B98735210103_115.pdf
- Texte
-
B "LJ X_,L E T X rsr
DE
LA
SOCIÉTÉ DES ÉTUDES OCÉANIENNES
N°
115
-
TOME
JUIN
Anthropologie
—
X
(N° 2)
1956
Ethnologie
—
Philologu.
wwvwvwvww\
Histoire
—
des
et
Institutions
populations
Antiquités
maories
Littérature et Folklore.
Astronomie
PAPEEETE
—
Océanographie
—
IMPRIMERIE
—
Sciences naturelles.
DU
GOUVERNEMENT
CONSEIL
D'ADMINISTRATION
Président
M. H.
Vice-Président
M. Rey-Lescure.
Secrétaire-Archiviste
M?11" Laguesse.
jacquier.
Trésorier
Ai. Liauzun.
Assesseur.
M. le Com1 Paucellier.
.Assessi-iir
M.
Rudolphe Bambridge.
M. Terai Bredin.
Assesseur
Assesseur
M. Martial Iorss.
Assesseur
M. Siméon KraUSER.
Assesseur
M. Yves Malardé.
becretaire-Bibliothécaire du Musée M"e Natua.
Pour être reçu Membre
membre titulaire.
de la Société
se
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Le Bureau de la Société informe ses Membres que dé¬
sormais ils peuvent emporter à domicile certains livres de
la Bibliothèque en signant une reconnaissance de dette en
cas
où ils
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rendraient pas
le livre emprunté à la date
fixée.
Le Bibliothécaire
La
et à
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Bibliothèque est ouverte aux membres de la Société
leurs invités tousles jours, de 14 à 17 heures, sauf le
Dimanche.
La salle de lecture est ouverte
de 14
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au
public tous les jours
heures
17
MUSÉE.
Le Musee
est ouvert tous les
jours, sauf le lundi de 14 à 17 h.
jours d'arrivée et de départ des courriers : de 9 à 11 et de 14
17 h.
Les
à
LE BULLETIN
Le Bureau de l'a Société accepte l'impression de tous les ai ticles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
epouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien les
commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls, en
prennent toute la responsabilité.
Aux lecteurs de former leur appréciation.
Le Bulletin
ne
lait pas
de publicité.
La Rédaction.
BULLETIN
de
la
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
-
—
TOME X
iVo
I 15.-
(N« 2)
J U I IV
I »56
SOMMAIRE
Pages
Histoire locale.
Les
"informations" du Messager de Tahiti en
531
1857 ( J.L. I
Histoire.
La mort de
Vehiatua (Rey
Lescure)
Rétrospective des pavillons
(Commandant J. Cottez).
538
océaniens (suite),
543
Navigation
de l'expédition archéologique de Thor
Heyerdahl à l'île de Pâques (Paul Adam)
A propos
565
Divers.
Dons
572
Errata
572
Société des
Études
Océaniennes
S
'
Société des
Études
Océaniennes
Les "Informations" du
Messager de Tahiti de 1857
( suite )
RETOUR DE M. LE GOUVERNEUR DU ROUZET.
Lundi dernier 29 décembre 1856, le
sémaphore a enfin si¬
gnalé la corvette l'Euridyce, que nous attendions depuis si long¬
temps : M. le Gouverneur du Bouzet était à bord. Retenu au
large par des brises variables et du calme, l'Euridyce n'a pu
rentrer en rade
que vers quatre heures, remorquée par le Styx.
Depuis trois heures et demie les troupes étaient sous les armes
les divers officiers et fonctionnaires de la colonie et de la
division navale, en grande tenue,
pour recevoir M. le Gouverneur
avec les honneurs dûs à son
rang. Au moment où il a
et
corvette, il
a
été tiré par elle
quitté la
salve de 15 coups de canon,
les vergues, à bord de tous les
une
les hommes étaient rangés sur
bâtiments de la subdivision et ont salué au
passage du canot
du cri de « Vive l'Empereur ». M. le Gouverneur a
débarqué
à la cale de la trentième où il a été
reçu par M. le commandant
particulier, commissaire impérial p.i. à la tête de
tous les offi¬
ciers et des membres du tribunal de commerce. A ce moment
la batterie de campagne a fait une salve de 15
coups de canon
et les
troupes qui faisaient la haie
depuis le débarcadère jus¬
qu'à la grille de l'hôtel du gouvernement, ont présenté les armes
et les tambours ont battu aux
champs, M. le Gouverneur est
descendu accompagné de MM. Pichon,
capitaine de vaisseau
commandant l'Euridyce, le comte Pouget, capitaine de
frégate,
commandant particulier, Didot, lieutenant de vaisseau, son aide
de camp et Bourdais, aide-commissaire,
son secrétaire.
Jeudi dernier 1er janvier M. le Gouverneur a
reçu tous les
officiers et employés civils et militaires de la colonie et de la
division ; il s'est ensuite rendu chez S.M. la Reine
accompagné
de tous. Le soir il y a eu
réception à l'hôtel du gouvernement :
S.M. la Reine et son époux Arii Faaite
y ont assisté.
HALAGE
DU
BALEINIER AMERICAIN
JHIEFFIELD.
Il s'est récemment fait à Parse:: al de
Papeete, sous
tion de M. Raphaël, enseigne de vaisseau, une
la direc¬
opération des
de précédent à
plus difficultueuses et qui n'a pas encore eu
Tahiti. La réparation du baleinier américain de
Jhieffield,
579 tonneaux
Green.
Maltraité par les glaces dans la dernière saison de la
pêche.
cap.
Société des
Études
Océaniennes
—
532
—
navire avait perdu son taille-mer et presque tout son cuivre,
s'agissait donc de réparations importantes. Faute de bassin,
il dut être monté s,ur la cale de ha! age de manière à être suf¬
fisamment déjaugé. Cette opération, aussitôt le navire présenté
sur ses chantiers et dressé en bonne direction, s'est faite rapi¬
dement sous la traction de la machine dont la force peut traîner
un poids de
4500 kilos.
Il n'en a pas été de même du lancement qui a été pénible et
pour lequel à deux reprises différentes, il a fallu, attendant _
l'heure de la haute mer, employer de grands moyens et déployer
de grandes forces, mais aussi, il est juste de le dire, les condi¬
tions qui avaient été demandées n'ont pas été remplies exacte¬
ce
il
ment, notamment
celle du tirant d'eau de l'avant, la
plus im¬
réussite
et faute
de laquelle dépendait entièrement la
de l'opération. Le tirant d'eau devait être de 2 m 50
d'avoir suffisamment déchargé le navire il se trouvait
de 2
90
portante de toutes et
m
au
moment du
halage.
Quoiqu'il en soit, le baleinier américain, le Jhieffield, un des
plus forts qui naviguent dans ces mers, a commodément réparé
ses avaries sur le berceau et les bâtiments auxquels il en arri¬
lesquels un abattage en carène ins¬
pirerait quelques craintes trouveront à se réparer sur cale tout
aussi commodément que vient de le faire un navire de 579 ton¬
verait de semblables et pour
neaux.
UN
«
BAL
FRANÇAIS
».
Dimanche dernier la salle de
théâtre de M. Martin avait com¬
plètement changé d'aspect et de caractère.
Ce n'était plus pour
applaudir nos artistes qu'une grande partie de la population
Européenne et Tahitienne se précipitait dans l'enclos d'Ariipaia,
c'était tout simplement pour assister à un bal français.
Faute d'être versées suffisamment dans la science chorégra¬
phique les femmes Tahitiennes ont hésité un moment ; mais en¬
traînées par les valses et les quadrilles de Strauss elles se sont
élancées dans la salle et aidées de quelques fonctionnaires et
résidents qui avaient bien voulu se prêter à la circonstance,
elles en surent bientôt autant que les professeurs.
pendant la soirée qui s'est prolongée
jusqu'à 8 h 1/2 la population n'est pas sortie un seul instant
des bornes de la convenance la plus parfaite. Le goût qu'elle a
pris à ce plaisir nouveau leur a fait regretter de ne pouvoir
Il est à constater que
continuer
plus longtemps.
Société des
Études
Océaniennes
533
—
COURONNEMENT DE
—
TÀMATOA, FILS DE S.M. LA REINE
POMARE.
Jeudi dernier 12 du courant, le Styx a quitté la rade de Pa¬
peete faisant voiles vers les îles sous-le-vent. Il avait à son
bord, accompagnée de sa famille et d'une suite nombreuse,
S.M. la Reine Pomare,
au
de
couronnement
cette
île.
Le
qui se rendait à Raiatea pour assister
jeune fils Tamatoa, adopté par le roi
départ de S.M. a été salué de 21 coups de
de
son
canon.
On
écrit de Raiatea
Pendant
quelques jours notre île
de Borabora, Huahine, Maupiti, Moorea et Tahiti se pressaient à l'envi dans notre
grand villlage. La Reine Pomare, apportant de son contact avec
les Français, quelques idées civilisatrices, occupait son monde
nous
est sortie de
son
:
silence habituel. Les gens
à tracer des routes autour de
sa
demeure. Les indiens tiraient
des écorces d'arbres leurs vêtements de fête
aux dessins si
pri¬
fabriquaient des chapeaux bariolés de brillantes cou¬
leurs et confectionnés suivant le délire d'une imagination origi¬
nale et burlesque qui n'excluait ni la grâce ni la légèreté. De
tous les côtés arrivaient des amas de vivres qui rappelaient les
préparatifs gigantesques des temps homériques.
mitifs,
ou
Partout à terre, le bruit, la foule, les rires mêlés à. de vives
causeries et souvent à des
provocations de plus d'un genre, in¬
joie, tandis que sur rade les pirogues ainsi que les
baleinières, allant, venant, luttant de vitesse, animaient la
scène couronnée par une brillante verdure, çà et là parsemée
de gracieux bouquets de cocotiers aux mobiles éventails.
La goélette l'Hydrographe d'abord, l'aviso à vapeur le Milan
ensuite, sont venus donner à ce tableau un relief un peu plus
grandiose. Ces deux navires étaient envoyés par M. le Comte
Pouget, Commissaire impérial p.i. à Tahiti, à l'occasion du
couronnement de Tamatoa, fils de la reine Pomare.
vitaient à la
Le 19 août à 1 h de
l'après-midi, la procession partait de la
rendre au temple, elle marchait dans
résidence royale pour se
l'ordre suivant :
M. le
capitaine Vallès comme représentant du Gouvernement
français de Tahiti et M. Chisholm comme consul de S.M.B..
précédés des pavillons de leur nation ; MM. les résidents fran¬
çais, anglais, américains, etc...
Ariipeu, portant le code,
Ariitahia, portant l'épée de l'état,
Société des
Études
Océaniennes
—
534
—
Révérend John Barff, portant la bible,
Maheanuu, portant le sceptre,
Révérend Charles Barff, ministre officiant,
Roi, marchant sous un dais porté par 6 homme:-, ayant, à
chaque côté, six gardes armés de lances et i'épée au bras,
Les familles royales,
Les principaux Gouverneurs,
Le
Les chefs
Les
Les
La
subordonnés,
juges et officiers du Gouvernement,
enfants,
masse
peuple.
du
temple un trône d'une structure simple et en même
temps élégante avait été préparé, l'arrangement bien entendu
des tentures ainsi que le fini et le goût qui présidaient dans les
costumes des familles royales étonnaient d'abord, mais s'expli¬
quaient bien vite : deux charmantes dames toujours disposées
à se rendre utiles et d'un dévouement reconnu, Mmes Robin
et Rédé avaient gracieusement prêté leurs mains de fée, et cho¬
ses et hommes en étaient sortis métamorphosés.
Dans le
Le Révérend C. Barff
demandé si
Tapoa
«
a
l'acceptait
on
répondu
a
présenté Tamatoa
roi.
au
peuple et
a
comme
au nom
du peuple de Raiatea et de Tahaa
telle est la volonté unanime
».
Ces paroles ont été ensuite confirmées par un levé des mains
répété trois fois.
Maheanuu donne lecture d'un cantique fait pour cette cir¬
constance par le peuple de Tahaa qui le chante lui-même.
Maheanuu dit ensuite le 72ème Psaume et appelle la bénédic¬
tion
de
Dieu
l'assemblée.
sur
Napario donne
un
autre cantique
qui est chanté
par
les gens
de la Reine Pomare.
discours tiré de ces
la justice est l'affermissement
du trône ». Ce discours remarquablement beau et dit avec âme
a produit une vive sensation.
Ariipeu monte sur le trône et présente le code à Tamatoa
en lui adressant ces paroles : « Tamatoa voulez-vous diriger
le
Gouvernement de ces îles selon le code que je vous présente
Le Révérend
mots
dans
John Barff prononce un
de Salomon
ce
moment ?
«
parce
que
»
Société des
Études
Océaniennes
—
Tapoa
aide
en
a
répondu
au nom
535
—
du Roi
: «
oui et que Dieu
me
soit
».
