B98735210103_166-167.pdf
- Texte
-
RAOUL TEISSIER
LES CYCLONES
EN
POLYNÉSIE FRANÇAISE
(1878
—
1903
—
1905
—
1906)
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DES ÉTUDES OCÉANIENNES
(Polynésie Orientale)
TOME XIV
nos 5 et 6
166 et 167
mars et juin 1969
-
nos
—
Réédition octobre 1977
Société des études océaniennes
Ancien musée de Papeete, Rue Lagarde, Papeete, Tahiti.
Polynésie Française.
B. P. 110
-
Tél. 2 00 64.
CONSEIL D'ADMINISTRATION
M. Paul MOORTGAT
Président
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Vice-Président
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Secrétaire
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Me
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Rudolph BAMBRIDGE
M. Henri BOUVIER
M. Temarii TEAI
Dr. Gérard LAURENS
M. Maco TEVANE
Me Eric
M. Raoul TEISSIER
LEQUERRE
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aux
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BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DES ÉTUDES OCÉANIENNES
(Polynésie Orientale)
Tome XIV
n0B 166 et 167
—
Réédition
:
Nos 5 et 6
Mars et Juin 1969
—
Octobre 1977
Raoul TESSIER
LES CYCLONES
EN
POLYNÉSIE FRANÇAISE
(1878
-
1903
Société des
-
1905
Études
-
1906)
Océaniennes
Le Gouverneur René PETITBON quitte TAHITI en 1954
Société des
Études
Océaniennes
MÉMOIRE DE
MONSIEUR RENÉ PETITBON
A LA
(1902
-
GOUVERNEUR DES
1965)
ÉTABLISSEMENTS
FRANÇAIS DE L'OCÉANIE
(1950
Société des
■
1954)
Études
Océaniennes
Société des
Études
Océaniennes
PRÉFACE
Le cyclone est un phénomène atmosphérique, se présentant sous la
forme d'un ouragan qui se déplace en tournoyant avec une extrême
rapidité. Cette masse d'air tourbillonnante a un rayon qui dépasse
généralement 100 milles, et peut en atteindre 200. On pourrait le
tourbillons que l'on observe dans une rivière car, de même
les tourbillons liquides, les vents tournent avec une vitesse croissante
à mesure qu'on se rapproche du centre de basse pression. Ce centre se
déplace selon certaines lois géographiques, mais il ne saurait être
question, ici, d'aborder la partie scientifique de ces phénomènes.
La vitesse de déplacement, appelée vitesse de propagation, varie entre 7
et 25 milles à l'heure. Le cyclone avance lentement, mais il tourne très vite
sur lui-même, et les vents ressentis sont extrêmement violents, dépassant
60 et pouvant atteindre 150 milles à l'heure.
En Océanie, au cours d'un cyclone, le vent tourne toujours dans le sens
des aiguilles d'une montre, c'est-à-dire de gauche à droite ; pendant la
dépression, le baromètre peut descendre au-dessous de 740 m/m.
Dans le Pacifique Sud, les cyclones se forment principalement durant
la saison chaude, c'est-à-dire de décembre à avril.
La diminution de la pression atmosphérique produit, au-dessous du
tourbillon de vent, un gonflement de la mer se traduisant par d'énormes
vagues. Aussi peut-on prévoir l'arrivée d'un cyclone quelques jours à
l'avance, grâce à certains signes avant-coureurs : la mer se brise sur les
récifs d'une façon anormale, du fait de l'existence au large d'une très
grosse houle, le baromètre baisse de façon continue, avec parfois des
hausses subites, et l'on note l'apparition à terre, d'oiseaux de mer,
particulièrement de frégates (Otaha).
Les pluies qui accompagnent un cyclone, tombent sous forme d'averses
très fortes, rapprochées et drues, bouchant la vue à 100 et même 50 mètres.
Dans les îles hautes, les rivières, déjà grossies par les précipitations de la
saison, se .transforment en torrents, débordent de leur lit et balayent tout
comparer aux
que
sur
leur passage.
force décuplée de ces trois éléments de la nature : vent, mer et pluie,
peut entraîner de véritables catastrophes.
Au cours de recherches effectuées dans les archives de
l'Administration locale, recherches autorisées et encouragées par les
La
regrettés gouverneurs R. PETITBONetJ. TOBY, puis poursuivies au centre
des archives de la F.O.M. à Paris, nombre de-documents ont pu être
Société des
Études Océaniennes
6
RAOUL TEISSIER
compulsés se rapportant aux principaux cyclones dont a été victime la
Polynésie Française. Certains documents, rapports, lettres de témoins
oculaires seront reproduits en entier, parce qu'ils confirmeront par leurs
redites mêmes, les heures terribles vécues par les insulaires, au cours de>
ces drames cycloniques.
Ce serait une véritable gageure que de vouloir parler de tous les
cyclones ayant touché la Polynésie Française, depuis plus d'un siècle.
Aussi, seuls seront décrits ceux que l'on ne peut passer sous silence, en
raison de leur importance.
Chacun d'eux d'ailleurs se ressemble : vitesse de propagation,
amplitude, force du vent, ravages enregistrés et nombre des victimes, et il
peut paraître fastidieux de lire page après page le récit de ces sinistres ;
mais pour celui qui ignore l'angoisse qu'engendre un cyclone, surtout
dans les îles Tuamotu, il est indispensable d'en connaître tous les détails.
En effet, à une ou deux exceptions près, ces îles sont de formation
madréporique. Le contour de corail s'est élevé peu à peu au-dessus du
niveau de la mer, tandis que l'intérieur de l'île reste rempli d'eau
constituant le lagon. Dans la partie ouest de ces atolls, le récif reste bas et
nu ; dans la partie est, les débris coralliens accumulés finissent
par rendre
possible la formation du sol, d'où naissance d'une végétation assez
maigre. L'élévation du sol au-dessus du niveau de l'océan ne dépasse
guère 4 à 5 mètres ; on comprend que cette configuration rend ces îles
particulièrement vulnérables lorsque des tempêtes s'abattent sur elles.
Les cyclones de février 1878, janvier 1903, mars 1905 et février 1906 ont
été catastrophiques pour les îles Tuamotu. Le cyclone de 1906 fut
également durement ressenti par les îles de la Société, en particulier pour
Tahiti (Papeete et Tautira).
Société des
Études
Océaniennes
LESCYCLONES
CYCLONE DU 6
7
FÉVRIER 1878
Ce cyclone ravagea principalement Anaa, Kaukura où 117 personnes
périrent, Rairoa (Rangiroa), dans le groupe des Tuamotu.
La tempête fut observée à Anaa par M. BOOSIE, agent de la Maison
BRANDER, avec un baromètre anéroïde.
Le mercredi 6 février au matin, l'instrument marquait 764,5 avec vent
léger soufflant de l'est, forte mer ; à midi la pluie apparut. Ce temps se
maintint jusqu'à 16 heures. Le baromètre baissait régulièrement, il était
maintenant à 756,9. Dans l'après-midi le temps se gâtait de plus en plus.
A 20 heures, l'anéroïde descendait à 754,4 : une très forte brise soufflait de
l'est-nord-est et la pluie tombait sans arrêt ; la mer se brisait
anormalement
sur
les récifs.
jeudi 7, à 1 heure du matin, baromètre à 751,8 vent toujours fort, la
pluie s'était arrêtée : des nuages sombres chargeaient l'horizon. Les flots
passaient le récif-barrière et déferlaient sur les plages. Au petit jour, à
4 heures, on constatait que la mer recouvrait une partie des îlots ; le vent
d'est soufflait très fort accompagné de grains violents, le baromètre était
à 746,8 : la tempête s'annonçait. Les parties les plus basses de l'atoll
étaient submergées et, à 10 h 30, la côte 744,2 était atteinte ; c'était le
cyclone dans toute sa force. De 14 à 18 heures, aucune amélioration ne se
produisit. Le vent halait lentement au nord puis au nord-ouest, avec une
pluie torrentielle. Le baromètre tombait à 724,7 à 14 heures, puis
remontait légèrement à 743 à 18 heures. Vers la fin de la nuit, le vent
faiblissait et se déplaçait vers le sud-ouest pour devenir une forte brise
vers 2 heures du matin le vendredi 8 février. Entre 3 et 5 heures, les
éléments s'étaient calmés progressivement et la mer retirée de l'île.
Cependant la grosse houle du large se brisait toujours sur les récifs
Le
extérieurs.
Anaa dévastée. Le principal village, Tuuhora, était
il était formé de 150 maisons environ. L'église
catholique résista seule à la tempête ; deux temples (protestant et
mormon), la résidence de l'Administrateur, la gendarmerie, des citernes,
toutes les habitations, les magasins furent balayés par l'ouragan. Le
cimetière n'existait plus. Les vagues avaient fouillé le sol, à un point tel
que les cercueils avaient été sortis de leur fosse : ils gisaient çà et là sur le
sol dépourvu de végétation ; d'autres, jetés dans le lagon, y flottaient
encore. Les 10 à 12 mille cocotiers du district étaient saccagés par le vent
ou déracinés par la mer, les rescapés se dressaient dépourvus de leurs
fruits et de leurs panaches de feuilles.
Le
un
jour
tas
se
levait
de ruines
sur
;
Société des Etudes Océaniennes
H
RAOUL TEISSIER
A
Kaukura,
virait
au
au matin du 6 février, le vent venait du nord-est ; à midi il
nord. La pluie tombait sans interruption. Du nord-ouest, arrivait
une grosse houle qui se brisait avec furie sur les récifs et
commençait à
envahir les terres. Vers 20 heures, le vent virait au nord-ouest en croissant
d'intensité. Les rafales de pluie bouchaient l'horizon. Les lames venant
du
large couvraient la majeure partie des petits îlots et
se
déversaient
dans le lagon.
Le 7 février vers 24 heures, le vent tournait subitement à l'ouest, la
tempête était dans toute sa force et dans le lagon la mer était démontée.
Cependant de 2 à 6 heures, le vent halait au sud-ouest en faiblissant
graduellement ; les flots se retiraient peu à peu de l'île et vers midi, la
tourmente était terminée.
Le 8 février
au lever du jour, on constatait que le cyclone avait commis
dégâts énormes au village. Cocotiers renversés ou déracinés par la
furie des éléments gisaient à terre, entremêlés, entassés sur les bords du
lagon. Aucune maison européenne, aucune case indigène n'avait résisté à
l'ouragan.
La majeure partie de la population, 200 personnes environ, occupée
dans le nord de l'île, à Morutua, à la récolte du coprah, rendue folle de
terreur par l'envahissement des flots, se réfugiait en masse à bord des 17
embarcations à l'ancre dans le lagon. La mer, passant par-dessus les îlots
et se déversant dans celui-ci, en augmentant dangereusement le niveau.
Le 7, vers 1 heure du matin, le vent sautait brusquement à l'ouest, en
créant une mer très grosse dans le lac intérieur. Les 17 barques contenant
118 personnes, ne pouvant résister au courant sortant et aux vagues,
brisaient leurs amarres, partaient à la dérive vers la pleine mer. Ces petits
bateaux, surchargés, chaviraient ou se brisaient sur les récifs du dehors
et disparaissaient avec tout ce qui se trouvait à bord. Un seul homme en
réchappa. Dans cette nuit de cauchemar, 117 personnes périrent. Dans la
journée qui suivit cette catastrophe, on découvrit, à quelques milles endessous de Morutua, les débris de ces embarcations et des cadavres.
L'autre partie de la population, ayant à sa tête quelques Européens, se
réfugia à l'endroit le plus élevé de la terre, à environ 5 mètres au-dessus du
niveau habituel de la mer. Là, le sol était recouvert de grandes souches de
cocotiers et de roches solides. Les malheureux s'y agrippèrent pendant
toute la nuit, tandis que les vagues, et du lagon et du large, se
des
rencontraient et
Tout
se
brisaient au-dessus d'eux.
long de ces longues heures d'obscurité, ils s'accrochaient aux
aspérités du sol. Souvent ils étaient arrachés des roches et des racines
auxquelles ils se tenaient, emportés à la merci des eaux, jusqu'à ce que,
heureusement, quelqu'autre objet se présenta, auquel ils pouvaient se
retenir. Se mêlant aux grondements de l'eau et aux hurlements de
l'ouragan, leur parvenait le craquement des cocotiers qui tombaient,
déracinés par la furie du vent.
Après une nuit horrible, les habitants qui s'étaient réfugiés sur cette
éminence échappaient à la mort.
au
Société des
Études
Océaniennes
9
LES CYCLONES
(Rangiroa) au matin du 6 février, le vent venait de l'est par
pluie constante qui brouillait l'horizon. Dans la
journée, il virait au nord-est ; la mer était très dure. Elle envahissait
régulièrement les îlots, déracinant d'innombrables cocotiers, détruisant
des cases et quelques maisons. A 17 heures, la bourrasque était de plus en
plus forte et atteignait son maximum d'intensité vers 18 heures. A ce
moment le vent passa au sud, puis se fixa au sud-sud-ouest. Vers 18 h 30,
une rafale d'une extrême violence arracha ou brisa les cocotiers restés
debout. Le cyclone avait atteint toute sa force. Vers 19 heures, les îlots en
grande partie étaient sous les flots. Dans la nuit, la tempête se rabattit à
l'est, revint au sud, pour se fixer définitivement au sud-sud-ouest le 7 vers
A Rairoa
fortes rafales, avec
1 heure du matin.
Au lever du soleil, le vent n'était plus qu'une brise régulière ; la mer,
quoique toujours grosse, s'était retirée des terres.
Dans cette île, l'eau du lagon, la première, dévasta les îlots. Dans la
journée du 6 février, vers 18 h 30, le lac intérieur, dont le niveau était
augmenté considérablement par les vagues qui se déversaient en son
sein, venant de la côte sud de l'atoll presque à fleur d'eau, envahissait les
villages de la côte nord. Il créait ainsi un énorme raz de marée qui balaya
tout sur son passage. A19 heures, le représentant de la Maison BRANDER
à Avatoru se réfugia sur une petite éminence du village que l'inondation
n'atteignait pas encore. La très forte rafale de 18 h 30 souleva de ses
assises la maison de cet agent, pour la déposer à 4 ou 5 mètres de là. Les
cocotiers épargnés par la mer étaient déchiquetés, emportés par la
tornade, toutes les embarcations mises à terre, les cotres à l'ancre,
détruits. Deux petites goélettes, appartenant à la Maison BRANDER, qui
se trouvaient au mouillage de Avatoru, étaient anéanties : la "NERINE",
sous l'assaut des lames, chavira et coula dans le lagon ; la "HORNET",
transportée par les vagues venues de l'extérieur, à plus de 500 mètres
dans les terres, s'y disloqua.
Mutufara, îlot où se trouvaient les entrepôts et magasins BRANDER,
était seul épargné partiellement. Les lames du large venaient déferler sur
sa partie sud, se divisaient de chaque côté des plages et trouvaient une
issue pour se déverser dans la passe de Avatoru. La majeure partie de la
population de Rairoa, étant réfugiée sur cet îlot, fut sauvée.
Le Commandant de l'aviso-transport "SEGOND", qui avait quitté
Papeete le 13 février, pour porter secours aux victimes de l'ouragan,
rapporta à son retour, le 22, que la mer était tellement encombrée d'épaves
de toutes sortes, sur des milles et des milles de l'archipel, que cela
représentait un danger sérieux pour la navigation.
Lettre du Révérend Père J. Richard LEMOING,
missionnaire de Rairoa
Rairoa (Tiputa) le 12 février 1878
Monseigneur,
Une terrible tempête est venue nous
Société des
Études
assaillir dans la nuit du 5 de
Océaniennes
ce
10
raoul teissier
mois. Des vents furieux et
que
lorsque tout Tiputa
a
une mer déchaînée n'ont cessé de nous harceler
été entièrement détruit de fond en comble. Pas
tombe n'est restée en paix au cimetière, que dis-je, pas un os n'est resté
champ des morts. Vivants et morts fuyaient pêle-mêle, emportés par
les flots qui submergeaient le pays. Pas une seule maison n'a résisté ; tout
a été
emporté, détruit, broyé et amoncelé au milieu des cocotiers abattus.
Et cette tourmente a duré depuis la nuit du 5 jusqu'au 7 au matin.
Il n'y a donc plus d'église à Tiputa, ni
presbytère, ni Fare Hau, ni
maison particulière : en un mot, il n'y a plus que des débris et des ruines,
nous n'avons plus rien à manger il
:
ne reste plus de fruits sur les cocotiers
qui ont résisté.
une
au
Le district de Anetiohia a été un
maisons particulières. Tout le reste
épargné puisqu'il reste debout 9
peu
été détruit
comme ici. Un Européen
Anetiohia, personne n'est mort ici. Le presbytère de Anetiohia
n'est pas broyé comme celui d'ici et pourra se restaurer avec ses propres
pièces à l'exception des chevrons.
a
est mort à
Enfin, j'aurais beaucoup de choses à
vous
dire, mais le temps
me
manque.
