B98735210103_064.pdf
- Texte
-
1
1
i
i
Bulletin
cEU
DE
Société
m la
1E
©
des
ï
1
ÉTUDES OCÉANIENNES
N« 64
TOME VI
(N° 3)
OCTOBRE 1938
Anthropologie
Histoire
—
des
—
Ethnologie
Institutions
—
Philologie.
et
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
—
Sciences naturelles
VWVWlAAWW*.
Tourisme.
i
IMPRIMERIE
A
DU
GOUVERNEMENT
PAPEETE
(TAWITl)
Les articles publiés dans le Bulletin,
exceptés ceux dont l'au¬
a réservé ses
droits, peuvent être traduits et reproduits
teur
à la condition expresse,
que
l'origine et l'auteur
en seront men¬
tionnés.
Toutes communications relatives
Société, doivent être adressées
la
au
Bulletin
au
au
Président.
Musée ou à
Boîte 110,
Papeete, Tahiti.
Le Bulletin est
Prix de
ce
envoyé gratuitement à tous
ses
Membres.
numéro
Cotisation annuelle des Membres résidents
Cotisation annuelle des Membres résidents
en
français
10
fr.
30
francs.
»
pays
40 francs.
Cotisation annuelle des
étrangers
3
dollars.
SOUSCRIPTION UNIQUE.
Membre à vie résidant
en
Membre à vie résidant à
trente dollars.
France
ou
dans
ses
colonies. 500 fr.
l'Etranger, six livrés sterling
o.u
Avantages de
se faire recevoir Membre a vie pour cette som¬
fois pour toutes. (Article 24 du
Règlement Inté¬
rieur, Bulletins N° 17 et N° 2g).
me
versée
une
i° Le Bulletin continuera à lui être adressé,
il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
20
quand bien même
L'intérêt de cette modique somme assure à la Société
supérieur à la cotisation annuelle de 30 fr.
un
revenu
30 Le Membre à vie n'a plus a se préoccuper de l'envoi ou du
paiement de sa cotisation annuelle, c'est une dépense et un souci
de moins.
Mn
soiit
conséquence: Dans leur intérêt et celui de la
invités à devenir Membre a vie:
Société,
TOUS CEUX qui, résidant hors Tahiti, désirent recevoir
le
Bulletin.
1 OUS LES
TOUS
jeunes Membres de la Société.
CEUXqui, quittant Tahiti s'y intéressent quand même.
Société des
Études
Océaniennes
DE
SOCIÉTÉ
LA
D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME VI
i\"
64.—
(No 5)
OCTOlî II E
I»6«.
SOMMAIRE
Pages
Actualité.
Compte-rendu de l'Assemblée Générale
tembre 1938
du 27 sep¬
73
Histoire.
Tati,
une
grande figure tahitienne, résumé d'une
con¬
férence de M. Cambazard
La Vérité
sur
78
Tahiti, par Louis Jacolliot (fin)
90
Tourisme.
Quinze jours
en
montagne par J. et Y. Malardé (suite).
98
Divers.
Liste des Membres de la Société
107
Bibliothèque et Musée
116
-
Dons et achats
Société des
Études
Océaniennes
ACrUJL&XS'IS
Compte-rendu de (a Séance annuelle
de la Société des Etudes Oc«;aiiieiiiie.s
«lu
27
Septembre 1938.
Après avoir présenté les excuses de M. le Gouverneur qui
regrette que les devoirs de sa charge ne lui aient pas per¬
mis de présider cette séance, comme il en avait l'intention,
le Président rend compte de l'état actuel et de l'activité de
la Société
au cours
de l'exercice écoulé.
Le nombre des membres résidant à Tahiti
minué
158
a
légèrement di¬
lieu de 161, en 1937 ; par contre, celui des ftieni bres résidant en France ou à l'étranger, est de 38 au lieu de
32,
:
sans
au
tenir compte des membres correspondants ou des
nombreuses sociétés
avec
lesquelles
nous
échangeons
nos
publications.
Plusieurs membres
qui ont quitté Tahiti depuis longtemps
n'y ont fait quelquefois qu'un court séjour restent en cor¬
respondance avec notre Société et lui donnent des marques
et
tangibles de leur intérêt.
M. Izratsoff de
Monaco, membre à vie, envoie
un
chèque
de 500 frs, pour étayer un peu la trésorerie de la Société, en
souvenir de l'agréable voyage qu'il fit autrefois aux
Marqui¬
temps où le Dr Rollin y était administrateur ; il faillit,
d'ailleurs, périr dans un feu de brousse, à l'île Masse.
M. Kroepelien, le bibliophile norvégien bien connu a fait
à notre bibliothèque un nouvel envoi de livres rares.
M. le Gouverneur nous a également remis deux
ouvrages
de prix, du XVIIIe siècle, relatifs aux voyages deCook et de
Bougainville. Ils lui ont été adressés par M. Bertlielier, de
Marseille, en souvenir des bons séjours qu'il a fait à Tahiti.
Ce sont là, dit le Président, des témoignages d'intérêt qui
sont d'autant plus appréciés que, selon la très
juste expres¬
sion de M. Izratsoff, la trésorerie de la Société a
grand be¬
soin d'être étayée.
En effet, ainsi que le fera ressortir le rapport financier du
ses, au
Société des
Études
Océaniennes
74
__
—
Trésorier,
au cours de cette année, deux
dépenses extraor¬
dinaires ont complètement vidé la caisse de la Société.
La
première a été nécessitée par la remise en état du jar¬
partie du parc de Mamao qui présentaient, un
aspect vraiment lamentable, car l'équipe pénale, plutôtnonchalante, que l'Administration affecte, un jour par mois, à.
l'entretien de Mamao ne peut accomplir qu'un travail très
din et d'une
rudimentaire et
Une
incomplet.
de
plus de 4.000 frs a donc été dépensée pour
plus présentable au moins la façade : les arbres trop
touffus ont été élagués, de nouvelles
plantations ont été fai¬
tes et les dieux de pierre de Raivavae
qui gardent l'entrée
somme
rendre
du Musée
Dans
se
dressent maintenant
au
milieu des fleurs.
petit enclos, deux énormes tortues des Gallapadon de M. Nordhoff, font la joie des enfants. Est-ce l'em¬
bryon du petit jardin d'acclimatation que l'on pourra peutêtre créer à Mamao, au jour, encore lointain où la France
n'aura plus besoin de toutes ses ressources
pour construire
un
gos,
des cuirassés et fondre des
Une autre amélioration
dant
sa
caisse est
canons.
qui
a
enrichi la Société tout
en
vi¬
l'acquisition d'une partie de la Bibliothè¬
que.de feu le Dr Cassiau. Grâce
à l'amabilité de son fils qui
importante réduction de prix en
faveur de la Société ; grâce surtout, à la générosité de notre
ami et sociétaire, M. Ropiteau
qui nous a laissé le premier
choix et nous a abandonné, à des conditions
exceptionnelles,
tous les ouvrages qui manquaient à notre
Bibliothèque, nous
avons pu acquérir
pour la somme de 7.575 frs, 80 ouvrages
comprenant plus de 100 volumes et dont la plupart sont ac¬
a
bien voulu consentir
une
tuellement introuvables
Notre
en
librairie.
