B98735210103_182.pdf
- Texte
-
BULLETIN
de la Société
des Etudes Océaniennes
POLYNÉSIE ORIENTALE
MARS
1973 -TOME
XV
-
N° 9
-
N° 182
CONSEIL d'ADMINISTRATION
Mr. Henri JACQUIER
Mr. Yves MALARDÉ
Président
Vice-Président
Secrétaire
Trésorier
Melle Janine LAGUESSE
Mr. Paul MOORGAT
ASSESSEURS
Mr.
Adolphe AGNIERAY
Me Rudolph BAMBRIDGE
Mr. Eric LEQUERRÉ
Me
Jean SOLARI
Mr. Raoulx TESSIER
Mr. Temarii TEAI
Mr. Maco TEVANE
MEMBRES
Mr.
REVEREND
D'HONNEUR
BERTRAND
PERE
JAUNEZ
PATRICK
Pour être reçu Membre de la Société
membre titulaire.
se
O'REILLY
faire présenter par
un
Bibliothèque.
Le Conseil d'Administration informe ses membres
qu'ils
peuvent emporter à domicile certains livres de la Bibliothèque
en
signant une reconnaissance de dette au' cas où ils ne ren¬
draient pas le livre emprunté à la date fixée. Les autres
peu¬
vent être consultés dans la Salle de lecture du Musée.
La
Bibliothèque
et la
membres de la Société
le Dimanche.
salle de lecture sont ouvertes aux
les jours, de 14 à 17 heures, sauf
tous
Musée.
Le Musée
est
oi-vert
tous
les
jours, sauf le dimanche de 14
à 17 heures.
Société des
Études
Océaniennes
BULLETIN
DE
LA
Société des Etudes Océaniennes
POLYNESIE
ORIENTALE
Mars 1973
TOME XV
-
No. 9
-
No. 182
SOMMAIRE
Compte-rendu de l'Assemblée Générale
du 31
DIVERS
pour
:
Plaidoyer
janvier 1973.
les habitations tahi-
tiennes par Mme T. LEPELLEY.
HISTOIRE
:
SCI EN CES NATURELLES
:
A propos de l'échouement du Seadler
à Mopelia par le Cdt. P. Jourdain.
Remarques
sur
l'avifaune
polynésienne
l'appauvrissement de
par
Jean-
Claude Thibault.
BIBLIOGRAPHIE
:
Garanger José : Archéologie des
Nouvelles-Hébrides par R.P. Patrick
O'Reilly.
Société des
Études
Océaniennes
COMPTE-RENDU DE L'ASSEMBLEE
GENERALE DU 31 JANVIER 1973
L'Assemblée
a
eu
lieu dans la salle de lecture du Musée. La
séance est ouverte à 17 h 30.
49 Membres sont
Etaient
M. H.
M. Y.
présents.
présents parmi les membres du conseil d'administration :
Jacquier, Président
Malardé, Vice-Président,
Mlle
M.
J. Laguesse, Secrétaire,
Moorgat, Trésorier,
A. Agnieray, Assesseur
R. Tessier, Assesseur
T. Teai, Assesseur
Me
Jean Solari
M. P.
M.
M.
ABSENTS
Me R.
M. E.
:
Bambridge, en voyage,
Lequerré, excusé
M. Maco Tevane,
Cdt. P.
excusé
Jourdain, démissionnaire.
Président s'excuse de
Le
réunir l'assemblée
générale
an¬
nuelle de 1972 à cette date. En effet, le texte de la Convention
à
la Société des Etudes Océaniennes.et le Territoire
sujet du Musée de Punaruu n'ayant pas reçu l'approbation de
Commission permanente.de l'Assemblée Territoriale lors d.e
séance du 7 Septembre 1972, ce texte a du être remanié et n'a
nous être communiqué qu'après le 21 Décembre 1972.
au
passer entre
la
sa
pu
sur coup une assemblée générale
assemblée générale extraordinaire pour l'appro¬
bation de ce texte, le conseil d'administration a préféré reporter
l'assemblée générale ordinaire à la date du 31 Janvier 1973.
Pour éviter d'avoir coup
ordinaire
puis
une
BULLETIN
Il
dernier
publier
a
paru
étant
en
normalement les numéros 178
un
numéro double
car
-
179
deux fois l'étude de Mr. Peltier sur les
240
Société des
Études
-
180
-
181 le
il n'était guère possible de
Océanienne
Pilons.
HERITAGE HELENE AU F F RAY
au
134 tableaux et gravures nous ont été remis
par Me SOLARI
terme d'un testament
rédigé en notre faveur par Mlle Hélène
AUFFRAY, La valeur estimée par expert est de
: 2.000.000 CFP
dû payer au Service de l'Enregistrement les
droits de succession se montant à : 370,000 francs du. fait
que
sur
lesquels
on
nous ne sommes
tôt demandé
somme.
gravure
nouveau
pas encore reconnus d'utilité publique. J'ai aussi¬
Gouverneur de bien vouloir nous rembourser cette
Le notaire Me SOLARI n'a pris aucun honoraire. Ce
legs
possédons déjà per¬
une rétrospective très intéressante de la
peinture et de la
à Tahiti et pourrait occuper une salle entière dans le
s'ajoutant
mettrait
au
a
tableaux et
aux
gravures que nous
musée.
MARAE DE PAEA
Comme
le
sait, il a été reconstitué sous le contrôle de la
Société des Etudes Océaniennes il y a dix huit ans, mais
depuis
on
temps, la Société n'ayant pas les moyens financiers suffisants
convention a été passée entre l'Office du Tourisme
et.les
propriétaires des lieux pour son entretien. Or il s'avère que l'en¬
ce
une
tretien est
nul, les constructions ruinées, et le
marae
gravement
endommagé.
