B98735210103_113.pdf
- Texte
-
No
113
-
TOME
DECEMBRE
Anthropologie
Histoire
—
des
—
IX
(N° 12)
1955
Ethnologie
Institutions
et
—
Philologie
Antiquités
populations maories
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
PAPEETE
Océanographie
—
—
Sciences naturelles
IMPRIMERIE DU GOUVERNEMENT
CONSEIL
[yADMINISTRATION
M. H.
/-'résident
Vi
ce-
Jacquier.
M. Rey-I.kscurk.
Président
melle i.ague - siî.
Secrétaire-Archiviste
Trésorier.
Ai. L.IAUZ UN
Assesseur.
M. le Coin1 Paucellier.
Assesst
M.
ur
Rudolphe Bambridgk.
M. Ter ai Bkedin.
Assesseur
Assesseur
M. Martial Iorss
Assesseur
M. Siméon Krausër
Assesseur
M
Yves Malardé.
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membre titulaire.
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le livre emprunté à la date
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cas
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leurs invités tous les jours, de 14 à 17 heures, sauf le
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Les
à
LE BULLETIN
Le Bureau de la Société accepte l'impression de tous les articles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
epouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien les
commentaires et les assertions des divers auteurs qui. seuls, en
prennent toute la responsabilité.
Aux lecteurs de former leur appréciation.
Le Bulletin
ne
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La Rédaction.
BULLETIN
DE
LA
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNE
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
—i-m——
-
TOME IX
No
113.-
(No 1 )
-
DECEMBRE
1955
sommaire
Pages
Histoire locale.
Les
"informations" du Messager de
Tahiti
en
467
1855/1856 (J.L. )
Histoire.
journal du Révérend David Darling à
septembre
( Colin Newbury ) .
Extrait du
Vaitahu, Tahuata, décembre 1834 à
1835
476
Folklore.
Légende du requin, " pei''
Laguesse )
mangarévien (Janine
481
Navigation.
sur l'aspect nautique des liaisons Po'ynésie-Amérique du Sud avant l'arrivée des
Européens dans le Pacifique (Paul Adam)....
Notes sur les pirogues actuelles de l'île Raivavae (H. Jacquier)
Etude
485
494
Divers.
Une lettre inédite de
Gauguin (R. Teissier)...
Société des
.
497
500
Acquisitions
Études
Océaniennes
HISTOIRE
LOCALE
Messager de Tahiti
Les " Informations " du
de 1855 / 1856
( suite )
1855
OUVERTURE DES TOOHITUS.
Lundi 8
janvier conformément à la loi et à l'ordre de
Mr
Gouverneur, Commissaire impérial, la Cour des Toohitus s'est
réunie dans le lieu de ses séances habituelles. A midi, M. ld
le
impérial s'y est
chef du bureau des affaires indigènes
l'interprète, M.R. Barff. Il a adressé aux Toohitus, au
d'une assemblée assez nombreuse des indigènes, le
Commandant
particulier Roy, commissaire
rendu, accompagné du
et
de
milieu
discours
suivant
:
Appelé par le Commissaire impérial à l'honneur de le
remplacer durant son absence, je viens au milieu de vous afin
d'ouvrir la première session judiciaire des Toohitus pour l'an¬
née 1855. Votre expérience et votre sagesse me dispensent de
vous parler
de vos devoirs, vous les connaissez bien et vous les
avez toujours remplis
à la satisfaction du pays, delà Reine et
du Gouvernement protecteur. Je suis parfaitement convaincu de
la droiture de vos intentions, de l'impartialité de vos déci-r
sions, de la justice de vos arrêts. Cependant je crois devoir
ajouter ici quelques conseils que vous ne prendrez pas en mau¬
vaise part, parce qu'ils n'attaquent nullement le fond de vos
jugements, mais la forme seulement. J'ai pris connaissance de
la plupart de vos décisions, je me suis fait rendre compte des
quelques réclamations que vo3 jugements ont suscitées. Je vois
partout que le défaut de clarté dans la rédaction de ces juge¬
ments en est la cause. Ne cherchez pas à être trojp concis dans
vos arrêts.
Quelques mots de plus suffisent bien souvent pour
empêcher une réclamation. Dans les jugements pour les li¬
mites des terres, jpar exemple, décrivez toujours ces limites
avec le plus de détails
possibles, car leur nom ne suffit pas,
l'indication d'une pierre encore moins. Il faut de plus indiquer
toujours les propriétés environnantes en citant le nom de ces
terres et de leurs propriétaires. De cette manière vous n'aurez
«
Société des
Études
Océaniennes
—
468
—
plus à résoudre aussi souvent les diverses questions qui sur¬
gissent au moment où votre jugement est mis à exécution.
Je me félicite avec vous de ce que dans votre beau pays
vous n'avez à vous occuper
que de ces simples discussions sur'
les limites. Les cas de vol sont assez rares, les jugements en¬
traînant les peines capitales presqu'inconnus. Puisse cet état
de choses se conserver le plus longtemps possible et vous éviter
toujours le pénible devoir de sévir en restreignant la liberté
ou
même
en
ôtant la vie à l'un de
Le Toohitu Nuutere
vos
semblables.
»
de ses confrères : Il
a remercié le Commandant, Commissaire Impérial, d'avoir bien
voulu ouvrir en personne leur session judiciaire et reconnu
la justesse des observations qu'il lui a adressées. En effet la
rédaction des jugements des Toohitus est une chose difficile
à exécuter. Les fonctions de greffier de la Cour ayant été
confiées à Poroi, juge de Faaa, il espère que son habileté dans
les écritures, permettra a l'avenir plus de clarté dans la rédac¬
tion des jugements. Il est peiné de voir l'assemblée des Too¬
hitus si incomplète et blâme le peu de zèle des membres de
cette Cour dont quelques-uns n'ont aucun motif valable pour
excuser
a
répondu
au nom
leur absence.
ajouté qu'il ne voulait pas,
des paroles de blâme ;
mais que Nuutere au nom de ses confrères ayant remarqué l'ab¬
sence de
plusieurs membres de la Cour, il croyait nécessaire
d'exprimer son étonnement que ceux qui, formant le tribunal
suprême devraient par leur zèle montrer le plus grand respect
pour la loi, n'ont pas pensé à remplir leur devoir avec exac¬
M. le commandant
particulier
a
à l'ouverture de la session commencer par
titude.
particulier s'est retiré et les Toohitus
malgré leur nombre incomplet ont commencé leurs travaux.
M.
le
commandant
UALAGE DE LA CORVETTE "LA SARCELLE" A FARE
AVANTAGES
PRESENTES
UTE,
PAR LA COLONIE.
Le vendredi 2 mars dans l'après-midi, la corvette " La
Sarcelle " a été halée sur la cale de Fare-Ute ; cette opéra¬
tion délicate s'est effectuée fort heureusement et en présence
de M. le Commissaire impérial ainsi que d'un grand nombre
d'officiers et d'employés de la colonie. Ce bâtiment est le plus
grand qui ait jamais monté ici, par ses dimensions, par la
force de
son
d'environ 800
échantillon il représente un navire de commerce
tonneaux. Ainsi le problème dont on a mis si
Société des
Études Océaniennes
—
469
—
résolu aujourd'hui ; nul ne
plus désormais, pour soutenir une opinion défavorable,
s'appuyer sur la faiblesse présumée ni de l'appareil, ni des
maçonneries pas plus que sur les difficultés de l'exécution.
L'expérience est là pour répondre aux insinuations ou aux
suppositions que la malveillance ou l'ignorance pourront cher¬
cher à répandre. " La Sarcelle " a changé un grand nombre
de feuilles de cuivre et a été remise à l'eau dimanche entre
longtemps la solution en doute est
pourra
midi et
une
heure.
Voici donc une garantie de plus donnée au commerce du
Pacifique et les navires qui le sillonnent peuvent sans crainte
relâcher à Papeete, s'ils ont quelques réparations à faire ; c'est
le seul point où ils trouveront des facilités convenables grâce
à l'arsenal
et
à la cale de Fare-Ute.
sujet de la situation actuelle de notre établissement nous
l'Echo du Pacifique du 14 janvier un article re¬
marquable qui donne un aperçu général des avantages que
présente notre colonie. Nous en extrayons les passages sui¬
Au
lisons dans
vants
:
une réflexion nous frappe lorsque nous examinons
Pacifique et le petit point qu'occupe dans ce vaste
espace l'île de Tahiti ; nous nous applaudissons de ce qu'une
circonstance heureuse et qui n'a pas été dans le principe suf¬
fisamment appréciée, ait trouvé à la France un port de relâche,
sous
son propre
drapeau, dans ces régions du Pacifique en¬
vahies aujourd'hui par le commerce et la navigation de tous
les pays maritimes. Il est heureux que la France ait pris pos¬
session de Tahiti et qu'on y soit arrivé à offrir aujourd'hui
aux bâtiments qui sillonnent nos parages des avantages qu'aucun
autre point du Pacifique n'offre au même degré.
Avant tout
la carte du
Tahiti présente deux avantages principaux comme point d'en¬
trepôt et de relâche ainsi que comme point de radoub et de
ravitaillement.
premier point de vue Papeete est port franc et toutes
quelles qu'elles soient peuvent être entre¬
posées à peu de frais. Au nombre de ces marchandises il faut
compter les huiles que les navires baleiniers en cours de pêche
peuvent déposer d'une année à l'autre comme plusieurs l'ont
déjà fait. La relâche des bâtiments est sûre car la rade est
aussi bien protégée qu'un port intérieur ; la mer n'y est agitée
que par les souffles des brises légères dont la régularité ajoute
encore à
la salubrité naturelle du pays. Tahiti offre donc un
Sous le
les
marchandises
Société des
Études
Océaniennes
470
—
—
mouillage sûr, un climat sain et de grandes facilités d'en¬
trepôt.
Il y a à Tahiti une cale de halage susceptible d'admettre
des navires
de 700 tonneaux
;
ils peuvent y
recevoir
un
cal¬
fatage complet, y renouveler leur cuivre, en un mot, y entrer
en état de délabrement et en sortir neufs.
