B98735210103_196.pdf
- Texte
-
BULLETIN
DE M
SOCIETE
DES EUDES
OCEKNIENNES
Jk
N°19ô
TOME XVI N°9/ SEPTEMBRE 1976
CONSEIL
D'ADMINISTRATION
Président
M. Paul MOORTGAT
M. Yves MALARDE
Vice-Président
Mlle Janine LAGUESSE
Secrétaire
M.
Trésorier
Raymond PIETRI
ASSESSEURS
Me
Rudolph BAMBRIDGE
M. Henri BOUVIER
Dr. Gérard LAURENS
Me Eric LEQUERRE
Me Jean SOLARI
M. Roland SUE
M. Temarii TEAI
M. Maco TEVANE
M. Raoul TEISSIER
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
R. P. O'REILLY
M. Georges
Pour être Membre de la
BAILLY
Société
se
faire présenter par un
membre titulaire.
Bibliothèque
Le Conseil d'Administration informe
ses
membres qu'ils
peuvent emporter à domicile certains livres de la Bibliothèque
en
sigiant une reconnaissance de dette au cas où ils ne ren¬
draient pas le livre emprunté à la date fixée. Les autres peu¬
vent être consultés dans la Salle de lecture du Musée.
La
Bibliothèque et la salle de lecture sont ouvertes aux
de 14 à 17 heures, sauf
membres de la Société tous les jours,
le Dimanche.
Musée
Le Musée est ouvert tous les jours,
14 à 17 heures.
sauf le dimanche de
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ
ÉTUDES OCÉANIENNES
DES
(Polynésie Orientale)
Tome XVI
No. 196
—
-
No. 9
Septembre 1976
SOMMAIRE
Articles
Patrick O'REILLY
—
La princesse Takau Pomare
Vedel
593
Hommage hawaiien à la Princesse Takau
Martin L. GRANT
—
—
l'exploration botani¬
îles de la Société, 1767-1792
Les premiers pas de
que aux
Patrick O'REILLY
599
P.
Charrier. Un magistrat photographe
à
609
Papeete dans les années 20
l'île de Tematangy, 1881
De KERTANGUY
—
Rapport
Jean-B. NEYRET
—
Une pirogue ancienne de Fakarava
sur
602
617
621
Compte rendu
AnneLAVONDES
-Material Culture of the Tuamotu Archipe¬
lago,
par
K. P. Emory
591
Société des
Études
Océaniennes
_
623
.
La
princesse Takau Pomare Vedel
Adieux à une amie
disparue
Dans la peine où me plonge l'annonce de son décès, et dans
l'instant même de cette nouvelle, comment prendre le temps du recul,
écrire un article mûrement élaboré, rechercher des dates, feuilleter un
dossier de correspondance qui, du billet de quatre lignes à la lettre de
dix pages, doit comporter des centaines de pièces... Laissons parler
le coeur, et les souvenirs se présenter d'eux-mêmes.
A n'en pas douter : une princesse, Quand l'ai-je rencontrée pour
la première fois ? Après l'époque Vedel, bien sûr, car je n'ai jamais
connu sa maison de Montereau ; dans les années de l'après-guerre.
Mon premier souvenir d'elle a pour décor un hôtel parisien du quartier
de l'Etoile. Si la date en demeure flottante dans mon esprit, l'occa¬
sion de cette entrevue et les circonstances de
son
accueil restent pour
C'est Jacques Boullaire qui nous avait fait faire con¬
naissance. Boullaire avait déjà signé son Mariage de Loti, ses Immé¬
moriaux et devait être en train d'illustrer les Cahiers d'André Ropiteau. Il avait été pressenti pour une édition de bibliophiles concernant
les Mémoires de la Reine Marau. J'étais mandé là, es-qualité "d'océaniste" et d'éditeur, comme susceptible de m'intéresser à ce projet et
de mettre sur pieds une publication, tirée à petit nombre, pour quel¬
moi précises.
ques
amateurs.
La princesse m'avait prié de la visiter,
recevait pas chez
clerc ensoutané, se pré¬
sentait en demanderesse... Elle ne parût néanmoins en aucune manière
se sentir en position d'infériorité. Certaines personnes ne semblent
même pas pouvoir envisager ces situations. Le premier contact fût à
la fois familier et distant, facile et réservé, simple et noble : beau¬
coup d'aisance, de savoir-vivre et une dignité souveraine ! Sur ce
terrain d'éditions où elle ne possédait pas de vues bien précises, je
fus même assez surpris de constater une réserve intelligente et une
modestie qui témoignait en sa faveur. Une tasse de thé était rapide-
elle,
peu
femme d'église,avait affaire à
ne me
un
593
Société des
Études
Océaniennes
gestes rituels et la communion alimen¬
anglais, une atmosphère un peu mondaine.
Au cours de ce service je remarquais le ton de ses ordres. Sans
remuer beaucoup d'air, d'une voix presque basse, elle activait effica¬
cement le personnel et faisait littéralement virevolter le chasseur et
les grooms... A tous égards j'étais en présence d'une "dame".
Dès cette entrevue, pour employer l'expression de Fénelon, nos
"sublimes s'amalgamèrent". Je ne sais trop quel déclic qui ne me
trompe guère avait joué ; une certaine longueur d'onde s'était établie
qui m'assurait de la possibilité d'une solide entente. Car j'avais dis¬
cerné en elle bien des éléments qui constituaient pour moi la "sil¬
houette" sociale d'une de ces marama tahitiennes dont l'histoire
ment
venue
détendre,
avec ses
taire selon le plus pur rite
conserve
les
noms.
Je
me
trouvais devant
un
de
ces personnages
d'un
gabarit inusité. Je n'eus plus, dès lors, à me forcer pour la traiter de
princesse. Cela allait de soi : elle l'était vraiment. Et avec son sens
du nom donné qui perdure dans la mentalité polynésienne, je devins
en un instant pour elle : "Teao", le nom dont elle me saluait avant
de me couronner ou de m'embrasser, lorsqu'elle me voyait entrer chez
elle. Je n'ai jamais connu la signification lexicographique exacte de
ce vocable ; mais vingt années de contexte m'ont donné à entendre
que j'étais pour elle un "connaisseur des histoires anciennes", un
"expert des choses sacrées", "la lumière du ciel", une sorte de
"visiteur de l'au-delà". Et sans doute, dans sa langue, lé tahitien
ancien dont elle
se
prétendait la détentrice, "Teao" voulait-il dire
tout cela...
Vedel lui avait installé à Nice, dans un
d'étage du château des Baumettes, une grande pièce remplie de
souvenirs familiaux. A travers les baies couvertes de stores bleus en
capote, l'éclat des grandes lumières de la Baie des Anges donnait
parfois, en se forçant un peu l'oeil, une impression des fortes densi¬
tés colorées de la Polynésie.
Au mur sont suspendus des portraits ancestraux. Voici les ar¬
rières grands parents Salmon, Ariitaimai, la Reine Marau, sa mère. Un
piano à queue paraît un jouet dans ce séjour immense. La princesse,
excellente musicienne s'y assied parfois, pour son plaisir ou celui de
ses visiteurs. Une grande table Napoléon III à plateau de marbre octo¬
gonal est couverte de belles nacres. Les étagères sont garnies de
tiki, de couronnes de perles et de sculptures. Une copie d'époque de
Poedooa, fille d'Oree, chef de Raiatea, par John Weber, trouvée par
hasard à Nice lors d'une vente mobilière, met dans cette pièce une
note du XVIIIè siècle, Et la princesse polynésienne d'hier avec sa
Son père, le commandant
coin
594
Société des
Études
Océaniennes
La Princesse Takau, devant le
portrait de
sa
mère, la reine Marau.
robe de tapa, sa fleur sur l'oreille et son chasse-mouche
semble pas dépaysée, dans ce salon où tout lui parle des
des hauts lieux français
Quel dommage
que
tressé
ne
îles...
un
du passé traditionnel de Tahiti...
les télévisions niçoises ou tahitiennes, pour¬
plusieurs fois alertées, n'aient jamais, à ma connaissance, dé¬
placé une équipe pour un reportage historique. Tant de kilomètres de
pellicule gâchés pour d'insignifiants chanteurs de charme ou des
starlettes en mal de publicité et rien, définitivement rien, sur ce logis
et le personnage historique qui en était l'animatrice. Tout juste ai-je
demandé jadis un photographe ami de passer une matinée avec moi au
château des Baumettes. Ces images permettront, quand tout ce décor
sera tombé aux oubliettes, de le restituer avec la précision d'un in¬
ventaire notarié. Trop tard !
Nous avons beaucoup et souvent travaillé dans cette pièce ni¬
çoise, d'abord au temps où je poussais "Tatone", son frère, le prési¬
dent Ernest Salmon, à rédiger les souvenirs de ses grands-parents,
puis lorsque je parvins à la décider de mettre sur pieds et de confier
aux Océanistes les Mémoires de sa mère, la Reine Marau.
tant
595
'C
Ce n'est pas le lieu de raconter ici les
péripéties de cette aven¬
qui, au long des années, m'a permis de mieux connaître cette
femme, d'en faire le tour,. De la meilleure foi du monde, elle prétendait
ture
donner satisfaction à tous
tait jamais
vait
mes
à modifier d'un iota
désirs,, Et
ce
en
même temps
ne consen¬
qu'elle avait décidé, Elle
me rece¬
fils, avait pour moi toutes les attentions possibles,
mais s'agissait-il d'avoir accès au texte anglais des Mémoires qu'elle
prétendait traduire... basta ! Je sortis vaincu de cette lutte. C'est
comme un
finalement elle qui m'imposa un texte dont j'avais tout lieu de croire
qu'il était le sien et non celui de sa mère. Comment voulez-vous avoir
le dessus avec une femme,dont les conceptions de l'histoire tenaient
à peu près dans les propos de sa grand-mère (je cite de mémoire) :
"La tradition est indifférente
aux dates et aux faits... Elle rapproche
qui est éloigné et ne conserve que ce qui intéresse"...