La
Société avait insisté
qu'un gardien à demeure soit
soit construite pour lui, faute de
quoi, le monument subirait toutes sortes de déprédations.
pour
désigpé et qu'une habitation
Il est proposé à l'Assemblée la motion suivante :
"Etant donné l'intérêt touristique et archéologique du
site et-du
marae
"Arahurahu" à Paea, suggère que le Territoire se
porte
acquéreur du terrain sur lequel se trouve érigé le marae "Arahu¬
rahu", et que sa garde et son entretien soient réservés au Centre
Polynésien des Sciences Humaines à Punaruu",
Cette proposition
a
été adoptée à l'unanimité.
STATUES DE L'ILE DE PAQUES
neur
Le Président donne lecture d'une lettre adressée
lui exposant que parmi les nombreuses
au
Gouver¬
statues, certaines
brisées qui jonchent le littoral de l'île de Pâques, on
pourrait
l'assentiment du gouvernement chilien, l'agrément et la
avec
coopération du C.E.P., transporter une de
pour être exposée au nouveau musée.
ces
statues
à Tahiti
Le Gouverneur très intéressé par ce projet,
a fait entreprendre
sujet les démarches nécessaires auprès du Ministère des
Affaires étrangères.
à
ce
241
Société des
Études Océaniennes
CONVENTION A PASSER ENTRE LE TERRITOIRE ET LA
SOCIETE DES ETUDES OCEANIENNES AU SUJET DU CENTRE
POLYNESIEN DES SCIENCES HUMAINES
Le
Gouverneur de la Polynésie
Française a fait savoir au
Président de la S.E.O. par lettre en date du 8 Septembre 1972
que
la Commission permanente de l'Assemblée lors de sa
séance du
7 Septembre n'avait pas accepté le
texte de cette convention
adopté lors de l'assemblée générale extraordinaire de la S.E.O.
date du 20
Septembre 1971. Une phrase ajoutée au 5è para¬
graphe à la demande des Affaires administratives mais dont la
légalité ne soulevait aucune objection en était la cause.
Par la même occasion, le Gouverneur faisait savoir au
Prési¬
dent que la "Convention n'ayant pas été
approuvée par l'Assem¬
en
blée
Territoriale, était réputée n'avoir jamais existée". Dans ces
Septembre 1971 nommant provisoire¬
M. Bengt Danielson à la direction du Centre
Polynésien des
conditions la décision de
ment
Sciences
Humaines était purement et simplement
rapportée. On
devait apprendre par la suite que cette décision était définitive ce
qui ne manque pas de poser certains problèmes, surtout
de l'aménagement du nouveau Musée.
Quoiqu'il
boré
en
en
accord
soit,
avec
un nouveau
C'est celui qui est soumis
re
d'ailleurs que
de
projet de convention
les Affaires Administratives
et
a
au
sujet
été éla¬
le Président.
soir à votre
approbation, il ne diffè¬
du projet adopté lors de l'assemblée
ce
peu
générale du 20 Septembre 1971.
Trois modifications sont
Tout d'abord lé
nom
proposées
:
même "Centre Polynésien des Sciénces
Humaines" qui est long, dont la traduction anglaise n'est pas très
satisfaisante et qui, pour tout dire a un caractère légèrement pré¬
tentieux, pourrait être changé
Le
en
"Musée de Tahiti et des Iles".
à ce sujet que la plupart des
Président fera remarquer
organismes spécialisés dans les recherches scientifiques dans le
Pacifique portent des noms comme "Bishop Museum - Auckland
Memorial Museum - Museum of Otago - Mitchell
Library; ou Musée
de l'Homme".
Puis
ainsi
au
paragraphe No. 4, le texte précédent est modifié
:
"Les candidatures au poste de directeur-conservateur du
Musée de Tahiti et des Iles devront être adressées avec référence
et titres au Président de la Société des Etudes
Océaniennes. Les
membres du Conseil d'Administration en établiront au vote secret
une
liste préférentielle
sur
toire, désignera le titulaire
laquelle le Gouverneur, Chef du Terri¬
en
Conseil du Gouvernement".
Adopté.
242
Enfin,
comme
sente
au
paragraphe 5 du même chapitre la phrase
ajoutée
été dif.plus haut : "la recherche est exclue de la pré¬
convention" pouvait laisser entendre qu'une convention
il
a
ultérieure
étant dans
en
ce
fixerait les modalités, La recherche .scientifique
Territoire réservée aux organismes d'Etat. C'est
du Conseil
semble pas que
c'est de cette façon que devaiént l'entendre lors de la séance du
7 Septembre 1972 aussi bien le représentant du gouvernement que
tout au moins ainsi que
le Président et les membres
d'Administration, la comprenaient. Pourtant il ne
les membres de la Commission permanente.
Il y a eu là certainement un malentendu inexplicable,
actuellement le Président propose avec l'assentiment du
neur
le texte suivant
puisque
Gouver¬
:
"Le Musée de Tahiti et des Iles pourra
s'adjoindre
un ou
plusiéurs groupements de recherches eri se conformant à- la légis-lation et à la réglementation en vigueur. Dans ce cas, une conven¬
tion ultérieure fixera les modalités de là participation de ces
groupements au fonctionnement du
De
ce
fait il
ne
subsiste
Musée".
aucun
cherche scientifique. Et ce texte est
problème
au
sujet de la re¬
également adopté
semblée générale.
