B98735210103_124.pdf
- Texte
-
DE
LA
SOCIÉTÉ DES ÉTUDES OCÉANIENNES
N° 1 24
-
TOME X
SEPTEMBRE
♦—
Anthropologie
Histoire
—
:
'
(N° 11)
1958
1
.
.
Ethnologie
—
Philologie
institutions et Antiquités des Populations
Littérature
Astronomie
PAPEETE
—
—
et
Océanographie
Maories
Foilclcre
—
IMPRIMERIE DU
Sciences naturelles.
GOUVERNEMENT
Société des Etudes Océaniennes
Conseil
d'Administration
Président
M. H.
Vice-Président
M. JAUNEZ
JACQUIER.
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M.
Cdt. PAUCELLIER.
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M.
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Assesseur
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de la Société
se
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Bibliothèque.
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ils peuvent
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signant
une
rendraient pas
présentera la formule à signer.
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La
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invités tous les jours,
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ses
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aux
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La salle de
lecture est ouverte
au
public tous les jours de
14 à 17 heures.
Musée.
les jours, sauf le lundi de 14 à 17
jours d'arrivée et de départ des courriers : de 9 à
Le Musée est ouvert tous
heures. Les
11 heures et de 14 à 17 heures.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME X
No 124.-
(N° 11 )
SEPTEMBRE
1958
SOMMAIRE
Pages
Histoire
Jean-Baptiste Rives, de Bordeaux, Aventurier hawaïen
( Cdt J. Cottez ) ( suite et fin )
819
Histoire locale
Quelques naufrages oubliés ( J. Laguesse )
.
847
Divers
Bibliographie
857
.
Société des
Études
Océaniennes
HISTOIRE
Jea si-Baptiste
RIVES, de Bordeaux
aventurier hawaïen
( 1793
-
1833 )
( suite et fin )
E) Manœuvres de Rives
en
France (1825-1826)
Rives débarque à Paris dans la seconde moitié de l'année
1825. Il n'y manquait pas de relations, « Une
partie de sa fa¬
mille y habitait » a-t-on dit. Il doit s'agir sans doute de son
frère ainé Jean-Baptiste Théodore. Nous n'avons pas réussi
à retrouver
souvenir
trace.
sa
D'autre part,
Monsieur
de
de
« l'Uranie »
qui avait, aux
Kalani-Mokou dit « Pitt »
il pouvait se rappeler au
Quelen, cet ancien Aumônier de
Sandwich, baptisé, en grande pompe
et
son
frère Boki.
Un très proche parent de M. de Quelen était
présentement
Archevêque de Paris et Pair de France (1).
(1) Monseigneur de Quelen
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
Cette sotie
:
confessait directement à
Mgr de Quelen, archevêque de Paris, dans le salon duquel elle allait se repentir. Ce
hasard m'avait révélé quelques données sur les amours de cet
archevêque qui, peut être, avait alors Madame de Podenas,
dame d'honneur de Madame la Duchesse de
Berry et, depuis ou
avant, maîtresse du trop fameux duc de Raguse. Un jour, indiscrètement pour moi — c'est là, si
je ne me trompe, un de
mes nombreux défauts
je plaisantai un peu Mme de Lussinpe (a) sur l'archevêque. C'était chez Mme la comtesse d'Avelles
(b). « Ma cousine, imposez silence à Mr Reyle, s'écria-t-elle
furieuse
»
(c).
se
—
....
(a) Madame de Lussinpe
Chef
de
(b) d'Avelles
(c) Stendhal
page 16.
Bureau
:
à
=
la
Madame de Marcs^e. dont le mari était
Direction
de
la
Police.
voir d'Argout dans le petit dictionnaire stendhalien.
—
Souvenirs
d'égotisme
Société des
Études
—
Edition du Divan 1956,
Océaniennes
—
Nous
820
—
déjà remarqué qu'au moment de la maladie du
Rio-Rio, Rives avait pû extorquer une signature sur une
espèce de lettre pouvant l'accréditer, en quelque sorte, auprès
du Gouvernement Français, comme « Délégué du Roi aux Iles
Sandwich» ou «Ministre Plénipotentiaire».
avons
Roi
Il n'est pas non
plus, impossible, il est même assez probable
Rives obtint de Bokî, hostile aux protestants américains,
principale autorité sandwicbienue à Foudres après la mort
du Roi, une sorte de confirmation, ou d'homologation de ses
lettres de créances, plus ou moins authentiques d'ailleurs, et
devenues caduques, par suite du décès de ce Souverain.
que
Boki
Quoi qu'il en fût, il utilisa tout son bagout, toute sa faconde
toute sa souplesse et sa ruse naturelle pour séduire
ses auditeurs français,
et il y réussit d'une façon véritablement
de gascon,
merveilleuse.
D'abord, il obtint une « audience » du Ministre des Affaires
Etrangères, du Baron de Damas, membre — comme on le sait
de la redoutable « Congrégation ». Puis il parvint à inté¬
resser à ses
affaires, après, a-t-on dit, « un essai malheureux
auprès d'armateurs sans consistance » différents banquiers puis¬
sants, entre autres les frères Javal, Israélites notoires, et les
fameux Laffitte, banquiers, et armateurs de Paris et du Havre.
Ceux-ci alléchés par ses plans mirifiques, et ses prévisions de
bénéfices fabuleux, décidèrent d'armer un bâtiment «le Hé¬
ros »
qui devait aller commencer à la Cote N.O. d'Amérique,
aux Iles Sandwich, et à la Chine.
Dans une lettre du 15 novembre 1824 (1), adressée au
Baron de Damas, Ministre des Affaires Etrangères, Rives
—
résumait
comme
l'audience
suit,
ses
idées
:
Excellence a eu la bonté de
m'accorder, Elle m'a demandé un «Mémoire» sur le com¬
merce que la France peut faire avec les Iles Sandwich, la Cali¬
«
A
que
votre
fornie, etc...
Il faut connaître le caractère de
ces
peuples
par une
longue
fréquentation de ceux-ci...
Il faut connaître la Côte et la nature des
ger...
Je suis
allé
souvent, à la
objets à
y
échan¬
Côte N.O. d'Amérique, et dans
(1) Archives des Affaires Etrangères : Iles Sandwich — Correspon¬
Politique — année 1824 — pages 10, et suivantes . . .
dance
Société des
Études
Océaniennes
—
la Californie
wich
821
—
j'habite depuis dix-huit
et
ans
aux
Iles Sand¬
(1)...
Il donne ensuite, une description détaillée de cet Archipel
constitué, d'après lui, de onze (ou douze) îles, dont huit princi¬
pales. La population totale se montait à 490.000 habitants,
trois îles demeurent inhabitées...
Les
productions du pays sont : avant tout, le « santal », puis,
«genre Virginie» ; la culture du coton y est com¬
mencée... ; la canne à sucre et le gingembre y poussent bien...
Par contre, le café y est encore inconnu : sa culture pourrait
y devenir d'un bon rapport...
le tabac
Les articles de manufacture dont la vente est certaine
sont
:
les
soieries, le drap fin, les grosses toiles de coton, les rubans,
dentelles, eaux-de-vie, cuivre en feuilles, pour doubler les
navires, les clous de cuivre, les cordages de chanvre, les hardes
confectionnées, et toutes espèces de chaussures.
En
échange,
prendrait du «bois de santal» transporté
insuffisant,
pour compléter la cargaison, on irait a la Californie, où on
trouverait des peaux brutes ; et à la Côte N.O. d'Amérique
où l'on pourrait acquérir à bas-prix des fourrures (loutres,
castors, renard®, loups marin) par échange de produits manu¬
facturés (clous, verroterie, outils divers, étoffes).
à la Chine il
on
se
vendrait très cher. Ce marché étant
Ces deux régions ne sont respectivement qu'à quatorze, et
vingt-trois jours de voile des Iles.
J'estime que le bénéfice
dix fois la valeur de
dre
voyage par
à trois ans.
de telles opérations pourrait attein¬
la cargaison initiale. La durée du
les Sandwich, et la Chine, serait au total, de deux
»
J.B. RIVES
En date du 16 novembre
moire
»
de
note annexe écrite par
«
(1)
Sur la
1825
1824, on trouve un nouveau « Mé¬
au même destinataire avec cette
un auxiliaire du Ministre :
trois cent mille francs (nécessaire pour
Rives, adressé
somme
18
de
mais il faut ajouter au séjour aux
navigation pour s'y rendre et une année
de voyage en Europe, ce qui donne (sic), finalement, comme date
présumée d'arrivée de Rives aux Sandwich, l'année 1804, déjà trouvée
par d'autres calculs.
Sandwich
un
—
an
ou
=
1807
:
deux de
Société des
Études
Océaniennes
—
822
—
celte affaire) Lord Cuningham, a pris un intérêt
vingt mille francs. On présume que c'est un moyen
du Gouvernement Anglais de maîtriser l'expédition
ou du moins
d'intéresser le parti principal, par les renseignements qu'il
se propose de faire
prendre par la suite; et l'on pense qu'il
serait à propos de mettre dans l'expédition,
quelqu'un d'assez
capable pour parer le coup, en dirigeant Rives, par la confiance
qu'il lui inspirerait, en le faisant agir dans notre intérêt au¬
près du Gouverneur des Iles Sandwich.
Et on a rajouté « In fine » : « le moment serait opportun
pour tenter quelque chose ».
commencer
de cent
Rives revient à la
charge
par
la lettre suivante
:
le 6 décembre 1824.
Trois états
été
joints aux Mémoires précédents pour
plus palpables...
Mes fonctions aux Iles Sandwich m'ont obligé de tenir
registre des bâtiments étrangers qui venaient y trafiquer,
ainsi que de leur chargement, et de ce qu'ils prenaient au re¬
«
rendre certaines
ont
choses
tour.
Pour ceux allant à la Californie, et en revenant, les mêmes
renseignements ont été recueillis. »
Suit un « relevé » partiel des registres tenus par Rives.
Il donne pour vingt années une soixantaine d'exemples. Il
ajoute: «les Anglais ont envoyé aux Sandwich un Consul (1),
avec la «Blonde»
(1823). Il est susceptible de faire signer un
traité de commerce de dix ans avantageux à sa nation... »
Rives
tholique
n
hésite pas
à
comme moyen
Les Sandwichiens
proposer « l'emploi de la religion
de propagande...
embrasseraient,
avec
ca¬
empressement, et avec
joie, les doctrines de notre Sainte Religion
»...
Il
rappelle «le précédent» constitué par le passage de
Freycinet en 1819, au cours duquel le premier Ministre Kalani-moku, dit «Pitt» s'est fait baptisé, ainsi que ses frères...
A bien y réfléchir le projet d'introduction de missionnaires
catholiques réalisé d'ailleurs, par la suite, avec la «Comète»
et le transport dans ces îles des Pères Bachelot et Walsh, sur
un navire, je ne dirai
pas «armé par Rives» mais «actionné
par lui» apparait, avec le recul du temps, comme uu bref
(1) Charlton.
Société des
Études
Océaniennes
—
823
—
épisode de la lutte plus que séculaire, maintenant, qui a mis
prises deux blocs anglo-saxons irréductibles, le Britannique
aux
et
l'Américain.
Pour bien
comprendre cette proposition, il faut revenir
en
arrière dans l'histoire des Sandwich.
On sait qu'après les deux passages de Vancouver dans ces
îles (1792-93) celles-ci se considéraient un peu, déjà, comme
la
protection réelle de la Grande-Bretagne.
Sandwich, ne cantonnait-il pas ses cou¬
leurs nationales de «l'Union Jack»? (1).
Il résulte de la lecture du Tyerman et Benett :
Inspec¬
teurs des Missions de Londres, dans les Mers du Sud, venus
vers 1822 aux Sandwich,
où ils retrouvèrent d'ailleurs, le cé¬
lèbre Pasteur William Ellis débarqué depuis peu des Iles de
la Société
qu'une sorte de « gentleman's agreement » ait été,
alors adopté entre « ces Messieurs les différents missionnaires
sous
D'ailleurs le roi des
—
protestants
».
Bingham, Thurston et quelques missionnaires américains
tisans avaient précédé l'arrivée des Anglais. Ils avaient su
quérir, déjà, la confiance et la faveur du Roi Rio-Rio.
Les
Américains
désiraient
voir
Ellis
rester
aux
ar¬
ac¬
Sandwich.
Il
parlait parfaitement le Tahitien, langue extrêmement voisine
du sandwichien, les Américains, eux, devaient encore, utiliser
les services d'interprètes indigènes, toujours plus ou moins
fidèles. Ellis aurait pu avantageusement les remplacer, et aussi
traduire
en
«
mahori
»
les textes
sacrés.
Malgré les légères différences de doctrines, cette solution
semblait, donc avantageuse aux deux parties. Elle fut adoptée
(2).
