B98735210103_207.pdf
- Texte
-
IN
DE M
GÉLE I
SOCIETE
DES ETUDES
OCEKNIENNES
N°207
TOME XVII
-
N°8/JUIN 1979
Société des Etude
des études océaniennes
Ancien
de
Papeete, Rue Lagarde, Papeete, Tahiti.
Polynésie Française.
B. P. 110
21-120-22T
—
Tél. 2 00 64.
-
C.C.P. 34-85 PAPEETE
SEIL D'ADMINISTRATION
Paul MOORTGAT
Président
Yves MALARDE
Vice-Président
Janine LAGUESSE
Raymond PIETRI
Secrétaire
Trésorier
assesseurs
Me
Rtdolph BAMBRIDGE
Me Jean SOLARI
M. Henri BOUVIER
M. Roland SUE
Mme F. DEVATINE
M. Temarii TEAI
Dr. Gerard LAURENS
M. Maco TEVANE
Me Eric
LEQUERRE
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
R.P. O'REILLY
M.
Georges BAILLY
M. Raoul TEISSIER
Pour être Membre de la Société
se
faire présenter par un membre titulaire.
o.R.s.t.o.m.-Papeete:
ARRIVÉ
LE
ENREGISTREMENTSG'JS
L
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DES ÉTUDES OCÉANIENNES
(Polynésie Orientale)
TOME XVII
—
N° 8/n° 207 Juin 1979
SOMMAIRE
Articles
Le Musée de Tahiti et des Iles
443
Nancy J. POLLOCK
Économie des atolls
463
Robert C. SCHMITT
La transcription incorrecte des
estimations de population de
Anne LAVONDES
Polynésie Centrale
477
Comptes rendus
Roger G. ROSE
Symbols of Sovereignty. Feather
Feather Girdles of Tahiti and Hawaii 485
René CHARNAY
Le solitaire du lagon
Société des
Études
Océaniennes
.486
dans notre précédent N°,
rédigé à la demande de l'UNESCO et publié avec son autorisation.
L'article de Mme Flora Devatine, paru
a
été
Société des
Études
Océaniennes
443
Le Musée de Tahiti et des Iles
SITUATION
Le Musée se trouve à Punaauia, à 14 kms de Papeete au bord de
la mer, tout près de ce qui serait une des plus belles rivières de
Tahiti si la vallée de la Punaruu n'était appelée à devenir zone
industrielle.
Le terrain
clôturé et un
couvre
quatre hectares et demi. Il est entièrement
construit
recevoir les vagues du large : en effet, le Musée est situé
entre deux lagons juste en face de la passe de Nuuroa.
mur
de protection, avec enrochement, a été
pour
Société des
Études
Océaniennes
444
HISTORIQUE
Dès 1967, le Gouverneur SICURANI en vue
d'un Musée achetait le terrain, pour la somme
En
de la construction
de 9.000.000 CFP.
1974, l'Assemblée Territoriale décidait la création d'un
établissement public territorial dénommé Musée de Tahiti et des
Iles. Les bâtiments construits en première tranche étaient
presque terminés. Ils comprenaient quatre salles publiques
d'exposition occupant environ 900 m2, un hall d'entrée, une
cafétaria, un bureau et une salle de conférences et de projections
avec ses annexes. Depuis, ont été ajoutés à ces bâtiments : un
logement pour un gardien permanent et un abri pour les pirogues
exposées.
fonctionner. En
faire aménager
cafétaria et sa cuisine, en
A la fin de 1975, le Musée commence à
l'absence de locaux techniques, il a fallu
ce qui devait être une
laboratoires. Un bureau supplémentaire a été créé
des entrées de la salle de conférences.
provisoirement
réserves et
devant
une
Peu à peu s'organisait un projet d'aménagement intérieur en
relation avec M. René Dessirier, chargé d'assurer la décoration
des salles publiques. Ce dernier réalisait des maquettes pour
montrer la répartition dans l'espace des différents éléments
d'exposition. La conception de la première salle, consacrée au
milieu naturel, était confiée à une équipe de chercheurs du
Museum d'Histoire Naturelle de Paris, sous la direction de
M. Bernard Salvat. M. José Garanger, archéologue, chercheur du
CNRS et professeur, acceptait de prendre en charge la prépara¬
tion de la partie théorique sur l'archéologie préhistorique.
M. Henri Lavondès, qui était encore chercheur de l'O.R.S.T.O.M.
et directeur du Musée, préparait un panneau sur les langues du
Pacifique, les langues polynésiennes en particulier.
Les deux dernières salles du Musée avaient été mises à la
disposition d'une association œcuménique locale nommée
"Tenete". Le Père O'Reilly, agissant au nom de "Tenëte" et
travaillant en étroite relation avec M. René Dessirier, réalisait
une histoire de la Polynésie depuis l'arrivée des premiers
navigateurs européens.
La deuxième salle et, finalement, une grande partie de la
troisième salle étaient mises à ma disposition pour y présenter la
culture polynésienne traditionnelle. La réalisation de cette partie
a demandé une longue préparation. L'espace disponible était
réduit, les objets à exposer étaient disparates et de qualités très
inégales. L'essentiel des collections était constitué par du
matériel lithique qu'il fallait mettre en valeur de manière à la fois
attrayante et instructive. Pour pallier un certain nombre de ces
Société des
Études
Océaniennes
445
inconvénients, le choix fut pris de répartir les objets et les
éléments d'exposition qui les compléteraient (gravures, dessins,
schémas et textes explicatifs) par techniques et par thèmes
généraux plutôt que par archipels. Ce parti-pris de présentation
avait l'avantage de ne pas mettre en évidence un trop grand
déséquilibre entre les archipels. En effet, les plus beaux objets
disponibles à cette époque concernaient surtout l'archipel des
Marquises.
Les salles du milieu naturel et de l'histoire furent les premières
réalisées. Entre janvier et mars 1977, le décorateur M. René
Dessirier, venu de Paris avec son équipe mettait en place les
expositions des première, troisième et quatrième salles. Les
panneaux consacrés à l'archéologie préhistorique (harmonisa¬
tion, peuplement du Pacifique, datations, etc...) furent également
placés à cette époque.
,
Le 30 mai eut lieu
au Musée, pour inaugurer la partie déjà
"Festival de chants religieux", organisé par
l'association "Tenete". Pendant toute la journée se succédèrent
les chants traditionnels, himene tarava, himene ruau et plus
récents, himene nota. Cette manifestation, avec entrée libre dans
les salles d'exposition, a eu un très grand succès. On estime à près
de 5.000 personnes la participation de la population de Tahiti, qui
pour la première fois faisait connaissance avec son Musée. Cette
réussite montre à l'évidence la nécessité de prévoir des manifes¬
tations périodiques dans l'enceinte du Musée pour atteindre un
public aussi vaste que possible. Les manifestations organisées
depuis par d'autres organismes (association pour la protection de
la nature "la Ora te Natura", Office de Développement du
Tourisme pour les fêtes de juillet, concert public, etc...) se sont
montrées bénéfiques pour mieux faire connaître le Musée.
réalisée,
un
Dessirier,
place des
objets et des documents dans les deuxième et troisième salles
consacrées à la culture polynésienne.
Pendant deux mois, entre mai et juillet 1978, M. René
à Tahiti avec son équipe, procéda à la mise en
revenu
Ce fut un véritable travail de collaboration, puisque le
personnel du Musée participa largement aux aménagements :
certains éléments, comme les maquettes de four polynésien
conçues et fabriquées par M. Hiro Ouwen, ont été entièrement
réalisés
au
Musée.
Après le départ de M. René Dessirier, les salles publiques
étaient presque
terminées. Pour éviter les frais importants
un nouveau séjour de l'équipe de M. Dessirier,
qu'aurait entraîné
décida de confier à un des assistants-conservateurs du Musée,
M. François Oilier, l'achèvement de la décoration des salles et
on
l'aménagement de l'abri à pirogues.
Société des
Études
Océaniennes
446
Les vitrines destinées à présenter, dans la dernière salle, les
principaux sites archéologiques, sont en cours de montage. Cette
partie devrait être terminée, pour l'inauguration des salles
d'exposition, le 30 juin 1979. Les autres éléments sont également
en cours de réalisation : une grande carte murale du Pacifique
montrant les différentes aires culturelles (qu'on pourra mettre à
jour à volonté en fixant par aimants des volumes mobiles
présentant diverses informations), un élément sur les structures
sociales, une vitrine sur la démographie et sur l'économie
traditionnelle, etc...
Le Musée ne dispose pas encore d'un pavillon spécialisé pour les
expositions temporaires. En attendant, cinq vitrines ont été
placées dans le hall d'entrée : elles permettent de présenter au
public les dernières acquisitions, dons ou achats, ainsi que les
prêts temporaires et dépôts.
Plusieurs expositions se sont ainsi succédées depuis le mois de
janvier 1977 : objets ethnographiques anciens déposés par
l'association "Tenete" et maintenant exposés dans les salles
permanentes, matériel archéologique trouvé en surface et acquis
par le Musée (surtout des objets recueillis par M. Tihoti Russell),
des objets trouvés en fouille ou en surface transmis par les
archéologues (M. Bertrand Gérard de l'ORSTOM, Dr. Y. H.
Sinoto du Bishop Museum de Honolulu). Parmi les objets
présentés au cours des différentes expositions temporaires, il
faut citer quelques dons : un bol en pierre sculptée, don de
M. Tixier, des herminettes archaïques, don de M. Jay, un cassetête marquisien, don de Madame Alix de Rotschild, une maquette
du paquebot "Tahitien", don de la Compagnie Générale Mari¬
time, etc... Parmi les dépôts, on peut citer ceux de : M. J.L.
Candelot (matériel lithique marquisien), M. et Mme Ora, de
Papara, M. Jacques Stoccheti (chambranles sculptés, de Tubuai),
Musée de la Marine de Paris (pagaies cérémonielles des Aus¬
trales), M. Antonio Ho Kui, M. Noël Teamotuaitau, M. et
Mme Tumarae (table à piler, umete en bois), M. Gilles Artur,
conservateur du Musée Gauguin (pagaie des Australes d'un type
rare) et, enfin, l'important dépôt de Mme Julien Lévy qui se
compose d'environ 140 pièces, marquisiennes pour la plupart,
avec des objets rares : tapa, ornements, pagaies de Mangareva,
etc...
Parmi les acquisitions, les objets achetés à M. Nuutea Salmon,
de Raiatea, ont été exposés dans le hall d'entrée, ainsi que la
collection Hooper pour les Iles de la Société, qui a été présentée
au
public dès
son
arrivée à Tahiti.
Parallèlement à l'aménagement des salles publiques et la
présentation d'expositions temporaires au Musée, mais aussi à
l'extérieur (Marquises, Office de Développement du Tourisme,
Société des
Études
Océaniennes
447
Maison des Jeunes,
technique
se
Maison de la Culture), les activités d'ordre
sont poursuivies régulièrement.
Peu à peu, les
objets
encore
conservés à Papeete, dans l'ancien
Musée, ont été transférés à Punaauia. Le dernier, le plus
volumineux une grande pirogue cousue des Tuamotu, est entré
Musée le 27 avril 1979. Il ne restait plus dans le local de la rue
au
Lagarde
que
la bibliothèque, mais le département d'archéologie
installé, faute de place dans les
du Musée vient d'y être
bâtiments de Punaauia.
Depuis près de 60
ans que ces
collections d'objets et de livres lui
avaient été confiées, la Société des Études Océaniennes n'a cessé
de les enrichir, surtout au gré de dons divers, faute de moyens
suffisants. Le grand mérite de la S.E.O. a été de conserver les
collections pour qu'elles puissent être un jour exposées dans de
conditions, et qu'elles puissent aussi être étudiées aussi
chercheurs que par les amateurs. Il faut rappeler la
part prise dans cette tâche par ses présidents successifs, en
particulier Henri Jacquier, et son président actuel le
bonnes
bien par les
Dr Paul MOORGAT.
continuelle de Melle Aurora
passé des années à s'occuper de l'ancien Musée, ses
soins attentifs et sa vigilance constante qui ont pu préserver si
longtemps les objets et les livres de la malfaisan ce du climat et
des insectes, et aussi parfois, malheureusement, il faut bien le
mentionner, de celle des humains. Je ne saurai jamais trop dire
tout ce que le nouveau Musée de Tahiti et des Iles doit à la
Mais c'est surtout la présence
Natua, qui
a
personnalité de Melle Aurora Natua et à ses connaissances, tout
ce qu'elle m'a enseigné sur l'origine des objets, leur histoire, leur
nom vernaculaire, leur fonction, leur place dans la littérature
ethnographique ou de voyages. Ces objets, à vrai dire, elle seule
les connaît parfaitement.
Environ 2.000 objets étaient déjà catalogués, au moment de la
création du nouveau Musée. Maintenant, le catalogue comprend
près de 7.000 entrées.
FONCTIONNEMENT
Le Musée de Tahiti et des Iles est un établissement public
territorial doté de la personnalité morale et de l'autonomie
financière. Il est géré par un directeur, sous le contrôle d'un
conseil d'administration de 21 membres.
