B98735210103_190-191.pdf
- Texte
-
BULLETIN
de la Société
des Etudes Océaniennes
TOME XVI
N°3et4 / NUMEROS 190et191 / MARS et JUIN 1975
1728-1779
CONSEIL
D'ADMINISTRATION
M. Henri JACQUIER
Président
M. Yves MALARDE
Vice-Président
Mlle Janine LAGUESSE
M. Paul MOORGAT
Secrétaire
Trésorier
ASSESSEURS
M.
Adolphe AGNIERAY
M. Rudolph BAMBRIDGE
M. Eric LEQUERRE
Me Jean SOLARI
M. Raoul TESSIER
M. Temarii TEAI
M. Maco TEVANE
MEMBRES
D'HONNEUR
M. BERTRAND JAUNEZ
R. P. PATRICK O'REILLY
M. GEORGES BAILLY
Pour être Membre de la Société
se
faire
présenter
par un
membre titulaire.
Bibliothèque
Le
Conseil d'Administration informe
ses
membres
qu'ils
à domicile certains livres de la Bibliothèque
en signant une reconnaissance de dette au cas où ils ne ren¬
draient pas le livre emprunté à la date fixée. Les autres peu¬
peuvent emporter
vent
être consultés dans la Salle de lecture du Musée.
La
Bibliothèque et la salle de lecture sont ouvertes aux
jours, de 14 à 17 heures, sauf
membres de la Société tous les
le Dimanche.
Mu sée
Le Musée est ouvert tous les
14 à 17 heures.
jours, sauf le dimanche de
BULLETIN
DE LA
SOCIETE DES ETUDES OCEANIENNES
(POLYNESIE ORIENTALE)
(No. 3 et 4)
TOME XVI
No. 190 ET 191
-
MARS ET JUIN 1975
SOMMAIRE
Vie
économique
Origine géographique de la production des fruits et légumes vendue
sur le Marché de Papeete - 1974 - 1975 par Jean-Marie Cambacèrès et
Claude Robin eau.
Hi stoi
re
La découverte de la Nouvelle-Calédonie
(Septembre 1774)
sier.
461
Société des
Études
Océaniennes
par
G. Pi-
462
Société des
Études Océaniennes
Jean-Marie CAMBACERES (1)
Claude ROBINEAU (2)
ORIGINE GEOGRAPHIQUE
DE LA PRODUCTION DES FRUITS ET LEGUMES
VENDUE SUR LE MARCHE DE PAPEETE
1974
-
1975
(1) Service de l'Economie Rurale de la Polynésie Française
(2) Centre ORSTOM de Papeete
463
Société des
Études
Océaniennes
'
?:l;
-,
•
464
Société des
Études
Océaniennes
La présente note résulte d'une enquête entreprise conjointement
J.-M. Cambacérès Ingénieur au Service de l'Economie rurale et
Cl. Robineau Directeur de Recherches à l'ORSTOM sur le marché de
Papeete en août-septembre 1974 et janvier-février 1975.
Cette enquête s'inscrit dans le cadre d'ensemble d'une étude du
marché (1) et fait suite à une enquête identique sur l'origine des pro¬
duits vendus effectuée en 1968-1969.
par
Polynésie française atransfert de la montagne vers la
plaine de la production maraîchère et en particulier le délogement de
cette production des pentes qu'elle occupait depuis des décennies
Le Vie Plan économique et social de la
vait parmi ses objectifs agricoles le
dans les districts urbains. Un des résultats de l'étude est de souli¬
gner
ville
le déplacement de cette production des communes proches de la
vers les communes rurales de la Côte Sud de Tahiti-nui et de la
Presqu'île.
Pour
cédé
sur
ce
faire et
en
s'inspirant de l'enquête 1968-1969,
on a pro¬
des bases identiques à une recension exhaustive de
l'origi¬
produits entrés sur le carreau du Marché municipal, ce, durant
deux mois, puis dans chacune des deux saison sèche et humide du
climat tahitien qui conditionne le rythme de la production végétale.
Les résultats de la présente enquête exprimée en chiffres abso¬
ne
des
lus sont les suivants
:
Résultats de
l'enquête 1974-1975
Enquête (2 mois)
Produits
Entrées totales
année 1973
Tubercules et féculents
70,340 t
546,221 t
Légumes
83,817
968,084
119,711
2652,947
Fruits
Un des premiers
résultats est de montrer la prééminence de Ta¬
hiti dans l'approvisionnement
du Marché.
(1) ROBINEAU CL, 1975, Papeete, premier
marché de Tahiti, Paris,
ORSTOM, Travaux et Documents, sous presse.
465
Société des
Études
Océaniennes
MARCHE
DE
PAPEETE
GEOGRAPHIQUE
ORIGINE
DES
AUSTRALES
TUBERCULES
AUSTRALES
LEGUMES
FRUITS
466
Société des
Études
Océaniennes
APPORTS
Origine géographique par
ORIGINE
Tubercul es
et
féculents
archipel
Légumes
Fruits
74,3 %
1,7
88,2
Iles du Vent ( Moorea, Maiao
(
Total
47,48
27,38
76
88,2
74,86
Iles Sous le Vent
22,46
11,65
25,13
1,54
0,15
0,01
( Tahiti
Australes
100
100
100
Ensemble
végétale vendue sur le Marché ne vient des
archipels (Tuamotu-Gambier ou Marquises). La production de
légumes des Australes très faible (80 t) est dirigée comme on le sait
sur le marché de Pirae sauf retour possible de ce marché sur Papeete.
Dans la production des îles Sous le Vent qui aboutit au marché, celle
venant de Huahine représente la plus forte part due aux cultures im¬
portantes de taro, pastèques et melons, Raiatea-Tahaa envoyent no¬
tamment un peu de taro et des citrons. Quant à Moorea, la totalité de
la production d'ananas enregistrée sur le marché en provientAucune production
autres
La suite des présentes remarques concerne
exclusivement l'île
de Tahiti.
