B98735210103_067.pdf
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ÉTUDES OCÉANIENNES
N" 67
1
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TOME VI
(N° 6)
AOUTrDÉCEMBÏlE,
Anthropologie
Histoire
—
des
—
1939
Ethnologie
Institutions
et
—
Philologie.
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
—
Sciences naturelles
Tourisme.
b/(Q) jfcgV®
IMPRIMERIE
A
DU
PAPEETE
Société des
GOUVERNEMENT
(TAHITI)
Études Océaniennes
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J
.
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(Article 24 du Règlement Inté¬
rieur, Bulletins N° 17 et N° 29).
me
versée
une
se
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i° Le Bulletin continuera à lui être
adressé, quand bien même
il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
20
L'intérêt de cette
revenu
modique somme assure à la Société
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un
3° Le Membre à vie n'a plus à se préoccuper de l'envoi ou Tu
paiement de sa cotisation annuelle, c'est une dépense et un souci
de moins.
I
n
eonséqiicucc
:
Dans leur intérêt• et celui de la Société,
sont invités à devenir Membre à vie :
TOUS CEUX qui, résidant hors Tahiti, désirent recevoir le
Bulletin.
TOUS LES
jeunes Membres de la Société.
TOUS CEUX
qui, quittant Tahiti s'y intéressent quand même.
■ociété des
Études
Océaniennes
de
la
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME VI
IV»
G7.
—
(No6)
AOÛT-DÉCEMBRE
19 39.
SOMMAIBE
Pages
Ethnologie.
Glyptique Océanienne,
par
Jean de la Roche
209
Histoire.
Deux
La
épisodes de la guerre franco-tahitienne 1844-1846,
A. Poroi
tragédie de la goélette "Sarah Ann", par Rey Les-
par
219
cure...
222
Folklore.
Légende marquisienne de Ono,
par
G. Lagardz(suite).
255
Botanique.
Du Kava
ou
Ava, communiqué par M. Pétard
240
Hivers.
Dons et achats
-
Musée et
Société des
Bibliothèque.
Études
Océaniennes
246
Société des
Études
Océaniennes
immsmsmËim Asti#® msmM&mmm
wtTmw ©a,0eiB
Glyptique Océanienne avant l'Histoire.
PAR
JEAN DE LA ROCHE
NOTE DE LA
il/. Jean cle la
nos
RÉDACTION
Roche déminent ethnographe cjue plusieurs de
eu le plaisir de rencontrer, à différentes
Sociétaires ont
au Musée de Papeete où il accompagnait les touristes
Messageries Maritimes a bien voulu nous adresser le très
intéressant article (/ue nous sommes heureux de publier dans
reprises,
des
notre Bulletin.
Dans
une
lettre particulière,
des considérations
suivantes
il faisait précéder cette étude
:
étude répond en partie à la question que vous
posiez sur l'absence d'écriture en Polynésie et sur ses
Cette brève
me
causes.
En réalité le mot «
Ecriture
»
est extrêmement vague ;
et
depuis 3 millé¬
que nous appelons du mot moderne naires environ -« Ecriture» a commencé réellement
ce
dans
âges sous des formes tout autres. Qu'il s'agisse
gravures ou peintures sur roc des cavernes, dès l'auri-
la nuit des
des
gnacien en France (30 à 40.000 ans), ou sur roc h l'air libre
ou sous abri, en Palestine, et au Sabara avec des représen¬
tations d'animaux d'une précédente époque géologique - et nous appellerons cela des « picto¬
qu'il s'agisse des premiers signes : oiseaux,
serpents, poissons, swastika (la croix gammée allemande),
échelle, sigma (s) etc.... peints sur les plus archaïques tes¬
sons de poteries sumériennes et qui semblent peut-être « ma¬
giques », et que nous appellerons des « idéogrammes » : qu'il
s'agisse ensuite des mêmes signes passant du domaine des
donc très ancienne
grammes»;
(religieux) au domaine des scribes, des puissants
(comptabilité des domaines) puis du populaire : et
arrivons aux hiéroglyphes (hièros=religieux) et au « dé-
prêtres
du jour
nous
Société des
Études
Océaniennes
—
210
—
motique » (démos=peuple) ; qu'il s'agisse en fin des hiéro¬
glyphes déformés (tel que la jambe et le pied qui prend la
forme d'un L) d'une graphie courante, et dont la vie continue
la déformation par suite du principe universel de la « moindre
action» ; qu'il s'agisse de signes syllabographiques et fina¬
lement alphabétiques ; c'est toujours là de l'écriture au pre¬
mier chef, c'est-à-dire une « glyptique idéographique » prise
dans son sens le plus large et le plus universel.