Le Président fait ensuite savoir qu'il a
par
l'as¬
dû accepter avec
regrets la démission du Commandant Jourdain comme membre du
Conseil d'Administration. Le Commandant Jourdain demeure
cependant le collaborateur hautement qualifié de notre Société.
La parole est alors donnée à Mr. MOORGAT, Trésorier, qui
expose la situation financière qui se résume ainsi :
Disponible du 1er Janvier 1972
Recettes de
1.181.489
4.834.914
l'année 1972
2.643.625
Dépenses de l'année 1972
3.372.778
Disponible au 1er Janvier 1973
L'Assemblée approuve les comptes et donne quitus au Tréso¬
rier. Celui-ci donne lecture du projet de budget pour 1973 que
l'Assemblée approuve également.
Le Président remercie ensuite les membres d'être venus et
personne ne
19 heures.
demandant plus la parole, la séance est levée
243
Société des Études Océaniennes
à
PLAIDOYER POUR LES HABITATIONS TAHITIENNES
(Balustrades et Bois découpés)
par
Mme T. LEPELLEY
de penser que la pierre
pas plus d'ailleurs que le mortier de chaux n'étaient utilisés pour
la construction des habitations tahitiennes de la période pré¬
L'absence totale de vestiges permet
européenne, sinon comme soubassement ou terrasses. En revanche
les monuments religieux sont parvenus jusqu'à nous. Et l'on ren¬
contre aux Iles sous le Vent des marae de très grandes dimen¬
sions, faits d'énormes blocs et dalles de corail. Aux Iles du Vent
marae sont construits en blocs de basalte de dimensions plus
les
galets trouvés dans le lit des rivières et sur
les poteaux sculptés soutenant les
toitures sont l'apanage des habitations marquisiennes ou néozélandaises, mais n'ont été introduits à Tahiti que depuis peu.
Les grands fare ovales authentiquement tahitiens dont les
premiers visiteurs européens nous ont laissé des descriptions
modestes et
certaines
en
gros
côtes.
De même,
pandanus (fara) ou de feuilles de cocotier
(niau), et leurs murs et leurs cloisons étaient constitués de bam¬
bous placés côte à côte.
Les premières constructions en pierre et mortier semblent être
celles de l'avenue Bruat, oeuvre des militaires français : commis¬
sariat de police, intendance militaire, palais de justice (1865). La
cathédrale elle aussi fait partie des plus anciens édifices de
Papeete : la construction a commencé vers 1856, grâce aux Mangaréviéns bâtisseurs d'églises.
Les fare tout en bois (murs, cloisons, planchers), toitures de
bardeaux frangés d'ornements festonnés, égayés de balustrades de
bois ouvragé, aérés d'impostes découpées et dont le spectacle au
milieu des jardins fleuris ravit et attendrit le touriste quelque soit
sa
nationalité, n'ont fait leur apparition à Tahiti que vers les
étaient
couverts de
années 1880.
Certes
ces
constructions de bois ouvragé du XlXè ne sont
maori, ni polynésiennes ; ce sont des articles d'importation
déjà vieux d'un siècle. Mais elles sont si bien adaptées au pay¬
sage, elles se marient si bien à cette végétation des jardins où
feuillages et fleurs rivalisent de couleurs et de formes, elles con¬
viennent si bien à la vie des fies qu'il serait très affligeant de
pas
244
les voir disparaître sans appel. Elles courent dans un avenir immé¬
diat de gros risques, victimes désignées des incendies, des diffi¬
cultés et du coût
d'entretien, de l'indifférence de leurs proprié¬
taires, et aussi de la tentation bien légitime de vouloir vivre dans
un
cadre "api" : en changeant de fare et de style, on change
aussi de vie, de façon de penser et d'être, bref de mentalité.
Le style de ces fare tout en bois est celui des "maisons
coloniales"
du
XIXè.
Leur
les Etats-Unis. Les
fourni le bois. Les
amateurs commandaient leur fare en éléments préfabriqués aux
Etats-Unis en choisissant le modèle sur le fameux "catalogue
Montgomery", qui est encore dans la mémoire de bien des habi¬
tants de Tahiti, mais hélas inexistant dans les archives privées
ou publiques,
autre victime de cette manie de tout brûler et de
provenance
grandes forêts de séquoias millénaires
:
en ont
tout détruire.
Leurs dimensions sont assez variables. L'épaisseur de la
planche est toujours de 2 cm ; la hauteur peut être de 60 cm, 65
ou 70 cm. La largeur de la planche varie aussi selon les balus¬
trades : 9, 10, 15 cm. Ce qui tendrait à prouver que certaines ont
été travaillées à Tahiti même.
A Papeete même, il ne reste que de rares exemplaires de ces
fare de bois découpé. On en trouve à Pirae, à Haapape, à Pape-
à Tiarei, à Punaauia, à Paea, à Papara.
fare rappellent un peu à ceux qui connaissent Vichy, le
Pavillon Eugénie et celui de l'Empereur, témoins de l'époque
Second Empire et de l'engouement pour les cures thermales.
noo,
Ces
A
en
Papeete, le "Palais Royal", malencontreusement détruit
1968, en donnerait un exemple de choix.
Les dessins
inédits, réalisés d'après des fare existants, les
documents photographiques et la très belle gravure de J. Boullaire
(reproduite avec son consentement gracieux) donneront une idée de
la diversité et de la richesse de ces ornements.