Malheureusement, comme on le sait déjà, la femme d'Ellis,
tomba gravement malade. Le Pasteur dût, avec elle, rentrer
en
Europe. Il ne fut pas remplacé.
Young, en arrivant, en 1824, en Grande-Bretagne avait rendu
compte aux autorités de la position de plus en plus importante
prise aux Sandwich par les Américains. Boki, de son côté, leur
(1) Beauté
et
utilité
de
1' "insignologie "
science
encore
trop
méconnue.
(2) Busby, Consul de Grande-Bretagne, à la Baie des Iles (1836).
s'émût, prématurément à l'annonce de l'arrivée de Charles de
Thierry à Hokianga, et ameuta, contre lui, les chefs des « Tribus
Il
Unies
»
de
Nouvelle-Zélande.
Société des
Études
Océaniennes
—
était hostile ;
d'ailleurs,
cisme, principalement
on
pour
824
—
sait qu'il s'était converti
leur faire échec...
au
catholi¬
Rives avait certainement en l'occasion de rencontrer à Lon¬
nouveau Consul
désigné pour les Sandwich avant
dres le
qu'il
rejoignit
ne
poste, et d'échanger, avec lui, quelques propos
de circonstances sur l'influence envahissante des missionnaires
son
yankees.
Toujours est-il
il constata
cée
que
de visu
«
»
lorsque Charlton eut atteint les Sandwich
et
dans toute
son
étendue, l'action
exer¬
Bingnam et ses collègues sur le nouveau Roi et la
population locale. Il pressentit, tel un «Busby anticipé» le
péril américain et le danger possible d'une prochaine annexion
par les U.S.A.
par
Pour lutter
ceux-ci, Charlton ne trouva pas de moyen
de préconiser, lui aussi, l'introduction de
concurrents redoutables pour Bingnam, et ses
collègues.
C'est un peu, — toute révérence gardée — l'histoire renou¬
velée des Antilles, avec l'introduction dans celles-ci de man¬
goustes, pour y détruire les reptiles, ces mammifères constituant
à leur tour, un nouveau
danger...
Peut-être les idées de Charlton se rencontrèrent-elles,
par
plus efficace
hasard
avec
Peut-être
contre
que
celles de J.B. Rives.
mirent-ils d'accord, par correspondance directe
indirecte. Toujours est-il qu'ils firent front commun contre
l'ennemi principal, c'est-à-dire, en l'occurence, contre
se
ou
Bingham
et
ses
acolytes américains.
Un fait
demeure
incontestable
et
incontesté
:
les
Pères
de
Picpus, sur l'invitation formelle faite par Rives au Supérieur
des Missions, et soumise par celui-ci au
Saint-Siège — embar¬
quèrent, gracieusement à bord de la « Comète », navire anné
par la Maison « Changeur-Gagneron » de Bordeaux, d'après
le processus que l'on exposera un
peu plus loin.
*
*
*
G) Suite des tractations de Rives
en
France.
Revenons à notre héros.
Rives ajoute : « au prochain voyage que je
dans environ trente mois j'emmènerai (à titre
ferai en France,
de propagande)
un des chefs des Iles
Sandwich, peut-être le Roi lui-même, et
quelques chefs de la Côte N.O. d'Amérique ».
Enfin
notre
Gascon propose : «
Société des
Études
1° de conclure
Océaniennes
un
traité de
—
825
—
le Roi des îles Sandwich pour
le commerce des
(sorte d'exclusivité qui serait réservée à
Rives et à ses amis) ; 2° d'établir une maison commerciale, dans
le port principal des îles.
En ce qui concerne la côte N.O. d'Amérique, on pourrait,
à l'imitation des U.S.A. sur la «Rivière Colombie» prendre
plusieurs positions défensives, utiles au commerce des fourrures.
commerce
bois
de
avec
«
santal
»
Je suis étonné qu'aucune puissance européenne — à l'ex¬
ception des Américains — ne s'en soit emparées ! » (1).
Rives termine en suggérant « la fondation d'une Colonie avec
4 à 500 hommes, deux bâtiments de 3 à 400 tonnes avec leurs
accessoires, et 8 à 10 pièces de canon...
Je n'ai pas besoin de dire à votre Excellence combien de
pareilles colonies faciliteraient au Commerce français, la traite
si précieuse des fourrures...
Rives ajoute dans une nouvelle note annexe : « les bénéfices
escomptés seraient de 6 à 14 fois la valeur de la cargaison,
suivant la nature, ou les circonstances. Il demeure entendu
que le résultat des opérations présente des bénéfices bruts,
desquels il faudrait déduire les dépenses de fret, de personnel,
«
etc...
»
Et
puis
relever
un
cette
peu plus tard, le 24 novembre 1825, on
ultime note, particulièrement intéressante,
peut
éma¬
nant du Ministère de l'Intérieur
(Commerce).
Saint-Cricq a l'honneur de remettre à
Monsieur Deffandis une copie du rapport qui a été lu au Con¬
seil Supérieur du Commerce, dans la séance du 18 de ce mois,
concernant l'expédition projetée aux Iles Sandwich.
Messieurs Javal Frères, Martin Laffitte et Cie, Négociants,
«
Le
comte
de
«
Havre, demandent la réduction à un demi des droits fixés
le tarif sur certaines marchandises qu'ils pourront rappor¬
ter de l'Océan Pacifique,
à la suite d'un voyage d'essai et de
découvertes qu'ils se proposent d'entreprendre à leurs frais...
au
par
Ils sollicitent le
armé
Un
prêt d'uu navire de
également à leurs frais,.
guerre
de Messieurs Martin Laffitte
de
sa
Majesté,
(1), vient de retourner
de dix ans, pendant lequel, il a, comme négociant,
séjourné dans l'Inde, à la Nouvelie-Holiande et dans plusieurs
neveu
d'un voyage
îles des Mers du Sud...
(1) Toussaint Hervel,
»
neveu
Société des
des Laffitte.
Études
Océaniennes
826
—
Enfin la
note
s'achève
toute
cette
affaire
avec
en
—
—
résumant un projet — en liaison
l'installation d'agents commerciaux
dans les
principales escales des Mers du Sud :
1°) A l'entrée du Golfe de Californie, en un lieu à déter¬
miner (Mazatlan ou San
Blas) : un agent.
2°) En Nouvelle-Hollande : un agent.
3°) Aux Iles Sandwich : un agent supérieur. En plus à la
Chine, à Manille et en Cochinchine 3 agents appointés, et
quelques négociants français, comme correspondants (1).
C'est ce qui sera réalisé par la suite, dès 1850, à
peu de
choses près.
*
*
*
F) Incidences des premiers projets de J.B. Rives.
Les
projets grandioses de Rives avaient évidemment, suscité
quelque intérêt au Ministère de l'Intérieur (Division du Com¬
merce)
.
Son chef de Division,
un certain Catineau-Laroche, s'était
personnellement penché sur cette affaire. Il était entré en
rapports avec Rives. Celui-ci, par ses hâbleries habituelles,
l'avait rapidement convaincu de l'excellence de ses idées. Tout
en
continuant
tractations officielles
ses
avec
le Baron de Da¬
mas, et le groupe
à mettre sur pied
identique,
Javal-Laffitte, Rives réussit «en catimini»
une autre combinaison, dans son principe
tous points, à la précédente, avec cette fois
en
Catineau-Laroche
et
un
de
ses
neveux
comme
«
Ce Catineau-Laroche avait vécu auparavant, une
supporters
».
vie coloniale
mouvementée. Il se trouvait déjà à Saint-Domingue en
17.91, d'où la révolte des nègres l'avait chassé. Il était, alors,
allé se réfugier à New-York. Là, il avait connu
Talleyrand,
assez
d'Hauterive
faires de
la
et
encore
Monsieur Genet
(1), alors Chargé d'Af¬
République Française.
Puis, rentré à Paris il était devenu Directeur d'une Impri¬
Finalement, sans doute grâce à l'appui de certaines de
ses
relations de New-York, il avait réussi à échouer dans
«l'Administration», fin naturelle de bien des Français. Chassé
de celle-ci par Napoléon, à son retour de l'île d'Elbe, il avait
dû, un temps, exercer les fonctions de représentant officieux
du Général noir Petion, Président de la République d'Haïti,
merie.
(1) Monsieur Genet,
propre
Société des
frère de la fameuse Madame Campan.
Études
Océaniennes
827
—
—
puis ii s'était occupé (sans succès d'ailleurs) de colonisation à
la Guyane. En outre, il écrivait. En somme c'était, avant tout,
un médiocre
journaliste, polygraphe ou mieux encore, cacographe, affairiste colonial notoire. Rives et lui devaient s'entendre
«comme
larrons
en
foire».
Cependant la proposition antérieure de Rives avait favora¬
Saint-Siège avait attribué l'Gcéanie à la Congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et Marie,
blement cheminé à Rome. Le
dite encore,
de Picpus ».
du
nom
de la
rue
de leur Maison Mère
«
Société
Les missionnaires
désignés devaient embarquer sur le «Hé¬
Duhaut-Cilly, en capitaine expérimenté, avait prévu
l'arrivée intempestive de missionnaires catholiques aux
Sandwich, lui susciterait de graves difficultés de la part
ros ».
que
Iles
Mais
des
Américains, conseillers habituels du Roi et pourrait entra¬
le succès même de ses opérations commerciales.
Il s'arrangea, donc, pour ne pas accepter à son bord ces
dangereux passagers, et ce fut « la Comète », retardée dans
ses
prévisions d'appareillage, qui en hérita.
Cette première délégation de la Société de Picpus se compo¬
sait de trois Pères : À. Bachelot, dit « Préfet Apostolique des
Iles Sandwich », Abraham Armand, et Patrick Short ; et de
trois frères convers : Meichier Boudin, Théodore Boissier, Léo¬
ver
nard Portai.
Inutile d'ajouter que Rives, toujours malin comme un singe,
comptait bénéficier de l'appui moral de ces missionnaires,
qu'il faisait transporter, gracieusement, à bord de la « Comè¬
te »
par ses associés, et que, par ailleurs, ii avait dû se réserver
dans les opérations commerciales projetées de substantielles
participations.
*
II) Départ du
«
Héros
»
*
*
et de la
«
Comète
».
«Le
Héros», armé par le groupe « Javal-Laffitte » était un
tonneaux, du Havre, monté de 32 hommes
d'équipage, armé de 12 caronades de 8. Il comptait dans son
Etat-Major outre le Capitaine Duhaut-Cilly déjà nommé, MAI.
Thréouart (1), second capitaine, Le Netrel, Lasserre, Lieute¬
nants, et Mr Botta Alédeciu. Monsieur Albert Bourdas, beaufrère du Capitaine, était embarqué comme volontaire.
trois-mâts de 362
(1) Futur vice-amiral, grand savant et astronome
scientifique à la Terre de Feu.
mission
Société des
Études
Océaniennes
connu,
chargé de
—
828
—
J.B.
Rives, assisté d'un certain Girard, son secrétaire devait
participer aux opérations commerciales, non pas comme subrécargue, mais comme simple délégué auxiliaire, et agent du
capitaine Duhaut-Ciîly, lequel conservait, toute la responsabilité
financière des opérations à venir.
Rives
n'agissait donc qu'en subordonné absolu du capitaine
en
tant qu'interprète, et pratique de la Côte
d'Amérique et des lies Sandwich.
seulement
et
Le second bateau armé à
Bordeaux,
l'impulsion do Ri¬
lui peu de ren¬
seignements. Nous relevons cependant celui-ci, assez amusant :
s'appelait «la Comète». Nous
ves,
sous
avons sur
Four le Chili et le Pérou
:
Le très fin voilier et superbe
trois-mâts, la «Comète», Capitaine Pîassiard, de
Bordeaux, de 500 tonneaux, cloué, chevillé et doublé de cui¬
vre, sortant de faire une carène complète, pourra encore pren¬
dre du fret et des passagers, qui trouveront à bord de ce beau
navire, dont les chambres sont en acajou, très élégantes, tout
ce
qu'ils pourront désirer. Il partira du 15 au 20 septembre
prochain, fixe. S'adresser à M. J.A. Changeur et Cie, Fossés
Saint-Eloi n° 2 ou à Monsieur Delmestre, courtier mariti¬
«
navire
mes
à
(1)
»...
Puis, cet autre avis du 26 Septembre 1826 «La Comète»
ne
partira que le 12 Octobre »...
Enfin
«
en
date du 27 Octobre
La Comète
n'est
»
passagers sont invités
leur connaissement, le
fixe»
:
pas encore partie. Les fréteurs, et les
à régler leur passage, et à faire signer
capitaine Piassiart partant le 31 courant,
(2).
En fait «La Comète» devait
vembre 1826 des
ment, la mer que
décoller, seulement, le 13 No¬
quais de Bordeaux, et ne prendre, effective¬
le 21 du même mois.
Elle
emportait, outre les missionnaires de la Société ~Picpus,
Morineau, neveu de Catineau-Laroche, sans doute em¬
barqué en qualité de subréeargue.
