B98735210103_132.pdf
- Texte
-
BULLETIN
de
la
Société des Etudes Océaniennes
N°
132
-
TOME
SEPTEMBRE
Anthropologie
Histoire
—
Institutions
—
et
—
PAPEETE
7)
—
Philologie
Antiquités des Populations Maories
et
Océanographie
-
( N°
1960
Ethnologie
Littérature
Astronomie
XI
Folklore
—
IMPRIMERIE
Sciences naturelles.
OFFICIELLE
Conseil d'Administration
Président
M. H.
Vice-Président
M. JAUNEZ
Secrétaire-Archiviste
Melle LAGUESSE.
JACQUIER.
Trésorier
M. LIAUZUN.
Assesseur
M.
Cdt. PAUCELLIER.
Assesseur
M.
Rodolphe BAMBRIDGE.
Assesseur
M. Terai BREDIN.
Assesseur
M. Martial
IORSS.
Assesseur
M. Siméon KRAUSER.
Assesseur
M. Yves
Secrétaire-Bibliothécaire
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présentera la formule à signer.
La
ouverte aux membres de la Société et à
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14 à 17 heures.
est
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au
public tous les jours de
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heures. Les
jours, sauf le lundi de 14 à 17
jours d'arrivée et de départ des courriers : de .9 à
11 heures et de 14 à 17 heures.
Société des
Études
Océaniennes
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME XI
M» 132.
—
( N° 7)
SEPTEMBRE 1960.
—
SOMMAIRE
Pages
Archéologie
Découvertes
archéologiques
aux
Iles Wallis (Dr Bernard.
Villaret)
181
Histoire
Yigneti, commissaire de première classe de la Marine
( Commandant J. Cottez )
183
Nécrologie
Le Gouverneur L. J. BOUGE
Société des
Études Océaniennes
200
Découvertes
archéologiques
aux
Iles WALLIS
On sait que
les Iles Wallis, situées au nord-ouest des Fidji,
mélanésienne, présentent une grande impor¬
tance pour l'ethnologie
polynésienne. Elles ont, en effet, cons¬
titué un centre de premier
plan pour les migrations secondaires,
rétrogrades, qui, parties de Raiatea — peut-être vers le
XlVème siècle
ont poussé fort loin vers l'ouest
jusqu'aux
Nouvelles-Hébrides et même jusqu'aux Loyalty.
Lors d'un séjour en avril-mai 1960 à Uvea, la
principale
des îles Wallis, j'ai étudié l'archéologie de l'île, mal connue et
considérée jusqu'ici comme pauvre, avec assez de chance pour
y trouver deux sites caractéristiques.
La sépulture de Vailala a été découverte par hasard, par des
indigènes à la recherche de pierres pour construire une cha¬
pelle dans ce village du nord de l'ile. Elle se trouve au lieu
dit « Fenua Petania », situé à environ 200 mètres du
village
côtier. Elle est fermée par une grande dalle horizontale de
corail taillé, d'environ 2 m 25 sur 1 m 50, recouvrant un
caveau haut de 0 m 60
environ, muré tout autour par d'autres
dalles de corail taillé. Trois squelettes en assez bon état de
conservation s'y trouvaient côte à côte, deux adultes et un
enfant semble-t-il, étendus sur le dos, la tête orientée vers l'est.
L'intérêt de cette sépulture, datant probablement de deux
ou
trois siècles, réside dans le fait que le caveau
principal
était entouré d'une véritable couronne de squelettes enterrés
en
position accroupie, et qui, d'après les terrassiers indigènes
et les anciens du village, étaient ceux de 20 ou 25
esclaves,
inhumés vivants, afin de veiller dans l'au-delà sur leurs chefs
décédés, les aliki...
Par ailleurs, le lieu dit Lauliki, situé en pleine brousse au
sud-est du lac-cratère de Lalolalo, a été décrit d'une manière
assez approximative
par l'ethnologue Edwin G. Burrows dan»
son livre
«Ethnology of Uvea» (Bishop Museum, 1937). Get
endroit a une grande importance dans l'histoire des Wallis,
puisque c'est là que fut construite la fameuse pirogue double
Lomipeau — demeurée vivace dans les traditions et les chants
de l'île
pirogue qui servit à une expédition punitive aux
îles Tonga, probablement vers le XVème siècle.
En dehors d'une double murette de pierres sèches, dont la
trace se retrouve par endroits sur 4 kilomètres
jusqu'à la mer,
et qui servit, dit-on, de glissière à chacune des coques de la
pirogue Lomipeau, existe un vaste espace, qui venait d'être
donc dans la
zone
—
—
Société des
Études
Océaniennes
—
182
—
débroussé à
l'usage de plantations d'ignames et où j'ai eu la
surprise de découvrir une très grande « pierre à kava » qui
avait échappé à Burrows.
Cette pierre noire, au grain lisse,
qui, d'après mon guide,
le vieux chef Amasio, avait porté le nom de Fuaga, mesure
environ deux mètres de diamètre et un mètre de hauteur ; elle
est légèrement ovale, et offre en son centre une cavité
réguliè¬
rement arrondie, large de 0
m 50 et profonde de 0 m 20, qui
est le bol à kava royal. Tout autour sont
disposées d'autres
cavités : d'une part, quatre cupules destinées à écraser les
racines de kava, et d'autre part six
emplacements évidés, des¬
tinés à aiguiser les haches de pierre.
En conclusion, alors que dans ces îles, on ne retrouve
prati¬
quement aucune trace d'objets artistiques anciens de pierre ou
de bois comparables à ceux des Marquises ou même de
Tahiti,
il semble cependant que les vestiges de sépultures et de cons¬
tructions anciennes qui m'ont paru nombreux, mériteraient
des fouilles et une étude approfondie.
Docteur Bernard VILLARET.
Société des
Études
Océaniennes
V I G IN E T a
( 1804
Commissaire
de
1857 )
-
Première
Classe
la
de
Marine
(1)
Lorsqu'en 1831, le Contre-Amiral Arnous-Dessaulsays, nommé
Guadeloupe, embarquait à Brest pour rejoin¬
dre son poste, il emmenait avec lui, comme secrétaire parti¬
culier, un jeune commis de l'Administration de la Marine,
Nicolas, Aimé Vigneti, qui avait été signalé à son attention par
des notes déjà excellentes.
