B98735210103_133-134.pdf
- Texte
-
Qnrîoto
N°'
133
&
134
DECEMBRE
Anthropologie
Histoire
—
-
1960
—
Institutions et
—
PAPEETE
et
8 et 9)
1961.
Philologie
Folklore
—
IMPRIMERIE
Société des
—
(N°
Antiquités des Populations Maories
Océanographie
-
XI
MARS
&
Ethnologie
Littérature
Astronomie
TOME
Sciences naturelles.
OFFICIELLE
Étudçs Océaniennes
Conseil d'Administration
Président
M. Henri
Vice-Président
M.
Secrétaire
Melle
Trésorier
JACQUIER.
Bertrand JAUNEZ
Janine
LAGUESSE.
M. Yves MALARDE.
......
Assesseur
M. Cdt PAUCELLIER.
Assesseur
M.
Assesseur
M. Ter ai BREDIN.
Assesseur
M. Martial IORSS.
Assesseur
Assesseur
Rudolphe BAMBR1DGE.
M. Siméon KRAUSER.
M. Raoul TESS1ER.
......
'
"
-
Secrétaire-Bibliothécaire
Musée
du
Pour être reçu Membre de la Société
membre titulaire.
se
Mlle
NATUA.
faire présenter par
un
Bibliothèque.
Le Bureau de la Société informe ses membres
que désormais
ils peuvent emporter à domicile certains livres de la Bibliothè¬
que en signant une reconnaissance de dette en cas où ils ne
rendraient pas le livre emprunté à la date fixée.
Le Bibliothécaire
La
leurs
Bibliothèque
invités
Dimanche.
tous
présentera la formule à signer.
est ouverte aux membres de la Société et à
les jours, de 14 à 17 heures, sauf le
La salle de lecture est ouverte
14 à 17 heures.
au
public tous les jours de
Musée.
Le Musée est ouvert tous les
jours, sauf le lundi de 14 à 17
heures. Les jours d'arrivée et de départ des courriers : de 9 à
11 heures et de 14 à 17 heures.
Société des Études. Océaniennes
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME XI
N°»
133 &
134.
-
—
(Nos 8 & 9)
DECEMBRE 1960 & MARS 1961.
SOMMAIRE
Pages
Archéologie
Polynésie fran¬
Pierre VERIN ( O.R.S.T.O.M. )
.
Dernières recherches
çaise,
par
archéologiques
en
205
Histoire et Littérature
Une
correspondance inédite de Paul GAUGUIN, pré¬
Henri JACQUIER
sentée par
215
Littérature
Le Morai
( Rey Lescure. )
Société des
Études Océaniennes
240
-
.
DERNIÈRES RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES
EN
POLYNÉSIE FRANÇAISE
Pierre
VERIN, 0. R. S. T. O. M.
L'archéologie telle qu'on la conçoit dans l'Ancien et le
a fait
son apparition en Polynésie française
à une époque récente ; la nécessité de mener des fouilles
scientifiques dans cette région s'est faite sentir dès qu'ont été
connus les résultats des excavations entreprises dans l'archipel
hawaïen par le Bishop Museum et l'Université d'Hawaï. Un
article du Professeur EMORY ( traduit par M. JAUNEZ )
et une communication à la Société de M. Bengt DANIELSSON ( parus dans le numéro de septembre 1959 du bulletin )
ont précédemment relaté ces découvertes en même temps que
celles de SUGGS aux Marquises et les travaux de Thor
HEYERDAHL à l'île de Pâques et à Rapa. Rappelons que les
échantillons de charbon prélevés par SUGGS dans la baie de
Ha'atuata révélèrent que « la côte ouest de NUKU-HIVA
était habitée déjà 120 ans avant J-G. ». Pour la première
fois en Polynésie orientale l'archéologue américain trouva dans
les niveaux inférieurs du site des morceaux de poterie, mais
si peu qu'il vaut mieux attendre confirmation.
Jusqu'en 1960 aucune fouille n'était entreprise aux Iles de
la Société dont la situation avait cependant été qualifiée à
juste titre de position clé pour les émigrants qui s'aventu¬
rèrent autrefois en Polynésie orientale. On possédait heureuse¬
ment des relevés des anciens monuments de surface (marae,
pacpae, enclos, terrasses à culture, ti'i, pétroglyphes etc...)
faits par K. P. EMORY il y a une trentaine d'années dans
cet
archipel. Les structures lithiques des Tuamotu et des
Gambier avaient également été décrites par EMORY et celles
des Australes par STOKES.
Nouveau Monde
Recherches à Mangareva.
.
ROGER GREEN effectua pour le compte
Museum of Natural History " un séjour de
Gambier durant la période allant de Juillet à
de 1' " Ainérican
recherches aux
Décembre 1959.
Après avoir fait une étude générale des gisements préhisto¬
riques des principales îles du groupe, il choisit huit sites en
vue d'en faire une étude
approfondie. Les plus productifs se
Société dés
Études
Océaniennes
-
208
—
sur l'île de Kamaka où furent découverts plusieurs
d'objets d'usage quotidien tels qu'hameçons, poids
de lignes, aiguilles, pointes, grattoirs et couteaux. La plupart
d'entre eux étaient brisés et mélangés à des débris d'os, de
coquillages et de bois calciné. Ces « détritus » doivent donner
une
idée de ce qu'était le régime alimentaire des anciens
habitants et de l'époque à laquelle ils vivaient. L'association
des débris et des outils permet de mieux préciser quels
étaient les usages de ces derniers. La stratigraphie de certains
dépôts se présentait sous la forme d'une dizaine de couches
superposées d'une épaisseur totale de deux mètres de pro¬
fondeur. De tels sites facilitent grandement la description du
continuum culturel, depuis les toutes premières périodes jus¬
qu'aux temps historiques.