Et précisément cette glyptique ne fait pas défaut en Océanie. Et mou étude incluse vous le prouve, je crois, assez
clairement.
D'un autre coté, «l'écriture» peut être
autre forme. 11 semble que
envisagée sous une
partout sa forme religieuse ait
toujours devancé sa forme utilitaire.
Tous les peuples ont toujours eu « l'idée » religieuse. C'est
une des caractéristiques mêmes de l'àme humaine, dût cette
«idée» religieuse n'être motivée que par les grandes forces
ou manifestations delà nature : foudre, soleil, pluie, tempête,
conception et naissance, mort, etc
avant d'être classées
en bonnes ou mauvaises, et bien avant d'être spiritualisées
avec l'imagination du principe créateur et directeur.
les peuples ont eu besoin
implique, au début, des re¬
censements de richesses, des demandes, des réclamations,
des rapports. Les primitifs, - les vrais primitifs - les simplesles vrais simples - nos paysans, n'éprouvent pas le besoin
Mais est-il aussi
vrai que tous
de l'écriture utilitaire? Celle-ci
,
d'écrire.
L'écriture
les
ou
ne
devient
un
besoin que pour les
possédants - qui sont souvent les mêmes
plutôt des clans à civilisation supérieure.
-
dirigeants et
des peuples
Polynésiens ont toujours été des simples - tout au
tant que Polynésiens, c'est-à-dire depuis leur éta¬
blissement dans les îles, après leur longue migration qui
les y a conduits. Ils ont été des simples, des vrais parce que
Or les
moins
en
la nature riche des îles les nourrissait sans travail.
Ils n'a¬
de les
Selon
matière de préhis¬
« passés du slqcje
vaient donc pas besoin d'accumuler des richesses et
faire contrôler par des intendants - par des scribes-.
l'idée très
juste de Mr. Gordon Childe, en
toire, les Polynésiens ne sont pas encore
Société des
Études
Océaniennes
2'H
—
où l'homme trouve
la
produire
sa
—
nourriture, à celui où il est obligé de
».
Polynésiens n'incite vraiment
à l'effort. Elle conduit tout naturellement à ce « dolce
far niente » qui est caractéristique des Maoris.
La vie est belle!
A quoi bon se fatiguer à écrire. Ecrire
quoi? - Ils n'ont nul besoin - Ecrire les gloires nationales?.
« Les
Tangata Rongo Rongo » les chantent si bien!.
Il fallait vraiment que vinssent les Européens pour im¬
porter l'idée et le fait de « l'effort» - combien vain! - dans
La vie facile et douce des
pas
-
le sile enchanteur des îles heureuses de
l'Océanie.
très rapides passages en Océam'ont pas permis d'asseoir mon jugement sur des
faits très précis, de l'équilibrer avec exactitude. Mon opinion
Il est bien évident que mes
nie
ne
fragile et je vous la donne
qu'avec la plus extrême
circonspection. Mais je serais assez enclin à supposer tout
de même une petite part de vérité, tout au moins à la base
se
trouve donc être éminemment
comme
telle. Ne la considérez donc
du raisonnement.
glyptique archaïque d'Océanie,
complète - et encore elle ne le serait jamais - plu¬
sieurs volumes n'y suffiraient probablement pas. Une noie
aussi brève ne pourra donc qu'effleurer le sujet dans quel¬
Si l'on voulaitconsacreràla
une
étude
ques rares cas particuliers.
Nous n'avons pas à revenir sur la matière du graphisme
littéraire. Un seul document: non pas alphabétique mais
plus exactement idéographique, les fa¬
bois de rose de l'Ile de Pâques, signa¬
lées pour la première fois en 1869 par Mgr. Tepano Jaussen,
Vicaire Apostolique de Tahiti, déchiffrées et interprétées, à
son initiative et en sa présence, par un ancien Pascuan, émi¬
gré à Tahiti nommé Metoro Tauaoure, qui en révéla l'écri¬
ture boustrophédone dont les lignes se suivent à la manière
des sillons d'un champ, aller et retour. Ces bois gravés por¬
taient, en langue polynésienne pascuane, le nom de « bois
parlants», « Ko-hau-Rongo-Rongo » mot à mot «bois qui
hiéroglyphique,
meuses
ou
tablettes
racontent
en
».