Le Rév. John Barff
présenté la bible au roi en lui disant :
présente ce livre, le livre de Dieu qui m'a inspiré les
paroles que je vous ai adressées en ce jour. Consentez-vous à
le prendre pour votre
guide, comme règle de votre conduite
privée et comme un Directeur dans votre vie publique, il peut
vous
offrir le bonheur maintenant et une couronne de
gloire
après ».
Tapoa a répondu au nom du roi « oui et que Dieu me soit
Je
«
en
a
vous
aide
».
Le Révérend Charles Barff
mains du roi. Tamatoa Y
verse
l'huile
sur
la tête
et
les
s'écrie-t-il, au nom de Jehovah je
vous sacre roi de Raiatea et de
Tahaa, que le Saint Esprit des¬
cende dans votre cœur et vous
inspire la sagesse de David et de
Salomon, que la loi de Dieu soit toujours votre guide et sa bé¬
nédiction restera à tout jamais sur vous et sur votre
peuple.
Les gens de Borabora chantent un
hymne composé par euxmêmes, pendant que Tamatoa reçoit le sceptre des mains de
Maheanuu et une salve de 21 coups de canon annonce le mo¬
ment où le Révérend C. Barff
place la couronne sur la tête du
roi.
Alors le capitaine Vallès, représentant du Gouvernement fran¬
çais de Tahiti s'exprime ainsi : Voici les bonnes paroles que je
vous
apporte de la part du Comte Pouget, Commissaire impé¬
rial p.i. qui m'a chargé de l'honneur de le
représenter dans cette
grande journée.
Je vous salue, Pomare, fille des rois, reine vous même, mère
de rois,
Je
salue, Tamatoa, que cette journée soit pour vous l'au¬
règne long et prospère, qu'elle soit pour votre peu¬
ple l'annonce d'un règne de justice et de paix.
rore
vous
d'un
Je vous salue aussi le
peuple de Raiatea et vous tous de Ta¬
hiti, de Moorea, de Borabora, de Huahine, que votre présence
ici soit le gage d'une union désormais
impérissable, n'oubliez
pas que de l'union entre voisins naissent l'agrandissement du
commerce, la richesse des terres et l'instruction qui rapproche
l'homme de la divinité. Vous voyez comme la France et l'An¬
gleterre sont puissantes maintenant qu'elles sont unies, elles
protègent partout le faible contre le fort, mais leur but est aussi
généreux que leur amitié est indissoluble ; des milliers de vais¬
seaux et des millions
de soldats font
respecter la justice par
Société des
Études
Océaniennes
—
536
—
les navires et les guerriers français par les or¬
l'empereur Napoléon se portent partout où l'Angleterre
peut avoir besoin d'un généreux concours, les navires et les
guerriers anglais ont l'ordre de leur reine de courir partout où
les appellera le pavillon de la France.
Soyez donc unis pour toujours vous tous qui assistez à cette
grande solennité ; assez longtemps vos conques marines vous
ont appelés aux
massacres dans vos vallées et sur vos monta¬
gnes ; avec le règne de Tamatoa doit commencer la marche
de l'humanité, vous avez de grandes choses à faire, que les sa¬
ges d'entre vous corrigent les autres de funestes habitudes qui
engendrent la mortalité, il ne faut pas que la race la plus belle,
la plus intelligente, la plus généreuse de l'Océanie disparaisse;
il faut qu'elle reste nombreuse, forte et paissante pour qu'à son
tour elle aille, dans les îles encore barbares de l'Océanie, por¬
ter la civilisation avec la parole de Dieu.
M. Chisholm, Consul anglais, a pris ensuite la parole en ces
toute la terre,
dres de
termes :
Tamatoa Y,
J'ai l'honneur de vous féliciter dans cette heureuse occasion
nom de Victoria, reine de la Grande-Bretagne; je me joins
de bon cœur au représentant de France qui vient de vous faire
au
de Sa Majesté Impériale Napoléon ITI ses
vous-même et pour votre peuple. Ce n'est pas ici
seulement que les pavillons de la France et de l'Angleterre sont
unis, partout ils le sont encore dans le but de réprimer l'in¬
justice et les abus. Tant que vous conduirez votre Gouvernement
dans les principes de la vérité et de la justice vous n'aurez avec
de tels alliés rien à craindre des agressions étrangères.
Le désir de notre reine est que votre règne soit long, calme
et prospère.
Tapoa répond au nom du roi : mon cœur se réjouit de ce que
vous venez de nous faire entendre.
Que In France et l'Angle¬
terre restent à jamais unies pour le bien du monde. Recevez
nos
remercîments pour l'honneur que votre présence fait re¬
jaillir sur nous et l'expression de notre reconnaissance pour tous
les bienfaits que nous vous devons depuis si longtemps.
Il fait chanter un cantique d'action de grâces par l'assemblée
entière ; il prie lui-même pour le roi, pour le peuple, pour la
famille royale de Tahiti et appelle la bénédiction du Tout Puis¬
sant sur la France et l'Angleterre.
Un membre de la famille royale se lève et crie à trois reconnaître,
vœux
au nom
pour
Société des Études Océaniennes
"
—
537
—
prises : Dieu sauve le roi ! À chaque cri le peuple répond Amen,
Gouverneurs, juges, enfants, français, anglais, tahitiens, sandwichiens, etc, chacun à son tour repètent le même vœu, auquel
était toujours joyeusement
répondu Amen. L'hilarité devient
bientôt complète aussi, est-il
temps de rentrer à la résidence
royale. Tout le long du chemin, les différents groupes compo¬
sant le
cortège font entendre les mots employés dans les anciens
temps pour les mêmes circonstances : Maeva e arii. Elève le
roi ! Ces mots sont
répétés avec une énergie crois ante, jusqu'à
ce
que la voix faussée et déchirée soit réduite à une impuis¬
sance complète, mais l'on retrouve bientôt de nouvelles forces
pour les danses et les chants océaniens qui provoquent si bien
le plaisir jusqu'à l'ivresse.
(à suivre)
Société des
Études
Océaniennes
—
538
—
HISTOIRE
LA MORT DE
VEHIATUA
certain rôle dans l'histoire an¬
la dynastie des
Pomare qui commençait à s'affirmer.
On compte 5 chefs régnant sur la presqu'île de Taiarapu,
Vers 1768 Vehiatua I était le chef de la presqu'île, mais no¬
minalement vassal de Amo, chef de Papara. Lorsque la gloire
d'Amo perdit de son prestige après sa rencontre avec Wallis,
La famille Vehiatua
cienne de Tahiti et se
Vehiatua
se
joua
un
dressa toujours devant
rendit indépendant.
le soumettre ; des combats s'ensuivi¬
1770 mais restèrent indécis. Rien ne fut changé.
Le chef Tutaha voulut
rent vers
reprirent vers 1773. Un combat eut
fut tué, Pomare et Hapai s'enfuirent.
tua I ravagea l'île, puis, subitement, rentra chez lui.
vieux et laissa le gouvernement de Taiarapu à son fils
vint Vehiatua 2, il était très jeune.1,
hostilités
Les
Tirauu ;
Tuta"
a
lieu à
Vehia¬
Il était
qui de¬
Cook, à son deuxième voyage fut reçu par lui ; il avait 17
; il est décrit comme timide. C'est ce même chef qui ac¬
cueillit les Espagnols au retour de 1' « Aguila ». Il mourut en
ans
1775.
9
Son frère Natapua lui succéda comme Vehiatua
ans. En 1789 il accueillit deux des déserteurs de
ty »,
Churchill et Thompson. Il mourut jeune et
3. Il avait
la
«
Coun¬
avait désigné,
Churchill, car il n'a¬
l'anglais devint Vehiatua 4, mais
la coutume, comme son successeur,
vait pas d'héritiers directs ;
fut bientôt assassiné par Thompson.
contre
Le
neveu
fils du chef Vaiuru,
le nom de Vehiatua 5.
de Vehiatua 3,
il avait 4 ans, sous
prit le pouvoir,
Lorsque Pomare 2 devint l'arii rahi, Taiarapu resta indé¬
pendant. Mais le roi voulut le soumettre avec l'aide de Temarii chef de Papara, aidé de marins de la « Bounty ». La
concentration eut lieu, malheureusement pour l'expédition, la
Pandora » qui recherchait les mutins s'empara de ceux-ci,
et Pomare dut remettre à plus tard sa tentative ; c'était en
«
1791.
Une deuxième
soumit ; le
frères, du 8 mai au
expédition eut lieu et Taiarapu se
donna le gouvernement
26 décembre 1791.
roi
en
Société des
à
Études
un
de
ses
Océaniennes
539
—
—
Yehiatua 5, ou plutôt ses chefs,
jeune âge, pour secouer le joug de Pomare I. Des
combats eurent lieu à Atahuru. Pomare semblait avoir perdu
le combat lorsqu'Amo fut tué. Taiarapu prit la fuite. Yehiatua
5 voulut continuer la guerre, Pomare marcha contre lui, ie
défit, donna la presqu'île à son plus jeune fils.
La ruine de la famille Vehiatua était consommée. Pomare
régnait désormais en maître dans tout Tahiti malgré de conti¬
En 1793 Temarii s'allia avec
son
vu
nuelles convulsions.
d'histoire ne disent pas clairement de quel Vehiatua
s'agit. Vehiatua I mourut âgé, on ne dit pas qu'il fut assassi¬
né. Vehiatua 2 mourut jeune, il ne s'agit pas de lui, pas plus
que les autres. Alors ? Notre manuscrit porte le nom de Poma¬
re
2, surchargé pour en faire Pomare I. Nous pensons qu'il
s'agit pourtant de Vehiatua 5 puisque le Pomare signalé avait
posé un rahui sur tout Tahiti, chose qui ne pouvait être faite
Ces pages
il
de la mort de Ve¬
que par un arii rahi. T1 s'agit croyons-nous
hiatua 5 le dernier de la famille en tant que
chef de Taiarapu.
de Pomare 2.
et
Nous donnons ici la traduction du tahitien
de feu le chef Teriieroo de
d'un manuscrit
Papenoo.
(REY LESCURE)
*
*
*
s'appelait Teihotupu o Vehiatua i te Matai ; fils de
femme, et de Teopirirau a Atihau, marae FareMais ce nom de Vehiatua était un nom d'emprunt, le
Vehiatua
Tuamea,
nuiatea.
une
véritable était Oromaito.
Il vint
un
temps où Pomare décréta sur l'ensemble de Tahiti
toutes les plantations, dans les 5 districts, et ce
connu sous le nom de Temata Uraura o Tahiti. Il
un
Rahui,
sur
rahui est
arriva ensuite que Vehiatua entendit que Pomare s'était ins¬
tallé à Àfaahiti et y consommait des holoturies puantes ; il
ordonna aux Hui (1) et aux Taiarapu de lui porter des ali¬
mécontent du rahui ; il y avait
et l'on ne mangeait que du mau¬
vais, taros etc. Il décida de prendre des taros et de tuer des
porcs et de les apporter au roi à Afaahiti. L'offrande de ces
vivres fut faite. Le roi fut mécontent, car le rahui n'avait pas
royaux. Vehiatua était
des vivres dans les plantations
ments
(1) Les Hui habitaient la région située après
grande rivière de Tautira.
Société des
Études
Pueu et avant la
Océaniennes
—
540
—
Il vit que Vehiatua avait transgressé la loi et que
Taiarapu et Hui n'en faisaient pas cas. Il se mit en colère, se
disputèrent entre eux. Vehiatua ne voulait pas le combat mais
été levé.
devant l'insistance de Pomare il accepta.
Il
retourna
chez lui, à
Farenuiatea,
en
pensant que Pomare
lui étaient amis.
et
Le roi décida d'aller à Eimeo et de
chercher les Eimeo
au
grand complet, de les concentrer dans le Tahiti Rahi (Tahiti
sans la
presqu'île) et de combattre Vehiatua.
Il partit et aborda à Teaharoa. Il entendit là qu'une partie
des Teaharoa (Porionuu) avait été battue par son ennemi.
Il réunit les chefs de ce lieu et envoya des messagers à Eimeo
pour chercher le roi en lui disant : une partie des Teaharoa
avait été défaite par Vehiatua à cause du rahui.
On envoya 6 messagers : un de Hitiaa, un de Mahaena, deux
de Umehiti (Tiarei), un de Papenoo, de Piha i Atata, c'est-àdire Haururu, un de Mahina.
Ces six hommes ne parvinrent pas jusqu'au roi. A leur arrivée
à Teaharoa, ceux qui étaient là leur demandèrent : pourquoi ce
voyage ? Ils répondirent : nous venons chercher le roi pour le
ramener, des Teaharoa ont été vaincus par Vehiatua. Ces hom¬
mes tuèrent les envoyés et les plongèrent dans les marais à Tea¬
haroa.
son roi et, à cause de ce retard, on envoya
du Porionuu, ceux-ci arrivèrent jusqu'au roi,
Tahiti attendait
deux messagers
le saluèrent et dirent
o
:
les Teaharoa
nous
envoient
vers
toi.