J'ai été
est de
sur
le
point de partir
avec cette
embarcation, mais je crois qu'il
devoir de prendre tout en patience et surtout de travailler,
comme je le fais tous les jours à ramasser les débris de
l'église éparpillés
par tout le village, et d'essayer à retrouver les objets du culte...
Le peuple est dans le même dénuement que moi, vous ferez bien d'en
avertir officieusement le Gouvernement. J'ignore comment ont été
traitées les autres îles
mon
J. Richard
v.c.j.s.
P.S.
N'oubliez rien de ce qui m'est d'une nécessité absolue comme :
hameçons et lignes de pêche, harpons, pelote de burau no te ato fare,
pointes et choses nécessaires pour menuisier (hache), 1 carotte de bon
tabac (je fume maintenant), un peu de vin (des pains d'autel).
—
je n'ai absolument rien. Tout est détruit ; je n'ai
que
des débris broyés
en
menus morceaux...
Enfin, Monseigneur, voyez ma position et ayez pitié de moi, et faites
le mieux et je serai toujours content. Je travaille depuis le matin
jusqu'au soir. Je n'ai qu'une soutane que je conserve pour le dimanche
seulement. Je suis en pantalon et en chemise, comme un vrai tamuta ; et su
vous avez été frappé vous-même de cette
calamité, commencez par penser
à vous-même et quand vous serez un peu remis, pensez à moi.
tout pour
J. Richard
Société des
Études
Océaniennes
LES CYCLONES
11
NAUFRAGE EN MER DE LA GOÉLETTE
"TENUUMOEROA"
Le 5 février, la goélette "TENUMOEROA" quittait son mouillage de
Tubuai, dans la soirée, à destination de Papeete sous le commandement
du patron ANIHIA.
Vers 22 heures, la brise fraîchissait et la houle devenait dure. Plus la
nuit s'avançait, plus le vent devenait violent et la mer démontée.
Le 7 à 6 heures, le vent soufflait en tempête, la mer était énorme. C'est à
ce moment que le patron s'aperçut que son navire faisait eau. Luttant
vainement contre cet envahissement pendant de longues heures, et
reconnaissant l'inutilité de ses efforts, le capitaine décida, de mettre le
canot à la mer, malgré la violence des éléments. Il y embarqua des vivres.
L'état critique du bâtiment continuant à s'accentuer, ANIHIA se décida à
faire passer son équipage dans l'embarcation, quittant son bord le
dernier, lorsque la goélette sombra sous ses pieds, rendue à l'état d'épave
par la tempête.
Au bout de 18 jours de navigation, les naufragés arrivèrent à Raiatea
sains et saufs, après avoir subi tout le long de leur voyage du mauvais
temps.
Grâce au sang-froid et au courage du patron de la goélette, le pire était
évité.
(MESSAGER DE TAHITI n° 27
—
Société des
1878
—
Imprimerie du Gouvernement — Papeete)
Études
Océaniennes
12
RAOUL TEISSIER
CYCLONE DU 15 JANVIER 1903
Vingt-cinq années après ces événements, un nouveau cyclone, avec raz
de marée, s'abattit sur les Établissements
Français de l'Océanie. Ce
furent encore les îles Tuamotu les
plus touchées.
Dans la nuit du 15 au 16 janvier, ce
cyclone passa
vitesse de propagation atteignit, au plus fort de la
aux Tuamotu. Sa
tempête, 17 milles, la
dangereuse s'étendant sur 120 milles.
Il ravagea terriblement les îles de Fakarava,
Hikueru, Marokau, Hao,
Napuka, Makemo, Arutua, Raroia, Takume et Rangiroa et causa des
dégâts sérieux dans celles de Makatea, Motutunga, Tahanea, Niau,
zone
Raraka, Aratika, Takaroa, Takapoto, Toau, Kaukura, Fakahina,
Fangatau, Taenga, Nihiru, Amanu, Ravahere et Kauehi.
Il fit 515 victimes. Hikueru en comptait à elle seule 377. Tous les
plongeurs de l'archipel étaient réunis dans cet atoll, dont le lagon était
ouvert à la pêche de la nacre, ce qui
explique le nombre élevé de victimes
dans cette île ; 83 cotres furent démolis.
Les goélettes "PERLE", appartenant à
l'Administration, et "LEON", de
l'armement local, se perdirent corps et biens.
Les indigènes de Amanu affirmaient avoir vu la "PERLE" les 12
et
13 janvier. Elle
trouvait à quelques centaines de mètres de la
passe,
près du village, tentant de la franchir à plusieurs reprises. La forte brise
qui soufflait ayant halé au nord-ouest, le navire se serait réfugié dans le
sud-est de l'île, où les habitants l'auraient
aperçu le 14. Enfin, à Hao,
certains insulaires disaient l'avoir vu le 15 et le 16 dans l'est de
leur île. On
se
retrouva
aucune épave de ce bateau. Il était commandé
par le capitaine
long cours Gervais BERTEAU, né à Saint-Sevrin-de-Bourg (Gironde).
La goélette "LEON" était devant Fakahina à
charger du coprah, au
début du cyclone. Elle arrêta ses opérations et fuit devant le
temps,
abandonnant dans l'île son subrécargue, ce qui valut à ce dernier la vie
sauve. Rien, également, ne fut retrouvé de ce navire.
ne
au
MINIMA
BAROMÉTRIQUES OBSERVÉS
PENDANT LE CYCLONE
13
15
janvier à 16 h
janvier à 16 h
17
janvier à 4 h
:
734
mm
Tuamotu
Capitaine
au
:
739
mm
Tuamotu
Capitaine
au
long cours PETERS,
cabotage
Auguste CHEBRET,
:
757,3
Société des
Rikitea
Études
SEURAT, naturaliste (Gambier).
Océaniennes
LES CYCLONES
13
A Fakarava, le 12
janvier 1903 dans la matinée, le temps était très
le vent soufflait au nord-est.
Le 13 au matin, le vent venait de l'est et devenait d'une violence
extrême, la mer était très grosse sur les récifs du dehors. Du village de
Rotoava, on apercevait ses volutes passer au-dessus de la cime des
cocotiers, qui bordaient le rivage extérieur du nord de l'île. La passe en
face du village était impraticable : elle ne formait qu'une écume blanche
et tourbillonnante. Le niveau de la mer, dans le lagon, atteignait presque
la route bordant la plage. Dans la journée le baromètre baissait toujours,
ce qui laissait prévoir un très gros temps.
Le 14 à l'aurore, le vent soufflait avec une violence terrible venant de
l'est-sud-est. Dans le lagon les flots devenaient très houleux ; le baromètre
baissait toujours. Vers 17 heures, la mer, déferlant du large à travers les
cocoteraies, inondait Rotoava, charriait avec elle d'énormes blocs de
corail, arrachait les arbres, renversait les cases indigènes, emportait tous
les animaux vivants qu'elle rencontrait sur son passage, pour jeter le tout
dans le lac intérieur. Vers 20 heures, la population de 70 personnes, ne se
sentant plus en sécurité à terre, montait à bord de la goélette "EIMEO",
Capitaine Auguste CHEBRET, qui s'était réfugiée à Rotoava depuis le 12,
faisant face à la tempête sur trois ancres.
Le 15 vers 4 heures, le vent halant du sud-est avait toujours la même
force depuis la veille. La mer continuait toujours à recouvrir le village et
s'acharnait à démolir ou arracher ce qui restait debout. Au lever du jour,
l'agglomération avait complètement changé d'aspect. Plusieurs maisons
en planches étaient effondrées et d'autres sérieusement endommagées.
Quant aux cases, elles étaient balayées et flottaient dans le lagon. Au sol,
toute broussaille avait disparu ; quelques gros arbres, sans aucune
branche, étaient les seuls rescapés de la tourmente, ainsi que des cocotiers
dépourvus de leurs feuilles et fruits. La terre était tellement dépouillée de
sa végétation que, du village se trouvant au bord du lac, on apercevait les
récifs extérieurs sur lesquels la mer se brisait avec force. La goélette
tenait toujours sur ses ancres, malgré la grosse houle du lagon.
Dans l'après-midi, le vent virait au sud et diminuait graduellement
menaçant
;
d'intensité. Les flots se retiraient lentement des terres.
Le 16 dans la matinée, la brise soufflait du sud-ouest,
sa
force tombait
de plus en plus. La mer, toujours grosse, battait la côte extérieure de l'île,
mais elle s'était retirée de la terre dans la nuit du 15. Dans-la" journée et
jusqu'au coucher du soleil, il plut abondamment. A la tombée de la nuit, le
temps se remit au beau : la brise était régulière et le ciel sans nuages.
Tout le village était ravagé, les cocotiers déracinés ou sectionnés par le
vent, ou emportés par les lames. Des cotres flottaient désemparés dans le
lagon.
Le niveau de la mer s'était élevé approximativement d'un mètre dans le
lagon, la mer inondant les marches supérieures de l'escalier de la
résidence.
Certains vieillards de Rotoava disaient que "jamais chose
s'était vue à Fakarava, même pendant le cyclone de 1878".
Société des
Études
Océaniennes
pareillane
14
ce
KAOUI, TEISSIER
A Hikueru, le 12 janvier pendant la journée, la mer était houleuse. Le 13,
fut le raz de marée qui occasionna des dégâts minimes. Le 14 à 8 heures,
le vent soufflait
assez fortement de l'est. La mer
grossissait de plus en
plus, envahissant lentement le rivage. A 10 heures, elle toucha les
premières maisons du village de Okerekere, particulièrement celles de
M. BRANLER et le temple Mormon. A 14 h 30, les
entrepôts Narii SALMON
et MERVIN furent enlevés par les lames. De 20 heures à minuit
environ,
une accalmie se produisit.
Le 15 à 1 heure du matin, le temps était affreux : la mer montait
toujours. Au lever du jour, la moitié du village et ce qui l'entourait se
trouvaient sous les eaux. Les vagues du large se brisaient dans les
cocoteraies. A 13 heures, le centre de Okerekere était entièrement
submergé et toutes les maisons emportées par les lames ; seules quelquesunes en maçonnerie tenaient toujours.
Le docteur BRUNATI, administrateur p.i., et Monsieur
Alexandre DROLLET, interprète du gouvernement, invitèrent la
population à se réfugier sur une autre partie de l'île, à Tupapati, moins
exposée à la fureur des éléments. Tous les habitants suivirent ce conseil.
Un petit groupe de commerçants resta encore sur place, mais à 17 heures
ils furent forcés de reculer devant les vagues énormes
qui continuaient à
déferler sur le village. En le quittant, ils virent les derniers bâtiments
s'anéantir complètement et leurs débris projetés dans le lagon, ou
emportés par le vent.
Ce fut à ce moment et jusqu'à 20 heures environ, que la
tempête
atteignit son paroxysme. Le vent soufflait avec une force extraordinaire ;
les cocotiers tombaient de toute part, devenant un
danger pour les
humains : certains arbres étaient étêtés, leurs panaches de feuilles
voltigeaient dans l'espace pour aller choir plus loin.
Le 16 à 4 heures du matin, la partie du village située à l'intérieur de l'île
était submergée par les eaux du lagon, dont le niveau avait augmenté
considérablement : ses vagues rejoignaient celles venant de la haute mer.
La population, abritée à Tupapati, fut obligée de se réfugier sur l'endroit
le plus élevé de cette pointe, dans un rayon de 50 mètres environ,
qui
n'était pas encore inondé. Pendant ce temps, des cotres, des pirogues, des
débris de toutes sortes, des cocotiers déracinés passaient d'un bord à
l'autre de l'île. Le lagon se confondait avec la pleine mer. D'après certains
témoins, Tupapati fut recouvert par la mer de 0,50 m environ pendant un
court temps qui sembla durer des heures aux personnes qui
s'y
trouvaient.
Les 14 et 15 janvier, sur les îlots qui bordaient la partie est de l'île, où
habitaient les pêcheurs de Hao et d'autres îles des Tuamotu, rien de grave
ne se produisit, bien que le vent fût très fort et la mer très
grosse. Le niveau
du lagon montait régulièrement.
Mais le 16 à 1 heure du matin, la mer devint de plus en plus inquiétante.
Les vagues
déferlaient dans les campements et balayèrent les cases et
qui vivait, à l'exception de quelques habitants réfugiés sur des
cocotiers qui avaient résisté au vent.
tout
ce
Société des
Études Océaniennes
LES CYCLONES
15
du jour, le vent diminua d'intensité sur toute l'île, pour
complètement vers 9 heures. La mer s'était retirée
progressivement mais restait toujours houleuse. Elle venait se briser
régulièrement sur les récifs extérieurs, tandis que les eaux du lagon se
retiraient lentement du rivage. A 10 heures, le vent n'était qu'une brise
régulière.
Au lendemain du cyclone, Hikueru, atoll verdoyant couvert de
cocotiers, était en grande partie rasé.
Le village de Okerekere, qui passait pour l'un des plus importants
centres des Tuamotu, n'existait plus. Sur son emplacement, s'étendait
une couche
épaisse de coraux blancs amenés par les vagues. Les
constructions en pierre : église, école, citernes, aussi bien que les
magasins et maisons en bois des négociants et particuliers, toutes les
cases indigènes étaient démolis, soufflés par l'ouragan. Les cocotiers
épargnés par le cyclone ne possédaient plus ni feuilles ni fruits ; ceux qui
n'avaient pu résister aux éléments gisaient à terre entremêlés.
Sur la rive du lagon, à 200 mètres des plages extérieures, se trouvait un
amoncellement de planches, d'arbres, de cocotiers, tôles de voitures et
pirogues défoncées, transportés là pêle-mêle par les lames venues du
large. De grands cotres de 5 à 6 tonneaux étaient couchés sur leur flanc
béant, dans les anciennes cocoteraies.
Au dire de tous les survivants du village de Okerekere, ce fut grâce à
l'énergie du docteur BRUNATI que de plus grands malheurs furent évités.
Il regroupa étroitement autour de lui : hommes, femmes, enfants, sur
l'éminence de Tupapati, au moment le plus critique de la tourmente, lors
de l'envahissement total de l'île par la mer. Narii SALMON et Winfred
BRANDER l'avaient aidé dans cette tâche. Alexandre DROLLET, agent
spécial, sauva la caisse de l'Administration, les valeurs et les archives de
l'archipel, dans des conditions particulièrement dangereuses. Le
lendemain, rien ne restait des bureaux administratifs.
Le maréchal des logis de gendarmerie PLASSAT, aidé de M. HUBY, un
hercule, ancien marin de la flotte, et LE GOFFIC, gendarme en retraite,
avaient à lutter personnellement contre des hordes de pillards après la
catastrophe.
Les chefs Tumukere a KAPIKURA de Hao, Manahune a TETOPATA de
Hikueru, Denis ANANIA pilote, Léon SUE interprète, Auguste VINCENT
pilote, avaient, par leur énergie et leur dévouement, rendu des services
appréciés par la population durant ces journées tragiques.
«
Les plus intrépides pêcheurs des Tuamotu, réunis à Hikueru pour la
« saison de plonge, avaient donné dans ces circonstances, d'après les
« Européens qui les ont vus à l'œuvre, les preuves d'une incroyable endu« rance et du plus grand courage en s'efforçant de sauver ceux des leurs,
« femmes, enfants, restés, soit au village, soit dans les îlots, soudés au
« récif, autour du lagon, où se trouvaient les campements. Ils se jetaient
« au milieu des vagues qui s'élevaient, au dire des témoins les plus dignes
« de foi, à une hauteur de plus de 12 mètres, se laissaient porter jusqu'au
« milieu du lagon pour tâcher de gagner de là les îlots, mais le plus
« souvent repris par la lame, rejetés en pleine mer, puis revenant vers
Le 16 à la pointe
tomber
Société des
Études
Océaniennes
16
RAOUL TEISSIER
l'atoll
sans jamais se décourager, mais
succombant en trop grand nombre, victimes de leur dévouement après des heures de luttes contre cet
océan qu'ils étaient habitués à braver depuis leur enfance».
Beaucoup de sauvetages de femmes et d'enfants ont été opérés par
ces plongeurs... ».
«
«
«
«
«
(Gouverneur PETIT
au
Ministre
-
16/2/03
•
n"
46-FOM/158
-
carton
92).
Le bilan du désastre était de 377 victimes
humaines, noyées par les
majorité habitant les îlots de l'est de Hikueru ; 15 cotres,
pirogues et des milliers de cocotiers furent détruits. Les commerçants
flots,
71
en
firent de très grosses pertes.
