B98735210103_145.pdf
- Texte
-
BULLETIN
DE
LA
Société des Etudes Océaniennes
N°
145
TOME
-
DÉCEMBRE
Anthropologie
—
Ethnologie
Histoire Ancienne et
Sciences Physiques et
-
(N"
8)
1963
Sociologie
—
Linguistique
Contemporaine de la Polynésie
Littérature
PAPEETE
—
XII
et
Folklore
Naturelles
IMPRIMERIE
—
Océanographie.
OFFICIELLE
Société des Etudes Océaniennes
Conseil d'Administration
Président
M. Henri JACQUIER.
Vice-Président
M.
Secrétaire
Melle
Trésorier
M. Yves MALARDE.
Janine
LAGUESSE.
Assesseur
M. Cdt PEAUCELLIER
Assesseur
M.
Assesseur
M. Terai BREDIN.
Assesseur
M. Martial IORSS.
Assesseur
M. Siméon KRAUSER.
M. Raoul TEISSIER.
Assesseur
un
Bertrand JAUNEZ
Rudolphe BAMBR1DGE.
Pour être reçu Membre de la Société
membre titulaire.
se
faire présenter par
Bibliothèque.
Le
Conseil
d'Administration
informe-
ses
membres
qu'ils
peuvent emporter à domicile certains livres de la Bibliothèque
en
signant une reconnaissance de dette au cas où ils ne ren¬
draient pas le livre emprunté à la date fixée. Les autres
peu¬
vent être
consultés dans la Salle de lecture du Musée.
La Bibliothèque et la salle de lecture sont ouvertes aux
membres de la Société tous le3 jours, de 14 à 17 heures, sauf
le Dimanche.
Musée.
Le Musée
est ouvert
tous les
jours, sauf le dimanche de 14
à 17 heures.
Société des
Études Océaniennes
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNESIE ORIENTALE)
TOME XII
N®
145
—
(N° 8)
DÉCEMBRE
—
1963.
SOMMAIRE
Pages
Procès-verbal de l'Assemblée générale du
29 juillet 1963
...
.297
Histoire
Tahiti
proposé comme modèle à la jeunesse
République par R.P. O'Reilly
française en l'an
XII de la
305
Linguistique
langue polynésienne: Le Tahitien
A. Sauvageot
Structure d'une
par
311
Archéologie
Polynésie par R. Suggs
l'Ile de Pâques par K. Emory
Regards sur le passé de la
Archéologie de
La
photo de couverture
de Monsieur Thor
a
été extraite du livre AKU AKU
HEYERDAHL, ethnologue norvégien.
Société des
333
347
Études
Océaniennes
Société des
Études
Océaniennes
PROCÈS-VERBAL
juillet 1963
du 29
générale
Musée.
L'Assemblée
du
lecture
La
a
salle de
lieu dans la
ouverte à
17
h 30-
parmi les membres du con¬
présents
Etaient
seil
est
séance
GÉNÉRALE
L'ASSEMBLÉE
DE
:
Mr.
MALÂRDE
Yves
Janine
Melle
Terai
MM.
BREDIN
Absents
.
.
.
Assesseur
.......
»
«
KRAUSER
Siméon
Raoul
Trésorier
Secrétaire
.......
LAGUESSE
TEISSIER
.
:
Mr.
JACQUIER
souffrant
Mr.
JAUNEZ
en
PEAUCELLIER
Cdt.
R.
Mr.
BAMBRIDGE
IORSS
.
voyage
"
»
excusé
MALARDE excuse le Président qui,
la dernière minute ne peut assister
l'assemblée et donne lecture de son rapport de
Monsieur
souffrant,
à
fin
à
d'exercice.
Mesdames,
Il
y
a
Messieurs,
quelques
d'accueillir
ici
meme
jours
j'avais l'honneur
Monsieur Camus,
directeur
de la recherche scientifique
outre-mer de passage à Tahiti.
Monsieur Camus
qui s'est vivement intéressé A notre Musée nous
de
l'organisation
Société des
Études
Océaniennes
298
a
les
offert
meme
listes
services d'une de
ses
spécia¬
aider et ne m'a pas caché son
notre petite société savante
qui vient d'atteindre sa 46è année et
publier un bulletin trimestriel de¬
pour nous
admiration
pour
d'amateurs
continue
puis
à
1917.
Ces
paroles m'ont
tenais à vous en
particulièrement touché
faire part. Nous pouvons
etre
fiers
en
effet de cette persévérance dans
l'effort qui
caractérise notre société et qui
est tout à l'honneur de
ses membres
et je n'ou¬
blierai pas
d'y associer les pouvoirs publics
Gouvernement et Assemblée
qui, conscients de
notre
rôle, ne nous ont pas ménagé leur aide
depuis sa création.
et
je
-
-
En
cette année a été
développement de la re¬
cherche tant sur le plan
ethnologique qu'archéo¬
logique. Mr. GARÂNGER du C.N.R.S. a commencé ses
travaux depuis
le mois de Janvier, Pierre VERIN
l'Université de Madagascar nous
de
est revenu
pour quelques mois afin
de continuer un travail
archéologique commencé l'an dernier à Rurutu. Je
suis persuadé
qu'il nous viendra encore en aide
cette
année selon son habitude pour compléter ou
marquée
ce
améliorer
Le
qui
par
nous
un
nos
collections.
est brillamment représenté
alternativement par le pro¬
fesseur Emory ou par le Dr.
Sinoto ou par les
deux en même temps. Vous avez appris sans doute
qu'après la découverte importante faite l'an
dernier sur l'Ilot Pae'ao à Maupiti
de nouvelles
sépultures ont été récemment mises à jour, à peu
près dans le même site ;
plusieurs de ces sé¬
pultures ont été inventoriées et répertoriées et
vous
pouvez voir certains des objets découverts,
comme
dans
Bishop
concerne
nouveau
vous
la
le
Museum
savez,
vitrine
de
la
salle
d'archéologie.
Un prochain article du professéur
Emory qui
paraitra dans le bulletin situera exactement
l'importance de ses découvertes.
Société des
Études
Océaniennes
299
D'autre
chéologie
conduit
mis
A
des
jour
part
Julien
travaux
le
site
professeur d'ar¬
d'Auckland qui avait
Green,
l'Université
à
intéressants
d'Opunohu
sera
à
Mangareva
et
de nouveau ici
bientôt.
le pro¬
de Kansas
ici
dans
sera
quelques jours et se rendra à
Atuona
pour un
séjour de trois mois ; à cette
mission
se
joindront le Dr. Sinoto et une sta¬
giaire en archéologie Mademoiselle Mare Mare
Kellum.Au point de vue ethnologie nous
avons re¬
trouvé
avec
plaisir au cours d'un de ses nom¬
breux
séjours à Tahiti Donald Marshal de l'Uni¬
versité de Haward ou l'étudiante Japonaise SaUne
fesseur
chika
mission
importante
Smith
Caryle
de
travaillait
Ilatanako
conduite
par
l'Université
à
une
thèse
d'ethno¬
logie.Il faudrait citer également les missions
zoologiques ou botaniques comme celles du pro¬
fesseur Domenge de la
faculté de Montpellier et
de Melle
Sachet, botaniste, qui se trouvent ac¬
tuellement à Mopélia.
Toutes
ces
missions
ou
ces
chercheurs
isolés
de ralliement le Musée qui leur
offre,
avec
bibliothèque et une salle de
une
conférence, un lien permettant soit de mettre en
ordre
leurs
notes,
soit de consulter certains
ouvrages.
De plus nous avons entièrement mis à
la
disposition des archéologues une pièce au
premier étage ou ils peuvent déposer et étudier
les
spécimens qu'ils rapportent de leurs fouil¬
ont
comme
point
Sans
doute
les.
voudrions
pouvoir faire
disponible nous fait cruel¬
lement défaut.
Je
voulais
précisément attirer
votre
attention
le
sur
fait que
notre société
ainsi
que
le Musée sont devenus un véritable
service public.
D'ailleurs, en raison de la
nouvelle
législation concernant les fouilles,
le Territoire nous fait obligation
non seulement
de
faciliter le travail des missions mais égale¬
ment de
contrôler ce
travail ce qui nous a obli¬
gés à augmenter notre personnel et par consé¬
quent notre budget dépenses.
mieux
mais
la
nous
place
Société des
Études
Océaniennes
300
d'autre
tourisme,
Le
part,
développant de
se
plus à Tahiti nous a mis dans l'obliga¬
d'organiser des visites commentées au Musée
Melle Aurora Natua parait s'acquitter fort
plus
en
tion
dont
bien
.
sujet nous avons reçu une aide de l'Of¬
Tourisme placé sous la direction de
Monsieur Gilloteau,
qui nous a imprimé 3 000 dé¬
pliants en français et autant en anglais concer¬
nant
le Musée.
Comme je vous le disais plus haut
et comme vous
le constatez vous-même aisément,
nous
assurons
difficilement ces fonctions en
raison du manque de place.
A
ce
fice
du
de
longues années on nous a entretenu
l'espoir d'une installation à l'ancien
Palais
de la Reine.
Hélas cet immeuble à peine
Durant
dans
partie seulement a déjà reçu une af¬
qui n'est pas celle d'un Musée. Pour¬
tant ce bâtiment datant d'un siècle parait assez
fonctionnel pour abriter les services admi¬
peu
nistratifs
actuels alors que ces grandes salles
auraient parfaitement convenu pour un Musée.
Il
ne
nous
reste qu'à émettre le voeu que la cons¬
truction soit gardée dans la forme qu'elle avait
à l'origine
et qu'un architecte, prétextant le
coflt de
la remise en état,
n'en profite pas pour
proposer sa démolition afin d'édifier à
sa place
immeuble de béton armé.
un
banal
Il serait na¬
vrant
de voir
disparaître ainsi le témoin le
plus authentique de toute une période de l'his¬
évacué
en
fectation
toire
Tahiti.
de
'rmi
x
e-
T.
.eus
ï?
ii..'
ires
à
de
des
que
nous
nous
sommes
fixées
le plus possible
et les habitants
intéresser
districts
des
passé
j'.utérét
V
taches
ies
siste
1
les
des
de leur pays, et, en leur montrant
l'archéologie, d'en faire des auxichercheurs.
Le professeur Kenneth
aidé d'Aurora Natua s'y est particulière¬
ment
employé et je dois dire que ses efforts
commencent à porter leurs fruits.
Emory
Durant
nous
avons
ces
eu
dernières
plusieurs
Société des
fetes
visites
Études
de
14 Juillet
la part d'ha-
du
Océaniennes
301
éloignés et d'autres iles.
de Mai'ao a même un jour
visité le Musée.
Comme meilleure preuve de l'in¬
térêt porté
au Musée par
la population je vous
citerai
l'exemple de Nita a Tapotofareran 1 âgé
de 70
ans
qui, il y a quelques temps, est venu
en
compagnie du Capitaine Temarii remettre so¬
lennellement au Musée une pièce authentique très
rare,
un Omore Tahitien,
et il nous a donné en
même
temps que la légende qui s'attache à cette
arme,
la liste des cinq générations de proprié¬
de
bitants
la
Toute
districts
population
taires.
Je
dernier
le
Vous
savez
comme
nous
activité.
notre
pris
rie
qui
Nous
retard
comme
nous
paru
du
bulle¬
l'importance que revêt pour
toute société d'ailleurs, une
est le meilleur témoin de son
avions
l'an dernier rattrapé
toute
pour
publication
vous
parler
est le N° 141.
maintenant
voudrais
dont
tin
qui
vous
d'ailleurs
le
savez
;
ne
dépendait
mais
nous
pas
avons
de
re¬
car, l'Imprime¬
plus en plus de
bulletin doit être
un nouveau retard de 6 mois
Officielle doit exécuter de
point que notre
heures supplémentaires. Cette imprime
rie a,
depuis, déménagé de ses anciens locaux de
l'Avenue
Bruat
et je n'ai pas besoin
de vous
dire
que
cette opération à elle seule suffit
largement pour provoquer un sérieux retard à la
sortie du bulletin.
A l'heure actuelle trois ma¬
nuscrits
sont prêts pour
le N° 142 - Mars 1963,
tel
travaux
à
imprimé
en
(en
et
point
le N' 143 - Juin 1963
Septembre 1963 si bien qu'au
manuscrits nous sommes même en
publication)
de
cours
le
N"
144
de
vue
de
avance.
que
le rôle et les activités de
dépassent les limites du Musée.
entretenons et veillons
au
gardiennage du
Vous
notre
Nous
Marae
nous
Paea
teurs
savez
société
de
Arahurahu
pensé
avons
avait
aux
entraîné
celle
de
qui
Paea.
du
Concernant
fait
des
que
le
danseurs
ce
Marae
district de
et
des
chan¬
aurait peut-être
refaire une fête folklorique
avait connu un grand succès en
dernières
possibilité
comme
à
que
Société des
fêtes
Études
il
y
Océaniennes
302
1954«
grande difficulté avait été qu'acteurs
provenaient de districts éloignés
Je
ne
certifie pas que nous allons y
mais je pense m'en entretenir avec le
semble intelligent et très actif.
La
et
chanteurs
de
Paea.
réussir,
chef qui
Chef
Le
ses
à
nous
a
Nukuhiva
circonscription des lies Marqui¬
savoir que le "Meae" de Taipivai
auquel s'attache entre autre chose le
de
fait
de
souvenir
Herman
Melville
subi
avait
des
dé¬
autant par des enfants que par des chevaux
en
liberté.
N'ayant lui-même aucun crédit dis¬
ponible il proposait qu'on lui fasse parvenir
10
rouleaux de 450 mètres de fils de fer de bar¬
ce
belés
que nous
avons expédié par
le Taporô
-mais cela nous aura coûté plus de 7 000
francs.
gâts
-
détenons
dans
une
réserve,
faute de
nombreuses années certains
souvenirs
de
la
guerre de
1914 - 18,
entre au¬
tres
fanions, baïonnettes et même certaines ar¬
mes
à feu dont l'origine
était mal définie. Nous
avons
conservé certains d'entre eux,
les autres
ont été
remis
Commandant Delayen qui
au
a édifié
la caserne un petit Musée de l'armée oh j'ai
à
pu
voir ces différents souvenirs parfaitement
entretenus
et
je pense que c'était la meilleure
chose
à faire de ces
objets.
Nous
depuis
et
place,
Voici
de
ligne
l'année
de
Mesdames
les
1962
attention
et
et Messieurs,
tracées à gran¬
activités de notre société durant
Je
1963«
-
je
vous
la
passe
remercie
parole
de
votre
notre
Tréso¬
situation
finan¬
à
rier.
Monsieur
cière
qui
Report
se
MALARDE
résume
expose
ainsi
disponible
Recettes
de
1962
Dépenses de
Disponible
1962
au
la
:
1.1.62
•
•
frs
frs
au
L'Assemblée
quitus
au
approuve
Trésorier.
Le
615*548
503•962
•
frs
1.1.63
Société des
174.156
441.392
111.586
les comptes et donne
projet de budget pour
Études
Océaniennes
303
approuvé.Puis
également
est
1963
vote
est passé
il
membres
39
dépo
s
é
e s
présents
sont
et
procurations
20
.
dépouillement
Le
donné
résultats
les
exprimés
Nombre
bulletins
de
bulletins
des
suivants
Suffrages
Henri
Bertrand
Sec ré tai
Melle
JACQUIER
59
JAUNEZ
Janine
LAGUESSE
59
M.
Yves
MALARDE
59
Assesseur
M.
Cdt.
PEAUCELLIER
59
Assesseur
M.
Rudolphe
Assesseur
M.
Terai
Assesseur
M.
Martial
Assesseur
M.
Siméon
A
M.
As
ses seu r
A
obtenu
Ces
des
voix
remercie
leur
confiance.
sur
sont
conseil
dent
les
comme
résultats
nouveau
tions
Cdt.
