B98735210103_131.pdf
- Texte
-
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de
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t
Sa
Société des Etudes Océaniennes
N°
131
-
TOME
JUIN
Anthropologie
Histoire
—
—
XI
institutions et Antiquités
Astronomie
—
PAPEETE
et
Océanographie
—
6)
1960
Ethnologie
Littérature
( N°
—
Philologie
des Populations Maories
Folklore
—
IMPRIMERIE
Sciences naturelles.
OFFICIELLE
n
Consei! d'Âdmfnistreâ&Bon
Président
M. H.
Vice-Président
M. JAUNEZ
Secrétaire-Archiviste
Melle LAGUESSE.
Trésorier
M. LIAUZUN.
Assesseur
M.
Cdt. PAUCELLIER.
Assesseur
M.
Rudolphc BAMBRIDGE.
Assesseur
JACQUIER.
M. Terai BREDIN.
Assesseur
M. Martial IORSS.
.
Assesseur
M. Siméon KRAUSER.
Assesseur
M. Yves
Secrétaire-Bibliothécaire
Musée
du
MALÂRDE.
Mlle
NATUÀ.
Pour être reçu Membre de la Société se faire
membre titulaire.
présenter
par
un
IBsIblioiikèqise.
Le Bureau de la Société informe ses membres que désormais
ils peuvent emporter à domicile certains livres de la Bibliothè¬
que en signant une reconnaissance de dette en cas où ils ne
rendraient pas
le livre emprunté à la date fixée.
Le Bibliothécaire
La
présentera la formule à signer.
Bibliothèque est ouverte aux membres de la Société et à
tous les jours, de 14 à 17 heures,
sauf le
leurs invités
Dimanche.
La salle de lecture est
14 à 17 heures.
ouverte
au
public tous les jours de
Musée.
Le Musée est ouvert tous les jours, sauf le lundi de 14 à 17
heures. Les jours d'arrivée et de départ des courriers : de 9 à
11 heures et de 14 à 17 heures.
Société des
Études Océaniennes
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME XI
No 131.
—
—
( N° 6)
JUIN 1960.
SOMMAIRE
Pages
Compte rendu de l'Assemblée Générale
mars
1960
du 30
149
.
Histoire
L'aventure de
Tuwari (Rey Lescure)
Peut-être du nouveau
sur
....
155
les origines de Paul
162
Gauguin (Cdt J. Cottez)
Dons
Etude sommaire
à Tahiti et
en
l'évolution de la criminalité
Polynésie entre 1870 et 1959 .
sur
Société des
Études
Océaniennes
178
;
V-
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1 :
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Société des Etudes Océaniennes
COMPTE
RENDU
DU
L'ASSEMBLEE
DE
MARS
30
L'Assemblée Générale
a
eu
Musée. La séance est ouverte
nistrateur
GENERALE
1960
lieu dans la salle de lecture du
à 17 h 15. M. Mouzon, admi¬
de la F.O.M., représente
Monsieur le Gouverneur,
empêché.
présents parmi les membres
Jacquier
Etaient
MM.
du Conseil :
président
vice-président
trésorier
trésorier p. i.
Jaunez
Liauzun
Malardé
secrétaire
Mlle Laguesse
MM. Terai Bredin
Peaucellier
Absents
MM. R.
assesseur
id -
-
:
excusé
Bambridge
M. Iorss
-
S. Krauser
-
Le président ouvre la séance et donne
annuel. 33 membres sont présents et 18
Voici deux
ans
que
je n'ai
pu
lecture de son rapport
procurations déposées.
Président
du
Rapport
id id -
venir vous rendre compte en
séjour
société. En effet,
un
personne des activités de notre
en
France qui a duré près d'un an ne m'a pas permis
dernier d'être présent à l'assemblée générale. Je profite
l'occasion pour vous remercier de m'avoir malgré
renou¬
velé votre confiance aux dernières élections.
L'année qui vient de s'écouler a d'ailleurs compté
l'an
de
cela
plusieurs
départs successifs ; outre le mien, ce fut celui du vice-prési¬
dent, Monsieur Bertrand Jaunez, puis celui de la secrétaire
Mlle Laguesse, enfin celui du trésorier, Monsieur Liauzun.
L'un des membres du bureau, M. Yves Malardé, a remplacé
successivement avec un égal dévouement la secrétaire
trésorier et nous le remercions bien vivement.
et le
absences ont un peu perturbé les
; malgré
tout, les manuscrits du
bulletin ont été déposés régulièrement à l'Imprimerie du
gouvernement, et si la parution a été considérablement retar¬
dée, c'est en raison de la surcharge de travail que cette
imprimerie supporte depuis quelque temps ; ajoutons que son
Malheureusement,
activités
de
notre
ces
Société
Société des
Études
Océaniennes
—
150
—
Directeur, M. Aimé Pambrun, était également absent du terri¬
toire, ce qui n'a pas facilité les choses. De ce fait, deux nu¬
méros du bulletin ont paru
coup sur coup en Décembre : le
numéro
cours
126 et le numéro 127-128.
Un autre
bulletin
d'impression et sortira dans quelques jours
manuscrit
du
numéro
130
est
sur
le
;
est
enfin
en
un
point d'être remis à
l'imprimeur.
J'ai dû cependant rassurer
plusieurs personnes, membres
de notre Société qui, ne recevant
plus le bulletin, pensaient
avoir été rayées. Dans le
prochain bulletin, rassemblant les
connaissances botaniques acquises autrefois à la
faculté, je
me
suis permis de publier une étude sur l'introduction des
plantes étrangères à Tahiti durant le XIXème siècle. Je solli¬
cite à ce sujet l'indulgence des botanistes
professionnels.
Dans quelques instants, notre trésorier vous fera un
exposé
de notre situation financière
qui, sans être absolument brillante,
est parfaitement saine. Elle nous
permet d'envisager certaines
améliorations nécessaires et désirées depuis fort
longtemps
en ce
qui concerne le Musée. Il nous faudrait en effet moder¬
niser grandement la présentation de nos
objets. Plusieurs
d'entre eux sont remarquables mais placés dans de misérables
vitrines à peine dignes d'un magasin de
district, ils perdent
à peu près leur valeur. Nous avons ainsi commencé la cons¬
truction d'une première vitrine
qui, garnie de glaces et éclairée
au néon, nous
permettra de faire admirer les meilleurs spéci¬
mens
de nos collections, c'est-à-dire des
objets marquisiens.
A
avis, ce petit musée devrait atteindre les trois buts
: 1°) aider le chercheur
ethnologue ou archéologue de
passage ou en mission à Tahiti ; 2° remplir un rôle éducatif
vis-à-vis de la population et vis-à-vis des
jeunes du pays ;
3°) enfin, remplir un rôle important au point de vue touris¬
tique en intéressant, en retenant l'attention du visiteur de
passage. Bien entendu, toutes ces conditions ne peuvent être
remplies qu'au moyen d'un local suffisamment vaste et bien
placé avec une présentation étudiée. Sans doute, nous avons
été heureux après la démolition de l'ancien bâtiment du
Musée à Mamao d'être logé ici par les soins du Territoire
et je me plais ici à remercier le Gouverneur
Toby qui nous
offrit aussitôt toute son aide, mais il faut bien reconnaître
que ce local se prête mal aussi bien à l'installation d'un
Musée qu'à la présentation d'un conférencier.
Précisément, j'ai appris tout récemment qu'un bâtiment
spécial devrait être prochainement construit pour le Service
mon
suivants
Société des
Études
Océaniennes
—
151
—
du
Trésor. Ceci libérerait donc le rez-de-chaussée de l'ancien
y a tant d'années qu'on nous a promis cet
endroit idéal que nous avions fini
par ne plus y croire, le rêve
deviendrait ainsi une réalité. Nous
espérons bien que Monsieur
le Gouverneur de la Polynésie
française qui est le parrain et
palais Pomare. Il
le
président d'honneur de
notre
Société
nous
le
confirmera
bientôt.
Enfin je vous signale que j'ai demandé à M. Lehar tel, ins¬
tituteur à Raivavae, d'être notre intermédiaire
pour nous
fournir une de ces pirogues très
spéciales et cousues qui
viendrait prendre place parmi les autres embarcations
que
nous
avons
déjà.
Le coût n'en serait
pas
lait
bien
se
trop élevé si l'administration vou¬
charger de la transporter lors d'une prochaine
tournée de la Tamara
aux
îles australes.
Je voudrais de
plus ce soir vous dire quelques mots sur les
Société qui compte aujourd'hui 43 ans
ce qui est un bel âge pour une société surtout à
Tahiti. Ce fut en effet par un arrêté en date du 1er Janvier
1917 signé du Gouverneur Julien qu'elle fut fondée dans le
but, selon l'article 1, d'étudier sur place toutes les questions
se
rattachant à l'anthropologie, l'ethnographie, la
philologie,
l'archéologie, l'histoire et les institutions, mœurs, coutumes
et traditions des Maoris de la
Polynésie Orientale ; l'article
2 spécifiait : la Société d'Etudes Océaniennes affirmera son
existence et fera connaître ses travaux
par le moyen d'un
organe périodique appelé Bulletin de la Société des Etudes
origines de
d'existence,
notre
Océaniennes. Ce bulletin
sera
édité
aux
frais du Service local
les soins de l'Imprimerie du Gouvernement.