Il est doté chaque année d'une subvention accordée par
l'Assemblée Territoriale sur proposition du Conseil de Gouver¬
nement. Son budget d'investissement, qui comprend la décora¬
tion des salles publiques, est géré par le service de l'Équipement
en accord avec le directeur et le conseil d'administration.
Société des Études Océaniennes
448
Il occupe actuellement quatorze personnes, dont une directrice
mise à la disposition du Territoire par l'Office de la Recherche
Scientifique et Technique outre-mer (ORSTOM), un agent
administratif-secrétaire de direction, deux assistants-conserva¬
teurs, un gardien permanent -gardien de salles, un gardien de
nuit, etc...
Alors que l'ensemble des salles n'a été ouvert au public qu'au
mois d'août, le nombre d'entrées payantes s'est élevé à 19.150
pour
l'année 1978, dont 5.764 scolaires. Pour le début de
des entrées a été plus importante.
l'année 1979, la moyenne
ANIMATION
Bien que le Musée soit encore en période de création et qu'il y
ait beaucoup à faire en même temps, un effort d'animation a été
fait dès le début : de nombreux groupes, d'origine, d'âge et
d'intérêt très divers ont pu profiter des visites commentées du
Musée. Un travail d'équipe très intéressant a été mené avec des
élèves déjà sensibilisés et bien préparés par leurs maîtres. Il faut
signaler l'expérience réalisée avec deux classes de CM 2 de l'école
Manotahi de Punaauia : les élèves, qui avaient déjà visité le
Musée, avaient choisi eux-mêmes les thèmes qu'ils voulaient
étudier de façon approfondie. Des groupes se sont formés, animés
chacun par un membre du personnel pour étudier les techniques
de préparation de la nourriture, la fabrication et l'utilisation des
outils anciens, les pirogues polynésiennes, la fabrication et la
teinture du tapa, l'histoire des Pomare, le Jardin botanique, etc...
Ce travail a été prolongé en classe par des exercices pédagogi¬
des expositions et un tamaaraa à l'ancienne organisé par
Il faudrait citer aussi les stages du CAPASE, la
participation à différentes manifestations à l'intérieur ou à
l'extérieur du Musée, souvent en collaboration avec d'autres
organismes.
ques,
les élèves, etc...
Il faut signaler, enfin,
la réalisation,
par
3, d'un film de 55 minutes, en couleur, sur
Radio Télé Tahiti FR
le Musée de Tahiti et
des Iles.
Les
qui
projets dans ce domaine sont encore plus nombreux que ce
être réalisé jusqu'à maintenant : rédaction de catalo¬
a pu
la visite du Musée, éventuellement préparation
des relations avec
l'enseignement, augmentation des manifestations culturelles
diverses, montages de spectacles audio-visuels dans la salle de
conférences, expositions itinérantes dans les archipels, etc...
gues,
guides
pour
d'informations enregistrées, accroissement
ACQUISITIONS
Une des vocations fondamentales d'un musée est d'acquérir
des objets. Une tentative pour définir les différents types
Société des
Études Océaniennes
449
d'acquisitions qui conviennent le mieux au Musée de Tahiti
permet déjà de déterminer une politique dans ce domaine. Il se
trouve que, malheureusement, les objets ethnographiques
polynésiens, qui valent la peine d'être acquis, sont parmi les plus
chers du monde. Une politique d'achats d'objets anciens
demande donc un effort financier très important. Cet effort, le
Territoire l'a déjà fait en autorisant le Musée à faire un emprunt
pour l'achat d'une partie de la collection Hooper1. Mais pour être
vraiment efficace, il faudra que cet effort soit continu...
C'est surtout dans les ventes aux enchères publiques, à
Londres et à Paris, que l'on trouve les objets les plus intéres¬
achats posent des problèmes divers, surtout
Polynésie est loin et les
catalogues n'arrivent pas toujours assez tôt. De plus, il est
souvent difficile de juger de la valeur muséologique d'une pièce
sur un catalogue, même illustré. Les correspondants éventuels ne
savent pas toujours ce qui convient le mieux au Musée, quelles
sont les lacunes à combler, etc... et aller soi-même sur place serait
sants, mais
ces
d'ordre financier et administratif. La
très coûteux.
Les structures administratives du Musée ne facilitent pas ce
d'acquisitions dont on ne sait pas à l'avance le montant
(les estimations sont généralement très en deçà du prix atteint à
la vente : ceux-ci sont souvent surprenants, deux objets de même
valeur réelle peuvent être enlevés à des prix très différents) et il
faut généralement payer dans des délais très brefs. Un effort
devra être fait pour qu'une plus grande souplesse dans l'utilisa¬
tion des crédits permette d'agir rapidement et de profiter des
bonnes occasions. Les acquisitions sur place sont beaucoup plus
aisées et, si le matériel n'est pas de même nature ni de même
valeur (il s'agit surtout d'objets lithiques moins rares), ce type
d'achat a le mérite de retenir dans le Territoire une partie du
patrimoine qui jusqu'à maintenant était trop souvent considéré
comme bien commercial exportable. Un grand effort est fait
actuellement par le Musée pour sensibiliser la population à ce
problème et essayer d'encourager les collectionneurs et collec¬
teurs à vendre en priorité au Musée.
genre
Le Musée essaie
souvent ont peur
également de rassurer les collectionneurs qui
d'être dépossédés de leurs objets sans contre¬
partie. Il s'agit d'un mythe encore trop répandu, car à la vérité le
Musée n'a jamais essayé d'acquérir un objet contre la volonté de
son propriétaire. Nous sollicitons l'autorisation des collection¬
neurs de faire un inventaire photographique et descriptif dont
nous leur remettons une copie. Ceci permet au collectionneur
1. La Polynésie Française est pour l'instant le seul territoire du Pacifique, à
la Nouvelle-Zélande, a avoir pu acheter une partie importante des objets qui
dans la collection HOOPER.
Société des
Études
Océaniennes
l'exception de
le concernent
450
un témoin écrit et iconographique, ce qui peut être
précieux dans certains cas (héritage : les héritiers souvent ne
connaissent plus l'origine des objets ; en cas de vols, assez
fréquents pour les collections privées, plus ou moins bien
protégées). Le Musée pourra ainsi savoir peu à peu ce qui existe
dans le Territoire et suivre l'histoire des objets.
d'avoir
collectionneurs confient des
objets en prêt ou en dépôt, ce qui permet à un beaucoup plus
grand nombre de gens de les admirer, que s'ils sont exposés dans
une maison privée.
Nous
avons
dit plus haut que les
Des projets sont à l'étude pour obtenir des prêts temporaires ou
des dépôts de la part des musées français, puis des musées
étrangers. Rappelons le dépôt déjà fait en 1978 par le Musée de la
Marine (pagaies cérémonielles des Australes, etc...).
Cette solution paraît particulièrement satisfaisante parce
qu'elle permet de montrer au public, de façon plus économique,
des objets rares que le Musée n'aurait pas les moyens d'acheter.
Elle est sécurisante pour les musées prêteurs qui ne savent pas
comment les objets se comporteront en milieu tropical et qui,
malgré les pressions de l'UNESCO, auront toujours de très fortes
réticences à renvoyer définitivement des objets dans leur pays
d'origine.
Une telle expérience pourra, de toute manière, servir d'étape
intermédiaire et de test pour les musées qui prêtent et ceux qui
reçoivent. Mais pour que cette politique puisse être menée à plein
rendement, autrement que pour quelques objets isolés, il faudra
que le Musée de Tahiti et des Iles puisse être doté rapidement
d'un pavillon d'expositions temporaires, construit à cet effet, et
présentant toutes les garanties de sécurité nécessaires.
CONSERVATION
Le Musée dispose actuellement, au rez-de-chaussée, dans ce qui
devait être primitivement une cafétaria, de 72 m2 de réserve et
laboratoires.
Dans la réserve sont conservés, surtout, le matériel lithique et
de grands objets. La réserve a été équipée d'armoires et
d'étagères métalliques, ainsi que de casiers en bois qui permet¬
tent de classer les objets. Les étagères ont été recouvertes de
plaques de polystyrène pour leur protection et celle des objets.
Dans ce qui devait être la cuisine, on a aménagé un petit
laboratoire photographique, avec un évier sans paillasse par
manque de place, et un laboratoire pour l'entretien et la
restauration des objets. Le même laboratoire sert aussi d'atelier
pour la réalisation de moulages, maquettes, copies d'objets, et
pour la préparation de certains éléments d'exposition (présen-
Société des
Études
Océaniennes
451
en plexiglass, supports d'objets, etc...)- Il est prévu
d'aménager une petite chambre à vide qui facilitera la réalisa¬
tion des moulages, permettra de traiter périodiquement les petits
objets par fumigations et, éventuellement, d'en consolider
certains. Quelques objets fragiles ainsi que des objets archéolo¬
giques en bois gorgé d'eau seront prochainement consolidés en
France par des méthodes nucléaires. Les objets moins précieux
ou plus résistants seront consolidés aux États-Unis ou sur place.
Actuellement les objets humides sont conservés dans des
contenants remplis d'eau.
toirs
Tous les objets en matériaux périssables qui entrent au Musée
sont traités par fumigations au service du conditionnement de
l'Économie Rurale (gratuitement). Puis ils sont nettoyés au jet
d'air avec un compresseur et, pour les objets en bois, systémati¬
quement traités au xylamon. Ceux qui ont besoin d'être restaurés
le sont progressivement, mais il s'agit d'un travail très minu¬
tieux qui demande beaucoup de temps.
Dès leur arrivée, les objets sont enregistrés sur un livre
d'entrée, avec une description sommaire et l'indication de leur
origine, leur histoire, etc... Chaque objet reçoit un numéro
d'enregistrement puis est catalogué sur une fiche muséographique descriptive. D'autres fiches permettent des entrées par
matière, par lieu géographique, par collection. Tous les objets
sont photographiés ou dessinés. Puis ils sont classés dans les
réserves ou éventuellement exposés. Tous les objets ne peuvent
pas être exposés dans les salles d'exposition permanentes, mais,
en principe, tous sont présentés au moins une fois, peu après leur
entrée au Musée, en exposition temporaire.
Le bureau des conservateurs, de 20 m2, permet à trois per¬
de travailler ensemble. Il abrite également les fichiers
sonnes
muséographiques, la bibliothèque et
une
partie de la photothè¬
que.
une réserve très exiguë a été aména¬
local entièrement fermé. Elle est munie d'un appareil
de climatisation à régulation automatique pour la température et
l'hygrométrie, ainsi que d'une porte en fer antivol, anti-incendie.
Par manque de place, certaines des annexes de la salle de
conférence ont dû être transformées en réserves pour les objets,
les archives et les grandes photographies. Néanmoins certains
grands objets (pirogues, umete, caisses de tambour) n'ont pu
encore trouver place dans les locaux fermés et encombrent ce qui
devrait être un bar public. Il ne faut pas perdre de vue que le
Musée est loin d'être terminé, qu'il lui manque encore des parties
essentielles pour qu'il soit véritablement fonctionnel : des locaux
techniques avec laboratoires, réserves, chambre de fumigation,
ateliers, bureaux, etc... ; un local administratif ; un pavillon
Pour les
gée dans
objets précieux,
un
Société des
Études
Océaniennes
452
bibliothèque - salle de lecture.
nécessaires : garage,
matériel d'exposition, de manifestations, etc... et
d'expositions temporaires et
Des locaux
entrepôts
annexes
pour
une
seront également
matériel de jardinage.
Il reste donc encore beaucoup à faire, même sur
investissements.
LA VISITE DU
le plan des
MUSÉE
Un vaste parking accueille le visiteur qui pénètre au Musée par
le hall d'entrée : il trouve, au comptoir de vente, livres, brochures,
cartes postales, etc... concernant la Polynésie. Bientôt des copies
d'objets seront également mises en vente. Le visiteur peut voir
sur sa gauche les vitrines
d'expositions temporaires.
La première salle consacrée au milieu naturel présente : une
carte bathymétrique, de grandes maquettes en couleur permet¬
tant de comprendre la formation des îles hautes et des lagons.
Des projections simultanées de diapositives, accompagnées d'un
commentaire, retracent la vie des animaux marins et des
différentes algues, depuis le récif-barrière jusqu'à la côte pour les
îles hautes, sur le récif et dans le lagon pour les îles basses. Deux
vitrines présentent : d'une part, les principales espèces de
coquillages représentées en Polynésie française et, d'autre part,
toutes les porcelaines endémiques.
principales espèces de coraux et de poissons sont montrées
specimens et de photographies. Dans l'espace central,
des panneaux verticaux proposent des informations didactiques
sur la nature des sols, la flore endémique, les animaux introduits,
mais aussi sur les caractères particuliers du monde insulaire. Un
élément sur les oiseaux est en cours de réalisation : il comprendra
des projections de diapositives, mais on peut déjà voir une
reproduction d'une aquarelle de Sydney Parkinson (premier
voyage de Cook), représentant un oiseau tahitien disparu (très
grossi).
Les
à l'aide de
à l'archéologie préhistorique, avec
des anthropiens, depuis les australanthropiens jusqu'aux néanthropiens replacés dans le temps, une
carte de répartition des différents anthropiens (les sites sont
indiqués par des lumières colorées), des schémas montrant
l'évolution humaine avec la station verticale, le développement
Du milieu
un
naturel,
on passe
arbre généalogique
de la main et du
Le
cerveau.
peuplement du Pacifique est expliqué
par une
série de cartes
colorées en transparence : on y voit les théories abandonnées et
les nouvelles hypothèses dont les plus récentes sont figurées par
des flèches à travers le Pacifique, ainsi que le début du
peuplement
vers
-
40 000
ans.
