B98735210103_184-185.pdf
- Texte
-
BULLETIN
de la Société
des Etudes Océaniennes
POLYNÉSIE ORIENTALE
TOME
XV
l\l°
11 ET
12
-
N° 184
-185
CONSEIL d'ADMINISTRATION
Président
Vice-Président
Secrétaire
Trésorier
Mr. Henri JACQUIER
MALARDÊ
LAGUESSE
Pau I MOORGAT
Mr. Yves
Melle Janine
Mr.
ASSESSEURS
Me
Adolphe AGNIERAY
Rudolph BAMBRIDGE
Mr
Eric LEQUERRÉ
Me
Jean SGLARI
Mr.
Mr. Raoulx TESSIER
Mr. Temarii TEAI
Mr. Maco TEVANE
D'HONNEUR
MEMBRES
Mr.
BERTRAND
REVEREND
PERE
Pour être reçu Membre
membre titulaire.
JAUNEZ
PATRICK
de la Société
se
O'REILLY
faire présenter
par
un
Bibliothèque.
qu'ils
domicile certains livres de la Bibliothèque
en signant une
reconnaissance de dette au' cas où ils ne ren¬
draient pas le livre emprunté à la date fixée. Les autres peu¬
Le
Conseil
d'Administration
informe
ses
membres
peuvent emporter à
vent être
La
consultés dans la Salle de lecture du Musée.
Bibliothèque et la salle de lecture sont ouvertes aux
jours, de 14 à 17 heures, sauf
membres de la Société tous les
le Dimanche.
Musée.
Le Musée est ouvert tous les
à 17 heures.
jours, sauf le dimanche de 14
BULLETIN
DE
LA
Société des Etudes Océaniennes
POLYNESIE
ORIENTALE
SEPTEMBRE
TOME
XV
N° 184
1973
l\l° 11
-
ET
12
185
SOMMAIRE
SCIENCES NATURELLES
Etude des peuplements du complexe lagunaire de Tiahura-Moorea,
Polynésie Française
HISTORIE
par
Georges Richard.
LOCALE
Journal d'une visite à Raivavae en Octobre 1819 par
de Tahiti (communiqué par le Dr. Emile Massai).
Lettre de Mr. Geo Platt
Mr.
au
Rev. William Horn
Bengt Danielsson et traduite de l'anglais
Pomare II, Roi
(communiquée par
par Mr. Bertrand
Jaunez).
A propos du marche de
Papeete
Par Claude Robineau
LINGUISTIQUE
La langue tahitienne par Yves Lemaître (Orstom Papeete).
Société des
Études
Océaniennes
Société des Études Océaniennes
ETUDE DES PEUPLEMENTS DU COMPLEXE LAGUNAIRE
DE TIAHURA-MQQREA, POLYNESIE FRANÇAISE
par
Georges RICHARD
Le Museum National d'Histoire Naturelle de
Paris s'est
implanté en Polynésie française en juin 1971 par une
située actuellement a Papetoai, sur 1 lie de Moorea.
Antenne
Son
pro¬
vise, après avoir réalisé le bilan des ressources natu¬
relles marines des atolls et des îles hautes volcaniques de la
Polynésie et établi les cycles biologiques des principales es¬
pèces, a évaluer la productivité des écosystèmes lagunaires et
gramme
réeifaux
Le présent
travail
concerne
des recherches réalisées par
équipe de sept chercheurs, avec le soutien financier du Terri¬
toire de la Polynésie française et de son Office de Développement
du Tourisme, sur le milieu récifal et lagunaire de Tiahura, lieu de
l'implantation de l'Antenne du Museum dans la région nord-ouest
de Moorea, Ces chercheurs ont les spécialités suivantes: SALVAT
B, (Directeur aux Hautes Etudes, Directeur de l'Antenne), Eco-
une
systèmes coralliens, Substrats meubles - PLESSIS Y, (Docteur ès
Sciences, Sous-Directeur au Museum), Faune ichthyologique RICHARD G (Assistant et Diplômé de l'Ecole Pratique des
Hautes Etudes), Mollusques testacés marins indo-pacifiques SALVAT F. (Assistante à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes),
Mollusques Opistho branch es - BERIGAUD R, (Maître ès Sciences),
Echinodermes - BERIGAl D M„C, (Elève à l'Ecole Pratique des
Hautes Etudes), Faune associée aux Algues,
Les
récifs de Moorea ont été précédemment étudiés
du
point de vue géomorphologique ; ainsi, trois des plus anciens
travaux sont de AGASSIZ (1903), de DAVIS (1927) et de CROSSLAND (1928), WILLIAMS (1933) ayant étudié la géologie de l'île.
Mais aucun travail scientifique n'avait encore été entrepris sur
l'écologie des lagons et des récifs.