Chère Princesse, vous aviez la "tradition", et une fabuleuse
mémoire de ce qui "vous intéressait" ! Au moins m'avez-vous permis
de saisir sur le vif, et de "comprendre" ce que l'on peut attendre des
récits des gens de votre race. Encore que vous en portassiez le nom,
et que tout votre prestige social en dépendit, comme les Pomare vous
étaient odieux et de quelle plume impitoyable les sabriez-vous des
généalogies que nous préparions de conserve ! Je vous devrais celà,
en plus de tout le reste, et aussi d'avoir constaté avec
quelle âpreté,
vous, si généreuse, vous appréhendiez les questions foncières...
ce
en
Le travail de la matinée achevé on déjeunait chez la Princesse
tête à tête, à la vieille mode, d'une dorade à la provençale, dans
argenterie royale et des verres de cristal taillé. Parfois elle
faisait signe à l'une de ses amies. Elle se liait peu. Madame Labadie,
sa voisine de palier était l'ange gardien de la vie quotidienne. La
une
veuve
d'un député-maire d'Auvergne qui avait eu son temps sous la
IVème République, avait également mérité sa confiance. Madame Pebellier était versée dans la symbolique ; et la science des correspon¬
dances entre les choses visibles nombres ou couleurs, bestiaires ou
floralies, gemmes ou métaux - et les réalités invisibles n'avaient pas
de secret pour elle. L'entendre interpréter au pied levé, et comme en
-
jouant, le portail d'une cathédrale, le calendrier d'un temple
ou les motifs d'un tapis persan vous faisait entrer dans une
sorte de décryptage métaphysique du monde. L'apparente évidence de
l'interprétation étonnait le profane. Un déjeuner entre la Princesse,
de la bouche de laquelle on entendait d'étonnantes et véridiques
histoires de tupapau et Madame Pebellier, c'était pour moi la sympho¬
se
mexicain
nie de la rencontre de deux mondes.
596
Société des
Études
Océaniennes
A l'occasion de la sortie à Tahiti des "Mémoires" de sa
mère,
Gilles Artur avait préparé au musée de Papeari une exposition concer¬
nant la Reine Marau et organisé avec Bengt Danielsson une réception
l'honneur de sa fille. On interprêta des chants traditionnels, on
des éloges à l'antique, et Takau "improvisa" quelques mots
dans un noble parler archaïque. Lors de son retour en France je com¬
pris que la Princesse avait été profondément touchée par les témoi¬
gnages d'estime et de respect reçus par elle à cette occasion. Cette
manifestation d'honneur avait marqué d'un temps fort la fin de son
existence. Elle demeurera en son souvenir comme l'ultime et d'ailleurs
fort platonique couronnement d'un rôle qu'elle s'était efforcée de
jouer et du rang qu'elle avait prétendu tenir en ce monde.
en
prononça
au
Ainsi ai-je vu la Princesse Takau, que j'eus l'heur de rencontrer
du dernier quart de sa longue existence, alors que femme
cours
d'expérience, mûrie par les années, elle vivait retirée à Nice, faisant
de-ci de-là un séjour à Tahiti pour ses affaires. Il y eut d'autres Ta¬
kau.
Elle avait
d'attentions
au
eu
son
côté de
heure tahitienne, pleine de prévenances et
sa mère,
autour des années vingt de ce
siècle, au temps du procureur Charlier et de l'atrabilaire docteur
Chassagnol. Elle eût ensuite son époque Vedel, qui fut plutôt fran¬
çaise, mondaine et littéraire. D'autres ont donc pu conserver d'autres
images de cette femme, dont je pense cependant pouvoir affirmer
qu'avec elle est disparue toute une époque de Tahiti. Une certaine
noblesse naturelle d'âme et de caractère ne s'improvise pas. Une
fille doit avoir
mère
une Princesse exige une Reine.
Lorsque je m'en fus la saluer lors de mon dernier séjour à Tahiti,
en décembre dernier, et lui dire au
revoir, je compris bien que nous ne
la reverrions plus en France où elle aurait pourtant préféré achever
ses jours, se sentant, à Nice, davantage
chez elle, et dans ses habL
tudes. Magnanime, et vaillante devant des circonstances qu'elle
n'avait plus la force de dominer, elle ne me fît aucune plainte, accep¬
tant cette éventualité d'une âme forte. Je lui fis donc, sans trop
d'ambages, mon "A Dieu !" de prêtre et d'ami. Elle me comprit
d'emblée et saisit la balle au bond avec une très lucide promptitude.
"Ne craignez rien, Teao" me dit-elle. Et après un silence ajouta :
"Le Seigneur est mon berger... Il saura me conduire vers ses pâtu¬
rages..." Je la savais chrétienne, baptisée protestante, tout en ayant
une
:
597
Société des
Études
Océaniennes
ses études chez les soeurs de Cluny, Je fus heureux
qu'à travers les vicissitudes d'une existence mouvemen¬
tée elle avait conservé la foi. Et c'est sur des propos d'espérance que
nous avons pris congé, en nous fixant le revoir des certitudes ré¬
fait
une
partie de
de constater
demptrices.
Paris, dimanche 27 juin 1976.
Patrick O'REILLY
598
Société des
Études
Océaniennes
Hommage Hawaiien
à la Princesse Takau Pomare Vedel
HE KANIKAU NOU E KE ALIIWAHINE TAKAU POMARE VEDEL
-
He Kanikau, Keia, he mana'o aloha
Nou e ke Aliiwahine Arii MANIHINIHI TE,
VAHINE REREATUAIFAREIA TAKAU POMARE VEDEL.
4
-
He
5
-
1
-
2
-
3
mamo o na
-
7
-
E ia
8
-
E kanikau nei
9
-
-
11
-
no
Wë ka leo
o
a
-
E leo nui
-
Wa ka leo
14
-
-
17
-
18
-
19
-
20
-
21
-
22
-
23
-
24
-
25
-
26
-
me na
waimaka.
Ka 'ohana o makou i ka 'aina o TAHITI,
E ho'omana'o 'ae ana i na la i launa Pu ai.
12
-
KAHIKI,
kou 'ohana,
13
15
16
o
Ua hala 'oe i ka 'aina o PO,
He 'aina e hoi hou 'loe mai ai.
6
10
alii
ka moana, e lohe ia ai maluna o ka makani,
kuli ka wao nahele.
ha'i aku,
Ua moe ka pua 'ula i ka moe kau a ho'oilo.
Ua hanini ka 'ua, o HAWAI'I-NUI-A-KEA KAHE KAWAINUI.
Ua pulu na opu'u lani o HAWAI'I e ka 'ua
Ua hanini mai na wai lele i ka pali
He waimaka no ke alu TEHUIARII.
Ke (KANIKAU) Kania'ëu na pua o MAREIURA laua o NINITO ma
HAWAI'I. Ua hala i ke alo o na Akua,
Ua hala i ke kahua a Kane,
I ke 'ala 'ula a Kanaloa,
Ua hala ke ali'iwahine i kona 'alahele
Ua moe, i ka moe kau a ho'oilo
Ua lawe ia e na akua, neia Lei-Lani.
Aloha e, aloha e ke Ali'iwahine,
o
ka
Ke Ali'iwahine
moana e
o
KAHIKI-LAU-LANI.
599
Société des
Études
Océaniennes
27
-
28
-
29
-
30
-
Auwe ku'u leimomi
o Tahitinui.
Ku'u pua alii i ke 'ala o na pua.
Auwe Ku'u lani a marau Ta'aroa, ku'u minaminae.
Auwe ku'u lei, ku'u milimili e.
E ia au ke noho a'e nei.
31
-
32
-
Auwe,
auwe
33
-
Aloha
e
Iulai 13,
Ku'u aloha
e,
ke Ali'iwahine nui
aloha
o
e
!
TAHITI-RAU-RANI.
1976. Honolulu, Hawai'i.
NA, KOUAHANA MAHAWAIIAME,
JOHN R. KAHAI-ALII-O-KA-'IWI-ULA-O
KAMEHAMEHA
TOPOLINSKI.
ENGLISH TRANSLATION
A DIRGE FOR HER ROYAL HIGHNESS PRINCESS ARII MANIH INI HI
TEVAHINEREREATUAIFAREIA TAKAU POMARE
VEDEL
1
-
2
-
This is
a
(fanu) dirge, an expression of love.
For you o princess ARII MAHINIHINI TEVAHINERERE.
ATUAIFAREIA TAKAU POMARE VEDEL.
3
-
4
-
5
-
6
-
From whence there is
7
-
Here
8
-
Hither to
Our cousin in the land of TAHITI
Daughter of Tahiti's sovereigns.
Thou hast gone to the shadowy land
are we
no
thy family
mourn
return
come
with tears
9
-
10
-
Remembering the times
we
11
-
The voice of the
rises above the wind
12
-
13
-
14
-
15
-
16
-
17
-
18
-
ocean
shaved together
Deafening those in the uplands
The rumbling of the sea tells the stoiy
The red blossom falls asleep
The rains of HAWAI'I-NUI-A-KEA fall heavy in torrents
HAWAI'I's royal buds drenehed in the rain
That dives down the cliffs above
The tears for the chiefess flow from the eyes of the descendants
TEHUIARII
600
Société des
Études
Océaniennes
19- The
20
-
21
-
22
-
23
-
24
-
children of MAREIURA and NINITO lament from HAWAII.
The Hawai'i of nui-a-kea. Gone away to the gods.
Gone to the place behind Kane
On the red pathway of Kanaloa
The royal Chiefess moves on her way
She sleeps the summers and winters away.
Snatched by the Gods to adorn the wreath of Heaven.
25- Farewell, alas farewell dear royal chiefess
26 Beloved Princess of Kahiki-lau-lani.
-
27
-
28
-
29
-
30
-
31
-
3233
-
Alas my precious (princess) as a pearl necklace of TAHITI
My royal cousin among the frafrant flowers
My beloved chiefess - how sad I am at losing you
OH my beloved adorbment my favorite one.
