B98735210103_174.pdf
- Texte
-
U L L E T I N
DE
LA
Société des Etudes Océaniennes
Alain Gerbault
TOME XV
-
N° 1
-
MARS
1971
-
N° 174
CONSEIL d'ADMINISTRATION
Mr. Henri
Mr.
Président
JACQUIER
Vice-Président
Bertrand JAUNE 2
Secrétaire
Melle Janine LAGUESSE
Mr. Yves
Trésorier
MALARDE
ASSESSEURS
:
Mr.
Adolphe AGNIERAY
Me.
Rudolph BAMBRIDGE
Cdt Pierre JOURDAIN
Mr. Paul MOORGAT
Mr. Temarii TEAI
Mr. Raoulx
Mr. Maco
TEISSIER
TÈVANE
Pour être reçu Membre
membre titulaire.
de la Société se faire présenter par
un
Bibliothèque.
Le Conseil d'Administration informe ses membres qu'ils
peuvent emporter à domicile certains livres de la Bibliothèque
ils
signant une reconnaissance de dette au' cas où
ne
draient pas le livre emprunté à la date fixée. Les autres
vent être consultés dans la Salle de lecture du Musée.
en
La Bibliothèque et la salle
membres de la Société tous les
ren¬
peu¬
de lecture sont ouvertes aux
jours, de 14 à 17 heures,
sauf
le Dimanche.
Musée.
Le Musée est ouvert tous les
à 17 heures.
jours, sauf le dimanche de 14
BULLETIN
DE
LA
Société des Etudes Océaniennes
POLYNESIE
ORIENTALE
TOME XV
-
No 1
Mars 1971
No 174
SOMMAIRE
Histoire
Alain Gerbault et la
Charles Vernier.
A
Polynésie
par le pasteur
propos du
naufrage du corsaire allemand
Capture de la Lutèce (com¬
par Georges Bailly).
"Seadler"
muniqué
et de la
naufragés européens dans le Pacifique an¬
térieurement à la période
Cook par Robert
Langdon, traduit de l'anglais par Bertrand JauLes
nez.
L
inguistique
Po-mare
ou
Po-ma-re par Ph.
Société des
Études
Rey Léscens.
Océaniennes
:
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"1
Société des Études Océaniennes
'
ALAIN
GERBAULT ET LA POLYNESIE
Quelques témoignages
I
sur
Alain Gerbault
Avant son premier voyage à Tahiti et autour du monde.
Les biographies d'Alain Gerbault diront ce
qu'il fut pen¬
dant sa jeunesse : son amour du sport
(tennis), de la mer ;
-
son
goût de la solitude, de la méditation, de 1'etude etc. Je
pas sur sa première aventure, son voyage "seul
l'Atlantique", qui le rendit célèbre en France et dans
n'insiste
sur
le monde.
II - Son premier voyage autour du monde. "A la poursuite
du soleil" :
Seul à bord du "Fire crest" (crête de feu!) par les Antil¬
les, Panama, les Galapagos, Tahiti, le Natal, le Cap de Bonne
Cherbourg ... et l'engloutissement du "Fire
Crest", tandis qu'on le remorquait au Havre!...
Espérance,
L'arrivée à Tahiti en 1926.
Les ministres français des colonies, de la marine... avaient recommandé par télégrammes, au gouverneur, de bien
recevoir ce Français célèbre, connu et honoré du monde en¬
tier. Aussi nous avait-on prévenus de nous rendre en tenue
quai de Papeete, lorsque le "Fire Crest" serait signalé
sémaphore. En effet, nous étions tous présents (fonc¬
tionnaires, Gouverneur, les autorités) lorsqu'un remorqueur
amena le "Fire Crest" le long du
quai. Stupéfaction!... lors¬
qu'on vit émerger du capot central, un homme hâve, aux che¬
veux hirsutes, aux
yeux gris-bleus rêveurs, habitués à scru¬
ter tout le jour un horizon
liquide à perte de vue... ; tricot
de marin, poitrine velue, maigre..., pantalons
"biscuités",
retroussés au
genou,... un homme hésitant à monter sur le
quai (plus éleve que son navire) pour s'offrir en spectacle
à cette civilisation européenne en "grand blanc" avec les in¬
signes dorés de certains grades supérieurs... Il écouta d'une
oreille distraite les félicitations et les voeux du Gouverneur...
et finit par prendre congé de
nous tous en rentrant dans son
navire... sans beaucoup de civilités d'ailleurs. "Sauvage
blanc"! s'écrièrent tout bas certains européens, absolument
dépités de l'attitude d'Alain Gerbault. Mais c'était une attitu¬
au
par le
de voulue,
car
il entendait
nous
faire comprendre
1
Société des
Études
Océaniennes
qu'il n'était
aggravé
pas venu à Tahiti pour y trouver "i tuiupéen
par le
snobisme colonial"... (même impression que Gauguin arrivant
à Tahiti en 1891.).
Il voulut "a principio" rompre avec ce
et il le fit comprendre tellement qu'au "vin d'hon¬
neur" à lui offert le lendemain, au "Cercle Colonial", il ap¬
parut très tardivement, pieds nus, dans le même costume qu a
l'arrivée, et le Gouverneur n'y parut pas, sauf erreur.
La population blanche le laissa dès lors tranquille ; il
genre...
alla
voir
les
personnes
vaient le mieux
qui aimaient les
l'instruire
la reine Marau Salmon en
sur
leur
indigènes
caractère
et leur
et pou¬
passé
:
particulier...
Tel était bien son but, çendant ce premier sé¬
pénétrer l'âme des indigenes, étudier leur pas¬
sé, la religion ancienne, les vestiges de leur civilisation
(autels paiens, statues,tikis...) leur langue, leurs aspirations,
en bref leur originalité, et lutter pour sa conservation. Aux
Marquises, où nous le vîmes pour la première fois longuement,
au cours d'une escale de notre navire, en février 1924, il avait le souci de. la conservation de cette race marquisienne
qui s'éteignait rapidement. Je le vois encore à la tête de deux
équipés de foot (ballon rond) qu'il avait fondées pour accrédi¬
ter le sport parmi la jeunesse de cet archipel.
III
-
Son but.
à Tahiti
jour
:
...
IV
A Papeete, il ancra son "Fire Crest" à 30 mètres du
presbytère dePaofai situé non loin de la mer et c'est ainsi que
nous pûmes faire bonne connaissance avec lui, sur son ba¬
teau ; nos enfants allaient souvent le voir en pirogue.
-
Son départ. Mais il lui fallait continuer son grand péri¬
ple autour du
monde. Tahiti fut une de ses belles escales et
il se promit d'y revenir plus tard à loisir. Départ manqué
d'ailleurs, le vent ayant faibli quand il essaya de sortir de la
rade de Papeete. Toute la population le regardait évoluer seul
sur son petit navire.
N'ayant pu tirer une bordée à temps il
s'échoua sur un pâté de récifs. Je le revois sautant, piedsnus, sur ce haut-fond et s'arcboutant sur l'étrave pour reje¬
ter son "Fire Crest" en eau profonde. Peine inutile. Un re¬
morqueur vint le tirer de cette fausse position.
Mais il eut sa revanche, le lendemain, quand par un vent
puissant et une mer démontée, il franchit la passe, courant
comme un loup de mer, sur ce pont balayé par les vagues,
pour réduire la surface des "focs". Départ en beauté qui
arracha l'admiration de tous. H prit la route de l'ouest...
toujours "à la poursuite du soleil"...
Sa plus grande joie en mer, m'a-t-il confié, c'était de
reconnaître par ses calculs nautiques, l'exactitude de ses ob¬
servations, et de sa dérive.
V
Son second voyage autour du
I
-
Son
nouveau
Taillé
formules
et
des
bateau
construit
barques
:
monde (inachevé)
"l'Alain Gerbault".
minutieusement
sur
les plans et les
norvégiennes de haute-mer. Profil
2
Société des Etudes Océaniennes
beaucoup plus bas et plus sportif que le "Fire-Crest". Sans
beaupré me semble-t-il me souvenir ; le premier bateau avait un beaupré où s'attachaient les filins des focs. Plus lar¬
ge aussi, mieux "assis" sur la mer, avec sa lourde quille
de plomb, comme le premier. Ses couleurs au bout du mât
unique.
Je l'ai visité maintes fois : 3 compartiments : 1) la cham¬
bre des aussières et des cordages. - 2) le "carré" central,
très soigné, table cirée, guéridons, petites étagères en aca¬
jou ; livres rares ; journaux, revues, tables nautiques ; sex¬
tant... - 3) la chambre des voiles et le matériel de répara¬
tion... navire donnant une impression de stabilité ; inchavirable disait-on. Pont à 60 ou 70 centimètres du niveau de la
Toujours très propre ; cordages et accessoires bien
et en ordre, a leur place.
mer.
enroulés
II
Son grand but dans ce second voyage.
Faire un long séjour en Polynésie Française
-
(c'était
en¬
l'Océanie Française), pour y approfondir ses études, et
les compléter sur ce peuple tahitien, et sur les polynésiens.
Il arriva donc un beau jour à Tahiti... où il aura bien soin de
ne pas se fixer, car trop évoluée. Il n'y viendra que pour des
nécessités absolues : carénage de son bateau, peinture, récep¬
tion de voiles nouvelles... démarches administratives ; visites,
minutieuses du musée (de Mamao), lecture des livres de sa
bibliothèque, et de la collection des bulletins de la "Société
core
des Etudes
Océaniennes"..,
etc.
Mais, tout en visitant à loisir certains archipels - surtout
les "Australes" et dans le même but, il résidera sur son ba¬
teau, dans la rade de la belle île si poétique et majestueuse
de Bora-Bora (cette île de 25 kms de tour, entourée d'un
grand récif, a un système de montagnes coupées par une ou
deux vallées, et aboutissant à deux tours (à la Notre-Dame) de
900 mètres de haut), du groupe des Iles Sous le Vent, au nord
ouest de Tahiti, à quelques 250 kms de Tahiti. Ile en grande
partie protestante de 1 500 habitants et très peu d'européens
(4), 40 à 50 chinois (boutiquiers ou cultivateurs), peu de
"fonctionnaires" locaux. Population pacifique, vivant de la
pêche surtout, de la. vanille et ... de tourisme, car cette île,
perle du groupe, attire toujours beaucoup de touristes...
Pendant la dernière guerre, 6 000 américains (U.S.A.) y
installèrent une base très
puissante^ mais n'y restèrent que
2 ou 3 ans. Age d'or pour les indigenes, farcis de dollars...
par la vente de curiosités ou par la lessive des costumes mi¬
litaires ou par les danses folkloriques bien payées. Mais Alain
Gerbault n'y était plus. Il en serait devenu fou de dépit ou de
tristesse !
Donc Alain Gerbault avait
adopté cette île, mais il vivait
navire, ancré à une ou deux encâblures du rivage...
Couchant toujours à bord, se rendant à terre tous les jours
sur son petit "you-you" pour quelques emplettes, ou ses vi¬
sites aux indigènes cultivés et aux vieillards pouvant lui don¬
ner des renseignements voulus sur ce
peuple.
sur
son
3
Société des
Études
Océaniennes
Ses occupations et ses préoccupations.
Conserver, faire revivre... l'originalité du peuple
tahitien et des Polynésiens, leur faire reprendre goût à leurs
traditions... "que le courant des importations européennes,
chinoises, avec la création de nouveaux besoins (inutiles) et
de plaisirs... est en train de tuer rapidement." Ce sera son
idée fixe et son combat incessant, qui le dressera bien vite
contre les européens et les fonctionnaires en général, et,
sans trop le faire paraitre, contre certaines confessions ! Il
n'est que de lire son livre posthume : "Un paradis qui se
meurt' pour s'en convaincre.
Ill
-
1
2
-
Donc souci de lutter contre tout
ce
qui
"démarque"
l'indigène, l'éloigné de
ses habitudes ou coutumes ancestrales ; essayer de faire revivre celles-ci, persuadé que ces
coutumes étaient celles qui, seules, pouvaient maintenir ce
peuple en santé physique, sociale, et morale, autour de ses
chefs et de ses grandes familles aristocratiques..., sans ce¬
pendant faire table rase des résultats de l'effort missionnaire.
Ce souci constant le poussera donc :
a) à persuader les indigènes de conserver leurs habitudes
vestimentaires et culinaires. Pour les hommes, le "pareo"
(pagne) autour des reins, et la tête nue ; pour les femmes, le
pareo autour de la poitrine et descendant aux genoux... sauf
pour
certaines cérémonies.
La cuisine ? poisson cru, mariné dans du jus de citron ;
cuisson des légumes patates, ignames , "taros", bananes,
poisson aussi, et le cochon (abondant) dans des trous et à
l'étouffé (four tahitien) ; se passer de fourneaux, de lits eu¬
ropéens, mais une natte ou un matelas léger... se passer sur¬
tout (sans y réussir) de la "boîte de boeuf" de conserves,
américaine ou australienne (punu puatoro), des lits à gros
dorés, de costumes tout confectionnés, de l'argent mê¬
(??!!), des autos (??!!)...
tubes
me
b) Souci de
l'hygiène. Revenir à
une
bonne hygiène,bains quo¬
tidiens comme les tahitiens le pratiquent toujours ; construire
de belles cases (toiture en feuilles de cocotier ou de pandanus,
aux cloisons de bambous espacés... laissant passer les yents
alisés...).
Alain Gerbault m'écrivait de Rapa
kms au sud de Tahiti) :
(îles Australes à 1200
"La population est saine et bien portante. Leurs cases sont
"propres et hygiéniques.
Je vous en supplie, qu'on ne les
"pousse pas à construire des maisons en pierre comme on
"voudrait le faire, et répéter ainsi l'expérience désastreuse
"et néfaste faite aux Gambiers. Le pasteur et le chef doivent
"se construire une habitation. Ce n'est pas une maison de
"pierre qu'ils devraient faire (conseil du Gouverneur Monta7
"gné) mais une case plus belle, plus nette, plus artistique, un
"modèle pour les autres. Et si vous le faites je vous en féli¬
citerai dans
mon
prochain livre!!!..."
c) Souci de conserver les traditions sociale s du
4
peuple, endon-
des
nant
responsabilités effectives aux personnalités indigènes
intelligentes, en supprimant les européens si pos¬
reconnues,
sible.
C'est
une
de
ses
grandes théories... Il y reviendra
sans
cesse.
Cf
sa
lettre
précitée (Rapa 15 février).
écris pour vous dire qu'à Raivavae et Rapa,
reçu le meilleur accueil et trouvé la justification de mes
''théories que quand il n'y a pas d'européens tout se
passe bien
Cans les nés. Je vous serai
obligé de remercier les deux pas¬
seurs de Raivavae et celui de Rap>a de leur excellent accueil.
Je
vous
'l'ai
"L'instituteur de Rapa n'est pas mal ; il est estimé de la
popu¬
lation et les mauvaisrenseignementssurluivenaientde
"ce européenne."
sour-
"Yacht Alain Gerbault" le 10 octobre 1936
lettre
"Cher Monsieur, depuis plusieurs semaines
Je voulais vous
"écrire pour vous dire toute la tristesse que j ai ressentie de
"la mort du pasteur Mehao. Je le connaissais depuis bien des
"années dans cette île de Pora-Pora à laquelle je suis tant
"attaché et où je compte beaucoup d'amis parmi la population
"indigène. J'avais pu connaître et apprécier la droiture du
"caractère de Mehao, sa modération et sa tolérance. H appar¬
tenait à cette classe d'indigènes qui saurait bien gouverner
"son pays si on voulait faire appel à elle.
"Veuillez avoir l'obligeance de dire dans votre journal à toute
"la population protestante de vos îles de Pora-Pora, des Mar"quises, des Gambiers et de Rapa toute la part que je prends
"au deuil cruel qui vient de la frapper.
"J'ai vu dans un journal un article où on me prête des appré¬
ciations sur vos pasteurs. Inutile de vous dire que
Je n'ai
Autre
"donné à personne l'autorisation de le faire et que, si j ai des
"opinions a exprimer, je le ferai moi-même dans mes livres. .. "
"Yacht Alain Gerbault" Pora-Pora
"Cher Monsieur, j'ai reçu avec le plus grand plaisir votre
"lettre et j'aurais voulu vous répondre plus tôt. Ici tout le
"monde a lu votre journal et votre article sur Meaho. Sa dis-
Autre lettre
"parition
a laissé ici un grand vide et la population semble
"souhaiter que Teata (fils adoptif de Mehao) puisse venir un
"jour prendre
sa
place..."
d) Souci de la langue tahitienne (dialectes de la langue Poly¬
nésienne).
Alain Gerbault
mit, dès le premier séjour à l'étudier et
la langue parfois déformée de la jeu¬
nesse ou des chinois ("le tahitien de la plage"), mais la lan¬
gue noble, classique, parlée dans nos temples, celle de l'âge
mûr et dont le "monument" se trouve dans la Bible tahitienne
traduite de 1817 à 1835 par les missionnaires anglais, surtout
par Henry Nott. Alain Gerbault avait fini par la parler d'une
manière très satisfaisante, conversant directement avec les
à l'apprendre...
se
non pas
indigènes.