La carrière de Vigneti était cependant brève.
Né à Toulon le 30 Prairial, An XIT (1804), fils d'un «négo¬
ciant», entré au service le 1er janvier 1822, passé dans le corps
des commis de l'Administration en avril 1824, Vigneti en avait
gravi rapidement les premiers échelons (2).
Son comportement général, sa manière de servir, sa discré¬
tion aussi, peut-être, n'avaient pas tardé à le mettre en vedette
parmi des camarades, sans cloute moins doués que lui. D'où sa
désignation flatteuse « au choix de l'Amiral », pour un poste
envié à la Guadeloupe.
Les Antilles, vers 1830, n'étaient pas du tout ce qu'elles sont
devenues, depuis. Elles évoquaient, encore, l'époque idyllique
des « isles » chantées par Bernardin de Saint-Pierre, Parny,
Colardeau, la Poix de Frémi molle, Herpin et beaucoup d'autres.
L'esclavage ne devait y être aboli, définitivement, qu'en 1848.
Dans un climat « exaltant », baigné par la lumière des Tro¬
piques, au milieu d'une végétation exubérante, les Blancs —
les « békés »
y menaient une vie fort agréable, passée,
partie dans de confortables «habitations», partie à la campa¬
gne, dans la forêt, où ils jouissaient de promenades ravissantes
à cheval, en voiture ; ou encore, au bord de la mer, dans des
croisières charmantes par goélettes ou pirogues, louvoyant
d'anses en anses, d'îles en îles, semées de plages dorées, en se
délassant par des bains de rivière, dans des sites délicieux,
tels ceux de Dollie, sous les magnolias et les sveltes bambous.
Gouverneur de la
—
La
vie
matérielle s'y
déroulait facile
une
:
( 1 ) Grade correspondant, aujourd'hui, à celui de
en
de
chef
de 1ère classe
main-d'œuvre
«
Commissaire
».
( 2 ) Commissaire de la Marine
1ère cl., 1832.
Société des
-
Études
16-4-1824
;
Océaniennes
de 2ème cl., 1831
;
—
184
—
abondante et servile la facilitait. Capresses, mulâtresses, chabines, quarteronnes, ou môme octavonnes, prodiguaient, vêtues
de leurs amples robes à ramages éclatants, coiffées de madras
calendes », leur peau mate rehaussée de lourds grains
d'or,
les fameux colliers « choux » ou colliers « esclaves
»,
leurs
grâces aguichantes et lascives.
«
L'existence y était douce,
malgré la chaleur tropicale et la
épidémies (fièvre jaune, ou choléra).
Dans le courant de 1834, débarqua dans
l'île de la Guade¬
loupe, amené à la Pointe-à-Pitre par on ne sait plus quel
bateau, un certain baron Charles, Philippe, Hippolyte de Thier¬
ry, accompagné de sa famille. Elle comprenait les deux parents,
cinq enfants encore jeunes, échelonnés de seize à trois ans,
enfin une fidèle servante, Marguerite Niclson, au total, huit
menace
de certaines
personnes.
La Pointe-à-Pitre était par excellence la place la plus vivante
l'île, son centre commercial (1). On y rencontrait de nom¬
breux négociants, de multiples artisans, quelques banques.
Parmi celles-ci, un établissement, celui des frères Salomon
de
(d'origine israélite), fixés dans le pays depuis quelques années,
tarda pas à s'intéresser à l'activité, ou plutôt aux
projets de
notre sympathique baron.
ne
À dire
vrai, il
Il venait de la
se trouvait à cette époque, assez besogneux.
Martinique, oîi, malgré l'appui amical de quel¬
hautes relations, Amiral de Mackau, alors chef de la
Division des Antilles, trésorier-payeur Liot, ancien chef d'es¬
cadrons de Barbançois, Chevalier de Malte et de Saint-Louis,
ques
peut-être quelques Dillon ou Tascher de la Pagerie, ou encore
les Fabrique de Saint-Tours, alliés à certains Ghassin de
Thierry, il n'avait guère réussi, et subsisté, qu'avec peine, en
accordant, dans les moments difficiles, des pianos, ou en
essayant de bricoler, par-ci, par-là, et de donner, à l'occasion,
un
concert de
harpe.
Lassé par une
vie difficile, il était passé à la Guadeloupe,
l'espoir que certaines de ses relations pourraient, peutêtre, l'y aider.
Cette île comptait, alors, aussi, quelques familles ayant,
avec
la sienne, ce qu'on est convenu d'appeler « des affinités
avec
( 1 ) Commandant d'Armes à la Pointe-à-Pitre : Chef de Bataillon
Soncy ,* capitaine de port : capitaines de vaisseau en retraite
de Salvert, tous deux devenus des amis du Baron de
Thierry.
Fitte de
Société des
Études
Océaniennes
—
185
—
généalogiques » : Gondrecourt, issus de Lorraine, riches pro¬
priétaires, certains Faucloas, lointains alliés de Samuel Ber¬
nard, parents aussi du « Duc de Rovigo », enfin les Fitte de
Soucy, vieux amis des siens, au temps où les Laville habitaient
Metz.
Charles
cependant, ne manquait ni de bagout, ni d'entregent,
d'originalité. Il n'avait pas tardé à entrer en relations, à la
Pointe-à-Pitre, avec un officier de Marine « le Comte d'Orsay »,
Commandant d'un petit stationnaire local, la goélette «Momus».
ni
Ce « Comte d'Orsay » s'appelait, en réalité, Dangé d'Orsay.