M.
la
bulletins
les
59
55
KRAUSER
59
TEISSIER
Pierre
59
JOURDAIN
as ses s eur:
publiés
membres
de
Personne
lui
le
sont
été
professeur Emory fait un exposé
de photos en couleurs, sur les
récentes de Maupiti. Le professeur
chaleureusement
18
h
remercié
et
la
séance
45.
Société des
Études
Prési¬
renouvelé
d'objec¬
conduit,
incinérés.
Le
à
Le
fait
a
jection
tes
2
représentent
avoir
vote
58
M.DANIELSSON
et
n'ayant
dont
vote
59
IORSS
d'administration.
manière
de
BAMBRIDGE
BREDIN
Raoul
Voix
59
Trésorier
s s e s s eu r
a
59
M.
re
vote
59
M.
:
de
:
:
Vice-Président:
Président
le
au
:
Océaniennes
avec
pro¬
découver¬
Emory est
est
levée
.
'
'
**
i
0
„
..
0\
V
H
..y;;'.;!ï?..,,
:
•
.
•' :
.
Société des
Études Océaniennes
TAHITI
proposé comme modèle à la Jeunesse Française
en
l'an XII de la
République
du Concordat met en branle
toutes les cloches des églises de Fran¬
ce
;
on chante le Te Deum à Notre-Dame de Paris
pour
fêter la paix d'Amiens, Chateaubriand pu¬
blie
son
Génie du christianisme
;
la France,
toute entière a l'espérance,
plébiscite Napoléon
Bonaparte comme Premier-Consu1 et pendant ce
temps, devant sa table à écrire, un pédagogue
inconnu, à la recherche d'un thème moralisateur
à proposer
aux enfants
français, ne trouve pas
mieux
que
de conduire à nouveau Robinson en
Océanie en le faisant
échouer à Otahiti. Ainsi,
en
trois
volumes, écrit-il un Nouveau voyage de
Robinson Crusoe...offrant A la jeunesse des ins¬
tructions
aussi
utiles
qu'agréables sur plu¬
sieurs
contrées célèbres,
particulièrement sur
signature
La
joyeuse
Otahiti
et
autres
ties
de
la
mer
du
Sud.
L'ou¬
charmants petits in-16 ornés chacun
vignette gravée par Wallin d'après un des¬
sin
de Villerey,
parut chez Cordier et Legras,
imprimeurs-libraires, rue Galande N' 50 à Paris,
l'an XII
(1804) de notre première république.
trois
vrage,
d'une
Il
s'agit
est
resté
dre
la
suite
célèbre
la
d'un
du
Il
Nouveau
technicien
Révolution
éducatif. L'auteur en
prétendmodestement pren¬
ouvrage
anonyme.
librement
teurs
"considérablement
une
du
tainement
antérieur
Insel
petit
O-Tahiti
und
de Campe,
le
de l'éducation que
en
France,
et tra¬
attiré
avait
duire
peut-être
Robinson
allemand
-
oeuvre
d'un
de
ses
imita¬
augmentée". Il s'agit
ouvrage,
non daté,
mais cer¬
A 1800,
de V.G. Palozzi, Die
ihre Bewohner.
(Weissenfels
Société des
Études
Océaniennes
306
tiné
aux
livre de NoCl des¬
VIII,
Leipzig.
und
29ô P»)>
allemands.
enfants
texte se présente sous la forme de dialo¬
instructifs divisés en "Soirées", l'ouvrage
en
comporte quinze, entre un M. Hunter et sa
nombreuse progéniture
: deux filles, Charlotte
et Antoinette naturellement curieuses et voulant
toujours savoir au plus vite la fin de l'épisode
ribambelle de garçons dont Henri, le plus
et une
entreprenant, ne rêve que de voyages et de gran¬
des entreprises.
Le frontispice du tome 1er nous
Le
gues
montre
d'ailleurs
de
Jardin,
son
de
l'histoire
au
M.
assis
Hunter
sous
un
arbre
milieu de sa famille racontant
Robinson.
dit avoir été
à profiter du
goat de l'enfant pour le romanesque pour lui in¬
culquer des connaissances positives. Cette con¬
ception d'instruire en amusant, cette mise en
activité chez l'enfant du désir de savoir, lui a
paru particulièrement heureuse en ce- qui concer¬
la géographie des
ne
contrées lointaines. Quant
au
choix du pays ou Robinson s'arrete principa¬
lement, l'auteur déclare qu'Otahiti lui a semblé
fort heureux
:
"Otahiti, en effet quoiqu'occupant un si petit espace sur la circonférence du
globe, en est peut-être le lieu le plus intéres¬
sant pour
toutes les classes de lecteurs, et
surtout pour
la jeunesse dont le coeur -écoutez
bien
J_ ne peut que recevoir des impressions fa¬
vorables à la vertu,
de l'étude d'un peuple qui
Dans
réduit
a
des
si
la
par
préface, l'auteur nous
la méthode qui consiste
moeurs
simple"
voilà
Et
avoir
subi
rées,
le
douces
si
(préface,
à
p.
pourquoi
la
récit,
et
une
manière
de
vivre
IV).
les
enfants
Hunter, après
sept soi¬
des voya¬
Robinson en
heureusement "abrégé"
suite
de
entrepris autour du monde et des découvertes
faites
dan s les Mers du Sud,
débarquent enfin
ges
avec
page
Vendredi
23
à
Otahiti.
Nous
du tome second. Tout le
de Robinson est consacré
voyage
deux héros
L'auteur
a
sommes
là
à
la
reste du Nouveau
au séjour de ces
l'ile. Très peu d'affabulation.
soigneusement lu Banks et Solander,
dans
Société des
Études
Océaniennes
307
Bougainville et nous offre une descrip¬
sage
et très méthodique de l'ile, de
sa
végétation, de ses habitants, passant en re¬
vue
leurs
travaux
quotidiens _ présentés comme
des
"amusements
domestiques" - décrivant leurs
pirogues et leurs maisons, leurs façons de s'a¬
et
leurs
muser
façons de faire la guerre, leur
religion et leur vie politique» A peine ça et là
quelques épisodes romanesques viennent-ils bri¬
ser
la monotonie
de
la description,
Les malles
a,p portées
par
le Robinson, naufragé prudent,
avaient été par
lui remplies en Europe "d'ins¬
Cook
et
tion
très
truments
il
utiles
savait
et
de
marchandises
de
fer
dont
qu'on
faisait grand cas". Voulant re¬
mercier
le
chef par
des cadeaux, d'un terrain
donné pour
la construction d'une maison et la
culture
de
légumes, quelle ne fut pas sa sur¬
prise de constater que des voleurs avaient rem¬
placé la pacotille par des pferres, du sable et
du foin
:
Traité de
filou, Robinson fut conduit
devant
le
roi
et
les
choses menaçaient
de mal
Fort heureusement,
tourner.
notre voyageur pos¬
sédait
un
passeport allemand et retrouva dans
ses
papiers, la facture quittancée du marchand
de Londres qui
lui avait fourni ses marchandises
de
traite.
L'écriture étant inconnue à Otahiti,
on
crut Robinson
sur
parole et cette histoire
qui aurait pu le réduire à la condition d'escla¬
ve,
tourna finalement bien.
L'auteur
entraine
nous
avec
Robinson
visiter
Huahine,
Raiatea, Borabora, mais, lors de leur
retour à Tahiti,
l'ile est en guerre. Leurs hô¬
tes
accusent nos
héros d'avoir été,
au cours
de
leur promenade aux
Iles-Sous-Le-Vent, des traî¬
tres
et des
espions chargés de recrutement pour
la partie adverse.
Qu'au moins ils témoignent de
leurs
sentiments
en
prenant les armes pour
leurs
amis.
Là-dessus, la candide Antoinette de
s'écrier :
"Ce n'était guère la peine de
quitter
Hambourg pour venir se faire soldat à Otahiti l"
(T. III, p. 170). Mais ils prennent bien la
chose
:
Robinson
casse-tetes
niement
peu
de
des
et
et
armes
fort
temps
C
Vendredi
s'exercent
reçoivent piques
et
journellement au ma¬
otahitiennes y devenant "en
habiles". Cet exercice m em e
308
et leur donna de la considé¬
insulaires. Fort heureusement,
la guerre ne
fut pas déclarée, et nos amis con¬
tinuèrent à vivre paisiblement à Otahiti "parta¬
geant leur temps de la manière la plus agréable,
entre la culture,
la chasse, la pêche, la fabri¬
cation
de quelques meubles commodes et le plai¬
sir de la
conversation. Ils allaient quelquefois
sur
la fin du jour chez les
indigènes ; et là
ils jouissaient des plaisirs
simples qui termi¬
nent
la journée chez
les Otahitiens, lesquels,
rassemblés en famille
au
crépuscule du soir,
passent une heure avant de se coucher, à chanter
des
couplets et des chansons. Plus ils virent ce
peuple, plus ils en furent contents : ils ne
cessaient d'admirer le bonheur de
ces insu¬
laires,
qui passent la plupart de leurs jours
dans
ces
cercles de jouissances variées,
et au
milieu d'un pays ou la nature a formé des paysa¬
ges
charmants, ou la température de l'air est
chaude
mais rafraîchie sans cesse par une brise
de mer,
ou le ciel est presque toujours serein,
ou
le travail ne semble être pour eux qu'un
délassement du loisir, ou leurs occupations...
sont un passe-temps agréable,
et des jouissances
dont personne ne leur enlève les
fruits. Enfin,
quoique les Otahitiens aient, comme toutes les
nations du globe, plusieurs causes de déplaisir,
cependant, en considérant ce qu'est le bonheur
ce
dans
monde, il n'est pas de peuple dont le
sort soit plus désirable
(T. III, p. 171-172)«"
les
beaucoup
amusa
ration
parmi
Le
bon
Les
nature
les
sauvage
thèmes
ne
dans
rou s
font
pas
l'ile heureuse
!
seauis te s sur l'homme de la
non plus défaut.
Dans une
de Hambourg, Robinson
:
"Otahiti est une
belle
ile,
et je serais
tenté de croire que
c'est
l'ile la plus heureuse de
toutes celles
qui sont situées dans cette vaste mer.... A la
vérité, la manière de vivre "des Otahitiens" est
bien différente de
la notre ; mais c'est préci¬
sément ce qui
ne serait pas du goot de bien du
monde
(le défaut de la prétendue civilisation)
qui me plait beaucoup... On trouve ici la vie
lettre
lui
qu'il
fait
écrit à un ami
ses
confidences
Société des
Études
Océaniennes
309
sont respectées ; mais
et en petit nombre, on
n'est pas
continuellement exposé à les enfrein¬
dre,
faute de les connaître, comme dans les pays
ou la
civilisation est très compliquée. On' est
iTSi
dans
état mitoyen entre l'indépendance
un
des
sauvages
et la civilisation européenne, et
cet état mitoyen
convient parfaitement à un hom¬
me
de la nature
tel que Je suis. On pourvoit fa¬
patriarcale
lois
les
;
elles
comme
y
simples
sont
puisqu'ils se bornent au
et s'il règne effectivement
dans
les classes distinguées des
habitants une
espèce de luxe, ce luxe n'est rien en comparai¬
de celui d'un négociant de Hambourg.
son
cilement
à
besoins,
ses
nécessaire
simple
l'on
"Ici
;
apprendre
à
commence
que
les
tous
ne sont que dans l'imagination,
et que
c'est la folie des hommes qui
rend la vie si pé¬
nible.
Combien de besoins n'avons-nous pas en
plaisirs
soutenir une maison sur ce qu'on ap¬
pied honnête, et dont on n'a pas même
l'idée
à Otahiti
! Un bourgeois de Hambourg est
persuadé qu'il lui faut absolument une table en
bois
d'acajou, qu'il la couvre des nappes les
plus fines et les plus précieuses, et il a l'ex¬
travagance de croire qu'il ne mangerait pas avec
appétit, si sa table n'était décorée d'une vais¬
selle magnifique.
Quant à moi et à mon Vendredi,
nous
nous
plaçons pour manger à l'ombre,., à
Europe
pelle
pour
un
l'entrée
Deux
maison.
l'arbre
de
à
Notre
pain
ou
ce
sont
cocotier...
nappe,
du
de coco sont devant nous, l'une rem¬
sel, l'autre d'eau douce : ainsi nous
pas
besoin de gobelets. Un morceau de
de
n'avons
bambou
taillé...
est
qu'on
nous
notre
coques
plie
en
de
feuilles
des
de
même
regarde
est'
assez
nous
de
tient
toutes
lieu
les
de
:
il
choses.
Ce
couteau
autres
Europe comme indispensable,
indifférent à Otahiti
;
...
si
en
pendant un mois seulement à Otahiti,
apprendriez bientôt à vous passer de beau¬
coup de choses,
et même à vous créer de nouveaux
plaisirs... La simplicité des Otahitiens dans
leur habillement,
se
retrouve dans toute leur
manière de vivre.
Ils ne connaissent presque
vous
veniez
vous
d'autres
suffire
besoins
que
eux-mêmes
;
aussi
Société des
Études
ceux
auxquels ils peuvent
je les regarde comme
Océaniennes
310
plus heureux de la terre... Je
insulaires ont beaucoup de bonté,
et qu'ils
ne sont pas corrompus par une éduca¬
tion vicieuse,
comme
les Européens. Ce sont des
hommes de
la nature,
et ils ne connaissent pas
la dissimulation
(T. III, p. 68-74) « •'
les
habitants
trouve
bli
que
Il
nous
ce
texte
lière,
il
jadis
par
dans
des
les
ces
semblé
a
fait
MM.
le
d'une
et
pont
Faisons,
de
vre,
mieux
fort
_
en
bien
mais
lecteurs
de
le
les
entre
et
terminant,
XII
l'An
les
sur
lisaient-ils ?
les
de l'ou¬
particu¬
écrits,signalés
et Jean GAUTIER
enthousiasmes
les en¬
petit li¬
Tahiti, beaucoup
grace
renseignés
chez
si
remarquer
étaient,
Tintin
sauver
saveur
JACQUIER
Henri
ce
m ©me
"Bulletin",
romantiques.
fants
de
curieux
inconnu
à
que
ce
que
les actuels
Tupapau. Un seul
-
surprend, celui ou l'auteur nous apprend
cocos
"contiennent trois ou quatre li¬
vres
de
liqueur" et "qu'aussitôt qu'on fait une
petite ouverture au fruit, elle jaillit comme
une
fontaine à une hauteur de plusieurs pieds"
passage
que
(T.
été
les
II,
p.
cherché
52)...
ces
CU
donc
abusives
notre
auteur
précisions
Patrick
Société des
a-t-il
?
O'REILLY
Études Océaniennes
POLYNÉSIENNE
STRUCTURE D'UNE LANGUE
J^e ^UakUim
Professeur à
par Aurélien Sauvageot
l'École Nationale des langues orientales vivantes
linguistique " de l'Université de Paris
83-99 - Klineksiek, Paris 1951.
Extrait des " Cahiers de
Volume X
page
tahitien soit écrit depuis plus
au zèle des missionnaires,
il
est encore peu connu des linguistes.
Quelques
grammaires en français (1), une en anglais,
quelques rares études dispersées çà et là dans
les
revues
peu accessibles,
quelques textes d'é¬
poques différentes,
recueillis sans toutes les
garanties voulues, une traduction de la Bible,
sont
tous les documents qui nous parlent de cet
idiome qui
fait partie de la grande famille po¬
lynésienne. Celle-ci, dans l'ensemble, n'est
guère mieux explorée.Au gré de leurs randonnées,
Bien
que
siècle,
d'un
le
grace
missionnaires
les
relevé
ont
tiens
complètement,
ment.
