire le manger des
femmes, ni même lui donner origine... il n'est pas permis de cuire
au même four la nourriture d'un homme et d'une femme, d'un chef
ou d'un plébéien. Chacun a son feu particulier et séparé" (Gracia,
1843 : 50, 145). Aux Iles de la Société, il est difficile de dire si les
1820
:
fours des hommes et ceux des femmes étaient réunis dans le même
édifice ; cela paraît improbable car, d'après Moerenhout, les
ustensiles servant à la cuisine des hommes ne pouvaient être
touchés par les femmes (Moerenhout, 1959, II : 92). Les fours
culinaires d'usage quotidien étaient localisés à une extrémité ou sur
l'un des côtés d'un petit édifice-cuisine situé à l'arrière de
l'habitation
principale (Buck, 1930 : 98-100
Beaglehole, 1938 : 98. Handy, 1932 : 24).
Activités culinaires
;
1932
:
100.
exceptionnelles
"Quand il y avait beaucoup de nourriture à faire cuire, par
exemple pour une fete, on faisait en terre un trou plus grand... on y
Société des
Études
Océaniennes
1116
mettait une assez grande quantité de bois à laquelle on mettait le
feu après avoir amoncellé dessus des pierres plus grosses que pour
le four ordinaire" (Laval, 1938 : 265). Les fours ouverts lors des
fêtes pouvaient être immmense "5 à 6 gros cochons (y) cuisaient en
entier tous à la fois" (Moerenhout, 1959, I : 284) ; pour pouvoir
recevoir 5
mesurer au
ou 6 cochons placés
moins 5m de long sur
côte à côte, ces fours devaient
1,50 à 2m de large. De très grands
également préparés aux Samoa en période de guerre
105). La localisation de ces fours n'est en général pas
précisée ; selon toute vraisemblance, ils étaient creusés hors du lieu
de cuisine habituel (sur le terrain de réunion ?).
A certaines périodes de l'année, des fours de grande capacité
(plusieurs mètres cubes) étaient préparés par une famille ou un
district pour la cuisson de la racine de ti (Cordyline) ou celle du
fruit de l'arbre à pain. Connus sous le nom de "fours à opio" (:
cuisson se prolongeant plus d'une nuit ; Y. Lemaître, 1972 : 70), les
fours pour la cuisson des fruits à pain sont de véritables silos, dans
fours étaient
(Buck, 1930
:
mesure où la consommation des centaines ou milliers de fruits
laissés dans la fosse après cuisson, pouvait durer plusieurs
semaines (Ellis, 1972, 51-52 ; Morrison, 1966 : 177-178). De tels
fours étaient confectionnés lors d'une fête des enfants : "A la saison
de la récolte des fruits de l'arbre à pain, que l'on cuit pour les
la
conserver,
ils font
un
four dans lequel ils cuisent de 750 à 1000 kg
de fruits ; une fois cuits... ils en font un pudding sucré dont les
enfants filles et garçons de la famille qui les préparent se
nourrissent tant qu'il y en a, c'est-à-dire généralement pendant
6 semaines
ou
2 mois...
Lorsqu'un chef
ou
ra'atira désire
que
l'on
un de ces fours, il en informe ses vassaux qui se
rassemblent et vont chercher des pierres... les gens pauvres ne sont
prépare
exclus de cette coutume de fêter les enfants, même s'ils n'ont
de uru (fruit à pain) pour le faire ; il leur suffit de faire
part de leur intention à leurs voisins qui leur apportent du uru et les
aident à rassembler le bois et les pierres ; quelques fois deux
familles se réunissent pour faire un four entre elles (Morrison,
1966 : 177-178).
La confection des "fours à op/o" avait lieu également au cours
de fêtes publiques qui duraient jusqu'à épuisement des fruits
(Henry, 1968 : 633. Ellis, 1972 : 51-52). Proscrits par les
missionnaires qui y voyaient "une source de débauche et d'excès",
pas
pas assez
leur dimension et leur nombre avaient considérablement diminués
vers
1815 avant d'être abandonnés vers 1825
La dimension de
ces
(Ellis, 1972
:
52).
fours dont le diamètre et la profondeur
dépassaient le mètre, devait être fonction de l'importance du
Société des
Études Océaniennes
1117
utilisateur ; à cette différence de dimension pourrait
s'ajouter une différence de localisation dans l'habitat permettant de
distinguer les fours familiaux des fours collectifs.
Comme le fruit de l'arbre à pain, la racine sucrée du ti
(Cordyline) était cuite en grande quantité dans d'immenses fours.
Les plus spectaculaires sont ceux de Nouvelle-Zélande où les
racines d'une variété de ti (Cordyline australis) cuisaient dans des
fosses de 6 à 10m de diamètre et de 1,50 à 2m de profondeur ; des
tonnes de racines de ti étaient entassées sur des pierres chauffées
pesant chacune entre 4 et 16 kg ; une quantité considérable d'eau
(nécessitant l'endiguement de ruisseaux ou de sources) était
déversée sur le remplissage de la fosse, ensuite hermétiquement
fermée. La cuisson durait de 24 à 48 heures (Knight, 1966 : 332447). Aux Samoa, des fours à ti de 3m de diamètre, préparés par
tout un village, n'étaient ouverts qu'après une semaine (Buck,
1930 : 137). Laval signale d'énormes fours à ti aux Gambier (1938 :
265) ; aux Iles de la Société, où le fruit à pain est abondant, les
fours à ti ne semblent pas avoir atteint de très grandes dimensions,
ou bien ils ont échappé aux observateurs. Pétard (1960 : 65) cite les
souvenirs d'un vieil, habitant de Pare (Tahiti) se rappelant que,
dans sa jeunesse, chaque famille faisait cuire le ti une fois par
semaine en remplacement du fruit de l'arbre à pain et du taro ; ces
fours devaient être relativement grands et s'apparenter par leur
profondeur et leur forme aux "fours à opio". Le four à ti décrit par
Pétard (observé entre 1937 et 1945) mesure lm de diamètre et
0,30m de profondeur. La localisation de ce type de structure dans
l'habitat n'est pas précisé ; là encore il faudrait distinguer les fours
groupe
familiaux des fours collectifs.
Activités cérémonielles
cérémonielles, situées à
dans son enceinte, ont des formes et des
Des structures de combustion
proximité du
marae ou
fonctions diverses.
appelés umu ti comme ceux
pouvaient atteindre une longueur de 8 à
10m et une profondeur de 1,50m ; les pierres de chauffe, énormes,
étaient disposées selon une forme circulaire, quelle que soit la
forme de la tranchée (Young, 1925 : 219). Destinés à favoriser
l'abondance de nourriture (Young, 1925 : 220), ils pouvaient
accessoirement servir de fours culinaires à l'issue de la cérémonie.
Le rapport entre ces fours et ceux ouverts pour la cuisson du ti ne
semble pas évident ; selon la tradition, les umu ti se localisaient à
Les fours de "marche sur le feu",
où cuisait la racine du ti,
Société des
Études
Océaniennes
1118
proximité des marae (Young, 1925 : 219) de même que les fours
pour la cuisson de la tortue (2 fours distincts pour une cuisson en
deux temps à Tubuai : Aitken, 1930 : 83 ; un seul grand four à
Tonga-reva : Buck, 1932 : 174).
Les feux sacrés allumés par les prêtres dans l'enceinte du
marae de dimension beaucoup plus modeste, étaient de petites
structures de combustion superficielles ou en fosses peu profondes
sur lesquelles les prêtres grillaient les intestins de chiens ou les soies
des porcs présentés en offrandes aux dieux. Il semble probable que
les nourritures destinées
hommes et consommées
aux
n'y étaient pas cuites ; il n'existe pas, à notre
véritable four dans l'enceinte du marae.
sur
le
marae
connaissance, de
Activités diverses
Exception faite des grandes structures de "marche sur le feu"
certaines structures calorifères destinées au chauffage des
habitations (en Nouvelle-Zélande), les structures de combustion
dont il vient d'être question contenaient toutes des pierres de
et de
chauffe.
L'interprétation fonctionnelle des structures de combustion
pierres de chauffe est plus complexe ; ces foyers à fond plat ou
en cuvette aux parois cuites, contenant des cendres, et des
charbons, sont parfois bordées de pierres dont le nombre semble
varier d'une région à l'autre (Leach, 1972 : 65. Green, 92-93.
Métraux, 1940 : 162) ; ils ont été décrits pour la cuisson d'aliments
à la flamme vive ou à l'étouffé (dans des enveloppes végétales, sous
les braises), pour l'éclairage, le chauffage, la lutte contre les
insectes, la signalisation par émission de fumée (Moerenhout,
1959, II : 184), la fabrication des colorants ou l'obtention de braises
pour le dégrossissage d'objets en bois (Morrison, 1966 : 165).
La localisation de ces structures peut dans certains cas,
orienter l'interprétation fonctionnelle : sur les hauteurs pour la
signalisation, à l'intérieur d'une habitation pour le chauffage et
l'éclairage (Ellis, 1972 : 415, 804), aux extrémités d'un édifice pour
la lutte contre les moustiques (Morrison, 1966 : 48).
sans
Les témoins de combustion.
combustion,
qu'elles contiennent peuvent isolément
permettre les interprétations d'ordre fonctionnel ou sociologique.
Les principaux témoins de combustion sont les charbons, les
Outre la forme et la dimension des structures de
les témoins de combustion
Société des
Études
Océaniennes
1119
pierres de chauffe et les vestiges alimentaires plus ou moins calcinés
découverts dans les structures ou à leurs abords.
La détermination des charbons recueillis dans ces structures
pourrait renseigner sur le rang social des utilisateurs s'il est vrai,
comme l'indique Bougainville, que "la manière de s'éclairer dans la
nuit différencie les états et (que) l'espèce de bois qui brûle pour les
gens considérables n'est pas la même que celle dont il est permis au
peuple de se servir" (1980 : 167).
Il existe peu
d'informations
sur
les combustibles utilisés
les polynésiens ; quelques descriptions concernent
les bois brûlés dans certains feux rituels : Buck, décrivant une
cérémonie nocturne à l'intérieur d'une maison princière de
Mangareva, signale des feux rituels de bois d'hibiscus et de
pandanus (1938 : 109). Le bois de santal alimentait les feux allumés
couramment par
purifier l'atmosphère de la maison où était exposée la
dépouille du souverain (Henry, 1968 : 298). Aux îles Cook, les
pour
(Casuarina
equisetifolia) pour qu'ils deviennent fiers et orgueilleux ou à la
lumière d'un feu de roro (tige de fleur de cocotier séchée) pour
qu'ils grandissent humbles et respectueux (Buck, 1934 : 88). Sur
certains marae, des feux cultuels brûlaient le bois de Yatae
(Erythrina Variegata L.) qui y poussait ou celui des pirogues
sacrées hors d'usage (Henry, 1968 : 176).
mères allaitaient leurs enfants à la lueur d'un feu de toa
Comme les charbons de
bois, les pierres de chauffe constituent
leur résistance à la
des indicateurs fonctionnels ; choisies pour
chaleur : galets de rivières ou pierres d'éboulis
très émoussées dans
remplacées sur les atolls par le corail et les
coquilles de tridacne (Buck, 1939 : 92 ; 101 ; 1932 : 84, 89.
Beaglehole, 1938 : 98) ; leur dimension permet des interprétations
sur la nature des nourritures cuites ; en effet, un lien semble exister
entre la dimension des pierres de chauffe et la durée de la cuisson
(C. et M. Orliac, 1981 : 66) ; le contrôle du temps de cuisson se fait
par l'emploi de combustibles appropriés et par celui de pierres
restituant plus ou moins longtemps la chaleur : grosses pierres pour
les longues cuissons ("fours à opio", fours à ti, végétaux irritants),
pierres plus petites pour les cuissons courtes (poisson, chien,
cochon, taro, ect.). Il est probable que la dimension des pierres
devrait permettre une distinction entre les fours à légumes et les
fours à viandes allumés pour les repas de fête (Moerenhout, 1959,
II : 140) ; il pourrait en être de même dans les fours observés par
Buck aux Samoa, où une pièce de bois verticale séparait les
végétaux de la viande de porc (1930 : 101).
les îles hautes, elles sont
Société des
Études Océaniennes
1120
pierres de chauffe peuvent
témoigner d'activités curatives ou hygiéniques pratiquées par
toutes les couches sociales. Des dispositifs de sudation (bains de
vapeur) décrits par Ellis (1972 : 863), Henry (1968 : 56), Morrison
(1966 : 191), Moerenhout (1959, II : 164) utilisaient la chaleur d'un
feu (sans pierre chauffée : Ellis, 1972 : 863) ou celle de pierres
chauffées aspergées d'eau ; ils se situaient dans un édifice
particulier de construction légère (dont les traces au sol ne sont
probablement pas évidentes) ou dans la maison d'habitation. Ils se
signalent par un amas de galets sans charbons sur un sol peu ou pas
cuit (non rubéfié) ; la proximité d'un véritable foyer ou four est
indispensable pour le chauffage des pierres, de même que celle d'un
point d'eau douce où l'on se plongeait après le bain de vapeur. Il
faudrait vérifier expérimentalement si l'aspersion produit des
modifications de la surface des pierres comparables au "piquetage"
observé sur les énormes pierres des fours à ti de Nouvelle-Zélande
(Knight, 1966 : 335).
Les vestiges alimentaires trouvés à proximité des structures de
combustion renseignent sur la classe sociale des utilisateurs :
tortues gros porcs, requins, thon des cavernes de corail, etc.
réservés aux ari'i par exemple ; mais la présence de restes
alimentaires dans une structure ou à ses abords n'impliquent pas sa
fonction culinaire ; les restes d'un repas ont pu être jetés dans un
feu servant au chauffage ou à l'éclairage d'une habitation ; ainsi un
foyer culinaire peut ne pas contenir de restes alimentaires, alors
qu'un foyer pour l'éclairage ou le chauffage en contiendrait ; dans
ce cas,
l'interprétation fonctionnelle sera mise en défaut, mais
l'interprétation d'ordre sociologique restera vraisemblable.