Il était, sans doute, un cousin du fameux « arbitre des élégan¬
rattachait, par ses ascendances, à une famille connue
généraux, les Dangé. Charles pouvait, dans ce
milieu, exciper de ses parentés et alliances avec le fameux
Le Riche de la Popelinicre, avec Monsieur de Fontaines, sans
même parler, parmi les agioteurs et financiers de haut vol,
des Beaumarchais, des Valmalète, ou de Monsieur Ristaud, l'un
des anciens directeurs de la Compagnie des Indes, de ParisDuvernet, encore moins de l'illustre et puissant Samuel Ber¬
nard (1).
Par le Comte d'Orsay, lequel avait auprès du Gouvernement,
un camarade, le lieutenant de vaisseau Le Barbier de Tinan (2),
Charles ne tarda pas à approcher, sinon le Gouverneur luimême, du moins, tout son état-major ; la faconde, les idées
originales, le dynamisme et les talents divers de notre héros
attiraient et distrayaient, le soir, au crépuscule, au moment
où commencent à briller les lucioles, autour du fameux « punch
créole », cette bande de jeunes gens, somme toute, assez peu
occupés. Les discussions allaient leur train, accompagnées,
en
sourdine, du croassement des crapauds-buffles...
ces »
de
et
se
Fermiers
L'état-major du Gouverneur comprenait alors, entre autres
officiers, le colonel Aurange, Commandant militaire, les Com¬
mandants d'Armes de Pointe-à-Pitre et de Basse-Terre, le
lieu tenant de vaisseau Le Barbier de Tinan, un « capitaine »
( 1 ) Voir premier
Généalogies.
livre
de
«
La
vie
du baron
de
(2) Fils d'un Commissaire des Guerres, le Lieutenant
Le Barbier de Tinan était appelé à parcourir une
carrière maritime, il devint Amiral et Commandant en
l'Escadre de la Méditerranée. Souville en parle dans ses
seau
Maritimes.
Société des
Études
Océaniennes
Thierry
»
de Vais¬
brillante
Chef
de
Souvenirs
—
186
—
remplacé par le «Major» Fergus, Aide-de-Camp (honoraire),
enfin, Vigneti, Commis de 2ème cl. de la Marine, secrétaire
particulier du Gouverneur.
Au Conseil Privé, on aurait pu relever les noms de Messieurs
de Muyssard, Commissaire Principal de la Marine, Ordonna¬
teur ; Motas, Commissaire de la Marine, chargé de l'Inspection
;
Billecoq, Directeur de l'Intérieur : Bernard, Procureur Général ;
Le Dentu, et Eymard de Jabrun, Conseillers Coloniaux.
Par la 6uite, Le Barbier de Tinan, appelé à rentrer en France,
voudra bien, en principe, servir à Charles de Thierry de « fon¬
dé de pouvoirs » dans la Métropole et d'agent de liaison
auprès
des autorités. Il sera le dépositaire de pièces très importantes,
concernant les projets de notre baron (1).
Quant à Fergus et à Vigneti, en apparence, tout à fait em¬
ballés par les projets mirifiques du baron, ils ne tarderont
pas, au bout de quelques mois, à envisager de le suivre dans
son aventureux
voyage, à Panama, d'abord, dans le Pacifique,
ensuite. Malheureusement, après la rencontre d'obstacles divers,
ils en resteront aux seules intentions, et n'atteindront jamais
la Nouvelle-Zélande...
Vigneti,
comme nous
l'allons voir,
ne
dans sa marche vers l'Ouest, Panama.
Baron un peu plus loin, et un peu plus
cembre 1835.
Quoi qu'il
dépassera même
pas,
Fergus abandonnera le
tard, h Tahiti, en Dé¬
soit, dans le feu du premier enthousiasme, ces
pas à quitter le brave amiral ArnousDessaulsays et à s'embarquer, fin décembre, sur le « Momus »,
commandé par le L. V. Dangé d'Orsay, à destination de SaintMessieurs
en
n'hésitent
Thomas.
Nous avons
déjà raconté leurs aventures (2) ; nous n'y revien¬
rappelons, brièvement, qu'à Frédérickstadt, nos
voyageurs reçurent du Gouverneur danois, le Général Oxholm,
le meilleur accueil. Ils procédèrent aux achats divers nécessi¬
tés par leur expédition : armes, uniformes, munitions, appro¬
visionnements, dans les meilleures conditions, puis embarquè¬
rent, fin décembre 1834, sur le « Roaver », à destination de
Chagrès.
L'expédition s'était renforcée, avant le départ de la Guade¬
loupe, de « deux frères-la-Côte », assez inquiétants, « Mes¬
sieurs Morel et Bertholini ». Le premier d'entre eux — vague
drons
pas ;
(1) Lettre de Charles à Caroline de Thierry (Avril 1835 ).
(2) Bulletin S.E.O. n° 82.
Société des
Études Océaniennes
—
187
—
ingénieur ( 1 ) vraisemblablement — semble leur avoir été
imposé par les frères Salomon, bailleurs de fonds de leur entre¬
prise. Quant à Bertholini, c'était un pur « gangster », capable
de tout, dangereux contrebandier à ses heures, bien connu sur
la « Terre Ferme » de Panama a Démérary, et peut-être même
jusque dans les îles du Golfe du Honduras...
Toute
cette
troupe, arrivée à Chagrès, village somnolent à
Lorenzo, avait remonté la rivière de
l'abri du vieux fort San
Chagrès
sur deux pirogues, au milieu de nuages de moustiques
maringoins sous les palétuviers, puis débarquée à Gorgona, où elle avait enfourché chevaux, et mulets, et cheminé
péniblement sur la vieille route coloniale espagnole, encore
pavée de larges dalles de pierre, coupée de fondrières pro¬
fondes, pour atteindre finalement Panama, sur l'Océan Pacifi¬
que, à l'aube de l'année 1835.
de
et
A
Panama, Charles de Thierry et
suite avaient été fort
Etats-Unis dans cette
la vieille cité espa¬
gnole, port toujours assez important, bien qu'en décadence, un
certain Jean-Michel Labarrière, ancien Capitaine de navire
et pratique de la côte, qui n'allait pas tarder à lui rendre les
plus grands services auprès du congrès de Bogota, dans les
délicates manœuvres d'approche, nécessaires à l'obtention d'un
«
privilège » extraordinaire, unique, celui du percement (futur)
sa
bien accueillis par M. Féraud, consul des
ville. Notre Baron avait découvert, dans
de l'isthme de Panama...