De
bons
ou
plus ou moins systématique¬
langues, nous possédons d'as¬
dictionnaires, de certaines autres seu¬
moins
sez
différents cultes chré¬
tel dialecte, plus ou
des
tel
certaines
quelques listes de mots. Les textes font
souvent défaut et la description gramma¬
ticale pèche par une
totale absence de méthode
scientifique. En particulier, l'étude phonétique
est très approximative.
lement
le
plus
On
hommes
la
de
a
surpris. Toute
recueillie par des
montrer
été
pas des linguistes
était de faire oeuvre
et dont
prati¬
doit néanmoins, leur etre reconnaissant
l'effort qu'ils ont déployé.
Sans eux, nous
connaitrons
rien du tout de ces langues qui
ambition
On
auraient
mier
(1)
s'en
n'étaient
qui
seule
que.
ne
saurait
ne
documentation
cette
jour
dont
le
dû
de
intéresser
les
savants
dès
le
pre¬
leur découverte.
magnifique
travail
Société des
de
Études
M.
I0RSS,
paru
Océaniennes
récemment.
312
Quand ces savants s'en sont occupés, leur
le plus pressé n'a pas été de classer les
matériaux existants
et de chercher à les complé¬
ter ou
à les vérifier,
mais bien de vouloir s'en
servir pour restituer le passé des langues poly¬
soin
grammaire comparée
classiques. Il est
superflu d'ajouter que cette procédure n'a pas
fait avancer d'un
pas notre connaissance de
ce
groupe de langues.
C'est pour toutes ces raisons
qu'il est apparu qu'il ne serait pas sans inté¬
rêt de mettre
à profit
la présence à Paris de
quelques Tahitiens pour étudier les aspects es¬
sentiels de leur langue.
Ce qui a rendu possible
cette
étude, c'est que la répétitrice tahitienne
de
l'Ecole Nationale des Langues Orientales,
Mme
S A LMO N
N ORI)M AN N
a
bien voulu se prêter à ce
travail
de prospection
si délicat et souvent si
nésiennes
selon
établissant
en
meilleures
les
-
,
Au
laborieux.
nisées
une
recettes
sous
la
cours
de
séances de travail orga¬
de M.Maurice LEENHARDT,
direction
procédé, grace à cette informatrice
qualité inestimable, à une prospection mi¬
nutieuse
du Tahitien
tel qu'il se parle et s'é¬
crit de
nos
jours. Les observations ci-après ne
sont que
les premiers résultats d'une explora¬
tion
qui se poursuit de semaine en semaine.
il
donc
a
d'une
tahitien est une langue écrite. La plu¬
des sujets qui s'en servent ne dépendent
donc plus
exclusivement de la tradition orale.
Ils sont influencés par l'orthographe qui
a été
Le
part
donnée
à
leur
1angue.Cel1e-c1,
parlée dans quel¬
lies proches les unes des autres, est re¬
marquablement homogène. C'est à peine si une
particularité locale apparaît çà et là, vite
sentie par les sujets.
ques
ce
qui suit, les citations tahitiennes
présentées dans l'orthographe habituelle,
parfois flottante. Toutefois, la simplicité meme
du phonétlsme
facilite la notation des sons et
fait que
l'orthographe traditionnelle peut être
employée sans trop d'inconvénients.
Dans
sont
Société des
Études
Océaniennes
313
Les
les autres langues poly¬
surprend par la simplici¬
de
son
phonétisme. Songeons qu'il ne possède
tout que cinq voyelles
:
SONS.-
nésiennes,
té
en
Comme
le
-
qui
sont
toutes
tahltien
a
o
complétées
_
et
u
par
e
onze
t
p
/
i
-
consonnes
(coup
de
:
glotte)
h
v
n
m
r
w
h
Le
ich)
u
et
y
variante un s mouillé (ch allemand de
quand il vient après un i.Les semi_voye11es
y
sont très faiblement articulées.
pour
Contrairement à ce qui
a été le plus
souvent
rapporté, l'articulation générale de la langue
est passablement énergique.
Les consonnes sont
articulées avec
fermeté, surtout les occlusives,
bien
l'occlusive glottale ne soit pas mar¬
que
quée très nettement dans la plupart des cas,
surtout si
le débit est
rapide.
A
examiner
ce
phonétisme de plus près, on
qu'il est composé d'un système vocalitrès équilibré qui peut s'exprimer par le
constate
que
schéma
suivant
:
u
o
a
i
e
On
affaire
a
à deux
voyelles postérieures qui
s'opposent à deux voyelles antérieures, alors
qu'à (prépalatal)
figure au milieu pour ainsi
dire
à
égale distance des postérieures et des
antérieures.
Comme le
timbre
de l'a en
question
est
clair, que sa fréquence est grande,
l'im¬
pression acoustique du parler tahitien est celle
d'une langue ou dominent les éléments prépala¬
taux.
Cette impression acoustique est renforcée
Société des
Études
Océaniennes
314
Les
jeu des consonnes ou les labiales et
dominent de beaucoup. Le h se place
au
milie.u de la bouche
(et meme derrière les
dents quand il
vient après t). Quand à l'occlu¬
sive
glottale, elle tient lieu de vélaire. Le
tahitien est donc une langue qui se parle sur le
devant de la bouche,
avec les lèvres et avec les
dents.
La mimique qui
accompagne la production
sons
est d'ailleurs
des
assez éloquente à cet
par
le
dentales
Mais
égard.
il est aisé de constater que
voyelles varie dans la réalisa¬
sans
que ces variations
(comb in a toidétail,
des
timbre
mais
tion,
d'articulation est précisé¬
l'énergie dans la pro¬
favorise
sons.
le
Dans
le
qui
des
duction
genre
ce
celui
ment
aient beaucoup d'ampleur.
res)
Les
à
milations
selon
la
ma'ita'i
se combinent en diphtongues et
l'intérieur de la syllabe, des assi¬
se
produisent, plus ou moins marquées,
voyelles
parfois,
vitesse
"bon",
L'accent
débit. Dans un mot.
entend presque md'it&i.
du
on
d'intensité
se
combine
au
comme
ton,
ce
veut dire que la syllabe qui est produite
avec
plus de force porte' en même temps la note
la plus
élevée, mais, si l'élévation de la voix
est
très notable,
il semble que la force expiratoire
de
l'accent dynamique ne soit pas très
qui
grande. Néanmoins, l'accent produit des effets
remarquables sur la syllabe qui précède. La
voyelle de celle-ci se réduit jusqu'au point de
s'amuir presque complètement.
Au lieu de parau
"parler", parole" on entend presque prau.Au lieu
de purumu
"balai, balayer", promu. Cette réduc¬
tion s'accompagne parfois d'un phénomène d'assi¬
milation
de
la consonne
initiale comme dans
tihopu
punu
Dans
"cuiller",
la
séquence
qui
s'entend tchopu.
des mots
qui
constituent la
phrase, de nombreuses élisions se produisent
amputent les mots de leur initiale vocalique
réduisent
les
à
leur
meme
parfois les diphtongues
élément.
deuxième
Société des
Études
Océaniennes
qui
et
initia¬
315
STRUCTURE
le
mot
Dans la mesure ou 11 s'isole,
présente une structure à peu
MOT.-
DU
tahltien
invariable,
près
réduction
gnalés
et
des phénomènes de
tenu
compte
d'éllsion
viennent
qui
d'etre
si¬
ci-dessus.
il ne comporte le plus souvent
seule consonne ou une voyelle, mais il
convient d'ajouter que la prononciation actuelle
tend à créer des
(pr, tr,
groupes à l'initiale
par e x emp1e) .
l'initiale,
A
qu'une
La
seule
mots
finale
:
c'est
pupu,"groupe"
l'ont
comme
mot
etc,j.
fait
tahitien
tique
le plus souvent vocalique. Une
apparaît cependant dans quelques
l'occlusive glottale (ori,
"danse",
est
consonne
ne
Il est donc
certains
connaît
pas
faux d'avancer,
observateurs que le
de finale con son an¬
.
syllabe intérieure est toujours ouverte,
voyelles ou diphtongues successives n'étant
jamais séparées par plus d'une consonne : rouru
"cheveux", rahi "grand" mahana "jour" etc,.
La
deux
hiatus
apparaît souvent en fonction de
syllabique : ta 'a ta "homme" a ' ano "large"
ha'apii "enseigner", etc., qui s'entend respec¬
tivement ta-ata,
a-ano,
ha-api-i, etc,.
Le
suture
La
de
s
au
quantité
très
distingue
certains mots
les uns
:
-
pûpu
"coquillage"
-
pupu
-
mSro
"
discuter
-
maro
"
_
maro
"groupe"
"
sec
«
"ceinture"
etc,.
la longue ne s'oppose pas
cas,
figurerait dans un autre mot de
structure
semblable : pô "soir, nuit". Le pro¬
blème de la quantité devra faire l'objet d'une
étude plus
détaillée. Il semble que son rende¬
ment
soit peu important,
étant donné que l'oppo¬
sition
longue/brève n'intéresse qu'un petit nom¬
bre de vocables.
En tout cas,
elle ne porte que
Dans
à
une
d'autres
brève
qui
Société des
Études
Océaniennes
316
sur
voyelles, car les
ni géminées.
les
mais
consonnes
sont ja¬
ne
longues
morphologie
La
MORPHOLOGIE.-
réduite
est
à sa
ne com¬
plus simple expression. Le mot tahltien
porte aucun élargissement assurant une
syntaxique quelconque.
fonction
relevé par tous les ob¬
le plus caractéristique
de la morphologie
tahitienne (et polynésienne),
c'est la fréquence de
la rédup1ication. Ce phé¬
nomène,
très répandu dans la plupart des langues
du monde,
consiste ici soit dans la reproduction
du mot entier,
soit dans le redoublement d'un de
trait
Le
servateurs
éléments
ses
'
ma
-
ama
-
paparia
-
maniania" bavardage"
»
rahi
a
"grand"
ino
de
rarahi
-
"fendre
(du
valeur
etc,."
pour signaler
de fonction:
ou
"très grand"
bois)"
(ou encore
tamatamata
-
à
La
sens
"
plusieurs personnes grandes )
parauparau "causer, faire la
conversation"
(et aussi "par¬
ler entre plusieurs personnes")
"mauvais"
vahi
à profit
été mis
-
joue
«
reconnaissant,
"content,
distinctions
différentes
_
fou"
"matin "
procédé
Ce
été
étant
"rond"
a
mauruuru
-
-
1
poipoi
-
a
:
ienemene
_
-
qui
comme
itérative
plusieurs
de
ces
"essayer
reprises".
constructions
qu'elles servent quelquefois à indiquer
pluralité ou la notion de collectif :
fait
rima
-
ma
-
' ita ' i
"main"
_
"bon"
-
rimarima
ma'itata'i
(plusieurs)
dans
Mais
difficile
langue,
tion
un
nombre
d'attribuer,
une
fonction
"doigt"
"bons "
e
te,
.
imposant de cas, il est
dans l'état actuel de la
déterminée à la réduplica¬
:
Société des
la
Études
Océaniennes
317
-
-
ve'ave'a
"chaud"
—
to'eto'e
uouo
"blanc"
-
ereere
Il
particulier
en
couleurs
et
Nous
qualité
blées
de
créer
a
présence
en
l'emploi
toutefois
sans
abouti
ait
termes
à nos
répond
qui
(ce
d'un effort
de ces formes redou¬
que cette
systématisation
catégorie grammaticale dé¬
donc
sommes
systématiser
d'autres
nombre
certain
un
exprimant une
adj ec tifs) •
pour
que cette rédu¬
les mots désignant les
constater
de
curieux
est
plication
"froid"
"noir»etc,■
finie.
révèle,
du morphème
L'analyse
d'autre part,
assez
élargissements (pré¬
et
suffixes), dont la fonction se laisse
bien
définir. En particulier, un nombre
assez
considérable
de
l'existence
fixes
un
ta-
suffixe
substance
ou
un
tama'a
_
Le
dues
mots
sont
(ma ' a
"arroser" (pape
"essayer, goûter»
tamata
_
de
préfixe
construits
avec
qui change un mot désignant
objet en un mot d'action :
"manger"
tapape
-
plusieurs
tu-
des
a
une
"nourriture")
"eau")
(mata "oeil »)ete.
plus
éten¬
mourir"
(pohe
fonctions
:
_
-
tup ohe
"mort")
"allumer"
tuama
Certains
jouer
le
te
mots
role
turua
-
coté
(ama
faire
"cuire")
terminent
se
d'un
en
etc,.
"coussin,
oreiller"
"canne"
et
parait
qui
-a,
suffixe de dérivation
turutootoo
chelle")
A
"éteindre,
(mais
:
turu
dans
turu
"é-
formation
des
te
ea
.
de
ces
procédés
de
il en est un autre qui consiste à associer
au
mot,
soit par antéposition, soit par post¬
position, d'autres mots, dont le rôle est prati¬
quement le meme que celui d'affixes :
mots,
Société des
Études Océaniennes
318
î
«plein» _ faa î «remplir»
'api «neuf» - fa'a 'api "rendre neuf" etc.
amu
"manger" - amu ra'a "action de manger,
-
-
-
r e
pas »
"s'enivrer"
ta'ero
-
enivrement"
ta'ero
ra'a
"ivresse,
sont intermédiaires entre
composition, celle-ci, très
constructions
Ces
la
-
etc,.
et
dérivation
fréquente,
la
simple Juxtaposition
lieu par
a
:
"se promener»
(ori "marcher çà et
là, haere "aller")
ra'aurapa'au "médicament" (raau "bois, ar¬
et rapa'au
bre"
"soigner" etc,.
orihaere
-
-
ces
composés ne sont eux-mêmes que les
coagulés de constructions par postposi¬
dont il
sera
question plus loin.
Mais
termes
tion
soient ces développements, il
qu'ils constituent l'amorce
d'une
différenciation morphologique selon des
catégories qui ne répondent sans doute pas aux
nôtres, mais qui tendent à opposer, par exemple,
les mots-prédicats
factifs aux inchoatifs, les
frustes
Si
n'est
mots
pas
d'action
traits,
Il
tahitien
que
douteux
concrets
aux
mots
d'action
abs-
etc,.
donc
est
est
faux
prétendre que le mot
indifférencié, morpholo¬
de
totalement
giquement parlant. Un vocable suivi de l'élément
ra'a
ne
peut avoir le même rôle que lorsqu'il
figure isolé. Un mot préfixé dans le genre de
tapape "arroser» ne saurait exprimer qu'un pro¬
cès,
alors que le simple pape désigne une subs¬
tance
("eau") , etc, .
exprimées., il faut,
grand nombre de voca¬
bles
demeurent
indifférents ou plutôt qu'ils
peuvent assumer tour à tour les fonctions de
prédicat, de sujet, de complément. Rien dans la
forme n'indique
le rôle qu'ils vont jouer dans
la phrase.
Ce rôle ne dépend que de deux fac¬
teurs
:
leur signification
intrinsèque, d'une
Ces
réserves
néanmoins,
une
constater
Société des
fois
qu'un
Études Océaniennes
319
part,
d'autre
et,
part,
dont
éléments
les
ils
entourés.
seront
Soit
aussi
le
mot
balayer
:
-
puromu "balai", il signifiera
te puromu nei vau "je balaie".
convient d'observer que tous
langue ne se prêtent pas à
cet usage
indifférencié. Certains mots ne sau¬
faire fonction de mot d'action,
raient
par exem¬
ple le mot fare "maison" n'exprime jamais un
procès.
Pour le lui
faire exprimer, il faut
l'affecter
du préfixe
ta:
ta fare "couvrir"
Toutefois,
les
vocables
(d'un
il
de
la
d'un
toit,
mots
abri).
sauraient
Inversement,
certains
qu'un procès,
tel
papa'i "écrire" etc,. La valeur sémantique
du mot
est
donc
déterminante, en l'absence de
tout critère morphologique.
autres
ne
Déterminant
aussi
phrase, c'est-à-dire
qui la constituent.
exprimer
l'emplacement
dans
la
séquence
dans la
des termes
STRUCTURE
SYNTAXIQUE.- Le mot figure
rarement
plus souvent enrobé dans un conti¬
nu
de plusieurs
termes formant une suite de syl¬
labes volontiers nombreuses,
groupées sous un ou
plusieurs accents de phrase, selon la longueur
et la complexité de 1'énonciation.
isolé.