309
Société des Etudes Océaniennes
1) LE LAGON DE MOOREA
Moorea est
une
île haute volcanique de l'archipel de la
Société (Fig- 1), par opposition aux îles basses ou atolls, exclusi¬
vement coralliens, de l'archipel des Tuamotu- D'un diamètre de
15 km, cette île est ceinturée par un récif barrière sur
déferle la houle océanique et qui délimite un lagon dont la
lequel
largeur
varie de 500 m à 1-500 m„ La barrière récifale, entrecoupée de
onze passes correspondant aux principales vallées de l'île, est
presque totalement submergée à marée haute puisqu'il n'existe que
quatre îlots émergés- Au niveau des passes existent des chenaux
qui se prolongent dans le lagon, divisant le domaine littoral en
récif barrière et récif frangeant- La structure lagunaire de Moorea
comprend donc successivement une haute littorale côtière, un récif
frangeant, un chenal, un récif barrière et une pente externe-
îlot Tiahura
Figure 1
:
L'île de Moorea-
310
Société des
Études
Océaniennes
partie nord-ouest de
Papetoai et le club Méditerranée, fait
Le domaine de Tiahura, situé dans la
Moorea entre le village de
l'objet de la présente étude (Fig. 2)» Limité à l'ouest par la pointe
Tehau et à l'est par la pointe Tepee, il correspond à 1.750 m de
rivage le long desquels se succèdent toutes les zones précédem¬
ment définies. A cet endroit, le lagon large de 800 m en moyenne
comporte en outre un îlot de végétation basse ; le chenal qui
divise ce lagon en zone frangeante et zone barrière, profond de
5 m, canalise vers la passe "Taotoî'" les eaux qui s'y déversent
en permanence par-dessus la barrière.
-c
a
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CD
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Citudc Dans la
en vue
1 1 -Juin
Le bateau est entré
cherche,
le
pour
matin
ce
cas ou nous
;
il
se
trouve
serions partis
a
qu'il est
l'a dérive.
a
notre re¬
12 -Juin
Quitté le village
brisait
pour
l'aire
une
l'ois déplus
une
tentative de sortie
toute la largeur de la passe et le cou¬
rant était infranchissable
Dès que nous lûmes dans le courant,
nous constatâmes qu'il était impossible de gouverner
Nous main¬
tenant sur les haut-lbnds. 2 ou •> hommes sautèrent a l'eau, essa¬
yant de retenir h1 bateau avec une amarre, mais le courant était
trop violent et malgré leurs efforts ils ne purent empêcher le bateau
La
mer
de
dériver et de heurter par le travers
sur
presque
entiers d'efforts pour
ancrer
le
ramener
dans
un
Le résultat fut 2 jours
mouillage abrité et l'y
solidement
11 -Juin
Sabbat
-
Prêchai
lâ -Juin
Pile dans
sur
-
la matinée et
au
village dans la soirée
Lundi
l'ois
préparatifs de départ, en mettant notre
l'aube, la mer s'étant calmée, nous
sortîmes avec une brise de Sud-Lst et arrivâmes Mercredi, peu
après midi : je trouvai ma famille en lionne santé et paix, grace
au
Dieu que nous servons -Je vous ai peut-être donné plus de
détails qu il n'est nécessaire, mais je tenais a vous montrer la
nature des égarements auxquels ils sont conduits, et la difficulté
de discuter avec eux Raisonner avec eux parait etre une perte de
Limes
encore
ballast
en
une
place
nos
Mardi
a
citer les Ecritures ils donneront leur assentiment à
que je leur dis. mais rien ne permet de penser qu'ils sont
des disciples du saint et doux Sauveur De récentes nouvelles
nous
ont appris que le groupe n'avait pas augmenté depuis mon
départ, mais que l'un des membres est parti -Je prie pour que
Dieu, dans sa miséricorde infinie, fasse en sorte qu ils soient
conduits a voir la vérité telle qu'elle est en -Jésus, et alors les
Ecritures seront appréciées et la vraie connaissance recherchée,
temps
tout
:
pour
ce
340
Société des
Études
Océaniennes
m.
Priant
que
Dieu
tous
couronne
vos
efforts
avec
abondance de
succès,
Je demeure respectueusement votre serviteur obéissant,
Geo. Platt
P„S»
-
Tout
se
environ,
déroule
nous
comme
pensons
à l'habitude. Dans
aller rendre visite
une
aux
ments extérieurs.
29 Nov. Geo. Platt
(adressé à :)
Rev. William Orne
Mission House
Austin Friars London
(Marqué :) Reçu le 26 Avril 1830
341
Société des
Études
Océaniennes
quinzaine
établisse¬
LA LANGUE TAHITIENNE
par
Yves Lemaitre
-
Orstom Papeete
Le
tahitien appartient à la grande famille des langues
On distingue traditionnellement trois branches
dans cette famille : les langues de type indonésien, les langues
austronésiennes.
mélanésiennes et micronésiennes et enfin les langues polyné¬
siennes. Les langues de cette famille sont parlées sur une aire
géographique très vaste qui s'étend de Madagascar jusqu'à l'île de
Pâques, et au nord jusqu'à Hawai. Il existe entre 300 et 500 de
ces langues représentant environ 10 % des langues parlées à la
surface de la terre. ;
Les langues polynésiennes sont au nombre d'une quin¬
à l'intérieur du triangle polynésien et il en existe une
dizaine à l'extérieur, au milieu des îles mélanésiennes ou micro¬
nésiennes. Les langues polynésiennes proviennent d'une langue
zaine
aujourd'hui disparue : le Proto-Polynésien dont l'existence n'est
connue que par des travaux de linguistique comparée. Cette langue
aurait eu la même origine que le fidjien actuel. Les études ré¬
centes, fondées sur la méthode des innovations communes, consi¬
dèrent que les langues polynésiennes sont apparues sous forme de
cinq rameaux qui se sont détachés successivement. Ces cinq
groupes linguistiques comprennent les langues qui s'apparentent
respectivement au tongien, samoan, pascuan, marquisien et tahi¬
tien. Les groupes qui concernent plus particulièrement notre région
sont le groupe marquisien qui comprend le hawaiien, le mangarevien et la langue de Rapa, et le groupe tahitien qui comprend le
maori, les dialectes des Tuamotu, le rarotongjen et les dialectes
des Australes.