La première assemblée générale eut
lieu le 25 mars 1917.
Le procès-verbal mentionnait
quatre-vingt-un membres fon¬
dateurs qui, avec le temps malheureusement, sont réduits
aujourd'hui au nombre de 10 qui sont :
La princesse Takau Pomare, M.
Bouge, gouverneur hono¬
raire, M. Gaston Hayem, ancien chef des travaux publics, M.
Alexandre Drollet, pasteur Charles Vernier, M. A.
Rowland,
Mlle Perrier, M. Charles
Brown, M. Maurice Gillet, M. Golaz.
Dans le bulletin n° 2 de septembre
1917, on trouve le 1er
arrêté en date du 11 Juin 1917
organisant la conservation des
monuments et objets ayant un caractère
historique ou artistique
intéressant la Société d'Etudes Océaniennes, ensuite un second
par
arrêté
en
date du 24 Octobre créant le Musée destiné à abriter
Société des
Études
Océaniennes
—
les
objets
152
—
transportables dans un bâtiment
fourni par le
Territoire.
Ainsi dès
le
Océaniennes était
fut la belle collection
début, la Société d'Etudes
par un musée dont le noyau
du frère Alain Guiton. C'est à lui que
complétée
l'on doit les premiers
qui constituera nos collections. Malheureuse¬
ment, faute de temps et d'argent, le premier local qui fut
affecté n'était guère adéquat. Il fut installé dans deux pièces
situées au premier étage de la caserne, et l'une des pièces
devait servir également aux réunions de la Chambre de Com¬
merce et de la Chambre d'Agriculture. On comprend aisément
que dans un pareil va-et-vient, beaucoup d'objets disparurent.
Quelques années plus tard, on aménagea enfin le musée
dans un local décent qui est actuellement le bâtiment du
Palais de Justice ; et ce fut là que je le visitai en arrivant
pour la première fois à Tahiti comme jeune lieutenant en
Janvier 1933. L'année suivante, M. Higgins avec la goélette
Denise appartenant à M. Charles Brown devait ramener les
deux grandes statues de Raivavae qui furent placées à l'entrée,
mais à peine étaient-elles déposées, il fallut encore déménager.
En effet, la Justice qui occupait un bâtiment militaire, fut
expulsée par l'armée contrairement au vieil adage : armons
cedans togae, s'installait dans le bâtiment qu'elle occupe au¬
jourd'hui et le musée était transporté dans l'hôtel de Mamao
où il devait demeurer durant 21 ans. Il y serait encore sans
doute s'il n'avait été décidé de construire sur son emplacement
le nouvel hôpital de Papeete.
Il reste toujours à Mamao les deux grandes statues de
éléments de
ce
lesquelles il était impossible de trouver ici de
déjà suggéré qu'elles soient placées de part et
d'autre sur l'esplanade se trouvant devant l'ancien palais
Pomare. Enfin je dois vous signaler que d'autres objets bien
plus encombrants sont constitués par les trois tortues des
Galapagos qui errent au gré de leurs fantaisies dans le
quartier de Mamao.
Nous voyons donc que cette modeste Société, le seul grou¬
pement intellectuel d'ailleurs existant e:i Polynésie Française,
continué vaille que vaille son chemin pendant 43 ans ; elle
surmonté divers obstacles dont l'un des moindres n'est certes
pas l'indifférence. Les collections du bulletin de la Société
des Etudes Océaniennes se trouvent au Musée de l'Homme à
Paris, au Mitchell Library à Sydney, à la Polynesian Society
à Wellington, au Bischop Muséum à Honolulu, à l'University
Raivavae pour
la place. J'ai
a
a
Société des
Études
Océaniennes
—
153
—
California, enfin à l'American Muséum of Natural History
lesquels
la Société peut être fière, et elle a réussi là où la Société
Mélanésienne de Nouvelle-Calédonie qui poursuit les mêmes
buts, n'a fait que quelques sporadiques apparitions. C'est donc
une
association d'amateurs ethnologues, archéologues ou phyof
à New-York. C'est tout de même de beaux titres pour
lologues aidés, je me plais à le reconnaître, par le Territoire,
qui a réussi à publier à peu près régulièrement un bulletin
sans
prétentions mais dont la tenue scientifique n'est pas
négligeable et ceci dans un pays où tout le monde ne veut
voir que farnienté et volupté.
A ce sujet précisément, il serait peut-être utile de reviser
certains jugements portés trop hâtivement sur le comportement
de la population locale. Nous avons été témoins dernièrement
de l'intérêt qu'elle est susceptible de porter à des sujets qui
étaient loin d'être frivoles. Je veux parler du cycle des confé¬
rences que le comité de la Société des Etudes Océaniennes a
décidé d'entreprendre profitant de la présence sur place de
plusieurs spécialistes.
La première a eu lieu dans la salle des fêtes de l'Ecole
Viénot mise obligeamment à notre disposition par son direc¬
teur. Elle était faite par M. Roger Green archéologue en mission
auprès de l'American Muséum of Natural History de New York.
J'étais un peu anxieux de voir comment un public assez peu
préparé allait accueillir des exposés parfois assez ardus et
retraduits en français grâce au concours de M. Julien. Je fus
étonné de voir pendant toute la séance l'attention soutenue
même par les plus jeunes. Encouragé par ce succès, je décidai
à mon tour de prêcher l'exemple et je me permettais de me
glisser parmi les professionnels de l'archéologie et de l'ethno¬
logie par un exposé sur les résultats archéologiques obtenus
dans l'île de Rapa par la mission Heyerdahl en 1956. j'avais
la chance de pouvoir faire cette conférence dans la salle des
fêtes du Collège Paul Gauguin mise à notre disposition par le
directeur de l'Enseignement, M. Lyon. Je lui en suis d'autant
plus reconnaissant que cette salle étant équipée d'un matériel
accoustique électro-magnétique, elle m'a permis de me faire
parfaitement entendre malgré le peu de portée de ma voix ;
dans ce cas également, j'ai été étonné du nombre des assis¬
tants qui dépassaient de beaucoup celui dont je m'étais imagi¬
né. Nous continuerons ce cycle de conférences grâce à des
personnalités connues comme le professeur Kenneth Emory
de l'Université de Hawaï, du professeur Oliver de l'Univepsi-
Société des
Études Océaniennes
—
154
—
té de
M.
Harvard, du jeune sociologue M. Jullien et de son ami
Kay, enfin de notre ami, écrivain bien connu, Bengt
Danielsson.
Ainsi comme vous pouvez le voir, le bureau de notre Société
n'est pas partisan d'une conception statique du Musée où
chaque objet étiqueté définitivement ne doit jamais quitter
place.
Nous espérons grâce à des locaux appropriés pouvoir bientôt
donner une nouvelle impulsion à notre Société. Et en termi¬
nant, je souhaiterais voir un bien plus grand nombre de
personnes faire partie de notre Société et si j'ai un vœu à
formuler, ce serait que chacun de vous fasse autour de lui
du prosélytisme afin de nous amener de nouveaux membres.
sa
Le
trésorier
résume ainsi
Recettes
1/1/59
:
:
expose
ensuite la situation financière qui
se
:
frs
202.236.
140.750. Solde
L'Assemblée approuve
Dépenses : 163.203. Excédent au
caisse au 1/1/60 : frs 179.783.
les comptes et donne quitus au tré¬
en
sorier.
La séance est levée à 18 h 45.
Société des
Études
Océaniennes
—
L'avenîure
155
de
—
TUWARI
Dans la phalange des navigateurs qui hantèrent l'Océan
Pacifique au siècle dernier, le capitaine anglais Beechey tient
une
place honorable. Les relations de ses voyages sont fort
intéressantes à consulter et particulièrement celles qui relatent
son
voyage du Chili à Tahiti qui dura quatre ans.
Le Commandant Beechey de la frégate la « Blossom » por¬
tant 16 canons et 100 hommes d'équipage, quitta l'Angleterre
le 19 mai 1825, et le Chili en octobre. Il visita d'abord l'île
de Pâques puis fit un séjour à Pitcairn parmi les enfants des
mutinés de la Bounty. De là, il visita l'île Oeno, puis Crescent
(Timoe) et arriva aux Gambier. Le 2 janvier 1826, il prit
possession du groupe et y planta le drapeau anglais. Il donna
des noms aux îles les plus considérables de l'archipel. L'île
où
se
trouve
le mont
Duff
fut nommée
île Peard et
les
5
Belcher, Wainwright, Elson, Collie et Marsh. Le
lagon où il mouilla prit le nom de la Blossom (ces noms ont
disparu aujourd'hui et portent des noms océaniens).