Soucieux de
pour
ce
que cette langue était chose indifférente
la plupart de nos Gouverneurs et pour les Chefs de Ser-
5
vice de l'Instruction Publique (une exception pourtant, le Gou¬
Bouge qui me demanda d'écrire une grammaire tahi¬
tienne pour les ecoles publiques,... chose faite, mais sans
demains pour les écoles publiques, le Gouverneur suivant se
verneur
len¬
désintéressant de la question...) oui, soucieux de cette indif¬
férence, et sachant que nous donnions dans nos écoles mis¬
sionnaires des cours de tahitien classique, grammatical et
syntaxique... Alain Gerbault m'écrivit un jour :
"Rapa, 15 février...
"Cher Monsieur, je vous joins un petit livre que je vous de¬
manderai de me rendre car j'y tiens. Croyez-vous qu'il se¬
rrait possible de faire quelque chose du même genre en Tahi"tien ? en donnant une plus grande place aux îles de l'Océanie,
"en citant aussi des extraits de "L'Evangile du Soleil" ? Se¬
rait-il possible de traduire et d'imprimer cela
Tahiti ?
"Je ne cherche aucun profit ; mais ne croyez vous pas aus"si que cela serait pour l'enseignement et la conservation de
"la langue tahitienne dans laquelle rien n'existe, comme livre
"profane, une excellente chose ? Si vous aviez le temps de le
"faire vous-même, nous nous mettrions facilement d'accord
"sur ce qui est à publier et à couper... Recevez...
Cela devait se faire... mais des lenteurs et... la seconde
à
etc".
à
guerre accaparèrent notre temps... Je ne pus me mettre
ces
traductions !
Donc souci de la conservation de la langue tahitienne,
persuadé
est
se
comme tous
les missionnaires (d'alors) que la langue^
le palladium des peuples indigènes et que
cache derrière elle, comme un rempart.
leur
personnalité
e) Souci de l'histoire ancienne de ce peuple.
Travail très délicat de reconstruction, ces peuples
yant jamais eu de signes graphiques, et leurs traditions
tant
n'a¬
n'é¬
qu'orales.
Mais Gerbault voulut, dans ses recherches, appliquer une
formule à laquelle il se voua avec zèle et ténacité : celle des
généalogies
elles
sont
que chaque famille conserve jalousement, car
leurs "titres de propriétés" indiscutables. Cer¬
ces généalogies remontent au 15ème siècle. Elles
étaient récitées en public, dans les contestations de proprié¬
tés ; récitées sans hésitation, presque en un seul souffle. Le
gouvernement s'en est servi pour constituer le cadastre à
Tahiti. Depuis que la mission protestante (anglaise jusqu'en
1840) apprit aux indigènes à lire et à écrire, ces généalo¬
gies sont toutes écrites et jalousement conservées.
Alain Gerbault s'est consacré avec une minutie de bé¬
nédictin à relever et à collectionner - autant qu'il a pu en
taines de
persuasion ou par d'autre moyen - beaucoup dé
aux Ues-sous-le-Vent (Bora-Bora, Raiatea,
etc). Il était arrivé en les compulsant, à dresser un faisceau
historique de la plus haute importance... et jamàis fait avant
lui/ S'il avait vécu, ce travail, très important aurait été pu¬
blié... et eut constitué un fil conducteur pour d'autres histo¬
riens postérieurs. Hélas ! ses travaux historiques, les ma¬
nuscrits de 2 autres livres ont disparu en 1943 avec son yacht
et sa personne à Timor.
avoir
ces
par
généalogies,
6
Société des Etudes Océaniennes
lettre "Yacht Alain Gerbault" Pora-Pora.
Monsieur, j'apprends indirectement que vous auriez
"peut-être chez vous un livre de généalogies appartenant
"au pasteur de Raivavae. Il serait très important pour moi,
"pour les recherches historiques auxquelles je me livre de
"pouvoir en prendre une photographie. Je sais que les pro¬
priétaires de ces livres n'aiment pas les montrer. Ils ont
"raison certes, car je sais même que deux personnes eu¬
ropéennes voudraient s'en emparer pour des motifs très
"intéressés. Je m'engagerai naturellement par une lettre é"crite à vous, à ne pas lès publier, à ne les montrer ou les
"communiquer
à personne. Je ferai aussi au propriétaire un
"cadeau s il le désire. Mes livres sont
presque finis et je
"serai dans un mois à Tahiti après une tournée
des fies..."
Cf
sa
"Cher
fj Souci de la conservation des terres ancestrales.
Que de fois il a persuadé les indigènes, endettés ou allé¬
chés par des offres européennes d'argent, de ne jamais ven¬
dre leurs terres.
Lettre d'A.G. "La vente sur licitation du 6 mai est abo¬
minable et 4 de mes amis sont dépossédés de leurs terres an¬
cestrales. Cela va aller très loin..."
se
Que de fois nous, missionnaires,
nous avons
des
les
terres
ancestrales
devant
plaidé la cau¬
administrateurs, les
Gouverneurs, les inspecteurs coloniaux...
Nous avons fini par faire prendre un décret par le Conseil
d'Etat qui rend impossible l'achat d'une terre par des euro¬
péens, autres que français (et encore!) et les indigènes. Les
biens familiaux sont dorénavant très
protégés. En cas d'indi¬
vision les propriétaires doivent vendre aux
autresco-propriétaires s'ils sont dans
l'obligation de vendre.
Souci des prérogatives des indigènes contre
g)
les "blancs".
Alain Gerbault fut farouche sur ce sujet. D. vécut en mau¬
vais termes avec certains administrateurs. Il ne
pouvait évi¬
dent mat s'entendre sur une foule de sujet. Ce fut aussi le cas
du peintre
Gauguin... qui en mourut
peut-on
dire.
Lettre d'Alain Gerbault
Cher
Monsieur,
Poroi (un diacre) que vous connaissez
(pour Tahiti) un de ses jumeaux,
Nania, âgé seulement de 15 ans à peine, avec B.B. (un européen)
a Papeete. Il prétend que c'est pour aller
à l'école. En realité
c'est pour servir de domestique et de chauffeurà B.B. La mè¬
re est navrée.
J'ai naturellement tenté l'impossible avec Puni
et PL.. mais il n'y a rien à faire.
Encore un gentil garçon qui sera complètement perdu à Ta¬
hiti dans le milieu qu'il fréquentera, et le métier de chauffeur
est, vous le savez, un des plus triste qui soient. Si vous pouvez
faire quelque chose je vous en serai personnellement très re¬
connaissant. J'aurai même aidé l'enfant s'il avait été placé
laisse partir par ce bateau
une famille sérieuse.
Hélas. Avec la hausse du copra, la civilisation de l'argent
avance
ici maintenant les automobiles ; bientôt cela sera
comme à Tahiti. Les chinois sont les maîtres (!!!)
dans
-
7
Société des
Études
Océaniennes
J'espère avoir le plaisir de
mois
à Tahiti
et
mettrai
au
vous voir dans deux ou trois
point la question du livre en tahi-
tien.
Mes deux
nouveaux
livres avancent et "Sous la race blanche
merci", devient un document des plus écrasant. C'est bien
difficile à écrire, mais c'est pour moi un devoir auquel je ne
puis me soustraire.
sans
mon meilleur souvenir!... A.G.
fois, je vous en supplie, tâchez de faire quel¬
Je vous envoie
Encore,
une
que chose auprès de Poroi !
IV
Rapports avec la Mission
aurez compris par tout ce qui précède, les liens de
sympathie, de compréhension qui nous unissaient à Alain Gerbault. Nos rapports furent fréquents, soit sur son Yacht où
j'allais le voir avec mes jeunes enfants, pour converser, pour
l'interviewer (ce reportage a. paru à l'époque dans notre jour¬
nal tahitien).
Il m'a donné et dédicacé un de ses livres.
Je puis dire qu'après avoir connu de près - dans nos pa¬
roisses indigènes - les méthodes, la psychologie, la prédica¬
tion de la mission protestante et de nos pasteurs indigènes, Alain Gerbault fut bien vite convaincu que cette mission était
celle qui avait le mieux compris le peuple tahitien, qui avait le
mieux conservé son originalité, sa langue ; qui l'avait le plus
défendue, sans cependant excuser ses faiblesses ou ses dé¬
faillances. Le plus grand trésor que la mission lui a légué,
c'est la Bible, avec toute l'éthique et la vie affranchie que
-
Vous
cela suppose.
Je l'avais
comme
au
invité - au nom des indigènes de Bora-Bora
nôtre - à assister à l'inauguration d u grand tem¬
ple en pierres de Vaitape.
"J'y viendrai, M. Vernier,
aux
et
indigènes
à
cause des liens qui m unis¬
un honneur qu ils me font
!'C'est
je leur rendrai avec plaisir. "
sent
et
à
vous
que
Il vint en effet à cette belle cérémonie. Il aborda une blouse
écru de marin, un pantalon écru de marin, et pieds nus, nue tê¬
te...
qui suivit je l'invitai à la table d'honneur ! et
à l'administrateur également invité.
"M. Vernier, si M. Gerbault s'assied à cette table, je la
quitterai aussitôt." Je me précipitai vers un instituteur indi¬
gène, d'une autre table, pour qu'il invitât Alain Gerbault, igno¬
rant ce qui s'était passé. Il y alla d'ailleurs avec beaucoup
plus de plaisir que s'il était resté, muet, gêné, à la table of¬
Au tamaaraa
je le dis
ficielle f
V
La fin d'Alain Gerbault
Alain Gerbault n'avait pas
-
les mêmes opinions politiques
majorité des européens et des indigènes, quand la
39-45 éclata. Devinant que le pays passerait a la Fran¬
ce libre, il fit demander télégraphiquement à Vichy d'envoyer
un
navire de guerre pour surveiller les mouvements dissi¬
dents (!). Un Comité local de la France Libre fit procéder ra¬
pidement à un référendum à Tahiti. Résultat : près de 5000
voix pour la France Libre et 18 contre. Alain Gerbault comprit
que la
guerre
8
Société des
Études
Océaniennes
que son heure était venue de quitter ses chères îles! n par¬
tit par l'ouest ; mais les dominions ou îles anglaises refusè¬
rent de le recevoir ; il passa par le
Détroit de Torrès et fi¬
nit par arriver à Timor, île mi-portugaise, mi-hollandaise.
Objet de suspicion de la part des autorités locales, cette sur¬
pour lui l'aspect d'une persécution. Son idée
fixe était d'atteindre Madagascar. Apres des tentatives in¬
fructueuses, le navigateur solitaire sombra dans une grande
détresse physique et morale et il mourut le 16 décembre 1941.
Sous l'occupation japonaise son navire fut emmené vers les
îles de la Sonde. On n'a jamais su ce qu'il lui était advenu.
Tous les importants documents qu'Alain Gerbault conservait
à bord ont ainsi disparu;. Que sont-ils devenus ? Mystère ?
A la libération un aviso français alla chercher le cerceuil d'Alain Gerbault qu'on enterra à Bora Bora son île
veillance pris
d'adoption.
Ces
quelques notes auront montré, pensons-nous, en Alain
un
grand ami, un véritable ami des Polynésiens.
Gerbault
9
Société des
Études
Océaniennes
INTRODUCTION
A propos
de
la
du naufrage du corsaire allemand "Seadler" et
de la Lutèce. (Communiqué par Georges
capture
Baiily.)
A la suite de la publication dans le numéro 170 de mars
1970 de notre bulletin de l'article "Corsaires du Grand Océan,
l'héroisme méconnu d'un tahitien" de Mr. Temarii Teai, notre
distingué membre à vie, Mr. Georges Bailly a bien voulu nous
communiquer les extraits du journal officiel de s Etablissements
français d'Océanie de 1917 relatifs à ces événements.
Qu'il soit ici remercié.
LA FIN D UN CORSAIRE
EXTRAIT DU JOURNAL OFFICIEL DES
corsaire
Le
E.F.C. ANNEE 1917
"SEEADLER", schooner
en
acier de 1.700
après avoir été, au début de la guerre, le "PASS OF
BALMAHA", de nationalité américaine,ayant quitté le Weser
tonnes,
21 décembre 1916, passait la 3e ligne anglaise de blocus
le 25 décembre 1916, arraisonné par le "HIGHLAND SCOTT"
comme étant le voilier norvégien à trois mâts "IRMA", al¬
lant de Christania à Sydney avec un chargement de bois.
le
Ce trois mâts était muni d'un moteur Diesel de 2.000 che¬
il possédait deux canons de 105 mm., des mitrailleuses
important stock de munitions ; le tout habilement dissi¬
mulé sous un chargement de bois bientôt entièrement jeté à
la mer. Au début de l'année 1917, le "SEEADLER" fit de
vaux
et
;
un
nombreuses
furent
victimes dans
l'Atlantique
;
1 4 navires alliés
coulés par lui.
En avril, le corsaire mit tous ses prisonniers à bord du
bateau
capturé dans l'Atlantique et les abandonna
dans le voisinage de Buenos-Ayrefs, leur permettant ainsi de
dernier
rejoindre ce port.
Le "SEEADLER", se proposait de poursuivre ses exploits
dans les archipels du Pacifique, où de nombreuses goélettes
naviguaient sans songer à la présence des pirates.
10
Société des
Études
Océaniennes
toutes
voiles dehors
11
Société des
Études
Océaniennes
Après avoir doublé le cap Horn, le corsaire arrivait, au
les régions fréquentées du Pacifique. Le
juin, il coulait la goélette américaine "A.B. JOHNSTON",
18 juin, il coulait une seconde goélette américaine, la
début de juin, dans
15
le
"SLADE", et le 8 juillet une
Depuis plus de
mer et
troisième, "MANILA".
"SEEADLER" avait pris la
l'équipage aspiraient ardemment
sur la terre ferme ; le bateau avait
six mois le
les officiers ainsi que
à quelques jours
de repos
également besoin de quelques réparations.
capitaine, après avoir cherché un Ilot isolé et inhabité
Pacifique, choisit l'atoll français de Mopélia, à 265 milles
Le
du
à l'ouest de Tahiti.
Le 31 juillet 1917, il jetait l'ancre à droite de la passe de
Mopélia, à quelques mètres seulement des récifs.
Le 1er août, le capitaine du corsaire prenait possession
de l'îlot et arborait le pavillon allemand sur l'ultime colonie,
disait-il lui même, qui restât au Kaiser.
Le corsaire traînait ses prisonniers avec une dédaigneuse
bienveillance ; le deux août il avait organisé un pique-nique
distraire l'équipage et ses prisonniers, ne laissant à
qu'un personnel réduit. Les embarcations n'avaient pas
encore touché terre qu'un coup de canon était tiré du "SEEAD¬
LER". Une lame venait de le jeter sur les récifs où il s'é¬
chouait, faisant, des allemands, des prisonniers dans leur
propre conquête.
pour
bord
Mopélia n'était pas complètement désert ; 3 tarécoltaient du coprah et y élevaient porcs et volail¬
la maison Grand, Miller et Cie, de Papeete. Cette
maison, arrivée à l'expiration de son contrat d'exploitation ;
devait envoyer prendre ses travailleurs à une date prochaine,
l'îlot de
hitiens y
les pour
aussi les corsaires n'étaient-ils pas sans inquiétude. Aussitôt
échoués ils débarquèrent planches et toiles pour construire
des baraquements, des vivres, des mitrailleuses, des muni¬
tions et des
de
en
tions avec l'exterieur. Les deux canons de 105, trop lourds
communica¬
T.S.F. afin d'être
pour être débarqués, furent abandonnés mais détériorés.
Quelques jours après, le "SEEADLER" fut incendié ; préala¬
appareils
été dynamités et le moteur Diesel
pièces essentielles
large de Mopélia.
blement, les mâts avaient
hors
mis
qui furent
d'usage
par
immergées
la suppression de
au
Grâce à leur poste de T.S.F. les allemands recueillaient
les radios, mais un assez grand nombre étant chiffrés,
intraduisibles, les corsaires ne se sentaient pas en sécu¬
tous
et
rité.
Ils décidaient
ou
tout au moins
immédiatement d'aller chercher du secours
l'hospitalité chez des neutres bienveillants.
12
Le
Capitaine Von Luckner
Le 24 août le capitaine du corsaire s'embarquait avec 5
hommes sur une chaloupe à moteur,
prenant la direction des
Iles Cook où il abordait 7 jours après et réussit à tromper
la bonne foi des autorités locales. Il fut pris
néanmoins,
quelques jours après, aux Iles Fidji.
Les autres
pirates n'avaient qu'une pensée : Fuir ; mais
manquait une embarcation suffisante pour tout l'équipa¬
ge composé de 58 hommes.
il leur
Le 5
septembre au matin, la goélette la "LUTECE", ve¬
Papeete, se présentait devant la passe de Mopélia
venant
chercher les trois indigènes de la maison Grand,
Miller
Cie et la récolte de coprah. La "LUTECE", voyant
sur le récif un bateau échoué et incendié,
s'empressait pour
secourir les naufragés. De leur côté, les Allemands
aperce¬
vant la "LUTECE'
avaient immédiatement décidé de s'en
emparer pour fuir et ils avançaient à sa rencontre avec une
chaloupe armée d'une mitrailleuse.
nant
de
"La LUTE CE" avait à peine franchi la passe de
Mopélia
se trouvait face à face avec l'embarcation des pirates
qui, au même moment, arboraient le pavillon allemand et dé¬
masquaient leur mitrailleuse en donnant à la "LUTECE"l'or¬
dre de stopper et d'amener le pavillon français.
qu'elle
"La LUTECE" étant sans arme et dépourvue de moteur,
résistance était impossible. Cependant l'ordre d'amener
toute
les
les
couleurs
corsaires
françaises n'étant
eux-mêmes
couleurs.
pas
immédiatement exécuté
procédèrent à
la substitution des
13
Société des
Études
Océanienne:
L'officier allemand déclara la "LUTECE" et sa cargaison
frises
de guerre,
permettant
cependant
aux propriétaires
et
leurs objets
l'équipage
d'emporter
à terre
personnels, et,
le même jour, ils fuyaient tous sur la "LUTECE",
nant leurs prisonniers à peu près sans ressources.
abandon¬
Selon leur coutume, avant de quitter Mopelia, les pirates
soin de détruire tout ce qu'ils abandonnaient : appareils
de T. S.F. meubles et ustensiles divers, sans compter les
nombreux arbres (environ cinq cents) qu'ils avaient abattus
eurent
pour en
récolter plus commodément les fruits.