Pour les bâtiments
d'un plus fort tonnage, le Gouvernement a fait construire deux
quais où les navires de toutes dimensions sont susceptibles
d'être abattus
en
Carène.
le rapport du ravitaillement et des objets de ma¬
tériel nécessaire aux bâtiments pn relâche, le commerce local
de Tahiti est amplement pourvu et manquât-il de quelques
Enfin
sous
objets l'arsenal lui vient en aide et consent toujours à livrer
capitaines les marchandises que les négociants n'auraient
aux
magasin. Quant au marché, le prix des denrées est à
près le même qu'aux Iles Sandwich.
Mais ce qui est surtout destiné à faire de cette île le centre
d'un mouvement actif, c'est la position exceptionnelle qui la
désigne de préférence à toute autre comme l'étape forcée de
la navigation à voiles et à vapeur entre l'Australie et l'Amérique
du Sud. C'est là que les steamers chargés de fret pour la
Nouvelle Hollande feront relâche à l'aller et au retour ; c'est
là qu'ils trouveront de l'eau, des vivres frais et du charbon.
En dehors des avantages principaux que nous avons énumérés
et qui destinent Tahiti à devenir le centre d'un commerce actif,
l'agriculture peut offrir des ressources importantes au colon.
Parmi les produits tropicaux qui y croissent avec une facilité
extrême et dont la qualité est reconnue, nous sommes assurés
que des plantations de café y obtiendraient un plein succès et
qu'il serait facile de créer, au bout de peu d'années, des plan¬
tations au moins aussi importantes que celles de Costa Rica.
Les taxes sont légères et le commerce n'en est nullement
obéré ; elles consistent en un faible ciroit perçu sur les spi¬
ritueux à l'entrée et sur le droit de patente ; or, celles de
première classe qui confèrent le droit de vendre toutes les
marchandises sans exception, sont de 375 francs.
pas en
peu
TOURNEE
DU
GOUVERNEUR,
COMMISSAIRE IMPERIAL,
DANS LES DISTRICTS.
5 septembre, le Gouverneur, Commissaire Impé¬
quitté sa résidçnce à Papeete pour faire sa première
d'inspection dans les districts de Tahiti et de Taia-
Mercredi
rial,
a
tournée
Société des
Études Océaniennes
—
471
—
rapu. Partout sur son passage, il trouve l'accueil le plus sym¬
pathique de la part des habitants.
Il
vu
a
avec
satisfaction les routes
en
assez
bon état, les
publics assez bien entretenus quoiqu'ils laissent encore
beaucoup à désirer mais il a remarqué avec peine que, dans la
plupart des districts l'éducation des enfants est abandonnée
et les écoles sont désertes. Gela provient-il de l'incapacité des
instituteurs, de la négligence des parents, de l'insouciance des
fonctionnaires, de la mauvaise volonté ou de l'indolence des en¬
fants ? Toutes ces causes doivent être assignées au déplorable
résultat obtenu. Une jeunesse intelligente qui n'a besoin que
d'être menée par une volonté un peu ferme pour entrer dans
la voie de l'étude et y faire de rapides progrès croupit dans
la paresse et l'ignorance. La où quelques enfants viennent en¬
core de loin en loin écouter les leçons du maître d'école les
garçons se laissent dépasser par les jeunes filles qui partout se
montrent plus capables qu'eux. Au milieu du désordre qu'il a
trouvé partout, le Gouverneur est heureux d'avoir à signaler
quelques exceptions d'autant plus remarquables. L'école de
Paea est bien supérieure à toutes les autres, les écoliers la
fréquentent régulièrement et se montrent beaucoup plus instruits
que dans les autres districts. Gomme témoignage de sa satis¬
faction, le Commissaire impérial a accordé à l'instituteur
Piaino une gratification de cent francs, celle de Tehaupoo
surveillée par le missionnaire Ote et dirigée par ses deux
filles s'est montrée digne de son ancien renom, et si les cir¬
constances plutôt que la faute de ceux qui sont à sa tête l'ont
fait déchoir un peu du rang distingué qu'elle occupait, tout
fait espérer qu'elle ne tardera pas à reconquérir la première
place.
En terminant ces quelques observations le Gouverneur ne
peut se dispenser de témoigner la vive satisfaction qu'il éprouve à constater l'empressement avec lequel les parents ont
envoyé leurs enfants suivre les deux écoles ouvertes à Papara et à Papeuriri par les prêtres français. Il félicite les ha¬
bitants de ces districts de la détermination qu'ils ont prise et
invite les familles à imiter cet exemple.
enclos
THEATRE.
«
Grande
«
Mme
M.
M.
représentation
»
Thierry de Bernadelli, première danseuse d'Europe,
Alexandre Lanzoni, baryton
0. Bernadelli, danseur et violoniste, donneront la semaine
Société des
Études
Océaniennes
—
472
—
prochaine leur première soirée musicale et
chorégraphique. »
Le mercredi 10 octobre, dès 6 heures du soir, une foule im¬
patiente stationnait aux alentours du magasin en briques situé
en face
du Gouvernement, à la porte duquel des affiches en
Français et en Tahitien annonçaient pour le soir même une
grande représentation composée de chant, de musique et de
danse. On y lisait les noms de M. et Mme Bernadelli et de
M. Lanzoni que les avaries survenues au trois-mâts français
"L'Africaine" ont forcés de séjourner pour quelque temps dans
notre île. Certes, c'est là une bonne fortune dont nous nous
applaudissons et nous devons à ces éminents artistes Aine déli¬
cieuse soirée dont Tahiti gardera longtemps le souvenir.
Mme Bernadelli plus connue en Californie où quelques-uns
des spectateurs présents avaient pu l'admirer déjà sous le nom
de Mme Thierry, a exécuté quelques danses gui nous. ont fait
le plus grand plaisir et ont obtenu un succès d'enthousiasme
auprès de la population indigène. Nous l'avons revue sur ce
modeste théâtre, aussi gracieuse, aussi souriante, aussi em¬
pressée de mériter les éloges et les applaudissements que quand
elle paraissait sur la première scène de San Francisco devant
l'élite de la société. La Crakovienne et la Cachucha ont été
vivement applaudies ; on a même redemandé la dernière qu'ac¬
compagne si agréablement le feu des castagnettes dont Mme
Thierry se sert de manière à rendre jalouse une Castillane.
Nous préférons cependant la Tarentelle et la Polka nationale.
Les danses exécutées par M. Bernadelli et Mme Thierry ont
naturellement plus d'entrain et de gaîté. Dans la première prin¬
cipalement, les deux danseurs ont déployé un talent mimique
très remarquable. La Polka nationale a été redemandée avec
une
telle frénésie que les artistes ont dû reparaître sur la
scène salués par les bravos d'un public ravi. Toutes celles de
nos Tahitiennes
qui étaient aux premières banquettes ont jeté
leurs couronnes aux pieds de Mme Thierry ; sans doute la
danseuse si chère aux habitués du Metropolitan a vu bien sou¬
vent la scène jonchée de bouquets splendides et des fleurs les
plus rares mais à coup sûr, jamais admiration plus sincère
mieux sentie ne lui a rendu ce juste tribut dû à sa grâce>
et
à
son
talent.
plus de son succès qu'elle avait
grandes difficultés qu'elle a surmontées victo¬
rieusement : exiguité du théâtre, mauvais état d'un plancher
à peine raboté, trop grande proximité du spectateur, absence
totale de mise en scène. Nous ne terminerons pas sans la reNous la félicitons d'autant
à
craindre de
Société des
Études
Océaniennes
—
473
—
mercier d'être
si agréable au mi¬
lieu des
briller à nos yeux
venue jeter une distraction
ennuis de Tahiti et d'avoir fait
charmés un reflet de la patrie lointaine.
M. Bernadelli
ne
se
d'être
contente pas
un
excellent danseur,
jeu de physionomie agréable et spirituel en même
temps qu'original, joint à beaucoup de verve de grâce et de
légèreté, c'est aussi un violoniste distingué. Il a exécuté avec un
véritable talent le célèbre Carnaval de Venise et une délicieuse
fantaisie tirée de l'opéra si populaire en France de Lucie de
d'avoir
un
Lamermoor.
M. Lanzoni
que
nous
avions
eu
le plaisir d'entendre dans
quelques maisons particulières où il a eu la bonté de chanter,
possède une belle voix de baryton ou plutôt de basse chantante ;
elle est d'une ampleur et d'une sonorité vraiment remarquable
et il manquait d'espace pour lui donner l'essor. Dans le grand
air d'Attila, morceau tout a fait approprié à sa voix et a son
talent, il a obtenu un grand succès.
Pour être juste n'oublions pas dans notre revue M. Cushing
dont le banjo et les chansonnettes ont toujours le don de nous
égayer et de divertir au plus haut degré les indigènes.
NAUFRAGE DE LA " JULIA ANN ".
arrivée de Huahine la goé¬
amenant à Papeete, l'équi¬
page et les passagers du trois-mâts "Julia Ann" qui a fait
naufrage le 2 octobre dernier sur les Iles Scilly. On se fait
décembre, est
" Emma Parker
Mercredi soir, 19
lette américaine
idée des souffrances que ces malheureux ont
après la perte de leur navire. Us ont passé deux
mois sur ces îlots dénués de ressources, employant toutes leurs
forces et toute leur industrie, à construire, avec les débris
jetés sur la plage, une embarcation qui les a portés à llaiatea
où ils ont embarqué sur 1' " Emma Parker
C'était un spec¬
tacle navrant que celui de ces malheureux au nombre desquels
on compte dix femmes, quatorze enfants et parmi ces derniers
quelques orphelins dont les parents ont péri dans le désastre.
Un bon nombre est resté pendant près de deux jours à bord
de la goélette accostée au quai ; ils étaient à peine vêtus et
leur dénûment les empêchait de descendre a terre, avant d'a¬
voir reçu des secours. Heureusement la charité publique s'est
promptement organisée et quelques personnes bienfaisantes ont
pu avec l'aide du Gouvernement faire face aux premiers be¬
soins de ces infortunés et leur assurer le gîte et la nourriture ;
difficilement
une
dû supporter
on
a
même distribué des vêtements aux
Société des
Études
enfants,
Océaniennes
—
474
—
sont pour le moment et en attendant mieux, installés dans
magasin de la compagnie indigène.