Bibliothèque compte aujourd'hui 958 ouvrages, tous
Polynésie Orientale, dont 476 en français et 482
relatifs à la
anglais, soif un total de 1107 volumes; sans compter d'im¬
portantes collections de revues scientifiques ou littéraires,
en
en
différentes langues.
Avec l'aide de notre Bibliothécaire, M.
Bouvier, nous avons
dressé un nouveau catalogue de ces livres en les
groupant
Société des
Études
Océaniennes
rubriques : voyages, histoire, romans, scien¬
ces, linguistique etc..., ce qui en rend la recherche très facile.
Tous ces ouvrages sont mis gratuitement à la disposition
des Membres de la Société ; toutefois, ceux qui, par leur an¬
cienneté ou leur prix, sont irremplaçables, ne doivent pas
quitter la Bibliothèque, ils peuvent être lus et consultés à la
Salle de Lecture et ce n'est que dans des cas particuliers,
et avec une autorisation spéciale du Président qu'ils pour¬
ront être emportés à domicile.
différentes
sous
Lecture est ensuite donnée du
rapport financier de M. Ca-
bouret, Trésorier, pour le 2e semestre 1937 et le 1er semes¬
tre 1938.
Ce rapport
suit
qui est adopté à l'unanimité se résume comme
:
SITUAIT ON FIN ANC IÈ R F
2e Semestre 103T.
RECETTES
Solde
en
Caisse 30/6/37
—
4.907 80
B.l.C
1.217 79
Créance Chin Foo
5.400
»
»
Cotisations
130
720
Don de M.
300
»
1.200
»
Allocation du Service Local pour
Vente brochures et bulletins
1937.
Dixson, Sydney
Prix accordé à S.E.O. pr Foire-Exposi¬
tion
6.125 59
»
7.750
13.875 59
Total des Recettes
DÉPENSES
Musée: Achats.
Confection d'une
case
marquisienne..
Tableaux
Pirogue, hameçons, tikis
à
Société des
580
»
572
»
1.495
»
reporter
Études
»
Océaniennes
2.647
2.647
76
—
—
2.647
Report
»
Bibliothèque.
Mlle
Bodin, travaux de copie, 6 mois.
Livres et journaux
Timbres-poste et fournitures de bureau
Frais relatifs à la
Foire-Exposition...
900
1.174 75
Entretien hôtel de Mamao
187 50
Total des
31 12 37
—
»
233 »
236 25
Dépenses
Balance B.I.C
2.731 50
5.378 50
7.279 30
Créance Cliin Foo
1.217 79
8.497 09
13.875 59
SITUATIOX I
nu
3 I
IXAXCIÈHE
juillet 1938.
RECETTES
Solde
en
Caisse
31/12/37
—
B.I.C
7 279 30
Créance Chin Foo
1.217 79
8.497 09
Remboursement fret p. Mries Mmes, co¬
lis
Kroepelien
71
50
Remboursement souscription ouvrage
Moerenhout
100
»
Vente brochures et bulletins
340
»
Cotisations 1937 et 1938
—
membre à vie
Vente de bois et
cocos
de Mamao..
..
3.700
»
500
»
130
»
Total des Recettes
4.841 50
13.338 59
DÉPENSES
Musée.
Encadrement de tableaux
Achat haches et pilons
110
à reporter
Société des
»
17 60
Études
Océaniennes
127 60
127 60
127 60
Report
Bibliothèque.
copie, 2 mois..
300
»
bibliothécaire, 5 mois....
d'aménagement du jardin et
2.000
»
MUe Bodin, travaux de
M. Bouvier,
Travaux
du parc de Mamao
Frais pr conférence Mr M. Leenhardt.
Encaissement des cotisations 10 % ..
4.222 75
Timbres-poste et fournitures de bureau
Ivjries Mines fret colis livres Kroepelien.
309 80
Achat de livres et
226
»
329
»
244 45
8.277 50
645 50
photographies
8.405 10
Total des Dépenses
31/7/38
—
3.715 70
Balance B.I.G
4.933 49
1.217 79
Créance Chin Foo
13.338 59
livres de la Biblio¬
thèque Cassiau complètement réglé, cette balance créditeur
de 3.715 frs 70 se trouve aujourd'hui réduite à 1.240 1rs 70,
car on ne peut tenir compte de la créance Chin Foo.
C'est peu pour finir l'année ; espérons que quelques dons
généreux ou quelques inscriptions de membres à vie per¬
mettront à la Société de boucler son Budget sans déficit.
En
réalité, dit le Président, l'achat des
Conformément aux statuts, l'Assemblée procède ensuite
renouvellement du bureau dont les pouvoirs sont expirés.
au
Sont élus pour une
M.M. E. Ahnne,
G.
nouvelle période de 2 ans :
Président ;
Lagarde,
Vice-Président ;
Dr
Rollin,
A. Cabouret,
>5 ec i 'é ta ire-aï 'c/i iv iste ;
Rey-Lescure,
Assesseur ;
W. Malinowski,
Assesseur.
Société des
Trésor ier ;
Études
Océaniennes
Une grande
Le 15
figure Tahitienne TATI, Chef de Papara.
Septembre dernier,
présence de M. le Gouver¬
Colonie, l'un de nos membres,
M. CAMBAZARD, Juge au Tribunal de
Papeete a prononcé
le discours de rentrée du Tribunal sur le
sujet suivant :
TATI, Chef de Papara. Essai sur l'évolution politique et
législative chez les Tahitiens dans la première moitié du
neur
en
et des notabilités de la
XIXe siècle.
Tati,
des grandes figures de Tahiti a conservé dans
une place trop modeste, au
regard de l'im¬
portance de son action. M. Cambazard s'est attaché au dé¬
gagement de sa personnalité et de son rôle éminent.
une
l'histoire locale,
L'étude de M. Cambazard, comporte deux parties distinc¬
historique, l'autre critique ; nous allons donnera
tes, l'une
la
première, dans le développement de cette analyse, la pré¬
férence, qui correspond naturellement aux activités de no¬
tre Société.
Tati
naquit en 1774, peut-être même avant, car il avait un
précis de Cook, dont le dernier passage à Tahiti date
souvenir
de 1777.
Le nom véritable de Tati
(traduction: résistance) était
Taura Atua i Patea ou Cordon des dieux. Tati était le fils aîné
de Teuraitera et de Tetau i Ravea. Il
appartenait à ce très
noble clan des Tevas, détenteur du maro
jaune, qui avait
légende donne comme origine
à ce clan l'union coupable de
Hotulu, cheffesse de Vaiari et
d'un monstre marin, homme et requin. Les membres illustres
du clan les plus récents avaient été le roi Amo et la reine
Berea, célébrée par Wallis. Ces souverains n'eurent pas une
longue postérité etla suzeraineté de Papara, après l'élévadominé la moitié de Tahiti. La
Note.
