B98735210103_116.pdf
- Texte
-
BULLET
DE
LA
SOCIÉTÉ DES ÉTUDES
(N° 3)
SEPTEMBRE 1956
Anthropologie
Histoire
—
—
Ethnologie
—
Philologie
Institutions et Antiquités des Populations Maories
Littérature
Astronomie
—
PAPEETE
-
et
Océanographie
Folklore
—
Sciences naturelles.
IMPRIMERIE DU GOUVERNEMENT
Conseil d'Administration
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JACQUIER.
M. H.
.
Vice-President
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M. Cdt. PAUGELLiER.
.........
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Assesseur
M.
Assesseur
M. Terai BREDIN.
Assesseur
M. Martial IORSS.
M. Simeon KRAUSER.
Assesseur
Assesseur
.
.
M. Yves MALARDE.
.
Secrétaire-Bibliothécaire
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membre titulaire.
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de la Société
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NATUA.
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ils
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membres que désormais
peuvent emporter à domicile certains livres de
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reconnaissance de dette en cas où ils ne
rendraient pas le livre emprunté à la date fixée.
Le Bibliothécaire présentera la formule à signer.
La Bibliothèque est ouverte aux membres de la Société et à
leurs invités tous les jours, de 14 à LV heures, sauf ie
que
en
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une
Dimanche.
La salle de lecture est ouverte
au
public tous les jours de
14 à 17 heures.
Nusée.
jours, sauf le lundi de 14 à 17
jours d'arrivée et de départ des courriers : de 9 à
Le Musée est ouvert tous les
heures. Les
11 heures et de 14 à 17 heures.
Le Bulletin
accepte l'impression de tons les
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas
qu'il épouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien
les commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls,
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prennent toute la responsabilité.
Aux lecteurs de former leur appréciation.
Le Bulletin ne fait pas de publicité.
Le
Bureau
cle
la
Société
articles
La Rédaction.
Société des Études Océanienne:
X
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME X
M» 116.-
(N° 3)
SEPTEMBRE
1956
SOMMAIRE
Pages
Histoire locale
Les
«
1858
Informations
»
du
Messager de Tahiti
en
1857575
(J.L.)
Histoire
La
goélette
Réfutation
Charles
«
de
de
Notre Dame-de-la-Paix (Léonce Jore)
quelques
Thierry »
Société des
.
579
concernant « le baron
(Commandant J. Cottez) . .
590
erreurs
Études
Océaniennes
Société des
Études Océaniennes
LES " INFORMATIONS DU MESSAGER DE TAHITI "
EN 1857-1858
(suite)
UN INCENDIE.
Dans la nuit du 20
au
21 novembre
1857, à minuit la rade
de
Papeete d'habitude si tranquille, a été réveillée en sursaut
par des cris d'alarme.
Un résident, au moment de s'endormir, avait mouché sa lam¬
pe et jeté sur le plancher, la mèche encore brûlante ; c'était
bien commencer, mais pour parfaire la chose, il aurait fallu
étouffer cette mèche traîtresse et pour cela se lever. Or il est
si doux de ne rien faire surtout lorsque le sommeil devient enva¬
hissant que notre nouveau quiétiste ne tarda pas à
s'assoupir
en
pensant, sans doute que le bien vient en dormant. Cependant
le moment n'était pas précisément bien choisi pour bâtir des
châteaux, car quelques instants après, le feu dévorait les boise¬
ries et la toiture de l'édifice.
Grâce à de
s'est bientôt rendu maître de
Provençale », commandant et
officiers en tête, muni de tous les appareils usités en pareil cas,
s'est mis des premiers à l'ouvrage avec ardeur, tandis
que di¬
vers résidents et
plusieurs indiens faisaient preuve d'un dévoue¬
ment digne d'éloges. Presque en même temps
accouraient M.
le Commissaire Impérial, les différentes autorités et les
troupes
de la garnison. Chacun a rivalisé de zèle mais les honneurs de
la nuit appartiennent à Madame... ; avec une présence
d'es¬
prit et une adresse peu communes, cette dame s'est hissée jus¬
qu'au faîtage extérieur de la maison et là, défiant les flam¬
mes et les chances d'une fatale
chute, elle inondait d'eau la toi¬
ture environnante, sans cesser
d'encourager les travailleurs et
arrêtant ainsi les progrès de l'incendie. Trois fois honneur au
courage joint à la modestie et à la beauté.
Maintenant ajoutons : Secours aux malheureux. Le bâtiment
incendié appartenait à un résident actif,
intelligent, pauvre et
père de famille. Nous apprenons avec un vif intérêt que M.
Yver négociant à Papeete a eu l'heureuse inspiration
d'ouvrir
une
souscription en faveur de cette victime ; empressons-nous
de porter chez lui nos offrandes, on
peut toujours limiter ses
plaisirs.
l'incendie,
prompts secours
l'équipage de la
on
«
UN MARIAGE A HAAPAPE.
Le district que
Cook illustra
Société des
par
Études
ses
travaux
Océaniennes
scientifiques,
—
576
—
était devenu
de la
aussi
jeudi dernier, le rendez-vous d'une grande partie
population tahitienne et bon nombre de résidents avaient
répondu à l'invitation qui leur avait été faite.
Le chef Tariirii mariait sa fille Matautau
Pohuetea frère de la cheffesse de Punaauia.
avec
Tita fils de
Dans cette réunion
on remarquait avec intérêt un des fils de
jeune Teriitapunui qui joint à beaucoup
d'intelligence le naturel le plus heureux.
M. le comte Pouget, commissaire impérial p.i. s'était em¬
pressé de venir honorer de sa présence une fête que Madame
Tariirii a su rendre charmante par la grâce affectueuse avec
laquelle eile remplissait les devoirs de l'hospitalité.
La fête a surtout été brillante par un entrain qui ne dépas¬
sait pas les allures de la société la plus civilisée. On voyait en
toutes choses que Tariirii n'a nullement oublié ni l'éducation
ni les principes qu'il avait puisés en France.
la reine
Pomare le
Sous des tentes
laisser
en
feuilles de cocotier tressées de manière à
l'air et la lumière, des tables étaient dressées,
chacun complimentait Tariirii sur la maison européenne qu'il
vient de se faire construire et que ne désavouerait pas mainte
villa élégante de nos contrées.
Pour nous, nous sommes heureux de constater que Tariirii
donne une bonne direction à son district et qu'il est imité par
un grand nombre de chefs sentant aussi le besoin de faire mar¬
cher les mœurs avec l'impulsion nouvelle et bienfaisante donnée
passer
à leur pays.
CEREMONIES
EN
L'HONNEUR DE L'EMPEREUR
Dimanche dernier 11
du courant, une messe
tions de
solennelle d'ac¬
grâce pour la préservation miraculeuse de S.M. l'Em¬
pereur Napoléon III et de l'Impératrice, suivie d'un Te Deum
a été célébrée
dans l'Eglise de Papeete par S.G. Monseigneur
l'Evêque d'Axiéri.
Malgré une pluie torrentielle l'Eglise était comble, MM. les
consuls d'Angleterre et d'Amérique, plusieuis négociants fran¬
çais et étrangers se sont rendus à cette solennité prouvant par
leur présence qu'un événement malheureux arrivé à S.M. l'Em¬
pereur serait un deuil général non seulement pour la France
mais pour le monde entier.
Les églises protestantes de Tahiti ne sont pas restées en ar¬
rière ; invitées par le Commissaire Impérial p.i. à remercier le
ciel de ce miracle, tous les districts se sont réunis dans une idée
Société des
Études
Océaniennes
—
577
—
et tous les indiens se sont rendus à leurs
temples
respectifs pour remercier Dieu.
M. Howe, pasteur anglais a fait dans le temple des résidents
étrangers un discours admirablement senti.
commune
RETOUR DE LA REINE POMARE DE RAI ATE A.
L'aviso à vapeur
le « Milan » est rentré dimanche soir de
bord S.M. la reine Pomare, sa famille et
sa suite ; dès que
le bâtiment eut mouillé M. le Gouverneur,
Commissaire impérial, accompagné de son aide de camp, se
rendit à bord et après une courte entrevue, reçut S.M. dans son
embarcation. Au moment où le canot poussait à terre, l'équipa¬
ge du « Milan », sur les vergues salua le départ de la Reine
aux
cris de : Vive la reine, vive l'empereur ! Tandis que la
batterie de campagne faisait une salve de vingt et un coups de
Raiatea, ayant à
son
canon.
Un
très
concours
nombreux de tahitiens
venus
de tous les
districts, les fonctionnaires et officiers français, les résidents de
toutes les nations garnissaient la plage.
S.M. s'est rendue dans
son habitation
accompagnée par toute
population ; là des hymnes furent chantés en son honneur
par les écoles de Papeete et Papaoa, la foule se retira ensuite
avec ordre, toute
joyeuse du retour de la Reine.
Le lendemain S.M. se rendait à midi auprès de M. le Com¬
missaire Impérial pour le saluer officiellement et lui offrir les
cadeaux d'usage. Ce don consistait en nattes de dimensions inu¬
sitées, manteaux de cérémonie, etc... Une population nombreuse
remplissait la cour du Gouvernement, un peu plus tard ceux
des chefs présents à Papeete, ayant à leur tete Mme Ariitaimai
venaient déposer aux pieds de la reine les cadeaux de bienve¬
la
nue.