Sitôt après la fuite des pirates, les prisonniers abandonnés
s'étaient empressés de hisser au mât du pavillon allemand
les couleurs françaises, après quoi les nouveaux Robinsons
s'organisèrent. Le capitaine SOUTHARD, du "MANILA", fut
comme chef avec M. FAIN, un des propriétaires de
la "LUTE CE", en qualité de conseiller. Le camp fut réédifié,
les dégâts réparés, la tâche de chacun terminée et la vie
journalière reprit son cours dans l'attente angoissée des évé¬
reconnu
Les vivres laissés par les pirates furent invento¬
rationnés, la base principale de l'alimentation devant
fournie par les pêcheurs et les chasseurs de tortues.
nements.
riés
être
et
question à la fois la plus pressante et la plus diffi¬
La
cile à résoudre était d'aller chercher du secours : les Alle¬
mands avaient annoncé à leurs prisonniers qu'ils revien¬
draient les prendre pour les emmener à Hambourg et, d'au¬
tre
détérioré toutes les embarcations ; Que
de s'enfuir ou attendre ?
part, ils avaient
faire ? E ssayer
Cependant, trois jours après le départ des pirates, le 8
septembre, M. PEDRO MILLER, l'un des propriétaires de la
"LUTECE", s'embarquait sur une vieille embarcation peu
résistante, avec le capitaine SOUTHARD du "MANILA", le
capitaine PORUTU de la "LUTE CE" le second William du
"MANILA" et 3 matelots de la "LUTECE, dans l'espoir
d'Atteindre l'Ile de Maupiti à 85 milles dans.l'est. Après huit
jours de lutte contre des vents contraires et une mer dé¬
chaînée, vaincus par les éléments, ils retournaient dans un
suprême effort, au point de départ, exténués ou près de dé¬
faillir.
Malgré l'échec de cette première expédition, deux jours
après son retour, le 19 septembre le capitaine SMITH, du
"SLÀDE",
direction
ment
avec
deux
seconds
l'ouest, dans
de
réparée
et
PELIA".
dénommée
une
et un matelos, prenaient la
mauvaise baleinière hâtive¬
par eux :
DELIVERER OF MO¬
expédition devait être plus heureuse. En 10
marins franchirent les 1.080 milles les
séparant de Tutuila, ce qui permit aux autorités américaines
des Samoa de signaler a Tahiti par T.S.F. la situation des
prisonniers abandonnés par les Allemands.
Cette seconde
jours
ces courageux
14
Société des
Études
Océaniennes
Le
cause
radio
dans
tresse
et
reçu
à Papeete
des conditions
avec quatre
jours de retard
atmosphériques, signalait l'état de dé¬
à
lequel se trouvaient les victimes des pirates
y avait à leur porter secours
l'urgence qu'il
Bien qu'ayant reçu ce même jour, des autorités anglaises
d'Apia, l'offre de secourir, avec ie navire de la station, les
abandonnés de Mopélia, ie Gouverneur des Etablissements
français de l'Océanie, ne voulant pas se décharger sur qui que
fût du soin de secourir de malheureux alliés abandonnés
une terre dépendant de son
autorité, remercia le Gouver¬
neur anglais de sa courtoise proposition et prit immédiate¬
ce
sur
ment les mesures
nécessaires.
Ils réunissait d'urgence les armateurs de Papeete, les mit
courant de la situation, et M. BARBE RE L, représentant
de la Maison A.B. DONALD LTD, mit immédiatement à dis¬
au
position de l'Administration la seule goélette qui pût remplir
une mission aussi urgente dans des délais u'ès courts. C'est
donc la "TIARE TAPORO", munie d'ur moteur à gazoline de
40 chevaux, commandée par le capitaine WINCHESTER, qui
depuis 40 ans navigue dans le Pacifique, à qui échut l'honneur
d'opérer le sauvetage.
Le jeudi 4 octobre, à 12 heures, la "TIARE TAPGRO"
quittait le port de Papeete. L'expédition était placée sous la
direction de l'Administrateur des colonies CHAZAL à qui
avait été adjoint, en l'absence de médecin, le Pharmacien
aide-major de 1ère classedestroupescolonialesLESPINASSE,
Docteur en pharmacie, pour donner éventuellement des soins
aux
malades
et
blessés.
La traversée, favorisée par le vent d'Est, se passa sans
accident. Le samedi six octobre, à sept heures, la vigie signa¬
lait Mopélia à l'Ouest. Quelques minutes après on apercevait
une colonne de fumée qui s'élevait dans le ciel au nord de l'î¬
lot.
Les
et
dès
naufragés avaient organisé un service de surveillance
la première heure ils avaient aperçu la goélette.
9 heures 50, la "TIARE TAPORO" contournait le récif
le sud et distinguait bientôt nettement le "SEEADLER" échoué près de la
passe, à l'ouest de l'atoll. Au même moment
de nouveaux feux étaient allumés par les naufragés afin qu'au¬
cun des signaux d'appel qu'ils faisaient depuis quelques jours
ne passât
inaperçu.
A
par
Quelques minutes après deux embarcations à voile étaient
signalées dans la direction N-VV, s'avançant à la rencontre de
la "TIARE TAPORO".
Le capitaine WINCHESTER
toutes
les voiles, ordonnait au
faisait immédiatement mettre
mécanicien de donner le maxi-
15
Société des
Études
Océaniennes
à
mum de vitesse.
Quoique non armé il se préparait ainsi
aborder les embarcations et à les couler, pour le cas où elles
auraient été montées par les Allemands revenus dans
l'île.
heureusement ces précautions étaient inutiles. Dix
après, M. MILLER était reconnu dans la première
embarcation où il se trouvait avec un Américain et trois indi¬
gènes. La seconde embarcation était montée par deux Améri¬
cains ; c'étaient les deux équipes de pêcheurs parties dès le
matin avant que la "TIARE TAPORO" ne fût signalée à l'ho¬
rizon. Dès qu'elles avaient aperçu la goélette elles étaient
parties à sa rencontre toutes voiles déployées, tant les aban¬
donnés de Mopélia craignaient de laisser passer une occasion
Fort
minutes
d'être
secourus.
A 10 heures dix les deux embarcations accostaient la
"TIARE TAPORO" et les naufragés, monté s à bord, tombaient,
pleurant de joie, dans les bras
de leurs sauveurs.
"TIARE TAPORO" mettait à la cape
de Mopélia, tout près du "SEEADLER '
10 heures trente la
A
devant
la
passe
Après un déjeûner pris à la hâte les sauveteurs s'embar¬
quaient dans la chaloupe du bord, traversaient la passe et le
lagon et à onze heures arrivaient devant l'ancien camp alle¬
Mopélia.
mand de
Il
est
difficile de
dépeindre la joie des malheureux prison¬
cet atoll,
le 5 sep¬
saluée de
niers abandonnés par les Allemands et vivant sur
les Américains depuis le 2 août, les Tahitiensdepuis
tembre : L'arrivée de la mission de secours fut
hurrahs
frénétiques.
Les naufragés se trouvant tous réunis, l'Administrateur
CHAZAL leur annonçait que le retour, conformément aux or¬
dres
afin
précis du Gouverneur devait s'effectuer le jour même,
d'éviter
une
surprise possible des pirates.
La recom¬
mandation de faire vite était, à la vérité inutile. Tout le monde
avait hâte de fuir cette terre d'angoisse et de souffrances. Il
n'y avait cependant
aux
pas de
malades. Quelques hommes avaient
membres inférieurs des plaies plus ou moins profondes
qui furent
soignées
avec
les pansements apportés de Papeete.
L'infirmerie du camp allemand, en dépit d'une prétentieuse
dénomination de FELDLAZARETT, "Hôpital de campagne",
çeinte en grosses lettres au-dessous d'une grande croix-rouge,
était totalement dépourvue des
ments de
médicaments et objets de panse¬
première nécessité.
A trois heures, le groupe des rescapés fut
photographié au
pied du pavillon français et, dès quatre heures, le depart com¬
mençait, chaque naufragé emportant ses objets personnels et
—"'nies Kniivpnirs
neu
encombrants.
16
Société des
Études
Océaniennes
L'Administrateur CHAZAL, accompagné du Pharmacien ai¬
de-snajor LESPINASSE et de M. PEDRO MILLER', se faisait
conduire à bord du "SEEADLER" pour constater l'état du ba¬
teau
et
prendre quelques photographies d'une épave fortement
malmenee par l'accident primitif cpii causa son échouement,
puis par l'incendie et l'oeuvre systématique de destruction de s
Allemands.
A 20 heures, la dernière embarcation ayant rejoint ia
"TIARE TAPORO", l'ordre de départ était donné.
était contraire, le retour fut plus long que l'aller.
matin, à 5 heures, la "TIARE TAPORO ' arrivait en
vue de BORA-BORA, et à six heures reconnue
par la goélette
"VAHINE RAIATEA", patron ELLACOTT, qui avait assumé
Le
vent
Le lundi
un
rôle de surveillance
Papeete le
sort
et
devait faire connaître
de l'expédition, pour le
cas ou
d'urgence à
il eût été défa¬
vorable.
.
RA
Les deux goélettes rentraient ensuite enradede BORA-BO¬
; la "TIARE TAPORO" stoppait à environ 500 mètres du
warf.
A 8 heures, la "VAHINE RAIATEA" amenait à bord de ia
"TIARE TAPORO" les Chefs de la population de BORA-BORA
chargés de vivres frais ; oranges, bananes, ananas, noix de
coco, etc., offerts aux rescapés a titre purement gracieux.
A 9 heures 10 la "TIARE TAPORO" quittait BORA-BORA
et, deux jours après, elle arrivait, sans autre incident, en rade
de Papeete, le mercredi 10 octobre, à 8 heure s du matin. Tou¬
te la population s'était donnée rendez-vous sur les
quais, at¬
tendant avec une impatiente curiosité le retour des
rescapés.
Au premier rang, pour les accueillir et les
féliciter, se
trouvaient, entourant ie Gouverneur, MM. le Consul desEtatsUnis, le Consul d'Angleterre , le Secrétaire Général et les
Chefs de Service, les représentants de la
Municipalité, etc.
Les rescapés, au nombre
desquels on remarquait la coura¬
geuse compagne de M. ANDREW BACK PETERSEN, après avoir exprimé au Chef de la Colonie leur reconnaissance
pour
la promptitude des secours envoyés à
Mopélia, les soins et
attentions dont ils avaient été l'objet de la part de l'Adminis¬
trateur CHAZAL, du pharmacien LESPINASSE et du comman¬
dant
neur
WINCHESTER, poussèrent troishurrasvigoureuxen l'hon¬
de la République française.
17
>OCl(
Or
Felicitations officielles
EXPEDITION DE MOPELIA
du corsaire allemand "SEE ADMopelia et de la capture de la "LUles corsaires, le Gouverneur des Etablissements
A l'occasion du naufrage
LER"
TE CE
sur
les récifs de
par
Légion d'Honneur, porte
cidistinguées au cours de 1 expédition de
"SEEADLER", abandonnées au nom¬
quarante-cinq sur l'atoll de Mopelia où elles ris¬
de manquer de vivres et de retomber au pouvoir de
français de
l'Océanie, Officier de la
à la connaissance de la
après comme s'étant
secours aux victimes du
de
bre
quaient
1 ennemi
Colonie les noms des personnes
:
des colonies,
Iles-sous-le-Vent
hésitation, a assumé la di¬
MM. R. CHAZAL, Administrateur de 2e classe
Chef des Etablissements secondaires des
dont
dépend Mopelia et qui, sans
rection de l'expédition de secours,
circonstance, comme toujours, d'un
ment et de beaucoup de resolution.
faisant preuve en cette
grand esprit de dévoue¬
Le Pharmacien aide-major de 1ère
loniales, A. LESPINASSE, Docteur en
classe des Troupes co¬
Pharmacie, qui s'est
spontanément offert, aucun médecin n'étant disponible, pour
accompagner l'expédition et a donné les soins lesplus dévoués
à tous les malades et blessés trouvés à Mopelia.
J. BARBE RE L, sujet anglais, représentant de la
A.B. DONALD LTD. d'Auckland, qui, seul
disposer
A.
son
à
goélette à moteur pouvant effectuer
Mai¬
d'une
dans les conditions de suf¬
célérité le voyage de Mopélia, a pris l'initiative d'offrir
son navire et permis, par ce geste d'humanité et de solidarité
entre alliés, de porter un immédiat secours aux victimes des
fisante
pirates allemands.
JOS. WINCHESTER, anglais d'origine, naturalisé français,
Capitaine de la goélette à moteur "TIARE
, qui,
avec le plus grand empressement, a mis à la disposition du
Chef de la Colonie son habileté et son sang-froid pour accom¬
plir dans une zone dangereuse, sans armement
son
bord, une mission délicate dont il s'est acquitté avec le plus
grand zèle et un complet bonheur.
TAPORQ"
spécial à
JOHN WINCHESTER, fils du précédent, aide-mécanicien,
CHRISTENSEN HANSEN, mécanicien de la goélette "TIA¬
RE TAPORO", qui ont fait preuve d'un dévouement et
ardeur inlassables pendant toute la durée de l'expédition ;
et
d'une
^
^
r
1 m
Société des Etudes Océaniennes
WILLIE ORBECK, subrécargue, originaire de Makemo ;
GASPARD PARI, cuisinier, originaire de Rairoa ;
TENA A TE PURE, contremaître, originaire de Tahiti ;
A RAI A TEIHO, aide-contre maître, originaire de Moorea ;
PANA HA A RAPU,
matelot, originaire de Takaroa ;
TIRI A HAAPENA, matelot, originaire de Tahiti ;
TE HE I A TEURA, matelot, originaire de Tahiti ;
A RE A RE A A RE RE A, matelot, originaire de Tahiti ;
qui, tous ont rivalisé de zèle et de bonne humeur dans l'ac¬
complissement d'une tâche dont ils avaient compris toute la
grandeur.
Le Capitaine SMITH, du schooner "SLADE", coulé par le
"SEEADLER", le second G. JOHNSON, du même navire ; le
2e second F. WILLIAMS, du-"MANILA " coulé par le'"SEEAD¬
LER", et le matelot C. THOMSON, également du "MANILA"
qui, sur une mauvaise baleinière hâtivement réparée et dénom¬
mée par eux "DELIVE RE R OF MOPE LIA ", ont franchi en 10
jours les mille quatre-vingts milles les séparant de Tutuila,
ce
qui permit aux autorités américaines de Samoa de signa¬
ler
Tahiti la situation des prisonniers abandonnés sans res¬
par les Allemands le 5 septembre, ceux-ci ayant pris
force la "LUTECE" à son arrivée à Mopélia et disparu
a
sources
de
après avoir incendié le "SEEADLER' échoué et ren¬
son armement, sa machine, ses agrès et dé¬
à terre un important matériel ainsi que leurs installations
aussitôt
du inutilisables
truit
de T. S. F.
le 8 septembre, dans l'espoir
d'obtenir du secours, s'embarqua sur
une
vieille embarcation peu
résistante avec le capitaine
SOUTHARD, du "MANILA", le capitaine PORUTU de la "LUTE CE", le 2e second WILLIAMS du "MANILA", les mate¬
lots MAURI, ETERA et MARU de la "LUTECE" et après 8
jours de lutte sur une mer déchaînée, retourna dans un suprê¬
me effort au point de départ alors que tout le monde autour de
lui était exténué et lui-même près de défaillir.
PEDRO MILLER, qui,
M.
d'atteindre Maupiti et
Le
capitaine HANSEN qui, le 6 Octobre, au moment où les
approchaient, venait de terminer à force de travail
secours
d'ingéniosité une embarcation pour trois hommes, la "EAST
CHANCE", sur laquelle il devait suivre les traces du capitai¬
ne Smith et essayer d'aborder aux Samoa.
et
Le
patron ELLA COT et son équipage de la "VAHINE
RAIATEA" qui avaient assumé un role de surveillance et de¬
vaient faire connaître
d'urgence à Papeete le sort de l'expé¬
dition pour le cas où il eût été défavorable.
Le
brigadier de police TEHIHIOA A A PERAHAMA, des
qui tint à se joindre à l'expédition, bien
Iles-sous-le-Vent.
qu'il fût
en
congé
a
Papeete.
19
Société des
Études
Océaniennes
Les
CHEFS et la
POPULATION DE BORABORA, qui
fournirent aux rescapés, à leur passage dans cette île, des
quantités de vivres frais
a titre purement gratuit.
