B98735210103_075.pdf
- Texte
-
-ZZ3
Bulletin
S"
DE
Société
la
0
G
des
ÉTUDES OCÉANIENNES
N» 75
TOME VII
DÉCEMBRE
Anthropologie
Histoire
—
des
—
(N° 4)
1945
Ethnologie
Institutions
—
Philologie,
et
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
IMPRIMBRIB
A
DU
—
Sciences naturelles
QOUVBRNHMBKT
PAPEBTE
(TAHITI)
©
BUREAU DE
LA*SOCIÉTÉ
m. de monlezun
Président
Vice-Président
m. ReY-Lescure.
Secrétaire-Archiviste
m. H.
Trésorier.
M. A. Cabouret.
Jacquier
Assesseur.
m. le d1' Rollin.
Assesseur
M. A. Poroi.
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LE BULLETIN
Le Bureau de la Société accepte
l'impression de tous les articles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
épouse les théories qui y sont exposées, o-u qu'il fait sien les
commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls, eu
prennent toute la responsabilité.
Aux lecteurs de former leur appréciation.
La Rédaction,
de
la
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
m—
——s
TOME VII
N°
75.-
(No 4)
DÉCEMBRE
IR45.
SOMMAIRE
Pages
Littérature
Ru
a
et
Folklore
Kipo (pei mangarévien) (par Nicolas Mord vinoff).
131
Astronomie.
A propos
des connaissances astronomiques des
(par Janine Laguesse)
ciens Tahitiens
an¬
141
Ethnologie.
Souvenirs d'escales pour aider à déchiffrer le
mystè¬
re de l'île de
Pâques (par Jean de la Roche)......
Glyptique océanienne avant l'Histoire (par Jean de
la Roche)
Idéogrammes marquisiens (Dr Louis Rollin)
Note
sur
155
158
164
la découverte à Tahiti de Fours
Indigènes
(Umu), entourés d'ossements humains (par Jay)..
169
Météorologie.
Observations
météorologiques
Giovannelli)
en
montagne (par J.
..
183
Correspondance.
Lettre de M
Ropiteau, frère d'André Ropiteau
Société des
Études
Océaniennes
187
•
-
-
! M
'*
-
r Dordillon le nom serait
à peu près semblable: "natuitui hoehoe" que l'on retrouve
aussi dans l'ouvrage du Dr Rollin '"tuitui hoehoe". Le lecteur
comprendra déjà par ce simple exposé toute la difficulté qui
existe pour assembler ce puzzle. Remarquons que tous ces
noms ne sont
pascités dans le livre de Maud Worcester Made
kemson.
Dénominations d'Orion
I Hakaiki
e
d'après les différents auteurs.
loù
Dr Rollin
(Les îles Mar¬
quises)
iVRr Dordilion (Gram¬
| Tuitui hoehoe
| Na tuitui hoehoe
maire et dictionnai¬
de la langue des
re
îles
Marquises)
P. Ma thias Garcia (Le ttres sur les îles Mar¬
quises)
Féhue Tarava
Moerenhout (Voyage
aux îles
du grand
IIui-TaraVa
Huguenin (Raiatea la
sacrée)
0 Taoro
P.
Audran
p. Audran.
Océan)
Ile de la Sooiélé
Ana-varu
(Betelgeuse)
Taurua- o-merematu-
tahi
1
Mere
(Orion's belt)
r"nry (Ancient
Te Uru-mere-mere (ail
the rest of Orion)
I
Napuka....
(1) Leltros
sur
Mere
(Rigel)
Alexandre
Alexandre Déollet.
0 Takero (e kaefa ia)
P. Audran.
les îles Marquises (1813).
Société des
Études
Océaniennes
147
—
LES
—
GÉMEAUX
Dans le cas de cette constellation la confusion est la
plus
grande et elle s'explique aisément. Pendant longtemps les
Européens et les Tâliitiens ont respectivement vu dans les
Gémeaux deux constellations différentes. Cela a été possible
du fait que les Tahitiens connaissaient, tout comme nous
qui
la tenons de l'Antiquité, une
légende de deux enfants ju¬
meaux
inséparables envolés au ciel. Les Européens y
voyaient évidemment Castor et Pollux et les Tahitiens deux
étoiles dans la constellation du Scorpion. La différence est
de taille!