Lettre du R.P. Isidore BUTAYE, missionnaire de la
Congrégation
des Sacrés-Cœurs de Picpus, publiée par le périodique "Missions
Catholiques" N° du 17 juillet 1903,
pages
337 à 340.
"Voici quelques détails sur les ravages dans l'archipel des Tuamotu par
le cyclone du 15 janvier, catastrophe à l'île Hikueru, où je me trouvais
avec
de la
plus d'un millier d'indigènes,
venus
des îles voisines
pour
la plonge
nacre.
L'île
Hikueru, distante de 400 milles de Tahiti, mesure environ
sa plus grande longueur et de 8 à 10 dans sa
plus
grande largeur. Son lagon est un des plus renommés pour ses huîtres
perlières. Au moment du cyclone, il était couvert d'une magnifique
flottille, composée de plusieurs embarcations, dont pas une n'échappa au
naufrage.
Quatre ou cinq jours avant la nuit fatale du 15 au 16 janvier, la mer
commença à grossir et à prendre un aspect insolite. Le mercredi 14, je vais
au centre du village et je vois les
vagues passer par dessus le débarcadère
et arriver jusqu'auprès de mon église. La première maison bâtie sur le
bord du lagon est emportée ; le temple mormon, soulevé de ses bases, est
poussé sur les eaux, comme un navire et brisé contre un obstacle ; les cases
sont balayées par les lames. Les indigènes, effrayés, se
replient vers ma
demeure, où je les trouve occupés à entasser leurs richesses : machines à
coudre, caisses, malles, etc. Ce ne sera pas pour longtemps, car la mer
avance de minute en minute. Pour regagner mon
logis, j'ai dû marcher
dans l'eau jusqu'à mi-jambe.
La mer, à cette heure critique, était d'une terrifiante beauté. J'ai
contemplé là, pendant des heures, des charges furibondes, auprès
desquelles les plus célèbres charges de cavalerie ne sont que des jeux
20 kilomètres dans
d'enfants.
Après une demi-journée de cette bataille des eaux, les chemins avaient
disparu, les maisons étaient brisées ou déplacées, le village n'existait
plus.
La nuit nous apporta un peu de calme. Mon église fut transformée en
dortoir ; mais on n'y dormait guère, car le bruit de la mer était effrayant,
l'île entière tremblait sous le choc des vagues ; trois d'entre elles
Société des
Études
Océaniennes
LES CYCLONES
17
pénétrèrent jusqu'à nous. Je fis garantir la porte par une plaque de zinc et
réparer tous les dégâts causés par les flots dans les fondations de l'édifice.
Ce n'est sans une intervention manifeste de Dieu que, tous, nous avons
pu sortir sains et saufs de l'épouvantable cataclysme où ont sombré tant
de vies humaines.
Le lendemain, jeudi, la mer semble s'apaiser. Hélas, vers 4 heures du
soir, l'agitation des flots recommence de plus belle ; les vagues
envahissent l'église, un coup sec retentit, et je suis précipité contre les
bancs, au milieu de mes chrétiens, sous une avalanche d'eau.
Étourdi par la chute, une jambe contusionnée, je me relève et je constate
avec terreur qu'une crevasse énorme vient de s'ouvrir dans le pignon de la
chapelle ; une seconde lame arrive non moins violente et nous jette pêlemêle dans les bancs qui nagent et s'entrechoquent au pied de l'autel.
La position de l'église n'est plus tenable, chacun se mit en devoir de
battre en retraite. Pour moi, je ne pouvais m'éloigner sans le SaintSacrement. Trois fois j'essayais d'arriver jusqu'au tabernacle, et trois
fois je dus céder le pas au flot envahisseur. Enfin, un de mes néophytes
parvint jusqu'à l'autel ; je consomme rapidement les saintes espèces, puis
jetant un dernier et triste regard sur ma chapelle désolée, je m'éloignais.
Grâce à un robuste indigène qui me soutenait, je pus rejoindre, sans
accident, le principal groupe de naturels qui me reçurent avec joie, car,
pour eux, j'étais un homme perdu.
Mais la mer montait toujours. Vers minuit, il fallut déménager ; les
eaux commençaient à nous atteindre. Une natte sur les épaules, sous une
pluie battante, au milieu des plus épaisses ténèbres, nous avançons
péniblement à travers la brousse, les uns pliant sous le poids des
fardeaux, les autres traînant une multitude d'enfants qui pleurent et qui
crient. Trois fois nous dûmes renouveler cette fuite nocturne pour
échapper à la poursuite des vagues.
Nous arrivons enfin à la pointe de l'île, impossible d'aller plus loin :
devant nous l'Océan démonté ; derrière, les flots tumultueux du lagon.
Cernés de tous côtés par les eaux, il ne nous reste plus qu'à nous préparer
à la mort. Je m'installe sous un arbuste, et j'y entends les confessions de
mes néophytes. Mais tandis que je travaille au salut des âmes, la
Providence travaille, de son côté, au salut des corps. A quelque vingt pas
derrière nous, elle amoncelle peu à peu des feuilles de cocotiers ; celles-ci
retiennent dans l'enchevêtrement de leurs palmes tous les mille détritus
que leur jettent les flots. La première lame furieuse qui s'élance sur nous
se brise et s'amortit contre la digue improvisée et nous, en voyant les eaux
divisées s'écouler à cinquante pas de nous, dans l'Océan, sans nous
atteindre, nous étions sauvés... Cependant, nous n'étions pas au bout de
nos peines.
Le cyclone proprement dit n'avait pas encore éclaté. Tout à coup le vent
se déchaîne avec une telle fureur que les cocotiers tombent autour de nous
par centaines ; d'autres sont tordus ou brisés ; les gôuttes de pluie nous
piquent au visage comme le feraient des pointes violemment lancées
contre nous, c'est une scène d'enfer. Heureusement qu'elle fut d'assez
courte durée, sans quoi nous aurions tous péri de souffrance et de frayeur.
Société des
Études
Océanienne
18
RAOUL TEISSIER
Quand le plus fort fut passé, nous n'osions bouger encore, et nous
grelottions de froid sous nos nattes humides, lorsqu'un homme, emmené
par les vagues de la côte opposée, nous annonce que 216 originaires de
Hao ont été emportés par un coup de mer ; à ce chiffre, il fallait en ajouter
bientôt 118 autres, ce qui porte à 379 le nombre des victimes à la seule île
de Hikueru.
Nous
nous
nous
décidâmes à quitter notre position, qui devenait critique, et
au campement de la veille
d'où les eaux s'étaient retirées.
revinmes
Le
spectacle était lugubre. Pas une case debout, les plus solides maisons
pierre avaient croulé, toutes les embarcations étaient perdues et, de la
masse des cocotiers
qui ombrageaient le village, c'est à peine si quelquesuns montraient
çà et là leur longue tige découronnée ; les îlots bien connus
qui s'échelonnent entre la double ceinture de récifs avaient disparu. De
distance en distance, des monceaux de pierres, de planches, de coraux, de
cocotiers, de pirogues, etc., parmi lesquels, hélas, de nombreux cadavres
horriblement défigurés.
Pendant plusieurs jours, nous vécûmes d'un peu de farine et de
quelques boîtes de conserves trouvées parmi les ruines d'une maison.
Enfin le 22, l'"EXCELSIOR" nous secourut et nous transporta, les uns
dans les îles voisines, les autres à Tahiti, où je me suis rendu pour me
ravitailler à neuf, ayant absolument tout perdu dans le cyclone, depuis
mon chapeau et mes
lunettes, jusqu'à mes chaussures.
L'île Marokau n'a pas été moins éprouvée que celle où je me trouvais,
112 personnes ont été emportées par une seule lame : 96 ont péri, 10 ont su
regagner la terre. L'église a croulé et plusieurs indigènes ont été ensevelis
en
sous
les ruines.
Vous voyez notre
A
détresse. Priez
pour nous
Marokau, à la pointe nord-est où
se
et secourez-nous."
trouvait le principal village, le
13 janvier au matin, le vent d'est était une brise assez forte, pluie et temps
couvert. Dans la journée, il fraîchissait de plus en plus : la mer était
houleuse. Le village, situé à 150 mètres du rivage, voyait ses premières
cases atteintes par les lames venant de la haute mer. Dans la
nuit, elles
vinrent mourir
au centre de l'agglomération.
le vent soufflait toujours de la même direction, et vers 8 heures la
destruction du village commençait. Les vagues gonflées démesurément
s'y brisaient, en enlevant tout sur leur passage. Cependant les maisons
en pierre tenaient encore.
Le 15 au matin, c'était la véritable tempête qui dura toute la journée.
Vers 16 heures, les maisons épargnées la veille étaient démolies par des
vagues énormes. Puis une accalmie se produisit. Six maisons restaient
plus ou moins indemnes, dont l'église.
Le 16 vers 8 heures, le coup de bélier définitif détruisit toutes lés
demeures qui tenaient encore, y compris l'église. Les cocotiers, enlevés
par les rafales, virevoltaient en tous sens. Il ne restait plus rien du centre
de Marokau ; tout était anéanti.
C'est à ce moment que 25 habitants se décidèrent à partir à la nage, à
travers le lagon, pour un îlot plus élevé situé à 2.000 mètres environ dans
Le 14,
Société des
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Océaniennes
LES CYCLONES
l'Ouest. Ils furent tous sauvés. Vers midi, le vent tombait. La mer, restant
houleuse, se retira lentement. Vers 15 heures, le temps se remit au beau.
A la pointe sud de l'île, le 13 janvier à 7 heures, le temps se chargeait,
mais il ne pleuvait pas. Vers 11 heures, le vent se leva, venant du sud.
l'après-midi, la pluie commença par des grains drus. Les rafales
augmentaient graduellement : la mer passait le récif extérieur et se brisait
sur le rivage. Vers 19 heures les flots, en rouleaux énormes, touchaient les
premières habitations du village. C'est à ce moment-là que tous les
habitants l'abandonnaient pour se réfugier sur le point le plus élevé de
l'îlot. Le 14, le vent toujours du sud se maintenait toute la journée avec
force. La mer déferlait avec rage dans les cocoteraies. Vers 23 heures, le
vent soufflant en tempête détruisit des cases et abattit la majeure partie
Dans
des arbres.
au matin, il sévissait toujours avec furie. L'océan montait sans
la pluie tombait avec violence et bouchait l'horizon. Ce temps dura
toute la journée et toute la nuit.
Le 16 à 4 heures du matin, la mer, rasant le village, submergea
entièrement l'îlot en rejoignant les eaux du lagon. A 9 heures, le vent vira
au nord : sa puissance diminua lentement, tandis que les eaux évacuaient
l'îlot. Vers 18 heures, tout était à peu près redevenu normal.
Après la tourmente, le désastre était complet. Le village principal de
Marokau, situé sur la côte nord-est, n'existait plus. Son emplacement
restait net, le corail à nu. Seul un monceau de débris de toutes sortes
(planches, tôles, arbres, cocotiers enchevêtrés), d'une longueur de
100 mètres environ sur 30 de large et 1,50 m de hauteur, dressé à
150 mètres de là, vers le lagon, rappelait que ce lieu avait été habité. Sur
certains cocotiers restant encore debout, une corde nouée autour du tronc
prouvait qu'un malheureux s'y était attaché pour fuir l'envahissement
Le 15
arrêt ;
des
eaux.
quand débuta la tornade, 95
la chute des cocotiers.
Sur 183 personnes présentes dans l'île,
périrent noyées
A
ou
assommées
Hao, l'ouragan et la
maisons
en
mer
par
saccageaient le village. Presque toutes les
bois furent arrachées de leurs fondations, arrêtées dans leur
déplacement par les cocotiers des alentours, qui par miracle résistèrent
au vent. Quant aux cases, toutes furent balayées comme fétu de paille.
Cinq personnes trouvèrent la mort au cours de ce sinistre, dont une
femme qui devint folle durant le cyclone.
Hao fut ravagé dans ses plantations. Un grand nombre de cocotiers et
d'arbres fruitiers, entretenus à grand peine, furent arrachés par le vent ou
brisés par'les vagues de l'océan en furie.
L'île Napuka fut abordée par l'ouragan sur sa côte ouest. Situé sur cette
partie de l'île, le village fut rasé complètement par les éléments déchaînés.
Le cyclone fit 12 victimes. Comme à Hao, tous les arbres, y compris des
grands "Tau" peut-être centenaires, furent déracinés, renversés par le
vent ou la mer. Aucun animal domestique ne resta en vie.
Société des
Études
Océaniennes
20
RAOUL TEISSIER
Raroia fut touchée durement. Les arbres fruitiers et les trois quarts des
plus ; ceux qui restaient debout n'avaient que leur
tronc, ayant perdu leur panache de feuilles et leurs noix. Aux rouleaux
cocotiers n'existaient
énormes
précipitant du large
l'île,
joignait l'eau du lagon dont le
Après le cyclone, une petite
goélette et quelques cotres, qui s'étaient réfugiés dans le lagon, gisaient
se
sur
se
niveau avait augmenté considérablement.
dans les cocoteraies. Sous la poussée des flots qui montaient, toutes les
habitations furent pulvérisées, sauf l'église, les murs du presbytère et
de la prison. (i)
Après le passage du cyclone, Raroia était méconnaissable. On
déplorait 12 victimes.
Takume^ île voisine de Raroia, fut ravagée par la mer qui se jetait avec
une force inouïe à l'assaut de l'île. Le
village fut anéanti dans la nuit du 15
au 16
janvier. La végétation et les belles cocoteraies étaient terriblement
dévastées ; le vent acheva ce que la mer avait épargné. La mer charriait
ceux
d'énormes blocs de corail arrachés
au
récif.
Actuellement, en longeant la côte de Takume pour se rendre à Raroia,
on aperçoit sur la
plage ou sur le plateau corallien quelques-uns de ces
blocs. Ces masses volumineuses ont au moins 3 à 4 mètres de longueur sur
2 ou 3 de hauteur, pesant plusieurs tonnes, ce qui donne une idée de la
force des lames pendant la tourmente.
Au lendemain du cyclone, on comptait 12 victimes dans le village.
A Rairoa (Rangiroa), au village de Avatoru, le 11
janvier, la mer était
houleuse. Les vagues dépassèrent leur moyenne normale pendant toute
la journée.
Le 12, la pluie tombait par grains violents, l'océan devenait de plus en
plus houleux : il entra par la passe dans le lagon, en rongeant la plage, à
proximité du centre de Avatoru. Le vent soufflait du sud-est.
Le 13, de 8 à 10 heures, il était d'une violence extrême, accompagné de
grains serrés. L'eau du lagon montait de plus en plus et devenait
menaçante. A 20 heures, la mer venant du large se fraya un passage dans
la terre au sud du village, de 1 kilomètre de largeur environ, se déversant à
l'intérieur du lac. Des lames monstrueuses
extérieurs, produisant
se
brisaient
sur
les récifs
bruit semblable à de formidables décharges
d'artillerie. Le sol tremblait sous l'assaut des vagues. La partie sud de
l'agglomération, évacuée par ses habitants, fut submergée.
Le 14, le niveau des eaux du lac intérieur montait à vue d'oeil, augmenté
par celles venues du large. Dans l'après-midi, les plages étaient
recouvertes par cette marée montante. Le vent continuait à se maintenir
en tempête.
Le 15 vers 3 heures du matin, un très fort grain s'abattit sur le village,
suivi de très fortes rafales ; puis au lever du jour le vent mollit. Petit à
petit, la mer relâcha son emprise en se retirant et, vers 14 heures,
l'accalmie se précisa. A la tombée de la nuit le beau temps était revenu.
A Avatoru, les dégâts furent assez importants. Beaucoup de cocoteraies
furent dévastées par le vent et toutes les cases du village emportées par le
(1) En 1949
existait
un
témoin oculaire nous disait que les vagues atteignaient le toit de la prison qui
(4 à 5 mètres de haut).
un
encore
Société des
Études
Océaniennes
21
LES CYCLONES
mer. Quant aux constructions en planches et en maçonnerie,
elles résistèrent à l'ouragan mais furent plus ou moins endommagées.
L'océan fut le plus dévastateur ; les plantations situées sur les bords
extérieurs de l'île furent complètement détruites. Les vagues du large y
vent et la
transportaient des blocs de corail pesant 4 à 5 tonnes, arrachés au plateau
sous-marin frangeant ; ceux-ci à leur passage écrasaient tout. L'océan
enleva également toute la terre arable du sol, laissant le corail à nu et ce
sur près d'un mètre d'épaisseur.
Aux Iles Marquises, la tempête s'abattit les 13, 14, 15 et 16 janvier.