Société des
Études Océaniennes
Société des
Études
Océaniennes
454
Les cartes mettent bien en évidence l'importance, pour ce
premier peuplement, des périodes glaciaires qui, en abaissant le
niveau des mers, ont réduit les espaces maritimes et multiplié les
ponts terrestres, facilitant ainsi le peuplement de l'Australie et
de la Nouvelle-Guinée. Les cartes suivantes, avec les jalons que
sont les datations, les sites à poterie, etc..., montrent bien que les
Polynésiens ne sont pas venus d'un coup de l'Asie du Sud-Est,
mais comment au cours de deux ou trois millénaires des proto-
Polynésiens fabriquant une poterie dite "Lapita" sont devenus,
au centre du Pacifique, ces Polynésiens qui, peu à peu, ont peuplé
l'Est où ils sont arrivés finalement très récemment, aux premiers
siècles de notre ère. Le peuplement du Pacifique insulaire n'est
devenu possible que lorsque les connaissances sur les techniques
de navigation (fabrication de pirogues à balancier et à voile,
astronomie, etc...) ont été suffisantes. Cette partie sera complétée
par un panneau exposant les différentes méthodes de l'archéo¬
logie (études stratigraphiques, datations, etc...).
objets
principaux sites archéologiques de la Polynésie
Française : les sites stratigraphiques, dont les plus anciens sont
ceux des Marquises, mais aussi des sites d'habitat aux Iles de la
Société et aux Australes. Une abondante iconographie aidera le
visiteur à situer les objets dans les séquences chronologiques et à
comprendre la nature des différents sites.
Dans
une
série de vitrines vont être présentés des
trouvés dans les
Celui-ci pourra
période archaïque
également, en comparant les objets de la
aux Marquises et aux Iles de la Société, avec
des documents concernant la Nouvelle-Zélande, constater que
plusieurs catégories d'objets se ressemblent beaucoup d'un
archipel à l'autre. Ces similarités font penser à une culture
commune avant l'an 1 000 de notre ère : la différentiation d'un
archipel à l'autre se serait produite ensuite au cours d'une longue
période d'isolement.
confirmée par la linguistique : un
les langues polynésiennes montre, par des séries de
cercles lumineux, la parenté d'abord entre les langues du
Pacifique, à partir d'un tronc commun austronésien, mais aussi
entre les langues polynésiennes. Un tableau met en évidence
cette parenté des langues issues du proto-polynésien, par la
comparaison de quelques mots courants et de leur variations
phonétiques d'un archipel à l'autre, chaque archipel correspon:
Cette hypothèse se trouve
panneau sur
dant à
une
aire culturelle.
les première et deuxième salles,
public les premiers résultats des
fouilles archéologiques effectuées sur le Territoire.
Une vitrine suspendue, entre
est destinée à présenter au
Société des
Études
Océaniennes
455
La deuxième salle est consacrée à
la culture matérielle polyné¬
sienne.
Elle débute par des techniques de fabrication et l'outillage.
L'herminette, outil à tout faire des Polynésiens, particulièrement
intéressant pour la population locale parce qu'on peut encore le
trouver au hasard de travaux divers, est présentée avec toutes
ses caractéristiques
: ses différentes parties, les formes, leur
répartition suivant les archipels. Une série de dessins montre
comment on fabriquait une herminette, ce que viennent illustrer
des ateliers de taille avec "nucleus", ébauches, éclats, percuteurs,
l'un en amas (Raiatea), l'autre en nappe (Tahiti, vallée de la
Papenoo) ; les galets ou prismes basaltiques qui servaient de
matière première, ainsi que les différentes étapes de l'ébauche,
jusqu'au stade final où l'outil était abrasé et aiguisé sur une
pierre à polir et ensuite fixé à un manche coudé, par des ligatures
en bourre de coco tressée. Parmi les multiples travaux qui
pouvaient être exécutés à l'herminette, on a choisi l'exemple de la
fabrication d'une pirogue, avec différents types d'herminettes,
perçoirs, râpes. Quatre herminettes emmanchées du 18ème siècle
proviennent de la collection HOOPER : la plus grande, qui vient
du Lever's Museum, a peut-être été recueillie durant une des
expéditions du Capitaine COOK. Dans la même vitrine, de
nombreux outils en matériaux divers montrent que, avant
l'introduction du métal, l'outillage était beaucoup plus diversifié
qu'on ne le croyait jusqu'à maintenant.
Les cordes, la vannerie, le tapa sont représentés par de
no_mbreux objets, des photographies expliquant les techniques de
fabrication, des dessins parmi lesquels il faut noter les copies
d'originaux exécutés par Sydney Parkinson, dessinateur de la
première expédition du Capitaine COOK, etc... Citons les
fragments de vannerie fine, probablement des parties de
vêtements, provenant d'abris funéraires, les battoirs et enclumes
à tapa, des fragments inachevés d'écorce battue, une ceinture en
fibres tressées et un maro en tapa des Tuamotu, deux pièces de
tapa des Iles de la Société, dont l'une est décorée d'impressions de
feuilles de ti'a'iri (bancoulier : Aleurites). Ces derniers objets,
donnés par la Société des Missions protestantes de Paris, ont été
déposés par l'Association "Tenete". Enfin, un très beau vêtement
en forme de poncho (tiputa), en écorce battue épaisse et très
souple, avec des impressions de fougères et de fleurs, provient de
la collection HOOPER.
centrale de la salle, avec
maisons anciennes des
Marquises, des Australes, de Nouvelle-Zélande. Des gaulettes en
Purau et une couverture en pandanus permettent d'évoquer un
La vie quotidienne occupe la partie
des poteaux sculptés provenant de
intérieur tahitien
au
début du 19ème siècle,
Société des
Études
avec une
Océaniennes
lance
456
('omore), des copies d'appui-tête et de tabouret, des plats en bois
('umete), un coffre et des paniers et calebasses, fixés aux fourches
d'un poteau
central.
techniques de préparation de la nourriture sont expliquées
partir de tables à piler et de pilons-battoirs provenant de
plusieurs archipels ; les techniques de cuisson sont évoquées par
les maquettes d'un four polynésien vu en coupe, des pierres dans
un 'umete (cuisson par les pierres chauffées), etc... Des conte¬
nants en bois, de plusieurs archipels, aux formes souvent
proches de celle d'une demi-noix de coco, montrent leurs lignes
pures et sobres.
Les
à
navigation, qui sera traitée plus en détail dans l'abri à
pirogues, est matérialisée par une pirogue cousue, ancienne,
provenant des Tuamotu, et par de très belles pagaies des
Marquises, Gambier, Australes et de Nouvelle-Zélande.
La
Les
par
engins de pêche sont présentés devant un fond bleu
éclairé
de nacre et les différentes méthodes
les fabriquer, leurres à poulpes, nasses, grands hameçons
transparence : hameçons
pour
de bois et leurres
en nacre pour
la pêche
en
haute
mer,
La vitrine consacrée à l'horticulture et à l'élevage
terminée.
etc...
n'est
pas
Les tatouages, avec dessins, gravures, peignes à tatouer de la
collection HOOPER, et les ornements corporels occupent le fond
de cette salle de la culture matérielle. Parmi les ornements, une
a été donnée au pendentif en ivoire de cachalot,
à tout le monde polynésien. Façonné avec soin, on le
trouve sous une forme presque identique, au moins dans la
grande place
commun
période ancienne, depuis les Iles Marquises jusqu'à la NouvelleZélande, en passant par les Iles de la Société. Objet de grande
valeur, transmis par héritage, le pendentif était si précieux que,
lorsque la dent de cachalot venait à manquer, on le façonnait
dans d'autres matériaux, souvent très durs et difficiles à
travailler, comme le coquillage cypraeacassis (Marquises) ou la
pierre verte de Nouvelle-Zélande (néphrite).
Les ornements marquisiens sont assez abondamment repré¬
sentés : couronne d'écaillé de tortue ou de dents de marsouin,
diadème en plumes de coq, ornements d'oreilles féminins
finement sculptés dans l'os humain, de motifs de légendes, petits
cylindres d'os travaillés en forme de tiki (ivi po'o), ornements en
cheveux, etc... Un grand pendentif, fait d'une coquille de nacre
travaillée et supporté par un épais collier dè cheveux tressés, fait
partie de la collection HOOPER. Il provient probablement des
Iles de la Société ou peut-être des Australes. Pour un autre collier,
fait de petites nacres dentelées, montées sur un collier tressé
bicolore, la provenance n'est pas tout à fait certaine non plus.
Société des
Études
Océaniennes
457
Ces
nacres
étant
fréquentes dans les Tuamotu de l'Est, il n'est
pas exclu que le collier en provienne. Un
et jaunes rappelle enfin que les Iles
collier de plumes rouges
Hawaii font partie de
l'ensemble polynésien.
Des
photographies de gravures anciennes montrent des
le Musée ne possède pas, ainsi que la manière
ornements que
dont ils étaient portés.
vitrine est gardée
d'autres musées.
A côté, une
par
en
réserve
pour
des objets prêtés
celle de la vie sociale et religieuse et aussi
celle du premier contact avec les navigateurs européens et les
missionnaires, Un double panneau, qui n'est pas encore réalisé,
La troisième salle est
présentera rapidement l'art polynésien et ses principaux motifs ;
brièvement parce que cet art est difficilement séparable de l'objet
qui lui sert de support et que l'on peut voir partout ailleurs dans
le Musée.
L'élément voisin tente, à l'aide d'un modèle en trois dimen¬
sions et de textes explicatifs, de faire comprendre au public ce
qu'était l'organisation sociale et la relation étroite qui existait
entre elle, les structures religieuses (marae) et un territoire
donné ; comment un individu (ou une famille) appartenait à la
fois à une lignée généalogique, à un groupe social précisément
situé dans la hiérarchie, à un ou plusieurs marae et à la terre sur
laquelle il résidait ou avait des droits. Dans toute la Polynésie,
l'importance des chefs était matérialisée par certains objets de
prestige : bâtons de chefs, chasse-mouches, éventails, etc...
Malheureusement, tous ces objets ne sont pas représentés au
Musée, mais on peut y admirer cependant quelques belles pièces :
un éventail marquisien, presque complet, des manches de
chasse-mouches, un éventail, un appui-nuque d'une très grande
beauté de forme. Ces derniers objets, des Iles de la Société,
faisaient partie de la collection HOOPER et l'appui-tête a été
recueilli, comme plusieurs pièces exposées au Musée, par les
missionnaires anglais de la London Missionary Society,
Tyerman et Bennett, entre 1821 et 1824.
Le reste de la vitrine, consacré aux jeux et aux sports, ne donne
qu'une faible idée de l'invention et de la richesse des Polynésiens
dans ce domaine. L'ensemble le plus marquant, sinon le plus
spectaculaire, est constitué par un arc, un carquois en bambou
non décoré et une série de flèches en roseau, à pointe rapportée en
bois (collection HOOPER).
Aux Iles de la Société, le tir à l'arc était un sport réservé aux
chefs et avait une certaine importance cérémonielle. Parmi les
autres pièces, il faut noter une très belle crosse de jeu de Rurutu,
utilisée autrefois pour un sport ressemblant au hockey ('Apai) et
Société des
Études
Océaniennes
458
un
étrier d'échasse
sculpté provenant des Iles Marquises.
Dans la vitrine suivante, les instruments de musique se
détachent sur une gravure de fond représentant des musiciens et
des danseuses (Tahiti, d'après Webber, 3ème voyage de Cook).
Les Iles de la Société sont représentées par des flûtes nasales en
bambou (collection HOOPER et don de la Société des Missions),
un tambour de Huahine, malheureusement moderne, une conque
marine (Pu, dépôt de "Tenete"). Pour les Iles Marquises, on ne
peut manquer d'admirer le très beau tambour à base sculptée de
motifs en tête de tiki, ses fines ligatures en bourre de coco tressée
agrémentées de mèches de cheveux régulièrement disposées. Une
couronne en écaille de tortue sculptée et en coquillage (paekaha),
des ornements en cheveux, des bagues en plumes de phaëton,
composent le costume d'un danseur marquisien tel qu'il est
représenté sur une illustration de la fin du 19ème siècle.
La dernière des trois vitrines
triangulaires contiguës est
consacrée à la guerre. Les lances - massues y voisinent avec un
très beau casse-tête marquisien classique 'u'u et une massue en
forme de pagaie, tous deux façonnés dans du bois de fer ('aito,
Casuarina). Les lances-massues à "bague" décorée provenant
des Iles de la Société faisaient partie de la collection HOOPER.