Le
premier témoignage en date-la première erreur pour¬
semble être celui d'Ellis (1) qui connaissait la
légende des deux enfants, des'1 Ainanau" comme les ap¬
pelaient les Tahitiens et sans hésitation il les identifie comme
étant Castor et Pollux, D'après plusieurs auteurs le terme de
Ainanu"-aurait deux significations qui semblent différentes
mais s'accordent pourtant bien avec le sens de la légende.
La première serait " ceux qui ne sont pas conviés" et la
seconde " ceux qui ne veulent pas partager".
Moerenhout (2) observateur pourtant remarquable, tom¬
bera d'ailleurs dans la même erreur. Partant toujours de la
légende qui selon lui serait originaire de Bora-Bora, il dé¬
signe les deux enfants sous le nom de Hui-Tarara ; ajoutant
que ce sont nos Castor et Pollux. La confusion entre les Gé¬
meaux et le Scorpion persistera
jusqu'aux environs de 1859
ou Cuzent, pharmacien de la marine, auteur
d'ouvrages ap¬
préciés surla Polynésie identifiera (3) sans contestation dans
les Ainanu les deux étoiles Pipiri et Rehua dont, l'ensemble
Pipirima représente deux étoiles de seconde grandeur dans
la queue du Scorpion. Mgr. Tepano Jaussen voit aussi dans
les Ainanu les deux étoiles Pipiri et Réhia(ce qui sans doute
rait-on dire
-
"
est
une erreur
En
(1)
(2)
(3)
(4)
d'orthographe),
1914, Caillot (4), auteur de plusieurs ouvrages
Ellis - Polynesian ftescarches - 1829.
Moerenhout - Voyage aux lies du Grand Océan - 1834.
Cuzenl - O'Taïli -18(30.
Caillot - Mythes légendes et traditions des Polynésiens.
Société des
Études
Océaniennes
sur
la
—
148
—
Polynésie, reprend à son tour la légende de Pipirima qui
a été contée par les indigènes de Huahine. A
quelques
détails près, elle est identique à celle de Cuzent, mais, Cail¬
lui
lot tombe lui aussi dans l'erreur de
situant
ses prédécesseurs en
Pipirima au-dessous de Matarii (les Pléiades), c'est-
à-dire dans les Gémeaux.
Maud Worcester Makenson
naissance de
ces
ne
auteurs mais cite
semble pas avoir eu con¬
cependant
ces noms
ainsi
que la légende de Bora-Bora rapportée par Moerenhout. Dans
un louable esprit de conciliation elle tente de
rapprocher
ces différentes dénominations en citant les 'Hui-Tarara"
formés de Pipiri et Rebua. Par la suite elle
ajoute un ren¬
seignement qui ne contribue guère à éclairer la question
puisque les Maoris d'après elle verraient dans Pipiri la cons¬
tellation du Bélier.
Cet exposé
risque de rebuter un peu le lecteur mais lui
peut-être entrevoir la principale cause d'erreur. En effet,
les Européens en interrogeant les indigènes ne
pouvaient
s'empêcher de voir dans le ciel la forme classique des cons¬
tellations, Sans doute, rien n'est plus arbitraire, et si les
fera
Pléiades et le
Scorpion
par
exemple peuvent former des
iniagesisolées. il fautuneffortd'imaginalion chez unindividu
non prévenu pour
voir dans le ciel un vaisseau, un chien, un
poisson ou un crabe, et ce n'est certes pas les Tahitiens qui
pouvaient voir un lion, une hydre, un aigle et encore moins
un centaure. On
pourrait d'ailleurs imaginer un groupement
de constellations complètement différent, ce
qui était évi¬
demment le cas pour les anciens Tahitiens. En
général l'in¬
digène ne contredit guère l'Européen, il a' même une ten¬
dance marquée à adopter son point de vue et si ce dernier
l'interrogeait à propos d'astronomie en s'aidant d'une sphère
céleste sur laquelle étaient dessinées les
constellations, ces
figures ne pouvaient qu'impressionner grandement les Ta¬
hitiens et influer sur leurs réponses.