ANALYSE
Tubercules
et
féculents
plus fort district approvisionnant le marché est Papara (22 %
faible Mahaena (0,7 %) ; les autres districts les
plus importants sont Mataiea (12 %) et Afaahiti (11 %) suivis de Tautira et Papeari (9 %), Pueu (6 %) et Tuahotu (5 %) ; on obtient une
zone concentrant 73 % des apports de tubercules et localisée à la
Côte Sud de Tahiti-nui, à l'isthme et à la Côte Nord de la presqu'île.
Le
de Tahiti), le plus
467
Société des
Études
Océaniennes
MARCHE
ORIGINE
PAPEETE
DE
GEOGRAPHIQUE
DES
TUBERCULES
WPS?
4fy
468
Société des
Études
Océaniennes
APPORTS
PDAEET
MARCHE
ADGPEOORARPHTSIQSU
ORIGNE
3k2m
1
0
que
En ce qui concerne le taro, Mataiea et Papeari représente pres¬
la moitié de la production (48 %). Avec Papara et Teahupoo (18 %
et 10 %
localisé
respectivement), l'essentiel de la production (75 %) apparaît
sur les Côtes Sud de Tahiti-nui et de la presqu'île.
patates douces en revanche sont concentrées sur deux
Papara (42 %), Afaahiti (27 %).
Les
pôles
:
Légumes
1
es
Papara est le district le plus important (35 %), les
apports sont quasi inexistants étant Faaone et Pueu.
En dehors de
districts où
Papara, les principaux districts apporteurs sont A(13 %), Paea (11 %) et Mataiea (7 %).
faahiti (22 %), Faaa
Ces résultats prennent tout
leur
sens en
les comparant à ceux de
l'enquête 1968-1969 précitée.
Les diverses productions
ment des mêmes districts et
rer comme une
Choux
verts
certaine
:
maraîchères
l'on observe
ne
proviennent pas égale¬
l'on pourrait considé¬
ce que
spécialisation.
Papara
44%
F aaa
20 %
Paea
11 %
Mataiea
8 %
Tuahotu
7 %
L'ensemble allant de Paea à Mataiea représente 63 %.
Concombres
:
Afaahiti
55 %
Papara
22 %
9 %
6 %
Mataiea
Faaa
Salades
:
Papara
49 %
Paea
16 %
Faaa
12%
Mataiea
Ensemble de Paea à Mataiea
Tomates
:
11 %
:
76 %
Papara et Afaahiti 37%
Paea
9 %
F aaa
7 %
470
Société des
Études
Océaniennes
Concombres et tomates se trouvent concentrés sur Papara et Afaahiti. Pour le reste, on observe autour de Papara une zone qui
englobe les deux districts voisins de Paea et Mataiea.
471
Société des
Études
Océaniennes
EPATPE
APORTS
DES
32km
1
0
QUE
TS
Fruits
S'agissant de cueillette (puisque l'enquête porte sur Tahiti et
la production trop momentanée des agrumes, en juinjuillet) les apports de fruits se répartissent à peu près sur tous les
districts avec cependant une légère concentration à Papara, Paea,
Mataiea (38 %) et (à cause des mangues) Mahina (15 % ; 40 % des
mangues).
n'a pu saisir
COMPARAISON AVEC 1968-1969
:
UNE MIGRATION DE LA CULTURE
Les
vendus
résultats de l'enquête concernant l'origine des produits
Marché de Papeete en 1968 (1) permet de faire une com¬
au
paraison
avec ceux
de l'enquête actuelle.
Tubercules et féculents
Si les extrêmes restent les mêmes
avec
sensiblement des
pour¬
centages identiques (Papara : 22,07 % en 1968, 21,85 % en 1974 ;
Mahaena : 0 % en 1968, 0,66 % en 1974), d'importantes modifications
enregistrées par ailleurs : de fortes baisses se sont produites
dans les districts de Punaauia (1,72 % en 1974 contre 11,16 % en
sont
1968), Paea (3,76 % contre 11,66 %) et Papeari (8,55 % contre
21,27 %) ; de fortes hausses ont été enregistrées dans les districts de
Mataiea (12,30 % contre 6,51 %), Afaahiti (10,52 % contre 0,02 %),
Tautira (8,90 % contre 3,66 %) et Pueu (5,86 % contre 2,03 %).
Malgré
et féculents
ces
a
variations, l'origine des productions des tubercules
que celle des légumes.
beaucoup moins changé
Cultures maraîchères
L'origine géographique de la production de légumes a totalement
changé de 1968 à 1974. Elle peut se résumer à deux grands phéno¬
mènes
—
:
diffusion de la culture maraîchère à tous les districts
glissement des cultures de Papeete, Faaa, Punaauia vers
Paea, Papara, Afaahiti.
—
473
Société des
Études
Océaniennes
Diffusion de la cultu
-
re
maraîchère.
La culture maraîchère était concentrée
sur
7 districts
en
1968,
dont 5 urbains
(Papeete, Faaa, Punaauia, Paea, Arue) représentaient
87,27 % de la production, les 2 autres (Papara, Mataiea) bien que
situés en zone/rurale ne représentant que 12,73 % de la production.
Aujourd'hui, on peut affirmer que tous les 21 districts de Tahiti
(aujourd'hui communes ou sections de communes) sont touchés par
les cultures maraîchères, bien que certains ne le soient que très
faiblement (Pueu, Faaone, Hitiaa et Mahina ne représentent à eux
quatre que 0,09 % de la production).
-
Glissement des principaux centres
de production.