L'évolution du Patu, arme courte bien connue par les modèles
classiques des Maori de Nouvelle-Zélande, est illustrée par un
objet archaïque, en pierre, provenant de Raiatea, des Patu
anciens en os de baleine et en bois, trouvés au cours de fouilles
archéologiques à Huahine (Y.H. Sinoto, Bishop Museum), et des
pièces de Nouvelle-Zélande en pierre et en os de baleine sculpté
(patu onewa ; patu kotiaté). Bien que la fronde ait été l'arme la
plus utilisée par les anciens guerriers de tous les archipels, le
Musée ne possède aucune fronde authentique et ne peut présenter
qu'un objet moderne. Des gravures tirées du voyage de Krusenstern (Langsdorff) et représentant des guerriers marquisiens
tatoués couvrent le fond de la vitrine.
Une des plus belles pièces provenant de la collection HOOPER
la vitrine sur "la mort et les funérailles". Il s'agit d'un
ornement ayant fait partie du costume de "deuilleur" des Iles de
la Société : environ deux mille petits rectangles de nacre
orne
découpés, troués et assemblés par un fil très fin, forment un
ensemble châtoyant, d'une très grande fragilité. Au-dessus, une
partie reconstituée, en forme de croissant, supporte des valves
entières d'huîtres perlières. Le costume n'est pas complet : il
manque le diadème de plumes et le masque fait de nacres
assemblées, ainsi que le manteau de plumes et la robe de tapa.
grands ensembles traitent de la religion ancienne : une
plate-forme en pierre sur laquelle sont disposées les sculptures de
Trois
Société des Études Océaniennes
459
grande taille
en
bois et
en
pierre. Il
ne
s'agit
pas
de la reconstitu¬
mais d'un élément d'exposition pour ce type
d'objets. Au milieu, se dresse le grand tiki en bois, de Hivaoa, aux
Marquises, qui, dans l'ancien Musée, était placé contre un mur
dans la salle d'exposition du rez-de-chaussée : cette disposition
ne permettait de voir que la face antérieure du tiki. Sa nouvelle
exposition, l'éclairage qu'il reçoit, mettent pleinement en valeur
la qualité de la sculpture, ses reliefs et font ressortir les motifs
horizontaux et curvilignes, de la partie dorsale.
tion d'un marae,
à
Les tiki sont répartis par archipel : à gauche, les Iles Marquises
droite, les Iles de la Société ; au fond, à droite, les Iles Australes.
petits objets religieux, on trouvera : une
(moai kavakaua), une sculpture représentant un
homme-lézard et une tablette gravée (copie) de l'Ile de Pâques ;
des Marquises : une statuette en bois, malheureusement très
abîmée, de petits tiki en pierre, simple ou doubles, des sculptures
en pierre représentant un lézard, des tortues, des poissons, une
pièce en vannerie fine utilisée par les anciens Marquisiens
comme aide-mémoire pour les prières et les généalogies chantées,
etc... Les Iles de la Société sont représentées par quatre petites
sculptures en bois dont l'une représente deux personnages placés
dos à dos. Ces ti'i, probablement en bois de pua (Fragrea
berteriana), proviennent-de Moorea, où ils ont été trouvés dans
une grotte funéraire. L'usage de deux lampes en pierre, dites "de
sorcellerie", n'est pas précisément connu. On sait, en revanche,
que le to'o, un bâton en aito entouré de bourre de coco tressée et
autrefois couvert de plumes rouges, est une représentation
symbolique du dieu Oro. Aux Tuamotu, l'effigie d'une tortue,
grossièrement sculptée dans du corail, représentait probable¬
ment aussi une divinité : elle était exposée au moment de la
consécration des offrandes de tortues, sur le marae.
Dans la vitrine des
statuette
peu de choses sur le déroulement des cérémonies
mais le capitaine Cook, au cours de sa troisième
expédition, put assister avec deux de ses compagnons à un
sacrifice humain sur un marae, peut-être le grand Marae
Taputapuatea, qui se trouvait non loin de l'emplacement du
Musée, à la pointe de Punaauia. A l'aide des descriptions de
COOK et du médecin ANDERSON, grâce également à une
gravure d'après WEBBER, très agrandie sur une paroi de la
troisième salle du Musée, on peut retrouver certains éléments de
cette cérémonie : la maison sacrée, les prêtres récitant les prières
à l'aide de leur aide-mémoire en feuilles de cocotier tressées
(tapaau), les joueurs de tambours sacrés (pahutoere), le sacrifié,
déjà assommé d'un coup de pierre sur la nuque, les plates-formes
d'offrandes et, au fond, une plate-forme en pierre, probablement
annexe du grand ahu du marae, avec les pierres dressées, les
Nous
au
savons
marae,
Société des
Études
Océaniennes
460
poteaux sculptés ('unu) et les crânes, évoquant les. générations
ancestrales lointaines et les ancêtres plus proches. Sur le devant
de la plate-forme, on aperçoit deux paquets ; ils sont enveloppés
de tapa : l'un d'eux contient le to'o, représentation symbolique de
Oro, l'autre le
chef, arii nui.
maro
'ura, ceinture de plumes
rouges
du grand
Devant cette gravure sont exposés : une copie du fameux
'umete en pierre de Madrid, que l'Espagnol Maximo Rodriguez
reçut des mains du prêtre au Marae Taputapuatea de Punaauia,
et un poteau en bois provenant d'une plate-forme d'offrandes et
trouvé dans un marécage à Papara.
La partie ethnographique du Musée se termine par un
alignement de quatre poteaux de maisons funéraires sculptés en
forme de tiki et provenant des Marquises (Uahuka et Uapou).
Ces tiki, bien que détériorés par les intempéries avant leur entrée
au Musée, comptent parmi les plus belles pièces de la collection.
Puis commence la période du contact avec l'occident : des
cartes, dessins, gravures, tableaux, ainsi qu'une grande fresque
de Saint-Front, évoquent le passage
Polynésie des Espagnols, des Hollandais, de Wallis, de
Bougainville et de Cook.
moderne peinte par M. Yves
en
Quelques objets témoignent de cette période : fusils, canons,
(fac-similé de l'acte de prise de possession de Tahiti
par la France, signé par Bougainville et ses compagnons), ainsi
que d'un événement important : l'introduction du métal en
Polynésie.
documents
En 1797, les premiers missionnaires anglais de la L.M.S.,
arrivés sur le Duff, débarquent à Tahiti. M. Yves de Saint-Front
a
peint cette arrivée
missionnaire bien
sur une
grande fresque, d'après
une gravure
connue.
Qui sont ces missionnaires ? On trouve leur nom, leur portrait,
la première édition de la bible en tahitien, dans une vitrine située
devant la fresque. Une presse à imprimer rappelle qu'après 1815,
sous
l'impulsion de William Ellis, les missionnaires impriment
des textes en tahitien destinés surtout à l'instruction de leurs
élèves polynésiens, mais aussi à fixer la loi (code Pomare).
L'histoire tahitienne post-européenne est jalonnée par les
règnes successifs des Pomare.
Pomare 1er accueille les
navigateurs, puis,
reçoit les premiers missionnaires.
avec
Pomare II, il
L'arrivée des Espagnols à Tautira, sur la frégate "Aguila", est
rapidement évoquée par un portrait de Boenechea.
Une vitrine entière est consacrée
Société des
Études
au
long règne de Pomare IV
Océaniennes
461
et à ses vicissitudes : affaire Pritchard, Protectorat de la France,
installation du premier Gouverneur, BRUAT, etc... Un très beau
'umete en bois, à quatre pieds, ayant appartenu à la famille des
Pomare, est exposé dans cette vitrine.
Le seul objet à bénéficier d'une vitrine pour lui seul - et il mérite
bien ce traitement -, est une lance sculptée ayant servi d'insigne
de prestige. Cette pièce est unique par l'ensemble de ses
morphologiques, mais certains d'entre eux, considérés
isolément, l'apparentent à d'autres lances polynésiennes : la
pointe "festonnée" rappelle les lances des Iles Cook. Le Père
Delmas avait noté à son sujet que cet objet très rare "était entre
les mains du grand prêtre de l'Ile de Napuka, aux Iles Tuamotu,
lors d'un sacrifice traditionnel, célébré en avril 1878, le jour
même où la première messe catholique était dite dans l'Ile par le
Père Germain Fierens". Longtemps conservée au Musée de la
Mission des Pères de Picpus à Braine-le-Comte, en Belgique, elle
à la maison
fut transférée
généraliste de Rome, d'où
Mgr Coppenrath a pu l'obtenir en dépôt pour la salle "Tenete".
caractères
rappelle
objet de
grande valeur, venu de Rome avec la lance de Napuka : une des
vingt tablettes de l'Iles de Pâques, connue dans le monde, celle
qu'on appelle "L'Échancrée". Elle est accompagnée des 200
mètres de cheveux tressés qui l'entouraient quand les Pascuans
Une vitrine, consacrée aux missions catholiques,
l'œuvre du Père Laval à Mangareva et présente un
la remirent à Tepano
Jaussen.
La partie centrale de cette quatrième
Tahiti au 19ème siècle : une maison
et dernière salle évoque
coloniale, un comptoir
import-export de l'époque, l'atelier d'un photographe qui
parvient par de nombreuses photographies à faire revivre le
passé, des objets enfin, témoins de l'importance de la présence
des Chinois à Tahiti.
Il ne faut pas manquer de regarder les aquarelles signées par
C. Gorden Cumming pour la précision de leurs informations sur
le Tahiti d'il y a un siècle. Les Mormons, les écrivains célèbres
ayant séjourné en Polynésie, le
Bataillon du Pacifique sont
également présents et, s'il y a des oublis, c'est parce qu'on ne peut
pas tout dire.
La visite des salles
ment moderniste avec
publiques
des
vues
se
note résolu¬
la vie actuelle
plans décalés représentant
termine
sur une
transparentes
sur
dans les archipels et un panneau en
la jeunesse tournant le dos à la vieillesse.
L'abri à pirogues se trouve immédiatement à la sortie des
salles. Construit dans le même style que le reste du Musée, il est
entouré de parois de verre sur trois côtés et s'harmonise avec les
aires de circulation, bordées elles aussi de verre. L'aménagement
Société des
Études
Océaniennes
462
de l'abri à pirogues n'est pas terminé, mais on peut déjà y voir la
plupart des pièces qui y seront exposées : une grande pirogue
cousue, en forme de baleinière, provenant des Tuamotu ; une
pirogue de Raivavae, aux Australes, de forme ancienne ; une
longue coque en bois de tamanu ; une pirogue tahitienne
moderne, mais complète ; et un chaudron de baleinier, longtemps
conservé à Rurutu.
Le jardin botanique est une partie essentielle du Musée parce
qu'il complète d'une façon vivante l'exposition consacrée à la
flore dans la salle du milieu naturel et parce qu'on tente d'y
concentrer les plantes polynésiennes endémiques, dont certaines
sont en voie de disparition ou d'oubli.
Le jardin est en cours de réalisation sous la direction de
M. Michel Guérin, conservateur du Jardin botanique du Musée
Gauguin, à Papeari.
Le patio, réservé aux plantes basses, est achevé en grande
partie ; on y trouve des plantes peu communes aujourd'hui et
dont certaines avaient une grande importance pour la popula¬
tion polynésienne d'autrefois : le mûrier à papier, aute, Broussonetia papyrifera ; le 'ava ou kawa (piper methysticum) ; le
pelagodaxa, un palmier spécifique aux Marquises, en voie de
disparition. Les végétaux sont répartis en plantes alimentaires,
ornementales, médicinales, etc...
De l'autre côté des bâtiments, le parking est bordé de jeunes
miro (Thespesia populnea), ti'a'iri (Aleurites triloba), tou (cordia
subcordata) et de deux banyans 'ora (Ficus prolixa). Un hectare
environ a été mis en réserve pour la plantation d'arbres de
grande taille, tout en conservant une partie de la cocoteraie.
Un parcours sera aménagé, entre les masses végétales, pour
faciliter la circulation des visiteurs. Peu à peu les plantes
importées seront supprimées
au
profit des plantes endémiques.
Le Musée évolue sans cesse et il faut
musée dynamique n'est jamais terminé.
qu'il
en
soit ainsi. Un
Anne LAVONDES
Société des
Études
Océaniennes
463
Économie des atolls
Les habitants de l'atoll de TAKAPOTO dans les
Tuamotu, en
Polynésie française, possèdent leurs groupes électrogènes, des
réfrigérateurs à gaz, des tondeuses à gazon et une machine à
laver le linge alors que ceux de l'atoll de NAMU, dans les îles
Marshall ne disposent d'aucun de ces moyens modernes. Si nous
considérons que ces éléments sont significatifs du niveau de vie
des populations de ces deux atolls, nous pouvons nous demander
les raisons d'une telle différence ? La différence vient directe¬
ment de l'utilisation du pouvoir de l'argent dans les deux
communautés ; mais ceci nous amène à une autre question :
comment cela se fait-il alors que les ressources fondamentales de
leur environnement sont identiques ? Peut-être que les réseaux de
communication des deux régions sont passablement différents ?