Le 13 janvier 1826, il quitta le groupe, nomma îles Wolfe
les îles sablonneuses à l'extrémité de la chaine des îlots, à
l'Est, passa à l'île Hood (Marutea), à celle de ClermontTonnerre (Reao), à Sériés (Pukarua), à Pentecôte (?), à la
Reine Charlotte (Nukutavake) et à sa voisine Lagoon (?)
découverte par Cook. De là, il continua par l'île du Cap Thrum
ou
des Lanciers (Akiaki), l'île Egmon (?) et donna le nom
de Barrow à l'île de Vanavana qu'il découvrit dans ces para¬
ges. Il passa ensuite à Carysfort (Tureia) et atteignit Osnabruck (Moruroa) où il découvrit les restes de la « Mathilda »
naufragée sur ses récifs en 1792. Il découvrit l'île qu'il
nomma
Cockburn et qui n'est autre que Fagataufa ; il se
dirigea vers l'île du Lagoon de Bligh (Tematagi) et le 27
janvier, découvrit l'île qu'il nomma Byam-Martin (Apuuui)
et c'est là que son récit commence.
Ensuite il poursuivit son voyage par l'île Glocester (Paraoa),
par celle de Bow de Cook qui est la harpe de Bougainville
et Hao des insulaires, l'île de la Chaine (An
a), découvrit les
îles Melville et Crocker (Hikueru et Araiki). Enfin le 16
mars 1826, il arrivait à Tahiti.
Nous donnons ici, d'après Beechey, le récit de l'aventure
de Tuwari, faute de connaître le nom de l'homme à l'éléphantiasis qui dirigeait l'expédition. Ces hommes firent environ
autres
:
Société des
Études
Océaniennes
—
600
milles
156
—
pirogue poussée par plusieurs tempêtes.
quels moyens, bien des îles du Pacifi¬
que ont pu être peuplées au long des siècles, volontairement
ou
involontairement. Volontairement, pour motif d'excès de
population, de fuite consécutive à une défaite, par esprit
d'aventure et involontairement par le fait d'accidents de
navigation (tempêtes, erreurs d'orientation, etc).
Cela
nous
sur
une
montre
par
Ph.
Rey Lescure.
Deux
jours après, nous découvrîmes par 29 degrés
sud, et par 140 degrés 29 minutes (de
longitude Ouest, une petite île qui n'était pas encore connue
et que je nommai île Byam-Martin (elle porte dans la géo¬
graphie de V. Picquenot le nom tahitien de Upuuui). Dès que
les naturels nous aperçurent, ils allumèrent plusieurs feux.
Puis, bientôt, trois d'entre eux montèrent dans un canot et
ramèrent sans crainte vers l'allège qui les amena au vaisseau.
Au lieu de ces Indiens bruns et non civilisés qui habitent /en
général les îles de corail, un individu grand et bien fait,
comparativement beau et soigneusement tatoué, monta sur le
pont, et, à notre surprise, nous accosta familièrement comme
un Tahitien. Le second avait un cochon et un
coq tatoués pur
la poitrine, animaux presque inconnus dans les îles de la
Polynésie orientale, et le troisième portait un turban de
nankin bleu. C'était autant de distinctions propres à exciter
en nous un vif intérêt ^ car elles nous
prouvaient que ces trois
hommes n'étaient pas nés dans l'île qui reposait devant nous,
mais qu'ils y avaient été ou abandonnés ou jetés de quelque
autre île. Cette dernière supposition était la plus probable, car
ils nous donnaient à entendre qu'ils avaient éprouvé beau¬
coup de privations et de souffrances, qu'un grand nombre de
leurs compagnons avaient péri, que leur canot avait naufragé
sur
l'île et qu'eux-mêmes, ainsi que les amis qu'ils avaient
à terre, désiraient s'embarquer sur notre vaisseau pour retour¬
à Taiti. D'abord nous suspectâmes un peu la vérité de
ner
cette histoire ; il nous semblait impossible qu'un canot eut
atteint l'île Byam-Martin par le simple effet du hasard et
sans
y être dirigé exprès, puisque cette île est située à 600
40 minutes de latitude
milles de Taiti dans la direction du vent alizé. Bientôt cepen¬
dant,
nous
ne
doutâmes plus
effet des naturels
missionnaires
qui
vaient aussi bien
de Taiti
y
que
car
ils
résidaient et
qu'écrire.
nos
visiteurs
nous
nous
Études
fussent
en
noms
des
prouvèrent qu'ils
sa¬
lire
Société des
ne
dirent des
Océaniennes
—
157
—
Ils venaient me
leur patrie ;
supplier de les reconduire avec mon vaisseau
mais je ne pus me rendre à leur prière,
attendu qu'ils étaient une quarantaine dans l'île. Curieux
néanmoins de connaître leurs aventures, j'offris le passage à
l'homme qui était monté à bord le premier et qui paraissait
le plus intelligent des trois.
.
Nous vîmes le canot sur lequel ce voyage extraordinaire
avait été fait. Il était à couvert sous un hangar, soigneuse¬
ment construit, en bon état de réparation et tout prêt à tenir
la mer. C'était un canot double, long d'une trentaine de pieds,
large de neuf et profond de trois pieds neuf pouces. Chaque
canot avait séparément trois pieds trois pouces de largeur.
L'un était en partie ponté et l'autre muni d'un hangar. Leurs
deux extrémités, dont chacune était propre à recevoir un
gouvernail, se terminaient en pointe. Enfin les poutres tenaient
les unes aux autres au moyen de fortes cordes...
Nous découvrîmes que la petite colonie qui se trouvait
dans l'île était chrétienne ; chacun nous montra son Ancien
et Nouveau Testament ainsi que son livre d'hymnes imprimé
en
langue taitienne.
Tuwari, l'homme à qui j'avais offert le passage, n'était pas,
ainsi que nous l'avions cru, le principal personnage de l'île ;
le chef des réfugiés était un de ceux qui raccompagnaient
dans le canot. Cet homme qui avait des jambes horriblement
gonflées par l'éléphantiasis avait dirigé la route de ses compa¬
gnons, reconstruit leur canot qui était brisé, et paraissait être,
en outre, leur protecteur, car seul il possédait une armje à feu.
Son importance sous ce rapport était cependant un peu dimi¬
nuée par le manque de poudre et de balles et par un accident
qui l'avait privé du chien de son fusil.
Beechey consentit à embarquer Tuwari et sa famille, le
vaisseau continua sa route, passa à l'île Glocester et se dirigea
vers l'île
Bow et y débarqua pour y faire certaines observa¬
tions. Tant que la chaloupe avança, Tuwari fut en proie à la
plus vive agitation, mais lorsqu'elle vint à portée de la voix,
au
lieu de monstres prêts à le dévorer, il reconnut, à son
extrême surprise, son propre frère et divers amis qu'il avait
laissés à l'île Chaîne trois années auparavant. Tous le regar¬
daient depuis longtemps comme mort, et lui-même ne comptait
jamais les revoir.
dans
.
L'entrevue des deux frères fit honneur à leur sensibilité...
brick anglais envoyé à la pêche des perles se trouvait
alors mouillé dans le lac, il avait à son bord un grand nombre
Un
Société des
Études
Océaniennes
—
158
—
de
plongeurs, naturels de l'île Chaîne. L'un d'eux servit d'inter¬
prète entre ses compatriotes et les gens de l'équipage ; nous
le priâmes donc de nous communiquer les détails de l'histoire
de Tuwari, laquelle est si intéressante que le lecteur nous
saura
gré de la lui raconter à notre tour.
Tuwari était né
sur
une
de
ces
basses formations de corail
découvertes par
Cook dans son premier voyage, nommée Àna
les naturels, par lui, île Chaîne, et située environ à 300
par
milles de Taiti.
Vers
l'époque du commencement de ses malheurs, le vieux
Pomare, mourut et son fils lui succéda encore
enfant. Lors de l'avènement du jeune roi, plusieurs chefs et
simples particuliers de l'île Chaîne (tributaire de Taiti) réso¬
roi
de
Taiti
lurent
d'aller
à
d'hommage à leur
Taiti
rendre
une
visite
de
cérémonie
et
souverain ; Tuwari fut du voyage.
Les seuls moyens de transport à la disposition des voyageurs
étaient leurs canots doubles, dont trois des plus grands furent
nouveau
préparés....
Quand les canots furent prêts et munis de tout ce qui
semblait indispensable, les naturels s'y embarquèrent au nom¬
bre de 150, tant hommes que femmes et enfants. Nous igno¬
quel était l'arrangement des deux autres canots, mais
celui de Tuwari il y avait 23 hommes, 15 femmes et
enfants avec une provision d'eau et de vivres pour trois
rons
dans
10
semaines....
Les
dans
canots
furent
placés
avec
une
scrupuleuse exactitude
la
direction supposée de Taiti qui était indiquée par
certaines marques sur la terre, puis lancées à l'eau....