La langue tahitienne est parlée ou comprise dans toute la
Polynésie française et sa zone d'influence s'étend même à Rarotonga et l'île de Pâques par l'intermédiaire de la radio. On peut
considérer qu'elle est parlée par environ 80 000 habitants, soit
80 % des habitants de la Polynésie française y compris 35 % de
bilingues.
342
Société des
Études
Océaniennes
Bien des gens s'interrogent
sur les possibilités de s'ex¬
primer qu'offre la langue tahitienne» La meilleure réponse est
donnée par William Ellis, missionnaire de la Société des Missions
de Londres arrivé à Tahiti en 1816» Il parle de la
richesse, la
variété, la précision et la pureté du langage des Tahitiens. Son
témoignage date d'une époque où la langue tahitienne était celle
d'une civilisation vivante et originale» On peut citer à l'appui des
affirmations de Ellis les remarques du Professeur Levi qui a
relevé dans le dictionnaire Davies (1851) quinze cent termes se
rapportant à la psychologie» La langue s'est appauvrie malheureu¬
sement depuis cette époque» Une des preuves objectives en est la
diminution considérable du vocabulaire : un Tahitien d'aujourd'hui
ne connaît plus guère
qu'un cinquième à un tiers des mots contenus
dans une page d'un dictionnaire ancien» Une des causes probables
de ce déclin réside dans les circonstances
historiques qui ont
suivi les premiers contacts de Tahiti
avec
les Européens»
Les bouleversements de la société tahitienne ont été
considérables au cours des cinquante premières années» Tahiti
est passé par une période d'instabilité politique, de
guerres conti¬
nuelles, accompagnée d'un phénomène de dépopulation» Cette
période a été également celle d'une acculturation intense : con¬
version au
introduction
christianisme, centralisation du pouvoir politique,
d'objets nouveaux, de nouvelles plantes, disparition
des
anciennes institutions, dissolution de la société des arioi,
changement des habitudes vestimentaires»»»
La décadence de la littérature orale tahitienne a été
amorcée, seul a pu être sauvé ce qui a été noté à temps par les
missionnaires et les voyageurs. Les parties de vocabulaire qui
ont
disparu sont celles qui étaient liées à des activités, des
habitudes ou des institutions qui n'existent plus actuellement : le
vocabulaire de la guerre, de l'ancienne religion, des
techniques
de pêche» On peut observer également que la langue commune
qu'on
trouve dans des lettres écrites
en tahitien au XIXème siècle ou
dans la traduction des fables de La Fontaine datant de 1875 est
beaucoup plus proche de la langue d'aujourd'hui que ne l'est la
traduction de la Bible, qui est écrite dans un style
académique et
solennel» De mêtne, la langue des anciens textes sacrés tahitiens
tels qu'on les trouve dans "Tahiti aux temps anciens" est tout à
fait hermétique, cette langue était probablement déjà
il
archaïque
La langue actuelle semble donc la survivance de la
langue commune de l'ancienne société.
y
a
150
ans»
La
langue tahitienne peut-elle être adaptée
343
Société des
Études
Océaniennes
au
monde
moderne ? Il est possible sans aucun doute d'accroître le vocabu¬
laire par emprunt, par formation de mots composés ou enfin par
création de
nouyeaux
polynésiennes
lons
mots
connues,
en
s'inspirant
mais c'est là
exemple de racines
tâche difficile. Rappe¬
égyptienne avait créé 10 000
vers 1955, l'académie
scientifiques nouveaux et la commission indonésienne du
que;
termes
par
une
langage
avait créé 14 000 et pourtant cela ne suffisait pas pour
en sciences et médecine soit donné dans
la langue du pays. Il semble donc possible
d'adapter la langue
tahitienne au monde moderne jusqu'à un certain niveau, nécessai¬
rement limité à cause du faible nombre de
personnes parlant le
tahitien. Le nombre restreint de lecteurs possibles ne
peut pas
laisser espérer que les livres en tahitien soient jamais très nom¬
breux. Quant aux traductions, leur coût pour un petit nombre de
lecteurs est nécessairement très élevé.
en
que tout
l'enseignement
Le développement de la langue tahitienne
peut-il lui
permettre de remplacer le français ? Il ne semble pas
que le tahi¬
tien et le français répondent aux mêmes besoins.
Ces deux langues
ne sont donc pas
incompatibles mais complémentaires. Le
est
français
langue parlée par 85 millions d'habitants (8ème rang mon¬
dial pour le nombre de locuteurs),
langue qui a une audience
une
internationale. Elle est
un
outil de promotion culturelle scienti¬
fique et technique, elle permet les échanges internationaux. Il
semble exclu que la langue tahitienne
permette d'atteindre les
mêmes obj ectifs. C'est une des difficultés
qui s'oppose à une
extension de l'usage du tahitien.
L'apprentissage du français est
considéré comme un moyen de promotion sociale
par les familles.
Il est possible que l'introduction du tahitien
comme
moyen
d'en¬
seignement, si cela devait se produire au détriment du
français,
suscite certaines résistances, car une telle
mesure pourrait passer
pour une tentative de
tenir
en
l'élite connaissant le
place.
français
Par contre, la langue tahitienne est
connaissance de l'ancienne civilisation,
irremplaçable
pour
la nature tahitienne (poissons,
fait partie de la personnalité
pour se main¬
pour la
la connaissance de
plantes...) Ajoutons encore qu'elle
tahitienne, car il n'est pas indiffé¬
rent de s'exprimer dans une
langue ou dans une autre, chacune
correspond à une vision du monde particulière et un terme n'a
pas
forcément son équivalent Ainsi le vocabulaire
des bruits, des
odeurs, des couleurs, des maladies, des goûts est notablement
différent en français et en tahitien.