Ou bien, cette différence est-elle un pur produit de l'histoire et des
différents apports coloniaux dans les deux régions. Sur un autre
plan, nous pouvons nous demander s'il n'est pas possible de
trouver une meilleure explication en utilisant les termes suggérés
PAPANEK (1977) qui font une distinction entre un modèle de
qui privilégie un facteur bien déterminé, ressources
financières, ressources humaines, causes politico-sociales et un
modèle plus approximatif qui tient compte de facteurs approxi¬
matifs de croissance incluant des aspects tels que les ressources
naturelles plus ou moins abondantes, l'apport de capital, la
capacité en ressources humaines, l'importance des aides
accordées et les objectifs poursuivis par le gouvernement
(PAPANEK, 1977 : 281-2). Sous-jacents à ces facteurs se trouvent
les choix et nous devons essayer de les comprendre.
par
croissance
J'ai été amenée à écrire cette étude à la suite d'affirmations de
fonctionnaires du Gouvernement à Papeete disant que les
Paumotu étaient pauvres et n'avaient rien fait pour décoller du
niveau économique (de subsistance) inférieur où ils se trouvaient.
Ce jugement de valeur, je le crains, était employé pour justifier la
thèse qui place les Paumotu au niveau le plus bas de la
Société des
Études
Océaniennes
464
stratification sociale. Toutefois, j'ai fait remarquer à ces
fonctionnaires que les gens de Takapoto étaient bien mieux
nantis que les populations des deux atolls avec lesquelles j'avais
pris contact auparavant.
COMPARAISON DES RESSOURCES
Un atoll peut être synonyme d'économie marginale dans la
mesure où il n'existe qu'une petite surface de terre, principale¬
corallienne, dotée d'un éventail limité de flore et de faune
utiles, sujettes aux conditions climatiques extrêmes, toutes
choses pouvant être qualifiées de négatives pour le développe¬
ment. NAMU et TAKAPOTO ont, en règle générale, le même
inventaire de plantes utiles telles que : cocotiers, arbres à pain,
pandanus, auxquelles s'ajoute la végétation de protection
nécessaire des plages. Cependant, TAKAPOTO possède une
gamme plus étendue de plantes importées. Les oiseaux, les
poissons et autres produits de la mer sont largement et abondam¬
ment
ment consommés dans les deux atolls.
Le rapport :
superficie de terre émergée / superficie de lagon,
TAKAPOTO,
dernier atoll
présente l'avantage d'avoir une terre moins fractionnée en petits
îlots. Cela permet un accès plus facile aux cocoteraies et facilite
ainsi l'introduction et l'usage de camions pour le transport du
coprah sans trop d'aléas. Cela a également permis la construc¬
tion d'une piste d'aérodrome de 500 pieds qui permet d'établir des
communications aériennes avec Papeete. Par contre, le grand
lagon de NAMU favorise une navigation abritée entre les îlots,
soit pour la pêche, soit pour le mouillage des bateaux en eau
assez profonde.
pour NAMU est de 2,42 miles2 pour 153 miles2 et à
il est de 1,8 miles2 pour 30 miles2 bien que ce
Les différents schémas d'utilisation de la terre conditionnent
évidemment les modes d'utilisation des ressources. En la
matière, l'étude des atolls comporte trois rubriques ; l'emplace¬
ment des habitations, y compris les facilités offertes par les
communications, les sites choisis pour les plantations, l'environ¬
nement maritime. Ce dernier comprenant le lagon, le récif
extérieur et la haute
mer.
EMPLACEMENT DES HABITATIONS
L'implantation sur l'atoll de NAMU a commencé par l'extré¬
mité la plus septentrionale de NAMU-NAMU, elle s'est ensuite
étendue vers Majkin et Mae Leuen au fur et à mesure de
l'augmentation de la population pour atteindre 620 personnes
vers les années 1968-1969. A TAKAPOTO, la population s'est
implantée uniquement au village de FAKATOGATEAE avec un
chiffre oscillant entre 90, 60 et 150 (voir POLLOK-1976).
Société dés
Études Océaniennes
465
Le nombre de membres dans les familles à Namu peut varier
de 5 à 40 personnes mais elles se composent en moyenne de 12 à
15 personnes, c'est-à-dire qu'à Majkin, on comptait 15 familles
pour un
total de 220
à être matrimonial
personnes.
L'unité de base de la famille tend
les épouses et les enfants. Le principal
détenteur de l'autorité dans une famille semble être un homme
avec
âgé de la lignée ; il arrive cependant qu'une femme puisse
prendre les décisions importantes.
Les familles à TAKAPOTO étaient
en
généralement plus petites
nombre par rapport à NAMU ; elles sont regroupées autour
grands-parents et de leurs petits enfants dont les parents
absents, partis à Papeete. Trente huit maisonnées étaient
actives durant mon séjour alors que dix farés étaient fermés en
raison de l'absence des occupants, émigrés temporairement ou
définitivement à Papeete. La cellule de la famille à Takapoto
était donc formée d'un homme âgé et de sa femme, ayant la
charge de leurs petits enfants dont les parents étaient partis à
des
sont
Tahiti.
L'existence de parcelles étroites de terre sur les îlots de l'atoll
de NAMU (Largeur maximum 1/3 de mille) a entraîné un
morcellement en bandes partant du lagon pour se terminer du
côté de l'océan. Les maisons sont disposées sur le bord du lagon.
Les résidences sont donc alignées en chapelet tout au long du
lagon de l'îlot de NAMU, disposition qui présente deux avan¬
: d'abord chacune des familles possède sa propre cocoteraie
et ses arbres à pain à proximité de la maison ainsi que l'accès au
lagon et à la plage. Ceci entraînant un amalgame des zones
écologiques sur ces étroites bandes de terre. Ensuite, cela permet
aux familles, en creusant des puits d'environ 1,80 m. de
profondeur, d'accéder à la lentille d'eau fraîche qui est immédia¬
tement placée au-dessus de l'eau salée. (WIENS, 1965).
tages
Cette disposition étalée de l'habitat à NAMU présente un autre
avantage : il y a moins de risques de pollution de l'eau que dans
le village concentré de TAKAPOTO. On utilise abondamment le
par les toitures des maisons dans les
FAKATOGATEAE forme un quadril¬
lage occupant toute la largeur de l'atoll, les habitations étant
alignées le long d'un croisement de routes qui courent depuis le
bord du lagon intérieur jusqu'au bord de l'océan. Le quai et les
entrepôts sont situés du côté océan tandis que l'aéroport est situé
à environ deux miles à l'est du village. Une antenne de
recherches a été construite sur le lagon à l'est du village.
captage des
eaux
de pluie
deux atolls. Le village de
Les surfaces plantées en cocotiers dans les deux atolls
fournissent l'essentiel des revenus monétaires. A NAMU, l'aire
entourant l'emplacement de l'habitation est utilisée pour les
besoins domestiques et ménagers tandis que les cocoteraies
Société des
Études
Océaniennes
466
situées
les îles éloignées servent aux besoins financiers
(POLLOCK, 1976). Ces cocoteraies éloignées sont moins ex¬
ploitées que celles proches des habitations. A TAKAPOTO, par
contre, les cocoteraies sises près des maisons du village sont plus
exploitées que celles qui s'en trouvent éloignées bien que l'usage
répandu de la location d'un camion pour transporter le coprah,
grâce à une coopérative, ait développé considérablement les
surfaces de cocoteraies mises en valeur. La petite population de
Takapoto a toujours affirmé que beaucoup de plantations n'ont
pas été exploitées depuis de nombreuses années (POLLOCK,
1976). Les droits d'accès aux plantations sur les deux atolls
obéissent strictement aux principes traditionnels du régime
sur
foncier.
Le
coprah est vendu à NAMU pour l'argent liquide qu'il
aux compagnies de navigation à l'occasion de leurs
escales peu fréquentes et irrégulières. Le coprah est ramassé
dans des sacs puis entreposé dans des emplacements autour des
habitations. On essaie cependant de réduire autant que possible
la durée de stockage pour diminuer la perte d'argent consécutive
à un trop long séchage qui entraîne une perte de poids. Aussi, on
a tendance à préparer activement le coprah sur les aires
entourant les habitations dès que la radio annonce le départ d'un
bateau de Majuro qui fera escale à NAMU dans un délai
minimum de cinq jours, maximum de deux à trois semaines. A
TAKAPOTO, le coprah est vendu aux agents qui ensuite le
revende aux goelettes qui passent tous les mois. Les agents
entreposent le coprah dans un hangar près du quai en attendant
le passage régulier du bateau.
procure,
Le jour de l'arrivée d'un bateau à NAMU, les représentants de
la compagnie maritime descendent à terre, pèsent les sacs de
coprah près de chaque habitation et délivrent au producteur un
reçu que ce dernier utilise pour effectuer ses achats à bord du
bateau. Il revient ensuite à terre avec ses marchandises et un peu
de monnaie. Ces marchandises doivent durer afin de satisfaire
les besoins de la famille jusqu'à la prochaine venue d'une autre
goélette. Il s'agit là d'un événement heureux qui survient
irrégulièrement. Par exemple un chef de famille de l'île de NAMU
peut dépenser la totalité de l'argent obtenu par la vente du
coprah pour se procurer les produits de base ; riz, farine, thé,
sucre et cigarettes. Il peut avoir un
surplus d'argent pour se
procurer une boîte de levure (pour faire une sorte de beignets) ou
un peu de boules de gomme, des sucreries ou une ou deux boîtes
de conserves (bœuf ou poisson) mais il s'agit là de superflus qui
sont vite consommés.
Par contre, le jour de l'arrivée du bateau à TAKAPOTO
signifie le réapprovisionnement en marchandises des trois
Société des
Études
Océaniennes
467
magasins et l'arrivée des matériaux de construction, ciment,
tôles ondulées, etc... Les trois magasins disposent d'un stock
important de marchandises diverses qui peuvent satisfaire 70 %
des besoins des familles (les 30 % restant représentant des
revenus moins importants et dépendant largement des produits
locaux tels que le fruit de l'arbre à pain et le poisson). L'avion
avec ses deux vols par semaine apporte également quelques
produits frais tels que la salade et les glacières contenant les
produits alimentaires que les habitants de Takapoto échangent
avec leurs parents résidant à Papeete.
Ainsi donc, l'éventail des produits de consommation entre les
deux atolls varie notablement. Les gens de NAMU vivent
principalement des produits de leur île auxquel auxquels
s'ajoutent le riz et les produits à base de farine alors que les
habitants de TAKAPOTO, pour la plupart, consomment une
nourriture variée composée autant de viande que de poisson.
L'argent produit par la vente du coprah permet aux habitants de
NAMU de faire durer leur approvisionnement alimentaire local
toute l'année, suffisant pratiquement à nourrir tout le monde
d'une façon satisfaisante. A TAKAPOTO, les revenus produits
par le coprah permettent à la population de bénéficier d'un
régime alimentaire journalier très varié et dont le niveau de
satisfaction équivaut à celui qu'elle aurait si elle vivait à
PAPEETE.
Le prix de vente du coprah est un facteur important dans la
différence de revenus entre les deux atolls. A NAMU, en 1968-
1969, le prix du coprah était descendu jusqu'à 2,5 cents, il est
encore plus bas au début des années 1970. A
TAKAPOTO, en 1975, le prix du coprah équivalait à 14 cents la
livre et était stable. Ce prix est artificiellement maintenu à ce
même descendu
niveau par des subventions du Gouvernement français. Il en
résulte que, même en tenant compte des intermédiaires tels que
agents et stockeurs, les habitants de TAKAPOTO sont plus
favorisés dans leurs profits. Le contraste est mis en évidence par
les aspirations de deux familles. Une famille de NAMU formait
le rêve d'acheter une caisse de boîtes de viande en conserve alors
qu'une famille de TAKAPOTO se donnait pour objectif d'utiliser
l'argent de son coprah pour installer deux fenêtres à leur
habitation (et ceci fut réalisé en deux semaines de travail ardu
fourni par deux adultes).
donc, nous pouvons attester que l'argent du coprah est
indispensable aux populations des deux atolls mais à des
niveaux différents de leurs aspirations. La population de NAMU
est importante compte tenu de ses ressources limitées et elle
s'efforce d'employer l'argent liquide pour augmenter les approvi¬
sionnements alimentaires qui autrement seraient insuffisants.
Ainsi
Société des
Études
Océaniennes
468
Par contre, la population de TAKAPOTO est plus restreinte et
évolue autour d'un centre bien établi, alimenté par des apports
importants de l'économie urbaine de Papeete. En raison du prix
élevé du coprah, la petite population peut tirer un profit
intéressant du travail pénible que sa préparation requiert. Elle
utilise cet argent pour améliorer son niveau de vie. L'acquisition
de produits alimentaires ne constitue qu'une part infime de ce
bien être.
L'environnement marin des deux atolls est similaire ; il semble
cependant que certains endroits du lagon de NAMU aient été
trop péchés. Nous possédons des données nombreuses et précises
sur le lagon de TAKAPOTO qui a fait l'objet d'études de
nombreux experts (B. SALVAT). Les deux atolls utilisent leur
environnement pour la pêche mais TAKAPOTO présente un
avantage supplémentaire : il permet la culture de l'huître perlière
(Pinctada margaritifera). Les habitants de TAKAPOTO et
d'autres Paumotu ont acquis une réputation quasi légendaire
d'extraordinaires plongeurs d'huîtres perlières.
