B98735210105_214.pdf
- Texte
-
DE M
SOCIETE
N° 214
TOME XVIII
—
Société des
N° 3 / Mars 1981
Études
Océaniennes
Société des Études Océaniennes
Fondée
Rue
Lagarde
-
en
1917.
Papeete, Tahiti.
Polynésie Française.
B.P. 110
-
Tél. 2 00 64.-
Banque Indosuez 21-120-22 T
—
C.C.P. 34-85 PAPEETE
CONSEIL D'ADMINISTRATION
M. Paul MOORTGAT
Mlle Jeanine LAGUESSE
Président
Vice-Président
Secrétaire
M.
Trésorier
Me Eric
LEQUERRE
Raymond PIETRI
assesseurs
M. Yvonnic ALLAIN
Me Rudi BAMBRIDGE
Mme Flora DEVATINE
M. Roland SUE
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
R.P. O'REILLY
M. Yves MALARDE
?
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DES ÉTUDES OCÉANIENNES
(Polynésie Orientale)
TOME XVIII
—
N° 3 / Mars 1981
SOMMAIRE
-
Le
Discovery à Rapa et à Tahiti
1791
-
1792
Journal d'Archibald Menzies.
Préface et Notes de Dorothy Shineberg.
-
Histoire de Temahuru
-
-
Émile Hiro.
Nouveaux Statuts
Société des
Études
Océaniennes
Conformément aux nouveaux statuts votés en Assemblée
Générale Extraordinaire, les 8 membres sur 14 candidats, élus
lors de l'Assemblée Générale du 20 Février 1981, ont constitué le
nouveau bureau.
Société des
Études
Océaniennes
789
Le
Discovery à Rapa et à Tahiti 1791-1792
Journal d'Archlbald Menzles
Archibald Menzies était le botaniste et le
chirurgien sur le Discovery
Chatham, au cours de la fameuse expédition
d'exploration de Vancouver, en 1791-1795. Le journal de voyage très long
et le navire annexe
et
du
très détaillé de Menzies est conservé dans la collection des manuscrits
Bristish Museum* de Londres. Alors que des extraits concernant
certaines
régions ont été publiés dans divers journaux et livres, le journal
intégralité reste encore à publier. A la connaissance de l'éditeur,
l'extrait ci-dessous relatif à la visite des 2 navires à Tahiti... est publié ici
pour la première fois.
Menzies naquit en Ecosse en 1754. Il s'engagea d'abord dans la
Marine comme assistant chirurgien, servant au cours de la guerre de
l'Indépendance Américaine, puis comme chirurgien à la station navale de
Halifax, à bord de H.M.S. Assistance. En 1786, il adressa des spécimens
de ses excursions botaniques en Amérique du Nord à Sir Joseph Banks, le
fameux botaniste qui accompagna le Capitaine Cook dans son premier
grand voyage de découvertes et qui, jusqu'à la fin de sa vie, s'intéressa à
tous les voyages dans le Pacifique (1). Ce fut le début d'une association
intime avec Banks qui joua un grand rôle dans la carrière de Menzies.
En 1787 et 1788 il parcourut le Pacifique du Nord Ouest comme
chirurgien à bord du Prince of Wales qui faisait le commerce des
fourrures. C'est alors qu'il eut ses premiers contacts, aux îles Hawaii, avec
des insulaires du Pacifique. Au terme de ce voyage il envoya à Banks des
renseignements détaillés sur les articles convenant le mieux au commerce
avec les indigènes de la côte Nord Ouest de
l'Amérique (2).
dans
son
Sur les instances de Banks,
Menzies fut affecté
comme
botaniste à
un
projet d'expédition qui se proposait de découvrir une route au Nord entre
l'Europe et l'Est. Après plusieurs retards, l'expédition eut pour but
(*) nouvellement dénommé Library for Museum
(1) C.F. Newcombe (éd.), Menzies' Journal of Vancouver's voyage, (Archives of British Columbia,
no V, Victoria, 1923, p. viii ; Bern Anderson, Surveyor of the Sea, Toronto, 1960, p. 45.
Memoir
(2) Richard H. Dillon, 'Archibald Menzies' Trophies', British Columbia Historical Quaterly, vol. 15,
1951, pp. 155-6.
Société des Etudes Océaniennes
790
supplémentaire d'aller accepter la restitution des terres et propriétés
saisies par les Espagnols dans le détroit de Nootka ; c'est finalement le
Capitaine George Vancouver qui en reçut le commandement. Plus tard,
Menzies devint également le chirurgien du Discovery, le navire de
Commandement, le titulaire ayant été réformé pour invalidité et renvoyé
dans ses foyers (3).
Sir Joseph Banks joua un rôle considérable dans l'organisation de ce
voyage. Ce fut une source d'irritation pour Vancouver, comme celà l'avait
été pour d'autres commandants qui avaient souffert de ce qu'ils
considéraient comme l'intervention d'un profane dans les préparatifs
essentiels. Banks dessina la serre devant abriter les spécimens botaniques
à rassembler sur le Discovery et donna à Menzies ses instructions
personnelles. Ces instructions sont particulièrement intéressantes en ce
qu'elles lui recommandent d'observer les êtres humains qu'il rencontrera
dans les pays inconnus ainsi que d'examiner et de faire collection de tout
ce qui peut intéresser les sciences naturelles. Il écrivait :
"Partout ou des rapports amicaux peuvent être établis avec les indigènes,
vous devrez vous renseigner avec application sur leurs mœurs, leurs
coutumes, leur langue et leur religion, et obtenir tous les renseignements
possibles sur leurs produits de fabrication, en particulier leur art de la
teinture, dans lequel les sauvages excellent souvent ; et au cas où un
aspect quelconque de leur comportement vous paraîtrait extravagant au
point que la relation qui en serait faite en Europe serait accueillie avec
incrédulité, vous devrez en être le témoin visuel, si vous pouvez le faire
avec convenance et sans prendre de risques, de sorte que le fait de sa
réalité puisse être établi sur une base aussi solide que la nature de votre
investigation le permettra" (4).
Ainsi que nous le verrons, Menzies fit tout son possible à Tahiti pour
suivre ces instructions, allant presque jusqu'à transgresser les "conve¬
nances" dans ses efforts pour assister aux funérailles d'un chef.
Le Discovery et le Chatham quittèrent l'Angleterre le 1er avril 1791.
Ils longèrent la côte Ouest de l'Afrique jusqu'au cap de Bonne Espérance
et là Vancouver prit à bord 13 moutons pour en faire présent aux
Tahitiens. (Ils moururent tous en route). Puis ils firent route plein Est
jusqu'à l'extrémité Sud-Ouest de l'Australie qu'ils atteignirent en
septembre. Naviguant au Sud du continent et de la pointe Sud de la
Tasmanie, ils atteignirent en novembre la baie Dusky, dans l'île sud de la
Nouvelle-Zélande et y passèrent trois semaines. Peu de temps après leur
départ pour Tahiti, une tempête sépara les deux navires. Le lendemain le
Discovery aperçut un groupe d'îlots désertiques auxquels fut donné le
nom de "The Snares" (5) (les pièges). Pendant ce
temps là, comme le
signale Menzies dans l'extrait ci-dessous de son journal, le commandant
du Chatham, William Broughton, faisait une nouvelle découverte qu'il
(3) Anderson, op.cit.,
(4) Cité
par
pp.
44-6
Dillon, loc.cil.,
; p.
pp.
113.
154-5.
(5) Au S.S.O. de l'Ile Stewart. Note du traducteur.
Société des
Études
Océaniennes
791
baptisa Ile Chatham, à 450 milles dans l'Est de la Nouvelle-Zélande. Les
deux navires restèrent séparés jusqu'à leur arrivée en baie de Matavai.
Le Discovery n'eut pas d'autre difficulté sur sa route en direction de
Tahiti. En décembre, ils aperçurent une île connue maintenant
sous
le
de
Rapa, mais que Vancouver appela Oparo avec quelque
hésitation, ayant des doutes sur son interprétation de la prononciation
des indigènes. C'est au moment où Rapa est en vue que commence le récit
du voyage, reproduit dans l'extrait ci-dessous.
Après avoir quitté Tahiti à la fin de janvier 1792, le Discovery et le
Chatham firent route sur les Iles Hawaii. En mars, ils visitèrent la baie
Kealakekua, où Cook avait été tué, ainsi que les Iles de Oahu, Kauai et
Niihau. Ils se rendirent ensuite sur la côte Nord Ouest de l'Amérique, but
principal de l'expédition. Pendant près d'une année, ils dressèrent
méticuleusement la carte de la côte, après quoi, comme agréable diversion
aux rigueurs de l'hiver du Nord, ils firent un autre séjour aux Hawaii en
février 1793. C'est aussi pendant ce voyage qu'ils firent le relevé des Iles
Hawaii. Repartis encore une fois, à la fin de mars, pour la baie de
Nootka, ils reprirent leur travail sur la côte Nord Ouest et refirent ensuite
un troisième voyage aux Hawaii ; c'est là,
que le 25 février 1794,
Vancouver accepta la cession de l'Ile d'Hawaii à l'Angleterre, ce dont
cette dernière ne se prévalut jamais. Après avoir complété le relevé de la
côte Nord Ouest depuis San Francisco jusqu'à l'Alaska, travail au cours
duquel ils purent constater que le "Passage du Nord Ouest", longtemps
recherché, n'existait pas, l'expédition quitta la baie Nootka en sep¬
tembre 1794, faisant route au sud, et après avoir doublé le cap Horn, se
trouva en vue de St. Hélène dans l'Atlantique Sud en juillet 1795, pour
arriver en Angleterre en octobre 1795. Après un voyage de plus de quatre
ans et demi, un seul des 145 hommes de l'équipage était mort de maladie.
C'était un hommage rendu à la sage administration de Vancouver qui
avait pris des mesures sévères pour prévenir toute apparition de scorbut et
pour maintenir les navires sans vermine et en bon état de propreté ; c'était
aussi un tribut à l'habileté et aux soins de son chirurgien, Archibald
nom
Menzies.
Menzies avait 37
ans lorsque le Discovery quitta l'Angleterre, trois
plus que son Commandant. C'était sa première visite à Tahiti,
alors que Vancouver y avait déjà été deux fois avec le Capitaine Cook,
comme midship sur la Résolution en 1773 et sur le Discovery en 1777.
Aussi, l'opinion de Menzies est de seconde main lorsqu'il parle des
"changements intervenus depuis la dernière visite de Cook" (6). A cet
égard, le récit de Vancouver, qui revoyait l'île après un intervalle de
quatorze ans, est plus intéressant que celui du botaniste. En effet, lorsque
Menzies fait le compte-rendu des changements politiques intervenus à
Moorea, il se trompe en ce qui concerne la filiation entre Mahine et son
successeur (7). Par contre, Menzies effectua, sans Vancouver, plusieurs
ans
de
(6) Extrait du Journal, voir plus bas.
(7) Extrait du Journal, voir plus bas.
Société des
Études
Océaniennes
792
excursions, à Moorea, au marae en revenant de Moorea et dans l'intérieur
de l'île de Tahiti, de sorte que le récit de ces journées est de première main,
alors que celui de Vancouver est secondaire. Pour les événements
auxquels ils assistent ensemble, leur façon de voir diffère.
Les critiques de Menzies sur les activités de Vancouver, particu¬
lièrement vers la fin du séjour à Tahiti, sont d'un grand intérêt ; mais elles
doivent être lues dans le contexte de leurs querelles continuelles au cours
du voyage.
Dans les
journaux manuscrits d'officiers subalternes, on trouve souvent
signes de désaccord profond avec leurs supérieurs. Il aurait été
remarquable de pouvoir réaliser une parfaite harmonie entre les officiers
dans un espace aussi restreint, et ce voyage fut beaucoup plus long que la
plupart des autres. Les rapports entre le Commandant et le naturaliste
étaient particulièrement tendus. Pour ce qui est du Commandant, il
pressentait la gêne d'un officier de carrière vis à vis d'un gentilhomme
dont la position à bord ne tombait pas dans le cadre des rapports
professionnels. Il mettait aussi souvent de la mauvaise volonté à distraire
du personnel et du matériel des besoins du bord, en faveur de ce qui lui
paraissait beaucoup moins essentiel, à savoir les nécessités de la
botanique et de la conservation des collections. Du côté du naturaliste, il
y avait l'irritation du savant devant l'incompréhension vis à vis de ses
exigences scientifiques et le refus de relâcher la routine du bord pour les
des
satisfaire.
Dans ce cas particulier il existait une difficulté supplémentaire du fait
Menzies était le protégé du redoutable Sir Joseph Banks. Ce dernier
aimait intervenir chaque fois qu'il était projeté un voyage dans le
Pacifique. Ce fut à la demande de Banks que "Tooworero"- le jeune
Hawaiien qui avait été amené en Angleterre sur un navire faisant le
commerce des fourrures- avait été
embarqué sur le Discovery pour être
rapatrié. Ainsi que nous l'avons signalé, Banks avait recommandé
l'affectation de Menzies sur le Discovery, bien que Vancouver ne désirât
pas de naturaliste pour ce voyage, et il semble que Menzies dépendait plus
directement de Banks que du commandant. Avant que le voyage ne
commence, Banks avait fait part à Menzies de la piètre opinion qu'il avait
de Vancouver (8).
Tout au long du voyage, Menzies correspondit directement avec son
protecteur et devait bien se douter que les plaintes contre Vancouver dont
ses lettres étaient pleines tombaient dans des oreilles
réceptives.
Au cours de la troisième année du voyage, il écrivit que : "Depuis un bon
moment, il parait évident que le Capitaine Vancouver n'a que peu de goût
pour le succès du jardin", et "qu'il réagit d'habitude avec passion et
étroitesse d'esprit chaque fois qu'on lui parle de la sauvegarde du
jardin" (9). Menzies se plaignait également de ne pas avoir assez souvent
l'usage des embarcations pour ses travaux botaniques, et de ne pas avoir
que
(8) Anderson, op.cit. p. 46.
(9) Menzies à Banks, à bord du Discovery, le 18 novembre 1793, in Banks Papers tome 9, Bibliothèque
Mitchell, Sydney.
Société des
Études
Océaniennes
793
homme pour s'occuper des chassis lorsqu'il travaillait à terre. La
mésentente entre Menzies et Vancouver atteignit son paroxysme vers la
fin du voyage, lorsqu'après une empoignade particulièrement vive,
un
Vancouver donna l'ordre de le mettre
aux arrêts "pour insolence et
outrages" (10).
Lorsque l'on soupèse la validité des critiques de Menzies sur
Vancouver dans son journal, il est nécessaire de tenir compte de cette
tension. Il semblerait toutefois que le récit de Menzies relatif aux
"violentes menaces" de Vancouver, proférées contre ses anciens amis
Tahitiens, soit assez proche de la vérité, car le récit du commandant luimême le montre réagissant avec une colère disproportionnée aux
provocations plutôt anodines qui eurent lieu pendant les derniers jours
passés à Tahiti. Son biographe pense qu'au cours de ces incidents,
Vancouver laissait entrevoir les premiers symptômes d'une maladie qui
devait lui être fatale trois ans seulement après son retour en Angleterre, à
l'âge de 41 ans (11).
Menzies confia à Banks que lorsque le commandant lui demanda les
papiers de ses travaux afin de rédiger le compte-rendu officiel, il avait
l'intention de cacheter son journal pour l'adresser directement à
Banks (12). C'est ainsi que lorsque les papiers lui furent réclamés alors
que le voyage touchait à sa fin, Menzies refusa de les lui remettre ; étant
donné qu'il était aux arrêts, cette attitude de défi dut lui procurer une
satisfaction toute particulière. En arrivant à Londres, Vancouver voulut
faire passer Menzies en Conseil de guerre pour infraction aux ordres en
mer. Menzies ayant officiellement présenté ses excuses à Vancouver,
celui-ci retira son accusation et l'affaire en resta là (13).
Dès son retour en Angleterre, Menzies travailla d'arrache-pied pour
terminer son récit de voyage avant la publication de celui de Vancouver.
Ses lettres indiquent qu'il reçut les "amicales remontrances" et les
"sollicitations" de Banks dans cette course plutôt sordide à la publication,
que Menzies voulait gagner, de son propre aveu, "pour plus d'une
raison" (14). Sur ce plan là, il fut déçu. Bien que Vancouver soit mort en
Mai 1798 avant d'avoir achevé son travail, celui-ci fut terminé par son
frère John et publié la même année ; quant au journal de Menzies, il
demeura dans l'obscurité pendant un siècle et demi, et, jusqu'à ce jour, n'a
jamais été publié dans son intégralité.
D'après une liste dans les papiers de Banks, nous avons connaissance
des "curiosités" que Menzies rapporta de son voyage ; voici les objets en
(10) Anderson, op.cit., p. 210.
(11) Anderson, passim, mais aussi plus particulièrement pages 66-67 ou l'auteur suggère qu'il s'agissait
Graves", une affectation hyperthyroidienne.
de la "maladie de
(12) Menzies à Banks, à bord du Discovery, Valparaiso, le 26
mars
1795, Banks Papers, tome 9,
Bibliothèque Mitchell, Sydney.
(13) George Goodwin, Vancouver, A Life. 1757-1798, London, 1930, p. 147.
(14) Menzies à Banks, Berkeley Square, le 3 janvier 1798, Banks Papers, tome 9, Bibliothèque
Mitchell, Sydney.
Société des
Études
Océaniennes
794
de Tahiti qui furent déposés
provenance
-
-
au
British Museum
:
Prai,
costume de deuil complet ; Taoma ou Pectoral ;
ornements de plumes d'une grande
pirogue ; erminettes ;
panier curieusement tressé en fibre de coco ; natte d'une grande finesse ;
tressé ; plusieurs échantillons d'étoffes fabriquées par les indigènes ;
une collection de
coquillage ; lignes faites de cheveux humains finement
tressés ; hameçons (15).
Si Vancouver eut plus de succès pour la postérité, Menzies le
surpassa en ce bas monde, vivant jusqu'à un âge avancé dans l'honneur et
l'aisance. Après un dernier voyage aux Antilles, il
quitta la Marine,
s'installant à son compte comme chirurgien. Il fut élu membre de la
"Linnaen Society" dont il devint éventuellement le Président. Il
rédigea
quatre papiers relatifs à ses découvertes scientifiques, pour des journaux
spécialisés. Il mourut à Londres en 1842 à l'âge de 88 ans, léguant sa
collection botanique aux Jardins Botaniques
d'Edimbourg.
-
sac
-
Traduction B. Jaunez
Dorothy Shineberg
The Australian National
History
Les annotations du texte ont été réduites
quelques
au
-
University
Arts
minimum. L'identité de
des personnages Tahitiens dont les noms furent changés au
cours de la première période de contacts avec les
Anglais, est matière à
controverse parmi les ethnographes. L'éditeur désirait seulement
présenter la version de Menzies au public sans interprétation de ce
problème ; c'est pourquoi seule une erreur évidente de filiation a été
uns
mentionnée. Les
noms
figurent dans le texte
modernes de lieux ont été donnés là où
sont tombés
en
ceux
qui
désuétude.