Le roi répondit et ne partit pas. Les messagers lui dirent :
roi, lève-toi, retourne à Tahiti, Tahiti est chaude de la massue
de Vehiatua.
avec tout Eimeo. Ei¬
s'emparer de Vehiatua. Ils
reposèrent quelques temps à Tautira, à la pointe Tatatua.
là le roi fit un discours. Il remit l'ouvrage entre les mains
Le roi
meo
se
et
et
prépara son départ pour
Tahiti rahi s'unirent pour
des chefs de Tahiti et de
Tahiti
Moorea.
Quand Vehiatua apprit l'arrivée du roi il réunit ses
hommes.
Vehiatua demanda à ses gens : où aura lieu le combat ? Les
uns dirent: à Arahouhou; les autres: à Toamoano et les autres:
à Tehoaa iti.
Vehiatua dit : c'est fini. La raison pour laquelle un homme
: à Tehoaa iti le combat, parce que c'était un endroit étroit,
et à cause de la grande armée qui s'avançait ils craignaient de
dit
Société des
Études
Océaniennes
—
541
—
large espace ; ils seraient entourés suivant
l'usage des batailles de cette époque.
combattre
sur
un
Alors Vehiatua conduisit
son
armée à Hotupu.
Quand le roi entendit que son ennemi se préparait il plaça
armée au lieu dit : Terurua. Les deux armées se préparèrent
son
combat. Pomare
au
ne
pouvait plus reculer.
combat ; ils se rencon¬
paix. Le roi répondit : c'est toi
qui a violé la loi du rahui ! Le combat eut lieu ensuite, le roi
fut battu. Une partie de ses gens fut prisonnière aux Tuamotu
Il voulut rencontrer Vehiatua avant le
trèrent. Vehiatua demanda la
à
cause
de la colère de la
massue
de Vehiatua.
Ensuite Vehiatua se tint paisiblement et passa
ment à son fils Paitu qui fut appelé Vehiatua 2.
taller à Vairuia.
le gouverne¬
Il alla s'ins¬
Quand l'homme Moeterauri (2), chef de Mataoae chercha à
Vehiatua. Il vint de Raiatea à Tahiti avec les gens de
Raiatea et de Moorea ; ils se réunirent à Tahiti.
tuer
Il choisit
parmi
ses
guerriers Tane Tui Fenua qu'il plaça sur
troupes et partit prendre Vehiatua. Il entendit qu'il était à
Vairuia et il se dit que Vehiatua allait mourir par lui. Il
arriva au coucher du soleil au lieu Faana et attendit. Ensuite
il alla au lieu Uri Tutua et attendit le sommeil de Vehiatua et.
au milieu de la nuit Moeterauri et Tane Tui Fenua et la troupe
arrivèrent à la maison de Vehiatua.
ses
Moeterauri vit Vehiatua à l'embouchure de la
Une bécasse
Tutua
quiète
non
:
c'est
pas,
c'est
jeta
une
rivière Vairuia,
son cri du côté de la mer. Vehiatua dit à
bécasse-homme ce cri. Tutua lui dit : ne t'in¬
dors, c'est une bécasse de Vairuia. Vehiatua dit :
bécasse-homme, son cri tressaille ; si c'était la
Vairuia elle roucoulerait. Tutua lui dit : dors, chef.
une
bécasse de
Vehiatua s'endormit.
Tane Tui Fenua et les autres
La porte fut brisée, Vehiatua
dormait ; ils le virent ces deux hommes, ils percèrent le chef
de 7 coups de lance. Alors Vehiatua se réveilla, il vit Moeterau¬
ri. Il dit : Toi, Moeterauri tu n'es pas un guerrier mais une
femme ! sa dernière parole, il mourut.
Quand Vehiatua 2, nommé Paitu, entendit la mort de son
père, il rassembla ses troupes depuis Hui jusqu'à Taiarapu pour
se saisir de Moeterauri qui avait souillé la massue de Vehiatua,
C'est alors que Moeterauri et
vinrent et cernèrent la maison.
(2) Nom du lieu de l'école actuelle
Société des
Études
de Vairao.
Océaniennes
—
Il commanda à
ner
ses
gens
de
542
—
ne pas
le tuer mais de le lui ame¬
vivant.
On fit
comme
d'habitude dans les combats, à la frontière
appelée Taiariari. Les Taiarapu s'occupaient des vivres et les
Hui du combat. Quand ils arrivèrent au lieu fixé, les Taiarapu
prirent les vivres, les Hui marchèrent au combat. La victoire
ne leur fut
pas donnée ; ils se sauvèrent. Taiarapu cria alors :
Les Hui ! souvenez-vous de votre roi ! Les Hui répondirent par
une mauvaise parole. Les Taiarapu répondirent : Oui, les Hui,
tu es un four froid qui ne brûle pas, ton roi est mort.
Les Taiarapu laissèrent alors les vivres, saisirent leurs mas¬
sues et
partirent au combat. Quand les Hui virent qu'un parti
de Moeterauri était battu par Taiarapu, ils revinrent pour ai¬
der. Moeterauri fut pris et amené devant Vehiatua 2. Le fils
était heureux de voir la figure de cet homme.
Il commanda à ses hommes de prendre les vivres des habi¬
tants pour remercier ses troupes, et cet homme Moeterauri, et
pour célébrer la victoire.
Il commanda aux femmes de mâcher i'ava indigène pour rem¬
plir 16 récipients. Ensuite Vehiatua demanda : le four est-il
chaud ? On lui répondit oui, c'est fini. Le roi appela alors les
siens.
Le four fut
fut distribué
nir
au
tamaraa.
L'homme
tua dit
découvert, les femmes préparèrent le festin ; l'ava
chefs ; Vehiatua appela Moeterauri pour ve¬
aux
:
se
leva et alla s'asseoir à côté de Vehiatua.
mangez, vous,
Vehia¬
laissez-moi faire
mon travail.
Vehiatua disant
se tourna vers
: j'échan¬
la mort de mon père sur toi aujourd'hui. Tu n'es pas un
guerrier, si tu t'étais mis devant lui, tu serais mort.
Alors Vehiatua fils
ge
Vehiatua lui saisit la tête et la cassa du tronc. Il lui brisa le
front, prit la cervelle de cet homme et la mélangea à l'ava,
11 but cela.
Depuis il est dit
: une coupe
de crâne. Vehiatua va avoir un
fils.
(Décembre 1955)
Société des
Études
Océaniennes
543
—
—
Rétrospective des Pavillons Océaniens
( suite et fin )
( Gambier
I) GAMBIER
—
Iles Australes
—
Archipel de Cook )
:
L'Archipel des Gambier, situé dans l'E.S.E. et à 900 milles
se compose essentiellement d'une dizaine d'îles
généralement hautes, en fait quatre d'entre elles sont seules
importantes, enserrant un superbe lagon de 18.000 hectares,
marins de Tahiti
autrefois très riches
en
nacres.
A ce groupe se rattache l'île Crescent ou « Timoë »,
trentaine de milles dans le S.E. peuplée au XVIIIème
les habitants de Mangaréva. C'est un
par
à une
Siècle
atoll parfait, sans
passe.
îles ont été découvertes par Wilson en 1791, lors
qu'il effectua avec le « Duff ». Il leur donna le
protecteur de son expédition.
Toutes
ces
du voyage
du
nom
Certains rapportent
par
qu'elles auraient été
vues
antérieurement
Quiros (1).
l'Archipel des Gambier a été rattaché administrativement,
d'îles de la partie S.E. de la chaîne des
Tuamotu, de vingt à vingt-deux d'après Piquenot (2).
A
certain nombre
un
h':
Le
*
*
navigateur britannique Beechey visita ces îles en 1826.
elles étaient encore absolument sauvages : il fut accueilli avec
hostilité par les indigènes et dut se rembarquer rapidement pour
éviter tout conflit sanglant.
«
Le 6 Août
1834, deux missionnaires catholiques abordèrent
dans l'une des îles Gambier en récitant le « Salve Regina ».
Ces missionnaires étaient MMrs Laval et Caret, appartenant à la
(1) Dalrymple. Recueil de Voyages aux Mers
(2) Piquenot
sa
:
du Sud.
Géographie physique et politique des E.F.O. Voir
61 et 62.
nomenclature des Iles Tuamotu, pages
Société des
Études
Océaniennes
—
544
—
première Congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie,
et à l'Adoration Perpétuelle (1).
Au mois d'Avril 1835, les deux missionnaires avaient déjà
préparé deux cents catéchumènes à recevoir le baptême. Ils
désiraient que Monseigneur de Nilopolis (Mgr Rouchouze),
Vicaire Apostolique de l'Océanie Centrale vint, lui-même re¬
cueillir et offrir à Dieu ces prémices de la nouvelle église des
Gambier
».
Monseigneur Rouchouze arrive le 9 Mai 1835, il
le plus vif enthoousiasme (2).
La petite mission de N.D. de la Paix ne cesse de prospé¬
rer »,
écrivait en Novembre 1837, Monseigneur de Nilopolis.
Les missionnaires construisent deux églises, l'une sur la
grande île de Mangaréva, l'autre sur la petite île d'Akena,
dont l'évêque faisait sa résidence. Cette dernière était dédiée
à Saint Raphaël (pose de la première pierre le 24 Octobre
1837, jour de la fête de ce saint). Le 15 Août 1837, s pt cents
communions eurent lieu dans l'île de Mangaréva. Le soir le
missionnaire dit à ses bons insulaires qu'en France une céré¬
monie se faisait à pareil jour pour honorer la Sainte Vierge.
Le Roi écoutait attentivement, ayant à son côté son drapeau,
et autour de lui ses quatre oncles.
Finalement
est reçu avec
«
le missionnaire il répondit « Je veux, moi
peuple et mon territoire à la Vierge,
protectrice et Mère des Chrétiens » (3).
Cette anecdote est intéressante pour nos insigno'ogistes, car
ellle fait apparaître à nos yeux pour la première fois dans une
cérémonie officielle le Pavillon de Manga, é va (1837). Cet in¬
signe aurait été conçu vers 1832 (3) par Mauruc (on trouve
dans les Annales hydrographiques des rapports de ce navigateur
sur
l'Archipel Dangereux. Capitaine au long cours français, et
non chilien comme l'ont écrit, par erreur, certains (4), et remis
Interpellé
aussi
par
consacrer
(1) Originaire
l'Abbé
de
«
du Poitou.
: Hommes :
fondaleur
de Mende, Troyes et Rouen ;
Deux branches
ancien Vicaire Général
Aymir de la Chevalerie. Ces deux branches fu¬
1805, à Paris, rue de Picpns, d'où leur autre nom
Congrégation de Picpus ».
Femmes
rent
Coudrin
mon
:
Madame
fondées
en
(2) Maxime de Montrond. Les Missions en Océanie au XIXèmc Siè¬
cle,
pages
27, 32, etc.
(3) Annales des Sacrés Cœurs, Dec. 1934, n° 194, p. 611.
(4) Gaffarel : Histoire des Colonies Françaises.
Société des
Études Océaniennes
—
545
—
lui au Roi. Mauruc trafiquait régulièrement avec ces îles,
naviguait sous pavillon chilien, ce qui explique la confusion
précédente. Le Chili et le Pérou se Couvaient alors en guerre.
Il redoutait des ennuis avec certaines puissances du Pacifique,
dont le Pérou ; ses papiers et connaissements divers pouvaient
aussi être plus ou moins orthodoxes et il avait inventé ce pro¬
cédé ingénieux pour se mettre toujours parfaitement en règle,
de naviguer sous pavillon mangarévien, alors entièrement nou¬
veau et encore inconnu. Moerenhout a pris passage sur ses ba¬
teaux en particulier lors d'un voyage à Rapa.
par
il
Dès le 13 Septembre 1837, Monseigneur Pompallier, Vicaire
Apostolique de l'Océanie Centrale, suivi de quelques Pères de
la Compagnie de Marie, mouillait à l'Archipel des Gambier. Ils
rencontrèrent avec joie Monseigneur de Nilopolis, et des néo¬
phytes de l'île d'Akéna.
Je fus conduit par Sa Grandeur, raconte Monseigneur Pom¬
pallier à l'Ile principale appelée Mangaréva qu'habite le Roi
de tout l'Archipel des Gambier. Une autre embarcation contenait
la plupart des missionnaires et catéchistes de nos deux Com¬
pagnies... A peine fûmes-nous arrivés à une demi-lieue en rner
que nous vîmes arriver à notre rencontre le Roi de Mangaréva,
dans une barque sur laquelle flottait un drapeau bleu et banc.
orné de cinq étoiles : c'est celui qu'il a adopté depuis peu pour
son
petit royaume ».
La description exacte de ce pavillon nous a été conservée
par Dumont d'Urville (1) : étamine blanche, coupée d'une bande
bleue, le pavillon chargé de cinq étoiles, quatre bleues, une
dans chacun des coins de l'étamine, et une blanche sur la bande
bleue. Ces cinq étoiles étaient censées symboliser les cinq îles
principales de cet archipel.