Maître
(1) Changeur-Gagneron, armateur de Bordeaux, entré
à
Paris
avec
(2) Tous
deaux où
ces
en
relations
Catineau-Laroche.
renseignements sont extraits de l'Indicateur de Bor¬
Madame Sarthoulet-
ils ont été aimablement recueillis par
Massat.
Société des
Études
Océaniennes
829
—
/) Voyages du « Héros
Océan (1826-1829).
Nous
»
—
et de la
«
Comète
»
dans le Grand
relaterons
pas, en détail, le voyage du « Héros »
Pacifique.
Duhaut-Cilly a fort bien décrit l'histoire de cette navigation,
dans un ouvrage en deux parties, enrichi de charmantes et
naïves lithographies. Nous y renverrons le lecteur. Ce livre
est, malheureusement rare. Puis l'auteur y fait preuve, envers
Rives, qu'il nomme d'ailleurs pudiquement Monsieur R... d'une
ne
dans l'Océan
mansuétude excessive.
On peut trouver à la Bibliothèque Municipale du Havre,
parmi les manuscrits d'Eyries (1), une relation inédite d'un
des officiers du « Héros » : il s'agit du manuscrit « Le Netrel ». Nous en citerons de nombreux passages. Ils mettent
plus, crûment en lumière les agissements coupables, et délic¬
de
tueux
J.B.
Rives.
Le lecteur soucieux de
se
mettre dans l'ambiance
ne
saurait
mieux faire que de
« Two
years before
lire, encore, le passionnant livre de Dana
the mast ». Cet auteur décrit avec vigueur,
réalisme et une sincérité évidentes la vie de ces navigateurs,
qui oscillaient entre les mouillages forains de Californie, les
profonds « sounds » de la Côte N.O. d'Amérique, et les Iles,
à la recherche des peaux de bœuf, des fourrures précieuses,
du bois de santal et des
Enfin
nacres.
documentation
pourra être complétée par le
feuilletage du livre si clair de Forbes «California» London
1840 illustré, lui aussi, de gracieuses lithographies et enrichi
de plans en couleurs dûs au célèbre capitaine Hall, donnant,
très en détail, les différents mouillages de la Côte califor¬
nienne hantée, alors, par Duhaut-Cilly, et Rives, Piassiart,
Sumner, Robin, et autres navigateurs de l'époque.
Ceci dit, revenons au voyage du « Héros » (2).
«
cette
Le 9 avril
1826, les armateurs les frères Laffitte
pagnés de Talma
(lequel venait de jouer Sylla,
montèrent à bord du
teurs
et
leur
«
Héros »,
exprimer leurs
faire leurs adieux â
vœux
accom¬
au
Havre)
nos
naviga¬
de succès.
(1) Eyries, ancien lieutenant de vaisseau, chevalier de St Louis,
capitaine de port.
devenu
(2) Nous avons adopté
de Duhaut Cilly
voyage
fornie
:
abréviations pour nos références :
D.G. Relation de Le Netrel : L.N. Cali¬
comme
:
C.
Société des
Études
Océaniennes
—
830
—
Duhaut-Cilly,
évolutions
la
Seine,
pour leur plaisir exécute sur rade quelques
voile, et donne, dans son livre, de la baie de
description enchanteresse « cieî bleu, brise légère,
sous
une
falaises blanches de
fleur
et
Sainte-Adresse, côte de Grâce
avec
Hon-
clochers, nombreuses voiles sur la baie », etc...
En fait, ils n'appareillent
que le 10 Avril pour leur grand
voyage. Le Netrel nous rapporte : « au soir nous perdîmes
la côte de vue..., nous
aperçûmes quelques jours après Paîma
des Canaries, et l'île Goméra ;
nous vîmes un poisson nommé
tazar » (1) de 5 pieds 2
pouces de long, très commun sur la
côte des Antilles, mais on n'en rencontre rarement d'aussi
gros.
Le 10 mai, ils relèvent les îles du
Cap Vert, arraisonnent
un sloop
brésilien, allant de Pernanbouc à la côte d'Afrique»
(2).
ses
«
Ils franchissent le
Cap Horn sans trop de difficultés, relâ¬
Yalparaiso, puis remontent le long de la côte d'Améri¬
du Sud (poussés par le courant de Humboit), au large
chent à
que
des
«
Intermédios
Ils font
de
».
cependant
belles
dames
brave Le
Netrel,
Puis il font
escale à Payta (Pérou) «on y voit
élégantes » (elles troublent un peu ce
mer depuis de nombreuses semaines)...
une
très
en
route sur
«
Mazatlan
»,
port naturel de la Basse
Californie, province de Sonora (3), où ils restent quelques
jours. De là ils appareillent pour San-Franciseo.
(1) Servi
du riz
et
au
des
court-bouillon
bananes, c'est
créole,
un
mets
c'est-à-dire
aux
piments,
avec
délicieux.
(2) A la recherche du « bois d'ébène ». On en trouvait encore très
au
Gabon, jusque vers 1880 environ. On voit encore à
Nenguè-Sika, dans le Fernand-Vaz, les restes des installations prévues
facilement
à
cet
effet et même les caronades
l'arrivée d'un
destinées à avertir les navires de
convoi.
(3) Voie d'accès de la Basse-Californie utilisée par Raousset Boulbon
sa fameuse
expédition de la Sonora. Mazatlan : port du golfe de
dans
Californie
ou
Mer Vermeille. Le climat y est très
pénible et rappelle
L'aspect du pays est triste, horrible même. Rien de
plus nu ni de plus désolé ; presque partout dans cette région on
remarque une absence totale de végétation ; par ci par là des mangliers et quelques épineux ; les orangers et les palmiers sont rares au
bord de la mer. Le rivage est formé de sables et de terrains calcaires
celui de l'Arabie.
Société des
Études
Océaniennes
—
En
Septembre,
A la suite
un
831
—
incident étrange s'était produit à bord.
d'un
appel le domestique de Rives avait été sitombé à la mer pendant le déjeuner. Il ne savait
pas nager. On s'aperçut trop tard de sa disparition. Un coup
de canon fut tiré, le pavillon mis en berne...
gnaié
comme
Ce
dans
domestique fut retrouvé, dans la soirée, à demi étranglé
réduit obscur (1).
un
Le 4 février
1827, M. Luzières fut expédié à terre avec
MMrs Rives et Richardson à la mission
de San
Sud-Est de la baie de San-Francisco)
éloignée du mouillage d'environ 4 lieues. Il fut de retour le
7. Nous reçûmes la visite de plusieurs personnes du ???
«
la
chaloupe
pour porter
José (dans le
M. Rives revint, accompagné de M. Antoine Junot ; Espa¬
gnol, parti de Bordeaux à la Californie, passé avec «le Borde¬
lais ». Capitaine de Roquefeuil. (2)
Le Netrel
Au
revisite, le 2 Août 1827, la Mission de San José...
débarcadère
deux chevaux nous attendaient, avec un
conduire à la Mission. J'arrivai à onze
heures. Le Père Narcisse me déplut, au premier abord, mais
j'eûs le plaisir de trouver, chez lui, M. Rives et le Padre José.
On nous donna à souper une vingtaine d'œufs brouillés ; mais
ils étaient si mauvais que je préférai des fruits. Les Pères
«
Indien,
furent
pour
se
armoire,
Nous
nous
coucher. Le Padre Narcisse avait oublié la clef d'une
ou
M. Rives prit
retirâmes
nous
un
pain et
une
dans notre chambre
bouteille de vin.
ayant de quoi sou-
per.
M. Rives
car
me dit
que, dans cette mission, il fallait agir
le Padre aimait beaucoup à faire jeûner ses hôtes.
impropres à la culture. La côte offre,
pics déchirés.
sans
interruption,
une
ainsi,
Le 6
suite de
Les marées
suivant
sont
de
apparaissent dans tout le golfe mais leur hauteur varie
des vents et la configu-adon des côtes. Elles
sept pieds et demi ?i Mazatlan.
la
direction
Parmi les vents
on
distingue celui de l'alizé inversé, qui est ici Sud
l'alizé est Nord Est sur l'Atlantique, et dans toutes
les mers situées au Nord de
l'Equateur (Albert de Montemont —
Bulletin de la Société de Géographie, 3è série Tome VI).
(1) D.C. Page 122.
Ouest, tandis
que
(2) Voyage du Bordelais,
page...
Société des
Études
Océaniennes
—
j'expédiai la Chaloupe, Je fis
832
—
avec
M. Rives visiter la demeure
des Indiens.
Rien
au monde ne
peut se comparer à ces misérables huttes
la malpropreté et la puanteur.
Le 26 Août 1827, le «Héros» relâche
(l) à Monterey.
Nous y faisons la rencontre de « La Comète »
Capitaine
Plassiart, retour de Wahou, ou elle avait porté des mission¬
naires français...
pour
«
Il
n'était mouillé à
Monterey que depuis deux jours, afin
d'y prendre quelques vivres frais et d'y revoir son gréément».
Heureux de rencontrer des compatriotes, à mille lieues
de leur pays, ils boivent un bol de punch à
la France et à sa
prospérité.
De son côté Duhaut-Cilly rapporte cette rencontre comme
suit (2).
En nous présentant sur cette dernière rade, nous ne fûmes
pas peu surpris de voir flotter le pavillon français sur un
navire qui s'y trouvait à l'ancre...
Ce bâtiment était la « Comète » de Bordeaux, venant en
«
dernier
sur
lieu
cette
des
Sandwich.
Je
n'entrerai
dans
aucun
détail
expédition.
Je dirai seulement que M. R..., en avait été
l'instigateur et
qu'elle avait été montée par un chef de bureau du Ministère
de l'Intérieur, qui avait tous nos secrets, et
qui en avait abusé
de cette manière et si elle eut
réussi, elle aurait renversé, de
comble, celle du «Héros».
Cette opération rendrait évidente
l'inconséquence et la mau¬
vaise foi de M. R... Mais quoique une concurrence nuisible
fut désormais impossible de ce côté, je me vis, néanmoins, dans
la nécessité d'interdire tous rapports d'intérêts entre le
capi¬
taine de « La Comète » et M. R.=. qui n'eût que la lionte pour
prix de sa duplicité.
fond
en
Ainsi il
ne
sera
plus question de ce bâtiment, que nous
quelques jours sur rade, dans le plus grand embarras,
le capitaine ne sachant que devenir avec une partie de la car¬
gaison qui lui restait ».
Voici par ailleurs quel avait été le périple de la «Comète»
laissâmes
avant
sa
rencontre
avec
le «Héros».
(1) L.N. Page 33.
(2) D.C. Pages 118, 119.
Société des
Études Océaniennes
833
—
—
La «Comète»
avait quitté Bordeaux le 13 Novembre 1826,
pris effectivement la mer le 21 Novembre.
Sans escale, elle arriva à Valparaiso le 8 Février 1827.
Le 25 elle repartit pour Quilca ( au nord de Mollendo ) où
elie arriva le 8 Mars, et y séjourna jusqu'au 25. Le 30 Mars
elle atteignit le Callao — port de Lima —)... où elle reste
quatre semaines. Ensuite elle fait voile pour Mazatlan où elle
arrive le 27 Mai. De graves nouvelles l'y attendaient. Six
mois auparavant, lors de son passage (c'est-à-dire en Décembre
1826) le « Héros » avait rencontré le brick du Roi des Sand¬
wich, le « Waverley ». Le Capitaine de celui-ci Sumner, un
Anglais qui connaissait fort bien Rives, avait conseillé à ce
dernier : « S'il tenait à sa tête de ne pas retourner à Honotulu,
et
ses
ennemis l'accusant de la mort du Roi».
Ces
informations
inquiétèrent le capitaine Piassiard, car
identiquement, ies mêmes promesses à la
Maison Changeur qu'aux frères Javal (privilège extraordinaire
octroyé par le Roi pour l'embarquement du bois de santal aux
Sandwich).
La Comète » avait atteint Honolulu le 6 juillet 1827. Le
Capitaine ne peut se défaire que d'une faible partie de la
cargaison. La « Comète » était ensuite repartie pour Monterey,
chef-lieu de la province — alors mexicaine — de Californie.
Rives
avait
fait,
«
Terminons-en tout de suite
Après
le
avec
la «Comète».
elle redescendit vers
s'y défaire des
marchandises qu'elle transportait. Elie était encore au Callao
lorsque le Capitaine de Frégate Le Goarant (de Tromeiin)
(1), commandant «la Bayonnaise » quitta ce port, le 7 Fé¬
vrier 1828, à destination d'Honolulu.
A Valparaiso le capitaine Piassiard finit de vendre la car¬
gaison... la coque de la « Comète » était « en mauvais état »
les officiers et l'équipage regagnèrent la France sur un autre
le Sud
sa
rencontre
avec
«
Héros
»
s'arrêtant dans différents ports pour
bâtiment...