Mais les fonds étaient rares, les charges du Baron de Thierry
considérables, car ses compagnons, en principe co-participants
aux
dépenses générales, se gardaient bien, sous mille prétextes,
dont le plus clair était leur impécuniosité totale, de satisfaire
aux
obligations de leur contrat.
C'est ici qu'apparaît, dans toute sa
dévolu à notre héros Vigneti.
lumière, le rôle impor¬
tant
Il
remplissait, auprès du Baron, les fonctions délicates de
Extérieures, et aussi celles de Ministre
Finances, « de Chancelier de l'Echiquier », pourrait-on
Ministre des Relations
des
dire.
Si
la
1
J
les
premières consistaient h écrire, plus ou moins sous
dictée, ou d'après l'inspiration du « Chef Souverain » des
( 1 ) Nous retrouverons dans un livre de Michel Chevallier, un
Ingénieur Morel, auteur d'un tracé, devenu célèbre, du futur Canal
de Panama.
Société des
Études
Océaniennes
—
lettres
assez
filandreuses,
aux
188
—
diverses autorités colombiennes,
( 1 ), les secondes l'astreignaient à maintenir la caisse
à un certain niveau. Or, celle-ci s'était trouvée, depuis le
départ de la Guadeloupe, soumise à de si rudes épreuves,
qu'elle se montrait quasiment à sec...
et
autres
*
Le
lui
«
Chef
Souverain
»
*
*
appela alors Vigneti auprès de lui,
prodigua de
sages recommanda lions, le munit d'un viatique
de mille francs destiné à ses frais de route personnels, et le
chargea — mission de confiance — d'aller quérir de nouveaux
fonds auprès, sans doute, des frères Salomon, trésoriers géné¬
raux
de l'expédition a la Guadeloupe...
Ceci se passait tout au début de Janvier 1835, à Panama.
Pendant quelques temps, on n'entendit plus parler du fidèle
Vigneti... puis, plusieurs semaines après son départ, le Baron
fut tout étonné de voir revenir son émissaire, pâle, défait, et
sans
le moindre rouleau de « piastres fortes chiliennes » ou
doublons d'Espagne ».
Vigneti raconta alors au « Chef Souverain » l'étrange aven¬
ture qui lui était arrivée : après avoir retraversé l'Isthme, de
Panama à Chagrès, dans les conditions d'inconfort et d'insécu¬
rité que l'on connaît, l'envoyé du Baron avait réussi, de Chagrès,
à atteindre Carthagène des Indes Occidentales. Là, il avait
pris passage à bord d'un bâtiment chargé de grains qui devait
relâcher aux Antilles. Mais, pris peu après leur sortie du port
par une effroyable tempête, la cargaison s'était déplacée, une
voie d'eau s'était déclarée, et le navire avait dû rentrer au
port pour se réparer...
Pendant la tempête, Vigneti avait été affreusement malade
du mal de mer : au cours d'une crise aiguë de cette affection,
voulant rapidement sortir son mouchoir de sa poche, il aurait,
malheureusement, et par mégarde, extrait avec ledit mouchoir,
son
portefeuille. Tout son argent serait, du même coup, tombé
à la mer... et il revenait près du « Chef Souverain » plus
démuni que Job...
11 ne me restait plus qu'à renouveler le viatique de Vigneti,
à lui réitérer mes instructions, doublées de sages recommanda¬
tions de prudence, en cas de mal de mer... »
Et, avec l'expression renouvelée d'un inaltérable dévoue«
«
«
( 1 ) Voir Annexe de notre livre IX
Société des
Études
:
Panama.
Océaniennes
189
—
—
Vigneti, accompagné de
nas meilleurs souhaits de bon
sépara de nous... » (1).
Ici, perce, malgré la longanimité de Charles de Thierry, une
certaine amertume, assez ironique...
Car Vigneti, pour la deuxième fois infidèle, ne devait plus
jamais donner à son maître la moindre nouvelle.
ment,
voyage, se
On fut d'abord simplement préoccupé de son long silence,
puis inquiet... enfin angoissé.. et même désespéré
Un grave séisme venait de se produire à la Jamaïque ; les
journaux en apportaient le récit effroyable. Charles de Thierry
et le Consul Féraud étaient
persuadés que Vigneti y avait trouvé
.
.
la mort. On avait l'intention de faire effectuer des recherches
auprès des autorités de l'île...
Cependant, plusieurs mois s'étaient écoulés. Charles avait
reçu des fonds par une autre voie. Un navire, « l'Active »,
était arrivé à Panama pour transporter Charles et sa fortune
vers
son
nouveau
royaume. La première escale devait être
Tahiti...
Le
1er
juin,
l'Active » levait l'ancre, battant pavillon du
Nouvelle-Zélande», salué par les batteries
de terre de Panama, d'une salve de vingt-et-un coups de canon,
à laquelle le petit navire répondait, coup pour coup, de ses
«
«Chef Souverain de
caronades.
*
Examinons
*
*
de
plus près la conduite tenue par Vigneti au
épique.
En réalité, pour pouvoir se joindre sans difficultés admi¬
nistratives à l'expédition du Baron de Thierry, Vigneti avait
sollicité, du Département, l'autorisation de passer son congé
de fin de campagne, alors d'une durée d'un an, en
Amérique.
On ne voit d'ailleurs pas très bien où cette oote mal taillée
aurait pu le mener, en cas de réussite rapide d'un établisse¬
ment en Nouvelle-Zélande, et comment il aurait pu, en temps
voulu, obtenir un renouvellement ou une prolongation de son
congé. Certains indices permettent de penser que Vigneti se
serait joint, par ordre de l'autorité supérieure, a la troupe du
Baron de Thierry pour en suivre la marche et rendre compte
au Ministre de sa progression. En somme, il faisait en
quelque
cours
de
son
voyage...
( 1 ) Historical Narrative
library.