(15) D'un manuscrit dans Banks Papers, Branche de Sutro, Bibliothèque d'État de la Californie, San
Francisco, Californie ; cité par Dillon, loc.cit., p. 157.
Société des
Études
Océaniennes
795
Tôt au matin du 22 la terre fut découverte au
Nord/Nord-Est à
environ 16 lieues; de cette distance cela faisait comme deux monticules
avec un
rocher
pointu
peu
détaché
vers
le Sud-Est, ressemblant
assez
à
un
vaisseau toutes voiles dehors. Nous nous
dirigeâmes vers cette terre afin
d'en avoir une meilleure vue et
passâmes plusieurs agglomérats d'algues
marines qui flottaient à la surface de l'eau et
des
qui s'avérèrent être une
également des oiseaux des
tropiques nommés hirondelles de mer (Phaeton melanorhynchos) mais
leur nombre était insignifiant et la tribu entière d'albatros et de
pétrels
nous avait, depuis
quelques jours déjà, complètement abandonnés. Dans
la matinée le ciel devint clair et serein, offrant une excellente occasion de
faire des observations lunaires ce qui ne fut pas négligé et, leur résultat appliqué à l'île - plaça sa longitude à 215°57' à l'Est de Greenwich (1) et sa
latitude (déduite d'une altitude méridienne du soleil à
midi) à 27°36' au
variétés de "Trucus" flottants. Nous vîmes
Sud.
A midi
nous
étions à 6 lieues de l'île et, tandis que nous nous en
approchions, les abords de la côte présentaient
une apparence des plus
rudes. Sur le versant Ouest s'élevaient cà et là de hautes falaises
perpendiculaires, dénudées ainsi que des précipices, falaises qui - en
surplombaient leurs bases et semblaient composées de
couches horizontales dont les sommets présentaient des rochers
pointus et
de rudes fragments, irrégulièrement empilés, formant des cîmes brisées et
de profondes brèches sur toute l'île qui semblait avoir de 6 à 7 lieues de
circonférence et être moins élevée vers le milieu qu'au Nord et au Sud.
Des rochers détachés se voyaient près du littoral en divers endroits. Le
côté Sud atteignait, à son extrémité, une hauteur suffisante
pour être
certains endroits
-
visible à 15 lieues de là
et
ressemblait dans
sa
forme à la demi-section
perpendiculaire d'un cône. Sur les plus hauts sommets de quelques unes
de ces collines fort élevées on pouvait voir certaines silhouettes
ressemblant à des fortifications. A un moment donné cinq d'entre elles
furent en vue et chacune ressemblait quelque peu à une grande maison
carrée, entourée à peu de distance, par un haut mur de pierre ou de
tourbe.
Vers 3 heures de
l'après-midi plusieurs pirogues se détachèrent du
convainquit que cette île, d'apparence lugubre, était
habitée et nous commençâmes à penser que ces plates-formes étaient sans
nul doute ce qu'au premier abord leur apparence nous avait
suggéré : des
rivage
ce
qui
nous
postes de défense.
Quand nous arrivâmes à une lieue de la côte nous avançâmes, afin
les pirogues puissent venir jusqu'à nous, en face d'une petite baie au
Nord-Ouest de l'île et bien que nous n'ayions pas de sonde de plus de 180
toises où nous nous trouvions
il y avait cependant tout lieu de croire
pouvoir ancrer non loin de là - du fait qu'il n'y avait ni récif ni autre
obstruction visible et que la plage autour de la baie apparaissait
sablonneuse et balayée par un ressac très modéré.
que
-
-
(1) C'est-à-dire, 35°57 Ouest
Société des
Études
Océaniennes
796
Au début, il nous fut bien difficile d'amener la moindre
pirogue à se
placer le long de notre bord malgré tous les signes amicaux et invitations
que nous pouvions imaginer. Ces naturels semblaient excessivement
prudents et craintifs et se tenaient à distance, nous regardant fixement avec admiration semblait-il et étonnement
les seules réponses qu'ils
faisaient à nos sollicitations étaient de pointer de temps en temps
leurs
pagaies vers la côte comme s'ils voulaient nous signifier d'en approcher ou
de débarquer. A la fin, une des
pirogues s'aventura si près du bateau
qu'un paquet de perles et quelques clous y furent jetés, ce qui sembla
dissiper instantanément leurs appréhensions et agir comme un encoura¬
gement plus puissant que n'importe quel autre moyen utilisé, si bien
qu'avec un peu plus de persuasion l'un des indigènes monta à bord et fut
vite suivi de plusieurs autres ; et tout ce qu'ils
voyaient leur semblait si
nouveau qu'ils ne pouvaient fixer leurs
yeux - ou leur esprit - sur un seul
objet pendant un seul instant. Ils se promenaient sur le bateau ne faisant
pas attention à nous et cherchaient à s'approprier tout ce qui était à
portée de leurs mains, spécialement le fer (qui les attirait plus que quoi
que ce soit d'autre) si bien qu'il fallut souvent, par la force, les empêcher
de nous piller aussi ouvertement car on ne
pouvait pas obtenir autrement
qu'ils nous rendent le butin indûment acquis : les taquets du gaillard
d'arrière, les agrafes et portes des canons et agrès, ainsi que tout ce qui
concerne la forge attirait particulièrement les
yeux et les mains de ces
indigènes qui se déplaçaient sans cesse avec la plus grande rapidité. L'un
d'entre eux voyant qu'une ancre reposait sur le gaillard d'avant,
essaya de
l'emporter avec la même force qu'il aurait mise à soulever une pièce de
bois de charpente d'un même calibre et apparût fort
surpris de ne pouvoir
la déplacer ; il l'examina tout autour
pour voir où elle était fixée au pont.
Un autre se voyant dans un grand miroir de la cabine
commença à
pousser un cri, dansant et cabriolant devant pendant plusieurs minutes et,
voyant toutes ses actions si fidèlement imitées qu'il ne pouvait en aucun
cas surpasser son imitateur, s'en
approcha pour y porter un coup qui - si
sa main n'avait
pas été retenue - aurait un instant cassé le tout ! Mais,
lorsqu'après avoir calmement touché le miroir et avoir trouvé que c'était
une surface lisse et
solide, il essaya alors d'insinuer sa main derrière,
imaginant sans doute qu'un bouffon devait se tenir de l'autre côté.
Tout ce qu'ils voyaient retenait leur attention et les
remplissait d'une
telle curiosité qu'ils étaient tout
occupés à tout voir et tout toucher
pendant qu'ils étaient à bord et il nous fut extrêmement difficile de les
faire compter dans leur langue au delà de dix, ce
que nous trouvâmes
correspondre exactement à la façon dont les Tahitiens comptaient, de
même que les quelques autres mots
qu'ils répétaient nous convainquirent
qu'ils parlaient un dialecte d'une même langue, mais si modifié par leur
situation locale, que même Tooworero (2) ne
comprenait que très peu de
ce
qu'ils disaient. Ceci étant le cas, je pense qu'il se peut qu'Oparoo (3) ne
-
(2) Le
natal
sur
hawaïen qui avait été emmené en Angleterre en 1789
"Discovery" à la demande de Sir Joseph Banks.
garçon
le
(3) L'île
est connue
aujourd'hui
sous
le
nom
Société des
de
et
Rapa.
Études
Océaniennes
qui fut ramené dans
son pays
797
soit peut être pas
le
nom
réel de l'île, bien
à notre
que ce
fut souvent leur réponse
interrogation à ce sujet et que ce nom fut donc adopté.
Ces indigènes sont de stature moyenne, vigoureux et - en général
-
bien
proportionné et de teint brun foncé ; leurs traits variaient en presque
toute occasion, apparaissant doux, ouverts et
pleins de vivacité. Leur
caractère semblait égal et de bonne composition - du moins n'était-il pas
facilement troublé par les menues déceptions rencontrées à bord. Ils
laissaient pousser leur barbe mais leurs cheveux, naturellement raides,
étaient coupés courts et de façon arrondie sur la nuque - et bien que leurs
oreilles fussent perforées, nous ne les vîmes porter aucun ornement autre
que les clous que nous leur donnions. Aucun de nos visiteurs n'était le
moins du monde tatoué et cette dérogation à une coutume si générale
parmi les indigènes de cet Océan peut mériter d'être notée.
Le seul vêtement qu'ils portaient était une étroite bande d'étoffe faite
d'écorce d'arbre qui passait autour de leur taille et entre leurs jambes ; ce
tissu semblait être un article rare parmi eux car beaucoup d'entre eux n'en
avaient pas assez pour couvrir leur nudité, mais il était évident cependant
qu'ils portaient généralement quelque chose du fait que certains d'entre
eux avaient
suspendus à leur ceinture - à cette intention, des paquets de
feuilles de l'espèce des Dracena.
-
Leurs
pirogues étaient petites et étroites mais bien construites, un
surélevées à chaque extrémité en angle aigu, avec des balanciers
semblables à ceux rencontrés généralement sur cet océan. Ils avaient
également des pirogues doubles à voiles construites de la même manière
et, bien que nous n'avions pas remarqué de forêts dans l'île ni de bois de
charpente de taille à y construire leurs pirogues, ils ne semblaient
cependant pas en manquer du fait qu'à un moment donné, nous ne
comptâmes pas moins de 30 pirogues autour du navire ainsi qu'entre nous
et la côte ; huit ou neuf d'entre elles étaient doubles, ayant chacune
plus
de 20 hommes, beaucoup en avaient plus... si bien que nous estimâmes le
nombre de gens venus dans ces pirogues et de cette baie à environ 300.
Comme il y avait ni femmes, ni enfants, ni personnes très âgées parmi
eux, je pense qu'on peut affirmer en toute certitude qu'ils ne repré¬
sentaient pas le cinquième des habitants de cette petite vallée - qui donc
pourraient atteindre au delà de 1500 âmes. Mais je ne voudrais pas en
conclure que cette île soit très habitée, peut-être néanmoins que les
environs de cette baie pourraient abriter la moitié de leur nombre total.
peu
A l'exception de quelques petits poissons attrapés, aucune de ces
pirogues n'apporta la moindre sorte de vivres frais - porcs, volailles ou
légumes, si bien que nous restons totalement ignorants des produits de
cette île ou des vivres qui - en cas de nécessité et à l'avenir pourraient
servir d'approvisionnement - bien que je doive confesser qu'à ce moment
là il était si facile d'acquérir une certaine connaissance de ces denrées, ce
qui pourrait s'avérer très satisfaisant et peut-être de grande utilité aux
futurs navigateurs traversant cet immense océan.
La vallée qui entoure le fond de la baie est suffisamment attrayante
comparée aux autres parties de l'île qui sont parsemées de buissons, au
Société des
Études
Océaniennes
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desquels nous pouvions apercevoir les habitations des indigènes et
quelques maigres coins cultivés ; les collines, à l'arrière, sur le versant Sud
apparaissaient légèrement couvertes d'un peu de verdure et, çà et là,
boisées d'arbres misérables particulièrement dans les endroits creux entre
les collines, mais ils ne semblaient pas être bien grands. Vers l'extrême
Nord les collines ne sont pas aussi rudes et rocailleuses mais s'élèvent en
surface lisse couverte uniquement d'herbe, sans arbres ni buissons
d'aucune sorte. Nous ne vîmes nulle part de cocotiers sur cette île.
Il ne nous semble pas improbable qu'il puisse y avoir une autre terre
dans le voisinage de cette île, soit vers l'Est ou le Sud-Est et, bien que nous
n'en vîmes point, il y aecependant deux circonstances déjà mentionnées
qui - en quelque sorte - favorisent cette conjoncture, à savoir : ces places
fortes aperçues en haut des collines qui, de par leur situation et
apparence, ne pouvaient pas être assimilées à autre chose qu'à des places
fortes dans le but d'assurer certainement une retraite et protection plus
sûres aux habitants lorsque leur territoire est envahi par quelque tribu
avoisinante. L'autre circonstance est que nous n'avions point vu la
moindre forêt ou bois de charpente sur l'île, susceptible de fournir et
maintenir en état un aussi grand nombre de belles pirogues et il y a donc
une forte probabilité
qu'elles proviennent - du moins pour la majeure
partie - de quelqu'autre endroit.
C'est tout ce que j'ai à dire au sujet de cette petite île que nous avons
appelée Oparoo. A cinq heures de l'après-midi nous mîmes les voiles à
travers
nouveau vers
23 Déc. 1971
Le matin du
le Nord.
23, Oparoo était encore en vue au Sud-Est, par le Sud, à
environ 17 lieues derrière nous nous avions
Sud-Est mais fluctuant de point en point,
suivant.
-
25 Déc.
une
brise fraîche
ainsi qu'au
venant du
cours
du jour
Le 25, le vent venait de l'Est et soufflait
en tempête le matin, avec de la
le reste de la journée il continua de souffler vigoureusement avec
un temps
nuageux peu stable, si bien qu'il ne fut pas jugé prudent de
poursuivre durant la nuit, étant proches de l'île de Gloucester (4) ; nous
amenâmes donc les voiles et repartîmes à nouveau le jour suivant, ayant
encore le même vent et un temps sombre de tempête, avec grosse pluie
et
pluie
;
houleuse.
Dans la nuit du 26
mer
27 Déc.
27, le vent a de nouveau tourné au Nord-Est, si bien
affronter toute la journée suivante un temps
incertain avec un vent instable qui par moments soufflait très fort, avec
bourrasques et éclairs, et une forte pluie presqu'ininterrompue.
Tôt le matin nous sommes passés à 9 ou 10 lieues à l'Ouest de l'île
d'Osnaburg (5), poussés par une brise fraîche qui vers midi nous amène en
vue de l'extrémité Sud d'Otaheite. Mais
pendant l'après-midi, le vent
que nous avons
29 Déc.
au
dû
encore
(4) Les îles Anou, se trouvant au Sud-Est de Tahiti, dans l'archipel des Australes.
d'abord attribué en l'honneur du Duc de Gloucester, par le Capitaine Philip Carteret du
en 1767. Elles
comprennent trois atolls : Anuanurao, Anuanurunga et Nukutipipi.
Ce nom leur fut
H. M.S. Swallow
(5) Me'etia. Cette île fut d'abord appelée l'île de l'Évèque d'Osnaburg par le Capitaine Samuel Wallis
Dolphin, le 17 juin 1767, en l'honneur du second fils du Roi George III. Ce nom fut aussi
attribué à Muraroa un mois plus tard par le Capitaine Carteret qui ignorait le choix de Wallis.
du H.M.S.
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Études
Océaniennes
799
devenu faible
30 Déc.
ne nous permet pas de parcourir la distance espérée.
A
l'approche de notre lieu de rendez-vous nous étions de plus en plus
anxieux de savoir ce qui était arrivé à l'autre navire de l'expédition, et
aussi de profiter des bienfaits que cette île fertile prodigue en abondance,
peuplée de gens heureux dont les manières douces et simples l'ont rendue
si chère aux navigateurs qui nous ont précédés.
En fin d'après-midi nous apercevons la pointe Nord de l'île, mais
jugeant que nous ne l'atteindrons pas avant l'obscurité, nous décidons de
tirer des bords pendant la nuit.
Le matin du 30 Décembre nous mettons de nouveau le cap sur la
pointe
Vénus avec une brise légère. Alors que nous approchions de la terre, trois
hommes sont venus à notre rencontre en pirogue avec des cochons. Ils
nous en ont offert un tout petit avec un rameau vert, offrande en
signe de
paix, puis deux autres petits cochons pour le commandant. Ils nous
informent qu'un deux-mâts est au mouillage dans la baie de Matavai.
Il s'agit sans aucun doute du Chatham. A midi, lorsque
nous jetons
l'ancre, nous ne sommes pas déçus. Le Chatham était arrivé quatre jours
plus tôt, tout son équipage en bonne santé. Son commandant, le
Lieutenant Broughton monté à notre bord avant que nous ne mouillons
nous raconte
que la nuit où nous nous sommes séparés, ils ont continué à
nous suivre jusqu'au moment où le
gros temps les a pris par l'arrière, les a
secoués violemment et les a obligés à se mettre en panne pendant toute la
tempête, tandis que de notre côté nous trouvions notre sécurité dans la
fuite, ce qui explique notre séparation. Mais, le lendemain après-midi, ils
se sont trouvés dans une
position encore plus critique face à ces récifs
sinistres que nous dénommons les "Snares", contraints de les traverser en
plein milieu par un chenal étroit. Ayant ainsi échappé au naufrage, ils
reprirent leur route vers cette île-ci et découvrirent l'archipel des îles qu'ils
nommèrent Chatham en l'honneur du premier Lord de l'Amirauté. Ils
longèrent sa partie nord et relevèrent la côte sur 10 ou 12 lieux. Ils
situèrent l'île la plus au nord à 43°49' sud de latitude et 183°40' est de
Greenwich de longitude. Ils mouillèrent dans une baie où le commandant
et quelques officiers se rendirent à terre et prirent possession de ce pays au
nom de sa
Majesté Britannique. En dépit de cadeaux et de démons¬
trations d'amitié de toutes sortes de leur part, ils ne réussirent pas à établir
des relations amicales avec les indigènes.
Deux jours avant notre arrivée ici, un déluge comme ils n'en avaient
jamais vu de leur vie avec éclairs et tonnerre est tombé sur leurs têtes. La
rivière Matavai est sortie de son lit emportant avec l'impétuosité d'un
torrent, bon nombre d'arbres déracinés qui flottent maintenant dans la
baie ou encombrent la rive. Au cours de la nuit, le canot du Chatham s'est
rempli d'eau et a coulé à côté du bateau. Ses mâts, ses avirons et ses voiles
furent emportés. Le flot monta si haut que .personne ne pût débarquer
avant la veille au soir de notre arrivée, quand le temps s'est calmé.
Le Lieutenant Broughton n'a encore reçu la visite d'aucune personne
de la famille royale. Il a appris qu'ils sont tous à Eimeo (6) à l'exception
(6) Mo'orea.
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Études
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800
du
jeune Otoo (7) qui lui a adressé un message dans la matinée pour lui
ce but, qu'après que le
Discovery eût mouillé, que débarquèrent le Capitaine Vancouver, le
Lieutenant Broughton, Monsieur Whidbey, deux chefs et moi-même.
Nous débarquons à la Pointe Vénus et à peine avons-nous avancé que
nous sommes accueillis par les offrandes de paix habituelles, un petit
cochon et un rameau vert. En les présentant au Capitaine Vancouver,
l'homme s'accroupit et répète quelques phrases courtes auxquelles répond
Mooree, l'un des chefs qui nous accompagne. On nous conduit à travers
la brèche que la rivière avait fait sur la plage jusqu'à un endroit peu
éloigné où nous trouvons le Prince assis sur les épaules d'un hommes
habillé d'un vêtement décoré de plumes qui autour de son cou, forment
une fraise élégante. Les indigènes se tenaient à sa gauche et à sa droite
laissant un espace vide pour notre passage. On nous arrête à quelques pas
du Prince, puis un homme debout à ses côtés nous adresse une brève
allocution. Mooree y répond de notre part par un discours interminable.