Here I
am
left here alone.
Alas, alas, my beloved one farewell, farewell !
Aloha, dear Princess Royal of TAHITI-RAU-RANI !
July 13, 1976, Honolulu, Hawai'i.
Composed by your Hawaiian
family living here in Hawaii and also
by Mr. John R. KAHAT-ALII-O-KA-'IWI-ULA-O
KAMEHAMEHA
Avec
qué
nos
TOPOLINSKI.
remerciements à Madame Samuel Clark, qui nous a communi¬
ces textes.
601
Société des
Études
Océaniennes
Les
premiers pas de l'exploration botanique
aux
îles de la Société
1767-1792
présentons ici, en français et sans appareil critique, le
résumé d'un intéressant travail historique qui accompagne une étude
du regretté Martin Lawrence Grant intitulée : Partial Flora of the
Nous
Society Islands : Ericaceae to Apocynaceae. M. L. Grant, 1907-1968,
travailla dans les îles de la Société du 28 avril 1930 au 3 mars 1931.
Son travail a été publié d'une manière posthume, à Washington, par
F. R. Fosberg et H. M. Smith dans le no. 17, paru en 1974, des Smith¬
sonian Contributions to Botany. Nous remercions M. Bertrand Jaunez
d'avoir bien voulu une fois encore se charger de cette traduction.
se trouvent aux antipodes de l'Europe et
qu'en 1767. Et cependant, dès la fin du XVIIIème
siècle, leur flore était relativement bien connue des botanistes euro¬
péens. Voyons dans quelles conditions s'est effectuée cette explora¬
Les Iles de la Société
ne
lurent découvertes
tion.
WALLIS
30 juillet 1767.
la cause de la
botanique. Pratiquement aucune exploration d'aucune sorte ne fut faite
dans l'île. Au grand déplaisir de George Robertson, maître d'équipage
du Dolphin, qui s'en plaint dans son journal : "Le capitaine Wallis ne
permettait à aucun membre de son équipage d'aller examiner aucune
partie de l'île des Rois (Tahiti) sauf une petite partie de la Baie où
se trouvait le navire, en dehors du jour où Mr. Gore parcourut quatre
ou cinq milles en remontant la berge de la rivière, y trouvant du coton,
du gingembre, de l'indigo et plusieurs autres plantes dont nous igno¬
Wall is, et le Dolphin, passa à Tahiti du 24 juin au
Le découvreur de l'île ne fit pas beaucoup avancer
rions tout..."
Gore était second-maître du Dolphin et
la "berge de la rivière"
était celle de la Vaipopoo, qui se jetait dans la baie de
Matavai où était ancré le navire. Le "coton" qu'il vit était probable¬
ment : Gossypium taitense Parkinson, et le "gingembre" : zingiber
parcourue
602
Société des
Études
Océaniennes
(L.) Smith. Lorsqu'il signala avoir
vu de l'"indigo", ce
était très probablement : Tephrosia purpurea Persoon,
une plante très proche, car le véritable indigo, Indigofera, ne fut
introduit que plus tard dans les Iles de la Société.
zerumbet
qu'il avait
vu
BOUGAINVILLE
L'ordre de mission de Bougainville portait qu'il devait sur les
terres qu'il découvrirait, "étudier le terrain, les arbres et les princi¬
paux produits, et rapporter des échantillons et des dessins de tout ce
qui lui paraîtrait devoir mériter l'attention".
Le Duc de Praslin, alors Ministre de la Marine, avait même déci¬
dé qu'un naturaliste devait se joindre à l'expédition. Cela était plutôt
inhabituel, car la plupart des "scientifiques" qui participaient aux
voyages d'exploration au XVIIIème siècle étaient des astronomes dont
la fonction principale était de déterminer la position en mer du navire.
Vernon occupait ce poste avec Bougainville. Etant donné que la
plupart des chirurgiens embarqués avaient quelques connaissances
d'histoire naturelle, il était rare qu'un naturaliste professionnel ac¬
compagnât ces expéditions.
Néanmoins, le Duc de Praslin désirait un naturaliste et deux de
signalèrent Philibert Commerson. Ce dernier était
jeune botaniste venu à Paris à la demande de Bernard de Jussieu
conseillers lui
ses
un
et nommé naturaliste
au Jardin du Roi — l'actuel Jardin des Plantes —
1764. Il avait déjà rassemblé une grande collection de plantes des
provinces du centre de la France et de la Suisse, et à sa mort son
en
herbier contenait,
paraît-il, trois mille nouvelles espèces et genres.
Mais, en fait, Commerson, s'il contribua à lancer l'idée du "Bon
sauvage" ne publia jamais une ligne sur ce qu'il aurait du observer.
Si bien qu'il n'existe aucun document nous faisant part de ce que le
premier botaniste qualifié a vu à Tahiti alors qu'il se promenait au
milieu de ses "Bons sauvages".
COOK. Premier
Lors de
Voyage.
premier voyage, Cook circulait officiellement pour
observer le transit de Vénus. Mais la marine anglaise, sur la demande
son
de la Royal Society, permit à Joseph Banks, membre de cette acadé¬
mie, "gentilhomme très fortuné et bien versé en histoire naturelle" de
participer à l'expédition, avec sa suite "soit huit personnes en tout,
avec
leurs
bagages".
Parmi la "suite" de Banks, outre ses serviteurs, des artistes et
un
couple de chiens
trouvait un jeune Suédois, Daniel Solander,
qui l'avait envoyé en Angleterre pour y faire
se
élève favori de Linné
603
Société des Elut
système de classification. Membre de la Royal Society,
un des botanistes les plus qualifiés de son temps.
Arrivé à Tahiti le 13 avril 1769, YEndeavour y demeura trois
adopter
son
Solander était
mois. Vénus fut dûment observée. Banks et
son
équipe collectionna
même les savants purent-ils
profiter des arrêts à Huahine, Raiatea et Tahaa pour y faire des ob¬
sur
l'île dans la plus grande liberté. De
servations botaniques.
COOK. Deuxième Voyage.
si glorieux du premier voyage qu'il se
impossible lors de la préparation du
second. Il émettra de telles prétentions qu'il finit par se brouiller
l'Amirauté. Le Parlement britannique avait pourtant voté un
avec
crédit de 4 000 livres pour le côté scientifique de l'expédition. Une
somme énorme pour l'époque. Quatre mille livres, c'était la somme
même qui avait été allouée par le Roi pour l'ensemble du premier
périple de Cook. Ce furent les Fors ter qui en furent les heureux béné¬
ficiaires : John Reinhold et son fils George furent engagés comme
naturalistes de l'expédition. Le Suédois Anders Sparrman, qui tra¬
vaillait alors pour Linné en Afrique du Sud, rejoignit l'expédition, sur
1 a demande de Forster père, au Cap et prit dès lors part aux travaux
des naturalistes qui eurent l'occasion de séjourner deux fois à Tahiti,
à Huahine et à Raiatea, en août-septembre 1773 et en avril-mai de
Joseph Banks était
conduisit
comme un
revenu
personnage
l'année suivante.
COOK. Troisième Voyage.
Avec
ce
voyage,
Banks réintègre l'histoire du Pacifique, et dans
des circonstances beaucoup plus édifiantes qu'il ne l'avait quittée
avec le second voyage. Il ne participait pas personnellement à l'ex¬
fait, il ne devait jamais revoir le Pacifique — mais il
embarquer sur le Discovery, à titre de collectionneur bota¬
nique, un jardinier de Kew. Et l'histoire naturelle était fort bien
représentée sur le Resolution par William Anderson, le chirurgien en
second du dernier voyage de Cook. Cette fois-ci, outre le tour habituel
de Tahiti, Huahine et Raiatea, on visita Moorea et Bora-Bora qu'on
n'avait fait qu'apercevoir au cours de son précédent voyaga
pédition
—
en
avait fait
BLIGH. Voyage du "Bounty".
Lors de leur passage à Tahiti en 1769, Cook et Banks avaient
constaté et signalé le rôle joué par le fruit de l'arbre à pain dans
l'alimentation des indigènes. Et dans les Antilles anglaises on
s'était alors beaucoup intéressé à ce produit. Presque tout le sucre
d'Angleterre venait de
ces
îles, le travail étant fourni
d'oeuvre d'esclaves qui manquait souvent de nourriture
604
Société des
Études
Océaniennes
par une
main-
appropriée. On
en
vint à penser que
l'arbre à pain .pourrait fournir
une
alimentation
bon marché à leur intention.
L'un des propriétaires de plantations à la Jamaïque, Hinton East,
correspondant de Banks, avait établi le premier jardin botanique de
l'île. A Londres en 1786, il persuada Banks de l'intérêt qu'il y aurait
à introduire l'arbre à pain aux Antilles. Banks, alors
en
faveur auprès
du Roi George III, fit aboutir le projet. Sur sa recommandation Bligh
fut nommé commandant du navire et David Nelson désigné comme
botaniste
Banks prenant lui-même la peine d'établir la liste des
aux plants d'arbre à pain. On sait comment, après avoir
récolté mille plants à Tahiti et les avoir installés à bord, une mutine¬
rie éclata sur le Bounty. David Nelson partagea le sort de Bligh, mais
n'arriva malheureusement pas jusqu'en Angleterre avec lui. Il était
mort à Timor et, évidemment, les recherches botaniques effectuées à
Tahiti disparurent avec lui.