Dénominations des G-érneaux
d'après les différents auteurs.
Moerenhout (Voyage aux
Iles du Grand Océan).
Rienzi (L'univers
que : Océanie).
Société des
Études
Océaniennes
pittores¬
—
149
Iles de
la Société..
:(aina- Ellis (Polynesian Researnuabove,ainanu
cbes).
below)
Faa-ta po tu po tu Teuira Henry (Ancient Ta¬
(open valley)
hiti).
Caillot (Mythes, légendes et
Pipirima
traditions
des
Polyné¬
Marquises
Mahaka tutue ho- Mgr Dordillon (Grammaire
et dictionnaire de la lan¬
nu
Na ainanu
siens).
gue
Dénominations du
Scorpion d'après les différents auteurs.
I Ainanu: Pipirima Cuzent
I
des lies Marquises).
(O'Taïti).
(Pipiri et Rehua)
de
\ Ana-mua: Anta- Teuira
Société. /
res
Iles
la
I
f
Ainanu
Rehia
1
Marquises
.
Henry (Ancieut Tahiti).
(Pipiri et Mgr Tepano Jaussen (Grammaire et dictionnaire de
•
Hai (Antares)
la langue tahitienne).
Lawson (M S) cité par Handy (i)
PLANÈTES
Les
tout
une
anciens Tahiliens
connaissaient certaines planètes
les distinguant guère des étoiles, ils avaient aussi
idée de leur mouvement aux environs de l'écliptique.
en ne
Selon Moerenhout ils n'en
avaient, et c'est fort vraisembla¬
ble, identifié que trois : Mars, Vénus et Jupiter. Ce sont en
effet, celles qui sont facilement visibles. Cependant on trouve
dans " Ancient Tahiti" un nom Tahitien pour Mercure dont
l'extrême difficulté d'observation à l'oeil nu
proximité du disque solaire. Teuira Henry
cite ainsi: " Mercure (Bacchus, Mercury) Taero ". Tout le
monde connaît la signification du qualificatif Taero qui veut
dire" ivre" ou encore" empoisonné " ce qui après tout
on
en
sait pourtant
raison de sa
il) Handy " The native culture in tbe Maaquesas".
Société des
Études Océaniennes
n'estguère différent, mais,
est une
son
rapprochement
avec
Bacchus
curieuse coïncidence. Maud Worcester Makemson
ajoute que le nom véritable serait " Taero arii
le roi ivre
(Royal inebriate) car, dit-elle, " Ce nom traduit bien la con¬
duite excentrique de la planète faisant des zig-zags d'un
bord du soleil à l'autre". L'explication est ingénieuse et nous
laissons au lecteur le soin de former son appréciation.
Pour Vénus, les dénominations abondent et sont assez
concordantes, mais ejles se compliquent du fait que les in¬
digènes la confondaient souvent avec Jupiter et lui donnaient
aussi
un nom
qu'elle
se
différent suivant les
lève
ou
époques de l'année selon
selon qu'elle se couche.
On trouve dans "Ancien! Tahiti"
un nom
curieux de cette
planète: "Taurua-e-liiti-e-Matavaï " parce que, ajoute impertubablement l'auteur, "on avait donné le nom de pointe
Vénus à la presqu'île de Malavaï". Ces quelques exemples
feront comprendre toute la circonspection dont un observa¬
teur doit s'entourer pour recueillir des renseignements.
Maud Worcester'Makemson a complété son livre en don¬
nant une liste des mois de l'année dan.s les différentes
îles,
niais pour les Tu.amotu, elle a dû y renoncer
n'ayant pas,
dit-elle, de renseignements à ce sujet. Le P. Audran en a
pourtant donné une liste détaillée parue dans le Bulletin de
la Société d'Etudes Océaniennes de
lecture aurait
permis à l'auteur de
de compléter cette lacune.