Des
amas
lenticulaires de
Les
exemples choisis dans cet article montrent l'ambiguïté
d'interprétation des structures de combustion sans pierre de
chauffe. Les structures contenant des pierres chauffées paraissent
d'interprétation plus aisée ; une enquête ethnologique sur les
techniques culinaires et plus particulièrement sur les fours
permettrait de résoudre le problème des rapports existant entre :
"nature-quantité" des nourritures
"nature-quantité" des combustibles
-
-
-
-
dimension du four
dimension des pierres
de chauffe.
Four de femme ou four d'homme ? Four de roi ou de manant ?
Four de guerre, de réjouissance ou de deuil ? L'archéologue doit se
poser ces
questions et s'efforcer d'y répondre.
Catherine & Michel Orliac
Société des
Études
Océaniennes
1121
-
Abréviations
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Société des Etudes Océaniennes
as
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1123
Note
sur
l'origine traditionnelle des "marae"
de l'article de Monsieur B. Gérard
(Bulletin n° 218 - Mars 1982)
A propos
Afin de permettre
de mieux comprendre l'origine tradi¬
tionnelle des marae, leur rôle de chaînes généalogiques, leurs
successions dans le temps et leurs dispersions dans l'espace, je
voudrais faire un bref exposé historique, en me basant sur les dires
des anciens et
marae
sur
les documents de ma
famille qui
se
rattache
aux
de Vaeara'i et de Vaiotaha.
origines : aussi loin que l'on puisse
dans le temps nous trouvons le grand ancêtre "Taaroa
tahi tumu e tu i Vaeara'i, o te tumu mau ïa" ce qui signifie "Taaroa
tumu
Vaeara'i est vraiment la souche
tahi
du
marae
fondamentale".
Remontons donc aux
remonter
fils Teanuanua. Teanuanua eut
Tetuamatatini i Vaeara'i et Marau Taaroa i te ra'i
Taaroa tahi tumu eut un
deux filles
:
maruarua.
l'origine de deux lignées qui vont aboutir à
régnante de Tahiti. En effet Tetuna'e Nui fondateur de la
Ces 2 filles sont à
la famille
dynastie tahitienne descend de la fille aînée, Tetuamatatini i
Vaeara'i, et sa femme Heumaitera'i descend de la fille cadette
Marau Taaroa.
Tetuamatatini épousa Firiamata o
qui donna son nom à l'île Vavau (PoraPora) et
lequel le premier marae Vaiotaha fut édifié.
Revenons à la fille aînée :
Vavau, le prince
pour
De leur union sont nés 2 fils :
Teohumatatua qui régna en tant
suzerain sur les 8 districts de Havaii (Raiatea) et Firiamata o
lequel prit sa pierre du marae familial et se rendit à Hitinui
(Tahiti) où il épousa Tetuanui, fille d'une famille patricienne très
puissante de Vaiari (Papeari). De leur union naquit
Teriitemoanarau qui épousa Hiti de Punaauia.
que
Hiti
Société des
Études
Océaniennes
1124
Ces derniers sont les parents de Tetuna'e o Hitinui pour lequel
Farepu'a le premier marae arii de Tahiti fut édifié. Tetuna'e Nui y
fut sacré "arii" ceint du "maro ura" et du "maro tea", droit qu'il
tenait légitimement de son père Teriitemoanarau descendant direct
de Tetuamatatini petite fille de Taaroa tahi tumu, tête de la
branche aimée du marae Vaeara'i, le "pa'a rae", qui signifie dans
notre langue imagée "la peau du front".
On peut dire que Tetuna'e nui issu de la branche aînée de
Vaeara'i et de Firiamata o Vavau i Vaiotaha (PoraPora) est le
fondateur de la maison royale de Tahiti dont il est le premier "arii
rahi maro'ura" sommet de la hiérarchie des arii rahi ; c'est le début
du règne des arii rahi ou arii nui maro ura à Tahiti, vers le
Xème siècle environ.
Parlons maintenant de "Marau Taaroa i te ra'i maruarua"
cadette de "Tetua matatini i Vaeara'i", toutes deux petites
filles de Taaroa tahi tumu le fondateur de la lignée comme il est dit
sœur
plus haut.
1)
-
Marau Taaroa de Putai a rua eut Varua te tava'e i
Vaeara'i ;
2)
-
3)
-
Varua te tava'e de Tetua i Hauviri i te ra'i maruarua eut
Tera'iho'aho'a ia Tane Harua nu'u i Vaeara'i ;
Tera'iho'aho'a ia tane de Teamo i fenua eut 5 fils lesquels
furent les fondateurs des familles régnantes des Iles-sousle-Vent dont les "aveave" (tentacules) se sont implantées
dans
Je vais
nos
vous
îles.
citer leurs
noms
:
Maopumahoata e tu i Vaeara'i ;
Tera'ituatini i Vaeara'i ;
- Fatu tiripapa i Vaeara'i ;
- Fatu tiri taata i Vaeara'i ;
- Atoro i ra'i i Vaeara'i.
Avant de continuer, nous allons parler du "marae Vaeara'i"
pour la clarté de notre exposé.
a)
b)
c)
d)
e)
-
-
Vaeara'i fut édifié
tapu" ancien
nous
le
vers
le Vllè siècle environ à "Nu'u te
vao
vallée d'Opoa (Raiatea) ; il avait comme
dressées lesquelles représentaient les 5 fils
Tane cités plus haut.
nom de la
5 pierres
savons
de Tera'iho'aho'a ia
La pierre du milieu le "Haai" représentant la branche aînée
appartenait à Maopumahoata l'aîné des cinq princes.
Maopumahoata étant sur le point d'épouser sa cousine "Tetuanui
Société des
Études Océaniennes
1125
na
ahura'i
e
rua
(Porapora), prit
édifier
nouveau
un
Vaiotaha", princesse héritière de Vavau
pierre le "Haai" du marae Vaeara'i et s'en fut
o
sa
marae
à Faanui, vallée de Porapora.
Ce marae fut appelé le marae Faanui. Mais en souvenir du
1er Vaiotaha construit pour le prince Firiamata o Vavau, 3 géné¬
rations avant lui, Maopumahoata donna également le nom de
Vaiotaha
eu
au
Faanui.
marae
Il faut savoir que jusque là, Vavau (Porapora) n'avait jamais
de "maro ura" ni de "maro tea" l'insigne royal de descendance
principal suzerain. C'est la raison pour laquelle
Maopumahoata i Vaeara'i, en vertu de son droit d'ainesse emporta
à Vavau, non seulement le "Haai" mais le "Maro tea" laissant à son
divine du
cadet Teraituatini le "Maro ura".
Il fut sacré sur son nouveau marae, le marae Vaiotaha de Faanui,
ceint du Maro tea et c'est ainsi qu'il fut le fondateur de la dynastie
des "arii maro tea" de Pora-pora.
Pour commémorer cet événement, le prince Maopumahoata de
Vaeara'i fut appelé "Teriimarotea i Vaiotaha". Tous les rois et
reines qui lui ont succédé ont été sacrés sur le marae Vaiotaha
Faanui investis des insignes royaux de leur race.
Ce fut ainsi durant des siècles jusqu'à l'époque troublée
l'investiture du jeune
les
de
de
début du 18ème siècle.
Maopumahoata alias Teriimarotea avec
roi Puni i Fare-rua,
au
De l'union de
Tetuanui i Vaiotaha sont nés 3 enfants : Heumaitera'i,
Vaiotaha et Hoatapuiterai.
Teranui i
L'aînée Heumaitera'i épousa Tetuna'e o Hitinui (Tahiti)
descendant de Tetuamatatini i Vaeara'i que nous avons vu plus
haut, ils eurent Aumoana i Farepu'a.
Aumoana de Teuraitera'i i Nu'urua (Moorea) eut Teriinui o
Tahiti.
petite cousine Teranui i Vaiotaha
arrière-petite-fille elle aussi de Maopumahoata, ils eurent Hotutu i
Farepu'a. Celle-ci donna naissance au prince "Teva te ua" l'illustre
fondateur de la grande alliance des Teva. Le nom de ce prince fut
donné à la lignée des anciens rois de Tahiti : la dynastie des Teva.
Teriinui
i
o
Tahiti épousa sa
Heumaitera'i trisaïeule de Teva, par son père Maopumahoata
Vaeara'i, représente la branche aînée du marae Vaeara'i (Raiatea)
par sa mère Tetuanui i Vaiotaha
branche aînée du marae Vaiotaha.
et
de Vavau (Porapora), la
Nous voyons par ces généalogies la justification de l'an¬
tériorité de la dynastie des Teva, et que leur droit au Maro ura et
au
Maro tea leur vient non d'une
Société des
alliance quelconque, mais d'une
Études
Océaniennes
1126
tea" de
lignée ininterrompue de "arii nui maro ura" et "maro
Vaeara'i et Vaiotaha.
Ces souverains à la ceinture
royale de plumes rouges ou claires, que
(garçon ou fille) de la branche aînée des arii rahi ou nui
av^it le privilège de ceindre.
seul l'aîné
Les généalogies et faits historiques des Iles-sous-le-Vent que je
viens de relater ont été cités par Faretahua un vieillard qui fut
choisi comme celui ayant le plus de connaissance de l'histoire et de
la
généalogie lors d'une grande réunion qui eut lieu à
1890, pour les
Raiatea en
revendications des propriétés de la famille royale.
Selon les vieilles coutumes et lois de nos pays, il y
"tomite" ou commissions dans chaque arrondissement
sous-le-Vent.
avait des
des Iles-
Les membres de ces commissions étaient nommés juges de
première instance. Pour connaître et apprécier les droits de chacun,
les juges exigeaient la récitation de la généalogie de chaque
revendiquant voire celle de l'opposant s'il y avait lieu, le nom du
marae d'où provenait l'ancêtre et le témoignage des anciens. La
généalogie, le marae et le témoignage des anciens étaient la preuve
essentielle des droits de chacun, c'est sur ces trois choses que les
juges statuaient et rendaient leur jugement.
conséquent, le droit des Teva au "Maro ura" ne provient
façon d'une alliance avec Punaauia (page 1010 de
l'article de Mr Gérard). Bien au contraire, c'est une princesse de
Vaiari (Papeari) Nu'utea grande tante de Teva qui introduisait le
"maro ura" à Punaauia par son mariage avec le grand chef Nu'u i
Hiti (Hiti ancien nom de Punaauia).
Par
en
aucune
A cette même page 1010, nous lisons :
"Si les Teva avaient considéré comme origine
fondation du marae Taputapuatea d'Opoa ils se
sur le même plan que les Pomare".
de l'histoire, la
seraient trouvés
Remarquons que la famille Pomare originaire des
"Tuamotu"
peut se rattacher au marae "Taputapuatea" que par alliance en
l'espèce le mariage de Teu avec une princesse Tamatoa.
ne
Cette
Vairaatoa
princesse n'a pas régné à Raiatea et son
(Pomare I) non plus.
fils Tu
n'ont jamais considéré comme origine
Taputapuatea d'Opoa, pour la
bonne raison que Taputapuatea est un nom relativement récent. A
sa fondation, le marae s'appelait "Tinirauhui-mata-te-papa o
Les Teva certainement,
de l'histoire la fondation du marae
Société des
Études
Océaniennes
1127
abréviation Feoro) et fut édifié en partie avec les
pierres de Vaeara'i, nous dit l'historien de Vaiotaha.
A la naissance de Oro, le marae Feoro fut appelé "Vaiotaha",
le nom même du marae royal de Vavau (Porapora) construit bien
des générations avant par Maopumahoata l'aîné de Vaeara'i,
lequel y dressa sa pierre le "Haai" de la branche aînée. Le Tarahu
de Teraituatini étant rendu à qui de droit, c'est-à-dire aux cadets
du marae Feoro-Vaiotaha appelé plus tard "Taputapuatea" à
l'époque où Opoa devint le grand centre religieux maohi, la
Mecque des mers du Sud.
Feoro" (par
Vaeara'i, celle de Maopumahoata alias
représentée aujourd'hui, outre les descendants
Teva, par les familles Tefaaora, Mai, Teihotu, Tehea épouse Tati
(l'ancien)...
La branche Teraituatini est réprésentée par les familles
Fenuapeho dit aussi Upaupa, Tamatoa ancêtre des Pomare...
La branche aînée de
Teriimarotea est
Fatutiripapa est représenté par les
familles Tautu d'Uporu
"marae Oromoo" et autres.
Fatutiritaata est
Teriitafa'a et autres.
représenté
par
Atoroira'i "marae Fareahu" est
les
représenté
familles Ariirata,
par
les descendants
Tepeva, Teiri, Tapoa, Faretahua...
1016, l'auteur de l'article écrit "Au niveau
généalogique des ancêtres, les modifications généalogiques peuvent
intervenir d'autorité. Il existait autrefois à Tahiti des orateurs dont
le rôle consistait à conserver de mémoire les récitations généa¬
logiques" : ils étaient également chargés de réorganiser les
généalogies lorsqu'un événement important nécessitait de justifier
une modification importante dans le statut d'un arii". Ceci ne peut
être que le fait des adoptés issus de petits chefs, ces nouveaux venus
à l'aristocratie tahitienne, adoptés pour lesquels leurs orateurs
généalogiques se sont employés à les raccrocher à la généalogie des
anciens rois de Tahiti, celle des arii de Vaiari et Mataiea pour ne
pas dire celle des "Teva" où la manipulation est flagrante (voir B.S.
des Études Océaniennes n° 204 sept. 1978 pages 300 et 301
"L'agression Pomare et l'usurpation").