Les recherches portèrent aussi sur les édifices religieux.
Les marae mangaréviens ont été à peu près entièrement dé¬
truits lors de la période missionnaire et on en était réduit à
supposer qu'ils devaient être analogues à ceux mieux préser¬
trouvaient
centaines
vés de l'atoll voisin de Temoe. La fouille
d'un
marae
sur
la
plage de Kamaka confirma cette hypothèse. Les restes du
marae
de Tautoro furent également débroussés et étudiés.
En plus de ces recherches spécialisées, GREEN a été en
mesure
de poursuivre l'inventaire archéologique des princi¬
pales îles du groupe. Dans l'île d'Akamaru un nombre impor¬
tant de vestiges tels que paepae, terrasses, rebords d'habita¬
tion, restes de
trouve
marae,
concentré
sur
fosses à taro et anciennes routes
une
surface relativement
se
restreinte et
justifierait une étude d'ensemble spéciale qui fournirait des
renseignements sur l'utilisation ancienne des terres et l'orga¬
nisation sociale des habitants.
L'intérêt que
faite
travaux
l'île
présente les études de complexes de monuments
l'angle sociologique a été mis en lumière par les
que GREEN accomplit en 1960 à OPLNOHU dans
Moorea. ( Voir photos 1 et 2 ).
sous
de
Recherches à
Opunohu, Moorea.
Une
description complète et vivante des travaux de GREEN
zone a été donnée dans une
chronique radio faite
par M. MOUZON, Chef de la Circonscription des Iles du Vent
qui visita les lieux le 9 août 1960 ; nous en reproduisons
l'essentiel dans les lignes qui suivent :
« Ces
ruines s'étendent en différents sites sur cinq kilodans cette
^
Société des
Études
Océaniennes
—
209
—
dans le haut de la vallée d'Opunohu,
propriété KELLUM. Là, dans une forêt de mape on
peut voir une très grande quantité de constructions en pierres
sèches, souvent très soigneusement assemblées, avec des plate¬
formes légèrement disloquées, certes, par la croissance de la
végétation, mais dont certains monuments, particulièrement
bien conservés montrent le fini avec lequel le travail de pa¬
vage avait été réalisé. Les structures atteignent en général
0,80 m de haut, certains ahu c'est-à-dire murs terminaux des
marae, peuvent s'élever jusqu'à deux mètres environ.
Les soubassements correspondent à de nombreux types de
constructions, formant un ensemble très complet qui reflète
la vie totale d'une communauté polynésienne.
mètres carrés environ
sur
la
On trouve d'abord de nombreuses fondations de maisons,
soit ovales, soit rectangulaires. L'une d'elles fouillée pendant
trois semaines par M. GREEN,, a conduit à la découverte de
foyers, dont les résidus analysés selon la méthode du Radio
carbone 14 permettront sans doute, une datation pour une
partie au moins de cet ensemble.
On remarque d'autre part de nombreuses plate-formes agri¬
coles, de surface réduite, de l'ordre de 1 ou 2 ares, établies
le long des minces ruisseaux formant la tête du bassin de
la rivière, ou des cultures humides « genre taro » devaient
être établies.
Mais les monuments les
fices
religieux dont
une
plus intéressants consistent en édi¬
étonnante variété de types se trouvent
rassemblés là.
Ce sont d'abord des marae de tailles diverses, dont les plus
grands atteignent 40 à 50 m de long. Tous les types connus,
côtiers ou intérieurs s'y trouvent rassemblés, plus des types
intermédiaires ou nouveaux qui ne manqueront pas de donner
de la. tablature aux savants classificateurs. Leur appareillage est
très varié, allant de la pierre à angle net et relativement
jointive à celle qui a été façonnée en forme de boule ou de
galet à l'extérieur avec quatre faces planes vers l'intérieur
pour assurer la stabilité de la construction.
Des pierres coralliennes, ou parfois de simples fragments
madréporiques, ont été insérés ça et là dans la construction
dans un but symbolique manifeste.
La plupart de ces marae sont complétés par des petits
marae
secondaires de quelques mètres carrés de surface,
accolés le long de leur plus grande dimension, comme les
« trésors » de
chaque ville de Grèce antique le long des temples
Société des
Études
Océaniennes
•
—
nationaux. Ces
210
—
autels
particuliers sont composés en gros sur
de trois pierres levées encadrant un
tiki, avec une pierre dossier face celui-ci. Beaucoup de ces
autels sont également isolés et libres de toute connection avec
un
marae.
Une plate-forme d'archer a aussi été découverte
mais après quatre heures de marche, je dois avouer que le
courage des explorateurs-archéologues faiblit et que nous re¬
nonçâmes à y grimper.
un
pavage,
de
groupes
Cet ensemble
archéologique considérable qui ne comprend
moins de 200 à 300 sites mineurs et 50 à 60 marae de
grande taille suppose une population abondante à la haute
époque polynésienne, encore que, naturellement, les monuments
n'étaient vraisemblablement pas tous en service en même
pas
temps
A
».
leur
tour une trentaine de membres de la société se
rendirent le 24 septembre aux ruines d'Opunohu et visitèrent
la zone où les structures lithiques sont les plus nombreuses
et les mieux préservées.