—
extraits de Lindsay Buick
Public
Société des
Études
Océaniennes
—
Auckland
190
—
—
sorte, du « renseignement », il représentait peut-être « l'œil de
Moscou » de l'époque, comme il a continué à le faire — vrai¬
semblablement
à d'autres stades de sa carrière, ainsi que
—
le
nous
Nous
verrons
sous
peu.
appesantirons pas sur l'incident tragi-comique
provoqué par un incoercible mal de mer, au large de Carthagène. Nous ne tarderons pas à apprendre que Vigneti, criblé
de dettes, avait de grands besoins d'argent. Pure coïncidence,
sans
doute, ne soyons pas méchants.
Mais, si au cours de son escale à la Jamaïque, il daigne infor¬
mer les autorités de la marche de
l'expédition, son silence ab¬
solu, au même moment, vis-à-vis du « Chef Souverain », cons¬
titue un indice des plus défavorables d'un dévouement — hy¬
pothétique — à la cause sacrée de la « Chefferie de NouvelleZélande
ne
nous
».
A titre
d'information, voici d'ailleurs la copie de la lettre que
Vigneti a écrite de la Jamaïque, à l'Amiral, Gouverneur de
la Guadeloupe, peut-être même au Ministre de la Marine :
Kingstone, le 29 Juin 1836
doute,
que le départ du Chef Souverain de la Nouvelle-Zélande,
annoncé d'abord par moi comme ayant dû être effectué en
février ou mars, a été différé jusqu'à la fin de mai.
Cette circonstance résulte de la pénurie actuelle des moyens
de navigation qui se rencontrent à Panama, et qu'il a fallu
créer, en entier, dans cette partie de l'Océan Pacifique, en
faisant venir d'Otahiti, point beaucoup plus fréquenté, les pre¬
...
miers
navires
«
Votre Excellence remarquera, sans
nécessaires
aux
communications
à
établir.
Tel
été le
ship armé « l'Active », sur lequel le baron de Thierry
est parti, en dernier lieu, avec sa famille et sa suite....
On voit bien apparaître dans ce message, le rôle d'informa¬
teur que jouait Vigneti.
Puis, sans autre forme de procès, sans même avoir touché
à la Guadeloupe, ni pris contact, une dernière fois avec les
frères Salomon
du moins, rien n'en apparaît — Vigneti,
sans un
regard en arrière, renonce à son séjour d'un an, prévu
en Amérique, et cingle pour la France.... hardi petit. .
.
.
où il va jouir sans vergogne, d'un congé de fin de campagne...
a
—
bien mérité.
Il
se
dans
de
sa
rend
aux
«
Eaux de
certains bureaux de la
Vichy
Rue
». Il est passé, auparavant,
Royale pour rendre compte
mission, et tâter le vent....
Société des
Études
Océaniennes
—
191
—
Son
congé expire le 1er Décembre 1835. Il avait d'ailleurs
Carthagène sollicité une prolongation de congé d'un an,
sans solde. Ce nouveau congé lui avait été accordé directement
par le Gouverneur de la Guadeloupe, dont — aux termes des
règlements d'alors — il dépendait toujours.
Avant l'expiration de son deuxième congé (février 1856),
Vigneti s'embarque afin de rejoindre son poste de la Guade¬
loupe.
C'est maintenant que surgissent, pour son affectation nou¬
velle, diverses difficultés administratives.
de
En
Avril
effet,
1836
Guadeloupe,
venait d'être promu Commis Principal en
poste de ce grade n'existait alors à la
et il avait été convenu, par entente directe
il
;
aucun
les deux gouverneurs antillais, l'Amiral de Mackau à
Martinique et l'Amiral Arnous-Dessaulsays, à la Guadelou¬
pe, qu'une permutation interviendrait entre leurs deux secré¬
taires respectifs.
entre
la
Il fut rendu compte au département de cet accord
Mais, entre temps, la Direction du Personnel s'était,
même, aperçue de l'impossibilité de maintenir Vigneti
Guadeloupe, après sa promotion, et l'avait destiné « à
tinuer ses services au Sénégal ».
local.
elleà la
con¬
Finalement, malgré les quelques difficultés soulevées par
Direction du Personnel, après nouvelle entente entre les
deux gouverneurs intéressés et le département, la désigna¬
tion de Vigneti pour le Sénégal est annulée. Il a d'ailleurs
déjà rejoint la Martinique. Un certain Monsieur Béguin, Com¬
mis à la Martinique, promu, à son tour, Commis Principal,
est
expédié au Sénégal, en remplacement de Vigneti. Et
la
voilà.
Vigneti demeure donc aux Antilles. Il y exerce paisiblement
fonctions de secrétaire particulier du Gouverneur de la
Martinique, pendant une période de deux ans, à l'expiration
de laquelle, il jouit, derechef, d'un congé de convalescence
de quelques mois. Il le passe, cette fois, entièrement en France.
A l'issue de ce congé, il est affecté au Ministère de la
Marine, Direction des Colonies « détaché à l'Administration
centrale» (1839), dit l'Annuaire, sans plus.
les
chemin dans les couloirs du
Secrétaire particulier du Baron
Mackau, Vice-Amiral, Pair de France, Ministre de la
Il fait, silencieusement, son
Ministère et finit par devenir
de
Société des
Études
Océaniennes
—
Marine et
Secrétaire
—
de
Monsieur JUBELIN, Conseiller d'Etat, Sonsd'Etat, chargé des Colonies (1).
Ses fonctions sont ainsi
de 1846
192
définies,
l'Etat de la Marine
par «
»
:
Cabinet du
Ministre
du
et
Secrétaire
d'Etat
:
Monsieur
Yigneti, Chef.
La Centralisation du Travail du Roi
L'expédition des affaires Secrètes
ce
:
Réservées.
et
D'ailleurs, il est loin de perdre entièrement son temps dans
poste. En effet, par Décret Royal du 24 Mars 1841, il
avait
été
nommé
Sous-Commissaire
de
la
Marine
de
2ème
Classe.