Ces modifications généalogiques n'ont pu être effectuées
qu'après les bouleversements de l'ordre social du pays, causés par
l'arrivée des européens ; car dans l'ancienne civilisation poly¬
A la page
nésienne, l'imposture
n'était
Société des
pas
tolérée, l'imposteur mis à mort.
Études
Océaniennes
1128
Voici ce que je relève dans "Les Mémoires de Ariitaimai"
(page 15). "Pour les anciens, le marae et la généalogie étaient les
titres légaux d'une famille. C'est pourquoi chaque famille gardait
sa généalogie secrète pour se protéger des imposteurs et tous les
membres de la famille s'unissaient pour la conserver pure.
depuis que les généalogies ont été écrites que les
manipulations ont proliféré ; c'est à qui tendra à raccrocher ses
ancêtres, inconnus jusque là, à une lignée royale.
C'est surtout,
Note
sur
le rôle social des
marae
Aucun gouvernement ne pouvait subsister dans l'ancienne
civilisation polynésienne sans avoir un marae et des "tahu'a"
régulariser l'établissement et les droits de chaque
principauté ou district et de chaque chef de famille.
Le marae social est le marae d'un "ati" (tribu) et l'expression
d'une solidarité généalogique.
(prêtre)
pour
"ari'i" dans sa
Les "ati-taaroa"
ou
tribu de Taaroa sont les descendants du dieu
Taaroa.
Les "ati-tane" descendants du dieu Tane.
Les "ati-roo" descendants du dieu Roo...
Le rang
social d'un membre de l'aristocratie était déterminé
par le fait d'avoir une pierre où il avait droit de siéger dans
l'enceinte d'un marae. Cette pierre constituait donc une marque de
social mais aussi
rang
à ce
un
titre de propriété
sur
les terres rattachées
marae.
Une relation étroite existait entre marae, généalogie et droits à la
Ces éléments étaient tellement importants, qu'ils ont permis
en 1852 aux ayants-droit, de revendiquer leurs terres.
terre.
Dans l'ancienne civilisation "maohi" les
marae
n'étaient
jamais abandonnés, surtout les marae importants ; en tout cas, nos
traditions ne font jamais mention d'un pareil abandon.
Le rôle social du marae -confirmation du rang social, des
généalogies et des titres de propriété- ne doit pas faire oublier son
rôle essentiellement religieux.
D'autre part, comme les "ari'i" se mariaient entre eux, les
grandes familles anciennes ne se sont pas éteintes, et il se trouvait
toujours des collatéraux pour prendre soin des marae de la famille.
Ce n'est qu'après l'établissement du christianisme que les
"marae" ces témoins muets de l'ancienne société polynésienne, ont
commencé à être abandonné.
Société des
Études
Océaniennes
1129
La bataille de
Fei-pi
en
1815 où périt Opuahara,
un
prince
Teva, dernier défenseur des anciennes traditions, marque
véritablement la fin d'une époque.
Pomare
II, après sa victoire, interdit la religion qui s'exprimait
par le culte rendu aux dieux sur les marae. Les
furent détruits ou enterrés sous les marae par les
leur croyance
objets du culte
tahu'a fidèles à
traditionnelle.
Ainsi les temples de l'antique religion se trouvèrent désaffectés
et livrés à la nature, mais les polynésiens n'en conservèrent pas
moins le respect de ces lieux sacrés.
Maiarii Cadousteau
de l'Académie Tahitienne
Société des
Études
Océaniennes
1130
Légende des trois frères de Hava-Iki
L'association Tamariki Te-Puka-Maruia présente ici la
légende de trois frères de Hava-Iki : Turi, Moe-Ava et TiaiKapofa.
Elle a été rédigée en "paumotu" de Te-Puka-Maruia,
dire de Napuka et Tepoto, avec' traduction française du
c'est-àtexte.
Ce fut une lourde tâche que de parvenir à une transcription
définitive de la légende et sa traduction française, mais aussi une
de recherche, de dialogue et d'échanges menée par les
membres, jeunes et vieux, de notre association. Compte tenu des
faibles disponibilités de temps de chacun, une année entière y fut
œuvre
nécessaire.
Ce travail a commencé en fin 1980 suivant le récit d'un
informateur qui connaissait intégralement cette légende. Son récit,
une fois mis par écrit, a été soumis à l'approbation et aux critiques
de toutes les personnes de notre communauté connaissant cette
légende, autant à Tahiti qu'à Napuka et Tepoto. Il faut noter que
très peu de vieux connaissent encore son
se souviennent que de fragments.
intégralité. La majorité ne
C'est dire l'urgence qu'il y avait à consigner cette légende par
écrit, d'autant qu'elle contient de nombreux mots anciens, inusités
de nos jours, et qui pourront être conservés et divulgués.
Par ailleurs, nous avons constaté des difficultés chez la
majorité des personnes âgées de moins de 50 ans qui ne com¬
prennent plus très bien certaines distinctions comme celle entre
"ungoro" (crâne) et "pepenu" (tête), le second mot étant
aujourd'hui seul couramment utilisé.
Société des
Études
Océaniennes
1131
Nous n'avons relevé qu'une seule erreur de la part de
l'informateur principal. Il s'agit du nom de l'un des poissons
"vaka" qui est le "Hiroa" et non le "Roroa". La consultation des
vieux habitant Napuka a permis de corriger cette erreur.
La traduction française a essayé de respecter le vocabulaire et
l'esprit du texte original. Certains mots dont une traduction aurait
dénaturé le sens ont été laissés tels quels dans le texte français, une
note permettant une explication précise. D'autres notes essaient
d'éclairer certaines parties du texte, renseignant sur les mœurs
anciennes ou évitant des interprétations du texte qui nous
semblaient erronées.
transcription des légendes et autres récits est une source
en informations dans plusieurs domaines : ethnologie,
linguistique, archéologie, mythologie etc.
La
très riche
Par exemple, cela nous a permis de savoir les différentes
fonctions et valeurs des "Marae", sujet complexe qui mérite à lui
seul une étude propre. Il en existe, bien sûr, mais surtout dans les
îles de la société.
Les informateurs
nésienne
:
ont
nous
parlé de la mythologie poly¬
la terre de Hava-Iki etc.
Dans le domaine linguistique, nous sommes persuadés que les
spécialistes trouveront des éléments très intéressants.
peut-être important de signaler que notre travail ne s'est
difficultés. Nous avons interrogé des informateurs de
toutes natures : ceux qui sont conscients de la nécessité et de
l'urgence à transmettre leurs connaissances et ceux qui sont
hostiles, ceux qui admettent l'opportunité de cette mission et ceux
qui sont méfiants etc. Les sentiments et raisonnements des uns et
des autres sont parfaitement fondés et méritent d'être pris en
Il est
pas
fait
sans
considération.
conclure, que les informations
les vieux avec une note aiguë de
nostalgie. Ils se lamentent d'être les derniers à avoir eu le privilège à
recevoir une partie des connaissances ancestrales par les méthodes
traditionnelles. Ils sont aussi attristés et angoissés de ne pas
pouvoir en faire autant à l'égard des générations suivantes. Cellesci ne trouvent pas le temps et surtout ne voient pas l'utilité de faire
un petit effort pour connaître vraiment le passé de leur culture qui
se détériore gravement, et très rapidement, en raison des facilités
Nous faisons remarquer, pour
nous
ont
été transmises par
des relations
avec
l'extérieur.
Société des
Études
Océaniennes
1132
Légende de Turi,
Moe-Ava et Tiai-Karofa
temps-là, les enfants de
Tanga-Roa et Mare-I-Kura
En
Ki taua tau'ra, te noho ra te
ce
vivaient
sur
leur île Te-Puka-
Maruia, à Hava-Iki (1). Ils
étaient trois frères ; Turi l'aîné,
Moe-Ava
le
cadet
et
Tiai-
Parvenu à
l'âge adulte, Turi
partit chercher une compagne
pour eux (2). Il trouva une
femme
nommée
Hina-Rau-
Renga.
Ils
partageaient leur temps,
le jour sur le kai-konga (3) pour
se divertir, la nuit à la pêche
flambeaux.
Tufaku-Kau-Rangi, souve¬
(4), apprit
que Hina-Rau-Renga était une
femme fort bellé. Il projeta
rain de Vavau-Nui
alors d'aller enlever Hina-Rau-
Renga à Hava-Iki.
Une
nuit,
au
retour de leur
pêche, les trois frères eurent
froid. Plus tard dans la nuit,
Hina-Rau-Renga, pour le
manamana
(pouvoir)
de
Tufaku-Kau-Rangi, fut saisie
envie
d'uriner.
réveilla Turi : "Turi, Turi,
d'une
Elle
lève-
toi, accompagne-moi sur mon
marae (5), j'ai envie d'uriner".
Turi
répondit : "Réveille MoeAva, j'ai froid, j'ai très froid, je
frissonne (6)". Elle réveilla
donc Moe-Ava qui, dans les
mêmes termes que Turi, lui
Les notes
hanga tamariki ka Tanga-Roa
raua
Mare-I-Kura ki to ratou
henua ki Te-Puka-Maruia
(1) jusqu'à (16) sont regroupées en
Société des
e
vai
ki Hava-Iki. E toru ratou tamaroa
;
ko Turi te matahiapo, ko
Moe-Ava to mûri iho
Karofa le dernier.
aux
Tuatua'kakai no Turi,
Moe-Ava e Tiai-Karofa
Karofa te
Ki
ratou
to
e
ko Tiai-
hopea.
pakari hanga,
kua haere atu'ra Turi ki te kimi
vahine na ratou. Kua roaka
mai ta ratou vahine ko Hina-
Rau-Renga te ingoa.
hanga ki roto ki to
ora'hanga ; ki te auina e
haere ratou ki te kai-konga'ra
no te haka-matamata'ea kia
ratou, ki te ruki e haere ratou
Ta ratou
ratou
ki te tau'tai
rama.
Kua tae te rongo ki roto ki te
taringa ko Tufaku-Kau-Rangi,
ariki no Vavau-Nui, e vahine
viravira ko Hina-Rau-Renga.
Tupu iho'ra to'na manako no
ki Hava-Iki e toki ki te
vahine Hina-Rau-Renga.
te tere
Kia tae akera ki te tahi ruki,
ki to ratou hoki hanga mai na
ta ratou tau'tai rama, hakamakariri hia iho'ra Turi, MoeAva e Tiai-Karofa. Kia kai-pita
te
ruki, haka-hinga-mimi hia
iho'ra te vahine Hina-Rau-
Renga na roto ki te manamana
Tufaku-Kau-Rangi. Kua
ko
faka-ara
Renga
fin de légende
atu'ra
kia
page
Études. Océaniennes
Hina-Rau-
Turi ki te nako
1139.
1133
demanda de s'adresser à TiaiKarofa. Ce dernier lui dit :
"Vas sur ton marae, urine et
reviens, j'ai froid, j'ai très froid,
je frissonne". Hina-Rau-Renga
sortit et trouva Tufaku-Kau-
Rangi qui l'attendait dehors. Il
la conduisit sur la plage près de
son vaka (vaisseau). Là, il la
laissa uriner puis ils embar¬
quèrent sur son vaka et se
dirigèrent vers Vavau-Nui, le
pays de Tufaku-Kau-Rangi.
A
l'aube, Turi
se
demanda à Moe-Ava
réveilla et
:
"Où est
Hina-Rau-Renga ?" Celui-ci
répondit : "Demande à TiaiKarofa". Ce dernier répondit à
son
tour
marae
encore
:
"Elle est allée
sur son
pour uriner et n'est pas
revenue".
Ils
com¬
e : "Turi e, Turi e, ka
tika ki runga, ka arahi kia'tu ki
runga ki to'ku marae e hingamimi to'ku". Pahono mai'ra
Turi : "Ka faka-ara'tu te'na
tikatika au kia Moe-Ava. E
toketoke to'ku, makariri to'ku
e
anuanu
to'ku". Faka-ara
atu'ra Hina-Rau-Renga kia
Moe-Ava : "E Moe-Ava e,
hanga
Moe-Ava e, ka
Moe-Ava kia'na : "Ka fakaara'tu te'na tikatika au kia TiaiKarofa.
E
toketoke
to'ku,
makariri to'ku e anuanu to'ku".
Kua na'reira iho'ra Hina-Rau-
Renga e kua pahono mai'ra
Tiai-Karofa kia'na : "Ka haere'
tu ki runga ki to marae, ka
mencèrent à rechercher leur
femme.
Arrivés sur la plage, ils cons¬
tatèrent les traces d'urine près
de
celles
laissées par le
traînement d'un vaka. Remar¬
quant la direction de ces traces,
ils comprirent que c'étaient
celles du vaka de Tufaku-Kau-
Rangi. Ils décidèrent de partir
récupérer leur femme.
pour
Alors, ils invoquèrent leurs
le kakahi
(thon), le hiroa
(carangue jaune des profon¬
deurs) et le urua (carangue à
grosse tête) (7). Ils s'embar¬
quèrent et naviguèrent vers
vaka
:
Vavau-Nui.
e ka hoki
toketoke to'ku, e
makariri to'ku e anuanu to'ku".
Haere atu'ra Hina-Rau-Renga
ki vaho ki te fare. Ki to'na tae
ringiringi taha-nga'tu
mai.
Parvenu à un endroit donné,
Tiai-Karofa dit à ses frères :
Études
E
hanga'tu ki vaho, te tiaki mai'
ra
Tufaku-Kau-Rangi kia'na.
Arahi hia'tu'ra o'na
Kau-Rangi ki te
e
Tufaku-
pae-ngaron-
garo ki tahiki ki to'na vaka.
Haka-mimi
iho'ra
Tufaku-
Kau-Rangi kia Hina-RauRenga ki reira. Heke iho'ra
raua ki runga ki te vaka ko
Tufaku-Kau-Rangi e ka tere
tika'tu ai ki Vavau-Nui, te
henua ko Tufaku-Kau-Rangi.