Cet emblème fut montré à Dumont d'Urvilie, lors de son
passage à Mangaréva (1838) et souvent cité depuis cette épo¬
que (1-2). Il existe un dessin à la plume, attribué à Méryon,
(futur illustre graveur parisien), jeune officier de Marine,
alors embarqué sur « le Rhin », où l'on voit flotter ce pavillon
sur l'ilôt Kourou-Marei, devant Rikitea, capitale de Mangaiéva,
«
ilôt
se
détachant lui-même
sur
le Mont Duff. Ce dessin semble
pouvoir dater de 1842 ou 1843.
En 1844, le Capitaine de Frégate
(1) Atlas
ou
(2) Cuzent
:
Penaud, Commandant le
Voyage de Dumont d'Urville. Tome
aux îles Australes.
I,
Voyage
Société des
Études
Océaniennes
page
45.
—
546
—
Charte » avait, sur l'ordre de « Dupetit Thouars », hissé le
pavillon français à Mangaréva. Cette prise de possession, de
même que celle de Tahiti ne fut pas confirmée par Louis
Philippe.
Ce fait est incontestablement attesté par le rapport du Com¬
«
mandant Penaud adressé le 7 Août 1844 à l'Amiral Comman¬
dant la station du
Pacifique et de l'Amérique du Sud.
(Le 12 Février 1844 il avait débarqué à Mangaréva). « Le
Maputéo et les chefs, éclairés par les conseils du Révérend
Père Liausau ont compris de quelle importance pourrait être,
pour eux, la protection de la France, aussi ont-ils signé, avec
empressement les actes par lesquels ils reconnaissaient la suze¬
raineté de Sa Majesté « le Roi des Français ».
Roi
Il fut arrêté que le pavillon national serait arboré le 17
(Février). Dans la matinée, les compagnies d'anilierie et d'in¬
fanterie passagères et des marins descendirent à terre et for¬
mèrent un détachement de 300 hommes armés de fuAls, ce qui
était extraordinaire pour les naturels, qui n'avaient jamais vu
chez eux que la compagnie de déoarquement de peiits bâti¬
ments. Nous assistâmes tous avec les indigènes en grand cos¬
tume de fête à une messe qui fut terminée par le « Domine
Saivum », chanté pour la première fois dans l'égiise au son
d'une musique à laquelle une oreille européenne eut pu adres¬
ser des
reproches de lèse-harmonie, mais qui produisit beaucoup
d'effets
sur
les habitants.
Après l'office divin nous nous rendîmes, musique et tambours
tête, près du débarcadère, sur un point que le Capitaine Ber¬
nard a nommé « Batterie Louis-Pniiippe », en y déposant la
caronade de la chaloupe du brig « le Pylade » et là, en pré¬
sence du Roi, de la Reine, des chefs et de presque toute la po¬
pulation du groupe j'accordai, au nom de Sa Majesté LouisPhilippe, le protectorat de la France aux lies Mangaréva. Les
couleurs françaises furent arborées. Nous les saluâmes du triple
cri de « Vive le Roi ». Il fut suivi ce décharges de mousque.ine
et d'une salve de vingt et un coups de canon de « la Cnarte »,
qui était pavoisée.
en
dîner que je donnai au Roi,
Officiers passagers et au¬
tres de la « Char.e ». Pendant que nous nous renaious à bord,
j'eus la conviction que la cérémonie qui venait d'avoir lieu avait
été prise au sérieux. Un brig se présentait au mouillage :
nous
cherchions à distinguer à quelle na.ion il appartenait.
La
aux
journée fut terminée
Chefs,
aux
par un
Missionnaires et
Société des
aux
Études Océaniennes
—
ce
Chef
vue
bâtiment
un
ment et
—
est perçante dit « H a notre pavillon ».
français. Ces paroles dites tout naturelle¬
sans qu'il y eut le temps de la réflexion indiquent que
se regardait comme sujet de la France ».
Matua, dont la
C'était
547
Le P. Caret, après de nombreux travaux missionnaires était
mourir aux Gambier en 1844 (26 Octobre). Le 11 Fé¬
vrier « 1845 », d'après le P. Piolet, le Protectorat de la
revenu
France y
vrage
aurait été proclamé (en 1843, d'après Gaffarel, ou¬
cité).
Cyprien Liausau, avait été nommé en 1844 représentant
et délégué du Gouverneur de Tahiti aux Gam¬
bier, y aurait arboré le pavillon français dès le 18 Février
1844 (?).
Le P.V. du Ct Penaud retrouvé aux Archives du Ministère
de la F.O.M. et reproduit intégralement ci-dessus, fait un sort
à ces allégations pour le moins peu précises.
D'après le P. Piolet, « la situation de cet archipel demeura
fausse et irrégulière : il semble qu'il y ait eu un Protectorat
de fait, mais non en droit ». Cette affirmation est exacte. On
peut d'ailleurs incidemment remarquer que le nom de Mangaréva ne figure pas dans l'Atlas des Pavillons de Legras (1856),
En fait, Louis-Philippe n'avait pas reconnu ce Protectorat :
il n'avait pas été ratifié par le Gouvernement malgré la de¬
mande formelle qui avait été exprimée par le Roi de Mangaréva, à l'Amiral Dupetit-Thouars le 16 Février 1844.
Nous soussignés le Roi et les Grands Chefs de Mangaréva...
déclarons solennellement vouloir former un état libre et indé¬
pendant, sous la protection de Sa Majesté Louis-Philippe 1er,
Roi des Français, et à l'effet de manifester notre union avec
la France, demandons à prendre le pavillon de la grande nation
qui nous a initiés à la civilisation.
Fait à Mangaréva, le 16 Février 1844. Signé : An. Kerekorro Maputea, A. Akaraki, Tona Tagala, Tako Matea, Te
Maputauki.
Cette demande sous réserve de l'approbation du Roi, avait
été aussitôt acceptée par le Ct Penaud contresignée par luimême et le Père Liausau et soumis à l'Amiral Dupetit-Thouars
pour transmission au Gouvernement.
C'est à cette époque qu'on essaya de ruiner l'œuvre de la
mission par le procès fait au P. Laval, sous le Gouvernement
du Comte de La Roncière (1861).
Le P.
de la France
Société des
Études
Océaniennes
—
Ce gouverneur avait
Marine et des Colonies
548
—
d'ailleurs
reçu du Département de
instructions impératives datées
la
du
4 Juin 1864 « à la suite d'un incident grave créé par le P. La¬
val (expulsion de deux commerçants français MMrs Dupuy et
Pignon), c'est un sévère rappel à l'ordre pour le Père Laval
rappel à l'ordre d'ailleurs mérité car il avait peu à peu trans¬
ces
formé ses doubles fonctions de Résident et de Chef de mission
en celles d'un dictateur théocratique au pouvoir absolu.
Le Contre-Amiral
en Chef de la Divi¬
Pacifique n'é_ ris ait-il pas au Ministre
(1) : « le pouvoir est réellement exercé
par les missionnaires et ce pouvoir est
Cloué, Commandant
sion Navale dans l'Océan
le
10 Décembre 1869
Gambier
dans les Iles
absolu.
Au nombre de trois ils se partagent l'action politique sur la
population des trois îles principales : le père Laval à Mangaréva, le Père Nicolas à Ankena; le Père Barnabé à Akamourou,
Le plus influent d'entre eux est le Père Laval, venu il y a plus
de trente ans dans l'archipel, et l'un des principaux auteurs de
la conversion de
Il
ses
habitants
au
christianisme.
l'ombre d'un doute à avoir : les Gambier sont un
le supérieur sévère, les habitants
sont soumis à une règle rigide ; dans l'intervalle des offices et
des chants de cantiques ils vont au travail dont le produit est
pour le Chef ou Roi. C'est le Père Laval qui ordonne les tra¬
vaux, c'est par lui qu'ont lieu les transactions de commerce ; et
elles ne peuvent se faire par une autre voie, c'est lui qui en¬
caisse les bénéfices dans le Trésor du Roi ; lequel est dit-on
n'y
a pas
couvent dont le Père Laval est
conservé chez les missionnaires.
Il
ne
parait
élevé contre la
pas cependant qu'aucun soupçon puisse être
probité du Révérend Père, malgré ce que l'on
dire.
D'après les instructions envoyées de France en 1843 un traité
a
pu en
a
été conclu le 16 Février 1844
avec
les îles Gambier, aux ter¬
acceptions le protectorat de ces îles.
Mais en 1844, la politique du Gouvernement français ayant
changé, par suite de la discussion relative aux affaires de Ta¬
hiti (incident Pritchard) qui compromit un instant l'existence
du Cabinet, des instructions en sens contraire furent adressées
aux mêmes officiers et les traités passés par eux, dans l'igno¬
rance de ce changement, ne furent pas ratifiés.
mes
duquel
nous
(1) Archives du Ministère de FOM
Société des
Études
Océaniennes
—
549
—
S'il est certain que
les ratifications n'ont pas été échangées
l'on peut objecter pour nous tenir à l'écart,
il est certain que ces traités ont re;u un commencement d'exé¬
cution sur les lieux et ont été depuis cette époque regardés, soit
par l'ignorance, soit pour tout autre motif, comme ayant force
d'exécution en droit, et par les autorités de Tahiti et par celles
de Mangaréva, commettant toutes une même erreur.
Il est certain encore que, depuis près de trente ans (?) le
pavillon français flotte sur ces îles ou des bâtiments de toutes
les nations guidés par les intérêts les plus divers viennent cha¬
que jour pour mouiller. Tous les étrangers n'ont-ils pas dû
croire qu'ils se trouvaient là en pays français. Us devaient
d'autant plus le croire que les livres de navigation l'affir¬
en
forme, ainsi,
que
maient...
C'est le maintien de
cet
état de choses que
dans
rapport je propose à Votre Excellence de
formant que
sous
sa
un
précédent
en in¬
régulariser,
le Gouvernement de l'Empereur prend ce
groupe
protection.
Signé
:
Cloué.
Un ancien
magistrat colonial Jacolliot attaqua même violem¬
Monseigneur d'Axiéri et le P. Laval. Il fut condamné à
15.000 francs de dommages et intérêts po.ir diffamation!
ment
Vers 1871
commence
A
période difficile des rapports entre
de Mangaréva.
une
la France et le royaume
l'instigation du R.P. Laval et du R.P. Rlanc, le Régent
la lettre suivante :
dénonce le Protectorat de la France par
Mangaréva, le 22 Février 1871.
Monsieur
l'Amiral,
Lorsque nous avons entendu dire que le Roi Louis-Philippe
voulu nous donner le protectorat de la France (1844)
nous
pensons maintenant que c'est assez comme cela, nous n'en
voulons pas parce que nous avons eu des contrariétés de la part
du gardien du pavillon. Nous craignons qu'on nous envoie peutêtre un Résident comme Laurencin ou Ilippoiyte.
n'a pas
Acceptez, Monsieur l'Amiral, notre demande car nous savons
êtes bon et doux et ne nous la refuserez pas. Parce
que vous n'avez pas de Roi — C'est pour cela que nous crai¬
gnons que cela nous arrive. Nous ne voulons qu'aucun autre
nous protège.
Nous ne voulons pas avoir de protectorat, nous
que vous
Société des
Études
Océaniennes
—
ne
voulons pas voir
voilà tout.
550
—
de pavillon étranger. Nous voulons être
neutre et
Je suis A. Teikatohara
Suivent
vingt neuf
—
Régent.
noms.
Pour traduction conforme.
L'interprète
:
signé
:
illisible.
Cependant devant la gravité de cette nouvelle situation, le
hésité à envoyer aux Gambier, avec
Contre-Amiral n'avait pas
la « Somme », son Chef
gate de la
toutes
les
d'Etat-Major, le Capitaine de Fré¬
Motte-Rouge afin qu'il puisse, sur place, prendre
dispositions nécessaires.
L'Amiral concluait
sa
lettre
en
ces
termes sévères :
En at¬
puis dès maintenant vous dire
que
plus impossible, autant par ses
idées théocratiques exagérées jusqu'à la déraison que par son
opposition systématique et persistante à toute influence fran¬
çaise. La situation est réellement assez grave pour exiger une
solution prompte et énergique, sans que toutefois cette solution
puisse être l'abandon du Protectorat. Car plus que jamais se
révèle l'importance mari.ime et commerciale de ces î es que
l'on peut appeler en ce moment, la royauté absolue du R.P.
Laval. Malheureusement pas pour le plus grand bonheur de ses
rapport spécial.... je
le R.P. Laval est de plus en
tendant
un
sujets.
Finalement
8 Mars
après nouvelles instructions de Paris, datées du
1871, tractations diverses et visite
personnelle faite à
le Nouveau Commandant des E.F.O. (i*) avec
le transport « la Rance », au Régent, palabres et réunion du
Conseil de Régence, la situation se clarifie.
Cette Assemblée et le Régent lui-même conviennent qu'il
faut maintenir ce même Protectorat (de 1844) qu'ils avaient
déjà dénoncé (en 1871).