Il arriva malheureusement que la mousson commença cette
année plus tôt que de coutume et souffla avec une grande
violence. Pendant 2 jours néanmoins, la traversée fut heu¬
et les aventuriers apercevant déjà les hautes terres de
Maitea, île située entre Taiti et Chaîne, jouissaient en imagi¬
nation des plaisirs que l'heureuse issue de leur voyage allait
leur procurer, quand leur marche fut tout à coup arrêtée par
un
câline, précurseur d'une tempête qui ne tarda guère à
s'élever, dispersa les canots et les chassa plusieurs jours devant
elle. Au retour du beau temps, comme leurs provisions pou¬
vaient encore durer une quinzaine, ils ne renoncèrent pas à
leurs projets et, pleins de courage, tâchèrent d'arriver à leur
destination ; mais une seconde tempête les détourna de leur
route plus encore que la première et dura si longtemps qu'ils
finirent par être épuisés de fatigue.
reuse
Société des
Études
Océaniennes
—
Deux semaines
se
159
passent ainsi
davantage de leur île natale, et
nuellement
malades ;
le
en
—
;
chaque instant les éloignait
la mer ballottait conti¬
canot, les femmes et les enfants tombèrent
outre, les provisions de bouche étaient presque
comme
épuisées.
A la tempête succéda un long calme, et ce
qui était pire,
chaleur et une sécheresse affreuse
qui les réduisirent à
une
état complet de détresse. Us nous
peignirent leur canot,
solitaire, immobile au milieu de l'océan, l'équipage mourant
de soif, exposé aux rayons ardents du soleil des
tropiques,
pouvant à peine remuer les rames, les enfants demandant se¬
cours à leurs
parents et les mères se désolant de ne pouvoir
les secourir. Ils recouraient pour é tan cher leur soif à tous les
moyens imaginables ; les uns buvaient de l'eau de mer, les
autres s'y baignaient, d'autres s'en versaient sur la
tête, mais
sous la zone
torride, rien ne peut suppléer au manque d'eau
un
douce.
Dix-sept personnes
de la famine.
succombèrent
aux
horreurs de la soif
et
On peut
aisément concevoir quelle fut la situation des infor¬
qui survécurent, quoique, leur sort ne nous eut jamais
été connu si la Providence n'avait à ce moment
critique chan¬
gé le temps en leur faveur... La tempête, lorsqu'elle appro¬
cha, fut saluée de mille actions de grâce et accueillie comme
une
libératrice. Enfin ils burent copieusement et remplirent
leurs vases du précieux liquide. Alors l'espérance rentra dans
leurs cœurs, mais le manque de nourriture vint les replonger
dans le plus profond désespoir. Je n'ai pas besoin de dire à
quel
horrible expédient ils recoururent pour vivre
jusqu'à ce que
plusieurs gros requins parurent à la surface et suivirent le
canot. Tinvari fabriqua alors un
hameçon avec un morceau de
fer et réussit à prendre un de ces
poissons qui fut aussitôt
substitué aux mets révoltants dont ils avaient été
obligés de se
tunés
nourrir.
Ainsi restaurés, ils reprirent leurs rames et
déployèrent la
voile. Ils abordèrent alors, malgré le ressac, dans une île où
s'élevaient de nombreux groupes de cocotiers ; mais trop
faibles
arbres, ils en abattirent un avec une hache.
Ils reconnurent que cette île avait été habitée et sachant
que
les naturels des îles basses étaient
presque tous cannibales, ils
résolurent de n'y séjourner que le temps nécessaire
pour res¬
pour
grimper
taurer
aux
leurs forces...
Il fallait néanmoins
qu'ils
Société des
se
missent à l'abri des injures de
Études
Océaniennes
160
—
—
l'air, s'occupassent de rassembler des provisions. Des huttes
furent construites, des trous d'eau creusés et trois canots ajoutés
à
ceux
qu'ils avaient trouvés
sur
le lac.
N'ayant pas été inquiétés, ils remirent leur départ
treizième mois après l'époque de leur arrivée, puis ils
la
jusqu'au
reprirent
mer.
Après avoir navigué deux jours et deux nuits au NO, ils ren¬
contrèrent une petite île qui leur parut non habitée, ils y de¬
meurèrent trois jours. Un jour et une nuit de marche les con¬
duisirent
dans
vue d'une autre île
tentative d'y aborder,
en
leur
inhabitée. Malheureusement,
leur canot
se
fracassa, mais
gagnèrent le rivage sains et saufs. Comme la reoonstruc-t
tion de leur navire exigeait plusieurs semaines, ils s'établirent
dans l'île... Huit mois s'écoulèrent dans les préparatifs d'un
nouveau
départ, lorsque le hasard nous les fit rencontrer ainsi
campés sur l'île Byam-Martin avec leur canot réparé et toutes
les provisions nécessaires à leur expédition prochaine. On n'a
jamais entendu parler des deux autres canots.
Plusieurs parties de cette curieuse histoire nous firent présu¬
mer que l'île sur laquelle nos voyageurs avaient d'abord débar¬
qué n'était autre que l'île Barrow. Pour éclaircir ce fait, nous
montrâmes à Tuwari le morceau de fer que nons y avions ra¬
massé. A cette vue, il s'écria aussitôt que c'était le morceau de
fer dont un morceau lui avait servi à fabriquer son hameçon...
Nous fûmes à même de nous former une idée passablement
exacte de la distance dont la tempête avait écarté nos voyageurs
puisque l'île Barrow est à 420 milles en droite ligne de l'île
Chaîne, leur point de départ, et si nous ajoutons 100 milles
pour le chemin qu'ils firent, soit pendant les deux premiers
jours de leur voyage dans la direction de Maitea, soit de leur
retour avant d'atteindre Barrow nous trouverons qu'ils ne firent
pas loin de 600 milles... Nous déposâmes Tuwari dans son île
tous
h Chaîne...
d'accord
pour expliquer comment ces
migrations se sont effectuées entre les différentes îles, mais
jusqu'à présent, elles ne paraissaient avoir eu lieu que dans
une
seule direction, ce qui favorisait assez l'opinion qu'elles
avaient primitivement commencé à l'Est. Le hasard qui jeta
notre chemin Tuwari et ses compagnons, lesquels furent
sur
Tout
le
entraînés
monde
sur
est
600 milles dans
une
direction contraire
aux vents
dépit de tous leurs efforts, nous a heureusement
permis de détruire las objections qu'on avait élevées contre
l'avis général. Quoique ce fait soit à la vérité le seul en ce
alizés
en
Société des
Études Océaniennes
—
161
—
dont nous ayons connaissance, rien ne s'oppose à ce
d'autres canots n'aient rencontré un pareil destin. Il suffit
d'ailleurs que quelques-uns aient été ainsi chassés vers les
îles les plus lointaines de l'archipel pour qu'elles se soient
peuplées.
On a jusqu'à ce jour formé mille conjectures sur la manière
dont ces îles si éloignées des deux continents ont reçu leurs
genre
que
aborigènes.
Les rapports
évidents qui existent entre le langage, le culte,
les mœurs, les traditions mêmes des peuples qui les habitent,
et ceux des Malais ne permettent pas de douter de fréquentes
migrations. Mais
difficulté se présente aussitôt : comment,
qu'ils possédaient, pouvaient-ils émigrer si
loin vers l'ouest ? Cette objection a paru si puissante à quel¬
ques auteurs qu'ils ont eu recours à un circuit à travers la
Tartarie, le détroit de Bhéring et le continent américain pour
amener les
émigrants à un endroit d'où ils aient pu être poussés
par le cours ordinaire des vents vers les terres en question.
Mais si les choses s'étaient ainsi pratiquées, on trouverait assu¬
rément une ressemblance plus complète entre les Indiens d'Amé¬
rique et les naturels de Polynésie....
avec
une
les vaisseaux
Société des
Études
Océaniennes
162
—
Peut-être du
de
—
nouveau
PAUL
sur
les origines
GAUGUIN
Au Xème
siècle, les Danois
se
fixent
qui devient la Normandie ; ils
y apportent le goût des aventures sur
mer : les Normands seront
navigateurs,
pêcheurs, colonisateurs...
au
pays
VIE
Au
cours
de
recherches
FRANÇAISE
effectuées
en
-
1957
15/IV/1958
et
1958
pour
de retrouver les ascendances françaises d'une famille
britannique actuellement fixée en Australie, j'ai eu la grande
surprise de recueillir certains renseignements relatifs aux ori¬
gines de la famille de Paul Gauguin. Ils semblent pouvoir
éclairer d'un jour nouveau le génie du grand peintre.
Aussi, croyons-nous utile d'en faire part, sans plus tarder,
aux nombreux admirateurs du célèbre artiste dont il a déjà
été
question, à plusieurs reprises, dans ces feuilles.
essayer
*
Vers
1785,
une
*
*
demoiselle Maria-Anna Lecointe,
l'aïeule maternelle de la
famille australienne
sœur
de
précitée, aurait
épousé, à Caën — ou dans la région de Caën — en tous cas
en Normandie, un certain Thomas
Gauguin, dit « général merchant », c'est-à-dire quelque chose comme marchand en gros.
D'après une tradition de famille, confirmée par des faits
importants — nous les relaterons plus loin — Paul Gauguin
serait un descendant assez proche de ce couple (quatrième
génération) : voilà le fait nouveau.