Kia
ara
Société des
arahi kia'ku ki
runga ki to'ku marae e hingamimi to'ku". Pahono mai'ra
ngangainoa ake'ra, ki te
hanga mai ko Turi, kua ani
atu'ra oia kia Moe-Ava : "Te
ihea'ra Hina-Rau-Renga ?"
Océaniennes
1134
pahono mai'ra Moe-Ava :
Tiai-Karofa".
"Moe-Ava, Turi, je ne me sens
Kua
bien". Moe-Ava lui ré¬
pondit : "Appuie-toi sur moi".
Plus loin, Tiai-Karofa répéta
les mêmes paroles et Turi lui
répondit : "Appuie-toi sur
"Ka ani atu kia
pas
moi". Plus loin encore, TiaiKarofa avertit ses frères : "Turi,
Moe-Ava, je coule". Turi et
Moe-Ava continuèrent seuls le
voyage et
Nui.
abordèrent Vavau-
mai'ra Tiai-Karofa
Pahono
ki hoki mai". Ki reira ratou ki
te
kimi hanga ki ta ratou
vahine. Kia tae ratou ki te pae-
leur
hanga ki tahiki iho ki te kume
hanga vaka. Te hipa hanga
ratou
arrivée,
ils
se
reposèrent de leur fatigue. Puis,
ils commencèrent à chercher
l'endroit où habitait Tufaku-
vai'ra te mimi
ngarongaro, te
taka iho'ra
Tufaku-Kau-Rangi
hanga vaka. Opua
ki te aronga,
ratou e no
A
:
"Te'na kua haere'tu ki runga ki
to'na marae mimi ai e kaore'â
teie kume
iho'ra ratou ki te tere e tapapa
ki ta ratou vahine.
Makomako atu'ra ratou ki
Kau-Rangi.
to ratou
de leur recherche,
hanga vaka, te kakahi,
ils furent
hiroa e te urua. Heke iho'ra
ratou ki runga
ki to ratou
Uma,
hanga vaka e ka fano tika'tu ai
Au
cours
pris dans filet de
femme dotée de
pouvoirs surnaturels. Elle les
attacha
près de son fare
(habitation) et commença à
préparer son rotika (four
maohi). Alors qu'elle allait
une
du bois,
les deux
la supplièrent en ces
termes : "Uma, Uma épargne
les enfants de Tanga-Roa et
Mare-I-Kura, qui ont vu le jour
et ont grandi à Hava-Iki". Elle
leur lança : "Ces deux tapahavahava (8), ils me parlent
mes deux katinga (katinga =
nourriture)".
chercher
garçons
te
ki Vavau-Nui.
Kia tae ratou ki te tahi vâ,
Tiai-Karofa :
Turi, kino vau
e, kino". Pahono mai'ra MoeAva kia'na : "Ka maupeke mai
ki runga kia'ku". E tae hakahou atu'ra ratou ki te tahi vâ,
kua
nako
hake-hou mai'ra
kua nako mai'ra
"E Moe-Ava, e
Tiai-Karofa
Turi,
:
kino
Pahono
"E Moe-Ava, e
vau
mai'ra
e,
Turi
kino".
:
"ka
maupeke mai ki runga kia'ku".
Ki te tahi vâ ke atu'â, te reko
haka-hou mai'ra Tiai-Karofa :
Elle déposa le bois près de
son rotika et retourna chercher
des parira (pierres). Les deux
garçons répétèrent leur suppli¬
cation : "Uma, Uma épargne
les enfants de Tanga-Roa et
Société des
Études
"E
Turi,
e
Moe-Ava, to-faka-
vau". Kau noa'tu'ra Turi
raua Moe-Ava e tae atu'ra ki
Vavau-Nui.
rere
Ki to
raua
Océaniennes
tae
hanga ki uta,
1135
Mare-I-Kura, qui ont vu le jour
grandi à Hava-Iki". Uma
s'énerva et dit : "Ils me parlent
encore
mes
deux katinga, je
vais vous tuer !". Elle déposa
les parira et s'en alla cueillir des
rahamo (9) mais cette fois elle
et ont
écouta attentivement les pa¬
roles prononcées par les deux
qui continuaient à la
supplier. Elle s'approcha d'eux
et les questionna : "Qui sont
vos parents ?" Turi répondit :
"Tanga-Roa et Mare-I-Kura,
nous avons vu le jour et avons
grandi à Hava-Iki". Uma
s'écria : "Aue (10), mes mokopuna (11)". Elle détacha les
liens des mains et des pieds des
deux garçons. Elle pleura et
quand ses larmes eurent cessé,
elle les questionna encore :
"Pourquoi avez-vous nagé
jusqu'ici sur cet océan (takarari) ?" Ils lui répondirent :
garçons
"Nous
sommes
de notre femme
à la recherche
qui
été volée
par Tufaku-Kau-Rangi". Uma
les nourrit et quand ils furent
a
rassasiés, elle leur donna
recommandations
irez sur
"Vous
ces
(takotako)
le
:
cocotier
pani (12) de votre tupuna (13)
Pou-Te-Atua, vous prendrez
des cocos pour vous huiler afin
de faire disparaître le sel de
votre peau. Quand vous verrez
votre tupuna Pou-Te-Atua et
les gens de Tufaku-Kau-Rangi,
vous vous cacherez. Dès qu'ils
vous auront dépassé, vous irez
là
où
habite
Rangi. Quand
Tufaku-Kauvous
arriverez
Société des
Études
raua ki to
rohirohi. Kia maha to
kua haka-maha
raua
raua
rohirohi, kua haere raua e kimi
ki te noho-hanga ko Tufaku-
Kau-Rangi.
Ki to
raua
keta hia
raua
haere hanga, kua
ki roto ki te kope
a
te vahine manamana'ra ko
Uma.
Rukuruku hia iho'ra
raua e Uma ki to'na pae fare.
Faka-ineine atu'ra Uma ki ta'
na rotika. Ki to'na haere hanga
e kimi ki te ngira, patakotako
mai'ra to nau tama-iti'ra : "E
Uma e, ka tinai pa koe
Tanga-Roa, a MareI-Kura, i â mai, i tupu mai i
Uma,
na
e
tama a
Hava-Iki". Pahono mai'ra
Uma kia raua : "Tei nau tapa-
havahava, te reko mai nei hoki
katinga aku".
to nau
Karuke atu'ra Uma ki ta'na
ngira ki hiki ki ta'na rotika, e
hoki atu'ra e toki ki te parira.
Patakotako haka-hou mai'ra
tama-iti : "E Uma, e Uma e,
ka tinai pa koe, na tama a
Tanga-Roa, a Mare-I-Kura, i â
na
mai,
i
tupu
Uma
nau
i
Hava-Iki".
haka-hou
Pahono
mai'ra
"Te reko mai nei â to
:
katinga aku. A kua'nei
e taparahi hia ai e aku".
korua
Karuke
mai'ra Uma ki ta'na
parira
hoki atu'ra
te
e
e
pakato ki
rahamo, mai te haka-pango
maitaki'ra ki te patakotako a
na tamariki nei. Te patakotako
haka-hou mai nei Turi raua
Moe-Ava. Hoki mai'ra Uma ki
tahiki kia raua e ui atu'ra kia
Océaniennes
1136
chez
lui, vous épierez ce que
Hina-Rau-Renga
à
Tufaku-Kau-Rangi. Vous ne
bougerez pas, c'est Hina-RauRenga qui viendra vers vous".
fera
Turi et Moe-Ava écoutèrent at¬
tentivement les recommanda¬
tions de leur tupuna-vahine (13)
Après
leur
rassembla
criminels
massues
ses
:
départ,
Uma
instruments
hameçons, filets,
les rentra dans
et
son
fare y
mit le feu, honteuse de ce
qu'elle avait fait, y pénétra.
raua : "Na vai korua ?" Pahono
mai'ra Turi : "Na Tanga-Roa,
na
taka-rari ?" Pahono atu'ra
raua : "Mea tapapa mai maua
ki ta matou vahine ki keia hia
mai
e
Tufaku-Kau-Rangi".
Pendant ce temps, ils avaient
marché et s'étaient tapis près
du
chemin
qu'allaient em¬
prunté les gens de Tufaku-KauRangi. Dès que ceux-ci les
eurent dépassés, ils
se diri¬
gèrent vers la maison de
Tufaku-Kau-Rangi.
Quand les gens de TufakuKau-Rangi arrivèrent sur les
lieux de pêche et parce qu'ils
avaient parcouru une grande
distance, ils dirent à leur
mata'ehu (Chef de pêche) PouTe-Atua
:
"Péchons ici". Pou-
Haka-poa iho ra Uma ki to'na
moko-puna e kia pihi
raua, kua takotako atu'ra kia
mea nau
raua
:
"E haere korua ki runga ki te
hakari pani ka to korua tupuna
ko Pou-Te-Atua. Ka
rave
mai
ki te ngora e
ka tahinu kia
korua, kia kore to korua heka
toau. E aere
korua ki te noho-
hanga ko Tufaku-Kau-Rangi,
kia
kite
korua
ki
to
korua
kia Pou-Te-Atua e te
hanga tan-gata o Tufaku-KauRangi, e kopiri korua, kia
tupuna
répondit : "Allons
jusqu'en vue des deux rochers
pointus". Parce qu'ils avaient
parcouru une grande distance,
les gens de Tufaku-Kau-Rangi
Te-Atua
dirent encore : "Péchons ici".
Pou-Te-Atua répondit : "Les
deux rochers pointus..." A leur
arrivée
aux
deux
rochers
pointus, Pou-Te-Atua invoqua
les vaka de
Turi, Moe-Ava et
Tiai-Karofa. Quand il eut fini,
il scanda : "Laissez, c'est moi
Société des
Mare-I-Kura, â mai, tupu
mai i Hava-Iki". Aue atu'ra
Uma ki te nako hanga e : "Aue
korua e aku nau moko-puna
e". Kua tatara atu'ra Uma ki te
rukuruku ko to raua rima e to
raua vaevae. Heva iho'ra oia ki
to'na mea nau moko-puna. E
kia maha to'na heva, kua ui
atu'ra oia kia raua : "No te aha
korua ki kau mai ai na te'rake
Études
hemo atu ratou ki reira korua e
haere ai ki te noho-hanga ko
Tufaku-Kau-Rangi. Kia tae
korua ki to'na noho-hanga, e
piri-kura korua ki te peu a
Hina-Rau-Renga ki runga kia
Tufaku-Kau-Rangi.
Eiaha
roa'tu korua e hauti, e na HinaRau-Renga iho'a e haere mai ki
tahiki kia korua".
Kua faka-rongo maitaki
Océan sennes
Turi
1137
qui
cours le premier, j'ai trois
tavake (queues de l'oi¬
verovero
tavake). Voilà Turi, voilà
Moe-Ava, voilà Tiai-Karofa".
Le kakahi, le hiroa et le urua
Moe-Ava ki te takotako
raua
ka to
raua
tupuna-vahine.
seau
arrivèrent et le filet de Tufaku-
Kau-Rangi fut déchiré (14). Ils
rentrèrent bredouilles.
Turi
Moe-Ava
et
s'étant
cachés, virent les makeva (pra¬
tiques de séduction) de Tufaku-
Kau-Rangi et Hina-Rau-Renga.
Leur premier makeva était de
Ki
kua
oiseau, vole oiseau vers mon
tikatika
Tufaku-Kau-Rangi".
Hina-Rau-Renga s'excusa :
"C'est ma langue qui se trompe,
je suis habituée à faka-tara (pa¬
roles pour louer) mes tikatika
Turi, Moe-Ava et Tiai-Karofa"
raua
haere
hanga'tu,
hanga-
Uma ki ta'na
hanga taparahi tanga-ta : te
kanehu, te kope, te tongerengere, kua poi atu'ra e muraki
atu'ra ki roto ki to'na fare.
Tutu atu'ra oia ki to'na fare ki
te
auahi
mai te tomo atu ki
roto, no to'na hakama ki ta'na
peu
faire voler des oiseaux. Tufaku-
Kati-Rangi chantonnait : "Vole
oiseau, vole oiseau vers ma
vahine
Hina-Rau-Renga".
Cette dernière répondit : "Vole
oiseau, vole oiseau vers mes
tikatika
(compagnon d'une
femme) Turi, Moe-Ava et TiaiKarofa"
(15). Tufaku-KauRangi s'irrita et dit à HinaRau-Renga : "Tapa havahava
ne
peux-tu pas dire, vole
to
rave
ki
Ki to
rave.
raua
haere
hanga, kua
raua Moe-Ava ki
hiki ki te keka e haere hia mai e
kopiri Turi
hanga tangata o TufakuKau-Rangi. Ki te hemo hanga'
te
tu
ratou, haere atu'ra raua ki te
noho-hanga
Rangi.
o
Tufaku-Kau-
Kia tae te
hanga tangata o
Tufaku-Kau-Rangi ki te hanga
konga tau'tai hanga, e no te
atea te konga i haere hia, kua
nako mai'ra ratou ki to ratou
mata'ehu kia Pou-Te-Atua
:
"To tahi". Pahono mai'ra PouTe-Atua : "E haere tatou kia
kite ki na konao keokeo". E no
te atea te
konga ki haere hia,
reko haka-hou mai'ra te
Tufaku-Kau-Rangi exaspéré
dit : "C'est dégoûtant, chan¬
geons
notre makeva. Voici
kua
notre makeva
mai'ra
Pou-Te-Atua
:
"Na
konao keokeo..." Kia tae ratou
ki na
konao
keokeo, kua
makomako
atu'ra
Pou-TeAtua ki te hanga vaka o Turi, o
Moe-Ava e o Tiai-Karofa. Kia
oti ta'na makomako hanga,
kua patau iho'ra oia ki te nako
maintenant, c'est
le
pei konao (jongler avec des
cailloux)". Hina-Rau-Renga
répondit : "C'est toi qui com¬
mence". Tufaku-Kau-Rangi
chantonna
:
"Pour moi
en
haut,
pour moi en bas pour
vahine Hina-Rau-Renga"
ma
(16).