La
jeune femme du prince royal Arii Aue est arrivée égale¬
son mariage avait eu lieu ; elle est la fille
de Tcururai, roi de Huanine, et joi it à une beauté peu commune
les avantages d'une éducation distinguée. Nous
voyons avec
plaisir les Iles Sous-le-Vent imiter enfin le bel exemple que
leur donnaient déjà depuis longtemps grand nombre de Tahi¬
tiens en ce qui regarde l'instruction de la jeunesse.
ment de Raiatea où
DISTRIBUTION DES PRIX.
Jeudi dernier
maire
dirigée
a
par
lieu la distribution des prix à l'école pri¬
les dames de Saint-Joseph de Cluny. M. le
eu
Société des
Études
Océaniennes
—
578
—
Gouverneur
accompagné de son état-major et du comité de
surveillance, était présent à cette cérémonie qui avait attiré un
grand nombre de personnes. Rien de charmant en effet, comme
la réunion de toutes ces jeunes filles en robes blanches éche¬
lonnées sur une estrade en amphithéâtre qui permet de voir
leurs figures rayonnantes de joie et d'espérance à l'approche
du moment où elles vont être couronnées.
Un chœur entonné par tous
les enfants à l'arrivée de M. le
salle, ouvre la séance. On récite quelques
fables dites avec expression et on passe à l'examen des jeunes
élèves sur les différentes branches de l'instruction ; Madame
la Supérieure dirige elle-même cet interrogatoire et fait assis¬
Gouverneur dans la
l'assemblée à
ter
une
scène vive et animée où elle dévoile à
l'auditoire le secret de l'émulation
et
à
laquelle
on
doit attribuer
une
qui règne parmi les élèves
grande partie de leurs suc¬
cès.
Au nombre des
jeunes écolières nous citerons comme s'étant
d'une manière toute particulière Mesdemoiselles
Ilaulmé, Raita, Saï, Cébert et Laurent qui du reste se sont
disputés tous les premiers prix.
Enfin le moment tant désiré est arrivé, une des Sœurs se lève
et fait connaître les noms de celles qui ont obtenu le plus de
suffrages et les jeunes lauréates viennent les unes après les
autres recevoir les prix et la couronne.
La distribution des prix terminée, M. le Gouverneur a féli¬
cité ces dames tant en son nom qu'en celui du comité de sur¬
veillance sur le résultat brillant qu'elles avaient obtenu et qui
donnaient tant d'espérance pour l'avenir, leur promettant le
concours bienveillant et empressé du gouvernement dans l'ac¬
complissement de leur œuvre. Il a adressé ensuite quelques
éloges aux élèves sur les progrès qu'elles avaient faits et leur
a recommandé la- bonne conduite, la docilité
et l'assiduité au
travail pour rendre plus facile la tâche très pénible de leurs
fait remarquer
institutrices.
(à suivre)
Société des
Études
Océaniennes
—
579
—
HISTOIRE
LA GOELETTE " NOTRE-DAME-DE-LA-PAIX "
(ex-Missionary Packet
s
et ex-Honolulu)
(1)
I
Dès la fin du XVIIIème siècle, dix ans après la proclamation
d'indépendance des XIII colonies, les navires baleiniers améri¬
cains avaient commencé de fréquenter l'Océan Pacifique. Bien
qu'obligés de contourner tout le continent en passant par le
Cap Horn, puisque leurs ports d'armement se trouvaient sur
l'Océan Atlantique, ils étaient devenus assez nombreux très ra¬
pidement. Souvent, à leur retour, comptait-on dans leurs équi¬
pages des indigènes de Polynésie recrutés en remplacement de
matelots décédés ou déserteurs, ou simplement désireux de
«
voir du pays ».
C'est ainsi
qu'un certain capitaine Brintnel amena en 1809
ainsi qu'on désignait alors les Hawaii, et
débarqua à New Haven (Connecticut) deux jeunes gens, G'pukahiliaa et Hopu, qu'il confia à des étudiants. La sympathie
dont ils furent l'objet fit que quelques autres Polynésiens qui,
par la suite, prirent passage sur d'autres navires, furent égale¬
des
Iles Sandwich,
ment
très bien accueillis.
Désireux de les convertir et d'en faire
plus tard des ministres
l'Evangile dans leurs tribus, l'American Board of Commis¬
sioners for Foreign Missions, fondé à Boston en 1810, créa une
école spéciale à Cornwell (Connecticut) où furent admis non
seulement des Océaniens, mais un Malais et des Indiens de
l'Amérique du Nord. Le programme des études comportait un
enseignement général élémentaire, ainsi que celui des doctrines
de
(1) La première partie de la présente étude est, pour sa plus grande
part rédigée d'après le travail du Dr. Ralph S. Kuykendall, ancien
professeur à l'Université des Hawaii, et publié par la Hawaiian His¬
torical
Society
Honolulu
—
Forty-first annual report for the
1933.
Société des Etudes Océaniennes
year
1932
—
—
580
—
des devoirs de la religion chrétienne devant lesquels leurs
superstitions disparurent assez vite. (2)
et
On
s'avisa
néanmoins bientôt du danger de confier à ces
peine dégrossis le soin d'évangéliser leurs congénè¬
res ; aussi la
décision fut-elle prise de les placer sous la con¬
duite de missionnaires américains auxquels ils serviraient d'in¬
terprètes et d'auxiliaires.
insulaires à
Le 23
octobre
1819, le brig « Thaddeus », capitaine Blan¬
chard, faisait voile de Boston emportant deux pasteurs ordon¬
nés, un médecin, deux catéchistes-maîtres d'école, un impri¬
meur, un agriculteur et trois jeunes Hawaiiens — sept femmes
blanches accompagnaient leurs maris et cinq enfants leurs pa¬
rents. Le 30 mars 1820, après une traversée de cinq mois, le
navire entrait dans le port d'Honolulu.
Afin de faciliter
aux missionnaires leur propagande dans les
l'archipel, l'American Board of Commissioners
for Foreign Missions décida de mettre un voilier à leur dispo¬
sition. Il en confia la construction à un maître-charpentier
de Salem (Massachusetts) William Coale, qui en fit livraison
à la fin de l'année 1825. Au registre d'inscription maritime,
le bâtiment, dont le coût s'était élevé à $ 6426.36, est men¬
tionné comme ayant un pont, deux mâts, une longueur de
54 pieds 4 pouces (16 m. 59), une largeur de 13 pieds 2
pouces
(4 m. 06), une profondeur de 6 pieds 2 pouces
(1 m. 97) ; l'arrière était carré et aucune figure n'ornait sa
proue; enfin il était gréé en goélette.
autres
îles
de
Pour conduire le navire qui reçut le nom de « Missionary
Packet », de Boston à Honolulu, un arrangement fut passé avec
le capitaine Hunnewell, de CharleTtown (Mass.), lequel formait
le
projet de s'établir
Hawaii en qualité de commerçant. Il
capitaine pendant la durée du voya¬
ge, en échange de l'autorisation de charger gratuitement
pour Honolulu une certaine quantité de marchandises lui ap¬
aux
assumerait les fonctions de
partenant.
L'équipage de la goélette qui fit voile de Boston le 18 jan¬
1826 comprenait outre James Hunnewell, John Roundey,
vier
(2) Opukahaia, appelé aussi Obooldah, mourut en cours d'études.
a laissé, ou on a édité sous son nom,
dés mémoires publiés à New
Haven en 1819. En 1816 avait paru à New York un ouvrage intitulé
Narrative of five youths from the Sandwich Islands now receiving
Il
«
an
education
in
this
country
».
Société des Etudes Océaniennes
—
581
—
son second; Jonas Denis, adjoint à ce dernier
originaires des Hawaii. A Rio de Janeiro où il
s'arrêta pendant deux semaines, Hunnewell engagea les services
d'un cuisinier noir, Lewis Dennis et prit à son bord en surnom¬
bre, aux Iles Falkland, un Anglais Henry G. Smith qui, ainsi
que le cuisinier, débarqua à Valparaiso.
Le 21 octobre 1826, après une traversée de neuf mois, le
Missionary Packet » mouillait ses ancres devant Honolulu
et était aussitôt remis à M. Levi Chamberlain, agent de la
de
Marblehead,
et
deux marins
«
Mission Protestante.
Bien
qu'elle eût été attendue avec impatience et malgré les
qu'elle devait rendre, la goélette devint très vite pour
celle-ci une lourde charge et il fallut l'affréter à deux commer¬
çants de la place, son ancien capitaine Hunnewell et Reynolds,
qui l'employèrent au transport de bois de santal.
Au mois de février 1828, M. Chamberlain eut la chance de
trouver un affrètement de plus longue durée — un commer¬
çant américain établi à Honolulu, William French, consentit
à signer un contrat en vertu duquel il s'engageait à payer à la
Mission $ 100 par mois et à transporter gratuitement les mar¬
chandises expédiées par elle à ses divers établissements — Au
cas
où le navire se perdrait à son service, il verserait à ses
propriétaires une indemnité de $ 4000.
Le 4 avril 1829, William French restitua la goélette à la
Mission qui la vendit à la Princesse Keopuolani (1). Aux ter¬
mes de l'acte de vente, les missionnaires se réservaient la facul¬
té d'utiliser gratuitement le navire trois mois chaque année
pendant vingt ans, période à l'expiration de laquelle la Mis¬
sion perdrait tout droit sur lui.