Muni de ces données, j'ai aussitôt essayé d'entreprendre des
recherches à Caën, et, en particulier, d'y retrouver les traces
du fameux Thomas Gauguin. Malheureu ement, il m'a été très
aimablement répondu, par l'archiviste départemental, Mon¬
sieur
«
que les archives municipales de la ville de Caen
avaient été détruites au cours des combats de 1944 ; qu'il ne
restait comme pièce d'état-civil que les doubles du greffe du
tribunal ; qu'aucune table de ces pièces n'avait encore été
dressée ; qu'au reste, Caen, à l'époque considérée, comptait
déjà treize paroisses ; que les registres paroissiaux, pour cha....
Société des
Études
Océaniennes
—
cune
d'entre
ment
ne
163
—
elles, étaient assez copieux, et que leur dépouille¬
entrepris que si des précisions pins grandes
pouvaient être fournies, donnant, en particulier, le nom de la
paroisse où le mariage Gauguin-Leoointe avait été célébré, et,
mieux, l'année et la date de cette cérémonie».
saurait être
N'étant
l'instant — à mon grand regret — en
aux exigences de
cette demande, somme
toute, raisonnable, j'ai, alors, orienté mes recherches en sens
inverse, et, au lieu de descendre de l'origine, présumée, de
la famille de Paul Gauguin vers l'artiste, j'ai pris la voie
ascendante, en me basant sur un fait absolument précis :
naissance à Paris, en 1848, de Paul Gauguin, fils légitime de
Pierre, Guillaume, Clovis Gauguin, et de Marie, Aline Chazal,
son
épouse et, j'ai essayé de remonter, de proche en proche,
aussi loin que je l'ai pu.
mesure
Mes
pas, pour
de satisfaire
recherches
ont
Gauguin, né
et
vers 1785,
de M. A. Lecointe.
dû
s'arrêter
fils
«
à
un
certain
Guillaume
présumé » de Thomas Gauguin
Le
prénom de « Guillaume » constitue, d'ailleurs, une pré¬
somption assez forte d'ascendance normande, puisque Guil¬
laume le Conquérant reste encore, pour beaucoup de familles
d'origine « Viking », le héros national par excellence, celui
dont le nom est retenu, lors du baptême du premier enfant
maie.
Ce serait
Guillaume, devenu « marchand épicier »
serait marié, à Orléans, vers 1813, à une certaine Madeleine-Elizabeth Juranville (née 1790 —1855).
Une petite commune du Loiret (632 habitants), située non
loin de Beaune-la-Rolande, (arrondissement de Pithiviers) porte
d'ailleurs ce nom de Juranville, duquel émane une saine odeur
qui
ce
même
se
de Normandie....
Les
ancêtres
de
Madeleine-Elizabeth peuvent,
à bon droit,
présumés de même souche normande... On sait encore
que la vague des invasions Viking est venue mourir précisé¬
ment aux confins du Loiret, dans cette région exactement.
Je suis donc arrivé à dresser l'arbre généalogique de Paul
Gauguin, où peuvent être retrouvés les seize quartiers ancesêtre
traux
de l'artiste.
*
Société des
*
Études
*
Océaniennes
—
164
—
Le tableau ainsi dressé donne immédiatement lieu à
plusieurs
selon nous, d'un assez grand intérêt :
1°) Famille CHAZAL : les biographes (1) disent, en général,
n'avoir sur le sieur Chazal, aucun renseignement ;
cependant,
Rotomchamp rapporte que Chazal avait épousé, en 1819 envi¬
ron, Flora Tristan, d'origine espagnole, ou mieux, péruvienne.
D'après Pola Gauguin (2) on connaissait tout juste le nom
de Chazal, porté par cet arrière grand-père. Il aurait été mar¬
remarques,
chand de vin h Bordeaux
Les recherches
entreprises aux archives de cette ville n'ont
donné, il n'a pas été davantage possible de le retrouver,
soit parmi les négociants portés sur les « Calendriers Borde¬
lais », soit, plus simplement, sur la liste des électeurs.
Il est vraisemblable de penser qu'il s'était transporté à Paris,
peu de temps avant son mariage avec Flora Tristan, ou encore,
qu'il l'avait connue directement à Paris, vers 1818.
Flora Tristan, après trois ans d'union orageuse et la naissance
d'une fille, ne tarde pas à se séparer de son époux au tempé¬
rien
rament
irascible.
Elle mène alors
une existence très libre,
de Saint-Simoniènne
militante, à forte tendance socialiste. Elle fréquente les milieux
littéraires, publie des livres, fait des conférences, devient l'une
des amies de
George Sand...
Son mari la retrouve
Au
à
une
vers
1840...
d'une violente scène de
tentative de meurtre.
cours
jalousie, il
livre
se
Arrêté, il
sur
elle
Cour d'Assises et est condamné à vingt
(3). Nous ne savons ni sur quel bagne il
a
Brest ou Rochefort), ni s'il a été, par la
suite, transporté à la Guyane avec les premiers convois de
forçats dirigés sur cette colonie à partir de 1851. Nos questions
à ce sujet, posées à l'Administration pénitentiaire de SaintLaurent-du-Maroni sont, jusqu'à ce jour, restées sans réponse.
Quoi qu'il en soit, ce Chazal, dont on ignore encore les orL
gines, avait — c'est le moins qu'on en puisse dire — une per¬
sonnalité très forte, très accusée, c'était un violent. D'après
passe en
de travaux forcés
été dirigé (Toulon,
ans
(1) Kunstler, Pérruchot, Pola, Gauguin,
etc.
..
(2) Pola Gauguin - Mein Vater Gauguin - Eerlin.
(3) Rotomchamp - Vie de Gauguin - Paris 1906
Société des
Études
Océaniennes
.
.
.
165
—
—
(1), il portait en lui-même un tempérament d'artiste, ce
paraît pas avoir été relevé suffisamment.
Il semble que ces « Chazal » se rattachent, en quelque ma¬
nière, au Massif Central (Auvergne, Forez, Lyonnais, Limousin)
donc seraient d'origine celte. Montagnards rudes, descendus
comme beaucoup, de leurs âpres hauteurs et de leurs mas, ou
masures
(chazaux), vers les plaines plus riches, pour y chercher
certains
fait
ne
fortune
Flora Tristan meurt à Bordeaux
tournée de
modeste monument dans
un
vers
1843,
au
cours
d'une
se cotisent pour lui ériger
das cimetières de la ville.
propagande. Les ouvriers
un
réussi, comme je l'ai déjà dit,
peine, s'il a survécu à celle-ci, et
s'il a été astreint, comme c'était la règle, au « doublage » à la
Guyane, où il serait alors décédé....
Quant à Chazal, je n'ai
à savoir
où il
a
purgé
pas
sa
*
FLORA TRISTAN
de
Chazal,
se
de
rieuses
—
*
*
Mais les
biographes
ne
connaissant rien
sont longuement penchés sur les ascendances cu¬
la grand-mère maternelle de Paul
Flora Tristan,
Gauguin.
Celle-ci était la fille d'un colonel de l'armée
service
sur
espagnole
en
Pérou, Don Tristan Y Moscoso, et d'une Française
au
laquelle
sait rien
on ne
non
plus.
Le frère de Don Tristan aurait exercé les fonctions de viceroi du
Pérou
cent-treize
La
famille
(1)
Frank
le
l'auteur
tuées
en
et
serait mort à Lima,
à l'âge respectable de
ans.
de
Moscoso
passait
pour
descendre des Borgia
Elgar - Gauguin - collection P.
:
peintre lithographe à Paris
dit
collaboration
avec
le
:
Hazan - Paris 1956 les recherches effec¬
Musée du Louvre et le Cabinet
des
Estampes de la B.N. (Consr M. Valery-Radot) ont bien révélé une
famille Chazal d'artistes graveurs à Paris à la fin du XVIIIème
siècle
1818 à Françoise Augustine Chapitey, fille
Augustin et d'une certaine Marie C.hauvey,
doute issue d'une province de l'Est de la France. Quant à An¬
Chazal, il est fils de Léonard Chazal, artiste graveur et de
(Antoine, marié
elle-même
sans
toine
Jeanne
de
Buterne
en
Claude
(ce
nom
est du Nord
Société des
Études
ou
flamand).
Océaniennes
—
166
—
d'Aragon (1). Au cours des siècles, cette branche, devenue
créole, se serait croisée à des Indiens du Pérou.
Si
ces
traditions sont exactes, il faut toutefois remarquer que
les
Borgia d'Aragon sont, non pas des Espagnols, mais des
Celtibères », c'est-à-dire un mélange de Celtes et d'Ibères.
Et si l'on admet
hypothèse optima permise — que la mère
du colonel Tristan y Moscoso ait été une Indienne pure, Flora
«
—
Tristan, sa petite-fille, eut alors été une « quarteronne » d'In¬
dien, et le petit-fils de celle-ci eut alors possédé au maximum
un seizième de
sang indien dans les veines.
Mais il est beaucoup plus vraisemblable, d'après l'ensemble
des
traditions recueillies et transmises dans
d'anciens tableaux
proportion de
sang
miniatures
cette
famille par
d'aïeules, de penser
indien doit encore être abaissée
ou
que cette
au
moins
de moitié.