En regrettant que
le cadre de notre Revue ne nous permette pas
reproduire in-extenso, la magistrale étude de M. Cambazard, nous som¬
mes heureux d'en donner un
compte-rendu analytique qui en fera ressortir
tout l'intérêt historique. — La Rédaction.
—
de
Société des
Études
Océaniennes
~
lion des Pomare
au
79
—
titre d'otu, échut à la
branche cadette,
laquelle appartenait Tati.
Au physique Tati était un homme grand et robuste ; Moerenhout le vit haut de cinq pieds dix pouces, bien propor¬
tionné. « Il avait, dit-il un Iront élevé, des yeux pleins d'ex¬
pression, un nez quelque peu aquilin, une bouche un peu
grande, mais ornée d'une denture superbe, le visage rond,
un airsévère fait pour inspirer à la lois la confiance et le res¬
pect ». Il existe de lui quelques portraits plus ou moins sty¬
lisés, dontune lithographie deBénard et Frey, insérée dans
Les Voyages aux Iles du Grand Océan » ; une autre, exé¬
cutée par Charles Giraud, se trouve dans un numéro de l'Il¬
lustration de 1848. Selon Cuzent, il y avait à Papara en 1858,
à
«
pont de pierre appelé pont Tati, orné du buste de ce chef
d'Ariitaimai, sa petite-fille, qui lui succéda à Pa¬
para. Le temps a emporté ces souvenirs.
Tati mettait dans sa vie privée cette dignité et ce sens pra¬
un
et de celui
tique qu'il apportait dans les débats publics. Il était le père
de famille respecté qu'on n'abordait pas sans appréhension.
Ariitaimai, dans ses mémoires, conte avec pittoresque les
petits démêlés delà famille. Tati aimait le confort". Moerenhout trouva chez lui, il y a cent ans, un bon lit muni d'une
moustiquaire, une cuvette, des verres, un essuie-main, un
ordonnancement de table impeccable, même un service à
thé !
d'une opiniâtreté
qui fut souvent inhumaine. Ame forte, il n'apparaît pas com¬
me un opportuniste jouant d'habileté entre les thèses oppo¬
sées. .Son action implique qu'il eut, malgré les contradictions
qui seront soulignées, la conception d'une fin précise et,
qu'en dépit des obstacles, il s'appliqua sans hésiter à la réa¬
Au moral,
Tati était honnête, courageux,
liser.
Esprit calme, lucide, observateur, psychologue, Tati avait
qualités qui, liées aux dons de l'orateur, font de certains
hommes des animateurs et des conducteurs naturels. Moerenhout disait de lui : « c'était Talma en scène ». 'Et Reybaud
le qualifie: « la lumière du pays, l'orateur le plus écouté,
l'homme politique et l'oracle de Tahiti. »
Tati apparaît à une époque particulièrement favorable à la
mise en œuvre de ses dons: l'île vient d'être découverte.
les
Société des
Études
Océaniennes
go
—
—
Elle subit le choc considérable « faste ou néfaste » de la ci¬
vilisation européenne, qui se heurte dit M.
Cambazard, « à
un état de technicité qui est celui de l'ère de la
pierre polie,
et à
régime féodal dont l'interstructure étanche, les ma¬
autoritaires(tabu), et morales (Areoi), tirent leur
essence d'une mvstagogie traditionnelle et
hermétique, et
de la soumission timorée aux règles implacables d'une théo¬
gonie barbare et sanguinaire. »
un
nifestations
La fortune des Pomare se
développa en dehors du cadre
des traditions héréditaires et du régime
politique : L'appui
des blancs, la force dont ceux-ci disposaient, le bouleverse¬
ment des croyances
fondamentales à l'arrivée des Mission¬
naires, permirent à leur étoile de briller d'un éclat inattendu.
Issus du trouble des mœurs, les Pomare s'estimèrent
appe¬
lés à faire à leur
profit une révolution politique.
Pomare
II, tente un coup de force surla cote
juin 1807,
ouest de l'île. 11 réussit pleinement. Tati,
déjà chef de Papara
doit s'exiler pour de longues années à Bora-Bora où il se
En
marie.
Par la suite il y
eut
une
si violente réaction contre les Poma¬
que l'aspirantautocrate duts'enfuir à-Moorea. L'alliance
des missionnaires, celle des chefs de
re
Sous-le-Vent lui offrit
une
revanche
en
l'archipel des Iles1815. Papara était
alors tombé entre les mains
d'Opuhara, frère cadet de Tati.
groupés tous les ennemis des temps
nouveaux. Tati, passé aux idées nouvelles, rallié d'ailleurs
à la politique des chefs des Iles Sous-le-Vent
accompagna
Autour de lui s'étaient
Pomare à Tahiti.
Le 12 Novembre 1815, vers Paea, Pomare
remporta une
victoire décisive. Opuhara fut tué au début de la bataille;
Selon Ariitaimai, il se serait rencontré avec Tati et les deux
héros auraient
échangé des injures homériques, témoignant
l'opposition de leurs vues. Pourtant, si l'on en croit Ellis,
Opuhara n'était guère enthousiaste de sa propre cause. Tour¬
de
menté de visions du feu éternel, il était l'esclave de
pres
ses
pro¬
partisans.
Le
triomphe de Pomare fut celui de ses alliés. Les mission¬
qui avaient misé sur sa puissance pour libérer d'obs¬
tacles leur prosélytisme, travaillèrent à la maintenir.
Sous
naires
Société des
Études
Océaniennes
—
SI
—
leurinfluence fut rédigé par Pomare un premier code taliitien, où le pouvoir donnait l'appui des sanctions temporelles
préceptes et règlements religieux. A cela, ou à peu près,
manifestations de l'autorité de l'Etat. Les
aux
furent limitées les
furent peu nombreuses et très incomplètes..
les chefs de son royaume, moins pour leur
soumettre les lois que pour leur en donner lecture. Au cours
de cette assemblée, Pomare s'adressa à Tati et lui dit: « Tati, quel est ton désir et que puis-je faire pour loi ? » Celui-ci
répondit: « Ce que nous voulons, ce sont les actes que tu
as en mains, les lois. Donne-les nous, afin que nous puis¬
sions les tenir, les lire, et agir ainsi selon notre droit. »
Il ne faudrait pas voir dans cette question de Pomare, qui
fut posée également aux autres chefs, l'indice d'un régime
constitutionnel élémentaire. En fait, Pomare n'abandonnait
rien des attributs de l'autocrate. Au contraire, il renforça son
omnipotence. A ce propos, il créa une loi sur la rébellion,
dont la lecture fut l'occasion d'un geste caractéristique de
Tati. Celui-ci demanda à l'assemblée de voter la loi des deux
mains, pour montrer la volonté desTahitiens de trancher dé¬
finitivement avec l'anarchie du passé et de se lancer réso¬
lument sur la voie du progrés, Le régime de dictature de
Pomare II n'était pas viable. Bien que revêtu des apparen¬
ces de la légalité, il ne pouvait se maintenir [que par le fait
d'un chef aussi remarquable que le fut le second des Pomare.