Indépendamment de toute
question fonctionnelle et de toute notion
d'efficacité, il est cer¬
tain que l'on doit prendre en
considération l'attachement senti344
Société des
Études
Océaniennes
mental des tahitiens pour leur langue. Cet attachement bien
compréhensible répond aux besoins de s'identifier à un
groupe
social par des traits culturels qui lui sont
particuliers. Ce désir
d'intégration sociale est d'ailleurs plus profondément ressenti par
ceux
qui parlant bien le français n'ont qu'une connaissance
superficielle du tahitien.
En ce qui concerne l'introduction de la
langue tahitienne
l'enseignement, on doit distinguer entre la langue moyen
d'enseignement et la langue objet d'enseignement. La langue
tahitienne comme moyen d'enseignement aurait
l'avantage, si elle
était introduite dans les premières années de
l'enseignement
dans
primaire, de favoriser l'adaptation à l'école des jeunes enfants en
minimisant la coupure entre le milieu familial et celui de l'école.
Il est certain que l'enseignement en tahitien ne
pourrait pas
dépasser un niveau relativement simple au-delà duquel on devrait
avoir recours au français. La langue tahitienne
pourrait être intro¬
duite dans l'enseignement secondaire comme
objet d'enseignement,
en
particulier pour la formation des instituteurs. Une certaine
normalisation
serait
sans
de la langue,
doute nécessaire.
Le problème de la
et de l'orthographe
préservation
en
particulier,
de la langue tahitienne
: rendre compatible
l'adaptation au monde moderne avec le maintien des valeurs tradi¬
tionnelles qu'on doit éviter de sacrifier aux
exigences de l'effica¬
cité et du progrès.
est Un des aspects d'une question plus vaste
345
Société des
Études
Océaniennes
A PROPOS DU MARCHE DE PAPEETE
par
Claude ROBINEAU
Le Marché municipal de Papeete est intimement lié au
développement de la ville. Créé pour satisfaire les besoins du
centre urbain naissant, il a tendu à opérer la concentration de la
production vivrière marchande pour les approvisionnements de la
population tahitienne, européenne, ' demie" et chinoise concen¬
trée au chef-lieu. C'est, du moins, ce qui ressort du modèle
"idéologique" élaboré à partir des opinions qui ont encore cours.
Ce modèle est important parce qu'il conditionne les solutions que
les instances concernées proposent aux problèmes réels qui se
posent à propos du marché. Dr quoi consiste-t-il ? En quelques
propositions qui, chacune
appellent un problème :
,
1) C'est le marché des denrées vivrières locales, mais, à
présent, bien des circuits l'ignorent
ou
le contournent
2) C'est le marché des consommateurs de l'agglomération
d'une part, du fail de la croissance de l'agglomération, il
tend à devenir insuffisant, d'où la création d'un second marché
municipal a Pirae ; d'autre part, malgré cette croissance, la spé¬
cialisation qui consiste à distinguer un marché de "gros'' ou de
première main" et un marché de détail" ou de consommation
n'a pas encore prévalu en 1972.
mais,
C'est un marché de producteurs, de paysans, mais il est
partiellement tenu par des vendeurs professionnels, a qui l'on
reproche, d'une part, d'empêcher, eu égard à la faible capacité
d'accueil du Marché, la venue d'un plus grand nombre de produc¬
teurs, d'autre part, d'exercer des pratiques d'oligopole.
L'examen détaillé de
ces
questions
sera
abordé dans
un
travail qui sera publié par l'O.R.S.T.O.M. en 1974 comme suite au
rassemblement des données, aux enquêtes et à l'exploitation de la
documentation disponibles entrepris à propos du marché municipal
depuis plusieurs années.
34£
Société des
Études
Océaniennes
Il s agit ici simplement de brosser le résultat des recher¬
ches concernant les origines du marché et de son
organisation, et,
a
ce
propos,
toutes les informations nouvelles qui pourraient
nous
être apportées seraient bienvenues.,
INVESTIGATION HISTORIQUE
Il
existe peu de documents concernant l'origine du Mar¬
ché La raison en est que 1 attention des contemporains et des
historiens a, essentiellement, été attirée par l'installation de la
capitale politique et le développement de la place commerciale du
Pacifique Sud-oriental et que l'établissement du Marché n'a été
qu'un
sous-produit banal de l'urbanisation et,
comme
tel,
peu
digne d intérêt.,
Le plan d'ensemble de Papeiti de 1844 (1) fait état
"d'emplacements de vivres", 1 un sur la plage à l'embouchure de
la Papeava qui se trouve alors à peu près sur l'actuelle place
Vaiete sur le "front de mer", l'autre au Nord du Broom le long de
la rivière de Papeete, sans doute, à l'emplacement actuel du Parc
Albert 1er ou Bougainville, Or, un arrêté du gouverneur
Bruat, de
1847 (2), portant "création de deux marchés à Papeete",
l'un
aux
poissons, l'autre aux fruits, légumes, volailles, etc.»»"
désigne précisément les deux emplacements de vivres" du plan
de 1844, le marché aux poissons se trouvant sur la
plage et celui
des fruits et légumes un peu en retrait de la rade près du
quartier
administratif,.