Ils
un
OUVERTURE DE LA SESSION DE L'ASSEMBLEE LEGISLA¬
TIVE
novembre, a eu lieu l'ouverture de la session
Législative pour 1855. A 2 heures, M. le Gou¬
verneur, Commissaire Impérial, accompagné des Consuls d'An¬
gleterre et des Etats-Unis, ainsi que tous les officiers de
terre et de mer, s'est rendu chez S.M. la Reine à laquelle il
a offert le bras,
pour la conduire au temple protestant, disposé
et décoré pour cette circonstance solennelle. Dès que le cor¬
tège précédé par un piquet de gendarmerie s'est présenté à la
tête des troupes d'infanterie de marine et la compagnie indi¬
gène qui devaient lui servir d'escorte, elles ont présenté les
armes, les tambours ont battu aux champs et la corvette la
Moselle " a fait une salve de 21 coups de canon en arborant
le pavillon du Protectorat à son mât de misaine. L'entrée de
S.M. et du Gouverneur dans le temple a été saluée par un
hymne qu'ont chanté les enfants des écoles placés dans les
tribunes supérieurs.
M. le Commissaire Impérial a pris place sur l'estrade ayant
à sa droite S.Ml la Reine et en arrière Ariifaaite son époux,
M. le commandant particulier et les officiers de son étatmajor général. En face, au premier rang, se trouvaient en
brillantes toilettes, les dames invitées à la cérémonie, puis les
officiers de la yolonie et de la division, enfin les représentants
de Tahiti, de Moorea et des îles Tuamotu.
Le vendredi 2
de l'Assemblée
"
Après une prière récitée par le R.M. Orsmond, chef de
l'église protestante de Tahiti. Ariifaaite a pris la parole au
nom de la Reiine. Il a exprimé le plaisir
qu'elle avait à voir
tous les députés réunis selon le vœu de la loi, les a assurés
de bon accord qui règne entre elle et le Commissaire de S.M.
l'Empereur et les a invités à suivre les conseils du Gouverneur
qui comme S.M. ne veut que le bien du pays afin de se mon¬
trer dignes de leurs hautes fonctions et d'attirer sur leur pays
les bénédictions de Dieu.
M. le Commissaire s'est alors levé et a prononcé un discours.
L'orateur Ote a répondu au nom de la nouvelle assemblée et
a
assuré le Gouvernement protecteur du concours de tous les
députés. Les chefs nommés depuis la dernière session çjt les
députés nouvellement élus ont ensuite prêté serment de fidé-
Société des
Études Océaniennes
475
—
Commissaire Impérial qui a déclaré la
de L'Empereur et de la Reine.
iité à la Reine et
au
session ouverte
nom
La
séance
a
au
été
—
hymne religieux chanté
été reconduite à sa maison avec
terminée par un
par les enfants puis la Reine a
le même cérémonial qu'au départ.
1856
AMERICAIN LE " PANTHEON ".
INCENDIE DU BALEINIER
a été dernièrement le théâtre d'un si¬
le baleinier américain " Panthéon
capi¬
tout en flammes devant la baie de TaioHae ( Anna-Maria ) où se trouve notre établissement et, après
en
avoir manqué l'entrée, il était réduit à aller chercher un
refuge à quelques milles sous le vent du port que nous occu¬
L'île de Nuka-Hiva
nistre ; le 25 mars,
taine Hazard, passait
pons au mouillage peu connu
M. le lieutenant de vaisseau
de Taiao (baie Tchirchakoff).
Jouan, commandant particulier,
transporta immédiatement sur les lieux, avec une partie
l'équipage de la goélette " Kamehameha " ; grâce à son
concours on put se rendre maître du feu et commencer de suite
se
de
le sauvetage
de nombreux débris. Rien n'a été dérobé par les
vallée de Taioa car la cheffesse
habitants de la baie et de la
Mataeva qui, à son autorité
temporelle
sur
les tribus de la
partie ouest de Nuka-Hiva, joint le titre de prêtresse et jouit
d'une grande influence morale, s'est empressée de mettre le
tabou sur le bâtiment naufragé. On a donc pu opérer le dé¬
barquement de tout le matériel.
Aujourd'hui, le capitaine du " Panthéon ", Mr Hazard arrivé,
il y a quelques jours à Tahiti par la goélette grenadienne
Jeannette ", retourne à Nuka-Hiva sur la " Sophia " pour
chercher son équipage. Avant de partir, il nous a remis une
note pour remercier le commandant de l'île de Nuka-Hiva qui
non seulement a fait tout ce qui était en son pouvoir pour
arrêter l'incendie et sauver tout ce qu'on .a pu retirer du na¬
vire mais encore a procuré à tous les hommes de l'équipage
les moyens de subsistance dont ils étaient entièrement dé¬
"
( à suivre )
pourvus.
Société des
Études
Océaniennes
—
476
—
HISTOIRE
Extrait du Journal du Révérend David
à
Vaitahu, Tahuata, Décembre 1834
Darling
Septembre 1835
Depuis 1797 les pasteurs de la Société des Missions avaient es¬
sayé plus d'une fois de prendre pied à Tahuata, Fatu Hiva et
Ua Pou
aux
Iles
Marquises. Les résultats étaient aussi décou¬
rageants que les tentatives de trois missionnaires américains
venus de Hawaii en août 1833 et qui furent obligés de se retirer
en
mars
1834.
Cependant, une nouvelle expédition composée des Révérends
Rodgerson, Stallworthy et Darling, arriva vers la fin de 1834
à Vaitahu et se plaça sous la protection du chef de clan Iotété,
mais on faisait tellement peu de progrès qu'en 1839, un an
après le premier débarquement des Picpuciens, Stallworthy res¬
tait seul. La Mission de Tahiti vota la fin de ce
tobre
poste en oc¬
1841.
Les lettres des trois pasteurs découragéss par la résistance des
Marquisiens, isolés de leurs compatriotes et sans moyens de
transport, témoignent des mêmes difficultés que celles que les
catholiques y trouveront. Déjà en 1834, les contacts avec les
baleiniers et les chercheurs de santal avaient doté tout blanc
d'une sorte de valeur
purement matérielle aux yeux
des Mar¬
quisiens. Darling dit que Iotété et les chefs « supposent en gé¬
néral qu'ils recevront beaucoup de propriétés en acceptant l'E¬
vangile. Si, peut-être vous pouviez envoyer de vieux vêtements,
quelques haches ou n'importe quels petits articles, il se pour¬
rait qu'un bon effet en résulte» (1). D'ailleurs il note dans
cette lettre et dans son journal l'indépendance des quatre chefs
de la baie de Vaitahu, leur influence limitée, leur manque d'al¬
liance sauf pour des guerres fréquentes. « Cette cisconstance
fera grand obstacle à la propagation de l'Evangile ; s'ils étaient
sous un seul chef comme les Tahitiens nous aurions plus d'es¬
poir de les faire conformer dans leur conduite extérieure».
(1) D. Darling
ves
aux
Directeurs, Vaitahu le 11 décembre 1834. Archi¬
de la Société des Missions de
Londres, South Seas, carton 9.
Mlle Fletcher de sa permis¬
Je suis reconnaissant à la bibliothécaire
sion de recueillir
ces
informations
Société des
parmi d'autres dans
Études
Océaniennes
ses
archives.
_
477
—
Darling plus expérimenté que ses compagnons, s'occupait
convertis, d'une étude de la langue et des mœurs. Il
évalue le chiffre (de la population de Tahuata a 1.500 se grou¬
faute de
pant par mariage ou par
adoption,
en
familles de 100 à 200
personnes sous leur « Kaakaiki » (sic. hakaiki). Il note au
moins 21 lieux de réunion sur l'île (tohua). Les liqueurs fortes
et les visites de navires étaient assez communes, Darling par¬
septembre 1835 « Bien que nous n'ayions pas eû le
de grands changements ou de conversion
au
Seigneur». Cependant il remporta des notes assez rares à
cette époque et dont une partie est imprimée ici (2).
tit
vers
bonheur de remarquer
DEMARQUES SUR LES MARQUISES
régulières de
Il n'existe pas chez les Marquisiens de formes
culte ; ils ont de nombreux dieux mais ils ne leur
de culte d'une façon régulière. Ils croient en un
rendent pas
dieu nommé
selon leur ex¬
qui créa l'homme et la terre « sèche »
pression, mais il y a une infinité de dieux, ainsi qu'ils les
dénomment, dont il est dit qu'ils sont les pères desquels toutes
les choses sont venues, qui ont produit tout ce qui existe. Il
y a toute une classe de dieux présidant à des choses diverses :
ainsi Atea et Atanua commandent à la mer, Tonofiti est le
dieu de Havaii ou lai terre invisible ; Tu est le dieu de la
guerre : Tikake des « koirias » ou fêtes ; Tea est le dieu du
soleil et Iiapenu de la lune. Tauatua ou Momea fait pousser
l'arbre à pain. Le principal « vanana » ou culte est rendu au
dieu de l'arbre à pain et en conséquence comme ils disent, de
leurs prières au dieu du mei ou arbre à pain, il pousse.
Chaque vallée a un dieu différent dans lequel les habitants
de cette vallée croient ; le dieu parfois venait et faisait du
corps des hommes son séjour, ces hommes étaient considérés
comme des dieux et tous les « heanas » ou hommes tués a la
guerre leur étaient amenés pour être présentés au dieu. Quel¬
quefois on voyait les dieux quitter un endroit pour un autre
lorsqu'ils avaient été offensés d'une manière quelconque ;
c'était uniquement ceux qui étaient « Taua Etuas » qui allaient
au ciel
à leur mort ; toutes les autres personnes descendaient
à Havaii a leur décès. Ilavaii désigne les enfers, l'invisible sé¬
jour des morts. Les Marquisiens ont de nombreuses traditions
concernant Havaii ; la porte qui y donne accès est dans le
Tiki
(2) Archives de la Société des Missions, South Seas,
ton
8.