Pola
Gauguin, dans son livre déjà cité, explique le génie
père, par le «mélange des races». Hypothèse combien
fragile et incertaine, étant donné la très faible proportion de
sang espagnol et péruvien dont puisse se targuer Gauguin,
vraisemblablement inférieure ou égale à un trente-deuxième.
Evidemment, il existe toujours quelque chose de mystérieux
de
son
dans le croisement et les combinaisons des chromosomes.
Quelle
part le sang africain joue-t-il dans le génie des deux Alexandre
Dumas (père et fils) ; dans celui de Pouchkine, ou encore d'une
Colette ?
Du
(2)
moins faut-il remarquer que
les trois premiers de ces
grands écrivains sont, soit mulâtres (demi-sang africain : Ale¬
xandre Dumas père et Pouchkine), soit « quarteron » (quart de
sang africain), proportion qui, malgré tout, donne une autre
(1) François Borgia descendait bien du Pape Alexandre VI (1503)
et
de
sa
maîtresse Rosa Vanozza.
Il fut nommé vice-roi du Pérou
arrivé
Les
a
1614
(François Pizarre y était
1541).
Borgia sont originaires de Borja, petite ville d'Aragon qui leur
en
en
1524 et était mort à Lima
donné leur
en
nom.
(2) On trouve en 1818 à la Guadeloupe un certain Capitaine Colette,
(Adjudant-major d'Artillerie de Marine), né vers 1775, marié vers
1815 ; c'est sans doute lui qui a dû épouser une mulâtresse ou une
quarteronne. Colette, arrière petite-fille de ce couple serait bien
octavonne
ou
demi-octavonne, suivant la qualité de son arrière
grand-mère.
Société des
Études
Océaniennes
167
—
—
importance à l'apport de sang exotique, que
Gauguin.
*
*
dans le cas de
*
Quant à Colette, je n'ai pas réussi à connaître exactement
ascendance, je pense cependant qu'elle était « octavonne ».
LEC01NTE
Famille essentiellement normande très an¬
cienne. On la rencontre dès 1 e début du XVII ème siècle, pro¬
liférai! i autour d'Elbeuf. Elle compte déjà plusieurs directeurs
de manufactures de drap, cette famille est extrêmement nom¬
breuse. Au cours des guerres de religion, elle s'était divisée en
son
—
deux
grands
groupes,
l'autre ayant
mée ».
l'un resté attaché à la religion catholique,
embrassé les principes de la religion dite «
Ce deuxième groupe,
en
réfor¬
1685, à la révocation de l'Edit de
Nantes, émigré en Prusse (Brandebourg), en Suisse et en An¬
gleterre. Il a été suivi par les biographes protestants Haag ou
Bordier. On y rencontre plusieurs personnalités éminentes :
manufacturiers, écrivains, pasteurs (Londres).
Malheureusement, les Lecointe, alliés à Thomas Gauguin, ne
paraissent pas appartenir à ce groupe. En raison du nombre
très grand de ces branches (en 1650, on connaissait déjà
de neuf à dixde se retrouver
généalogie très touffue. La famille elle-même s'y
quatre branches principales comptant chacune
sept enfants), il est pratiquement impossible
dans
cette
perd !
On
peut cependant distinguer
plusieurs groupes de famille
Lecointe.
s'est fixé en Picardie, puis en Belgique. Un autre a
repéré dans le Languedoc (fin XVII ème siècle - Nîmes
puis Narbonne). D'autres persistent à vivre en Normandie
(Rouen, Elbeuf, Ilonfleur) et en Ile-de-France (Paris). Certains
paraissent s'être agrégés à la noblesse locale. Ce serait le cas
des Lecointe'de Marsillac (Nîmes) ou des Lecointe de Leveau
(voyage en Russie vers 1820).
Un Lecointe resté célèbre dans les annales parlementaires
est
Lecointe-Puyraveau, successivement Conventionnel, mem¬
bre du Conseil des Cinq-Cents, puis du Corps Législatif (An
IV), auteur de travaux législatifs souvent cités
Aucun renseignement plus précis n'a pu être recueilli sur les
demoiselles Lecointe, d'origine incontestablement normande et
pouvant, vers 1770, être encore considérées comme authenti¬
L'un
été
ques
et pures
descendantes des
Société des
«
Viking
».
Études Océaniennes
—
168
—
Nous savons, toutefois, que le couple Thomas Gauguin-Lea eu,
entre autres enfants, outre Guillaume, une fille
devenue Mrs. Satchwell, décédée seulement .en 1872. Cette
cointe
dernière
elle avait
comme
appartenait à un milieu « très artiste », parait-il,
connu
parfaitement Paul Gauguin et le considérait
« a
dreadfull
man ».
Evoquons, en effet, rapidement, la vie de Paul Gauguin dans
plus grandes lignes.
1°) Dès le seuil de son adolescence, apparaît l'amour inné
de la mer. Il navigue comme « pilotin ». Il
s'engage ensuite
ses
dans
la
marine
coïncidence
militaire pour y
étrange,
il est,
faire
d'ailleurs,
son
service. Par
envoyé
en
une
Baltique
(1870).
2°) Son tempérament rêveur, sa nostalgie de la tristesse et de
la mort (« d'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allonsnous ?
»).
3°) Son mariage avec une Danoise.
4°) Son attirance instinctive (ou ancestrale) vers la Bretagne,
terre celtique par excellence.
Certains de ses biographes se sont demandé avec une per¬
plexité évidente, ce que Gauguin était allé faire en Bretagne,
pourquoi il y était allé, etc... A ces questions, nous pouvons,
désormais, répondre qu'il y était inconsciemment, obscurément
attiré par toute son ascendance, par son hérédité...
5°) Son puissant désir d'aventures exotiques, de voyages,
d'évasions à la poursuite du soleil... mais il paraît résulter,
aussi, de son hérédité « Viking ».
6°) Ses beuveries et rixes avec les matelots dans les ports
(accident de Pont-Aven, etc)... encore le tempérament «vi¬
king» (batailleur, brutal, grand buveur).
7°) Sa période antillaise (Martinique 1887). Les biographes
semblent avoir omis de rappeler — peut-être ne l'ont-ils ja¬
mais su
que lors de son passage à la Martinique, un proche
cousin à lui, portant le nom déformé de
Gaugain s'y trouvait
installé, en qualité de pharmacien, à Saint-Pierre.
Ce cousin est mort en 1902, lors de la catastrophe de la
Montagne Pelée. Nous avons providentiellement retrouvé en
Arcachon, vers 1956, un descendant de ce cousin, il était —
fait curieux
ancien capitaine de la marine marchande. Ces
deux rencontres tendent à corroborer ce que nous
avons déjà
exprimé, l'attrait tout puissant de la mer et de l'exotisme sur
les Gauguin (ou Gaugain) en
général, leur « thalassophilie »
—
—
ancestrale.
Société des
Études
Océaniennes
—
169
—
8°) Sa période océanienne (Tahiti, puis Marquises) ne vient
renforcer ce que nous venons de dire déjà sur le tempé¬
rament essentiellement « viking » de Paul Gauguin.
Je dois d'ailleurs signaler et souligner, incidemment, que
j'ai personnellement rencontré encore vers 1925, de nombreux
Scandinaves, anciens capitaines marchands, ou simples mate¬
lots échoués, ancrés, sur les atolls perdus des Tuamotous.
J'ai trouvé dans la même situation, divers Anglo-Saxons
(Britanniques ou Yankees). Ce qui, une fois de plus, vérifie
l'attraction bien connue sur les Nordiques des pays de soleil
et de
grande lumière.
Par contre, dans ces mêmes archipels, j'ai très rarement
repéré des Hispaniques... tout au plus un Chilien par-ci parlà, mais fait étrange, jamais de Péruvien.
que
*
*
*
Finalement, à la suite de l'exposé de ces faits, en partie
inédits, on se voit amené à reviser les biographies stéréotypées,
aux vues
peut-être un peu sommaires, écrites sur Paul Gauguin.
Celles-ci se bornent, en général, à parler assez longuement
de Flora Tristan, grand-mère volcanique, au sang vaguement
mêlé, et des seuls Gauguin, famille inexactement qualifiée
d'« orléanaise », sans se soucier, faute de documents, des Chazal à la violente
d'un
talent
personnalité, recélant peut-être les prémices
artistique qui s'épanouira seulement chez Paul
Gauguin.
Les
Chazal interviennent,
cependant, dans la formation de
que Flora Tristan.
Et puis, nos biographes ne se sont pas donné la peine d'es¬
sayer de remonter aux sources (normandes).
Rompant avec ces traditions, c'est ce que — premier sur
cette voie nouvelle
nous
avons
tenté de faire, avec plus
ou moins de succès, le lecteur en reste seul
juge.
l'artiste,
sur
le même plan exactement
—
Si l'on
a
bien voulu
voit que celle-ci
cas où certains de
nous
suivre dans notre
prouverait,
démonstration,
jusqu'à l'évidence —
au
ces éléments, encore un peu
hypothétiques,
seraient confirmés par les recherches d'érudits locaux — les
origines à prédominance nettement « viking » et « celtique »
de Paul Gauguin ; en fait, il est un véritable « métis » de
viking » et de « celte », pimenté d'une goutte de sang péruvien.