Le roi le comprit et sentant venir sa fin, offrit l'année sui¬
vante sa succession à Tati. Le parti protestant montra de
l'opposition. Desservis parleur inexpérience des choses po¬
litiques, les pasteurs crurent à la solidité des bases d'un état
gouverné selon leur conception naturelle de la morale et du
lois laïques
Pomare convoqua
droit,
un peu
avait
un
an.
comme un collège religieux.
Il devait leur être confié. Il
Le jeune Pomare
était l'otage et le
de leurs visées bienveillantes mais naïves. Ils furent
transfert de la puissance royale à un hom¬
me dont ils sentaient l'indépendance. Tati d'ailleurs déclina
de lui-même l'offre de Pomare et lui promit de soutenir son
gage
donc hostiles au
fils.
prévisions de Pomare se réalisèrent rapidement. Après
disparition, les pasteurs perdirent une grande partie de
Les
sa
leur influence
temporelle ; la Société Auxiliaire pour
Société des
Études
Océaniennes
la Pro-
pagation de l'Evangile périclita. En 1823, la Mission se vit
pratiquement refuser les secours en nature qu'elle attendait
de l'assemblée. D'autre part, les grands chefs avaient repris
l'autorité. La Mission s'efforça de contre balancer leur in¬
fluence en faisant participer le peuple aux affaires de l'Etat.
Il est remarquable de souligner que celte mesure, révolu¬
tionnaire pour Tahiti, eut l'approbation des chefs qui seuls,
vu la constitution aristocratique de l'assemblée, pouvaient
la réaliser. Tali,
leur leader, ne la combattit pas. Une loi de
y aurait désormais deux députés élus par
district. En même temps, Tati, fidèle à sa promesse, concou¬
rut à rehausser l'éclat et le sens de l'autorité royale. Pour la
première fois, un souverain tahitien reçut son investiture de
la religion nouvelle. A cette cérémonie destinée à frapper
les esprits, Tati participa, portant la couronne du jeune Pomare III. Néanmoins, sa conception personnelle de la politi¬
que tahitienne différait de celle des pasteurs ; comme eux, il
se rendaitcompte qu'il fallait réagir-contre la négligence des
mœurs etcontre l'anarchie, mais la religion, dans cette lutte,
lui apparaissait comme un moyen, non comme une fin. Sui¬
vant les circonstances, il favorisait les empiétements de la
1824 décida
Mission
ou
qu'il
il les combattait. Pour la Mission,
le succès de
au
contraire,
apparaissait naturellement
comme la condition première de tout progrès, De là, une
lutt'e d'influence entre les deux puissances sur le plan poli¬
tique : En 1825, le pasteur Nott, employant les grands mo¬
yens, fit signer à Pomare III, âgé alors de cinq ans, une de¬
mande du protectorat anglais, puis il s'embarqua pour Lon¬
dres. Mais l'Angleterre, déjà chargée de soucis coloniaux,
déclina provisoirement cette offre.
Le jeune Pomare III, dont l'éducation avait été confiée à
«
son
œuvre
propre
l'Académie des Mers du Sud », installée à Moorea, dis¬
parut deux
âgée de 14
ans
être fertile
en
ans,
plus tard. Il fut remplacé par sa sœur Aimata,
Le règne de la nouvelle souveraine devait
incidents.
Il débuta par un grave
schisme religieux. L'ex-diacre Teau
grossièrement imitée de la religion chré¬
tienne, et dont la doctrine laissait sans entraves le jeu des
instincts. On appela ses disciples « Maniaia ». La secte s'é¬
tendit avec une telle ampleur et fine telle intensité qu'elle
fonda
une
secte
Société des
Études
Océaniennes
—
83
—
question, avec l'existence de la religion, celle de
poursuite du progrés. La Mission trou¬
va alors en Tati le plus agissant des défenseurs. Dans une
assemblée de 18-29,le chef attaqua les Mamaia avec une vio¬
lence jamais égalée. Mais en même temps, la question reli¬
gieuse se trouva débattue, librement sur le terrain politique,
et devint un point de discussion et un élément de pro¬
mit
en
l'ordre social et la
gramme.
parti traditionnaliste domina bientôt au conseil de la
qui séjournait alors à Raiatea, en dehors
de l'influence ordinaire des pasteurs. Elle parut bientôt re¬
noncer à la légalité établie et réclama des chefs l'hommage
antique. Raiatea, Moorea, les Mamaia de Tahiti déclarèrent
adopter la réforme.
Les grands chefs de Tahiti: Tati, Utomi, Hitoti et Paol'ai réa¬
girent avec vigueur. Ils sommèrent Pomare de rentrer à Ta¬
Le
reine Pomare IV,
hiti
:
ils
déposèrentMahine, principal chef de Moorea et sou¬
Plus tard, ils tinrent à Papaoa une assem¬
vint. Cette réunion fut tenue dans des cir¬
constances critiques, remplies d'alarmes. Tati exposa la doc¬
trine de la ligue. Pomare finit par céder, abandonnant les
Mamaia. Mais le lendemain, la reine changea d'attitude,
sur la nouvelle que les chefs de la presqu'île lui apportaient
leur soutien. La ligue réunit alors des troupes — fait rare—
bien disciplinées; Papeete fut envahie le 20 Mars 1831. Po¬
mare dut leur céder à nouveau. Les grands chefs condamnè¬
rent pour la forme, ses principaux partisans, craignant les
conséquences de décisions trop fermes. Ils durent finalement
employer la force l'année suivante, contre leurs adversaires
de Taiarapu, groupés autour du chef Tavarii. Les chefs re¬
belles furent traduits devant un tribunal à Papara. Les
tien de là reine.
blée où Pomare
grands chefs y siégèrent, vêtus de rouge. A cette séan¬
ce, la devise de la ligue fut définie à nouveau. « Empa¬
rez-vous
des lois », déclara Paofai », elles sont voire
sauvegarde. Tant qu'elles existeront, Pomare sera sou¬
veraine et respectée ». Tati fut moins véhément qu'à l'or¬
dinaire, gêné probablement par la présence d'un de ses
fils naturels au milieu des accusés. Il demanda néan¬
moins un exemple. Tous' les rebelles furent sévèrement
condamnés.
Société des
Études
Océaniennes
—
84
—
En 1835 se place un avènement caractéristique du progrès
qu'avait t'ait chez les Tain tiens le sentiment national. Le gou¬
vernement anglais avait envoyé à Tahiti le " Bear/le
pour
demander réparation du pillage d'un navire le " Truro ".
causé par les gens des Tuamotu. Pomare manquait d'argent.
Elle réunit un conseil ; certains y exposèrent que les mélaits
des Poumotu ne regardaient pas les Tahitiens. Tati déclara
alors:
L'honneur de la Heine est,notre honneur. Nous par¬
«
tagerons les difficultés qu'elle éprouve. Ses amis préfèrent
son aide pour éteindre cette dette, plutôt que
d'ex¬
poser sa conduite à être censurée. Nous sommes, déterminés
venir à
à considérés
La victoire
testant!-}
sa cause comme
sur
lanôlre.