A Nuku-Hiva, un vent violent soufflait le 13 au soir, entre 19 et
20 heures. Il fut suivi d'orages et de pluies abondantes pendant les
journées des 14, 15 et 16. Les rivières débordaient et causaient des
inondations, qui emportaient tout sur leurs passages : bêtes, habitations
étaient charriées jusqu'au rivage.
A Hatiheu, la caserne de gendarmerie fut écrasée par la chute d'un très
gros banian, déraciné par le vent et 15 maisons furent renversées.
A Taiohae, le débarcadère fut, en partie, démoli par le raz de marée et
une dizaine de maisons détruites par les rafales, ainsi que la plupart des
arbres plantés dans la cour de la résidence et sur le bord de mer ; les
cultures, les cocoteraies furent ravagées.
A Hiva Oa, Atuona voyait, sous l'effet des éléments déchaînés, ses
ponts emportés par l'inondation, ses rivières changeapt de lits, ses routes
détériorées, ses abris à embarcations entraînés dans la rade par le raz de
marée. Un enfant de sept ans fut emporté par une rivière en crue, et on
retrouva son cadavre le lendemain sur la plage.
A Ua Pou, il plut sans discontinuer durant trois jours. Les rivières,
changées en torrents, balayaient tout. La mer, très houleuse, atteignait
une hauteur telle que les vieillards en étaient effrayés et disaient n'avoir
jamais vu de pareil.
Extraits d'une lettre du Révérend Père Siméon DELMAS à son
Supérieur
—
"Annales des Sacrés-Cœurs", 1903
—
pages
211 à
215.
Taiohae, Mars 1903
janvier à 7 heures 30 du soir, un ouragan fondit soudain sur les
Uauka, couvrant une surface d'au moins 50 milles. En
moins d'une heure, il atteignait l'île Uapou à 30 milles plus au sud.
Quelques instants auparavant, l'atmosphère était d'une sérénité parfaite
Le 13
îles Nukuhiva et
Toutefois, à Uapou, la mer grossissait depuis trois jours, on venait de
prendre des précautions que les anciens du pays n'avaient jamais cru
utiles.
La bourrasque fondit tout à coup. La chute des
branches volaient comme des feuilles parmi les têtes
Société des
Études
grands arbres... les
de cocotiers, rapides
Océaniennes
22
comme
RAOUL TEISSIER
des balles. A
Vaii, il fallait s'accrocher solidement
pour ne pas
être emporté.
A
Hatiheu, la principale baie de Nukuhiva était dévastée. L'est et le
protégés par une pointe ; mais l'ouest et la plage furent
ravagés. Non seulement les arbres à pain, les purau, les cocotiers, les
orangers, les manguiers, les tamariniers, les banians, en un mot tous les
centre restèrent
arbres tombaient
17 maisons, dont la plupart en planches, furent écrasées sous la chute des
arbres, ou renversées sinon emportées par la violence du vent. Une d'elles
roula comme une vulgaire caisse de fer blanc. Les toits, spécialement ceux
en tôles, s'envolaient comme un
simple chapeau s'échappe de la tête.
Parmi les constructions solides, citons la toiture d'un clocher emportée en
bloc, la gendarmerie, la belle maison du chef Napoléon. Tous ces
désastres furent l'affaire de la première heure. Le presbytère avait été
heureusement protégé par la grotte de la Sainte Vierge. Ce fut l'asile de la
population.
Un courant très fort ravageait la plage en emportant les quatre
cinquièmes d'une jeune plantation de cocotiers. Puis, franchissant l'arête
qui sépare Hatiheu de la vallée de Vaii, il se précipita dans le bas comme
un torrent
; les arbres sont tordus et renversés. La vallée est
complètement dévastée. A part quelques cocotiers, il ne reste debout que
des troncs d'arbres
ébranchés comme des mâtures de navires.
L'enchevêtrement des arbres amoncelés empêche les communications,
même à
pied
Taiohae est à l'abri
sur
la côte sud. La tempête
sentir violemment. Ce chef-lieu est
un
s'y est pourtant fait
amoncellement de ruines.
A
Uapou, les pertes, bien moindres, sont encore considérables.
Une véranda, couverte en tôle, partit à la hauteur des cocotiers, voltigea
comme un fétu de paille et retomba en bloc.
Naturellement l'océan a ressenti le contre-coup de la tempête.
A
Uapou, comme à Nukuhiva, c'est sur la côte nord que l'ouragan a sévi
le plus de fureur. A Hakahetau, dans la baie même, au dire d'un
capitaine, c'était comme aux plus mauvais jours du Cap Horn. Le rivage
tremblait. On croyait entendre un grondement souterrain
Les vagues firent reculer de 10 à 15 mètres le cordon littoral formé
d'énormes galets
elles franchirent les galets, s'avancèrent de 50 mètres et secouèrent les
maisons qu'il fallut abandonner.
Une goélette de 50 tonneaux, mouillée au port de Taiohae, cassa ses
amarres ; 5 ancres purent à peine l'empêcher d'aller à la côte. Un côtre de
15 tonneaux, au mouillage de Anaho, sombra en un clin d'oeil.
La pluie, qui n'avait fait que menacer la première nuit, ne cessa guère
de tomber les trois jours suivants ; l'obscurité la plus profonde régnait
dans l'île. Les ruisseaux grossissaient de 5 à 6 mètres, emportant les
ponts et charriant des arbres, des pierres et des animaux
avec
S. DELMAS
Société des
Études
Océaniennes
LES CYCLONES
LE TEMPS EN MER
M. GRELOT, Capitaine au long cours, commandant la
"GAULOISE" de 125 tonneaux, du port de Papeete, quitait
goélette
les Iles
Marquises le 10 janvier 1903 ; se trouvant en route pour Tahiti, il
rencontra le mauvais temps le 12 et subit, en pleine mer, le cyclone en sa
totalité.
principales péripéties de ce voyage a pu être fait grâce à des
rapport de mer.
La goélette quitta les Iles Marquises le 10 janvier, au petit jour, faisant
route sur Tahiti avec un chargement de marchandises diverses, dont 30
Le récit des
extraits de
son
bœufs installés
Le 12,
elle
sur
le pont.
commença
à ressentir une grosse houle alors que le navire se
Napuka (Tuamotu). Le temps se
trouvait entre les Marquises et l'île
couvrait et rafraîchissait.
Les 13 et 14
jusqu'au petit jour, des grains violents assaillent la
goélette.
heures, c'était la tempête dans toute sa violence : à chaque
de mer, le navire était recouvert d'eau, obligeant le capitaine à jeter
par dessus bord une partie des marchandises arrimées sur le pont. Vers 17
heures, une rafale très violente emporta les voiles.
Le 15 vers 2 heures, une vague énorme s'abattit sur le bateau,
entraînant avec elle l'embarcation fixée aux bossoirs, arrachant le
pavois de la dunette, à bâbord. A 7 heures, une autre vague passa sur le
navire et l'on constata alors que l'homme de barre de sous le vent avait
disparu. Les trente bœufs étaient morts, formant sur le pont un amas de
chair inerte. La mer, très grosse, continuait à balayer le pont ; le temps
était couvert, des grains violents bouchaient l'horizon. Au coucher du
soleil, une petite accalmie se produisit, pendant laquelle le capitaine fit
jeter à la mer les cadavres des bœufs ; à la nuit tombante, la tempête reprit
de plus belle.
Du 16 au 18, le bateau navigua sur une mer très houleuse à l'estime, le
temps épouvantable ne permettant pas de faire le point.
Enfin le 19, le vent mollit et l'horizon se dégagea ; le 21, tout était rentré
dans l'ordre et la goélette parvint enfin à atteindre Papeete, mais dans un
Le 14 à 4
coup
bien triste état.
"C'est miracle
que ce
petit bâtiment
ne se
soit pas perdu corps et bien".
Commandant de l'aviso-transport
Société des
Études
"DURANCE"
Océaniennes
24
RAOUL TEISSIER
CYCLONE DE 1905
Dans la troisième semaine de
mars 1905, un autre cyclone formé au
Marquises se dirigeait sur les Iles Tuamotu, avec une vitesse
de propagation de 8 à 10 milles à l'heure, et atteignait une largeur de
120 milles environ, entre Tikehau et Fakarava.
Il passait d'abord à Napuka le 23 à 8 heures, le 24 à midi à Takaroa, le
même jour vers 22 heures, il touchait Arutua, et Apataki à minuit. Il
atteignit Tahiti le 25 à 24 heures.
Aux Tuamotu, les effets de cette tempête furent désastreux. Les
plantations et les cocoteraies étaient ravagées ; des maisons, des cotres,
démolis par la tourmente, avaient disparu sans laisser de trace. 4
personnes périrent à Arutua et 4 autres, membre de l'équipage de la
goélette "ÉCLAIREUR", se noyèrent lors du naufrage de ce navire.
L'armement local perdit 4 goélettes : "ÉCLAIREUR" à Takaroa,
"TAPIORI" à Toau, "TAMARII MOERAI" à Hereheretue et "TEAVARO" à
Kaukura. 32 cotres des Tuamotu furent perdus ou disparurent et 175
maisons détruites, parmi lesquelles de nombreuses constructions à
l'européenne et des bâtiments publics.
Aux Iles Marquises, du 23 au 27, pluies diluviennes, vent et raz de
nord des Iles
marée étaient incessants. La
crue des rivières créa de graves inondations
qui détruisirent tout sur leur passage.
A Tahiti, la côte est subit des dégâts matériels importants causés par la
mer.
MINIMA
23
mars
à 8 heures
aux
BAROMÉTRIQUES OBSERVÉS
environs de
732
mm
Capitaine Auguste CHEBRET
Napuka
mars
25
mars
à 8 heures
Takaroa
735,5
Tahiti
750
L'île Arutua fut traversée de part
mm
mm
Hôpital de Papeete
part par le cyclone. Aussi fut-elle
pour plus du quart, furent
détruits : 27 maisons et toutes les cases furent démolies par le vent ou
balayées par la mer ; les 6 cotres de l'île furent écrasés par les vagues.
Le récit qui va suivre est la relation intégrale du cyclone à Arutua faite
en
particulièrement éprouvée. Les cocotiers,
Turatahi a MAHURU, patron de côtre demeurant à Avatoru, Rairoa
(Rangiroa). Elle était écrite en langue tahitienne et fut traduite par
par
Société des
Études
Océaniennes
25
LES CYCLONES
Monsieur Ernest BUTTEAUD, interprète du Gouvernement :
A Monsieur le Gouverneur des Établissements Français
de
l'Océanie, détenteur des pouvoirs et de l'honneur du Gouvernement de
la République Française dans ces Établissements Français.
Salut à vous,
Considérant qu'il n'y a aucun fonctionnaire de l'Administration
dans les districts nommés Pakaka et Apataki et qui soit venu à Arutua
au
de
petit village de Rautini, j'ai rassemblé les faits que j'ai constatés lors
l'ouragan qui a passé sur ce petit village, pour les porter à votre
connaissance. Voici les faits
:
quitté Kaukura le 22 mars à 1 heure de l'après-midi sur mon côtre
"PAIA" de 19 pieds de long sur 7 de large. Le vent se levait très fort; j'ai
pris tous les ris de la voilure. Notre côtre portait 8 personnes : 4 enfants,
J'ai
3 hommes adultes et
Nous
avons
un Chinois.
mouillé à Arutua au village de Rautini à 4 heures du soir.
fraîchissait, nous sommes donc restés à cette île.
le vent avait encore fraîchi et venait du sud-est
(Maraamu). Il était très violent et abattait les cocotiers et toutes les
petites cases ont été démolies. La pluie, poussée par le vent, vous
frappait le visage avec une force comme si des petites pierres vous
étaient lancées à la figure. La mer, grossie par le vent, commençait à
couvrir l'île par moment. Il semblait qu'elle allait disparaître dans les
flots. Ail heures du soir, le vent et la mer avaient encore augmenté de
Le vent
Le
23 mars,
violence. Les habitants ont alors abandonné leurs maisons et
se
sont
point un peu plus élevé du village. Mais le niveau du flot,
montant toujours, recouvrait l'île en certains endroits de 1 mètre
environ. Tout ce qui se trouvait en ces points fut englouti. A ce moment,
la fureur de la mer ni la vitesse du vent ne peuvent être décrites. Le flot,
continuant à monter, a atteint le point élevé où s'étaient réfugiés les
habitants du village.
Dans cette même nuit, un îlot nommé "TUTAEMARO", occupé par
40 personnes, a été submergé par une hauteur de 2 à 3 mètres d'eau. Ces
habitants furent jetés dans le lagon, où ils restèrent en nageant ou se
soutenant aux épaves qui flottaient. Le vent, par sa force, a fait
chavirer des cotres de 10 tonneaux, mouillés derrière cet îlot. Alors ces
40 personnes ont cherché des moyens de sauvetage. Ayant avisé un
côtre de 20 pieds de long, que son propriétaire, MANUTAHI de Tautira,
avait attaché au pied d'un arbre, ils attachèrent en travers de ce côtre
deux pièces de mâture pour l'empêcher de chavirer et ils s'y
embarquèrent. Se trouvant en sécurité relative, ils s'aperçurçnt que l'un
d'eux avait disparu. Ils n'étaient plus que 39.
Le 25 mars à 4 heures du matin, ils se trouvaient en dérive au milieu
du lagon et des éléments déchaînés. Vers 10 heures du matin, une
femme du village a été emportée par la mer. Le côtre, transformé en
radeau, dérivait toujours, poussé par le vent qui souflait en tempête.
Vers 4 heures du soir, ils touchèrent un îlot nommé "PUTEHUE" situé
au sud de l'atoll. Peu après, les habitants virent la femme qui était
tombée dans le lagon atterrir sur l'îlot. En prenant terre, elle vacillait
réunis
sur un
Société des
Études
Océaniennes
26
RAOUL TEISSIER
jambes. Ils vinrent à
«
sur ses
«
faiblesse extrême.
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
son secours
et la trouvèrent dans
un
état de
Le 26 mars,
le temps étant revenu au beau, ils revinrent à leur village
qui se trouvait à 8 milles de leur point
d'atterrissage. 6 cotres du village ont été perdus.
Le 27 mars, nous avons employé 2 cotres qui avaient échappé à la
tourmente pour rechercher des habitants qui se trouvaient sur les petits
îlots du sud. Dans la journée, ils sont revenus à Rautini avec 41
personnes, provenant de l'îlot Mahuta. Ils nous ont raconté que le
temps avait été terrible et avait fait beaucoup dé ravages dans leur îlot
et que la mer avait emporté 3 personnes.
Il y a eu de tels désastres qu'il est impossible de vous les rapporter et,
sur ce, je clos ma relation. Salut à
vous.
situé
sur
l'îlot "TUTAEMARO",
„
,
,
.
Taratahi
a
MAHURU
A
Takaroa, le 24 mars vers midi, le cyclone était dans toute sa force. 30
broyées ou emportées par le vent, qui soufflait en tempête,
et par la mer en furie.
La goélette "ÉCLAIREUR" de 40 tonneaux, du port de Papeete,
capitaine POTURU, se perdit sur la côte nord-est de l'île. 3 matelots et le
subrécargue, Monsieur HARRIS, périrent noyés, tandis que le capitaine et
un marin échappaient à la mort.
Le récit de ce naufrage fut fait au chef de l'île par un rescapé de ce
bâtiment et transmis au gouverneur de l'époque. En voici la traduction
intégrale, faite également par M. Ernest BUTTEAUD :
maisons furent
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
La
goélette quittait Pukapuka le 23 mars vers 14 heures. Le temps
dans la nuit, il devint épouvantable. La mer était
énorme et les vagues balayaient le pont du navire sans répit ; le vent
était terrible. Le 24, aucune amélioration ; le bateau fatiguait beaucoup.
Il se relevait difficilement après chaque coup de mer. Vers 14 heures, la
cabine arrière fut emportée par une lame. A la suite de cette avarie,
grosse de conséquence, l'eau pénétrait de plus en plus dans l'intérieur.
L'équipage était aux pompes. C'est à ce moment que HARRIS dit au
capitaine : "Cela serait un bien si nous rencontrions une île. Peu
importe le bateau, pourvu que l'équipage se sauve." Quelque temps
après, entre deux grains, l'équipage aperçut une terre. Aussitôt le
capitaine fit tout ce qui était possible pour mettre la goélette au vent.
Mais cette manœuvre ne réussit pas, le bateau étant plein d'eau et
presque désemparé, poussé de plus en plus par le vent vers la terre. Le
capitaine dit à Harris : "Que faire ?". Celui-ci répondit : "Mettez-le à la
côte de n'importe quelle façon, même s'il s'y brise, mais que l'équipage
était mauvais et,
soit sauvé.