Il
est
Enoncé
mot
isolément,
tahitien
"va",
at ira
exclamation,
a
la
sur
valeur
un
d'un
"suffit, cesse"
un vocatif.
ton impérieux, le
impératif : haere
ou
bien
c'est
une
Le
reste du
temps, le mot ne figure pas iso¬
mais précédé ou suivi d'un ou plusieurs élé¬
ments, à moins qu'il ne soit encadré d'éléments
qui le précèdent et le suivent. L'expression
tahitienne
est donc
essentiellement syntaxique
et cette syntaxe
est avant tout une "syntaxe de
position. "
lé,
En
regardant
découvre
blés
les
aisément
sont
de
choses de plus près, on
éléments ainsi assem¬
:
des mots
de plein
que
les
sortes
deux
Société des
Études
Océaniennes
320
si l'on peut dire, et des mots auxi¬
ceux-ci étant soit des pronoms person¬
nels
; soit des mots déictiques,
soit encore des
particules rectives ou des rectives artlculatoires.
Mais rien,
dans leur structure morphologi¬
exercice,
liaires,
que,
ne
tion
qui
les différencie,C'est seulement
établit cette distinction.
la fonc¬
des mots est claire :
de termes rassemblés sous un
même
accent principal,
le groupe qui vient en
tete a fonction de prédicat,
celui qui vient en¬
suite a valeur de complément du prédicat.
fonction
La
dans
meme
un
Le
de
l'ordre
groupe
groupe
prédicat
et
complémen¬
le groupe
peuvent être à leur tour constitués par un
assemblage de mots qui sont disposés selon un
ordre rigoureux
: les élément,s déictiques précèdent, alors que^ les éléments qualificatifs suitaire
ven
t
:
femme"
(ho'e
"un", vahine "femme", ruau "vieille"
Te
ta'ata ruau "le vieil homme"
(te
"le",
Ho'e
-
-
vahine
ta'ata
Il
tif
» homme "
résulte
en
postposé
est
ruau
)
"une
vieille
.
que
tout
spécifiant qualifica¬
:
"clair de lune" (po "soir, nuit,"
"lune11)
puromu niho "brosse à dents"
(puromu "ba¬
lai, brosse" et niho "dents").
p8
_
avae
a va e
-
syntagmes qualificatifs prennent
grande complexité, surtout dans la
Ces
une
savante
:
huero
-
"oeuf",
re",
La
moa
fa rai pani "omelette" (huero
"gallinacé", farai "faire fri¬
"poêle").
moo
pani
du sexe, quand elle est jugée né¬
fait partie des qualifications post¬
en l'absence de tout genre grammatical
:
marque
cessaire,
posées,
parfois
langue
Société des
Études
Océaniennes
321
-
inoa
-
noa
-
noa
Par
mesure
"gallinacé"
oni
"coq"
(gallinacé male)
ufa "p-oule" (gallinacé femellè),
l'indication du pluriel, dans la
est jugée utile,
ressortit aux
déictiques et figure devant le
contre,
elle
0(1
déterminations
mot
etc,.
:
-
_
te
po t i i
te
m au
Il
dispose
"la jeune fille"
potii "les "jeunes filles",
etc,.
importe peu ici de savoir que le tahitien
de toute une gamme de mots pour distin¬
général
du pluriel restreint, ou
qu'il faut retenir, c'est que
la détermination du nombre,
quelle qu'elle soit,
l'un
est
des
termes
qui précèdent le mot,
à
l'égal de toute autre détermination déictique.
Néanmoins,
dans le cas ou plusieurs détermina¬
tions
de
ce
genre
affectent le mot,
le terme
marquant le nombre est immédiatement antéposé.
le pluriel
guer
du
collectif,
On
a
le
ce
schéma
:
Démonstratif
_
marque
marque
-
numérale
-
d'appartenance
nom.
En
effet, l'appartenance est également indi¬
quée par un ensemble de deux termes associés ou
jumelés, dont on fait suivre le mot indiquant le
possédé.:
to'u
_
to
_
to
_
fare
maison"
"notre maison"
"leur maison" etc,.
»ma
matou
fare
ratou fare
Le
par
to
possessif est exprimé, comme on le voit,
l'association d'une particule d'appartenance
(et aussi ta) et du pronom personnel :
-
Ua
oru
to'na
enflée"
elle,"
L'un
du
des
tahitien
tapoi
mata
(to'na"sa"
tapoi
"couvercle"
menus
problèmes
consiste
Société des
à
que
savoir
Études
"sa paupière est
to + ona "il,
mata "oeil").
pour
pose
dans
la
quels
Océaniennes
syntaxe
cas il
322
employer pour la pos ses s 1va11 on (sic 1 )
particule to ou la particule ta. Selon les
différents auteurs qui se sont prononcés sur cet
usage,
la particule to serait utilisée quand on
veut désigner un objet ou un etre intimement lié
à la personne.
On distinguerait ainsi :
faut
la
ta
_
puromu "ton balai"
puromu ni ho "ta brosse
dit cependant ta oe aua
on
oe
to
-
oe
mais
à dents",
"ton bol",
prétendre que l'usage d'une
plus "personnel" que celui
d'un
bol.
Il faudra attendre des investigations
plus détaillées pour apprécier pleinement l'op¬
position to/ta dans ces emplois.
qu'on
sans
brosse
à
puisse
soit
dents
soit, il y a donc une réparti¬
des termes qui précisent la va¬
leur d'un mot.
L'emplacement devant le mot est
réservé
aux
déterminants à valeur déictique,
Quoiqu'il
tion
en
nette
très
possessive, etc,, alors que l'emplace¬
le mot est attribué aux qualifiants,
diverses
leurs acceptions
que puissent etre
plurale,
ment
si
après
séman tiques.
flanqué de ses déterminants a
prédicat s'il vient en tête de la
phrase. La dépendance subjectale vient ensuite,
suivie à son
tour des compléments du prédicat.
Parmi
ces
derniers,
il faut compter les parti¬
cules
qui expriment soit une notion de mouve¬
ment, soit toute autre notion accompagnant l'ac¬
complissement ou le déroulement de l'action.
Le
ainsi
mot
de
fonction
N'importe
nahana
-
na
"il,
ona
teie
ma'ita'i
"il
dort"
commencer
"il fait beau" (ruaha"bon" teie "ceci")
(ta'oto "dormir", ona
elle")
to
ratou
née"
-
-
la phrase:
matahiapo "elle est leur aî¬
(ona "il, elle", to "à", ratou "eux,
elles", niatahiapo "aîné, aînée)
teie
ta
oe
raau
"voici
ton médicament"
teie
"ceci",
ta "à", oe "tu, toi", raau
"médicament")
ona
-
mot peut
ma'ita'i
"jour",
ta'oto
-
quel
Société des
Études
Océaniennes
323
nehenehe
Mea
-
hitienne
te
est
"jolie",te
" ) .
tahiti
reo
jolie"
langue
ta-
"tahitien-
tahiti
"langue",
reo
"la
"chose" nehenehe
(mea
n e
le choix qui est fait de l'élément qui
phrase, tel ou tel terme de l'énonciation est mis en évidence,
l'emphase portant pré¬
cisément sur l'élément qui vient en premier lieu
Selon
la
entame
marqué
qui se trouve
caractéristique :
et
teie
Hi me ne
-
de
ma
"chant",
"ma", ai 'a
rahi i tua
Miti
ta'u
(miti
large")
ge"
accent
ai 'a
c'est un
patrie,
(himene
ta'u
-
no
d'un
de
"voici
chant
chant
un
de ma patrie"
"ceci",
teie
groupe
"de",
no
"patrie")
"il
y
a
rahi
"mer",
grosse
mer
"grand",
i
au
tua
lar¬
"au
teie taupo'o "c'est à moi ce chapeau"
"de, à" w pour au "je, moi", teie "ce
...ci"
taupo'o "chapeau")
To oe
tera 'piriaro "C'est, voici ta chemi¬
se
(to "à", oe "tu, toi", tera "cette....
là"> piriaro "chemise").
Ho'u
-
(no
-
éléments
qui interviennent dans
prédicatives , il en est cer¬
tains qui jouent le role dévolu dans nos
langues
à
tel ou tel morphème signalant une nuance de
perfectivation, de modalité ou toute autre no¬
tion
susceptible de préciser le sens du prédi¬
cat.
Ainsi, la particule a, antéposée au motprédicat, le désigne comme un impératif :
les
Parmi
constructions
ces
-
la
te
mori
"allume
"allumer",
mori
"lumière").
tuama
A
lumière
(tuama
La particule ua,
placée également devant le
mot-prédicat, lui confère une sorte d'aspect
perfectif :
-
Ha
o
-
ia
Ha
oaoa
oia
"il
est
gai"
(oaoa
"il, elle»)
para ri ta'na
Ha
po
et
aua "son bol s'est brisé"
"briser", aua "bol")
"il fait nuit" (p6 "nuit"), etc,.
(parari
-
"gai")
Société des
Études
Océaniennes
324
l'élément
Si
il
lui
h
Te i
-
ta
s'ajouter à ce
d'un passé récent :
te
ea
?
put a
livre ?»
le
0 U est
»
groupe,
(pu-
"livre")
Ua
-
vient
a
le sens
prête
"il
ravea
pris".
d'être
vient
à la place d'à,
c'est la particule hia
figure, elle implique une sorte de passé
plus éloigné :
Si,
qui
Ha
-
ehia
rav
"il
été
a
(depuis
pris
déjà
temps)."
quelque
lorsque le mot-prédicat est pré¬
e,
celui-ci indique une pré¬
ou
une
sence
anticipation, selon le sens du ter¬
me
utilisé comme prédicat :
Par
cédé
contre,
l'élément
de
E
-
-
ta'ata
voici
ho
(tu'o
appel»
"appel"
"C'est
tera
maru
homme
un
un
homme
(ta 'a ta*
doux»
doux,
"homme",
"doux")
■maru
E
-
un
"cela")
era
E
"C'est
tera
tu'o
t
ro
rir",
?
oe
"Tu
vas
?"
courir
(ho r o
"cou¬
"tu»)
parau vau ia'na "Je lui parlerai» (parau
"parler, ia'na "à lui, à elle»,) etc,...
oe
E
-
te,
qui joue le rOle
suivi du mot nei "ici
présent", le mot-prédicat indique un procès en
cours
au moment
ou s'exprime l'élocuteur
:
Précédé
d'une
sorte
Te
-
parau
suis
ler",
Ces
paraître
groupe
de
l'élément
d'article,
en
nei
train
vau
et
ia
vau
de
"je",
te
ia,
te parle, Je
( parau "par¬
toi").
"Je
oe
parler»
oe
"à
quelques exemples suffisent à faire ap¬
le mécanisme de ces constructions. Le
prédicatif placé
en
tête
de
la phrase
grossir de toutes sortes d'éléments qui
marquent des nuances souvent très subtiles, sur¬
tout quand il
s'agit de suggérer des mouvements
ou
des gestes qui,
dans la pensée du sujet, ac¬
compagnent l'action :
peut
se
Société des
Études Océaniennes
325
Ua
i t
mai
e
"voir",
ona
o n a
"il,
"Il
ia 'u
elle"
m'a
ia'u
"à
vu"
(tie
moi".)
La particule mai
indique un mouvement d'ap¬
proche vers la personne de celui qui parle. La
particule atu exprime, au contraire, l'éloignemen
t
:
horoa
Ua
-
né»
Ces
que
1 '
:
gl
a
i
s
les
ho'omai
-
atu
ia'na
"donner"
"Il
ia'na
(le) lui a don¬
lui, à elle")
"à
particules
services
an
hia
(horoa
rendent parfois les
préverbes de langues
"acheter"
-
ho'o
atu
"vendre"
mêmes
comme
etc.
Particules
perfectives ou imperfectives,
d ' é1oignement ou d'approche, parti¬
cules
de
renforcement, d'intensification ou
d'atténuation et de
réduction, tout cet appareil
particules
de
mots
auxiliaires
permet au sujet parlant de
grande précision les différents
de son énonciation, sans que celle-ci
toutefois dans le cadre des catégories
définir
avec
aspects
rentre,
verbales
dans
une
que
nous
sommes
accoutumés
à
utiliser
langues occidentales, et l'erreur com¬
mise par les auteurs de grammaires a précisément
consisté dans l'effort qu'ils ont fait pour ran¬
ger les constructions
tahitiennes sous des ru¬
briques inspirées de la grammaire latine. Jus¬
qu'à établir des paradigmes de conjugaison et
aussi, naturellement, de déclinaison, comme si
les déterminations modales,
temporelles ou canos
suelles
faire
Le
tanciel
avaient
la
moindre
:
prédicatif est suivi de
sujet, objet ou déterminant
à
ses
com¬
circons¬
sont
à
distinguer : le complément
juxtaposé (dépendance subjectale)
introduit par une particule déictique:
cas
simplement
il
chose
polynésienne.
.
Deux
ou
latin
l'expression
groupe
pléments
est
du
avec
est
Société des
Études
Océaniennes
326
o ' na
a h u
"Sa robe est (s'est)
(fori "mouillée" to'na "sa, son,
ses",
ahu "robe")
U a amu matou i
te i'a "Nous avons mangé le
poisson" (amu "manger", matou "nous", i'a
"poisson") .
rari
u a
-
t
mouillée"
-
complément qui correspond à ce que nous
l'objet est généralement introduit par
la particule
rective t, qui signifie, par ail¬
leurs,
l'équivalent de notre "dans, en, à " j
c'est-à-dire que c'est une sorte de préposition
d'acceptation locale :
Le
dénommons
te poipoi "Je vais
ha e r e "aller", va u
"je", mat e t e "marché", po i poi "matin"
0 a
ite vau i
tera ta'ata "J'ai vu cet hom¬
me
(ite "voir", vau "je", tera "ce" taata
"homme" ) ,
etc,.
H
-
-
i
vau
aere
te
marché
au
C'est
le
t
ma
e
t
i
e
matin")
seulement
quelques
dans
d'emploi
cas
l'impératif que l'objet semble se construi¬
parfois directement avec le prédicat, mais
cas
ont été contestés par les sujets
inter¬
avec
re
ces
qui se sont retractés et ont prétendu que
s'effacerait dans le débit rapide,
considéré
rogés
l'i
comme
négligé,
noncer
-
s'agirait
qu'il
et
Nous
d'élision.
néanmoins,
avons,
d'un
fait
entendu
pro¬
là
:
Horoa'tu
te
i'a
na
te
chien"
(horoa
cule d'éloignement",
pour", uri
"chien"),
son
au
uri
"Donne
le
pois¬
"donner", a tu "parti¬
i'a "poisson", na "à>
n'était précédé que du seul te
sorte d'article, mais les in¬
formateurs présents
(ils étaient quatre) mis au
fait
de
ce
qu'ils venaient de dire, ont repris
leur
énonciation et l'ont rectifiée en :
ou
en
le
-
ou
i'a
mot
fonction
l'i
teurs
d'une
i
Horoa'tu
rectif
(parmi
a
te
i'a
na
réapparu.
lesquels MM.