Dénominations des
mars
1919 et
sa
simple
The morningstar rises"
planètes d'après les différents auteurs.
Vénus.
Fetia
(star of day-Horo Ellis (Polyneisan
poipoi (forerunner of
Researches)
morning)
I1 "Fauma 011 Paupiti était le Moerenhout(Voyalles de
nom de Vénus quand elle
ge aux îles du
la Société.. I
paraît le soir et Huri poiGrand Océan)
j
|
!
ao
poi quand elle paraît Je
matin"
Fauroua
(étoile du matin)
(étoile du soir)
Atouahi (étoile du berger)
Faiti
l
Société des
Études Océaniennes
—
151
—
"L'étoile du matin qui est Huguenin (Raialea
tantôt Vénus, tantôt Jula sacrée,
piter: horopoipoi, Fetia
poipoi ou encore. Fetia-
lies de
taiao"
la Société.
Fetia
no
te
Fetia
no
te ahiahi
poipoi
P. Audran
Ena Potu
Tau rua nui
Teuira
cien!.
Taurua-e-hiti-i-Matavaï
Hetu-Atea
(L'étoile du
Henry (An¬
Tahiti).
ma¬ Dr Rollin
(les îles
Marquises)
tin)
Hetu-nui
(grosse étoile)
i te ahiahi
(étoile pleine du soir)
Maono pupuu
Fetu
o
Fetu
maona
atea
ou
îetu atea
pupu(étoile du
M*r David Lecadre
Ms
Marquises
n
Hetu-nui
Lawson
(Eveningstar)
( Te heko o te ahiahi
rpe heko o te poipoi
(MS) cité
par Handy (The
native culture in
(Morning star)
Hetu ahiahi
de
langue des
îles Marquises.
matin)
j(
d i 11 o
la
Manapuùpuù i te ahiahi (é
toile du berger)
Hetu o atea (étoile du ma¬
tin)
Napuka....
or
dictionnaire
./ Fetu oatea ou fetu atea (étoile du
Iietu-ao
D
r
(Qram maire et
soir)
the
Marquesas).
P. Audran.
Ena Poutuu
Mars.
Fetia
Iles de
Fetia
ura
ma
(Red star)
Ellis
(étoile rouge)
Researclies).
M o e re n h o u 1 ( V o y a -
(Polinesian
aux Iles du
grand Océan.
Teuira Henry (An¬
ge
la Société.
Maunu-ura
cien t
Fetia-urà
(étoile rouge)
Société des
Études
Tahiti).
Huguenin (Raialea
la sacrée).
Océaniennes
Jupiter.
Iles de
la Société.
"Ils donnaient souvent les
mêmes noms de fauma
et d'horipoipoi à Jupiter"
Horopoipoi, Fetiapoipoi ou
Fetiatai
Marquises.
Moerenhout.
Huguenin.
ao
Taurua-nui
Teuira Henry.
Hua
Lawson
par
(MS) cité
Handy.
Saturne.
Iles de
la Société..
Fetu-tea
Teuira
(pale star)
Henry.
Mercure.
Iles de
la Société..
Taero
ou
Taero arii
(Royal
Teuira Henry,
inebriate)
Que conclure de ce qui précède sinon que les documents
nous disposons aujourd'hui sur les connaissances as¬
tronomiques des anciens Tahiliens sont bien pauvres. Sans
doute, des recherches sérieuses entreprises dans ce sens au
dont
moment de leur découverte auraient
permis de
nous en
idée infiniment
faire
plus nette. Nous avons vu que ce travail
ne fut pas réalisé. Les marins et les premiers missionnaires
avaient d'autres soucis, que de se préoccuper de telles ques¬
tions. Lorsqu'ils s'y intéressèrent, il était déjà trop tard, et
d'ailleurs n'a-t-on pas un peu exagéré ces connaissances as¬
tronomiques ? A notre connaissance, il ne semble pas qu'on
ait encore rigoureusement indentifié et authentifié un seul
instrument d'observation chez ces peuples. Des érudits re¬
marquables ont démontré ingénieusement l'emploi de la
calebasse sacrée aux Iles Hawaï, mais d'autres érudits non
moins compétents se refusent à y voir autre chose qu'un
meuble ordinaire. 4insi le problème reste entier et il n'est
guère sur le point d'être résolu. Tel qu'il est cependant et
en dépit de regrettables omissions, le livre de Maud Worcester Makemson représente une tentative appréciable vi¬
sant à soulever le voile qui nous cache toujours le système
astronomique des Polynésiens et leurs migrations.
une
Janine LAGUESSE.