Société des
hanga tangata o Tufaku-KauRangi : "To tahi". Pahono
Études
Océaniennes
1138
Quand Tufaku-Kau-Rangi
s'arrêta,
Hina-Rau-Renga
chantonna son patau : "Pour
moi en haut, pour moi en bas
pour mes tikatika Turi, MoeAva et Tiai-Karofa". Tufaku-
Kau-Rangi s'irrita encore et dit
Hina-Rau-Renga : "Tei tapa
havahava ne peux-tu pas dire,
pour moi en haut, pour moi en
bas pour mon tikatika TufakuKau-Rangi". Hina-Rau-Renga
s'excusa : "C'est ma langue qui
se trompe, je suis habituée à
faka-tara mes tikatika Turi,
à
Moe-Ava
et
Tiai-Karofa".
Tufaku-Kau-Rangi excédé s'é¬
cria
"Arrêtons, notre makeva
n'est pas bon, on va changer
:
notre makeva. On
fait le aruke
(action d'épouiller la
tête). Épouille (aruko) ma tête
d'abord". Hina-Rau-Renga
approuva l'idée de TufakuKau-Rangi. Elle commença à
ungoro
aruke la tête de Tufaku-Kau-
Rangi. Celui-ci s'endormit. Elle
sa tête sur le urunga
(appui-tête), se leva et se
dirigea vers Turi et Moe-Ava.
Ils se rendirent sur le rivage et
là ils invoquèrent leurs vaka : le
kakahi, le hiroa et le urua puis
retournèrent dans leur kaenga
(pays).
posa
Quand ils arrivèrent à l'en¬
droit
où
coulé,
instant
voyage
Tiai-Karofa
avait
ils
tournoyèrent un
puis continuèrent le
vers Te-Puka-Maruia.
Ainsi
se
termine
cette
hanga
:
mua,
e
tavake. E
Société des
e rere na
verovero
Turi, e na MoeAva, e na Tiai-Karofa". Teie
mai nei te kakahi, te hiroa e te
urua. Kohere ake'ra te kope
a
na
Tufaku-Kau-Rangi. Hoki mai'
ra ratou, kaore ki manuia ta
tau'tai.
ratou
Ki
to
Turi
raua
Moe-Ava
piri-kura hanga, kua kite raua
ki te hanga makeva a TufakuKau-Rangi raua Hina-RauRenga. Ta raua makeva
matamua, e haka-peke manu.
Te
nako'ra
Tufaku-Kau-
Rangi : "Haka-peke manu,
haka-peke manu ki taku vahine
kia Hina-Rau-Renga". Te
pahono'ra Hina-Rau-Renga :
"Haka-peke manu, haka-peke
manu ki taku hanga tikatika
kia Turi, kia Moe-Ava, kia
Tiai-Karofa".
Riri
atu'ra
Tufaku-Kau-Rangi, e nako atu'
ra kia Hina-Rau-Renga : "Tei
tapa-havahava, e kore koe e
reko e, haka-peke manu, hakapeke manu ki taku tikatika kia
Tufaku-Kau-Rangi". Pahono
Pahono
mai'ra
Hina-Rau-
Renga : "E arero hape noku,
kua matau hia vau ki te fakaki taku hanga tikatika, kia
Turi, kia Moe-Ava, kia Tiaitara
Karofa". Nako mai'ra Tufaku-
Kau-Rangi : "Kiro-kiro, taui ta
makeva. Teie ta taua
makeva i teie nei, e pei konao".
Pahono mai'ra Hina-Rau-
taua
Renga
Nako
légende.
"Vaiho naku
ngeti oku
: "Na oe e ha'mata".
atu'ra Tufaku-Kau-
Études. Océaniennes
1139
Renga te manako ko TufakuKau-Rangi. Aruke atu'ra HinaRau-Renga ki te ungoro ko
Tufaku-Kau-Rangi e vare atu'
ra Tufaku-Kau-Rangi ki te
: "Naku i runga, naku i
i taku vahine kia Hina-
Rangi
raro
Rau-Renga".
Kia
oti ta
Tufaku-Kau-Rangi, kua pei ko
Hina-Rau-Renga e patau atu'
ra : "Naku ki runga, naku ki
raro ki taku hanga tikatika kia
Turi, kia Moe-Ava, kia Tiai-
moe.
Tufaku-Kau-Rangi e nako atu'
ra kia Hina-Rau-Renga : "Tei
tapa-havahava, e kore pa koe e
reko e, naku ki runga, naku ki
ki
taku
tikatika
kia
Tufaku-Kau-Rangi". Pahono
mai'ra Hina-Rau-Renga : "E
arero
hape noku, kua matau
hia
vau
ki te faka-tara ki taku
hanga tikatika kia Turi, kia
Moe-Ava, kia Tiai-Karofa".
Tufaku-Kau-
Nako
atu'ra
Rangi
"Kua oti, kirokiro teie
:
makeva
a
taua. E
taui ta taua
makeva. E aruke ungoro taua.
Aruke ki toku ungoro na mua".
Tika
atu'ra
kia
Hina-Rau-
Renga ki te ungoro ko TufakuKau-Rangi ki runga ki te
urunga e tika mai ki runga e
Karofa". Riri haka-hou atu'ra
raro
Tuku atu'ra
haere mai'ra ki tahiki kia Turi
Haere atu'ra
ki te pae-ngarongaro e
makomako atu'ra ki to ratou
raua
Moe-Ava.
ratou
: ki te kakahi, ki te
ki te urua. Hoki tika
hanga vaka
hiroa
e
atu'ra ratou ki to ratou
kaenga.
Kia tae ratou ki te vâ ki tofaka-rere ai Tiai-Karofa, kua
taka-mino ratou. E mai reira,
fano tika roa'tu ai ki Te-PukaMaruia.
Te
hopea hanga ia ko teie
tutua'kakai.
Hina-Rau-
Association Tamariki Te-Puka-Maruia
Notes concernant les pages
1132 à 1137
considèrent Hava-Iki comme une zone correspondant à
pourrait inclure d'autres îles. Notons qu'il existe une
légende qui fait de Hava-Iki, l'ensemble de la terre des Maori, comparée à un poulpe dont la
tête serait aux Tuamotu et les tentacules mèneraient à Hawaii, la Nouvelle Zélande et l'Ile de
(1) Hava-Iki : Les informateurs
l'ensemble des Tuamotu mais qui
Pâques.
Maori comprenant à la
îles et sous le fond des
océans. La partie non visible fut la première peuplée par les Moko-Rea qui parfois
ressortent à la surface par les Mopi (trous souffleurs du récif).
La partie visible de Hava-Iki fut peuplée à partir de Vavau-Nui (les Marquises selon les
informateurs) par des humains descendants des découvreurs de cet archipel (Vavau la
femme et Nui l'homme). Certains récits évoquent le métissage entre humains et Moko-Rea
et le mode de vie de ces derniers ne connaissent pas le feu, pratiquent systématiquement la
césarienne sur les femmes qui, toutes, meurent à la naissance de leur enfant etc...
Selon une version générale aux Tuamotu, le centre de Hava-Iki serait Faka-Rava.
Une autre version décrit Hava-Iki comme l'ensemble de la terre de
fois la partie visible hors de l'eau et la partie non visible sous les
Société des
Études
Océaniennes
1140
(2) Compagne : Le texte laisserait à penser qu'il s'agit d'une femme pour les trois
frères,
interprétation qui ne doit pas être rejetée à priori. Les informateurs avancent une autre
explication en rappelant qu'aujourd'hui encore quand on parle à un homme, de la femme de
son frère on lui dit "votre
femme", ceci étant considéré comme une forme de politesse pour
affirmer la bonne intégration de cette femme au sein de la famille de son
époux. D'ailleurs,
une femme était vraiment destinée à
une famille
puisque si l'aîné venait à mourir, elle
devenait la vraie femme du second.
(3) Kai-Konga : C'est un lieu, dans ce cas où
l'apprentissage de l'art de la guerre, par exemple.
l'on
va
se
divertir, mais aussi faire
(4) Vavau Nui : Les informateurs situent ce lieu comme étant un groupement d'îles aux
Marquises et qui aurait reçu son nom de ses deux découvreurs : Vavau, la femme et Nui,
l'homme. Ce couple serait la source du
peuplement de ces îles. Plus tard, la population
devenait trop importante, les habitants de Vavau-Nui seraient
partis peupler Hava-Iki.
(5) Marae
à
:
Dans le
Hina-Rau-Renga
cas
présent, il s'agit d'une enceinte de dalles posées de champ réservée
toilette et pour uriner. Cet endroit, où elle est protégée des
pour sa
regards, est interdit
(6) La traduction
aux
est
hommes
conforme
et
même à
au texte
l'intensité du froid.
son
mari.
original. Notons qu'il n'y
a pas
progression dans
(7) Vaka : Un Vaka est un moyen de transport maritime. II y a le Vaka personnel de
l'ancêtre qui devient, par héritage, celui de la famille. Il existe
aussi des Vaka
communautaires, appartenant à un quartier. Ici les Vaka sont des poissons. Remarquons
chacun a le sien, alors que tous appartiennent à la même famille.
que
(8) Tapa Havahava : C'est
décomposer ainsi :
Tapa : Pour l'homme c'est
le
Havahava
:
insulte
encore
très employée aujourd'hui, que l'on peut
la région qui entoure le sexe, pour la femme
la zone qui l'entoure.
veut dire souillé.
sexe
(9) Rahamo
une
:
et
Cest
une
désigne à la fois
fougère (Microsorium Scolopendrium), appelée aussi Kikipa,
au four. Elle est très
utilisée,
utilisée surtout pour tapisser et couvrir la nourriture mise
surtout à Napuka, comme couronne de tête lors des fêtes.
(10) Aue : Expression pour laquelle nous n'avons pas trouvé de traduction satisfaisante,
exprimant la joie ou la peine avec une note de surprise ou d'étonnement.
(11) Moko-Puna
:
Un enfant
est
désigné comme "Moko-Puna" en principe par ses grands
large, il peut être appelé ainsi par plusieurs de ses
arrières grands oncles et tantes, grands oncles et
parents (homme et femme). Au sens
ascendants (arrières grands-parents,
tantes).
Ici
on ne
peut donc savoir s'ils sont
entre eux un
ses
vrais
petits enfants, mais
on
rapport de parenté étroit.
peut être sûr qu'il y a
(12) Hakari Pani : Terme utilisé pour désigner les cocotiers qui produisent
beaucoup
qui sont répérés pour cela par les habitants des îles.
(13) Tupuna : Ancêtre. On distingue le Tupuna Kaefa (grand père) et le Tupuna Vahine
(grand mère). Ce terme est souvent employé au sens large pour
désigner tous les ascendants
à partir de la génération des
grands-parents.
(14) Verovero Tavake : Plumes de la queue de Tavake (Phaeton rubricauda). Ici, le chef
de pêche prend le Tavake comme
image de sa généalogie. Lui qui "court le premier" en est le
corps et les trois frères qui sont ses descendants, en sont la queue.
(15) Selon les informateurs, on ne parle pas ici de vrais oiseaux, mais de feuilles de
plantes, peut être tressées en forme d'oiseaux, et que l'on fait voler pour transporter l'amour
de celui qui les lance.
d'huile et
(16) Ces paroles signifieraient
(ou celui) que j'aime.
:
"Ce qui m'appartient
Société des
Études
en
haut et
Océaniennes
en
bas, appartient à celle
1141
Un
village à Sava'i
La traversée entre les deux grandes îles samoanes Upolu et
Sava'i s'effectue encore dans un petit vapeur, à chaque voyage
surchargé d'hommes, de femmes entourées de marmaille, de
grappes de cocos, de paquets d'ignames ou de taros enveloppés
dans des feuilles de bananier, auxquels s'ajoutent immanquable¬
ment deux ou trois cochons noirs plus ou moins bien ficelés et
quelques ballots de nattes ; mais la pittoresque embarcation est
aujourd'hui concurrencée par un ferry aménagé en une sorte de
péniche de débarquement.
Comme à
Upolu, les villages de Sava'i égrènent sur la côte un
impressionnant de fale, habitation traditionnelle samoane,
aux dimensions et aux formes variables : fale rectangulaire habité
par un simple villageois, fale de tressage ou de réunion des femmes
ou des jeunes, fale ovale du
fono des hommes, fale rond utilisé lors
de l'intronisation du chef, enfin résidence ovale du chef qui doit
toujours être plus vaste et plus somptueuse que les fale des autres
habitants du lieu. Aujourd'hui la maison du chef est souvent la
seule (ou presque) maison en dur, couverte de tôles, du village. Les
fale se groupent encore, selon la tradition, de chaque côté du fale
du chef, autour d'un grand terrain vide appelé malae ; c'est là
autrefois que se trouvait le foyer religieux du village. Il ne s'agissait
pas alors de structures encloses telles qu'on les observe dans les îles
de la Société, mais de "maisons des dieux", probablement assez
semblables aux fale actuels, érigées sur de massives plates-formes
de pierre ; un vestige des plus impressionnants de cette forme de
structure demeure aujourd'hui, recouvert de brousse et abandonné
au fond d'une grande cocoteraie : le pulemelei, énorme pyramide
de pierre s'élevant à 12 mètres du sol. L'implantation côtière des
villages samoans, probablement prédominante même avant
nombre
Société des
Études
Océaniennes
1142
l'arrivée des
Européens, fut, dans le passé, doublée d'une
implantation intérieure attestée par de nombreux vestiges de
plates-formes qui témoignent aussi d'une plus grande dispersion
des fale ; ces villages de la forêt servirent sans doute, autrefois, de
refuge pendant les invasions des belliqueux Tongiens, dans les
siècles qui précèdent la visite des Européens.