Société des
Études
te
uri,
Pourtant,
les
observa¬
Maurice LEENHÂRDT et
Océaniennes
327
HAUDRICOURT)
vaient
ténué
été
avaient
unanimes
entendu prononcer
très réduit.
pas
ou
Les
0
-
ho
a
très
complémentaires
prépositions,
de manière :
des
avec
compléments
certains
ils n'a¬
relations
autres
construites
toutes
:
même
d'i,
at¬
sont
sauf
pûai oia "Il court fort"
,oro
pûai "fort" oia "il, elle").
ro
"courir",
montre bien que les catégories
superposent pas aux nôtres,
c'est
que le
complément dit d'objet, construit
i
avec
quand il s'agit d'un complément repré¬
senté par un mot désignant un objet,
une subs¬
tance ou une personne,
est introduit par la par¬
ticule ta,
quand il s'agit d'un pronom ou d'un
Mais
qui
ce
tahitiennes
mot
ne
d'action
:
ite
Te
-
nei
Me a
de
"chose",
to '
au",
e
"e
Dans
"boire"
doit
et
vient
le
au
t
o
"Tu
les
vois"
(ite
conçu
déterminer
saurait
par
comme
le
il y a lieu d'ob¬
mot d'action inu
simple juxtaposition
exemple,
complément
construit
être
ou
elles")
te
pape
t o 'e t o 'e "Il est
boire de l'eau froide" (m e a
"agréable" inu "boire" pape
' e "froid").
dernier
ce
que
est
rat
"ils,
inu
ia
au
agréable
server
ia
oe
ratou
"voir",
-
se
mot
du
une
qualification
qui
d'action.
question de présenter ici
l'emploi de ces parti¬
cules
rectives, qui jouent un rôle capital dans
la
syntaxe tahitienne. Outre qu'une semblable
étude dépasserait largement le cadre du présent
exposé, elle serait prématurée, étant donné que
les recherches
sont en cours
et que
leur carac¬
tère estdes plus délicats.
Il
ne
théorie
la
des
de
A
ces
rectives,
particules
il faut
particules de liaison. Ce sont elles
surent
l'agencement
construction
élément
e
être
détaillée
de
de
la
des phrases et
phrase complexe.
liaison
est
fourni
par
servent à la
Le principal
la particule
:
Société des
Études
ajouter
qui as¬
Océaniennes
328
i
haere
A
-
"Va
au
te matete
marché et
"aller",
(haere
a
e
ho'o mai i te hcnu
de la tortue"
achète
mat ete "marché",
ho'o mai
"tortue")
I
e
to'u
haere mai on a "Je crois
qu'il viendra" (nana ' o "croire, penser"
haere mai
"venir ici" ona "il, elle").
honu
nana 'o
"acheter",
-
dernière
Cette
ma
pensée
:
phrase
s'analyse en
:
"dans
viendra ici".
il
d'élucider si la langue pos¬
possède pas d'indice de subordina¬
Les observations instituées à cet égard
tion.
n'ont pas
été concluantes. Il a bien semblé que
les propositions
émises successivement étaient
séparées par des syncopes, au lieu d'être liées
continuité du débit de la voix, comme il
par la
arrive dans
les langues européennes, ob le méca¬
la subordination a été réduit à un seul
nisme de
effet de prononciation
(type de l'anglais I ho¬
pe,
he will cone,
Allemand :ich hoff, er wird
k o mm e n
Hongrois : r en e. I en , el fog j 6 nni "id"
etc). C'est ce qui arrive dans un cas comme ce¬
malaisé
est
Il
sède
ne
ou
,
lui-ci
:
ite anei oe,
S vai tei ha'aparari ta'na
hapaina "Sais-tu qui a cassé son verre ?
(ite "savoir", anei - particule interroga¬
tive, 8 vai
"qui", ha'aparari "casser",
ta'na
"son", hapaina "verre").
Ua
-
Une syncope
très nette a été perçue entre la
première proposition (ua ite anei oe "sais-tu ?)
et l'interrogation exprimée par
la seconde pro¬
position et qui ne se distingue pas de l'inter¬
rogation directe.
De
-
même,
Ua
hi
anu
la
matou
"Nous
attrapé
relative
i
avons
(péché)
Société des
n'existe pas.
On a :
i'a o ta oe i hi i
mangé le poisson que
te
hier."
Études
Océaniennes
nanatu as
329
Cette
dernière
suivante
mangé
:
le
ua
phrase
s'articule
i
matou
a nu
poisson"
te
i 'a
de
la
façon
"nous
avons
"de" + ta oe "à toi, ton"
d'attraper" + i nanahi
"hier".
Il
s'agit donc d'une séquence de complé¬
ments
introduits par les particules
rectives ap¬
propriées (o, i). Nous avons déjà vu quel rflle
jouait la particule i, quant à l'élément o, il
sert à
indiquer la provenance :
+
i
hi
"dans
Te
util
"bec,
+
o
l'action
"le
in a nu
bouche,"
bec
manu
de
l'oiseau"
(u t
u
"oiseau").
est
Il
cependant des cas ou le procédé d'in¬
de
la proposition dépendante parait
notre mécanisme de la subordination :
troduction
rappeler
On
donc
tenté
de
présumer que la
phrase complexe ne consiste en tahitien qu'en
séquences de propositions coordonnées ou simple¬
ment juxtaposées,
mais cette appréciation doit
etre
serait
réservée
attendant
en
cherches
ultérieures.
rieuses,
du
fait
Ces
le
résultat
recherches
de
sont
re¬
labo¬
s'agit de surprendre 1'ésujets observés et l'é¬
coute à l'oreille comporte de grandes
incertitu¬
des.
Dès qu'il sera possible de procéder à des
enregistrements,
les conditions de débit et
locution
d'accentuation
sûre
té
pourront
d'autres
signaler
aspects
mais
des
être
notées
avec
plus
de
.
Bien
à
qu'il
naturelle
pour
essentiels
ces
fieraient
traits
compléter
de
observations
pas
l'image
déjà observés
cette
rapide
seraient
des
tahitien,
revue
la structure du
supplémentaires ne. modi¬
déjà tracée de cette lan¬
gue.
Si nous voulons,
pour
conclure, en définir
caractère, nous dirons que le tahitien est
une
langue de phonétisme simple qui, pour les
besoins
de
son
expression, recourt à des procé¬
dés autres que ceux de la différenciation phoni¬
que.
Bien que les sons soient peu nombreux, les
mots
ne
présentent guère plus de syllabes que
dans des idiomes du type du
français ou de 1■anle
Société des
Études
Océaniennes
330
Les monosyllabes sont passablement, nom¬
ce qui
entraine des homophonies dont la
langue ne souffre d'ailleurs nullement, car le
mot en tant qu'unité de vocabulaire figure rare¬
Les mots auxiliaires et quelques af¬
ment seul.
fixes
suffisent à préciser la fonction et, par¬
tant, le sens exact de chaque terme de l'élocution.
L'image sonore n'est pas à elle seule
porteuse du signifié. Elle n'exprime quelque
chose
que
lorsqu'elle est associée à d'autres
images sonores. On peut donc dire que le mot, en
tant que
réalisation phonétique, a perdu presque
autonomie. Les rapports s yntagmatiques
toute
qu'il entretient avec les autres mots, notamment
avec
les mots auxiliaires
(si l'on préfère les
mots
"vides" du chinois),font partie de sa défi¬
temps détermi¬
nition fonctionnelle et en même
nent
son
acceptation sémantique. Le phonétisme
du mot
isolé est donc seulement l'un des
fac¬
teurs
qui interviennent dans sa définition.
C'est là. un état de
chose qui n'est pas propre
aux
langues polynésiennes, puisque nous retrou¬
glais.
breux,
des
vons
le
faits
identiques
dans
une
langue
comme
français.
le
français du tahitien, c'est que ce dernier se
sert d'un nombre plus
réduit d'éléments auxi¬
liaires, que ceux-ci soient fournis par des mots
vides ou
par des
affixes. Nous avons vu que la
morphologie se réduit à peu de chose. Quant à la
syntaxe de position, sans être plus rigide qu'en
français, elle dépend du fonctionnement d'un
nombre
assez
réduit de particules auxquelles
s'ajoutent les pronoms. Il en résulte que les
particules ont des fonctions multiples. Ainsi,
la particule
te sert à introduire les mots de
substance
et d'objet en jouant
alors le rôle
La
d'une
-
différence
d'article
sorte
Te
vai
"Dans
a"
y
tutu
nei
la
distingue
qui
te
contre
:
hina'a
i
roto
il
y
a
cuisine,
hina'a "four",
"cuisine").
Société des
par
Études
roto
un
i te fare tutu
four" (vai "il
"intérieur", fare
Océaniennes
331
deux
Les
mots
qui désignent ici des choses
et fare tutu "cuisine") sont pré¬
cédés de
l'élément te, mais ce dernier précède
également le prédicat vai (qui est suivi, à son
tour, de la particule de présence net)• Le mot
(hima'a
"four"
te
apparaît
nous
Il
rentes.
$
_
en
vai
donc
assure
te
deux
dans
une
papai
i
fonctions
troisième
teie
dans
mahana
"Qui
?
aujourd'hui?" (ô vai "qui ?", papai
re", teie "ce", mahana "jour").
Rappelons-nous,
le
fait
de
pronom
de
la
à
fois
toutefois,
fonction
ohjet et que
dégage.r sa fonction.
La
toute
que
position
sa
le
d'article
diffé¬
:
écrit
"écri¬
français
défini
seule
et
permet
distinction
desparties du discours est
ou,
plus rarement, séman¬
dépend pas de la forme du mot.
fonctionnelle
tique.
Elle
Avec
ne
des
éléments
phoniques peu nombreux et
de mots-outils, le tahitien
réalise donc une expression
économique de
la pensée,
d'une pensée qui reflète des catégo¬
un
très
ries
petit
appareil
différentes
hiérarchie
dalités
des
des
temps,
nôtres.
il
(conditionnel,
ne
Il
ignore notre
connaît pas nos mo¬
irréel,
etc,)
il
n'estime
utile de marquer constamment le nombre, de
spécifier s'il s'agit du tout ou de la partie,
de quelque chose d'indéfini
ou
de défini.
Il ne
signale la dépendance subjectale ou l'agent que
lorsque c'est indispensable.Par contre,
il exige
une
grande précision dans l'expression des mou¬
vements, il tient à nuancer l'élocution de ter¬
mes
qui la présentent sous une forme atténuée ou
courtoise.
Il
ne
risque d'être obscur que lors¬
qu'on le force à rendre coûte que coflte les ca¬
tégories de l'anglais ou du français. A cet
égard, certains textes
décalqués d'originaux
européens paraissent lourds et ambigus.
pas
Le
seul
inconvénient du système mis debout
le tahitien, c'est son encombrement. Il fait
appel à un nombre considérable de syllabes suc¬
cessives, alors que nos langues s'expriment avec
par
Société des
Études
Océaniennes
332
plus réduit de syllabes. L'expression
(et plus généralement polynésienne)
donc plus
esc
longue dans la durée. Toutefois,
cet inconvénient est,
dans l'usage vivant, rela¬
tivement atténué par
l'emploi de procédés d'éco¬
nomie.Les
relations
considérées comme superflues
ne
sont pas
énoncées.E11es demeurent implicites.
A une
question, le sujet répondra, par exemple :
nombre
un
taliitienne
Te
-
amu
l'heure)
ra
"Il
(-
mange"
le
manger
tout
à
.
La dépendance
subjectale n'est pas explici¬
tée, puisque l'on sait de quel sujet il s'agit.
La dépendance
objectale n'est davantage indi¬
quée, dès qu'elle est connue :
Ha
*
-
fea.papa.i
Mai
tera
"Comment
?
"Comme
ceci"
(-
(1 ' ) écrire ?"
Par ici, ceci).
Or
le
tahitien
est
demeuré
longtemps une
exclusivement orale. Cette langue n'est
écrite
depuis l'arrivée des missionnaires
que
anglais, depuis à peine un peu plus d'un siècle.
L'encombrement du nombre
excessif des
syllabes
ne
pouvait donc être sérieusement ressenti comme
un
obstacle
à
la facilité de l'expression. Par
contre,la réduction au strict minimum des moyens
phoniques ne pouvait apparaître dans une langue
orale que
comme
allégement. L'effort d'économie
a
porté sur cet aspect de la structure et le ré¬
sultat
constaté
actuellement n'est que
l'abou¬
tissement d'une longue
culture de la langue par
des
hommes
de
civilisation
développée qui ont
cherché
à
s'exprimer aussi clairement et préci¬
sément
que
possible, en réduisant autant que
possible,
la dépense d'effort nécessaire à cette
langue
fin
.
Cette
mais
il
aspiration
est
tats
auxquels elle
particulièrement en
véhiculaire
est
intéressant
de
tout
Société des
universelle,
de
constater
sans
doute,
les
résul¬
abouti en polynésien, plus
tahitien, qui est la langue
un
espace de
l'Océanie.
a
Études
Océaniennes
^Reqands sun le passé de la ^Polynésie
Les
Européens qui les premiers explorèrent
Polynésie, navigateurs eux-memes, furent tout
naturellement
frappés par le fait que les Poly¬
nésiens avaient gagné
toutes les ties sans aucun
des instruments "modernes"
de navigation et sur
des esquifs
infiniment plus frêles et plus rudila
mentaires
que les navires des Européens
de cette
Une curiosité toute naturelle les poussa
à questionner
les Polynésiens sur leur passé
:
d'où venaient-ils ? Depuis combien de
temps
étaient-ils arrivés ? D'oU provenaient leurs co¬
époque.
chons
et
tions.
leurs
Ils
étaient
en
questions
chiens
?
Et
découvrirent
de
mesure
et
de
que
orale
mille
autres
les
que
répondre
ques¬
Polynésiens
toutes
à
leurs
ils
plus
possédaient une
littérature
importante, aussi bien sacrée
que profane.
L'histoire de leur peuple,
de leurs
hauts
dignitaires faisait partie de leur trésor
folklorique aussi bien que l'histoire de la
création
nésien.
du
portance
arbre
les
monde
des
dieux
du
panthéon
poly¬
l'im¬
généalogique
et par
d'après le
événements
écoulées,
cis.
et
Européens furent frappés par
qu'accordaient les Polynésiens
Les
selon
leur
manière
nombre
de
leur
à
de
dater
générations
système
un
apparamment fort pré¬
prêtres et les anciens des
De
plus, les
ethniques qui conservaient cette vaste
de
connaissance, uniquement de mémoire,
groupes
somme
étaient
formés
profession
tout
sacrée
frappaient parfois
des
ci
prières
les
et
des
funestes
qu'entraînait
un
Note de la Rédaction.
;
spécialement
les sévères
les
récitants
légendes
et
à
des
mal
prononcé
qui
généalogies
rappelaient
surnaturelles
nom
leur
exercer
sanctions
à
ceux-
conséquences
ou
(horreur !)
M.
Suggs, l'auteur bien connu des civilisations poly¬
reproduire un extrait de son œuvre dans laquelle
il définit les bases de la recherche en histoire culturelle
polynésienne.
nésiennes
nous a
-
autorisé à
Société des
Études
Océaniennes
334
dieux
pas se soumettre aux traditions était
impensable, car le sort réservé par les
à ceux
qui s'y déroberaient avait de quoi
faire
frémir.
Ne
omis.
chose
Européens furent vivement frappés par
des Polynésiens
telle qu'ils la leur
racontèrent ;
et à partir de l'expédition du ca¬
pitaine Cook, et pendant une longue période, de
nombreux Européens
crurent fermement que les lé¬
gendes que leur contaient si volontiers les ai¬
mables Polynésiens étaient vérité d'Ecritures et
renfermaient tout ce
qu'il convenait de savoir
sur
la Polynésie.
Impossible, à cette époque, de
se
livrer à des fouilles archéologiques,
car les
Polynésiens considéraient comme un sacrilège de
défier
le
tapu qui protégeait leurs anciens
sanctuaires
ou
de
troubler
le
repos des morts
enterrés aux alentours de leurs villages,
encou¬
Les
l'histoire
ainsi
rant
fouiller
leur
le
sol
lynésiens,
tionner
?
n'avait
au
du
plus
de
butin
fouilles
aux
XlXè
la
alors
De
rien
riche
colère.