A l'heure actuelle, il n'existe qu'une courte saison de plonge
chaque atoll et ce, une fois par an, selon l'avis favorable des
pour
experts. Cependant, cela a fourni aux membres de la coopérative
moyen de 350 dollars par famille en 1974, somme qui a
été payée pendant mon séjour sur l'atoll. Cela représente pour les
familles une somme globale qu'elles peuvent dépenser pour
l'achat de matériaux de construction, d'un moyen de locomotion
un revenu
faire tout autre achat important. Cinq hommes, déjà reconnus
étant les plus fortunés de l'île, avaient choisi de travailler
en dehors de la coopérative, de cultiver leurs
propres perles, en
accord avec Fagent Mikimoto. Leur capital croissait ainsi dans le
ou
comme
lagon à quelques mètres de chez
eux.
La seule industrie comparable de NAMU fut la récupération de
métal sur les épaves de la seconde guerre mondiale mais la
matière est épuisée depuis bien longtemps.
La pêche demeure facile à TAKAPOTO d'une part en raison du
nombre réduit de pêcheurs et d'autre part en raison de l'instal¬
lation par l'Antenne de recherches sur les pêcheries du C.N.E.X.O.
(organisme dépendant du Gouvernement français) d'immenses
pièges où l'on peut puiser le poisson à volonté, soit en les
assommant avec une machette, soit en les harponnant. Voilà
donc un moyen très pratique de se procurer du poisson dont
l'excédent est expédié à Papeete par avion en échange de viande
et de poulets. En revanche, la pêche à NAMU exige un travail
pénible, elle se fait généralement dans une pirogue à un homme
et les résultats sont parfois peu importants. Les trois îlots de
NAMU présentent des différences notables quant à la quantité
de poissons capturés et ceci en raison de leur orientation
Société des
Études
Océaniennes
469
écologique, sur aucun d'eux le poisson ne se trouve en excès. Les
étaient heureux de manger du poisson une fois par jour
mais à Majkin, c'est un bonheur de pouvoir en manger trois fois
par semaine.
gens
RESSOURCES DES ATOLLS
CONCLUSION
Ainsi, les
ressources
des deux atolls sont similaires et le coprah
demeure le dénominateur commun. Toutefois, ce qui constitue
une différence significative, c'est le fait que le prix du coprah est
subventionné par le Gouvernement français. Cela permet à la
petite population de TAKAPOTO de mener une existence
satisfaisante et dont la qualité diffère très peu de celle de leurs
familles logées en zone urbaine. Grâce aux extras obtenus par la
pêche des huîtres perlières, travail dur sans aucun doute, mais
également sportif, les habitants de Takapoto peuvent s'offrir de
quoi alléger les inconvénients de la vie sur un atoll éloigné des
lumières vives de Papeete, quoique proche par les airs.
La population de NAMU quant à elle, doit faire du coprah pour
survivre. Si la récolte est insuffisante, la nourriture sera
insuffisante toute l'année pour toute la population. Certes, elle ne
juste de travailler si dur pour un profit si bas mais,
placée devant la nécessité, elle n'a pas le choix.
trouve pas
LES COMMUNICATIONS SONT-ELLES EN CAUSE ?
Un élément-clé dans la différence entre les deux économies
semblerait être le système de communications relatif à la
circulation des marchandises et des idées. Les communications
étroites entre les habitants des îles du Pacifique ont toujours été
un trait dominant de l'idéologie traditionnelle. Jadis, ces
communications se maintenaient par des visites inter-îles sur
des navires de haute mer, à la bonne saison.
A la faveur du commerce ou de la guerre, une foule de
communications sociales étaient établies. Aujourd'hui, le besoin
de communications étroites demeure toujours important et ce
d'autant plus que le rythme de la vie s'accélère et que des facteurs
tels que l'éducation entraînent les insulaires du Pacifique
toujours plus loin de chez eux. Sachant qu'un parent est parti
aux États-Unis, en France ou en Nouvelle-Zélande, ils veulent
savoir comment il est reçu et quel genre de vie il y mène. Les
lettres ne véhiculent pas souvent cette information, aussi la
radio peut elle fournir un certain aperçu et réduire l'isolement
créé par la distance et accroître le sentiment de participer à un
univers plus élargi.
Société des
Études
Océaniennes
470
A ce point de vue, la navigation maritime, la radio et les avions
jouent le rôle d'agents dans le système moderne de communica¬
tions reliant les individus ; les petits groupes sociaux et les
communautés entières dans un réseau plus étendu. Le flot
d'informations écoulé par ces moyens participe à l'extension des
choix économiques. Tout en multipliant les choix et par là même
en augmentant les risques, il offre aussi un
système de commu¬
nication social total avec des possibilités de développement plus
étendues. On peut ainsi affirmer qu'un système comportant un
réseau de communications plus étendu, possède une meilleure
qualité de vie, c'est-à-dire plus de choix.
La navigation maritime constitue une forme importante de
communications pour des atolls isolés, tels que NAMU et
TAKAPOTO. Ces deux atolls dépendent d'un système plus
étendu d'économie comportant des échanges tels que l'achat du
coprah, la vente de marchandises et la perliculture. Dans le cas
de NAMU, il est évidemment important pour les gens de
connaître l'information précise concernant l'arrivée d'un bateau
connaître l'information précise concernant l'arrivée d'un
bateau ; c'est pourquoi ils recherchent le poste de radio à
transistors pour recueillir la nouvelle. Ce qui ne veut pas dire que
l'information diffusée par les ondes soit toujours exacte, ainsi en
1968-1969, beaucoup de bateaux furent déroutés des itinéraires
prévus, leurs dates d'arrivées devenant de ce fait, hautement
incertaines. On peut dire cependant que si les mouvements des
bateaux étaient plus réguliers, certains habitants de NAMU
pourraient calculer avec plus de précision leurs besoins en
nourriture, prévoir ce qui est nécessaire pour les satisfaire et
employer le surplus d'argent pour les achats non alimentaires.
Dans l'état actuel des choses, ils sont obligés de consacrer 90 %
de leurs revenus à la nourriture afin de subvenir à leurs besoins
entre deux arrivées de bateaux.
L'emploi de la radio à transistors dans la transmission des
informations est un fait déterminant pour le développement des
îles éloignées du Pacifique. On peut affirmer qu'en tant qu'élé¬
ment original de la technologie, celui-ci est indispensable dans
l'amélioration de la qualité de la vie car il cré une sensibilisation
au monde placé au-delà de l'environnement immédiat. C'est la
raison pour laquelle les 50 ou 100 $ investis dans l'achat d'un
appareil radio contribuent à l'amélioration majeure du mode de
vie si, bien entendu, on dispose encore d'argent pour l'achat des
piles. A TAKAPOTO, également, le transistor représente
un
investissement important au plan de la communication. Les
nouvelles et les informations sont diffusées en français et en
tahitien de sorte que les habitants sont tenus au courant des
actions du Gouvernement et des nouvelles de la capitale ; ils se
sentent ainsi moins éloignés des habitants de Papeete.
Société des
Études
Océaniennes
471
Cependant, je dirais que la communication aérienne reste le
de contact essentiel pour TAKAPOTO. NAMU doit
compter sur les bateaux qui, entre les îles, assurent le transport
des passagers et des marchandises. Ainsi que nous l'avons vu,
cette desserte par mer est irrégulière et peu fréquente. La plupart
des passagers vers TAKAPOTO empruntent le vol bi-hebdomadaire qui dessert la ligne PAPEETE - RANGIROA, MANIHI,
TAKAPOTO et les îles MARQUISES. Ce moyen de déplacement
rapide et pratique entre Tahiti et les Tuamotu donne aux
habitants des îles éloignées l'impression qu'ils sont plus près de
leurs parents et diminue notablement les problèmes d'isolement
qui peuvent survenir sur un atoll tel que TAKAPOTO (POLLOK,
1977). De ce fait, la liaison aérienne joue un rôle important dans
l'élargissement des communications, ce qui représente un aspect
appréciable dans la qualité de vie.
moyen
LES AIDES GOUVERNEMENTALES
Ayant passé
en revue
les
ressources
de base de
ces
deux atolls,
étudié la manière dont elles sont employées et examiné les
de communication, nous devons nous poser la question
le fait des aides respectives accordées
par les gouvernements. Il semble que le gouvernement français
participe beaucoup plus au budget de chaque famille des
Tuamotu par le jeu des subventions accordées pour le coprah, les
recherches dans le domaine de la pisciculture et le système de
dessertes aériennes. Pourquoi le gouvernement américain n'en
fait-il pas autant pour les habitants des îles Marshall et autres
Micronésiens ? Une partie de la réponse semble être la différence
entre les statuts politiques. La France contrôle directement la
Polynésie française à partir de Paris alors que les Etats-Unis
moyens
de savoir si cela n'est pas
contrôlent les îles Marshall
au
titre de la Convention de
protection passée avec les Nations Unies et qui, à l'heure
actuelle, fait l'objet de nouvelles négociations.
L'intérêt commun de ces deux puissances reste leurs bases
militaires stratégiques situées aux Tuamotu et aux Marshall,
plus précisément pour les essais d'armes atomiques. Cela revient
à dire qu'une partie de l'argent versé à ces territoires correspond
à un dû par remords de conscience. Le Ministère de la Défense et
le Ministère des Armées des Nations Unies effectuent leurs
essais d'armements stratégiques aux Marshall depuis trente ans
tandis que la France a transféré son centre d'essais du Sahara
aux Tuamotu en 1963. Des efforts insignifiants ont été faits pour
améliorer le niveau de vie dans les "Trust Territories" de la part
de Washington, même si l'on admet avec les anthropologues du
Gouvernement qu'il fallait se tenir à l'écart du paradis et laisser
les indigènes à leur sort. Cette politique de non intervention a
Société des
Études
Océaniennes
472
succédé à
contrùle politique irrégulier, remontant dans le
les
passé,
japonais, les allemands et l'administration
espagnole jusqu'à la division géographique originale entre le
Capitaine américain Marshall et le Capitaine britannique
Gilbert. Depuis les habitants des Marshall ont connu une série de
contrôles étrangers éloignés dans l'espace, accompagnés de très
peu d'aides accordées en échange de l'utilisation des ports
fréquentés par les baleiniers ou servant d'abri aux navires
pendant la seconde guerre mondiale.
un
avec
En revanche, les français contrôlent politiquement la Polynésie
française depuis longtemps et l'ont trop facilement gérée ou
utilisée à leurs fins propres (THOMSON et ADLOFF, 1969). La
fureur mondiale entourant les essais nucléaires des années 70 a
sans doute amené le monde à jeter les yeux sur le paradis illustré
Gauguin et ainsi provoquer le transfert de subsides venant
de Paris. Ceux-ci sont plus importants que ceux suscités à
WASHINGTON par le rapport aux Nations Unies sur la
négligence des Etats-Unis à remplir leurs obligations, rapport
par
publié
1965. La conséquence de
par le
expérience
qualité de
professeurs et auxiliares médicaux. Nous pouvons donc faire
apparaître un contraste entre les aides fournies par la France
en
ce
rapport fut l'envoi
Peace Corps de nombreux jeunes américains sans
afin d'aller rendre service, essentiellement en
afin de se laver la conscience et les subsides américains fondés
l'idée de transformer les Micronésiens en Américains. En
termes matériels, il est aisé de voir quel est celui des deux qui a
sur
apporté le plus de biens. Est-ce là un indicateur de la qualité de la
vie ?
COMPARAISON DE LA CROISSANCE
ÉCONOMIQUE
DES DEUX ATOLLS
^Sommes-nous fondés à dire que parce que l'un de ces deux
atolls possède des appareils ménagers modernes et que l'autre
n'en détient pas, que le premier a par conséquent une meilleure
qualité de vie ? Bien plus, pouvons-nous raisonnablement
affirmer que ces moyens technologiques constituent un symbole
de croissance économique ? Je répondrai par l'affirmative aux
deux questions quoique avec certaines réserves.
Les deux atolls considérés connaissent chacun
un
nouveau
style de vie, c'est-à-dire un style de vie occidentalisé où le temps
des loisirs est apprécié à sa juste valeur, ou l'on considère pour
les femmes un travail quotidien, consacré aux tâches domesti¬
ques (cuisine, lessive, etc...). D'un point de vue idéal, il est bien
vu de disposer d'un certain temps pour les activités paroissiales
ou féminines, telles que l'artisanat (source de revenus supplé¬
mentaires) ou la confection de nouvelles robes. En ce qui
Société des
Études
Océaniennes
473
concerne
les hommes, ils trouvent
préférable d'avoir
une source
comportant le minimum de risques.
Un travail salarié est très recherché aussi bien par les habitants
de NAMU qui travaillent à Kwajalein que par les habitants de
TAKAPOTO qui sont employés à PAPEETE ou à MORUROA.
Cependant, ils savent tous que ces emplois sont temporaires ; ils
sont conscients d'avoir participé aux avantages de la situation
mais ont toutefois la certitude de ne pas en jouir longtemps. Le
manque de diplômes et de spécialisation est reconnu comme le
problème numéro un auquel s'ajoute pour les hommes de NAMU,
un manque d'aisance dans la langue anglaise. Le fait de
posséder des biens matériels reste le signe évident de cette
fréquentation des temps nouveaux. Ils confèrent un statut dans
la communauté et constituent également une espèce de symbole
de mode de pensée citadin.
de
revenus
régulière tout
en
Ceux qui ont vécu la vie urbaine ont une vue plus ouverte sur le
monde que ceux qui demeurent sur les atolls. Le tiers de la
population, environ, ne s'est jamais déplacé jusqu'à Kwajalein
Majuro et la plupart ont des enfants alors que la population de
a déjà voyagé une ou plusieurs fois à Papeete.