Société des
Études
Océaniennes
«tournais, car¬
—
478
—
de distance derrière Oliivoa et l'éclabousquand un esprit y descend. A Havaii
il y a diverses sections ou champs appelés petites montagnes
où les morts résident en compagnie différente suivant leur
genre de mort ou leur condition en cette vie. Tous ceux morts
de la même maladie sont ensemble ; ceux à qui de nombreux
présents ont été faits et placés avec leur dépouille, obtiennent
une résidence
spéciale alors que les pauvres qui n'ont pas d'amis
pour leur offrir des cadeaux restent hors des palais de Havaii.
bas de la
sure
mer
de la
mer
a
peu
est visible
Marquisiens n'ont aucune idée d'un lieu de pénitence
après la mort ; la résurrection leur est inconnue, ils n'ont au¬
cune conception des corps revenant à la vie après leur mort et
ils ignorent la résurrection, il est difficile d'avoir un rapport
correct de leurs croyances parce que selon les individus les
Les
sur la nature de leur foi sont fort diverses, ils respec¬
l'existence des esprits partis ; ceci est ce que j'ai pu;
obtenir de plus correct.
versions
tent
LE SYSTEME DU TAPU
Ceci est
un
l'emprise de Satan dans toutes les Iles Marquises,
moins attaché à toute chose. Le tapu con¬
tapu est plus ou
siste à considérer
une
chose
ou
une
personne comme
sacrée,
ou
séparer d'une autre chose ou d'une autre personne ; la dé¬
fense ou la non observance du tapu étant souvent punie par la
à la
mort
quelquefois
indigènes.
ou
croyances
par
une
maladie seulement selon les
connection avec tout ce qu'ils font. Par¬
provisoires et sont supprimés ensuite. D'au¬
définitifs tels ceux des lieux sacrés et appelés « taha
Les tapus sont en
fois ils
ne
tres sont
tapu ».
terre
sont que
Il est toujours interdit aux femmes d'aller sur une
sacrée
ou
d'entrer dans
une
case
sacrée nommée
« pae
Les tapus sont attachés à des personnes, à des aliments,
à des époques et à des choses. Beaucoup de personnes sont tapu
et proclamées telles en des occasions particulières. Quelques
rares le restent définitivement. Ces tapus autorisent les hommes
à faire ce qui est interdit aux femmes et a aller où elles ne
peuvent se rendre où au moins où elles n'oseraient. Il y a une
quantité de cérémonies concernant la nourriture aux Marquises ;
les femmes n'ont pas le droit de toucher à certains aliments,
l'homme seul peut en manger, d'autres sont permis aux deux
sexes soit ensemble, soit séparément. Même dans la préparation
du « maa » ou fruit de l'arbre à pain fermenté le3 puits où
tapu ».
Société des
Études Océaniennes
—
sont conservés cette
et pour
Toutes les
ces
—
nourriture sont différents pour
les hommes
les femmes.
» ou cérémonies des fêtes sont frappées de
durent des jours et parfois même des semaines.
koiras
«
tapus variés et
En
479
occasions les hommes les observent strictement,
rentrent pas
chez
eux
ils
ne
durant toute la durée du tapu et s'abs¬
leurs femmes. Des tapus sont en rap¬
port avec leur rang d'autres ont un caractère sacré se référant
aux dieux ; des tapus sont relatifs à la naissance d'un enfant,
différentes périodes de la vie et aussi à la mort.
tiennent de relations
avec
Presque toutes les choses ont des tapus, ainsi la construction
la composition d'une chanson ou d'une tradition, le
tatouage du corps, etc... Le feu qui cuit la nourriture des hom¬
mes ne doit pas être
pris pour allumer celui qui cuira celle
des femmes ; les hommes peuvent manger la nourriture des
d'une case,
celle des
préparé par Jes
ces dernières ne doivent pas fumer le tabac ap¬
partenant aux hommes ou préparé par eux ; les femmes ne
doivent porter aucun des vêtements des hommes et ceux-ci ne
portent jamais ceux des femmes. Cette observance est telle¬
ment stricte chez les hommes qu'ils brûlent leurs vieux vê¬
tements de crainte que les femmes ne s'en saisissent et ne les
mettent, ils pensent qu'ils seraient alors victimes de maladie.
Les Marquisiens ne tuaient pas leurs enfants comme les Tahitiens. L'infanticide n'a jamais été pratiqué par eux, ils ai¬
ment beaucoup leurs enfants ; c'est une coutume très, répandue
d'adopter les enfants des autres et de les élever comme les
leurs. Ils prétendent qu'antérieurement personne ne mourait de
maladie, que les décès, sauf ceux des vieillards, étaient dûs à
la guerre ou aux sorts nommés « kaha » ; toutes les maladies
femmes
mais
hommes ; les
femmes mais
celles-ci
ne
doivent pas
consommer
hommes peuvent fumer le tabac
donnant la mort auraient été
lant dans les îles et seraient à
introduites par les navires, escaprésent répandues dans tout l'ar¬
chipel. La mort par le «kaha» était très fréquente et obtenue
plusieurs manières mais l'issue fatale toujours certaine et
accompagnée de vives douleurs. Il est affirmé qu'en s'emparant
de la salive ou à défaut d'une chose appartenant à la personne
visée, les sorciers pouvaient à force d'incantations faire mourir
rapidement la victime de leur colère. Tel était le pouvoir de
Satan sur ce peuple.
Les Iles Marquises ont les mêmes productions que les Iles
de la Société, l'arbre à pain est d'une belle qualité et devient
très haut ; on en prend grand soin et on fait régulièrement
de
Société des
Études Océaniennes
—
480
—
pâte fermentée ; les plantains
nombreux qu'à Tahiti. Les Marquisiens sont très paresseux, rien ou presque, ne les intéresse
à part les mousquets et la poudre ; ils ne travaillent pas pour
autre chose que pour le tabac très recherché ces dernières
années ; ils dorment la moitié du jour et sont éveillés presque
toute la nuit. Les chefs des Marquises ne semblent pas avoir
grande autorité. Dans chaque vallée, il y a trois, quatre, cinq
chefs ou plus, de pouvoir et d'autorité semblables, presque
tous les gens sont maîtres de leur propre terre et ne semblent
pas donner de redevances particulières à leurs chefs comme à
Tahiti. Les chefs organisent souvent des fêtes entre eux et
ils dénomment «r Huepo », ceux dont les visages sont noircis
avec
ses
fruits le «maa», cette
de montagne ne
sont pas aussi
les tatouages, ce sont ceux qui combattent le plus à
étant des « Aito », selon le terme ; ils sont pris par
principaux chefs comme associés à chaque fois.
par
guerre
Colin NEWBURY, Canberra.
Société des
Études
Océaniennes
la,
les
—
481
—
FOLKLORE
La
Au
Légende du Requin, Pei Mangarévien
cours
des dernières fêtes du
eûmes l'heu¬
concours de otea un<
14 Juillet
nous
surprise de voir exécuter lors du
«pei» mangarévien. C'est à la colonie mangarévienne séjour¬
nant à Papeete que nous devons cette heureuse initiative. Mr
Nicolas Mordvinoff dans un article apprécié (1) paru dans
notre bulletin nous a décrit en détails cette intéressante ma¬
nifestation. Nous nous bornerons donc à quelques sommaires
explications.
Le « pei » est une suite de scènes mimées où les acteurs
représentent une légende, il semble que ce soit une chose
unique réservée aux indigènes des Iles Gambier. La pré¬
sentation est semblable à celle des otea ; les danseurs arrivent
sur
deux rangs, les femmes a droite, les hommes à gauche.
Vêtus et couronnés de feuillages, leurs costumes sont à peu
reuse
de
chose
près semblables à ceux des Tahitiens,
les hommes
des jambes au-dessous du genou, des
guirlandes du même feuillage dont l'aspect est assez bizarre.
Au rythme du tambour accompagné du toere, les danseurs
piétinent en cadence, hommes et femmes font des gestes très
rythmés avec les bras, les mains s'agitant constamment, mi¬
portent de plus autour
mant
le mouvement de la mer, le
trajet d'une lance, etc...
plus du maître de ballet, des acteurs sont détachés du
groupe principal ainsi que deux ou trois femmes dansant à
petits pas, les bras tendus et les mains en mouvement. Le
tout est accompagné de chants, par moments le tam-tam cesse
et une femme d'une voix perçante chante sur deux ou trois
notes très hautes, expliquant les passages de la légende. Puis,
les chants s'arrêtent et le bruit sourd des pieds nus frappant
le sol sert de seul accompagnement.
Il est très compliqué de saisir le sens de la mimique si on
ne connaît pas la légende ; le « pei »
est exécuté en plusieurs
parties, deux ou trois généralement. Les décors sont conven¬
tionnels et assez rudimentaires, quelques feuilles de cocotiers
tressées suffisent à figurer la case de Taiuka ou le marae,
En
(1) Bulletin de la S.E.O., n° 75,
Nicolas Mordvinoff " Ru A
Société des
décembre 1945.
Kipo, Pei mangarévien
Études
Océaniennes
—
482
—
requin plus spectaculaire avec d'impressionnantes dents de
bois, dévora avec brio l'infortunée Ina-Te-Kakara à la joie
des spectateurs. La légende que nous donnons ci-après nous a
été communiquée par le chef de ballet, nous l'avons traduite
et nous espérons que nos lecteurs y prendront quelque in¬
le
térêt.
Janine LAGUESSE
LEGENDE DU
"
REQUIN
LA
DANSE
DU
REQUIN "
Vivait à Agauru un jeune homme, le beau Tagaroa dont le
père était roi de Rikitea. Il y avait aussi une ravissante jeune
fille Ina-Te-Kakara, c'était la beauté des mers, son père, le
héros du large, avait la forme d'un requin. Le requin auto¬
risait sa fille à fréquenter le beau garçon à condition qu'elle
obéisse strictement à ses ordres. Il avait dit à sa fille :
Rejoins Tagaroa si tu le désires et reste avec lui de la tom¬
bée de la nuit à l'aube mais dès que le jour poindra, reviens
ici, à Kautu-poto ou je t'attendrai ; tu observeras cette règle
pendant trois nuiits, ensuite tu pourras rester le jour.
La jeune fille obéit aux ordres que son père, le requin lui
avait donnés. Ina-Te-Kakara rejoignait son amoureux la nuit
et l'aurore venue, retrouvait son père à l'endroit convenu.
La troisième nuit arriva, c'était la dernière de l'épreuve et
voici
comment
elle
se
Ina-Te-Kakara.
bonne fortune à ses amis, en s'é-
termina pour
Tagaroa avait raconté sa
tendant sur la beauté de Ina-Te-Kakara, la plus séduisante
des femmes. Ceux-ci se moquèrent de lui : Tagaroa, mon
cher, tu es aveugle, tu n'as pas bien vu cette fille, comme
ne vient que la nuit c'est ainsi que tu la crois belle, cette
magnifique créature est peut-être très laide le jour.
Gomment puis-je le savoir, répondit Tagaroa. Ses amis lui
suggérèrent une ruse : avant l'arrivée de la jeune femme il
fermerait soigneusement toutes les issues de manière que le
elle
Société des
Études Océaniennes
—
483
—
jour ne puisse pénétrer par aucun interstice, le jour venu,
Tagaroa pourrait se rendre compte de la beauté de son aimée.