Enfin les rescapés des navires "SLADE" "G. JOHNSON",
"MANILA" et "LUTECE", qui tous, sous la direction du ca¬
pitaine SOUTHARD, qu'ils avaient reconnu comme chef avec
M. FAIN pour conseiller, s'étaient empressés de hisser au
mât du camp allemand les couleurs françaises en place du pa¬
villon des écumeurs qui y avait flotté en détresse, pendant un
mois.
Papeete, le 15 octobre 1917.
Le Gouverneur,
G. JULIEN.
20
Société des Etudes Océaniennes
LES NAUFRAGES EUROPEENS
DANS LE PACIFIQUE
ANTERIEUREMENT A LA PERIODE DE COOK
par
Robert Langdon, Traduit de l'anglais
par
Bertrand Jaunez
l orsque les premiers navigateurs arrivèrent à Tahiti - il y a un peu
plus de deux siècles - sur le Dolphin, ils se trouvèrent en présence d'une
population à l'aspect physique très séduisant et, parmi celle-ci, des in¬
dividus à la peau aussi claire que la leur.
George Robertson, l'officier navigateur du Dolphin, constate que la po¬
pulation peut se répartir en 3 pigmentations différentes. "Certains avaient une couleur cuivrée, d'autres l'aspect de mulâtres ; d'autres encore
étaient presque blancs". Ceux qui avaient la peau cuivrée, poursuit-il, étaient dix fois plus nombreux que les mulâtres (qui étaient â mi-chemin
entre "les éléments les plus blancs" et ceux qui étaient "rouges ou cou¬
leur d'Indien") tandis que les mulâtres étaient "dix fois plus nombreux
que les plus blancs", Robertson estima que ceux â la peau cuivrée étaient
"exactement comme les Malais de Java" tandis que les Blancs avaient
"de grandes ressemblances avec les Juifs." Robertson
aperçut également
une femme qui "était tout aussi belle et bien ftûte que la plupart des fem¬
Angleterre, eut-elle été habillée â l'anglaise que personne ne l'au¬
étrangère," ajoute-t-il. (I)
L'explorateur Français Bougainville qui visita Tahiti en 1768 fut éga¬
lement frappé par l'apparence européenne de beaucoup de Tahitiens, bien
qu'il n'ait distingué que 2 races parmi la population, probablement parce
qu'il se trouvait sur le versant opposé de l'île. De la race la plus impor¬
tante, en stature et en nombre, il dit ceci : "Rien ne distingue leur aspect
de celui des Européens, et, s'ils étaient vêtus et vivaient moins au grand
air et au soleil, ils seraient aussi blancs que nous," (2)
Le Capitaine Cook qui suivit Bougainville en 1769, exprime la même
opinion, La classe "supérieure" de la population, écrit-il, n'est pas "plus
foncée que ceux qui ont fait un long séjour ou sont nés aux Antilles, et
quelques unes des femmes sont mêmeaussiclaires que des Européennes,"
(3),
Joseph Banks, compagnon de Cook, pensait que la "classe supérieure"
de la population (et particulièrement les femmes) étaient "rarement plus
foncées que ce type de brunette que beaucoup en Europe préfèrent aux plus
belles blondes", ajoutant qu'il en avait même vu quelques unes "rougir
de façon manifeste," (4)
James Morrison, second maitre de la Bounty, qui vécut plus de 2 ans
â Tahiti, de 1788 à 1791, disait que la peau des Tahitiennes "était aussi
tendre que celle des Européens et aussi sensible au soleil," Beaucoup
d'entre elles, "avec l'aide d'une belle robe, passeraient pour des femmes
très élégantes, même en Angleterre." (5)
Pickersgill, un des officiers de Cook â son second voyage, note avoir
vu
un homme
"de la couleur d'un Flemmen" (c'est â dire un natif des
Flandres.), L'homme avait les cheveux roux, de mauvaises dents, des
yeux gris et fut pris, tout d'abord pourun Européen. "Mais l'ayant exami¬
né de plus près" écrit Pickersgill, "nous constatâmes qu'il s'agissait
d'un indigène. Comment et par quel processus un blanc peut-il
naître
au milieu d'Indiens cuivrés, c'est ce que je
laisse aux savants â décou¬
vrir." (6)
mes en
rait prise pour une
21
Un des prêtres Espagnols qui visita Tahiti en 1772-73 note avoir aper¬
à Taiarapu 2 hommes aux cheveux clairs, à la barbe rousse et aux yeux
bleus et ajoute que Vehiatua, chef de ce district, était : " de peau très
claire et rougeâtre, indépendamment des brûlures de soleil." (7). La blon¬
çu
semble
deur
en
car
1775
avoir été une des caractéristiques de la famille Vehiatua,
autre Espagnol, Maximo Rodriguez, rapporte ceci, à pro¬
un
de Oviriau, une des cousines de Vehiatua : "Son teint est très clair,
roux et bouclés et elle aies yeux bleus. Elle est trèsadmirée
la population de son district d'Atehuru," (8)
pos
cheveux
ses
de
John Reinhold Forster, le savant qui visita Tahiti et beaucoup d'autres
avec le Capitaine Cook en. 1773-74, émettait l'opinion qu'en général
les Tahitiens étaient beaucoup plus clairs que les Marquisiens, les Ton-
îles
et les Pascuans qui sont tous des Polynésiens. (9)
Pourtant, même les Tahitiens n'étaient pas considérés comme étant
les plus clairs de peau. Lorsque Cook visita les îles voisines de Huahine,
Rora-Bora, Raiatéa et Tahaa, il constata que les indigènes - surtout les
femmes
étaient plus clairs que ceux de Tahiti (10). A Huahine, en par¬
ticulier, il constata qu'ils étaient "d'une couleur plus uniforme" que les
gans
-
Tahitiens.
(10
part, la population mixte que Cook et d'autres avaient obser¬
à Raivavae, située à 400 milles dans
officier du navire espagnol Aguila se
rendit a terre, il constata que certains des habitants étaient blancs, d'au¬
tres couleur de mulâtres, et d'autres encore plus foncés. (12)
Sur d'autres îles, il n'y avait pas de spécimens blancs. C'est ainsi
qu'à Rurutu, située à 200 milles dans le N.O, de Raivavae, Joseph Banks
trouva la population
"plus foncée" que celle de Tahiti et des autres ûes
de la Société (13), Il en était de même dans l'île de Kaukura, dans les
Bellinghausen visita
Tuamotus. Pourtant lorsque l'explorateur Russe
cet atoll en 1820, il constata que bien que les habitants fussent "très fon¬
cés de visage et de corps", leur physique "ne différait pas de celui des
Européens," (14)
Les explications les plus valables données jusqu'à présent par les
ihnologues pour expliquer la présence d'indigènes blancs ou à l'aspect
européen dans l'Est du Pacifique à l'époque de Cook sont les suivantes :
D'autre
vée à Tahiti fut également observée
le Sud de Tahiti. Lorsqu'en 1775 un
"I. Quelque part, et d'une certaine
ancêtres des
Polynésiens
vant de se lancer dans le
manière, il
mélangèrent à
Pacifique. (15)
se
y a
une race
des millénaires, les
de type Caucasien a-
n. Les Polynésiens descendent en partie d'une tribu mystérieuse ayant
à leur tête Kon Tlki, le héros de Thor Heyerdahl ; ils se lancèrent dans le
Pacifique à partir du Pérou il y a plusieurs siècles. (16)
III. Ils descendent des Vikings de Scandinavie qui accomplirent une mi¬
gration à travers l'Amérique du Nord entre le Ilême et le 14ême Siècle.
11 est possible qu'il y ait une part de vérité dans toutes ces théories ;
mais à mon avis une explication plus plausible est que si certains Polyné¬
siens avaient un aspect européen il y a 2 siècles, c'est parce qu'ils eurent
des ancêtres européens à une époque tout à fait proche.
On possède en tout cas de nombreux éléments permettant d'établir que
les Européens avaient navigué et fait naufrage dans le Pacifique Oriental
bien avant l'époque de Cook ; parmi ceux-ci, la découverte, en 1929, sur
l'atoll d'Amanù, de 4 canons Identifiés à l'époque comme étant d'origine
Espagnole. (18)
La découverte en 1606 sur l'atoll de Hao, situé à neuf milles d'Amanu,
d'un certain nombre d'objets non Polynésiens parmi lesquels une bague en
or sertie d'une êmeraude, ainsi que la présence d'une race de chiens res¬
semblant à ceux de la province de Castllle. (19)
Une tradition de Rarotonga faisant état d'un navire européen qui se
serait perdu sur cette île bien avant l'introduction du christianisme en
,
1823.
(20)
22
Société des
Études
Océaniennes
La découverte
.
récente à Rarotonga d'une vieille ancre
et d'un sabre
supposé du naufrage d'un navire européen.(21)
Une déclaration faite en 1769 par Tupaia, le pilote Tahitien de Cook,
relative à un navire étranger qui se serait perdu sur l'île basse de O-anua,
apparemment le nom ancien de l'fle de Rangiroa(Rairoa) dans les Tuamorouillé à proximité du lieu
,
tus.(22)
indigènes de Ranlaquelle un na¬
Une déclaration du piloteTahitienPuhoroetde deux
giroa faite à l'explorateur espagnol Langara en 1775, selon
vire européen serait rentré par la passe Est de Rangiroa pour
.
une
escale
journée. (23)"
Une déclaration de Tupaia selon laquelle un navire européen ami au¬
rait visité Raiatéa au temps de son grand père. (24)
L'absence de toute relation européenne sur des visites, désastreuses
ou
non, soit de Rangiroa ou de Raiatéa avant l'époque de Cook,
La découverte d'une croixdeboisanciennesur l'atoll d'Anaa par l'ex¬
plorateur Espagnol Tomas Gayangos, (26)
Une tradition, dans l'fle d'Anaa, remontant au début du 19ême, selon
laquelle le premier navire européen à visiter l'atoll était commandé par
un Blanc avec un équipage noir. (27)
Une déclaration faite par un officier Espagnol en 1772 selon laquelle
un certain nombre d'indigènes d'Anaa étaient blancs. (28)
Cette liste permet de constater qu'un certain nombre d'événements
d'origine européenne semblent avoir eu lieu dans le Pacifique Oriental,
avant la période de Cook, pour lesquels il n'existe pas de relation euro¬
péenne contemporaine. Ceci n'est évidemment pas surprenant dans le cas
d'un naufrage, car un marin européen naufragé quelque part dans le Paci¬
fique Oriental avant le 19ême siècle n'avait pratiquement aucun moyen de
rentrer au pays raconter son histoire, (29)
Il est maintenant communément admis parmi les spécialistes du Paci¬
fique qu'en dehors des voyages bien connus de Mendana (1567 et 1595),
Quiros (1605-6), Schouten et Lemaire (1616), et Roggeveen (1722), aucun
Européen ne s'aventura très profondément dans le Pacifique Sud Oriental
entre l'époque de Magellan et le début de celle de Cook, C'est pourquoi
l'éventualité d'Européens naufragés ou abandonnés en Polynésie Orientale
avant l'époque de Cook n'a jamais été sérieusement examinée. Toutefois,
certaines recherches révèlent que le Pacifique Oriental était moins vide
de navires européens qu'on ne le pense généralement.
Deux navires espagnols ont pu se trouver dans ces régions dès 1526 et
l'un d'eux a pu y faire naufrage. Ces 2 navires étaient le Santa Maria del
Parral et le San Lesmes, tous deux des caravelles d'environ 80 tonneaux.
Ils faisaient partie d'une expédition commandée par Garcia Jofre de Loalsa, qui pénétra dans le Pacifique le 26 Mai 1526 par le détroit de Magel¬
lan, se dirigeant vers les Moluques. A ce stade, l'expédition comprenait
4 navires. 6 jours plus tard, ces navires furent séparés par une tempête
et ne se retrouvèrent jamais. L'un d'eux finit par arriver au Mexique ;
un autre parvint aux Indes après avoir fait escale à Guam où il prit à son
bord un Espagnol du nom de Gonzalo de Vigo qui, en 1521, avec 2 compa¬
gnons, avait déserté l'expédition de Magellan, Le troisième navire, le
Santa Maria del Parral, traversa sans histoire le Pacifique pour parvenir
aux
Phillipines, sans que nous ayons aucun renseignement sur la route
suivie. Quant au quatrième navire, on n'en entendit plus jamais parler.
Il est donc fort possible que le Santa Maria del Parral ait fait escale dans
une ou plusieurs fles du Pacifique Oriental et y ait abandonné quelques
déserteurs comme le fit Magellan dans les Mariannes ; il est également
possible que le San Lesmes se soit perdu dans ces fles. En fait j'ai tout
d'une
.
,
(25).
.
.
.
lieu de croire que c'est le cas. (30)
Onze ans après l'expédition de
Loalsa se trouvait dans le Pacifique
espagnol qui pourrait y avoir abandonné des dé¬
des naufragés ; c'était tm navire commandé par Hernando de
Oriental un autre navire
serteurs ou
23
Société des Etudes Océaniennes
Grijalva qui avait éié envoyé du Mexique au cours de l'été 1536 pour ap¬
porter des renforts à Pizarre au Pérou. Après avoir accompli sa mission
à Paita, Grijalva fit voile dans le Sud Ouest à la recherche d'fles réputées
riches. Il parvint jusqu'à la latitude 29 S., beaucoup plus bas que la lati¬
tude de Tahiti, mais il n'existe aucun document permettant de savoir s'il
trouva ou non des des, (31)
après l'expédition Grijalva, un
Juan Fernandez aurait fait un voyage
40 ans
navire espagnol
commandé
d'exploration dans le Paci¬
fique en partant du Chili ; il aurait atteint la latitude 40 Sud en faisant
route au Sud Ouest. Il aurait navigué pendant 1 mois avant d'atteindre
terre qui aurait fait partie du Grand Continent Austral. Le navire
par
une
n'étant pas convenablement équipé, il rentra au Chili avec
repartir, mieux équipé, vers la côte qu'il avait atteinte.
Ce deuxième voyage n'eut toutefois jamais lieu et Fernandez serait
mort (probablement en 1599) sans avoir jamais révélé la position de
sa découverte ni donné la moindre indication sur son voyage d'aller et
de Fernandez
l'intention de
de
retour,(32)
Un
autre
le Pacifique Sud au 16ême siècle, sans
de voyage ; il s'agissait de l'un de deux navires
navire traversa
avoir laissé de relation
hollandais, les premiers à avoir accompli cette traversée. Il était
mandé par Balthasar de Cordes quialla du Pérou aux Moluques en
com¬
1599.(33)
accompli de nombreuses tra¬
possède aucun document relatif à des nau¬
frages éventuels dont ils auraient été victimes dans le Pacifique Oriental.
Toutefois, étant donné qu'à l'époque il n'existait aucun moyen d'établir
sa longitude de &çon précise, il est fort possible que quelques navires,
Bien
que
versées du
surtout les Hollandais aient
Pacifique, on ne
poussés par le vent et les courants, aient dérivés jusqu'aux fies de la
Polynésie sans avoir pu se rendre compte de la distance parcourue.
Un navire, en particulier, semble avoir fait cela : il s'agit du Batchelor's Delight du boucanier Edward Davis. En 1687, Davis quitta les Ga¬
lapagos, se dirigeant vers le Sud avec l'intention de se rendre sans
escale à Juan Fernandez, Néanmoins, alors qu'il se trouvait (d'après
deux récits de seconde main) par 27o Sud et à 500 lieues-pensait-il - de
Copiapo, Il aperçut une fie basse sablonneuse, "sans garde de rochers" ;
de là, à environ 12 lieues dans l'Ouest, il apercevait une tere haute
qui semblait se prolonger de 14 à 16 lieues en direction du Nord-Ouest,
La découverte de Davis fut connue pendant plusieurs années sous le
nom
de Terre de Davis, Ceci dit, les marins et les savants ont toujours
été mystifiés par l'identité de cette Terre, car il n'existe rien qui res¬
semble à sa description dans le voisinage de la position qu'il avait don¬
née. Ainsi Davis, semblable en cela à beaucoup de navigateurs espagnols,
semble avoir situé sa découverte trop à l'Est, On peut se demander
combien de navigateurs de son époque ont pu faire les mêmes erreurs
se trouvant
encore plus profondément en Polynésie qu'il ne l'avait
en
lui-même,(34)
été
l'ouvrage de William Betagh, Avoyage round the World, publié
en 1728, il est fait mention de deux navires espagnols qui
peut-être atteint la Polynésie après avoir été déviés de leur route
les vents et les courants. Ces deux navires arrivèrent au Pérou
Dans
à
Londres
ont
par
en
1720
et
rapportèrent séparément qu'ils avaient été entrainés jus¬
qu'aux lies Salomon. Ces rapports amenèrent le vice-roi à envoyer un
troisième navire sous le commandement d'un Français nommé Thaylet,
à la recherche de ces fies qui n'avaient pas été aperçues depuis 1595
Thaylet fut absent pendant 2 mois ; il ne trouva pas les fies Salomon,
mais il est possible qu'il ait vu d'autres fies car 11 n'existe aucun compte
rendu permettant de savoir où il alla et où il n'alla pas, (35)
Toute cette émumération de voyages relatés, supposés et probables,
devraient suffire pour montrer qu'il y a eu plus de navires européens
s'étant peut-être rendus dans ces régions qu'on ne le suppose généra¬
lement et qu'un ou deux de ces navires ont pu y faire naufrage.