Le Roi, à la suite de l'incident Dupuy-Pignon (commerçants
expulsés) avait été condamné au paiement d'uie indemnité de
160.000 francs. L'Amiral lui donna l'assu a ice que, tous ré¬
serve d'une bonne conduite fu ure, ce genre u'incidcnt, fâcheux
pour le Trésor Royal, ne se reproduira plus.»..
Mangaréva
par
(f) Il était accompagné de MMrs Doublé, Lieutenant de Vaisseau,
indigènes, d'Agon de la Contrie, aide-commissaire
de la Marine, secrétaire-archiviste du gouvernement à Tahiti, Courcelle, enseigne de Vaisseau, faisant fonction d'officier d'ordonnance,
et d'un interprète mangarévien.
directeur des Affaires
Société des
Études Océaniennes
—
531
—
Finalement l'Amiral leur fait remarquer l'imprudence de leur
démarche et les inconvénients qui auraient pu en résulter pour
eux si elle avait été
acceptée par le Gouvernement Français,
auquel ils n'ont causé que des embarras, et qui cependant con¬
protéger, en les laissant libres de se gouverner euxmêmes suivant les dispositions de la déclaration du 16 Février
tinue à les
1844.
Ils
en
Je
leur fis
conviennent tous, sans en excepter
le Régent...
aussi
comprendre les conséquences funestes de
(interdiction faite aux étrangers de s'éta¬
blir à Mangaréva et dans les autres îles du groupe)... et qu'un
régime aussi peu libéral était incompatible avec la protection
du pavillon français ».
En définitive chacun accepte le maintien du Protectorat et
l'assouplissement de certaines règles, désormais désuètes.
L'Amiral ajoute « que Mangaréva pourrait constituer un
excellent point de relâche, lorsque l'i thme de Panama sera
percé, sous réserve d'un balisage, peu onéreux, des passes.
Un Résident serait utile aux Iles Gambier. Il serait préféra¬
ble qu'il fût marié, que célibataire...»
leur état d'isolement
Les insulaires continueront à s'administrer eux-mêmes. Tou¬
entre les Gouvernements étrangers seront con¬
férées au Gouvernement Protecteur.
tes les relations
En somme, c'est bien avant la lettre d'application par Mr
Girard, Commandant des E.F.O., Commissaire de la République
en Océanie, de la fameuse formule de l'indépendance dans l'in¬
terdépendance.
Il
n'y a rien de nouveau sous le soleil.
Après l'annexion de Tahiti par la France en 1880, année de
la mort du célèbre P. Laval dans l'île précédente, le vieux Roi
de Mangaréva Putairi, les chefs et le peuple s'assemblèrent
et
demandèrent à
L'Aviso
«
se
Guichen
donner à la France.
»,
transportant Monsieur
Commandant des E.F.O. fut
solennelle d'annexion, avec
la population, le 23 Février
«
Chessé
».
chargé de procéder à la cérémonie
le concours des Missionnaires et de
1881.
L'Archipel fut définitivement annexé :
d'après Piquenot au mois de Mars 1881 ;
d'après Eskridge le 21 Février 1881.
Cette
divergence de date au demeurant peu
Société des
Études
importante
Océaniennes
mon-
—
532
—
la difficulté d'avancer des
précisions formelles en ce do¬
l'insignologie.
Une remarque doit encore être faite : bien que le Protectorat
français sur Mangaréva ait été établi en 1844, puis après une
une
période de flottement (1871-1872) confirmé en 1872, il ne
semble pas que le yacht tricolore ait jamais figuré sur l'ancien
pavillon national mangarévien, celui « inventé » par Mauruc.
Ce fait demeure une exception dans l'histoire des pavillons
tre
maine de
océaniens
français.
Depuis cette époque l'histoire du pavillon de Mangaréva
confond avec celle du pavillon de Tahiti.
ujgj i
se
—
ANNEXE I
Tableau
Dates
1826
résumé
Visiteurs
Pavillons
Hostilité des
Beechey
1832
Mauruc
1834
Ebrill.
1837
Capitaine Henry
Mgr Pompallier
signalent
Dumont d'Urville
créé par
1838
1844
remet
.
Bureau
C. de F. Penaud
|
l'existence
C. Al. de
Mr
du pavillon
Mauruc.
ment
Visite
arbore pavillon
«
non
même
ratifié
formelle-
modus vivendi
»
Mangaréva, évoque le pavil¬
donné par Mauruc.
Dénonciation du Protectorat par
Lapelin
CF de la Maison
1872
pa¬
tricolore
Cuzent
„„
Aucun
pavillon à Mauteopo
renseignement précis.
Etablit protectorat,
lon
1871
-
nouveau
aucun
.
Protectorat
1856
indigènes
villon
..
Rouge
le
Régent à l'instigation de Supérieur
(Mission, incertitude quant au pavil(
,
,
,
Ion arbore
^
r
Girard, Ct E.F.O.
(Nouvellle affirmation Protectorat
Répu. en Océanie ( de 1844 (tricolore arboré)
Com.
! Annexion sur demande Régent, chefs
et
population.
Tricolore confirmé.
Société des
Études
Océaniennes
553
—
—
ANNEXE II
Bibliographie sommaire
Toutes Archives du Ministère de la F.O.M.
mablement communiquées par M. :
sur
le sujet, ai¬
Laroche, Chef du Service des Archives dans le Ministère
F.O.M.
Beechey.
Dumont d'Urville.
Ellis.
Voyage
Océanie.
en
Polynesian Researches... London 1831
MPA Lesson.
Voyage
Iles Gambier. Paris 1844.
aux
Dupetit-Thouars. Relation de voyages.
Moerenhout.
Voyages
Cuzeut
:
Teuira
Henry. Tahiti
Legras
:
Wilkes
Voyage
aux
en
Océanie.
Iles Australes.
aux
temps anciens.
Album des pavillons
USS
—
Eskridge
Paris 1856.
—
Expedition
Mangaréva — Indianapolis — 1931.
Polynesian Reminiscences — London 1866
—
Pritchard.
Henrique
Colonies d'Océanie.
—
Catholiques Françaises au XIXème
Paris 1902.
R. P. Piolet. Les Missions
siècle
(T. IV)
Rambaud
—
—
de Montrond
Piquenot
—
Annales de la
La France Coloniale
—
—
Paris 1895.
Les Missions d'Océanie.
Géographie de l'Océanie Française.
Propagation de la Foi, etc...
Nouvelles Annales de la Marine.
Annales
Hydrographiques.
Nouvelles Annales des
Hue et
Haurigot
—
Voyages.
Nos petites Colonies. Paris 1824.
Correspondances avec divers
Rey-Lescure, etc.)
(Melle Laguesse, R. Teissier,
Mr
*
Société des
*
*
Études
Océaniennes
554
—
—
II) ARCHIPEL DES TUBUAI
Cet
archipel situé à la limite du Tropique du Capricorne, à
marins de Tahiti, comprend géographiquement quatre îles formant deux
groupes dispacts.
a) Tubuai et Raivavae ;
environ 500 milles
h) Rurutu et Rimatara.
L'histoire de chacun de ces
groupes est
examinerons-nous séparément.
A) Les îles du premier
groupe sont
différente. Aussi les
des îles hautes (1). Elles
déjà rattachées à la
suivi intégralement les
avaient antérieurement à notre arrivée été
Couronne
de
Tahiti.
vicissitudes de
Peut-être
ce
Elles
ont
donc
royaume.
souvient-on de
ce
que l'île Tubuai a été la pre¬
laquelle les mutins de la « Bounty » aient voulu
se fixer, en
quittant Tahiti. Bien qu'ayant construit un fortin
dont on retrouve encore les traces, ils
n'y arborèrent nul emblè¬
me, même pas le fameux pavillon pirate noir à tête,de mort,
auquel ils avaient un droit incontestable mais se querellèrent
avec la
population, en grande partie à la suite d'essais demeu¬
rés infructueux, de rapts de femmes
indigènes.
mière terre
se
sur
Finalement ils décidèrent d'évacuer Tubuai en 1791. Ils se
divisèrent alors en deux groupes : l'un retourna à Tahiti, l'autre
fit route pour Pitcairn.
L'histoire de Raivavae
intrusion de pirates.
est
analogue à celle de Tubuai, mais
sans
B) Rurutu et Rimatara semblent être restées, théoriquement,
indépendantes. Ces îles ont d'ailleurs été connues par les Euro¬
péens relativement tard.
Minuscules royaumes océaniens leurs populations respectives
ne
dépassaient pas quelques centaines d'individus. Ils ont cepen¬
dant possédé chacun leur pavillon national, très sérieusement
décrit par Legras (2), dès 1856, donc certainement antérieurs à
cette date, sans
qu'on puisse, avec certitude, déterminer leur
origine (3).
Le pavillon de Rurutu était « coupé
blanc et rouge », c'est-â(1) Le Chantier
—
Tahiti,
page
185
en
donne
une
reproduction
saisissante.
(2) Legras
(3) Cuzent
:
Album des pavillons de toutes les nations
—
Voyage
aux
Société des
îles Australes. Brest 1872.
Études
Océaniennes
—
Paris 1856,
—
dire
partagé
en
555
—
parties égales suivant une ligne horizontale. Au-
dessous de celle-ci et à la toucher
doute bleu où
tu
se
détache
en
se
trouve un
lettres blanches le
cartouche sans
de « Ruru-
nom
».
Le pavillon de Rimatara était constitué de trois
zontales égales, rouge, blanche et rouge, le centre
blanche chargé d'une Croix de Malte rouge.
bandes hori¬
de la bande
protectorat sur ces îles
le Gouverneur des E.F.G., le 27 Mars 1889.
Rurutu, et le 29 du même mois sur l'île Rimatara.
La reconnaissance officielle de notre
a
été effectuée par
sur
l'île
l'ouvrage de J. Trouille t : « Questions colo¬
la relation complète de cette cérémonie (1). Nous la
reproduisons ci-après :
On trouve dans
niales »,
officielle de notre protectorat
sur l'île Rurutu par Monsieur
a été
Lacascade, Gouverneur des Etablissements français d'Océa: ie, en
présence du Roi et de son Gouvernement.
Le pavillon de protectorat formé de l'ancien pavillon de Ru¬
rutu, surmonté à son angle supérieur gauche, (canton dextre),
des couleurs françaises, a été arboré aux cris répétés de « Vive
la France », « Vive Rurutu » et salué de vingt-et-un coups de
canon, tirés par l'Aviso français « Dives ».
Une cérémonie analogue a eu lieu le 29 à Rimatara, mais'
l'état de la mer n'ayant pas permis de débarquer dans la jour¬
née, le nouveau pavillon fut confié aux autorités du pays, qui.
à un signal convenu, l'arborèrent au mat situé en face de la case
royale. Il fut immédiatement salué de vingt-et-un coups de ca¬
non
par la « Dives ».
«
La
reconnaissance
effectuée le 27 Mars 1889
Ces îles ont été définitivement annexées à la
France,
en
Août
1900 par
René
le Gouverneur Gallet.
Labruyère, chroniqueur maritime connu, et ancien com¬
missaire de la Marine
a
donné de l'annexion de Rurutu
une
complète et très vivante, dans son livre: «Le dernier
Pacifique» (2).
Rimatara a sans doute dû être annexée au cours d'une jour¬
relation
voilier dans le
née suivante. Il n'en dit mot dans
(1)
pages
son
ouvrage.
348 et 349.
(2) Chapitre IX, pages 164 à 176, avec reproduction du P.V. de
la prise de possession de Rurutu ; vu sa longueur nous ne pouvons
reproduire cet article.
Société des
Études
Océaniennes
—
Ces deux îles ont donc dès
colore, et leur histoire
se
556
ce
—
moment
adopté le pavillon tri¬
avec celle de Tahiti,
confond, dès lors,
*
*
%
B) RAPA
L'île de
Rapa est située à environ 700 milles marins dans le
S SE de Tahiti. Vancouver l'avait
reconnue
en
1791. Il n'en
a
rien dit d'intéressant.
C'est
une
terre
sommets
ses
féodal
en
haute, d'aspect sévère, évoquant de loin, avec
l'aspect d'un immense château
forme de tour,
ruines.
en
L'île
possède plusieurs baies. La plus fréquentée est celle
d'Apeuri ou Oparo. On avait fondé de grands espoirs, vers 1870,
sur
Rapa comme port de relâche pour les vapeurs allant de Pa¬
nama en Nouvelle-Zélande,
puisqu'elle se trouvait sur l'arc de
grand cercle réunissant ces deux points et qu'elle semblait pos¬
séder des mines de charbon exploitables.
Le charbon s'est malheureusement révélé de mauvaise qualité
le mouillage difficile d'accès et insuffisant. Cette relâche
a été abandonnée
par les steamers du Commonwealth, dès avant
1870.