Les deux principaux centres de production en 1968 étaient Faaa
(39,52 %) et Punaauia (20,92 %) ; actuellement les deux centres prin¬
cipaux sont Papara (34,63 %) et Afaahiti (22,48 %). La zone urbaine
(Arue, Pirae, Papeete, Faaa, Punaauia, Paea) produisait 87,27 % en
1968 ; elle ne produit plus actuellement que 30,88 %.
Papeari, Afaahiti)
12,73 % des approvisionnements, fournit à
En revanche, la zone rurale (Papara, Mataiea,
qui ne fournissait
présent 66,01 %.
que
de production met en évidence la ré¬
menée par le Service de l'Economie rurale de¬
puis le début du Vlè Plan, à savoir : remplacer la culture maraîchère
de pente installée sur les collines de la zone urbaine par une culture
maraichère en plaine.
Cette inversion des
zones
ussite de la politique
Cette constatation corrobore les résultats obtenus
au
niveau de
la production totale de légumes (2) :
Cultures
en
montagne
Cultures
en
plaine et hydroponiques
Total Tahiti
1971
1974
1980 t
1 270 t
622
1 288
2 602
2 559
474
Société des
Études
Océaniennes
Fruits
distribue
enquêtes,
en dépit des variations qu'elle fait apparaître souligne certaines per¬
manences. Toutefois, la multiplicité des fruits, la localisation très
étroite de certaines espèces, et à certaines périodes de l'année, et à
certains districts rend difficile la comparaison du fait qu'à la diffé¬
rence de l'enquête 1968-1969 qui a duré douze mois, celle de 1974En 1968
comme
en
1974, la production des fruits
se
dans toutes les parties de Tahiti. La comparaison des deux
1975 n'a porté que sur deux.
En 1974
comme en
les Communes de
nui
avec
la
1968, les
gros
producteurs de fruits demeurent
sur la Côte Sud de TahitiMahina, Arue, Papeete, Faaa,
Papara et de Teva-i-uta
zone
urbaine notamment
Punaauia et Paea.
Claude ROBINEAU
Jean-Marie CAMBACERES
Claude, 1975, Papeete, premier marché de Tahiti.
socio-économique, Paris, ORSTOM, Travaux et Documents
presse).
(1) ROBINEAU
Etude
(
sous
(2) CAMBACERES
Jean-Marie,
1972,
Statistiques agricoles de la
Polynésie française, 1974, Bulletin de statistiques agricoles.
No. 3, Service de l'économie rurale.
475
Société des
ÉtndéS
Océaniennes
,
476
Société des
Études
Océaniennes
•
LA DECOUVERTE DE LA NOUVELLE-CALEDONIE
(SEPTEMBRE 1774)
Quoique les articles de notre bulletin soient en principe dédiés
uniquement à la Polynésie, il nous a paru intéressant d'offrir à nos
lecteurs
la traduction du récit de la découverte de la NouvelleCalédonie extraite de la relation du second voyage de Cook. Ceci
permet également de rendre hommage à
qui Tahiti doit une partie de sa renommée.
nous
ce
grand navigateur à
LIMINAIRE
NOTE
Le récit du second voyage du Capitaine COOK, au cours duquel
il découvrit la Nouvelle-Calédonie (septembre 1774) a été traduit en
français à Paris, en 1778. L'ouvrage, qui comporte cinq volumes, n'a
été réédité que deux fois, à Lausanne en 1796 et à Paris en 1829. Il
est donc devenu rarissime : on ne le trouve que dans certaines bi¬
bliothèques publiques
ou
privées
;
il
ne
figure
pas
à la bibliothèque
Bernheim à Nouméa.
Au surplus, cette traduction de 1778 est
incomplète, imparfaite
mauvais mélange du récit de COOK et
de celui du naturaliste allemand George FORSTER. Elle n'est ac¬
compagnée que d'une carte et de quelques illustrations.
et souvent
infidèle
Les lecteurs
niens, n'ont donc
sur
:
c'est
un
français, et en particulier les lecteurs néo-calédo¬
aucune possibilité de se documenter sérieusement
les circonstances exactes de la découverte de l'île.
C'est pour combler cette lacune que la Société d'Etudes Histo¬
riques de la Nouvelle-Calédonie a chargé M. PISIER, qui est à la fois
un de ses membres et un de nos sociétaires, de
rechercher, présenter,
traduire et annoter, à l'occasion du bicentenaire de la découverte de
l'île (septembre 1974), les principaux documents anglais sur la ques¬
tion.
Un grand nombre de ces documents -manuscrits, imprimés, ico¬
nographiques, cartographiques- sont inédits. Ils ont fait l'objet d'un
livre de 230 pages qui a paru à Nouméa en juin 1974. Son auteur,
notre sociétaire, M. PISIER, a bien voulu nous en donner un condensé.
477
Société des
Études
Océaniennes
LES CIRCONSTANCES DE LA DECOUVERTE
C'est au cours de son deuxième voyage
circumpacifique (17721775) que, le 4 septembre 1774, le navigateur anglais James COOK
découvrit la Nouvelle-Calédonie. A cette date il navigue
depuis deux
ans. Il a exécuté ponctuellement les instructions de
l'Amirauté an¬
glaise, à savoir :
1°) profiter des mois de l'été austral (novembre à mars) pour
s'avancer le plus possible vers le pôle Sud à la recherche de l'hypo¬
thétique continent austral (sa mission principale) et 2°) utiliser les
mois de l'hiver austral (avril à octobre) pour parfaire, et si possible
compléter, la connaissance des fies tropicales. C'est ainsi que
COOK a, une première fois, exploré l'antarctique (secteur de l'O¬
céan Indien) pendant l'été 72-73, puis il est remonté vers les basses
latitudes et a parcouru les fies polynésiennes. Il a, une seconde
fois, navigué au bord de la banquise antarctique (secteur du Pacifi¬
que) pendant l'été austral 73-74, puis est remonté vers la Polynésie.