Il existe aujourd'hui peu de groupements de
fale dans la zone
intérieure des îles, qui, à Sava'i est occupée par une gigantesque
forêt de tamanu ifi-lele (Calophyllum samoense), poumuli
(Securinega samoana), gasu et asi (Sysygium inophylloïdes)
auxquels s'ajoutent banyans, teks ou pins de Norfolk introduits
par la colonisation allemande.
Les Samoans sont très fiers de leur
forêt, comme de tout ce qui
s'y rendent qu'occasion¬
nellement pour la chasse au cochon sauvage ou celle du pigeon et
beaucoup, même parmi les plus audacieux, redoutent d'y passer la
nuit, la forêt étant regardée comme un endroit malsain et hanté de
fantômes "qui sautent sur votre dos et ne vous lâchent plus".
Autrefois source d'écorce pour les tapa, encore fabriqués
assidûment dans tous les villages afin de constituer des présents de
valeur, la forêt reste ainsi l'endroit où l'on choisit les poteaux
centraux des cases parmi les plus beaux asi, les troncs de
poumuli
étant destinés aux poteaux périphériques de soutainement du toit,
dont les matai titrés se serviront de dossier pendant les
longues
heures que durera le fono.
est samoan
d'ailleurs ; pourtant ils ne
Mais revenons au village et, à l'invitation d'un Samoan,
pénétrons dans un fale. Il faut d'abord grimper sur une plate-forme
de pierres volcaniques couverte de galets,
pouvant atteindre deux
mètres de hauteur, et dans le pourtour de laquelle sont fichés
solidement les poteaux qui supportent le toit bombé couvert de
palmes de cocotier tressées ou, de plus en plus souvent aujourd'hui,
de tôles. La beauté de l'agencement de la charpente et la finesse des
ligatures qui attachent les chevrons justifie le prestige et le rang
dont jouissait autrefois les "spécialistes" de cet art à Samoa. Entre
les poteaux, pas de murs, seulement des nattes constituées de deux
moitiés de feuilles de cocotier tressées et entrelacées aux
extrémités ; ces petites nattes sont attachées les unes aux autres et
suspendues
aux poteaux de case pendant la journée, permettant
passants d'être témoins des activités familiales et aux gens
de la maisonnée de les saluer au passage tout en se renseignant sur
ce qui se passe dans la rue ou dans les autres
fale. Le soir, on baisse
les nattes plutôt pour se protéger du vent ou de la pluie
que par
ainsi
aux
Société des
Études
Océaniennes
1143
souci d'intimité. L'hôtesse déroule sur le sol de galets, d'épaisses
nattes de cocotier où l'on prend place, assis en tailleur en
prenant
bien garde de ne pas pointer le pied vers quelqu'un, ce qui serait
indélicatesse. Il y a aussi souvent des fauteuils de bois, partout
les mêmes, mais ceux-ci ont davantage une fonction décorative et
on leur préfère les nattes, toutes activités se déroulant sur le sol. Le
reste du mobilier comprend essentiellement la vaisselle et les
une
récipients de cuisson posés parterre ; dans un coin du fale, un tas de
pandanus est destiné à une natte fine, chef-d'œuvre de
tressage, commencée depuis des mois ; et puis il y a toujours,
surtout aux heures chaudes, un ou deux membres de la famille qui
somnolent ici ou là, mollement allongés sur une natte ou enroulés
dedans. Les fale du village rassemblent ici, comme presque partout
encore à Samoa, des groupes familiaux ou aiga. Parfois Yaiga est si
étendue qu'elle constitue la moitié d'un village. Dans un fale trois
ou quatre générations cohabitent souvent.
fibres de
De l'ombre fraîche du
fale,
on
voit soudain s'avancer,
sur
la
écrasée de soleil, un groupe d'hommes d'âge mûr, vêtus de
lavalava (sorte de pareo) noirs ou bordeaux, laissant deviner de
route
magnifiques tatouages de la taille aux genoux, lesquels renforcent
le prestige et témoignent du courage de celui qui les porte.
Quelques-unes se protègent du soleil au moyen d'un grand
parapluie noir que ne renierait pas un Londonien. Le groupe se
dirige vers un grand fale ovale, réservé au conseil ou fono des
hommes et, aujourd'hui, couvert de tôles toutes neuves. Chaque
homme qui est un matai, un membre élu par son aiga pour la
représenter au fono, s'installe autour du grand fale à une place
déterminée par son rang ; les places "entre les poteaux" sont
destinées aux hommes de rang inférieur ou aux tout nouveaux
matai. La réunion s'organise autour du rituel du kava, boisson
réservée aux hommes, préparée par la fille du chef, la taupou du
village, qui bénéficie d'un prestige particulier grâce à ce titre qui
s'accompagne aussi pour elle d'un grand nombre d'obligations et
de devoirs ; elle distribue le breuvage selon un ordre et un rituel
extrêmement précis. Le conseil est bien sûr présidé par le chef
assisté de ses conseillers, mais le personnage de l'orateur, le
tulafale, semble prédominer ; il est non seulement le "faiseur de
discours" grâce notamment à sa connaissance des légendes et des
citations sàmoanes, mais aussi celui qui détient la science de
l'étiquette qui implique celle du rang et de la généalogie de chacun
des matai et de tous les us et coutumes samoans. Aujourd'hui la
réunion a pour objet les affaires du village, les éternels problèmes
Société des
Études
Océaniennes
1144
de terre, le travail collectif des jeunes de Xaumaga et la demande,
vite rejetée, d'implantation d'un débit de boisson dans le village, ce
qui pourrait corrompre les jeunes et les éloigner de l'autorité toute
puissante des matai.
Au-delà du grand
fale ovale des hommes, trois femmes
suspendent des bouquets d'hibiscus rouges et blancs, enfilés sur les
nervures de cocotier, de
chaque côté de l'entrée d'un fale
rectangulaire, construit sur pilotis à moitié sur la mer, pour
annoncer qu'une réunion féminine aura lieu ici ce soir. Si les
hommes se rassemblent entre
aussi leur fono présidé par la
eux
autour
du kava, les femmes ont
femme du chef, la faletua et celle de
l'orateur, la tausi, le prestige de leurs époux rejaillissant sur elles. Il
y a aussi la réunion des jeunes filles et des femmes veuves ou sans
titres qui forment cour autour de la taupo.
De plus, les femmes ont leur fale de prière où elles se
réunissent deux ou trois soirs par semaine pour la lecture de la
Bible et leur fale de tressage où elles se rencontrent une fois par
semaine pour le tressage collectif des nattes fines, ouvrage de
patience qui demande des mois, voire des années afin d'être achevé.
Les nattes fines sont encore des présents réservés aux visiteurs de
marque et constituent toujours une part de la dot des mariées de
haut rang.
Un
grand nombre est aussi destiné aujourd'hui aux boutiques
touristes d'Apia.
Autrefois, la jeune fille commençait à 14 ans sa première natte
fine en pandanus et, quand celle-ci était terminée, elle était en âge
de se marier. Elle pouvait aussi retarder l'achèvement de sa natte
lorsque le prétendant n'était pas à son goût.
Un peu plus loin, des enfants s'éclaboussent en criant de
plaisir dans un des innombrables trous d'eau douce, claire et
fraîche, qui jalonnent la côte de Sava'i, tandis qu'un groupe de
jeunes garçons emmène des chevaux se baigner dans la mer ; cela
semble être en particulier une activité favorite des enfants le
dimanche matin, lorsque les adultes, revêtus de lavalava blancs, se
pour
rendent
aux
offices.
Pendant
temps, les jeunes gens sont aux champs où
en abondance. Si les villages paraissent
orientés vers la mer, les Samoans semblent être aujourd'hui plus
horticulteurs que pêcheurs. Pourtant les femmes récoltent fruits de
mer et pieuvres sur la côte et dans les crevasses du
récif, tandis que
les hommes pèchent au harpon près du rivage, ou partent
en mer
ce
ignames et taros poussent
Société des
Études
Océaniennes
1145
pour ramener
thons et bonites, snappers et palolo, sur des sortes de
moteur, reliées entre elles par un ponton de
pirogues doubles à
bois.
Vers 4 ou 5 heures de l'après-midi, les jeunes hommes rentrent
plantations, portant allègrement sur l'épaule la récolte du jour,
enfermée dans des paniers de cocotier, suspendus aux deux
extrémités d'un bâton de bois. Paquets de cocos, d'ignames ou de
taros constituent des changements souvent très
lourds, aussi
fréquemment transportés de la plantation jusqu'au village par des
groupes joyeux d'enfants, filles ou garçons de 7 ou 8 ans, qui
n'hésitent pas à s'arrêter en chemin pour
dévisager l'étranger de
passage en riant, oubliant le poids sur leur épaule.
A la tombée de la nuit, le malae, autrefois
espace cérémoniel,
devient le haut lieu de rencontre sociale : on y déambule, on
s'assied par petits groupes, on joue au football au milieu des chiens
du voisinage et de quelques cochons égarés, mais surtout, tout le
monde prête l'oreille à la radio dont un notable, depuis son fale
moderne en ciment, fait généreusement profiter tout le village. A
sept heures, la cloche du temple retentit, le malae se vide
immédiatement, le silence se fait et, tandis que les feux du repas du
soir brûlent dans les fale cuisines en palmes de cocotier tressées, la
famille s'assied en rond autour de la lampe à pétrole pour la prière
des
du soir et la lecture de la Bible.
Si certains fale ne bénéficiaient
aujourd'hui de l'éclairage au
croirait être revenus au temps des premiers mission¬
naires ; des hymnes, dont certains sur un mode probablement très
ancien, montent lentement des fale intimement éclairés qui se
détachent sur la nuit ; suivent le repas sur les nattes, où souvent les
chiens viennent assister "en convives" et, de nouveau, jusqu'à une
heure tardive, l'effervescence du malae. Quelques nattes tombent
déjà du toit des cases, les plus vieux et les plus jeunes s'enroulent
dans leur lavalava et s'endorment sur les confortables nattes, plus
fraîches que des lits. Puis, les grillons prennent le relais,
interrompus par un jeune garçon qui appelle ses cochons égarés
dans la brousse avec de petits cris imitant l'animal, tandis qu'un
groupe d'hommes s'assied autour d'une partie de cartes dans un
fale annexe, éclairé par une lampe à gaz, et que les chevaux,
attachés auprès des cases, piétinent l'humus en broutant les nattes
qui protègent les dormeurs.
néon,
on
Ch.
Société des
Études
Langevin-Duval
Océaniennes
1146
Concours d'Histoire
de la Polynésie Française
La Société
organisé un concours sur le thème de l'histoire de
Polynésie Française ouvert à tous les lycéens à partir de la classe
de 3ème, ainsi qu'aux élèves de l'École Normale. Le travail
présenté pouvait être individuel ou collectif. La période dans
laquelle le sujet devait être choisi s'étendait de la préhistoire à 1960.
a
la
Le dossier
français
pouvait comporter, outre un texte rédigé en
tahitien, des photos, gravures, dessins et tout
utile à la compréhension et à l'illustration du sujet.
ou en
document
L'intérêt soulevé
été
non négligeable, et tous les participants
récompensés, bien que le 1er prix, un voyage en NouvelleZélande, n'ait pu être attribué.
a
ont été
Compte rendu
Ivan Ineick. Contribution à l'étude des
reptiles terrestres de Polynésie
taxonomie, écologie et biogéographie. 29 p., bibl.
Mémoire réalisé à l'Université Montpellier III ; antenne Museum.
Française
:
E.P.H.E. de Tahiti.
Cette étude
permis de faire un pas dans la connaissance de
l'herpétofaune terrestre de Polynésie Française en passant de deux ou
trois espèces citées, à 7 espèces existantes. Toutes les espèces sont très
eurytopes et peuvent se rencontrer en sympatrie stricte. Leur densité est
très grande, car la pression de prédation est faible. L'étude de la mise en
place du peuplement a montré la nette différence pour leur arrivée et leur
dissémination en Polynésie, entre d'une part Scincidae et Gekkonidae et
d'autre part, L. noctua et les deux autres Scincidae.
a
Le rôle de l'homme pour
également mis
en
la dissémination des différentes espèces est
évidence, mais ce rôle n'est certainement pas exclusif.
L'étude micro-évolutive
a permis de montrer la relative homogénéité
populations examinées. Elle a aussi mis en évidence des
différences nettes entre les populations de C.b. poecilopleurus de P.F. &
de l'île de Pâques et redonne à ces dernières leur statut de sous-espèces.
de toutes les
Société des
Études
Océaniennes
1147
André Intes. La
nacre
en
naturels et de leur
ORSTOM
-
Polynésie Française. Évolution des stocks
exploitation. Notes & Documents N° 16.
Papeete. 50 p., bibl.
Cette enquête menée avec le concours du Service de la Pêche,
qui a le
mérite d'avoir lancé et favorisé la perliculture, sera lue avec intérêt
par
qui s'intéressent à la nacre, ou tout simplement à la vie
ne seront pas déçus.
La pêche intensive exercée depuis deux siècles sur des
populations, à
l'origine fabuleusement riches, a amené de nombreux lagons au stade de
l'épuisement. Seules quelques îles ont pu conserver une production
appréciable, grâce à l'application des mesures de réglementation ou du
fait de la répartition particulière de leur stock
(profondeur du lagon).
L'exploitation de la nacre subsistait à des niveaux de production
particulièrement bas, lorsque l'introduction de la perliculture a provoqué
un regain d'intérêt considérable vis-à-vis de
l'espèce. La nouvelle activité
s'adresse aux capacités métaboliques de l'animal mis en élevage et non
plus simplement aux valves des individus capturés.