A
cinquantaine de milles au large, et dans le SE de Rapa
les îles Moratiri, ou Archipel de Rass, d'une hauteur
maxima de 100 mètres où les indigènes de Rapa vont souvent
pêcher les crustacés :
A.C. Caillot a édité, en 1932, une plaquette sur l'histoire de
ces îles, d'où nous
extrayons ce qui peut se rattacher à l'histoire
des plus incertaines « du pavillon original de Rapa ». Sa des¬
cription n'est mentionnée — à notre connaissance, \dans aucun
texte. Il n'est même pas sûr qu'il ait jamais existé 1
se
une
trouvent
*
*
*
La
population de l'île vivait groupée en petites tribus qui se
continuellement. Elles habitaient les vallées
cas d'attaque dans leurs châteaux de
pierre.
Une des guerres restées les plus fameuses eut lieu entre les
faisaient la guerre
et se retiraient en
tribus faisant face
conserver
ces
saient, et s'unirent
De combats
i
]
aux
ilôts à
en
ilôts de Bass. Le Roi d'Ahueri voulait
usage personnel. Ses voisins s'y oppo¬
le battre.
combats les indigènes s'aperçurent qu'ils se
son
pour
Société des
Études
Océaniennes
—
détruisaient
—
utilité
appréciable, et ils finirent par
compromis, lorsqu'il ne restait plus que deux chefs
présence. Ceux-ci s'entendirent et décidèrent que celui qui
arriver à
en
557
tous
sans
un
survivrait à l'autre resterait seul Roi de l'île.
Les
Européens, à leur arrivée, se trouvèrent en présence de
(1814 — Capitaine Powell).
Le Roi Koroi avait été battu par le Roi Teraau, et ce dernier
bénéficia du pacte évoqué précédemment.
cette
nouvelle situation
passa le Révérend Ellis, en 1817.
1825, le Capitaine Henry emmena à Tahiti deux indigènes
de Rapa pour en faire des catéchistes.
En 1826 le missionnaire protestant anglais Devies les ramena
dans leur île où ils prêchèrent la religion chrétienne à leurs
compatriotes.
Mais ils furent bientôt attaqués de maladies jusque là incon¬
nues : la moitié de la population mourut. Puis trois Européens
s'installèrent dans leur île et leur apprirent à faire de l'alcool
avec la plante de « ti ».
Ensuite,
En
Le fameux Pritchard les visita
plus
que
en
Avril 1829
:
il n'en restait
500. Le Roi s'appelait toujours Teraau. La plupart
étaient chrétiens.
eux animés d'un beau zèle allèrent à Mangaprosélytisme (1831). Mais une grave épidémie
éclata dans cet archipel, et les Rapanais se virent dès lors en
butte à la suspicion et à l'hostilité des Mangaréviens. Ceux-là
se retirèrent
après avoir péché beaucoup de nacres : ils allèrent
dépenser leur argent à Tahiti, avant de retourner chez eux.
A partir de 1831, Rapa commença à être régulièrement fré¬
quentée par les Européens, armateurs et capitaines, notamment
par M. Moerennout et par le Capitaine au long cours français
Armand Mauruc. Ils se livraient à la pêche locale des perles
et des nacres. Quand celles-ci commencèrent à devenir rares les
Rapanais n'eurent plus d'autres ressources que de s'engager sur
Certains d'entre
réva faire du
les baleiniers.
Bientôt certains d'entre eux eurent l'idée de faire le com¬
du « taro » avec les Paumotu, démunis de tous terrains
merce
à la culture de ce légume très goûté des océaniens. Pen¬
plus de vingt ans (1835-1855) ce commerce fut particuliè¬
rement florissant. Leurs petites goélettes allaient ainsi d'îles en
propres
dant
îles.
Il
paraît étonnant qu'à cette époque
Société des
—
où ils étaient encore
Études Océaniennes
—
558
—
indépendants — ils n'eussent pas, à la mer, cîu moins, une mar¬
que deslinative — ou pavillon. Sa description ne nous est, mal¬
heureusement,
pas parvenue.
Il faudrait consulter les érudits locaux et relire
en
particulier
soigneusement les rapports faits au Gouverneur de Tahiti par
les navigateurs contemporains. Ce travail nous est matérielle¬
ment impossible. Il tentera peut-être les érudits locaux.
En 1863
chez
de
eux
un
du
bâtiment de
«
commerce
recrutement
»
péruvien
comme
essaya d'effectuer
il l'avait pratiqué à l'île
Pâques, c'est-à-dire
en véritable pirate.
indigènes de Rapa réussirent à s'emparer du navire péru¬
Les
vien
et
rent
prompte justice du Capitaine péruvien et de son équipage
le conduisirent à Tahiti où les autorités françaises fi¬
de forbans.
Malheureusement les Péruviens avaient laissé
les germes
de nouveau
d'une maladie terrible, la dysenterie
comme
des mouches. Bientôt il
ne
aux
indigènes
ils moururent
resta plus sur l'île
;
128 indigènes.
En 1867, un indigène nommé Etau vint annoncer au Gouver¬
neur de Tahiti
qu'il y avait du charbon à Rapa. Le Commissaire
impérial, Mr de la Roncière, envoya aussitôt en mission le Ca¬
pitaine d'Artillerie de marine Méry (Avril 1867).
Ce charbon fut reconnu peu exploitable.
Par contre, l'officier réussit à
signer avec le Roi Parima un
traité par lequel, sous réserve de ratification, il se ralliait au
Protectorat de Tahiti et « arborait officiellement le pavillon
français du Protectorat dans l'Océanie (1), ce jourd'hui le 28
que
Avril 1867
«.
Voilà donc le
premier pavillon connu arboré à Rapa. Mais
vraisemblable, comme nous l'avons déjà écrit, qu'il
a
été précédé d'une autre
marque, locale, dont la description
n'a été retrouvée nulle part, pour le moment du moins.
Par ailleurs, il ne semble pas que la ratification envisagée ait
eu lieu
(2), du moins avant 1932...
il est très
Ce même Commissaire
Impérial ne tarda pas à envoyer à
Résident, le Lieutenant de Vaisseau Cailiet. Il resta
dans l'île de Novembre 1867 à Février 1869,
jusqu'après le
dernier passage du steamer d'une compagnie britannique
qui
Rapa
(1)
80).
un
et
(2) E. Caillot. Histoire de l'île Oparo
Société des
Études
ou
Rapa. (Pages 79 el
Océaniennes
—
avait choisi
Rapa
comme
559
—
escale entre Panama et la Nouvelle-
Zélande.
jusqu'au mois de mars 1881. « Le 5
E.F.O., Commissaire de
la République en Qcéanie, arriva à Rapa sur l'Aviso le « Guichen ». Les autorités furent reçues avec joie. Quand les indigè¬
nes
apprirent les événements qui s'étaient passé à Tahiti, ils de¬
mandèrent à changer de pavillon. Après les visites du Roi Parima, et les cadeaux d'usage, le pavillon tricolore fut hissé sur
un mât
que le « Guichen » laissa à terre et un a-mu-raa-maa
(grand banquet) réunit tous les habitants de l'île. Ils n'étaient
guère plus de 150.
Un incident se produisit avec le gouvernement britannique
en 1883; il aurait pu amener un changement de pavillon.
La Grande-Bretagne, à l'instigation des huit colonies austra¬
L'île fut ensuite délaissée
de
ce
mois Mr Chessé, commandant des
liennes demanda à la France en 1885 de
cher » dont nous ne faisions rien.
Mais la France, comprenant
céda pas
tratif et
«
lui céder
ce
l'intérêt stratégique de Rapa
et rattacha même cette île, du point de vue
ro¬
ne
adminis¬
judiciaire, à l'archipel des Tubuai (1).
Depuis cette époque des agents spéciaux « gardiens de notre
Pavillon », furent, plus ou moins régulièrement, envoyés à Rapa.
Vers 1900, René Labruyère y rencontra un joyeux gendarme,
originaire du Lot-et-Garonne, qui y vivait, très bourgeoisement,
avec son épouse.
Il y resta une dizaine d'années.
Plus près de nous E. Caillot a cité le débonnaire Le Goffic,
parent de l'écrivain connu. Sorte de patriarche pacifique, il y
passa une vingtaine d'années. Je crois même qu'il y mourut.
Nous avons connu à Tahiti un des plus récents agents spé¬
ciaux de Rapa, l'illustre Maireau, flanqué de sa maison civile
et de son troupeau de « reproducteurs ovins ». Maireau dans
ses
jours d'abandon, nous avait confié qu'il était fils naturel
d'un peintre très célèbre, sans doute Harpignies — et qu'il
sortait de l'école des bergers de Rambouillet. D'où sa passion
pour les ovins. D'ailleurs cet élevage, avait déjà bien réussi à
l'île de Pâques : il pouvait donc être tenté avec quelques chances
de succès à Rapa-Iti. Les insulaires n'y passaient pas pour des
bourreaux de travail : mais à leurs qualités très réelles de chas¬
seurs de
paiîle-en-queue, et de pêcheurs de nacre, ils semblaient
pouvoir adjoindre le facile maniement de la houlette de berger,
(1) E. Caillot. Histoire de l'île Oparo ou Rapa. (Page 79).
Eti
les
—
560
—
Sous uns apparence frêle
taine virilité : il passa plus
laissa
çons...
Maireau cachait sans doute une cer¬
de quinze ans de sa vie à Rapa, et
parait-il de son union avec une demi-blanche, deux gar¬
Etrange destinée de ces petis-fils d'un illustre peintre,
abandonnés dans la verdure de Tahiti, ou retournés dans la
solitude australe de Rapa. On est invinciblement tenté de rap¬
procher leur sort de celui de llarry Gauguin.
Quant au pauvre Maireau, lointain compagnon de notre jeu¬
nesse, il est décédé à l'hôpital de Tahiti, au retour d'un dernier
séjour à Rapa, vers 1940. Sans doute, lui seul, aurait-il pu
nous donner, à la suite de ses
longues fréquentations des Rapanais, quelques précisions sur l'hypothétique pavillon original de
Rapa...
René
pages
Al.
à
Labruyère. Le dernier voilier dans le Pacifique. Paris 1935,
196 à 220.
Decoux. Sillages dans les Mers du Sud. Paris 1953, pages 310
330.
*
*
*
III) ARCHIPEL DE COOK
Cet Archipel est composé d'une dizaine d'îles (huit exacte¬
ment). La principale se nomme Rarotonga. Hauteur 890 m.
Groupe situé dans le S.O. de Tahiti et à environ 700 milles
marins.
Bien que cet archipel ne fasse pas partie des Etablissements
Français d'Océanie, nous croyons devoir en dire ici un mot
pour plusieurs raisons.
D'abord, comme l'écrit Teuira Ilenry (1), Rarotonga est une
dépendance de Tahiti, et des relations entre les deux pays ont
toujours existé. Les familles royales y sont alliées.
En outre, cet archipel a été longtemps considéré comme situé
dans la sphère d'influence de la France.
C'est ainsi que Mager, géographe colonial connu, le classe
en 1890
parmi les territoires sur lesquels les droits de la France
semblent reconnus (2) (ainsi d'ailleurs que l'île de Pâques, et
l'archipel des Salomon).
Le même Mager, dans son ouvrage sur le Monde polynésien
n'écrivait-il pas lui aussi (3) : il est vrai qu'en 1882 le gou-
(1) Teuira Henry. Tahiti, page 128.
(2) Atlas Colonial.
(3) Mager — Le Monde Polynésien. P. 1902. Page 230.
Société des
Études
Océaniennes
—
verneur
des Etablissements
561
—
Français de l'Océanie, le Capitaine
de Vaisseau Dorlodot des Essarts avait assuré le Ministre que
lui paraissait si bien établie, aux îles de Cook,
l'envoi d'un résident lui semblait inutile.
A peu près à la même époque Ayiie Marin — pseudonyme
d'un futur Gouverneur des E.F.O., le Commissaire Général Gil¬
bert Pierre, n'était-il pas obligé de rajouter à son charmant
petit livre « l'Océanie », le rectificatif suivant : « C'est par
erreur
qu'on a compris dans les Etablissements (français)
notre situation
que
d'Océanie les Iles de Cook...
Considérées
jusqu'alors dans la sphère d'action de l'influence
française, elles auraient été arbitrairement annexées par la
Nouvelle-Zélande, le 20 Septembre dernier, s'il faut en croire
Dépêche d'Aukland d'Octobre 1888 ».
d'après certains, les habitants de Rarotonga.
l'une des îles de cet archipel, auraient peuplé Rapa. Cette tra¬
une
D'autre part,
dition est d'ailleurs contestée.
Enfin, le pavillon de ces îles couvrit il y a plus d'un demisiècle, une sinistre histoire de piraterie, bien connue dans les
Mers du Sud, l'affaire des frères Rorique, rapportée avec les
détails les
René Labruyère (1).
appartenaient à la bonne no¬
blesse belge : acculés par la nécessité, ils avaient massacré, en
1892, certains membres d'une petite goélette tahitienne, nom¬
mée « Niuorahiti », mais rebaptisée faussement «Poï», du port
d'Avarua (Rarotonga), puis maquillant leurs papiers de bord,
avaient sillonné le Pacifique, à l'aventure, naviguant sous un
faux pavillon rarotongien.