Société des
Études Océaniennes
lU- dt&
Société des
Études Océàniennes
ifctO
«
—
î5o
—
Brairoxioei^
L
twww
—.
Souvenirs d'Escales pour aider à
de l'Ile de
déchiffrer le Mystère
Pâques.
par
Jean de la ROCHE
Océanie, au cours de l'été
1938, le très aimable Commandant Planté commandait l'a¬
Lors de
mon
dernier voyage en
"Rigault de Genouilly" qui a laissé de si bons souvenirs
eaux océaniennes. Il était partout connu comme le
plus "marin" et le plus courtois de nos otripiers de Marine.
Il n'en était pas moins doublé d'un chercheur curieux d'ap¬
prendre et de découvrir dans les plus petits coins où il fai¬
viso
dans les
sait flotter
Il
nos
couleurs.
grande générosité de me dévoiler ses archives
personnelles avec leurs précieux secrets. C'est ainsi qu'il
me fit connaître le Moaî de l'île de Vao qu'il avait découvert
quelques mois auparavant.
Naviguant dans les eaux des Nouvelles-Hébrides, il avait
jeté l'ancre devant la petite Ile de Vao à l'extrême Nord de
Mallikolo, à l'entrée Est du Détroit de Bougainville.
Descendu à terre, quelle ne fut pas sa surprise de trouver
là, dans une clairière de la brousse, une statue de bois de
1 m. 25 de haut, fichée en terre, dont il se mit en devoir de
dessiner le croquis séance tenante (Fig. ci-contre).
Il s'agissait ni plus ni moins d'un Moaî absolument sem¬
blable à ceux de l'Ile de Pâques, ces tètes énormes sans
corps, têtes plates sans nuques, aux regards, nus, perdus
vers
eut la
les immensités de l'Océan austral
Les deux seules différences
sans
limites.
Pâques étaient: dimen¬
sions plus réduites-et matière première ; bois au lieu de
pierre. Mais l'aspect extérieur identique.
Cette trouvaille absolument inattendue pose immédiate¬
ment un problème du plus haut intérêt. Et d'abord d'où vient
cette statue? ou plus exactement d'où venaient ses auteurs?
Car on n'en connait aucune autre en Mélanésie ni en Poly¬
avec
nésie.
Société des
Études
Océaniennes
m
—
Il n'est pas sans
tion que
—
intérêt de rappeler ici certaine
conversa¬
j'eus
Mallikolo. Il
avec le D1' Brossier qui lut Administrateur de
me disait avoir eu connaissance
par des indi¬
gènes que dès statues très grandes et extraordinaires - sans
précision - existaient dans le Nord de l'île. Malheu¬
reusement cette région très difficile à
explorer pour les Eu¬
ropéens conservait son secret.
Un rapprochement semble s'imposer et nous
oblige à ou¬
vrir ici une parenthèse.
aucune
Les fameuses "Tablettes" de l'Ile de
Pâques, uniques en
jusqu'en ces dernières années, n'ont perdu
cette particularité qu'au profit d'une écriture, sinon entière¬
ment semblable, du moins bien voisine, sortie du silence de
l'archéologie lors des fouilles pratiquées vers 1925-1930 par
E. Mackay sur les bords de l'Indus et notamment à
MohendjoDaro et à Harappa. Ces deux écritures ont entre elles une
si proche parenté qu'on ne peut
qu'en conclure une origine
leur écriture
commune.