ROGER
GREEN
envisage de procéder à la fin de 1961 à
des excavations à OPUNOHU afin de dater les divers
de marae et d'habitations et d'établir leurs séquences
types
chro¬
nologiques.
Expédition Bernice Bishop Museum
ORSTOM.
-
L'équipe qui se mit au travail à partir d'avril 1960 com¬
prenait le Dr. K. P. EMORY, son assistant YOSIHIKO SINOTO, R. PEARSON (Université de TORONTO), R. & A.
RAPPAPORT de l'Université de COLUMBIA et P. VERIN de
l'Office de la Recherche Scientifique et Technique OutreMer (ORSTOM).
Des prospections destinées à localiser des sites furent entre¬
prises sur le pourtour de Tahiti, Mo'orea, Mai'ao, Ra'iatea,
Taha'a, Maupiti, Boru-Bora, Mopellia. ( Voir photo 3 ).
Les îles hautes recelaient très peu de ces abris sous roche
qui contiennent fréquemment des sites denses aux Iles Haivaï. Même quand les abris étaient présents,
ils avaient écé
rarement habités,
sans
doute parce que l'abondance de la
végétation fournissait aisément les matériaux pour construire
les habitations qui protégeraient des intempéries.
Deux abris furent
HA'APITI (Mo'orea)
fouillés
complètement
:
ANA PA'IA à
(TAHA'A).
et ANA TEHEVA à TIVA
Société des
Études
Océaniennes
—
Ils
contenaient
pour
Les sites
doute
peu
des analyses
à
de
cause
au
211
—
d'objets mais assez de débris calcinés
carbone 14. ( Voir photo 4 ).
plage se révélèrent difficiles à localiser
de l'ancienne dispersion de l'habitat. La
sans
stra¬
tigraphie était fréquemment bouleversée par les crabes lupa
qui amènent en profondeur des objets modernes et rejettent
à la surface des débris d'hameçons voire des hermiuettes
vieilles de plusieurs siècles.
Avant de passer à l'aspect jpositif des résultats déjà obtenus
indiquons une dernière difficulté qui retarda les travaux :
celle créée oar les autorisations à obtenir des propriétaires
parfois multiples ; certains d'entre eux étaient peu familiers
avec
les buts poursuivis et se révélaient au premier abord
enclins à penser que les buts des archéologues n'excluaient
peut-être pas la recherche de déjôts aurifères sur leur terrain.
prospections ont permis l'établissement d'une
d'objets, actuellement déposée au Musée
de Pape'ete. A la mi-septembre 1960, époque à laquelle
K. EMORY et Y. SINOTO ont regagné temporairement le
premier Hawaï, le second le Japon, cette collection comprenait :
10 hameçons et 27 fragments d'hameçons
36 ébauches d'hameçons
100 herminettes et fragments d'herminettes et ciseaux
3 pilons ( penu )
5 poids de lignes ou de filets
1 grattoir en nacre
Fouilles
et
collection documentée
—
—
—
—
—
—
—
—
1
et
tiki double
208 autres
spécimens, essentiellement des morceaux
travaillée, des limes de corail et de basalte. ( Voir
photos 5 et 6 ).
de
nacre
Depuis le 15 septembre j'ai pu ajouter une centaine de pièces
dont une quinzaine d'herminettes de Mai'ao, des
hameçons et ébauches de Mo'orea, Mai'ao et Mopelia.
nouvelles
De son côté ROGER GREEN avait pu avec l'aide de deux
membres de l'expédition du Bishop Museum, R. & A. RAPPAPORT mener du 20 Juillet à la fin août 1960 des excava¬
tions sur la plage de PAPETOAT. (Mo'orea), obtenant: 6
hameçons, 57 fragments d'hameçons, 22 ébauches d'hameçons,
pilon, 5 herminettes dont deux en coquillages. Un large
échantillonnage des collections recueillies à Mangareva et à
Mo'orea par M. GREEN sera donnée au Musée de PAPE'ETE
après qu'elles aient été étudiées.
1
Société des
Études
Océaniennes
—
212
—
Mais le but poursuivi par les archéologues n'est pas l'accu¬
mulation pure et simple d'objets, car les musées n'ont besoin
que d'un choix judicieux de chaque type d'entre eux. Aussi,
il nous est particulièrement utile d'avoir accès aux collections
privées et de pouvoir les étudier. Ces collections, lorsqu'elles
sont documentées, c'est à dire lorsque les
propriétaires con¬
naissent la provenance des objets, fournissent des indications
relatives à la rareté ou à la fréquence des divers types
d'une région donnée. Plus de 1300 pièces ont pu être étudiées
et photographiées en 1960. Il
est parfois possible de retrouver
des sites archéologiques d'après les renseignements fournis
sur
l'origine des pièces. ( Voir photo 7 ).
Les outils
des anciens habitants commencent à nous être
Le Dr. EMORY constate qu'à la différence des
Hawaïens les Tahitiens n'utilisaient pas des limes à fabriquer
les hameçons faites spécialement en pierres, eu corail ou en
mieux
connus.
épines d'oursins, mais
se
contentaient de simples éclats de
basalte ou des branches de corail qui jonchent les rivages.
D'autre part il ne semble pas que les Tahi tiens utilisaient lar¬
gement les pierres de leurres à pieuvres,
les marteaux de
qui sont si communs
enfoncer les gouges
de pierres non tra¬
vaillées, parfois aplaties à leurs extrémités, mais dénuées
d'entailles facilitant la prise.