Arrêtons-nous
est
un
instant
devant
cette
nomination
:
elle
extrêmement
importante dans la carrière de Yigneti, puis¬
qu'il passe du Corps assez subalterne des Commis dans celui,
infiniment plus considéré des Commissaires de la
Marine,
longtemps rivaux, dans certains postes de commandement,
Préfectures maritimes et Gouvernements des
Colonies, des
Officiers dits du « Grand Corps ».
Vigneti a, décidément, le vent en poupe.
La
marche
étoiles
lui
dès a présent, ouverte. Il
consolide ses positions... Mais
les meilleures choses ont une fin
; au cours de 1846, il se fait
affecter à nos Comptoirs de l'Inde : il est nommé Chef du
reste
cinq
Service
ans
aux
à Paris
Administratif
;
à
il
est,
y
Chandernagor (2).
Il
et
en
bénéficie certainement, à la fin de ce
conformément à l'usage, d'un congé bien
France en l'année 1848.
séjour colonial,
gagné et rentre
C'est sans doute au cours de ce
congé ou de l'un de ses
précédents séjours à Paris, qu'il aurait contracté ce que l'on a
appelé un «sot mariage».
Celui-ci va l'entraîner, de concessions en
concessions, d'aban¬
dons en abandons, sur une
pente fatale.
Ses supérieurs seront bientôt assaillis de
plaintes criardes
contre lui. Il repart aux Indes en 1848.
Les années 1848-1849 sont
remplies des réclamations de
( 1 )
Etat de la marine de 1846.
( 2 ) Il
lation
à
y sera promu à la première classe de son grade ( assimi¬
Capitaine de Vaisseau ou Colonel ) le 6 octobre 1849.
Société des
Études
Océaniennes
193
—
divers
créanciers ;
MOREL
là-dessus
se
—
greffe
une
obscure
«
Affaire
».
Un ménage MOREL — ce nom avait déjà été relevé avec
d'autres, tel celui de Joly de Sabla, parmi les créanciers de
Vigneti en 1848 — se trouve aux Indes, à Chandernagor, en
1849.
Mais, toute réflexion faite, ces noms de Joly de Sabla et
Morel, fleurant un peu les Antilles et la bonne odeur de
punch créole, incitent inévitablement à quelques rapproche¬
de
ments.
..
On peut,
à bon droit, semble-t-il, se demander s'il ne s'agi¬
du même Morel que celui déjà rencontré à la Guade¬
loupe, comme ami du fameux Bertholini, puis embarqué
dans la « brigade légère » se rendant par Panama, à la conquête
rait pas
la Nouvelle-Zélande.
de
Depuis, ce Morel, refoulé, à l'arrivée du baron à Tahiti,
les services de police de la reine Pomaré, aurait, de
nouveau, traîné ses guêtres en Amérique Centrale. Ne serait-ce
pas lui, le fameux Morel, auteur d'un fantastique tracé de
chemin de fer passant par un seuil « miraculeux » de il mè¬
par
tres
d'altitude, dans l'isthme de Panama ?
Ce tracé soumis à la Société Franco-Grenadine et transmis
au
Gouvernement par leurs directeurs, les Frères Salomon,
aurait excité l'intérêt de M. Guizot et provoqué la venue à
Panama, de la mission dite de « Napoléon Garella ». D'où le
déclenchement, peu à peu, de toute l'affaire du Canal de
Panama.
Ce
Morel, sans doute marié entre temps, aurait pu rencon¬
Vigneti à Paris ou ailleurs, lui rendre quelques menus
services, tels que prêts divers... puis, par pure bonté d'âme
de Vigneti — c'était d'ailleurs un grand philanthrope — être
emmené aux Indes, lui et sa femme par-dessus bord, comme
domestiques », plus ou moins fictifs, du Commissaire de
1ère classe Vigneti, Chef des Services financiers de Chander¬
nagor, déjà un puissant personnage, en somme....
Arrivé sur les lieux, on voit ce Morel, à l'instar du Major
Fergus, à la Guadeloupe, puis à Tahiti, solliciter du Gouver¬
neur, une place quelconque de fonctionnaire.
Devant l'insuccès répété de ses démarches, Morel en est
réduit à accepter, piteusement, un ordre d'embarquement en
qualité « d'indigent ».
trer
«
*
Société des
*
Études
*
Océaniennes
—
En
Juin
avait
194
—
1849, le Commandant de Lalande de Calan (1)
à Vigneti ces notes assez nuancées :
attribué
«
entré en service en 1882. Je n'ai
qu'à me louer de
la manière dont le service est
dirigé à Chandernagor par ce
fonctionnaire dont la conduite est exempte de
reproches. J'ai
eu
lieu de me convaincre
....
par les renseignements que j'ai
le rapport de Monsieur le Procureur Général
Gibelin à son retour du Bengale, de la fausseté des bruits
qui ont couru sur M. Vigneti et si ce fonctionnaire se trouve
avoir des dettes, il
paraît que ce n'est que par suite d'enga¬
gements pris sous le coup de pertes essuyées, et de retard
dans la rentrée de valeurs libéralement
prêtées. J'espère que
les explications apportées ci-contre
justifieront un homme
d'honneur qui mérite la bienveillance. »...
pris, et
•
Au
par
cours
qualifie, de
du deuxième
nouveau,
Vigneti, d'
«
calomnié.
ment
Le Commissaire
cier
semestre
1849, le même inspecteur
Homme d'honneur », lâche¬
général Bédier (2), en 1851, note : « Offi¬
à désirer, sous le rapport
rempli de prudence et de
zélé. Laisse peut-être un peu
détails administratifs, mais
des
capacités
Le
»...
10 Août
1852, le Contre-Amiral de Verninac de SaintMaur (3), sans doute prévenu contre
Vigneti, appelé au
commandement des Etablissements Français de
l'Inde, avait
écrit au Ministre :
«l
Il y a dans les Etablissements Français de l'Inde, deux
employés peu dignes du rang qu'ils occupent, et que vous
serez
obligé de renvoyer, tôt ou tard : ce sont Messieurs
Vigneti et ...., mais vous en savez plus que moi sur leur
compte, pourquoi ne les remplacez-vous pas ?... »
Par contre, en 1853, le mcme chef note
après son inspec¬
....
tion
que :
Le Commissaire Vigneti ne donne
que des sujets de
satisfaction... esprit flexible et souple.. »
«...