Ce
point étant admis,
rellement: l'une
un
des deux
corollaire
a
été
en
découle tout natu¬
importée par suite d'une
migration.
Or le continent de l'Inde revêt tous les caractères voulus
pour se présenter comme un berceau de civilisations. Tout
contraire, l'Ile de Pâques, de même que toutes les autres
Pacifique, présente toutes possibilités en faveur d'une
origine par le fait de migrations.
au
Iles du
On est donc
en droit d'en déduire
que l'écriture des Ta¬
Pâques aurait été importée des Indes.
Jusqu'ici on n'en sait pas davantage. Et l'on doit se con¬
tenter de cette unique conjecture.
L'origine de la civilisation de l'Ile de Pâques, qui a mis
tant de chercheurs à l'épreuve, se
complique du fait de ces
blettes de
énormes têtes
sans
corps, connues sous leur
nom
pascuan
de"Moai", jusqu'à ce jour rencontrées uniquement, dans
cette île perdue au milieu du
Pacifique, à 3.000 kilomètres
de toute autre terre.
D'où provenaient les auteurs de ces
Moaîs? - Enigme....
C'est alors que le Moaî de l'Ile de Vao
prend une impor¬
tance extraordinaire.
En effet, si l'on trace
de 20.000 kilomètres -
sur la carte la ligne - longue de
près
qui relie l'Ile de Pâques à l'Indus,
Société des
Études Océaniennes
—
157
—
ligne passe, à bien peu près, par les Nouvelles-Hébri¬
qui en marquent environ la moitié.
La migration - d'Ouest en Est- qui, partie de l'Indus au¬
rait aboutie à l'Ile de Pâques, pouvait donc, en sa voie la
plus directe, passer tout naturellement par les NouvellesHébrides, première escale au sortir des Iles de la Sonde et
de la Nouvelle-Guinée, c'est-à-dire du maximum de terres
possibles tout le long de la route.
Il est assez curieux de remarquer en outre que cette route,
partie du Tropique du Cancer, aboutit précisément au Tro¬
pique du Capricorne: donc même situation géographique
d'un hémisphère à l'autre.
Par conséquent, rien de plus normal que de trouver des
traces de cette migration sur son parcours. Mais jusqu'ici,
cette
des
on
les cherchait
en
vain.
Le Moaî de l'Ile de Vao semble lever
recouvre
ce
un
mystère. Il serait le témoin du
coin du voile
passage
qui
des mi¬
grateurs.
Un deuxième point intéressant découle de sa découverte.
En effet, il n'est pas en pierre, comme ceux de l'Ile de
Pâques, mais en bois. Sans doute comme ceux des pays
d'origne. Et les Moaîs pascuans n'auraient été faits en pierre
que par suite du manque de bois sur cette île a végétation
difficile. Mais si le Moaî de Vao est en bois, matière essen¬
tiellement putrescible, surtout en ces pays à fortes pluies
chaudes, et à insectes destructeurs multiples, il ne serait
donc pas d'une grande ancienneté. Deux conclusions s'im¬
posent aussitôt: s'il date de la migration même, celle-ci
serait donc relativement récente. Et l'antiquité de la civili¬
sation de l'Ile de Pâques se trouverait assez réduite. - Ou
bien la migration est plus ancienne, et l'antiquité de l'Ile de
Pâques demeure lointaine; et dans ce cas, le Moaî de Vao
aurait été exécuté après la migration par les descendants. à combien de générations?...
des migrateurs qui auraient
conservé des souvenirs de leurs ancêtres, et même peutêtre leurs croyances et leurs rites.
Il est bien évident que, en tout ceci, il n'est nullement
question de certitudes. Mais peut-être l'Ile de Vao - point
imperceptible sur les cartes - contribuera-t-elle à dissiper
quelques incertitudes et à projeter quelques lumières sur un
des mystères qui planent sur le. grand inconnu.
.
Société des
Études
Océaniennes
—
158
—
Glyptique Océanienne avant l'Histoire.
par
Jean de la ROCHE.