Les hameçons simples de Hawaï étaient faits à partir d'os,
de dents ou de nacre, tandis que ceux de Tahiti paraissent
être exclusivement en nacre. ( Voir photo 8 ).
Cette hypothèse est cependant peu vraisemblable et au mo¬
ment où ces lignes sont imprimées un outil de fabrication
des hameçons en os ( lime en épine d'oursin fetu'e ) vient
d'être découverte à Maharepa (Ile de Mo'orea).
forme discoïdale et les pierres à aiguiser
aux Iles
Hawaï. Leurs marteaux (pour
et les ciseaux) étaient faits en général
Pierre
Société des
Études
VERIN, O.R.S.T.O.M.
Océaniennes
UNE
CORRESPONDANCE
de PAUL
présentée
par
INEDITE
GAUGUIN
Henri JACQUIER.
Nous devons à l'obligeance de la succession Brault, en
par¬
à celle de Madame Veuve L. Brault, communication
d'une correspondance échangée entre son mari Me R. L.
Brault et Paul Gauguin, quelques mois avant la mort de ce
dernier. Une lettre datée du 27 avril 1903
représente, sans
ticulier
doute, la dernière écrite par le peintre qui mourait douze
jours, plus tard, le 9 mai.
Me
"
Brault
Délégué
C'est à
ce
assurait,
en
plus de
ses
fonctions, celles de
Conseil Privé
pour la défense des îles Marquises ".
double titre que Gauguin devait lui demander de
au
charger de défendre en appel certains Marquisiens con¬
damnés à différentes peines de prison, au cours d'audience fo¬
raine du tribunal, pour avoir bu et
préparé du jus de coco
se
fermenté.
Il
nécessaire d'ouvrir ici une parenthèse afin d'expli¬
sévérité des sanctions qui s'attachaient à ce genre
Les Marquisiens, en effet, avaient appris de belle
heure par des déserteurs européens et américains surtout,
toute la technique pour recueillir, laisser fermenter et dis¬
tiller certains jus sucrés, en particulier celui qui
s'écoule du
sommet
du cocotier après y avoir
pratiqué des incisions.
Lorsque la provision d'alcool ainsi préparée était jugée suf¬
fisante, hommes et femmes se réunissaient dans le fonds d'une
vallée déserte et buvaient jusqu'à s'écrouler ivre-morts. Ce¬
pendant, avant d'atteindre ce stade terminal, ils passaient par
une
phase agitante, redoutable, durant laquelle se libérait
tout un fond de
sauvagerie qui venait d'être à peine recou¬
est
quer la
de délit.
vert
En
d'un vernis de civilisation.
ces
occasions, violences et meurtres n'étaient pas rares,
le cannibalisme même
réapparaissait assez naturellement. On
les autorités aient pourchassé et sé¬
vèrement condamné organisateurs et participants de ces orgies.
On verra également que certains représentants de la force
publique n'hésitaient pas, dans le but de prendre sur le fait
les coupables, d'organiser parfois une véritable mise en scène
en
se servant
d'agents provocateurs.
comprend aisément
que
Société des
Études
Océaniennes
—
214
—
paraître étonnant de voir Gauguin prendre à cœur
questions qui, vue de loin, paraissent assez mesquines.
Ses longues tirades, au sujet des abus de pouvoir d'un gen¬
darme ou d'un agent spécial, paraissent souvent hors de pro¬
portion avec les faits. Sans doute un Guichenay ou un Picquenot ( 1 ) paraissent d'assez piètres personnages, mais vus
sous l'optique
du microcosme d'Atuana, ils font figure d'odieux
petits satrapes.
Il est probable qu'une partie au moins des faits reprochés
à Guichenay étaient exacts. Cependant, Gauguin qui posait
ostensiblement au défenseur désintéressé des Marquisiens, était
loin d'être lui-même exempt de reproches. Si l'œuvre de
l'artiste a droit à toute notre admiration, il n'en est pas tou¬
jours de même de l'homme malheureusement.
Il peut
certaines
à
Il y a
la fois
dans
et
ment
ver
d'ailleurs quelque chose de pénible et de grotesque
dans cette fuite de Gauguin devant la civilisation
tentatives d'un retour à l'état de nature. Au mo¬
ses
où il pense avoir atteint le bout du monde, il va trou¬
devant lui deux représentants caractéristiques de la ci¬
vilisation
Nous
—
le curé et le
avons
gendarme 1
joint à cette correspondance quelques lettres
après la mort de Gauguin par certaines
adressées à Me Brault
particulier par Reyner. Elles
compte de l'atmosphère qui régnait
radis océanien " d'Atuana.
personnes et en
se
rendre
permettent de
dans le " pa¬
Enfin, signalons que toute cette correspondance de Gauguin
quoique très lisible paraît avoir été écrite sous le coup de
l'impulsion et semble ne pas avoir été relue par son auteur.
Certaines phrases paraissent même incompréhensibles, nous
les
avons
cependant reproduites intégralement, enfin, pré¬
lettres ne sont pas signées sauf par¬
cisons aussi que plusieurs
fois des initiales P. G.
H.
JACQUIER.
spécial faisant fonction d'administrateur écrira
Curateur des biens vacants à Tahiti, au sujet de la
succession de Gauguin... " D'ores et déjà, je suis persuadé que le
passif dépassera de beaucoup l'actif, les tableaux du défunt, peintre
décadent, ayant peu de chances de trouver amateur".
(1 ) Cet
plus tard,
agent
au
Société des
Études Océaniennes
—
215
—
Février 1903.