Cette écriture
qui ne présentait de similitude avec aucune
est composée de « caractères représen-
autre écriture connue,
Société des
Études Océaniennes
—
tant des
2P2
—
figures d'hommes, d'animaux, de plantes,
d'objets
(Ahnne). Elle a. long¬
temps excité la curiosité des ethnographes. Ce ne fut que
peu après 1930 que des fouilles entreprises à Ilarappa et à
Mohenjo - Daro, dans le bassin de l'Indus (Indes) mirent à
jour des inscriptions dont les caractères hiéroglyphiques
ressemblent étrangement à ceux des tablettes de Pâques. M.
G. de Hevesy, Hongrois, a fait ressortir cette similitude dans
divers, tous connus à l'Ile de Pâques «
une
très intéressante communication à l'Académie des Ins¬
criptions et Belles-Lettres de Paris ; et ceci motivait cette
appréciation du Dr. Rivet : « M. Guillaume de Ilevesy vient
définitive, la ques¬
série de comparaisons que la plupart
des signes consignés sur les « bois parlants » de l'Ile de
Pâques sont identiques aux caractères d'une écriture décou¬
verte dans les fouilles de Ilarappa et de Mohenjo - Daro
remontant au moins à 3.000 ans avant J.C. » - et même à
4.800 ans d'après M. de Hevesy. (Bulletin cle la Société
d'Etudes Océaniennes, ?i° 47, juin 1933).
de résoudre d'une façon que nous croyons
tion. Il
a
établi par une
Parlant des
sa «
écrit,
:
«
pictogrammes de l'Indus, M.Marcel Brion,
Résurrection cles villes mortes » (Vol. II, p. 89-90),
Pour trouver des inscriptions qui présentent une
dans
analogie avec les inscriptions des cachets indusiens, il nous
faut aller loin, dans l'Ile de Pâques....Dans ces deux endroits,
et nulle part ailleurs, on n'a trouvé la même écriture.
Dans une conférence faite devant la Société d'Ethnographie
de Paris, le 8 janvier 1938, le Dr. Werner-Wolf a exposé le
résultat de ses recherches sur le déchiffrement des tablettes
Pâques. Certaines de ses interprétations ne man¬
quent pas d'originalité ni d'intérêt; entre autres la parenté
entre les idéogrammes de l'Ile de Pâques et les hiéroglyphes
de l'Egypte pharaonique. Elles mériteraient dans tous les
cas d'être soumises à un contrôle scientifique, car en les
de l'Ile de
approfondissant, il semble que l'ont soit en droit d'y relever
plus d'hypothèses personnelles que de certitudes définiLitivément acquises.
Ce bref résumé n'a d'autre but ici que de rappeler de la
manière la plus succincte, ces faits trop connus de tous les
Océanistes. Je n'y ajouterai qu'un mot pour comparer cer-
Société des Etudes Océaniennes
—
213
—
signes de ces textes de Pàques/Indus, tels ceux de la
feuille de fougère » ou « arête de poisson » soit dirigée vers
tains
«
dirigée vers le bas, à des signes presque iden¬
tiques trouvés par l'Abbé Breuil, membre de l'Institut., en
peintures rupestres du néolithique ancien en Murcie et en
le haut, soit
signaler que pris globalement dans
espagnols donnent une impres¬
sion générale analogue à celle de ceux d'Océanie/Indus.
Si les manifestations écrites se résument somme toute â
un seul document, il n'en est pas de même en matière de
graphisme artistique lequel, en Océanie comme chez tous
les peuples primitifs, a commencé par revêtir un caractère
magique dérivant de la mystique innée caractéristique de
l'être humain. Et lorsque les hommes des cavernes de la
préhistoire française ont dessiné sur les parois de leurs ca¬
vernes leurs premiers rennes ou leurs premiers bisons, bien
certainement ils obéissaient à un rite magique soit d'en¬
voûtement en vue de la chasse prochaine, soit - ce qui est
moins probable - de souvenir de la chasse dernière.
De toute façon la magie semble incontestable. Le premier
signe n'est pas, ne peut pas être rationnel; il est le produit
d'un réllexe, la nécessité de projeter son moi, le besoin ins¬
tinctif d'extérioriser sa pensée et ce n'est que plus tard que
la mentalité rationnelle s'est dégagée de la mentalité mys¬
tique des premiers âges.
Ceci explique clairement que les divers primitifs aient
tous représenté les mêmes idées, et de la même manière.
Loi immanente de la constante intellectuelle et spirituelle.
L'Océanie nous en fournit à chaque pas des exemples.