;
soins à donner
VANCOUVER
L'influence de Banks
du voyage de Vancouver
se
fait
encore
sentir lors de la
à la recherche du
passage
préparation
entre le Pacifique
l'Atlantique. C'est Banks qui fait désigner pour accompagner Van¬
Archibald Menzies, chirurgien de la marine et botaniste quali¬
fié. C'est même Banks, chose assez peu croyable qui rédige les
"Instructions" données à ce membre de la Marine Royale. Elles se
ressentent de ce que Banks est conseiller scientifique pour les jardins
de Kew. "Lorsque vous rencontrerez des plantes curieuses ou pré¬
cieuses, ordonne Banks, plantes dont la propagation par graine ne
vous paraîtra pas possible dans les jardins de sa Majesté, vous en
déterrerez des spécimens convenables, pour les transplanter dans le
et
couver
cadre de
verre
affecté à cet usage et porterez tous vos efforts pour
jusqu'à votre retour..."
leur bonne conservation
La
exécuta
Discovery
passa
à Matavai le mois de janvier 1792, et Menzies
mieux les instructions reçues. Mais beaucoup des plantes
destinées à Kew ne survirent pas, par la négligence du serviteur qui
au
était chargé de les soigner.
BLIGH.
Banks
Voyage du "Providence".
manque ni de suite dans les idées ni de ténacité. Dès
ne
Bligh se fut tiré des griffes de la justice maritime, Banks le
à une nouvelle expédition à Tahiti à la recherche d'arbres à
que
poussa
pain.
A
habitude, il choisit les botanistes : James Wiles et Chris¬
topher Smith embarqueront sur le Providence, avec des ordres précis :
"Chaque fois que vous rencontrerez des plantes qui vous paraîtront
son
605
particulièrement belles ou curieuses, vous en prendrez une ou deux
pour le jardin botanique de sa Majesté à Kew..."
s'oublie pas : on
personnel" et,
"Ce travail vous sera payé
Par ailleurs, en bon collectionneur, Banks ne
lui "fera des collections complètes pour son herbier
comme
en
c'est
un
homme riche, il ajoute :
supplément".
arrivèrent à Tahiti au début d'avril
passèrent que deux mois dans l'île ; mais réussirent à
recueillir plus de plants d'arbres à pain qu'au cours du premier séjour
de cinq mois... Qui, cette fois-ci, arrivèrent sans encombre aux
Les deux navires de Bligh
1792. Ils
ne
Antilles.
Sur cette note de succès s'acheva la prospection botanique des
îles de la Société au XVIIIème siècle. Si on n'avait pas découvert
d'épices dans les îles,
au
moins
en
avait-on commencé la prospec¬
tion scientifique.
grand rôle dans cette affaire. Elu
1778, il avait mis le poids de son
autorité dans la balance pour contraindre l'Amirauté britannique, dont
ce n'était pas la vocation première, à s'intéresser aux sciences qui
lui tenaient à coeur. Ce faisant, il avait rassemblé une collection de
la flore des îles de la Société qui était une des premières du monde.
Sa bibliothèque d'histoire naturelle concernant les Mers du Sud était
fort riche. La plupart des personnes intéressées par les plantes de
ces régions étaient tôt ou tard les bienvenues dans sa maison du
32 de Soho square, à Londres. Son herbier renfermait des spécimens
de tout le Pacifique et les jardins de Kew, eux aussi, avaient bénéfi¬
Joseph Banks avait joué
président de la Royal Society
cié de
ses
un
en
activités.
☆
Quels furent les résultats pratiques de ces activités botaniques
Polynésie française à la fin du XVIIIème siècle ?
Il est étrange de constater que bien peu de choses furent publiées
sur les îles de la Société avant 1800.
en
le bibliothécaire de Banks, dressa l'inventaire
maître en 1800. Cet inventaire comporte 5 tomes !
Et bien, on est surpris de voir, dans le tome consacré à la botanique
que le chapitre traitant de l'Océan Pacifique ne comporte que 6 titres,
encore ne s'agit-il souvent que de brefs articles.
Que s'était-il donc passé ?
Le pionnier Commerson, paresseux ou perfectionniste, n'a jamais
publié le résultat de ses études sur Tahiti. Et il ne reste rien, abso¬
lument rien, des herbiers qu'il prétendait avoir recueillis.
John Dryander,
des livres de
son,
606
Société des
Études
Océaniennes
I]
en
va
projets. Son
de même pour Banks. Ce savant avait les plus ambitieux
Solander lui avait préparé une flore de Tahiti
laquelle son dessinateur Sydney Parkinson devait lui mettre au
point des planches d'histoire naturelle. En 1778, 550 planches étaient
déjà gravées. En 1784, Banks écrit : "Tout le travail peut maintenant
compagnon
pour
être terminé
en
deux mois... si seulement les graveurs peuvent venir y
mettre la dernière
main..."
Malheureusement la "dernière main"
ne fut jamais mise au tra¬
obligations scientifico-mondaines du
président de la Royal Society l'empêchèrent de terminer son oeuvre.
Quelques planches concernant l'Australie furent éditées par le British
Museum ; "mais la plus grande partie de ce qui aurait certainement
été un des plus étonnants ouvrages d'histoire naturelle du XVIIIème
siècle" demeure inédit, à Londres.
La seule relation du premier voyage de Cook qui ait été publiée
par un membre de l'équipe de Banks est celle de Sydney Parkinson
(OR. 2710). Pour éviter des noms latins sans intérêt pour les non
spécialistes nous renvoyons à la Bibliographie de Tahiti que nous
citerons OR, avec le numéro d'entrée. Ce compte rendu botanique des
Iles de la Société est le premier qui utilise les noms scientifiques
corrects pour 4 plantes. Artocarpus altilis, Inocarpus fagiferus,
Spondias dulcis et Pandanus tectorius. Tous les autres noms donnés
par Sydney Parkinson, n'étant pas accompagnés de renseignements
descriptifs successifs suffisants, doivent être considérés comme
nomina nuda et en conséquence ne sont pas valables aujourd'hui.
Les Forster, en bons allemands mâtinés d'écossais, furent plus
réalistes. Ils renoncèrent aux gravures en couleurs et autres ambitions
somptueuses de Banks et se mirent en devoir de publier leurs travaux
dès leur retour en Angleterre. Ils commencent par publier une édition
pirate du voyage (OR. 382). Sparrman fera de même (OR. 400). Mais
ces récits, bien qu'ils y fassent mention de la végétation des fles de
la Société, ne peuvent pas être considérés comme des traités techni¬
ques de botanique. Le premier ouvrage scientifique issu du deuxième
voyage de Cook fut le résultat de la collaboration des deux Forster.
Il était intitulé Characteres Generum Plantarum... (OR. 2469), un bel
in-quarto illustré de 75 planches. Il parut en 1776. Dix ans plus tard,
George Forster, le fils, publie seul une thèse pour le doctorat en
médecine (OR. 2330) où figurent 54 espèces de plantes classées
d'après leurs éléments commestibles, dont 24 étaient en usage dans
les fles de la Société. Dans l'index qui accompagne l'ouvrage, la
classification exacte de Linné suit le nom de la plante et chacune est
vail. Solander était mort et les
décrite de manière très satisfaisante dans le texte.
607
dire autant de Florulae Insularum Australium Propublié la même année
par le même George. C'est en effet une flore "préliminaire" et fort
incomplète. La description des plantes est succinte au point d'être
sans valeur. Il y a 119 espèces de plantes à fleurs citées en prove¬
nance des fies de la Société ; et ici, Forster a indiqué le lieu où
On
ne
peut
en
dromus (OR. 2467) du même auteur, également
elles avaient été collectées.
Le troisième voyage de Cook ne suscita aucune publication de
botanique. David Nelson, chargé par Banks de récolter des plantes à
son intention fit certainement du bon travail, car son maître assura
qu'il "avait rempli sa mission avec succès", mais ne publia rien sous
sa signature. Il n'était qu'un botaniste embauché et sa collecte fut
vraisemblablement incorporée dans une flore déjà en cours d'exécution
La mort
il est décédé en mer le 3 juillet 1779 — empêcha
William Anderson de rien publier. Mais il a laissé des notes de travail
et quelques manuscrits. Ils sont actuellement conservés à Londres,
—
dans la section d'Histoire Naturelle du British Museum.
Archibald Menzies, le botaniste de Vancouver, collecta des plan¬
tes à Tahiti et tint
un
son voyage. Seuls quelques
publiés. Cinq volumes manuscrits
journal détaillé de
extraits concernant Hawaii ont été
attendent à la Société linnéenne de Londres et
au
British Museum
un
copier ce qui concerne Tahiti. Menzies s'inté¬
ressait particulièrement aux cryptogames et à sa mort il laissa son
important herbier au Jardin botanique d'Edimbourg.
Les botanistes qui accompagnaient les navires s'en allant cher¬
cher des plants de l'arbre à pain n'étaient guère embauchés que pour
soigner la cargaison. Ce n'étaient pas des savants. Et nous nous
souvenons que Banks s'était réservé leurs collectes personnelles.
Wiles, le botaniste du Providence lorsqu'il arriva à la Jamaïque
avec ses plants fut embauché comme jardinier à Bath. Ses collections
se trouvent dans l'herbier Delessert à Genève, à Kew, et dans la
collection de Banks, au British Museum.
On le voit, malgré les efforts de Banks, l'argent dépensé par
l'Amirauté et le bon vouloir des capitaines, les résultats des recher¬
ches des naturalistes à Tahiti dans le dernier quart du XVIIIème siè¬
cle n'ont pas été très fructueux.
curieux
qui viendrait
y
D'après Martin Lawrence GRANT.
Nos lecteurs trouveront dans un prochain numéro du "Bulletin" la
suite de cette étude. Elle leur apportera une "Chronologie sommaire
des principaux voyages, collections et publications relatives à la
Flore des îles de la Société
au
19ème et 20ème siècles".