Il divise ensuite en quatre parts égales, les nombreux cadeaux apportés
par Broughton. Puis chacun de nous abondamment couvert de vêtements
des îles, va déposer à tour de rôle sa part de présents sur une natte
disposée près du jeune Prince. Nous sommes alors conviés à une réunion
où le Prince nous demande avec grand empressement d'envoyer un navire
à Eimeo pour y chercher son père. Nous ne comprenions pas pourquoi
celui-ci ne peut venir sur sa propre pirogue car bon nombre de chefs
manifestent la même insistance. Le Capitaine Vancouver, qui considère sa
présence pendant notre séjour de la première importance, promet de
donner suite à cette requête dès le lendemain. En même temps il a
demandé la permission de monter nos tentes sur un terrain près de la
pointe ce qui nous a été accordé sans la moindre hésitation.
Le jeune prince paraît avoir une dizaine d'années. Pour autant qu'il soit
possible de prédire un avenir à un être si jeune, il semble posséder tous les
dons qui avec l'âge et l'expérience lui permettront de tenir avec grandeur
le rôle auquel il est destiné. Son apparence est noble et ferme. Son
comportement affable et délié, ses traits agréables et réguliers, bien que
parfois assombris par un air de gravité qui lui permet déjà d'imposer le
respect à ce peuple doux.
Cette réunion terminée, le Capitaine Vancouver fixe l'endroit où on
doit dresser les tentes. En arrivant à bord, il trouve un gros cochon
envoyé par le jeune Otoo et apporté sur le navire avec celui que m'a offert
Mooree. De nombreux indigènes sont là et le marché des échanges qui
nous permet d'acquérir des vivres frais marche déjà d'un bon train. Le
Capitaine Vancouver me demande alors si je veux bien accompagner un
officier pour aller chercher le Roi (8) à Eimeo, le lendemain, ce que
j'accepte volontiers.
demander de venir le rencontrer à terre. C'est dans
(7) Il s'agit du jeune Tu, fils de Tu (Pomare I) et de Itia, plus tard connu sous le nom de Pomare II. Il
devait avoir environ
le considère
onze ou
comme
"étant
douze ans quand Menzies le rencontra. Plus tard dans
âgé d'environ dix ans".
(8) Il s'agit de Tu l'ancien,
titre de
son
père à
sa
ou
naissance,
son journal,
Menzies
Pomare I. En fait, le "Prince" de Menzies (le jeune Tu) avait hérité du
Menzies le souligne pertinemment plus loin dans son Journal.
comme
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Études
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801
Le
31, j'accompagne donc à Eimeo, le Lieutenant Mudge et
pinasse. Nous sommes assistés par
intelligent et résolu. En se déhalant
du navire, tous les indigènes assemblés en grand nombre le long du bord,
nous acclament par des applaudissements répétés
auxquels sur le rivage
les gens font écho, clamant le nom de leur roi, ce qui prouve leur
vénération et leur profond attachement envers un homme dont les
manières clémentes de gouvernement leur ont apporté agréments et
Monsieur Collet, le canonnier de la
Motooara le chef de Huahine, guide
bonheur.
Nous mettons le cap sur
Eimeo. Nous passons devant l'entrée de la
Capitaine Cook et peu après nous pénétrons dans le
lagon par une passe difficile dans le récif sous la seule conduite de notre
guide. Nous contournons l'extrémité nord, entre la terre et plusieurs îlots,
et nous longeons la côte ouest sur environ quatre miles, un
peu au-delà
d'un lieu nommé Wharraree où nous parvenons à deux heures de l'aprèsmidi. Là, nous mouillons un grappin et nous envoyons un message à
Otoo, car il ne nous est pas permis de débarquer avant qu'il ne soit là pour
nous recevoir. Il arrive environ une heure
plus tard, accompagné du reste
de la famille royale suivie d'un groupe important d'indigènes.
Ce n'est qu'après avoir étalé plusieurs morceaux de tapa devant nous
sur la plage, que nos hôtes nous ont invités à
débarquer.
Otoo en personne nous serre à tour de rôle dans ses bras et nous embrasse
avec cette cordialité amicale qui a toujours marqué son caractère et son
attachement à la nation britannique. Il nous présente ensuite à la
Reine (9), aux autres dames et à un chef malade étendu sur une civière à
côté de lui. Après ces salutations, Otoo nous enveloppe d'une telle
longueur de vêtements de tapa que nous pouvons à peine bouger. Ainsi
accoutrés, nous lui offrons nos présents, seulement deux haches, quelques
couteaux, des ciseaux, des miroirs et des perles.
Nous demandons à Otoo quand il sera prêt, de nous accompagner
à Matavai. Il nous répond demain matin et demande une bouteille de vin
et des biscuits que nous lui faisons apporter de la pinasse. Il s'assied, les
savoure du regard, puis boit la première gorgée de vin au Roi Georges
et à
l'Angleterre. Tandis qu'il vide toute la bouteille entière, il nous pose bon
nombre de questions pertinentes au sujet du nom de nos navires et de leur
commandant, du temps mis à venir d'Angleterre, des escales à la Nouvelle
Hollande, de nos projets en quittant Tahiti. Il se montre anxieux aussi de
savoir si Monsieur Webber est à notre bord, ou si quelqu'artiste de sa
compétence le remplace. Devant notre réponse négative il nous dit sa
désolation car il aurait beaucoup voulu adresser un portrait de son fils au
Roi d'Angleterre. Il nous demande si Bane est toujours vivant (ainsi
appelle t-il sir Joseph Banks) et s'il reviendra à Otaheite.
Lorsque nous avons débarqué, il a immédiatement reconnu
Monsieur Collet qui était avec Cook, lors de son dernier voyage. Il lui
demande des nouvelles de ceux qu'il a connus, et l'interroge tout
spécialement sur la mort du Capitaine Cook dont il se lamente avec réelle
baie où mouilla le
(9) Il s'agit d'Itia, première et principale épouse de Pomare I et mère du jeune Tu.
Société des
Études
Océaniennes
802
tristesse. Pendant toute cette conversation, nous l'avons toujours appelé
du nom de Otoo, mais il en profite pour nous corriger en nous signifiant
que son
que,
lui,
fils devenu roi de Tahiti a maintenant hérité du nom de Otoo, et
a pris le nom de Pomare par lequel nous devons dorénavant le
nommer.
Pomare
nous
entraîne alors à l'écart du groupe pour rencontrer son
père, le vieux Whapai, un chef bien connu des premières et secondes
expéditions du Capitaine Cook qui visitèrent ces îles. Nous le trouvons
assis sur une natte. Nous lui offrons quelques pacotilles, mais à peine les
a-t-il saisies qu'elles lui sont arrachées des mains par des indigènes dont il
semble être la victime habituelle qui se les disputent entre eux. Il doit
avoir 80 ans. Cependant, il se tient bien droit et paraît marcher avec
autant d'aisance et de détermination que son fils.
De là nous avançons le long de la plage suivi du chef malade porté
sur sa civière et d'un grand nombre d'indigènes, jusqu'à une maison située
à peu de distance. Un repas a été préparé pour nous et notre équipage.
Nous sommes restés là toute la nuit avec la famille royale dont les
membres se relaient pour Romee (10), le chef malade. Leurs attentions et
leur tendresse à son égard m'ont incité à me renseigner sur son histoire. Il
est le Earee rahi no moorea, c'est-à-dire le roi de Moorea ce qui est un
autre nom de cette île.
Pomare et lui sont deux fois beau-frère ayant
l'autre. Il
chacun épousé la
soeur
de
Motooaro-Mahow. Bien qu'ayant changé son nom
en devenant roi de l'île à la mort de Maheine, il
n'y a pas de doute qu'il
était déjà le chef de ce district-ci à l'époque du Capitaine Cook, car après
se nomme
l'expédition à travers l'île à la suite du vol des chèvres, c'est ici que Cook a
retrouvé ses embarcations et a mis fin à son action punitive en apprenant
que ce chef et les siens étaient l'ami du roi d'Otaheite. L'avenir devait
prouver combien il avait eu raison car la sœur aînée de ce chef est devenue
peu après la reine de Otaheite et la mère du roi actuel. Au même moment,
la plus jeune sœur de Pomare a été donnée en mariage à ce chef et est
devenue reine de cette île-ci ; cette amitié possède donc des bases solides.
Pour la cimenter davantage Pomare a pris pour lui une autre sœur de
Motooaro-Mahow, nommée Whaerede (11), si bien qu'actuellement il vit
avec les deux sœurs et paraît très épris de la plus jeune dont d'ailleurs il
n'a pas d'enfants. Mais je crois savoir que les cruelles mœurs de ce pays ne
leur permettraient pas de survivre.
Au cours de notre marche le long du rivage nous avons remarqué en
plusieurs endroits de la bouse de bovins. En réponse à nos questions les
indigènes nous ont dit qu'il y a quatre vaches et un taureau dans ce
district. D'après ce que nous comprenons c'est tout ce qui reste du
troupeau laissé par le Capitaine Cook à Otaheite en 1777, devenu le bien
du roi Maheine de cette île après une expédition victorieuse sur l'île
(10) "rumi", forme de
largement pratiqué en Polynésie comme relaxation et traitement
par les visiteurs européens. Plus loin dans le texte, Menzies
expérience du "rumi" et les effets de celui-ci.
massage
médical. Le "rumi" fut grandement
décrit
sa
propre
(11) Jeune
sœur
apprécié
d'Itia. Vancouver l'appelle "Fier re té", mais Menzies préfère l'orthographe de Brigh.
Société des
Études
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803
d'Otaheite. Ces animaux
successeur de Maheine en
1er Jan. 1792
depuis restés là. Motooaro-Mahow,
propriétaire.
Les indigènes les nomment Bova-Toora, ils disent qu'ils sont sauvages et
que nous ne pouvons donc pas les voir. Il faut surtout regretter que le
taureau soit devenu stérile, ce qui signifie l'extinction de
l'élevage.
Ce matin nous avons suggéré à Pomare 1er d'appareiller assez tôt
sont
est reconnu comme le
pour que les rameurs fassent la traversée avant les heures de canicule. Il
acquiesce, ij dit que ses deux femmes, Motooaro-Mahow et sa femme, et
le chef de Huageine nous accompagneront. Nous lui faisons remarquer
que notre embarcation ne pourrait prendre tout ce monde, sans être une
gêne importante pour les rameurs. Il serait, notamment, difficile
d'installer confortablement le chef malade
plusieurs avirons. Il
aussi
nous
répond qu'il
ne
sans
mettre hors de service
peut venir avec nous sans
amis. Devant sa ferme résolution, nous comprenons
mieux l'insistance mise à nous prier de venir le chercher avec notre
embarcation. Nous proposons donc que le chef malade soit allongé dans
la chambre arrière de la pinasse avec Pomare et le chef de Huaheine à ses
emmener
ses
côtés et que
les trois femmes suivent sur une pirogue, puisqu'il n'est pas
possible de les installer à notre bord de façon confortable. Ce plan est tout
de suite accepté. Au moment d'embarquer le chef malade, les femmes lui
ont dit un au revoir très affectueux et ont promis d'être à Otaheite avec
nous
le lendemain.
Après avoir pris le large, nous longeons la côte Ouest pour doubler
la pointe Sud-Ouest de l'île. En route, nous rencontrons la mère de
Pomare, Opeereeroa, venue à notre rencontre sur une pirogue double
avec un cadeau de vêtements. En nous approchant, elle se met à fondre en
larmes et demeure inconsolable tout le temps de sa visite à bord. Elle
murmure fréquemment le nom du Capitaine Cook, et témoigne ainsi de
son affection et de la tendresse de ses sentiments à
l'égard de la mémoire
d'un homme dont toute la ligne de conduite fût orientée vers le bien de
l'humanité en général et de ces îles en particulier, à la fin de sa vie. Nous
lui offrons quelques menus cadeaux, regrettant de ne pouvoir être plus
généreux, et nous faisons nos adieux à cette dame dont l'allure et
l'attitude commandent le respect. Puis nous prenons la direction de
Tahiti.
Pendant la traversée, je profite de la présence à bord du chef de
Huahine pour l'interroger sur Ornai (12) débarqué sur cette île. Il
m'assure
qu'il n'a éprouvé
aucune
difficulté à
se
réacclimater là-bas, après
avoir été ramené par le Capitaine Cook. Bien au contraire, des gens de
tout rang sont accourus autour de lui pour l'aider. Il était très respecté en
(12) Mai, premier homme des îles de la Société qui visita l'Angleterre. Le Capitaine Furneaux,
la seconde expédition de Cook, avait emmené Mai en
Angleterre en 1774, où il était demeuré pendant deux ans. A Londres, il fut présenté au Roi et à la Reine
et devint un objet de curiosité pour le monde intellectuel, en tant qu'exemple vivant du noble sauvage ; il
inspira aussi des poèmes, des pièces, des spectacles exotiques, des pantomimes, des satires et des portraits
dont un par l'artiste renommé Sir Joshua Reynolds.
Mai ré-embarqua avec la troisième expédition de Cook et Cook veilla personnellement à son installation
à Huahine en 1777. Considéré comme une sorte d'ambassadeur, Mai reçut des outils, du bétail et autres
présents afin d'impressionner ses compatriotes avec les avantages d'une amitié avec l'Angleterre.
commandant le navire Adventure lors de
Société des
Études
Océaniennes
804
ses grandes connaissances et de son expérience. Il prenait grand
plaisir à les faire partager et à conter avec verve à des groupes d'auditeurs
de son île ce qu'il avait vu et entendu, décrivant les coutumes et les mœurs
des autres pays. On l'écoutait avec étonnement et admiration. Il acquit
ainsi beaucoup d'estime et d'affection, si bien que sa mort fut ressentie
avec grande tristesse par tous. En bref, ils le vénéraient comme
un personnage, un grand voyageur qui a beaucoup vu et beaucoup appris.
Ornai et ses deux fidèles compagnons néo-zélandais sont morts d'une
maladie nommée ici "assa no peppe" qui atteint en particulier la gorge et
qu'on dit avoir été apporté dans ces îles par un navire espagnol en 1773.
(cf. : le deuxième voyage de Cook). Bien que j'ai cherché à observer des
symtômes ou des cas de cette maladie dont on dit qu'elle fit de grands
ravages parmi les indigènes, je dois avouer que j'ai été rassuré en notant
qu'elle est maintenant très rare. En tout cas je n'ai pu en trouver la
moindre trace au cours de mes périgrinations à Otaheite. J'ai aussi appris
que la maison anglaise d'Omai était toujours au même endroit, préservée
par une maison qu'on avait bâtie autour à la façon du pays comme l'avait
recommandé le Capitaine Cook. Tout cela, y compris sa plantation et son
cheval, le seul qui reste du troupeau de Cook, fait maintenant partie des
biens de ce chef, étant devenu sa propriété à la mort d'Omai, selon les
raison de
et coutumes du pays.
A environ neuf heures du
mœurs
soir, nous arrivons à la résidence de
Oparre après avoir longé la côte pendant 8 miles en raison de
notre dérive dûe aux vents et aux courants. A notre débarquement,
Pomare ordonne que de la nourriture nous soit servie en abondance.
Nous mangeons tous de bon appétit. Enfin nous nous retirons pour nous
reposer. Les trois chefs préfèrent dormir sur la pinasse avec deux marins.
Le reste de l'équipage est heureux de coucher à terre.
Tout au long du jour, Pomare a conservé la dignité due à son rang. Il
a par exemple refusé la moindre nourriture et la moindre boisson, n'ayant
à bord personne qualifié pour l'assister dans ce rite ; et cela bien que nous
ayons humblement proposé de le servir.
Comme il nous reste encore à parcourir 8 miles, nous appareillons à
l'aube. Nous comptons un homme de plus parmi nous. Il s'assied à l'avant
de l'embarcation tenant un petit cochon et un rameau vert à la main.
Nous pensons qu'il s'agit d'un présent pour l'arrivée de notre navire. Mais
nous comprenons rapidement notre erreur en parvenant à la hauteur du
"morai" (marae) nommé "Tapootapootea" où Pomare débarque et nous
demande de le suivre pour faire une offrande au Dieu, au "Eatooa".
En arrivant au marae nous trouvons un attroupement d'indigènes.
Le jeune roi a pris place face à l'autel, juché sur les épaules d'un homme.
A côté de lui, un autre homme porte un grand rouleau de tapa blanc, de
forme oblongue. A neuf ou dix pas d'eux, nous faisons halte. Pomare est
félicité par plusieurs chefs qui arrivent et paraissent rivaliser de joie en
le voyant. Aucun d'eux n'est venu les mains vides. Et pendant tout ce
temps il n'a pas échangé un seul mot avec son fils.
Puis la cérémonie commence. Tout d'abord, un prêtre assis près de
Otoo adresse la parole à Pomare. A divers moments de son discours, il lui
Pomare à
2 Janv.
Société des
Études
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805
fait
plusieurs cochons, deux chiens, une volaille et un bouquet de
les cadeaux de différents chefs,
Mais Pomare n'en touche aucun,
car à peine offerts, ils sont
emportés. Ensuite, deux prêtres s'assoient sur
le sol près de nous. L'un d'eux se met à faire un long discours aux gens
qui
nous font face ; ou
peut-être est-ce une prière dont par moments Pomare
dicte les termes. Le prêtre change fréquemment le ton de sa voix, tantôt
lent et solennel, tantôt rapide et aigu, parfois accompagné par l'autre
prêtre. Enfin, un petit cochon est remis au roi. C'est la victime qui doit
remettre
plumes
rouges que nous pensons être
cadeaux ainsi consacrés pour l'offrande.
être sacrifié
en cette occasion. Comme le nom de notre ami malade
"Motoora-Mahow Earee rahi no Moorea" revient souvent dans cette
prière, nous pensons qu'il s'agit d'une intercession auprès de la divinité
pour le conserver en vie. Le cochon est maintenant emporté vers la partie
arrière du marae suivi par les prêtres et Otoo. Pomare reste là et s'assied
pour bavarder avec les chefs. Nous obtenons qu'il nous laisse suivre Otoo
pour assister au reste de la cérémonie. Le cochon est immédiatement
étranglé, nettoyé, à demi-rôti sur des pierres brûlantes, et ensuite apporté
devant un petit hôtel sur lequel est placé le ballot de tapa blanc. Otoo est
présent à cet endroit. Un prêtre accroupi à ses côtés murmure une courte
prière d'une voix rapide et aigtie terminée par un cri perçant. Pendant
cette dévotion il est par intervalle accompagné de deux tambours. La
victime est ensuite placée sur un Whatta, sorte d'estrade qui croule déjà
sous un tas puant
de sacrifices semblables.
Ce marae paraît être un lieu de culte très important si l'on juge par le
nombre de crânes humains éparpillés près de l'autel - qui, nous a-t-on dit,
sont ceux de personnes offertes en sacrifice à la divinité et la vaste
quantité d'animaux et de légumes qui pourrissent entassés sur divers
Whattas.