«
Le capitaine prévint l'équipage de la position critique dans laquelle il
trouvait, l'encourageant et lui conseillant de trouver les moyens de
«
se
«
sortir du
«
le bateau, qui s'était rapproché très près de terre, poussé par le vent et la
«
mer,
«
brisèrent
naufrage qu'il prévoyait imminent. Quelques minutes après,
fut pris et soulevé
sur
les récifs
en
par d'énormes vagues successives, qui le
plusieurs tronçons, et l'équipage jeté à la mer.
Société des
Études
Océaniennes
LES CYCLONES
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
Le narrateur et le capitaine furent
pris dans une lame et, quelques
retrouvaient côte à côte sur la terre ferme.
Reprenant leurs esprits, ils se rendirent compte qu'ils se trouvaient
au milieu d'un îlot. Ils voyaient, d'un côté, un lagon
assez calme et, de
l'autre, de formidables montagnes d'eau qui s'abattaient à quelque
40 mètres d'eux et qui les submergeaient à chaque instant. Étant
contusionnés par tout le corps, ils rampèrent pour sortir de leur position
délicate et prirent la direction du lagon qu'ils atteignirent. Là, ils
étaient plus en sûreté, ne risquant pas d'être entraînés par la mer ; ils
étaient tellement exténués qu'ils s'endormirent.
Quand ils se réveillèrent, le soleil se levait, le temps s'était un peu
instants après,
«
amélioré et
«
régulière et la
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
27
vers
se
le soir tout était calme. Le
vent était devenu
une
brise
quoique restée houleuse, s'était retirée de la terre.
Ils se mirent à la recherche de leurs compagnons et de quelque
nourriture. Ils trouvèrent les débris de leur navire sur la plage, ainsi que
le corps de HARRIS, le crâne défoncé, et un bras humain ; ils
découvrirent une touque de biscuits et un sac de farine. Ils inhumèrent
HARRIS et le reste humain, puis mangèrent des biscuits plus ou moins
imbibés d'eau de mer, la farine étant inutilisable. Quant au reste de
l'équipage, il avait disparu dans le naufrage.
Dans la nuit du 27 mars, ils aperçurent des lueurs sur une partie de
l'île et en repérèrent la direction. De bonne heure le 28, ils se mirent en
marche et arrivèrent au village de Takaroa le 29 au matin ».
mer,
A Toau, se trouvait réunie la majeure partie de la population de
Fakarava, île voisine, pour la récolte de coprah (Rahui).
Le mauvais temps commença à sévir le mercredi 22 mars. Le vent
halait de l'est assez régulièrement et s'éleva brusquement vers 14 heures.
Sa force augmenta progressivement jusqu'au lendemain.
Dans la soirée du 23, il sautait au nord. Mais, peu de temps après, il
reprit sa direction première, en s'amplifiant toujours. La mer était grosse
au dehors et son niveau montait dans le
lagon. Il pleuvait par moment.
Les cases du pays, en feuilles de cocotiers, étaient en grande partie
démolies.
Le vendredi 24 dans l'après-midi, la force de la rafale s'accrut encore.
L'océan s'élevait rapidement à l'extérieur, ainsi que dans le lagon ; les
cocotiers tombaient sous les coups de vent furieux. Les feuilles, qui
jonchaient le sol, étaient littéralement hachées. De nombreux grains se
succédaient, durant à peine 5 minutes et n'étant séparés entre eux que par
des intervalles d'un quart d'heure environ. Pendant leur passage le vent
redoublait de violence. 7 cotres mouillés dans la partie nord-ouest du
village brisèrent leurs amarres et furent jetés à la côte.
Vers 16 h 30, le vent passa de nouveau au nord puis au nord-est et sa
vitesse était alors extraordinaire. La mer du large pénétrait dans le lagon
par les points les moins élevés de l'île et, à 21 heures, elle dépassait de
1 mètre environ sa hauteur moyenne, dans la lagune, tandis qu'aux récifs
extérieurs les lames qui se brisaient pouvaient atteindre 5 à 6 mètres de
hauteur, les plus hautes recouvrant parfois les parties les plus élevées des
Société des
Études
Océaniennes
28
RAOUL TEISSIER
îlots.
Les cases restantes, qui venaient d'être évacuées, étaient
emportées ; les habitants se réfugièrent sur une éminence voisine du
village, mieux abritée, et grimpèrent dans quelques gros arbres qui se
trouvaient encore debout. C'est à ce moment, que la mer enleva tout le sol
et les cocotiers, entre la deuxième passe et le village. Dans le milieu de la
nuit, le vent vira de nouveau en passant au nord-ouest.
Le samedi 25 vers 8 heures, l'océan cessa de monter ; les nuages, très
épais et surtout très bas, bouchaient la vue : le ciel était très sombre. Le
vent, se maintenant toujours au même point, faiblit dans la soirée et la
mer
baissa sensiblement.
Le dimanche 26, les éléments se calmèrent petit à petit.
Le lundi 27, depuis le petit jour, de nombreux débris de cotres,
de mâts
planches et chevrons provenant de maisons
de nombreux objets mobiliers flottaient en dehors des récifs au
de différentes tailles, des
ainsi que
mer était couverte de branches et de troncs
débris semblaient provenir de Apataki et Arutua.
Pendant la tourmente, la goélette "TAPIOI" fut drossée sur les récifs, où
nord-ouest de Toau. La
d'arbres. Tous
elle faisait
ces
naufrage mais
son
équipage fut sauvé.
LE TEMPS EN MER
Le capitaine au cabotage Auguste CHEBRET, était en route pour les Iles
Marquises. La goélette "EIMEO" qu'il commandait toucha
successivement Fakarava, Raraka, Hikueru et Takume. C'est au départ
de cette dernière qu'il se fît prendre par le cyclone, aux environs de
Napuka.
Auguste CHEBRET relatait les faits dans son rapport de mer, ainsi que
la lutte qu'il avait menée durant plus de 60 heures, pour sauver son navire
et tout ce qui se trouvait à bord.
Voici le rapport tel qu'il fut rédigé :
«
Le mercredi 22 mars, à 9 heures du matin, nous quittions Takume et
« faisions route pour les Marquises avec une bonne brise de E/S-E. A ce
« moment le baromètre n'indiquait rien d'anormal ; il était à 759,45.
« Mais, dans l'après-midi, il eut une baisse rapide et tomba brusquement
« à 751,83.
Le vent, augmentant de force, avait une tendance à se fixer à l'est ; la
«
« mer devenait en même temps très grosse. A 4 heures du soir, nous
« avions le clinfoc serré et un ris dans les voilures majeures. Nous
« faisions toujours route au nord-est avec une vitesse de 10 nœuds au
« moins ; les lames balayaient continuellement le pont de l'avant à
« l'arrière ; les embruns montaient jusqu'à mi-mât. Les embarcations
« furent aussitôt rentrées des bossoirs et toutes les précautions en vue'du
« mauvais temps furent prises.
«
Vers le coucher du soleil le temps devint à grains ; ceux-ci étaient
« arqués et d'une extrême violence.
«
A3 heures du matin, le 23, le baromètre baissait toujours et, le vent
« devenant de plus en plus fort, nous prîmes le cap sous voile, voilure très
Société des
Études
Océaniennes
29
LES CYCLONES
réduite. A 4 heures, les voiles
moyennes, avec deux ris, se défoncent
la trinquette résiste seule avec son ris pris. A ce
moment-là, il ne fallait pas songer à fuir devant la tempête ; le navire
aurait été fatalement coulé par les lames.
Malgré ce temps épouvantable et une voilure si disproportionnée, le
navire se comportait admirablement bien et il n'embarquait pas trop
d'eau sur le pont.
A 8 heures, le vent soufflait en ouragan. La mer était démontée ; le
instantanément
;
baromètre était descendu à 732.
Durant plus de soixante heures, il fît un temps digne du Cap Horn.
L'atmosphère était très sombre ; le vent, très lourd, sifflait sinistrement
dans les manœuvres ; les lames monstrueuses, se déferlant au large,
venaient
briser
se
sur
les
œuvres
mortes du navire
avec un
fracas
épouvantable. Les nuages, à les voir à l'œil nu, semblaient raser la
pomme du grand mât avec une vitesse vertigineuse. C'était terrible.
(souligné dans le rapport).
Depuis neuf ans que je commande dans la Polynésie, jamais je n'ai
rencontré un temps pareil, pas même pendant le cyclone de 1903 —
(Chebret avait subi la dépression de 1903 à Fakarava). Plus de gaieté à
bord ; la consternation se lisait sur chaque visage. De temps en temps,
on entendait à travers les sifflements des éléments en furie quelques
cris lamentables. C'étaient mes ordres que les matelots se
transmettaient l'un à l'autre.
Dans la nuit du 24 mars,
le vent hala
au
nord et souffla
avec
la même
violence.
Enfin le 26
nous amena
mars au
matin, le soleil
se
montra radieux à l'horizon et
le beau temps et en même temps
la joie et la gaieté.
Signé
:
A. CHEBRET
NOTICE SUR AUGUSTE CHEBRET
Auguste CHEBRET, fils d'un vieux colon français,établi à Tahiti en
1847, est né le 16 mars 1869 à Papeete. Études chez les Frères de Ploërmel.
Décédé à Papeete en 1929 à l'âge de 60 ans, après avoir navigué toute sa
vie. Type du vieux loup de mer que nous avons connu.
Il épousa, en 1905, Julie VERNAUDON (1881-1918) dont il eut trois
enfants.
Maître
en
cabotage, puis capitaine, Auguste CHEBRET navigua à
l'armement local jusqu'à la fin de sa vie.
Pendant le cyclone de 1903, il se trouvait à l'ancre dans le lagon de
Fakarava, en face du village de Rotoava, dans une position dangereuse.
Il ne pouvait sortir pour se dégager. Que fit-il alors ? Sans perdre son
sang-froid, il mouilla 3 ancres et attendit que la tempête se calma, en
manœuvrant constamment
son
Société des
bateau
Études
au
vent.
Océaniennes
30
RAOUL TEISSIER
Pendant la tourmente, il recueillit à son bord la population du village,
lorsque celui-ci fut envahi par les eaux.
Des témoignages flatteurs lui furent rendus, à la suite du cyclone de
1905 ( il avait 36 ans), par le Commandant de la Marine de Papeete :
«
Le Capitaine CHEBRET, quoique jeune pour commander un navire,
« était un véritable marin. Grâce à ses
qualités de manœuvrier, il sauva
« son bateau et l'équipage qu'il conduisait ».
D'ailleurs, M. C. MARCADÉ, administrateur des Iles Tuamotu à
l'époque et, de plus lieutenant de Vaisseau de réserve, a parlé de
CHEBRET, dans son rapport, en ces termes :
« A ma
«
connaissance, le Capitaine Chebret, commandant la goélette
« "EIMEO", est le
seul qui ait compris nettement la manœuvre à faire.
« L'"EIMEO"
se rendait de Takume aux Marquises. Surpris
par la
«
dépression à 50 milles de Napuka, le capitaine prit aussitôt la cape
« tribord amures. La brise
refusant, il vira de bord et attendit, pour
« remettre en
route, la fin du coup de vent. Par cette simple manœuvre, il
«
sauva son
bâtiment
».
La
goélette de 100 tonneaux "TEAVAROA" reçut le cyclone dans les
environs de Takapoto. Elle fuyait devant le temps, passant pendant la
nuit à proximité de Apataki. Au petit matin, les récifs de Kaukura
arrêtèrent
Le
sa
route.
capitaine MAPUHI de Takaroa, qui la commandait, sacrifia
navire
en
l'échouant volontairement
sur
son
les brisants de la côte est de l'île,
Moturaa, pour sauver l'équipage. Aucune victime ne fut à déplorer.
Quand le beau temps fut revenu, on aperçut sur la plage du naufrage
des blocs de corail cubant plus de 1.000 mètres, que la mer avait roulés
pendant la tempête.
à
Aux Iles Marquises, la dépression
torrents de
les
se manifesta, le 22 mars, par des
pluie, accompagnés de coups de vent. Un raz de marée envahit
plages.
Le 23, les rivières débordèrent et sortirent de leur lit. Les eaux
emportèrent tout sur leur passage, charriant des blocs de pierre arrachés
aux flancs des ravins profonds.
A Atuona, la maison de l'instituteur fut détruite, la caserne de
gendarmerie démantelée fut retrouvée quelques heures plus tard dans la
rade.
Le 25 dans la nuit, le temps semblait
se
mettre
au
beau
:
le ciel
s'éclaircissait, mais ce répit ne dura pas.
Le 26 vers 9 heures, le ciel se couvrit à nouveau et devint tout noir. Les
frégates, inquiètes, ne quittaient plus la terre. Vers 10 heures, une pluie
diluvienne, avec vent violent, s'abattit sur Atuona. On ne voyait plus à
30 mètres, mais on entendait le grondement des eaux qui dévalaient de la
montagne, en roulant des cailloux. Une nouvelle crue atteignit la
résidence, avec un mètre d'eau dans la cour. La maison de M. FRÉBAULT
fut balancée dans le torrent. Le soir au coucher du soleil,
quelques grains
sévissaient encore ; le temps était lourd, la chaleur étouffante.
Le 27, le calme était revenu ; il n'y avait pas un souffle d'air, mais le
Société des
Études
Océaniennes
31
LES CYCLONES
temps était toujours sombre et chargé.
Atuona était méconnaissable
: là où la veille on voyait des cultures, de
verdure, s'étendait une épaisse couche de limon rougeâtre. D'énormes
blocs de rochers, dont plusieurs avaient un poids supérieur à une tonne,
gisaient un peu partout. Aucune victime n'était à déplorer, mais les
dégâts matériels étaient importants.
la
CYCLONE DE 1906
Au mois de février 1906, les Établissements Français de l'Océanie
furent à nouveau ravagés par un cyclone.
La dépression des 7 et 8 février, venant du nord, s'était probablement
formée aux environs de l'île Flint. Elle longea l'archipel des Tuamotu de
Mataiva à
Anaa,
se
dirigeant vers Mangareva,
en
passant
par
les Iles de
la Société et les Iles Sous-le-Vent.
Aux Tuamotu, les îles Anaa, Faaite, Fakarava, Hikueru, Herçheretue,
Makatea, Motutunga, Raroia, Takume et Tikehau eurent leurs villages
rasés ; Hao, Katiu, Kauehi, Manihi, Nihiru, Rangiroa et Raroia furent
ravagées par l'action combinée du vent et de la mer.
A Tahiti, les centres de Papeete et Tautira étaient durement touchés.
Deux victimes furent à déplorer : un enfant à Tiarei, un homme à Papeete,
ainsi que de nombreux blessés. Dans les autres districts de Tahiti et
Moorea, le coup de vent qui succéda au raz de marée, détruisit les cocotiers
et arbres fruitiers, anéantissant les récoltes.
Aux Iles Sous-le-Vent, il eut un peu moins de brutalité ; cependant des
maisons et des cases furent renversées, particulièrement à Huahine, des
ponts et des routes emportés et beaucoup de cultures saccagées.
La tempête s'abattit également sur les Iles Gambier du 9 au 10, où elle
causa des dégâts sévères.
Ce cyclone fut le plus désastreux que l'on ait enregistré depuis 1878 et
d'une violence extrême. La vitesse de propagation en 1878 était de 7 milles
à l'heure, celle de 1905 de 10 milles. La dépression de 1906 atteignit la
vitesse de 20 milles ; son diamètre avait 350 milles environ, alors que celui
de 1905 fut de 150 milles.
Société des
Études
Océaniennes
32
RAOUL TEISSIER
L'élévation du niveau de la mer atteignit 2 à 3 mètres environ, tandis
qu'à Papeete, entre minuit et 3 heures, elle marqua 2,75 m. A Anaa, la
hauteur des vagues avait environ 8 mètres et, à Fakahina, la hauteur
d'une maison sans étage soit 5 à 6 mètres.
Les pertes en vies humaines s'élevèrent à 123, dont 121 victimes pour
les Iles Tuamotu.
Les destructions immobilières et mobilières furent très
importantes
Papeete ce fut la catastrophe. 327 maisons
européennes, soit la moitié environ de la ville, furent enlevées par la mer
(Lettre du gouverneur au Ministre N° 43 du 19/2/1906). A Tautira, sur
une trentaine de maisons en bois, 4 restaient debout. Une bonne partie de
la plage en face du village était enlevée sur une longueur de 100 mètres et
une largeur de 10 mètres environ.
Les goélettes EIMEO et TAHITIENNE de l'armement local se perdirent,
la première corps et biens dans les parages de Tikehau ; la deuxième
sombra à 40 milles environ de Motutunga et, sur les 9 hommes
d'équipage, 7 périrent dans le naufrage. Sur les récifs de Takaroa, le troismâts anglais "COUNTY OF ROXBURGH", de 2.200 tonneaux, vint
dans les îles basses. A
—
s'échouer.