608
Société des
Études
Océaniennes
Pierre Charrier
Un magistrat photographe
dans les années 20
à Papeete
Année par année, la France, depuis près de cent ans, a envoyé à
des équipes de magistrats distingués. Hormis quelques très
Tahiti
affaires politico-administratives, ils y ont rendu la justice dans
l'équité, à la parfaite satisfaction de la population, s'efforçant même
d'adapter leurs verdicts aux âpres problèmes fonciers locaux et à la
coutume de l'adoption. Ces magistrats passait à Papeete leur temps
réglementaire, parfois un peu allongé par les circonstances, puis rega¬
gnent l'hexagone pour y poursuivre une carrière, un instant ensoleillée
par une résidence dans un faré polynésien, ne laissant guère derrière
eux d'autres souvenirs que quelques arrêts dans les archives du
rares
greffe.
séjour à Tahiti du magistrat Pierre Charrier semblait devoir
règle.
Né en 1885, fort cultivé et bon musicien, cet avocat à la cour de
Paris avait été attiré par les lettres et le théâtre. Introduit familialement à la Gazette du Palais, il y tient la rubrique théâtrale avant la
première guerre mondiale, passant également des articles dans les
revues artistiques et littéraires du temps, si bien que nous ne sommes
pas surpris de voir le juriste signer en 1910, un ouvrage consacré aux
Droits du critique théâtral, littéraire, musical et artistique. Une note
biographique le concernant affirme qu'il "aurait pu poursuivre, à
l'ombre de la Gazette du Palais, une brillante carrière d'avocat ; mais
cet homme indépendant voulut prouver à sa famille qu'il pouvait, seul,
assurer son destin. C'est ainsi que suivant un usage qui nous a donné
tant de grands magistrats, il quitta le barreau pour rentrer dans la
magistrature coloniale où il fit une belle carrière. Il exerça ses fonc¬
tions à l'île de la Réunion, à Madagascar, et... à Tahiti.
Nous y voilà... Pierre Charrier aurait pu, comme tant de fonction¬
naires, se rendre en Océanie par le Havre, New-York, San Francisco,
mais la perspective de traverser les Etats-Unis par l'Overland ne le
Le
suivre cette
609
Société des
Études
Océaniennes
Pierre CHARRIER, 1885-1974,
magistrat à Tahiti et photographe
à ses heures, nous a conservé
des images de Papeete des
années 1922-1923.
Le "Juillet" au temps
costumes blancs.
610
des
guère. Il quitte donc la France fin 1922 par le Céphée, un
Messageries Maritimes, et par Ceylan, l'Australie et Rarotonga gagne Papeete. Il y passera deux courtes années sans histoires
du 22 novembre 1922 au 14 août 1924, au temps du Gouverneur Rivet,
comme président du Tribunal supérieur d'appel.
De retour à Paris, il se croit tenu, en homme de lettres qu'il est,
de publier son livre sur Tahiti : Tahiti, terre du plaisir (Paris, 1928)»
Reportage rapide, donnant des impressions, des souvenirs et des
anecdotes. Tout pourrait, tout devrait se terminer là.
En réalité, l'histoire commence.
Charrier, comme tout un chacun, a été touché par la grâce de
Tahiti, grâce agissante et tendant à se répandre, et, rentré en France,
il va devenir un chantre bénévole et convaincu de Tahiti. En 1930,
nous le trouvons même chargé à l'institut colonial de Bordeaux, d'un
tentait
navire des
cours sur
Tahiti.
avec un Vérascope Richard, l'appareil qui, au
siècle, avant l'invention des Contax et des Leica, avait été
choisi par bien des voyageurs et des coloniaux. Une boite métallique
à deux objectifs qui donnait des plaques qu'on regardait, tirées en
positif, à l'aide d'un appareil binoculaire qui procurait une certaine
vision en relief. Des meubles spéciaux avaient été construits pour
conserver les vues et les revoir dans le silence du cabinet de travail,
satisfaction à tout prendre fort égoiste, puisque naturellement, l'appa¬
reil n'autorisait qu'un seul spectateur.
Pour présenter ses images à des auditoires, Charrier les avait
donc fait agrandir et tirer sur des diapositives 8,5 x 10 cm, selon ce
qui était la formule courante du conférencier projectionniste d'entre
les deux guerres. Ainsi enchantait-il ses amis, son entourage, voire
même des publics plus larges, en des causeries illustrées sur ses
voyages en les pays par lui visités.
Comment suis-je entré en relations, dans les années soixante
avec Pierre Charrier ? Sans doute par l'intermédiaire de la princesse
Takau. "Charrier était photographe", me dit-elle un jour, en retrouvant
une de ses lettres dont Ven-tête portait une adresse bordelaise : 66,
avenue du parc de Lescure. J'écrivis. Charrier me répondit sur le
champ. D'une noble graphie encore ferme, avec la grâce désabusée
d'un octogénaire, la courtoisie d'un grand honnête homme et la spon¬
tanéité d'un vieil ami de Tahiti.
Ainsi échangeâmes-nous quelques lettres. Je reçus de Bordeaux
la photocopie de documents mineurs dont, collectionneur impénitent,
j'aurais davantage apprécié l'original. Mais il faut toujours dans la
Il s'installe là-bas
début du
611
vie, considérer plutôt le geste,la main tendue, que ce qu'elle contient.
Et cette action généreuse me toucha. Je le lui dis. Puis nos relations
se
résumèrent
en
des cartes de Noël. Je
n'appris
son
décès
que par
le
retour de l'une
d'elles, à la Noël 1974.
Et voilà qu'à la fin de l'été dernier je reçois d'un neveu de Pierre
Charrier la nouvelle que son oncle, décédé sans héritiers directs,
l'avait prié de m'offrir sa documentation photographique sur Tahiti. Je
fus très sensible à cette attention posthume d'un presqu'inconnu.
Le fonds Charrier peut se diviser en trois parties : Un certain
nombre de clichés de Verascope pris par lui au cours de son séjour :
des diapositives tirées en partie de ces clichés ; et enfin, des feuil¬
lets d'un album de photographies constitué par Charrier lui-même, à la
fin de
son
existence.
m'ont été confiées représentent environ 250 cli¬
Us sont rangés par paniers de 25 clichés. Chaque
boite porte une étiquette de la main de P. Charrier: Types. La Maison.
Personnages. Gouvernement. Papeete, etc... mais, en fait, cet ordre
apparent a été troublé. Tout semble mélangé à l'intérieur des boîtes,
ce qui fait que le classement demanderait à être complètement refait.
On verrait alors que certains clichés semblent en double ou en triple.
Aucun d'eux n'est légendé.
Les boîtes qui
chés de Vérascope.
A vue de nez, et après avoir regardé ces clichés un par un, il
semble que l'on puisse proposer les têtes de chapitres suivants :
1) Charrier, sa femme, sa maison, son jardin.
2) Le Gouverneur et Madame Rivet et le palais du Gouvernement.
3) Papeete. La ville, les rues, le port, les goélettes.
4) Les paysages : vues de l'intérieur et des côtes.
5) Les lypes humains : surtout féminins.
6) Scènes et réunions. Danses du Juillet. Courses. Pêche à
Tau tira.
7) Divers
:
Marquises. Raiatea. Bora-Bora.
intérieur, son jardin et photographie
plus volontiers son épouse que lui-même. Les vues du gouvernement
sont également assez nombreuses. Il tient aussi à conserver des
images de la ville et de ses monuments. Il vint un jour aux courses
avec son appareil et l'a sans doute manié aux "Juillets" de 1923 et
de 1924. Mais de toute évidence, c'est la nature tahitienne et ses
paysages qui le font vibrer. C'est la silhouette du cocotier, le profil
altier d'une montagne en fond de décor, la courbe harmonieuse d'une
plage qui l'intéresse surtout, comme c'est ce qui intéressait à la
même époque le bon photographe Lucien Gauthier. On n'échappe pas
Charrier aime
sa
maison,
son
613
Société des
Études
Océaniennes
à
son
temps !
Par
ailleurs, disons-le d'avance et pour n'y plus revenir, Charrier
un photographe né. Restant à l'échelle de Tahiti, ce n'est,
certes, ni un Lemasson, ni un Sylvain, ni un Erwin Christian. Bien
sûr, comme eux, il aime Tahiti, mais de l'extérieur, en lettré, cérébralement, sans vraiment "voir" les choses et les gens. Il n'a pas un
oeil capable de saisir le pittoresque d'un geste ou d'un comportement,
le trait caractéristique d'une scène en apparence banale, le petit
détail vrai et significatif d'un costume, d'un jeu, d'une danse ou
n'est pas
d'une scène de famille.
Mais à défaut d'un brillant et perspicace observateur, nous nous
trouvons en face d'un homme désireux de conserver des souvenirs et
ayant fait effort dans ce sens. Et l'album de famille possède aussi
ses avantages et ses charmes. Nous pénétrons à travers ces clichés
dans la maison d'un haut fonctionnaire, y rencontrons son chien, sa
servante et
en
ses
relations. Nous visitons le Gouverneur, qui, lui, roule
nous flânons dans les rues désertes de
automobile. Avec Charrier
Papeete, en de nombreuses images qui seront, et qui sont déjà de
précieux documents datés sur l'évolution urbaine. Et, de temps à
autre, Charrier appuie au bon moment sur le déclencheur souple de son
Vérascope, Voici l'Aldébaran qui entre dans la rade et vient se mettre
à quai en face de la marine. Voilà la fanfare des frères et voici un
défilé devant le nouveau monument aux morts, alors placé, en plein
mitan de l'avenue Bruat. A Tautira il a été intéressé par une pêche à
la bonite : d'où cinq clichés qui cinquante ans plus tard eussent
intéressé un Paul Ottino. Charrier avait certainement une sincère ad¬
miration pour l'ex-reine Marau. Il va la photographier plusieurs fois.
Avec amour ; seule ou entourée de ses filles et de sa famille, en des
clichés déjà rencontrés mais dont je sais aujourd'hui qu'il en est
l'auteur. Et la
photographie de la Reine Marau prononçant un discours
de l'inauguration du monument aux morts, le 14 juillet 1923
est, elle aussi, de Charrier. Elle était très sous-exposée. J'ai trouvé
dans les documents laissés par lui des clichés négatifs, plusieurs
fois renforcés. Il avait bien compris qu'il avait pris ce jour-là, dans
des conditions difficiles, un cliché historique.