Notre curiosité
satisfaite, n'observant rien d'autre qui n'ait été décrit
des voyageurs venus avant nous, nous reprenons notre route vers le
Discovery sans être parvenus, malgré nos efforts, à convaincre le jeune roi
par
de
nous
accompagner.
Comme nous approchons du Discovery, quatre coups de canon ont
salué Pomare alors qu'il montait à bord ; le Chatham en a fait de même
parmi les cris ininterrompus d'approbation et de joie venant de toutes
les pirogues sur la baie.
Dans la soirée, les trois femmes arrivent d'Eimeo. Pomare se trouve
si confortablement bien à bord qu'il décide d'y passer la nuit avec ses
amis.
Motooaro-Mahow n'a pas quitté la pinasse depuis notre départ
d'Eimeo jusqu'à ce qu'on le hisse à bord du Discovery. Il a supporté la
traversée bien mieux que nous n'osions l'espérer, car nous étions très
inquiets qu'il
Il est si amaigri par la cachexie qu'il
squelette animé. Mais il supporte avec grande patience et
résignation sa maladie et la perspective d'une fin prochaine. Pomare est
plein d'attentions envers lui, quitte rarement son chevet et lui administre
en personne tous les soins dont il a besoin, même les
plus intimes.
C'est aujourd'hui que les tentes et l'observatoire ont été débarqués et
ressemble à
ne meure en route.
un
Société des
Études
Océaniennes
806
installés à l'endroit choisi lors de notre première venue à terre. Pour leur
sécurité nous installons 3 canons de campagne sur leur charroi, chacun
pointé vers un passage différent. Le Lieutenant Puget qui commande le
détachement à terre pendant notre escale s'acquitte de cette mission avec
beaucoup d'efficacité. Il se félicite de l'aide et du comportement amical
indigènes, qui de leur propre gré portaient les objets débarqués du
navire jusqu'au lieu de campement. Ils le font avec vertu, au-delà de toute
attente. Cela nous donne de grands espoirs de développer avec eux
des liens de plus en plus amicaux.
Les chronomètres des deux navires sont débarqués. Mr Whidbey,
Capitaine du Discovery assisté de Mr Ballard entreprend une série
d'observations pour vérifier leur bonne marche. Une autre grande tente
est montée à terre pour protéger nos hommes de la chaleur caniculaire du
soleil au zénith employés à divers travaux notamment à construire un
canot pour le Chatham. Pour que les indigènes trop curieux ne viennent
pas troubler la marche de nos différentes entreprises et pour limiter leur
zone d'approche, nous établissons une limite autour du campement. Nous
relevons régulièrement nuit et jour nos sentinelles pour éviter tout
empiétement.
Après le dîner, Pomare se rend à terre avec son ami malade et tous
nos invités
princiers, accompagné d'une importante suite. A leur descente
du Discovery, ils sont salués par une salve de quatre canons, et en
débarquant à la pointe Vénus par une salve de l'artillerie du camp. Ils
prennent leurs quartiers dans une petite case insignifiante près de nos
lignes, une case qui n'a rien d'une résidence royale. Mais Pomare tient à se
contenter avec sa famille de cet habitat précaire pour demeurer près de
nous et maintenir l'ordre parmi les siens, car c'est
toujours lui qui
gouverne en lieu et place de son fils encore considéré comme mineur.
La journée du 4 est encore sombre et grise. Le vent est modéré et variable
avec des moments d'accalmie. Les arbres déracinés par la
rivière lors
des dernières pluies diluviennes flottent toujours dans le fond de la baie.
Le Lieutenant Broughton craignant qu'ils endommagent les amarres du
Chatham mouille plus près de la Pointe Vénus.
Dans la soirée, très forte pluie et longue houle dans la baie.
Reopaia (13), frère cadet de Pomare, vient à bord pour nous avertir d'un
changement de temps. Il demande à rester avec nous pour, le cas échéant,
nous apporter toute assistance nécessaire. Nous le
gardons volontiers à
des
3 Janv.
4 Janv.
5 Janv.
bord, lui et sa femme.
Dans la matinée, tout dans l'apparence du temps annonce un coup de
vent. Vancouver ordonne de mouiller l'ancre de veille, car une forte houle
parcourt la baie, déferlant sans cesse sur nos sabords en raison du roulis
imprimé au bateau. Elle déferle avec violence sur la plage proche de nous
ce qui rend notre position
ni enviable, ni confortable. Ce temps de
tempête ne décourage pas certains de nos amis de nous rejoindre. Deux
chefs, Moerie et Mathiabe, qui nous sont déjà attachés par leur
comportement amical, voyant que les deux navires tirent beaucoup sur
(13) Ari'i
paea,
probablement âgée de 33
ou
Société des
34
ans et
Études
cadet de Pomare I d'environ sept
Océaniennes
ans.
807
r
leurs ancres, se
précipitent dans les vagues, indifférents à leur furie, avec
qui leur permettent de dominer les éléments les
plus déchainés. Ils parviennent à bord pour juger de notre situation et
savoir s'ils peuvent nous aider. Quand ils ont repris leur souffle, nous
confions à Mathiabo un barriquaut d'alcool amarré à une planche pour
le détachement à terre. La mer est si forte que toute autre forme de
communication entre eux et nous a été interrompue. Nous sommes
heureux d'apprendre par lui un peu plus tard qu'il a accompli sa mission
sans dommage
et qu'au camp cet envoi a été apprécié.
un
art et
dextérité
une
Dans le courant de l'après-midi, peu
devient moins forte. Vers le soir, quelques
nous,
l'une d'elle manœuvrée
par
à peu le vent mollit et la mer
pirogues s'aventurent jusqu'à
Pomare lui-même qui nous rend ainsi
visite.
C'est
ce
même
jour
que
le jeune roi
a
visité
pour
la première fois
officiers lui
de pénétrer
s'il avait accepté,
notre camp toujours porté sur les épaules d'un homme. Les
ont offert des cadeaux. En dépit de leur insistance, il refuse
sous
les tentes
une
6 Janv.
de
ou sous
les abris. Les
sujets n'aurait
importante coutume de ce
aucun
ses
pu
indigènes disent que
le faire après lui,
pour respecter
pays.
Le
6, le temps est plus sûr, mais une forte houle déferle toujours sur
plage. Elle se fait encore sentir à bord et nous roulons beaucoup.
Reopaia considère que nous sommes maintenant hors de danger et que sa
présence n'est plus indispensable. Il se rend donc à terre avec sa femme.
L'inquiétude visible de ce chef pour notre sécurité pendant tout le temps
qu'il a passé à bord lors de cette tempête n'avait d'égal que celle d'un
pilote averti, car tout au long de la nuit, à de nombreuses reprises, il a
parcouru le pont pour observer le temps et inspecter notre mouillage.
la
On
raconté qu'au cours de sa dernière escale ici, le Bounty a
plus grande partie des mutinés à terre, et a appareillé avec
une telle précipitation que ses chaines d'ancres ont du être sectionnées et
les ancres abandonnées sur le fond. Plus tard, ce chef, Reopaia, en
repêcha une et la porta à bord de la frégate Pandora, le jour même de son
arrivée, et la remit au capitaine Edwards comme un bien appartenant au
roi d'Angleterre, donnant ainsi la preuve de son honnêteté et de
sa bienveillance à l'égard de notre souverain.
Reopaia est de quelques années plus jeune que Pomare. Il a la
réputation d'être le plus grand guerrier de l'île. Il a quelque peu modifié la
manière de combattre. Au lieu, comme autrefois, d'utiliser de grandes
pirogues peu maniables, il se mit à en utiliser de plus petites pour
transporter les guerriers plus rapidement et avec davantage de souplesse
de manœuvre, et faciliter les conditions de débarquement et donc
d'attaque de l'ennemi à terre. Sa conduite, ses stratagèmes, sa bravoure
ont prouvé l'avantage de ses conceptions. Ses manières sont agréables, sa
démarche résolue et élégante, sa conversation stimulante, ses questions
pertinentes, son jugement rapide. Il est aussi très fidèle et sincère dans ses
affections comme nous le prouve cette vénération toute particulière qu'il
nous a
abandonné la
Société des
Études
Océaniennes
808
toujours envers la mémoire du capitaine Clark (14) dont il fût
qui lui a donné un nom pour lequel il garde une préférence sur
tous les autres titres et noms honorifiques auxquels il a droit. Il y a peu de
temps alors qu'il avait mené les guerriers de son pays à la victoire, il refusa
avec modestie le nom évocateur de ses exploits et de ses conquêtes qu'on
voulait lui conférer, disant qu'il avait déjà été nommé Tate (Clark) et que
montre
l'ami
et
cela suffisait.
7 Janv.
8 Janv.
Le capitaine Vancouver ayant les jours précédents laissé filtrer la nouvelle
qu'un feu d'artifice serait donné ce soir au camp, un grand nombre
d'indigènes sont venus de régions éloignées de l'île.
Pendant la matinée, au milieu du groupe devant les tentes, trois
enfants de Pomare font leur apparition. Otoo, le jeune roi de Otaheite
nous fait des visites quotidiennes, mais c'est la première fois que nous
voyons son frère Whyhdoa (15), jeune prince aux traits agréables, âgé
d'environ huit ans. Il est venu pour l'occasion de Tiaraboo un domaine
dont il vient récemment de prendre possession. Ces deux frères sont
accompagnés de leur sœur nommée Otahoorai qui n'a pas plus de six ans.
Elle et ses deux frères sont en permanence portés sur épaules d'hommes et
ils n'acceptent aucune de nos invitations à pénétrer sous nos tentes ou nos
abris. On nous apprend qu'une autre fille, plus jeune encore, nommée
Ora, se trouve actuellement à Eimeo. Ce sont tous les enfants de la jeune
famille royale.
Au cours de l'après-midi les canons de campagne à terre, chargés de
boulets et mitraille font feu à plusieurs reprises pour montrer aux
indigènes, la distance et la puissance de leur tir destructeur. Mais le soir
au moment prévu pour le feu d'artifice, il n'est pas facile de convaincre
Pomare de s'avancer du groupe d'indigènes vers un endroit dégagé d'où il
aura une meilleure vue du
spectacle. Il est si craintif et effrayé qu'il
demeure le plus souvent entouré de deux hommes et de temps à autre de
sa femme Whaeredee. Aucun argument ne peut le décider à mettre luimême le feu aux fusées. Il répond toujours de laisser Whaeredee le faire.
Elle s'en acquitte plusieurs fois avec un sang-froid et un courage
indomptable qui nous ravit tous, y compris son timoré de mari. Le reste
de la famille royale est présent entouré d'un grand nombre de chefs. Les
indigènes semblent apprécier le spectacle avec crainte et étonnement. Le
vieux Whappai est arrivé d'Eimeo, le jour même et a assisté à l'événement
que les indigènes ont appelé "Heiva no britanee".
Le temps paraissant maintenant revenu au beau, le matin du 8, nous
partons de bonne heure pour les montagnes accompagnés de deux guides
indigènes.
Nous grimpons par un sentier de crête sur les collines au-dessus de
Matavai. Elles sont couvertes principalement d'une espèce de fougère
(14) Capitaine Charles Clerke, commandant du Discovery lors de la troisième expédition de Cook en
Après la mort de Cook à Hawaï, Clerke prit le commandement du Résolution, mais mourut
1776-1780.
lui-même de la tuberculose
avant la
fin du voyage.
(15) Ce nom est réellement le titre, Vehiatua, de la chefferie de Taiarapu. Après la mort du dernier
Vehiatua, peu de temps auparavant, la famille Pomare revendiqua le district, nommant un jeune frère de
Pomare comme successeur, comme il est rapporté ici.
Société des
Études Océaniennes
809
(pteris dichotoma) toute rabougrie, et de quelques arbustes. De chaque
côté, les vallées offrent à la vue de riches pâturages et paraissent capables
de nourrir des troupeaux d'animaux granivores, ou de cultiver les divers
produits d'autres régions climatiques.
La terre est en général un argile d'un brun foncé de qualité
onctueuse, bien qu'en maints endroits surtout sur les sols plus élevés elle
soit d'une couleur brique claire ayant, semble-t-il, subi l'action du feu.
Dans les vallées, la couche superficielle est une terre meuble de couleur
sombre, qui serait bonifiée par un mélange approprié avec la terre décrite
plus haut.
Après une montée de quatre miles environ, nous abordons la lisière
d'une forêt qui par sa densité rend les régions plus élevées de l'île
inaccessibles.
Sous
un
soleil
au
zénith
nous
bénéficions d'un climat
tempéré et nous passons une bonne partie de la journée à des recherches
botaniques. En bas, on voit les plaines de Matavai et Oparre, richement
plantées d'arbres à pain, de bananiers et de cocotiers qui ombragent
agréablement les habitations éparpillées, surplombées par les collines
dénudées dont nous avons fait l'ascension. Vers le Nord, on aperçoit l'île
basse de Tetoroah paraissant juste émerger de la mer, où quelques touffes
d'arbres semblent
Au
un
lien entre ciel et terre.
l'après-midi, je suis contraint de rentrer plus tôt que je
épais brouillard et d'une forte pluie qui nous
trempe jusqu'aux os. Le sentier est devenu si glissant que nous trouvons la
descente plus ardue que la montée. Ce changement de temps n'est pas
survenu sans que je n'en ai été averti par mes guides qui, plusieurs fois,
m'ont déjà demandé de rentrer. Il est vrai qu'ils y étaient aussi incités par
la faim, car nous avions omis d'emporter la moindre provision. Nous
avons donc grand appétit et en arrivant plus bas nous nous dirigeons vers
le premier groupe de cocotiers en vue pour nous rafraîchir. Je suis très
surpris quand ils me disent que chacun de ses arbres là fait l'objet d'un
interdit à cause de' Tee qui d'après ce que je comprends est un esprit
mauvais. Ils m'assurent que chaque cocotier porte son masque formé par
un bouquet de fougères ou d'herbes suspendu à son tronc.
Comme la vue des noix de coco a ravivé ma soif, je réussis à
persuader un de nos guides de monter à l'arbre, ce qu'il fait à contre cœur,
tandis que l'autre au pied du cocotier s'emploie à de ferventes dévotions.
Puis, celui-ci ramasse la première noix qui tombe, en coupe la partie
supérieure et la place sur de la broussaille en offrande à Tee. Il me tend
l'autre partie pour étancher ma soif, tout en continuant à murmurer une
prière dont l'effet lui arrache les derniers remords de conscience car peu
après, avec son ami, il se met à boire et manger de ces noix de coco en
ne
cours
de
le désirais, à cause d'un
toute
liberté.
Nous arrivons
de
en
bas de colline et
puis à la maison de Poeenoh, chef
Matavai, qui est un de mes amis personnels. Pour cette
occasion, il
a
prévu plein de victuailles. Je goûte à ce repas, mais voyant que je suis
trempé et fatigué, il m'oblige à me changer et à me vêtir de vêtements
tahitiens. Dans cet état, un groupe de femmes m'ont entouré et m'ont si
Société des
Études
Océaniennes
810
pincé, massé, frotté tout le corps qu'il en est devenu tout endolori et
je me suis endormi entre leurs mains. Au réveil, je me trouve si
reposé, rafraîchi par ce traitement rude que je pense qu'il devrait être
prescrit quand on souffre de courbatures. Pendant ce temps, ils se sont
préoccupés de faire sécher mes habits, si bien que le soir, grâce aux
attentions de ces gens amicaux je suis remonté à bord en parfait état de
bien
que
fraîcheur.
matinée, je reste à bord pour mettre en ordre les plantes cueillies
avec regret qu'elles ont souffert de la pluie
torrentielle. Du navire, nous observons une procession d'indigènes
progressant le long de la plage vers la petite case où, sur la pointe, réside
la famille royale. Ils transportent environ deux douzaines de colis ou
paniers de bonne taille, attachés à une longue perche, que portent deux
hommes sur leur épaule. Ils marchent d'un pas lent et pesant sous le poids
du lourd fardeau. Nous apprenons par la suite que ces paquets
contiennent des provisions, déjà cuites, cochons, chiens et divers légumes
qui, nous le supposons, sont destinées au chef malade qui les adressera en
offrande de sa part au "Morai" (marae).
Dans la
la veille. Je constate
L'après-midi, je vais à terre avec quelques officiers. Nous défrichons
lopin de terre, près de la maison de Poeenoh, pour en faire un jardin.
Nous y plantons diverses graines en provenance d'Angleterre. Lorsque
nous quitterons l'île, nous remarquerons que beaucoup d'entre elles ont
germé au-dessus du sol et paraissent florissantes. En nous voyant
travailler ainsi, Poeenoh nous montre les orangers plantés, nous-dit-il,
près de sa maison par le capitaine Bligh du Bounty. Certains ont deux
pieds de haut et paraissent vigoureux. Nous espérons donc qu'un temps
viendra bientôt où des navigateurs trouveront sur ces îles de ces fruits
délicieux en abondance, car nous avons de notre côté transplanté une
partie des orangers que j'ai pu cultiver en chassis sur le gaillard d'arrière,
depuis notre escale au Cap de Bonne Espérance.
Brise agréable et fraîche avec du beau temps. A terre les indigènes
donnent un spectacle très ordinaire nommé Heiva, auquel plusieurs
officiers et plusieurs hommes du campement assistent sans grand plaisir.
Apprenant que notre ami Reepoia est souffrant, l'après-midi
j'accompagne le capitaine Vancouver auprès de lui.
Nous le trouvons entouré de quelques amis dans une petite case
provisoire située à un endroit aéré sur les bords de la rivière un peu en
amont. Nous lui demandons ce dont il souffre et je lui donne des conseils
qu'il accepte volontiers. Le capitaine Vancouver va faire chercher à bord
du Discovery les médicaments que je lui prescris et qui à notre
satisfaction, le soulagent rapidement.
un
Pendant notre visite, son frère Pomare vient avec sa cordialité habituelle
son état. Mais rapidement, il le quitte pour être auprès
Motooaro-Mahow et aider le vieux chef quand on le hisse à bord
de
du
Chatham. Il passe la nuit sous le taud de la dunette arrière en compagnie
d'une de ses femmes Toono, se relayant l'un et l'autre pour assister le chef
s'enquérir de
mourant.
Société des
Études
Océaniennes
811
i l Janv.
Comme les
jours précédents la mer a inondé les berges de la rivière et a
proximité des tentes où nous la puisions. Un groupe
d'indigènes est embauché pour rouler les tonneaux un peu en amont de la
rivière à la hauteur de la maison de Reopaia, qui en contrôle le
remplissage en eau douce. Ce dur labeur est payé de deux petits clous et
de quatre perles de pacotille par tête et par jour.
Il nous est agréable de constater avec quelle facilité et quelle
honnêteté les indigènes acceptent de travailler et de trimer pour nous sous
cette chaleur. Ils lavent tout notre linge. Le matin, ils l'emportent à terre
et le rapportent le soir ou le lendemain dans un état parfait. Toutefois,
aujourd'hui, un incident nous met en garde et nous incite à ne pas leur
accorder une confiance illimitée. Du linge appartenant à Mr. John Stone,
une douzaine de chemises, et d'autres biens appartenant à Mr. Walker, du
Chatham, ont disparu. Nous tenons Pomare au courant de ces larcins. Il
nous assure
que le "Teete", le voleur, sera recherché, mais il existe peu
d'espoir de retrouver les biens.