Ainsi, les deux populations peuvent adapter leur style de vie
familiale à celui d'un environnement urbain connu. La plupart
des adultes sur ces deux atolls ont choisi de revenir là où se
trouvent les terres familiales qui leur reviendront de droit, il
s'agit là de la seule base économique sûre pour eux. Ils sont donc
là de leur plein gré (il faut tenir compte des familles de NAMU
qui ont été obligées de quitter Kwajalein en 1968 afin d'alléger la
concentration de la population sur l'îlot de EBEY, à KWAJA¬
LEIN). Ce facteur de sécurité que constitue la propriété d'une
terre est peu à peu reconnue comme un phénomène dans les pays
en voie de développement car il représente une solution de
rechange en cas d'incapacité à saisir des moyens plus convoités.
ou
TAKAPOTO
L'achat des appareils ménagers
représente t-il un investisse¬
capital ? Cela est absolument certain pour la radio
puisqu'elle fournit des informations économiques utiles. Les
réfrigérateurs, les fours à gaz, les groupes électrogènes ne sont
pas des cas aussi évidents encore qu'ils représentent un petit
investissement dans une économie plus grande, de même que des
signes tangibles d'évolution dans la communauté. La propriété
de terres sur l'atoll était le capital le plus important puisqu'elle a
toujours fourni en échange du travail ardu de la cocoteraie, un
bon profit.
ment
en
de tout ceci, le taux d'investissement
deux atolls pour permettre des
développements plus importants grâce au capital. Mais, nous
avons besoin d'un modèle plus exhaustif que la simple acquisiMais, compte tenu
demeure insuffisant sur ces
474
tion assurée de terres pour tenter d'expliquer les différences dans
le développement des deux atolls. Examinons plusieurs variables
déterminant séparément un type unique de modèle pour voir si
elles donnent une explication des différences. En fin de compte,
nous
pouvons
examiner les données
sous
la forme de cinq
facteurs voisins qui s'entremêlent pour fournir un modèle de
compréhension plus facile (PAPANEK, 1977).
Les ressources humaines semblent vraiment faire la différence
entre les deux atolls. Il y a peu de différence entre les niveaux
d'instruction et les qualifications mais certaines personnes de
TAKAPOTO sont sensibilisées et prêtres à saisir une chance, de
sorte que les camions et les magasins de cet atoll
vraies possibilités de profit pour les investisseurs.
offrent de
Cet esprit
d'entreprise était déjà remarquable chez les cinq hommes qui ont
volontairement quitté la coopérative perlière et chez les deux
frères qui ont tenté de lancer une salle de projection de cinéma
(cette expérience a échoué). La raison qui a motivé ces tentatives
semble bien être le désir d'assurer un approvisionnement
alimentaire mais ils n'avaient pas trop à perdre car les risques
étaient pris en conséquence. (CANCIAN, 1967).
Les causes socio-politiques font inévitablement partie du
tableau mais, en aucun cas, elles ne peuvent à elles seules,
expliquer toute la différence. L'opinion générale des français et
des demis qui considèrent les Paumotu comme une classe socioéconomique inférieure, de même que les expériences vécues par
ceux-ci, à savoir le fait d'avoir été parmi les premiers, victimes de
le récession économique qui a suivi le boom suscité par le
le récession économique qui a suivi le boom suscité par le C.E.P.
Tout cela fait que les Paumotu disposent de peu de possibilités
sociales et politiques pour améliorer leur situation. Tout ce que
peut faire le Paumotu, c'est d'exploiter sa terre et de tirer
profit des subventions françaises qui lui viennent sous forme de
l'aide au coprah et de transport aérien afin d'organiser sa vie en
conséquence. Les habitants de NAMU sont loin de disposer des
mêmes atouts. Ils ont tout juste de quoi se nourrir et nul n'oserait
risquer le peu que possède la famille dans la perspective d'un
petit gain éventuel car beaucoup trop d'entre eux en patiraient.
Ce qui s'apparenterait le plus à un investissement serait la
coopérative des jeunes gens qui fonctionne'selon un système de
crédit, utilisant l'argent gagné aux matches de baseball. Cet
argent sert à acheter du sucre et des cigarettes qui sont ensuite
revendus avec un petit bénéfice. D'autres tentatives visant à
gérer un magasin ont toutes échouées car il fallait trop de crédits.
La société de NAMU est basée sur la descendance par la ligne
maternelle, bien qu'elle soit assez féodale dans son obéissance à
l'un des principaux chefs et repose sur un système économique de
Société des
Études
Océaniennes
475
coopérative. Cent ans de transactions financières pour
n'ont rien changé.
le coprah
Ainsi, les seules variantes que nous avons isolées sont les
droits de propriété sur sa terre, conjointement avec un groupe
familial plus large, des activités nées de l'initiative, lorsque
l'argent du coprah et de la perle le permet, et sans trop
de risques.
Ces variables peuvent apparaître plus avantageuses à
TAKAPOTO. Nous devons également évoquer le problème des
communications que l'on peut considérer comme une variable
négative décisive pour NAMU puisqu'il a été indiqué comme
raison majeure pour laquelle les gens de NAMU ne peuvent
économiser ni/ou investir.
Mais
ces
facteurs pris tels quels sont trop
la
ni
limitatifs. Je
développement dont le modèle intègre plusieurs
tel que le modèle des facteurs voisins proposé par
préférerais
un
facteurs
PAPANECK
en
1977.
Ces cinq facteurs liés, mais relativement aisés à définir, et en
partie mesurables, jouent un rôle important dans le taux
d'investissement et dans l'efficacité de son emploi et par
conséquent, dans la détermination du taux de croissance
économique :
a) l'existence des ressources naturelles
b) le volume du capital en place
c) l'apport des ressources humaines
d) l'affluence des aides
e) la stratégie poursuivie par le gouvernement et l'efficacité
dans la poursuite de cette stratégie.
(PAPANEK, 1977)
Ainsi, le degré de développement atteint par l'économie basée
le coprah est autant dû aux prix mondiaux à la production
stabilisée par le Gouvernement et aux possibilités offertes par
l'emploi qu'aux apports issus du potentiel humain. Par exemple,
sur un atoll des Tuamotu, on peut dire que la croissance s'est
réalisée en dépit et à cause des apports extérieurs à l'atoll. Etant
donné que tout schéma capitaliste doit être considéré avant tout
comme un schéma d'autosatisfaction, il est évident que l'écono¬
mie de la Polynésie française et même de l'économie française
sur
métropolitaine comme entité, ont bénéficié d'apports plus
importants en termes de défense et de sécurité du programme
d'essais atomiques du C.E.P.
Alors que beaucoup de chemin a été parcouru à partir de cet
argument durant les années 1970, nous avons devant nous une
économie identique qui n'a pas tiré profit de sa nation de tutelle,
qui l'exploitait comme site d'essais de missiles et cela pendant
une durée bien plus importante.
Société des
Études
Océaniennes
476
Nous devons donc considérer le développement de TAKAPOTO comme faisant partie du modèle économique de la
Polynésie française qui résulte autant de l'imbrication de
plusieurs groupes ethniques et de diverses couches sociales que
du contrôle continu de l'économie à partir de Paris.
Ce système est donc caractérisé par le fait qu'il permet un
choix plus grand et plus souple que le système de NAMU aux
Marshall qui donne à ses habitants si peu de choix qu'ils sont
contraints d'avoir recours au rationnement alimentaire pour
tirer bénéfice du coprah et améliorer leur qualité de vie. Une
meilleure administration de la population ou un progrès des
liaisons passant par une amélioration des dessertes maritimes,
des possibilités plus grandes de scolarisation, une augmentation
des subsides alloués par la Commission de l'Energie atomique à
Washington, tout cela permettrait d'élever le niveau de vie à
Namu.
De plus, il est important que les gouvernements adoptent une
attitude positive vis à vis des populations de leurs atolls
respectifs. L'on dit trop souvent aux gens, directement et
indirectement, qu'ils n'ont rien à donner au monde économique
et qu'ils sont, par conséquent, un poids lourd pour la société et
qu'ils risquent un jour de se trouver sans espoir. Même si les
habitants de TAKAPOTO reconnaissent les apports du gouver¬
nement français, ils discutaient en 1975 sur la question de savoir
quels seraient leurs intérêts ou les inconvénients à voter pour
l'indépendance de la Polynésie française par rapport à la France.
Les habitants de Takapoto apprécient le niveau de vie qu'ils ont
actuellement et ne peuvent savoir s'il pourrait s'améliorer plus
encore grâce à l'indépendance. Par exemple, s'ils votent contre le
pouvoir français, ils perdraient la liaison aérienne entre Papeete
et le reste des Tuamotu et par conséquent les occasions de
maintenir les liens familiaux étroits, les échanges alimentaires,
les possibilités d'une bonne scolarisation pour leurs enfants et
les offres d'emplois possibles. En conséquence, leur niveau de vie
dépend de ces apports matériels et ils sont confrontés avec ce
choix : les conserver ou choisir la liberté politique. Ils souhaitent
avoir les deux...les habitants de NAMU n'ont pas même ce choix.
Nancy J. POLLOCK
Texte inédit
Traduction G. Estall
que nous
remercions sincèrement
Société des
Faculté
v
d'Anthropologie - Université de Victoria
Wellington
Études
Océaniennes
477
transcription incorrecte des estimations
de population de Polynésie Centrale.
La
d'un professionnel que
utilise. Bien souvent le
gros public surestime à la fois l'exactitude et le caractère
exhaustif des résultats des recensements, pour ensuite réagir
avec excès, dans un esprit de dénigrement, lorsque ceux-ci
s'avèrent faillibles à la suite d'une épreuve. Les statistiques
démographiques sont à la fois imparfaites et ce qu'il y a de
meilleur dans les disciplines sociales. Une juste appréciation de
leur emploi et de leurs limites d'utilisation exige d'avoir toujours
présent à l'esprit leur solide valeur ainsi que ce qui leur manque.
Rien ne situe plus clairement la stature
son attitude vis à vis des données qu'il
l'ensemble, la qualité des statistiques démographiques
avec le temps ; les meilleures, de tout temps ont
été l'apanage des pays d'Europe Occidentale, avec leurs
prolongements d'Outre Mer.
Dans
s'est améliorée
Nous commencerons avec un article qui examine une région
éloignée du monde occidental, la Polynésie centrale, et les
estimations de population faites surtout dans le passé. Ce ne
serait pas une contribution sensationnelle de démontrer le fait
évident que les premières estimations du nombre d'habitants de
ces îles étaient extrêmement grossières. Le but de cet article est
plutôt de montrer que les savants occidentaux, transcrivant
d'une monographie ou d'un article de journal à un autre,
s'avérèrent incapables de copier fidèlement les chiffres. Au vu de
cet accomplissement presque comique, nous pouvons com¬
prendre la nécessité impérative pour chaque historien de
consulter les sources originales.
article, est statisticien d'État
il est l'auteur de : "Demographic Statistics of
Hawaii 1778-1965" (Honolulu, Presses de l'Université de Hawaii
1968), ouvrage définitif sur ce sujet ; il est aussi l'auteur de sept
monographies et de plus d'une centaine d'articles dans les
journaux professionnels et techniques, sans compter de nom¬
breux papiers administratifs, en général non signés.
Robert C. Schmitt, auteur de cet
pour
Hawaii
;
Société des
Études
Océaniennes
478
Un problème crucial en démographie Polynésienne réside dans
la grande variété et l'exactitude douteuse des estimations de
population faites
les premiers visiteurs blancs et par les
encore plus troublant de constater à
quel point ces estimations ont été incorrectement traduites, citées
et interprétées, ou encore incorrectement transcrites par des
écrivains plus récents.
par
résidants. Il est toutefois
Un auteur, par exemple, déclare que : "Lorsque Cook découvrit
Tahiti en 1769... Il estima la population de Tahiti à 240 000
âmes" (Huguenin 1902,60,97). C'est pourtant Wallis et non Cook
qui découvrit Tahiti. Cook fit son estimation en 1774 et non en
1769, et son chiffre était 204 000 et non 240 000. Ceci n'est pas un
exemple isolé. De nombreux historiens ont cité incorrectement
l'estimation de Cook. Des erreurs analogues ont été faites en
citant des estimations faites pour d'autres îles et archipels de la
Polynésie centrale.
L'estimation originale de Cook ne laisse place à aucun doute.
Le 14 Mai 1774, contemplant une flotte considérable de pirogues
de guerre, il en conclut qu'une flotte qui grouperait tous les
districts : "nécessiterait soixante huit mille hommes valides et
ceux-ci
pouvant représenter un tiers du chiffre pour les
l'île entière ne renferme pas moins de deux cent
quatre mille habitants" (Beaglehole 1961:409:cf. Cook 1777:349).