24
européen fit certainement naufrage sur l'atoll d'Amanu,
nous disposons font penser que ce naufrage était
antérieur de quelques années à la visite de Quiros aux Tuamotu. L'é¬
pave d'Amanu fut découverte par François Hervé, administrateur dés
Tuamotu avant la deuxième guerre mondiale. En 1929, il était en train
d'établir une carte d'Amanu - que l'on visitait rarement - avec le Chef
de l'Ile et fit remarquer à ce dernier que, contrairement à la plupart
des atolls, Amanu n'avait pas d'épave sur son récifs Le Chef ayant ré¬
pondu qu'il existait une épave, Hervé lui demanda de l'y conduire. A un
certain endroit de la côte Est (face à l'Amérique du Sud) il aperçut, en¬
castrés dans le récif et recouverts par la mer, 4 canons avec des pierres
étrangères ayant apparemment servi de ballast à un navire. A cette époque, un des canons fut récupéré et envoyéà Papeete à bord de la goelette administrative Mouette pour être installé au Musée, Deux autres fu¬
rent récupérés il y a quelques mois par un officier de la Marine Françai¬
se et également transportés à Papeete. (36)
Jusqu'à présent les seules relations imprimées concernant le canon
sont celles qui se trouvent dans les souvenirs d'un voyage en yacht de
Gifford Pinchot, parus sous le titre To the South Seas et dans l'excellent
guide de Samuel Russell, paru en 1930 et intitulé Tahiti and French
Oceania. Pinchot, Gouverneur de Pennsylvanie, vit en 1929 le canon
au Musée de
Papeete, en présence de M, Hervé, Il le décrit comme un
,,canon court en fer, très ancien" (caronade), ajoutant que de l'avis de
M. Hervé, il provenait probablement d'un navire explorateur espagnol
envoyé au Pérou. Dans son livre, Samuel Russell le décrit comme étant
"extrêmement ancien" et "supposé d'origine espagnole", ajoutant qu'il
n'existait "aucun document permettant de savoir à la suite de quelles
circonstances il s'était trouvé encastré dans le corail à Amanu." (37)
Ni Pinchot, ni Russell, ne se rendirent compte que l'épave d'Amanu
était probablement liée aux mystérieuses découvertes laites par Quiros
et
Un
navire
les
éléments dont
de Hao, en 1606,(38)
Quiros faisait route vers l'Ouest à travers le Pacifique, à la recherche
du Continent Austral, lorsqu'il aperçut un large atoll (maintenant iden¬
tifié comme étant Hao) qu'il baptise La Conversion de San Pablo. Ayant
dans l'atoll voisin
frais, quelques membres de l'équipage se ren¬
là firent la connaissance d'une femme âgée portant un
agne pour tout vêtement et dont les cheveux étaient "arrangés à la ma¬
nière espagnole". Cette femme fut amenée à bord du navire de Quiros
et ce dernier constata qu'elle portait au doigt une bague en or sertie
d'une émeraude. Quiros tenta d'échanger sa bague contre une semblable
en cuivre mais la femme répondit qu'elle regrettait de ne pouvoir accéder
à son désir, car il serait nécessaire de lui couper le doigt, Quiros nota
également qu'ayant été invitée à boire du vin, elle parut "familière avec
cette boisson" ; et lorsqu'on lui montra les chèvres du bord, elle " les
regarda comme si elle en avait déjà vu". Après avoir reçu quelques
présents des Espagnols, elle fut reconduite à terre et là, 72 indigenes
venus
d'une autre partie de l'fle les accueillirent paisiblement. Un peu
plus tard, le chef produisit une coiffure de plumes noires qu'il envoya
à Quiros, demeuré à son bord. "A notre stupéfaction" relate un des com¬
pagnons de Quiros, "cette coiffure comportait aussi des tressés de
besoin d'eau et de vivres
dirent
à
terre et
cheverçc
très clairs". Le pilote de Quiros, Gonzalês de Leza, fut égale¬
ment
étonné par la coiffure, la décrivant comme une sorte de turban de
avec "une tresse de cheveux de femme longs et très dorés ar¬
rangée comme un diadème". Mais ce n'était pas tout. Les Espagnols
trouvèrent également à terre un poteau de bois de cèdre qui parut à l'un
d'eux " avoir été travaillé sur la côte du Nicaragua ou du Pérou", Ils
plumes
également des chiens "semblables à ceux de Castille", Dans l'en¬
l'atoll de Hao, dont les habitants avaient "une peau basanée
mulâtres" avait de quoi intriguer Quiros et son équipage.
virent
semble,
de
Mais apparemment, ils
levèrent l'ancre
sans
soupçonner que la coli
25
Société des Etudes Océaniennes
fure espagnole, les chiens de Castille et la
bague à l'émeraude avaient
dû très certainement provenir de l'un de leurs navires ; que
le poteau
de cèdre était probablement un mâtouunespart
qui avait été taillé sur pla¬
ce ; et que certains des
indigènes basanés étaient peut-être des métis des¬
cendants de leurs compatriotes
naufragés. (39)
Etant donné que Hao ne reçut aucune autre visite d'explorateurs
européens jusqu'en 1768 et qu'Amanu ne fut officiellement découverte
qu'en 1774, il n'existe pas d'autres éléments contemporains permettant
d'expliquer cette théorie. Toutefois, la découverte de 4 canons à Amanu
en 1929 rend cette théorie parfaitement plausible, et comme ces canons
sont peut-être ceux de la caravelle San Lesmes qui se perdit en
1526,
il est possible que les premiers Européens à s'établir dans le Pacifique
y parvinrent deux siècles et demi; avant le capitaine Cook. (40)
Si l'on suppose que l'épave d'Amanu était bien celle du San
Lesmes,
que se serait~il passé si, par exemple, 5 membres de son équipage (qui
en comportait probablement 36)
(41) avaient réussi à gagner la terre
et y avaient vécu avec des femmes indigènes ? A l'époque de l'arrivée
du capitaine Cbok, déux siècles et demi plus tard, ces 5
Espagnols au¬
raient pu avoir plus de 250000 descendants ayant du sang
européen -en
supposant
enfants,
3
que
que
d'indigènes de
chacun d'eux ait eu 3 enfants et autant pour chacun des
chaque génération ait été de 25 ans, et qu'il y ait eu assez
race pure pour se
mélanger à
ceux ayant du sang
Si ces 5
européen.
Espagnols avaient parmi eux un Basque aux yeux bleus ou un Fla¬
mand, on aurait pu s'attendre à voir apparaitre de temps à autre, après
plusieurs générations, ces couleurs d'yeux et de cheveux d'un clair ca¬
ractéristique, bien que génétiquement récessif ; et, bien entendu, si tout
l'équipage avait survécu et pris femmes, l'apport de sang et de carac¬
téristiques européennes aurait été d'autant plus grand.(42)
Àmanu
étant un atoll assez petit et aride, on peut être certain qu'une
population vigoureuse et en pleine expansion aurait été dans l'Impossi¬
bilité d'y vivre indéfiniment. Aussi de temps à autre, quelques membres
de la population s'en seraient allés, emportant leurs possessions avec
eux. D'autres sans doute, surpris par le mauvais temps alors
qu'ils au¬
raient été à la pêche, seraient partis à la dérive vers d'autres fies etc...
Au bout de 3 générations, une bonne partie de la communauté aurait
certainement fait la traversée de Amanu a"! Hao, longue de 9 milles. Et
là,
avec
leurs coiffures espagnoles, leurs chiens castillans, leurs poteaux
taillés de cèdre et leurs bagues d'or et d'émeraude, ils auraient pu ac¬
cueillir Quiros lorsqu'il traversa les Tuamotu en 1606.
Soit directement ou indirectement, accidentellement ou
autrement,
des indigènes de Hao et d'Amanu sont certainement parvenus à
Tahiti,
Raivavae, 'et aux autres fies du Sud et de l'Ouest au cours des généra¬
tions qui suivirent. Il y a de nombreux récits et traditions de
migrations
de ce genre dans les Tuamotu, et de plus, il est établi qu'avant l'arrivée
des Européens, des voyages réguliers avaient lieu entre l'atoll d'Anaa et
Tautira à Tahiti, (43)
Il est difficile à imaginer qu'un petit groupe de naufragés
espagnols
aient pu faire grande impression sur la culture matérielle des
insulaires,
l'absence des
mettant
éléments
essentiels de leur propre culture ne leur per¬
de s'y consacrer. Une fois brisés ou hors d'usage la vais¬
selle, les armes, seies, rabots et vêtements des naufragés, il en aurait
été fait de leur culture. De même, en dehors de quelques noms
propres
peut-être "Tuamotuisés", on ne pourrait s'attendre à trouver des traces
de survivance de la langue espagnole
après une génération ou deux, les
naufragés étant une minorité et, sans leurs propres femmes, n'auraient
pu vivre dans l'isolement nécessaire à sa préservation.
Toutefois, cer¬
tains
aspects de la religion des naufragés auraient pu se transmettre
à l'intérieur de leurs propres familles, comme c'est le cas aux EtatsUnis parmi de nombreux groupes qui ont
depuis longtemps abandonné
leur langue originelle.
pas
26
Société des
Études
Océaniennes
qu'un seul naufrage espagnol dans les Tuamotu, au début
période d'exploration européenne, pourrait expliquer pas mal de
choses demeurées jusqu'à présent mystérieuses - pourquoi tant de Po¬
lynésiens Orientaux sont si clairs de peau et d'aspect européen ; pour¬
quoi ils s'unissent si volontiers à des Européens (44); pourquoi des élé¬
ments de la Bible ont été trouvés dans leur religion traditionnelle ; pour¬
quoi Anaa avait sa croix dès 1775 (44 A) ; et comment un groupe appelé
Paniora ( interprétation iahitienne du mot espagnol Espanoles, signi¬
fiant Espagnols) vint à prendre part aux guerres civiles de Tahiti en
1808-15 (44 B), Il va sans dire que s'il y avait eu des déserteurs ou des
naufragés européens sur d'autres fles du Pacifique Oriental en plusd'Amanu
ce qui est fort possible - la contribution européenne aux gênes
de la région aurait été encore plus intense. (45)
C'est ainsi
de
la
-
Il
n'est
toutefois pas dans
mon
intention de faire croire,
grâce à
les naufragés et les déserteurs européens soient néces¬
sairement à l'origine de tous les cas de blondeur constatés en Poly¬
nésie depuis 1595, quand la femme de Mendana voulut couper les cheveux
d'une rousse rencontrée aux Marquises, (45)
Le fait que les Tahitiens, les Hawaiiens et les Maoris de NouvelleZélande utilisent le mot ehu avec des variantes pour désigner des gens
à cheveux blonds, nous permet de penser qu'ils avaient connaissance
de cette particularité depuis des temps reculés. Pourtant il est connu
qu'en Nouvelle-Zélande et à Hawaii certains de leurs ehu ont pu arriver
sur des navires européens à une époque postérieure à Magellan,
Pour ce qui est de la Nouvelle-Zélande, les preuves sont minces
mais curieuses. Elles consistent en pièces de la calotte d'un casque eu¬
ropéen du 16ême siècle, communément connu sous le nom de casque es¬
pagnol, et qui se trouvent actuellement dans le Dominion Museum de Wel¬
lington, En 1908 il fut établi que ce casque provenait d'un dragage du port
de Wellington exécuté plusieurs années auparavant et qu'il serait resté
près de 30 ans dans le musée local. Jusqu'à présent il a été malheureu¬
sement impossible
de trouver une relation contemporaine de sa décou¬
verte, et le Museum ne possède aucun document permettant de connaître
comment il fut acquis. Toutefois, Connaisseur, la revue londonienne des
collectionneurs d'antiquités, a identifié ce casque comme datant de la pé¬
riode de 1560-70, tandis qu'un spécialiste du Victoria et Albert Museum
de Londres le date d'environ 1580". Les savants néo-zélandais, pour des
raisons qui semblent purement émotionnelles, ont tendance à rejeter
l'idée que ce casque puisse être une preuve de contact européen avec
leur pays avant la visite de Tasman en 1642. "Une pièce de couvre-chef
ne constitue pas une découverte" fut la déclaration que fit une fois J.C.
Beaglehole. Cependant, à la lumière du voyage qu'aimait fait Juan Fernan¬
dez en 1576,vers ce qu'il pensa être le Continent Austral, et qui coincide
parfaitement avec la date attribuée au casque, il est impossible de rejeter
la possibilité d'un voyage espagnol jusqu'en Nouvelle-Z élande depuis l'A m érlque du Sud, Le savant chilien Jose Toribio Medina, qui semble n'avoir
pas connu l'existence du casque, écrivit dans un livre sur Juan Fernandez,
que le Continent Austral de ce dernier était peut-être la Nouvelle-Zélande,
tandis que Elsdon Best commente la remarquable similitude entre le mot
maori signifiant chien qui est pero et le mot espagnol qui est perro. Il no¬
te également que les Espagnols appellent un navire buque, tandis que les
tout
ceci,
que
Maoris disent puque, (46)
Plusieurs faits semblent mettre en évidence la
présence de naufragés
espagnols dans l'archipel des Hawaii bien avant l'arrlvéede Cook en 1778.
L'un d'eux est l'existence d'un buste sculpté d'un homme portant une frai¬
se et une perruque à queue qui se trouvait dans la vallée de Manoa près
de Honolulu avant l'époque de Cook, et qui a bien l'air de représenter un
des premiers explorateurs espagnols, exécuté par un de ses compatriotes
Les capes et casques des anciens Hawaiiens ont également une apparence
espagnole. Le capitaine King, compagnon de Cook, fut tellement frappé de
27
Société des
Études
Océaniennes
"l'exacte ressemblance" entre le costume hawaiien et celui porté par les
Espagnols à une certaine époque, qu'il
savoir "s'il y avait des raisons valables
résolut de se renseigner afin de
decroire qu'il leur avait été em¬
prunté" ; bien que le résultat de son enquête ait été négatif, il écrivit
que "la forme inhabituelle de ce vêtement me parait une preuve suffisante
de son origine européenne, surtout si l'on tient compte en plus du fait que
son aspect s'éloigne des formes habituelles que l'on retrouve dans toutes
les branches de cette tribu dispersée dans les Mers du Sud." Il ajouta
que "de cette conclusion, nous fûmes amenés à penser à un naufrage de
boucanier ou de navire espagnol dans -le voisinage de ces fies. Et si l'on
se
souvient
se
à l'aller
degrés au
que la route du commerce espagnol d'Acapulco à Manille pas¬
a quelques degrés au Nord des Hawaii et au retour à quelques
Sud , cette supposition ne paraîtra pas improbable." (47)
Bien que le capitaine King n'ait rientrouvédans la tradition hawaiienne
qui ait trait à un naufrage européen aux Hawaii, cette tradition fut décou¬
verte plus tard et relatée dans le livrede Abraham Fornander, An account
of the Polynesian Race : its Origins and Migrations. La tradition rapporte
qu'au temps du roi hawaiien Kealiio Kaloa, fils de Umi, un navire appelé
Konaliloha fit naufrage à Keei, situé près de Kealakekua, dans la grande
Ile de Hawaii. Ce navire appartenait ou était commandé par un blanc appe¬
lé Kukunaloa qui avait sa soeur avec lui. Ces deux personnes, avec d'au¬
tres peut-être,'réussirent à gagner la terre et furent accueillis par la po¬
pulation locale. Ils "cohabitèrent avec eux par la suite, eurent des enfants
et devinrent les ancêtres d'un certain nombre de Hawaiiens, dont quelques
chefs." Fornander pensait qu'il n'y avait pas de "raison valable pour sus¬
pecter" cette tradition, et il pensait que le navire naufragé était soit le
Santiago (45 hommes) ou le Espiritu Santo (15 hommes) qui se perdirent en
1527 au cours de l'expédition de Alvaro de Saavedra qui se rendait de Me¬
xico aux Indes,
Le lait que
(48)
les Hawaiiens aient eu du fer en leur possession à l'époque
indiquer que des naufrages de navires eu¬
ropéens avaient eu lieu avant cette époque. Cook lui-même pensait que ce
fer avait été récupéré sur des épaves ayant dérivé depuis l'Amérique, ou
sur du matériel jeté en route par des navires transpacifiques. Cependant,
un écrivain contemporain a écrit que tout fer de cette époque, exposé à la
mer ne fut-ce que pour un temps assez court, aurait été corrodé au point
d'être inutilisable pour quelque travail que ce soit, et le traitement à lui
faire subir aurait été particulièrement difficile pour des insulaires n'a¬
yant jamais vu de feF auparavant. (49)
Dans ce papier, je me suis, jusqu'à présent, concentré sur la possibili¬
té de la présence de naufragés européens dans l'archipel Polynésien avant
l'arrivée de Cook ; mais que penser de la possibilité de naufragés dans
d'autres régions du Pacifique avant le premier contact européen connu ?
S'il fallait examiner tous les éléments que j'ai recueilli sur ce sujet, cela
représenterait une longue énumération. Cependant en voici quelques-uns :
Une tradition recueillie par Sir Arthur Grimble dans les fies Gilbert
dans le premier quart de ce siècle, selon laquelle un Blanc aurait atterri
à Beru il y a quinze générations ; il serait arrivé "presque mort" dans
une "pirogue sans balancier en forme de boite" ; après s'être rétabli, il
aurait pris pour épouses 8 soeurs d'un chef local et aurait eu 23 enfants
dont les descendants étaient éparpillés dans 14 Iles sur les 16 que compor¬
te le groupe des Gilbert (50)
La découverte en 1853 sur le petit atoll inhabité de Nuilakita, le plus
austral des Ellice, des vestiges d'un navire très ancien et d'une hutte de
bois suggérant l'existence de naufragés pendant un certain temps. A l'épo¬
que de cette découverte, Niulakita n'avait été aperçue qu'une fois, d'après
les renseignements que l'on possède, depuis que l'expédition de Mendana
avait passé par là en 1595. (51)
La constatation feite par Quiros en 1606 sur l'Ile de Taumako dans
le groupe Duff des Salomon, que les indigènes connaissaient et mangeaient
de l'arrivée de Cook semblerait
'
.