à
Et
d'ailleurs
recherche
du
passé
pourquoi
des Po¬
qu'il suffisait de les ques¬
l'art populaire polynésien
spécialement
découvert
attirant,
Proche
au
archéologiques
comparé
Orient
effectuées
au
grace
cours
siècle.
Pour
des
raisons
plus ou moins justifiées,
préhistoire polynésienne fut pres¬
que
entièrement basée sur des légendes et à la
fin du XlXè siècle et au début du
XXè siècle pa¬
rurent un
très grand nombre d'ouvrages décrivant
l'étude
dans
de
la
ensemble
son
l'histoire
du peuple
polyné¬
missionnaire en Hawaii,
inclinait à croire que les
Polynésiens étaient
venus
d'Asie.
Abraham
Fornander qui avait fait
office de
juge aux ties Hawaii croyait avoir
sien.
William
établi
la
Ellis,
concluante que les Polynésiens
peuple cushite d'origine aryenne qui
avait pour
berceau le nord-ouest de l'Inde et
la Perse
et qui
avait ensuite émigré dans l'ar¬
chipel indonésien, déjà peuplé par des Papous.
étaient
Fornander,
rative,
preuve
un
se
édifia
servant
sa
de
théorie
Société des
la
méthodologie compa¬
les
témoignages de
sur
Études
Océaniennes
335
dii'férents
groupes d'insulaires et sur les simi¬
qu'offraient les langues polynésiennes
sémitiques.
litudes
et
C.
Percy
Néo-Zé1 andais,était quant
l'origine qu'attribuait
Fornander aux Polynésiens était dans l'ensemble
exacte, mais il développa les théories de ce sa¬
et
vant
insista sur la parenté
des Polynésiens
avec
les Indonésiens et
les Malais.
Il croyait,
lui, que le berceau des Polynésiens se situait
en
Asie, dans le pays de Atia te varinga nui ou
en
450
av.
J.-C., un impressionnant temple pa¬
lais
de pierre avait
été érigé et ou régnait le
roi
Tu
te
rang! marama... Des dissensions provo¬
quèrent (en l'an 65 av. J.-C.)
une•migration
vers
Java, connue alors sous le nom de Avaiki,
ou les Polynésiens se
fixèrent pendant trois ou
quatre siècles ; ils en furent chassés par les
à
lui
Smith,
convaincu
envahisseurs
un
que
indonésiens
et
s'enfuirent
vers
la
Mélanésie, peuplant la Polynésie au cours de
trois migrations.
La thèse de E. Tregear, NéoZélandais lui
aussi, se rapproche de celle de
son
compatriote Percy Smith.
Au
cours
des
années 1920 et 1930,
l'ethnolo¬
américain E.S.C. Handy, chargé de recherches
par
le Bernice Bishop Museum d'Honolulu,
re¬
cueillit un grand nombre de
légendes étayées par
gue
la
culture
matérielle, d'où il conclut qu'il
avoir eu en Polynésie deux migrations
distinctes possédant chacune ses pratiques
reli¬
gieuses propres, son organisation sociale et s.es
caractères technologiques. Se basant sur des si¬
militudes entre les noms d'une
peuplade rive¬
raine chinoise et des
principaux dieux polyné¬
siens, il émit l'hypothèse que la seconde de ces
migrations était partie de Chine.
devait
y
Mais
déjà
certaines tendances se faisaient
l'étude de la préhistoire polynésien¬
ne.
Plutôt que
de s'appuyer aveuglément sur la
tradition, bien des chercheurs se mirent à faire
porter leurs efforts sur l'étude de la réparti¬
Jour
dans
tion
des
divers
outils
Société des
et
Études
techniques
Océaniennes
en
Polyné-
336
sie,
tandis
de premiers
les
que
travaux
innombrables
la
archéologues
en
monuments
entreprenaient
surface et étudiaient les
de
pierre qui parsèment
Polynésie.
Nous
interrompons ici ce survol historique
faire une digression et étudier la validité
légendes qui jouèrent un si grand role dans
les premières
études de la préhistoire polyné¬
sienne.
Le
lecteur a dn éprouver certains doutes
quant aux affirmations de MM. Fornander, Smith
et Tregear et
aimerait peut-Ctre qu'on l'éclairé
sur
la plausibilité de certaines de ces
affirma¬
tions, d'autant plus que, ainsi que nous le ver¬
rons
plus tard, certains archéologues néo-zélan¬
dais
accordent encore aujourd'hui une grande foi
à ces
légendes, non seulement pour reconstituer
l'histoire, mais pour classer dans le temps les
pour
des
périodes
archéologiques.
Vérité
"La
légendes" ainsi qu'inti¬
chapitre un magazine à sensation,
c'est qu'elles tiennent à la fois d'une
tendance
très généralisée à exagérer et à s'en laisser
conter, de l'humour des Polynésiens et des mésa¬
ventures
de
nombreux
ethnologues.
Il serait
absurde, je tiens à le souligner, de dénier tou¬
te valeur à ces légendes.
Elles ont leur utilité
bien
définie mais,
comme
base d'une théorie,
elles
se
révèlent insuffisantes. Il est indis¬
pensable d'opérer des contrôles à l'aide d'au¬
tulerait
tres
données
vais
donner
Tout
données
sur
ces
ce
afin
des
d'abord
furent
des
individus
ses
des
d'éviter
les
erreurs
dont
je
exemples.
examinons
recueillies.
appartenant
la
manière
Bien
aux
dont
entendu,
plus hautes
ces
seuls
clas¬
sociétés
polynésiennes et ayant reçu une
formation spéciale étaient qualifiés pour donner
ce
genre d'informations
aux
Européens. Mais ceux
qui recueillaient ces légendes ne s'embarras¬
saient pas de
tels scrupules et ils obtenaient
leurs
matériaux
d'élèves
de missions, ou de qui¬
coopérer, plutôt que de
s'adresser aux rares indigènes qualifiés.
Manque
de discrimination d'autant
plus dangereux qu'il
conque
se
disposait
Société des
à
Études
Océaniennes
337
existe
toujours deux versions des légendes et
polynésiens les plus importants de la
plupart des communautés : une version simplifiée
des
et
chants
diluée
sion
l'intention
à
ésotérique
seuls
des
laïques
renfermant
la
et
une
"vérité»
ver¬
et
que
les
prêtres connaissaient et qui, chargés
d'un pouvoir
surnaturel, pouvait entraîner des
conséquences redoutables pour ceux qui les ci¬
taient
imprudemment.
Les
exemples
qui
suivent
illustrent
ré¬
les
sultats
tragi-comiques d'une telle manière de
qui implique une foi aveugle dans n'impor¬
faire
te
quelle source et qui, autrefois très répandue
pratique encore sur une grande échelle. For.
nander, dans l'impossibilité de se rendre luimême dans
tous les archipels de
Polynésie pour y
recueillir
des matériaux,
écrivit aux Européens
se
habitant
réunir
différentes
ties
leur
^n
demandant
de
lui de la documentation. Un de ses
correspondants se trouvait être un Anglais quasi
indigent qui habitait à Tahauku, sur l'Ile de
Iliva-Oa, dans l'archipel des Marquises. Parmi
les
pour
matériaux
trouvait
que
Fornander obtint ainsi
se
texte
captivant intitulé le Vanana'o
un
Tana'oa
"le
Chant de Tana'Oa"
(dieu de la mer
Ce texte n'était rien moins qu'une
m
arquisienne, prétendue authentique du
ou
polynésien).
version
déluge,
Tana'oa
suivait
fidèlement
la
Fornander
qui
enchanta
tre
les
jouant
rôle
le
version
de
Noé.
Le
biblique,
cherchait
un
récit
ce
qui
rapport
en¬
peuples
bibliques et les Polynésiens.
Bien que nombre de
Marquisiens se trouvassent à
cette
époque en Hawaii, il omit de soumettre ce
texte
à l'un d'eux.
Erreur
fatale, car ce récit
est écrit
dans un
abominable petit nègre de ma¬
rin et
le style
et l'idiome employés sont visi¬
blement d'origine européenne
;
il ne fait aucun
doute
que
l'excellent juge fut "mené en bateau"
par
correspondant
son
blement
Un
en
était
autre
facteur
dont
recueillaient
ceux
qui
cédé
employé
blâmer
de Hiva-Oa qui
lui-même l'auteur.
étant
pour
les
donné
Société des
ne
des
tinrent
légendes
recueillir.
On
qu'aujourd'hui
Études
très
pas
fut
ne
proba¬
compte
le
peut
encore
Océaniennes
pro¬
les
nos
338
anthropologues amènent inconsciemment, par leurs
questions mêmes, leurs informateurs Indigènes à
leur
faire raconter ce qu'ils désirent entendre.
Bien
souvent l'indigène interrogé répondra n'im¬
quoi
porte
retourner
attirants.
débarrasser d'un
se
pour
à
geneur
et
travaux ou à des plaisirs plus
Néo-Zélandais éprouvèrent les in¬
des
Les
de questions trop clairement posées
cherchèrent à savoir s'il existait
encore
des moa,
oiseau proche de l'autruche
lorsque les Polynésiens occupaient seuls la Nou¬
velle-Zélande. Lorsque les Anglais occupèrent la
Nouvelle-Zélande, il n'était pas question des
moa,
et pendant un certain temps, on douta meme
de leur existence.
Mais, un beau jour, des natu¬
convénients
lorsqu'ils
des
ossements
demi
fos¬
ralistes
découvrirent
silisés,
certains aussi gros que des os de
reconnurent les squelettes de moa,
vins,
et
de
oiseau
la
famille
à
l'autruche.
de
On
bo¬
cet
ques¬
habitaient les régions pro¬
ches
de
l'endroit ou l'on avait découvert ces
fossiles, provoquant ainsi les réponses les plus
fantaisistes qui prouvèrent que
ces indigènes
n'avaient qu'une vague notion de ces volatiles.
un
Dans
ensemble de
légendes recueillies dans
les
tionna
l'ile
ne
du
Nord
trouva
rectes,
Maori
cours
au
cinq
des
années
allusions,
L'opinion
moa.
au
1840-1850»
vagues
générale
et
fut
on
indi¬
les
que
vaguement entendu parler de cet
les anciens Polynésiens qui occupè¬
par
Nouvelle-Zélande
la
La
de
que
qui
avaient
oiseau
rent
Maori
la
situation
dé couverte
d'homme
ainsi
prouvant
de
prit
leur
avant
arrivée.
au moment
fabriqués de main
débris calcinés de moa
un
tour
nouveau
d'ustensiles
de
que
façon indubitable que l'homme
chasse au moa sur le sol de
velle-Zélande. Ceci souleva une bruyan te
vrait
la
à
li¬
se
la
Nou¬
contro¬
affirmaient que les Maori
avaient connu le moa et ceux qui prétendaient le
contraire.
Pour étayer leur
thèse que ne soute¬
naient guère les légendes,ainsi que nous l'avons
fait
remarquer plus haut,
les partisans du "ils
verse
en
entre
avaient
mirent
qu'on
qui
ceux
vu»
rendirent
se
à
harceler
les
avait
les
Maori
questionnés
Société des
Études
sur
les
lieux
question.
auparavant,
en
Océaniennes
et
se
Lors¬
leurs
339
réponses avaient été soit négatives, soit très
Mais les Maori commençaient à savoir ma¬
nier
les
Blancs
si
curieux, et leur fournirent
les indications
les plus variées.Ils décrivirent
le moa dans
tous ses détails
;
hauteur, forme de
la
tète et du bec,
paupières, couleur et qualité
du plumage,
envergure des ailes
(malheureusement
le moa était aptère),
grandeur du nid,nombre des
oeufs, etc. Les Européens rentrèrent chez eux
vagues.
enchantés
des
avaient-ils
données
plus
recueillies.
d'une
fois
Sans
glissé
doute
quelques
shillings dans les mains brunes et calleuses de
informateurs, également enchantés de l'au¬
leurs
baine.
Les
plus contents furent sans doute les
avaient bien ri au détriment des pakea
(mot maori signifiant "homme blanc") qui s'é¬
taient
emparés de leur pays, mais n'étaient
jamais parvenus A signer avec eux un traité de
paix, ou même à remporter sur eux une véritable
victoire
par
les armes. Que chacun de nous
demande s'il lui plairait que son pays soit en¬
vahi, disons par les Martiens, qui commence¬
raient
par
tout bouleverser et qui passeraient
Maori
qui
ensuite
les
se
leur
temps à vous poser les questions
plus absurdes pour savoir comment les choses
passaient avant qu'ils aient tout transformé.
J'eus
moi-même
l'occasion, me trouvant aux
1956, de saisir sur le vif un des
bons
tours
que s'amusent à jouer aux Blancs cer¬
tains
Polynésiens. Un "chercheur" bien connu
débarqua à Nuku-Hiva, pour "se livrer aux pre¬
mières recherches archéologiques qu'on ait ja¬
Marquises
mais
en
effectuées
découvrir
A
dans
Taipivai,
îles".
ces
Il
était
venu
de
statues con¬
nues
depuis 1886 grace aux excellentes photos de
l'ethnographe allemand Von den Steinen. Arrivé
devant ces
statues, il se mit à questionner à
leur
sujet le chef du district, lui demandant
un
groupe
comment
on
les
appelait, ce qu'elles représen¬
taient, etc. (J'avais moi-même exploré ces lieux
quelques semaines auparavant et n'avais pu tirer
de ce
chef aucun
renseignement, mais moi, Je ne
lui avais pas
glissé la pièce comme le fit notre
ami
l'explorateur). L'argent délie la langue des
Polynésiens et alimente leur imagination ; en un
Société des
Études
Océaniennes
340
record notre
temps
de
les
toutes
deux
en
les noms
le culte qu'on leur
s'étonnait devant une statue
la taille le c.hef qui était
il
Comme
rendait.
brisée
avait appris
homme
statues
à
et
s'offrit à l'éclairer :
légende au sujet de cette
statue,lui dit-il,
tandis que déjà le crayon de
notre
"savant" courait sur la page vierge de son
calepin ; on dit que ce dieu fut invité un jour
à une
fete donnée par des dieux à Fatu-Hiva (au¬
tre
lie
du
groupe des Marquises).
Arrivé là, il
se
prit de passion pour une déesse qui malheu¬
reusement
était déjà mariée.
L'époux de cette
existe
"Il
déesse
rent
les
dans
resté
contre
Ce
combat.
en
hasard
vieille
s'irrita
un
brisé
une
parages
deux
voulut
et,
que
vaillaient
riant
aux
pour
larmes
l'intrus
et
ils
engagè¬
là fut
fut ramené ici." Le
j'entende les hommes qui tra¬
mes
fouilles se raconter en
dieu
que
vous
voyez
vaincu,
l'histoire
ahurissante
et
in¬
chef de Taipivai, qui joignit ses rires aux leurs en leur
décrivant l'attention passionnée que l'intrépide
chercheur avait prêtée
à son récit.
(Le témoi¬
gnage de
ces hommes,
tel que je l'ai recueilli,
en
dans la vallée du Taipivai, est repro¬
1957,
duit
en
marquisien dans les archives de la sec¬
tion
anthropologique de l'Américain Museum of
Natural
History de New-York.)
ventée
sur
le
champ
par
Manuera,
faut jamais perdre de vue,
en recueil¬
légendes, que des gens sont enclins à
inventer plutôt que
d'avouer leur ignorance. Il
peut exister également plusieurs versions de la
même
légende, très différentes les unes des au¬
tres, ayant chacune fait autorité à un moment
donné.
Ce n'est qu'après avoir recueilli un cer¬
tain
nombre
de
ces
variantes
qu'on parvient à
reconstituer la légende
authentique. Les savants
qui, les premiers recueillirent ces légendes ne
s'encombrèrent pas de
ces
détails persuadés
qu'une seule version leur suffisait.