La production contrôlée de naissain n'ayant
pas répondu aux espoirs
mis en elle, le développement de la perliculture est entièrement soumis à la
prospérité des quelques stocks naturels résiduels encore producteurs.
.Les prélèvements effectués par l'exploitation actuelle s'adressent soit
aux individus adultes (plonge)
en diminuant le pouvoir reproducteur du
stock, soit aux jeunes individus (collectage) en limitant le recrutement
naturel. Les deux aspects de la capture se révèlent antagonistes, et
exercent leur pression sur les deux
aspects de la production du stock :
croissanced et reproduction.
tous ceux
maritime. Ils
Chabanne, Marec
et Asine. La pêche bonitière en Polynésie Française en
1980 ; notes et documents N° 15. ORSTOM. Papeete. 45 p.,
nombreux tableaux et graphiques.
Cette pêche concerne principalement les thonidés (la bonite,
Katsuvonus pelamis le thon Thunnus albacorà) le coryphène ou mahi-
mahi, coryphaena hippurus.
Les prises totales et par espèces, ainsi que les rendements des
bonitiers du port de Papeete sont présentés et analysés.
Les deux principales tendances de l'évolution de cette pêche, se sont
confirmées : d'une part, la puissance moyenne des moteurs s'est encore
accrue
et
d'autre part
l'intérêt commercial
pour
maintient.
Société des
Études
Océaniennes
le thon jaune
se
1148
Les différents
projets
de radeaux agrégateurs, lancement de
plus longues, pêche à l'appat
réalisent, la physionomie de la pêche
: usage
bonitiers permettant des durées à la mer
vivant,
vont
modifier s'ils
se
bonitière tahitienne.
Greg Dening. "Islands and Beaches", Discourse on a silent land :
Marquesas 1774-1880. University Press of Hawaii, Honolulu. 330 p.,
biblio., index, 8 cartes et 17 ill. de Maggie Mackie.
Greg Dening, professeur d'Histoire à l'Université de Melbourne,
en 1974 le Journal
marquisien d'Edward Roberts ( 17971824) et "Islands and Beaches" est la prolongation et l'extension de ce
premier travail. Le propos de Dening est double : historien, il nous
propose une histoire très documentée des îles Marquises depuis leur
découverte par Alvera Mendana en 1595 jusqu'à leur pacification par le
contre-amiral Bergasse Dupetit-Thouars en 1840 ; anthropologue, il
propose aussi une réflexion sur l'idée d'île et de plage comme lieu de
rencontre et de séparation, monde et frontière.
Ainsi chaque chapitre proprement historique sur les contacts et les
conflits entre Marquisiens et Européens, sur les récits souvent
contradictoires des navigateurs, est pour ainsi dire doublé d'un autre où
Dening se penche sur l'évolution de la perception du passé, des cultures et
des violences, sur l'originalité de l'ethno-histoire, sur les notions de
modèle et de
métaphore, sur l'opposition entre "Te Anata" (les hommes)
et "Te Aoae" (les Etrangers), les Insulaires et les Voyageurs, les
Prophètes
et les Prêtres, les Rois et les Capitaines ainsi que les beachcombers et les
avait réédité
missionnaires
en
Cette double
attendant les commerçants et
les soldats.
ambiguïté fait la richesse de ce livre
l'Océanie et son acculturation, ou plus
précisément, comme le dit Dening, "un discours sur une terre silen¬
cieuse" ? Il y a là plus.
L'auteur donne la parole aux nombreux observateurs des Marquisiens
dans leur effort de saisir ce qui était pour eux à la fois totalement neuf et
différent, un effort qui fait apparaître en réalité, de manière presque
caricaturale, leurs valeurs à eux et leurs visions du monde.
Et en même temps il s'interroge et nous interroge sur "les
Marquisiens",
qui ne portent plus leur nom, qui ne se donnent plus leur vrai nom, "Te
Anata", qui ne vivent plus à "Te Henua" mais aux Marquises.
vue
ou
cette
étonnant. Un livre de plus sur
Tant il est vrai que
l'homme fait les îles à
son
image...
Robert
Société des
Études
Océaniennes
Koenig
1149
Tatar Élizabeth. "Nineteenth century hawaiian chant". Pacific anthro¬
pological records n° 33 - mars 1982 - Bishop Museum, Honolulu,
21 x 28 cm, 177 p., ill.
Cette étude constitue une nouvelle approche de la musique
hawaienne et grâce à l'étude de toutes les sources historiques disponibles
qui s'ajoute aux strictes aspects musicaux, il s'agit
musicologie.
L'auteur
en
fait d'une ethno-
lieu d'étudier les notations conventionnelles, reproduit la
des graphiques qui rendent mieux compte des inflexions
vocales. Le disque qui accompagne l'ouvrage permet à chacun de
comprendre cette forme de notation.
musique
au
par
L'auteur examine successivement les origines du chant Hawaien au
19e siècle, le contexte socio-culturel, les divers types de chant, l'analyse
musicale et établit une théorie du système musical des chants Hawaiens
au siècle dernier.
Les
principaux éléments suivants préexistaient à l'arrivée de Cook
qualité particulière des voix causée par un régistre plus élevé
chez les voix mâles et dû à des particularités du larynx, un registre assez
peu étendu chez les hommes et les femmes dans les voix et inflexions, des
cassures dans la voix, la capacité de maintenir une voix "dans l'écho",
enfin des qualités vocales dûes aux spécificités sonores de la langue.
Une évocation rapide, par comparaison, avec les chants marquisiens,
tahitiens et poumotu termine cet ouvrage de haut niveau et de grand
(1778)
: une
intérêt.
A.M.
Richard
Georges. Mollusques lagunaires et récifaux de Polynésie
Française. Inventaire faunistique, Bionomie, Bilan quantitatif,
Croissance, Production. Thèse de Doctorat d'État és-Sciences Université Pierre et Marie Curie
Paris 6, 500 p., tabl., bibl.
-
Les constructions marines édifiées par des êtres
vivants revêtent,
tropicales actuelles, une importance considérable. Les récifs
coralliens et les faciès péri-récifaux couvrent en effet, à la surface du
globe, une superficie de 160 millions de kilomètres carrés.
dans les
La
mers
regroupe à elle seule 136 des 400 atolls disséminés à
monde. Dans tous les archipels habités de cette région,
Polynésie
travers le
l'isolement et la faible superficie des îles avaient retardé jusqu'ici le
développement de toute activité économique importante. L'amélioration
des liaisons maritimes et l'essor de la navigation aérienne ont suscité, ces
dernières années, l'avènement de projets de développement ; ces projets
ont du même coup révélé la nécessité de réaliser des progrès rapides dans
les connaissances scientifiques de base qui permettraient de garantir une
Société des
Études
Océaniennes
1150
issue heureuse
perspectives ouvertes. C'est dans ce cadre qu'a débuté,
de recherches destiné à accroître nos con¬
naissances
sur
les
complexes récifaux de Polynésie française.
Essentiellement fondamentales, mais orientées pour en permettre
l'utilisation commode des résultats par les organismes
qui en ont
vocation, ces recherches peuvent s'énoncer : "Étude de la richesse et de la
productivité des Écosystèmes récifaux et lagunaires". Le présent travail
tente de réaliser, à l'échelle de l'ensemble de la
Polynésie française, les
grandes lignes de ce programme en ce qui concerne les Mollusques
testacés marins macroscopiques.
Lorsque débutent les recherches, en 1970, l'inventaire de la faune
malacologique est loin d'être réalisé en Polynésie française. Depuis lors,
cet inventaire a été
régulièrement poursuivi, d'une part grâce à la
multiplication des travaux de bionomie et d'écologie quantitative, et
d'autre part grâce à un certain nombre de travaux réalisés dans des
optiques diverses.
en
1971,
aux
un programme
Avec les
Madrépores, les Échinodermes et les Crustacés, les
Mollusques constituent l'un des quatre groupes benthiques les plus
importants du milieu récifal polynésien. La faune malacologique de
Polynésie française (mollusques macroscopiques d'une taille supérieure à
1 mm) comporte au moins 971 espèces. Cette faune
malacologique est
typiquement Indo-Pacifique, originaire du foyer de dispersion que
constitue l'axe Ryu-Kyu-Philippines-Nouvelle-Guinée,
métropole de la
plus grande province biogéographique du monde ; elle montre donc une
grande similarité avec la faune de mollusques des archipels les plus
éloignés de l'Océan Indien (47% d'espèces communes aux îles Glorieuses
et à la Polynésie
française). La Polynésie française est située à l'extrémité
Est d'un axe d'appauvrissement en espèces qui
part des Philippines ; bien
connu pour plusieurs familles d'Invertébrés
marins, dont quelques
mollusques, cet appauvrissement est une fois de plus mis en évidence,
d'une manière particulièrement spectaculaire,
pour les Conidae. L'étude
sur le
genre Conus fait apparaître à quel point la faune malacologique
polynésienne est solidaire de la métropole Indo-Pacifique.
Dans les complexes récifaux d'îles hautes
volcaniques (exemple de
Moorea), le récif frangeant est successivement colonisé, à partir de la
plage et en progressant vers le centre du lagon, par les Littorinidae et des
Neritidae, puis des Cypraeidae et des Cerithiidae, et enfin des Strombidae
et des Tridacnidae, c'est-à-dire une
majorité d'espèces à régime
alimentaire herbivore. Au contraire, sur le récif-barrière se succèdent en
direction de l'océan, des Terebridae et des Mitridae, des Vermetidae,
des
Conidae et des Tridacnidae, et enfin, sur le front du récif, des
Patellidae,
des Turbinadae et des Muricidae, soit un grand nombre de
mollusques au
régime alimentaire carnivore. Le schéma bionomique de la pente externe
est plus mal connu.
L'existence ou l'absence de passe, ou de hoa fonctionnels, est un
élément d'une importance capitale pour le milieu et les
peuplements du
Société des
Études
Océaniennes
1151
lagon, et les aspects biologiques diffèrent
en fonction de Pétanchéité de la
corallienne. Dans les atolls ouverts, la faune malacologique est
beaucoup plus diversifiée que dans les atolls fermés, mais les grands
bivalves sont caractéristiques de ces deux catégories de biotopes.
couronne
La contribution
bilans
quantitatifs des peuplements malarécifs extérieurs de Reao et de
plusieurs zones représentant les
divers types de bordure récifale ont été choisis et prospectées selon la
méthode des "transects" (échantillonnage le long d'une radiale
perpendiculaire au front récifal, et allant de la crête algale à la végétation
des îlots). L'ensemble des comptages et des pesées permet d'établir les
abondances et les dominances numériques et pondérales des mollusques,
par station, par zone géomorphologique et par transect ; en outre, des
estimations sont tentées à l'échelle de plus grands ensembles et des
comparaisons établies avec d'autres secteurs de l'Indo-Pacifique. Par la
suite, les efforts se sont portés sur les récifs extérieurs des atolls de Taiaro,
de Scilly et de Takapoto, et à l'intérieur des lagons fermés de Reao, de
Taiaro et de Takapoto. Parallèlement des bilans quantitatifs ont
été
réalisés dans les complexes récifaux des îles hautes volcaniques, à
Moorea, à Raevavae et aux îles Gambier.
aux
cologiques débute
par une étude des
Hereheretue. Sur ces deux îles basses,
La richesse
spécifique globale de la faune malacologique poly¬
(971 espèces) est principalement le fait des Neogastéropodes
(Conidae-Mitridae-Turridae). Le nombre d'espèces représentées dans
chaque biotope est très variable et l'on note une plus grande richesse
spécifique des ensembles récifaux d'îles hautes par rapport aux atolls. Sur
ces derniers, la richesse en nombre
d'espèces est plus grande sur les récifs
abrités que sur les récifs battus en raison des actions
hydro-dynamiques
moins fortes sur les premiers, ce qui permet à cet endroit la présence
d'espèces lagunaires. Le platier est la zone la plus riche en espèces,
comparativement à la crête algale et au conglomérat. Dans les complexes
récifaux d'îles hautes, la richesse spécifique des zones frangeantes et
barrières est assez voisine et supérieure à celle du lagon. Les maxima de
richesse spécifique correspondent à des zones de fort pourcentage de
recouvrement en algues, ou à des aires présentant une grande variété de
substrats, ce qui permet la cohabitation de mollusques aux exigences très
différentes. La richesse spécifique diminue très nettement dans les
archipels méridionaux des Gambier et des Australes, la faune des îles
Marquises nous apparaissant intermédiaire, en nombre d'espèces, entre
celle des îles de la Société (maximum de richesse spécifique) et celle des
nésienne
îles Tuamotu.
Il faut noter l'opposition entre d'une part l'hétérogénéité, la richesse
spécifique et la faible densité des peuplements dans les lagons ouverts, et
d'autre part l'uniformité, la pauvreté en espèces et les fortes concen¬
trations en mollusques dans les lagons fermés. Pour ce qui est de la
biomasse des parties molles, les grands bivalves filtreurs jouent un rôle
prépondérant en raison de leur grande abondance dans les lagons d'atolls
Société des
Études
Océaniennes
1152
fermés ; c'est là que l'on
moyennes
enregistre les plus fortes valeurs en abondances
pondérales (118 g/m2 à Reao, avec un maximum de
340 g/m2).
Que l'on considère le nombre d'individus ou la biomasse des parties
n'importe lequel des milieux représentés dans l'écosystème
récifal polynésien, sa richesse est toujours le fait d'un nombre réduit
d'espèces. C'est ainsi qu'à Tiahura, complexe récifal d'île haute
volcanique, 5 espèces seulement (sur un total de 117) représentent plus de
70% du nombre total d'individus de toutes les espèces. 2 chapitres sont
consacrés aux résultats de croissance et de production de quelques
espèces représentatives de l'écosystème polynésien.
molles de
En conclusion l'auteur s'est demandé si les
secteurs,
les îles et les
espèces étudiés étaient représentatifs de Polynésie Française, et a tenté
quelques extrapolations audacieuses. Il a ainsi établi que les potentiels de
production des récifs extérieurs d'atolls sont très voisins de ceux des
lagons de ces mêmes atolls. Au contraire, la production des complexes
récifaux d'îles hautes volcaniques est
beaucoup plus importante, en ce qui
concerne le groupe des
Mollusques (270 kg/HA/an pour le lagon de
Moorea, soit 6 fois la production du récif ou du lagon de Takapoto.