Les poteaux et
récents.
les balustres
en
bois tourné sont
Ils étaient l'oeuvre d'un artisan nommé
un
peu
plus
Brunswick qui
vivait il y a une
cinquantaine d'année, et dont l'atelier et la de¬
près de l'emplacement de l'hôtel Stuart. Les
enfants de cette époque se souviennent encore de cet atelier en
plein vent où il faisait bon venir voir travailler l'artisan au milieu
des copeaux qui volaient, emportés par la brise de la mer.
meure
se
tenaient
Depuis qu'on s'est aperçu que la Polynésie pouvait avoir une
"vocation touristique", c'est-à-dire depuis un peu plus de 10 ans,
les objets anciens commencent à avoir une certaine vogue.
que
Dans le cadre de notre étude, saluons des réalisations telles
les balustrades de l'hôtel Tahiti à Papeete, du dispensaire de
245
Faaa
ou
du restaurant Vahine Moea à
Pao-Pao à Moorea
Bali Hai à Moorea.
de Papeete les a
Paea, celles de l'hôpital de
aménagements intérieurs de l'hôtel
Une des principales entreprises de menuiserie
réalisés et possède un des modèles les plus
et certains
courants.
Emettons donc le
les plus beaux et les moins at¬
préservés grâce à l'intelli¬
gence
et la générosité de leurs propriétaires. Est-il interdit
d'espérer que dans certaines constructions futures (lorsque le
fonctionnalisme le permettra !) on soit en mesure de s'inspirer de
teints de
ces
ces
voeu
que
vieux fare de bois soient
vieux décors ?
Ils éviteraient à la
Polynésie Française d'être banalisée ou
ou Chicago, soit
internationalisée et de ressembler soit à Honolulu
à certaines banlieues parisiennes !
Ainsi moins d'erreurs aussi
regrettables
que
les innombrables
fare "punu" (boites de conserves) des vallées, ou certains hideux
cubes de béton dont vient d'être affligé en 1971 et 1972 le quai du
Commerce à Papeete.
Là, ni arbres, ni
sans
gazon,
ni tiare, ni fleurs. Et
climatiseur !
Haapape
Taravao
Tiàrei
246
Société des
Études
Océaniennes
pas
de salut
Société des
Études
Océaniennes
Papeete
Pirae, route de l'Hyppodiorae
248
Société des
Études
Océaniennes
Mahina
vw
Société des
Études
Océaniennes
Haapape. Hauteur 70,
10, épaisseur 2.
largeur
Fare Fritch pont
Hauteur 60,
seur
de la Tuauru.
largeur 15, épais¬
2.
250
Société des
Études
Océaniennes
251
Société des
Études
Océaniennes
Hôtel de Monsieur le commis¬
saire
général Chessé.
252
Société des
Études
Océaniennes
J. Boullaire
253
Société des
Études Océaniennes
Société des
Études
Océaniennes
A PROPOS DE L'ECHOUEMENT DU SEEADLER
A MOPELIA
On
l'odyssée du SEEADLER dont je rappelle briève¬
connaît
ment l'aventure.
Le 21 Décembre
1916, le voilier corsaire SEEADLER (Aigle
la
des Mers), commandé par le Comte Félix Von Luckner, quitte
Weser.
trois-mâts carré
Ce
brute de 1571 tonneaux,
moteur diesel de 1.200 chevaux. Son armement con¬
2 canons de 105 m/m, des mitrailleuses et un important
possédait
sistait
d'une jauge
un
en
stock de munitions. Au
départ, un chargement de bois servant de
camouflage lui permit de tromper un navire arraisonneur anglais
qui l'autorisa â continuer sa route.
Après avoir coulé 11 navires dans l'Atlantique pendant le
premier trimestre 1917, sans causer de pertes de vies humaines et
en recueillant les équipages et passagers des navires détruits, Von
Luckner fait embarquer tous les prisonniers sur une nouvelle
prise, le trois-mâts barque "CAMBRONNE", lequel rejoindra Rio
de Janeiro.
Le corsaire passe alors le Cap Horn, remonte au large des
côtes du Chili, et coule, en juin et début Juillet 1917, et toujours
sans pertes de vies humaines, au milieu de l'Océan Pacifique
près de l'Equateur, 3 voiliers américains dont il conserve les
équipages à son bord.
Von Luckner décide alors de relâcher dans une île déserte du
Pacifique
une
pour
effectuer
un
nettoyage de la coque de son navire,
révision de moteur, et faire reposer son
Le 31
équipage.
Juillet 1917, le SEEADLER arrive devant la passe de
Mopelia.
Von
Luckner
a
raconté
ses
aventures
dans
son
livre "Le
dernier corsaire". Il y mentionne que ce
mouillage lui causait, au
Il
améliore
début, du souci.
son ancrage et écrit "Aucune saute
de vent, si dure fut-elle, ne pourrait pensions-nous, nous jeter sur
le corail".
Et voici le récit de Von Luckner
sur
la perte de son navire
devant Mopelia :
août, vers 9 heures 1/2 du matin, au moment, d'envoyer
le canot des permissionnaires, nous vîmes la mer s'enfler
à l'horizon. Est-ce un mirage ? Mais l'énorme ondulation appro-
"Le deux
à
terre
255
Société des
Études
Océaniennes
lame de fond, due à quelque
nous n'avait vu pareil
phénomène, et nos officiers, se disputant sur sa nature et sur
ses causes, mais le danger me parut pressant : "Coupe le câble
de l'ancre ; pare le moteur ; tout le monde sur le pont." La lame
approche toujours. Je répète d'une voix plus forte : "Le moteur
en marche". On pompe de l'air comprimé. En vain. Je tends
fiévreusement l'oreille vers la chambre des machines, dans
l'attente de la première explosion ; on pompe à tour de bras
et
le monstre approche, Déjà le navire se balance sur la houle avant
courrière. Il ne reste que quelques secondes pour notre salut.