Andalousie
-
l'ensemble
ces
L'idée
«
œil
et pour
caractères
et la filiation de ses idéogrammes vont nous
»
le montrer d'une
manière péremptoire.
premiers documents écrits du inonde, se
placent les « Textes des Pyramides » qui remontent à l'épo¬
que égyptienne protopharaonique. Déjà ces textes parlent
des yeux, « qui servent à sceller une porte fermée, symbole
Parmi les tout
pour
matérialiser l'idée mystique de la conscience-ou
gardien invisible mais présent
-
d'ouvrir cette porte.
s
Egypte, l'œil-d'IIorus-« oudjat », devient
Moyen Empire, une amulette fort répandue.
En
le
Société des
d'un
devant celui qui tenterait
Études
Océaniennes
même, vers
,
A la même
époque, vers la tète, sur le côté où le visage
peints à l'extérieur du sarcopha¬
paire d'yeux, grâce auxquels le mort voit vers l'ex¬
Les deux yeux qui sont figurés au sommet de tant
de la momie est tourné, sont
ge, une
térieur.
de stèles avaient la même destination.
Une curieuse formation
minéralogique se rencontre fré¬
quemment en Egypte : une forme d'œil rond, de 5 à 6 centi¬
mètres de diamètre, entourée d'une sorte de gouttière large
d'un centimètre environ. C'était « L'Œil » qui a conservé
caractère
semi-magique jusqu'à nos jours: les Egyptiens
R. P. Delawarde signale des
«
yeux » analogues à la Martinique.
De nos jours, l'Œil, 1' « Œil de Dieu » a conservé, même
en iconographie religieuse, toute sa valeur; c'est le phéno¬
mène que M. G. Goury appelle la Loi de la Perpétuité du Rite.
C'est précisément ce rite que nous retrouvons en Océanie
et sous une forme fort curieuse. The Material Culture of the
Marcjuesas Islands, de Rodolph Linton (Monolulu-Bishop
Muséum Press) nous fournit à ce sujet des documents du
plus haut intérêt.
Je ne rappellerai que pour mémoire quelques-uns des
plus fameux « Binoculaires » connus en matière de préhis¬
toire européenne : allée couverte d'Epône (S.O.), stèles
d'Orgon (B. du Rh.), urnes funéraires d'IIissarlik (Asie Mi¬
neure), dendroglyphes du saule, roche de Pena-Tù (Esp.),
os gravés d'Almizaraque (Esp.), dolmens des pierres plates
de Locmaraquier (Morbihan), peigne de Gallrum (Suède), On
pourrait multiplier les exemples. Et remarquons en passant
la tendance à déformation du «binoculaire » vers le « jugiforme » (Eig. 1) que l'on rencontre assez fréquemment; je
n'en citerai que deux des plus notoires: au Dolmen du Mané
Lud (Morbihan), et sur les roches de la Vallée des mer¬
veilles, près du Col de Tende (Italie).
Du reste le Binoculaire est loin d'être inconnu en Afrique
Noire : on le rencontre et jusques et y compris, même de
taille respectable, en tatouage sur le ventre des négresses.
Aux Marquises, le Binoculaire tend assez rapidement à se
styliser. Nous le trouvons assez pur (Eig. 2), et indiscuta¬
un
n'aiment pas les rencontrer. Le
ble. Mais il
se
déforme bientôt
au
milieu
d'une tête
fantaisiste comportant un vague nez, une sorte
Société des
Études
Océaniennes
assez
de mousta-
che, de curieuses oreilles et un cou (Fig. 3). Cette conception
évolue quelque peu, et les yeux s'acheminent vers des
feuilles (Fig. 4). L'évolution se poursuivant, le visage dis¬
parait: plus d'oreilles ni de cou, les yeux sont devenus des
feuilles, et le nez et les moustaches un arbre reposant sur un
sol (Fig. 5).
Dans d'autres cas, le Binoculaire semble issu du motif
classique d'Europe avec appendice nasal (Fig. 6), et en se
compliquant devient une double volute (Fig. 7) analogue à
celle plus simple que j'ai rencontrée à la Guadeloupe sur
des gravures rupeslres précolombiennes (que j'ai publiées
dans Y Illustration du 18-12-37).
Puis les choses se compliquent et les deux idéogrammes
« œil
» et « homme »vontse confondre, peut-être la partie
symbolisant le tout. Et l'évolution des formes
particulièrement curieuse.
Nous
graphiques est
reconnaîtrons incontestablement une forme
humaine
Fig. 8 et 9 : tète, voire oreilles, yeux, tronc, bras et
jam bes. Mais déjà nous voyons en la Fig. 9 la tète se styliser
avec un double arrondi latéral analogue à celui des deux
dans les
bras, et les deux yeux très marqués.
Puis la tète, cette fois-ci nettement
stylisée, se détache
et prend sa forme propre, son graphique sym¬
bolique qui se rapprocheau plus près du Binoculaire classi¬
du corps
que
d'Europe à appendice nasal
même, l'idéographie a
fait est indéniable.