28
iété des
Études
Océ
la viande de
et roux que
Flamand",
bovidés, et qu'ils avaient parmi eux un jeune homme si clair
Quiros et ses hommes le surnommèrent immédiatement "Le
(52)
1801, à Taumako, par le capitaine Roger Simpson
La découverte en
,
Nautilus, d'un mât en très mauvais état, ce qui amena Simpson à
penser qu'un navire espagnol "s'était perdu là il y a fort longtemps",(53)
Une tradition à Ponape dans les Carolines selon laquelle une embar¬
cation aurait atterri dans le Sud de l'île et dont les occupants avaient une
peau si particulière qu'ils ne pouvaient être tués qu'en les transperçant
par les yeux ; et la découverte sur cette Ûe de monnaie espagnole, d'un
crucifix en argent et d'un canon de bronze, antérieurs au premier débar¬
quement européen connu sur cette fie. (54)
du brick
.
La constatation faite par un capitaine portugais en 1545,
Carolines de l'Ouest, que les insulaires connaissaient le signe de
.
et
pouvaient prononcer les mots espagnols
nifiant
dans les
la Croix
"Buenos dias, matelotes" si-
"Bonjour matelots". (55)
1606 : que les indigènes de Gaua
Banks des Nouvelles-Hébrides connaissaient le nom d'un
Espagnol appelé Martin Cortal qui avait été abandonné 50 ans plus tôt sur
une île des Marshall, distante de plus de mille milles. (56)
La présence d'Un homme blanc - pas un albino - aperçu parmi la
population de Nouvelle Calédonie lors de la visite du capitaine Cook en
.
La découverte faite par Quiros en
le groupe
sans
.
1774.
.
(57)
Des documents espagnols prouvant que plusieurs membres de l'expé¬
dition de Mendana
en
(58)
particulièrement dans les
1567 avaient déserté dans les Salomon.
Je pense que de plus amples recherches archives de l'Espagne, du Mexique, du Pérou,
de la Hollande et des Phi¬
lippines permettraient
probablement de rassembler beaucoup plus de preu¬
ves supplémentaires, a l'appui de ma thèse, que je n'ai pu le faire moimême. Cependant, les éléments déjà rassemblés dans ce papier suffiront
à établir qu'il y avait probablement beaucoup plus de naufragés européens
dans le Pacifique, antérieurement à Cook, que les savants n'ont coutume
de l'admettre ; qu'ils ont eu une Influence étendue sur les caractéristiques
génétiques des insulaires ; et que, dans certains cas, ils ont considérable¬
ment influencé certains aspects de leur culture matérielle.
29
Société des Etudes Océaniennes
references
1. Robertson 1948 : 148, 179
2. Bougainville 1772 : 249.
3. Beaglehole 1955 : 123,
4. Banks 1962 : 1: 334.
5. Morrison 1935 : 170-1.
215, 228=9,
6. Beaglehole 1961
: 768=9.
Corney 1913-19 : II : 80.
Corney 1913-19 : III 192-3.
Forster 1778 : 232, 234, 236,
Beaglehole 1955 : 153,
11. Beaglehole 1955 : 144.
12. Corney 1913-19 : II : 312, ( Un autre officier espagnol, Tomas Gayangos,
noia que les indigenes de Raivavae étaient "plutôt plus clairs de peau"
que les Tahitiens et qu'il y en avait "parmi ceux-ci qui avaient un teint
européen."
Corney 1913-19 : 11 : 179.
7.
8.
9.
10-,
13. Banks 1962 : 1 : 332.
14. Bellingshausen 1945 : 1 : 249,
15. Barrow 1967, dans une introduction de Bengt Danielsson. Voir aussi MacMillan Brown 1927 : 11 : 200=1 ; Buck 1938 : 12-18 ; Suggs 1960 : 25-37.
16. Heyerdahl 1950 : 23=25 ; Heyerdahl 1952.
17. Poirier 1950 ; Shapiro 1951 ; Poirier 1953,
18. Pînchot 1930 : 487.
19. Markham 1904 : 201 ; Kelly 1966 : 165.
20. Pacific Islands Monthly, Janvier 1945 : 22 ; Cook Islands Review, Octo¬
bre 1967
:
32.
Un article du Pacific Islands Monthly
déclare que de la monnaie espagnole
d'argent ainsi que des débris d'un navire auraient été trouvés
sur le récif de
Rarotonga et que des hommes blancs à barbe noire se¬
raient venus de la mer et auraient vécu dans l'île pendant le règne de
Rau il y a 300 ans. L'auteur de l'exposé paru dans le Cook Islands Re¬
view
était C.T. Cowan, l'historien le plus renommé de Rarotonga, H
est en partie Ecossais, en partie Rarotongien, et naquit à
Rarotonga
en
1886. D'après son article, le navire naufragé se serait mis au sec
sur le récif de
Ngatangiia, à l'extrémité Est de l'île. Le nom du navire,
prononcé en Maori, était Kora et le nom du capitaine était Koni. En
dehors de ce dernier et de 3
hommes, tout l'équipage disparut dans le
naufrage. Les 4 survivants parvinrent à terre, apportant avec eux un
coffre ainsi que des sacs. Ils s'installèrent sur le marae de
Kainuku,
( un ancêtre du beau-père de M. Cowan) en un lieu appelé Vaerota et fu¬
rent bien traités par la population. Le capitaine donna son
êpée à Kainuku
dont le nom entier était,
pense-t-on, Kainuku-te-Anguangu, Une nuit Koni
et les 3 marins s'enfuirent dans une grande pirogue
volée sur la plage. On
n'entendit plus jamais parler d'eux.
d'or
et
30
Société des
Études
Océaniennes
beau-père
21. Cook Islands Review, Octobre 1967 : 32. Cowan raconte que son
lui donna un jour une épée qu'il avait trouvée dans le sable de son marae
à Vaerota. La poignée était rouillée et pourrie ; l'on pensa qu'il s'agis¬
sait de l'épée ayant appartenu à Koni. Cowan ajoute : "Il y a quelques
22.
années, je recueillis une ancre sur la plage, tout près de l'endroit où s'é¬
tait échoué le Kora, C'était une ancre étrange à une patte, différente de
nos ancres modernes.. .Elle est maintenant chez mol.. .Kora, le nom du
navire, fut donné au lieu ou il se brisa, et on l'appelle ainsi jusqu'à ce
jour." Les photographies de l'ancre montrent qu'il s'agit en effet d'une
ancre très étrange, si étrange, en tait, qu'en ayant envoyé un exemplaire
au National Maritime Museum de Greenwich en Angleterre,
je reçus
une réponse du Conservateur adjoint des Navires, me signalant qu'elle
ne correspondait " à aucune description d'ancre connue."
Forster 1778 : 517-19. Les renseignements de Forster provenaient ap¬
paremment d'une carte dressée par Tupaia pour le capitaine et que ce
dernier copia en 1769
(Voir Skelton 1955 : VIII et carte XI), La carte
de Cook montre un navire européen à proximité de l'fle de Oanna avec
les mots tahitiens suivants : "Tupaia tata no pahei matte," signifiant :
"Tupaia (dit) que les hommes furent tués." Forster assimilait l'Oanna
de Tupaia à l'fle Schadelyk (pernicieuse) de Roggeveen où l'Africain Gal¬
ley se perdit en 1722. Toutefois, Corney 1913-19 : 11 189, déclare qu'il
ne peut
s'associer à cette opinion sans preuves plus valables. Corney
1913-19 : 1 : 234 identifie Schadelyk comme étant l'Atoll de Takapoto.
Cette identification fut également adoptée par Sharp 1960 : 97, Cependant
Emory 1930 : 14-23, identifie Shadelyk comme étant Kauehi, L'identifi¬
cation de Oanna comme étant Rangiroa est donnée par Davies, un des
premiers missionnaires à Tahiti : Davies 1961 : 269,
.
Ladéclaratlon faite à Langara ne fait pas état
le faitTupaia etrelatecirconstanciellement qu'il n'y
eut pas de contact entre l'équipage et les indigènes lorsque le navire pé¬
nétra dans le lagon de Rangiroa.
23. Corney 1913-19
d'un
désastre,
11: 386-8.
:
comme
1778 : 516. Encore une fois, Forster tire apparemment ses ren¬
seignements de la copie de Cook de la carte de Tupaia ( voir note 22
au dessus). Dans ce cas ci, la carte indique un navire européen à proxi¬
mité de l'fle de Ulieta avec les mots " Tupana no Tupaia taio" (à l'é¬
poque de ) le grand père de Tupaia un navire ami".
24. Forster
121, déclare que c'est Cook qui découvrit Raiatea. Corney
signale qu'il n'a pu trouver aucune trace de la visite
d'un navire dans le lagon de Rangiroa à la période indiquée par Puhoro
et les habitants de Rangiroa.
25. Sharp
1960
1913-19
:
:
11 -388
112. Gayangos, à bord de l'Aguila avait été poussé
tempête. Il relate avoir vu la croix, sur la plage,
à l'intérieur du récif et près de la lisière d'un bois. Il ajoute : "Elle
était de dimensions moyennes, de proportions régulières, et donnait
l'impression d'avoir été dressée là il y a fort longtemps,"
26. Corney 1913-19 :
près d'Anaa
27.
11
par
:
une
516. Lorsque Fitzroy visita Tahiti sur le Beagle en
encontra un Anglais dunomde John Middleton qui avait
vécu plusieurs années dans les Tuamotu. Ce dernier lui donna beaucoup
de renseignements sur les fies. Il déclara, entre autres, que les indigè¬
nes d'Anaa lui avaient souvent raconté que le premier navire qu'ils eus¬
sent jamais vu avait un équipage de noirs mais que le capitaine était un
Blanc qu'ils nommèrent *' le roi des Esprits". Middleton était incapa¬
ble de préciser l'époque de l'arrivée de ce navire, sauf que c'était "il y
a longtemps."
Fitzroy
1839
:
novembre 1835,
H :
il
31
Société des
Études
Océaniennes
28.
Corney
1913-19
:
11
:
37, L'officier, Raimondo Bonacorsi, s'approcha
d'Anaa dans une embarcation pour faire des sondages ét examiner la côte.
Il rapporta que l'île avait une abondante population dont les uns : "avaient le teint assez blond" tandis que d'autres "avaient le teint bronzé
crépus",
et des cheveux
nes avec
le cheveu
ou encore
des caractéristiques purement indien¬
plat,"
29. George Robertson, l'officier navigateur du
Dolphin,commentant les dangers
navigation dans les Tuamotu virtuellement inexplorées en 1767,
écrivait : "Dans notre situation présente, la perte de notre navire serait
la perte de nos vies pour notre Roi et notre pays, sans parler de la perte
des découvertes que nous pourrions Étire. (Robertson 1948 : l'4), 90ans
plus tard, certaines régions du Pacifique Oriental étaient encore très peu
fréquentées par les Européens, E.H. Lamont, homme d'affaires Califor¬
nien, qui fit naufrage en 1853, avec le brick Chatham sur l'atoll isolé
de Tongareva, y passa plus d'un an avant d'être recueilli, (Lamont 1867)
de
la
30. Markham 1911
:
39=51. Mitchell 1958. Sharp 1960 : 11-13.
31. Wright 1945 : 67-68.
32. Bumey 1803-17 : 1 : 30 ; Medina 1918 ;
1913-67 : 1 : 237-8 ; Kelly 1965 : 121-2,
Beltran y Rospide 1918
;
Kelly
33. Sharp 1960 : 55-6.
dans Robertson 1948 : 274-6) est
percer le mystère de la Terre
de Davis. Il l'identifia comme étant les fles San Felix et San Ambrosio
du Chili. Un écrivain dans un volume sur le Pacifique, compilé pour le
Deuxième Bureau Naval Anglais pendant la deuxième guerre mondiale,
semble avoir été le premier à suggérer que la Terre de Davis était
peut-être Timoe et Mangareva (Deuxième Bureau Naval Anglais 19431945 : 11 : 232).
35. Betagh 1728. Un résumé du livre de Betagh fut publié dans Pinkerton
1813, les détails sur les voyages aux fles Salomon se trouvant dans le
vol. 14, pp. 12-13.
34.
Sharp
un
des
: 88-90. H. Carrington (
nombreux savants qui chercha
1960
à
36. Pinchot (1930) : 487 ; Russel 1935 : 149. Le chef d'Amanu raconta à Her¬
vé que le navire avait fiait naufrage il y a 8 générations et que
l'équipage
tout entier avait été mangé par " les cannibales d'Amanu". Je n'accorde
pas
beaucoup de créance à
ces
déclarations, (a)
parce que
la référence
"cannibales d'Amanu" laisse supposer un groupe de population dif¬
férent des ancêtres du chef, et (b) parce que les Polynésiens ont tendance
à exagérer dans les détails de désastres. On en trouve un exemple dans
aux
Fitzroy 1839 : 11 : 519 où Fitzroy rapporte une histoire que lui raconta
Middleton, ayant trait au naufrage d'un navire européen sur l'atoll
d'Arutua", vers l'année 1800. "La population d'Arutua ne manifesta pas
de violence, mais la population assoiffée de
sang de Aura, ayant appris
le naufrage, s'y rendit en masse et massacra tout
l'équipage", raconta
Middleton, répétant l'histoire telle qu'il la tenait des indigènes. En fe.it,
voici ce qui s'était passé : il s'agissait de la Margaret
( capitaine Buyers)
qui se perdit en 1803 sur Arutua. L'équipage de 18 hommes survécut
au
naufrage, et ayant construit un radeau avec les débris du navire,
atteignit Tahiti après 5 jours de voyage. ( Turnbull 1813 : 302),
John
36A Le Musée de Papeete n'a jamais fait mention dans son Bulletin de la So¬
ciété des Etudes Océaniennes, de
du
Hervé. En
voir
le
l'acquisition
1967, étant à Tahiti, je
appris qu'il avait été perdu
novembre
canon
et
32
canon
renfloué
par M
me rendis au Musée pour
ou
donné. Cependant, à la
que j'eus avec Mademoiselle Aurora Natua,
Musée, et d'un article que je publiai dans le Pacific Islands
Monthly en Janvier 1968, deux autres canons ont été récupérés à A manu.
Dans une lettre du 25 février 1969, Mademoiselle Natua m'écrivait :
"tout dernièrement, un officier de la Marine Française, affecté à l'île
de HAo lut votre article, A manu n'est pas très loin de Hao. Cet officier
suite d'une conversation
secrétaire du
à
l'archéologie sous-marine et disposant d'une vedette
canons enfoncés dans
le corail et d'explorer les environs. Je le vis deux fois, la première
lorsqu'il vint au Musée me demander si notre bibliothèque renfermait
d'autres renseignements sur ce sujet. Je lui montrai les quelques lignes
de la page 487 du livre de Gifford Pinchot, To the South Sea, " Ainsi,
il y avait des pierres à proximité" me dit-il. "Il faut vous dire que j'ai
déjà examiné l'endroit. Les pierres ne sont plus là et il n'y a que 2
canons immergés," La deuxième fois que je le vis, ce fut pour me dire
qu'il avait apporté les canons à Papeete pour notre Musée. Pour l'ins¬
tant ils ont été confiés à l'une de ses connaissances.." Dans une lettre
datée du 6 Mai, Mademoiselle Natua me faisait savoir qu'elle n'avait
pas encore vu les canons. 1
s'intéressant
et même d'un
hélicoptère, décida de récupérer les
1 Le Commandant Jourdain à l'obligeance de nous signaler que les canons
trouvent à l'entrée du Musée de la Découverte, Pointe Vénus. (NDT)
se
Pinchot décrivant sa croisière se trouve mainte¬
bibliothèque du Congrès à Washington, Il n'apporte rien de
nouveau à ce qu'il publia concernant le canon, sauf qu'il établit qu'il exis¬
tait encore 3 canons sur le récif d'Amanu à l'époque ou il le signala. H y
eut donc un canon d'enlevé après l'expédition d'Hervé et avant le passage
37. Le journal manuscrit de
nant
dans la
de l'officier de marine.