»
Sa thèse fut adoptée.
les Mamaia avait affermi l'influence pro¬
sein du gouvernement. Ses promoteurs
arrivèrent
publiques selon
l'intérêt supérieur de la foi. Ils écartèrent peu à peu du gou¬
vernement leurs anciens alliés, les chefs et firent prendre aux
affaires extérieures une tournure qui devait produire bien
vite pour Tahiti des conséquences définitives.
Deux missionnaires catholiques français, les Pères Caret
et Laval débarqués à Tahiti en Novembre 1836, furent ex¬
pulsés moins d'un mois après. Le Gouvernement français
envoya Dupelit-Thouars, commandant la "Vénus", pour
enquêter sur l'affaire. Les chefs en profitèrent pour faire
signer une convention de paix perpétuelle et d'amitié avec
la France, garantissant aux Français le statut des étrangers
les plus favorisés.
La " Vénus", partie, les protestants firent voter une loi in¬
terdisant tout autre culte que le leur. La France voulut sou¬
ligner le fort que faisait une pareille loi à ses nationaux, en
majorité catholiques. Ce fut l'objet de la visite de F " Ariùau
naturellement à vouloir conduire les affaires
mise". L'assemblée tahitienne fut réunie. Tati lui demanda
de
prendre
l'avenir.
ses
responsabilités
C'était trancher
sur
pour le
le maintien
sion de la
présent et pour
ou
la
suppres¬
poli tique théocratique. L'assemblée se montra fa¬
vorable à cette dernière solution en abrogeant la loi.
Ce fut là une simple velléité. Livrés à eux-mêmes les Ta¬
hi tiens furent plus que jamais soumis aux vues des pasteurs
protestants. En 1842, le code tahi lien fut révisé, augmenté
dans un sens qui laisse peu de doute sur les intentions" de ses
Société des
Études
Océaniennes
—
85
—
inspirateurs. Pour écarter les influences du dehors, le ma¬
riage avec les étrangers, la vente et le louage des terres fu¬
rent prohibés. On pratiqua plus que jamais « l'ostracisme
implacable du plaisir » ; les chants, les danses, la musique,
les jeux de carte, les combats de coqs furent interdits. Le
concubinage fut confondu avec la prostitution. Les pratiques
religieuses continuèrent
à être imposées par
les nouvelles
lois.
En même
temps, les
Français furent l'objet d'incessantes
devinrent si graves que les grands chefs,
établirent, en septembre 1841, une demande du protectorat
français. Celle-ci échoua. L'hostilité continua à se manifester
avec une telle violence qu'en août 1842, Dupetit-Tliouars re¬
vint à Tahiti, avec une mission énergique comportant les
pouvoirs les plus étendus. Il demanda pour l'avenir des ga¬
ranties de la bonne foi tahitienne. Les grands chefs en pro¬
fitèrent pour faire adopter par l'assemblée le protectorat
vexations : celles-ci
français. Pomare, en couches à Moorea, signa la demande
sans difficultés. La nouvelle fut accueillie avec assez de sa¬
tisfaction
parles étrangers de
l'île.
de la France ; il fut un acte de
dans une large mesure, assisté
de ce qui représentait l'élite de la société tahitienne d'alors.
Le gouvernement provisoire de Reine, fidèle aux engage¬
ments pris, ne se mêla pas des affaires intérieures du pays.
L'entourage de Pomare continua à être profondément attaché
à son idéal de suprématie religieuse. De 1843 à 1847, il suscita
Ainsi naquit le protectorat
volonté auquel Tati participe
protectorat de graves difficultés, inaugurant celte ère
malheureusement, sanglante connue sous le nom
d'affaire Pritchard, et de guerre de Tahiti.
Au cours de cette période, où Bruat, nouveau Gouverneur,
connut les déceptions, les graves embarras que l'histoire a
largement établis, l'aide des grands chefs lui fut des.plus
précieuses: La reine est destituée le 6 Novembre 1843. En
janvier 1845, les chefs se réunissent à Papeete. Ils font, au¬
près de leurs compatriotes, des démarches personnelles en
faveur de la paix. Tati soulève l'enthousiasme en offrant
d'emporter le pavillon du protectorat dans son district. Mare
demande que les chefs n'aient qu'un but: « l'Union, l'Ordre
et la Paix ». En mai 1845, une assemblée législative se tient
au
trouble et
Société des
Études
Océaniennes
—
80
—
à
Papeete ; elle réagit largement contre la législation issue
conceptions religieuses. A la Noël 1846, après de brillants
faits d'arme consécutifs à des heures très
critiques, la guerre
est terminée. Pomare
IV, rétablie dans ses droits, rentre à
Papeete le 6 février 1847.
La Paix ne devait plus quitter Tahiti. Dès
lors, l'œuvre
constructive se poursuit largement dans tous les domaines.
Les assemblées législatives de 1848, 1851 et
1852, dontTati
fut le président très écoulé, montrèrent une volonté de
bien,
une clarté de vue, une
compétence qui ressortentnon seule¬
ment des mesures qu'elles édictèrent, mais de
la valeur des
débats qui précédèrent les votes, et dont nombre seraient
dignes d'avoir été tenus dans les plus évolués des parlements
modernes. Le parlement taliitien montra
toujours le plus
grand respect du mécanisme de l'Etat et de la séparation des
pouvoirs. Au moment où la France vivait les temps enthou¬
siastes de la IIe république, Tahiti de sa
propre initiative, et
au même
diapason, travaillait avec succès à réaliser l'idéal
des
démocratique.
Le vieux chef Tati mourut le 11 juillet
1854, date indiquée
dans les archives du Greffe. Le 26
juillet, le "il hessager de
Tahiti
lui consacra un article
élogieux et ému. La
mation
procla¬
de
1880, faite par Pomare V d'où devait résulter
l'identification des Tahitiens et des Français
consécration de l'œuvre
tante
louange de
d'Europe, fut la
dynamique de Tati, et la plus écla¬
ses vertus et de son
génie.
partie de son long exposé, M. Cambazard
fait la critique de l'œuvre de Tati, au cours des 50 années
qui
constituent la partie historique de son existence. Cette œuvre
s'exerce parallèlement à l'évolution la plus
rapide qu'un peu¬
ple ait jamais connue. «Tahiti, terre barbare, aux divinités
sanguinaires, terre féodale aux clans jaloux, aux tabus im¬
placables et brutaux, terre médiévale, terre où la chair bri¬
mée se révolte, où passent le glaive et l'incendie des' croi¬
sades, terre victorieuse où la conscience humaine, esclave
jamais résignée des sociétés théoriques, sort de la discipline
scolaire de l'adolescence, telles sont les
métamorphoses dont
Tati s'est fait l'assistant. Féodal, il lutte contre la
féodalité;
adversaire naturel des Pomare, il leur
prête son concours ;
maître du tabu, il vote pour les lois; descendant des
dieux,
Dans
une
seconde
Société des
Études
Océaniennes
il soutient les
il combat
partisan de la liberté de conscience,
chrétien, il rejette l'omnipotence reli¬
pasteurs ;
le schisme ;
gieuse, il sépare le culte du principe
Tahiti n'a plus d'autres règles que
droits naturels de l'être humain ».