Il
nê
des
lant
Reste
gies,
enfin
technique
le
la
reconstitution
ne
et
qui
l'est
au moyen des
généalo¬
largement employée dans
préhistoire polynésien¬
aujourd'hui. Ceux qui
datage
qui
de
fut
la
encore
Société des
Études
Océaniennes
341
étudièrent
la
traditions
orales
préhistoire polynésienne selon les
crurent
trouver un magnifique
instrument dans les
généalogies recueillies dans
les différentes lies
qui permettaient de situer
dans le
temps nombre de faits historiques impor¬
tants.
Des problèmes
se posaient cependant qui
auraient
do
faire
douter
de
l'exactitude
de
ce
système.Tout d'abord le fait que les généalogies
de la Polynésie orientale et occidentale s'éten¬
des périodes
dent
sur
très variables. C'est dans
les îles orientales,
occupées en des temps rela¬
tivement
récents, qu'on trouve les généalogies
les plus
étendues de toute la Polynésie, cer¬
taines
remontant à
2870 &v.
J.-C.,
tandis que
dans
les
îles
occidentales, habitées depuis des
temps reculés, et sources des populations orien¬
tales, les généalogies ne remontent avec certi¬
tude que
de 500 ans dans le passé, ou de 700 au
grand maximum. Il y a également peu de simili¬
tudes
entre
les
noms
cités
dans
ces
généalogies
dépit des affirmations de ceux qui furent les
premiers à les recueillir. Comment dans ces con¬
un
ditions
établir
tableau
chronologique des
faits
historiques ? D'autant plus que les généa¬
logies de l'Est et de l'Ouest ne concordent ni
quant aux dates ni quant à l'étendue.
en
Et
comme
si
ces
difficultés
un autre problème,
d'années
assigné à une
ne
suffisaient
d'évaluer le
nombre
génération, chif¬
fre que jamais personne n'est parvenu
à obtenir
d'un
Polynésien. On l'a fixé arbitrairement à
vingt, vingt-cinq ou trente ans ; et l'on est
arrivé
finalement
au
compromis de vingt-cinq
ans.
Mais que vaut ce chiffre
? Un exemple frap¬
pant nous le dira
en
:
unité de la
1812,
une
pas,
reste
flotte
les
américaine
officiers
s'ancra
eurent
celui
devant
Nuku-Hi
d'excellents
va
et
rapports avec
le chef de
Taiohae,Keatanui, qui mourut en 1831.
Quelque soixante ans plus tard, F.W. Christian
recueillit
la
généalogie de la souveraine ré¬
gnante des îles Marquises, la Reine Vaekehu, qui
comptait parmi ses ancêtres directs feu Keata¬
nui
;
or,
dès 1890) huit générations s'étaient
écoulées depuis sa mort,
ce qui
fait que si l'on
acceptait le chiffre de vingt-cinq ans par géné-
Société des
Études
Océaniennes
342
ration
aurait vécu un
siècle et demi
Une des raisons de ces anoma¬
lies
c'est que les Polynésiens se
transmettent
oralement un grand nombre de légendes,
de chants
ou
de personnifications des éléments sous forme
de généalogies,
et les ajoutent ou les insèrent
dans
leurs propres généalogies.
Et, ce qui con¬
tribue
également à. fausser ces généalogies,
c'est
que
bien souvent la coutume veut qu'un
chef victorieux usurpe l'arbre généalogique de
son
ennemi vaincu.
De plus,
certains "réajuste¬
ments"
furent
fréquemment opérés par des chefs
avant
Keatanui
temps.
son
de
clans
se
rapprocher
Il
désirant
est
s'élever
ainsi
de
la
dans
la
hiérarchie
et
royauté.
évident
donc
que le
datage s'appuyant
est arbitraire, d'abord
parce
que
le nombre d'années d'une génération
est extrêmement variable,
et ensuite parce que
ces
généalogies fourmillent d'erreurs dues à des
additifs, à des omissions et à des altérations
de
tous
genres.
Les légendes peuvent cependant
être
bien
dans
des
cas
d'un
apport précieux à
les
sur
généalogies
condition
soin
d'avoir
voulu
été
recueillies
tout
avec
le
des témoignages archéologi¬
ethnologiques et anthropologiques en ga¬
ques.,
rantissent
Nous
lir
et
et
que
l'authenticité.
avons
insisté
d'employer
vers
les
tels
que
années
la
sur
façon
de
recueil¬
traditions
1920-1930
orales et légendes
par
des ethnologues
Fornander et nous avons démontré les
dangers à éviter et les garanties dont il con¬
vient de s'entourer pour
recueillir de tels ma¬
tériaux.
Nous pouvons
reprendre maintenant 1'an a
lyse des travaux effectués sur la préhistoire
polynésienne vers les années 20, époque ou Handy
tenta de
reconstituer la préhistoire
tahitienne
en
se
basant
culture
et
sur
matérielle.
les
En
traditions
étudiant
comme
la
et
il
sur
le
la
fit
répartition de l'outillage, expression de la
matérielle, conjointement avec les con¬
cepts religieux et sociaux,
Handy ne faisait
qu'appliquer le système qui prévalait en Europe
grace aux travaux de la célèbre Ecole Kulturkreise de Vienne. Dans ses études sur la
réparculture
Société des
Études
Océaniennes
343
tition,
tations
jours-
il classa géographiquement les manifes¬
apparaissant toujours -ou presque tou¬
simultanément. Ces ensembles de manifes¬
tations
servirent
ethniques
pes
souvent
unité
une
de
inventif
aux
hommes
supposait que
pas
on
manifestations
étaient
culture
de
grou¬
présentant le
et linguistique.
raciale
N'attribuant
esprit
la
définir
à.
distincts,
un
très
plus
grand
ces ensembles
manifestations
isolées
ou
le
plus souvent dus à une "migration».
Cette
hypothèse était bien plutôt une vue de
l'esprit que le produit d'une étude. Nous savons
maintenant
que les différents processus
de la
tels
culture
que
l'invention, la tendance vers
un
même
but, la diffusion ou ]'abandon de tel ou
tel
procédé sont extrêmement complexes et que
nous
ne
pouvons
pas
en
attribuer l'évolution
uniquement aux migrations.
Au
cours
effectua
de
des
années
tels
des
et
20
travaux
années
30,
on
Polynésie à une
grande échelle en s'appuyant sur les légendes et
l'anthropologie physique. Linton, dans son étude
sur
la
culture matérielle
des
lies Marquises,
reconstitua grace
à cette technique,
la préhis¬
toire marqu1 sienne.
En 1938, Burrows publia un
ouvrage traitant des différentes manifestations
culturelles
et de
leur
répartition en Polynésie
orientale
et occidentale.
Il n'adopta pas
cepen¬
dant un système
rigide, mais se montra plutôt en
faveur
haut,
des
culturels
processus
déclarant qu'on
férentes
cultures
grations
qui
certaines
i1
en
mentionnés plus
attribuer les dif¬
groupes ethniques aux mi¬
ne
des
peut
atteignirent
ou
n'atteignirent
pas
es.
Simultanément avec ces études,
les archéo¬
logues commencèrent d'effectuer des travaux en
Polynésie, concernant principalement leurs ef¬
forts
sur
les innombrables structures de pierre
ou
de
terre telles que temples,
statues, terras¬
ses
d'habitations ou de lieux
de
réunion, forte¬
resses
que
l'on trouve en abondance aux ties
Tonga et de la Société, en Hawaii, aux Tuanio tu
aux
Marquises, en Nouvelle-Zélande et dans l'ar-
Société des
Études
Océaniennes
344
chipel
des Australes, ainsi que
Pâques. L'étude attentive
de
lie
aboutit
la
sur
de
la
ces
lointaine
vestiges
classification
des différents types
pierre ou de terre, ainsi que
des
objets travaillés en pierre, en os ou en
coquillage découverts en surface. L'on fit peu
de fouilles
à
cette époque et elles ne présen¬
tèrent pas toujours les garanties qu'exige l'ar¬
chéologie dans d'autres contrées.
de
à
structures
Du
de
fait
du
manque de
coupes
stratigraphi¬
fut presque impossible de fixer, même
approximativement, la succession des diverses
phases artisanales ou culturelles, ce qui est
généralement le premier but de l'archéologie.
C'est uniquement en Nouvelle-Zélande que l'on a
effectué d'importantes fouilles,
ce qui
a permis
de déterminer jusqu'à un
certain point la suc¬
cession
de
ces
phases.
Ceci fat du en grande
partie au fait que la découverte d'objets usuels
polynésiens, aux lieux mêmes oh l'on exhuma des
de ce moa aujourd'hui
ossements
disparu, incita
les
archéologues à effectuer d'autres fouilles.
ques,
A
il
dire
vrai,
le
fait que toutes les recher¬
soient concentrées pres¬
que (iniquement,
en
Polynésie, sur les vestiges
architecturaux
de surface ,
a détourné
l'atten¬
ches
archéologiques
tion
de
ce
rêve
de
se
tous
les
archéologues...
un
emplacement ou seraient accumulés les objets
usuels, ou débris de ces objets, qui par leur
abondance
et
leur
variété
justifieraient des
foui11es.C'est pourquoi il était courant,
il n'y
a
pas
très longtemps encore, d'entendre de nom¬
breux ethnologues affirmer qu'il n'existe
pas de
stratigraphie en Polynésie pour la bonne raison
qu'ils ne l'ont pas pratiquée.
Depuis
les
leur
la
seconde
guerre
mondiale
cependant,
techniques
de l'archéologie moderne ont fait
apparition dans le Pacifique. Peu après la
cessation
des
niversité
de
hostilités, E.W. Gifford, de l'u¬
Californie, à Berkeley, a dirigé
une
expédition archéologique dans les Fidji,
cette porte
de service de la Polynésie, opérant
des
fouilles
en
profondeur
Société des
Études
en
plusieurs
Océaniennes
lieux
345
différents
plus
et
ce
modernes.
avec
les
moyens
techniques
les
(1)
Ultérieurement, Gifford, en collaboration
Dick Shutler,
du Nevada State Museum,
ap¬
pliqua la même technique aux fouilles qu'il ef¬
avec
fectua en Nouvelle-Calédonie.
Emory, du Bernice
Bishop Museum d'Honolulu, connu pour ses remar¬
quables travaux d'ethnologie polynésienne,
fit
en
Hawaii
des
coupes
stratigraphiques qui don.
n^ren t
de remarquables résultats,
aussi bien
matériels
que
théoriques. Depuis les travaux
archéo1ogiques en Polynésie ont avancé à pas de
géant. En 1955-56, une expédition norvégienne
effectua des
recherches
à l'île de Pâques
;
et
moi-même, en 1956-58, j'ai fait de même dans les
Marquises. Golson, de l'Université d'Auckland,
non
content d'opérer
les fouilles aux Samoa et
aux
Tonga, s'est attaqué à de nombreux problèmes
touchant l'archéologie
maorie.Bien au-delà des
îles polynésiennes,
mais cependant offrant avec
elles des points communs,
comme nous le
verrons
plus tard, Spoehr a fait la lumière sur l'an¬
cienneté et certains
aspects du développement de
la
culture
fouilles
n
i
an
aux
Mariannes
îles
aux
de
Guam,
en
de
effectuant
Saipan
et
de
des
Ti_
.
Au moment oh j'écris,
Emory travaille sur un
emplacement extrêmement prometteur de l'île de
Kauai,dans l'archipel Hawaiien, tandis que Green
de
l'Université
de
Harvard, a également entre¬
pris des fouilles dans les îles de la Société et
de Mangareva.
Emory et ses collaborateurs s ' ap¬
prêtent, d'autre part, à faire aussi porter leujr
effort
sur
Pour
les
îles
de
la
Société.
résumer, l'importance qu'accor¬
Polynésiens à leyr littérature orale,
leur
répugnance par peur d'occultes représail¬
les, à laisser violer leurs sanctuaires, provo¬
quèrent chez les Européens un très vif intérêt
pour leurs
traditions, transmises oralement de
génération en génération, et une indifférence
daient
(1)
Le
nous
les
musée
couve
de
Papeete
possède
un
échantillonnage de
rtes.
Société des
Études
Océaniennes
ses
dé¬
346
pour
gea
les fouilles archéologiques qui
pendant une bonne partie du XXè
commence
maintenant
à
abandonner
la
se prolon¬
siècle. On
méthodologie
uniquement basée sur la tradition orale pour la
compléter par l'étude de la répartition des ca¬
ractères culturels,
tandis que les fouilles ar¬
chéologiques prennent de plus en plus d'impor¬
tance.
Bien
que
l'archéologie se soit d'abord
cantonnée
dans
les
recherches
en
surface,
il
devint de mode,après la seconde
guerre mondiale,
d'effectuer des coupes
s t. r a t i gr aph i que s
et au¬
jourd'hui on peut affirmer que l'archéologie,
en
Polynésie, a enfin atteint l'âge adulte.
Robert
Société des
Études
C.
Océaniennes
SUGGS
ARCHEOLOGIE DE L'ILE DE PAQUES
L'archéologie de l'ile de Pâques a fait sin¬
gulièrement faire un pas en avant à l'Archéolo¬
gie Polynésienne, en ajoutant à nos connaissan¬
ces,
pour ce
lointain poste avancé de la Polyné¬
sie, les résultats de cinq mois d'études sur
place,
faites
sionnels.
et
par
quatre
archéologues profes¬
qui projeta, organisa
Norvégienne, et para¬
Thor
Heyerdahl,
l'expédition
conduisit
cheva
son
oeuvre
par
la mise en ordre et la
publication des rapports,
doit etre félicité
pour
le remarquable achèvement d'une tache pro¬
digieuse. Le très beau volume de 570 pages, inquarto,
orné de 127 illustrations hors-texte, de
95 planches et de dix
cartes en dépliants,
pèse
plus de trois kilos et contient les excellents
rapports,
du
Musée
sité
du
parfaite
Leurs
.
objectivité,
de
Ferdon,
Nouveau-Mexique, Mulloy de l'Univer¬
Wyoming, de SkjOsvold, du Musée de StaNorvège,
vanger,
Kansas
d'une
du
et
de
travaux
Smith,
ont
de
l'Université
élucidé
du
beaucoup de
points demeurés obscurs, en ce qui concerne les
vestiges d'outils antiques, les vieilles pierres
et
sculptures de l'Ile de Pâques. Heyerdahl luifait
meme
un
l'histoire
brillant
exposé
résumé
chéologiques
en
Entr'autres
rent
que
partie
les
complet
ancienne
de
des
et
de
la
géographie,
moderne,
précédentes
et
recherches
de
un
ar¬
Polynésie.
choses,
cette
les archéologues qui fi¬
expédition, découvrirent
grandes p1 a tes-formes utilisées pour les
et appelées ahu, qui étaient cons¬
en
grands blocs de pierre parfaitement
cérémonies,
truites
donne
Société des
Études Océaniennes
348
assemblés,
précédé
ont
les
constructions
de
assemblées,
furent éri¬
ils découvrirent que, moins d'un
p1 ates-formes moins soigneusement
sur
lesquelles les statues géantes
De plus,
gées.
siècle
avant
l'arrivée
péen
à
l'Ile
de
tion
furent
Pâques,
renversées
premier voyageur Euro¬
les sculptures en ques¬
du
et
les
ahu
transformés
en
demi-pyramides.
basant
sur
la chronologie de
ces par¬
architecturales, la préhistoire de
l'Ile
de Piques
fut divisée en trois périodes :
la primitive,
la médiévale et la moderne, et une
tentative
fut
faite
pour
le classement des dé¬
couvertes archéologiques en
conséquence.
En
se
ticularités
date la plus
reculée obtenue par l'épreu¬
radio-carbone,
à l'Ile de Pâques,
A.D.