MINIMA
En
mer,
Ouest de Anaa
—
BAROMÉTRIQUES OBSERVÉS
8/2 à 15 h
715
mm
Goélette
744
mm
Résidence
Fakarava
8/2 à 11 heures
Faaite
8/2 à 14
"
743
Hikueru
8/2 à 20
"
744
Tikehau
8/2 à
5
"
736
Makatea
8/2 à
5
"
736
Papeete
8/2 à
8
"
736
Huahine
8/2 à
0.15
"Papeete
M. SCHACHT
Hôpital
750
A Tikehau, le 7 dans la matinée, le vent soufflait avec rage et la mer
grossissait de plus en plus. Vers 23 heures, le niveau normal du lagon
était dépassé et le flux envahit les parties basses de l'intérieur de l'île,
pour atteindre, le lendemain vers 8 heures, 1 mètre de hauteur.
Le village situé à la pointe sud-ouest de l'atoll fut supprimé par l'action
combinée du vent, qui halait en tempête, et de la mer devenue très dure.
Dans l'ouest, les cocoteraies furent dévastées.
Le mardi soir 6 février, les habitants de Tikehau aperçurent un navire
venant du sud. Il se présenta devant la passe pour tenter de la franchir,
mais la mer était déjà grosse ; ne pouvant entrer dans le lagon, il reprit le
large. Le lendemain dans la matinée, la goélette se trouvait à nouveau
devant la passe ; la mer brisant avec force dans l'étroit goulet, elle ne
réussit pas à s'engager pour se mettre à l'abri dans la lagune. Le batéau
faisant demi-tour s'éloigna en direction du sud ; il passa à sec de toile
devant le village, puis les habitants le perdirent de vue.
Quelques jours après le cyclone, on retrouva, sur la côte nord-est de
Tikehau, une porte de coupée de navire. Le 5 mars suivant, on découvrit,
sur la côte ouest de Rairoa (Rangiroa), une embarcation de récif échouée
Société des
Études
Océaniennes
33
LES CYCLONES
et
en
bon état portant à son avant, gravé dans ses bordées, "EIMEO" : ce
navire était recherché
craintes que
le
l'on avait à
depuis un mois. C'était la confirmation des
sujet : il s'était perdu corps et biens pendant
son
cyclone.
Le R.P. Ferreol FREZAL écrivait le 25
mars suivant, à son supérieur
ruines amoncelées, il sort encore pour moi comme un
écho sinistre du grondement de la tempête.
Lors du cyclone, je me trouvais au milieu de mes chrétiens de
Tikehau, la dernière île habitée à l'ouest des Tuamotu. L'océan déferla
sur nous avec une rage inouïe ; nous nous réfugiâmes sur les arbres et
nous y demeurâmes dix heures, de minuit le 7 à dix heures le 8 février.
C'est ce qui nous sauva ; mais tout fut perdu, sauf la vie
De mémoire d'homme, on n'a jamais vu ici pareil désastre, et il serait
difficile d'en éprouver un plus grand. »
De même à sa sœur, le 14 mars :
Jamais je n'ai vu la mort de si près. Réfugié sur un arbre, j'y suis resté
dix heures, ayant trois à quatre mètres d'eau sous les pieds. Au bout de
ces dix heures, les membres engourdis, sans force, je fus balayé par le
flot, arraché pour la troisième fois de mon arbre. Quatre vigoureux
indigènes plongèrent à mon secours et, dans leurs bras, je retrouvais la
général
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
: «
De
ces
vie...
Après le cyclone, il
de
ma
ne me
soutane déchirée
A Rairoa
(Rangiroa),
restait plus
que
les
os
et la peau, recouverts
».
village de Otepipi, le 7 février vers minuit, le
vers 3 heures, il forcit pour devenir très
7 heures et le raz de marée submergea le village et le
au
vent très fort venait du nord. Le 8
violent de 6 heures à
détruisit en entier.
Au village de Avatoru, le niveau du lagon montà de 0,50 m vers 14
heures, le 8 ; l'agglomération souffrit plus ou moins de la tornade.
Dans l'ouest de l'île, d'énormes blocs de corail, de plusieurs centaines de
mètres cubes, détachés du bord extérieur du récif, furent roulés dans les
terres par la force des lames.
Les cocoteraies de Rairoa subirent de gros dégâts. Onze cotres furent
démolis, mais aucune victime humaine ne fut à déplorer.
A Takaroa, le 8 au lever du jour, la brise du nord était fraîche. Vers 10
heures, elle forcit de plus en plus. La mer monta et déferla sur les brisants
extérieurs avec une ampleur telle qu'elle envahit le rivage et parvint
finalement à noyer le village. La force et la hauteur des lames nivelaient
tout sur leur passage. Seuls le temple mormon et quelques maisons en
pierre résistèrent à l'océan montant.
Par une circonstance providentielle, la plus grande partie de la
population se trouvait à la plonge, sur la côte opposée de l'atoll. Elle
s'était réfugiée sur les îlots moins exposés aux coups de mer et aucun
habitant ne fut victime de la tempête.
Par le cyclone, MAPUHI, gros commerçant et armateur très riche,
originaire de Takaroa, fut ruiné ; sa fortune disparut avec ses magasins et
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RAOUL TEISSIER
ses
cotres, dans la tornade. Une goélette de 45 tonneaux, qu'il faisait
qui était sur le point d'être lancée, fut détruite, emportée en
construire et
quelques minutes par les vagues.
C'est également sur les brisants de Takaroa que le trois-mâts anglais
"COUNTY OF ROXBURGH," de 2.200 tonneaux, fit naufrage en pleine
tourmente.
Ce voilier en fer, venant du Chili, était en route pour Melbourne
(Australie). Surpris par le mauvais temps dans le nord de Takaroa, il
essaya de se dégager de sa position critique, mais cette tentative ne
réussit pas. Étant le jouet des éléments, le 8 février vers 15 heures, au plus
fort du raz de marée, il s'échoua à 4 milles environ dans l'est de la passe.
La force et la hauteur des rouleaux le soulevèrent et le déposèrent sur les
récifs, sans le faire sombrer. La mer ne réussit pas à le démolir, mais dix
matelots périrent dans ce naufrage, en voulant gagner la terre au moyen
des embarcations ; le capitaine et le reste de l'équipage, restés à bord,
échappèrent à la mort. Actuellement la carcasse de ce navire se trouve
toujours sur les récifs de Takaroa.
A Hao, pendant les 4 à 5 jours qui précédèrent le cyclone, une grosse
houle du nord s'installa, mais il n'y avait pas de vent. Le 8 vers 16 heures,
la brise se leva et augmenta rapidement d'intensité : de 20 à 23 heures, ce
fut la tempête dans toute sa force. L'océan démonté se joignait aux rafales
pour ravager la côte nord-ouest de l'île. Le village situé au nord-est fut
épargné par les flots, mais la bourrasque renversa la plupart des cases et
créa des coupes sombres parmi les cocoteraies ; la mer dépassait de
I mètre son niveau normal, dans la lagune.
La goélette "FRANCE AUSTRALE" de la Maison RAOULX, mouillée à
l'intérieur du lagon, à l'abri d'un pâté de corail, résista au vent pendant
toute la nuit, en s'aidant de son moteur.
A Hikueru, le 8 dans la journée, le mauvais temps commença à se faire
sentir ; le vent, halant du nord-ouest, allait en augmentant. A18 heures, il
était d'une extrême violence. Dès 16 h 30, des vagues énormes, venant du
large, déferlaient sur la terre, recouvrant le village tout entier. Maisons
détruites, cases, arbres, cocotiers, au milieu d'un enchevêtrement inouï,
flottant, s'entrechoquant, au gré du flux et du reflux des lames, furent
précipités dans le lagon, dont le niveau, gonflé par l'apport de l'océan,
atteignit 2 mètres environ de hauteur. Toute cette masse de matériaux
divers, reprise par le courant sortant, fut entraînée au large.
Hikueru subit l'assaut des éléments en furie, pendant toute la journée et
ce jusqu'à 23 heures. La mer à ce moment-là se brisait toujours sur le
rivage extérieur, tout en étant très houleuse. Le vent tomba
progressivement.
Au matin du 9, après la tourmente, plus rien n'existait du village. On
déplorait la disparition de 7 habitants emportés par l'océan.
A Faaite, le raz de marée, qui débuta dans la nuit du 7, atteignit son
paroxysme entre 12 et 16 heures le 8.
Le 8, au petit jour, la brise du nord était forte. Elle s'amplifia vers
II heures, pour devenir vers 14 heures d'une violence extraordinaire.
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LES CYCLONES
Dans la soirée, à la tombée du jour,
se calma au milieu de la nuit.
Le
elle n'était plus qu'une forte brise qui
village fut complètement détruit
par
la
mer,
dans l'après-midi de
ce
jour.
Un Européen, M. SCHACHT, habitant de l'île, qui possédait un
baromètre, observa qu'il marquait au plus fort de la tempête 743 mm.
L'ouragan fit 5 morts, dont le R.P. Paul TERLYN qui avait échappé au
cyclone de 1903.
Le récit des circonstances, dans lesquelles ce missionnaire catholique
trouva la mort, était recueilli par son collègue, le Père Clément
TOUR VIELLE, et communiqué, au Supérieur de la Congrégation, par une
lettre du 1er avril 1906. Nous extrayons de ce document les principaux
passages qui font ressortir la lutte d'êtres humains contre les forces de la
nature réunies pour les détruire :
«
«
auprès d'un jeune homme qui l'avait aidé de toutes ses forces à se
«
sauver.
«
père provincial.
Le matin, le Père Paul put dire
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
que vous avez
dû apprendre du
sa messe. A peine l'avait-il terminée
qu'un indigène vint lui dire :
Père, la mer monte. — Va, lui dit le
Père, compte les vagues qui passent de la mer dans le lagon en couvrant
la terre. S'il y en a plus de 7 qui se suivent sans interruption, nous
sommes perdus." Au bout de quelques minutes, William (c'est le nom de
l'indigène) revient et dit :
Oui, Père, il y en a plus de 7."
Alors mes enfants, courage : nous allons mourir. Dieu le veut
préparons-nous à faire une bonne mort
et on se réunit dans une maison que l'on croyait plus solide que les
autres. Il était deux heures de l'après-midi. A trois heures, une vague
ébranle la maison ; toutes les autres habitations avaient déjà été
renversées. On quitte ce dernier refuge et on s'attache à des cocotiers.
Survient une immense vague qui couvre tout le village, tout le monde
est dans l'eau ; après trois minutes environ, la mer se retire, pas de
malheur encore. Mais voilà que tout à coup une seconde vague, bien
plus forte, s'élance avec fracas, brisant de nombreux cocotiers. Trois de
ces arbres tombent à la fois sur celui qui servait de refuge au Père Paul
et l'ébranlent ; le Père est jeté à terre et, soudain, il disparaît emporté
par les flots. Trois indigènes, qui se tenaient à ses côtés, plongent dans
tous les sens, c'est en vain. La vitesse de la vague l'avait déj à transporté
au loin. Ce ne fut que le quatrième jour que son corps fut retrouvé à
15 kilomètres de là, sur le rivage, les bras en croix, avec une large
blessure, mais peu profonde, au sommet de la tête.
—
..
Les habitants traitèrent le corps avec respect
«
«
Il m'a raconté tous les détails
n'y avait plus de terre pour l'ensevelir, la mer avait creusé le sol
jusqu'au roc. Ne sachant comment l'inhumer, ils l'enterrèrent sous des
Il
blocs de corail et le couvrirent de feuilles de cocotiers et de nattes qu'ils
fixèrent avec des pierres
C. TOUKYIKI.LK.
Société des
Études
Océaniennes
36
RAOUL TEISSIER
Le
cyclone débuta à Fakarava, le 6
midi, par un vent assez frais
frais, dans la nuit du 7 et dans la
journée du 8. La mer était grosse ; la houle venait de l'ouest.
A 22 heures le 8, c'était la tempête avec pluie, tonnerre, éclairs. La mer
montait à l'assaut de l'île. Un grand côtre qui se tenait près du
débarcadère, appartenant à M. JOHNSTON, fut emporté par deux lames
successives, hautes de 4 à 5 mètres environ. La moitié du village était sous
l'eau. Ce temps dura jusqu'au 9 dans l'après-midi ; au village, seules
résistaient au vent et au raz de marée les maisons en pierre, le reste étant
enlevé comme fétu de paille. De gros dégâts furent occasionnés par le
mauvais temps, mais aucun accident de personne ne fut à déplorer.
En 1949, lors de notre pasage à Fakahina, un témon de ce cyclone nous
en narra quelques détails :
«
Le vent violent faisait courber les cocotiers dans un angle de 15 à 20
« degrés environ. Sous cette
torsion, l'arbre était décapité, ou bien brisé
« en deux parties. Son tronçon
supérieur était projeté dans les airs à
vers
soufflant du nord. Sa force devint grand
«
50 mètres environ de hauteur
«
lui-même, pendant quelques secondes, puis s'abattait à terre tout
d'une pièce. Les noix, au lieu de tomber verticalement, allaient choir à
quelque vingt mètres du tronc.
Les maisons, qui subissaient l'assaut des lames venant du large,
vacillaient sur leurs fondations à chaque coup de boutoir de la mer, se
désagrégeaient petit à petit, puis étaient démolies et charriées dans la
lagune.
Tout ceci se passait en pleine nuit, éclairée sans discontinuer par les
lueurs de la foudre : on y voyait comme en plein jour. Une grande partie
du village resta submergée pendant un temps assez long, un quart
d'heure ou une demi-heure peut-être. Certaines vagues atteignaient la
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
ou
bien l'arbre était déraciné en tournant
sur
hauteur d'une maison normale
A
».
Motutunga, le cyclone sévit avec une grande violence. Le vent
ou décapita une grande partie des cocotiers. La mer recouvrit
déracina
entièrement l'île et bouleversa le sol de fond en comble. A la fin de la
matinée du 8, les habitants virent passer une goélette à sec de toile, qui
fuyait devant le temps.
C'était la "TAHITIENNE", goélette de 80 tonneaux du port de Papeete. Le
7 au matin, elle se trouvait entre Katiu et Faaite ; dans l'après-midi du 8,
elle tomba
en
travers de la lame et sombra à 40 milles environ de
Motutunga. Deux matelots échappèrent à la mort, en improvisant, avec
des débris du bateau, un radeau sur lequel ils restèrent trois jours.
Poussés par le vent et les courants, ils échouèrent sur l'île de Tahanea, à
30 milles du lieu de leur naufrage ; 7 hommes périrent dans ce naufrage.
Le passage
du cyclone à Fakarava fut observé
par
Monsieur
radministrateur MARCADE, qui en suivit la marche et recueillit des
données scientifiques sur son évolution, presque heure par heure.
Voici, extraits de
8 février
son
rapport, les principaux faits qu'il releva du 5
:
Société des
Études
Océaniennes
au
LES CYCLONES
5
février, la houle brise d'une façon anormale dans le nord de l'île et
indigènes, qui se rappellent que le cyclone de 1905 avait été précédé
d'une houle analogue, commencent à s'inquiéter.
Dans la nuit du 6 au 7, la pluie tombe de nouveau en averses
diluviennes, accompagnées de rafales de nord-ouest. Dans la matinée
du 7, le baromètre est toujours à 754 et continue à marquer sa marée, la
pluie tombe sans interruption. Le soir le baromètre marque 753,5 et
continue à baisser après le minimum de 16 heures.
Dans la nuit du 7 au 8, rafales avec pluie N./N.-E. mollissant à partir
les
de 3 heures.
Le 8 à 6 heures, le baromètre marque 749, le ciel qui était couvert
depuis 3 jours s'éclaircit, mais le disque du soleil est trouble, des
frégates se sont réfugiées à terre et voltigent très bas dans la cour de la
résidence. Le vent est complètement tombé et, n'étaient les indices
donnés par le baromètre, par la houle et par le vol des frégates, on ne se
croirait pas à quelques heures de recevoir une tempête.
Je profite de cette accalmie pour faire sonner le tocsin, haler à terre
les petites embarcations et doubler les amarres des cotres mouillés dans
le lagon.
A 7 heures, la brise se lève brusquement au nord nord-est très
violente, le ciel se couvre.
A 8 heures, le baromètre marque 748
A 8 h 30, le vent redouble de violence ; le lagon est blanc d'écume,
plusieurs cotres cassent leurs amarres et partent à la dérive. Du côté du
large, la mer déferle par-dessus les cocotiers dans le nord de l'île.
A 10 heures, temps bouché, la mer monte dans le lagon ; déjà la jetée
est submergée (1 mètre) et la mer pénètre dans l'enclos de la résidence.