En cas de perte de la goélette, et dans celui où elle ne pour¬
rait être mise à la disposition des missionnaires, un autre bâ¬
services
timent lui serait substitué.
Comme
Princesse
l'avait
précédemment
Keopuolani affréta le
«
fait Levi Chamberlain, la
Missionary Packet » à des
hommes d'affaires locaux.
En
1832, les missionnaires s'en servirent pour se rendre aux
aux Iles Marquises. Ils nourrissaient alors
le projet de fonder un établissement dans ce second groupe
d'îles, mais ne voulaient pas le réaliser sans l'avis et le consenIles de la Société et
(1) La Princesse Halieta Keopuolani, généralement appelée Nahienaétait la fille d'une importante personne, la Princesse Keopuolani.
ena,
Société des
Études
Océaniennes
—
582
—
tement de la
Mission établie à Tahiti par
monté
navire le lendemain matin même
la London Missionary
Society. Ils n'ignoraient pas, en effet, que cette association reli¬
gieuse avait tenté d'évangéliser les Marquises à la fin du
XVIIIème siècle. Deux de ses membres y avaient été débarqués
du « Duff » le 5 juin 1797, l'un d'entre eux Harris était re¬
sur
ce
à descendre de
et
s'était refusé
à terre ;
l'autre nommé Crook, s'y était
maintenu jusqu'en 1799. Plus récemment, en 1829, les pasteurs
Pritchard et Simpson avaient été envoyés de Tahiti aux Mar¬
quises en mission d'études, mais ils avaient estimé qu'en raison
de la sauvagerie et de la cruauté des indigènes, il était préfé¬
rable de
Trois
nouveau
renoncer
à les convertir.
missionnaires
américains, MM. Whitney, Tinker et
partirent ainsi d'Honolulu le 18 juillet 1832 sur le
Missionary Packet » dont le commandement avait été confié
au
capitaine Gorham H. Nye. Arrivés le 22 août à Tahiti, ils
quittèrent l'île le 18 septembre et atteignirent les Marquises le
20 octobre. Une semaine plus tard ils mettaient à la voile de
nouveau, le 17 novembre, ils étaient de retour à Honolulu.
Le champ leur ayant été laissé libre par leurs confrères
britanniques, les missionnaires américains se décidèrent à ten¬
ter un essai bien que les circonstances fussent peu
encouragean¬
tes et en dépit de l'avis défavorable de l'American Board of
Commissioners for Foreign Mission.
Le 2 juillet 1833, MM, Alexander, Amstrong et Parker par¬
tirent d'Honolulu pour les Marquises sur le « Dhaulle », ca¬
pitaine Bancroft via Tahiti, avec leurs femmes et leurs en¬
fants. Le 10 août, ils débarquèrent dans l'île de Nuka-Hiva.
Leur séjour ne dura que neuf mois. Le pasteur Grsmond étant
venu de Tahiti leur faire savoir qu'à la
suite d'un accord con¬
clu entre la London Missionary Society et l'American Board
of Commissioners for Foreign Missions, l'activité des membres
dépendant de cette dernière organisation se limiterait aux Ha¬
waii, les missionnaires américains s'empressèrent de regagner
cet archipel
le 12 mai 1834, sur le baleinier « Benjamin
Rush », capitaine'Coffin, trop heureux d'abandonner un pays
oîi ils n'avaient éprouvé que des déboires et où ils avaient
couru ainsi
que leurs familles, les plus grands dangers.
Treize mois après le retour des Marquises du « Missionary
Packet », Levi Chamberlain se trouva contraint d'en reprendre
possession, la Princesse n'ayant pas exécuté les conditions du
contrat et n'ayant pas entretenu le navire de façon convenable.
Il passa alors avec la maison Brinsmade, Ladd and Hooper,
Alexander
«
Société des
Études
Océaniennes
—
pour une
avait été
583
—
durée de dix années, un accord similaire à celui qui
précédemment conclu avec la Princesse Keopuolani.
Sous la direction d'un des
associés, Brinsmade, qui remplis¬
su'orécargue, le « Missionary
Packet » quittait Honolulu le 10 janvier 1834. Le 15 juillet
suivant, il était de retour après être allé jusqu'à Valparaiso et
avoir fait escale dans plusieurs ports, notamment à Papeete
(Tahiti). Il fut ensuite employé aux relations entre les diffé¬
rentes îles des Hawaii. Au début de 1835, après avoir été re¬
mis complètement en état, travail au cours duquel sa coque
fut revêtue de plaques de cuivre, il fit un nouveau voyage à
Tahiti, puis reprit son service interinsulaire.
sait
à
bord
les
fonctions
de
Bien
qu'elles eussent été onéreuses, les réparations n'avaient
été bien exécutées et dès le mois de décembre i836, on
s'aperçut qu'elles devaient être reprises, le coût étant évalué à
$ 2500. L'ancienne Maison Brinsmade, Ladd and Hooper, de¬
venue
entre-temps Ladd and Go, profita de cette circonstance
pour rendre le navire à Levi Chamberlain. Ce dernier se pré¬
parait à vendre les mâts, agrès, voiles et ancres, et à faire dé¬
truire la coque du navire lorsqu'un certain Zacheus Rogers,
charpentier de navires, acheta le tout moyennant $ 1000, le
23 janvier 1837.
pas
D'après le journal Sandwich Islands Galette, le « Missionary
»
serait demeuré dans le port d'Honolulu de novembre
1836 à mi-juin 1837. Jusqu'au 15 avril de cette dernière an¬
née il est mentionné comme goélette américaine, puis, à partir
de cette date, comme goélette des Iles Sandwich, ce qui paraît
plus exact. Dans le numéro du 17 juin, il est désigné sous le
nom d'
« Gahu
Packet », Zacheus Rogers étant son capitaine.
La semaine suivante, la même gazette annoncé que la goélette
Honolulu » avait fait voile le 17 juin 1837 sous le comman¬
dement du capitaine Rogers, pour un voyage de chasse aux
veaux
marins. Un groupe de six personnes en était devenu
propriétaire.
Packet
«
Il
"
bien
prouvé que 1' « Honolulu » n'était autre que
Missionary Packet » plus ou moins rajeuni par les
soins de Zacheus Rogers. Celui-ci avait-il les titres voulus pour
commander le navire. Il est permis d'en douter, mais à
cette époque, on se montrait très large sur ce point dans les
mers
du Sud. Quoiqu'il en soit, 1' « Honolulu » était de re¬
tour le 3 septembre.
Entre cette date et le 18 novembre, le capitaine Jules Dudoit,
est
l'ancien
«
Société des
Études Océaniennes
—
534
—
agent consulaire de France en fit l'acquisition et le plaça sous
le commandemant d'un Danois, le capitaine Michael Grombeck.
II
Une mission
catholique avait été fondée dans l'archipel en
de la Congrégation des Sacrés-Cœurs
dite de Picpus. Expulsés en décembre
1831 (3) ces derniers étaient revenus aux Hawaii en mars 1837,
mais n'avaient pu obtenir l'autorisation de se maintenir sur
place en dépit de l'intervention du Capitaine de Vaisseau Dupetit-Thouars et de son collègue anglais Belcher, lorsqu'ils pas¬
sèrent à Honolulu au mois de juillet ; ces deux officiers avaient
même dû prendre l'engagement qu'ils se retireraient des Sand¬
wich à la première occasion.
Le R.P. Short, Irlandais de naissance et par conséquent sujet
britannique, quitta Honolulu le 30 octobre 1837 sur le navire
de commerce « Peru », à destination de Valparaiso. Désireux
de lutter jusqu'à la dernière extrémité, le R.P. Bachelot, préfet
apostolique avait réussi à ne pas prendre place sur ce bâtiment,
mais à peine son confrère venait-il de partir que le 2 'novembre
arrivaient à Honolulu deux autres membres de la Congrégation
des Sacrés-Cœurs les pères Maigret et Murphy, sur le brig
américain « Europe », capitaine Shaw.
Ne se sentant aucunement lié par les engagements de Dupetit-Thouars et de Belcher, le vicaire apostolique de l'Ccéanie,
Monseigneur Rouchouze qui résidait dans l'archipel Gambier,
leur avait en effet, donné l'ordre de se rendre aux Hawaii.
On ignorait pas à Honolulu que 1' « Europe » y ferait pro¬
chainement escale ayant à son bord un certain nombre de prê¬
tres catholiques. La nouvelle en avait été apportée par le navire
de guerre anglais « Imogene » qui s'était trouvé à Valparaiso
lors du débarquement dans ce port de Mgr Pompallier, vicaire
apostolique de l'Océanie Occidentale (4), et de quelques mis1827 par des religieux
de Jésus et de Marie,
(3) Voir L. Jore
mète
»
de Bordeaux
Editions
—
Ozanne, 56,
—
à
Le
voyage
du trois-mâts bordelais
«
La Co¬
Honolulu
rue
(1826-1828). La Revue Maritime —
de Verneuil, à Paris 7e — Septembre 1954
Nouvelle série.
(4) Cette circonscription avait été créée en 1835. Mgr Pompallier
qui n'appartenait pas à la Société de Marie et les membres de cette
Société avaient quitté la France sur le voilier « Delphine » le 24
décembre
1836.