( 1 ) Capitaine de
corvette en 1846, Commandant de 1' « Oise »
( et dans l'Océan Indien ).
( 2 ) Bédier — Commissaire général, Gouverneur des Etablissements
Français de l'Inde.
détachée
à
Bourbon
( 3 ) Contre-amiral,
Gouverneur
des
Etablissements
l'Inde.
Société des
Études
Océaniennes
Français
de
—
195
—
et, â la fin de la même lettre, il confirma
écrivant :
sa
nouvelle opinion
en
«...
on
est
plus porté à plaindre qu'à blâmer le Commis¬
Vigneti »...
saire de la Marine
Son sentiment n'a pas
varié en 1854 :
et modérée, dans le poste difficile
qu'il occupe, au milieu des possessions anglaises, nous a évité
bien des conflits et mérite des éloges. Il fait marcher son
service d'une manière très satisfaisante ».
«...
En
1855,
ses
nuer
Une
conduite sage
ce
même Amiral de Verninac le désigne pour conti¬
à
services
lettre
de
Pondichéry.
1856
du
Gouverneur, datée de Pondichéry
apprend que :
M. Vigneti a, depuis trois mois, fait ses preuves d'apti¬
au poste d'Ordonnateur, comme il avait,
depuis longtemps,
ses
preuves de capacité d'Administrateur.
nous
«
sa
...
tude
fait
Avec
marche
lui, ont disparu les tiraillements qui entravaient la
des divers services soumis à sa direction ; il a pris
attitude
une
à
tout
fait
convenable
vis-à-vis
des
services
parallèles et, s'est enfin rétabli, par sa dignité et son calme
personnels, une situation où, naguère, régnait le désordre,
résultat de la colère et du caprice ».
Et, finalement
(1857) :
ce
superbe
« coup
de chapeau
»
du même
au
même
M.
Vigneti a administré Chandernagor pendant sept
beaucoup de sagesse. Il compte onze ans de grade et
a, autant que beaucoup d'autres, des titres au grade de Com¬
missaire général....
«...
ans
avec
proposé pour l'avancement, et le grade d'Officier de
Légion d'Honneur ».
«...
la
*
*
*
Par infortune, l'état sanitaire des Comptoirs de l'Inde laissait
beaucoup à désirer, à cette époque.
Au
de
cours
de l'année 1857, le Commissaire
Vigneti est atteint
choléra.
Malgré les soins dévoués prodigués
Société des
par
son
Études Océaniennes
entourage, sa
—
situation
empire et il
ne
196
—
tarde pas à mourir le 20 septembre
1857.
Une note retrouvée dans les Archives du Conseil d'Adminis¬
tration du Gouvernement de
Pondichéry, en date du 8 octobre
1857, fait ainsi le point de la situation, et conclut :
«...
fonctionnaire
ce
financière
il
fait de
a
moment
au
frappé...
(Vigneti) était dans une situation
embarrassante, par suite d'anciennes dettes ;
grands sacrifices pour désintéresser ses créanciers ;
très
où
il
allait
atteindre
ce
résultat, la mort l'a
»
*
*
*
Ainsi finit misérablement à Pondichéry, le Commissaire de
Classe de la Marine, Nicolas, Aimé Vigneti, à
1ère
l'âge de
cinquante-trois
ans.
Son plus grand titre de gloire sera
d'avoir été, avec le
Major » Fergus, l'un des trois principaux héros de la mémo¬
rable équipe du baron Charles,
Philippe, Hippolyte de Thierry,
Roi de Nouka-PIiva », « Chef Souverain
d'Hokianga », vers
«
«
la
Nouvelle-Zélande.
Le
Baron
Charles—Fergus—Vigneti, ce «trio» à jamais
l'Histoire, et maintenant dispersé par un sort
funeste, tels les légendaires « Mousquetaires » de Dumas....
gît — si j'ose dire — aux quatre coins du monde.
devant
uni
Le
«
peete,
dement
Major » Fergus repose ( -j- 1856 ) au cimetière de Pa¬
long frémissement des palmes, bercé par le gron¬
de la houle sur les récifs sonores »,
il dort son dernier
« au
sommeil.
en
en
Le pauvre
Octobre
un
sol
donné de
Commissaire de la Marine, Vigneti, a été inhumé,
1857, dans la terre fangeuse d'une Inde cruelle,
qui, maintenant, n'est même plus français, aban¬
tous...
Enfin, l'argile de la fosse
Auckland
(Nouvelle-Zélande)
commune
recouvre,
de
Grafton Grave, à
depuis 1864, la dé¬
pouille mortelle de Charles de Thierry, dernier tenant de la
prestigieuse aventure néo-zélandaise.
Bref, dispersion totale, dans l'espace et dans le temps, de nos
«
mousquetaires », préfiguration, malgré tout, assez mé-
trois
Société des
Études
Océaniennes
197
—
lancolique du sort
commun
l'activité
:
humaine
—
réservé à toute manifestation de
individu, établissement, civilisation.
Ct. J.
COTTEZ
Capitaine de Frégate (H)
Arcachon Juin 1958
NOTE.— On trouve
rine
(1877)
Commissaire
de
-être
d'un
de
encore
trace dans l'Annuaire de la Ma¬
certain Vigneti Adolphe, Honorât, Sous-
la Marine,
Administrateur du Sous-Quartier
St-Laurent-de-la-Salanque, né le 2 Décembre 1833
un
lointain
neveu
de notre héros...
Société des
Études
Océaniennes
;
peut¬
198
—
—
ANNEXE
Extrait des Archives
I
départementales du Var
Etat civil de Toulon
Mairie de Toulon
Arrondissement de Toulon
No 1060
Vigneti
Du premier jour du mois de messidor, an Douze de
République française, à trois heures du soir.
la
Acte
de naissance de Nicolas, Aimé
Vigneti, né à
Toulon, le trente prairial dernier à dix heures du
matin, fils de Pierre, Victor, natif de Versailles,
dépt. de Seine-et-Oise, âgé de trente-six ans, agent
commercial et de Marie Moreau, native d'Angers,
dépt. de Maine-et-Loire, âgée de quarante ans.