Il y est remonté un peu plus tôt que l'année précédente car il a une
arrière-pensée : pousser vers l'Ouest de la Polynésie afin de complé¬
ter la connaissance des Nouvelles-Hébrides dont la
partie Nord (San¬
to) a été touchée par QUIROS en 1605 et traversée par BOUGAIN¬
VILLE en 1768 et de là, regagner sa base de Nouvelle-Zélande en
parcourant une vaste étendue marine de plus de 1.200 milles nauti¬
ques, totalement inconnue. Ce programme il l'a réalisé point par
point : il a quitté les fies Tonga fin juin et touché le Nord des Nou¬
velles-Hébrides le 17 juillet De cette date jusqu'au début septembre
Ï1 accomplit cette remarquable campagne
hydrographique des Hébrides
qui reste un chef-d'oeuvre et qui rappelle, à une échelle plus modeste,
l'exploration de la Nouvelle-Zélande effectuée au cours du premier
voyage (1768-1771). La campagne achevée, il décide de naviguer au
Sud vers la Nouvelle-Zélande. Dans une lettre à l'Amirauté expédiée
du Cap le 22 mars 1775 (1) il écrira : "l'exploration de ces fies (les
Nouvelles Hébrides) terminant tout ce que je me proposais de faire
sous les tropiques, en
conséquence, je courus vers le Sud dans l'in¬
tention de faire relâche en Nouvelle-Zélande, mais, le 4
septembre, à
la latitude de 20°, je "tombai" (fell in) sur un grand
pays que j'ap¬
pelai la Nouvelle-Calédonie..." Cette indication est confirmée par
son journal de voyage à la date du premier
septembre 1774. Elle sou¬
ligne que COOK a découvert la Nouvelle-Calédonie sans s'y atten¬
dre. Et il est important d'ouvrir à ce sujet une large parenthèse.
(1) Lettre de COOK à l'Amiralty Secretary, Adm.
Record Office, Londres.
478
Société des
Études
Océaniennes
1/1610, Public
1
Depuis près de deux cents ans, les auteurs français répètent à
BOUGAINVILLE a "pressenti" la Nouvelle-Calédonie et
que COOK écrivit que le récit du navigateur français le guida, en
1774, vers cette île inconnue. De l'avis unanime, c'est donc un fran¬
çais qui serait "l'inventeur" de la Nouvelle-Calédonie. L'affirmation
n'est mise en doute par personne, même par des historiens de la
marine, voire des amiraux !
l'envie que
Or, c'est une erreur manifeste. On pourrait penser qu'elle procède
de l'esprit cocardier des français, heureux de penser que c'est un de
leurs compatriotes qui orienta le navigateur anglais vers
cette terre
française. Mais, en l'occurrence, si les français s'emparèrent volon¬
tiers de l'erreur, elle ne leur est pas
imputable. C'est un Allemand
qui la commit, le jeune naturaliste George FORSTER, embarqué avec
son père à bord de la
Résolution, le vaisseau de COOK. Dans sa
relation du second voyage de COOK et à l'occasion de la découverte
de la Nouvelle-Calédonie, George FORSTER écrivit en effet : "M. de
BOUGAINVILLE fait observer qu'il rencontra une mer entièrement
calme et que plusieurs pièces de bois et de fruits flottants
passèrent
son vaisseau : c'était à peu près au Nord-Ouest de la terre
que nous découvrions maintenant et que cet habile et intelligent na¬
le long de
vigateur avait conjecturé devoir être dans cette direction."
Un
an
après,
en
1778, les Français firent paraître
une
traduction
du deuxième voyage de COOK qui est, comme on l'a vu, la seule tra¬
duction parue jusqu'à ce jour en France. Or, cette traduction est un
mélange, une mixture de COOK et de FORSTER et le texte de l'un ne
se distingue du texte de l'autre que par de discrets guillemets. Les
guillemets ont même disparu dans l'édition de 1829. Les lecteurs
français confondirent les deux textes et attribuèrent à COOK la phra¬
se de FORSTER citée plus haut. C'est donc de cette confusion que
date la légende qui veut que COOK ait affirmé que BOUGAINVILLE
avait conjecturé l'existence de la Nouvelle-Calédonie et par consé¬
quent l'avait orienté vers la Grande Terre. La première erreur consis¬
te donc à attribuer à COOK ce qui revient à FORSTER.
si FORSTER avait dit vrai. Mais c'est
magistrale et l'on s'étonne que des historiens de la marine,
souvent des marins, ne s'en soient pas aperçus par le simple examen
Ce
ne
serait pas si grave
une erreur
de la carte de BOUGAINVILLE. Il suffit
données nautiques
de
ce
dernier
pour se
en
effet de vérifier les
convaincre qu'il n'a
479
Société des
Études
Océaniennes
coor¬
pas eu
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C/1
n
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©
C/3
la possibilité de pressentir la Calédonie. Il en était bien trop éloigné.
Son récit et la carte qui l'accompagne (2) ne permettent aucun doute à
sujet. BOUGAINVILLE déclare avoir cessé de voir la terre au Nord des Hébrides - le 29 mai 1768 et avoir
constamment fait route à l'Ouest, en suivant le 15ème degré de lati¬
tude Sud, vers l'Australie, avec un vent d'Est et de Sud Est "très
frais". Dans la nuit du 4 au 5 juin, soit près de huit jours après son
départ des Hébrides, il aperçut devant lui "un petit Dot de sable qui
s'élève à peine au-dessus de l'eau". Il le nomma la "bature de
Diane". Elle est située à 149° 50' de longitude Est. Après cette
découverte BOUGAINVILLE continue à courir prudemment vers
l'Ouest jusqu'au 6 juin après-midi où il se heurta à une chaîne de
récifs et de brisants s'étendant sur plusieurs milles. Ces récifs por¬
tent depuis lors, sur la carte, le nom de "récifs BOUGAINVILLE".