Société des
Études
Océaniennes
—
585
—
sionnaires
de la Société de Marie auxquels le Vatican avait
l'évangélisation des îles situées à l'Ouest de 170° de lon¬
gitude Ouest.
En réalité, le Prélat et ses compagnons maristes s'étaient
arrêtés à Tahiti lorsque 1' « Europe » y fit escale, l'agent con¬
sulaire de France à Papeete J. A. Moerenhout, leur ayant pro¬
curé le moyen de continuer directement leur voyage vers la
Nouvelle-Zélande. Seuls, les Pères Maigret et Murphy de Picpus, qui avaient pris place sur 1' « Europe », aux Gambier,
confié
étaient demeurés à bord de
ce
navire.
A leur arrivée à
Plonolulu, les autorités locales s'inquiétèrent
ecclésiastique. L'agent consulaire de France re¬
connut loyalement que le premier
d'entre'eux était prêtre.
Le consul britannique qui avait reconnu Colomban Murphy,
comme
simple frère lai quand il était venu aux Hawaii deux
ans
auparavant, prit sur lui, sans consulter personne, de décla¬
rer
que son ressortissant n'était pas ordonné, ignorant qu'il
l'avait été avant son départ des Gambier. C'est ainsi que Co¬
lomban Murphy fut autorisé à séjourner à Oahu, tandis que
le P. Maigret recevait l'ordre de partir immédiatement.
de leur statut
Désireux de mettre fin à la situation délicate dans
se
trouvaient les deux missionnaires
doit offrit
laquelle
français, le capitaine Du-
P. Bachelot de lui vendre 1'
Honolulu
prix
les
du
représentant du vicaire apostolique de l'Gcéanie
au
«
»
au
de $ 3000 un tiers de cette somme étant versé comptant,
deux autres tiers lors de la remise définitive à Valparaiso
navire,
au
orientale.
Il
fut
néanmoins
prévu que 1' « Honolulu » qui était en
départ pour accomplir une campagne commerciale
et déjà chargé de marchandises, accomplirait le voyage projeté.
Les Pères Bachelot et Maigret débarqueraient dans l'île de
Ponape, aux Carolines, où la goélette devait tout d'abord se
rendre et y attendraient son retour.
Le 17 novembre 1837, le R.P. Maigret prenait place sur
1' « Honolulu »
(5) dont le nom fut changé en celui de
instance de
«
Notre-Dame-de-la-Paix
».
Le R.P. Bachelot dont la santé ins¬
pirait déjà de sérieuses inquiétudes,
«
ne
le rejoignit
que
le 23,
(5) Il est intéressant de noter le détail relevé par le journal
»
d'Honolulu, en mars 1867, que pendant la période anté¬
Friend
rieure
connu
à
vente
sa
sous
le
nom
au
de
R.P.
«
Bachelot, le navire était communément
Les Dix Commandements
Société des
Études
Océaniennes
».
—
586
—
moment où le navire allait prendre la mer. Son état s'étant
rapidement aggravé, il décéda dans la nuit du 4 au 5 décem¬
bre. Son corps fut inhumé le 13 du même mois, dès l'arrivée
du voilier, à Na, petite île située sur la côte de Ponape où le
R.P. Maigret, comme il était convenu, s'installa provisoirement
tant bien que mal.
Nous n'avons pas pu parvenir à savoir où se rendit alors la
Notre-Damc-de-la-Paix ». Contrairement à ce que peut lais¬
ser
supposer le journal du R.P. Maigret, elle n'alla point à
Sydney. Les recherches gracieusement faites sur notre demande
par Miss Phyllis Mander Jones, bibliothécaire de la Mitchell
Library à Sydney et par son adjointe Miss H. Sherrie, per¬
mettent d'affirmer qu'aucun navire du nom d'Honoiulu ou de
au
«
Notre-Dame-de-ia-Paix
tre le mois
fit
ne
en
effet escale dans le port en¬
de décembre 1837 et celui de
juillet 1838.
d'ailleurs de se demander
pourquoi, s'il avait pour destination l'Australie, le capitaine
Grombeck aurait dû s'arrêter tout d'abord à Ponape, ce qui
eut sensiblement allongé son itinéraire et ce qui l'eut obligé
ensuite de traverser une région où la navigation est difficile
même dangereuse.
On doit plutôt supposer que le navire après avoir échangé
sa
cargaison aux Carolines contre des produits de ces îles était
L'examen
d'une
carte
allé revendre ceux-ci
Lors de
en
permet
Chine.
retour à
Ponape, le 2 juillet 1838, la « Notrereprit à son bord le P. Maigret et fit voile
le 29 pour Mangareva où elle arriva le 10 novembre. Le temps
qui s'écoula entre ces deux dernières dates permet de penser
que le navire ne fit pas directement la traversée.
Après avoir pris contact avec Mgr Rouchouze, le R.P. Mai¬
gret continua son voyage jusqu à Valparaiso pour y prendre
livraison de la goelette, après déchargement des marchandises.
C'est dans ce port qu'un accord fut passé entre lui, en tant que
représentant de Mgr Rouchouze et le R.P. Baty, de la Société
de Marie (6), représentant Mgr Pompailier, accord aux termes
duquel les deux vicaires apostoliques devenaient par moitié
chacun, propriétaires du navire. « J'ai fait avec Mr Maigret,
écrivait le R.P. Baty à son supérieur général, le T.R.P. Colin,
le 15 avril 1839, un arrangement qui me semblé très avantason
Dame-de-la-Paix
»
(6) Le R.P. Baty, accompagné des Pères Epalle et Petit, ainsi
Marie, étaient partis de Bordeaux
navire de commerce en septembre 1838.
un
de trois frères de la Société de
Société des
Études
Océaniennes
que
sur
—
587
—
Mgr Pompallier aura droit à la moitié des services de
goélette la « Reine-de-la-Paix », sur laquelle nous sommes,
pour le prix de 2000 piastres. Elle est toute approvisionnée et
notre voyage compris. Chacun des deux évêques pourra en
disposer comme il lui plaira pendant six mois ». (7)
geux :
la
Tandis que
le capitaine Michael Grombeck attendait à Val¬
rentrer aux Hawaii, la « Notrela mer le 27 janvier 1839 à des¬
tination des Gambier où le R.P. Maigret débarqua le 15 mars,
puis de la Nouvelle-Zélande, emmenant les Pères Baty, Epalle
(8) et Petit, ainsi que trois Frères de leur Société.
paraiso
une occasion pour
Dame-de-la-Paix » prenait
De
Papeete où le navire fit escale, le R.P. Baty écrivait au
Colin : « Nous voici arrivés à Tahiti, tous en bonne
santé... Quarante-sept jours de navigation assez lente nous ont
conduits de Valparaiso à Gambier sur la
petite goélette
Reine-de-la-Paix ». Nous débarquâmes à Akena à midi.
Quels transports dans ces îles. Les habitants avaie.iu reconnu
que ce vaisseau apportait des Pères mais un seul devait rester
avec eux, les autres devaient aller plus loin. En arrivant sur le
rivage, nous étions pressés, accablés au point de ne pouvoir
marcher. On nous appela par notre nom ; c'est une des pre¬
mières choses que l'on demande aux Gambier.
T.R.P.
«
séjour dans ce lieu où nous passâmes les fêtes
Pâques, Mgr Rouchouze était aux Marquises (9). Nous prî¬
mes
part à la douleur et à l'inquiétude des missionnaires et
du peuple. Nous avons appris (depuis lors) qu'il ne lui était
rien arrivé de fâcheux jusqu'au moment où il s'est embarqué
pour Gambier ; il est probable qu'il a dû y arriver quelques
Pendant notre
de
(7) Les extraits de la lettre du 15 avril 1839, adressée par le R.P.
Baty au T.R.P. Colin, nous ont été obligeamment communiqués par
le
R.P.
Courtais
—
S.M.
(8) Le R.P. Epalle fut massacré par les indigènes des Ile; Salomon
1845, lorsqu'il tenta de s'établir dans cet archipel qui faisait
partie du vicariat apostolique de Mélanésie et de Micronésie dont il
avait été nommé titulaire l'année précédente après son élévation à
l'épiscopat.
en
(9) Profitant de l'arrivée d'un groupe de missionnaires venant de
France, Mgr Rouchouie avait pris passage sur le navire' qui les avait
transportés depuis Valparaiso et qui continua sa route ju qu'aux Mar¬
quises où le vicaire apostolique le; installa pour renforcer l'effectif
d'une
mission
fondée
en
1838.
Société des
Études Océaniennes
—
588
—
jours après notre départ (10). A Tahiti nous avons été parfai¬
tement reçus par Mr Moerenhout
(sic) (11) actuellement con¬
sul français. Nous partirons demain 16 avril... »
De
Papeete, la
«
Notre-Dame-de-la-Paix
»
se
rendit
îles Wallis et Futuna où l'on remit aux Pères maristes de
missions fondées en 1837, les
approvisionnements
aux
ces
leur
juin elle atteignit la Baie des Iles, en
qui
étaient destinés. Le
16
Nouvelle-Zélande, but de
son
voyage.
Mgr Pompallier ne fut pas satisfait des conditions dans les¬
quelles le navire avait fait la traversée du Pacifique Sud.