Par malheur, le chiffre de Cook fut aussitôt incorrectement
transcrit dans la première édition Française, qui traduisit la
phrase essentielle par : "toute l'isle contient au moins deux cent
quarante mille habitants" (Cook 1778:389).
que
ne
deux sexes,
Parmi les auteurs
plus récents, pratiquement aucun n'a vérifié
'l'arithmétique de Cook ou le document original Anglais. Le
chiffre erroné de 240 000 a été cité sans méfiance par Taitbout
(1779:2-3), Vincendon-Dumoulin et Desgraz (1844:279-80),
Ribourt (1863:313), Cuzent (1860:35), Quatrefages (1864:69),
Huguenin (1902:97-98), Saint-Yves (1902:303), Caillot (1909:71),
Vernier (1948:46), Teissier (1953:16-23), et Lescure (1957:18-19).
Seulement trois d'entre eux, Taitbout, Vincendon-Dumoulin et
Desgraz, et Cuzent indiquèrent leur source, citant le volume II,
p. 367 de l'édition de 1778, au lieu de l'emplacement correct, c.a.d.
Volume III, p. 389. Deux, au moins, datèrent incorrectement
l'estimation.
D'autres allèrent
jusqu'à citer incorrectement la transcription
Nordmann, le chiffre de Cook est de 140 000
(1939:88), pour Sasportas (1931:63;cf.cf. Commissariat des E.F.O.
1931:63) ; pour Seurat (1906:10) 100 000 et 30 000 pour Lesson
(1838:258). Trois de ces auteurs (tous sauf Seurat) datèrent
erronée. Pour
l'estimation de Cook de 1769.
Société des
Études
Océaniennes
479
De nombreux auteurs ont fait mention d'une deuxième
estimation qu'aurait faite Cook, à son troisième voyage à Tahiti.
De Bovis (1855:10) déclare que Cook avait cité un chiffre de :
"soixante dix à quatre vingt mille âmes" à l'époque de son
dernier voyage. Cette approximation fut plus tard attribuée à
Cook par H. Le Chartier (1887:47) qui omit de la dater, et par
Caillot (1909:71) qui la data de 1777. Huguenin (1902:98) et
Teissier (1953:16,23) ne donnent qu'un des chiffres, 70 000, et le
datent de 1776. Pourtant, une lecture attentive de l'édition
originale Anglaise (Cook et King 1785) ne révèle rien de
semblable. Ces auteurs ont peut-être fait confusion avec une
estimation analogue, plus ancienne, faite par un anonyme
"gentleman et savant qui fît le voyage" avec Cook sur l'HMS
Endeavour en 1769 (Me Arthur 1970).
Bien que l'estimation de Cook faite pour Tahiti en 1774 ne soit
qu'une estimation faite parmi tant d'autres dans les environs des
années 1760 et 1770, elle est virtuellement la seule à être citée,
correctement ou non. Sept autres, pour le moins, furent faites par
les premiers visiteurs (Beaglehole 1955:clxxvi-vii), et bien
d'autres furent suggérés par des autorités plus récentes (par
exemple, Lesson : 260-61; Adams 1947:6; et Beaglehole 1955:
clxxvi-vii).
La confusion existante sur l'estimation de Cook en 1774 pour
Tahiti est presque égalée par celle qui existe au sujet de son
estimation imaginaire pour les Marquises, dans la même année.
Cook ne s'aventura pas à citer un chiffre pour les Marquises (voir
Beaglehole 1961:362-76), mais une lecture superficielle de la
traduction Française de 1778 pourrait donner l'impression qu'il
le fit. Les estimations parfois attribuées à Cook furent en fait,
données et publiées par les Forster, père et fils, qui accompa¬
gnèrent Cook au cours du voyage qu'il fit aux Marquises du Sud,
du 6 au 10 Avril 1774. Georges Forster (1777:34) écrit : "il est
douteux que la population totale de ce groupe atteigne 50 000
personnes" ; John Reinold (ou Johnny Remold) Foster (1778:223225) indique un chiffre de 100 000 pour les Marquises, à
l'exclusion bien entendu, des îles du Nord Ouest qui n'avaient
pas encore été découvertes, mais qui comprenait les "Iles
Basses". Les indications de George Forster furent interpolées
dans le récit de Cook par le traducteur Français qui utilisa des
guillemets pour mettre ce texte ajouté à part. Certains lecteurs
ont malheureusement ignoré les guillemets.
Un nombre étonnamment important d'auteurs plus récents ont
attribué à Cook les estimations des Forster, faisant de plus
preuve
d'une grande confusion quant au chiffre lui-même, sa
date, et le lieu géographique concerné. Clavel (1885:74), Rollin
(1929:63), Roberts (1927:92), Teissier (1953:19,24), Lescure
Société des Études Océaniennes
480
(1957:93), Suggs (1962:53) et Voisin (1962:71) sont parmi
qui
Suggs
donne une date erronée de 1767, Teissier de 1769, Voisin de 1772,
Clavel et Roberts de 1773. Suggs pense que l'estimation de Cook
est de 50 000 à 100 000 pour les Marquises du Sud Est ? Roberts et
Lescure déclarent que Cook avait donné un chiffre de 100 000
pour l'archipel tout entier, îles du Nord Ouest et du Sud Est
comprises. Voisin, par une erreur de transcription, transforme le
chiffre en 220 000. C'est ainsi qu'au moins sept auteurs ont donné
une fausse paternité aux estimations des Marquises, cinq leur
ont donné une date inexacte, trois l'ont localisée incorrectement
et quatre ont cité des chiffres faux.
ceux
ont incorrectement attribués les estimations à Cook.
Une confusion analogue caractérise l'estimation de Krusenen 1804 pour Nuku-Hiva (1813:177-78). Un résidant
stern
Anglais, Roberts, indiqua à Krusenstern un chiffre de 5 900 pour
les guerriers de Nuku Hiva, en laissant sous entendre à ce
dernier qu'un tel chiffre impliquait une population totale de
18 000 personnes. Estimant que ce dernier chiffre était trop fort,
Krusenstern le réduisit arbitrairement d'un tiers et
que
en
conclut
la population était à l'époque d'environ 12 000.
Ces franches estimations ont été constamment estropiées par
les auteurs plus récents. Clavel (1885:75-76) citant une estimation
de Krusenstern pour Nuku Hiva de 16 000, déclare que cela
implique
population de 50 000 pour tout l'archipel. Jouan
Krusenstern avait donné des chiffres de 9 000
guerriers et de 50 000 habitants, non pour Nuhu Hiva seule, mais
pour toutes les Marquises (Quatrefages:1864:70) De même,
Roberts (1927:92), Rollin (1929:63) et Teissier (1953:20,24) sont
également sous l'impression que Krusenstern avait donné une
estimation de 50 000 pour tout l'archipel. Voisin (1962:171) croit
lire un chiffre de 70 000 pour le total.
une
pense que
En 1813, neuf ans après la visite de Krusenstern, le Capitaine
David Porter débarque à Nuku Hiva. Bien que n'ayant fait
aucune estimation de la population de cette île, il note (1815:35)
que
les huit "tribus" vivant
sur
l'île pouvaient mobiliser jusqu'à
19 200 guerriers. Vincendon-Dumoulin et Desgraz (1843:184)
écrivent que le chiffre de guerriers cité par Porter impliquait une
population de 80 000 à 100 000 habitants et était probablement
"exagéré". Eyryaud des Vergnes (1877:37) prétend que les
données de Porter indiquent au moins 25 000 guerriers sur l'île et
peut-être de 75 000 à 80 000 habitants.
Des auteurs plus récents ont été moins prudents en citant
Porter. Quatrefages (1864:70) qui, observant qu'un chiffre de
19 000 guerriers implique une population de 60 000 à 80 000
habitants, semble penser que le nombre de guerriers s'applique à
toutes les Marquises, et pas seulement à Nuku-Hiva. Clavel
Société des
Études
Océaniennes
481
(1885:75) et Caillot (1909:71) attribuent par erreur à Porter le
chiffre de 80 000 au lieu de l'attribuer à ses critiques. Voisin
(1962:171) cite comme émanant de Porter un chiffre de 200 000
pour tout l'archipel. Ces auteurs ne citent malheureusement pas
la source de ces chiffres mystérieux.
On pourrait citer d'autres nombreux exemples d'estimations de
population incorrectement transcrites. Par exemple, Garnier
(1871:324) transforme en 1 200 et Caillot (1909:71) en 2 000 le
chiffre de 1 500 habitants donné en 1791 par Vancouver
(1801:216-17) pour l'île de Rapa. L'estimation de Wilson (1799:
215) faite en 1797 pour Tahiti est datée de 1807 par Huguenin
(1902:98) et Teissier (1953:16). Un recensement effectué en 1872
aux Marquises par Eryaud des Vergnes (1877:37)donnait une
population de 6 045 habitants, chiffre transformé en 6 246 par
Rollin (1929:64) et par Teissier (1953:20), ce dernier le datant de
1867 ; Roberts (1927:92) le transforme en 6 000 et le date de 1877.
Les estimations originales faites de la population de Polynésie
centrale par les premiers visiteurs sont, d'après de nombreux
auteurs, contradictoires, irréalistes et trompeuses (par exemple,
Lesson 1838:261 ; Ellis 1844:113 ; Clavel 1885:75-76 ; Beaglehole
1955 : clxxiv-vii ; Beaglehole 1961:409). Il est donc doublement
regrettable qu'elles le soient encore plus à la suite de transcrip¬
tions et d'attributions incorrectes et d'interprétations erronées.
Robert SCHMITT
Traduit par B. Jaunez
Nos sincères remerciements à
l'auteur
Société des
Études
aimable autorisation
Edited by William Petrersen
pour son
Article extrait de Readings in Population.
The Macmillan Company
■
New York.
Océaniennes
482
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Études
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485
Comptes rendus.
Rose, Roger, Symbols of Sovereignty. Feather Girdles of Tahiti
and Hawaii. Pacific Anthropological Records, n° 28. Bishop
Museum Honolulu. 70 p., ill., fac-sim., bibliogr. - 6 dollars US.
souveraineté à
connaissances
classiques sur l'important chapitre des signes d'autorité et en particulier
des droits et pouvoirs attribués à la possession de la ceinture sacrée. 17
pages sont consacrées à Tahiti : histoire des luttes pour la possession du
Maro Ura et Maro Tea, description de divers chefs et cérémonies
d'intronisation, d'après Tuira Henry, Wallis, Cook, Ellis... Les
illustrations ne sont pas inédites.
Cette étude des ceintures de plumes, symboles de
Tahiti et aux îles Hawaii, constitue un résumé des
Dans le chapitre Hawaii : origine et description des 3 ceintures de
plumes conservées au Bishop Museum, et une étude sur la dynastie des
rois de Hawaii et sur le Kapu (Tabu). Une importante bibliographie
termine ce travail, qui n'est pas un œuvre foncièrement originale, mais
qui a le mérite de rassembler des connaissances éparses.
P. Jourdain
Société des
Études
Océaniennes
486
CHARNAY, René, Le Solitaire du lagon.
1979, 270 p., 19 cm.
René Charnay, qui fut
au
Éditions France-Empire, Paris,
début des années 50 du siècle, Administra¬
teur des îles Sous-le-Vent et achève
en
France
une
tive à la direction de Radio-Luxembourg a gardé
carrière administra¬
coin du cœur pour la
Polynésie. Il vient de le prouver en signant un livre de nouvelles dont la
première, qui donne son nom à l'ouvrage : "Le Solitaire du lagon", est
un
purement tahitienne.
Un ménage du Médoc, quatre enfants déjà, s'engage dans une sorte de
second voyage de noces. Il a choisi Tahiti. Il ne le regrette pas. C'est
même le coup de foudre : "Et l'envie nous vint, comme une folie d'y
posséder un petit domaine où nous ne pourrions sans doute revenir de
longtemps, mais qui nous attendrait comme une réserve de bonheur"...
L'affaire sera conclue. Mais pas assez rapidement pour que le ménage
puisse reprendre ensemble le bateau des Messageries Maritimes où ils
avaient retenu leurs places. Lui, doit rester quelques jours de plus pour
accomplir les dernières formalités de l'achat et signer les actes chez le
notaire... Il le pensait, mais passe par là une jeune vahine entrevue au
temple qui viendra habiter chez lui et... lui donnera deux enfants. Et
puis la guerre éclate. Les relations avec la France cessent. Pendant des
années pas de courriers... Ainsi de mois en mois, et d'années en années,
il demeure dans son île, vivant dans une sorte d'engourdissement : "Ne
croyez pas qu'un jour précis j'ai décidé de rester. Simplement je ne suis
jamais reparti. Cela s'est fait insidieusement, avec la complicité d'un
climat trop doux, sans même que j'en prenne tout à fait conscience". Et,
avec le temps, il ajoutera à une amie le pressant de regagner sa terre et
les siens : "Réellement, me voyez-vous débarquant dans mon village
après trente années d'absence, jouant à soixante dix ans le rôle d'un
enfant prodigue, avec des cheveux blancs et un éléphantiasis de la
jambe droite ?"...
Ce récit est sans doute un épisode à peine romancé de vie océanienne,
René Charnay ayant vraisemblablement construit son personnage à
l'aide de plusieurs modèles locaux. La grande sensibilité de l'auteur et la
richesse de
ses notations psychologiques jointes à
son écriture
dépouillée et simple, s'allient pour faire de cette nouvelle une page
d'anthologie polynésienne.
Patrick O'REILLY
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 207