Us sont situés à 15 degrés de latitude Sud et à environ 146 degrés de
longitude Est, c'est-à-dire près de la Grande Barrière australienne,
dans le renfoncement que forme le continent australien à l'extrême
Nord du Queensland. Après les avoir reconnus longuement, BOUGAIN¬
VILLE décida le 7 juin au matin d'infléchir sa route vers le Nord
c'est-à-dire vers la Nouvelle-Guinée. C'est à ce moment qu'il écrit
(page 257) : "la rencontre consécutive de ces brisants vus depuis
trois jours, ces troncs d'arbres, ces fruits, ces goémons que nous
trouvions à chaque instant, la tranquillité de la mer, la direction des
courants, tout nous a suffisamment indiqué les approches d'une gran¬
de terre et que même elle nous environnait déjà dans le Sud-Est.
Cette terre n'est autre que la côte orientale de la Nouvelle-Hollande"
(nom que l'on donnait alors à l'Australie).
ce
c'est-à-dire Santo,
Le récit de BOUGAINVILLE et
équivoque
il n'a, à
sa
position
ne
prêtent donc à
moment, pu soupçonner l'existence
de la Nouvelle-Calédonie. La grande De se trouvait effectivement
dans son Sud-Est mais à environ 1000 milles nautiques à vol d'oiseau,
soit à environ 1852 kilomètres, soit à une distance largement supé¬
rieure à celle qui sépare Nouméa de Brisbane !
aucune
:
aucun
On se perd en conjectures sur l'erreur grossière qu'a commise
George FORSTER. Et l'on s'en étonne d'autant plus qu'il connaissait
bien le récit de BOUGAINVILLE puisque c'est son père qui l'avait
(2) BOUGAINVILLE, Louis Antoine, Comte de - Voyage autour du
monde par la frégate du Roi la Boudeuse et la flûte l'Etoile en
1766, 1767, 1768, 1769, Paris, Saillant et Nyon, 1771.
481
Société des
Études
Océaniennes
traduit
en anglais en 1772 et que ce récit figurait dans la bibliothèque
de la Résolution. Les Anglais ont souvent écrit - et COOK l'a laissé
entendre dans son récit - que les FORSTERS n'étaient pas des sa¬
vants sérieux. Ils avaient
sans
doute raison. En tout état de cause
les Français doivent se résigner à l'idée que COOK n'eut pas besoin
de BOUGAINVILLE pour découvrir la Nouvelle-Calédonie. C'est par
hasard qu'il la rencontra sur son chemin en regagnant la NouvelleZélande.
Mais avant de passer au récit même de cette découverte, il est
nécessaire de décrire maintenant le bateau que commandait COOK et
les hommes qui s'y trouvaient.
LE BATEAU
Plusieurs auteurs, et non des moindres, ont écrit que COOK
commandait les deux navires de l'expédition, la Résolution et 1'Ad¬
venture, lorsqu'il toucha les côtes calédoniennes. C'est une erreur (3)
COOK avait été séparé de 1'Adventure au cours d'une tempête au large
de la Nouvelle-Zélande en fin octobre 1773. Il ne la retrouva qu'en
Angleterre en 1775. C'est donc un seul navire, la Résolution,
virent apparaître les naturels de Balade le 4 septembre 1774.
C'était
un
que
superbe trois-mâts, dont COOK ne cessa de vanter les
qualités et qu'il utilisa d'ailleurs à nouveau pour son
troisième
voya¬
C'est lui-même qui l'avait choisi parce qu'il avait été construit à
Whitby, en Angleterre, par les ateliers Fishburn, d'où était sorti
l'Endeavour, le vaisseau du premier voyage. Il était d'ailleurs du
même type que l'Endeavour, quoique plus grand, et présentait les
mêmes caractéristiques, indispensables aux yeux de COOK : il était
ge.
d'une grande contenance et permettait de stocker un volume important
de provisions ; son tirant d'eau était faible ; on pouvait le caréner
facilement
ge ;
en le couchant simplement sur un bord, le long d'une pla¬
enfin il était très manoeuvrier et cette qualité essentielle, on le
(3) Depuis deux cents ans la plupart des auteurs
ou
journalistes, commettent
en
général quatre
français, écrivains
erreurs lorsqu'ils
traitent de la découverte de la Nouvelle-Calédonie par COOK
:
été guidé par BOUGAINVILLE (voir supra) - 2) COOK
commande la Résolution et 1'Adventure - 3) COOK a abordé l'Ile
des Pins - 4) COOK a abordé l'îlot Améré avant de contourner
1) COOK
a
l'Ile des Pins.
482
Société des
Études Océaniennes
1
-
La Résolution dans les "Downs" (la rade
au large de Deal dans le Sud
l'Angleterre), d'après la très belle peinture à l'huile exécutée par le
peintre anglais Francis HOLMAN le 26 et le 27 juin 1772, soit peu de
temps avant le départ du second voyage. L'original de cette peinture se
trouve à la Bibliothèque D1XS0N à Sydney. C'est de la dunette en haut
de
du mât central
que
le midship COLNETT aperçut la Nouvelle-Calédonie
remarque nettement à l'avant du navire la figure
le 4 septembre 1774. On
de proue
2
-
qui est reproduite ci-dessous.
Figure de proue de la Résolution, conservée au Dominion Museum à
Wellington (Nouvelle-Zélande). Cette tête sculptée d'animal (un chien ?
un loup ? un cheval marin ?) dut intriguer considérablement les indigènes
de Balade. Peut-être crurent-ils à une représentation totémique.