Ainsi parlèrent ses amis au fils du roi, Tagaroa. Ce dernier
se
résigna h suivre ces conseils quoique inquiet quant aux
suites de cette manœuvre. La nuit suivante, Ina-Te-Kakara
arriva comme de coutume et à l'aube retourna à l'endroit où
l'attendait son père.
Tagaroa mit le projet à exécu¬
amis lui avaient conseillé. Dès la chute
du jour, avant l'arrivée de la belle Ina-Te-Kakara, il ferma
soigneusement sa demeure. Ils dormirent jusqu'à l'aube, la
jeune femme s'éveilla et dit : Maintenant, mon aimé, il faut
que je parte ; c'est la dernière fois que j'y suis obligée, je serai
ensuite définitivement à toi si j'obéis aux ordres de mon père.
Tagaroa répondit à sa belle : Ma chérie, il ne fait pas
encore jour, attends l'aube, il sera bien temps alors de nous
quitter. Ina-Te-Kakara fut prise au piège et se rendormit. Elle
fut fort effrayée lorsqu'on ouvrit la porte. Il fait grand jour,
dit-elle à Tagaroa, mon amour tu m'as trompée, maintenant
que j'ai enfreint la loi de mon père je vais mourir.
La belle partit et Tagaroa resta, sûr à présent de la ravis¬
sante beauté de Ina-Te-Kakara, mais il avait du remords de sa
ruse. Ina-Te-Kakara se rendit au lieu où l'attendait son père.
Lorsqu'elle y parvint le requin y était et lui dit : Ma fille, tu
as brisé nos conventions, je vais te manger comme châtiment.
Et, le requin la dévora.
Il y avait un guerrier nommé Taiuka, c'était le plus fameux
de tous ceux du pays, nul ne pouvait le vaincre. Taiuka faisait
un tour sur ses terres, inspectant si aucun rival ne pénétrait à
l'intérieur de ses limites lorsqu'il aperçut une femme dont
le corps disparaissait déjà à moitié dans la gueule d'un re¬
quin. Il plaignit cette beauté et se précipita avec sa lance pour
pourfendre le squale. Il avait deux alternatives : si la lance
destinée au requin atteignait la femme, celle-ci serait tuée,
s'il n'intervenait pas, le requin la dévorerait.
Il réfléchit et décida de procéder d'une autre façon, il
coupa un pied de tamanu, fit une baguette solide et s'appro¬
cha du requin ; ils se battirent ensemble. Taiuka parvint à
placer le bâton en travers de la gueule du monstre, il put
alors sauver la jeune femme. Ebloui par sa beauté, il remercia
les dieux de l'avoir mise sur son chemin et ramena sa nouvelle
conquête chez lui.
Un jour vint où Tagaroa apprit que Ina-Te-Kakara vivait
Ce fut la troisième nuit que
tion et il fit
ce
que ses
Société des
Études Océaniennes
—
chez
Taiuka.
filets
Il
un
avec
décida
concours
avisés et Taiuka
ne
Ina-Te-Kakara
Ma
:
484
—
d'organiser
réservé
manqua pas
aux
une grande pêche
héros. Ils furent
aux
tous
d'être sollicité. Il dit alors à
chérie, il faut que j'y aille, je suis le
seul
qui puisse plonger avec ce filet. La belle lui répondit :
je te supplie de ne pas y aller, c'est un guet-apens.
Taiuka rétorqua : Ne crains rien, je suis le plus fort des
guerriers, je te reviendrai sain et sauf. Il paxtit pour cette
grande manifestation. Une fois tout le monde rassemblé, Tagaroa clama : Qui est le héros qui peut mettre ce filet ?
Moi, déclara Taiuka aussitôt. Il prépara son filet se croyant
invincible. Tagaroa avait choisi un héros pour surveiller étroi¬
tement Taiuka. Celui-ci posa son filet, plongea. Au moment
où il vint respirer a la surface, on lui jeta une pierre cou¬
pante qui le tua.
Tagaroa fort satisfait, dépêcha un émissaire pour quérir
Ina-Te-Kakara, le corps de Taiuka fut apporté au marae, qui
depuis porte le nom de marae de Taiuka. La belle Ina-TeKakara apprenant la mort de son époux, se mit à la recherche
de son âme, elle quitta la maison et se rendit au lieu où les
esprits séjournent, elle rencontra en route deux petites tor¬
tues, à qui elle demanda si aucune âme ne se trouvait dans
Mon amour,
les environs.
Aucune n'est
la route,
lui répondit-on. La jeune
chercher, accompagnée des tortues, elle
arriva au séjour des âmes et y trouva celle de Taiuka. Elle
lui livra bataille pour la capturer et réussit a vaincre, elle se
mit alors à la recherche du corps qu'elle trouva au marae.
L'âme réintégra le corps qui ressuscita. Tous les guerriers
se
sauvèrent remplis de crainte, Taiuka et Ina-Te-Kakara
femme
venue
continua
rentrèrent
chez
sur
à
eux.
Société des
Études Océaniennes
—
485
—
NAVIGATION
Etude
sur
l'Aspect Nautique des Liaisons
Polynésie —Amérique du Sud
avant
l'Arrivée des
Européens dans le Pacifique
( Condensé de " Etude sur les Migrations Polynésiennes
Revue Maritime • Janvier 1955 )
"
plupart des auteurs qui ont étudié les migrations poly¬
ont admis qu'il y eut des liaisons maritimes entre
la Polynésie et l'Amérique Précolombienne (1). Mais la portée
donnée à ces liaisons varie considérablement suivant les au¬
teurs. Thor Heyerdahl leur donne une importance considérable
et en fait la base de toute sa théorie : il est le seul à aller
aussi loin. Buck ou Métraux, pour ne citer que deux nomsj
parmi les plus éminents, renvoient ces liaisons au hasard : une
pirogue polynésienne a pu joindre l'Amérique du Sud et en
revenir (2) ; un radeau de balsa a pu être pris par une tem¬
pête à proximité des côtes du Pérou et finir par échouer aux
Tuamotu (3). Entre ces deux positions extrêmes se situe le
Dr. Rivet qui tend à démontrer qu'il y eut des relations com¬
merciales actives entre les Polynésiens primitifs et les Incas.
La
nésiennes
les autres ne poussent pas très loin
purement nautiques selon lesquelles ces
voyages ont eu lieu. Si Thor Heyerdahl, avec son expédition du
Kon Tiki, a démontré la facilité des voyages d'Est en Ouest,
il n'a apporté aucune preuve formelle de la possibilité du re¬
tour vers l'Amérique : c'est pourtant ce qu'il faudrait si l'on
veut admettre qu'une véritable expédition péruvienne est par¬
tie vers l'Ouest car on imagine difficilement un grand voyage
de cette sorte sans quelques notions sur la route à prendre et
les terres à atteindre (4). D'autre part, l'unique voyage, ima¬
giné par Buck ou Métraux, est peut-être insuffisant pour
expliquer la présence en Polynésie de traces péruviennes en¬
core sensibles
plusieurs siècles après.
On en vient donc à se poser la question du voyage de re¬
tour : il n'y a vraiment « liaison maritime » qu'à partir du
moment où il y a voyage volontaire dans les deux sens. Afin
Mais
les
uns
comme
l'étude des conditions
Société des
Études
Océaniennes
—
d'étudier
sivement
—
cette
486
—
question, il est nécessaire d'examiner
succes¬
:
les embarcations
dont
disposaient les Péruviens et les Po¬
lynésiens
—
les routes que ces
embarcations pouvaient suivre.
1°/ Les pirogues multicoques des Polynésiens étaient de
très divers (5) et les meilleures d'entre elles étaient
le fruit de connaissances très approfondies dans l'art de la
navigation. On peut résumer leurs possibilités en disant qu'elles
navigaient à peu près aussi bien que des voiliers modernes.
Gomme seule restriction importante, on doit signaler qu'elles
devaient serrer le vent d'un peu moins près que les voiliers
de course actuels. Mais il faut tempérer cette restriction par
l'observation suivante : môme les voiliers les plus perfec¬
tionnés ( cf. les derniers clippers ou les voyages des naviga¬
teurs sportifs
depuis Slocum jusqu'à Le Toumelin), quand
ils doivent effectuer des voyages au long cours, se servent à
peu près uniquement des vents dominants ; ils ne remontent
le vent que sur de courtes distances et en de rares occasions.
types
2°/ Les radeaux de lialsa des Péruviens : malgré les per¬
( notamment les dérives
mobiles), ces embarcations n'étaient que des radeaux. Dans
les conditions optiina, la vitesse ne dépassait pas 3 à 4 nœuds :
la vitesse moyenne du Kon Tiki, poussé par des vents et des
courants toujours favorables a seulement été de 42,5 milles
par jour soit 1,77 nœud (6). On discute d'autre part pour
savoir si ces radeaux pouvaient remonter le vent, Thor Heyer¬
dahl prétend avoir pu naviguer vent de travers (7), mais
reconnaît n'avoir pas pu faire mieux. Il ajoute cependant qu'en
disposant la vergue de la grande voile à la jonction entre les
deux éléments du mât bipode, au lieu de la placer en dessous
comme
il l'avait fait, la voile aurait pu être orientée selon
un
angle plus ouvert : il aurait donc été possible de serrer
le vent davantage. Certains auteurs, qui ont observé des ra¬
deaux péruviens au début du XIXème siècle, ne sont pas
d'accord entre eux (8). Les uns prétendent avoir observé des
navigations au plus près ; les autres doutent que ce soit
possible.
En tous cas, ces discussions sont concordantes en ce qu'il
n'y a pas moyen de comparer la valeur nautique des radeaux
de balsa aux pirogues polynésiennes : vitesse environ trois
fectionnements dont ils étaient munis
Société des
Études
Océaniennes
487
—
—
grande, angle de route par rapport au vent nette¬
plus étroit.
fois moins
ment
3°/ La traversée d'Amérique vers la Polynésie : A la la¬
Polynésie Centrale et du Pérou, régnent les alizés
qui soufflent, pendant toute l'année dans une proportion d'en¬
viron 90o/o. Le courant sud-équatorial a la même direction
que les vents. En conséquence, à partir du moment où une
titude de la
flot
il
cer¬
tain qu'elle peut faire la route Pérou - Polynésie Centrale. En
conséquence, le voyage du Kon Tiki, s'il nous a peu appris
le plan navigation, a été une magnifique performance ar¬
chéologique puisque la reconstitution à l'identique d'un radeau
ancien, faite par des hommes qui n'avaient aucune compétence
embarcation quelconque est susceptible de se maintenir à
et de porter une voile, même de faible rendement,
est
sur
navale,
a
permis
une
traversée
sans
histoire.