Monsieur Brault,
Je
reçois votre lettre en réponse à celle que je vous ai
au sujet des affaires de Tahuata : j'ai lu aussi celle-là
plus explicite que vous avez écrite à Monsieur Reyner.
Nous attendons avec impatience l'enquête qui sera faite,
sûrs de nos renseignemennts. Et aujourd'hui hélas, la chose
écrite
devient de
plus intolérable, vu les graves dégâts que
aux Marquises.
Ainsi de ce fait, tous ces indigènes qui ont des maisons
à reconstruire ne peuvent avoir droit qu'à une feuille par
cocotier : cocotiers qu'ils ont planté selon les conseils de
l'Etat et dont ils ont eu la jouissance pleine et entière pen¬
le
raz
plus
de marée
dant 60
en
a
causé
ans.
Devant toutes
ces
misères aujourd'hui, devant tout le tra¬
falloir faire dans l'île pendant peut-être deux
ans, il est triste à penser que l'autorité devienne de plus
en
plus dure et arbitraire sans qu'en aucun cas, même sur
ma
demande, le gendarme n'ait voulu un ordre quelconque
qui ordonne cette mesure.
vail
qu'il
Je
nité
vous
va
serai
donc
très
reconnaissant
d'employer tout votre savoir à faire
au
nom
de l'huma¬
cesser une
pareille
injustice.
Il ne semble en rien que ce soit une mesure de sauve¬
garde contre des agissemennts de l'Evèque, attendu qu'il ne
s'agit pas de terres qui ne s'en est jamais départi pendant
60
ans.
droit que s'arroge cet ignoble gen¬
donner reçu ?
Je dis cet ignoble gendarme non sans raison car je viens
d'envoyer une plainte formelle contre lui pour avoir reçu
de nombreux pots de vin des capitaines baleiniers afin de
Puis,
darme
que signifie ce
de percevoir sans
favoriser
ces
baleiniers dans leurs transactions
avec
les indi¬
gènes travaillant de force sous peine de contraventions pour
les baleiniers à des prix dérisoires.
Agréez, Monsieur Brault, l'assurance de mes sentiments
distingués.
Paul
*
Société des
»
Études
♦
Océaniennes
Gauguin.
—
216
—
Février 1903.
Traduction d'une lettre de
par
l'indigène Samuel
Paul GAUGUIN ( 1 )
Monsieur le
Juge,
Il m'est défendu de voler pour me
J'ai faim et je veux manger. Je
nourrir.
suis venu chercher les
fruits de maiore qui sont à moi et le gendarme ne veut pas.
Condamnez-moi si vous voulez mais je veux manger, c'est
mon
droit.
Matue Samuel.
*
*
♦
Monsieur Brault
Je viens par ce
courrier compléter les premiers renseigne¬
je vous ai donnés le courrier précédent.
Quelques jours avant la saisie qui a été faite chez moi,
j'ai été payer les prestations de mon domestique, puis chose
étrange : vingt jours après le brigadier avec le juge pour me
faire la niche ont condamné ce domestique par défaut à (2)...
Voilà qui dépasse tout ce qui a pu paraître dans les annales
de la justice. Profitez-en pour faire voir comment la justice
a
procédé aux Marquises en général. Ce juge qui n'a cessé
d'habiter et manger avec son ministère public (le Brigadijer
ments
que
le
Greffier).
une
copie de lettre au professeur de droit et
président du Tribunnal supérieur.
et
Voici
non
au
Monsieur...
Qu'il soit permis à un artiste peintre désireux d'apprendre
beaucoup de choses qu'il ne connait pas, faute de pouvoir
vous
entendre au cours de droit que vous avez l'amabilité
de faire à Papeete, qu'il soit permis de vous demander sans
toutefois vouloir vous déranger, un simple renseignement qui
pourrait lui être utile plus tard en tant que conduite hono¬
rable à suivre vis à vis de la gendarmerie aux Marquises, de
la
Justice aussi.
( 1 ) La mention « par Paul Gauguin » est ajoutée après
une encre
différente, le tout est visiblement de sa main.
avec
( 2 ) Laissé
en
blanc dans la lettre.
Société des
Études
Océaniennes
coup
—
217
—
J'ai demandé à
,Atuana à Monsieur le Juge de Paix pour un
d'indigènes la permission de faire leurs pres¬
tations après avoir préparé leur nourriture de plusieurs mois,
( récolte des quelques fruits à pain que le cyclone avait
épargnés), ceux-ci ayant été menacés de contravention par le
chef indigène ( ordre du gendarme ) tandis que pour l'exer¬
cice 1903, ils n'avaient même pas encore reçu le premier avis
d'inscription sur les rôles.
11 n'a été répondu que les prestations ne regardaient pas
la justice mais bien l'administration ( arrêté... )
Or aujourd'hui 6 Mars 1903 à midi, mon domestique indi¬
gène vient de recevoir une citation en français qu'il ne com¬
prend pas à Comparaître devant le jugje à 8 heures du matin.
Lundi 9 Mars 1903 comme prévenu d'avoir refusé de faire ses
prestations (contravention prévue et punie par l'art. 471 et
15 du Code pénal )
Ainsi donc un jour c'est un arrêté et un autre jour c'est le
code pénal ! ! î
Or ses prestations ont été payées par moi au brigadier qui
les a acceptées et m'en a donné reçu.