Démasqués aux Philippines par les autorités espagnoles, ex¬
tradés, ramenés en France, jugés devant le Conseil de guerre
de Brest pour crime de piraterie ils avaient été condamnés à
des peines sévères — et envoyés au bagne.
Triste et ultime illustration du pavillon rarotongien.
Tout ceci nous amène à dresser, dans la limite de nos fai¬
bles moyens un court historique de ce pavillon.
Nous ne connaissons pas exactement son origine. Mais vers
1850, il avait, déjà, été arboré puisqu'il figure dans l'Atlas des
Albums de Pavillon du C. de F. Legras.
A cette époque il est constitué de trois bandes horizontales
En
plus circonstanciés
bref, les auteurs du
par
coup
(1) R. Labruyère. Histoire des Frères Rorique. Paris 1932.
Société des
Études
Océaniennes
—
562
—
égales, rouge, blanche, rouge, la blanche chargée de trois étoiles
(à cinq raies bleues).
Il semble
que ce pavillon ait été modifié avant 1888, lors de
l'annexion de l'Archipel de Cook par la Grande-Bretagne —car
l'Alexander Turnbull Library, de Wellington
(NouvelleZélande) nous en a envoyé, vers 1952, la description suivante,
extraite de la collection de W. G. Bail (et
recueillie vers 1940).
Trois bandes horizontales égales, rouge, blanche et
rouge, la
blanche chargée de trois étoiles à i inq raies rouges
yacht de
l'Union Jack, au coin supérieur du pavillon, du côté de la
hampe.
Cette composition est confirmée par la description du pavillon
personnel arboré par la Reine Makea Ariki, dans sa visite offi¬
cielle à Auckland, en 1885. Exactement même
description que
la précédente, moins l'adjonction du yacht
britannique : à ce
moment l'île se trouvait encore
indépendante.
De ces deux sources on semble pouvoir conclure
que René
Labruyère, et les frères Rorique ont dû commettre une légère
erreur
insignologique puisqu'ils ont adopté la couleur bleue pour
les étoiles de leur pavillon rarotongien.
D'après Burnett, au Protectorat Britannique aurait été subs¬
titué vers 1900, l'annexion
pure et simple à la Couronne
(d'où adoption de l'Union Jack), après un court essai de Con¬
fédération des îles de Cook avec un pavillon particulier.
Par la suite cet archipel aurait été cédé à la Nouvelle-Zélande
avec
Manihiki, d'où adoption pour celui-ci du pavillon de ce
Dominion (l'île de Niue resterait, aux dernières nouvelles, en
dehors de cette annexion).
*
*
%
CONCLUSIONS
Et pour conclure, car il faut quand même essayer de dégager
de cette laborieuse étude une conclusion,
qu'il nous soit permis
de
souhaiter que
cette longue incursion dans le domaine de
de laquelle non > avons dû refeuille¬
ter tour à tour les
poudreux Recueils de Mémoires, de Quîros
à Moerenhout, en passant
par Banks, Cook et Dalrymple, jus¬
qu'aux pimpants ouvrages des écrivains modernes, encore tout
brillants de leurs papiers couchés et des ors frais de leurs re¬
liures, de Burnett à Eskridge, sans oublier la pleïade des illus¬
tres navigateurs du XIXème Siècle, auteurs de
magnifiques
Atlas en couleurs, qu'il nous soit permis, dis-je, de souhaiter
«
l'insignologie
», au cours
Société des
Études Océaniennes
563
—
—
— donnant à vrai dire une vue un peu
époque révolue de la conquête du Pacifique —
procuré à nos lecteurs autant de satisfactions qu'à
cette vaste enquête
que
cavalière de
ait d'abord
cette
nous-mêmes.
Cette étude
particulièrement en relief tout l'intérêt de
dans une sorte de concrétisation schématique
de l'Histoire en impressions visuelles, plus accessibles à l'enteii
dement, qu'une succession aride et quasi immatérielle d'événe¬
ments. L'insignologie pourrait donc avantageusement servir de
soutien à l'enseignement scolaire.
«
met
l'insignologie
De
aide
»
plus, cette science peut
au
par un
chercheur
lieu,
une
date,
dans certains cas — venir en
pour identifier un document
même par ces deux éléments conjoints.
—-
à l'érudit
ou
ou
C'est ainsi
qu'il m'a été permis, au cours d'une visite rapide
chez des inconnus, de situer à première vue, par un signe flot¬
tant, une « Marine » restée jusqu'alors mystérieuse. (Il s'agis¬
sait en fait, d'une vue de l'embouchure du Tage, en i626).
De
même, si le dessin attribué précédemment à Meryon
porté, outre une dédicace levant toute ambiguïté, la
silhouette si caractéristique du « Mont Duff », il eut été possible
par le simple examen du pavillon flottant au large de Rikitea,
n'avait
de reconnaître dans
exécutée,
va,
C'est
sans
pourquoi,
ce
dessin à la
doute,
nous
sous
plume,
une vue
de Mangare-
voiles, avant 1844.
réclamons,
une
fois de plus, droit de cité
pour l'insignologie, à côté de ses deux Sciences sœurs, ou tout
au moins cousines
germaines, l'Héraldique et la Sigillographie.
On
peut d'ailleurs constater, par différentes enquêtes menées
simultanément aussi bien
Allemagne Occidentale (1), qu'en
Grande-Bretagne (2), aux Etats-Unis, voire même en Océanie
(3), que cette question à laquelle nous nous intéressons, per¬
sonnellement, depuis plusieurs années, est à l'ordre du jour et
flotte, pour ainsi dire, dans l'air.
Il
ser
ou
ne
en
resterait
un
en
grouper les bonnes volontés, à dres¬
définitif des notions encore trop vagues
plus qu'à
monument
trop dispersées. Le temps y pourvoira sans doute à la
(1) Collection de Mr. Cari Fachinger, à Francfort
(2) Public Record Office
et
sur
divers à Londres.
(3) Library of Congress, Washington.
Bishop Museum, Honolulu (Hawaii).
Société des
Études
Océaniennes
lon-
le Mein.
—
564
à moins que cette tâche —
retienne, un jour, l'attention de
généreuse ».
gue...
—
somme toute
«
l'UNESCO
mineure
»,
«
—
ne
superbe et
Je souhaite enfin que les lecteurs de cette longue
Pavillons Océaniens (1) (français) aient pu,
l'anecdote facile, dégager de ces notes
rétrospective
au delà de
quelques idées plus ou
moins philosophiques telles que l'identité des
passions humaines,
sous toutes les
latitudes, même dans les collectivités les plus
minuscules (à Rapa par exemple) ; la
fragilité des protectorats;
la versatilité des gouvernements, et encore l'irrésistible
puis¬
sance, sur les groupements plus faibles, de l'attraction des mas¬
des
ses.
Ces enseignements demeurent, malheureusement,
partout, et
toujours valables.
Commandant J. COTTEZ
Capitaine de Frégate (R)
(1) Voir Bulletins S.E.O. Nos 82, 85, 90, 96, 108, 111.
Société des
Études
Océaniennes
—
565
—
NAVIGATION
A propos
de l'Expédition Archéologique de
Heyerdahl à l'Ile de Pâques (i)
Thor
( Condensé de la Revue Mer et Outre-Mer Premier
trimestre 1956 )
L'Ile de Pâques est le plus souvent considérée par les archéo¬
logues et ethnologues comme une espèce de cul-de-sac. Selon
Buck, par exemple, elle n'aurait été occupée qu'après le lOème
siècle après Jésus-Christ, dernière étape des migrateurs poly¬
nésiens allant
Quant
au
vers
l'ouest.
fameux mystère des statues pascuanes et des
tablet¬
caractères originaux de la culture des ha¬
bitants de l'île, ils sont le plus souvent mis sur le seul compte
de l'isolement ayant produit une évolution en vase clos de
certains éléments purement polynésiens. Selon Métraux, par
exemple, les grandes statues de pierre s'expliqueraient par
l'absence d'arbres et la présence d'une roche légère et facile à
travailler qui se trouve en abondance à un certain endroit de
l'île. C'est ainsi que des accidents d'ordre géographique ou
des hasards sont couramment utilisés pour expliquer les par¬
tes
parlantes, et
aux
ticularités de l'île de
Pâques.
Cette insuffisance explique pourquoi 011 reparle périodique¬
ment de l'île de Pâques et de ses mystères. Ces dernières an¬
Heyerdahl a soutenu que cette île aurait
des migrations d'origine américaine qui,
selon lui, auraient été les sources les plus importantes du peu¬
plement de la Polynésie. Il en déduit que les grandes statues
auraient été dressées, comme une sorte de temple, pour célé¬
brer le rôle du centre d'éclatement joué par l'île de Pâques.
nées notamment, Thor
été la première étape
(1) Des dépêches de presse ont annoncé que Thor Heyerdahl était
parti à bord d'un chalutier aménagé à cet effet pour une expédition
archéologique à l'île de Pâques. Des savants étrangers doivent l'ao
compagner dans cette expédition qui se dirigerait non seulement sur
l'île de Pâques, mais également sur Pitcairn, les Gambier, les Tubuai et les Marquises dans le but de rechercher les restes archéo¬
logiques des différentes civilisations qui se sont succédées sur ces îles
restes. Thor Heyerdahl espère ainsi reconsti¬
chronologique des migrations qui ont abouti au
peuplement de la Polynésie.
et
ensuite
tuer
le
de
dater
ces
déroulement
Société des
Études Océaniennes
—
566
—
Pour des raisons d'ordre strictement
nautique, on peut s'op¬
à cette théorie : en effet, un radeau du type KON TIKI,
quittant les côtes du Pérou ou de l'Equateur, aurait eu beaucoup
de mal à se diriger vers l'île de
Pâques et, s'il y avait réussi,
aurait eu les plus fortes chances de
manquer son atterrissage
poser
co¬
il serait donc logique de
préférer une autre hypothèse : si
l'île de Pâques fut une escale
importante dans les migrations
polynésiennes, ce fut dans le sens opposé de celui qui est envi¬
sagé par Thor Heyerdahl. Les liaisons Polynésie primitive —
Amérique Précolombienne, dont les. traces sont incontestables
et jusqu'à
présent mal expliquée:, auraient eu pour origine un
voyage polynésien partant de l'île de Pâques vers l'Amérique
du Sud ; le retour de cette
expédition aurait été effectué, non
pas en direction du point de départ, mais plus au nord en
pro¬
fitant des vents alisés. Ainsi, le
périple complet aller et retour
aurait suivi le chemin : île de
Pâques, Pérou ou Equateur.
Marquises ou Tuamotu, les Gambier, Pitcairn et Ducie, île de
Pâques.
La
conséquence de cette hypothèse, basée sur des exigences
nautique, serait qu'il n'y aurait pas eu de relation aller
et retour directe entre une île ou un
archipel de la Polynésie
primitive et un point de la côte de l'Amérique Précolombienne,
Cette solution serait logique car les traces
péruviennes en Po¬
lynésie sont malgré tout assez limitées. En tous cas, il n'y au¬
rait pas eu, entre ces deux régions, de véritables
échanges com¬
merciaux par voie maritime car de
pareils échanges auraient
demandé un réseau d'étapes établies sur le circuit
complet et
entièrement entre les mains d'un peuple de
navigateurs bien
organisés. Or les polynésiens, s'ils étaient et sont encore d'ex¬
cellents marins, n'ont jamais bâti des organisations
politiques
couvrant
plusieurs archipels (que ce soit sous la forme confé¬
dération ou la forme empire) ; ils n'auraient d'autre
part ja¬
mais pu conquérir sur la côte péruvienne un
point d'appui
autre que très provisoire. Quant aux
péruviens, les légendes
qui nous sont parvenues parlent bien de voyages vers l'ouest :
d'ordre
(1) cf. Revue Maritime, n° 105, Janvier 1955, Etude sur les Mi¬
grations Polynésiennes, (au sujet de la théorie de Thor Heyerdahl
sur
le
rôle
de
l'île
de
Pâques, voir surtout les
Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes
485 à
—
pages
493.
Société des
Études
24 et 25) et
1955, pages
décembre
Océaniennes
—
567
—
toujours un caractère exceptionnel et unique,
caractère de conquête ou de colonisation (1).