38. De même, les savants qui se sont penchés sur le mystère des découvertes
de Quiros à Hao ont négligé les récits de Pinchot et de Russell sur le ca¬
non d'Amanu
et le lest du navire. Danielsson pense que le courant a pu
jouer un rôle dans la présence des objets étranges vus par Quiros. "L'ex¬
plication la plus plausible" écrit-il, "est que la bague faisait partie de
débris qui, de même que le poteau de cèdre, furent amenés depuis l'Amé¬
rique du Sud par le courant Sud Equatorial. Avec les connaissances que
nous possédons maintenant concernant la force et la régularité de ee cou¬
rant, on peut supposer que d'autres épaves sont venues de temps à autre
s'échouer sur d'autres atolls des Tuamotu» Au cours de mes multiples
séjours à Raroia, j'ai recueilli plus d'une fois des flotteurs de verre
filets, d'origine péruvienne. L'influence de ces épaves sur la cul¬
indigène n'a pu être que très faible, mais a tout au moins averti les
indigènes de l'existence d'autres peuples et d'autres cultures à une épo¬
que très reculée". (Danielsson 1955 : 69). Sharp pense que les découver¬
tes de Quiros pourraient être "des vestiges d'un navire originaire du Pé¬
rou, pas nécessairement européen et n'accomplissant pas nécessairement
un voyage aller et retour". (Sharp 1960 : 60) Kelly pense que le poteau de
cèdre" a très bien pu être amené aux Tuamotu par le courant Sud Equato¬
rial". Il ajoute : "La présence de la bague-est plus difficile à expliquer,
H y a toutefois plusieurs explications possibles. Il est arrivé à des jon¬
ques chinoises d'avoir été emportées aussi loin dans l'Est que les îles
Hawaii et, si l'on en croit la légende, ont très bien pu faire naufrage bien
plus au Sud sur des îles se trouvant dans le rayon des grandes pirogues
doubles des Tuamotu. En 1527, Alvaro de Saavedra perdit 2 navires dans
une tempête à mille lieues de la Nouvelle Espagne. L'un d'eux aurait fait
naufrage dans les fies Hawaii, maisauraitbienpu atterrir dans les Tuamo¬
tu. Il est également possible qu'un tel objet ait été laissé aux Marquises
au cours de la visite de cet archipel par Mendana en Juillet-Août 1595,
pour être ensuite emporté par un navigateur des Tuamotu à la suite d'une
expédition de troc". (Ke'1" î?66 : 163)
pour
ture
33
Société des Etudes Océaniennes
39. Pour le débat sur l'identité de La
Hao, voir Maude 1968
68-9
Conversion de San Pablo
comme
étant
Kelly 1966 : 161-2 ; Sharp 1960 : 57-9 ; le
détail des découvertes de Quiros à La Conversion de San Pablo est donné
dans Markham 1904 : 201, 337, 339-40 ; et Kelly 1966 : 164-5 282, La
vieille femme que Quiros rencontra est tour à tour âgée de 60, 70 et 100
ans. Vu son âge, ses traits avenants et ses connaissances apparentes des
choses européennes, elle aurait pu être la fille d'un marin du naufrage
:
;
,
d'A manu.
â visiter Hao après Quiros fut l'explorateur Français
Bougainville qui longea l'fle le 23 Mars 1768 dans son navire la Boudeuse,
11 la nomma fle de la Harpe et nota que ses habitants étaient "grands et
bien proportionnés",, Un de ses officiers, Caro se demanda comment les
insulaires avaient pu parvenir jusqu'ici "à une telle distance du continent".
(Dunmore 1965 : 72), Le premier explorateur â apercevoir et â Signaler
l'existence d'Arnanu fut l'Espagnol JosephdeAndia y Varela, le 1er Novem¬
bre 1774, Il la nomma Las Animas (Corney 1913-19 : 11 : 230-3)
40. Le premier européen
41. L'expédition de Loaisa dont le San Lesmes de 80 tonneaux faisait partie,
était a l'origine composée de 7 navires totalisant environ 1 000 tonneaux.
Il
y avait en tout 450 hommes
hommes d'équipage pour Ife San
navires, voir Markham 1911
42.
Ma
:
d'équipage,
ce
qui, au prorata, donne 36
Lesmes. Pour les détails concernant
39-40.
ces
documentation
sur la génétique a été surtout puisée dans Scheinfeld
idée de la variété de nationalités et de types physiques
des premières expéditions espagnoles dans le Pacifique en examinant
l'équipage hétéroclite de Magellan pour son premier voyageautour du mon¬
de. Beaglehole, écrivant au sujet de l'équipage de Magellan, nous dit :
"Les ports d'Espagne étaient ratissés pour se procurer des volontaires,
et le groupe rassemblé montre à quel point cet effort espagnol était in¬
ternational : Espagnols, Portugais, Basques, Génois, Grecs, Napolitains,
Corfiotes, Noirs, Malais, et même un Anglais, le quartier maitre canonnier Andrçvv, de Bristol", Un écrivain basque, Robert Laxalt, dans un
récent article intitulé "Terre des anciens Basques" écrit : "Peu de gens
aujourd'hui savent que du sang basque coulait dans les veines de Juan Se¬
bastian de Elcano, un des officiers de Magellan."Dans le même article
Laxalt déclare : "Joseph lui-même était un blond aux yeux bleus, comme
le sont très souvent les Basques des villages isolés de montagne. "Laxal aurait pu également ajouter qu'Elcano était aussi membre de l'expé¬
dition de Loaisa dont le San Lesmes se perdit. (Laxalt 1968 : 247-250);
1939, On
aura
une
43. Pour unerelationde voyages, postérieursà Cook, des Tuamotu vers l'Ouest,
voir par exemple : "Un tableau de voyages organisés ou accidentels" de
Golson, 1962. Morrison 1935 : 201 a décrit les voyages réguliers qui a valent lieu entre Tahiti et Anaa qu'il nomme Tapoohoe, Deux Êiits laissent
supposer qu'une souche européenne ait pu parvenir de l'Est jusqu'à Mangaia dans les Cook du Sud, Le premier est qu'aux temps anciens les Mangaiens appelaient tout enfant blond â sa naissance "la progéniture blonde
de Tangaroa," (Gill 1876 : 13). Le deuxième est qu'une enquête sur les
caractéristiques physiques des Mangaiens, menée il y a 40 ans, révéla
qu'ils étaient très différents des autres insulaires des fies Cook et on pen¬
sa qu'il s'agissait d'une population "de type Maori fortement modifiée par
des contacts avec des insulaires de l'archipel de la Société." (Shapiro et
Buck : 1936), Il faut, toutefois, également envisager la possibilité d'un
naufrage de navire européen à Mangaia,avsintl'époquede Cook. Mme Marjorie Grocombe, originaire des fies Cook, me raconta Un jour que les Man¬
gaiens avaient une tradition d'un tel incident, mais je n'ai rien trouvé
d'imprimé à ce sujet. Incidemment, des études faites il y a près de 50 ans
sur les
caractéristiques des insulairesdela Société montrèrent que 13,41%
34
Société des
Études
Océaniennes
avalent les cheveux bruns-roux. C'est de
loin le pourcentage le plus
élevé
la Polynésie, le suivant n'étant que de 4,2% aux Samoa, Shapiro, qui
prit note de ces études, ne tira pas de conclusions de ce fait curieux, mais
il déclara tout de même què le fort pourcentage d'yeux bleus chez les
Marquistens - 7,2% chez les hommes et 9,5% chez les femmes - pourrait
être "un apport inconnu de sang européen qui se développe régulièrement
en Polynésie". Il est intéressant de noter que l'on n'a pas constaté d'yeux
bleus chez les insulaires de la Société dans les études qui ont été faites,
contrairement au témoignage de quelques uns des premiers visiteurs de
pour
Tahiti.
(Shapiro 1930
:
283, 299, 301).
il y a 50 ans, relate
afa-Paniora, ou demilong nom indigene, mais médit que son véritable
ne parlait aucune langue en dehors du tahitien. Cet
44. George Calderon, auteur d'un livre perceptif sur Tahiti
avoir rencontré Une fois un Tahitien qui se disait
Espagnol. "Il avait un
était Gonzalez ; il
empressement à absorber les Européens en soi me parut une des choses
les plus remarquables de Tahiti." (Calderon 1921 : 22). Beaucoup d'au»
très écrivains ont fait de semblables constatations.
nom
44A, Parmi ceux qui ont
fait des observations sur les
éléments apparemment
bibliques dans la religion et la tradition des insulaires, il y a James Mor¬
rison, de la Bounty qui séjourna à Tahiti 25 ans avant l'adoption du Chris¬
tianisme
(Morrison 1935
:
176), William Ellis, un des premiers
mission¬
388) et A,C, Eugène Caillot (Caillot 1914 : 16,25).
à peu près 40 ans, une controverse célèbre mit aux prises deux
grands spécialistes des questions polynésiennes, J, Frank Stimson et le
Dr, Kenneth Emory sur le problème de la religion des Tuamotu. Stimson
naires
Il y a
(Ellis 1831_ : 1 :
polynésiens dans la vieille
habitants d'Anaa avaient "une concep¬
tion de la cosmogonie et d'un Dieu suprême qui constituait une religion
ésotérique enseignée seulement aux prêtres et aux nobles." Les idées
était convaincu de la
présence d'éléments non
religion d'Anaa. Il écrivit que les
philosophiques en cause sont si élevées que l'on voit mal comment elles
naître chez une peuplade barbare," Stimson ajouta que le Dieu
suprême des gens d'Anaa s'appelait Kiho ou.Kiho-Tumu et il pensait que
le culte de Kiho pouvait avoir son originedans une culture très développée
de l'Asie du Sud-Est, dont on pensaità l'époque que les Polynésiens étaient
originaires. Emory, par contre, rassembla quantité d'arguments tendant
à établir que Kiho ou Kiho-Tumu était l'invention de 2 informateurs de
Stimson. L'argumentation d'Emory est impressionnante jusqu'à un certain
point. Toutefois, il ne répond pas à un des points les plus importants pré¬
sentés par Stimson, à savoir que dès 1918, François Hervé, administra¬
teur des Tuamotu, avait entendu parler du culte de Kiho, D.S. Marshall,
éditeur en 1964 d'une publication posthume de Stimson, annonça dans cet
ouvrage qu'il se proposait de publier une monographie sur le culte de Ki¬
ho, qui serait : "une analyse détaillée du terme et des conséquences des
différences d'opinion" entre Stimson et Emory, Marshall ajouta que Stim¬
son avait noté encore beaucoup d'autres renseignements sur Kiho, qui se
trouvaient à Tahiti parmi ses papiers personnels, (Stimson 1933A ; Stim¬
son 1933B : 45-6 ; Emory 1939 ; Emory 1940 ; Emory 1943 ; Stimson et
auraient pu
Marshall 1964
:
224,
manuscrit inédit à la Bibliothèque Mit¬
est J.M.Orsmond, le missionnaire anthropo¬
logue bien connu, dont les notes servirent à l'élaboration de "Tahiti aux
temps anciens" de Teuira Henry, Lemanuscrita pour titre : "la réception
des Evangiles" et certaines parties sont en Tahitien, La partie concernant
les guerres de Tahiti de 1808-15, après traduction du tahitien, est comme
suit : "Pomare et ses partisans et le Pori'onu'u et Faaa d'un côté ; le Aharoa, le Paniora et le Oropa'a de l'autre," Un nom ressemblant à Paniora
se trouve également dans les généalogies de la famillè royale Pomare de
44B. Cette déclaration se trouve dans un
chell de Sydney et son auteur
35
Société des
Études
Océaniennes
Tahiti. Il s'agit de Paniroro,
ancêtre Tuamotudes Pomare par les femmes
début du 17ème siècle. (Davies 1961 : Appendice I), La présence de Pa¬
niroro parmi les ancêtres de Pomare apporte peut-être une explication
au fait que bien qu'il n'y ait eu aucun apport connu de
sang européen dans
la famille Pomare jusqu'au roi Pomare V, les photographies de ce
roi,
mort en 1891, nous le montrent si européen d'aspect
que, dans l'ignorance
au
de
identité,
on aurait facilement pu le prendre pour un Espagnol, un
Italien. Cette constatation m'amène à citer un commentaire d'Alain Gerbault
qui, à bord de son Firecrest, visita les Tuamotu en
1925 : "Les filles de Raroia me parurent toutes
belles, bien faites, et ro¬
bustes ; leur teint était très légèrementbronzéet leur
aspect général pres¬
que européen. Deux petites filles, en particulier, avaient un type tout à
fait semblable aux beautés que l'on rencontre dans les rues de Séville."
(Gerbault 1933 : 124)
son
Portugais
ou un
45. Markham 1904
:
1
22
:
45A. Voir par exemple, Ellis 1831
190 ; Da vies 1851 : 57
:
IV
:
438 ;
Macmillan Brown 1927
:
11
:
46. Connoisseur 1906 : XV : 187-8 ; Beaglehole 1939 : viii ; Medina 1918 ;
Dominion, 9 février 1926 ; communication personnelle de R.K, Dell,
Directeur du Dominion Museum de Wellington, en date du 11 avril 1969
;
communication personnelle de A.C. Bagnall, Bibliothécaire en chef de
la Bibliothèque Alexander Turnbull à
Wellington, en date du 21 avril 1969.
47. Brigham 1902
48. Fornander
:
95
1880
;
:
King 1785
11
:
:
137-8.
106-7, 110. 158. 165=7, De plus
le missionnaire
les Hawaiiens avaient 3 traditions concernant
d'étrangers avant le capitaine Cook. Un groupe de 7 étrangers
aurait débarqué au même endroit que le
capitaine Cook et après s'être
unis à des femmes de la localité seraient devenus des chefs, "Il
y a dans
les (les Sandwich, déclare Ellis, un certain nombre de
personnes qui se
distinguent par une peau plus claire et des cheveux frisés bruns corres¬
pondants, appelés ehu, qui sont considérés par tous les indigènes des fies
comme des descendants de ces
étrangers ; ils l'admettent d'ailleurs et
ne considèrent pas leur origine déshonorante."
(Ellis : 1831 : IV : 437-9)
William
,
Ellis nous dit que
l'arrivée
49. Beaglehole 1967
III
: 285-6, Anderson 1960 : 128-35. La question de sa¬
espagnols sur la route des galions, du Mexique aux
Philippines, connaissaient l'existence des fies Hawaii n'a pas sa place
Ici. Sur ce sujet, voir Dahlgren 1916.
voir
si
les
:
marins
50. Grimble 1928 : 4. Le naufragé de Beru fut décrit comme ayant "l'ossa¬
ture d'un géant" était "mince comme un lézard". "Sa peau était aussi
blanche
que le ventre d'une aiguillette et ses cheveux rouges comme la
flamme ; il portait une barbe rougeoyante qui lui descendait au dessous
de la ceinture en deux longues pointes," Son
visage était "étroit comme
suggérer qu'il pourrait
s'agir d'une "épave" de l'expédition de Mendana qui se trouvait en 1567
dans les parages des Gilbert et qui venait du Pérou, S'il en était
ainsi,
ce nom de Beru qui est
très éloigné des autres noms des Gilbert pourrait
tirer son origine du pays de l'Amérique du Sud. Bien qu'il
n'existe aucune
relation sur le naufragé de Beru autre que celle de
Grimble, le Révérend
L, Emlyn Jones, d'Annerley, Queensland, qui fut missionnaire à Beru
pendant 15 ans, pense que la tradition est fondamentalement véridique.
Dans une longue lettre qu'il m'adressait le 25 février 1969 il me donnait
plusieurs raisons de son opinion. Entre autres, disait-il. "contrairement
à la plupart des légendes, celle-ci est persistante et aux Gilbert je n'ai
jamais entendu quiconque la nier."
la lame d'une herminette." Grimble se hasarde à
36
51, Amezaga
1885-6 : II : 243-5, L'épave de Niulakita fut découverte par la
goélette Italienne Sophia (Capitaine Agostino Tortello), allant de Sydney
en
Chine, Il s'agissait d'un grand navire qui se trouvait sur le récif
a
environ cent mètres de la plage. Malgré le mauvais temps
qui empê¬
cha l'équipage du Sophia d'aller à terre, ils purent constater
que l'êtrave
était presque intacte. Une partie des membrures de la coque
était encore
visible. Il y avait encore deux aussières allant des écubiers jusqu'à la
mer, indiquant que le naufrage avait dû avoir lieu "il y a de nombreuses
années", à une époque où on n'utilisait pas encore de chaine pour s'an¬
crer, Le seul navire connu ayant aperçu Kiulaklta auparavant, en dehors
de l'expédition Mendana, était l'Indépendance (capitaine
Bennett), en 1880.
Les Instructions Nautiques du siècle dernier pour le Pacifique appellent
cette fle, fie de l'Indépendance et aussi fie Sophia,
(Findlay 1863 : 597 ;
Findlay 1871 : 666 ; voir aussi Maude 1968 : 62-3),
52.
Il
y
a
de fortes raisons de
penser que
le bétail dont la population de
Taumako avait connaissance et qu'elle avait mangé provenait d'un des
navires naufragés de l'expédition de Mendana de 1595 et il est possible
le "Flamand" ait été un des jeunes garçons de ce navire. Le 7 Sep¬
1595,. lorsque les qratre navires de l'expédition de Mendana (avec
plus de 350 hommes a bord) s'approchèrent de l'île volcanique de Tinakula, Mendana envoya deux de ses navires en éclalreurs pour recon¬
naître les abords de l'île. L'un de ces navires, le Santa Isabel, dispa¬
rut dans la nuit et ne fut jamais retrouvé. Le lendemain, quand les trois
navires restants eurent mouillé à l'île Santa Cruz, ou l'expédition tenta
de fonder une colonie, Mendana envoya la frégate Santa Catalina foire le
tour de Tinakula pour voir si la Santa Isabel n'y était pas encalminée.