.3 86
+
100
ans,
l'a été par l'examen de charbon
de bois,trouvé gisant sur la surface originelle,
mais
recouvert par de la
terre rejetée en déblai
fossé présentant un as¬
lors du
creusement d'un
pect de continuité,
traversant la pointe Orien¬
La
ve
du
tale
de
La
l'Ile
date
épreuve^
levées,
nommée
la
plus
Poike.
reculée
ce qui concerne
est A.D. 852 + 100
en
obtenue
par
la
même
les ahu de pierres-
donc près d'un
ans,
postérieur. En raison de l'as¬
pect des pierres dressées,
l'ahu représente une
phase de l'évolution relativement récente, et à
classer parmi
celles attribuables à une influen¬
ce
extérieure, et il semblerait logique de re¬
connaître
que
tel fait marque le début d'une
nouvelle période,
succédant à une période de
peuplement. Malheureusement, l'expédition Norvé¬
gienne, en admettant l'entrée de deux nouvelles
périodes dans sa Période Primitive,
implique
l'idée
que
la civilisation sous laquelle fut
creusé le
fossé
de Poike,
était essentiellement
la même
que
celle sous laquelle fut érigé le
ahu
de pierres_1evées .
demi-millénaire
En
raison
présente
avec
des
de
la
remarquable
ressemblance
la
que
maçonnerie du ahu de pierres-1evées
assemblages de maçonnerie peut-être
Société des
Études
Océaniennes
349
contemporains
de
l'édification
la
de
région
cet
de
ahu
du
andine
l'Ile
de
Pérou,
Pâques,
théoriquement, pourrait être rattaché à telle
origine. En laissant toute la Période Primitive
sans
autre
différenciation, il devient alors
possible d'attribuer aussi le peuplement qui
s'est accompli en même
temps, à la même origine.
Thor
Heyerdahl se prévaut de cette ambiguïté
pour étayer
la théorie qu'il a depuis longtemps
fait
sienne
que
la Polynésie, avec l'Ile de
Pâques comme première étape, fut d'abord habitée
par des gens du Pérou.
-
Il
peut
être
convaincant
pour un profane que
l'Expédition Archéolo¬
gique Norvégienne renforcent sa théorie, bien
qu'une lecture attentive des rapports des ar.
chéologues eux-mêmes révèle que, bien qu'ils se
résultats
les
soient
obtenus
efforcés
la
dite
de
se
demeurer
se
riode
de
dressées.
dress.ées
ans
une
après
do
être
le
été
pas
début
scindée
et
prouvée
de
celle
du
L'édification
au
dans
cadre
du
pour
l'établissement
semblerait
Paqu
de
Heyerdahl au sujet de
l'Ile de Pâques, c'est-à-dire :
premiers habitants,
cette Pé¬
de
n'a
rattacher
à
corroboration
strictement
pose
ses
Primitive eflt
Période
la
ils évitent précautionneusement
trop affirmatifs.
montrer
Pour
lieu
trouver
théorie,
problème qui
l'archéologie
l'origine de
il
de
par
ahu
en
deux
des
pierrespierres-
en
:
la
pouvant se
Primitive, mais
apparition ait eu
comme
l'Epoque
soudaine
aussi tardive que cinq cents
premier peuplement de l'Ile de
que
sa
époque
le
e s.
Heyerdahl a acquis la conviction que la Po¬
lynésie a d'abord été peuplée à partir des Amé¬
riques, de par l'acceptation des détails de cer¬
taines
"traditions"
des
tifs,
entre
les
que
sont
les
vents
alors
son
dominants
favorables
l'Est,
de
et
à
une
qu'ils
Société des
de
faits
similitudes
civilisations
Polynésienne,
autant
comme
nombreuses
posi¬
voit
Indienne-Américaine
idée
et
les
ancrée
courants
marins
nettement
Études
et
fermement
immigration
sont
qu'il
à
partir
contraires
Océaniennes
de
à
350
immigration en provenance de l'Ouest. Néan¬
il est obligé d'admettre que les peupla¬
des de langage Polynésien ont atteint l'Ile de
Pâques en venant de l'Ouest. Cependant, quoique
mis en présence d'une telle évidence,
il déclare
"qu'ayant pleinement acquis la conviction, una¬
nimement partagée,
que
les peuplades d'origine
Polynésienne, pour des raisons d'ordre géogra¬
phique, aient atteint très tardivement cet ex¬
treme
avant-poste",
Heyerdahl n'en voit pas
moins, de par la date la plus reculée indiquée
par le
test au radio-carbone (A.D. 386 du fossé
de Poike)
une preuve à l'appui de sa théorie
que
les premiers habitants de l'Ile de Pâques
vinrent de l'Amérique du Sud.
une
moins,
Le
fossé
de
Poike
est
considéré
comme
un
ou¬
telle croyance étant basée sur
vrage défensif,
une
tradition prétendant qu'il
fut une fois rem¬
pli d'herbes et de branchages enflammés et con¬
tribua à la défaite
des "Longues Oreilles",
au
cours
d'une bataille
qui eut lieu en A.D. 1860
environ.
Heyerdahl pense que les "Longues Oreil¬
les"
devaient etre les descendants de
la popula¬
tion
pré-Po1 ynésienne. Mais le fossé de deux
milles de long,
présentant un aspect de conti¬
nuité, creusé à travers cette large pointe de
terre, est reconnu par la tradition etre seule¬
"four
ment
un
souterrain"
et, en réalité, n'a
que
peu,
s'il en a, de valeur défensive» Comme
c'est le cas pour des fossés similaires creusés
par
les Polynésiens de l'Archipel des Tuamotu,
plus à l'Ouest, il semblerait davantage avoir
servi pour
s'assurer un sol humide et protéger
des
de
soleil
et
sucre
l'Ile
de
creusé
manière
du
à
canne
habitants
été
et
vents
nes,
à.
de
les
l'endroit
position
Plantations
taros,
Pâques.
il
ou
que
de
bana¬
faisaient
Apparemment,
se
trouve
les
il
non
a
en
défensive,
mais pour l'uti¬
pleine de sol fertile,
qui coupe l'île à cet endroit. Entr'autres des¬
tinations, il semblerait etre le témoignage élo¬
quent de la lutte pour la subsistance d'une po¬
pulation en voie d'accroissement, et aussi de la
présence de la civilisation Polynésienne venue
lisation
de
d'une
l'Ouest
à
faille
cette
Société des
époque
Études
primitive,
Océaniennes
car
il
351
n'eût
pas
tates
douces
de
ces
de
été
nécessaire
des
ou
culture
des
seules
pa¬
espè¬
végétaux alimentaires que les habitants
de
Pâques avaient, qui puissent avoir
l'Ile
été
apportés
mentionnée
et
les
et
du
fait
la
considération
décèle
la
présence
morceaux
charbon
coupés
de
bois
tiges,
Smith
Les
et
minces
dit
dépots
des
récoltes
foyers
Une
autre
pas
échapper
les
premiers
des
de
un
la
ceux
nance
trale
famille
qui,
l'Ile
des
groupe
avant
le
velle-Zélande,
le
idiomes
la
de
il
a
proto_Po1 ynésienne
qui
autres, mais se retrouve
d'autres endroits de la
croire
Pâques
est
est
détaché
le
ou
été
encore
du
dérivé
et
un
de
1'appar-
Orientale
de
une
Cen¬
la
Nou¬
glottale
perdue
à
que
furent
celle
un
de
Maori
conservé
a
de
devrait
ne
Polynésiens,
Polynésie
Hawaiien
car
de
Pâques
s'est
fossé.
résultat
l'Ouest,
de
quel¬
que
ce
défense".
l'Ile
de
venus
de
le
y
trouve
représenter
pertinente, qui
sérieux, de
de
ou
l'on
bien
examen
évidemment,
au
de
A.D.
de
dans
que
qu'être
occupants
Celui
endroit
possible
aussi
but
de
"récoltes,
"brindil¬
herbes". Carlyle
cultivées
un
date
de
un
et
carbone
raison
à
la
composé
est
peuvent
dans
Polynésiens,
langage.
"Il
brûlées
allumés
dans
feuilles
:
radio-carbone
au
de
débris
aussi
étaient
occasionnellement
de
bois"
était
batons,
lui-même
récoltes
ques
l'épreuve
que
amené
ayant
les,
l'Amérique du Sud. La coutume,
Heyerdahl, de détruire les arbres
pendant les expéditions guer¬
justifierait la zone d'incinération in¬
que
l'on trouve par endroits dans le
tensive
fossé,
1676
de
par
récoltes
rières,
de
la
pour
cucurbitacées,
par
les
Tonga
et dans
Occidentale.
Polynésie
l'établissement à
l'Ile de Pâques des
peuplades parlant Polynésien
à
une
date
antérieure à leur établissement
à
Hawaii, que les radio-carhones
indiquent comme
Ce
fait,
ayant
dû
en
être
Ferdon
en
lui-même,
A.D.
texte
500-
conclut
archéologiques
Sud-Américaine
situe
ne
nous
antérieurement
Société des
:"L'ensemble
que
tendant
à
est
à
la
Études
prouver
pas
une
connue
Période
des
faits
origine
par
con¬
Médiévale,
Océaniennes
352
l'Ile de Pâques, c'est-à-dire entre les an¬
Toutefois la technique d'as¬
1100 et 1600«
semblage dans la maçonnerie des plates-formes de
ahu
la tendance marquee
de la Période Primitive,
pour l'orientation de la dite plate-forme à être
vers
l'équinoxe et le solstice d'Eté, et l'appa¬
reil
d'observation solaire, avec sa monture et
sa
sculpture de bélier de Makamake à Orongo, apparaissent sur l'Ile à l'Epoque Primitive".
Carlyle Smith met en garde contre la présomption
que
tout ce qui a trait au ahu de l'Epoque Pri¬
mitive
vient de l'Est,
en faisant la remarque
suivante :
"la découverte de la cour enclose à
Vinapu,
et son attribution à l'Epoque Primitive
indiquent donc des rapports jusqu'à maintenant
non
entre
reconnus,
à une période antérieure,
l'Ile de Pâques
et des centres de civilisation
situés plus à l'Ouest."
pour
nées
Parmi
les
similarités
avec
l'Amérique du Sud
reconnues comme étant l'ef¬
de cette origine, quelquesfet d'une influence
unes
peuvent être expliquées en raison de leur
développement sur place, par exemple le culte de
l'oiseau et les habitations de pierre,
et quel¬
ques autres sont purement conjecturales
: telles
les inscriptions
de l'Ile de Pâques et les ra¬
Les inscriptions furent obser¬
deaux en roseaux.
vées pour
la premiere fois 94 ans après que les
chefs de l'Ile de Pâques eussent entendu les Es¬
pagnols lire une proclamation d'annexion, à la¬
quelle les chefs, eux aussi, apposèrent leur
susceptibles
d'etre
"signature".
"signatures" ont été avancées pour preu¬
les inscriptions de l'Ile de Pâques exis¬
taient alors,
mais leur examen montre qu'elles
sont que de simples marques,
ne
ou des représen¬
ou de
la vulve, comme ceci
tations d'oiseaux,
Ces
ve
que
présente abondamment dans leurs pétroglyphes.
la civilisation Inca n'avait pas d'écri¬
ture,
le contact des Européens semble avoir été
déterminant pour la création de ces remarquables
Inscriptions non-Polynésiennes par les chefs ou
prêtres de l'Ile de Pâques, aussi bien que pour
analogues observées
la création d'inscriptions
se
Comme
parmi
les
tribus post - Co1ombiennes
Société des
Études
Océaniennes
du Pérou.
353
Pascuans aient eu,
à une
certaine
des radeaux de roseaux, et illustrés
par de naïfs pétroglyphes,
avec mâts
et voiles
carrées, que d'autres ont naturellement prétendu
etre
la representation de navires Européens,
car
de nombreuses
et
indiscutables
représentations
de navires Européens
à voiles existent,
et que
les Pascuans,
à l'époque de la découverte,
uti¬
lisaient les pirogues à balancier
polynésiennes.
Que
1
es
période,
Si
l'on considère l'immensité de cet océan
vide, autour de cette petite terre de l'Ile de
Pâques, le fait qu'elle ait été atteinte par une
embarcation polynésienne venue de l'Ouest cons¬
titue
un
événement remarquable. Il est peu pro¬
bable que cela se soit produit une
fois et en¬
core
moins, deux. Et la même personne tient pour
vrai
l'approche par un radeau Péruvien dérivant.
Avancer de
telles opinions pour justifier divers
changements et certains aspects de civilisations
révélés par l'archéologie, est donc avoir re¬
cours
à une
argumentation peu vraisemblable.
Tout
au
plus,
il semblerait que l'Expédition
Norvégienne a trouvé des éléments nouveaux dans
la maçonnerie pour déceler l'influence Péruvien¬
ne,
telle qu'elle pouvait etre exercée par un
puissant chef Péruvien,à une époque reculée dans
l'histoire
de
la
civilisation
de
l'Ile
de
Pâ¬
ques.
Afin
Thor
que
raison
de
encore
moins
ses
Heyerdahl
vues
ne
personnelles
soit
critiqué,
en
d'une
occupation
Américano-Indienne de la Polynésie, au point que
cela vienne jeter une
ombre sur le volume, il ne
faut pas omettre de
rapporter ses propres paro¬
les, concernant les objectifs de l'expédition :
"Nos
rapports n'ont pas la prétention de repré¬
senter une étude complète de
l'Ile de Piques, et
pédition.
et
des
des
Nos
fait
iles
ont
visitées
tendu,
par
l'ex¬
temps
limités, et par des moyens
fouille, d'ajouter des éléments
avec
un
ressources
d'archéologie de
de
autres
efforts
aux
connaissances
existantes
de
sur
l'Ile
Piques et la Polynésie Orientale. Il reste
encore
beaucoup à faire jusqu'à ce que tous les
renseignements que l'on peut tirer des sites non
Société des
Études
Océaniennes
354
lies visitées par nous
explorés' des différentes
soient épuisés."
Pour
de
l'Ile
Pâques,dans
la
série des "élé¬
fait" recueillis, se trouvent
détaillés et descriptions des ruines
de cérémonies de Vinapu et du site de
ments
de
de
d'Orongo,
cinq
les plans
du centre
cérémonies
disséminés ailleurs, de
et de leurs contenus, de
ahu
d'habitation
du site de la maison de Hotu Matua,
le traditionnel premier habitant,
d'un village à
TUUKOIHU ; d'un bon nombre d'autres sites d'ha¬
bitations et constructions de différentes sor¬
deux
la
cases
et
cave
de
allant
tes,
tours
de guet aux cairns
funé¬
raires.
il y a des descriptions de statues de
et de carrières et des remarquables dé¬
couvertes faites au cours des fouilles.
Les ou¬
tils anciens recueillis sont décrits minutieuse¬
ment et accompagnés de parfaites illustrations.
Puis
pierre
Enfin,
de
Le
et
à
dates
19
volume
fort
de
radio-carbones sont rappelées
adéquate.
manière
utile
constitue
l'archéologie
de
donc
tous
pour
un
ceux
apport
qui
essentiel
s'intéressent
la Polynésie.
Kenneth
P.
EMORY
Bishop Museum
Honolulu, Hawaii
Bernice
ARCHEOLOGIE
DE
L'ILE
DE PAQUES.-
P.
Volume 1 des Rapports de
l'Ex¬
pédition Archéologique Norvégienne à l'Ile de Pâques et dans la
partie Orientale du Pacifique . Résultats des travaux de Thor
Heyerdahl, Edwin N. Ferdon. Jr., William Mulloy, Arne SkjSsvold,
Carlyle S. Smith, Thor Heyerdahl and Edwin N. Ferdon, Editions
Rand McNally, Hew York, 1961,
Monographie de l'Fcole Américaine
de Recherches et du Museum du Nouveau-Mexique. $25.
N.B.-
La
version anglaise de ce compte rendu est parue
Antiquity1, vol. 28 - N"q, Avril 1963, P»
"American
567-
Société des
Études
Océaniennes
dans
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 145