M. Cambazard, étudie ensuite le
de l'Etat. Quand il meurt,
celles qui découlent des
rôle du ta'bu dans
la so¬
les dan¬
l'arbitraire à
leurs mailles. 11 s'élève contre le gouvernement théocratique qui oriente davantage la religion vers les intérêts
de la matière que vers ceux de l'esprit. Il critique la royauté
primitive. Passant au
ciété
gers
des lois
code de 1819, il expose
insuffisantes, qui
laissent passer
travers
n'étant supérieur au droit naturel.
constatations des contemporains de Tati,
aux observations mêmes des Ministres du Culte, il conclut
que la mystique qui s'impose par la force se détruit ellemême : Le schisme des Mamaia, que M. le Pasteur Vernier
appelle « un éclectisme faisant la part de toutes les tendan¬
ces » a été pour M. Cambazard « la réaction fatale de l'ins¬
tinct refoulé parla peur » Quanta la religion d'état, ce n'est
qu'un « laisser-passer politique » ; il en résulta la guerre
de droit
divin, aucun droit
Faisant
appel, aux
Tahiti,
Cambazard conclut: « L'homme n'a pas
la société, mais la société pour l'homme ; elle
ver ses droits dont le plus sacré est la liberté, sans
il ne saurait y avoir de morale ; car où
sinon dans la volonté de lutte de l'homme contre
fections de sa nature? C'est folie et blasphème que
de
été fait pour
doit lui conser¬
M.
laquelle
serait donc la morale,
les imper¬
préten¬
dre (pie l'homme peut être sauvé malgré lui. Donc le rôle
essentiel de l'Etat ne saurait être de contraindre, mais d'éduquer et de guider. L'Etat qui, au nom du principe de conser¬
vation, en arrive à dominer en maître absolu sur les actions,
les aspirations, les pensées est l'œuvre d'une philosophie pes¬
simiste qui a le mépris de l'homme; il mène la société à ce
néant qui n'est que le bilan de sa raison d'être en dépit de la
séduction psychologique de ses postulats, hier comme aujour¬
peuple ci¬
c'était mé¬
les Tahitiens sauvages en un
50 ans, était une prétention barbare,
d'hui. Transformer
vilisé, en
connaître le rôle primordial du temps.
nom de la science et de la vérité, le génie
lui faisant
subir une
C'était violenter, au
d'un peuple, en
év-olution intensive et forcée; c'était
Société des
Études
Océaniennes
88
—
risquer cent fois de rejeter
de départ ».
ce
—
peuple au-delà de
son
point,
L'examen du rôle de Tati, montre
que celui-ci a souvent
progrès. Au lieu de favoriser le passage
insensible du régime de la raison d'Etat à celui de la raison
aventuré l'œuvre de
libre, il s'est montré partisan d'actes
ciences. La puissance de ses dons eut
d'emprise
sur les cons¬
faire de lui un grand
législateur. La froide détermination qu'il a montrée à attein¬
dre le but, en dépit des moyens
lui retire cette qualité. Il a
méconnu les droits de la nature humaine
; il n'a donc passu
pu
être humain.
La terre Tahiti
tant elle
a
a
été bien
trouvé les
près de retourner au chaos. Pour¬
avantages de la paix. C'est dans cette
réussite que nous devons reconnaître la valeur de Tati. Il
été, à l'instar des capitaines heureux, un
a
triomphateur.
Aussi, M. Cambazard, le classe-l-il parmi les
conquérants,
C'est, dit-il, la place qu'il mérite d'occuper dans 1 histoire.
Note de la Rédaction.
Ce remarquable travail est
cieux et fortement documenté
certainement très conscien¬
mais il est évident que l'ap¬
préciation de certains événements historiques et les conclu¬
sions criLiques de notre Sociétaire soulèvent bien des
;
ques¬
tions qui pourraient donner matière à discussion. Ce
n'est
pas le rôle de notre Revue.
Toutefois,
plaçant à un point de vue purement ob¬
le jugement de M. Cambazard sur
le gouvernement
théocratique qui fut à la base de presque
toutes les sociétés—est un peu absolu
et pas toujours équi¬
table. Ce Gouvernement doit-il
forcément, comme il nous le
dit, entraîner la religion vers les intérêts de la matière en
faisant perdre de vue le but spirituel ! Cela a
pu se produire,
à Tahiti, comme aux Gambier et dans bien
d'autres
en nous
jectif, il
nous
mais
n'est pas
ce
paraît
que
pays,
toujours le
cas.
Les
missionnaires anglais ont pu commettre certaines
propres à leur temps. Aujourd'hui où la tolérance
est une idée courante, nous
regrettons que tous ne l'aient
pas possédée, mais, souvenons-nous qu'ils vivaient à Yê^
erreurs
Société des
Études
Océaniennes
—
89
—
de la Révolution : intolérance de la gauche; à l'épo¬
de la Restauration: intolérance de la droite.
Il n'en reste pas moins, malgré les restrictions que l'on
peut faire à leur sujet, et dont certaines sont fondées, qu'ils
ont l'ait œuvre utile et durable, que Tali lui-même est un fruit
de leur éducation, et que, si la France a trouvé à Tahiti une
culture et une discipline peu ordinaires, c'est au travail des
missionnaires qu'elle le doit.
Ils ont essayé de défendre leur œuvre, comme une mère
défend son enfant. Saurait-on les en blâmer?D'ailleurs, quel
motif poussait les missionnaires et la reine Pomare à insti¬
tuer ces lois qu'on leur reproche et qu'on qualifie de dra¬
coniennes, sinon l'unique souci de défendre la personnalité
poque
que
des Tahitiens,
les aventuriers
de leur conserver leurs
de toutes nationalités de
terres, d'empêcher
venir troubler l'or¬
dre établi.
absolument le même souci qui, après
d'expériences et de civilisation a amené notre Gou¬
vernement actuel à instituer des lois à peu près semblables,
concernant l'interdiction de séjour dans certaines îles, la
vente des propriétés immobilières, l'expulsion des indési¬
Mais, n'est-ce pas
un
siècle
rables !
liberté, nous ditM. Cambazard, il ne saurait y avoir
doute, mais qu'est-ce que la morale, si¬
ensemble de devoirs, de lois, c'est-à-dire des bornes
Sans la
de morale. —Sans
non
un
à la liberté.
Société des
Études
Océaniennes
—
"LA
90
VÉRITÉ
—
SUR TÀITI"
(affaire de la foncière) par Louis JACOLLIOT, Juge Impérial-Paris 1S69,
Librairie internationale, 15 Boulevard Montmartre.