Du côté du large, la mer grossit dans le nord-est, derrière la résidence.
Dans la matinée, il ne pleut pas mais la brise force progressivement.
Les cocotiers commencent à s'abattre
vers
10 heures.
Ail
heures, le baromètre est à 744 ; la mer. monte toujours et gagne les
marches de la résidence. A partir de 11 heures, la pluie tombe sans
interruption.
A 12 heures, baromètre à 745,2, température 27° 2 ; la mer tombe au
large derrière la résidence, ce qui nous indique que la tempête qui vient
du nord passe dans l'ouest de l'île.
De 14 à 15 h 30, la brise mollit un peu puis reprend avec violence au
nord-nord-ouest ; à ce moment la pluie, qui avait cessé à 14 heures,
recommence.
A 13 h 30, la mer du lagon atteint son niveau maximum (2 mètres) : le
plancher de la résidence est submergé et les lames déferlent contre les
murailles du bâtiment. Baromètre 748,5.
A 18
heures, baromètre 751,5. Au coucher du soleil, ciel dégagé dans
l'ouest. A 19 heures, ciel étoilé. Forte brise de nord-ouest. A 20heures,
baromètre 751,5 ; le ciel se couvre et la brise fraîchit légèrement. A
21
La
heures, 754. Forte brise de ouest-nord-ouest à rafales. A minuit, 755.
mer a presque repris son niveau normal dans le lagon.
Société des
Études
Océaniennes
38
«
«
«
«
«
«
RAOUL TEISSIER
Le 9 à 6
heures, ciel étoilé, baromètre 761, calme.
plupart des cotres amarrés dans le lagon ont été jetés à la côte ;
toutes les maisons ont été inondées, plusieurs ont été détruites par
l'effet combiné du vent et de la mer, et un grand nombre de cocotiers ont
été décapités ou déracinés. Il n'y a pas eu à Rotoava d'accident de
La
personne. »
A
Anaa, dans la matinée du 8, une forte houle venait du nord avec vent
pluie ; à midi, la rafale forcit accompagnée d'une pluie torrentielle et,
dans l'après-midi, ce fut le déchaînement d'une véritable tempête qui
dura jusqu'à 16 heures. Les rafales jointes au raz de marée détruisirent
tout ; les vagues atteignirent 8 mètres de hauteur, d'après certains
témoins rescapés. Hommes, bêtes, végétation, tout fut balayé, entraîné
soit dans la lagune soit au large par le courant sortant. L'île était
complètement recouverte par la mer.
Anaa fut anéantie en quelques herues. A la tombée du jour, les flots
libérèrent lentement l'atoll. Quelques rares cocotiers restaient debout,
20 kilomètres de terre végétale furent emportés et les arbres fruitiers
détruits. Plus rien ne restait des plantations cultivées et entretenues avec
soins et le roc corallien, découvert et nu, témoignait de la violence des
et
flots.
Les villages de Tuuhora, Temarie et Tekahora, exposés à la houle du
nord, n'étaient plus qu'un souvenir ; dans toute l'île deux habitations en
pierre restaient seules debout. Il était impossible de situer l'emplacement
du village de Tuuroa, où cependant l'église et la plupart des maisons
étaient en pierre. Plus rien n'existait en ce lieu.
Le cyclone fit 95 victimes : 34 au village de Tuuhora, 15 à celui de
Temarie (sur 46 habitants), tandis que Tekahora en perdait 45 dans la
tourmente et Tamatahoa 1.
Le R. P. Clément TOURVIELLE, passant à Anaa dans la deuxième
quinzaine du mois de mars suivant, écrivait à son Supérieur Général :
«
Le lundi de Pâques je me rendis à Anaa. J'y arrivais le mardi. Quelle
« ne fut pas ma stupeur, en débarquant au
principal village (Tuuhora) de
« cette île, de ne pas trouver une seule trace de
l'église, des maisons, des
« plantations. Il ne reste que le fond en ciment de 3 citernes qui
puisse
« faire soupçonner qu'il y avait eu autrefois quelques
habitations. Voici
« cependant une dizaine de têtes de
morts, d'ossements divers ; c'est le
« cimetière, ici et là des cercueils ouverts. Oh ! c'est triste à voir
«
(Lettre déjà citée
—
Annales des S.S.C. 1906)
Tahiti et Moorea subissaient la dépression les 6, 7 et 8 février. Le cheflieu et le district de Tautira furent les
plus touchés à Tahiti. De gros
dégâts furent faits dans les plantations, des routes et des ponts furent
emportés à Moorea.
Société des
Études Océaniennes'
LES CYCLONES
39
A Papeete, le temps était mauvais depuis le 6 février. Le 7, il persista en
s'amplifiant. Vers 20 h 30, la mer était au niveau des quais, sur lesquels de
temps à autre elle déferlait, tandis que la pluie tombait. Le vent soufflait
en rafale. Vers 21 h 30, les flots inondaient la rue du Commerce (Quai BirHackeim), le quai de l'Uranie, la rue de l'Arsenal (Quai Galliéni), face au
front de mer. Vers 23 heures, ils pénétraient jusqu'à 50 mètres environ
dans l'intérieur de la ville. Une grande partie de la pointe de Fare Ute
était submergée. Les artères principales : rue de Rivoli (général de
Gaulle), à partir du gouvernement, rue de l'ouest (Commandant
Destremeau), jusqu'au pont de Tipaerui, étaient atteintes, les docks et les
quais étaient sous l'eau. Vers minuit, l'inondation avait augmenté de
telle sorte que la situation devint critique ; les vagues déferlaient sur la
ville et le gouverneur fit sonner le tocsin. La pluie tombait sans arrêt,
accompagnée d'un vent très fort. Le baromètre descendait constamment.
La situation resta stationnaire jusqu'au 8 vers 2 h 30. A ce moment, on
vit une vague énorme s'abattre sur Papeete, emportant presque toutes les
maisons déjà ébranlées du bord de mer. Quelques minutes plus tard, une
seconde vague survint accentuant la dévastation. Toutes deux
pénétrèrent de 180 mètres environ dans la ville, submergeant les
quartiers de Patutoa et Fare Ute. L'inondation atteignit la Rue du
Marché, sur tout son parcours, ainsi que le marché lui-même et ses
abords. Le flux vint mourir sur le parvis de la cathédrale, touchant, en de
nombreux points, la Rue de Rivoli (Général de Gaulle) et la Rue de l'Ouest
(Commandant Destremeau), venant battre les murs de l'hôpital,
s'engouffrant dans sa cour et créant un lac dont le niveau arrivait à micuisses ; le quartier Paofai, au bord de la mer, était sous les eaux.
De plus, Papeete était plongée dans l'obscurité depuis 23 heures, les
réverbères éclairant les rues étaient éteints ou renversés par le vent et la
mer. La pluie tombait toujours ; les rafales qui soufflaient du large
viraient lentement. Vers 4 heures du matin, une véritable tornade, d'une
extrême violence, descendit des montagnes, car le vent avait viré,
renversant les arbres ou les brisant, menaçant les habitations restées
debout. Les tôles des toitures, projectiles dangereux, s'envolaient avec
des sifflements sinistres. Ce vent, contraire à la direction de la houle,
faisait reculer l'océan et, au petit jour, les flots évacuèrent les parties
inondées de Papeete.
Le 8 février à 8 heures, le baromètre marquait 736 ; les lames battaient
toujours les quais mais avec moins de force. La pluie s'était arrêtée, le
vent n'était plus qu'une faible brise et le ciel se dégageait. Vers midi, tout
était terminé, mais la mer se brisait toujours sur la plage.
«
Tout le drame s'était passé par une nuit sans lune et sans lumière. Je
« l'ai suivi tout entier de ma personne depuis 23 h 30 ou minuit ».
(Lettre du
gouverneur
JULIEN
au
Ministre
—•
19.2.06)
spectacle que l'on découvrit de Papeete, au matin du 8 février, était
quartiers avoisinant la plage et les quais se trouvaient dans
état lamentable : arbres déracinés jonchant les rues, tombés sur les
Le
navrant. Les
un
Société des
Études
Océaniennes
40
RAOUL TEISSIER
maisons en les écrasant, constructions entassées les unes sur les autres,
charriées par la mer dans l'artère principale de Papeete (Rue de Rivoli).
Toutes les voies transversales menant à la plage étaient ravinées et
défoncées ; les quais n'existaient plus sur le front de mer et le wharf
principal, sérieusement endommagé, ne tenait plus que par miracle.
Les quartiers de Taunoa, Patutoa, Fare Ute et Paofai avaient
particulièrement souffert. Les chemins vicinaux de Taunoa et Patutoa
étaient recouverts de sable et de corail sur une forte épaisseur et ravinés
profondément. Les ponceaux étaient emportés et détruits. Quelques
maisons restaient debout, bien endommagées. A Fare Ute, l'arsenal de la
Marine, érigé à l'époque sur l'emplacement actuel de la "Base Marine" et
abritant les services des Travaux Publics, du Cadastre et de la cale de
halage, n'existait plus. La cale elle-même était démantibulée. Des
bâtiments formant l'arsenal, il ne restait plus que des pans de murs : tout
avait été balayé par les lames ; le matériel, les machines, les archives du
cadastre, tout avait disparu dans la tempête.
Le quartier de Fare Ute, dans son ensemble, était complètement
ravagé. Sur la pointe proprement dite rien ne restait, sauf le corail (papa)
mis à nu. La Pointe de Fare Ute, qui est basse, située à un demi-mille
environ du récif-barrière et qu'aucun obstacle ne protège, servait de briselames. Les vagues venant du large s'y brisaient directement. Plus loin, le
temple Sanito et les maisons d'alentours étaient emportés par les
rouleaux à plus de 100 mètres de leurs fondations. Le pont de la "PapeAva" (Patutoa) était arraché de ses culées et projeté à près de 200 mètres
en amont de ce cours d'eau. Plus loin
encore, des cotres gisaient, leurs
flancs éventrés parmi les cocotiers abattus par les rafales. A
l'emplacement actuel du restaurant "Waikiki", s'entassaient des restes
de maisons démolies, planches, tôles, meubles brisés, arbres déracinés et
même une embarcation, le tout formant un amas de ruines de plus de
2 mètres de hauteur : la mer était venue jusque-là.
Au quartier de Paofai, la belle route du quai de l'Uranie était
complètement détruite, emportée, sur une largeur moyenne de 12 mètres,
dans sa partie comprise entre la rue de l'Hôpital (Canonnière Zélée) et
l'embouchure de la Tipaerui. Ce lieu n'était plus qu'une longue grève où la
mer venait battre ; les seuls vestiges marquant son
emplacement étaient
les égoûts éventrés ou en partie ensablés.
L'îlot de Motu Uta, au milieu de la rade, était rasé ; aucune végétation,
ou presque,
n'y subsistait et le lazaret avait complètement disparu.
Quelques cocotiers, sans leur panache de feuilles, restaient encore debout.
Le gardien était mort noyé dans la tourmente.
A la suite de cette tempête, les pertes mobilières et immobilières subies
par les particuliers et les commerçants se chiffrèrent à 1.711.600 francsor.
l'État subit également des lourdes pertes. Le
Uta, la cale de halage et ses dépendances, les bâtiments
des Travaux Publics et du Cadastre (ancien Arsenal Maritime), les
bureaux du Port, de la Poste, du Commissariat de police n'étaient que
Le domaine local et de
lazaret de Motu
ruines.
Société des
Études
Océaniennes
LES CYCLONES
41
quai de l'Uranie, sur une largeur de 12 mètres et
longueur d'environ 800 mètres, était entièrement détruite. Sur Fare
Ute, Rue de l'Arsenal (Quai Galliéni), 90 mètres de route étaient emportés.
La Rue des Remparts, au quartier de Vaininiiore, avait son empierrement
La voie du front de
mer :
une
arraché
200 mètres. Le chemin vicinal de Patutoa à Taunoa était
sur
entièrement à refaire
sur 1.500 mètres, avec ses ponts et ponceaux. Au
la majeure partie, les rues de la ville étaient à réfectionner.
Les murs des quais du port, détruits sur 1.000 mètres, étaient
entièrement à refaire, ainsi que le wharf principal.
Le total des pertes du Domaine et de l'État fut de 596.200 francs-or.
Sur la côte est de la presqu'île de Taiarapu, les districts de Afaahiti,
Pueu et Tautira subirent des ravages, particulièrement le dernier cité,
dont le village fut aux trois quarts détruit.
Le R. P. GOULVEN, missionnaire catholique desservant la paroisse de
Taravao, se rendit à Tautira le 12 février, 4 jours après le passage du
cyclone. Il rendit compte de ce voyage dans une lettre adressée à son
Supérieur, datée du 13 à son retour à Taravao (Annales desS.S.C.C. 1906,
pages 102 à 106) dont voici de larges extraits :
total,
pour
Taravao
(Tahiti)
13 février 1906
ce
«
«
Dans la nuit du 7
«
cyclone, s'est tout à
«
moment où l'un de
«
fort que
les
murs
au
épouvantable, une sorte de
rivages. Le lendemain, au
messe, il y eut un coup tellement
8 février, une tempête
coup
nous
déchaînée
sur nos
célébrait la
de l'église craquèrent.
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
Le 12
au
matin, je
pars
rejoindre le R. P. CAPRAIS à Tautira, afin de
lui porter des vivres
sur la route ce ne sont que coraux, branches, arbres déracinés par la
violence combinée de la tempête et des flots. A moitié chemin, je
commence
à rencontrer des maisons renversées. A Pueu, les
protestants essaient de rétablir leur maison de chants complètement
disloquée. Plus j'approche de Tautira et plus je remarque les traces dp
cyclone. La mer, qui d'ordinaire vient mourir à 50 mètres du chemin, le
balaie maintenant de ses vagues à marée haute et il faut choisir son
temps pour y passer. Mais voici deux énormes quartiers de roche qui se
sont détachés de la montagne voisine et qui me rendent le passage
particulièrement étroit et dangereux ; en tombant, ils ont brisé les
arbres et ouvert de vrais cavernes sur le flanc de la montagne. Je ne
puis m'empêcher d'être légèrement ému : d'un côté la mer gronde
sourdement, de l'autre 100 mètres de rochers menacent de m'écraser
«
«
celle-ci
«
de chemin.
«
«
«
«
(la mer)
a
rongé une cinquantaine de mètres de terre ferme : plus
Enfin
j'arrive au village
plus je vais, plus le spectacle est désolant. Partout ce ne sont que
débris de maisons et de bateaux, des arbres qui jonchent le sol en tout
sens ; on est obligé de m'indiquer le chemin à travers tous ces obstacles.
Hélas !
Société des
Études
Océaniennes
42
«
«
«
«
«
«
«
raoul teissier
De
cimetière, il n'y
plus ; les croix ont été arrachées, les cercueils
par les flots. Le temple protestant a perdu sa
toiture, un pied de terre et de coraux recouvre son plancher, les fenêtres
sont brisées. La maison de chants des protestants a disparu, la mer a
pris sa place
L'église n'a pas bougé : à l'intérieur rien n'est changé. Quelques
dentelles seules attestent par leur couleur que la mer y a passé. La porte
ont été
en a
mis à nu et soulevés
été enlevée
«
a
«
Notre presbytère, il est vrai, a changé de place de 10 mètres : il a tourné
et maintenant il est collé à la maison de réunion qui, elle, a fait un
«
de 30 mètres,
«
voyage
«
s'est effondrée
avec un
pignon défoncé. La véranda du presbytère
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
A part
3
ou
4 maisons qui
se
sont tout simplement affaissées, toutes
les autres sont brisées ; pas deux planches qui soient restées attachées
ensemble. Tout autour de notre église, il n'y a que des portes, des
fenêtres, des bois de lits, des pieds de table, des chaises cassées, des
moitiés de bateaux remplis d'ustensiles de cuisine, de matelas,
d'habits, de cadavres infects de volailles, d'animaux de basse-cour, de
poissons et, dominant cela, une forte odeur de coraux en décomposition,
au point que le chef craint une
épidémie
La chefferie, magnifique bâtiment, ne fait maintenant qu'un amas
de bois et de fer blanc arrêté par notre église. Là où autrefois il y avait
une centaine de coquettes habitations, il n'y a
plus que du sable, des
galets et des coraux...
Pendant le cyclone, ces chers néophytes s'étaient réunis chez l'un
d'entre eux pour y réciter le chapelet. Quand ils ne s'y virent plus en
sécurité, ils se réfugièrent sur la montagne. Les vagues, en effet,
montaient jusque dans l'enclos de la mission, à 150 mètres du rivage.