Techniquement, répétons-le, Charrier opérait avec un Vérascope
Richard
toutes les boîtes de ses clichés portent le label de cette
firme
sans doute avec un Ontoscope muni d'un
objectif f 4,5 qui
permettait, sans mise au point, de photographier de un mètre jusqu'à
l'infini. De fait, toutes les photographies de Charrier possèdent une
égale netteté qui suppose une grande profondeur de champ. La collecle jour
-
-
614
Société des
Études
Océaniennes
d'environ 250 plaques 45 x 107 mm, portant
de 41 x 47 mm. On est, à cette époque, persuadé que les
clichés stéréoscopiques, donnant la "perspective et le relief absolu"
sont la photographie de l'avenir. Les spécialistes affirment que "la
distance entre chaque objet photographié était la même que celle que
l'oeil a perçu ; les sujets sont conservés avec leur vraie valeur et que
l'horizon apparaît à l'infini". A vrai dire, malgré l'existence d'un club
d'amateurs de la stéréoscopie, jamais ce genre de photographie ne
s'est imposé et la stéréoscopie ne semble pas avoir suscité de vrais
chefs d'oeuvres. La collection Charrier en est une nouvelle preuve.
Le vice rhédibitoire du système, c'est qu'un stéréoscope muni, de
nuit, d'une source lumineuse, est nécessaire pour examiner une vue.
Une des causes du succès de nos modernes diapositives, c'est
qu'elles peuvent être projetées, agrandies, devant un auditoire. Et
puisque nous parlons de diapositives, c'est-à-dire couleur, ajoutons
que, naturellement, les clichés Charrier sont des tirages en sépia.
Nous avons seulement rencontré de lui 3 ou 4 clichés en couleur,
sans
doute des plaques autochromes Lumière. Elles sont d'une
médiocre qualité.
tion Charrier
se compose
deux images
de positifs sur
qu'il projetait au cours de ses conférences sur Tahiti. Il s'agit
de plaques montées et doublées 8,5 x 10, de format classique des
diapositives jusqu'à la seconde guerre mondiale. Celles de Charrier
sont bien conservées. Elles sont le plus souvent tirées de négatifs
de sa collection personnelle, auxquels il a adjoint des clichés prove¬
nant d'autres sources. On retrouve là, par exemple, des clichés Gau¬
thier. La collection Charrier comporte 124 clichés centrés sur Tahiti
avec quelques ajouts épisodiques. Il en avait dressé la liste. Charrier
possédait également, hors série, 18 positifs concernant la plonge aux
nacres, 7 sur Makatea, 8 figurant des "beautés tahitiennes" et 9
prises lors de la manifestation populaire du 31 août 1921 devant le
La seconde partie du fonds Charrier se compose
verre
Gouvernement. En tout donc 170
vues diapositives.
Complétant la série de ses photographies, les projections de
Charrier nous permettent de connaître le caractère de Tahiti de 1922,
le Tahiti d'il y a un demi-siècle, tel que le connaît un haut fonction¬
naire. Elle constitue donc à la fois un document sur le pays et à
sa propre mentalité.
grâce à l'album Viaud. Celui
de 1900 à travers les clichés Lemasson, voici, avec Charrier, celui
des années vingt de notre siècle.
travers les choix du
conférencier, témoigne de
Nous connaissons le Tahiti de 1852
615
Société des
Études
Océanienne
Le troisième apport du don Charrier est constitué par les pages
d'un album à l'italienne de 23 p., 33 x 31 cm. Pierre Charrier y a ras¬
semblé des photographies concernant son séjour à Tahiti. La page 1
(9 photographies) nous montre sa maison, sa vérandah, sa voiture, la
son épouse. La page 2 comporte 7 photogra¬
phies de la ville et du gouvernement. La page 3 donne des photogra¬
phies du Gouverneur et de Madame Rivet. La page 4 est consacrée à
la Reine Marau, sa famille et à 2 cérémonies où elle apparaît seule
ou avec le gouverneur. La page 5 montre encore quelques clichés pris
au cours de réunions officielles. Les pages 6, 7 et 8 apportent des
photographies de Papeete (monument aux morts de la guerre de 14,
aviso Aldébaran)„ Les pages 10, 11, 12 et 13 nous entraînent à l'inté¬
rieur de l'île. La page 14 montre des types de femmes tahitiennes.Les
pages 15, 16 et 17 traitent du 14 juillet. Les pages 20 et 21 sont d'une
tahitienne de service et
autre tenue. Elles
nous montrent des clichés du Tahiti des années
1960.
Cet album comporte une demi-douzaine de clichés possédant un
certain caractère documentaire (voitures à cheval, réunions officielles
donnant les
attitudes et les costumes de Tahiti des années 20,
premières voitures automobiles), mais pour la plupart, ces documents
nous sont déjà connus par les clichés de l'auteur ou ses vues desti¬
nées à la projection.
Patrick O'REILLY
616
Société des
Études
Océaniennes
L'île
Tematangy,
archipel des Tuamotu
Extrait d'un rapport de M. le Lieutenant de Vaisseau de Kertanguy,
Commandant la goélette Z'Orohena en date du 4 Mai 1881, adressé à
Monsieur le Commandant I.
Chessé, Commissaire de la République.
Nous remercions Mgr Paul
Mazé, premier archevêque de Tahiti et
nous avoir fait connaître cet
grand connaisseur des Tuamotu, de
intéressant rapport.
Me conformant aux ordres que vous m'avez donnés aux Gambiers,
j'ai profité de,mon séjour dans cet archipel pour visiter l'île de Tema¬
tangy. Cette île où existe encore l'anthropophagie, est la seule des
Tuamotu, qui soit encore absolument sauvage - Jugeant que je devais
lui consacrer tout mon temps et tous mes soins, j'y suis allé à trois
reprises, et ai pu, à la troisième, établir des relations amicales avec
1
es
habitants.
J'ai quitté Mangareva le 3 Mars. Le père Roussel missionnaire de
avait bien voulu m'accompagner, et m'a été du plus grand
Taravai
secours.
C'est à lui que j'attribue d'avoir réussi, et je suis
de lui
rendre maintenant
heureux
témoignage.
J'emmenais le nommé Tahito, qui parlant un peu le vieux Tuamotu
devait me servir d'inteiprète. Le 9 au point du jour, nous étions en
vue de l'île et les indigènes nous signalaient par des feux allumés
sur différents points.
Je mis en panne dans le S.O., et le père Roussel et moi nous
nous
dirigeâmes avec le youyou vers le point de la plage où les
canaques s'étaient rassemblés au nombre d'une trentaine environ. Us
étaient complètement nus, n'ayant qu'une ceinture de pandanus autour
des reins ; les femmes s'enveloppaient dans des nattes. Leurs armes
consistent ai grandes lances, en racines retombantes de pandanus et
longues d'environ trois mètres ; la pointe est recouverte de cuivre à
doublage, provenant évidemment d'un navire naufragé. Ils portent en
plus des paniers remplis de pierres.
Le youyou était chargé d'étoffes et de vêtements que leur appor¬
tait le père Roussel. Après d'assez longs pouiparlers, ils se décidè¬
rent à vider leurs paniers dans le sable et à venir à la nage jusqu'à
S'enhardissant en voyant la petitesse de notre embarcation,
nous.
deux d'entre eux firent semblant d'accepter de venir à bord de la
en
617
Société des
Études
Océaniennes
goélette, et pendant que mes hommes les aidaient à monter dans le
et négligeaient leurs avirons, les autres Indiens s'efforçaient
de nous entraîner dans le brisant, puis cinq ou six d'entre eux, sautè¬
rent brusquement à bord et essayèrent de nous chavirer.
Ne voulant employer la force qu'à la dernière extrémité, je recom¬
mandai le plus grand calme. Les canaques voyant que nous ne parais¬
sions nullement inquiets, prirent subitement peur et se jetèrent tous à
la nage pour regagner la terre, mais effrayés de leur tentative, ils
résistaient maintenant à nos appels et n'osaient plus nous approcher.
Je revins l'après-midi. Je leur fis crier que VOrohena allait
partir, mais que j'avais encore beaucoup de cadeaux à leur faire, et
que je désirais les distribuer ; ils pouvaient venir les chercher en
toute confiance, seulement j'exigeais qu'ils ne se missent à la nage
que deux par deux. Au bout d'une demi heure, ils se décidèrent enfin
et se montrèrent moins défiants que le matin. Ils nous firent lever
dans l'embarcation, le père Roussel et moi, pour voir nos costumes, et
s'enhardirent jusqu'à venir les toucher.
Nous distribuâmes tout ce qui nous restait, et ne pouvant espérer
davantage cette fois, retournâmes à Mangareva, d'où nous repartions
le 21, avec un plein chargement de cocos, et une grande quantité de
youyou
vieux vêtements.
J'avais pu recruter deux autres Tuamotu dont l'un, le nommé
Tamoeva,m'a été extrêmement utile par sa parfaite connaissance de la
langue de Tematangy.
Contrarié par les calmes, je n'arrivai que le 30, au matin. Le
temps étant un peu plus maniable, je pus armer mes deux embarca¬
tions, l'une d'elles se tenait au large, pendant que l'autre restait à
une vingtaine de mètres du récif ; j'étais ainsi à l'abri d'une surprise,
et n'avais plus à craindre ce qui nous était arrivé au premier voyage.
Le père Roussel m'accompagnait. Les relations s'établirent facile¬
ment, mais nous en restions toujours au même point. Acceptant en
apparence de venir manger à bord de la goélette, le youyou ne les
avait pas conduits à trente mètres de la plage qu'ils se jetaient de
nouveau à la mer. Ils me disaient ensuite qu'ils voulaient aller, mais
dans une de leurs pirogues ; j'ai su depuis qu'ils en ont trois. Ils en
lancèrent, en effet, une. Elle était faite en morceaux d'écorce cousue
avec du fil de pandanus et, malgré son balancier, trop faible pour
prendre le large ; aussi à peine à la mer, fut-elle halée à terre de
nouveau.