Au cours de la journée, le vieux Potatow se manifeste pour la
première fois du côté des tentes. Ce chef important était bien connu des
membres des différentes expéditions du capitaine Cook. Mais il a pris le
nom de Reetoa et Pohooetoa au moment de l'accession à la dignité royale
du jeune Otoo, comme d'ailleurs tous les principaux chefs de l'île. Cela
eut lieu quand Otoo fut investi avec le "Mare Oora". Et ce qui est
singulier c'est qu'en cette circonstance un grand nombre de vocables de
leur langue a été abandonné et remplacé par d'autres nouveaux. Même
des mots désignant des choses ou des objets familiers ont subi cette
mutation. Ainsi "Matte" qui signifiait mort ou tué a été remplacé par
"Booke", etc... Les mots ainsi abandonnés sont devenus interdits à tous
sur l'île sous
peine du plus sévère châtiment. Si ces changements
interviennent souvent, on imagine que leur langue ne peut connaître
aucune stabilité, livrée aux superstitions et à l'arbitraire. Cependant, je
suis enclin à penser qu'après un certain temps ces mots démodés
abîmé l'eau à
redeviennent à la mode et sont utilisés
une
certaine
termes, ce
Cook.
12 Janv.
cela
sans aucune
discrimination. Dans
contribué à enrichir la
langue de beaucoup de
qu'a noté Mr. Anderson lors du dernier voyage du capitaine
mesure
a
Le 12, un autre groupe d'indigènes commence à couper du bois de
chauffage pour nos deux navires. C'est Pomare qui a désigné tel ou tel
arbre à pain, déraciné et charié par les dernières crues de la rivière, et
donné l'ordre de les débiter et de les apporter près des tentes. Cette affaire
est menée sous la direction des deux chefs Poeenoh et Moeree qui nous
ont empruntés des haches jugeant les leurs trop précieuses.
Dans la matinée, je me suis rendu à terre, accompagné de Mr. Baker
pour remonter la vallée de la rivière Matavai. En traversant les
plantations, nous voyons partout des femmes affairées à la confection de
vêtements, souvenirs que nos équipages affectionnent tout particu¬
lièrement.
La vallée est
au
fur
et
à
assez
mesure
large
au
début, mais devient de plus en plus étroite
Elle s'encastre entre deux
que nous progressons.
Société des
Études
Océaniennes
812
qui prennent des formes de plus en plus escarpées et sombres en
vers leur point de rencontre.
Dans la vallée, le sol est assez égal, en légère pente ascendante. La
versants
s'élevant
rivière décrit des méandres d'un côté à l'autre
et nous
devons la
traverser
à
plusieurs reprises. Cela se fait sans peine et nous n'en sortons jamais
mouillés car les indigènes se disputent le privilège de nous porter sur leur
dos pour la franchir.
Nous passons à côté d'un certain nombre d'habitations d'indigènes
établies de chaque côté de la rivière et entourées de plantations de taro, de
canne à sucre, de bananiers, et d'arbres à faire le
tapa. Plus nous
montons, plus l'arbre à pain se fait rare, si bien qu'en ces lieux, l'indigène
montre plus d'habileté à tirer le meilleur parti du sol. Nous observons
plusieurs d'entre eux s'amuser à attraper des petits poissons dans la
rivière, avec une sorte d'épuisette fixée au bout d'une longue perche.
Au bout d'environ trois miles de
montée,
nous
faisons halte
13 Janv.
sous
les
ombrages d'un arbre. Dans une atmosphère très campagnarde, les
indigènes nous servent un repas copieux préparé et servi en toute
propreté. La seule chose qui nous dégoûte est l'eau salée qu'ils disposent
devant nous pour que nous y trempions notre viande, ce qui est leur
manière de saler leur nourriture. Cette eau, qui a déjà servi à cet usage à
plusieurs reprises, est soigneusement conservée dans un vieux bambou ce
qui explique son aspect de saumure graisseuse.
Dans l'après-midi, nous regagnons la maison de Moeree pour y
passer la nuit et où nous espérons être rejoints demain par un groupe
d'officiers et avec eux nous aventurer plus loin. Il se trouve que lorsque
nous arrivons chez lui, Moeree est absent. Il s'est rendu sur l'un des
navires en rade. Quand il rentre le soir et nous trouve assis au coin de son
feu, il ne nous cache pas sa grande déception de ne pas être revenu plus tôt
pour s'occuper de nous. Je n'ai jamais vu un homme aussi dépité contre
lui-même. Il rameute aussitôt tout le village, tue un cochon et le prépare
avec profusion de légumes
pour notre dîner. Il étend des nattes et de
nombreux tapas pour faire nos lits. Quand nous nous retirons pour
dormir, il prend nos vêtements et tous nos biens pour les conserver sous
sa propre garde. Il en établit un inventaire détaillé et
précis. Il va jusqu'à
mesurer une petite quantité d'alcool qui reste dans une bouteille.
Il en reporte la hauteur sur un morceau de bois qu'il nous confie ensuite
pour que le lendemain nous puissions vérifier qu'il y en a toujours autant.
En bref, notre hôte fait preuve d'une hospitalité très généreuse, d'une
scrupuleuse honnêteté et d'une grande prévenance en s'assurant que nous
ne soyons
pas importunés pendant notre séjour chez lui.
Le matin, nous sommes donc rejoints par le Lieutenant Broughton et un
important groupe d'officiers. Moeree sert à tout le monde un copieux
petit déjeuner dans une grande maison agréablement située à petite
distance de sa demeure. Mais Mr. Broughton nous informe que plusieurs
chefs vont se rendre à Oparre pour quelques jours et parmi eux son ami
Whytooa (16), jeune frère de Pomare, qui a fortement insisté pour qu'il se
vastes
(16) Vaetua, cadet d'Ari'ipaea, probablement âgé d'environ 28
Société des
Études
ans
Océaniennes
à cette époque.
813
joigne à
Il propose donc
abandonnions notre projet de
saisissions de visiter le district d'Oparre
avec le concours et la protection de son ami. Nous
acceptons tout ce
changement programme et sur le champ, nous retournons à bord pour
nous préparer...
Nous quittons le navire peu après midi. Notre groupe comprend les
lieutenants Broughton, Puget, Baker, messieurs John Stone, Walker et
moi-même, Whytooa et sa femme, et Moeree le grand chef de Ulieata
arrivé avant hier. C'est sur sa pirogue que nous embarquons. En doublant
la première pointe d'Oparre nous demandons à débarquer pour voir le
marae de Tepootooata. Nous y sommes guidés
par Moeree qui, à l'entrée
du lieu sacré, nous demande de nous arrêter pendant qu'il s'adresse au
eux.
que nous
remonter la vallée et que nous
Eatooa. Pour cela il s'assied par terre devant un autel décoré de morceaux
de bois médiocrement sculptés, sur lequel un homme âgé place pour
l'occasion un gros rouleau de tapa blanc et des plumes rouges. Devant ces
emblèmes Moeree continue ses prières pendant un moment prononçant
chacun de
nos noms à deux reprises, ainsi que les noms des commandants
des divers navires ayant fait escale en ce pays, de même que les noms du
roi Georges et de l'Angleterre qui ont été souvent répétés.
Une fois
ce
cérémonial terminé
nous sommes
volontiers admis
en
tous endroits du "Morai". Moeree
prend grand soin de nous expliquer
toutes ses particularités. Il est, nous semble-t-il, très érudit sur les rites
religieux et en une telle occasion nous ne pouvons que regretter que notre
connaissance de la langue soit insuffisante et ne nous permette, sauf sur
quelques points, de le comprendre. Sinon, nous aurions quitté ce Morai
considéré comme le plus important de l'île, enrichis de bien plus
complètes informations.
En retournant sur la plage, nous constatons que la pirogue est partie,
nous marchons sur le rivage environ un mile plus loin, jusqu'au moment
où nous arrivons à une maison entourée de jeunes plants de Ava, le tout
clôturé de bambous avec grand soin. Cet endroit appartient à Reopaia.
En pénétrant dans la maison, nous le trouvons en train de dîner avec
toute une suite de gens rencontrés à Matavai. Le temps est particu¬
lièrement lourd. Nous nous désaltérons avec de l'eau de noix de cocotiers
frais et nourrissant. Nous prenons un peu de repos en compagnie de
Reepaia jusqu'à l'arrivée d'un message que nous adresse son frère pour
dire qu'il est arrivé chez lui. Notre ami Mowree nous rejoint ici et
participe au repas avec bon appétit.
Nous suivons le messager et peu après arrivons à la maison de
Whytooa située près du rivage, et adossé à une belle plantation de Avas
parsemées par endroits de plants de canne à sucre et de bananiers. Juste à
côté de la maison se trouve un bosquet de plantes ornementales du pays.
Le tout, clôturé, parcouru d'allées et très bien entretenu, fait honneur au
propriétaire. Là, nous retrouvons notre hôte qui a pris toutes ses
dispositions pour nous recevoir. Il a fait tuer un cochon et préparer, juste
à l'extérieur de la plantation, nourritures et rafraîchissements nécessaires.
La maison est spacieuse et bien aérée. Whytooa nous attribue la
moitié, délimitée par une corde, pour que nous n'ayons pas à souffrir de
nous
Société des
Études
Océaniennes
814
trop près de la curiosité incessante et parfois taquine des indigènes.
Après le dîner, nous parvient l'écho de coups de canons, sans doute le
lorsqu'il quitte Matavai, ce que nous confirme Reepaia
qui nous rend visite peu après avec une partie de son entourage. Il nous
fait remarquer que maintenant que Pomare a quitté les navires, les
indigènes ne demeureront peut-être pas aussi disciplinés. Il demande donc
à Monsieur Broughton de rédiger quelques lignes pour le capitaine
Vancouver pour lui recommander cinq chefs dont il cite les noms et en qui
il peut avoir entière confiance en l'absence de la famille royale. On a
immédiatement envoyé Mathabo, l'un des cinq chefs, à bord du
Discovery pour y porter la missive.
Depuis notre arrivée, Reepoia s'est soucié de maintenir une bonne
entente entre nous et ses compatriotes. Même ici, retiré sur sa
propriété de
campagne, il ne ménage pas ses efforts et je suis heureux de dire, avec
salut à Pomare
succès,
car
population
bien
rares sont
les moments où
nos
relations
avec
la
amicales. Peu après, nous avons l'honneur de
recevoir une visite du jeune Otoo dont l'approche nous est signalée par le
fait que les indigènes se découvrent les épaules. Mais comme selon les
usages sur la propriété il ne peut franchir la limite, nous allons sur la plage
pour lui présenter nos respects et lui offrir ce que nous avons sur nous, de
cadeaux de pacotille. Il ne s'attarde d'ailleurs pas mais poursuit sa route
jusqu'au Morai pour y rencontrer son père. A peine est-il parti que nous
recevons la visite de sa sœur, qui comme lui est portée sur
épaules
d'hommes. Nous la parons de perles et lui offrons des lunettes qui
semblent beaucoup lui plaire.
ne sont pas
A la nuit tombante survient un événement qui ne manque pas
d'affecter nos sentiments. Nous apprenons que la famille royale débarque
non loin de là. Nous accourons
pour la recevoir et nous rencontrons
Pomare sur la plage. Je suis tout de suite frappé par l'abattement qui a
envahi toute sa personne. Il me dit d'une voix sombre que son ami
Motooaro-Mahow est
célébrer les funérailles.
Il
ajoute qu'il est venu à Oparre pour
Reepaia et Whytooa qui tous les deux d'un même
mort.
mouvement sont venus accueillir leur frère, fondent en larmes en
apprenant la nouvelle. Rapidement la tristesse se répand parmi tous
les gens
présents.
En avançant un peu, nous voyons la reine mère et Whaereede toutes
les deux en pleurs, auprès de la pirogue d'où elles ont débarqué.
Whaereede
est occupée à chercher un petit paquet qui contient des dents
requin, l'affreux objet utilisé en ces circonstances par les femmes de ce
pays pour se griffer la tête comme des forcenées en signe de leur profond
chagrin. Elle trouve trois de ces dents enveloppées avec soin dans un
morceau de tapa. Elle en donne une à sa sœur et toutes les deux se retirent
dans une plantation voisine. En rentrant à la maison, nous prenons du
repos sur une grande natte étendue à notre intention.
de
De bonne
heure, le matin
nous sommes
à
nouveau
Otoo et de
Nous
honorés d'une visite de
plusieurs autres personnes en route vers le morai (marae).
découvrons que trois oies offertes à Pomare par le capitaine
Société des
Études
Océaniennes
815
Vancouver
ont été
apportées la veille sur notre plantation. Ces animaux
suite, à distance, reconnu nos voix et nos habits, si bien
qu'elles restent cacarder près de la maison, du côté où nous sommes
installés et qu'elles boudent les indigènes.
Un peu avant l'heure du petit déjeuner, une grande pirogue
recouverte d'un taud apparaît à l'ouest et s'avance au ralenti vers le
marae, porteuse du corps du chef défunt. Nous demandons alors à voir
Pomare pour obtenir sa permission d'assister à la cérémonie. On nous
apprend qu'il est parti pour le marae et qu'il n'objectera rien à notre
présence. Nous partons donc accompagnés de Whytooa et de plusieurs
autres personnes. En traversant une petite rivière, un peu au-delà de la
maison de Reopaia, nous voyons là installées sous un arbre la reine
mère (17), Whaeredee, et la veuve du défunt en pleurs. Sous l'emprise du
chagrin, elles s'écorchent la tête avec cette arme sinistre qu'elles ont
apportée la veille. Pour faciliter l'opération, la veuve s'est tonsurée le
dessus de la tête qui porte les traces de nombreuses blessures d'où le sang
ont
tout de
coule abondamment.
Par crainte de les
importuner nous ne prolongeons pas notre halte et
le marae où les prêtes ont déjà commencé le
service funèbre. Pomare, Reepaia et les autres ayant fait signe que nous
pouvions approcher, nous avançons sans faire de bruit à travers
l'assistance et nous nous asseyons à côté des chefs en troublant aussi peu
que possible la cérémonie, comme nous l'aurions fait dans une église
d'Angleterre après le début de l'office.
Cinq prêtres assis devant Pomare chantent une sorte d'hymne, leur visage
tourné vers le jeune roi assis sur les genoux d'un homme à une dizaine de
mètres de là. Près de lui est tenu le ballot de tapa blanc, qui symboli¬
quement contient le Eatooa.
Le corps du défunt enveloppé de vêtements anglais rouges repose sous
la tente de la pirogue dont l'avant est hâlé sur la plage, à proximité
du marae, et l'arrière maintenu par un homme dans l'eau jusqu'à micorps. Pendant un temps, les prêtres continuent à chanter en chœur
passant souvent d'une tonalité à une autre pour terminer sur un cri aigu.
Puis, l'un deux qui n'est autre que notre ami Mowree qui pour l'occasion
officie en qualité de grand prêtre, poursuit cette prière fervente pendant
environ une demi-heure. De temps en temps, il est accompagné par un
autre à la voix très aiguë. Au cours de cette prière Mowree parait parfois
faire des remontrances à la divinité, énumérant un à un les divers biens
qu'elle répand toujours en abondance sur cette île, tandis qu'elle permet la
nous
pressons
le
pas vers
mort de Motooaro-Mahow.
Cette supplique terminée, tous se lèvent et marchent le long du rivage
accompagnés par la pirogue, jusqu'à l'embouchure de la rivière. Les trois
femmes sont toujours là donnant libre cours à leur chagrin. En
apercevant la pirogue elles poussent un cri d'un sauvage désespoir qui
transperce nos âmes. Et elles redoublent de frénésie dans le maniement de
(17) Itia, désignée auparavant comme "la Reine". Comme Menzies a promu le jeune Tu
"Roi", au cours de sa narration, la "Reine" est devenue maintenant "la Reine Mère".
Société des
Études
Océaniennes
de "Prince" à
816
la dent de
requin jusqu'à ce que le sang coule abondamment. Puis
pirogue remonte la rivière pour aller jusqu'à un marae au pied de
la montagne. Nous comprenons que les cérémonies qui doivent s'y
dérouler, que les rites pratiqués sur le corps du défunt sont d'une telle
nature qu'ils requièrent une intimité peu compatible avec notre présence.
Malgré notre insistance nous ne sommes donc pas autorisés à remonter la
rivière plus loin. Pour atténuer notre déception, Pomare nous dit que
nous serons admis le lendemain à voir comment le corps du défunt a été
traité. Nous nous séparons donc à ce moment.
la
Comme
je suspectais fort
que
prince serait embaumé je
d'une occasion unique
des observations d'une
dernière fois pour être seul autorisé à
le
corps
de
ce
n'ai pu m'empêcher de regretter d'être privé
d'assiter à une opération d'où je pourrais tirer
grande utilité. J'ai donc insisté une
l'accompagner, mais sans succès.
15 Janv.
Nous rentrons donc à la maison de Whytooa, et là nous décidons de
poursuivre le long du rivage, sur quatre miles environ pour voir la
résidence royale de Pomare. Elle est très agréablement située près du bord
de mer, constituée de deux maisons dont l'une fait environ 16 mètres par
18 mètres. Là, un certain nombre de jeunes filles nous divertit avec une
Heiva à la façon impudique de chez elles. A certains moments de cette
danse, un homme affublé d'une grande protubérance surgit devant les
filles et s'exhibe de manière burlesque au grand amusement des autres
indigènes. Mais comme nous exprimons notre dégoût, les jeunes filles
pour ne pas être en reste, se mettent à danser nues. Après avoir offert
quelques perles à ces jeunes actrices nous rentrons à travers la plantation
par un sentier agréable parcouru d'un vent frais, protégé de la chaleur
caniculaire de midi par les ombrages d'une forêt d'arbres à pain et de
cocotiers. Nous nous arrêtons à la maison d'un chef où Whytooa a
ordonné qu'un repas nous soit servi, repas somptueux avec les produits
du pays, après lequel nous reprenons notre route pour arriver un peu
avant la nuit à la maison de notre ami. Nous avons remarqué bon nombre
de feux dans cette partie de la région et bien des gens occupés à cuire des
victuailles comme à l'approche d'une grande fête. Nous mangeons
cependant comme à l'ordinaire, et après le dîner nous invitons notre hôte
de qualité à boire avec nous un verre de grog à la santé de nos amis en
Angleterre. Il refuse de partager notre boisson, non qu'il n'en soit très
amateur, mais pour ne pas nous priver du peu d'alcool qui nous reste. Il
décide donc de boire un bol de ava de Otaheite à la santé des anglais, et il
le fait préparer sur le champ. A la fois par politesse et par curiosité
Monsieur Broughton demande à partager ce breuvage avec son ami.