Les plus vieux du pays n'avaient jamais vu chose pareille
R. P. Goulven
A Uturoa (Raiatea) le mercredi 7 février dès 14 heures, le vent du sud-est
commençait à souffler fraîchement. Vers 15 heures, la pluie se mit à
tomber. Cela dura jusqu'à la tombée du jour, avec un horizon bouché.
A la nuit, les rafales devinrent de plus en plus terribles ; les toitures se
soulevaient, les poutres craquaient. Vers 22 heures, la mer monta d'une
façon effrayante. Les rafales s'abattaient avec violence toutes les deux ou
trois minutes, accompagnées de grains serrés.
Dans la nuit du 7 au 8 (entre 23 et 3 heures) ce fut la véritable tempête.
Cases indigènes, maisons européennes, magasins, wharfs, tou«
s'écroulèrent soit en partie, soit en totalité. Les tôles des toitures
voltigeaient à travers la nuit en sifflant et s'en allaient choir à près de
300 mètres de leur point de départ. Des rails Décauville étaient aussi
projetés à plusieurs dizaines de mètres. Vers 4 heures, le vent mollit, la
mer se calma et, au lever du jour, tout était terminé.
Société des
Études
Océaniennes
LES CYCLONES
4;i
Le
cyclone créa de gros dégâts. Les cultures subirent de lourdes pertes ;
des maisons européennes étaient endommagées et une
vingtaine fut détruite. Le temple de Tevaitoa, arraché de ses fondations,
alla se poser sur le marae voisin, sans s'effondrer, mais la plus grande
partie des tôles formant sa toiture fut emportée par le vent.
Le cyclone ne fit aucune victime.
la majeure partie
A
Vaitape (Porapora), la dépression fut ressentie les 7 et 8 février.
Depuis plusieurs jours, de fortes bourrasques avaient précédé la
véritable tempête, et ces coups de vent venaient toujours du sud-est.
Le mercredi 7, vers 8 heures, ils devinrent beaucoup plus fréquents ; leur
force s'amplifiait et les arbres, les premiers, en souffrirent.
Dans la nuit du 7 au 8, entre 23 et 3 heures du matin, le vent redoubla de
violence, renversant les arbres, les cocotiers et les maisons. Le raz de
marée montait à une hauteur qu'il n'avait pas atteint depuis 1843, aux
dires des anciens. Le village était presque entièrement sous l'eau et les
habitants furent obligés de se réfugier sur les pentes de la montagne.
Pendant la tourmente, 24 habitations furent anéanties ; un grand
nombre d'arbres, de cocotiers jonchaient le soi : les cultures n'existaient
plus. Le refuge sur la montagne, avait préservé la population de la
noyade.
Le gendarme chef de poste, estima les pertes causées par la tornade à
20.000 francs. C'était important pour l'époque.
A F are
(Huahine) le 7 février à 15 heures, le ciel était très noir, il y avait
de vent, la mer était démontée et l'eau recouvrait de 0,40 m la route du
village menant au débarcadère. Le baromètre était à 755 mm. Quelque
temps après, les eaux envahirent les cases se trouvant dans les environs
du rivage ; jusqu'à 19 heures, l'état de la mer resta stationnaire mais, vers
23 heures, elle atteignit 1,20 m de hauteur dans la cour de la gendarmerie.
A minuit, le baromètre marquait 750 mm, lorsqu'une lame énorme
pénétra dans le village, emportant les magasins à coprah des résidents
MARCANTONI et ITCHNER, les débarcadères particuliers et celui de
l'administration, ainsi que les deux ponts principaux de l'agglomération.
Le 8 à 1 heure du matin, l'océan et les rafales continuaient toujours
leurs ravages. Vers 3 heures, les éléments montrèrent moins de violence
et le reflux des eaux s'amorça. Mais entre 4 et 5 heures, le vent se remit à
souffler du sud ; il arracha presque tous les arbres restés debout et
renversa quelques maisons déjà bien endommagées par la mer. A 7
heures enfin, sa force, qui avait diminué d'intensité progressivement,
n'était plus qu'une brise. L'océan quoique houleux s'était retiré, mais les
habitants de Fare n'avaient plus d'abris et la circulation était
peu
interrompue.
Les districts de l'île étaient en piteux état : les temples de Maroe et
Haapu étaient démolis. Dans toute l'île, pour la majeure partie, les
cocotiers et arbres à pain, dont la récolte était perdue ainsi que celles des
orangers, bananiers, étaient dans un état lamentable. Cependant,
aucune victime humaine n'était à déplorer.
Société des
Études
Océaniennes
44
raoul teissier
A Rikitea
(Mangareva) le 9 février au lever du jour, un vent fort du nordaccompagné de petites ondées ; il forcit violemment vers le
milieu de la journée, tandis que la mer grossissait et que la pluie tombait
sans arrêt. Vers 14
heures, l'océan atteignit le rebord des petits wharfs
installés sur le rivage, c'est-à-dire à plus de 0,60 m de son niveau habituel.
Les rafales, légèrement calmées lors de la grosse marée, reprirent de la
force entre 16 et 17 heures, pour se maintenir d'une manière inquiétante
dans la nuit du 9 au 10, en virant à l'ouest-nord-ouest. Le 10 au
petit
matin, la tempête s'apaisa et dans la matinée tout était calme.
Pendant la tempête, un grand nombre de maisons virent leurs
vérandas renversées puis transportées, certaines à plusieurs centaines de
mètres. Aucune case indigène n'échappa à la destruction et ce qui peut
donner une idée de la violence du soulèvement marin, c'est le transport
d'une grande maison de trois pièces avec double véranda, à
plus de
100 mètres de ses soubassements. Plusieurs cotres, à l'ancre dans le
lagon, furent retrouvés à l'intérieur à une grande distance du rivage.
Dès le début de la tornade, toute la population se rassembla sur les
contreforts du Mont Duff, pour se soustraire au danger du raz de marée ;
grâce à cette mesure de prudence, aucune victime ne fut à déplorer au
cours de ces journées de cauchemar.
Mais hélas ! la récolte à son début des fruits de l'arbre à pain, principal
aliment des Mangaréviens, gisait sous les arbres détruits ou calcinés par
ouest soufflait
les embruns.
Raoul Teissier
Nous tenons à exprimer ici nos vifs remerciements au Révérend Père
Patrick O'REILLY, Monsieur et Madame Bengt DANIELSSON, pour leur
aide précieuse dans nos recherches
.
Société des
Études
Océaniennes
45
LES CYCLONES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES RELATIVES AUX
CYCLONES CITÉS
CYCLONE DE 1878
Annales
hydrographiques de la Marine
1878
—
—
Tome 41,
pages
467 à 475
—
Paris.
Annales de la Propagation de la Foi 1878
LEMOING
—
—
Lettre du R. P. Richard
Paris.
Messager de Tahiti Nos 1, 3, 5, 7, 9, 27, 35
—
1878
—
Papeete
—
Imp. du
Gouvernement.
A
Lady's cruise in a French man of war, page 353 — London 1882.
Polynésien par P. MAGER, page 75 — Paris 1902.
Le Monde
CYCLONE DE 1903
Annales hydrographiques de la Marine
— 1903, 2ème série, Tome 25,
22 à 38.
Rapport du Capitaine de Frégate ROZIER, Commandant aviso-transport
pages
"Durance".
Note de
l'Enseigne de Vaisseau GlBAUDOT.
Rapport du Lieutenant de Vaisseau RICHARD, Commandant la Canon¬
nière "Zélée".
Rapport de l'Inspecteur des colonies de 3ème classe Revel.
Journal officiel des E.F.0.1903
Papeete, Imprimerie du Gouvernement
Lettre du Gouverneur PETIT au Ministre N° 36 du 16.2.1903, FOM-A/158,
—
Carton 92.
Rapport de mer du Capitaine au cabotage A. chebret — Fakarava
janvier 1903.
Rapport Maréchal-des-Logis de gendarmerie bailly, Chef de poste,
Fakarava, janvier 1903.
Rapport du Docteur brunati, Administrateur p.i. des Tuamotu —
janvier 1903.
Relation sur le cyclone à Hikueru — par le même — 17 janvier 1903.
Récits de deux habitants de Marokau sur le cyclone — recueillis par le
Capitaine de Frégate ROZIER.
Lettre du R. P. Isidore butaye
"Les Missions catholiques" — pages 337
à 340
Lyon — 1903.
Rapport du Gendarme THÉVENIN, Chef de poste — Rairoa — janvier 1903.
Rapport du Capitaine du vapeur "Excelsior" des 27 janvier et 10 février
—
—
1903.
S.S.C.C.
211/215.
janvier 1903.
Diverses lettres de missionnaires catholiques — Annales des
1903 - Nouvelle série - pages 81/83, 100/121, 122/160,
Rapport de
mer
du Capitaine au long cours GrÉLOT
FOM-A/159, Carton 99.
—
Archives de la
Société des
Études
Océaniennes
46
raoul teissier
CYCLONE DE 1905
Régime des vents aux Iles Tuamotu — par C. marcadé, Administrateur
Annales hydrographiques de la Marine 1915 — Paris.
Rapport N° 190 du 11.6.1905 — du même, au Gouverneur FOM-A/166,
Carton 99.
Rapport du Gouverneur N° 143 du 6.5.1905
au Ministre
FOM-A/166,
Carton 99.
Journal Officiel des E.F.O. 1905
Papeete, Imprimerie du Gouvernement.
L'ami des Tahitiens N° 5
1905
Journal de la Mission protestante —
—
—
—
—
Imprimerie G. Brunel — Raiatea.
Rapport de mer du Capitaine au cabotage A. chebret — Mars 1905.
Rapport du Maréchal-des-Logis de Gendarmerie bailly, Chef de poste,
Fakarava, mars 1905.
Relation sur le cyclone à Arutua, faite en langue tahitienne par le patron
au
bornage Turatahi a mahuru, traduite par l'interprète du Gou¬
vernement E. Butteaud
—
mars
1905.
CYCLONE DE 1906
Régime des vents
Iles Tuamotu par C. marcadé, Administrateur —
déjà cité.
Registres des P.V. du Conseil municipal — Session ordinaire de février
1906, 2ème séance, pages 17 à 19 — Papeete.
Rapport de l'Administrateur C. MARCADÉ du 20.2.1906 au Gouverneur
FOM-A/166, Carton 99.
Diverses lettres de missionnaires catholiques — Annales des S.S.C.C.
1906, pages 102/106, 148/153, 163/164, 215/218 — Paris.
Rapport du Brigadier de Gendarmerie chéchillot, Chef de poste
Huahine, 11.2.1906.
Rapport du Gendarme laborde, Chef de poste, Porapora, 9.2.1906.
L'Ami des Tahitiens N° 5
1906
Journal de la Mission protestante —
Imprimerie g. brunel — Raiatea.
Rapport du Dr. F. CASSIAU, Administrateur p.i. au Gouverneur — Rikitea
11.2.1906
Archives FOM-A/166, Carton 99.
aux
1915 ouvrage
—
—
—
Société des
Études
Océaniennes
47
les cyclones
LISTE DES CYCLONES QUI ONT
SÉVI EN POLYNÉSIE
FRANÇAISE (1825-1966)
1825
—
Iles Tuamotu
Quelques renseignements recueillis sur Anaa.
Ellis, W. Polynesian researches — Vol. Ill page 306/307 —
—
London 1853.
—
1831
—
—
—
—
1843
—
—
MOERENHOUT, J. Voyages aux îles du Grand Océan — Maison
neuve, Paris.
21/22 décembre, Iles-sous-le-Vent et Iles Cook particulièrement.
Tiarama, mati (mars) 1844.
St. S. VlSHER "Tropical cyclone of the Pacific"
Bulletin N° 20, 1925
—
—
Bishop Museum.
Honolulu.
décembre
Iles-sous-le-Vent. L'archipel Tiarama, mati
(mars) 1844.
LUCETT; "Rowing in the Pacific"... vol. 2 — pages 21 à 27,30 à 32
21
—
—
—
—
London 1851.
DOBSON
:
"Australian cyclonology" — Melbourne, 1853.
: "Tahiti et les îles adjacentes" — Grasset — Paris,
ARBOUSSET
1867.
1856
—
—
22 janvier
Vent.
—
Tuamotu, Iles de la Société (Tahiti) Iles-sous-le-
PRAT, chef du Service de Santé — Revue coloniale N° 16, 2ème
série 1856
FOM. Biblio, P/184 — Paris.
Messager de Tahiti, janvier 1856 —■ Papeete, Imprimerie du
—
—
Gouvernement.
—
—
1865
—
—
—
1878
1901
Nautical
magazine — 1856.
ARBOUSSET, ouvrage déjà cité.
2 février
Iles de la Société (Tahiti, Iles-sous-le-Vent), Australes
A Tahiti, les effets les plus désastreux ont été enregistrés dans
les districts de Mataiea, Paea, Punaauia. A Tubuai, un ou deux
villages étaient anéantis.
Messager de Tahiti, février 1865 — Papeete — Imprimerie du
—
Gouvernement.
ARBOUSSET : ouvrage
déjà cité.
Iles Tuamotu, Iles de la Société (Tahiti)
Se
—
6 et 7 février
—
reporter à la table des références citées dans cet ouvrage.
22 décembre
Iles de la Société. Le phénomène a débuté à Tahiti
C. MARCADE : Régime des Vents... Annales hydrographiques
—
—
Paris.
Résumés mensuels des observations
de Papeete
—
—
—
1915
—
—
—
météorologiques à l'hôpital
1901.
Journal Officiel des E.F.O., 1901
—
Papeete, Imprimerie du Gou¬
vernement.
1903
—
14 et 15 j anvier
—
Se reporter à la tablé des références citées dans
cet ouvrage.
Société des
Études
Océaniennes
48
1905
RAOUL TEISSIER
23
—
1906
—
1926
—
mars
—
Iles Tuamotu, Iles de la Société (Tahiti)
—
Se reporter
à la table des références citées dans cet ouvrage.
7 et 8 février
Iles Tuamotu, Iles de la Société (Tahiti)
— Se re¬
porter à la table des références dans cet ouvrage.
janvier — Iles-sous-le-Vent. Porapora était particulièrement
ravagé.
L'Illustration, 20 mars 1926, pages 274 et suivantes — Paris.
Journal Officiel des E.F.O. 1926
Papeete — Imprimerie du
Gouvernement.
23/26 août
Iles Australes.
Annales de Physique du globe... N° 4, 1934, pages 117/118 —
Paris.
—
—
—
—
1933
—
—
—
GlOVANNELLI, J.L. : Annales de Physique du globe... N° 18,1936,
—
pages
1935
—
—
—
1937
—
—
69/70
6/12 février
Paris.
—
Iles de la Société
(Tahiti), Iles-sous-le-Vent.
Annales de Physique du globe... 1936 —
N° 18 pages 169/170 — Paris.
Résumés mensuels observations météorologiques E.F.O. —
Papeete.
25/27 février
Iles Australes, particulièrement Tubuai.
GlOVANNELLI, J.L. : Annales de Physique du globe... 1938, pages
—
GlOVANNELLI, J.L.
:
—
152/157
Paris.
Journal Officiel des E.F.O. 1937
Gouvernement.
—
—
1958
16/18
—
janvier
—
—
Papeete
—
Imprimerie du
Tuamotu, Iles de la Société (Tahiti), Iles-sous-le-
Vent.
—
Les Nouvelles
1958, N08 216/217/219
—
Imprimerie nouvelle,
Papeete.
—
1959
—
—
—
1961
—
—
Vea Porotetani 1958, N° 1 (Mission protestante) Papeete.
27/28 janvier — Iles-sous-le-Vent, Iles de la Société (Tahiti).
Les Nouvelles 1959, N08 526/527/528
—
Papeete, Imprimerie
Nouvelle.
Sud-Pacific 1959, N° 14
— Nouméa, Imprimerie Nouvelle.
Iles-sous-le-Vent, Iles de la Société (Tahiti).
Nouvlles 1961, Nos 1204/1205/1206 — Papeete, Imprimerie
13/14
Les
mars
—
Nouvelle.
Nous signalons que M. GlOVANNELLI, ancien chef du service de la
Météorologie Nationale des E.F.O., a groupé, en une brochure de 18
pages, les résultats de ses recherches sur la même question. Une partie
des renseignements fournis, dans la présente liste, sont extraits de cet
opuscule.
"LES CYCLONES EN OCÉANIE" (Extraits du "Bulletin de la Société
N° 68 — mars 1940).
d'Études Océaniennes"
Société des
Études
Océaniennes
:
liSlillll
■
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■
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.
■
Le Bulletin
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résidant
en
pays
ou
1 000 F CFP
français
4 000 F CFP
Cotisation pour 5 ans
Cotisation
pour
membres.
les moins de vingt ans & les
250 F CFP
étudiants
Cotisation annuelle
-
pays
étranger
-
15 dollars US
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 166-167