Un peu plus tard ils firent également le tour de 1 'île Santa Cruz pour
essayer de retrouver le navire perdu et poussèrent jusqu'aux îles Swal¬
low ou bas Récif, à environ 30 milles dans le Nord de Santa Cruz. Ils
ne virent pas trace du navire, (Amherst 1901 : 1:
37, 39, 43-4), Cepen¬
dant, onze années plus tard, lorsque l'expédition de Quiros visita Tau¬
mako dans le groupe Duff, quelques-uns des Espagnols eurent des nou¬
velles du Santa Isabel. L'écrivain Juan de Iturbe rapporte que la popu¬
lation de Taumako "nous fit comprendre par signes que les femmes et
les enfants avaient survécu, "mais que le reste avait été tué." Iturbe
ajoute que "Quiros ne se soucia pas'de prendre des dispositions pour
îller à leur secours bieh qu'étant tout proche - à soixante lieues seule¬
ment." Quiros, de son coté, déclare dans son récit qu'à Taumako un In¬
digène " vint nous contempler avec étonnement et nous en fîmes autant,
que
tembre
il était si clair de peau et si
châtain de cheveux et de barbe que nos
nommèrent "Le Flamand". Il s'appelait Olan. Plus loin,
Quiros relate que : "nous vîmes un jour les indigènes manger des mor¬
ceaux de viande et nous
leur-demandâmes prudemment ce que c'était.
Pour se foire comprendre, ils nous montrèrent un morceau de cuir
brut avec des poils, et l'un d'eux mit ses mains sur sa tête pour nous
foire comprendre, avec d'autres signes très
intelligibles, qu'il y avait
des vaches et des buffles dans ces grandes terres," ( Markhas
1904 :
I : 225, 228).
Gonzalea de Leza, chef pilote de Quiros, écrit que les gens de Taumako
avaient donné aux
Espagnols le nom et la position de toutes les fies
connues d'eux,
et que : "plus loin, â une distance de trois jours - à
ce que nous crûmes comprendre - il y avait des vaches sur une grande
terre," Il ajouta que "ces derniers n'ont sur leur fle que des cochons
et ils nous en donnèrent", (Markham 1904 : II : 360-1),
Dans un mémorial que Quiros adressa du Mexique au Roi d'Espagne,
il donne de plus amples renseignements sur Taumako et d'autres
sujets,
obtenus d'un insulaire du nom de Pedro, originaire de Sikaiana, que les
Espagnols capturèrent â Taumako pour l'amener à Mexico. Quiros précise
que les renseignements furent obtenus au
prix de grandes difficultés
car
hommes
le
37
car
"savait très
Pedro
peu
d'Espagnol" et,
pour cette raison, devait
être constamment repris et obligé de répéter,"
Les
renseignements de Pedro, tels qu'ils étaient, Élisaient état de l'ar¬
à Taumako ( ou il était prison¬
des habitants) ; ce navire était en provenance d'une île appelée
rivée d'un grand navire, alors qu'il vivait
nier
Guaytopo, A l'origine 11 y avait 50 personnes à bord et il se rendait
à une fle appelée Mecayrayla pour y chercher de l'écaillé de tortue
pour en faire des boucles d'oreille. Des vents contraires l'avaient em¬
pêché d'atteindre sa destination et à bord, quarante personnes avaient
péri de faim et de soif. Les dix survivants arrivèrent à Taumako, dont
sept hommes et trois femmes. Tous les hommes étaient " très blancs"
excepté l'un d'eux qui était bronzé, tandis que les femmes étaient blan¬
ches et belles comme des Espagnoles, avec des cheveux roux très longs ;
elles étaient " couvertes des pieds à la tête d'un genre de voile bleu
ou noir très fin". Pedro ajouta qu'Olan le "Flamand" était le seul sur¬
vivant de ce groupe lorsque les Espagnols étaient à Taumako. (Markham
1904 : II : 463-4), Cependant le père Franciscain Munilla nota pendant
son
séjour a Taumako qu'Olan n'était pas le seul de son espèce. "On
pouvait voir certains indigènes blancs et rosés de teint, avec des cheveux
blonds comme des Flamands" écrit-il. "Nous en aperçûmes un en particulier, qui s'appelait Olan," (Kelly 1966 : I : 184). Il est impossible de
savoir ce que valent tous ces renseignements disparates, excepté qu'un
navire européen transportant du bétail, semble avoir joué un certain rôle,
car le pays producteur de bétail le plus proche de Taumako a cette époque
était l'Indonésie. Une explication raisonnable qui pourrait peut-être
s'accorder avec tous les témoignages des Espagnols serait que le navire
transportant du bétail serait en fait le Santa Isabel ; que ce navire se
serait perdu ou aurait été intercepté sur une autre partie de Taumako
uneautreîledugroupeDuff ; que la population de Taumako, par peur
représailles, aurait menti lorsqu'elle avait dit que les survivants
étaient à soixante lieues de là et que le bétail était à trois jours de
navigation dans le Sud ; que les trois femmes et les sept hommes de Pedro
ou sur
de
venant de
Guaytopo, seraient
fait du Santa Isabel
les voiles
l'époque ;
et que Olan
qui regardait les Espagnols avec tant d'étonnement, était
un jeune homme européen qui aurait véeu avec les indigènes de Taumako
dès son plus jeune âge et qui, après onze ans, aurait oublié sa langue
maternelle. Il y a certainement quelque chose de suspect dans ce bétail
dont parlent les Espagnols, car s'il n'y avait pas eu de bétail à moins de
trois journées de navigation, les gens de Taumako auraient été dans
l'impossibilité de se procurer de la viande assez fraîche pour la man»
ger en présence des
Espagnols, Le capitaine Roger Simpson tomba
peut-être par hasard sur la clef du mystère lorsqu'il se rendit dans
cette partie du Pacifique deux siècles plus tard. (Voir note suivante).
foncés des
femmes
venus en
; que
étaient simplement les longues robes de
,
53. En Mai 1799, le brick Nautilus fit voiles de Sydney à Macao avec un chargement de peaux de phoques. Le subrêcargue du bord était un Américain du
nom de Roger Simpson, un vétéran du Pacifique avec de nombreuses années
d'expérience. A Macao, Simpson prit le commandement du Nautilus, et le
8 septembre 1801 il reprit la routedeSydney. Dix-neuf mois plus tard, les
journaux anglais et français annoncèrent que Simpson avait découvert une
fle. par nol7' deLatitudeSud et 167o58'de Longitude Est, qu'il avait nom¬
mée Ile Kennedy. En 1806 cette information avait été enregistrée dans le
Naval Chronicle comme suit : "Nousavons reçu une communication impor¬
tante de Port Jackson • il s'agit d'observations faites dans le Pacifique
Nord et Sud par Mr. Simpson, commandant du Nautilus, Cet homme distin¬
gué a découvert une fle qu'il a appelée fle Kennedy, par lio 17' de Latitu¬
de Sud et 167o 58' de Longitude Est, En raison de son bel aspect et de sa
population abondante, MrSimpson pense qu'elle serait une bonne acquisi¬
tion pour notre nouvelle colonie, car lescochonsy sont élevés en abondan-
38
é des 1
Dans l'archipelDexter ou Duff, les indigènes, dêclare-t-il, sont rusés
perfides, ce qui l'obligeaà faire feu sur eux ; et c'est peut-être une pré¬
caution a prendre pour toute personne qui voudrait y débarquer. "Le rap¬
port continuait à la première personne : "Sur l'fle Déception Je débarquai
quelques volailles, plusieurs espèces de graines et mis en terre quelques
plantes. Au cours de deux vovàges précédents, j'avais passé cette fle sans
ce.
et
chercher
à voir la terre, comme sans doute l'ont fait bon nombre de navi¬
gateurs, Nous trouvâmes à terre les restes d'un très gTand mât d'artimon
à proximité d'une quille, ce quinousdonnaâ penser qu'un grand navire es¬
pagnol y avait fe.it naufrage, il y a très longtemps, car le bois était tout à
felt vermoulu." Plusieurs années après la publication de ce rapport, le
nom de "Ile Kennedy" fut marqué sur les cartes du Pacifique et plus tard
fut incorporé aux Instructions Nautiques. Il en fut ainsi jusqu'à la fin du
siècle, quand H.M,S,_ Mohawk ayant été à la recherche de cette He, ne
trouva aucune terre a la position Indiquée, ni dans le voisinage, et recom¬
manda de l'effecer des cartes. Cependant il ne parait pas y avoir de doute,
d'après le caractère détaillé bien que déformé des relations de la décou¬
verte de Simpson, qu'il avait bien découvert à l'époque une île qu'il croyait
inconnue. Cette fie était probablement celle de Utupua, dont la latitude
correspond bien, mais dont la longitude est d'un degré plus à l'Ouest.
Utupua est assez haute pour avoir "un très bel aspect" et, à l'époque de
Simpson, elle n'était pas placée correctement sur les cartes, bien qu'à la
fois Mendana (1595) et Carteret (1767) l'eussent aperçue. Toutefois la po¬
sition de Taumako et des autres fies du groupe visité par Quiros avaient
avec une grande exactitude par Wilson, qui passa par là sur
Septembre 1797. Ces fles avaient été apparemment aperçues
aussi par le capitaine Benjamin Dexter, du navire américain John Jay, au
cours de sa traversée de Sydney en Chine en Octobre 1800 ; et 11 est pro¬
bable qu'à Macao Simpson obtint de Dexter des renseignements sur ces
fies. C'est la seule explication que l'on puisse donner du nom de "Groupe
Dexter" donné dans le rapport sur l'fleKennedy, car, en dehors de ce rap¬
port, c'est un nom inconnu dans la littérature des Mers du Sud. Simpson
connaissait certainement le rapport du capitaine Wilson sur sa découverte
du groupe Taumako (publié à Londres en 1799), la plus grande des onze
fies du groupe, puisque c'est Wilson lui-même qui avait donné le nom de
Déception à l'fle de Taumako, la plus grande des onze fles du groupe.
C'est donc sur l'fle Taumako de Quiros que Simpson découvrit les débris
de ce qu'il pensa être un navire espagnol ; et à la lumière des documents
de Quiros et de ses compagnons, il semblerait que ce fut l'fle ou la Santa
Isabel accomplit sa destinée. (La note qui précède a été puisée aux sour¬
ces suivantes : Bowden 1952 : 88=90 ; Cadell & Davles 1813 ; Cumpston
1965 : 37-39 ; Gazette Nationale 1803 ; Portsmouth Telegraph 1803 ; Naval
Chronicle 1806 : 195 ; Roe 1967 ; Sharp 1960 : 52-3, l'O ; Wallis 1965 :
1': 175 ; Wilson 1799 : 289-91 ; Woodford 1913),
été déterminée
le Duff en
54. Gulick 1862
:
55. Galvano 1862
175-6
débarqué
Jurien de la
Gravière 1854
:
11
:
288-9.
231-2,
:
56. Markham 1904
fut
.
:
: 40-2. Sharp a identifié l'fle ou Cortal
étant Ujelang, l'atoll ie plus à l'Ouest des Mars¬
237, Sharp 1960
comme
hall.
lui-même l'homme blanc, était enclin
qu'on lui avait dit, que sa blancheur était due à
une
maladie, (Beaglehole 1967 : 536), Cependant les récits de deux té¬
moins infirment tout à fait cette idée. Le savant Foster écrit : "Nous
trouvâmes ici tin homme qui avait des cheveux parfaitement blonds,
un teint beaucoup plus clair que la normale et le visage couvert de ta¬
ches de rousseur, Il existe des individus anormaux chez les nègres d'A-
57. Le capitaine
à
penser,
Cook, qui ne vit pas
d'après
ce
39
Société des Etudes Océaniennes
frlque, les habitants de l'Amérique, les Moluques et les fles tropicales
mais la débilité de leur corps, et surtout une faiblesse
de penser à coup sûr que ces variations sont le fait
des Mers du Sud ;
des yeux permet
d'une maladie des parents. Chez l'homme que nous avons vu, il n'y avait
symptôme de débilité ni aucun défaut des organes de la vue ; c'est
aucun
pourquoi
une
raison importante doit avoir
cheveux et de sa peau.
Quelqu'un
coupa une
Joué dans la couleur de
mèche de
ses
ses
cheveux ainsi
qu'une mèche de cheveux d'un indigène normal et nous les donna". (Fors1777 : II : 422-3). Le capitaine Charles Clerke écrit : Cet aprèsmidi j'ai vu à terre un homme aussi clair que le sont en général les Eu¬
ropéens, avec des cheveux blonds, sans caractère laineux habituel aux
garnitures de tête de ces régions ; il était étrange et remarquable de
voir un homme blanc courir nu parmi la gent
colorée, et cela me parut
à la fois contre nature et répugnant." ( Beaglehole 1967 : 536 n).
ter
Kelly 1963-7 j
III :252-6. Kelly a établi une liste de 156 hommes qui
participé à l'expédition de Mendana en 1567. A la suite de neuf de
de ces noms, il a indiqué : "Huya, no llego al Peru",
signifiant : "n'ar¬
riva pas au Pérou". Cela signifie probablement que les hommes
en
question s'enfuirent dans les Salomon. S'il en est ainsi, cela explique¬
rait les caractéristiques européennes Bien nettes, que l'on constate parait-il - dans la population de San Christobal, Les
renseignements
concernant ce dernier point me furent récemment donnés
par le Vé¬
nérable D.A, Rawcliffe, Archidiacre de la Mélanésie du
Sud, de Lolowai,
d'Aoba, et des Nouvelles Hébrides, L'Archidiacre vécut aux Salomon
de 1946 à 1958.
ont
40
Société des
Études
Océaniennes
PO-MARE ou
Il y a
PO-MA-RE
plus de 20 ans, un tahitien
d'une quarantaine d'années
à la famille royale, à qui je demandais la si¬
gnification du nom : POMARE (ou, du moins une confirmation,
car on la trouve dans plusieurs ouvrages) me dgnna celle cidessous, à condition que j'attende quelques annéès avant d'en
faire état. J'ai respecté les délais.
environ, touchant
entière¬
puisse saisir
Je doute que la génération actuelle
la signification de ce texte dont les
ment
courants et
qui doivent se
rattacher
termes ne sont
plus
à des traditions, des lé¬
gendes, des ' paripari" du folklore.
Il y a plus de 20 ans ce tahitien, connaissant le français,
,i'a rien pu me donner de cohérent.
Peut etre dans la génération qui va vers son déclin se trou¬
verait-il des personnes
capables d'éclaircir cette énigme.
êtré, avec beaucoup de patience, en se
TEMPS ANCIENS de Teuira HENRY.
Peut
référant à TAHITI AUX
L'origine de POMARE nous est connue.
Le chef TU, fuyant
accès de toux, la
dans la montagne avec ses guerriers eut un
nuit.
On a dit qu'il était malade de la poitrine.
PO
NUIT
MARE
TOUSSER, TOUX
Dans la suite le terme de MARE fut réservé
au roi ; le peu¬
comme on dit encore aujourd hui.
Le
tahitien de Davies (Tahiti 1851)
MARE : the old word for cough, but in consequence of the King
TU, taking the name of PO MARE, the word was changed to
: HOTA,
dictionnaire anglo
ple devait dire
HOTA.
voici maintenant le texte
qui m'a été donné comme
significa¬
MA RE.
TU (qui reçut les premiers anglaiset
de l'infanticide
VAIRAATOA (a perdu la course)
ITIA (pas d'enfants
Pomare II (a ce nom depuis la course ; sans cela
lerait TEIHO
TEIHITOARII FANAUTAAROA (fut instruit par un
tion de PO
PO
-
E
s'opposa à la coutume
itea mai te hoe atua fanau upoo no
opu toto
arii o TEUIRA
41
Société des
Études
Océaniennes
s'appel¬
pasteur)
roto mai i te
MA
RE
-
-
ei teie nei hau
otie tairuanuu,
e opere ai au, na ofai tuiraro
ei turama ite tuaiporoarii (le
des princes de Tahiti) oTEIVIURA o TAHITI.
e eno
coeur
E riro ra tou nei hau ia vetahi é, mai te mea
e, no
roto mai i te opu o te puaa fanautini (un démon)
Ici il
d'une
ne s'agit plus de toux, mais de
course, de victoire,
prophétie : après Pomare V il n'y aura plus de roi.
Si
dre cette
du passé.
quelqu'un parmi les lecteurs du
enigme, il rendrait service
Bulletin pouvait résou¬
aux
curieux des choses
PH. RE Y LE S CURE
Janvier 1971
42
.
Société des Etudes Océaniennes
Le
Bulletin
l'impression de tous les
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique
pas qu'il épouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait
sien les commentaires et assertions des divers auteurs qui,
seuls, en prennent toute la responsabilité.
Le Bureau de la Société accepte
articles
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Le Bulletin
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Les articles
publiés, dans ie Bulletin, exceptés ceux dont
ses droits, peuvent être traduits et repro¬
duits, à la condition expresse que l'origine et l'auteur en se¬
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ses
colonies
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Membre à vie résidant à
l'Etranger,
80 dollars
Avantages de
somme
ment
se
versée
faire recevoir Membre à vie pour cette
fois pour toutes. (Article 24 du règle¬
Bulletins N° 17 et N° 29).
une
Intérieur.
.1°- Le Bulletin continuera à lui être adressé,
quand bien
même il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
Le Membre à vie n'a
2°ou
et
du
un
En
paiement de
sa
plus à se préoccuper de l'envoi
cotisation annuelle, c'est une dépense
souci de moins.
conséquence
sont
: Dans leur intérêt et
invités à devenir Membre à vie
TOUS CEUX
celui de la Société,
:
qui, résidant hors de Tahiti, désirent
rece
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TOUS LES Jeunes Membres de la Société.
TOUS CEUX
même
Imp. R. BRISSAUD
qui, quittant Tahiti,
s y
intéressent quand
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 174