Cette goélette, a-t-il écrit, (12) bien
que son tonnage fut
suffisant pour notre côte, étant enregistrée pour 40 tonneaux,
était mal construite. Elle était trop
longue et n'était pas assez
large. Les six personnes qui avaient pris place à bord me di¬
rent qu'elle avait failli chavirer en cours de
voyage. Je l'en¬
voyai avec Mr Epalle à Hokianga pour ravitailler cette station.
A son retour... j'appris qu'elle avait
manqué de peu de chavirer
de nouveau pendant qu'elle contournait le
Cap Nord. C'est
«
pourquoi je
déterminai à m'en défaire en la vendant et à en
qui conviendrait mieux aux travaux de la
Mission... Au mois de septembre, je m'en servis pour aller vi¬
siter la population de Whangaroa et de
Manganui, deux grands
ports de la côte Nord-Est à soixante-dix lieues de la Baie des
Iles... A mon retour de la Baie des Iles,
je vendis la « Reinede-la-Paix » (13) au prix que le bâtiment avait coûté et
j'enYoyai à Mgr Rouchouze (sic) la moitié de l'argent, étant donné
que la goélette appartenait pour moitié à son Excellence, et
acheter
une
me
autre
l'autre à moi.
»
Que devient par la suite le voilier. On ne sait rien de précis
ce
sujet, mais d'après une tradition orale, le pêcheur de la
Baie des Iles qui en avait fait l'acquisition aurait été assassiné
à
(10) Mgr Rouchouze revint effectivement aux Gambier peu de temps
après le départ des Pères et des Frères maristes.
(11) Il s'agit de Monsieur J.A. Moerenhout, citoyen belge, nommé
de France à Tahiti par le Commandant
Dupelit-Thouars en
consul
1838.
(12) Mgr Pompallier
Oceania
pp.
—
H.
Brett
—
—
Early History of the Catholic Church in
Auckland
—
New-Zealand
—
1888
—
57-58-60.
(13) Il est à remarquer que Mgr Pompallier, de même que R.P.
Baty, désigne le navire ainsi au lieu de « Notre-Dame-derla-Paix ».
Société des
Études
Océaniennes
—
589
—
les indigènes de Nouvelle-Zélande et son bateau brûlé ou
Ainsi se serait terminé l'existence si diverse et
si brève, puisqu'elle ne dura qu'une douzaine d'années, de la
petite goélette sur laquelle de vaillants Français, dont l'un
mourut à son bord n'avaient pas hésité à traverser de part en
part, à deux reprises, une fois d'Ouest en Est et une fois d'Est
en Ouest, l'immense étendue du plus majestueux des Océans.
par
coulé par eux.
L. JORE.
Société des
Études
Océaniennes
—
RÉFUTATION
590
—
DE QUELQUES ERREURS
e©rïeerrsemî "le Baron Chariss de
Thierry"
Une notice officielle sur Tahiti, publiée à l'occasion de
l'Exposition Coloniale de 1931, nous est récemment tombée
sous les
yeux : elle est dûe aux plumes conjointes de Monsieur
DUCET et du Docteur SASPORTAS. Cos auteurs ne sont pas
des plaisantins : le premier était un Directeur honoraire du
Ministère des
Colonies, j'ai connu le second à Tahiti vers 1925
exerçait les fonctions de médecin de colonisation. Il s'oc¬
cupait particulièrement des lépreux d'Orofara. Hommes cons¬
ciencieux et de bonne foi ils ont été trompés.
où il
Je
été
est
du
ne sais exactement à quelles sources
empoisonnées ils ont
s'abreuver, mais je la soupçonne cependant. Néanmoins il
regrettable de voir un texte quasi officiel, placé sous l'égide
Ministre des Colonies de l'époque, rempli de si grossières
erreurs.
Il nous paraît opportun, à la lumière de nos recherches per¬
sonnelles, de redresser la plupart d'entre elles : ce sera l'objet
du présent article.
*
Citons d'abord le texte
titulée très exactement
Ducet et
Sasportas
:
*r
incriminé, extrait de la Brochure in¬
:
Notice
Pages 202 et suivantes
testés
*
sur
Tahiti
: nous
—
Paris 1931.
soulignons les
passages con¬
:
En 1835 un aventurier (1) Charles Thierry qui avait usur¬
pé la personnalité (2) du neveu du fameux Valet de Chambre
de Louis XVI et pris le titre de Baron Charles de Thierry de
Ville d'Avray (3), traverse les Marquises et s'arrête dans le
groupe du Nord-Ouest. Il allait en Nouvelle-Zélande prendre
possession d'un domaine qu'il avait acheté par l'intermédiaire
d'un Missionnaire anglican, Mr Kendall, et grace auquel il
s'était adjugé (4) le titre de Roi (4) de Nouvelle-Zélande.
Cumulant les couronnes, il n'hésita pas à Taio-Haé, à se
parer aussi du titre « de Roi de Nuka-Hiva ».
Un ancien officier supérieur polonais, Fergus (5) devint son
«
officier d'ordonnance.
Le
Capitaine Jacquemot (6) passant
Société des
Études
en
Août 1835
Océaniennes
avec
les
—
corvettes
1'
Astrolade
«
»
591
et la
—
Zélée
«
»,
dans l'Archipel des
recommandation que le Baron
Charles de Thierry y avait laissée et qui était ainsi conçue :
Nous, Charles, Baron de Thierry, Chef Souverain de la
Nouvelle-Zélande, Roi de l'île de Nouka-Hiva, certifions avec
plaisir que Vavanuha, chef de Portua (?) est l'ami des Euro¬
péens et s'est toujours conduit à notre égard avec décence et
bienveillance. En conséquence de quoi nous le recommandons
aux bons
soins des navigateurs qui peuvent demeurer ici en
Marquises,
y
trouva une lettre de
sécurité.
toute
Donné à Port Charles.
(Taio Haë) Ile de Nuka-Hiva le 23
juillet 1835
Ch. Baron de
Thierry
Par le Roi
Ed.
Fergus
Aide-de-Camp.
Quand il apprit l'annexion par l'Amiral Dupetit-Thouars
des Marquises à la France, Charles s'irrita. Il était Roi de
Nuka-IIiva et cette qualité devait au moins lui valoir quelque
considération (7). Il écrivit donc à Dupetit-Thouars une lon¬
gue missive qu'il terminait ainsi : « Après m'être ruiné en
Nouvelle-Zélande, je ne vois d'autre espoir qu'en tâchant de
m'ouvrir quelques relations commerciales. Je vous prie, Mon¬
sieur le Gouverneur, dans cette vue, de m'accorder la grâce
de me donner la fourniture de bois de tous genres dont vous
pourriez avoir besoin dans vos Etablissements. Votre Excellence
peut être assurée que si cette grâce m'est accordée tous les bois
seront des meilleurs, et coupés d'après les ordres que je pour¬
Colonel
rais
en
Le
recevoir
».
Camp Fergus qui porta cette lettre à
dit l'histoire, de rentrer en Nouvelleson Seigneur et Maître. Il mourut à Pa¬
Colonel Aide de
Tahiti
(8), oublia,
Zélande, auprès de
peete (9).
Quant au
«
fut l'historien
fin (11)...
Roi de Nuka-Hiva », Mr Maurice Besson qui en
(10) n'a pu avoir de renseignement sur sa
l'Amiral Dupetit-Thouars, au cours de son voyage
navigation, prend, à son tour, possession des îles
Marquises (12) au nom de la France. Il a eu à réduire quel¬
ques petites révoltes fomentées par les déserteurs de toutes
nations, réfugiés dans cet archipel »...
En 1842
de
circum
*
Société des
*
Études
*
Océaniennes
—
592
—
J'ai souligné et marqué d'un renvoi les principaux points li¬
tigieux de cet exposé. Il me serait facile, preuves en main,
de réfuter chacune de
ces
affirmations tendancieuses. Je
ne
le
ferai
cependant pas, pour deux raisons : la première parce que
je prépare un travail d'ensemble sur le « Baron Charles de
Thierry » et je ne veux pas, par un étalage de preuves trop
éclatantes déflorer prématurément le fruit de trente ans de
recherches ; la seconde raison est que cet article serait beau¬
coup trop long et atteindrait les dimensions d'un volume et
même de deux
avec
nerai
résumer
donc
à
les ascendances de
très
mon
succintement
héros. Je
me
bor¬
les
arguments qui
s'opposent aux propositions des auteurs précités, renvoyant les
amateurs curieux, à mes divers travaux passés ou futurs.
Sur ce,
procédons tout simplement dans l'ordre de l'énoncontrouvés, marqués par des renvois numéro¬
ciation des faits
tés
:
(1).
«
aventurieur Charles Thierry
« un
Charles
comme
un
Thierry
»
aventurier
«
ne
»...
peut en aucun cas être considéré
».
Le dictionnaire Larousse donne en effet de 1' « aventurier »
définition suivante : « personnage qui recherche les aven¬
la
tures
».
L'étude de la vie de Charles de
Thierry montre qu'il s'est
toujours efforcé pour éluder l'aventure de s'appuyer sur une
puissance établie, Grande-Bretagne (1823) ; Pays-Bas (1824) ;
France enfin, de 1825 à 1839.