Catineau-Laroche était
dition
Au
mort
avant
ie
retour
de cette
expé¬
(2).
début
d'octobre
1827, Duhaut-Cilly. essuie
un
«
South-
(1) Devenu contre-amiral, il commandait la Division du Pacifique,
vers
il
1850.
(2) Le professeur J.P. Faivre parle d'une saisie des biens de Rives
s'agit de ceux embarqués sur le « Waverley ».
Société des
Études
Océaniennes
;
—
834
—
Eastern» au mouillage de San Pédro. Il prend les
dispositions
habituelles et réussit à éviter la
perte de son navire... De là
il se rend à San Diégo
où il retrouve le
«Waverley». Ils
provision de bois et d'eau...
J'avais à rédiger, par écrit, les conventions avec M. R...
relativement au voyage qu'il allait entreprendre à la côte N.O.
d'Amérique.
Il fut convenu, avec ce dernier,
que pendant mon absence
qui serait de cinq à six mois, il retournerait à Monterey, avec
le «Waverley»,
qu'il chargerait à bord de cette goélette les
marchandises qu'il jugerait convenable, qu'il se rendrait d'a¬
bord à l'établissement américain cle Colinnbia River, et
que s'il
ne réussissait
pas à échanger toute sa cargaison, il irait, de là,
à la colonie russe de Sitka, dans le Norfolk
Sound, où nous
espérions qu'il traiterait avantageusement du reste, en échange
de peaux de loutres de mer et de
loups marins. Il devait,
ensuite, revenir à Monterey, où nous nous réunirions, à mon
font
«
retour du Pérou.
Tout étant ainsi
arrangé, je mis à la voile le 22 Octobre
Lima. Je laissai le «Waverley» prêt à partir, le
lendemain, pour Monterey.
Ils étaient mouilllés au Callao, en Décembre 1827... c'est là,
où ils rencontrèrent la «Bayonnaise» comme nous l'avons
déjà dit...
Du Pérou, ils remontèrent à Monterey, au début de 1828,
traversée de soixante trois jours sans histoires : « A
Monterey,
j'espérais trouver M. R... de retour de la côte N.O. Cet espoir
fut non seulement trompé, mais j'appris, au contraire,
qu'au
lieu d'entreprendre ce voyage comme il s'y était
engagé, il
avait changé sa destination, et s'était rendu au Mexique, avec
le «Waverley» et sa
cargaison». (1)
Monsieur Duhaut-Ciily fut extrêmement contrarié en ap¬
prenant tous les changements faits pendant son absence aux
diverses directions de l'opération qu'il avait tracée à MMrs
Giraud et Bourdas, et que M. Rives avait changées.
Il fut tellement affecté que nous crûmes,
pendant quelques
jours qu'il allait tomber dangereusement malade,' ce qui, dans
ces tristes circonstances eut été
pour nous un très grand mal¬
1827 pour
«
heur...
Monsieur Rives n'avait remis ni compte,
(1) D.C.
ni argent des
page
Société des
Études
Océaniennes
mar-
-
835
—
chandises
il avait
qu'il avait vendues ou dissipées, à ia suite de quoi
disparu avec le « Waverley » (1)...
Monsieur
Duhaut-Ciily ne pouvait sous aucun rapport être
responsable des erreurs de Monsieur Rives, qui avait
été choisi par les armateurs du navire
pour s'occuper de la
vente, et du placement de la marchandise.
La première intention du capitaine fut de partir
de suite
à la recherche du «
Waverley », mais vu les mauvais temps
presque continuels sur les côtes de la Californie et surtout à
cause des maladies
qui régnaient dans tous les mauvais ports
de la province de Sonora, il préféra attendre le retour de ce
navire jusqu'au dernier moment eu ne se réservant
que le
temps nécessaire pour passer aux îles Sandwich, et arriver en
Chine à l'époque projetée. » (1)
rendu
Le Commandant
de la
Bodega
envisage de se rendre à la colonie russe
d'écouler une partie de sa marchan¬
pour essayer
dise...
Ils
s'y rendent, en effet, en Juin 1828, puis redescendent
Monterey où ils rencontrent, finalement, le « Waverley ».
Ils espéraient trouver Rives a son bord... « Mais à notre
grande
surprise il n'y était pas. D'après le rapport qu'en fit le capi¬
taine Thomas Robin, il s'était rendu à Mazafian, où on avait
saisi à M. Rives une partie de ses marchandises,
(il aurait dû
s'y attendre). Il serait revenu, de là, à la Paz, en BasseCalifornie, où il était resté, à ce qu'il disait, pour y vendre le
restant des objets qu'il avait, encore, à sa
disposition.
Quelques personnes qui se trouvaient à bord du « Waver¬
ley » nous certifièrent que c'était plutôt pour se livrer, sans
contrainte, à toutes les débauches les plus dégoûtantes, et les
plus crapuleuses que l'on puisse imaginer.
C'était là l'homme dans lequel les armateurs du « Héros »
avaient mis toute leur confiance » (2).
Il fallut bien se rendre à l'évidence, Rives avait définiti¬
vement disparu, avec tout
l'argent qu'il avait pu garder par
sur
devers lui...
Le
«
Héros »,
d'y écouler le
alla donc aux îles
reste de sa cargaison...
Sandwich
pour
essayer
(1) L.N. Page...
(2) Affirmation en partie démentie par la position subalterne attri¬
simple auxiliaire du capitaine Duhaut-Cilly.
buée à Rives
Société des
Études
Océaniennes
—
Je
836
—
voulus
pas quitter Anaroura (Hopolulu) sans être
prétendus pouvoirs que s'était arrogé M. R... ;
pour ma responsabilité je priai les consuls Anglais et Améri¬
cain d'être présents à l'explication que je voulais avoir avec
le Régent Boki, auquel je demandai une conférence â ce su¬
jet. Un Espagnol nommé Marini, établi dans ce pays depuis
nombre d'années s'y trouva aussi comme interprète du Gou¬
vernement. H est inutile de rapporter tout ce
que j'appris
dans cette assemblée : il suffira de savoir
que M. R..., en
agissant au nom de ce gouvernement avait joué le rôle d'un
chevalier d'industrie et d'un intrigant.
Je me fis délivrer les preuves écrites de sa mauvaise foi
signées par le Régent, les Consuls d'Angleterre, des Etats-Unis
et
l'interprète.
Le 15 Novembre 1828, au matin, le navire fut mis en ap¬
pareillage. Le Roi voulut nous accompagner jusqu'en grande
rade. Lorsque nous larguâmes les voiles, tous les navires du
port ainsi que ceux du Gouvernement nous saluèrent de tous
leurs canons, et nous leur répondîmes de sept coups de caronades. Parvenus hors des passes Kaou-Kéanoui nous fit ses
adieux et nous primes aussitôt le large (1).
De là il fit route vers la Chine, et atteignit le Havre le
«
fixé
ne
sur
les
19 Juillet
1829.
*
J) Rives négociant à Mexico
*
—
*
(1828-1833)
—
Quant à
Rives, avec des fonds sinon honnêtement, du
gagnés, il était allé s'établir à Mexico, com¬
négociant, au cours, sans doute de l'année 1828...
moins habilement
me
Nous
espérions retrouver
commerciale du Consul de
Archives du Ministère des
sa trace dans la correspondance
Mexico, dont le double existe aux
Affaires Etrangères.
Il était
en effet, très vraisemblable de
penser que diverses
plaintes avaient pu être déposées contre lui, au sujet de ses
agissements, pour le moins frauduleux.
Je dois
j'ai été fortement déçu de ne rencontrer
Capitaine Diihaut-Cilly sur cet objet. Dans
correspondance soigneusement dépouillée, entre 1828 et 1835,
ne trouve aucun texte ou apparaisse même
le nom de J.B.
aucune
la
on
avouer
lettre
que
du
(1) D.C. Tome II,
pages
324 et 325.
Société des
Études
Océaniennes
—
Rives.
Peut-être
837
—
présence est-elle dissimulée, dans une
phrase assez sibylline de notre Consul général, Monsieur Cochelet, où il écrit « Je suis souvent affecté par l'immoralité
d'un certain nombre de nos nationaux, qui oublient, trop faci¬
lement, leurs devoirs, au delà des mers »...
Peut-être n'est-ce là que médisance gratuite : Rives vers
la fin de sa vie ardente avait pu s'assagir... Sa conduite anté¬
rieure, et sa mort prématurée (il avait juste quarante ans, au
moment
de son décès) permettent, malheureusement, d'en
sa
douter...
Nos recherches n'ont
cependant pas été tout à fait vaines,
avoir découvert au cours de celles-ci une
véritable petite perle sigillographique : elle fait bien ressortir
la valeur d'un fameux précepte, cher à Talleyrand « Surtout
pas de zèle ».
A la suite de la Révolution de 1830, et de l'accession au
trône de France du Duc d'Orléans, en qualité de Roi des
Français, notre agent de Mexico, chaleureusement dévoué à la
Maison d'Orléans, dans l'enthousiasme de son patriotisme exa¬
cerbé, avait cru bon d'abandonner les anciens sceaux et de
faire confectionner pour sa Chancellerie, de nouveaux cachets,
aux armes « supposées » des Orléans.
Le Département lui rappelle, alors, sans ménagements aucun,
que ces armes n'ont jamais comporté « de coq jouant d'une
patte de la trompette, et poignant dans l'autre un faisceau de
lances»... et qu'il doit sur le champ (le champ du coq) aban¬
donner l'usage de ces sceaux ridicules (2)...
Nous désespérions presque de jamais trouver trace de J.B.
Ri ves, à Mexico, lorsqu'une courte note, découverte au hasard
de nos laborieuses lectures, dans le livre si copieusement do¬
cumenté de J.P. Faivre, sur « l'expansion française en Océanie de 1800 à 1842 » nous a, au travers d'une erreur vénielle
de l'auteur, lancés sur une piste nouvelle.
Celle-ci est une plainte, déposée en 1835, non pas par J.B.
Rives, car le malheureux était décédé en Août 1833, (je possè¬
de copie de son acte authentique de décès) mais par les héri¬
tiers Rives. Eux aussi portaient le prénom de Jean-Baptiste,
puisque
nous croyons
(!) La sigillographie est,
insignologie ".
comme
on
le
sait,
cousine-germaine de
1' "
(2) Correspondance commerciale du Consul, à Mexico, Année 1831
(pages 327 et 240).
Société des
Études
Océaniennes
—
d'où
838
—
la confusion.
Cette plainte était dirigée contre le Gou¬
mexicain, qui, d'après eux, aurait indûment saisi
cargaison de notre héros infortuné, à Mazatlan, en 1828.
vernement
la
*
K)
*
*
Version des incidents arrivés à la Côte de Californie,
d'après J.B. Rives et ses héritiers. Nouveaux détails sur
la mort de J.B. Rives.
Si l'on en
circonstances
croyait Rives celui-ci aurait été victime des
ce ne serait
pas de son plein gré qu'il serait
parti au Mexique.
T1 aurait appareillé une première fois de
Monterey (HauteCalifornie) le 15 Décembre 1827, sur le navire le « Waverley » qu'il avait chargé de marchandises destinées aux Eta¬
blissements Russes voisins... mais avait dû revenir peu de
jours
après dans ce port par suite de graves avaries que lui avait
fait éprouver la tempête... Il en serait
reparti une seconde
fois dans les commencements de 1828, pour se rendre à Maza¬
tlan, où il comptait trouver les ressources qui lui manquaient
entièrement à Monterey pour faire réparer son navire.
et
Il aurait d'ailleurs fait escale
(Haute-Californie)
sur
sa
route à
Santa Barbara
il aurait eu l'occasion d'y rendre deux
importants services à la Nation Mexicaine par suite de l'arri¬
vée dans les eaux territoriales d'un corsaire
espagnol nommé
El Griégo » :
1°) Ayant à son bord 97 barils de poudre et 300 fusils ils
les aurait fait mettre à terre, le 13 Avril 1828, et à la dis¬
position du Commandant d'armes de Santa Barbara, pourqu'il
pût s'en servir, et repousser l'ennemi en cas d'agression ;
2°) Il aurait reçu à son bord, et mis, ainsi, en toute sécu¬
rité, la cargaison du navire mexicain « Santa Polonia », qui
craignait d'être capturé par le corsaire espagnol.
Enfin il serait arrivé à Mazatlan le 7 Mai, comptant sur
un excellent accueil,
d'abord à cause du motif malheureux et
par cela même respectable de sa venue, et en raison, ensuite
des deux services qu'il avait rendus à la
République. (1)
:
«
(1) Ces renseignements sont extraits d'une lettre en date du 7 Nov.