Avant le lever du jour, notre vieil ami Mowree nous rend visite pour nous
informer que dans cette partie du district toutes les pirogues ont
interdiction de prendre la mer en raison des rites funéraires. Il ne peut
donc envisager de mettre aujourd'hui sa propre pirogue à l'eau pour nous
conduire à Matavai. Nous lui disons que nous n'y voyons pas
d'inconvénient car nous avons prévu de retourner par voie de terre. Nous
demandons qu'on nous serve un déjeuner très matinal, mais Whytooa
Société des
Études
Océaniennes
817
interdit ne permet pas de faire de feu et qu'il ne peut
déroger dans sa propre maison, mais qu'il veillera à ce que nous
puissions être servis en cours de route. Nous n'avons donc pas le choix et
nous quittons de bon matin la jolie maison de Whytooa, impressionnés
par son sens aigu de l'hospitalité et la qualité de ses services amicaux. Il
nous accompagne avec sa femme et plusieurs indigènes. On nous pilote à
travers les plantations par un sentier plat et agréable, ombragé par
une abondance d'arbres à pain. En traversant la rivière où nous avons
quitté Pomare la veille, nous demandons à nous rendre au marae où
Motooaro-Mahow a été déposé. On nous met tout de suite sur le chemin
qui y conduit, mais peu d'indigènes s'aventurent à nous accompagner. A
peine avons-nous progressé qu'un message de Whytooa nous demande de
revenir sur nos pas. Comme nous lui rappelons alors la promesse de
Pomare, après bien des hésitations il ordonne à un homme de nous guider
en lui donnant des instructions précises.
Tandis que les autres de notre groupe poursuivent leur route avec
Whytooa, Monsieur Broughton et moi-même suivons ce guide qui paraît
extrêmement prudent, inquiet de chacun de ses pas. Nous arrivons
rapidement en des lieux où règne une atmosphère de tristesse et
d'isolement. Toutes les maisons que nous voyons sont abandonnées et
hormis quelques chiens, nous ne rencontrons pas la moindre créature
jusqu'à notre arrivée au marae. Là, dans une petite maison, trois hommes
sont assis, sans doute des prêtres ou des gardiens du lieu sacré. Ils
montrent beaucoup de zèle à interroger notre guide et nous font ensuite
savoir que le corps du défunt a été transporté au marae où nous avons été
hier et où Pomare en ce moment assiste à des cérémonies. Déçus, nous
jetons un regard rapide sur l'endroit. Nous ne remarquons rien qui vaille
la peine d'être noté, sinon l'isolement et la tristesse du lieu, ombragé par
de grands arbres, adossé à une muraille de roc d'où coulent par des cavités
de nombreux filets d'eau dont le murmure doit inciter à de ferventes
dévotions, dans l'accomplissement des rites religieux.
Nous retournons par un autre chemin et avant même d'avoir
parcouru un mile nous rejoignons le reste du groupe. Notre ami Whytooa
a prévenu de nous préparer un bon petit déjeuner. Nous passons l'actuelle
résidence d'Otoo, une maison de taille moyenne au fond d'un grand
terrain clôturé par une palissade de planches. Il semble que l'interdit sur
les lieux ne s'étend guère au-delà de la demeure du roi, car peu après on
nous fait chauffer un petit déjeuner. Il nous apparaît probable aussi que
l'ardeur à préparer hier autant de nourriture ne correspondait pas à
une fête, mais au désir de ne pas manquer de quoi manger aujourd'hui.
Enfin rassasiés, nous franchissons peu après "one tree hill" et nous
arrivons au camp pour déjeuner, suivis par un groupe important
d'indigènes qui ont tout le temps rivalisé pour nous porter, lors de
la traversée des cours d'eau ou pour nous débarrasser de nos paquets ou
de nos vêtements devenus trop encombrants sous la chaleur du jour, sans
une seule fois, et je rends justice à leur honnêteté, toucher au moindre des
objets ou des babioles dont pourtant ils raffolent, qui se trouvaient dans
nos poches ou nos paquets.
nous
dit qu'un autre
donc y
Société des
Études Océaniennes
818
17 janv.
Dans la matinée, deux
indigènes sont aperçus en train de dérober un
des hublots du Discovery. Pris en chasse par l'un de nos
canots ils sont bientôt à bord avec leur butin. Comme quelques autres
petits vols ont été commis à terre et à bord, il nous apparaît utile de
procéder à une punition publique et exemplaire pour dissuader les autres
de commettre des actes qui pourraient avoir des conséquences plus
graves. Sur le champ nous les menons donc à terre au campement sous
bonne garde de fusiliers marins. Ils sont attachés à un arbre, tondus et
fouettés et ensuite libérés avec l'espoir de ne plus les revoir à proximité de
nos lignes ou des navires. Tout cela se déroule en présence du roi de l'île,
Otoo, de plusieurs des principaux chefs et d'un grand rassemblement
d'indigènes. Tout le monde semble hautement apprécier notre indulgence,
et notre décision de ne pas leur imposer un châtiment plus sévère.
Ensuite, accompagné de Pomare et d'autres, le capitaine Vancouver
se rend en pinasse à Oparre où il rend visite au "Toopapaoo" sur lequel
Motooaro-Mahow est étendu. Il y dépose des offrandes et fait tirer une
salve de mousqueterie. Il visite ensuite le marae et quelques autres
chapeau
par un
endroits
et
revient à bord le soir même.
Nous remarquons que
pointe et
que
la rivière a repris son cours normal vers la
la coulée établie vers la plage ces temps derniers est
entièrement comblée.
Dans la
matinée, je poursuis avec l'un de nos hommes mes recherches
Arrivés un peu plus loin que lors de notre dernière
excursion, les indigènes nous montrent sur la partie droite de la vallée des
pamplemoussiers très florissants, chargés de fruits dont aucun n'est
encore mûr. Ils nous disent qu'ils ont été plantés par "Bane" (Sir Joseph
Banks). Leur taille et leur âge apparent ne nous donnent aucune raison de
en
remontant la vallée.
douter de leur affirmation.
Nous
poursuivons notre randonnée en traversant assez souvent les
méandres de la rivière et dans l'après-midi nous arrivons à la hauteur des
habitations les plus éloignées dans la vallée. Comme il pleut beaucoup
dans la
18 Janv.
soirée, nous décidons de passer la nuit là. Les quelques indigènes
qui vivent là sont remarquablement amicaux et hospitaliers. Ils font tout
pour notre confort et tout pour nous distraire. Ils préparent un petit
cochon pour nous. Ils le tuent en l'immergeant dans la rivière, une
méthode que nous voyons employée pour la première fois. Le soir, ils
nous distraient en chantant des airs
agréables sous la direction d'un vieil
aveugle qui les accompagne de sa flûte dont il joue avec grande justesse.
Les strophes se terminent souvent par les mots "Bue bue". L'exécution est
en mesure et assez harmonieuse. La grande
attention qu'ils y apportent
nous montre qu'ils
y prennent beaucoup de plaisir. Mais ces chants nous
inspirent plus de tristesse que de joie.
De bonne heure, le matin nous repartons avec une douzaine de guides et
de porteurs. La vallée devient de plus en plus étroite, bordée de chaque
côté de hautes montagnes escarpées dont les flancs boisés et sombres
donnent à l'endroit une atmosphère de tristesse et d'isolement. L'écho du
bruit de l'eau de la rivière, diffusé par les cavernes, nous assourdit au
point que nous ne pouvons nous entendre sans élever fortement la voix.
Société des
Études
Océaniennes
819
Quelques petites chutes d'eau jaillissent des rochers ici et là. Mais à
gauche, nous passons une belle petite cascade qui tombe d'un rocher
perpendiculaire, soutenu par des colonnes de basalte noir à la surface
lisse, d'une hauteur d'environ 30 mètres. Ces colonnes sont parallèles et
pentagonales avec rarement plus de 40 centimètres de diamètre. Elles sont
faites de plusieurs longueurs jointes, variant de 1 à 7 mètres dans le sens
de la hauteur. Les indigènes me disent que cette roche leur servait
autrefois à fabriquer leurs herminettes de pierre. Un peu au-delà de cet
endroit la vallée devient si resserrée que nous ne pouvons poursuivre plus
loin. Les indigènes nous désignent sur la gauche une haute falaise d'où,
disent-ils, un sentier mène à la montagne. Mais cette plate-forme nous
paraît inaccessible jusqu'au moment où l'un d'eux l'escalade avec grande
agilité. Parvenu au sommet, il prend la corde qu'il porte à sa ceinture,
l'attache à un arbre et nous lance l'autre bout. Nous pouvons tous ainsi les
uns après les autres nous hisser le long de la falaise non, dois-je-dire, sans
difficultés et sans risques. Quand le matin nous avons observé les
indigènes attacher des cordes à leurs ceintures nous n'imaginions pas leur
utilité jusqu'au moment où nous sommes arrivés devant cette difficulté du
parcours. De cet endroit, nous commençons notre ascension par un
sentier raide et étroit sur lequel nous ne pouvons progresser qu'en file
indienne, à travers une forêt très dense ou parfois sur une crête
dangereuse au bord de précipices si impressionnants qu'un glissage ou un
faux pas pourrait être fatal.
La traversée de certaines gorges ou certaines vallées nous coûte
beaucoup d'effort et de fatigue. Au fond de ces vallées nous voyons
souvent des parcelles de terre plantées de taro, souvent de l'espèce la plus
commune, et de bananiers que nos guides semblent considérer comme
propriété publique car ils cueillent les fruits et légumes dont nous aurons
besoin dans la montagne. La forêt que nous traversons est partout
parsemée de grosses ou denses fougères et de sous-bois de toutes sortes.
Mais les arbres ne paraissent pas de grandes dimensions. Je récolte des
plantes que je n'ai pas vues auparavant. J'envoie les indigènes me les
chercher dans différentes directions çà et là hors du sentier. Ils me
rapportent des branches de toutes les plantes qu'ils trouvent qu'elles
soient en fleurs, en fruits ou en germes.
Nous poursuivons notre ascension de la montagne jusqu'à environ
deux heures de l'après-midi. Nous arrivons au sommet d'une crête élevée.
De l'autre côté nous voyons une grande vallée profonde. Les indigènes
nous indiquent que notre sentier la traverse. A une certaine distance, de
l'autre côté, ils nous montrent deux petites cases construites sur un
endroit dégagé. Ils projettent que nous y passions la nuit. Nous avons déjà
traversé tant de ces vallées que, rompus de fatigue et découragés, nous
nous laissons tomber à terre, tandis que quelques indigènes se rendent
jusqu'aux cases pour les préparer à notre intention et pour faire du feu.
Mais survient soudainement une très forte pluie qui, nous disent-ils,
risque de durer et de gonfler la rivière au point de nous empêcher de
rentrer avant deux ou trois jours. En un rien de temps nous sommes
trempés jusqu'aux os. Dans ces conditions il serait inconfortable d'aller
Société des
Études
Océaniennes
820
climat ce serait peut-être
décidons donc tout de
suite de rentrer le plus vite possible et de redescendre dans la vallée avant
que la rivière ne devienne infranchissable, surtout que nous avons des
instructions strictes de ne pas nous attarder un jour de plus que prévu, car
les navires doivent bientôt appareiller. Nous faisons rechercher ceux qui
passer une nuit dans ces cases humides. Sous ce
même prendre des risques pour notre santé. Nous
partis plus loin. Nous commençons notre descente sous une pluie
qui a rendu notre sentier si glissant qu'à chaque instant nous
risquons de tomber dans des ravins ou des précipices, pensée qui nous fait
frémir. Fréquemment nous sommes obligés de nous aider de cordes
attachés à des arbres ou tenus par nos guides.
Arrivés à la rivière, nous constatons qu'elle a déjà considérablement
grossi. Le courant est si impétueux qu'en maints endroits c'est une entre¬
prise difficile de la traverser. Nous n'aurions en vérité jamais été capables
de le faire si les indigènes ne nous avaient aidés avec beaucoup de savoir
faire et de gentillesse. Le plus souvent, je traverse entre les deux plus
costauds. Néanmoins, à plusieurs reprises nous sommes emportés par les
eaux et nous ne réussissons à gagner la berge opposée qu'à une certaine
distance plus loin. Il nous a fallu franchir la rivière une bonne vingtaine
sont
battante
de fois. Du moins nous nous
consolons
en
constatant que nous avons en
partie devancé le plus gros de la crue, et que plus nous descendons la
vallée plus nous traversons la rivière avec facilité.
Nous arrivons aux tentes tard dans la soirée, très fatigués, trempés et
mal à l'aise. Mais je regrette surtout que ma collection de plantes ait été
presqu'entièrement détruite par la pluie torrentielle. Notre hâte à
descendre de la montagne, les fréquentes traversées de rivière, ont anéanti
tous nos efforts et toutes nos précautions pour les sauvegarder.
jour, la reine mère Whaeredee et la veuve sont rentrées de
fois accomplie leur part des rites funéraires, tâche difficile si
l'on en croit notre récit. Cependant toute tristesse semble avoir disparu.
Elles paraissent maintenant enjouées comme si rien ne s'était jamais
passé. En dépit de la punition infligée hier matin, plusieurs larcins sont
signalés à côté des tentes. Disparition de linge d'officier et de vêtements de
nos hommes. Mais nous n'y apportons aucune attention spéciale. En
vérité, une telle quantité de ces biens sert de monnaie d'échange que nos
propres gens sont sans doute complices de leur disparition. D'ailleurs
pendant ce temps pour consolider nos liens de bonne entente et d'amitié
avec la famille royale, nos charpentiers s'activent à confectionner un
Ce même
Oparre
une
coffre pour
20 Janv.
Pomare.
s'aperçoit de la disparition d'un sac de linge
appartenant à Monsieur Broughton. Il contenait environ une douzaine de
chemises, des draps, des nappes. Ce linge amené à terre la veille a été
déposé en un endroit très sûr au campement. Le vol est donc imputé aux
Dans la matinée, on
de confiance admis à habiter jour et nuit à l'intérieur de de nos
lignes. Ils sont la plupart des chefs de rang inférieur, adoptés comme des
amis de passage par certains de nos officiers et de nos hommes, qui les ont
pris à leur service. Ils sont, il est certain, exposés à toute heure à de
gens
Société des
Études
Océaniennes
821
grandes tentations par tout ce qui traîne autour des tentes, notamment les
chemises et le linge apportés chaque jour à terre pour être lavés et séchés,
dont précisément ils raffolent, du plus petit au plus grand. Il n'est donc
pas surprenant qu'ils n'aient pu résister aux trop fréquentes et belles
occasions que nous leur offrions.
Cette fois le capitaine Vancouver fait part de ces menaces à Pomare
et aux autres chefs en leur disant que si les objets ne sont pas rapportés, il
ravagera tout le district et détruira toutes les pirogues.
L'après-midi Reepaia fait une généreuse offrande de cochons et de
chèvres
aux
deux commandants. Il manifeste aussi le désir d'accom¬
pagner ce geste d'un spectacle. Deux jeunes femmes élégamment habillées
sont là près des lignes pour danser une Heiva. Mais le capitaine
Vancouver
ne
pense pas que ce
soit le moment approprié
en
raison des
vols commis par les indigènes. Il fait savoir que personne de nos navires
ne doit y assister, si bien que les deux jeunes femmes retournent chez elles
sans avoir dansé, même pour leurs concitoyens. Reepaia paraît très
affecté par cette rebuffade, car peu après, en me promenant dans
la
plantation, je le rencontre avec son fusil, très agité, bousculant tout le
village à la recherche des voleurs.
monde dans le
L'observatoire est démonté, les instruments d'astronomie et les
chronomètres transportés à bord. Les vagues étant à peu près inexis¬
tantes, nous pouvons échoué les canots à proximité des tentes.
Les sentinelles postées autour du camp reçoivent aujourd'hui l'ordre
de tirer sur tout indigène surpris en train de voler ou de se cacher à
l'intérieur des lignes après le début de la veille. Ainsi au cours de la nuit
nos
gardes ont-ils tiré
sur
deux hommes qui se sont enfuis sans être
touchés.
ses deux frères et plusieurs chefs viennent au
sujet des vols. Ils sont à nouveau menacés de guerre et de
destruction, en pure perte car ils affirment qu'ils ont fait tous leurs efforts
pour retrouver les coupables et leur butin, mais que ceux-ci sont partis
dans la montagne où il leur est possible d'échapper pendant très
longtemps aux recherches les plus sérieuses. Pour atténuer les menaces et
rétablir de bonnes relations, Pomare et Whytooa, ayant rencontré un des
indigènes, au service des officiers, disparus pendant la journée sans doute
par crainte des représailles annoncées, vient au camp avec lui pour lui
demander de dire tout ce qu'il sait sur les vols. La manière, un peu brutale
dont cet homme est alors sur le champ menacé de mort, répand l'alarme
générale chez les indigènes qui désertent leur maison avec leurs biens et
leurs pirogues pour les mettre hors de portée de nos canons. Pomare et les
autres chefs traversent aussitôt la rivière et disparaissent. Plus personne
ne reste parmi nous à l'exception de la vieille reine et d'un serviteur. Elle
est ivre, ayant bu un verre d'alcool de trop, ce qui arrive fréquemment à
cette dame royale quand elle en a l'occasion.
Face à cette situation, Monsieur Broughton se rend seul et sans arme de
l'autre côté de la rivière, bien que le capitaine Vancouver ait tenté de l'en
dissuader. Il veut faire revenir la confiance chez les indigènes. Il y parvient
en décidant Pomare à retourner au camp. Celui-ci s'est plaint de ne
Dans la
matinée, Pomare,
camp au
Société des
Études
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820
climat ce serait peut-être
décidons donc tout de
passer une nuit dans ces cases humides. Sous ce
même prendre des risques pour notre santé. Nous
vite possible et de redescendre dans la vallée avant
la rivière ne devienne infranchissable, surtout que nous avons des
instructions strictes de ne pas nous attarder un jour de plus que prévu, car
les navires doivent bientôt appareiller. Nous faisons rechercher ceux qui
sont partis plus loin. Nous commençons notre descente sous une pluie
battante qui a rendu notre sentier si glissant qu'à chaque instant nous
risquons de tomber dans des ravins ou des précipices, pensée qui nous fait
frémir. Fréquemment nous sommes obligés de nous aider de cordes
suite de rentrer le plus
que
guides.
qu'elle a déjà considérablement
grossi. Le courant est si impétueux qu'en maints endroits c'est une entre¬
prise difficile de la traverser. Nous n'aurions en vérité jamais été capables
de le faire si les indigènes ne nous avaient aidés avec beaucoup de savoir
faire et de gentillesse. Le plus souvent, je traverse entre les deux plus
costauds. Néanmoins, à plusieurs reprises nous sommes emportés par les
eaux et nous ne réussissons à gagner la berge opposée qu'à une certaine
distance plus loin. Il nous a fallu franchir la rivière une bonne vingtaine
attachés à des arbres
ou tenus par
nos
Arrivés à la rivière, nous constatons
de fois. Du moins
nous nous
consolons
en
constatant que nous avons en
partie devancé le plus gros de la crue, et que plus nous descendons la
vallée plus nous traversons la rivière avec facilité.