Ces faits
sont
corroborés par
d'innombrables pièces d'archi¬
nous possédons plusieurs
extraits écrits en Anglais et sélectionnés il y a plusieurs an¬
nées par Lindsay Buick Erudit néozélandais.
ves,
et les Mémoires de l'auteur dont
Mais
un
sans
autre
tenants
doute peut-on encore attribuer au mot aventurier
celui de personnage dont on ne connaît ni les
sens :
ni les aboutissants et vivant
d'expédients incertains
ou
douteux.
Cette définition
ry,
dont
s'applique pas davantage à Charles Thier¬
réussi, à la suite d'une longue étude, à
tous les ancêtres depuis trois siècles et
tous les collatéraux.
ne
nous avons
retrouver à peu près
presque
Cette étude
nous
a
révélé que cette
famille Thierry avait de
parmi lesquelles nous nous con¬
l'instant : 1°) le célèbre chevalier Sa-
nombreuses alliances illustres
tenterons
de
citer, pour
Société des
Études
Océaniennes
593
—
muel
—
Bernard
(1), futur Comte de Coubert, grand argentier
XIV, et partant toute sa descendance tant légitime
qu'illégitime, qu'elle soit issue de l'humble Madeleine Clergeau,
ou
de Laitière Pauline Félicité de Saint Chamans, ou encore
de la belle Madame de Fontaine, née Dancourt (2).
de Louis
Cette
descendance
est
nombreuse
et
brillante.
On
peut y
des
Lamoignon et Molé ; des Crussol, Faudoas, Clermont-Tonnerre ; de Chabannes, Boulainvilliers, Cossé-Brissac,
Mirepoix...
Et aussi par la charmante Madame de Fontaine, des Dupin,
de Chenonceaux, et de Rochefort, des Paneau d'Arty, des Vallet de Latouche, alias de « Villeneuve ».
trouver
2°) Par un autre côté l'illustre Dancourt, auteur et acteur
célèbre du Siècle de Louis XIV, tenant le milieu entre Molière
Marivaux, mort
Courcelles-le-Roy...
et
presque en
odeur de sainteté, Seigneur de
3°) Puis le fameux Général de Guibert, le grand tacticien
Siècle, le fameux amant de Julie de Lespinasse,
du XVIIIème
le familier des salons de Mesdames du Deffand et Geoffrin...
le lecteur favori de la Reine Marie-Antoinette...
4°) On peut aussi facilement relever des alliances Thierry(3), Thierry-Montalembert (4). Nous ne ferons pas
au lecteur l'injure de croire qu'il
ignore ces nobles et illustres
familles, l'une fameuse dans les Annales du Parlement, l'autre
de très ancienne noblesse, mais passée aux colonies, redevenue
récemment d'actualité, par une alliance avec un officier de Ma¬
rine fils d'un général dont on a beaucoup parlé...
Chauvelin
Quant
aux ressources
de notre héros elles sont bien
connues
également : d'abord soutien de banques étrangères opulentes,
prêts de certains parents, ou personnalités notoires, reliquats de
la fortune personnelle de sa femme née Rudge, fille d'un ri¬
che prélat de l'Eglise Anglicane ; puis aussi fruits de ses tra¬
vaux
divers, concerts, activités artisanales, vente des produits
(1) L'énorme fortune du Juif Samuel Bernard fut ternie
Moreau (Souvenirs. Tome I, p. 40).
par
deux
faillites...
(2)
P.
Cte de Clermont Tonnerre. Samuel Bernard et
1914. et Cte
de Villeneuve
:
ses
Le Portefeuille de Madame
enfants.
Dupin.
(3) Chaix d'Est Ange. Généalogies françaises, et Moreau Tome I
(41, 250).
(4) Grand Armoriai, la Chesnave-Desbois, Saint Allais et tous autrei.
Société des
Études Océaniennes
—
de
ses
terres, indemnité de
sorales enfin.
Dans tout cet
594
—
gérance de consulat, leçons profes¬
ensemble, rien
—
le voit tout
on
frise le moindrement l'aventure.
du
(2) et (3). Charles Thierry aurait
neveu
«r
net
—
qui
usurpé la personnalité
XVI, et pris
du fameux valet de chambre de Louis
le titre de Baron Charles de
Thierry de Ville d'Avray ».
propositions relèvent de la calomnie gratuite, ou
de la démence la plus pure.
Charles Thierry n'a usurpé
aucune personnalité : il s'est
Ces deux
borné à
Nous
la sienne propre.
conserver
beaucoup de difficultés à établir ses liens de
d'autres branches Thierry, en particulier avec la
branche qui a donné naissance aux
Thierry de Ville d'Avray,
créés barons de Ville
d'Avray par Louis XVI (Lettres Patentes
de 1784, enregistrées 1785).
Mais notre héros ne s'est jamais, au grand jamais,
targué
du titre usurpé de Baron de Thierry de Ville
d'Avray.
parenté
avons
eu
avec
Il faut avoir été un «
chroniqueur colonial parfaitement
ignare, pour avoir pu confondre Charles Thierry de Laville,
père de notre héros, avec Thierry, Premier Valet de Chambre
de Louis XVI, Baron de Ville
d'Avray, ou plus généralement
les Thierry de Laville, devenus par simplification et raccourcis¬
sement de
Thierry, avec les Thierry de Ville d'Avray, branche
toute différente, de la même famile
Thierry.
Quant au titre de Baron « usurpé » par notre héros il ne
s'agit nullement du titre octroyé en 1784 à la branche illus¬
trée par le Premier Valet de Chambre de Louis
XVI, mais
d'un titre de Baron de Saint-Baussant,
octroyé par le Duc
Charles de Lorraine à une famille
Thierry, de Lorraine, en
1723, avec érection de trois seigneuries de Saint-Baussant, Seicheprey et Rambucourt, possédées par cette famille, en baronnie de Saint-Baussant (Lettres de Patentes de
1723).
Il faut d'ailleurs noter
que Jean Baptiste Thierry, Conseil¬
ler à la Cour des Grands Jours,
premier Baron de SaintBaussant, n'est pas l'aîné de cette famille Thierry. Il est pré¬
cédé par des Thierry dits « de
Languibert », dont, à la suite
d'alliances diverses, on a perdu la trace.
Les mâles
de Saint
a
de
la
Baussant
été relevé
branche
»
se
propriétaire du titre de « Baron
éteints très rapidement. Le titre
ou à raison, par les de Faillonnet,
sont
alors, à tort
Société des
Études
Océaniennes
595
—
—
descendants d'une Demoiselle
Thierry de cette même branche
(titre de Saint Empire transmissible par les femmes ?). Cette
dernière
titre
branche
s'est
définitivement
éteinte
vers
1920.
Le
expiré chez les Gillet de la Renommière où il avait été
a
porté.
Normalement le titre eut dû passer par les mâles aux frères
puinés de Jean-Baptiste, puis à leurs descendants. Le dernier
d'entre eux étant entré dans les ordres vers 1832, le titre de
Baron de Saint Baussant se trouvait, en fait, en déshérence,
et partant sans titulaire...
Il n'est pas
absolument prouvé, mais il n'est pas impossible
les ancêtres de Charles de Thierry ne fussent
issus de cette même famille Thierry dite de la Réauté (1606),
dont une branche est devenue par la suite Baron de Saint Baus¬
sant. Mais ils étaient tous Thierry de Saint-Baussant depuis
1640, date de l'entrée de la Seigneurie « de Saint Baussant »
d'admettre que
dans cette famille.
Nos
Thierry, — ceux qui nous intéressent — avaient émigré
Grande-Bretagne peu après la Révoiution, en 1794 exacte¬
en
ment.
Peu
fait de leur
au
lointaine ascendance lorraine, ils
savaient
cependant qu'il n'y avait plus d'héritiers mâles dans
famille, susceptibles de porter le titre de Baron de Saint-
cette
Baussant.
Par
sentiment
un
de famille honorable... mais peut-être
exagéré, ils ont alors, faute d'autres héritiers, ar¬
tantinet
un
boré
ce
titre
Saint
cence
...
...
héros, du moins,
En cherchant
cile
de Baron
et de Baron
sans
nom
de terres,
s'est jamais dit « Baron de
Baussant », en somme titre de pure courtoisie, réminis¬
d'un passé ancestral glorieux ou du moins honorable.
notre
car
de
ne
peu autour de nous, ne serait-il pas fa¬
maintes « usurpations » de même nature,
un
trouver
familles, où du Marquis
au
Vicomte
o.i trouve
des Comtes à
dormir debout !
En
somme
péché véniel... A tout péché miséricorde !
(4). Il s'était adjugé le titre de
De nouveau,
Jamais
il s'agit là d'une
Charles
Nouvelle-Zélande
de
Thierry
«•
Roi de Nouvelle-Zélande
calomnie.
s'est proclamé
pure
ne
«:
Roi de
».
Charles
de
».
Thierry s'est simplement appelé « Chef Souverain »
Nouvelle-Zélande, c'est-à-dire l'un des Chefs, parmi tous
Société des
Études
Océaniennes
—
les chefs de
596
—
Tribus, chef souverain,
en
l'absence de toute autre
autorité établie.
Pour bien
comprendre cette expression il faut se référer aux
verra avec
quels scrupules et après
quelles pressions il consentit à adopter ce titre, faute d'autre
appellation plus adéquate.