1836, adressée par le Ministre de France à Mexico à Mr Monastério,
Secrétaire général chargé du portefeuille des Relations Extérieures
(de
la République du Mexique) archives des Affaires
Etrangères, aimable-
Société des
Études
Océaniennes
—
839
—
Son attente aurait été cruellement déçue. Quoiqu'il eût dé¬
claré, qu'il n'était venu à Mazatlan que pour réparer son na¬
vire et que « sauf un f ret de quelques articles consignés au
Vice-Consul des Etats-Unis du Nord, qu'il demanda et obtint
la permission de débarquer » son chargement tout entier, était
destiné à la Côte Nord-Ouest de l'Amérique, hors des limites
du Mexique ; bien que la preuve de ces diverses déclarations
se fut trouvée dans son manifeste ; bien
que enfin sur la lec¬
ture de cette pièce, l'autorité, tout en faisant débarquer le
matériel entier eut assuré qu'on le remettrait à bord, sans
qu'il s'ensuivit aucun préjudice, Monsieur Rives, cependant,
aurait vu, au bout d'un mois, et malgré toutes ses réclamations,
confisquer et vendre une portion de ses marchandises comme
«
prohibées » et aurait été contraint de payer les droits d'im¬
portation pour l'autre portion, ce qu'il n'aurait pu faire, d'ail¬
leurs, sans sacrifier ses marchandises, dans une vente préci¬
pitée.
Ces actes
de
l'autorité de. Mazatlan étaient d'un arbitraire
scandaleux et
présentaient une
lité en vigueur chez toutes les
par le droit des gens. En outre,
formelle au Code des Douanes
violation des lois de l'hospita¬
Nations civilisées et consacrées
ils constituaient une infraction
du Mexique (Article 6).
Cet article
spécifie : « tout navire entrant dans un port de
République, sans intention d'y effectuer des opérations com¬
merciales, et seulement pour réparer et éviter des avaries, ou
pour se ravitailler, sera admis pendant le temps strictement
nécessaire pour qu'il puisse pourvoir à ses besoins, sans qu'il
puisse être exempté — si c'est un navire marchand — de la
présentation du manifeste et des visites de la Douane.
la
Il sera,
du reste, traité
comme
le serait, les bâtiments de
la
République, dans ses ports respectifs eu acquittant les droits
établis (on ne saurait entendre que ces droits à payer fussent
ceux sur le chargement, mais seulement de navigation) »...
Tels seraient
les
faits
de
cette
affaire
consignés dans
un
rapport de Rives rédigé le 12 Février 1831...
communiquées par Melle Démanché, archiviste de ce Ministère.
se
targuait du titre tout à fait usurpé, de « Capitaine Mar¬
chand » (c'est son père qui l'avait été) de plus, il prétendait avoir
loué personnellement le « Waverley » tandis qu'il y avait été embar¬
qué en tant qu'auxiliaire subalterne, d'ordre du capitaine DuhautCilly, commandant du « Héros ».
ment
Rives
Société des
Études
Océaniennes
840
—
Rives
présentait
outre
en
demande d'indemnité basée
Valeur
de
840
Gouvernement Suprême,
au
sur
couvertures
les considérations suivantes
à
chaque illégalement confisquées
Droits de douane
le reste du
—
6
illégalement préiévés
Perte
sur
5.040 Piastres
sur
2.467 Piastres
Frais de location du navire « le
de nourriture de l'équipage etc...
que ce navire
détenu à raison de 55
les
Waverley
»
pendant 40
avait été illégalement
piastres par jour
.
.
ou
était forcément
iuactif
(1828-1831)
.
.
.
.
.
.
Total
Le
2.260 Piastres
marchandises vendues
préci¬
sacrifiées à perte. Ces mar¬
chandises valant 13.031 Piastres ; n'avaient
pu
être vendues que 5.909, différence
Perte de temps de M. Rives depuis le 7 Mai
1828, c'est-à-dire depuis trois années qu'il:
pitamment,
:
piastres
....
chargement
jours
une
Capitaine
7.121 Piastres
1.332 Piastres
18.210 Piastres
Rives présentait en outre,
1833, les deux nou¬
velles demandes qui suivent :
Frais de son voyage de Mazatlan à Mexi¬
co, pour expliquer ses droits au Gouverne¬
ment Suprême et sur l'invitation toute bien¬
et
«
sous
»
la date du 20 Mai
veillante de
Dépenses
celui-ci
1.832 Piastres
subsistance depuis le 7
Mai 1828 c'est-à-dire depuis cinq années
qu'il
se trouvait
dépouillé de tout ce qu'il possé¬
dait
pour
sa
3.112 Piastres
»
Total
On
de la
général
.
.
.
22.654 Piastres
voit
que si le « Capitaine » Rives avait pratiqué l'art
médecine, il savait, aussi, dresser des comptes d'apothi¬
caire.
Le
cette
«
Gouvernement
Mexicain
ne
nia pas le bien-fondé de
n'y donna aucune suite immédiate...
forces et le courage et le crédit du Capitaine » Rives
complètement épuisés par plus de cinq années d'at-
réclamation mais il
Les
s'étaient
Société des
Études
Océaniennes
—
tente.
Surpris
841
—
milieu de toutes les privations de la misère,
choléra, il devait mourir, et il mourut, le
laissant que des dettes, au lieu de la petite
fortune (1) qu'il avait apportée. Le Consulat de France dut
payer les frais de son enterrement.
Ce n'est donc plus dans l'intérêt du Sieur Rives, mais dans
celui de sa famille, restée en France, que le Ministre de
France vient encore, et d'après de nouveaux ordres du Gouver¬
nement de S.M., réclamer de celui du Mexique une justice
tant de fois, et depuis si longtemps promise...
au
par l'épidémie de
18 Août 1833, ne
Signé
:
Baron Deffandis.
Nous laissons bien entendu à J.B. Rives la responsabilité
entière de sa version, transmise, pieusement, à ses héritiers.
Mais d'après tout ce que nous savons, déjà, sur son auteur,
elle ressemble fort à
L) Conclusions
une
fable.
:
Après ce trop long exposé mes conclusions seront brèves :
L'action de J.B. Rives dans le Pacifique, aboutit, selon nous,
aux
trois
genres
de résultats suivants
:
1°) Résultats subjectifs ou neutres : ce sont ceux qui me
concernent personnellement :
connaissance plus complète de
toute la littérature ou plutôt de l'histoire du Pacifique à cette
période, y compris celle provenant de la lecture très attentive
et pleine d'enseignements de W. Campbell, Dana, J.P. Faivre,
et » tutti quanti».
(1) On peut voir au travers des relations du Capitaine DuhautCilly et du Lieutenant Le Netrel de quelle manière adroite cette petite
fortune avait été acquise... en tout, ou en partie.
(2)
Dans l'intérêt de sa famille restée en France » notre Ministre
ignorait certainement le « mariage » de Rives à Honolulu et
l'existence d'une postérité, là-bas : Rives n'en n'avait pas parlé, elle
n'avait pas pu être reconnue...
«
à Mexico
La
famille
de
Rives
en
France
était
vraisemblablement
constituée
premier chef par son père, J.B. Rives, ancien officier de marine,
ancien capitaine de port à Libourne, puis à Bordeaux, retraité depuis
1931, il ne devait décéder qu'en janvier 1847 ; et au deuxième chef,
par son frère J.B. Théodore Rives, dont nous n'avons pas retrouvé la
au
trace.
Société des Etudes-Océaniennes
—
842
—
2°) Résultats négatifs : Rives au cours de sa carrière de
guérisseur n'a mis en particulier renom ni la Faculté de Bor¬
deaux, ni la réputation des Français, il a même compromis
celle-ci par ses « débauches éhontées et ses beuveries immon¬
des
».
Le Père Yzendoorn
purs et
se révèle
ment
et
parait-il, présente Rives sous les traits
idylliques d'une «jeune rosière» (1). Cette thèse
insoutenable, elle est démentie par tout le comporte¬
la vie de notre Gascon
bauche la
Il
traite
faut
« se
livrant à terre à la dé¬
plus sale, et la plus crapuleuse» (Le Netrel dixit).
également noter que le Révérend Père Piolet (2)
«M. Rives»
présente, à tort,
avec
une
certaine
considération
et
le
re¬
de favori permanent du Roi
Rio-Rio. Sa faveur
si elle a jamais existé — a été très
courte. Nous croyons l'avoir démontré.
comme une sorte
—
3°) Résultats objectifs et positifs
:
a) Du point de vue commercial Rives, nouvel apprenti
sorcier », a été à partir de 1825, une sorte d'animateur du
marché maritime dans le Grand Océan. Il a
poussé deux im¬
portantes maisons de commerce à armer pour ces mers loin¬
taines, dans le dessein de s'y livrer comme le résume, lapidairement J.P. Faivre «au fameux commerce
triangulaire», alors
à l'ordre du jour dans le
Pacifique. Si les résultats n'ont pas
répondu, aux dires de Rives, on doit bien reconnaître que ce
fait ne provient pas
uniquement, de ses exagérations : le temps
des spéculations mirifiques, celles qu'avaient
connues les suc¬
cesseurs directs
de John Henry Gox (3)
(quincaillerie, four¬
rures, santal, thé, « sing^song » ) était révolu.
«
b) Dans un tout autre domaine, celui de la littérature histo¬
rique Rives à l'instar du célèbre Barbier de Séville de Caron
de Beaumarchais (autre flibustier fameux)
mais, ici, « chirur¬
gien barbier » de la Reine des Sandwich, a excité, abondam¬
ment, la verve d'Arago dans ses récits de voyages. Il a aussi
retenu par instant les plumes tendrement
conjointes du Com(1) Auteur
d'une
Histoire
estimée
des
Missions
Catholiques
au
XIXème Siècle.
(2) Communication en date du 15 mars 1957 du Bishop Muséum
(Mrs Willondean C. Handy, Librarian).
(3) Voir mes articles
Etudes Océaniennes (n03
parus dans les Bulletins de la Société des
94, 100, 110).
Société des
Études
Océaniennes
—
mandant de
1'
843
—
Uranie » et de sa charmante épouse la ba¬
Freycinet. Il a provoqué la rédaction de l'in¬
téressant ouvrage du Capitaine Duhaut-Cilly (1) — Incidem¬
ment, il l*a même fait décorer, en un temps où la Légion
d'Honneur n'était pas encore galvaudée — il a également mo¬
tivé les «Mémoires»
demeurées inédits
du sympathique
Lieutenant Le Netrel, du Havre.
c) Malgré toutes les controverses que son action ait pu
susciter (Jore, George Veron Blue, etc...) il apparait incontes¬
table
qu'on le veuille ou non — qu'il existe un rapport, ou
du moins une coïncidence étrange, entre celle-ci, et l'arrivée
des mission a catholiques aux Iles Sandwich. Tout biberonneur,
bigame, franc-paillard parfait athée qu'il fût, ce sacripant de
Rives, après avoir su attirer la bienveillante et active sympa¬
thie de Monsieur de Quelen, Aumônier de « l'Uranie »... et
par la suite, en s'appuyant sur l'autorité du Baron de Damas,
a effectivement déclenché sur ce coin de la
planète l'action des
missions catholiques. Celle-ci a entraîné nos interventions
répétées (Le Tromelin, Vaillant, La Place, Dupetit Thouars)
dans cet archipel océanien pour y soutenir, et y protéger nos
nationaux, étaver le travail constructif de nos Consuls : Dudoit,
Perrin, le Baron Charles de Thierry (oui, le Baron Charles de
Thierry, lui-même, chargé par intérim, de la gérance du Con¬
sulat de 1851 à 1853...) C'est bien le cas de le dire «les voies
du Seigneur sont parfois impénétrables ».
Rose
ronne
«
de
—
—
—
d)
Enfin l'alliance
cesses
ceux
de
de
contractée par Rives, avec deux prin¬
îles, dont les ancêtres demeuraient communs avec
la famille royale des îles Sandwich (2), la nombreuse
ces
(1) Duhaut-Cilly appartenait à une vieille famille picarde, anoblie
de XVIIème siècle. Il possède des « affinités
généalogiques »
avec les
Thierry de Lorraine.
à la fin
1°) Les
de cette famille picarde (XVIIème siècle) s'énoncent
gueules et d'or, le premier chargé
de trois annelets d'or et le second de trois tourteaux de
gueules, posés
en fasce
(aimablement communiquées par Mr le Rèèc, de Paramé)
2°) Le frère de Duhaut-Cilly, Officier de la Marine Royale, com¬
comme
mandait
armes
suit
en
:
«
Tranché endenté de
1836
«
l'Ariane
»,
en
station dans les Mers du Sud.