Mais
quelques années plus tard, le Marché s'est déplacé»
étude de Papeete, R„ Dauvergne (3) commentant le plan
de 1861 (4) situe le Marché "dans ces nouveaux quartiers" entre
les quais et
l'enceinte de 1847" (la Rue des Remparts) où s'é¬
Dans
son
lèvent aussi la cathédrale et l'école des Soeurs (5)» Or,
sur
le plan
(1) RAIMBAULT L„
(2) Arrêté No» 106 du 28 avril 1847 portant création de deux mar¬
chés à Papeete, signé de Bruat, gouverneur des Etablissements
français de l'Océanie et commissaire du Roi (des Français
Louis-Philippe) près de la Reine des Iles de la Société»
(3) DAUVERGNE Robert, 1959, op» cit.,
p»
:
143»
(4) THOUROUDE et RICHARD, 1861»
(5) Rue des Ecoles, devenue Rue de l'Ecole des Frères de Ploër-
347
Société des
Études
Océaniennes
de 1861 reproduit par R» Dauvergné,
un "bâtiment civil7' s'élève à
près à l'emplacement actuel de la Place du Marché là où se
tient, en plein air, le marché aux pastèques» Il y a tout lieu de
penser qu'il s'agit d'un édifice abritant le Marché»
peu
Sur le plan de 1869 reproduit par la carte marine de 1880
(6), le dispositif des maisons et des rues a voisinant le Marché est
semblable à celui d'aujourd'hui : le Marché est bordé par les
Rues Bonnard (devenue Rue François Cardella) et du 22 septem¬
bre ; l'actuelle Rue Albert Leboucher, ex-rue du Marché, se trouve
dans l'axe médian du Marché jouxtant ; celui-ci, le petit square
que
l'on
y
voit
encore
actuellement»
Au début du siècle,
nous disposons d'une autre documen¬
tation, une photographie exposée au Musée Gauguin représentant
le Marché vers 1900 (1) et une collection de Charles Spitz présen¬
tée dans le cadre d'une exposition réalisée par Bengt et MarieThérèse Danielsson au Musée Gauguin sous le titre "Tahiti à
l'époque de Gauguin" (2). Il apparaît à l'examen de ces photos que
le Marché occupait deux édifices en bois compris entre la Rue
Bonnard et la Rue du 22 septembre et que le petit square actuel
occupé en son milieu par un bassin circulaire servait au stationne¬
ment des carrioles et des chevaux»
A défaut d'iconographie, les textes réglementaires cons¬
tituent
précieuse d'informations ; les données qu'ils
bien corroborent les indications fournies par l'ico¬
nographie, ou bien viennent les compléter ; c'est ainsi que le
texte qui suit dans la chronologie des actes que nous avons éta¬
blie (3) l'arrêté de 1847 est un règlement de 1861 qui décrit un
une
apportent,
source
ou
(6) LE CLERC, MINIER, DE VILLE,
(1)Le Marché de Papeete
Patrick O'Reilly, 1966»
vers
1880»
1900 (Photographie), No» 192, in
(2) Photos No» 11, 12, 13 in Marie-Thérèse et Bengt Danielsson,
1968»
établie à partir des actes visés dans le texte le
plus récent (Délibération municipale No» 68-51 du 18 septem¬
bre 1968) et en remontant aux actes visés dans les textes plus
(3) Chronologie
anciens).
348
Société des
Études
Océaniennes
marché unique constitué de trois
hangars" disposés en fer à
cheval où viennent s'installer les marchands de vivres frais
(fruits, légumes, poissons), des bouchers, des boulangers* Dix
ans plus tard, un arrêté du gouverneur en date du 30 octobre 1871
crée un droit d'étal dont l'objet de couvrir une partie des "dé¬
occasionnées par l'agrandissement et l'entretien du
marché" et une décennie encore après, il est indiqué dans les
attendus d'un arrêté pris en 1881 qu'une 'halle du marché (a été)
élevée sur l'emplacement de l'ancien marché indigène". En 1891,
un nouvel arrêté fait état de deux
halles, l'une, fermée, réservée
penses
viandes, légumes, oeufs et volailles, l'autre, ouverte, affectée
à la vente du poisson et crustacés et des tubercules et fruits : nul
doute que ces constructions correspondent aux deux édifices en
aux
bois que l'on pouvait repérer en 1900
tion Spitz.
Ces textes
ments
nous
sur
les photos de la collec¬
apportent aussi de précieux renseigne¬
les activités et les habitudes des gens qui le fréquen¬
tent. Le marché se tient très tôt, à partir de cinq heures du matin
sur
1861, de quatre heures et demie en 1891 et il finit très tôt
: huit heures en 1891. Qu'y vend-on ? des fruits et tuber¬
cules ( fei, noix de coco, fruits de l'arbre à pain, bananes, oranges,
taro. ignames, patates douces) ; des légumes ; du poisson et des
crustacés de mer et d'eau douce ; de la viande de boucherie, des
volailles, du gibier, des oeufs ; du pain ; du bois ; il est aussi
question, dans la réglementation, et dès 1872, de la vente de thé,
café, lait, chocolat et divers aliments préparés qui se faisait pen¬
dant la journée ou en soirée dans les rues de Papeete, ceci afin
d'y appliquer la perception du droit d'étal déjà levé sur les ven¬
en
aussi
deurs
de l'enceinte du marché
:
l'Administration
a
constaté la
prolifération de petits débitants de nourriture, certainement chi¬
nois, que les Tahitiens n'ont pas été longs à fréquenter et elle
s'efforce de discipliner ce commerce annexe du Marché. Egalement,
dès avant 1861, les denrées comestibles sont vendues un peu
partout en ville et, parce qu'il y a un marché et que l'Administra¬
tion désire qu'il soit fréquenté, parce qu'il y a des recettes à
et
percevoir (le droit d'étal), interdiction est faite de vendre hors du
Marché ; mais après 1881, cette interdiction est levée à partir de la
fin du marché, et sauf pour les volailles et gibiers ; en 1891 les
fruits et tubercules pourront même être vendus sur la voie publi¬
que
durant le marché.