Dans
précédent article ( Bulletin de la Société d'Etudes
Océaniennes, N° 67 Août-Décembre 1939), j'avais montré
que certains idéogrammes qui se rencontre en Océanie sont
employés également à des époques extrêmement différentes
dans des contrées éloignées de nombreux milliers de kilo¬
un
mètres.
Et
j'avais étudié, entre autres, l'idéogramme "Homme".
compléter ce que j'en disais alors.
-
Je désirerais
Je l'avais
précisément montré tel que nous le livrent les
d'abord sous forme humaine (Fig. 1 et 2)- Puis
déformé (Fig. 3)- Et enfin la tète (ou le corps)
se stylisant
de plus en plus (Fig. 4), cette stylisation
prenant au début
Marquises
:
la forme d'une sorte d'M arrondi.
Cette stylisation n'est pas propre à la seule Océanie. - En
effet H. Obermaier, dans son "El hombre fossil" donne la
reproduction de quelques-uns des signes rupestres ibéri¬
ques qui datent du néolithique (Fig. 5), bien proches voisins
des galets peints du Mas d'Azil
(Ariège) qui datent de la
même époque (Fig; 6). - Nous y retrouvons on
peut dire
exactement le même idéogramme et la même
gamme de
déformations aboutissant au même M arrondi
qu'aux Mar¬
quises.
D'autre part la Grotte de Castillo
(Espagne) de la même
époque environ que le Mas d'Azil nous offre une série d'i¬
déogramme "Homme" toujours dans le même style (Fig. 7).
Et l'on y retrouve le principe M dans
la même ligne que
nous représentons sous la forme
simplifiée de la (Fig. 8).
Mais là où l'ubiquité de cet idéogramme
prend une valeur
vraiment inattendue, c'est par la découverte
qu'en a fait
M1Ie du Puvgodeau, en
plein cœur du Sahara. - En effet elle a
trouvé, en gravures rupestres, à Chaabat-en-Nekhlat, l'M
arrondi- avec tête bien en place sur le dos d'un cheval
(Fig. 9) - Et à côté s'en trouvaient deux autres isolés (Fig. 10)
-
-
littérallement semblables à ceux des Marquises.
Cette représentation identique, généralisée de
l'homme,
sa
même
stylisation et
son
Société des
aboutissement symbolique, l'M
Études
Océaniennes
Société des
Études
Océaniennes
Société des
Études
Océaniennes
Société des
Études
Océaniennes
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Société-des Etudes Océaniennes
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Les articles
teur
a
publiés dans le Bulletin, exceptés ceux dont l'au¬
ses dioits, peuvent être traduits et
reproduits,
expresse que l'origine et l'auteur en seront men¬
réservé
à la condition
tionnés.
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Toutes communications relatives au Bulletin, au Musée ou à
Société, doivent être adressées au Président. Boîte no,
Papeete, Tahiti.
Le Bulletin est
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envoyé gratuitement à tous
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numéro
10
Cotisation annuelle des Membres-résidents
40
Cotisation annuelle des Membres résidant
en
français
fr.
»
francs.
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50 francs.
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étrangers
3
dollars.
SOUSCRIPTION UNIQUE.
'
Membre à vie résidant
France
en
Membre à vie résidant à
ou
dans
ses
colonies. 500
l'Etranger, six livres sterling
fr.
ou
trente dollars.
faire recevoir Membre a vie pour cette som¬
(Article 24 du Règlement Inté¬
rieur, Bulletins N° 17 et N° 29).
Avantages de
me
versée
une
se
fois pour toutes.
i° Le Bulletin continuera
,à lui être adressé, quand bien même
il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
Le Membre à vie n'a
plus à se préoccuper de l'envoi ou du
paiement de sa cotisation annuelle, c'est une dépense et un souci
•2°
de moins.
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conséquence: Dans leur intérêt et celui de la Société,
sont invités à devenir Membre à vie:
TOUS CEUX qui, résidant hors de Tahiti, désirent recevoir le
Bulletin.
TOUS LES
jeunes Membres de la Société.
TOUS CEUX qui,
quittant Tahiti, s'y intéressent quand même.
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 75