Voyant qu'ils ne cherchaient qu'à traîner les choses èn
longueur et que je n'obtiendrais rien par la douceur, je saisis le
moment où un jeune homme nageait seul, près de nous, et donna
618
Société des
Études
Océaniennes
l'ordre de s'en emparer.
Le Tuamotu Tahito plongea brusquement sur lui et nous étions
déjà loin quand les indigènes restés sur la plage s'aperçurent que
nous
emmenions
un
des leurs.
Je fis immédiatement route sur Mangareva.
Notre prisonnier était un
nommé Tetavahi. Il se remet
jeune homme d'une quinzaine d'années
très vite de sa frayeur ; le mal de mer
ne fit aucune tentative pour s'échapper ; les hommes l'habil¬
lèrent de la tête aux pieds et quand le lendemain, je lui demandais
aidant, il
le ramène à Tematangy, immédiatement il me répon¬
qu'il désirait voir Mangareva d'abord.
D'après les renseignements très vagues qu'il nous a donnés,
l'île compterait environ une soixantaine d'habitants, dont trente
hommes adultes ; il y aurait un peu plus d'hommes que de femmes.
s'il voulait que je
dit
Les malheureux souffrent constamment de la faim. Ils
ne
prennent
beaucoup de poisson ; par ailleurs ils n'ont que le fruit du pandanus à manger, et ils se livrent de fréquents combats pour s'emparer
de ces fruits. Aussi,quoique vigoureux, sont-il s presque tous maigres.
pas
dispersées dans l'île et il n'y a pas de chef.
ni nacres, ni bénitiers.
D'après leurs traditions, ils seraient originaires de l'île de Hao,
qu'ils auraient été forcés de quitter après des guerres malheureuses,
et ils ne connaissent d'autre terre que cette île et Tematangy.
De retour aux Gambier, le 6 Avril, je pensai qu'il serait bon de
mettre à terre pendant quelques jours le jeune Tetavahi, et le confiai
à Justea, chef de Taravahi, qui m'était désigné par vous, comme le
seul homme auquel je pus m'adresser. Je laissai en même temps mon
interprète Tuamotu, le sieur Taputatu, auquel je recommandai la plus
grande surveillance.
Tetavahi vit sans trop d'émotion la goélette disparaître derrière
la pointe Karahea, et la journée se passa très paisiblement, mais à la
nuit il prit peur, et trompant la vigilance de Tuputahi, il se jeta à la
mer, et traversa pour nous rejoindre le détroit d'environ un mille qui
sépare Taravai de Mangareva. Arrivé à terre, effrayé de la manière
dont je jugerais son coup de tête, il n'osa plus se présenter à bord, et
se cacha dans les broussailles où nous ne pûmes le découvrir malgré
toutes nos recherches. La goélette changea plusieurs fois de mouilla¬
ge pour être mieux vue, et enfin le dimanche 17 Avril pendant que
nous louvoyons le long de la côte, il se décida à se montrer et suivit
VOrohena en courant sur la plage. J'envoyai le youyou pour le prendre
et après quelques difficultés, il nous revint enfin après une absence
Les familles vivent
Le lagon ne contient
619
de neuf jours, et ne voulant
plus quitter le bord
sous aucun
prétexte.
Je l'emmenai cependant deux ou trois fois à Mangareva, et il a quitté
cette île avec la certitude qu'à terre on ne lui aurait fait plus de mal
qu'à bord.
Arrivé
de Tematangy le 28 au matin,
les relations furent
descendis à
terre, et allais m'asseoir au milieu des Indiens. Je leur fis expliquer
ce qui s'était passé par le pilote Nui. Ils voyaient,par tout ce que
nous faisions,que nous étions bons amis ; le rôle des navires de guer¬
re était de les protéger tant qu'ils se conduiraient bien ; nous ne leur
en
vue
établies aussitôt que Tetavahi se fut fait reconnaître. Je
demandions que de faire bon accueil à ceux qui viendraient les visi¬
ter, et particulièrement aux missionnaires, s'ils se présentaient ; ils
m'assurèrent qu'ils seraient très contents d'en avoir un parmi eux.
Je les engageai ensuite à venir à Tahiti qui était bien autre
chose que les Gambier ; si Tetavahi avait eu beaucoup de cadeaux à
Mangareva, que serait-ce pour ceux qui viendraient à Tahiti. Mais sur
ce point, je ne pus rien obtenir ; ils m'objectèrent la peur du mal de
mer et autres prétextes : la vraie raison était un fond de défiance.
Cependant je retournai encore une fois à terre l'après-midi, et
renouvelai mes instances : tout fut inutile. Les démonstrations d'ami¬
tié étaient de plus en plus vives, mais la peur ne pouvait être encore
surmontée ; il
n'aurait
nuai
sur
pas été sage d'insister davantage et je conti¬
Tahiti, leur laissant en présent : 380 cocos, une
grande quantité d'étoffes et de vêtements, deux chèvres pleines, un
coq et une poule, un chien, un chat, les exortai à planter une partie
des cocos, et à ne pas tuer les animaux avant la venue des petits : ce
qu'ils me promirent de faire. Auront-ils le courage de tenir cette
promesse ? La faim est bien mauvaise conseillère.
route
ma
En
glace
résumé les communications sont maintenant établies et la
grande prudence devra encore quelque temps pré¬
les indigènes.
Cependant, je crois que si on retourne prochainement à Tematan¬
gy, on pourra communiquer sans aucun danger et je ne serais pas
surpris de voir quelques uns se décider à faire le voyage de Tahiti.
En terminant, il est de mon devoir de renouveler au Père Roussel
tous mes remerciements, et de rappeler que quelle que soit l'impor¬
tance du résultat obtenu, si le résultat a été obtenu pacifiquement, je
le dois en grande partie à ses excellents conseils ; le missionnaire
n'en est du reste pas à ses débuts, et c'est lui qui a christianisé
Reao et Rapa Nui.
sider
rompue ; une
aux
relations
avec
Signé de Kertanguy
620
Société des
Études
Océaniennes
Une pirogue ancienne
de Fakarava ilesTuamotu
La petite pirogue de pêche reproduite ci-dessus a été photogra¬
phiée en 1884 à Fakarava, petite île des Tuamotu par ]51 ethnographe
H. Stolpe, traversant l'archipel à bord de la "Vanadis".
Cette photo est intéressante, car c'est l'unique document en notre
possession sur le type ancien primitif en usage dans cet atoll. Le
modèle décrit par Hornell, au premier tome de son ouvrage classique :
Canoes of Oceania p. 72-76 et fig. 53, est une imitation du type
tahitien récent.
dans
Mais
La coque de la pirogue de Fakarava a été creusée probablement
un tronc de tamanu, arbre qui pousse assez bien à Fakarava.
on
devine
un
travail hâtif et grossier. Il s'agit en effet
petite pirogue familiale destinée à la pêche quotidienne, qui
besoin d'être fignolée comme une pirogue de chef.
d'une
n'a pas
utilisé était irrégulier. La base, beaucoup plus grosse
recourbée, a été utilisée pour augmenter la capacité de transport. A
mon sens, il ne faut pas y voir d'autre signification. C'est sans doute
Le tronc
et
621
modification, purement accidentelle et individuelle, qui ne se
dans les autres pirogues de cette région.
L'arrière est plus fin, car il est taillé dans la partie la moins
grosse du tronc disponible.
La courbe supérieure du tronc a été corrigée par l'adjonction de
deux fargues longitudinales que l'on distingue bien à l'arrière. Elles
sont taillées de manière à s'adapter exactement sur les bords supé¬
rieurs de la pirogue, et sont attachées, très probablement par la
méthode "de part en part", avec des cordelettes de bourre de coco.
A chaque extrémité on peut noter une sorte de poignée destinée à
faciliter la mise à terre de la pirogue à chaque retour de pêche.
Le balancier est d'un type ancien, antérieur à l'introduction du
type tahitien.
Le balancier est à tribord, suivant la coutume ancienne des
Tuamotu, alors qu'il est à bâbord à Tahiti.
Les deux traverses de balancier sont égales, et le flotteur n'est
pas prolongé sur l'avant comme à Tahiti.
une
retrouve pas
Le mode d'attachement du flotteur est
assez
commune
aux
Tuamotu
:
une
variante d'une méthode
attachement direct par une branche
descendante
s'enfonçant dans le flotteur. La branche de la traverse
antérieure est renforcée par deux petits piquets formant arcs-boutants
en V renversé, et empêchant les mouvements longitudinaux du flotteur
au
contact des vagues.
Cette pirogue est une pirogue de lagon, elle n'est pas propre à la
en haute mer. Elle est propulsée à la pagaie ou à la perche.
Il est possible qu'elle, utilise une petite voile dans certaines
navigation
circonstances favorables. On voit, en effet, une petite planche trans¬
versale devant la première traverse, avec un trou destiné à recevoir
un
mât.
Quelle était la forme de voile utilisée sur ces petites pirogues ?
encore un mystère. Les renseignements que j'ai pu glaner dans
les auteurs anciens sont flous et contradictoires. Les uns parlent de
voile carrée, d'autres de voile triangulaire. Si quelque chercheur
pouvait élucider ce petit mystère je lui en saurais grand gré...
Une voilure d'inspiration européenne a remplacé depuis longtemps
l'ancien gréément oublié. Apparemment la pirogue était monodrôme.
C'est
On est
assez bien renseigné sur le gréement des anciennes piro¬
doubles des Tuamotu, mais pas du tout sur l'ancien gréement
primitif des pirogues à balancier de cet archipel.
gues
Jean B. NEYRET
622
Société des
Études
Océaniennes
COMPTE-RENDU
Material culture of the Tuamotu
archipelago
by Kenneth P. EMORY. Honolulu, Bishop Museum, 1975. XVI-253 p.,
ill., bibliogr., 27 cm. (Pacific Anthropological records, no. 22).
attendait depuis longtemps, a été rédigé par
d'après des observations qu'il avait faites en
1926, sur des objets des Tuamotu conservés dans les musées euro¬
péens et surtout d'après des notes recueillies sur le terrain au cours
de deux expéditions scientifiques, en 1929-1930 et en 1934.