Nous arrivons aux tentes tard dans la soirée, très fatigués, trempés et
mal à l'aise. Mais je regrette surtout que ma collection de plantes ait été
presqu'entièrement détruite par la pluie torrentielle. Notre hâte à
descendre de la montagne, les fréquentes traversées de rivière, ont anéanti
tous nos efforts et toutes nos précautions pour les sauvegarder.
jour, la reine mère Whaeredee et la veuve sont rentrées de
fois accomplie leur part des rites funéraires, tâche difficile si
l'on en croit notre récit. Cependant toute tristesse semble avoir disparu.
Elles paraissent maintenant enjouées comme si rien ne s'était jamais
passé. En dépit de la punition infligée hier matin, plusieurs larcins sont
signalés à côté des tentes. Disparition de linge d'officier et de vêtements de
Ce même
Oparre
une
nous n'y apportons aucune attention spéciale. En
telle quantité de ces biens sert de monnaie d'échange que nos
propres gens sont sans doute complices de leur disparition. D'ailleurs
pendant ce temps pour consolider nos liens de bonne entente et d'amitié
avec la famille royale, nos charpentiers s'activent à confectionner un
coffre pour Pomare.
nos
hommes. Mais
vérité,
20 Janv.
une
Dans la matinée, on s'aperçoit de la disparition d'un sac de linge
appartenant à Monsieur Broughton. Il contenait environ une douzaine de
chemises, des draps, des nappes. Ce linge amené à terre la veille a été
déposé en un endroit très sûr au campement. Le vol est donc imputé aux
de confiance admis à habiter jour et nuit à l'intérieur de de nos
lignes. Ils sont la plupart des chefs de rang inférieur, adoptés comme des
amis de passage par certains de nos officiers et de nos hommes, qui les ont
pris à leur service. Ils sont, il est certain, exposés à toute heure à de
gens
Société des
Études Océaniennes
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grandes tentations par tout ce qui traîne autour des tentes, notamment les
chemises et le linge apportés chaque jour à terre pour être lavés et séchés,
dont précisément ils raffolent, du plus petit au plus grand. Il n'est donc
pas surprenant qu'ils n'aient pu résister aux trop fréquentes et belles
occasions que nous leur offrions.
Cette fois le capitaine Vancouver fait part de ces menaces à Pomare
et aux autres chefs en leur disant que si les objets ne sont pas rapportés, il
ravagera tout le district et détruira toutes les pirogues.
L'après-midi Reepaia fait une généreuse offrande de cochons et de
chèvres
aux
deux commandants. Il manifeste aussi le désir d'accom¬
d'un spectacle. Deux jeunes femmes élégamment habillées
près des lignes pour danser une Heiva. Mais le capitaine
Vancouver ne pense pas que ce soit le moment approprié en raison des
vols commis par les indigènes. Il fait savoir que personne de nos navires
ne doit y assister, si bien que les deux jeunes femmes retournent chez elles
sans avoir dansé, même pour leurs concitoyens. Reepaia paraît très
affecté par cette rebuffade, car peu après, en me promenant dans
la plantation, je le rencontre avec son fusil, très agité, bousculant tout le
monde dans le village à la recherche des voleurs.
L'observatoire est démonté, les instruments d'astronomie et les
chronomètres transportés à bord. Les vagues étant à peu près inexis¬
tantes, nous pouvons échoué les canots à proximité des tentes.
Les sentinelles postées autour du camp reçoivent aujourd'hui l'ordre
de tirer sur tout indigène surpris en train de voler ou de se cacher à
l'intérieur des lignes après le début de la veille. Ainsi au cours de la nuit
nos gardes ont-ils tiré sur deux hommes qui se sont enfuis sans être
pagner ce geste
sont
là
touchés.
ses deux frères et plusieurs chefs viennent au
sujet des vols. Ils sont à nouveau menacés de guerre et de
destruction, en pure perte car ils affirment qu'ils ont fait tous leurs efforts
pour retrouver les coupables et leur butin, mais que ceux-ci sont partis
dans la montagne où il leur est possible d'échapper pendant très
longtemps aux recherches les plus sérieuses. Pour atténuer les menaces et
rétablir de bonnes relations, Pomare et Whytooa, ayant rencontré un des
indigènes, au service des officiers, disparus pendant la journée sans doute
par crainte des représailles annoncées, vient au camp avec lui pour lui
demander de dire tout ce qu'il sait sur les vols. La manière, un peu brutale
dont cet homme est alors sur le champ menacé de mort, répand l'alarme
générale chez les indigènes qui désertent leur maison avec leurs biens et
leurs pirogues pour les mettre hors de portée de nos canons. Pomare et les
autres chefs traversent aussitôt la rivière et disparaissent. Plus personne
ne reste parmi nous à l'exception de la vieille reine et d'un serviteur. Elle
est ivre, ayant bu un verre d'alcool de trop, ce qui arrive fréquemment à
cette dame royale quand elle en a l'occasion.
Face à cette situation, Monsieur Broughton se rend seul et sans arme de
l'autre côté de la rivière, bien que le capitaine Vancouver ait tenté de l'en
dissuader. Il veut faire revenir la confiance chez les indigènes. Il y parvient
en décidant Pomare à retourner au camp. Celui-ci s'est plaint de ne
Dans la
matinée, Pomare,
camp au
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pouvoir faire autrement puisque sa femme est prisonnière, mais
Monsieur Broughton l'a assuré qu'elle est libre. Il réussit à le convaincre
que nous ne leur voulons aucun mal et que s'il vient jusqu'à la rivière, elle
pourra le rejoindre.
Ainsi fût-il fait, selon la promesse de Monsieur Broughton et un groupe
important d'indigènes ont accueilli la reine de l'autre côté de la rivière
avec enthousiasme. En cette circonstance Pomare a fait preuve de grande
magnanimité car tous les siens l'ont encore supplié de ne pas traverser la
rivière, et ont essayé de le retenir. Cependant, dès qu'il vit que la reine
était revenue librement il écarta ceux qui le maintenaient et s'avança dans
la rivière avec confiance et sans la moindre frayeur, suivi seulement par
Whaeredee, puis par la reine. Ils passèrent la nuit sous la marquise.
Pendant ces événements le capitaine Vancouver a envoyé un
détachement se saisir de pirogues doubles à l'embouchure de la rivière.
Mais nos hommes n'ont pu en prendre qu'une seule, car les indigènes leur
ont lancé des pierres et ont commencé à se montrer plus audacieux en
constatant qu'un ou deux de nos fusils s'étaient enrayés.
Pendant ce temps, l'homme que Whytooa nous a amené au camp et
qui a alarmé les siens est transporté à bord et mis aux fers, jusqu'à ce que
sa culpabilité soit prouvée ou jusqu'à ce qu'il en incrimine d'autres ou dise
ce qu'il sait de ces vols. Pendant la nuit, Tooworero, l'insulaire des Iles
Sandwich s'évade en nageant à terre sans être vu. Cela ne nous surprend
guère, car quelques jours auparavant, il nous a donné des indices de son
penchant pour ce peuple. Leur art de la persuasion et leurs manières ont
pris un tel ascendant sur son esprit irréfléchi, qu'ils lui ont déjà soutiré à
peu près toute la garde-robe que le gouvernement lui a généreusement
offert à son départ d'Angleterre.
En apprenant cette affaire le lendemain matin, Vancouver a immédia¬
tement
demandé à Pomare de le faire rechercher et de le
ramener
à bord,
de
quelqu'endroit qu'il soit. Celui-ci part tout de suite à sa recherche.
Pendant ce temps, les canons sont retirés de leur position et amenés sous
les tentes. La marquise est démontée et transportée à bord avec notre
groupe. Whytooa qui se trouvait au camp s'en éloigne en compagnie du
capitaine Vancouver ce qui nous fait présager du succès de Pomare dans
sa recherche île Tooworero. Nous apprenons en effet, en fin d'après-midi,
qu'il est en lieu sûr à Oparre et qu'il sera bientôt ramené en navire.
Dans la matinée du 23, il pleut très fort, mais cette pluie n'apporte ni
vague ni houle dans la baie contrairement à la fois précédente. A l'aube le
Chatham perd son grelin de halage, de toute évidence brisé par les
rochers. Bien que nous soyons prêts à partir, nous aurions souhaité revoir
Pomare et son frère tous les deux partis à Oparre à la recherche de
Tooworero.
petit déjeuner, les trois dames royales viennent à bord et
capitaine Vancouver que si on leur envoie un canot ils viendront
tous les deux à bord avec Tooworero. Pour qu'il ne doute pas de leur
affirmation, elles offrent de rester comme otage sur le navire jusqu'à leur
arrivée, et elles ajoutent avec un air enjoué, que si Pomare ne vient pas les
chercher, elles iront en Angleterre avec nous et trouveront d'autres époux.
A l'heure du
disent
au
Société des
Études Océaniennes
823
Comme le temps
n'est pas très favorable à notre départ, Monsieur
Broughton et moi-même allons en pinasse à Oparre. Nous débarquons un
peu après avoir dépassé "One Tree Hill" et nous rencontrons Pomare qui
nous attend sur la plage avec Tooworero près de lui, entouré d'un
groupe
d'indigènes. Tooworero paraît très inquiet à l'idée de les quitter. Un peu
plus loin nous trouvons Reepaia occupé à se restaurer dans une maison.
Monsieur
Broughton fait monter Tooworero dans le bateau. Il est
vêtu d'un "maro" à la manière d'Otaheite. Nous décidons Pomare et
son
frère à nous accompagner jusqu'au navire. A peine partis, nous sommes
suivis d'un grand nombre de pirogues chargées de cochons, de légumes et
de
fruits, cadeaux de Pomare aux deux navires. Il les fait se déployer en
régulières, une de chaque côté de la pinasse et c'est ainsi
que nous pénétrons dans la baie. A l'approche des navires et au signal
donné chaque formation se dirige vers l'un des navires.
deux formations
Nous montons à bord à environ deux heures de l'après-midi et
Tooworero est immédiatement enfermé pour l'empêcher de s'enfuir à
nouveau.
Nous
avons
déjà dit comment
son
inconscience l'avait amené à
défaire de tous ses vêtements. Mais ce qu'il regrette le plus est la perte
de son excellent fusil à canon rayé que lui a offert le colonel Golden au
se
de Bonne Espérance. Il y tenait tellement, qu'à terre il n'accordait
confiance aux indigènes et ne le prêtait pas comme ses habits. Il l'a
emporté en s'enfuyànt du navire, et l'a perdu dans les vagues en nageant
vers le rivage.
cap
aucune
Si on réfléchit aux tentations qui l'ont amené à faire ce geste, sa
conduite apparaît sans doute moins blâmable. Il nous a souvent fait part
de
d'espoir de trouver sa famille et ses amis encore en vie à
ailleurs comme il est de naissance obscure il comprend
que son pays ne lui fera pas une réception aussi bonne qu'ici. Il n'est donc
pas surprenant qu'il préfère une vie facile et heureuse si conforme à la
sienne et où il se trouve choyé par des gens de toutes conditions à
commencer par la famille royale, qui l'incitent
par tous les moyens à
demeurer parmi eux. La facilité avec laquelle ils satisfont tous ses désirs a
rendu leurs manières et leurs coutumes chères à ses yeux. Les plaisirs du
sexe, dénués ici d'affectation et pleins de charmes, ont subjugué cet enfant
de la nature et lui ont apporté des sensations nouvelles. En bref, dans un
pays où la nature est prodigue, où les habitants sont gais et doux, il
envisage de passer le reste de sa vie dans un bien-être continuel et varié.
Car il reconnait lui-même que Pomare et Reepaia ont tous les deux insisté
pour qu'il reste avec eux et que Reepaia l'a aidé à débarquer et l'a ensuite,
en secret, conduit dans la
montagne. Et pourtant, Pomare et Reepaia
nous avaient affirmé n'être
pas au courant de son évasion. Ils se faisaient
même un mérite de le retrouver et de le ramener. Si l'on ne doute pas qu'il
y ait eu entre eux un plan concerté, il est certain que la punition infligée à
Tooworero, pour ce qui n'apparaît pllus qu'une imprudence, est trop
sévère car il restera incarcéré jusqu'au moment où nous aurons doublé
l'île de Teeteroah. Par la suite, n'étant plus soutenu par le commandant, il
n'aura plus le droit d'entrée au Mess des canonniers où il était admis
son
peu
Morotai, et
par
Société des
Études
Océaniennes
824
depuis son départ d'Angleterre, et devra se contenter de cohabiter avec la
piétaille pendant toute la traversée jusqu'aux îles Sandwich, n'ayant à peu
près plus rien à se mettre sur le dos, hormis les vêtements que les matelots
lui donneront par pitié. Au moment de quitter ces îles il est peut-être utile
d'ajouter quelques considérations sur leur état présent et les changements
intervenus depuis la dernière visite du capitaine Cook.
Pomare qui alors se nommait Otoo et était roi d'Otaheite a conservé tous
les pouvoirs d'administration de l'île, ainsi que nous l'avons déjà noté.
Selon la coutume du pays il a remis titres et honneurs de souverain à son
fils Otoo qui est maintenant roi de Tahiti, et en vérité un prince déjà plus
puissant que ne l'était son père. Waheadooa (18), le roi de Tiaroboo est
mort. Le second fils de Pomare a repris son nom, ses titres, et son
territoire peu de temps avant notre
arrivée.
puissant roi d'Eimeo, Maheine, a été tué au cours d'un combat à
Tahiti, il y a environ dix-huit mois. Son frère (19) Motooaro, dont nous
avons déjà mentionné la mort, lui a succédé. La souveraineté de l'île repose
maintenant sur la tête de sa fille Tetooanooe, qui est très jeune et mineure.
Le grand roi de Bolabole, Opoono, est mort. Sa fille Mahemarooa,
elle aussi mineure, lui a succédé.
Nous avons déjà parlé de Motooaroa, l'actuel roi de Heraheine et de
notre ami, le vieux Mowree, roi de Ulietea. Ce dernier est oncle de
Pomare du côté de sa mère et n'a pas de descendance. Son territoire
reviendra donc sans doute, par parenté, à la famille royale d'Otaheite
dont les vues politiques se tourneront sûrement vers les deux autres îles
par le fait du mariage du roi d'Otaheite avec les deux reines de Bolabola et
Eimeo, si bien que le jeune roi héritera probablement du contrôle de tout
ce groupe d'îles. En effet, son père et tous les autres chefs nous ont
souvent répété que ses titres sont plus nombreux que tous ceux jamais
portés par un autre roi d'Otaheite. Il est appelé le "Earee rahiee no maro
oora", un titre qui évoque pour eux la grandeur que nous attribuons à un
empereur, et qui fait accroire que son élévation au gouvernement de tout
ce groupe d'îles est inéluctable.
Pomare mesure deux mètres six. Il est très musclé et bien
proportionné. Sa démarche est décidée et son port bien droit empreint de
la majesté de de la dignité qui convient à son rang et à sa position. Ceux à
bord, qui l'ont vu au cours d'un précédent voyage, disent qu'il s'est
amélioré en tous points, en son aspect physique aussi bien qu'en son
comportement général, ayant acquis fermeté et continuité dans l'action.
La reine mère comme nous l'appelons, est une femme solide d'une stature
un peu masculine, avec des traits ordinaires, une démarche décidée, et un
caractère affable et doux. Elle paraît aussi douée d'une grande sagacité,
d'un esprit pénétrant capable de comprendre clairement ce qui lui est
Le
(18) Vehiatua, un titre, comme il est
expliqué dans la note n° 15.
(19) D'après Vancouver, "Motooaro" (Metuaro Mahau) n'était pas le frère de Mahine, mais le fils de
sa soeur, et la plupart des spécialistes sont d'accord avec lui. Il est possible que la succession de Mahine ait
d'abord été prise par un frère ainé de Metuaro, qui mourut peu de temps après, et auquel Metuaro
succéda alors. Ceci
pourrait expliquer la confusion de Menzies.
(Voir Douglas Oliver, Ancient Tahitian
Society, Hawaï, 1974, vol. III).
Société des
Études
Océaniennes
825
exposé, elle rend service à Pomare, non seulement en affaires domes¬
tiques mais aussi pour les affaires plus importantes du gouvernement.
Son avis a beaucoup de poids, en quelque circonstance que ce soit.
Pomare ne fait rien sans la consulter. Elle paraît avoir grand ascendant et
influence
sur sa
conduite.
Sa sœur Whaeredee, bien qu'ayant tendance à l'embonpoint,
possède
plus de chaleur et par ses qualités plus féminines attire davantage la
compagnie de Pomare, aux heures de repos consacrés aux plaisirs et aux
divertissements.
A la
pluie de la veille,
a
succédé
ce
matin le beau temps
avec une
légère
brise d'est. Les deux navires dérapent vers dix heures et font voile hors de
la baie. A ce moment, l'indigène qui a été incarcéré trois jours plus tôt à la
suite du vol, est amené sur le pont et rendu à Pomare, geste hautement
apprécié. Une des dames royales le précipite dans une pirogue le long du
bord et le cache au fond en se plaçant sur lui et en le couvrant de ses
vêtements. Puis elle ordonne aux siens de pagayer aussi vite que possible
vers le rivage. Après un bon bout de route elle rejoint le navire sur une
autre pirogue. Bien que n'ayons pu récupérer tous les objets volés, toute
animosité a maintenant disparu, et nous nous quittons bons amis.
Pomare est demeuré le dernier à bord. Lorsqu'il embarque sur sa pirogue,
il est salué de quatre coups de canons. Le même salut est rendu à ses deux
frères qui pendant ce temps se trouvaient à bord du Chatham pour faire
leurs adieux à Monsieur Broughton et aux officiers.
A
midi,
nous avons
mettons le cap au
nous sommes
nous,
risées
à peu près franchi deux lieues quand nous
avec légère brise et beau temps. Dans la soirée
à moins de deux lieues de l'île de Teeteroah (20), au Nord de
nord
quand le vent tombe pour faire place, pendant la nuit, à quelques
légères accompagnées d'éclairs.
La matinée est belle mais presqu'entièrement calme et nous avançons à
peine. Comme nous ne sommes qu'à quatre ou cinq miles de Teeteroah,
des pirogues en profitent pour s'approcher. Sur l'une d'elles se trouve un
chef et sa famille qui ne paraît pas ignorer certaines de nos activités
récentes. Cela prouve que les deux îles sont en constante communication.
Dans
mettre
l'après-midi, poussés vers l'île par le courant, nous décidons
des embarcations à l'eau pour déhaler les deux navires à
de
la
Lorsque dans la soirée se lève une légère brise nous
réembarquons les canots et nous poursuivons notre route vers le nord. Le
Chatham qui se trouvait beaucoup plus près de la terre que nous, fut
entouré de nombreuses pirogues qui lui fournirent de la volaille et des
noix de coco, probablement la seule nourriture produite sur l'île car il n'y
est cultivé ni arbre à pain ni taro dont les approvisionnent parfois les gens
remorque.
d'Otaheite.