349
Société des
Études
Océaniennes
La Commune de Papeete a été créée en 1890
;
auparavant,
il existait depuis 1859 un
comité consultatif de Papeete' sorte
de commission municipale nommée par le gouverneur (1)
Le
Marché devint
une des affaires soumises à la juridiction de cet
embryon de municipalité et se trouva, ensuite, inclus dans la
compétence communale (2) de sorte qu'après 1890 tous les textes
le réglementant furent municipaux. Ces textes sont assez nombreux
(1920, 1933, 1936, 1943), mais ne nous apprennent pas grand'chose
concernant les transformations dans l'organisation du Marché :
actes de
police" au sens étroit du terme, modification des droits
d'étal, réglementations diverses
A,
mondiale
le
t'Serstevens qui le visita après la seconde guerre
décrit composé de halles
mi-bois, mi-fer
; ses
notations dépeignent une atmosphère très proche de celle que nous
connaissons.. L'un des derniers actes qui le réglementent est une
délibération municipale de 1968 (3). 11 se présente comme un
ensemble de quatre halles métalliques couvertes ceinturées d'une
grille, couvrant une superficie de 2-295 m2 au coeur de la vieille
ville
et
du
quartier commerçant, près de l'artère principale de
1 agglomération et à proximité des quais ; il y a quelques années,
le débarquement des produits, au Marché, se faisait ainsi très
facilement, mais la croissance de l'agglomération l'a considéra¬
blement compliqué: tandis que les quais d'accostage des caboteurs
qui apportent les denrées de Moorea et des lies Sous-le-Vent ont
été rejetés à la périphérie du quartier central, les accès du Marché
aux
trucks venant des districts
par
suite de l'intensité de la circulation
mentation
ruraux
ont été rendus
en
plus difficiles
ville et de la régle¬
de celle-ci à tel point que le Marché de Papeete est
devenu d abord
un
embouteillage de trucks et un foyer de pollution
déplacement de l'aire du Marché a la
automobile,. Si le projet de
(
1) Acte du gouverneur du 20 janvier 1859 créant
sultatif de Papeete nommé par lui en vue de
un
Comité
con¬
s'éclairer des
lumières des résidents de Tahiti '. Le Comité devait débattre
des affaires qui lui étaient soumises par le directeur des
Affaires européennes (Messager de Tahiti du 23 janvier 1859)
(2) Articles
38 (5°) et -40 (10°)
applicable
20 mai
du décret du 8
mars
1879 rendu
la Commune de Papeete par le premier décret du
1890 (Annuaire de Tahiti pour 189], p, 242-247).
a
(3) Délibération
municipale No 68-51 du 18 septembre
Journal Officiel de la Polynésie française, 1969, p 81
350
Société des
Études
Océaniennes
1968,
périphérie doit résoudre
ee
problème de circulation, il
en
posera
autre, de rupture avec l'environnement.. Aux halles est adjointe
une petite place ombragée occupée en son centre
par une fontaine
centrale et ou s installent les marchands de pastèques qui n'ont
un
place dans l'enceinte
pas
été bâtis le bureau de la
propre du Marché» Sur la place avaient
Brigade municipale préposée à la police
du Marché, un asile de nuit et un édifice sanitaire tandis
que sur
deux autres côtés avaient été dégagées les aires de stationnement
des
hvcks
de transport de marchandises à la demande et d'un
poste de taxis
depuis quelques temps, un nouveau bureau pour la
brigade a été construit sur l'emplacement de la fontaine en meme
temps qu'un abri pour les vendeurs de pastèques tandis que les
édifices précédents ont été démolis»
.
ORGANISATION ET VIE DU MARCHE
En vertu de la délibération municipale de 1968
qui enté¬
rine l'organisation antérieure, les quatre halles sont spécialisées
par produits : 1) poissons, crustacés et fruits de mer ; 2) légumes ;
3) fruits, couronnes et colliers de coquillage, objets et bibelots
matériau
du pays ;
4) viande, charcuterie, patisserie, pain,
A l'exception de la boucherie, de la
boulangerie-pâtisserie et de la charcuterie qui sont logées dans
des boxes particuliers, les marchands de l'enceinte du Marché
en
fleurs
naturelles, fruits.
disposent de tables d'étal placées longitudinalement déterminant
des allées entre lesquelles circulent les acheteurs Selon
ainsi
R
Moench,
la
specialisation
ethnique du travail
-
-
Il
crustacés
mais
est
son
reflète
division
une
halle No
1
(poissons)
halle No
2
(légumes)
Tahitiens exclusivement
:
:
Chinois exclusivement
:
;
;
Tahitiens
ex¬
halle No„ 4 (fruits, boucherie-charcuterie, boulangeriepâtisserie) : Tahitiens pour les fruits, non-Tahitiens
pour le reste»
-
en
des halles
:
halle No. 3 (fruits et artisanat local)
clusivement ;
-
Marché
( 1)
y
a
donc
une
division administrative des produits du
quelques grandes catégories (fruits
;
légumes
;
poissons
fruits de mer) qui se réflète dans les statistiques
entrecroisement avec un cantonnement ethnique très net
et
créateur
d'inconséquences cocasses : les fruits de l'arbre a
pain aussi bien que les tara ou les patates douces qui sont rendus
par des Tahitiens sont réputés
fruits" tandis que certaines
espèces de tara ou de patates douces cultivées et rendues par t'es
Cliinnis sont réputés
légumes "» Ceci parce que la spécialisation
<
1)
MOENCH, 1963,
p.