(suite et fin)
Ce qu'il y a de grave dans toutes ces
de la Roncière ne connaissait point les
il était
luttes, c'est que M.
dénonciations dont
l'objet
11 est
une
et par conséquent n'y pouvait répondre.
loi de la hiérarchie administrative française
qui
veut que nul, quelle que soit sa position,
pondre directement avec le ministère
sous
le couvert du Gouverneur, afin que
portée contre lui, il puisse
envoyer ses
ne
puisse
corres¬
Tout doit passer
si une plainte est
explications par le
même courrier.
Je
suis pas partisan de cette loi restrictive, mais enfin
qui l'ont faite doivent être les premiers à l'observer.
Pourquoi a-t-on accueilli les dénonciations de B... formu¬
lées sous le manteau, en dehors de toutes les règles hiérar¬
chiques et administratives, alors que de pareils actes, dans
n'importe quelle colonie, entraîneraient le rappel, peut-être
ne
ceux
même la destitution de leur auteur !
On dirait, en vérité, que
tout était bon du moment où il
s'agissait de frapper M. de la Roncière.
La décision ministérielle, si impatiemment attendue, arri¬
ve... Elle frappe de
stupeur tous ceux qui ont été témoins
des actes que je viens de signaler
M. de la Roncière est
brusquement rappelé, et B... maintenu à Taïti, doit repren¬
dre ses fonctions, sous M. de Marigny, successeur du
gou¬
verneur
tombé.
Le même courrier
apportaitla nouvelle magistrature nom¬
l'Empereur, dont je faisais partie, comme juge im¬
périal présidant le tribunal de première instance.
J'ai déjà raconté mes impressions premières.
B..que M. de la Roncière vient sur sa demande d'au¬
toriser à rentrer à Taïti, ne se sent pas de joie en apprenant
qu'il est maintenu à son poste. R comprenait trop la valeur
des actes qu'il avait commis pour avoir compté d'avance sur
mée par
un
aussi facile succès.
Enhardi par ce
premier résultat,
Société des
Études
ce
qu'il lui faut maintes-
Océaniennes
—
Dî¬
Gomme Ordonnateur, il est le se¬
c'est
il va bientôt reprendre ses fonctions
plus qu'il n'en faut pour effrayer de pauvres diables, qui
c'est la vengeance.
nant,
cond du pays,
tremblent pour leur gagne-pain.
Aussi, aidé du sieur B...., médecin
de la Société,
il soudoie le
sieur G...
.,
de la reine des Iles
secrétaire interprète
Affaires
de toules
particulier de M. de laRoncière, et du Directeur des
Indigènes, afin de se faire remettre par eux copie
les dépêches et papiers secrets du Gouverneur et du Directeur
des Affaires Indigènes. Ainsi il peut se faire remettre un
projet de protestation de la Reine non contre la
qu'on vient d'envoyer, mais contre le décret
nomme
sans
sa
participation, décret qui,
blesserait ses droits de
magistrature
qui la
suivant elle du moins,
souveraineté réservés par l'acte
protectorat.
Ce projet est écrit en entier
de la main du
du
Directeur des
Indigènes, une ligne est corrigée par M. de la Roncière,.dit-on : quelle belle occasion de recommencer ses
nonciations secrètes t.... il va prouver, à l'aide de cette
Affaires
dé¬
pièce, que la
Reine a eu la main
forcée, que cette protesta¬
de la Roncière
chose qu'une œuvre de M.
et du Directeur des Affaires Indigènes.
Pour donner plus de force à cette pièce, il
tion n'est autre
le sieur G....,
déclaration par
fait rédiger une
dans laquelle cet
interprète
obtenir cette protestation, M. de la Ron¬
cière et le Directeur des Affaires Indigènes ont menacé la
Reine, et que c'est lui qui a traduit ces menaces.
Au comble de la joie, B... ne se cache presque plus. .Te
les tiens, dit-il à ses amis, je vais faire mettre en disponi¬
bilité le Directeur des Affaires Indigènes ; quant, à de la
prétend que, pour
Roncière, c'est une
l'oreille.
Un autre
seconde condamnation
d'une
c'est le moment de l'attirer dans le camp
interprète, le sieur
peine disciplinaire ;
qui lui pend à
0..., vient d'être frappé
ennemi.
affaire, fait miroiter devant
yeux une augmentation de solde. EtO... se met, lui aussi,
à faire fabriquer de fausses dénonciations par des chefs indi¬
gènes dans l'intérêt de .la haine de B. ..
B... lui
promet d'arranger son
ses
Tout cela
est
écœurant"?
Société des
Études
Océaniennes
02
—
—
La minute d'un discours
que M. de la Roncière n'avait pas
prononcé est enlevé par C.... dans le milieu de la
nuit ; il prend peur, il court la
encore
redemander à ses complices,
temps delà copier et le lendemain, les projets
élaborés dans ce discours étaient
répandus dans le public,
bafoués, ridiculisés par la malveillance et
odieusement dé¬
mais
on a eu
le
naturés.
On attendait
toujours M.
Marigny qui n'arrivait pas
Toutà coup. 011 apprend
que le nouveau Commissaire Im¬
périal. au lieu de se diriger sur Taïti, rentrait de
malade,
en
de
Valparaiso,
France.
M. de la Roncière est
encore à Taïli
pour cinq à six mois ;
peut-être avoir le temps d'envoyer sa
défense, le minis¬
tère peut
changer.... ou changer d'avis B... ne pouvant
plus se tenir, imagine alors un complot
ayant pour but de
faire renvoyer M. de la Roncière en
France, comme étant un
danger pour la colonie
le projet est facile :
beaucoup
de gens, qui n'ont plus
rien à obtenir du gouverneur tombé,
se sont
éloignés de lui... il suffit d'obtenir l'adhésion des
il
va
,
membres du
Conseil d'Administration. Le Procureur
impé¬
rial, homme faible, compatriote et
ami de B
se laisse
gagner.... F..., ordonnateur par intérim
remplaçant B...
suspendu, reçoit les communications de son chef... et en
présence du même F.. B... me fait à moi-même des oucerturès pour obtenir mon concours.
...
.,
.
.
.
Cependant, ces projets transpiraient. Un officier sondé sans
doute, déclarait, presque
publiquement, qu'avec quatre ma¬
telots il se faisait fort d'arrêter M.
de la Roncière s'il en
recevait l'ordre.
Un autre officier déclarait
au lieutenant
commandant la
que M. de la Roncière, en tournée dans
l'île,
venait d'être enlevé
par un coup de main. Tous les
indigènes
ne parlaient
que du prochain enlèvement.du
gouverneur. M.
de la Roncière
apprend tous ces faits à Papeuriri où il se
gendarmerie,
trouvait, il
rentre inopinément, il fait arrêter
le sieur B.
Procureur impérial 11... Ne voulant
pas les faire juger
pour ce projet de complot, et pour le trouble
occasionné par
eux à Taïti. il fait faire
une enquête non
pas
...
et le
me on
l'a
judiciaire, com¬
prétendu, mais purement administrative, destinée
Société des
Études
Océaniennes
-
à être
93
—
envoyée au Ministre avec les délinquants. En
c'était dans
En lait,
ses
droit,
attributions de gouverneur.
c'était justice.