Nos oreilles pleines d'angoisse attendent toujours. Trop tard, la
lame s'est élevée au-dessus de nos têtes, et, saisissant nos
planches, les a jetées sur le récif de coraiL
che,
toujours plus haute
:
une
tremblement de terre. Personne d'entre
...
Les mâts et le couronnement s'écroulenL Le choc
a
détaché des
blocs de corail lourds de plusieurs quintaux et
qui retombent sur
le pont. La vague a passé, et les quelques planches qui repré¬
sentaient l'Empire Allemand dans cet hémisphère gisent en mor¬
ceaux sur le récif. Au, moment du choc, tout le monde s'était
abrité de son mieux contre les agrès pleuvant sur le pont. Le
calme revenu, je regardais autour de moi : personne. Etais-je le
seul sauvé ? Quelle maudite chance. Je finis pourtant par crier
vers
l'avant d'une voix
l'avant m'arriva
cette
mome :
"Où êtes-vous les gars ?" Et de
inoubliable réponse :
"Commandant le
chêne tient encore". Le chêne allemand !
Comme un éclair cette pensée me traversa l'esprit : le coeur bat
encore. Notre petite troupe avait résisté à cette catastrophe
comme
et nous
patrie à l'assaut du monde
ramènera à la maison".
notre
:
"Le chêne tient
encore
De ce récit passionnant, on en déduit que Von Luckner était
à bord du SEEADLER pendant le catastrophe qu'il décrit de façon
magistrale.
Mais Von Luckner n'était pas sur son navire
fut jeté sur le récif,
de vent.
Comment
non par une
pouvons-nous
quand
lame de fond mais par
justifier de
telles
ce
dernier
une saute
affirmations
?
Grâce à des documents inédits provenant du Consul des EtatsUnis à Papeete et dont les originaux se trouvent aux Archives
Nationales à Washington.
Des
photocopies de ces documents (voir annexe) ont été en¬
voyés récemment par Monsieur Robert L. Clifford à notre Président
de la Société des Etudes Océaniennes, Monsieur Henri JACQUIER.
256
Société des
Études
Océaniennes
Ce dernier
a
l'amabilité de
eu
Nous
me
les prêter en m'autorisant
à
en
l'en remercie tout particulièrement.
faire usage et je
avons
qu'avant de mouiller devant Mopelia, Von
s'agissait des
vu-
Luckner avait coulé trois voiliers américains. Il
quatre mâts
"MANILA
" R. C. SLADE "
" A. B. JOHNSON",
latins
et
l'équipage de ces voiliers, prisonniers d'abord
le SEEADLER et ensuite à Mopelia furent recueillis par la
L'état major et
sur
goélette à moteur "TIARE TAPORO" qui
où ils arrivèrent le 10 Octobre 1917.
A leur arrivée à
consul
le
les transporta à Tahiti
Papeete, les rescapés furent convoqués par
américain, Monsieur B. G. Layton qui enregistra
les
procès-verbaux d'interrogatoire dont nous extrayons, parmi tous
les autres, qui concordent, quatre témoignages concernant la
perte du SEEADLER :
DEPOSITION
DU
CAPITAINE
ANDREW
BACK
PETERSEN,
COMMANDANT L'A.B. JOHNSON.
du matin, le Comte Von Luckner
déposant ainsi qu'à d'autres personnes de se joindre
à lui pour un pique-nique à terre....
L'embarcation des excursionnistes avait à peine touché terre
qu'un coup de canon tiré du SEEADLER les fit retourner à bord.
....
demanda
Le 2 Août, vers 9 heures
au
DEPOSANT
DE
CHARLES
JULIUS, MATELOT SUR
L'A. B.
JOHNSON.
....
Le 2 Août, le commandant du
SEEADLER, plusieurs offi¬
ciers, les trois capitaines des navires américains coulés et envi¬
ron
la moitié de l'équipage allèrent à terre. Avant de quitter le
navire une ancre à jet fut mouillée en plomb de sonde à l'arrière
dans le but de maintenir l'étrave vers le récif. Cette ancre ne tint
pas et une forte risée
Le commandant et sa
par
de vent d'Ouest jeta le navire sur
suite en route vers la terre furent
le Lieutenant Priess qui fit tirer 2 coups
de
canon
le récif.
rappelés
de 105 m/m.
DEPOSITION DE FRED ERNEST SOUTHARD,COMMANDANT LE
MANILA.
....
de
le
Le 2 Août, le commandant du
capitaine Smith du R.C. SLADE furent invi¬
se joindre à lui pour un pique-nique. Tout
monde s'embarqua dans deux vedettes, l'une remorquant une
l'A.B. JOHNSON et le
tés par le commandant
le
SEEADLER avec une partie
l'équipage et tous les officiers sauf un qui resta de service sur
navire allèrent à terre. Le déposant, le Capitaine Petersen de
à
257
Société des Études Océaniennes
embarcation
remplie de membres de l'équipage allemand et elles
touché terre qu'elles furent rappelées à bord
de canon suivi d'un second coup de canon.
n'avaient pas encore
par un coup
DEPOSITION
DE
GLADYS TAYLOR,
PASSAGERE CLANDES¬
TINE DE L'A.B. JOHNSON.
le 1er Août,
ou de toute façon au
après l'arrivée du SEEADLER
près de l'île, la moitié de l'équipage avait été envoyée à terre.