483
Société des
Études
Océaniennes
2
3
3
-
vue de l'arrière. Très belle aquarelle du midship Henry
ROBERTS, exécutée a l'âge de 15 ans (original en couleurs à la Biblio¬
thèque MITCHELL, Sydney). Tel dut apparaître le vaisseau de COOK
aux indigènes montés sur des pirogues doubles qui le suivirent jusqu'à
son mouillage sous le vent de l'îlot Poudioué à Balade.
La Résolution
484
permettra à COOK de se tirer de très mauvais pas, notamment
Grand Récif Sud de la Calédonie. Ce navire avait été construit en
verra,
au
1770 et il était par
conséquent récent. Il mesurait à la flottaison en¬
viron 35 mètres mais faisait près de 45 mètres du gaillard d'arrière à
l'extrémité du bout dehors de clin foc ; sa largeur maxima était de
mètres. La hauteur du plus grand
mâts de hune et de perroquet, dé¬
passait 40 mètres. Il jaugeait 462 tonneaux. Enfin, il était armé de
12 canons. Il avait fière allure ainsi qu'on pourra s'en rendre compte
au vu des tableaux de Francis HOLMAN et du midship ROBERTS, qui
illustrent ce récit et dont hélas on ne peut reproduire les couleurs.
9
m
50 et
son
tirant d'eau de quatre
mât (le mât central), y compris les
LES HOMMES
la "ship's
91 marins, 21 soldats ("marines") et 7 passagers civils.
119 hommes sont à bord de la Résolution et composent
company"
:
(officiers, sous-officiers et gabiers) ont tous été choi¬
COOK lui-même. Il fallait des hommes
d'une trempe exceptionnelle pour faire face aux difficultés, aux dan¬
gers et aux privations d'une longue campagne sur un grand trois-mâts.
COOK, si avare de compliments, fera toujours l'éloge de son équipage.
Seize d'entre eux ont d'ailleurs déjà fait campagne avec lui au cours
de son premier voyage.
Au-dessus de tous il faut citer, bien sûr, le capitaine COOK luimême : Sa figure est trop connue pour qu'on insiste. Il convient ce¬
pendant de rappeler succinctement qu'il a 46 ans, qu'il est grand
(1 m 82), svelte et robuste, que c'est le fils d'un simple journalier
qui a débuté comme matelot et s'est rapidement imposé grâce à son
travail et à ses aptitudes. Il a appris tout seul les mathématiques et
l'astronomie et a fait preuve de dons extraordinaires de navigateur et
d'hydrographe. Il a bien d'autres qualités, qui complètent le portrait
de l'homme. Elles ont été gravées sur le mémorial qui lui est dédié à
Vache Park dans le Buckinghamshire et dont voici la traduction :
"... il possédait au plus haut point les qualités requises pour son
métier et les dons nécessaires aux grandes entreprises, alliés aux
hautes vertus des hommes les plus éminents. Lucide et réfléchi dans
ses jugements, intelligent et sagace dans ses décisions, diligent et
vif dans l'action, persévérant, d'une prudence constante, infatigable
au travail, inébranlable dans les difficultés, impassible devant les
déceptions, ingénieux et inventif, toujours maître de lui et apte à
appréhender et dominer toutes les situations avec sang froid". Si l'on
Les marins
sis
avec
soin par le capitaine
485
Société des
Études
Océaniennes
ajoute qu'il était taciturne, sobre et très humain - tant avec ses su¬
bordonnés qu'avec les naturels des pays visités - on aura dans un
raccourci assez complet le portrait de l'homme qui découvrit la
déjà célèbre par son premier
circumpacifique (1768-1771) au cours duquel, outre ses esca¬
les polynésiennes, il fit l'hydrographie complète de la Nouvelle-
Nouvelle-Calédonie. A cette date il est
voyage
Zélande et de la côte Est de l'Australie.
côtés quatre excellents officiers - Le premier lieute¬
COOPER, compétent et expérimenté (il devint contre-amiral) Le deuxième lieutenant CLERKE, qui participa aux trois voyages de
COOK et mourut en mer, de phtisie, au cours du troisième ; bon offi¬
Il
a
à
ses
nant
cier et bon écrivain,
ainsi qu'on le
verra
d'après l'extrait de
son
Journal de Voyage - Le troisième lieutenant PICKERSGILL, qui ve¬
nait aussi de l'Endeavour et qui était spécialiste des expéditions sur
les petites embarcations : c'est lui qui dirigea l'expédition de
bio. Romantique et enthousiaste, il n'a malheureusement rien
Balaécrit
sur la Calédonie
Enfin le "Master" ou Maître de navigation, Joseph
GILBERT, qui a rang d'officier après les lieutenants, très apprécié
par COOK en tant que navigateur et cartographe.
-
Au-dessous, on trouve une bonne douzaine de midships ou élèvesofficiers, tous très jeunes (certains n'ont pas quinze ans) et parmi
lesquels on peut citer ELLIOTT (qui écrira un récit pittoresque),
ROBERTS, excellent dessinateur (voir en hors-texte son tableau de la
Résolution, exécuté à quinze ans !) ; Isaac SMITH, le neveu de Ma¬
dame COOK, bon dessinateur et cartographe, qui finira Amiral ;
George VANCOUVER, qui sera plus tard l'hydrographe de la côte
Nord-Ouest du Canada, dont la capitale porte son nom ; enfin James
COLNETT qui s'immortalisera non par sa carrière, qui tut moyenne,
mais par le fait qu'il aperçut le premier le pic et le promontoire ca1 édoniens qui portent son nom.
Au-dessous viennent les sous-officiers et marins, tous expéri¬
mentés et spécialisés, dont il n'y a pas grand chose à dire, sinon que
l'un d'entre eux, le matelot GRINDALL, finira Amiral en 1810, et que
le second canonnier MARRA se singularisera en imprimant clandesti¬
1775 le premier récit du second voyage. Pour la
petite histoire, il est plaisant de constater qu'il y avait dans l'équi¬
nement à Londres
page
en
deux gabiers prénommés COOK et dont l'un s'appelait même
James COOK !