Il est bon également de se rappeler qu'à
l'époque où il adop¬
ta ce titre
(1835) la Nouvelle-Zélande était encore un « no
man's land », ne relevant d'aucune puissance
étrangère, et que
possesseur d'un terrain suffisamment grand était en droit de
se
proclamer, faute d'autorité légale établie, chef ou Souverain,
ou
Souverain-Chef, de son territoire. C'était précisément le cas
de Thierry.
Mémoires de l'auteur. On
Il est exact, par
contre,
que
notre héros,
en
accord
avec
populations des cinq vallées convergeant à Taio Haë s'était
clamé
Roi
les
pro¬
Nuka-Hiva en 1835. Il avait manifesté son
non seulement
par la lettre citée mais par
de possession régulière (1) et la nomination d'un
de
action de souverain
prise
Capitaine de Port (2) à Taio Haë, chargé de percevoir certai¬
une
nes
taxes.
(5). Un officier supérieur polonais « Fergus ».
Fergus fut effectivement un ancien
(voir mon travail sur Fergus paru
Il n'est pas certain
que
officier supérieur polonais,
dans Bulletin S.E.O.
n°
105 de décembre 1953.
(6). Le Capitaine Jacquemot...
Simple « coquille ». Il faut lire : Jacquinot...
•
(7). Il était Roi de Nulca Hiva : entièrement faux.
On
ignore généralement
droits de Souveraineté
deux
sur
que Charles Thierry avait
Nuka Iliva, le 24 janvier
cédé ses
1842, à
Belges, les frères Lacour, contre deux allotements de
terrains
situés
à
Kokororeka
et
le droit éventuel d'obtenir
à
Nuka
Iliva, un terrain de mille acres de terres agricoles
quand la population blanche de Taio Haë atteindrait 1500
âmes. (Voir aux Manuscrits de la
Bibliothèque Nntiojiale.
(8). Le Colonel aide de camp Fergus qui porta cette lettre
à Tahiti oublia de revenir.
Tout à fait faux !
(1) American Records Vol. 11, Library of Congress Washington.
(2) Copie de cet acte se trouve dans Brett's Historial Series
Early New Zealand page 466.
Société des
Études
Océaniennes
—
—
597
—
Les auteurs ont ignoré que Fergus avait quitté son chef en
Décembre 1835. De Tahiti il était parti pour Valparaiso. Voir
les Mémoires de Charles
Thierry.
Thierry ne revit plus jamais Fergus, ni ne reçut de lettres
de lui. (Voir Historial Narrative, ou Mémoires). On 11e sait
exactement ce que devint Fergus pendant plusieurs années, de
1836 à 1842. Peut-être guerroye-t-il au Chili ou dans quelque
autre république de l'Amérique du Sud, telle la Colombie.
Peut-être trouve-t-il un modeste emploi, en rapport avec
ses capacités,
au Chili où il avait des compatriotes. Un fait
est certain : on le retrouve à Tahiti, en qualité d'interprète
officiel de l'Amiral Bruat, en 1846.
Ce qui implique qu'il avait dû revenir à Tahiti vers 1842
1843.
ou
(9). Il est mort à Papeete.
Oui ; une rue
où se trouvait son domicile a longtemps été
baptisée de son nom...
(10). Maurice Besson qui en fut V « historien ».
Ce qualificatif est usurpé. Mettons « chroniqueur » et encore
faut-il ajouter « infidèle, et léger ». Son récit est rempli
d'erreurs grossières. Il confond le père et le fils !
(11). Maurice Besson n'a pu avoir de renseignements sur
sa fin
(de Thierry).
Il aurait suffi qu'il s'adressât à l'état-civil d'Auckland
Charles Thierry y est décédé le 6 Juillet 1864, d'une attaque
de paralysie.
Du moins est-il heureux qu'il n'ait pas poussé la naïveté jus¬
qu'à l'avoir fait mourir dans le chaudron des cannibales, com¬
me certains auteurs, tels Manguin (1), ou l'historien belge de
Bivibure l'ont fait.
(12). L'Amiral Dupetit-Thouars prit possession des Mar¬
quises (Mai 1842).
J'ai relaté cette prise de possession dans mon travail inti¬
tulé « Rétrospective des Pavillons Océaniens ». Bulletin S.E.O.,
115.
n°
Voir
aussi les
Mémoires de l'Amiral
Dupetit-Thouars. VinDesgraz. Les Marquises.
Polynésiens orientaux au contact de la civilisation,
cendon Dumoulin et
Caillot. Les
etc.
(1) Manguin
—
Journal d'un Baleinier, publié
au
Société des Études Océaniennes
Havre
vers
1938.
—
On
598
—
demander, en toute équité, sur le plan de la
droits de la France étaient plus fondés que
ceux
antérieurs de sept ans, et appuyés d'un
embryon d'occupation effective.
peut
se
pure, si les
de Thierry,
logique
*
Certains lecteurs de
■!:
%
Bulletin
peut-être intéressés
la petite découverte suivante sur les origines présumées
Thierry.
Contrairement à ce qu'écrit le Grand Armoriai (édition
1952-53), nous sommes arrivés à la conviction absolue que les
origines réelles de la branche qui nous intéresse ne sont pas
conformes à ce que contient cet ouvrage.
D'après le Grand Armoriai, le grand-père de notre héros
serait un certain Robert, l'un des fils de Jean-Baptiste Thierry,
Baron de Saint Baussant (LP 1723).
Or nous possédons la copie des lettres patentes de 1723. On
y parle des quatre fils de Jean Baptiste. Nous les connaissons
nommément. Il n'y a parmi eux aucun Robert.
Alors on peut imaginer que ce Robert est né, postérieurement
à 1723. Malheureusement nous possédons copie de la succession
Thierry effectuée en 1744. On n'y trouve non plus aucun Ro¬
bert et le nombre des têtes reste toujours fixé à quatre. Donc
pas de naissance nouvelle au-delà de 1723.
Bien plus, ni les descendants de cette famille, ni aucun
des érudits locaux consultés n'ont jamais entendu parier du
ce
seront
par
des
dit Robert.
On
peut donc admettre que cette généalogie est inexacte.
La réalité
En
ciers
parait toute différente.
fait, les Thierry appartiennent à une famille «r d'offi¬
»
de la Bouch'e du Roi, fixée en Ile-de-France dès 1638.
J'ai
retrouvé
deux
auteurs
communs
aux
deux
branches
Thierry devenues l'une Thierry dite par moi des Landes, car
fixée dans cette région à la suite d'alliances, et Thierry deve¬
nue
Thierry de Ville d'Avray.
La séparation de ces deux branches remonte à la im du
XVIIème Siècle
ou
au
début du XVITIème Siècle.
Les
Thierry (dits des Landes) branche aînée se sont divisés
en
plusieurs rameaux parallèles vers 1700, tous
issus de Antoine Thierry (1668-1745), écuyer, officier de la
Bouche du Roy.
eux-mêmes
Société des
Études
Océaniennes
—
Le
premier
Il existe
a
encore
599
—
rameau dit « Thierry des Landes ».
actuellement dans les Landes et à Paris (1956).
continué le
Le second et le troisième ont donné naissance à deux autres
Thierry dont on perd la trace en 1698 et 1703, date
de naissance de chacun de leurs auteurs, ou plutôt une vingtai¬
ne d'années
après leur naissance, c'est-à-dire vers 1718 et 1723,
rameaux
date
les
présumée de leurs alliances respectives avec des Demoisel¬
N..,, Dupiessy et Descourbons.
Le
quatrième rameau a changé de nom : il était représenté
fille qui a épousé un certain Biot, aussi officier de la
par une
Maison du
Mais
Roy.
la
génération précédente, une Demoiselle Thierry
son mariage avec un Sieur Chassin,
écuyer, un fils, que l'on retrouve par la suite comme officier
coioiiial à La Louisiane, puis au Canada.
Il était le cousin germain des Thierry nés en 16^6 et 1703.
Par ailleurs, j'ai acquis
(par la consultation d'Archives
de famille en Grande-Bretagne — 1956) la certitude que le
père de Charles Antoine, c'est-à-dire le fameux Robert était
à
avait eu,
à la suite de
né à Boston.
De cette découverte il
résulte,
ou
du moins il est très vrai¬
semblable d'admettre que certains Thierry, soit sous l'influence
de leur cousin officier colonial étabii à l'Ile Royale, soit pour
d'autres
raisons
de
circonstances,
et
l'appel de l'aventure,
étaient, eux aussi, passés au Canada, et de-ià, à la Nouvelle Angleterre, après 1713 (Traité d'Utrecht).
qui expliquerait la naissance de Robert à Boston...
non précisée... mais voisine de 1719... Cette famille
est rentrée en France par ia suite.
Ce Robert a été Avocat au Parlement de Paris, jusqu'en
1754. Il a épousé, vers 1754, une Demoiselle de Lavaux, de
Saint-Amant ( ?).
C'est
à
une
Il
ce
date
a
eu
au
moins trois enfants
:
Antoine (1755) né à Paris, François-Gaspard, né
(1766) et un certain Joseph, sur lequel on n'a aucun
renseignement. On l'a dit officier (?) et émigré (?).
Robert habite en 1766 Rue Saint Jacques du Haut Pas et
est dit Bourgeois de Paris.
Charles Antoine, père de notre héros, contrairement à ce
qu'on écrit à peu près partout a été capitaine de la Marine
Marchande. Sur son contrat de mariage (1788), dont nous posCharles
à
Paris
Société des Études Océaniennes
—
sédons la
600
—
photocopie, il s'intitule
Ancien Capitaine de Vais¬
:
seau.