(2) Agnès C. Conrad, du Bishop Muséum, a bien voulu nous com¬
muniquer le faire-part du décès de la veuve de Rives, paru en Sep¬
tembre 1878 dans « l'Advertiser » et « the Friend »,
journaux locaux
des Iles Sandwich. Le voici : « Décès : En cette ville
(Honolulu) le
Société des
Études -Océaniennes
—
postérité qu'il
de
a
laissée
en
844
—
Hawaï, militent
encore,
en
faveur
mémoire.
sa
Dans la
longue cohorte des cadets de Gascogne, chevaliers
l'aventure, auteurs d'extraordinaires exploits, sidéraux, ter¬
restres ou maritimes, de Cyrano de
Bergerac à Saint-Exupéry,
en passant
par Aurélie 1er, Roi d'Araucanie, Cabris, Segonzac,
voire même par les «Pirates Bordelais»
(1), nous pouvons
honnêtement, espérer que J.B. Rives, aventurier hawaïen, vé¬
ritable Figaro d'IIonolulu, pourra, désonnais,
occuper un rang
de
assez
flatteur.
Commandant J. COTTEZ.
Capitaine de Frégate (H).
+F-
2e
Août
dernier, Mrs Holau-Kalani-Maha-Kaik'awai Rives, veuve de
Rives, de Bordeaux, France, qui partit d'ici, avec la
suite de S.M. Kaméaméah, pour l'Angleterre, en 1823. La décédée
était originaire des lies... Elle laisse une postérité nombreuse d'en¬
fants, petits-enfants, et arrières enfants, pour porter son deuil.
(1) Dont l'histoire tragique a été contée, accompagnée d'anecdotes
savoureuses, au temps de l'occupation de la Martinique par les An¬
glais, par le créole, Fauvei-Gourau dans un livre paru à Paris,
en
1840, sous ce titre, en attendant que la talentueuse Gil Reicher,
ne
la révèle, un jour, au public
des grandes conférences bordelaises.
Monsieur Jassin
Société des
Études
Océaniennes
845
—
—
ANNEXE
I
BIBLIOGRAPHIE SUCCINTE
Comte de
vette
Rose de
de
Freycinet
Uranie
«
Voyage autour du monde de la Cor¬
—
P. 1824.
».
Freycinet
—
Journal d'un
autour du mon¬
voyage
P. 1927.
—
Arago — Voyage d'un Aveugle (3 Vol. P. 1838).
Tyerman et Bennett — Voyage and Travels (1821-1829) 2
vol. P.
De
1831.
Varigny
R.P. Piolet
P.
—
Quatorze
—
Histoire des Missions
1902).
Roquefeuil
De
—
ans en
Voyage du
«
Océanie (P....)
Catholiques (Tome IV.
Bordelais
»
—
1816 à 1819
—
2 Vol. P. 1823.
Le Netrel
dit)
—
M.S.S. du Havre, Collection M.S.S.
Eyries (iné¬
.
De la Gorce
(Histoire de la Restauration
Vaulabelle
J.P. Faivre
cifique
Ch.
—
Histoire
1942.
1900
l'Expansion Française dans le Pa¬
vers
de
—
P.
—
parue
Histoire de
P. 1933.
Julien
monde
l'Océartie
Connaissance
—
du
(pour mémoire seulement rempli d'erreurs)
Two years before the mast — (S.D.) Chicago.
Dana
—
Kotzebue
Mac
(
—
—
Carthy
W. Martin
Neue Reise
—
—
Choix de
Essai de
um
die Welte
—
Weimar 1830.
voyages — Tome IX — P...
Bibliographie des Iles Sandwich
—
P. 1867.
Forbes
—
California
—
London 1840...
Campbell : A Voyage round the world — 1806-1809 —
Edimbourg 1846.
Rienzi (de) — Océanie — Tome II. P. 1830...
Correspondance commerciale des Consuls (Archives Affaires
Etrangères)
Iles Sandwich
Mexico
Correspondance politique
Etrangères.
—
—
ch.
—
1826
à
1837
1856
Océanie (1822 à 1843). Archives
Affaires
Société des
à
1837
Études -Océaniennes
—
J.
dans
Cottez
le
—
846
—
Histoire
Pacifique
au
cl'uue Expédition militaire suédoise
XVIIIème Siècle (Bulletin S.E.O. : 94-
100-110).
Indicateur de Bordeaux
Polynésian
—
—
Années 1825
et
1826.
(Honolulu Année 1851).
Revue Maritime
—
Numéros
divers...
Correspondance avec le Bishop Muséum d'Honolulu
(Agnès C. Conrad, Clare G. Murdoch, Willow dean C. Handy)
Erving Picker (ex-Consul de France à Honolulu...
Articles de Revues de Jore, et de Blue
(Extraits).
J. Cottez
Travaux personnels, non encore publiés etc...
—
Société des
Études
Océaniennes
—
847
HISTOIRE
—
LOCALE
QUELQUES NAUFRAGES OUBLIÉS
Il y a
moins d'une centaine d'années les naufrages étaient en¬
fréquents dans le Pacifique. Certains donnèrent lieu à
de véritables drames tel celui de la « Sarah Ann
», du « Saint
Paul» ou du «Dumbar», l'issue d'autres fut moins
tragique
et les rescapés
après avoir enduré souffrances et privations
arrivèrent indemnes au terme de leur
périple. Nous avons
groupé ici le récit de quelques-unes de ces aventures de mer
aujourd'hui tombées dans l'oubli.
core
assez
Le
3
novembre
1854 la goélette américaine «JUPITER»,
Francisco, quittait le port de Papeete à destina¬
tion des Iles Australes. Elle atteignit Raivavae sans
difficultés,
y escala quelques jours puis fit voile vers Rapa. Le jeudi 16
le temps se gata et tourna bientôt à la
tempête. Le 18 au ma¬
tin il fut nécessaire d'établir une voile de
cap, la mer dé¬
ferlait sans arrêt sur le navire qui se mit à faire eau à tel
point que le samedi à 8 h. 30 les dix hommes d'équipage
durent l'abandonner. Ils embarquèrent dans
l'unique baleinière
du bord et le « Jupiter » sombra en
quelques instants.
de San
venant
Les hommes
passèrent
une
nuit affreuse, le dimanche la
restait très forte mais le lendemain
une
accalmie
permit
mer
aux
naufragés d'établir une voile de fortune et de gouverner au
compas. Leur situation était précaire, ils n'avaient qu'un peu
d'eau et
demi-baril de biscuits. Ils aperçurent Raivavae le
et vents contraires accompagnés de grains
défendirent l'approche, ce n'est
le samedi
un
jeudi mais courants
leur
en
qui les recueillit
Le
que pé¬
le récif. Ils gagnèrent
« Ravaai » s'y trouvait
que
niblement ils purent atteindre et
passer
le mouillage, la goélette de Toubouai
et
les
ramena
à Tahiti
sans
autre incident.
trois-màts
« JULIA-ANN »
devait faire naufrage sur
Scilly le 2 octobre 1855, plusieurs personnes périrent
dans l'accident, les autres
parmi lesquelles 10 femmes et 14
enfants, séjournèrent plus de deux mois sur ces îlots sans
l'île de
ressources.
embarcation
Avec
et
les débris du navire ils construisirent
arrivèrent à Raiatea dans un état
complet
une
d'é¬
puisement et de dénuement.
Le
il
«
avait
DUROC
», aviso à vapeur bien
séjourné plusieurs mois quitta
Société des
Études
à Papeete où
port en mai 1857
connu
ce
Océaniennes
—
848
—
rendre en Nlle Calédonie puis rentrer en France. Il
commandé par le lieutenant de vaisseau de la Vaissière
dont la femme et la fillette âgce de 10 ^ms se trouvaient
pour se
était
également à bord. Parti de la
Nlle Calédonie le 7 août il
dans la nuit du 12 au 13 sur l'îlot Mellish à 400
milles dans le N.O., ce n'était qu'un banc de sable d'environ
200 mètres de long, les naufragés s'y réfugièrent, un matelot
s'échoua
l'épaule fracturée, par chance ce fut le seul blessé. Le
temps permit de récupérer des vivres, le four, la forge
et la cuisine distillatoire du navire ainsi que les voiles qui
servirent de tentes. Le capitaine utilisant le bois des bas-mâts
et du beaupré fit entreprendre la construction d'un canot de
11 mètres qu'il pensait voir terminé vers fin septembre et
qui lui permettrait d'atteindre la côte d'Australie et Sydney.
L'enseigne de vaisseau Magdeleine prit le commandement
d'un détachement de 35 personnes, réparti de la manière
suivante : 15 hommes avec lui dans le grand canot, 9 hommes
dans le canot-major avec renseigne de vaisseau Augey-Dufresse et 9 hommes dans la baleinière avec le maître d'équipage
Leroy. Le projet était de gagner la côte d'Australie et de re¬
monter jusqu'au détroit de Torrès où Mr de la Vaissière es¬
pérait qu'un navire se trouverait qui pourrait les secourir.
Les canots trop chargés pour leur faible dimension, partiraient
le 25 août avec 25 jours de vivres, quelques armes et deux
rechanges d'effets par homme.
La mer fut de suite très agitée et les canots embarquaient
à chaque lame. Ils se dirigèrent sur le cap Tribulation, point
le plus rapproché de la côte australienne et le plus aisé à
repérer. La mer devint si forte le 27 que pour alléger les
canots au maximum on jeta à la mer tout ce qui n'était pas
absolument nécessaire. En faisant le point à midi, l'enseigne
de vaisseau Magdeleine fut enlevé par une lame, il se retrouva
cà une cinquantaine de mètres de son canot parmi des barils
et des caisses de vivres. Heureusement que les hommes de
la baleinière restée en arrière, l'aperçurent et le recueillirent
mais il avait perdu non seulement ses instruments mais les
vivres de son canot, les vêtements des hommes, le sac contenant
son
uniforme, les papiers et la correspondance du « Duroc »
ainsi que le rapport sur le naufrage, les lettres destinées aux
autorités des pays où il devait passer, les livrets des hommes,
tout avait été précipité à la mer et on ne put rien récupérer.
Le grand canot à moitié rempli d'eau, maintenu à flots par
miracle, rejoignit les deux autres, le cap Tribulation fut atteint
eut
beau
Société des
Études
Océaniennes
—
le 30
au
849
—
soir et ils mouillèrent à l'intérieur du récif pour
la
nuit, 72 kilos de vivres, 20 litres d'eau de vie et 60 litres
de vin constituaient toutes leurs ressources,
ils trouvèrent de l'eau sur la côte.
fort heureusement
Le 9
septembre ils escalèrent à Port Albany, aucun navire
s'y trouvant ils décidèrent de faire route sur Timor. Durant
8 jours tout alla pour le mieux, le 17 le calme survint, les
hommes tentèrent de ramer mais la chaleur et le manque de
nourriture rendirent rapidement cet exercice trop pénible du¬
rant la journée mais ils profitèrent de la fraîcheur de la nuit
et ne quittèrent pas les avirons jusqu'au lever du soleil, c'est
alors qu'ils aperçurent la terre. Ils l'atteignirent vers le soir,
ne trouvant ni eau ni nourriture, ils longèrent la côte et arri¬
vèrent le 22 au soir au port de Goupang. Le résident Mr Franenkel les reçut chaleureusemennt et ils furent rapatriés par
le « Padang ».
Pendant ce temps le lieutenant de la Vaissière avait passé
50 jours sur l'îlot Mallish avec 30 personnes parmi lesquelles
sa
femme et sa fille. L'embarcation terminée, ils prirent la
mer et firent un voyage de 800 lieues en 34 jours dans les
pires conditions souffrant de la faim, de la soif et de la ma¬
ladie, plusieurs hommes étant paralysés, à leur tour ils par¬
vinrent a Coupang le 30 octobre.
ne
Nous
ne
pouvons passer sous
goélette chilienne
«
silence l'affreuse odyssée de la
SARA H ANN » dont tous les
passagers :
hommes, femmes et enfants, périrent massacrés par les habi¬
de l'île Bligh ou Tematangi, un récit détaillé en a déjà
dans notre bulletin (1).
On était sans nouvelles depuis plus d'un an de la « Sarah
Ann» partie des Gambièr pour Tahiti au début de 1856 lors¬
que le capitaine Danhum commandant la « Julia » déclara
à son retour à Papeete en juin 1857 avoir aperçu sur l'île
Bligh des débris qui pourraient bien être ceux du navire
disparu.
Le gouvernement du Protectorat envoya aussitôt le bateau
à vapeur « le Milan » commandé par M. de Péralo, capitaine
de frégate, avec mission d'enquêter et de sauver les naufragés
s'il en était encore temps. Ils découvrirent les restes du ba¬
teau qui s'était perdu sur la pointe S.E. de l'île mais ne purent
tants
paru
(1) La tragédie de la goélette
«
Sarah Ann
»
Bulletin de la S.E.O. n° 67.
Société des
Études
Océaniennes
par
Rey Lescure,
—
rentrer
contact
en
tinément
—
les habitants
avec
qu'on aurait
850
pu
qui se cachèrent si obs¬
croire l'île inhabitée, le mystère
restait entier.