Or aussi la citation est datée du 4 Mars 1903 signée par le
Juge tandis que le Juge est parti en mer le 3 Mars et revenu
le 6 du même moj(s à 5 heures du soir.
certain nombre
Il
été condamné par
défaut à 5 frs d'amende.
intelligence ne peut arriver
qui dans la suite ( désirant
toujours être correct avec la justice et l'administration ) me
ferait pécher par ignorance. Quelle est la garantie pour le con¬
tribuable si ayant payé on le traîne devant les tribunaux pour
avoir à payer à nouveau, et en pareil cas quelle est la respon¬
sabilité du gendarme ?
Ce sont là cependant toutes choses qui ne sont pas aux
Marquises exceptionnelles, et il importe pour la bonne règle
des gendarmes et aussi pour la tranquilité du colon honnête et
de l'indigène (celui-ci ignorant tout des lois, ne les tenant en
général que du gendarme qui ne les lui apprend qu'en sens
inverse à coups de bâton ) ; il importe d'être renseigné.
Nul n'est sensé ignorer la loi. Faut-il encore qu'elle soit
compréhensible.
a
J'avoue Monsieur que ma pauvre
à résoudre un pareil problème ce
P.
Société des
Études
Océaniennes
G.
—
PS
La
:
citation
le
et
Brault défenseur à
Zelée
arrivé
le
5
11
10
reçu
sont entre les mains de Maître
Monseigneur et Gendarmerie
vu
Monseigneur
l'Ecole et reparti à
pour
heures I I !
Personne n'a vu et causé
Il m'a été impossible de
avec
18.—
eux
! ! !
les trouver libres et leur parler.
*
N°
—
Papeete.
( inspecteur
chez
fête
218
REÇU
*
au
*
16 Février 1903.
Reçu de KAHUI Daniel la somme de : Vingt francs, Dix
centimes, remboursement de dix journées de prestation exer¬
cice 1902.
L'agent spécial,
Signé
:
Piquenot.
AVIS-CITATION A PREVENU
Pour audience foraine
( Décret du 9 juillet 1890 art. 5, arrêté du 8 octobre 1890 )
JUSTICE DE PAIX DE L'ARCHIPEL DES MARQUISES
Audience foraine tenue à ATUANA
Le
juge de paix invite le nommé KAAHUI Daniel, domicilié
comparaître en personne devant
jugeant en audience foraine en matière correctionnelle le
demeurant à ATUANA, à
et
lui
lundi 9 Mars Mil neuf cent trois à huit heures du matin dans
le local de la gendarmerie comme prévenu d'avoir refusé de
faire des prestations.
Contravention
prévue et punie
par
l'article 471 du code
pénal.
Faute
défaut.
Fait à
par
le sus-nommé de comparaître, il
sera
ATUANA, le 5 Mars 1903.
LE JUGE DE PAIX.
*
Société des
*
*
Études
Océaniennes
jugé
par
—
219
—
Vous voyez Monsieur Brault ce qu'il en est et je vous sais
trop intelligent pour ne pas en tirer parti grandement. D'ail¬
leurs je me réserve de traiter à ma façon cet extraordinaire
juge qui nous paraît à tous bien extraordinaire pour ne pas
dire
autre
chose.
Si
011
examine tous les dossiers
tous
les
cas
on
verra
que dans presque
constatation de la part du gen¬
darme sinon un racontar d'un quelconque chef intéressé et
menteur fieffé. Nous public savons ceux qui sont coupables
et nous pouvons affirmer que sur 5 accusés, il y en a 2 de
non
coupables, deux coupables mais sans aucune preuve de la
culpabilité, et un vraiment à condamner.
Vous
que
je
n'y
a aucune
avec beaucoup d'attention dans l'affaire
envoyée à défendre et dont je me porte
le paiement, les dépositions :
remarquerez
vous
garant pour
1°
il
ai
Déposition du délateur un voyou mal noté. Une scène ex¬
de sauvagerie. Orgie et batailles couteaux
haches etc... (Il n'a été fait aucune demande au gen¬
darme s'il avait vu une trace quelconque de blessures, de
traordinaire
contusions...
2°
3"
rien.
Déposition du gendarme ! Le juge ayant voulu faire de
l'esprit lui a dit à brûle pourpoint ( M. le gendarme vous
avez rêvé car il n'y a eu rien de tout cela)
Le gendarme devenu pâle a baissé la tête et allait... se
dédire quant le juge s'en apercevant lui a tendu la perche
en
lui disant « Du moins à ce que disent les accusés...
Déposition de deux indigènes dont un est le chef. Le
prévenu par cet autre indigène qu'il
se
passait une orgie extraordinaire dans la vallée d'Anatetoa et qu'alors prêtant l'oreille il aurait entendu...
L'indigène appelé dit que c'est un mensonge et qu'il n'a
pas parlé même ce jour-là au chef.
Confrontés tous les deux, l'indigène maintient avec beau¬
coup d'énergie sa déposition tandis que le chef après une
longue hésitation la tête basse affirme à nouveau molle¬
ment. Mais le juge ne dit rien.
Condamnation complète et à la sortie le chef engueulé
avoue
qu'il n'a pas entendu à 8 kilomètres de distance et
que c'est pour se venger qu'il a déposé ainsi.
chef déclare avoir été
Société des
Études
Océaniennes
—
220
—
Il m'a fallu...
jours d'énergie pour faire appeler devant le
Brigadier le chef et après une demi heure de violente dis¬
cussion avec le Brigadier celui-ci m'a dit
qu'il n'avait pas
d'ordre à recevoir de personne et
que
pas.
n'en
cela ne me regardait
J'ai écrit immédiatement au Juge ( afin que la justice
ignore) et le Juge n'a pas daigné me répondre, n'a
daigné non plus citer ce chef pour avoir à répondre
pas
de l'accusation.