Le commandant (Von Luckner) lui demanda ainsi qu'aux capi¬
taines Smith (du R.C. SLADE), Southard (du MANILA) et Petersen
(de l'A.B. JOHNSON) de l'accompagner sur l'atoll pour un pique-
Le
—
déposant déclare
que
début du mois, environ 2 ou 3 jours
nique.
Ce
avaient
pique-nique devait être excellent pour les Allemands qui
emporté force nourritures et alcools, mais non pour les
prisonniers qui n'avaient reçu que des biscuits. Ils furent rappelés
par le SEEADLER qu'ils retrouvèrent sur le récif. Après la perte
du navire sur le corail et sa destruction par les Allemands qui
misent le feu à
l'épave, tout le monde vécut à terre.
REMARQUES
Gladys Taylor, citoyenne américaine s'était embarquée
sur l'A.B. JOHNSON alors que ce voilier était à
quai à Raymond (Washington) avec un chargement de bois pour
Newcastle (Australie). Découverte après l'appareillage Gladys
Taylor déclara au Capitaine Petersen que, démunie d'argent, elle
avait trouvé ce moyen pour aller en Australie. Elle fut alors ins¬
crite sur le rôle d'équipage en qualité de femme de chambre.
2
Pour la "petite histoire" mentionnons que, dans ses
mémoires, Von Luckner écrit au sujet de l'installation des nau¬
fragés à Mopelia : "Le Capitaine Petersen aidé de sa jeune et
jolie compagne américaine se construisit une charmante habitation
1
-
clandestinement
-
d'une éblouissante blancheur."
qui concerne les causes de l'échouement du SEEAD¬
LER, il semble d'après les divers témoignages recueillis, qu' on
En
ce
puisse les définir ainsi :
Von Luckner, après avoir demandé leur avis aux trois capi¬
taines américains prisonniers lesquels lui assurant - peut-être
intentionnellement
mouille donc le 1
courant
- qu'ils considéraient le mouillage comme sûr,
Août à proximité de la passe de Mopelia, où le
celle-ci et l'alizé de Sud-Est maintiennent le
débordé du récif L'autorisation est ensuite donnée
sortant par
SEEADLER
258
Société des
Études
Océaniennes
pour la visite du moteur. La tenue du navire n'est nullement amé¬
liorée par une ancre à jet qui, mouillée à
pic, a peu de chances
de maintenir l'arrière du navire vers le
large, en cas de saute de
vent. Dans la matinée du 2
Août, le vent tourne
l'Ouest, et
une
provoquant des
assez
brusquement à
sur le récif,
forte risée plaque le navire
dégâts irréparables à
sa coque en
acier.
REMARQUE
Nous avons vérifié dans le
catalogue des "Tsunamis du Pa¬
cifique" établi par Georges Pararas-Carayanis dans un ouvrage
publié en Mai 1969 par le U.S. Department of Commerce, Coast
and Geodetic Survey à
Washington, qu'aucun tremblement de terre
ni "Tsunami" correspondant n'a eu lieu dans le
Pacifique en
juillet et août 1917.
En
conclusion, nous pouvons affirmer que Von Luckner n'était
présent à bord, quand le SEEADLER s'est échoué et que,
d'autre part, le récit attribuant à une vague
de fond la perte de son
navire ressort uniquement de
l'imagination de son auteur.
Pourquoi Von Luckner, ce grand marin très humain dont la
vie et l'odyssée sur son voilier corsaire forcent
l'admiration a-t-il,
dans ses mémoires, volontairement travesti la vérité et falsifié le
pas
récit de la perte du SEEADLER ?
Il
a
voulu éviter ainsi d'être
car, sans aucun
navire
jugé sévèrement par ses chefs
doute, il est responsable de l'échouement de son
:
D'abord, en mouillant son bâtiment
à la merci d'une saute de vent.
Ensuite,
assez
au
Surtout
en
en
large
négligeant d'envoyer
pour assurer une
autorisant la révision de
près d'un récif, où il
reste
à jet par l'arrière,
suffisante de l'arrière.
une ancre
tenue
son
moteur en
tel
un
mouillage,
qui implique obligatoirement la mise hors service du moteur et
l'impossibilité d'en avoir l'immédiat usage en cas de nécessité.
ce
Enfin, pour ne pas avoir tenu compte de. l'avertissement du lieute¬
Priess, qui, avant le départ pour le pique-nique, prévint son
Commandant qu'il portait la responsabilité de la
dangereuse posi¬
tion dans laquelle se trouvait le navire.
'
nant
Cette histoire montre en tous cas
que, dans
grand homme peut avoir des faiblesses vis-à-vis
mémoires, un
postérité...
ses
de la
mais la vérité sort parfois du
puits.
Pierre Jourdain
Paea Mai 1972.
259
Société des
Études
Océaniennes
ANNEXE
Documents provenant du Consul des Etats-Unis à Papeete.,
,
—
Lettre
No,
284
en
date du 1er Novembre 1917 du consul
B.G.
Layton, adressée au Secrétaire d'Etat à Washington. Cette
lettre rappelle l'arrivée le 29 Septembre 1917 à Tutuila (Samoa)
d'une embarcation venant de Mopelia avec 4 hommes à bord,
apportant la nouvelle de la capture et de la destruction de trois
voiliers américains et résume les dépositions recueillies auprès
des rescapés de Mopelia les 15 et 16 Octobre 1917.