486
Société des
Études
Océaniennes
!
4
-
Capitaine COOK par Nathaniel DANCE. Magnifique peinture à
couleurs particulièrement réussies, qui est exposée au Na¬
tional Maritime Museum à Greenwich (Angleterre). Portrait exécuté en
1776, soit peu de temps après le retour du second voyage. Le docteur
D. SAMWELL, l'un des médecins du troisième voyage, écrit que le por¬
trait est très ressemblant, le seul de tous ceux qu'il a vus, précise-Pil,
qui ressemble à COOK.
Portrait du
l'huile,
aux
487
7
5
-
S
Portrait de Charles
exécuté
peu
CLERKE, second Lieutenant, par John TAYLOR,
après le retour du second voyage en 1776. Original en la
possession de R. de C. Nan KIVELL.
6
-
Portrait du
midship Isaac SMITH devenu Amiral, provenant de la collec¬
(Bibliothèque DIXSON, Sydney) (inédit).
tion du Dr. HOBILLCOLE
7
-
8
-
Le
midship HENRY Roberts, excellent dessinateur
d'origine inconnu.
et
cartographe. Pastel
Le midship George VANCOUVER, le futur fondateur de la
Colombie Britannique. Il n'a que 17 ans en 1774.
capitale de la
488
Société des
Études
Océaniennes
9
-
Portrait
RUSSEL.
de William WALES, l'Astronome de l'expédition, par John
Peinture à l'huile exposée au National Maritime Museum a
(Angleterre). Le portrait date de 1894 ; il est donc de vingt
au second voyage de COOK. Mr. WALES a 60 ans et il a
prit de l'embonpoint. Il observa une éclipse de soleil sur l'îlot Poudioué, le 6 septembre 1774. Personnalité éminente, il était très écouté
par COOK. Excellent mathématicien, il finira Directeur de l'Ecole ma¬
thématique du Christ's Hospital.
Greenwich
ans
10
-
postérieur
Portrait de William HODGES,
datant de 1793, soit postérieur
dessin au
de 20 ans
crayon
au
de George DANCE,
second
voyage
de COOK.
Original à la Royal Academy of Arts, Piccadilly, Londres. HODGES
était le peintre officiel de l'expédition. C'est à lui que l'on doit la
plupart des portraits et paysages exécutés en Nouvelle-Calédonie en
septembre 1774 et dont on trouvera la reproduction en hors-texte.
489
Société des
Études
Océaniennes
11
-
SPARRMAN, botaniste et médecin suédois, 26 ans
cm Cap à la solde de Johann FORSTER. Anders
SPARRMAN arriva au faîte des honneurs dans son pays et finira mem¬
Portrait de Anders
en
1774, embarqué
bre de l'Académie
illustres
voyage
12
-
Royale de Stockholm. Ce portrait, extrait des"hommes
vivants", Paris, 1787, est postérieur de 13 ans au second
de COOK.
Johann REINHOLD et
George FORSTER, le père et le fils, gravure de
d'après un dessin de J. RIGAUD. Localisation inconnue.
Reproduite par J.C. BEAGLEHOLE, face page XXXIX. George FORS¬
TER est représenté dessinant un oiseau. Il a laissé d'excellents
dessins de plantes et d'animaux de Nouvelle-Calédonie, qui sont con¬
D.
BEYEL
servés
au
British Museum à Londres.
490
Société des
Études
Océaniennes
Enfin, à part, il faut citer le chirurgien de marine PATTEN,
ex¬
cellent praticien qui, dit-on, sauva la vie de COOK, gravement
malade
en février 1774. Il n'a malheureusement rien écrit sur la
Calédonie.
Rien à dire des 21 soldats de marine, dont on n'eut pas à utiliser
les services en Calédonie, sinon que le lieutenant EDJCUMBE venait
de 1'Endeavour et était apprécié de tous.
Par contre, les cinq passagers civils (il y avait en plus 2 domes¬
tiques) composent un ensemble de personnalités marquantes ou pitto¬
resques : - L'astronome William WALES, 40 ans, a été embarqué à la
requête du Bureau des Longitudes (dont il finira Secrétaire). Excellent
homme (il était très estimé par COOK), bon écrivain - il a laissé un
journal intéressant - et surtout excellent mathématicien et astronome.
Il avait tout particulièrement la charge de s'occuper des quatre chro¬
nomètres du bord, notamment du fameux
nouveau
chronomètre dit de
Kendall, dont la marche fut si parfaite qu'elle fit du second voyage
de COOK un des plus importants de l'histoire de la navigation. On
dit que le chronomètre de la Résolution marche encore de façon par¬
faitement exacte à l'Observatoire Royal d'Angleterre (4). - Le jeune
peintre de 28 ans William HODGES avait déjà une réputation de pay¬
sagiste bien établie. Il était malheureusement médiocre portraitiste.
Il accomplit une oeuvre considérable pendant tout le voyage et notam¬
en Nouvelle-Calédonie. C'est à lui que l'on doit presque
toutes
les illustrations qui accompagnent le récit de COOK. - Le naturaliste
ment
allemand Johann Reinhold FORSTER fut le "cauchemar" de COOK et
de toute
l'expédition. Prussien d'origine écossaise, ancien pasteur,
C'est un savant médiocre (5) et d'un tempérament exé¬
crable. On le dépeint dogmatique, sentencieux, prétentieux, soup¬
il
a
45
ans.
çonneux, revendicateur... et rhumatisant... COOK le tint résolument à
l'écart. Il l'appelle par moquerie "le philosophe".