Il
est
à
remarquer que le Brigadier ( ministère public )
que le chef mentait au tribunal, connaissant par¬
faitement que la distance du poste de gendarmerie à la
vallée où se passait l'orgie est de 8 kilomètres
indiquée
d'ailleurs sur l'annuaire. Et ce n'est que longtemps après,
le lendemain je crois, ( à vérifier
) que
savait
la gendarmerie
aurait pu
constater un cas d'ivresse ! ! !
Dans cette affaire, tout, tout est faux et c'est un
coup monté
par la gendarmerie : dans cette affaire aussi le Juge est
parti pris d'une façon évidente (Mais il est interdit de le
dire ( sinon de le faire sentir )
*
*
*
2
Monsieur le
Nous
venons
mars
1903.
Délégué des Marquises, ( 1 )
d'être condamnés à trois mois de
prison pour
coprah dans la vallée du Gouvernement à
Aniamiai : depuis soixante ans nos parents ont été autorisés
à jouir des cocos qu'ils
avaient plantés.
On ne nous a jamais montré aucun arrêté du Gouverneur
qui nous défende la jouissance de ce qui nous appartient et ce
n'est qu'une simple défense du gendarme.
Le cyclone nous a enlevé cette année une récolte de notre
unique nourriture ( les maiore ) c'est donc pour nous un très
grand malheur et nous vous serions reconnaissants si vous
intercédiez pour nous (l'assistance judiciaire) n'ayant pas
d'argent pour nous défendre en appel afin de plaider notre
cause. Il est triste de faire de la
prison pour avoir disposé de
ce qui nous
appartient.
Veuillez, Monsieur le Délégué, croire à tout notre dévoue¬
ment et nos respectueux sentiments.
avoir
fait
du
Teiefitu Mahuiotui
( 1 ) Cette letre est entièrement de la main de Gauguin.
Société des
Études
Océaniennes
—
(1)
Copie
d'une
lettre
221
—
écrite
à
l'administrateur
des
Marquises.
J'ai
l'honneur
de
vous
accuser
réception de votre lettre
datée du 17 Mars 1903.
Aujourd'hui 31 Mars, je viens d'être condamné à 3 mois
prison et 500 frs d'amende ( délit de diffamation prévu
par les articles 29, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881.
Ayant examiné mon dossier, il se trouve que le gendarme
Guichena)\ a envoyé à son lieutenant copie de la lettre que je
vous ai
écrite et au sujet de laquelle vous me
répondez en
de
date du 17 Mars 1903.
Cette lettre a été jugée par le lieutenant avec
Gouverneur comme diffamatoire.
du
Je
sais si
ne
approbation
même temps que votre
lettre du 17 Mars
brigadier au sujet de cette affaire ;
toujours est-il qu'elle ne figure pas dans mon dossier.
A tout ce dossier, il y a un long
rapport du brigadier con¬
cernant les réclamations
que je vous avais faites précédemment
entre autres l'affaire de la femme Animioi
qui vient de mourir
à la suite de tous ces tracas
que la gendarmerie lui a causés,
lout ce que je vous ai écrit à ce sujet est
paraît-il un tissu
de mensonges tendant à diffamer la
gendarmerie.
Je fais appel du jugement
prononcé contre moi qui à tous
les points de vue paraît bizarre : entre autres cette loi de
Juillet 1881 étant une loi sur la presse ou
paroles dites en
public, et non pour des écrits particuliers sinon secrets. Comme
vous
le dites si bien «Vous êtes seul juge de donner suite...
J'ai cru que cela aurait été un
manque d'égards pour
votre personne de
produire au Tribunal votre lettre et je
viens vous demander l'autorisation de la
produire à Papeete
vous
aux
Je
en
avez
en
écrit
une
au
Tribunaux de Tahiti.
vous
deuxième
demande aussi avec insistance de produire aussi ma
lettre qui est tout le contraire d'une diffamation
puisque en cette lettre je tenais pour vraies les déclarations
du gendarme vous disant que l'enquête
n'ayant pas été faite,
elle n'était plus demandée par moi.
Au dossier, en fait d'enquête, il n'y a
que la déclaration
du gendarme approuvée par son
brigadier disant que la voi¬
ture d'enfant n'était pas
déclarée étant un cadeau d'un bam( 1 ) Entièrement de la main de Gauguin.
Société des
Études
Océaniennes
—
222
—
bin de 5 ans,
terminant par
fils du capitaine à son petit ami Guichenay, et
cette phrase « Une enquête ne découvrira rien
de plus » : ce qui prouve suffisamment qu'au cas où ma pre¬
mière lettre aurait été diffamatoire, il n'y a aucune enquête
sérieuse ordonnée par vous et vérifiée qui vienne prouver
que le gendarme a déclaré toutes les marchandises débarquées
lui.
par
Quant
aux
M.
responsabilités du gendarme vis-à-vis de
affaire, vous
l'Administrateur en cette singulière
comme vous le dites le seul
juge.
Veuillez
vous
êtes
...
*
*
*
Copie d'une lettre de l'Administrateur
( officieusement n'ayant pas le droit de produire l'original )
M.
Piquenot Administrateur
Vous
m'avez
fait
à M.