4°/ La traversée de Polynésie vers l'Amérique : Après avoir
les cartes marines ( notamment les « pilot charts »
américaines) et les instructions nautiques, on est obligé de
reconnaître qu'une seule route est, sinon facile, du moins
possible : c'est celle qui est conseillée aux voiliers qui ve¬
nant de l'Est ou du Nord ont à rejoindre Callao sur les côtes
consulté
du Pérou
(9).
effet, faire route vers l'Amérique a une latitude supé¬
rieure au 25-30° de latitude c;:d consisterait à remonter les
alizés sur une distance d'approximativement 3.000 milles ma¬
rins. Un voilier de course moderne pourrait peut-être réussir
En
pareil exploit, mais en utilisant les voilures les plus perfection¬
nées, des instruments de navigation précis et surtout en y
mettant le temps ; a moins de vouloir gagner un pari stupide
ou
de vouloir faire ce que personne n'avait encore fait, un
marin normal prendrait la route indiquée par les Pilot Charts
et, même si la distance devait être beaucoup plus longue, at¬
teindrait l'Amérique en un temps plus court. Quant à se servir
du contre-courant équatorial, cela allongerait la route de plus
de 1.000 milles marins pour se
tous les voiliers, même les plus
au
maximum
car
les calmes et
régnent y rendent la
navigation à voiles très difficile (10).
La conclusion à tirer des
—
A
—
dans une zone que
modernes, ont toujours évité
l'irrégularité des temps qui y
cantonner
Un radeau de balsa
lynésie, mais il aurait eu les
Société des
données qui précèdent est que :
pouvait aller d'Amérique en Po¬
plus grandes chances de ne pou-
Études
Océaniennes
—
488
—
voir effectuer le
voyage de retour. En effet, suivre la route
indiquée par les Pilot Charts aurait été à la limite de ses
possibilités et aurait demandé à l'équipage une expérience
de la navigation au long cours et des moyens d'observation
que les Péruviens n'avaient peut-être pas. De plus le voyage
aurait été long : au moins trois mois sinon bien davantage.
Il est pourtant difficile de conclure à l'impossibilité totale du
voyage. Eric de Bisschop aurait paraît-il déclaré quelque temps
après l'arrivée de Thor Heyerdahl en Polynésie : « Donnezmoi un Kon Tiki, je le ramènerai en Amérique ». Mais on
peut se demander s'il basait son opinion sur l'étude des ra¬
deaux de balsa ou sur son désir de montrer qu'il avait étudié
depuis longtemps les migrations polynésiennes et qu'il ne vou¬
lait pas se laisser «épater» (11). En tous cas, prétendre
qu'une expédition montée sur des radeaux de balsa aurait pu
aller du Pérou aux Tuamotu, puis aux Gambier et à l'île de
Pâques, pour revenir en Amérique est peu vraisemblable :
malgré le caractère accueillant des Polynésiens, il paraît im¬
possible qu'ils aient pu voir d'un bon œil des concurrents dans
l'art de la navigation circuler entre leurs propres îles, qu'ils
leur aient fourni du ravitaillement et les moyens de réparer
leurs radeaux et enfin qu'ils leur aient donné les informations
nécessaires pour poursuivre leur voyage. D'ailleurs, le Dr. Ri¬
vet lui-même ne conclut-il pas un de ses développements sur
les relations commerciales entre la Polynésie et l'Amérique
Précolombienne en exprimant l'opinion que les marchands de¬
vaient être Polynésiens et non Péruviens ?
B
Une double
pirogue polynésienne pouvait aller de Po¬
suivant la route indiquée par les Pilot
Charts. Il est d'ailleurs prouvé que les Polynésiens avaient ef¬
fectué presque la moitié du chemin en occupant l'île de Pâ¬
ques. Il serait d'autre part logique que leur constante recher¬
che de terres nouvelles les aient poussés à des voyages vers
l'Est jusqu'à la côte américaine qui seule pouvait les arrêter.
—
—
lynésie
Les
en
Amérique
en
liaisons
donc pu se
Polynésie - Amérique Précolombienne auraient
dérouler de la manière suivante :
premier voyage de découverte des Polynésiens vers l'A¬
mérique, peut-être en plusieurs étapes, la première ayant con¬
duit jusqu'à l'île de Pâques et la suivante jusqu'à la côte pé¬
—
ruvienne.
—
des Polynésiens en Polynésie car ils
conquérir les terres découvertes.
retour
force à
Société des
Études
Océaniennes
ne
sont pas de
489
—
—
les Péruviens ayant
nésiennes
envoient
type Kon
Tiki.
une
—
ainsi appris l'existence des îles poly¬
éxpédition montée sur des radeaux du
en Polynésie, du fait de l'insuffisance
nautiques et de leur petit nombre re¬
latif, ne peuvent pas conquérir l'ensemble de la Polynésie ;
ils finissent par s'amalgamer peu à peu aux populations po¬
lynésiennes ; non sans luttes et combats.
—
Les Péruviens arrivés
de leurs connaissances
groupe de Péruviens vraisemblablement aidé par quel¬
Polynésiens, parvient à l'île de Pâques pour tenter de
rejoindre l'Amérique ; ils échouent dans leur tentative et la
consécration de cet échec prend la forme d'une espèce de
temple grandiose : les statues de l'île de Pâques construites
soit par les Péruviens en souvenir de la patrie perdue, soit
par les Polynésiens influencés du point de vue artistique par
la culture péruvienne dans le but de fermer définitivement
la route de l'Amérique qui depuis sa découverte n'avait amené
que des catastrophes (12).
—
un
ques
ques
qui précèdent sont évidemment imaginaires mais
l'on doive obligatoirement en conserver quel¬
éléments : les initiateurs de la liaison Polynésie - Amérique
que
la patate et quelques
Les détails
il
semble
que
Précolombienne ne peuvent avoir été que les Polynésiens, seuls
capables de mener à bien pareil voyage maritime ; l'étape
obligatoire de ce voyage a été l'île de Pâques ; cette liaison
a
marqué la fin de la période d'expansion de la civilisation
polynésienne et les statues de l'île de Pâques sont la seule
trace qui en soit parvenue jusqu'à nous.
Une des principales objections que l'on pourrait faire à
cette hypothèse est que les chants et légendes polynésiens n'ont
gardé aucun témoignage certain d'une pareille aventure. En
fait, il serait étonnant qu'ils en fassent mention avec préci¬
sion. Cette liaison Polynésie - Amérique Précolombienne n'a
été un succès pour personne : les Péruviens ont fini par se
perdre au milieu des Polynésiens auxquels ils n'ont apporté
aussi
se
des
sont
influences culturelles (peut-être
d'éléments blonds (13) ) ; les Polynésiens
définitivement arrêtés par une civilisation maté¬
traces
vus
puissante, sauf sur le plan nautique.
hypothèse qui correspond aux données nau¬
déterminantes
tiques,
en l'occurrence, ne fait qu'apporter un
complément aux théories les plus souvent admises au sujet des
migrations polynésiennes. Enfin, elle apporterait peut-être ( et
riellement
Par contre, cette
Société des
Études
Océaniennes
—
490
—
employer le conditionnels) un début d'explication à
qu'on appelle souvent le mystère des statues de l'île de
Pâques (14).
là il faut
ce
Paul ADAM.
(1) Le meilleur exposé des raisons qui motivent cette affir¬
a été donné par le Dr. Rivet. Cf. Relations Commer¬
ciales Précolombiennes entre l'Océanie et l'Amérique, Festschrift P.W. Schmidt, Vienne, 1928, ainsi que Les Origines
de l'Homme Américain, Montréal, 1943.
mation
(2) Cf, P.H. Buck, Les Migrations des Polynésiens, Payot,
Paris, 1952 : carte de la page 25 indiquant une route directe
des Marquises vers le Pérou, que je considère comme très im¬
probable et le texte des pages 287 et 288 où l'auteur se laisse
imagination sur des bases nautiques mal¬
solides. Il est par exemple totalement im¬
possible que des doubles pirogues polynésiennes aient pu ef¬
fectuer un voyage de 4.000 milles à 7 nds. de moyenne, sur¬
entraîner par son
heureusement peu
tout
contre les
alizés.
(3) Cf. A. Métraux, Le Voyage du Kon Tiki, article paru
numéro de Juillet 1951 de la Revue de Paris (sur¬
tout p. 128). L'auteur y dit notamment : «certains mois de
l'année, les alizés sont remplacés par des vents variables dont
les Polynésiens savaient tirer parti». Cette affirmation, se
rapportant à la zone traversée par le Kon Tiki, ne correspond
nullement aux indications données par les Pilot Charts amé¬
ricaines ou les Instructions Nautiques. Par contre, elle serait
tout à fait exacte pour la latitude de l'île de Pâques.
À noter d'autre part : les alizés, à l'est du méridien 130°,
c'est-à-dire à l'est des Marquises et des Tuamotu, sont à peu
près constants. Au contraire, à l'ouest des Tuamotu, dans les
îles de la Société, ils le sont un peu moins. Les Instruction^
Nautiques l'expliquent en se référant aux perturbations dues
à la température plus élevée des eaux des lagons des atolls
des Tuamotu. Ce fait permettrait de comprendre pourquoi
c'est une des îles de la Société, Raiatea, qui a été un des
centres de diffusion de la civilisation polynésienne dans l'hé¬
misphère sud : on pouvait y atterrir plus facilement quel qu'ait
été le point de départ.
dans le
(4) Pour la critique générale des théories de Thor Heyer¬
dahl, cf. W. Koppers, Kultur und Sprache, Vienne, 1952 (pp.
Société des
Études Océaniennes
491
—
313 à 362
in the
:
R.
—
Heine-Geldern, Some Problems of Migration
Pacific).
(5) Cf. Haddon et Hornell, Canoës of Oceania, Ilonolulu,
1936 et 1937.