Le Chatham
a
aussi reçu la
visite du chef de l'île,
(20) Tetiaroa
Société des
Études
Océaniennes
un
jeune frère de
826
Pomare. Cette île étant
une colonnie d'Otaheite, ses habitants apprécient
d'échanges. L'île n'excède pas trois miles sur sa plus grande
longueur du nord au sud. Elle est si basse qu'à distance les cocotiers dont
elle est couverte paraissent émerger de l'océan. Pendant un moment, nous
avons été entourés d'un
grand banc de marsouins qui nageaient
nonchalemment, sans se soucier de nous.
le même genre
•*
Société des
Études
Océaniennes
827
HISTOIRE DE TEMAHURU
le
requin de la famille de Teriituroroarii, de Tahiti.
Il y a longtemps, très longtemps, un prince d'une famille de
grands chefs de Tahiti, nommé Aroma'itera'i, voulut entre¬
prendre un voyage vers l'archipel des îles Sous-le-Vent, appelé à
cette époque là : Hiti-Raro, et aujourd'hui Raro Mata'i. Il alla
d'abord voir son cousin qui était aussi son meilleur ami :
Teri'ituroroari'i. Celui-ci était issu d'une famille de chefs du
district de Hiti, ancien nom de Puna'auia. Puna'auia était alors
le nom d'un grand marae, qui devait se situer sur la
pointe de
Nu'uroa (aujourd'hui pointe des pêcheurs).
De cette famille étaient également issus plusieurs chefs de
Punaauia dont : Mâ, Tahuri, Fa'atauira, Tehuritaua... Donc,
Aroma'itera'i alla trouver son meilleur ami Teri'ituroroari'i, et
lui fît part de son intention de voyager vers les îles Hiti-Raro
principalement dans l'île de Hawai'i ou Raiatea. Celui-ci
acquiesça au projet de son ami princier, et ils se mirent à
préparer leur pirogue à voile avec beaucoup d'entrain pour
entreprendre ce voyage qui s'annonçait intéressant. Lorsque la
pirogue fut prête, ils embarquèrent leurs fruits et tous les vivres
pour au moins trois jours. C'était précisément la nouvelle lune et
le temps s'annonçait beau.
Teri'ituroroari'i était plus habile à manœuvrer une pirogue à
voile que son ami princier, fort corpulent et prédisposé à la
fatigue. Au jour fixé, Teri'ituroroari'i manœuvra l'embarcation
jusqu'en dehors de la passe de Ta'apuna vers la haute mer tandis
que le prince s'allongeait dans la pirogue, car il souffrait du mal
de mer. Dans sa noble famille, il avait été nourri dans des fare, à
l'ombre, comme des vahinés "ha'apori", c'était la coutume des
chefs et c'est pour cette raison que la peau des enfants nobles
était plus claire que celle du bas peuple. Pour les filles, plus elles
étaient grosses, plus elles étaient belles... paraît-il.
Deux jours plus tard, ils arrivèrent devant la passe de Avarua ou
Avapiti à Raiatea. Les gens d'Uturoa étaient sur le rivage et
attendaient la pirogue à voile, car ils avaient été prévenus par un
guetteur, aux aguets sur une colline, près d'une grande pierre
haute de quatre mètres environ, appelée Tefa'airi.
Société des
Études
Océaniennes
828
Cette pierre servait autrefois pendant les guerres entre les
îles, et permettait aux guetteurs de voir de loin les pirogues
ennemies qui pénétraient dans la passe, et ainsi de ne jamais être
surpris par des guerriers ennemis.
D'après le nom de cette pierre Fa'airi "faire échouer", on raconte
que lorsque le guetteur apercevait une ou plusieurs pirogues de
guerre se présenter devant la passe, il appelait ses amis qui
devaient se trouver quelque part dans la brousse pour venir le
rejoindre là haut, près de la fameuse pierre, afin de danser en
faisant de grands gestes pour attirer et distraire les ennemis qui,
alors ne faisaient plus attention à la passe et s'échouaient sur les
récifs, d'où le nom de Te Fa'airi. Les gens d'Uturoa étaient donc
venus sur le rivage pour voir les voyageurs qui arrivaient dans
cette pirogue à voile. La pirogue approchait lentement du rivage,
et beaucoup de jeunes filles regardaient attentivement les deux
jeunes gens, alors que ceux-ci étaient surpris de découvrir cette
foule qui les attendait avec des couronnes de fougères. Dès que la
pirogue fut accostée, tous les curieux souhaitèrent la bienvenue
aux deux tahitiens ; ce furent surtout, d'ailleurs, les jeunes filles
qui n'avaient d'yeux que pour le beau Teri'ituroroari'i. Comme
tous les arrivants, ils furent invités à toutes les fêtes du village.
Comme Teri'ituroroari'i était toujours l'invité préféré, le cousin
devint rapidement jaloux et ne pouvant plus supporter les succès
de son compagnon, il résolut de partir seul pour Tahiti, sans le
prévenir.
Ce ne fut que deux jours plus tard que Teri'ituroroari'i
s'aperçut de l'abandon. Il avait cru tout d'abord que son ami
s'était rendu chez des parents, puis il se rendit sur la plage pour
voir si la pirogue était toujours là. Hélas, les gens du voisinage
lui apprirent la mauvaise nouvelle et il fut rempli de tristesse à la
pensée que son meilleur ami l'avait abandonné dans une île qui
n'était pas la sienne et où il n'avait pas de fetii. Il s'immobilisa
sur le rivage, regarda l'horizon à travers ses
yeux pleins de
larmes, fixés sur les sud-est, là ou Tahiti, son pays, devait se
trouver.
Non loin de
là,
une
vieille femme le regardait pleurer. Elle avait
deviné que le jeune homme avait beaucoup de chagrin. Elle lui
adressa la parole avec douceur "Mon fils, pourquoi pleures-tu ?"
et il répondit "Je pleure parce que mon meilleur ami m'a
abandonné dans un pays étranger. Il est parti avec notre
pirogue, et je ne pourrais plus rentrer chez moi. Je ne vois pas qui
pourrait m'aider dans mon infortune". La vieille dame lui
répondit "Ne te tourmente pas. Je vais t'aider". Le jeune homme,
incrédule, se disait en lui-même : comment pourra-t-elle m'aider,
car je ne vois aucune pirogue dans les environs. Elle lui dit
"Regarde dans la mer" Il entendit d'abord la vieille dame
marmonner quelque chose en regardant également vers l'Océan.
Quelques minutes plus tard, Teri'ituroroari'i vit émerger à la
Société des
Études
Océaniennes
829
surface de la mer, un très grand requin et sa nageoire dorsale
ressemblait à une voile de pirogue. "Tu vois, c'est notre requin de
"
famille, dit la vieille dame, il s'appelle Temahuru. Tu pourras
naviguer sur le dos du squale pour te rendre à Tahiti. Tu
prépareras douze cocos pour te désaltérer au cours de ton voyage
et tu prendras également une pierre pour fendre un coco,
chaque
fois que tu auras soif. Tu en auras assez pour tout le voyage. Oh,
dit-il, je n'ai pas besoin de caillou pour fendre les cocos, car je
pourrais les casser en frappant chaque coco avec la pointe d'un
autre. La dame ne dit rien, car elle savait qu'il ne lui resterait
qu'un seul coco ; avec quoi allait-il fendre le dernier fruit ? Elle
eut un sourire ironique mais ne dit rien.
Teri'ituroroari'i monta sur le dos du requin avec ses cocos dans
un panier, fit ses adieux à la bonne dame et la remercia de tout
cœur pour tout ce qu'elle avait fait
pour lui. Le monstre marin se
dirigea vers la passe de Vairua (ou Avapiti) et sortit vers le large
en pointant son nez au sud-est,
par une mer calme. Deux heures
plus tard, notre héros eut soif, cassa un coco, le but et mangea
l'amande qui était fort bonne. Il n'y eut pas d'incident jusqu'au
moment où il ne resta qu'un seul coco. Comment et avec quoi le
fendre ? Il pensa que le seul endroit solide était la tête du requin.
Il prit le dernier fruit et frappa fortement sur le crâne du squale.
Celui-ci ressentit la douleur et plongea dans les profondeurs de
l'océan, laissant son ami Teri'ituroroari'i nager seul, en surface.
La vieille dame qui était restée sur la plage de Uturoa, à cent
milles du lieu de l'incident, voyait la scène et elle commanda au
requin "Temahuru" de reprendre le jeune homme sur son dos. Ce
qu'il fit. Ils continuèrent leur voyage sur Tahiti, mais à une
vitesse folle.
Arrivés devant
Papara, au district de Aroma'itera'i, le requin
le dos, pourfendit le récif en deux, ce qui
forma une nouvelle passe, appelée depuis ce temps là, passe de
Temahuru. Enfin Teri'ituroroari'i arriva dans son pays natal :
Tahiti nui i te vai uri rau tandis que le requin Temahuru
retournait à Raiatea en zigzaguant sur les vagues de l'Océan
Temoana uri rau pour se retirer à Te tai marama, sa mer d'où il
avec
son
était
venu.
passager sur
Émile Teriieroe
(Histoire racontée
Société des
par
Études
Tihoni Chave
Océaniennes
en
HlRO
1972 à Uturoa.)
830
Nouveaux Statuts
Titre I
Buts et
composition de la société
Article 1er : L'association dite "Société des Études Océa¬
niennes" qui résulte de la transformation de la "Société d'Études
Océaniennes instituée par arrêté du 1er janvier 1917, a pour
buts :
de grouper les personnes s'intéressant à l'étude de
questions se rattachant à l'anthropologie, l'ethno¬
graphie, la philosophie, les sciences naturelles, l'archéologie,
l'histoire, aux institutions, mœurs, coutumes et traditions de la
Polynésie, en particulier du Pacifique Oriental ;
-
toutes les
de réunir et de conserver les documents suscep¬
tibles de favoriser ces études ;
de faciliter les échanges de vues par des réunions
-
-
d'organiser des conférences, expositions, réu¬
folkloriques ;
de publier un organe périodique appelé "Bulletin
de la Société des Études Océaniennes".
Sa durée est illimitée; Son siège social est à Papeete.
Elle sera régie par la loi du 1er juillet 1901, et par
-
nions
-
les présents statuts.
Article 2 : La Société
-
-
-
se
compose :
de membres d'honneur
de membres titulaires
et de membres correspondants.
Le bureau peut conférer la qualité de membre
d'honneur aux personnes dont le patronage est susceptible de
contribuer au prestige de la Société et à son succès ; ils reçoivent
le bulletin gratuitement.
Les membres titulaires sont ceux qui remplissent
les conditions d'admission, et versent à la Société une cotisation
dont le montant est fixé ainsi qu'il est précisé ci-après.
Les membres correspondants sont choisis sur
présentation des membres du bureau, parmi les personnes et
organismes résidant hors du territoire, pouvant aider aux
Société des
Études
Océaniennes
831
recherches entreprises, fournir des renseignements utiles, ouvrir
des enquêtes, procurer des documents, en un mot, aider de
quelque façon que ce soit à la prospérité de la Société. Ils
reçoivent le bulletin gratuitement.
un
Les nouveaux membres doivent être présentés par
membre de l'association et souscrire un bulletin d'adhésion.
Les sociétaires ayant la qualité de membre à vie
conservent cet
Article 3
avantage.
La qualité de membre
se perd :
la démission ou le décès,
par le non-paiement de la cotisation,
par la radiation prononcée par le bureau pour
motifs graves, l'intéressé ayant été préalablement appelé à
fournir ses explications.
:
-
par
-
-
Les membres démissionnaires
ou
radiés
ne
peuvent
prétendre à aucun remboursement des sommes versées par eux
pour cotisation ou don. Ils ne pourront être admis à nouveau au
sein de l'association qu'après décision du bureau.
Dans ce cas, le droit d'inscription est intégralement dû.
Titre II
Administration & Fonctionnement
Article 4
:
La Société est administrée par un bureau composé de :
-
-
-
-
-
ans.
un
un
un
un
président,
vice-président,
secrétaire,
trésorier,
et 4
assesseurs.
Ce bureau est élu par l'Assemblée générale pour 3
Les membres sont élus par vote au scrutin secret et à la
majorité relative des membres présents ou représentés en
assemblée générale.
Les candidats aux postes à pourvoir devront faire
acte de candidature auprès du président, au moins 3 semaines
avant la date de l'assemblée générale qui doit procéder au
renouvellement des membres sortants du bureau, lesquels sont
rééligibles. Le président du bureau de la Société est en même
temps président de la Société. Il représente la Société en justice et
dans tous les actes de la vie civile : il doit jouir du plein exercice
de
ses
droits civils.
Il peut se faire représenter par un membre du
bureau pour un ou plusieurs objets déterminés.
Toutes les fonctions de membre du bureau sont
gratuites.
Société des
Études
Océaniennes
832
Article 5
Le
:
patrimoine de la Société répond des engagements
membres qui participent à
personnellement
contractés par elle, sans qu'aucun des
cette administration puisse être tenu
responsable.
Article 6
Le bureau
:
se
réunit
au
chaque fois qu'il est convoqué
moins quatre
par son
fois
président
par an
et
ou sur
la
demande de la moitié des membres.
la présence
de la moitié des membres du bureau
la validation des délibérations.
les délibérations sont prises à la majorité des voix
des membres présents, la voix du président étant prépondérante.
il est tenu procès-verbal de chaque séance : rédigé
par le secrétaire, il est signé par le président après accord des
-
est nécessaire pour
-
-
membres du bureau lors de la séance suivante.
Article 7
pour
Le bureau est investi des pouvoirs les plus étendus
autoriser tous actes et opérations concernant la
:
faire
ou
Société et qui ne sont pas réservés à l'assemblée générale.
Article 8
: L'Assemblée générale se compose des membres
d'honneur, titulaires et à vie de la Société. Elle est convoquée au
moins un mois à l'avance par voie de presse et de radio.
L'assemblée générale se réunit chaque année au cours du
premier trimestre, aux jours, heure et lieu indiqués dans l'avis de
convocation.
-
L'assemblée générale, pour délibérer valable¬
ment, doit comprendre
moins le quart des sociétaires résidant
remplie, l'assemblée est
convoquée à nouveau 2 semaines plus tard dans les formes
prescrites aux présents statuts, sans condition de quorum.
Elle est présidée par le président ou le viceprésident ou à leur défaut par un membre du bureau délégué par
lui. Les fonctions de secrétaire sont remplies par le secrétaire du
bureau ou à son défaut par un membre de l'assemblée désigné
par le président.
L'ordre du jour est arrêté par le bureau. Il n'y est
inscrit que des propositions émanant de lui et celles qui lui ont
été adressées quinze jours au moins avant la date de la réunion.
au
à Tahiti. Si cette condition n'est pas
-
-
Article 9
:
générale
lieu
Pour l'élection du
bureau, le vote en assemblée
scrutin secret uninominal, à la majorité simple
des voix des membres présents ou représentés, le vote par
procuration nominale étant admis. Chaque membre présent ne
pouvant être possesseur que de 2 procurations.
a
Article 10
président
:
au
L'assemblée générale ordinaire entend le rapport du
gestion et sur tous les autres objets.
approuve ou redresse les comptes de l'exercice
sur sa
-
Société des
Études
Océaniennes
833
clos le 31 décembre précédent.
vote de budget de l'exercice suivant qui lui est
soumis.
fixe les cotisations.
autorise toutes acquisitions d'immeubles et
meubles nécessaires à l'accomplissement des buts de la Société.
Tous échanges et ventes de ces meubles et immeubles ainsi que
toutes constitutions d'hypothèques et tous emprunts.
d'une manière générale, elle délibère sur toutes
les propositions portées à l'ordre du jour touchant au dévelop¬
-
-
-
-
pement de la Société et à la gestion des intérêts.
ces délibérations doivent être prises à la
majorité
simple des voix des membres présents et représentés.
Article 11 : Les délibérations des assemblées font l'objet d'un
-
procès-verbal inscrit au régistre et signé par les membres
composant le bureau. Ce procès-verbal constate le nombre des
membres présents ou représentés aux assemblées ordinaires et
extraordinaires.
signés
Les copies ou extraits de ces procès-verbaux sont
le président ou par deux membres du bureau.
par
Titre III
Dotations & Ressources annuelles
Article 12
Les
:
-
-
-
a
lieu,
avec
ressources
annuelles de la Société
se
composent
:
des cotisations de ses membres,
des subventions qui peuvent être accordées,
des ressources créées à titre exceptionnel et s'il y
l'agrément de l'autorité compétente
comme
stipulé
dans l'article 18.
Le président est chargé de l'administration finan¬
cière de la Société dans les conditions stipulées au règlement
intérieur. Il ordonnance les dépenses.
Article 13
pour
:
Il est tenu
recettes et
pour
au jour le jour une comptabilité deniers
dépenses et s'il y a lieu une comptabilité-
matière.
Article 14
:
Le fonds de réserve
comprend
les économies réalisées
:
les ressources an¬
nuelles et qui auraient été portées au fonds de réserve en vertu
d'une délibération de l'assemblée générale ordinaire.
-
sur
La Société se considère comme dépositaire des
biens et collections qu'elle détient actuellement comme de tous
ceux qui pourront lui échoir dans l'avenir.
en cas de dissolution, les biens et collections
seront remis au Musée de Tahiti et des îles, sauf stipulations
-
-
Société des
Études
Océaniennes
834
contraires en ce
Société ainsi que
qui concerne les dons et legs consentis à la
la Bibliothèque.
Titre IV
Modifications de statuts et Dissolution
Article 15
: Les statuts ne peuvent être modifiés
que sur la
proposition du bureau ou de la moitié des membres titulaires qui
en saisissent le président.
L'assemblée extraordinaire spécialement convo¬
quée à cet effet ne peut modifier les statuts qu'à la majorité des
trois-quarts des membres titulaires présents ou représentés.
L'assemblée doit se composer de la moitié au moins
des membres en exercice, si cette proposition n'est pas atteinte,
l'assemblée est convoquée de nouveau au moins deux semaines
d'intervalle et cette fois, elle peut valablement délibérer quelque
soit le nombre des membres présents.
Article 16 : L'assemblée générale extraordinaire appelée à se
prononcer sur une dissolution de la Société est convoquée
spécialement à cet effet et doit comprendre les 3/4 des membres
titulaires en exercice. La dissolution ne peut être décidée qu'à la
majorité des 3/4 des membres présents ou représentés. Si la
condition de quorum n'est pas remplie le bureau de la Société
saisit le tribunal compétent pour statuer sur cette demande de
dissolution.
Titre V
Surveillance
Article 17 : Le président doit faire connaître au gouvernement
du territoire tous les changements survenus dans l'adminis¬
tration ou la direction de la Société.
Article 18
:
Le règlement intérieur préparé par le bureau doit
être approuvé par
l'assemblée générale.
Société des
Études
Océaniennes
Le Bulletin
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qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
épouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il, fait sien les
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qui, seuls, en
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Aux lecteurs de former leur appréciation.
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droits, peuvent être traduits et reproduits, à la
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