Après cet échec, Mme Stevens mère de deux jeunes gens,
à bord de la « Sarah Ann », affréta la « Julia » et
partit elle-même à Tematangi, l'île était toujours déserte en
apparence, les hommes parmi lesquels se trouvaient des Tahitiens, se partagèrent en deux groupes mais un indigène resta
seul près du point d'atterrissage le silence était absolu lors¬
qu'il entendit rouler des pierres, cherchant d'où venait ce
bruit il aperçut une main sortant d'une crevasse. Il rappela
aussitôt ses compagnons et ils découvrirent, cachés dans une
grotte, les 16 insulaires, auteurs du massacre des infortunés
passagers de la « Sarah Ann ». Ils avouèrent leur forfait et
passagers
furent ramenés à Tahiti.
Le sort des passagers du « DUMBAR » ne
car ils
périrent tous à l'exception d'un
viable
fut
pas
matelot
plus
en¬
; ce pa-
se trouvait en vue de Sydney le 20
après une excellente traversée de presque 3 mois
lorsqu'un vent violent et un épais brouillard rendirent nulle
la visibilité. Le capitaine croyant entrer au port s'engagea
dans une petite baie et le navire se fracassa contre une falaise
à pic de 60 mètres de haut. Il était une heure du matin, tout
le monde se précipita sur le pont, le capitaine jugea la situa¬
tion désespérée, effectivement le navire sombra en quelques
minutes. L'unique survivant, un nommé James Johnson, réussit
à se hisser sur un rocher où il passa un jour et une nuit, par
chance un pilote l'aperçut du large et le sauvetage s'opéra
cruebot de 1.000 tonneaux
août
1857
facilement.
Un
massacre
peut-être pire que celui de la « Sarah-Ann »,
nombre — 327 — eut lieu l'année suivante.
du moins quant an
Le
«
SAINT
PAUL
»
l'Australie 327 Chinois
avait
et
recruté comme travailleurs pour
les transportait a Sydney lorsqu'il
naufrage le 30 septembre 1858 sur l'île Rossel. Le sinistre
nuit, le capitaine Pennard réussit
dans l'entrepont et au jour ils ga¬
gnèrent facilement la terre toute proche. Ils récupérèrent ù
bord du navire de l'eau et des vivres en assez grande quantité.
Le capitaine et huit hommes d'équipage partirent, en embar¬
cation, espérant trouver du secours.
Le 15 octobre ils furent recueillis par le schooner « Prince de
Danemark » capitaine Kelley, le capitaine Pennard demanda
fit
s'était produit pendant la
à maintenir les émigrants
aussitôt
à
ce
dernier soit d'aller immédiatemeont
Société des
Études Océaniennes
au
secours
—
851
—
des
naufragés, soit de le déposer avec ses hommes dans un
assez fréquenté pour qu'une expédition de secours puisse
rapidement être organisée. Le capitaine Kelley refusa, se disant
tenu à ravitailler sans délai des pêcheurs de biches de mer
se trouvant dans certaines îles éloignées et qui mourraient de
faim en cas de retard. 63 jours se passèrent donc avant que
le capitaine Pennard ne soit débarqué en Nlle Calédonie. Le
Styx » appareilla aussitôt pour l'île Rossel mais il arriva trop
tard hélas car tous les naufragés à l'exception d'un seul avaient
été tués et mangés par les indigènes.
Voici le récit de ce massacre fait par l'unique rescapé, un
jeune chinois d'une vingtaine d'années dont tous les parents
avaient péri dans l'aventure.
lieu
«
Pendant
mois après le départ du capitaine les naturels
tranquilles mais un grand nombre de sauvages
étant venus d'une grande terre qui se trouve à 3/4 de mille
de notre île, ils commencèrent à nous attaquer et nous dé¬
pouillèrent de nos vêtements. Quelques-uns d'entre nous avaient
des fusils à deux coups mais nous étions tous si effrayés que
trois s'enfuirent sans faire usage de leurs armes.
«
nous
un
laissèrent
Le seul blanc resté
après le départ du capitaine
qui s'armant d'un coutelas se
précipita sur les indigènes et en tua un grand nombre avant
de se laisser prendre.
Toutes les valeurs que les sauvages trouvèrent sur nous telles
que souverains bijoux, etc... ils les placèrent dans des sacs en
filets que chacun d'eux porte habituellement suspendu au cou.
Une montre excita particulièrement leur attention, ils l'ou¬
vraient à tout moment pour observer leur image qui se reflé¬
Pennard, était
tait dans le
A la
avec
matelot
un
nous,
grec
verre.
nuit, étant complètement
nus, entourés par les sauvages,
placés au centre d'un vaste terrain
dégagé où ils nous établirent. Ils allumèrent de grands feux
autour de nous et exercèrent une grande surveillance sur nous
pendant la nuit.
Au jour ils saisirent 6 de mes compatriotes, les tuèrent, les
firent rôtir et les mangèrent sous nos yeux, les portions qu'ils
ne
purent manger furent placées avec soin dans leurs sacs
nous
en
fûmes
conduits
et
filet.
Voici comment ils procédèrent pour préparer ce repas ef¬
froyable. Ils frappèrent pendant très longtemps au moyen de
bâtons sur toutes les parties du corps excepté sur la tête des
Société des
Études
Océaniennes
—
six malheureuses
vrant le ventre
rent
avec
ceaux,
852
—
victimes, puis ils les achevèrent en leur ou¬
l'estomac à un moment donné, et les vidè¬
et
soin. Gela fait ils divisèrent le corps par
raissant mis de
côté
avec
recherche. Ils firent ensuite
les chairs et les
mangèrent puis tous les
tas, ils les brûlèrent.
en
J'ai
petits
mor¬
les doigts des pieds et des mains et les cervelles pa¬
os
griller
ayant été réunis
ainsi
préparer et manger jusqu'à dix de mes com¬
seule fois. Une nuit, quelques-uns d'entre nous
sauver et nous les vîmes à la plage s'emparer
d'une embarcation et faire route pour la grande terre, nous ne
les revîmes jamais, je suppose qu'ils ont été tués.
vu
pagnons, d'une
réussirent à se
Pendant le
monstrations
jour, les sauvages nous faisaient de grandes
d'amitié et nous donnaient des cocos et des
dé¬
ra¬
cines. A la nuit les mêmes scènes
effroyables d'anthropophagie
se
renouvelaient. Cet état de choses dura jusqu'au jour où
nous
aperçûmes le bateau à feu. Il ne restait plus alors que
quatre chinois vivants et moi et puis, le grec qu'ils avaient
toujours respecté. J'étais malade et estropié et hors d'état de
bouger, dès que le navire à feu approcha, les naturels s'enfui¬
rent dans les montagnes, entraînant après eux les cinq in¬
fortunés qui survivaient. Je profitai de leur terreur pour me
glisser entre deux rochers. Us ne voulurent ou ne purent m'emmener. Quand le vapeur fut mouillé, je me traînai jusqu'à la
plage où je fus recueilli par les gens du bord ».
Après avoir échappé presque miraculeusement au massacre
jeune homme gagna l'Australie et nous imaginons que s'il
quitta de nouveau la terre ferme ce ne fut jamais sans les
plus grandes appréhensions.
Le trois-mats chilien « CONCEPCION » était parti de Valparaiso le 7 février 1863 à destination de Caldera. Ayant dé¬
barqué sa cargaison, le navire fit de l'eau, prit des provisions,
quelques ballots de vêtements et mit à la voile pour là Po¬
lynésie.
le
Il escala à l'île de
Pâques où il tenta, sans succès, d'engager
indigènes puis il continua sur les Marquises et arriva de¬
vant Iliva-Oa, le capitaine envoya à terre une embarcation
montée par le second et 4 hommes d'équipage, toujours dans
le but d'engager des indigènes, ceux-ci non seulement refusè¬
rent de les suivre mais retinrent leur canot et les empêchèrent
de regagner le bord. Les missionnaires de Puamau les héberdes
Société des
Études
Océaniennes
853
—
—
gèrent durant 5 jours et les firent conduire à Nukuhiva d'où
renvoya à Tahiti.
Le second du bâtiment, un prétendu Louis Fleury, n'était
autre
que le nommé Julien Faucheux, matelot du brig le
«Railleur», ayant déserté à Valparaiso en 1859. Après 2 jours
de vaine attente la « Conception » quitta les Marquises et se
dirigeant sur les Iles Sous-le-Vent, devait faire naufrage sur
les récifs de Tahaa, l'équipage fut sauvé et l'épave vendue
le résident les
aux
enchères.
juin 1876, 1' « ADA AIREDALE », navire de 1.400 ton¬
partait d'Angleterre à destination de San Francisco
avec
un
chargement de charbon, le 13 octobre alors qu'il
se trouvait en
plein Pacifique, le feu éclata à bord, la fumée
sortait par les écoutilles, le capitaine fit pratiquer un puits
de dégagement mais il était déjà trop tard, on ferma toutes
Le 20
neaux,
mer avec des pro¬
visions et de l'eau. Celle du capitaine contenant tous les effets
de valeurs et les papiers du bord chavira. Il fut possible de
les issues et l'on mit les embarcations à la
la redresser et les 23
hommes
d'équipage
se
répartirent dans
Toutefois, ils restèrent aux environs du navire
embrasé, espérant que l'énorme lueur de l'incendie visible de
fort loin, attirerait quelque navire se trouvant dans les pa¬
les trois canots.
rages. Il n'en
s'abattirent.
fut rien, le 15 le bâtiment explosa et les mâts
se trouvait par
13° 20' de latitude Sud et 108°
longitude Ouest quand les hommes décidèrent de faire
route à l'est pour tâcher de gagner les Galapagos. Après six
jours dans cette direction, un fort courant portant vers l'ouest
les obligea à changer de cap et à se diriger sur les Marquises.
Le navire
10' de
L'embarcation
du second chavira le
3 novembre et cet acci¬
dent coûta la vie à l'un des
hommes, les 7 autres furent re¬
cueillis par les deux canots. Les vivres et l'eau s'épuisant,
il devenait urgent de toucher une terre. Heureusement que le
9 novembre, après 26 jours de traversée, ils atterrirent à
Hiva-Oa ayant parcouru une distance de 2.300 milles. La
goélette du Nicaragua «John Bright» se trouvant dans cette
île leur permit de gagner Papeete d'où ils furent rapatriés.
Les
habitants
dérivant
d'Atimaono
aperçurent, le 9 juin 1877, un
large semblant désemparé puisque sans
mâts. Le croiseur «Seignelay», commandant Aube, étant en
rade de Papeete, sortit aussitôt et se dirigea sur l'épave qu'il
parvint à prendre en remorque. Il rentra au port à 4 h. 30 le
même jour, une foule nombreuse était massée pour voir l'arrinavire
au
Société des
Études Océaniennes
854
—
Les lettres
vée.
«
Ada
d'identifier le navire
»
et
«
comme
—
Dale
»
étant 1'
encore
«
visibles, permirent
» qui avait
Ada Airedale
mis
près de huit mois pour dériver jusqu'à Tahiti, la coque
paraissait encore en bon état mais les tôles des parties supé¬
rieures avaient beaucoup souffert et portaient encore les tra¬
ces
de l'incendie.
Rapatriés par les soins du Consul britannique les 22 membres
l'équipage de 1' « Airey Force » embarquaient sur la « Margaret Crockard» le 11 février 1875. L'« Airey Force» avait
fait naufrage dans l'archipel des Gambier le 17 janvier, s'échouant sur la partie SE du banc Tokorua à 6 milles de Mangareva alors que la nuit était claire et la mer calme. Le troismats jaugeant 1.025 tonneaux, entièrement en fer et chargé de
charbon, s'ouvrit sous la violence du choc. Mangareva était vi¬
sible mais les hommes craignant l'anthropophagie des insu¬
laires n'osèrent s'en approcher, les embarcations furent appro¬
visionnées en hâte et ils s'éloignèrent espérant gagner Tahiti.
Une très forte houle les força à revenir et à se réfugier à
Mangareva où par chance la goélette « Yivid » escalait. Ils pu¬
rent y embarquer et gagner Papeete.
de
MARGARET CROCKARD », 169 tonneaux, était alors
départ ; arrivée récemment de San Francisco avec un
chargement de marchandises très variées telles que : saumon,
bœuf salé, porc, lard fumé, saindoux, sardines, pommes sè¬
ches, pommes de terre, bois de construction, bardeaux, fau¬
teuils, mobilier de chambre, pareu, boucles d'oreilles, fleurs
artificieUes, cotonnades, etc., elle repartait pour le même
port avec une cargaison de pièces de tamanu, noix de bancoul,
vanille, cannes d'orangers, cocos, oranges, citrons et fungus.
Sous le coup d'une violente rafale du sud-est, le 23 février
aux
environs de minuit, le bateau chavira, la plupart des
hommes dormaient sous le tillac, quelques-uns parvinrent à
se
dégager, le temps était à l'orage, la nuit fort noire, seuls
les éclairs projetaient par moment une brève lueur. L'une des
embarcations ayant rompu ses amarres, flottait, les survivants
purent s'y réfugier. Des 22 hommes de 1' « Airey Force », 15
avaient péri, le 2ème maître de la « Margaret Crockard »
ainsi qu'un passager avaient également disparu, le sinistre avait
La
sur
fait
«
le
17 victimes.