Il faut remercier les collaborateurs du Dr. EMORY, au Bishop
Museum de Honolulu, et tous ceux qui l'ont aidé et encouragé de leur
amitié, à présenter ces documents au grand public.
Si grâce aux ethnologues, les Tuamotu ne nous sont pas incon¬
nues (il faut lire, de Bengt Danielsson : "Work and Life on Raaoia",
et de Paul Ottino "Rangiroa", ainsi que les livres consacrés par
K. P. EMORY, lui-même à cet archipel) elles étaient jusqu'à mainte¬
nant, en ce qui concerne la culture matérielle, terra incognita, même
pour les spécialistes. L'ouvrage de K. P. EMORY vient s'inscrire
dans la lignée des très belles monographies de Peter Buck, sur la vie
matérielle des Polynésiens et il faut savoir, qu'il serait actuellement
tout à fait impossible de recueillir sur place, les matériaux qui ont
servi à l'élaboration de "Materia/ Culture of the Tuamotu Archipelago".
Le livre en est d'autant plus précieux.
Dans l'introduction, l'auteur fait un bref panorama de la culture
aux Tuamotu, où une constante d'une île à l'autre, est la rareté des
réserves naturelles : rareté de l'eau potable et difficulté pour l'obte¬
nir, manque de variété dans la nourriture, les fruits du pandanus et le
coco étaient à peu près les seules ressources végétales, avec quel¬
ques minuscules taros cultivés à grand'peine.
Ce travail qu'on
Kenneth P. EMORY,
n'existaient que dàns les Tuamotu de
le chien et la tortue étaient des mets de luxe.
Le cochon et le poulet
l'ouest. Partout,
623
Société des
Études
Océaniennes
La religion ancienne des Tuamotu est plutôt mieux connue que
celle des autres archipels (voir K. P„ EMORY : "Tuamotuan stone
structures" et "Tuamotuan religions structures and ceremonies"
B. P. Bishop Museum Bulletin No. 118 et 191). Elle est fondée sur la
vénération des ancêtres déifiés et sur celle des principaux dieux du
Panthéon polynésien : Tangaroa, Tane, Tu, Rongo, etc. Les princi¬
pales cérémonies avaient lieu au marae.
Les atolls étaient occupés par différents groupes, les ngati, où
chacun pouvait remonter, par
structures
généalogie, à un ancêtre commun. Les
socio-politiques étaient caractérisées par l'importance du
droit d'aînesse.
Puis, en dix chapitres, l'auteur traite en détail des différents
aspects de la culture matérielle. Certains chapitres sont précédés
ou entrecoupés de chants ; cette initiative est très
louable, car elle
donne
un
aperçu sur la richesse d'une littérature orale mal
surtout dans sa forme vernaculaire.
L'auteur décrit la façon de faire le feu, de préparer la nourriture,
les ustensiles culinaires : plats en bois, pilons, etc.
Enfin, on nous
donne des informations précises, accompagnées de
photographies, sur
ces fameuses fosses à
taro, les maite, creusées assez profondément
pour rapprocher les cultures de la nappe phréatique. On apprend com¬
ment le gravier corallien était enlevé à l'aide de
pelles faites d'une
valve de nacre ou d'une écaille de tortue,
ligaturées à un manche en
bois, comment le sable était enrichi par des apports d'humus.
Nous sommes renseignés également sur la préparation
des diffé¬
rentes nourritures carnées : chien, cochon,
oiseaux, tortues, poissons,
coquillages, crustacés.
nous
connue,
Puis viennent des descriptions détaillées, toujours soutenues
par
le dessin et la photographie, de ces maisdns basses, permanentes ou
abris temporaires,
particulières aux atoll s déshérités des Tuamotu. Le
vocabulaire des différentes parties de la maison, souvent variable
selon les îles, est noté.
Dans
ces
îles de peu de ressources, la vannerie,
en feuilles de
durer ou au contraire pour être
jetée après usage, tenait une grande place : couvertures de
maisons,
nattes pour tous les usages et même
vêtements (ceintures cachesexe, jupes, ceintures pour la taille, capes, ponchos, vêtements de
pluie, sandales, coiffures), étaient en vannerie plus ou moins fine,
plus ou moins élaborée. Un procédé de tissage, des fibres obtenues à
partir des racines aériennes du pandanus, est à rapprocher d'une
méthode similaire pratiquée par les Maori de la Nouvelle-Zélande
pour
la confection de leurs manteaux.
cocotiers
et de
pandanus, faite
pour
624
Société des
Études
Océaniennes
Les ornements traditionnels n'étaient plus portés par les habi¬
tants des Tuamotu lors des visites
d'EMORY, mais l'auteur
a pu re¬
trouver dans la littérature ancienne et dans les musées des ornements
provenant de cet archipel, en particulier des colliers faits d'une
tresse de cheveux et de plusieurs coquilles de nacre percées, et des
parures
Le
d'oreilles
tatouage,
en
plumes.
compliqué, était surtout pratiqué dans les
assez
Tuamotu de l'ouest.
On
ne pouvait pas attendre moins, du spécialiste en outillage
lithique qu'est K. P. EMORY, qu'une très bonne description des
herminettes, en basalte ou en tricdane, avec une classification précise
des différents types. Les herminettes et les ciseaux en coquillages
étaient particuliers aux Tuamotu de l'Est d'où on ne pouvait se procu¬
rer
facilement les herminettes
en
basalte
venues
des îles hautes.
La partie du chapitre V,
consacrée aux herminettes emmanchées
parti cul ièrement intéressante, parce que ces objets sont relative¬
ment rares dans les musées, et particulièrement difficiles à localiser.
Les illustrations d'EMORY pourront désormais servir de références
pour la forme des manches et le mode d'emmanchement des différents
types d'herminettes.
Kenneth EMORY a eu la chance de pouvoir assister, à REAO, à
une
démonstration d'exercices guerriers montrant comment étaient
utilisées les lances à une ou à double pointes. Il décrit également les
autres armes : massues en bois, objets divers rendus coupants par
des dents de requin ligaturées ou une mâchoire de poisson, frondes,
est
bolas.
Un chapitre essentiel est celui
Ces
qu'EMORY
consacre aux
pirogues.
embarcations prennent une grande importance quand on sait
qu'elles sont les derniers témoins matériels de la manière polyné¬
sienne d'assembler par "couture" les différentes planches constituant
la coque.
Les différents outils nécessaires à la fabrication des
pirogues
sont passés en revue : ciseaux, perçoirs à pompe, rapes en peau de
raie ou de requin, leviers en forme de Y pour serrer les cordes servant
à ligaturer les planches entre elles, maillets et poinçons à calfater,
etc. La terminologie des différentes parties de la pirogue selon les
îles, est présentée dans un tableau (p. 142-143). Puis avec une des¬
cription des techniques de construction, vient une analyse des diffé¬
rents types de pirogues (à NAPUKA, TATAKOTO, REAO et PUKARUA, dans l'aire de VAITAHI, à TUREIA, FANGATAU, etc.) qui
complète l'étude de Hornell dans Haddon A. C. et James Hornell :
Canoës of Oceania, 1936.
625
Société des
Études
Océaniennes
Le chapitre se termine par la
description des différents modèles
de pagaies et d'écopes.
Avant que ne se développent aux Tuamotu les activités commet
ciales liées à la préparation du coprah et à la "plonge" de la nacre,
pêche quotidienne était à peu près l'unique moyen de subsistance.
principales méthodes de pêche : à la main, à la
foëne, à la torche, au filet de type trouble ou épuisette, au piège, au
poisson, etc. Les différents types d'hameçons sont étudiés à partir
des pièces observées dans les musées ou trouvées sur place.
Il faut remarquer ici l'importance de l'apport personnel de Ken¬
neth EMORY à la suite de ses enquêtes sur le terrain : il cite le nom
vernaculaire de la plupart des types d'hameçons et surtout, pour la
première fois depuis Seurat, on trouve dans ce chapitre une tentative
pour retrouver avec quel type d'hameçons on péchait tel ou tel pois¬
son. Il était particulièrement important de faire cette recherche aux
Tuamotu où les hameçons traditionnels ont été fabriqués beaucoup
plus longtemps que dans les autres archipels de la Polynésie orien¬
tale. A ce propos, on aurait souhaité que l'auteur nous dise, à quelle
date, selon lui, les pêcheurs des Tuamotu de l'Est ont cessé de fa¬
briquer des hameçons simples en nacre.
Il faut remarquer au passage l'originalité des hameçons composés
pour la pêche des murènes (voir p. 205).
Signalons également en passant qu'on ne peut plus être d'accord
avec EMORY lorsqu'il écrit que les plombées en pierre en "grain de
café" pour les leurres à pieuvre ont été apportés par les Hawaïens
aux temps post-européens : trop de ces objets ont été trouvés ces
la
EMORY décrit les
dernières années dans des lieux divers des îles de la Société pour
qu'on
ne
puisse
pas au
moins émettre l'hypothèse qu'il s'agit d'une
à celles des îles Marquises
forme autochtone semblable et parallèle
et Hawaï.
Le livre
aux
se
termine par la description des méthodes de chasse
oiseaux de mer, puis par les objets
utilisés
pour
les jeux, les
sports et les loisirs.
"Material culture of the Tuamotu Archi¬
pelago" deviendra rapidement un manuel fort utilisé par tous ceux
qui s'intéressent de près ou de loin aux objets polynésiens et à leurs
Il fait peu de doute que
fonctions.
Anne
LAVONDÈS
626
Société des
Études
Océaniennes
Le Bulletin
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Société des
Études
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 196