—
A
lettre
sont annexées 37 pièces jointes (dont quelques
figurent pas dans les photocopies reçues) dont les
principales consistent en procès-verbaux d'interrogatoire des
rescapés relatant les détails de la perte des trois voiliers amé¬
ricains, le traitement des prisonniers sur le SEEADLER et à
Mopelia, l'échouement et la destruction finale du voilier corsaire
par le feu, la capture de la LUTECE, le départ des allemands,
les efforts des naufragés pour obtenir des secours et leur rapa¬
triement à Papeete par le TIARE TAPORO.
cette
unes
ne
Voici la liste des personnes
dont le dossiér qui m'a été prêté
comporte la photocopie des dépositions :
Andrew Back Petersen,
danois
naturalisé américain,
Capitaine de l'A.B. JOHNSON
John Martin Tweed, norvégien
naturalisé américain
Second
Adolph Gustan Miller, américain
Charles Julius, suisse
Michael Yourgrou, français
Robert Batty, britannique
Alfred Anderson, suédois
Gladys Taylor, américaine
Lieutenant
matelot
matelot
matelot
matelot
—
Capitaine de MANILA
Hansen, danois naturalisé américain
Second
Charles Brown, américain
matelot
Andy Halonen, finlandais
Salonen, finlandais
matelot
Yuho Enok
matelot
Frank Saarmi, finlandais
matelot
Antonius Kersten, hollandais
matelot
260
Société des
—
passagère clandestine
Fred Ernest Southard, américain
Hans
—
Études
Océaniennes
John Turner, britannique naturalisé
américain
cuisinier
Charles Baer,
^
Second R.C. SLADE
américain
Rognar Olsen, norvégien
Robert Bruce, britannique
Thomas Hammond, américain
Johan Anderson, suédois, naturalisé
matelot
américain
matelot
Otto Krause,
Pedro
matelot
matelot
matelot
russe
Miller, français
Goélette LUTECE
261
Société des
Études
Océaniennes
REMARQUES SUR L'APPAUVRISSEMENT DE
L'AVIFAUNE POLYNESIENNE
par
Jean-Claude THIBAULT
Museum National d'Histoire Naturelle
et
Hautes
Etudes,
Antenne de Tahiti.
La Polynésie française, limite est des
régions faunistiques
du globe qui compte
d'espèces d'oiseaux, De la Micronésie à la Polynésié
orientale et australienne est
le moins
une
des parties
orientale, on constate un appauvrissement progressif de l'avifaune
qui s'accompagne d'endémismes de plus en plus marqués. Les
espèces terrestres hésitent toujours à traverser un bras de mer si
étroit soit-il, aussi les peuplements de ces îles se sont souvent
faits
au
hasard
stock d'individus très
faible, et représen¬
en ignorant
souvent la compétition et surtout la
prédation. Les écosystèmes
insulaires sont assez simples et la moindre perturbation peut
avoir des conséquences fort .graves sur l'avifaune.
Or, depuis
quelques siècles, les îles de l'Océanie ont connu des bouleverse¬
ments
considérables avec l'arrivée des Polynésiens puis des
Européens. Ce sont les causes de la rupture des écosystèmes et
les répercussions sur l'avifaune que nous nous
proposons de
avec un
tent de véritables laboratoires naturels
qui ont évolué
montrer.
LES MAUX
...
Il est difficile d'évaluer les effets que produisirent sur
l'avifaune l'arrivée des Polynésiens et des Européens, néanmoins
il est
pour
possible d'établir
conquérir le milieu.
un
parallèle entre leurs
moyens
employés
L'ARRIVEE DES POLYNESIENS
Les
Polynésiens ont apporté plusieurs animaux et végétaux
migrations : le chien (Canis^familiaris), le coq,
(Gallus gallus), le porc (Sus), et un rat (Rattus exulans). Ce
dernier a eu le rôle de consommateur tertiaire, face à des espèces
qui avaient perdu toute faculté de lutter devant un prédateur. Ils
ont filtré l'avifaune en entraînant des disparitions locales ou
peut-être définitives. L'introduction de végétaux a modifié la
répartition des oiseaux, favorisant certains, au détriment d'autres
en changeant les sites de nidification et de nourriture.
L'aspect
démographique n'est pas négligeable ; le nombre des habitants
jusqu'à l'arrivée des occidentaux était important et la plupart des
au
cours
de leurs
262
Société des
Études Océaniennes
îles étaient habitées par les populations
permanentes ou saison¬
nières, facteurs de dérangement pour les oiseaux outre le fait
qu'elles transportaient de nouvelles espèces d'animaux et de
végétaux.
L'attitude des
talement
Polynésiens face à la nature était fondamen¬
différente de celle des Européens, même adeptes de
Jean-Jacques Rousseau. La capture des oiseaux répondait à des
besoins réels : nourriture et récolte des
plumes qui servaient à la
confection de parures ou à la pêche.
Plusieurs espèces de Colombidés et de nombreux oiseaux de
mer (Frégates, Noddis
etc...) ont été appréciés pour la qualité de
leur chair, mais en raison des moyens limités, le
nombre des
captures devait être faible. Enfin, sur les colonies d'oiseaux de
mer, poussins et oeufs étaient systématiquement collectés (1).