(6) Il faut
Indians
rican
Tiki
encore
in
Expédition,
ajouter
que
Thor Heyerdahl (cf. Ame¬
Pacific, The Tlieory behind the Kon
Londres, 1952, p. 606 ) estime que 20 à
the
30o/o de la route effectuée par le Kon Tiki étaient dûs a l'ef¬
fet du courant sud équatorial et non du vent.
De tout le voyage, la plus longue distance parcourue en une
seule journée a été de 71 milles soit une vitesse maximum
de 2,96 nœuds tenue pendant 24 heures.
Quelques éléments de comparaison : poussé par les alizés,
Robinson sur son «Svaap», fit une journée de 190 milles et
sa moyenne sur les 3.700 milles qui séparent les Galapagos de
Tahiti fut de 123,3 milles par jour. Le Toumelin, sur son
« Kurun »,
mit 30 jours à faire les 3.000 milles qui sé¬
parent les Galapagos des Marquises, soit une moyenne de 100
milles par jour. Quant à Eric de Bisschop, sur sa double pi¬
rogue « Kaimiloa » ( assez différente des doubles pirogues po¬
lynésiennes dont le constructeur prétendait s'inspirer mais dont
les performances devaient être voisines ), il dépassa souvent
les 120 milles par jour et atteignit plusieurs fois les 150
par jour. Afin que ces exemples aient leur véritable
signification, il faut préciser que les bateaux cités, maniés par
des équipages restreints (deux hommes seulement) n'étaient
pas des voiliers de course mais d'honnêtes et solides voiliers
conduits avec prudence par de vrais marins. Les navigations
des pirogues polynésiennes ne devaient pas être très différentes.
milles
(7) Cf. Thor Heyerdahl, American Indians, op. cité, pp. 537
539, 601 à 608 et surtout 606 ; L'Expédition du Kon Tiki,
Paris, 1951, p. 166 à 169.
à
(8) Cf. les ouvrages cités par Thor Heyerdahl, American
Indians, op. cité, pp. 537 à 543 pour les auteurs anciens et
543 à 545 pour les auteurs modernes, de même que les plan¬
ches LXV et LXX1T.
(9) Au fur et à mesure que l'on se rapproche de la côte
américaine, les vents proviennent en majorité du Sud-Est et
du Sud ; le courant de Humboldt agit dans le même sens.
Les voiliers seront donc déviés vers le nord, ce qui les con¬
duirait à atterrir sur les côtes du Pérou ( Gallao par exem-
Société des
Études
Océaniennes
—
492
—
pie ) plutôt qu'au nord du Chili qui est à la latitude de l'île
Pâques.
Ce fait permet d'ailleurs de discuter une affirmation de
Thor Heyerdahl selon laquelle les premiers des radeaux pé¬
ruviens, se lançant dans l'inconnu vers l'ouest, auraient abordé
à l'île de Pâques d'où l'existence des statues et de certains
mythes particuliers à cette île ( cf. American Indians, op.
cité, pp. 211 à 214 et l'Expédition du Kon Tiki, op. cité,
pp. 178 à 187 ). En effet, il faudrait un hasard exceptionnel
pour qu'un radeau péruvien, partant à l'aventure, aborde l'île
de Pâques au lieu d'une autre île polynésienne située sur le
nord des Marquises et les Mangareva. Bien qu'elle soit plus
proche de l'Amérique que ces dernières, il serait facile de
la manquer, surtout à des navigateurs n'ayant aucun instru¬
ment
précis d'observation, notamment pour mesurer la dé¬
rive. D'autre part, même en supposant que le radeau parte
d'un point de la côte américaine situé à la latitude de l'île
de Pâques, les vents et courants infléchiraient obligatoirement
sa
route vers le nord. Pour atteindre l'île de Pâques, il
aurait donc fallu qu'il fasse continuellement route par vent
de travers, sans qu'aucune raison ne l'y incite et alors que la
de
facile
aurait pris
de l'île
d'une
route par vent arrière aurait été plus
et
moins de temps. Et s'il était passé dans les parages
de Pâques par temps couvert ou de nuit une erreur
qu'il la manque.
(10) Cf. Buck, op. cité, p. 287, où est exprimée l'idée que
les Polynésiens, parvenus à l'île de Pâques, n'ont pas pu con¬
tinuer jusqu'à la côte américaine étant donné qu'ils n'auraient
pas trouvé dans cette île les arbres nécessaires à la construc¬
tion et à la réparation de leurs pirogues. Cette affirmation
est curieuse chez un auteur qui a prétendu que la route sui¬
vie par les premiers migrateurs polynésiens devait joindre les
cinquantaine de milles aurait suffi pour
Carolines
aux
Yap et les
des atolls où ne poussent
îles de la Société, c'est-à-dire entre
îles Sous-le-Vent ne rencontrer que
le cocotier ou le pandanus, impropres à la construction
grandes pirogues de mer : or ce dernier voyage est plus
long que celui qui réunirait les Gambier à la côte américaine.
que
de
(11) Cf. Eric de Bisschop. Au delà des horizons
1939, pp. 56 et ss.
lointains,
t.l, Kaimiloa, Pion, Paris,
217 et A. Métraux,
Les Grandes Statues.
Buck et Métraux au sujet de
(12) Cf. Buck, op. cité, pp. 215 à
Pâques, Paris, 1951, Chap. 9,
L'île de
Les
explications données par
Société des
Études Océaniennes
—
493
—
l'origine des statues ne sont que des hypothèses auxquelles
leurs auteurs ne semblent pas accorder de caractère définitif.
(13) Cf. J. Poirier, l'Elément Blond en Polynésie, Journal
Océanistes, t. 8, n° 8, Décembre 1952, pp.
81 à 116. Dans cet article, l'auteur rassemble un faisceau de
de la Société des
documents
tendant à prouver
qu'il existe une double couche
ethnique d'origine nordique en Amérique et en Polynésie :
une
couche ancienne, dont l'arrivée serait néolithique, parve¬
Centrale (par le détroit de Behring en Amérique
nue d'Asie
et par la Micronésie en Amérique ) et une couche récente, venue
de l'Est, qui devrait être rattachée h la migration Scandinave
des Viking des 11e au 14e siècles. L'auteur suit sa démons¬
tration
sur
le
quadruple plan de l'archéologie, de l'anthropo¬
logie (témoignage des anciens migrateurs), de la mytholo¬
gie et de la tradition historique... La seconde des migrations
évoquée par l'auteur touche un autre problème nautique dont
la solution n'a pas encore été trouvée de manière définitive :
la découverte de l'Amérique par les Yikings dans les environs
de l'an 1000 après J.C. Le livre récent de F.L. Pohl, La DéDécouverte de l'Amérique par les Vikings, trad. franç., Paris,
1954, qui résume le dernier état de cette question ainsi que
quelques recherches personnelles de l'auteur, est loin d'être
convaincant. Du point de vue nautique surtout, certaines
théories sont
discutables, surtout celles de
Hjalmar Ruud Hol-
land.
(14) Peut-être cette hypothèse permettrait-elle d'expliquer
autre des mystères de la Polynésie ? Quand les Européens
ont découvert l'ile de Pitcairn, elle était inhabitée, mais con¬
tenait encore les traces d'une ancienne occupation. Cet éta¬
blissement n'aurait-il pas été détruit ou abandonné à la suite
de luttes entre Péruviens et Polynésiens dans le but d'isoler
encore davantage l'île de Pâques et d'empêcher le renouvelle¬
ment de la traversée jusqu'en Amérique ? Gif. à ce sujet,
Buck, op. cité, Ghap. XVI, Le Mystère de Pitcairn.
un
Société des
Études
Océaniennes
—
Notes
sur
les
494
—
Pirogues actuelles
de l'île Raivavae
que les Iles Australes offrent parmi toutes celles
Polynésie orientale un exemple remarquable de vitalité.
Leurs populations sont en général plus laborieuses, plus éco¬
nomes et
plus sobres que celles des autres archipels. Par contre
ce
sont peut-être les îles, à l'heure actuelle, qui offrent le
moins de ressources à l'ethnologue. Aitken le signalait déjà
dans son livre "Ethnology of Tubuai" en 1929 et l'un de
nos membres, Mr Eric de Bisschop, nous en faisait part dans
On
sait
de la
un
article paru en 1952 (1).
est en effet assez curieux de voir comment
Il
le folklore
a
être aussi radicalement oublié en moins d'un siècle. Récits,
chants, danses, tout a disparu, ce qu'on peut y entendre au¬
jourd'hui ne sont que les rengaines tahitiennes modernes, diffu¬
sées par la radio de Tahiti, ceci bien entendu ne mettant nulle¬
pu
ment
en
cause
une
organisation qui
par
ailleurs s'est montrée
excellente et extrêmement utile.
Dans
ces
conditions c'est
avec
une
certaine stupéfaction que
instruit des choses d'Océanie découvre qu'à
Raivavae, et dans cette île seulement, les pirogues en usage
aujourd'hui sont sensiblement les mêmes que celles que l'on
peut voir dans les anciennes gravures ornant les ouvrages
des premiers navigateurs à la fin du XVIIe siècle.
La pirogue actuelle de Raivavae d'une longueur de huit mè¬
tres environ est creusée comme toutes les pirogues polyné¬
siennes dans un tronc d'arbre, de tamanu très souvent. Cette
portion constitue les œuvres vives de ,1a jpirogue, c'est-à-dire
les parties situées au-dessous de la ligne de flottaison, on y
ajoute un bordé formé comme on le voit aux Iles Sous-le-Vent,
de deux ou trois hauteurs de planches cousues et ensuite cal¬
fatées. Ceci donne déjà un franc bord appréciable.