49»
351
Société des
Études
Océaniennes
des
halles
plus ethnique que fonctionnelle et qu'une telle
spécialisation permet de résoudre le problème épineux du droit de
vendre au Marché à l'intérieur de chaque ethnie et évite à cette
occasion de mettre celles-ci en compétition ; mais aussi parce
qu'il existe sauf exception une véritable division ethnique du
travail
est
:
la pèche est une activité tahitienne même quand le
propriétaire du bateau est chinois ;
le maraîchage est -à l'exception récente de la culture
des tomates- une exclusivité asiatique, de même que la boucherie,
la charcuterie, la boulangerie, la pâtisserie ;
-
-
-
la vente des fruits et tubercules est le fait des Tahi-
tiens (sauf
lorsqu'il s'agit d'espèces dites
chinoises") même si
le producteur est chinois ;
-
en
les colliers et
couronnes
de
coquillages et les objets
lorsque la matière
vannerie sont le fait des Tahitiens même
première (coquillages
par des Asiatiques,
par
exemple) peut avoir été commercialisée
Si une telle division du travail par ethnie n'avait pas
existe, il eut fallu opter ou pour une stricte anarchie fonctionnelle
ou pour une confrontation étroite d'ethnies antagonistes.
Le Marché est organisé sous l'autorité du secrétaire
général de la Commune de Papeete, d'un inspecteur et d'une
brigade municipale prévue à cet effet» Cette dernière assure la
police du Marché, contrôle les quantités de produits qui entrent
sur le carreau du Marché, perçoit les droits afférents et tient à
jour les statistiques ; celles-ci sont consignées dans des livres
d'entrées sur lesquels sont enregistrés chaque jour les quantités
entrées, la nature du produit et le nom du vendeur ; il y a autant
de livres que de postes d'entrées : deux pour les fruits et légumes,
un pour le poisson ; lorsque le marché est ouvert, un plus grand
nombre d'entrées est à la disposition du public ; les livres d'en¬
trées sont ensuite dépouillés au bureau de la Brigade et les
quantités entrées sont totalisées par jour et par produit dans des
tableaux récapitulatifs mensuels consignés dans des livres établis
par grandes catégories : "fruits", "légumes", "poissons, crusta¬
cés et fruits de mer",
animaux vivants", "viandes et volailles".
C'est dire que la manipulation de ces statistiques nécessite un
reclassement plus logique des produits. Il est à remarquer qu'é¬
chappent à ces statistiques certaines denrées énumérées dans la
Délibération de 1968 (les produits artisanaux, la boulangerie, la
pâtisserie, la charcuterie, la vente des fleurs), et également
352
Société des Etudes Océaniennes
If ■;
I 11
d'autres
produits non mentionnés dans cette Délibération : l'huile
de nuinoi par exemple ; ceci, parce que de telles denrées ne sont
soumises à tarification
pas
Hormis
outes
les
fleurs
les marchandises
a
naturelles, le poisson et le bétail,
vendre sont disposées par tas ou pa¬
quets sur les tables prévues a cet effet (ou pour les coquillages et
la vannerie suspendus à proximité de la table de leur vendeur)
Les places de vendeur sont donc attribuées au mètre de table et
donnent lieu à la perception d'un droit d'emplacement Le mètre
de table est loué 200 F par mois (1) ; en outre, la Commune per¬
çoit
postes d'entrées
u:i droit d'étal par kilogramme de mar¬
perception de ce droit qui oblige à la tenue de
statistiques On voit donc ; u -si que les places au Marché sont
bien délimitées et limitées i n nombre : il y a un problème actuel
cl'exiguitc du Marché.
aux
chandise
:
c'est la
Le Marché est ouvert
chaque jour de cinq heures du matin
six heures du soir, sauf le dimanche où la fermeture est fixée le
matin a dix heures ; pour la halle aux poissons, la fermeture est le
a
soir,
en semaine, repoussée d'une heure ; également, tandis que
vendeurs des halles aux fruits et légumes peuvent apporter
leurs denrées seulement une heure avant l'heure d'ouverture, la
les
halle
poisson est accessible a toute heure de la nuit En fait,
produits sont apportés, soit le soir avant la fermeture, soit le
matin avant l'ouverture et durant les premières heures de celle-ci
C'est à ce moment qu'arrivent la plupart des trucks apportant les
produits ' du district'' ; dans la nuit ou à l'aube sont arrivés les
au
les
caboteurs de Moorea
ou
des lies Sous-le-Vent
;
il n'y
a
guère
que
le poisson qui arrive le soir, du fait que c'est le moment de la
rentrée des "boni tiers" au port de Papeete après une journée de
pèche commencée très tot le matin ou au milieu de la nuit précé¬
dente ; avant que les légumes des Iles Australes ne soient com¬
mercialisés au Marché voisin de la Commune de Pirae, l'arrivée en
était tributaire de celle, variable, du caboteur les amenant Com¬
mençant très tot le matin, le marché finit très tôt, aussi, ou, plus
exactement, dès huit heures, il somnole ; les halles a fruits sont
a peu près fréquen'ée:- en permanence ; celles aux légumes sont
désertées a la fin de la matinée mais l'activité y reprend en fin
(1) L'unité monétaire utilisée dans
ment franc (F)
est le franc
ce
travail et
"pacifique
appelée communé¬
(F P.) : 1 FP - 0,0,").".
francs français (FF).