Il
dû
a
ricaine
participer à la
sur
un
campagne de l'Indépendance Amé¬
navire de la Flotte de Beaumarchais. Son
père
était alors
embarqué,
ligure pas
Roderigue
sur
sans doute comme subrécargue, car il ne
la liste de l'Etat-Major du navire, sur le «Fier
», ex « Hippopotame » de la Marine Royale, réar¬
mé à Rochefort pour les besoins de la cause Américaine. Ce
Bâtiment a pris une part glorieuse, sous l'Amiral
d'Estaing au
combat de la Grenade (...), au cours
duquel son Capitaine, le
brave de Montant fut tué.
Robert
et son épouse étaient décédés avant
octobre 1788, date
mariage de Charles Antoine à Paris.
du
Charles Antoine
séjour
aux
il mourut
émigra à la Révolution et après un court
Pays-Bas (1791-94) passa en Grande-Bretagne où
en
1826.
François Gaspard,
lution
et
fit
une
frère, embrassa le parti de la Révo¬
carrière militaire qu'il acheva
Gendarmerie, après avoir été le brillant
son
honorable
comme
Colonel de
Colonel du 9ème Housards. Il est mort à l'Hôtel des Invalides
en 1848. Il avait été fait
prisonnier à Badajoz, pendant la guer¬
re
d'Espagne, et envoyé à Plymouth, d'où il
1814.
Par
ne
revint qu'en
mariage en 1797 avec Mademoiselle Romarine Hen¬
Falletans, fille du Marquis de ce nom, il se trouvait
ailié avec quelques-unes des plus grandes
familles de France,
en
particulier avec les de Saint Pierre, Langeron (alliés aux
Damas), Saulx-Tavannes, Bourbon-Busset ; ou d'Alsace : de
Klinglin. Ces superbes alliances ne sont pas celles rencontrées
généralement dans des familles « d'aventuriers ».
son
riette de
Charles
Antoine
Thierry de Laville, avait eu huit enfants
bas âge, à l'étranger.
Notre héros Charles Philippe Hippolyte, propre filleul du
Comte d'Artois (ce parrainage est authentifié par la correspon¬
dance du Duc de Richelieu, Président du Conseil). — Ce
n'est
pas non plus le fait d'un aventurier — était son fils aîné.
Il était précédé d'une sœur Caroline, laquelle de son union
dont deux morts
avec
en
le Vicomte de Frotté, laissa
descendance retrouvée
une
principalement
fille, d'où une nombreuse
au Portugal et aux U.S.A.
Ce Vicomte de Frotté était le
propre
Général
Royaliste assassiné
Société des
en
1800
Études
par
demi-frère du célèbre
la Police de Bonaparte.
Océaniennes
—
601
—
Ceite alliance n'est pas non plus le
luriers. Kile recevait une pension
fait d'une famille d'avendu Gouverneur Britanni¬
que. Son mari avait été « Captain Pay-Master » dans un ré¬
giment au service de la Grande-Bretagne au cours de la guerre
reu
insulaire.
Nous connaissons presque
parfaitement toute la descendance
Tnierry dit « des Estivaux ». Nous ne pouvons
nous
apesantir présentement sur ce sujet. Mais qu'il nous soit
permis de révéler qu'elle s'étend de la Grande-Bretagne (Pa_,s
de Galle et Sussex)
jusqu'à la Nouvelle-Zélande, en passant
par l'Australie
(Freemantle et Melbourne), les Etats-Unis,
l'Italie, l'Allemagne, le Portugal, la France et l'Argentine,
et peut-être le Maroc.
J'ai personnellement retrouvé à Paris, en i950, une arrière
petite fille céiinaiaire de notre héros : elle était d'origine hon¬
groise, naturalisée française depuis quelques dizaines d'années.
En 1956, elle vivait toujours à Paris. Mais ceci est une autre
de Robert
de
histoire.
*
*
*
Je pense que ces modestes rectifications pourront contribuer
une idée nouvelle de la famille Thierry, d'une origine
à donner
certainement noble et ancienne
(ils étaient écuyers de père
en
fils) de
par l'exercice de leurs charges auprès de nos Rois, ou
de nos Princes du sang. Ils se rattachent, peut-être aux Thierry
dits de Saint Baussant (Lorraine) à partir de 1640, date à la¬
quelle le fief de Saint-Baussant a été acheté par un de leurs
ancêtres, et au-delà des Thierry de Saint Baussant, aux Thierry
de Waltz, déjà anoblis par l'Empereur Rodolphe, dès 160.1.
J'ai oublié de dire que
du côté maternel la branche Thierry
laquelle appartient notre héros, se rattache à deux grandes
familles de comédiens, les uns de la troupe de l'Hôtel de Bour¬
gogne, devenus Comédiens du Roy, et les autres, de la Troupe
Italienne des Comédiens du Roy. Nous voulons parler, d'une
part, de Le Noir de la Thorillère, bon gentilhomme, ancien
Mestre de camp, monté sur les planches, à l'instar du Capita ine
Fracasse, acteur et auteur dans la propre troupe de Molière,
et d'autre part
de Catherine Biancolleli (1), son épouse, la
à
délicieuse
nom
Colombiae de
francisé de
la Comédie Italienne
Beaucotelle
connue
sous
le
(1) l'on retrouve deux frères de
(1) Jal. Dictionnaire Biographique.
Société des Études Océaniennes
—
602
—
Catherine ; l'un, Philippe (né 1677), Commissaire de la
Marine, Ordonnateur du Roy à Léogane, Membre du Conseil
Souverain de Saint
Domingue ; l'autre Louis (né 1666), Ingé¬
nieur Militaire, Directeur des Fortifications de
Provence, mort
sur le
point d'être promu officier générai. Ce dernier était le
propre filleul de S.M. Louis XIV (1). Rien non plus qui sente
de près ou de loin, « l'aventurier » dans cette famille...
cette
Cette ascendance à la fois militaire
et
balladine, peut, dans
expliquer le caractère essen¬
tiellement combatif, nomade, et aventureux de la
plupart des
Thierry.
une
certaine
mesure
contribuer à
Cdt J. COTTEZ'
Capitaine de Frégate (R)
BIBLIOGRAPHIE
On
:
pardonnera de ne pas citer nos sources : elles sont
et représentent de
longues années de recherches
dans le monde entier,
principalement en Australie, NouvelleZélande, Grande-Bretagne, Italie, Portugal, U.S.A. ; la lecture
'd'un très grand nombre de livres sur la
période de Louis XV,
Louis XVI, Révolution, Empire, Restauration ; au bas mot
plus de trois cent mille pages, sans parler de multiples corres¬
pondances avec les Services Historiques de l'Armée et de la
Marine, les Archives Nationales et de la F.O.M., la Bibliothèque
Nationale, les Archivistes Départementaux et de tous nos ports,
nous
innombrables
etc...
Que tous
correspondants bénévoles, ainsi que Madame
collaboratrice, John Barr, Cheef Librai ian
de la Public Auckland
Library, Miss E. Hall d'Auckland,
Mr Laroche (1) et-Melle Morel
(2), veuillent bien trouver ici,
i'expression de notre très vive et sincère reconnaissance.
ces
Picault notre
dévouée
(1) Chef du Service des Archives de
(2) Archiviste
au
la
F.O.M., à Paris.
Service Historique de la Marine,
NOTA.— Le schéma
n'ayant
dans le
à Fa is.
généalogique accompagnant cet article,
des raisons techniques, être publié ici, le sera
prochain bulletin.
pu, pour
Société des
Études
Océaniennes
Les
articles
,l'auteur
la
à
publiés, dans le Bulletin, exceptés ceux dont
ses droits, peuvent être traduits et reproduits,
expresse que l'origine et l'auteur en seront
réservé
a
condition
mentionnés.
Toutes communications relatives
la
Société,
être
doivent
adressées
au
Bulletin,
au
Musée
au
Président.
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Boîte
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110,
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Pour tout achat de
s'adresser
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Bulletins, échange ou donation de livrés,
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Musée, Boîte 110, Papeete.
Le Bulletin est
Prix de
ce
envoyé gratuitement à tous
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Membres.
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pays
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.
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français
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4 dollars
Soiiscriplioii Unique.
Membre à vie réaidant
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ou
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ses
colonies,
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Membre à vie résidant
ou
Avantages de
somme
ment
1»
Le
versée
l'Etranger, 15 livres sterling
Bulletin
faire recevoir' Membre à vie pour cette
fois pour toutes. (Article 24 du Règle¬
Biilletins N° 17 et N° 29).
se
une
Intérieur.
même il cesserait
continuera à lui être adressé, quand
d'être Membre résidant à Tahiti.
Le Membre à vie n'a
2»
du
à
40 dollars.
paiement de
sa
bien
plus à se préoccuper de l'envoi
cotisation annuelle, c'est une dépense et
ou
un
souci de moins.
En
conséquence : Dans leur intérêt et celui de la Socié¬
té, sont invités à devenir Membre à vie :
TOUS CEUX
qui, résidant hors de Tahiti, désirent recevoir
le Bulletin.
TOUS LES Jeunes Membres de la Société.
TOUS
même.
CEUX
qui, quittant Tahiti, s'y intéressent quand
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 116