Les
naufragés récupérèrent des oranges provenant de la
cargaison ; 4 jours plus tard ils abordèrent à Matahiva ayant
couvert une distance d'une centaine de milles. Après 2 jours
de repos le capitaine Godfrey, de la « Margaret Crockard » et
Société des
Études Océaniennes
—
855
—
6 hommes
d'équipage reprirent la mer dans le but de ga¬
Tahiti, dès le lendemain ils furent recueillis par 1' « IsBelle », petite goélette qui alla rechercher les autres
naufragés à Matahiva et les déposa tous à Anaa où ils embar¬
quèrent sur la « Mary » qui les ramena à Papeete le 22.
ses
gner
land
Ayant déjà fait plusieurs voyages sur Tahiti, le trois-mâts
»
arriva, le 20 avril 1880 en vue de Papeete. Il
prit le pilote et vers 9 h. la brise étant bien établie, le na¬
vire s'engagea dans la grande passe. Alors qu'il était au mi¬
lieu, le vent mollit, un très fort courant rendit de suite la
situation critique. Les voiles furent amenées et carguées et deux
«
BOSSUET
ancres
de bossoir mouillées. La force du courant les fit
le navire
teau
évita rapidement et son arrière
de corail de l'ouest de la passe.
talonna
sur
chasser,
le pla¬
Le « Bossuet » fit des signes de détresse, retransmis par le
sémaphore, les secours s'organisèrent. L'aviso « le Chasseur »,
115 hommes d'équipage, se trouvait sur rade mais sa machine
étant démontée, le commandant ne put qu'envoyer des hommes
qui avec ceux de l'arsenal de Fare-Ute disposèrent dans le
chaland, et les embarcations, ancres et aussières. Le vapeur
Eva » mit sous pression afin de se porter sur les lieux, tout
s'avéra inutile car la mer devint si forte qu'il fut impossible
d'élonger les ancres.
Le capitaine décida de faire abattre les mâts, les rides des
bas-haubans furent coupées et les bas-mats entamés à la hache,
toute la mâture s'abattit à bâbord. Le choc défonça le navire
en plusieurs endroits, il se mit à faire eau, il était dorénavant
impossible de sauver la coque. Le vent forçant, l'accostage
devenait périlleux, le capitaine fit évacuer le bord après avoir
sauvé les effets de l'équipage. On tâcha d'ouvrir une large
brèche à tribord pour faciliter la sortie des marchandises, en
particulier des barriques de vin.
«
Ceci n'étant pas
suffisant, le
«
Chasseur
»
fournit deux tor¬
pour hâter la démolition du malheureux bâtiment qui se
brisa en deux et l'avant se sépara de l'arrière, les marchandises
pilles
récupérées furent placées dans les canots et à bord de la goé¬
lette « Française » mouillée à proximité. Toute la rade et le
rivage étaient jonchés des débris provenant de l'échouage.
Les 2/3 de la cargaison purent être sauvés, le vin et les li¬
quides étant encore en très bon état.
Après 104 jours de voyage, le trois-mâts « THEODORE
DUCOS
»
de la maison Tandonnet et Cie de
Société des
Études
Bordeaux, arriva à
Océaniennes
—
856
—
Papeete le 17 avril 1888. Son chargement, complété à Tahiti
ao
cours d'une
longue escale, se composait de 49 tonnes de
nacres, 7 de coton, 16 de laine, 277 de coprah, 105 de graines
et était estimé à 200.000 1rs. Le 21 juin, veille de son départ,
les panneaux de cale furent fermés vers 5 h. du soir. Alors
qu'il se trouvait au bureau du port à 9 h., le capitaine Domain
eut l'attention attirée par le bruit qu'il supposait être d'une
altercation. Arrivé au dehors il s'aperçut qu'une épaisse fu¬
du « Théodore Ducos », sans nul doute le feu
pris à bord. Il se précipita, l'incendie semblait être
parti de l'avant du grand panneau, où se trouvaient arrimées
des balles de laine et de coton. Le roufle de l'équipage dispa¬
raissait dans la fumée et le feu s'était si rapidement propagé
que les hommes ne purent même pas sauver tous leurs effets.
mée
sortait
avait
Les pompes
de la ville, de la Société commerciale de l'Océanie
«Vire», amenées aussitôt sur les quais, rentrèrent en
action mais le feu continua ses progrès et le capitaine décida
de saborder son navire. Ce n'est qu'à 5 h. du matin lorsque
les cales furent remplies d'eau que le feu diminua, le bateau
et de la
chavira alors.
Quelques jours après des « émanations putrides » s'exhalèrent
bateau dues probablement aux peaux qui macérant dans
l'eau, commençaient à pourrir. L'épave devint rapidement un
tel foyer de pestilence que l'on craignait que les « miasmes »
ne causent une épidémie à
Papeete. Il devenait urgent de s'en
débarrasser, elle fut mise en adjudication. Ce n'est que le 26
juillet que l'on réussit à relever le bateau qui était complète¬
ment
immergé. On l'échoua derrière Motu-Uta, petit ilôt
se trouvant au milieu
de la rade de Papeete et les habitants
de la ville « purent enfin respirer ».
du
L'infortuné
capitaine Domain quitta Tahiti à destination de
17 août par le « Tropic Bird ».
San Francisco le
A
quelques aventures pourraient s'ajouter d'autres- plus
qu'inexpli¬
cables telle la disparition en 1943 entre Papeete et Raiatea de
la goélette « TEREORA », en parfait état d'entretien et on ne
retrouva jamais aucune épave. Les rescapés ont toutefois à
présent l'assurance d'être reçus hospitalièrement et de n'avoir
plus crainte de finir aussi misérablement que les passagers
ces
récentes dont certaines demeurent aussi inattendus
du
«
Saint Paul
».
Janine LAGUESSE.
Société des
Études
Océaniennes
—
857
—
BIBLIOG RAPH1E
AKU AKU
par
Thor Heyerdahl ( Albin Michel, Paris )
la chance de rencontrer Thor
Heyerdahl lors de son
à Tahiti alors qu'il venait de boucler la grande aven¬
ture du « KON TIKI ». J'ai été parmi les quelques centaines
de personnes ayant eu l'honneur de lui être présentées, mais
sans
doute a-t-il oublié tout cela et j'aurais mauvaise grâce
J'ai
en
passage
à
lui
en
vouloir.
Son dernier
livre,
«
AKU AKU
»,
paru
chez Albin Michel à
Paris, m'a enchanté. Thor Heyerdahl est de la race des dé¬
couvreurs et aussi des écrivains de la mer. Cette double qualité
fait
qu'on lit « Aku Aku » avec un intérêt qui va toujours
jusqu'aux dernières lignes de l'ouvrage. Heyerdahl est
aussi un grand savant, et, ce qui ne gâche rien, un modeste.
Au contraire de Gerbault qui était misanthrope et amer, fuyant
les hommes, Heyerdahl lui, est un enthousiaste qui, à l'occa¬
sion, ne dédaigne pas l'humour.
croissant
Il
mène cette fois à l'île de
Pâques, la RAPA NUI lé¬
gendaire, nombril du inonde. Avec lui nous découvrons cette
île et ses mystères. Il nous apprend comment les insulaires éri¬
geaient leurs colossales statues. Avec lui toujours, nous péné¬
trons
troits
race
AKU
nous
dans lus
souterraines, cheminons à travers d'é¬
couloirs, à la découverte du patrimoine magique de cette
du bout du monde qui, si longtemps, intrigua les savants.
cavernes
AKU c'est
livre
palpitant, écrit d'une plume alerte,
style qui plaît et qui rappelle le meilleur Joseph Con¬
rad. Heyerdahl nous donne aussi la peinture pleine de finesse
de quelques-uns des habitants actuels de Rapa Nui : le maire
Pedro Atan, le gouverneur Arnaldo Curti, le père Sébastien
Englert. Au travers de AKU AKU c'est toute l'île de Pâques,
l'île la plus isolée du monde, la plus rarement visitée aussi sans
doute, qui nous livre enfin son mystère, ses secrets, sa vie, et
de cela nous devons remercier Thor Heyerdahl.
dans
un
un
Société des
Études
Océaniennes
—
858
—
ARCHIPEL DU TIKI
par
Dans
Francis Mazière ( Laffont, Paris )
précédent bulletin de la Société d'Etudes Océanien¬
nes, je disais en quelques lignes, tout le bien que je pensais
du film, documentaire tourné à Fatu-Hiva par Mr. Mazière. Je
ne
m'en dédis pas. Je disais aussi que je ne connaissais pas
Mr Mazière. Cela est toujours vrai aussi. Et c'est pourquoi
je suis beaucoup plus libre pour dire aujourd'hui ce que je
pense de son dernier livre ARCHIPEL DU TIKI qu'il vient
de publier chez Laffont à Paris.
un
J'ai ouvert
livre, je dois l'avouer, avec la certitude que
j'allais y trouver enfin, pour une fois, des choses nouvelles,
véridiques, bien dites. Tant et tant de livres déjà, écrits par
des gens de passage ayant séjourné quinze jours ou trois mois
dans nos îles et voulant en connaître plus long que ceux qui
y sont nés et y vivent, m'avaient déçu, que je pensais, pour
une fois, pouvoir trouver dans ces nouvelles pages, une raison
de ne pas désespérer de tous ces voyageurs écrivains. Hélas !
j'ai refermé « Archipel du Tiki » avec la même désillusion, la
mcme
amertume. Mazière n'a pas fait mieux que les autres.
Je ne suis ni un savant ni un écrivain. Mais enfant de ces îles,
je me flatte de les mieux connaître et surtout d'en mieux
juger les insulaires que qui que ce soit venu de l'autre côté
du
ce
monde.
Du livre de Mazière, je fais trois parts. La première est un
long réquisitoire contre les missionnaires, présentés ici comme
des vandales, brûlant les idoles, détruisant les autels, cherchant
par
tous les moyens à extirper de l'âme de leurs ouailles les
croyances, à empêcher danses et chants anciens.
Long réquisitoire contre les missionnaires dont les églises aux
toits rouillés déparent et salissent les îles Marquises. Et pour¬
tant Monsieur Mazière devrait savoir, ( et il le sait certaine¬
ment ) quelle part immense ont eue et ont toujours les mis¬
sionnaires à la résurrection des Marquises qui se mouraient
impitoyablement. Mais passonsanciennes
Société des
Études
Océaniennes
—
859
—
La deuxième part du livre ne
Elle est toute consacrée à la mise
dépare guère la première.
en
accusation de l'Adminis¬
française, du fonctionnaire, du Blanc. Dans son ou¬
trance, Mr Mazière va jusqu'à écrire, en fin de volume : « A
tration
qui meurent étouffés sous les décorations après avoir au¬
le massacre de ceux qui portent des couronnnes de
plumes, je jette ce livre que j'aurais voulu offrir à ceux qui
ne savent
pas encore lire ». Pour ma part, je souhaite à ces
derniers de ne plus trouver ce livre, lorsqu'ils sauront lire,
car ce livre ne pourrait que leur apprendre la haine.
Mazière
n'a trouvé que deux Blancs à louanger : Gauguin et Gerbault.
Croit-il donc sincèrement que la mission du Blanc ne serait que
celle du mauvais exemple ? Mais laissons les morts dormir...
ceux
torisé
part enfin d'« Archipel du Tiki », et je le
grand cœur, est un beau chant à la gloire de
ces
îles perdues. Mazière a su, en termes délicats, nous en
donner une magnifique description. Il a fait des découvertes
dont je ne puis rien dire, n'étant pas archéologue. Mais il a
su voir aussi, en poète, la lumière des clairs matins, les midis
flamboyants, les couchants embrasés. Il a su voir et sentir
la grandeur sauvage de ces îles, apprécier la délicatesse de ses
habitants ; mais n'a-t-il pas trahi justement la délicatesse
de ces hommes qui l'avaient reçu en frère, n'a-t-il pas trahi
la confiance de celui qu'il appelait son frère Willy, et qui est
un
peu mon parent, lorsque, tout au long de nombreuses pa¬
ges, il parle mal de ceux qui les protègent ?
La
troisième
reconnais
Je
ne
de
voudrais
pouvoir retenir des trois cents pages qui com¬
lignes, tracées juste avant
qui disent : « Mais qui pourrait à jamais ne
pas être ébloui de l'immense délicatesse de ceux qui vivent
et meurent au soleil des îles». Et fermons «Archipel du Tiki»
sur
cette phrase de vérité.
posent ce livre, que les trois dernières
le mot
FIN
et
Y. M.
nrauMjBXSSjÇpgnmm—
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 124