L'ARRIVEE DES EUROPEENS
Les moyens
employés
les Européens ont été sans com¬
Polynésiens. Comme ces derniers, ils
ont apporté plusieurs animaux qui ont
perturbé les équilibres
locaux : le chat domestique (Félis lybica) dont les
dégâts sur les
avifaunes insulaires sont considérables, d'autres
porcs, la chèvre
(Capra liscus) qui a de grandes possibilités de destructions des
végétaux ; d'autres espèces de rongeurs (2) ainsi que le cheval
(Equus) et le boeuf (Bos taurus) dont les effets sur la végétation
sont plus délicats à déterminer. De tous ces
animaux, il semble
que le rat soit le principal responsable de la disparition de quatre
à cinq espèces d'oiseaux. Leur nombre a été très
important dès le
mune
mesure avec ceux
par
des
début du XIXème siècle ; les bateaux qui effectuaient des
répara¬
tions en cale sèche à Tahiti, laissaient
échapper chaque fois des
centaines de rats dont la
dispersion s'est faite dans les autres
les goélettes.
A la fin du XIXème siècle, puis
au début du siècle, près de
cinquante espèces d'oiseaux ont été introduites pour limiter la
fies
avec
prolifération des rongeurs et des insectes, (Martin triste (3),
Acridotheres tristis, et Busard australien, Circus approximans) et
pour le plaisir de certains colons qui trouvaient Tahiti trop pauvre
en oiseaux, provoquant une
compétition entre espèces introduites
et indigènes, au détriment de ces dernières.
(1) Cette pratique
a encore
lieu dans la plupart des archipels.
(2) Au moins Rattus rattus, Rattus norvegicus et Mus musculus.
(3) Localement appelé Merle des Moluques.
263
Société des
Études
Océaniennes
Dans
ce
même chapitre des introductions, nous devons
men¬
tionner les nombreux
végétaux apportés dès le XVIIIème siècle,
qui ont à nouveau modifié les milieux. Si les Polynésiéns ont
étendu la répartition du cocotier, les Européens en ont institué
la "plantation", phénomène qui a surtout touché l'archipel des
Tuamotu. Aux moyens de chasse traditionnels des Polynésiens,
se sont substitués les armes à feu, responsables de la disparition
locale de plusieurs espèces. Mais le fait déterminant reste la
modification des biotopes. Lente au départ, elle s'est précisée
dans la seconde moitié du XIXème siècle et s'est accélérée après
1950. Dans les îles Marquises, de la Société, aux Australes et
Gambier, l'expansion des cultures est la principale cause de
changement des milieux. Les travaux annexes (routes, barrages)
étaient insignifiants jusqu'à présent, mais leur multiplication
désordonnée entraînera la disparition de nouvelles espèces. Le
drainage du marais de Faaa, pour la construction de l'aéroport, a
provoqué la quasi-disparition de Porzana tabuensis de Tahiti et à
Moorea le passage fréquent d'avions, la raréfaction des canards à
sourcils (Anas superciliosa). Enfin dans le sud-est des Tuamotu,
l'installation des bases et des postes périphériques du C.E.P. sur
certains atolls a profondément modifié les biotopes. Si l'arrivée
des Européens a créé de grandes perturbations par l'ampleur des
moyens mis en oeuvre, entraînant la disparition de plusieurs
espèces, rappelons que l'avifaune qu'ils ont trouvé n'était déjà
qu'un reliquat. A cette époque, ne restaient que les espèces qui
s'étaient adaptées au choc créé par l'arrivée des Polynésiens.
Aucun fossile n'a été trouvé à ce jour en Polynésie française pour
prouver l'existence d'oiseaux disparus, mais les recherches paléontologiques des vertèbres sont fort complexes sur le corail et
peu de travaux portant sur l'analyse des reliefs de tables de sites
anciens ont été effectués dans les îles hautes.
...
ET LES CONSEQUENCES
LES ESPECES DISPARUES ET EN VOIE D'EXTINCTION
L'absence de
prédateurs
a
fait évoluer l'avifaune sans tenir
compte du rapport Proie-Espèce, si important sur les continents.
Aussi il semble normal que l'introduction d'espèces polyphages
ait entraîné la
disparition d'oiseaux mal adaptés pour leur résister.
Presque toutes les espèces connues qui ont définitivement disparu
se sont éteintes très rapidement, (moins de soixante dix ans après
les expéditions du Capitaine Cook), alors qu'elles coexistaient
depuis plusieurs siècles avec les Polynésiens. Les Européens
ont été directement responsables de leur disparition. Il est pro¬
bable que l'introduction de mammifères (au moins le rat) soit la
264
Société des
Études
Océaniennes
disparition de Rallus pacificus, Prosobonialeucoptera,
Cyanoramphus Zealandicus et Cyanoramphus Ulietanus. Pour,
d'autres, Halcyon gambieri, Turdus ulietensis, Pachycepkala
gambieriana et Aplonis inomata, nous ignorons encore le facteur
de la
cause
d'extinction.
les reproductions que réalisèrent des natura¬
inventaire n'avait été établi et des espèces
disparaître sans avoir été capturées.
quelques
peaux ou
listes. De
ont pu
La plupart de ces oiseaux ne sont connus que par
plus,
aucun
Certaines n'ont pas
disparu définitivement, mais localement,
Vini peruviana pour des causes in¬
connues au début du siècle, de Tahiti, puis de Bora-Bora, enfin
de toutes les fies de la Société (4), alors qu'il se maintient au¬
jourd'hui dans quelques atolls du nord-ouest des Tuamotu.
L'ensemble de l'avifaune polynésienne est à surveiller, mais
cinq espèces sont en réel danger. Il s'agit d'Aechmorynchus cancellatus échassier d'origine arctique dont l'aire de répartition
couvrait les fies Christmas, Gambiér et Tuamotu. Disparu des
deux premiers archipels au début du siècle,
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 182