(4) Werner Forman et Ronald Syme
Paris, 1971. Voir
page
-
Les
voyages
du Capitaine COOK.
16.
(5) Un auteur anglais a tenté récemment de réhabiliter
pher"
volume
sa
mémoire.
Reinhold FORSTER : the neglected "philoso¬
of COOK'S second voyage. Journal of Pacific History,
2, Canberra, 1967.
Voir Hoare ; Johann
491
Société des
Études
Océaniennes
n'a que 20 ans est terrorisé
père dont il est l'assistant et dans l'ombre duquel il vit. Il
recueille du même coup une bonne part de l'antipathie que suscite
son père. C'est sous l'influence de celui-ci qu'il commettra la mal¬
honnêteté de publier son récit, d'ailleurs assez bon, six semaines
Son fils, George FORSTER, qui
-
par son
avant COOK.
-
botaniste et médecin suédois SPARRMAN (26
Enfin le jeune
ans) ancien élève de Linné, a été embarqué au Cap comme assistant
et à la solde de FORSTER père. Mais il est réservé et sait se tenir
écrira en suédois un bon récit, fort ap¬
et qui n'a été traduit en anglais que récemment
(1953). Il finira membre de l'Académie Royale des Sciences de Stoc¬
dans
une
ombre prudente. Il
précié dans
son pays,
kholm.
Il est bon de souligner, pour terminer, que tous ces
hommes sont
l'antarctique et
scorbut. Le fait
est si rare à l'époque qu'il vaut la peine d'être noté. Ce résultat est
dû aux préparatifs minutieux de COOK et à l'obligation qu'il a impo¬
sée à tous d'ingérer quotidiennement des aliments antiscorbutiques
tels que le malt, la choucroute, le chou salé, la compote de carottes
et une sorte de bière concentrée. Ce succès, ainsi que l'usage du
chronomètre de Kendall, firent date dans les annales des grands
bonne santé. Après deux ans de navigation dans
sous les tropiques, aucun d'entre eux n'est atteint de
en
voyages.
la première fois
aborder la Grande Terre calédonienne.
Tels sont les hommes de l'Occident qui, pour
dans l'histoire, vont
LE SEJOUR A BALADE
C'est le dimanche matin 4 septembre 1774 que la vigie, le mid¬
massif montagneux surmonté d'un pic, au
aussitôt Cap COLNETT, nom qu'il a
conservé jusqu'à nos jours. COOK fit route dans sa direction et dé¬
couvrit peu à peu une grande terre s'étendant du Sud Est au Nord
Ouest. A 17 heures, il se trouva encalminé à près de trois lieues (6).
Il aperçut des voiles près de la côte mais aussi une chaîne de bri¬
sants qui semblait continue, entre la Résolution et la terre. Il décida
donc de passer la nuit à louvoyer, sous une légère brise de Sud Est.
ship COLNET, aperçut
un
Sud Sud Ouest. COOK le baptisa
(6) Pour les non initiés
lieue marine équivaut
aux termes nautiques, on rappellera que la
à 3 milles nautiques, soit environ 5.555 mè¬
tres.
492
Société des
Études
Océaniennes
13
-
Cette
carte
générale delà Calédonie
celles de
a
été dressée
par
COOK, d'après
collaborateurs : l'astronome WALES,
le lieutenant PICKERSGILL, le maître GILBERT et les midships
ROBERTS, SMITH et VANCOUVER. C'est la carte officielle du voyage.
Elle a été gravée par W. PALMER et reproduite sur la planche III qui
sa
propre carte et
ses
le récit imprimé de COOK, volume 2, face à la page 25.
indiquée mais les degrés en latitude et en longitude
sont indiqués avec précision, ce qui permet de la déduire. On distingue
avec netteté le trajet de la Résolution. On voit que COOK est passé à
quelques dizaines de milles des Loyautés sans en soupçonner l'exis¬
tence. On lit en haut : Sandy I s îlot de sable ; Observatory island = îlot
Poudioué ; sea-coast seen from Balade = partie de la côte Ouest vue
accompagne
L'échelle n'est pas
(du haut des collines) de Balade.
493
Société des
Études
Océaniennes
14
et
15
-
anonyme, mais vraisemblablement dessiné par
COOK, gravé et reproduit sur la planche XI de son récit imprimé, volume 2, face page 38. Scale of miles z échelle en milles nautiques ; wa¬
tering place = aiguade de l'Ouest ; mangroves = la mangrove (palétu¬
viers) ; village =. hameau de Baiao ; observatory island - îlot Poudioué,
sous le vent duquel COOK a indiqué son mouillage par une ancre. On
voit aussi indiquées les différentes profondeurs en fathoms (brasses)
depuis la passe de Balade jusqu'au mouillage. Si l'on compare ce plan
Plan du havre de Balade,
au
croquis moderne ci-dessous, on remarque en
haut à gauche le début
Récif de COOK ; au-dessous, de gauche a droite, le plateau
de Tiari, le plateau d'Amoss, la passe d'Amoss, le récif de Balade, la
passe de Balade, et le Grand Récif Pouma. En bas à gauche sont indi¬
quées l'île de Pam et la vallée du Diahot.
du Grand
15
494
Société des
Études
Océaniennes
16
iWlBaplpammndiè,lbC1ac7ergnvé¬redau4unstdt.,CàJM1jinqs9q6.'(LdABéocuraoiSutevemrshtFiI(dn1éos9nlvca)g.àRimtbntdr:oppeehmrteagsqnuqiutlàbé(Pi'égo;ndasi),,Bljequtsevè(dPV6EaNm;pm0GuA4i.YéblttrlesoaigruneùvcàdlFcrp;lnetahfemtsOdrmanoouvou¬itie.àdprbrlgèxues,naqeargtêctéhs,àlàdmu;onoiufviéNfbdorursltee.
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 190-191