Sans vouloir trop demander aux principes d'hérédité, ni
nous ranger dans la
cohorte des « gobinaldistes » impénitents
on
presque
«
Société des
Études
Océaniennes
—
et
périmés,
ces
170
—
origines expliqueraient cependant, lumineuse¬
ment, à la fois, l'évolution tourmentée de sa vie ardente et les
aspects si divers de son génie (périodes bretonne, antillaise et
océanienne).
Alors, la phrase choisie
comme exergue à cet article méri¬
complétée :
Au Xème siècle, les Danois se fixent au pays qui
deviendra
la Normandie, les Normands seront navigateurs, pêcheurs,
colonisateurs.... et artistes (tels Géricault, Millet, Boudin,
Gauguin, Rodin, Friez, Dufy, Gobineau, Flaubert, Tocqueville,
Gourmont, Barbey, d'Aurévilly et beaucoup d'autres).
terait d'être ainsi
Ct.
J.
COTTEZ
Capitaine de Frégate (II)
Arcachon, Mai 1958
Société des
Études
Océaniennes
—
SCHEMA
171
—
D'ARBRE
Famille
GENEALOGIQUE
GAUGUIN
Thomas Gauguin, Marchand en gros, fixé dans la
région de Caen, épouse vers 1785, Marie-Anne Lecointe
d'une vieille famille normande, d'où plusieurs enfants
née
Maria-Anna
Guillaume,
1789, devenue Mrs.
Satchwell
1872
décédée
(famille
»)
«
très
artiste
N 1
mar¬
chand-épicier
1786, épouse
né
en
1813 à Orléans Madeleine-Elizabeth Juranville
1790-1855 présumée
origine possible
du pharmacien
Gaugain (voir plus
bas)
normande, d'où
plusieurs enfants
et,
au
moins
Pierre-Guillaume Clovis né
Orléans 8/IV/1814, journaliste
ép. 1847 Marie-Aline Chazal
Paul Gauguin
né Paris 1848
Isidore
Madame
Gauguin
Uribe
N
2
origine possible du
pharmacien Gaugain
passé à la Martini¬
que, décédé à SaintPierre en 1902 (Mon¬
tagne-Pelée) d'où des¬
cendraient
ép. Met Gad
les
Gau¬
guin d'Arcachon, émi¬
grés depuis à Luchon (1)
plusieurs enfants
dont
:
Pola, auteur
de Mein Vater
Gauguin
(1) On
mais
le
ne sait exactement où remonte l'origine
elle sait être cousine de celle à laquelle se
peintre.
Société des
Études
Océaniennes
de cette branche,
rattache Gauguin,
—
NOTE
172
—
COMPLEMENTAIRE
Depuis la rédaction de notre travail sur les origines de Paul
Gauguin, nous avons reçu un complément d'informations, de
deux sources d'inégales importances. Il nous
permet d'apporter
les corrections et précisions suivantes à ce que nous avons
déjà
écrit.
1°) Madame Ursula Francès Marks Vandenbroucke a bien
nous
envoyer un extrait — paru dans la Gazette des
Beaux-Arts
de sa thèse magistrale, consacrée à Paul Gau¬
guin (Sorbonne 1956).
Cet extrait apporte une confirmation éclatante à la plupart
de nos hypothèses. Cette thèse précise, dans ses moindres
détails, la situation d'André Chazal, comme artiste, mari et
condamné, entre 1830 et 1839.
Elle nous apprend, entre autres choses, qu'André Chazal n'a
pas été transporté à la Guyane, mais est mort à Evreux, en
1860, libéré depuis 1856, trois ans avant l'expiration de sa
peine.
Enfin elle nous livre le nom de la mystérieuse Française,
ayant vécu en concubinage, à Bilbao d'abord, à Paris ensuite,
avec le brillant colonel Don Tristan
y Moscoso.
Cette Française s'appelait Pierre, Marie Laisnay. On ignore
ses
origines. Ce nom pourrait être normand (1), mais paraît
étrange et rare (2) avec cette orthographe.
Certains biographes ont dit qu'elle appartenait à une famille
de l'aristocratie française, et qu'elle aurait fui la France
pour
éviter les excès révolutionnaires. En somme, elle aurait « émi¬
gré ».
Nos recherches ne nous ont révélé, jusqu'à ce jour, aucune
orthographe similaire, et nous en sommes arrivés à penser :
1°) Soit que cette orthographe provient d'une erreur de
voulu
—
(1) Madame Vandenbroucke a retrouvé ce nom à Paris, en 1772.
impossible qu'il s'agisse de l'intéressée, ou de sa famille.
Il n'est pas
(2) On trouve dans la Manche (principalement) de nombreux
Laisnéy, mais aucun Laisnay.
On en trouve aussi plusieurs dans la Seine
(Laisné, Laisney). Dans
les autres départements, ce nom apparaît épisodiquement seulement.
Dauzat cite une autre origine dé Lainay originaire d'Ainay
(Allier)
(rare, ajouterons-nous).
Société des
Études
Océaniennes
173
—
—
scribe de Fétat-civil
(cas analogue chez les Gaugain) ; Laisnay
pourrait de même être mis pour Laisney, fréquent en Norman¬
die, comme nous l'avons vu.
2°) Soit que son nom véritable de Launay (normand) ait été
maquillé en celui de Laisnay. La transformation est des plus
faciles. Il suffit de mettre un point sur une jambe de l'u et
de prolonger l'autre jambe par une sorte de cédille, pour en
faire
un
« s ».
Ce
maquillage pourrait s'expliquer par le désir qu'aurait eu
cette personne dite « bien née », vivant en situation irrégu¬
lière, de masquer son identité réelle.
Le nom de Launay ou « Delaunay » est fréquent en Norman¬
die et aussi en Anjou, et, plus généralement, dans tous les pays
de langue d'oïl (Dauzat - Dictionnaire Etymologique).
*
*
*
2°) Par ailleurs, l'état-civil d'Orléans nous a adressé copie
Magdeleine Elisabeth Juranville, épouse
de Guillaume Gauguin, ancien marchand épicier, décédée à
de l'acte de décès de
Orléans le 24 mai 1845.
Cet acte nous donne plusieurs
précisions intéressantes :
1°) La mère de la défunte s'appelait Cribier. Le Dictionnaire
de Dauzat indique que ce mot normand est un diminutif de
Criblier (ouvrier utilisant un crible).
La présomption d'ascendance normande de Gauguin est donc
encore renforcée par cette
étymologie, et le schéma généalo¬
gique I doit être complété en conséquence (case 2 : mettre
au-dessus de Normand, Cribier).
2°) Isidore Gauguin, en 1845, est qualifié de bijoutier à
Orléans (confirmation de ce qu'on savait déjà).
3°) Cet acte révèle, en outre, en 1845, la présence d'un cousin
Guillaume Gauguin âgé de 70 ans (donc né en 1775), jardinier.
Son âge et sa qualité de cousin, habitant en un lieu voisin
de l'autre Guillaume, impliquent que Thomas aurait eu, au
moins, un frère Y. Guillaume (le jardinier) serait le fils de
ce frère Y, autrement,
il ne pourrait être que frère ou oncle
des intéressés.
C'est peut-être
chez cet Y encore inconnu, qu'il faudrait
l'origine des « Gaugain » d'Arcachon.
Le prénom de Guillaume, attribué à ce fils de Y apporte
aussi une présomption très forte de fixation, déjà ancienne,
en
pays normand des Gauguin.
rechercher
Société des
Études
Océaniennes
—
DEUXIEME
174
NOTE
(Marie)
-
—
COMPLEMENTAIRE
Anne-Pierre
LAISNAY
(1772—1844)
L'orthographe assez particulière et très rare de ce nom
permet, sans doute, d'écrire, comme suit, l'histoire de cette
famille « Laisnay » manifestement de
provenance et de souche
normandes.
*
On
trouve
à
Paris,
en
*
*
1770,
un
certain Jean Laisnay, dit
Bourgeois de Paris », demeurant rue de la Calandre (1),
paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois. Il épouse, le 12 juin de
cette année 1770, une demoiselle
Thérèse, Catherine, AMELINE (2) (en possession d'une autorisation
paternelle, rédigée
par Maître
Notaire à Canisy, près de Saint-Lô), âgée
de vingt-cinq ans, fille de Nicolas AMELINE,
laboureur, et
de défunte Catherine Le Crosnier, demeurant rue du Cheva¬
lier du Guet (3) de la même
paroisse.
Les futurs ont comme témoins, lors de leur
mariage, des
personnes fort honorables, telles André de Laubel, Bourgeois
de Paris, Jacques Putz, fourbisseur, rue
Saint-Honoré, Michel
Louis Le Crosnier, Bourgeois de Paris,
cousin de la mariée,
Georges Godard, Bourgeois de Paris, tous deux, rue Quinccam«
poix....