Enfin le
(Fig. 6). L'idéologie étant la
fourni fatalement le même signe ; le
signe qui se concrétisa en la Fig. Il finit par se
point tel que les hommes ne se rappellent même
déformer à un
plus l'origine de leur idéogramme, lequel prend foutes les for¬
mes plus ou moins bizarres de la Fig. 12.
Et lorsque je disais plus haut que le même idéogramme
représentait F « œil » et 1' « homme », la partie symbolisant
le tout, très probablement cette opinion va trouver une in¬
terprétation assez inattendue : le Binoculaire schématisé de
la Fig. 11 océanienne et de la Fig. 6 européenne signifierait
bien « homme » et non plus seulement « œil »- pour te te —
partie noble, idée primitive étroite, maintenant élargie,
généralisée.
En admettant, comme
je l'ai exposé, que les débuts de ce
Société des
Études
Océaniennes
graphisme aient revêtu un caractère essentiellement mys¬
tique, il semble bien que nous ayons atteint maintenant une
période où il cède le pas à un certain matérialisme, sinon à
un certain rationalisme, ne résultàt-il que de la force de l'ha¬
bitude traduite par la dégénérescence du signe symbolique
qui, en perdant sa forme, perd en même temps la vigueur
et l'élévation spirituelle de sa conception représentative.
Dans
une
Hommes
ciété
étude
«
Le Culte de la Femme Genitrix chez les
Quaternaires
publiée dans le Bulletin de la So¬
»,
Préhistorique Française (Déc. 1937), j'ai prouvé,
en ma¬
tière
d'archéologie préhistorique, la grande importance du
signe « triangle-la-pointe-en-bas », représentant le Triangle
suspubien, et symbolisant d'une manière indiscutable la fé¬
condité, la maternité, la femme.
Or
parmi les représentations graphiques des Marquises,
relève le très curieux motif de la Fig. 13 qui représente le
signe que je viens de définir « l'homme », précisément endessous de celui que précédemment j'avais abouti à définir
« la femme ». Et
je soumets alors à la discussion l'hypothèse
assez tentante de traduire ce double motif marquisan com¬
me le symbole de « l'espèce humaine », symbole de notre
naissance, de notre origine: l'homme issu de la femme.
je
Peut-être
aucune
certitude absolue
ni même confirmer la lecture de
ce
ne
vient-elle corroborer
motif, mais elle
ne sem¬
ble pas dépourvue de toute possibilité, surtoutétant donnée
la traduction pour ainsi dire irréfutable des deux signes qui
la
composent:
l'homme
femme ».
Pâques, Indus, je
suis vraiment frappé par le fait d'y retrouver le Binoculaire
sous des formes dont l'une peut sembler une
simple repré¬
sentation, à peine déformée, de la nature (Fig. 14), et dont
l'autre (Fig. 15) est pour ainsi dire calquée sur le motif
schématisé marquisan des Fig. 11 et 12.
«
»
Revenant maintenant
aux
Du reste le Binoculaire
se
et la
«
tablettes de
rencontre tellement couramment
à l'Ile de
Pâques qu'un mot spécial de la langue pascuanela
désigne expressément: « MAKE-MAKE ». Il est fait de deux
gros yeux comme cerclés de lunettes, d'unnez droit-c'està-dire très proche de la Fig.6. a. - et parfois d'une barbiche.
L'analogie entre ces graphismes marquisans et pascuans
n'est pas sans attirer l'attention très vivement, et semble,
Société des
Études
Océaniennes
d'autres farts, concourir à montrer,
générale océanienne produite par le fait—encore une
fois prouvé par là même-du passage, et des stations, des
différentes phases de la grande migration ouest-est à travers
les immenses archipels jetés comme une poussière d' îles sur
les étendues incommensurables des mers de l'hémisphère
en
même temps que tant
l'unité
Sud.
l'analogie entre ces graphismes océaniens et
des autres parties du monde n'est, pas non plus sans
attirer l'attention - bien plus vivement encore-sur le fait
Mais aussi
ceux
l'espèce humaine, quelles que soient ses races envisa¬
gées, est bien essentiellement et universellement une, et que
l'espace et le temps n'ont jamais permis que d'en prouver
toujours et partout- dans le fond des fonds- la plus incon¬
que
testable unité.
(Voir bois gravés page
Société des
<
Études
suivante).
Océaniennes
—
218
—
(Bois gravés de II. BODIN).
Société des
Études
Océaniennes
—
JM9
—
3£IST
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 67