En somme, la liason Polynésie primitive — Amérique Pré¬
colombienne aurait été due à l'initiative polynésienne. Mais
l'imprécision des instruments nautiques des polynésiens, comme
la pauvreté de leurs moyens, mettaient cet exploit à la limite
de leurs possibilités; d'un autre côté, leurs insuffisances militai¬
res et
politiques ne leur permettaient pas l'installation de postes
fixes indispensables pour l'entretien de véritables échanges
mais leur donnent
jamais
un
commerciaux. Les seuls résultats de cette liaison furent donc
emprunts polynésiens en Amérique Précolombienne et, vrai¬
semblablement, une migration de péruviens vers la Polynésie,
ces éléments
péruviens ayant été peu à peu complètement amal¬
gamés à la civilisation polynésienne, car ils auraient été bloqués
des
revenir ni recevoir de renforts,
Pour avoir les preuves incontestables qui feront le choix en¬
tre les théories extrêmes (Métraux ou Buck d'un côté, Thor
Heyerdahl de l'autre) et la théorie de conciliation qui précède,
le chercheur moderne dispose d'une seule possibilité, dont
les résultats peuvent être très probants ; aller sur place,
dans les îles de la Polynésie orientale, les plus proches de
l'Amérique du Sud, y procéder aux recherches archéologiques
qui, jusqu'à présent, ont été quasi inexistantes, et enfin, dater
par comparaison ou par la méthode du carbone radioactif les
restes qui pourront être découverts (2).
Mais faut-il faire dès maintenant une exploration complète et
loin de chez
eux
sans
pouvoir
y
détaillée de toutes les îles intéressées,
travail
que
l'expédition
(1) Le seul titre d'un article du Dr. P. Rivet, « Relations Commer¬
Précolombiennes entre l'Océanie et l'Amérique » (Festchrift,
P. W. Schmidt, Vienne, 1928) indique bien quelle est la thèse dé¬
fendue par cet auteur. Les traditions péruviennes et polynésiennes
auxquelles il se réfère sont très intéressantes ; néanmoins, leur carac¬
tère quelque peu imprécis et leur petit nombre font penser qu'il se
serait agi d'expéditions exceptionnelles et d'explorations non renouve¬
lées plutôt que d'entreprises commerciales.
ciales
(2) cf. les recherches archéologiques poursuivies dans les îles Hapar le Bishop Museum qui n'y a trouvé jusqu'à maintenant au¬
cune
trace du passage de l'homme qui soit antérieure au 8è siècle
après J.C. (Journal de la Société des Océanistes, t. 9, année 1953,
pp. 366-7, P. O' Reilly, le Dr KENNETH P. EMORY et les recher¬
ches archéologiques en Polynésie).
waï
Société des
Études
Océaniennes
_
de
568
—
Thor
Heyerdahl, aussi nombreuse et bien équipée qu'elle
puisse être, ne pourra que commencer. Ne serait-il pas pos¬
sible, en partant de quelques présomptions, d'orienter les re¬
cherches vers les points qui devraient contenir les restes les
plus intéressants ?
On peut essayer de le discuter ici ; c'est d'ailleurs nécessaire
pour compléter mon exposé des conditions nautiques ayant du
commander la liaison Polynésie—-Amérique du Sud. En effet,
si l'on a fait peu d'objections à la théorie de la route suivie
par les migrateurs polynésiens (qui auraient découvert l'Améri¬
que en passant par l'île de Pâques), 011 a par contre critiqué la
relation directe de cause à effet établie entre l'importance
nautique de l'escale qu'était l'île de Pâques et les particularités,
notamment les statues, de cette île. Il faut donc
apporter quel¬
ques- précisions sur ce dernier point.
Etant donné les traces d'influence péruvienne trou¬
Polynésie, il n'est pas illogique d'imaginer qu'un groupe
de péruviens a fini par échouer, avec armes et bagages, dans
les îles polynésiennes. Il est très possible que cette arrivée ait
été le résultat d'une expédition entreprise sur un ou plusieurs
radeaux de balsa. Ces péruviens auraient voulu explorer et,
peut-être, conquérir, ces archipels dont une pirogue polyné¬
sienne, ayant fait le voyage de l'île de Pâques au Pérou, leur
aurait appris l'existence. Leur point d'atterrissage dut être
l'archipel des Tuamotu, ou, plus vraisemblablement les Mar¬
quises ; en effet, les alisés devaient avoir tendance à les faire
remonter vers le nord ; d'ailleurs, les îles
volcaniques des Mar¬
quises devaient beaucoup mieux convenir à un établissement
péruvien que les îles madréporiques des Tuamotu.
—
vées
A
—
en
B
Il
semble
difficile
d'admettre, comme l'expose le
péruviens, montés sur des radeaux de balsa,
aient pu aborder aux Marquises ou aux Tuamotu, se contenter
d'y faire escale et de s'y ravitailler, puis continuer leur route
sur les Gambier, Pitcairn et l'île de
Pâques, pour retourner au
—
Dr.
—
Rivet,
que ces
Pérou et ainsi ouvrir
une
véritable
route
commerciale. Si
les
Polynésiens ont toujours été réputé pour leur hospitalité, il est
pourtant difficile d'admettre qu'ils aient aidé et guidé des
étrangers dans des domaines qui" leur appartenaient, au risque
de voir revenir ces mêmes étrangers avec des intentions peu
bienveillantes. Les terres ont toujours manqué aux polynésiens
primitifs. Qu'ils aient souvent accueilli des individus de leur
propre race est un fait prouvé; ils ont même accueilli de nom¬
breux déserteurs de bateaux européens; mais ces exemples, qui
Société des
Études
Océaniennes
569
—
—
ou Bligh en sont témoins) ne
individus, jamais des groupes
entiers. L'arrivée de péruviens, en nombre suffisant pour in¬
fluencer la civilisation polynésienne, a certainement donné lieu
à des luttes peut-être sanglantes. Il est d'ailleurs vraisemblable
qu'ils étaient accompagnés de polynésiens qui, après avoir dé¬
couvert l'Amérique en partant de l'île de Pâques, désiraient se
procurer des alliés dans les luttes séparant les roitelets des dif¬
férentes îles et qui auraient ainsi été à l'origine de l'expédition.
Il est en tous cas contraire à la logique d'imaginer que des
navigations avec escales aient pu être faites au milieu d'une
civilisation primitive par des étrangers à cette civilisation. Les
européens des grandes découvertes n'ont pu le réussir qu'à
cause des armes à feu dont ils disposaient ; la liberté des mers
et le libre accès sur des rivages étrangers sont des notions da¬
tant des siècles récents. Il serait normal que les péruviens
aient été contraints de conquérir les premières îles abordées
et s'y soient trouvés pratiquement enfermés.
C
Les conditions de la navigation dans cette portion
(Gook
sont pas tous idylliques
concernent jamais que quelques
ne
—
—
Pacifique incitent à penser que les premières îies abordées
par les péruviens furent les Marquises et les Tuamotu. On
du
peut rappeler à ce
sujet les particularités des
îles Marquises.
qu'à l'extrémité de la Polynésie, elles ont abrité une des
civilisations les plus intéressantes parmi les civilisations polyné¬
siennes et on y a trouvé des traces qui font penser à l'Améri¬
Bien
Buck fait partir des Marquises et y reve¬
qui aurait touché l'Amérique du
de se lancer dans l'étude des mi¬
grations polynésiennes, avait passé deux ans aux Marquises et
qu'il avait vu et recueilli avait eu une grande influence sur
la naissance de sa théorie de l'origine précolombienne des po¬
que
Précolombienne
:
nir la pirogue polynésienne
Sud ; Thor Heyerdahl, avant
ce
lynésiens.
D'ailleurs les
légendes marquisiennes ont
gardé le souvenir
luttes relativement récentes que certains ont
comme le rappel des combats entre mélanésiens,
de
interprétées
anciens occu¬
envahisseurs polynésiens. Il serait possible que ce fut
polynésiens installés aux
Marquises et envahisseurs péruviens, ces luttes datant seulement
de quelques siècles avant l'exploration du Pacifique par les
européens.
!
D
Ce ne fut qu'après une certaine acclimatation, après
avoir appris la langue polynésienne et les techniques de naviga-
pants, et
en
réalité le souvenir de luttes entre
—
—
Société des
Études
Océaniennes
—
570
—
tion permettant de parcourir le dédale des îles océaniennes (les
Tuamotu surtout), que ces péruviens amalgamés de polynésiens
dû être capables de s'aventurer au-delà de- leur premier
établissement, soit pour essayer de conquérir d'autres terres,
soit pour échapper à des ennemis qui commençaient à les sur¬
classer, soit encore pour chercher à rentrer dans leur pays
d'origine qu'ils n'avaient pas quitté sans l'idée d'y retourner
un jour. C'est à ce sujet
que l'on peut évoquer les luttes relati¬
ont
vement récentes
dont on a conservé les traces dans les Austra¬
les (restes ressemblant à des fortifications primitives), aux
Gambier (où il était interdit de construire des pirogues de mer),
à
Pitcairn, resté inhabité après la destruction des établissements
qui s'y trouvaient), enfin à l'île de Pâques (les courtes oreilles
contre les longues oreilles).
E
Etant donné que les liaisons Polynésie Primitive —
Amérique Précolombienne n'ont pas empêché la civilisa lion po¬
lynésienne de garder l'essentiel de son individualité, il paraît
vraisemblable que les péruviens ont fini par être battus et, en
partie décimés, en partie amalgamés au milieu de la population
d'origine. Peut-être le dernier épisode a-t-il été cette guerre
entre longues et courtes oreilles
qui a ensanglanté l'île de Pâ¬
ques ; les fameuses statues en seraient le témoignage....
L'hypothèse résumée dans les quelques paragraphes qui précè¬
dent est essentiellement basée sur les nécessités nautiques aux¬
quelles devaient se plier les navigateurs primitifs qu'étaient
les polynésiens ou les péruviens. Elle ne comprend que des
présomptions et son seul but est de chercher à orienter les re¬
cherches archéologiques dans une direction précise au lieu de
les disperser sur un trop grand nombre de territoires comme
Thor Heyerdahl semble envisager de le faire.
—
—
En effet, il en ressort que les traces du contact Polynésie
primitive — Amérique Précolombienne devraient exister en
premier lieu aux îles Marquises : ce serait là que le ou les pre¬
miers établissements péruviens (s'il y en a eu) auraient dû être
installés. Ce serait donc là qu'il faudrait commencer les fouilles.
En tous cas, même si les recherches devaient commencer
par
l'île de Pâques, comme le pense Thor Heyerdahl, il est certain
que les deux groupes extrêmes : les Marquises et l'île de Pâ¬
ques, doivent être fouillés les premiers. Ce ne serait qu'après
l'examen des premières découvertes que l'on pourrait orienter
les recherches suivantes et notamment chercher à découvrir les
étapes des contacts Amérique Précolombienne
Société des
Études
—
Polynésie pri-
Océaniennes
—
mitive
571
—
explorant les autres îles de la Polynésie orientale. Il
espérer que l'expédition de Thor Heyerdahl ne se
contentera pas de résultats partiels obtenus sur plusieurs terri¬
toires différents : le côté spectaculaire de l'expédition y per¬
drait, mais son intérêt scientifique ne pourrait qu'y gagner.
faut
en
donc
Paul ADAM
Société des
Études
(Décembre 1955)
Océaniennes
DIVERS
DONS:
de Monsieur le Lieutenant de Vaisseau
Marine
Papeete
—
lames de
22
et une
Maurice Bonzon
pierre provenant d'Eiao
(Iles Marquises)
de Mohotani
de Monsieur Luis
Angel Arango
Gerente General
Banco de la
Republica
Bogota
Colombia
deux volumes, intitulé :
prehispanica de Colombia
Jose Perez de Barradas
1 ouvrage en
Orfebreria
par
1
—
Texto
2
—
Laminas
ERRATA:
Bulletin
Page 503
:
n°
Lire
«
114
(Mars 1956) de la S.E.O.
lors de
sa
fondation
en
1917 »
au
lieu de
1918.
Page 517
:
Lire
«
Ile Tapuae Manu
Société des
Études
» au
lieu de Tupuae Manu.
Océaniennes
Les articles
teur a
publiés, dans le Bulletin exceptés ceux dont l'au
ses dioits, peuvent être traduits et reproduits,
expresse que l'origine et l'auteur en Seront men¬
réservé
à la condition
tion nés.
Toutes communications relatives
Société,
la
doivent
être
au
adressées
Bulletin,
au
au
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Président.
à
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Papeete, Tahiti.
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Membre à vie résidant
Membre à
40
vie
en
France
résidant à
ou
dans
l'Etranger,
ses
colonies. 2000F.P.
15
livres sterling
Avantages de
se
faire recevoir Membre
a
vie
fois pour toutes. (Article 24 du
rieur. Bulletins N° 17 et N° 29).
me
versée
r
ou
dollars.
une
Le Bulletin continuera
a
pour cette som¬
Règlement'lnté-
lui êtreadressé. quand
bien même
il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
Le Membre à vie n'a
plus à se préoccuper de l'envoi ou du
paiement de sa cotisation annuelle, c'est une dépense et un souci
2°
de moins.
I'm
conséquence
sont invités
a
:
Dans leur intérêt et celui de la Société,
devenir Membre à vie:
TOUS CEUX qui,
résidant hors de Tahiti, désirent recevoir le
Bulletin.
TOUS LES jeunes Membres de la Société.
TOUS
CEUXqui, quittantTahiti,s'yintéressentquand même.
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 115