Les jeunes époux reconnaissent immédiatement, comme issue
de leurs faits et œuvres » une fille,
baptisée aux « Enfants
Trouvés » le 24 février 1768, à laquelle on aurait
imposé les
noms de
Thérèse, Jeanne Laisnay.
En somme, vers 1767, Jean
Laisnay, alors âgé d'environ
trente-cinq ans, aurait fait la cour à une jolie fille du voisi¬
nage. Cette cour, un peu trop poussée, aurait donné des fruits...
«
prématurés.
(1) Rue de la Calandre
Palais ;
l'autre bout,
rue
Un bout, rue de la Barillerie, vis-à-vis le
du Marché Pallux (près du Petit Chatelet)
:
(2) AMELINE : Nom de famille qui se trouve principalement
répandu en Ile-et-Vilaine (Rennes) et dans la Manche.
(3) Rue du Chevalier du Guet : un bout, rue des Lavandières ;
l'autre bout, rue Perrin - Gasselin, près le Grand Chatelet
(Anonyme Les rues de Paris
1785)
-
Société des
Études
Océaniennes
—
175
—
Heureusement, par le mariage officiel des tourtereaux, en
1770, tout rentre dans l'ordre...
Deux ans après la célébration de cette union, en 1772, leur
nait une deuxième fille, Anne-Pierre Laisnay.
L'un des témoins, parrain, est alors qualifié de « Garde du
Roy, en l'Hôtel de la Prévôté » : lui et sa femme paraissent
Normands » (Le Queulx et Desport). Ils sont dits représenter
l'Intendant de la Généralité (1). Ce fait pourrait donner un
indice sur les activités de Jean Laisnay : il est sans doute, dès
cette époque, peut-être même avant,
employé (ou « muni d'une
charge ») à l'Intendance de la Généralité de Paris.
On peut, incidemment, noter que le jeune ménage a changé
de domicile. Il habite, alors, rue Saint André-des-Arts, non
«
loin
de
Saint-Germain-des-Près.
*
Une
*
♦
pièce d'archives, postérieure de quelques années,
que ce même ménage aurait eu, en 1777, un
fils né le 16 août, et baptisé aussitôt des noms de Thomas,
Joseph, Jean.
On peut, au passage, noter que Thomas est un prénom sou¬
vent normand (Thomas Gauguin, Thomas Corneille).
Le père y est, cette fois, formellement qualifié de secrétaire
de l'intendance (de la Généralité de Paris).
Le ménage aurait changé de domicile, une nouvelle fois,
et demeurerait
alors rue du Temple. Le parrain Thomas
Aquimae » (2) est encore qualifié de Bourgeois de Paris,
donc toujours du même milieu aisé, et de bonne compagnie.
nous
autre
apprend
«
*
*
*
Par la
suite, la jeune (Marie) Anne-Pierre Laisnay, grandit
enfants de son âge. A la Révolution, eRe a une
vingtaine d'années. ERe émigré, et passe en Espagne, soit seule,
soit avec sa famiRe ou une partie de sa famille.
ERe rencontre à Bilbao, vers 1802, un séduisant colonel espa¬
gnol, un « Américain » sans doute non démuni de pesos ou
doublons d'Espagne — Don Tristan y Moscoso — lointain des¬
cendant des Borgia d'Aragon... peut-être.
comme
tous les
(1) Intendant de la Généralité de Paris : M. de Montaran père, en
rue de Touraine ; (et mieux) son fils, rue du Grand
Chantier, tous deux au Marais (Almanach Royal 1774)
survivance,
(2) Nom déformé illisible
aux
Société des
Archives de la Seine.
Études
Océaniennes
—
Il lui fait
une
cour
176
empressée... Il n'est
accepte... comme l'on dit, de
Ils
unissent
—
« couronner
pas
repoussé.. Elle
flamme
sa
».
temporairement leurs deux vies. On connaît la
suite...
*
Au
bout
de
s'installent à
*
*
quelques années, ils rentrent
en
France, et
Paris...
Le colonel
meurt subitement en 1807, sans avoir eu le
temps
régulariser son heureuse union... Il laisse derrière lui deux
enfants, dont Flora Tristan, né en 1803.
Après différentes tractations, la mère « naturelle » se voit
définitivement déboutée, elle et ses enfants, de l'héritage du
de
colonel.
C'est la
misère, ou à peu près.
Flora travaille dans un atelier de «Peintres lithographes».
Elle y rencontre André Chazal, en 1819, l'épouse, le quitte
quelques années après... part
oncle Don Pio Tristan y
Elle revient du Pérou vers
6on
au Pérou vers 1830 rejoindre
Moscoso, déjà très âgé...
1836.
Bientôt
éclate le drame
mari, André Chazal, et la condamnation de celui-ci
à vingt ans de travaux forcés (1838).
Cependant, le frère de Flora, Thomas, a trouvé une fiancée :
Adélaïde, Suzanne, Nicole Fauvel (1). Il l'a épousée à Paris,
le 3 juin 1820, à la mairie du 1er arrondissement, sans laisser
d'adresse. Par la suite, on n'entend plus parler de ce ménage
avec
son
Fauvel.
*
*
*
Flora Tristan, à son retour du Pérou, se lance dans le mou¬
Saint-Simonien et la littérature (appuyée, sans doute,
vement
prêtre défroqué, d'origine israélite) (2).
Bordeaux, en 1844, au cours d'une tournée de
propagande. Les ouvriers de la ville lui élèvent un modeste
sur
un
Elle meurt à
monument.
Sa mère
rue
est devenue
couturière. Il faut vivre... Elle habite
Mouffetard. Elle décède, à son tour, en cette même année
(1) Nom spécifiquement normand
(2) Voir la thèse de Madame Ursula Frances Marks-Vandenbroucke,
en Sorbonne
Paris 1956. (se trouve à la Bibliothèque de
l'Université de Paris).
soutenue
-
Société des
Études
Océaniennes
—
177
1844, âgée de soixante-et-onze
puisqu'elle serait, en fait, née
«
célibataire
—
ans, a-t-on dit, ou
en 1772. Elle est
à peu près,
qualifiée de
».
*
Tous les éléments retrouvés
*
*
aux
archives,
au nom
de
«
Lais-
les uns avec les
autres
de broder. Celleci pourrait bien être, à peu de choses près, la véritable his¬
toire de cette famille Laisnay, où l'on trouverait (Marie)
Anne-Pierre, trisaïeule de Paul Gauguin.
De plus, tous les éléments coïncident, aussi avec ce que l'on
savait jusqu'à présent de Marie-Pierre Laisnay « fille bien
née», passée en Espagne à la Révolution...
nay »
sont, ainsi, utilisés. Ils cadrent bien
dans la petite histoire que nous venons
Le
20
Octobre
1958
Ct. J. COTTEZ
Société des
Études
Océaniennes
—
178
—
DONS:
Etude sommaire
et
en
sur
l'évolution de la criminalité à Tahiti
Polynésie entre 1870 et 1959.
Le Capitaine L. BOUVET, commandant le groupement
de
gendarmerie de la Polynésie, a eu l'amabilité d'adresser à
notre Société un exemplaire d'une étude due à lui-même et à
l'adjudant-chef IORSCH, sur l'évolution de la criminalité à
Tahiti et en Polynésie, entre 1870 et 1959. Cette plaquette,
fort bien pensée et présentée, est, les auteurs nous le disent
eux-mêmes, sans aucune prétention. Après une étude sommaire
sur
la criminalité à Tahiti et en Polynésie, elle donne le
volume
total
des
affaires jugées, le nombre d'individus
condamnés, la nature des infractions commises, la répartition
dans l'espace des crimes et délits par lieux d'infractions, et la
répartition par âge, sexe et lieux de naissance, des individus
impliqués dans les crimes et délits. Tous les chiffres cités ont
été soigneusement contrôlés. Les tableaux de présentation sont
clairs et faciles à comprendre, même pour le profane.
On reste saisi devant une situation que beaucoup ignorent,
et qui se révèle plus que préoccupante. Le problème
pénal en
Polynésie est sérieux, grave même. Puisse le modeste travail
de MM. Bouvet et Iorsch ouvrir les yeux à tous ceux qui
aiment nos îles, et amener les responsables de ce territoire à
prendre les mesures qui s'imposent.
Société des
Études
Océaniennes
Le BufSefâsi
Le
Bureau
de
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accepte l'impression de tous les
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas
qu'il épouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien
les commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls,
en prennent toute la
responsabilité.
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fois pour toutes. (Article
ment Intérieur. Bulletins N° 17 et N°
29).
somme
lo
Le
une
Bulletin continuera
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lui
être
pour cette
24 du Règle¬
adressé, quand bien
même il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
2°
du
Le Membre à vie n'a
paiement de
sa
plus à se préoccuper de l'envoi
cotisation annuelle, c'est une dépense et
ou
un
souci de moins.
En conséquence : Dans leur intérêt et celui de la Socié¬
té, sont invités à devenir Membre à vie :
TOUS CEUX qui, résidant hors de
Tahiti, désirent recevoir
le Bulletin.
TOUS LES Jeunes Membres de la Société.
TOUS
même.
CEUX
qui, quittant Tahiti, s'y intéressent quand
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 131