Il
a
été vérifié que
le
sexe
de l'enfant est mâle.
Sur la déclaration à moi faite par
tor
le dit Pierre, Vic¬
Vigneti.
Premier
témoin
Nicolas
Jugan, natif de St-Malo,
dépt. de l'Isle-et-Vilaine, âgé de trente ans, capi¬
:
taine de vaisseau de l'Etat.
Second témoin : Auguste Séguier, natif de Marseille,
dépt. des Bouches-du-Rhône, âgé de vingt-huit ans,
Maître de timonerie.
Et ont, les déclarant et
témoins, signé, constaté, sui¬
moi Tourrières, adjoint au maire de
la ville de Toulon, remplissant les fonctions d'officier
public et lecture du présent acte a été donnée à la
partie déclarante et aux témoins.
vant
la
loi,
par
'*1%
Vigneti
N. Jugan
Tourrières
*
Société des
*
Études
Ate. Séguier
Adjt.
*
Océaniennes
199
—
—
ANNEXE
II
Bibliographie sommaire
Historical Narrative de Ch. de
Bulletins
S.E.O.
Nos
82
à
Thierry (inédit)
122
particulièrement 103, 105,
et
108, 111, 116.
Etat
de la
Turner.
Marine, 1824 à 1857
Voyage
Boutan et
au
Archives du Service
Archives de la
au
Thibet
Martinique
de
la
Archives
du
Ministère de la F.O.M.
de
Paris An IV.
Historique de la Marine
Archives
Annuaires
-
la
Guadeloupe
Guadeloupe (1836-39)
Correspondances diverses
Travaux
Thierry
personnels (en cours) sur la vie du Baron Charles de
Livre VII - Antilles
—
Livre
VIII
-
Panama.
Société des
Études
Océaniennes
NECROLOGIE
Le Gouverneur L. J. BOUGE.
Nous avons le regret d'annoncer à nos lecteurs la mort
accidentelle, à Paris, en août 1960, de M. le Gouverneur L.
J. BOUGE, commandeur de la Légion
d'Honneur, officier des
Palmes académiques, qui fut gouverneur des Etablissements
Français d'Océanie de 1928 a 1931, après avoir été chef de
cabinet du gouverneur de Tahiti de 1915 à 1919.
Il fut également gouverneur de la
Guadeloupe, de la Guyane,
et eut différentes affectations aux îles Wallis et
Futuna, en
Nouvelle-Calédonie, aux Nouvelles-Hébrides, en Inde Fran¬
çaise depuis 1902. Il s'occupa aussi, de 1939 à 1945, de la
commission coloniale de l'entraide française.
Le Gouverneur
Bouge fut un grand ami des Tahitiens, aussi
bien en France qu'en Océanie,
s'occupant généreusement de
les aider et de les guider, en leur consacrant une
journée par
semaine au ministère de la France d'Outre-Mer. Par
ailleurs,
il consacrait ses loisirs, depuis
toujours, à constituer une
importante collection d'objets océaniens anciens et de coquil¬
lages, ainsi qu'une bibliothèque traitant de ces mêmes sujets.
Il était en même temps Vice-Président de
la Société des
Océanistes
au
Palais de Chaillot à Paris.
Le Gouverneur
Bouge a beaucoup écrit sur les territoires sus¬
mentionnés, dans différentes publications, dont le bulletin de
la Société des Etudes Océaniennes de
Papeete. On connait de
lui des études sur la pêche au jet de pierres, la
conchiliologie,
les pilons, les harpons et les poissons
magiques des Iles Mar¬
quises, le code Pomare de 1819, le journal « le Sourire » de
Paul Gauguin, le rôle rituel du « inahu » dans l'ancien Tahiti.
Une grammaire de la langue tahitienne en 1953. Il avait en
préparation un travail sur le journal «les Guêpes» de Gauguin,
et un autre sur les
pétroglyphes de la Guadeloupe. Et pour
finir, un projet d'édition bibliophilique sur les poissons de
pierre, d'usage magique, des Marquises.
D'une haute valeur morale, travailleur
infatigable, le Gou¬
verneur
Bouge laisse à tous ceux qui l'ont connu le souvenir
d'un homme de bien.
Société des
Études
Océaniennes
Le Bulletin
Le
Bureau
de la Société accepte l'impression de tous les
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas
qu'il épouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien
les commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls,
en prennent toute la responsabilité.
articles
Aux lecteurs de former leur
Le Bulletin
ne
fait pas
appréciation.
de publicité.
La Rédaction.
Les
articles
l'auteur
à
la
a
publiés, dans le Bulletin, exceptés ceux dont
ses droits, peuvent être traduits et reproduits,
expresse que l'origine et l'auteur en seront
réservé
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mentionnés.
Toutes communications relatives
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pays
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.
.
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étrangers
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ou
Avantages de
somme
l'Etranger, 15 livres sterling
Le
versée
se
une
faire recevoir Membre à vie
fois pour toutes.
pour cette
(Article 24 du Règle¬
Intérieur. Bulletins N° 17 et N° 29).
ment
lo
à
40 dollars.
Bulletin
continuera
à
lui
être
adressé, quand bien
même il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
2°
du
Le Membre à vie n'a
paiement de
sa
plus à se préoccuper de l'envoi
cotisation annuelle, c'est une dépense et
ou
un
souci de moins.
En
conséquence : Dans leur intérêt et celui de la Socié¬
té, sont invités à devenir Membre à vie :
TOUS CEUX
qui, résidant hors de Tahiti, désirent recevoir
le Bulletin.
TOUS LES Jeunes Membres de la Société.
TOUS
CEUX
qui, quittant Tahiti, s'y intéressent quand
même.
Société des
Études
Océaniennes
'
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Société des
Études Océaniennes
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 132