Société des
Études
Océaniennes
d'après-midi ; quant à la halle au poisson, c'est l'arrivée
marée" qui en règle les transactions et elle est active
de la
tôt le
matin et tard le soir,
Ce rythme
quotidien est aussi fonction du cycle hebdoma¬
daire.. On sait que le marché présente un maximum d'animation en
fin de semaine, surtout le dimanche matin, mais peut-être aussi
la durée d'ouverture est, ce jour-là, particulièrement
néanmoins, on y voit une abondance de marchandises qui
débordent sur les mes voisines et une foule de chalands dont les
parce
que
courte ;
le front de mer ; par ailleurs, les
statistiques montreront l'intensité des apports du samedi (incluant
ceux du soir pour le lendemain dominical) et du dimanche matin.
véhicules s'entassent jusque sur
Le marché est le noeud d'un réseau d'activités
annexes
dérivent de la fonction d'approvisionnement qu'il remplit :
les abords en sont une illustra¬
tion ; dans un cas, il s'agit d'activités jointes, car nées du mar¬
ché, créées par lui ou liées à lui, elles ont pris un tel dévelop¬
pement qu'elles fonctionnent à présent d'une manière autonome et
nécessitent une attention spéciale : ainsi en va-t-il du transport
public par trucks et de la flottille de pèche constituée par les
boni tiers" attachés au port de Papeete ; dans l'autre cas, il
s'agit d'activités simplement induites par la présence du marché :
c'est toute la concentration commerciale qui l'avoisine (magasins
de marchandises générales et cafés principalement). La caracté¬
ristique principale de ce commerce tenu par des Chinois est qu'il
qui
Irucks et cafés qui en occupent
•
reflète fidèlement les besoins et les structures de la consommation
actuelle de la
masse de la population tahitienne ; en outre, les
qui l'abritent sont en bois, style "western", ou en
matériaux durs de basse qualité et quoique la propreté soit pour
un marché, exemplaire,
tout le quartier offre un air de vétusté et
reflète l'absence d'élégance qui prévaut en de tels lieux..
constructions
Ce sont les cafés qui sont ouverts les premiers, le matin,
ferment, le soir, les derniers. Ils débitent à longueur de journée
des rafraîchissements, de la bière, des sandwichs, des pâtés, des
galettes ; dès le matin, on peut y prendre le café au lait - pain
beurré
beignets affectionnés par les habitués ou s'y faire servir
un plat consistant : poisson, mets chinois ou maa linito, plat très
simple, peu classique de la cuisine chinoise mais que l'on affec¬
tionne à Tahiti. Puis, très tôt ouvrent les boutiques : quincaille¬
ries-bazars, alimentations-drogueries, magasins d'étoffe et de
prèt-à-porter, coiffeurs ; dans toutes les boutiques, des ice-creams
et des bonbons ; dans les épiceries, du riz, le corned-beef, du
et
-
354
Société des
Études
Océaniennes
pain, le beurre en boîte, les conserves de soupe et de haricots au
porc ; c'est dans les bazars du marché, et là seulement que l'on
peut trouver en abondance les filets de pèche, les lampes à pétrole
à pression, les réchauds à pétrole et tous les objets dont la vie en
ville rend inutile
l'acquisition» Et
trucks
bordure d'étroits
trottoirs
plusieurs rangées les
tandis qu'un étroit couloir zigzagant au milieu de la chaus¬
en
encombrés de marchandises, stationnent
sur
sée laisse circuler difficilement les véhicules»
L'étude que nous avons menée met d'abord 1 accent sur
le développement du marché en fonction de la croissance continue
de l'agglomération : l'analyse de la période 1960-1972 montre que
développement, sensible avec l'installation à partir de l'année
d'expérimentation nucléaire, a été continu ; l'effet
économique du C»E»P» s'est trouvé relayé, par la suite, par l'ac¬
croissement progressif de la consommation dans le cadre de
l'augmentation des dimensions de l'agglomération et malgré d'une
part, la création du marché de Pirae, à l'Est de la ville, et d'autre
part, la multiplication des super-marchés»
ce
1964 du Centre
C'est donc d'abord un problème de dimension du marché
spécialisation des fonctions qu'il remplit actuellement qu'il
convient de résoudre ; c'est aussi, et selon les Services munici¬
paux compétents, un problème de salubrité publique qui milite en
faveur d'un déplacement éventuel à Fare-Ute du marché actuel»
Mais un tel déplacement aurait sur le réseau économique au sein
duquel se situe le marché un effet de bouleversement tel qu'une
étude détaillée des produits et des circuits a été rendue néces¬
saire : c'est à cette préoccupation que répond l'étude qui sera
publiée dans le courant de 1974»
et de
Claude ROBINEAU
Centre ORSTOM de Papeete
Directeur de Recherches»
355
Société des
Études
Océaniennes
REFERENCES
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Annuaire de Tahiti
Tahiti a 1 époque de
Catalogue d'une collection de photos anciennes expo¬
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(Lieutenant de
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19.19, Les débuts du Papeete
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Décembre, p 113-145
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1861, Plan de Papeete au
1959, Les débuts-du
Papeete français 1843-1863,
Paris, tome XV, No, 15,
-Journal de la Société des Océanistes,
Décembre, p
français
des Océanistes, tome XV, No, 15,
THOl ROI DE (sous la direction du
du
Gauguin-Papeari
113-145,,
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■
■
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2°- Le Membre à vie n'a
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 184-185