La plupart également sont frégatées c'est-à-dire que la lar¬
geur en coupe à la flottaison va en diminuant en montant vers
le plat bord, particularité que l'on trouve aussi parfois aux
Iles Sous-le-Vent mais la différence essentielle réside dans le
fait que la proue se prolonge par une planche de 1 m 50 à
1 m 75 de long faisant corps avec l'étrave dans laquelle elle
le voyageur un peu
(1) Rurutu, île
sans
passé. Bulletin delà S.E.O, n° 103,
Société des
Études
Océaniennes
Juin 1953
—
—
d'ailleurs taillée d'une seule pièce, le tout
au reste de la coque et au bordé.
est
et
495
étant assemblé
cousu
Cette
pièce importante, tout à fait caractéristique des pi¬
rogues de la Polynésie orientale ( Tuamotu excepté
mait autrefois « Ihu va'a », nous en possédons un
Musée datant
au
sans
doute du
)
se nom¬
exemplaire
début du XIXe siècle mais
que je ne m'attendais guère à voir actuellement cet
accessoire en usage courant. A ma connaissance, personne ne
semble l'avoir sinon remarqué tout au moins mentionné jus¬
j'avoue
qu'ici. Aitken dans l'ouvrage cité plus haut n'en parle pas
à son chapitre « Pirogues », il est vrai que son livre ne con¬
cerne
que l'île Tubuai et peut-être n'a-t-il pas poussé jusjqu'à Raivavae. De même aucune mention n'est faite dans
l'excellent ouvrage de James Hornell « Canoës of Polynesia »
de son usage actuel.
sait également que les anciennes pirogues tahitiennes
lesquelles nous possédons des descriptions et une icono¬
graphie importantes avaient en plus une poupe très relevée
qui se terminait souvent par un poteau creux sculpté atteignant
deux ou trois mètres de haut. Ceci était surtout le cas dans
les pirogues doubles servant à la guerre, au transport ou à la
parade.
Cette poupe relevée était constituée comme pour le « Ihu
va'a » par une pièce de bois rapportée et cousue a la coque.
Dans le cas présent des pirogues de Raivavae l'arrière sans
atteindre la hauteur d'autrefois présente cependant une courOn
sur
Société des
Études
Océaniennes
—
496
—
bure très nette donnant sensiblement à la
celles que l'on peut voir dans l'ouvrage de
pirogue l'allure de
Gook.
étrange dans une petite île en relations relati¬
vement fréquentes avec Tahiti où les traditions sont à peu près
perdues, de voir se perpétrer une manière ancestrale de cons¬
truire les pirogues et ceci est d'autant plus curieux que les
habitants de Raivavae ne semblent, pas plus maintenant que
dans le passé, avoir été de fameux marins. Ceci s'appuie sur
les témoignages de Y Varella qui découvrit l'île en 1777.
On peut se demander quel était le rôle de ce « ihu va'a »
ainsi que celui de la poupe r-elevée. A n'en pas douter cette
planche placée à l'avant au-dessus du niveau de la mer, avait
Il
est
donc
la pêche au harpon et si on se
jusqu'au milieu du XIXe siècle, les baleines abon¬
daient autour des Iles Australes où l'on en péchait souvent, on
comprend que cette particularité de construction se retrouve
encore
aujourd'hui même après la quasi disparition des cé¬
utilité incontestable pour
une
rappelle
que
tacés.
va^'a » avait aussi une utilité dans les combats. Un
guerriers se tenaient debout sur cette planche prêts
à bondir sur la pirogue adverse. Enfin lorsque la pirogue était
gréée pour la voile le « ihu va'a » permettait de fixer à son
extrémité un étai pour la fixation du mat, il remplissait
alors l'office de beaupré.
Aujourd'hui lorsque l'on demande aux usagers le rôle qu'ils
attribuent à cette pièce de bois, ils disent qu'elle leur sert
uniquement pour la propulsion de la pirogue au moyen d'une
longue perche dans les eaux peu profondes. Ceci est en effet
exact, dans le cas aprticulier de ces îles ainsi que dans celui
des Iles Sous-le-Vent mais ce rôle était autrefois accessoire
car
le « ihu va'a » se retrouvait dans toutes les autres îl es
et en particulier à Tahiti où les grands lagons peu profonds
ne sont pas
très nombreux.
En terminant nous pensons qu'il serait souhaitable de voir
le Syndicat d'Initiative se procurer deux coques de ces pi¬
rogues actuelles de Raivavae qui, jumelées, pourraient servir
à des reconstitutions nautiques pour les fêtes du 14 juillet.
Le
ou
«
ihu
deux
H. JACQUIER.
Société des
Études Océaniennes
—
497
—
DIVERS
Une Lettre Inédite de GAUGUIN
Au
cours
couvert
en
de
recherches
mes
sur
le vieux TAHITI, j'ai
dé¬
procès-verbaux des délibérations du
parcourant les
Conseil Général du Territoire de 1902, une lettre écrite par
Paul GAUGUIN et qui, je crois, est inédite.
Président du Conseil Général, Mon¬
Auguste GOUPIL ( grand-père du docteur P. CASSIAU ),
contient quelques observations et commentaires de GAUGUIN
au
sujet de Vapplication aux lies Marquises de l'arrêté du 8
novembre 1902 qui modifiait les textes précédents régissant la
police rurale ( Divagation d'animaux ).
Cette le'.tre, adressée au
sieur
R. TEISSIER,
Adjudant de Gendarmerie
CONSEIL GENERAL DU TERRITOIRE
SEANCE DU
DU
27
1902
NOVEMBRE
Présidence de Monsieur GOUPIL, Président
La séance est ouverte à 8 heures et demie du
Sont
LAUD,
présents
:
matin.
MM. AHNNE, GOUPIL, HERAULT, MIL-
RAOULX, SIMON, TATI SALMON,
Temarii
a
TE-
MARII et VIENOT.
Sont
absents
:
MM.
Monsieur le Président
COULON
et
DROLLET, empêchés.
informe ensuite le Conseil qu'il a reçu
plusieurs lettres dont il va être donné
Lettre de Monsieur Paul
communication.
GAUGUIN, habitant d'Atuona
( Marquises )
Atuona, Novembre 1902,
Société des
Études Océaniennes
—
498
—
Monsieur le Président du Conseil
Général,
Permettez-moi de soumettre à votre bon
observations
sur
l'arrêté concernant la
jugement quelques
divagation des cochons.
Il n'y a, aux Marquises, guère que des terres
cocotiers, les dégâts sont donc à peu près nuls.
plantées
en
Les indigènes ayant le sentiment fraternel très développé,
s'arrangent entre eux sans jamais de contestation. Le cochon
est à l'indigènie ce que la vache est à l'habitant de nos con¬
trées.
Pour les
quelques colons européens, il en est tout autrement.
Il suffit qu'un cochon traverse quelques minutes une pro¬
priété pour qu'immédiatement il soit tué et porté chez le
brigadier, vendu à lo/o de sa valeur.
tuerie journalière pour l'unique plaisir de
profit, si ce n'est quelques francs entre les
l'Administration, spectacle immoral et vilain exem¬
les indigènes, peu digne d'un peuple sorti de la
Voilà donc
une
tuer, sans aucun
mains de
ple
pour
barbarie.
la contravention n'existait pas et si, d'autre
cochon sur les terres n'était pas
marché, il y aurait peut-être
possibilité d'arrangement à l'amiable avec le propriétaire de
Si
d'une part
part, celui qui s'empare d'un
de porter l'animal au
tenu
l'animal.
Mais, il
y
aurait mieux, je pense.
Pourquoi les cochons (certains ont une plus grande valeur
les chevaux dont la moyenne est de 60 francs ) ; pour¬
quoi ne rangerait-on pas les cochons dans la catégorie des ani¬
maux
domestiques que l'on ne doit tuer que pour l'utilité,
comme
cela existe d'ailleurs dans nos pays civilisés et chré¬
tiens. A ce propos, je ferai remarquer qu'un cheval abîme,
commet beaucoup plus
de dégâts qu'un cochon : soit les
rnaiore, les bananiers et le3 jeunes plants de cocotiers.
que
ce point que ces tueries sont barbares et
les lois concernant les cochons en tout sem¬
à celles existant pour les chevaux seraient équitables,
méchantes et beaucoup plus profitables.
J'insiste donc
inutiles, tandis
blables
moins
sur
que
Société des
Études Océaniennes
499
—
—
ré¬
considération et que par suite,
pour décider Monsieur le Gou¬
Laissez-moi, Monsieur, espérer que vous prendrez mes
flexions et
vous
userez
verneur
ma
proposition
en
de votre influence
à faire
un
nouveau
arrêté.
Agréez, Monsieur le Président, l'assurance de mes meilleurs
sentiments.
Signé
:
Paul GAUGUIN.
procès-verbaux du Conseil Général — Année 1902
221 à 223 — Papeete — Imprimerie du Gouvernement.
Extrait des
page
Société des
Études
Océaniennes
—
500
—
ACQUISITIONS
Deux divinités de
provenant du
10
pierre
district de Hitia'a (Ile Tahiti)
exemplaires
de la
«
Petite Histoire Naturelle des
Volume I
—
E.F.O.
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«
( Cher )
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1954
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from 1837 to 1849
with
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a
glance at Galifornia
merchant, long résident at Tahiti
with four illustrations
printed in colours
in two volumes
London
Longman, Brown, Green and Longmans
Société des
Études
Océaniennes
—
1851
Les articles
publiés, dans le Bulletin exceptés ceux dont l'au
ses droits, peuvent être traduits et reproduits,
condition expresse que l'origine et l'auteur en seront men¬
teur a
à la
reserve
tionnés.
Toutes communications relatives
Société,
la
doivent
être
au
adressées
Bulletin,
au
au
Musée
Président.
Boîte
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110,
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Pour tout achat de Bulletins,
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Le Bulletin est
Prix te
ce
échange
Président cie la Société,
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envoyé gratuitement à tous ses Membres.
60 F. P.
numéro
(Cotisation annuelle des Membres-résidents
Cotisation annuelle des Membres résidant
français
Cotisation annuelle des
étrangers
en
200
F.P.
200
F.P.
pays
4
dollars
SOUSCRIPTION UNIQUE.
Membre à vie résidant
Membre à
150
en
Fiance
vie résidant à
ou
dans
ses
colonies. 2000F.P.
l'Etranger. 30 livres sterling ou
dollars.
Avantages de se faire recevoir Membre a vie pour cette som¬
versée une fois pour toutes. (Article 24 du Règlement Inté¬
rieur. Bulletins N° 17 et N° 2g).
me
i° Le
Bulletin continuera à lui
être adressé, quand bien même
cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
plus à se préoccuper de l'envoi ou du
paiement de sa cotisation annuelle, c'est une dépensé et un souci
2°
Le Membre à vie n'a
de moins.
ICn
sont
conséquence : Dans leur intérêt
invités à devei T Membre à vie:
TOUS CEUX
et celui de la Société,
qui. résidant hors, de Tahiti, désirent recevoir le
Bulletin.
de la Société.
TOUS LES jeunes Membres
i
TOUS CEUX
qui, quittamlTahiti, s'y intéressent quand même.
!
.
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 113