Toutefois ces valeurs ne sont fournies qu'à titre indicatif, mais à condition
de bien comprendre le sens indicatif de ses extrapolations, l'auteur
pense
qu'elles présentent un très grand intérêt dans le cadre du programme qui
vise à établir la productivité des écosystèmes de cette région de l'IndoPacifique.
En annexe, on trouve :
I
Liste des
-
II
III
-
Mollusques de PF. avec leur répartition par archipel et par
biotope.
Une bibliographie sur la croissance des Mollusques : présentation
systématique.
Les Conidae de la province Indo-Pacifique : liste des espèces valides
et de la synonymie.
-
P.M.
R. Virieu. Le Fiu, un
éprouvé psychique polynésien - Thèse de doctorat
psychologie. Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice
1981.
263 p., bibl.
en
-
A
Tahiti,
Polynésie qui n'a entendu parler du "fiu" (fiou), qui n'a
quotidienne aux visages multiples où chacun se trouve
plus ou moins impliqué ; phénomène dépressif qui semble étrange et
paradoxal dans le paradis mythique de la joie de vivre. Oui, "à Tahiti, il y
a de la
nostalgie dans les choses, de la mélancolie dans les êtres" (p. 3), de
la tristesse au fond des regards. Dépression
profonde et suicide n'y sont
pas rares, comme les médecins le constatent dans la pratique quotidienne,
en
été "fiu" ? Réalité
Société des
Études
Océaniennes
1153
même s'ils n'ont pas
à
été en charge, comme le Docteur René Virieu de 1975
1978, de la neuro-psychiâtrie, de l'hygiène et prophylaxie mentales du
Territoire.
Dans sa thèse, le Dr Virieu nous invite à découvrir cet "éprouvé
psychique polynésien" par une "approche médicale fondée sur la clinique
psychiâtrique et analysé selon les concepts psychanalytiques" dans une
triple démarche : "ethno-psychanalytique, phénoménologique et socio¬
culturelle" (p. 5 et 6). Parcourons les 231 pages de cette recherche,
complétée par 24 pages d'annexes et de bibliographie.
Un
premier chapitre de 29 pages denses, rappelle au lecteur quelques
indispensables de géographie et d'Histoire sur ces "îles
nombreuses" (Polynésie), mariage original de l'immensité du "Grand
Océan" et de la petitesse de 108 îles, hautes et basses, pulvérisées en
cinq archipels peuplés de 150.000 habitants, dont 110.000 à Tahiti. Est-il
permis de regretter un certain abus de clichés historiques, des affirmations
un peu rapides et approximatives par rapport aux connaissances
actuelles ? De plus un scientifique est un peu gêné en lisant ce chapitre de
voir affirmer certaines conclusions de l'enquête dès ce chapitre initial qui
situe les Polynésiens en Polynésie. La méthodologie paraît un peu confuse
en amalgamant
descriptions et affirmations un peu précoces au seuil
d'une analyse expérimentale.
données
Un très astucieux chapitre second de 35 pages introduit la
problématique du "Fiu" par l'examen de la littérature - prolixe et
inépuisable - consacrée à Tahiti. Nous y revivons la naissance du mythe
paradisiaque de "cette île enchanteresse" avec Bougainville, suite à sa
visite de 9 jours en 1768 et sa pérennisation par "tant de voyageurs plus
pressés de le vérifier que d'approfondir clichés et stéréotypes" (p. 46).
Mais "si le sens de la fête est une réalité polynésienne, l'angoisse
existentielle, poussée jusqu'au suicide, est loin d'être absente" (p. 62). Par
de nombreuses citations de témoins privilégiés (Segalen, Gauguin, Loti,
Caillot, Moerenhout...), le Dr Virieu nous fait découvrir que ces
observateurs avaient deviné les "pépins" cachés dans les fruits de ce faux
"jardin d'Eden" ; même Bougainville écrivait "qu'il se trompait" (p. 48).
Après avoir cité T'Serstevens qui analyse pour la première fois en 1950 le
"fiu", René Virieu en dégage les caractéristiques principales : "nonprévisibilité, aspect irrationnel et déconcertant, caractère exclusif,
irrépressible et inhibant, absence de finalité apparente et valeur défensive"
(p. 68-69).
du troisième chapitre constituent le corps de l'analyse
l'intermédiaire d'un questionnaire en 22 points assez
variés. Sur les 2.000 prévus, 500 ont pu être réalisés validement : 150 en
français, 350 en tahitien, dont 395 dans des îles autres que Tahiti et
Moorea. Il faut saluer la performance et l'intérêt que représente cette
documentation passionnante et significative. C'est une grande première
très éclairante pour tous les psychologues, sociologues, médecins ou
Les 74 pages
clinique du "Fiu"
par
Société des
Études
Océaniennes
1154
éducateurs. On
ne peut résumer une telle
analyse clinique, même si
l'enquête tend à montrer que le "fiu" serait un sentiment dépressif banal et
sans originalité notable"
(p. 143).
Aussi l'auteur confronte-t-il au cours des 70
pages du chapitre IV les
résultats de son enquête avec ce que l'on sait de l'ancienne culture
"maohi" uniquement orale. Il constate que
les "dépressions et les suicides"
se retrouvent
fréquemment au niveau de l'inconscient collectif dans les
mythes et légendes où le "fiu" enfoncerait de profondes racines
endogènes. René Virieu se demande s'il n'y aurait pas "désordre de l'ordre
temporel par impatience, désordre éthique par insouciance" ? (p. 171). Le
symbolisme conflictuel oedipien, l'étude de l'oralité amènent l'auteur à
développer des hypothèses analytiques brillantes et une logique
séduisante, malgré un langage quelque peu hermétique pour les nonspécialistes. C'est un apport original sur la connaissance du "fiu" selon le
"modèle clinique de la psychose
maniaco-dépressive" dans le contexte
actuel de "la désintégration de la civilisation maorie et le choc du futur"
(p. 192 et 209).
Une étude du "fiu" sous son
aspect neuro-biologique comme
dépression de l'humeur ("Thymie") en réaction au temps vécu ("hormé")
constitue un dernier chapitre de 17 pages.
René Virieu conclue que le "fiu" est sobre et
peu spectaculaire ; son
originalité se situe dans la mélancolie et la pathologie du temps vécu
de petites îles perdues dans l'immensité bleue des "Mers du Sud".
sur
Le Docteur R. Virieu me
permettra un avis plus personnel sur ce
"fiu" médical que je définirai volontiers :
fatigue mélancolique inhibant
l'activité. J'ai lu avec plaisir et grand intérêt son travail
d'analyse. J'ai été
très sensible aux convergences de ses
remarques cliniques sur les aspects
spatio-temporels immatures
ou
déstructurés (p. 68-69 ; 173-191) avec
ma
propre recherche sur la "Conscience du temps et l'Éducation chez les
Océaniens". Mais en même temps qu'une profonde invitation à la
réflexion,
travail
le "fiu" laisse une impression d'inachevé. En effet
niveau global de toute la personnalité, évidemment
située sur une terre originale porteuse d'une histoire
typée. Ce n'est que
par comparaison avec d'autres lieux que la mélancolie de son "fenua"
peut être appréciée et ses conditions de vie précaire découvertes. Le
Polynésien est d'abord un être humain même s'il est situé dans un certain
"ailleurs". "Fiu", au sens premier, veut simplement dire :
"j'en ai assez, je
suis fatigué". C'est une réalité banale commune à tous les humains sous
toutes les latitudes et à tous les
âges. Cette saturation prend des formes
le "fiu"
ce
se
situe
sur
au
multiples selon les objets du "ras l'bol". En faire une pathologie propre au
Polynésien ne serait-ce pas le méconnaître un peu et continuer un certain
romantisme du mythe de Tahiti sous forme
d'analyse psychiâtrique ?
De plus le Docteur Virieu ne fait pas allusion -même si ce n'est
pas
sujet direct- au fait, désormais bien connu des biologistes et des
médecins tropicaux, que beaucoup de fatigues et de
dépressions viennent
son
Société des
Études
Océaniennes
1155
de
déséquilibres ioniques, en particulier du calcium et du magnésium ;
spasmophilie. La chimiothérapie ionique améliore
rapidement diverses fatigues d'origine endogène. Il serait donc utile de
faire des bilans ioniques pendant les crises de "fiu". De même il serait utile
d'en apprécier la périodicité, le caractère saisonnier ou non, sa liaison
avec les fêtes, etc... Il faudrait une étude du
présent du "fiu" et pas
c'est la notion de
seulement de
sa
mémoire.
D'accord
ou non avec la lecture
psychanalytique du "fiu" du Docteur
Virieu, on ne peut qu'admirer la richesse de la documentation, la
qualité de l'analyse entreprise, les horizons dévoilés, tout en souhaitant
René
l'ouverture à de nouvelles recherches
psycho-somatiques
en
Polynésie.
Paul Hodée
R-J. Devatine & élèves de sciences économiques du Lycée
Cadran N° 2. 50 p., 60 tab. - Éditeur R-J. Devatine.
Gauguin.
Nous avons déjà eu l'occasion (B.S.E.O. N° 197) de signaler la
qualité et le grand intérêt des publications des classes de sciences
économiques du Lycée Gauguin de Papeete, dirigées par un professeur
dynamique et compétent.
Le N° 1 de Cadrans était consacré à la natalité à Tahiti et le
présent
numéro fait le point sur la deuxième partie des mouvements naturels : les
décès.
Une soixantaine de tableaux, courbes, graphiques livrent le résultat de
recherches longues et fastidieuses, mais le succès est à la hauteur du
travail et cette publication constitue une référence de premier ordre.
La population de Polynésie Française dans l'hypothèse d'un taux
de
croissance en baisse, et sans tenir compte des migrations devrait atteindre
228.000 en l'an 2000 (actuellement 155.000). La mortalité infantile est en
baisse, et l'espérance de vie a fait des progrès très importants en 20 ans.
"Au terme de cinq années passées à disséquer les actes de l'état-civil
des districts, puis des communes et des sections de commune de Tahiti, on
peut s'interroger sur la réalité du "Tahitien" du "Demi"
ou
du "Chinois".
Dans le domaine ethnique, la population a, depuis longtemps, fait son
choix : elle s'est résolument tournée vers l'avenir, vers cette solution de
sagesse qu'est l'intégration
classe des "Demis" ne soit
totale. Au vu de cette étude, il semble que la
qu'une fiction. C'est la mentalité du pays qui
semble lui donner consistance. Cependant il faut être du pays pour bien
cerner cette notion. Sinon, on ne
parvient pas, ou très difficilement, à
sentir des nuances aussi subjectives.
Les différentes composantes
de la population n'évoluent pas au
rythme. L'ethnie chinoise se dilue rapidement par le jeu des
métissages. De même la pression démographique des Européens et
même
Société des
Études Océaniennes
1156
"Demis" est faible en regard de celle de l'ethnie
polynésienne, ce qui
conduira à terme, à la disparition des patronymes
d'origine européenne et
à l'apparition d'une population
néo-polynésienne plus population néo¬
polynésienne plus homogène".
On peut fort bien envisager l'acceptation et la
promotion du
métissage en tant que valeur sociale, et supposer que les proches
générations imiteront l'effort de la nation mexicaine pour créer un état
d'esprit radicalement différent où les hommes puissent retrouver dans
l'acceptation de leurs origines complexes, une nouvelle fierté d'être métis.
P.M.
Ottino Pierre. "Recherches
Archéologiques à Ua Pou, Iles Marquises" Rapport préliminaire - Orstom-CNRS- Université Paris I, mai 1982 ;
167 p., 91 fig., 25 tableaux, bibl.
Ce
travaux
rapport préliminaire rend compte des premiers résultats des
archéologiques effectués par Pierre Ottino dans l'île de Ua Pou
entre Décembre
1980
et
Avril 1982.
Monsieur Ottino justifie les recherches entreprises, d'une part
par la
aux Iles Marquises où seulement deux sites
(Ha'atuatua à Nuku Hiva et Hane à Ua Huka) donnent une chronologie
pour ces Iles et d'autre part, par l'absence de travail archéologique sur
l'Ile de Ua Pou.
rareté des fouilles effectuées
Le premier grand objectif de ses recherches était de "tenter de
préciser l'ancienneté du peuplement de cette île et d'en étudier l'évolution
culturelle". Ainsi il effectua des sondages dans la région côtière de
Hakahau et fouilla la grotte Anapu'a (grotte de
pêcheurs) à Hakata'o qui
renferme de riches dépôts archéologiques.
Le deuxième objectif était de mieux connaître la
période immé¬
diatement pré-européenne par l'étude des structures
lithiques de surface.
Il put observer une soixantaine de structures et
développer une analyse
descriptive très poussée de la morphologie de neuf pae pae hiamo'e de la
vallée Hakaohoka à Hohoi.
C'est la première fois qu'aux Iles Marquises, une telle
analyse
exhaustive de la morphologie des structures
lithiques est réalisée. Cette
méthode, envisagée sur un grand nombre de structures, devrait permettre
dégager des informations pertinentes.
de
Un très bon recueil de la documentation existante, aussi bien sur les
données ethographiques et archéologiques des structures
lithiques que sur
la chronologie de la préhistoire marquisienne, est donné
par
dans la
première partie de
son
Pierre Ottino
rapport.
Maeva Navarro
Société des
Études
Océaniennés
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POLYNÉSIE FRANÇAISE
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 220