Gauguin
part
de votre étonnement d'apprendre
gendarme Guichenay
Claverie.
qu'une plainte émanant de
se
trouvait entre les
17 Mars 1903
—
vous contre le
mains du Brigadier
Permettez-moi
de vous faire remarquer, tout d'abord que
je suis seul juge de la suite qu'il convient de donner à une
plainte fut-elle ensuite retirée, mais je dois vous dire que
dans le cas actuel, votre lettre que j'avais adressée directe¬
ment au
gendarme intéressé m'est revenue par l'intermédiaire
de son brigadier en vertu des règlements spéciaux contre
lesquels je ne cesse de protester.
Je
donc
suis
poursuites
dans
ses
surpris que M. Claverie vous ait menacé de
d'une lettre qui passait accidentellement
au vu
mains.
Signé
*
*
:
26
Monsieur
Picquenot.
*
Mars
1903.
Brault,
Votre dernière lettre arrivée par la Zélée me disait que
je devais avoir aperçu un changement à la situation des indi¬
gènes de Taoata.
Or à l'heure qu'il est il n'y a rien rien.
Société des
Études
Océaniennes
223
—
—
Où M. Picquenot a donné ordre au gendarme et celui-ci
n'a pas obéi, ou M. Picquenot n'a rien dit et nous a menti.
Tout cela ne tranche pas la question et ces malheureux
( de
par la fantaisie d'un brigadier de gendarmerie ) conti¬
à être dépossédés de ce qui constituait leur existence.
nuent
Ce serait le
t'on ici ?
Je
vous
ne
pense pas
vous
en
de dire
cas
comme
Beaumarchais Qui trompe
Monsieur Brault qu'ayant si bien commencé
simples réponses évasives de la
teniez-là à de
part du Secrétariat.
En ce qui concerne
chose extraordinaire.
l'affaire de Anatekoa il
se
passe
une
Pour le chef
indigène qui a fait une fausse déposition le
dit qu'il n'avait pas à s'occuper des potins.
J'ai
alors au Juge afin qu'il n'en ignore. Ce juge a
fait vis-à-vis de moi et vis-à-vis de la justice le silence le
plus complet.
Je ne puis comme vous comprenez aller demander une
explication, mais je pense qu'il y a là une recherche évidente
de cacher un cas de cassation pour l'affaire que vous aurez
à plaider.
Veuillez agréer, M. Brault, l'assurance de mes sentiments
distingués.
Paul Gauguin.
brigadier
a
écrit
M.
pu
Regnet étant très malade
faire votre commission.
*
*
sans
pouvoir bouger je n'ai
*
Avril 1903.
Monsieur Brault,
Ci-inclus
non
date
une
citation.
de la lettre
Je ne sais quelle importance
puisque la date se trouve fixée
a une
par
le
courrier.
Débarqué
d'accord
avec
les
capitaines
( c'est-à-dire
en
fraude )
Loi du 29
Juillet 1881 ? Loi
les
imprimés.
qui s'est passé.
<
Durant le séjour des navires baleiniers à Taoatu tout le
Voici
sur
ce
Société des
Études
Océaniennes
224
—
—
monde
a pu voir le
débarquement facile
breuses marchandises et les capitaines de
et sans gêne de nom¬
dire ( officieusement )
suis permis d'écrire
une
enquête à ce su¬
jet et ma lettre lui a été remise à bord du navire de la So¬
ciété Commerciale qui partait pour Fatu Iva.
que le gendarme était charmant. Je me
à l'administrateur lui demandant de faire
Au retour M. Picquenot est venu me voir me disant que le
gendarme avait fait les déclarations des objets qu'il avait
débarqués et que par conséquent l'enquête deviendrait inu¬
tile. Je n'ai pas insisté quoique les déclarations du gendarme
pouvaient être mensongères et pour l'affirmer écrit une lettre
à l'Administrateur le priant ( l'enquête n'ayant pas été faite )
de considérer ma première lettre comme nulle et non avenue.
M. l'Administrateur est parti pour Taiohae quelques jours
après sans me dire que cette lettre était considérée par lui
comme n'annulant pas la première.
L'incident était clos mais
quinzaine de jours après le
brigadier qui est un mauvais coucheur me chercha dispute et
me menaça de
poursuites pour cette lettre. J'ai écrit à Mon¬
sieur Picquenot et ci-inclus copie de réponse.
Le juge (cet extraordinaire juge) avait déjà tout préparé
pour me condamner. Je fais appel du jugement et je vous prie
de me répondre par le courrier quand je dois m'embarquer
pour aller à Papeete.
D'ici mon arrivée vous aurez tout le temps pour examiner les
dossiers. Je sais que Monsieur L
est tout à ma disposi¬
tion pour cela (mais je n'ai pas très grande confiance en ses
talents ) et je préfère que ce soit vous. D'ailleurs à mon arri¬
vée nous nous entendrons pour celà.
Je crois qu'il y a un décret visant la constitution de la
justice aux Marquises qui dit que le ministère public est
nommé ainsi que le greffier par le Gouverneur ministère et
greffier résidant à Taiohae.
Or toute la justice a été rendue avec un ministère public
nommé par le juge ( le brigadier Claverie qui se trouve être
en
plus son hôtelier ). Il y a cependant un Chinois qui a
une
patente de restaurateur chez lequel tous les juges précé¬
dents ont mangé.
Il y a dans mon jugement quelque chose d'inadmissible
c'est qu'au cas où ma lettre soit diffamatoire il n'y a aucune
preuve que j'ai menti sinon l'affirmation du gendarme certi¬
fiée par son brigadier c'est-à-dire les parties intéressées et
Société des
une
Études
Océaniennes
(JcAsUvx.
S^X
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 133-134