Au cours de
l'enquête, les soustractions de pièces accom¬
plies par B..., avec l'aide du médecin D... et des interprètes
C... etO... se dévoilèrent. Et B..., D... et G... lurent pour ces
police correctionnelle, et condamnés, parle
présidé par M. le lieutenant-juge Roques, B.., à deux
années d'emprisonnement. 200 francs d'amende, et cinq ans
d'interdicLion de service administratif ; D..
le médecin, à
six mois de prison ; G...., à six mois de la même peine.
Le lendemain, le sieur D...., reconnaissant la justice du
jugement qui l'avait frappé par acte déposé au greffe, décla¬
rait renoncer à l'appel.
Ce coup lut rude pour B..., on le conçoit. D.... n'avait été
que l'agent, que l'instrument des haines de cet homme.
Séance tenante, B... et G
tirent appel.
G..-., vint réclamer l'indulgence du tribunal supérieur,
expliquant qu'il n'avait cédé aux demandes de B... que pour
sauver son gagne-pain.
B..., comme en première instance, du reste, lut scanda¬
leusement insultant pour la magistrature et le commissaire
impérial. A un moment donné, le procureur impérial, outra¬
gé par lui, lut obligé de le menacer d'user à son égard des
rigueurs de la loi.
Une phrase de la plaidoirie de B..., qui se défendit luimême, prouve combien cet homme se croyait soutenu.
« Oui, s'est-il écrié, je les possède ces pièces scandaleuses
•et tramées dans l'ombre, et je les porterai moi-même à Son
laits traduits en
tribunal
..,
*
Excellence le Ministre de la Marine.
supérieur présidé par M. Guidasse, ancien juge
impérial, réduisit la peine de B... à un an de prison, cent
francs d'amende et maintint l'interdiction de services admi¬
Le tribunal
nistratifs.
La
peine de C.... fut réduite à trois mois.
la douleur de subir sa peine dans uneoù il avait été ordonnateur, M. cle la Roncière ordonna
Pour éviter à B...
ville
qu'il serait envoyé en Erance, et il fut embarqué sur le navire
commandé par Garderin, accompagné d'un
gendarme qui devait le remettre entre les mains du procule "Chevert",
Société des
Études
Océaniennes
—
9-4
—
impérial de la première ville de France où il toucherait.
qui prouve jusqu'à quel point l'es¬
prit d'insubordination s'était développé à Taïti
le
sieur Garderin qui commandait le
"Chevert", à une lieue de
Taïti, sous le prétexte spécieux que ses papiers n'étaient
pas en règle, déposa le gendarme dans une barque
et
reur
Chos3 extraordinaire, et
continua
sa
route.
Je
m'abstiens de qualifier une pareille conduite
Jusqu'à présent, j'avais cru que les militaires devaient.obéis¬
sance à leurs chefs
il paraît qu'il est dans la marine des
accommodements; de pareils faits conduisent, ordinaire¬
ment
au
conseil
;
refus d'obéissance attirerait des
louanges
Garderin, que je n'en serais pas éLonné.
MM. B
et II... sont donc expédiés en France.
Que
va-t-il arriver ? Une enquête administrative a été
faite, un
jugement et un arrêt ont été rendus....
au
sieur
Le gouverneur a usé des
La
ment.
pouvoirs qu'on lui
justice, toutes portes grandes ouvertes,
a
donnés !
a
solennelle¬
prononcé.
Cela valait peut-être la
peine d'être examiné.
Lh bien i non, on n'examinera
pas!
MM. B... et II... trouvent le
moyen par
d'envoyer
jSan-Francisco,
dépêche télégraphique au Ministre de la Ma¬
rine, ei, sans avoir reçu aucune pièce, sans connaître rien de
ce
qui s'est passé, le Ministre répond par une dépêche télégra¬
phique envoyée au consul général de France à San-Franciso ;
Retenez à leur passage MM. B... et II... et
renvoyez-les à
une
Taïti..
Ainsi, les actes de la justice sont blâmés avant même
qu'on
nouveau condamné sans
qu'on connaisse le premier mot de l'affaire.... voyez-vous
bien ce condamné se
plaignant par dépêche
les connaisse. Le gouverneur est à
télégraphique..
et recevant
gain de cause, contre l'autorité, contre la
justice, par dépêche télégraphique également, et sans qu'on
sache ce qui est arrivé !
Quelle preuve plus convaincante du parti-pris.... de l'a¬
...
charnement
avec
lequel
on
poursuivait la chute de
M. deJa
Roncière ?
Un homme est condamné
Société des
en
première instance et
Études
Océaniennes
en
appel
dépêche télégraphique pour revenir â
reprendre ses fondions et bafouer ses juges.
Eh bien ! pour être conséquent maintenant, il faut mettre
en jugement les magistrats qui l'ont condamné !
Ah! vous pouvez vous vanter d'avoir fait de belles choses
à Taïti ! Vous y avez ruiné à jamais le principe d'autorité
Vous avez montré à chacun, aux colons étrangers comme aux
Français, comme aux indigènes, comment, avec un peu d'ha¬
bileté, on peut ruiner le gouverneur le mieux intentionné,
celui qui a fait le plus de bien au pays.
Vous avez donné une prime à la délation cachée, avec refus
d'obéissance
Vous avez affaibli le prestige de la France
....
il lui suffit d'une
Taïti
Océanie
en
Soyez sans crainte, les luttes ne sont pas finies.... Il y a
aujourd'hui à Taïti un parti tombé, celui qui désirait sincère¬
ment le bien du pays, le progrès par le développement de
l'activité individuelle et de la liberté
Et tous ceux qui
n'ont aucun intérêt dans le pays tous les esprits brouillons
qui,
en
quête d'une position, s'étaient faits les
pouvoir
l'ordonnateur, sont aujourd'hui au
soutiens de
Attendez
la fin.
résumé, M. de la Foncière, qui a été brisé sans qu'on
daigné écouter sa défense, tombe victime de haines admi¬
nistratives et cléricales, et de haines plus élevées peut-être
Eu
ait
qu'on n'avoue pas
Pendant cinq ans, ce gouverneur a fait la prospérité de
Taïti, a développé l'esprit de progrès et de liberté ; s'est cons¬
tamment dirigé par les avis des colons et l'opinion du public
qu'il a constamment respectée. Pendant cinq ans. je le ré¬
pète ; il a fait bénir sur ces lointains rivages le nom de l'Em¬
pereur et son gouvernement.
Comme récompense, il succombe sous des dénonciations
occultes, que je mets au défi le Ministère d'oser publier; il
succombe sous une impure coalition, dont l'enquête qu'il
nous faut, que nous réclamons par toutes les voies, dévoilera
les sources, les moyens, le but.... Et cette enquête, sous
peine d'être dérisoire, doit être faite à Taïti même, toutes
parties en cause présentes, par un juge d'instruction de la
Société des
Études
Océaniennes
—
96
magistrature métropolitaine,
ou
—
sans
attaches, administrative^
militaire.
Je l'ai dit dès le
début, depuis plus d'un an le fonctionna¬
l'Amérique de ses factums, traînant
risme de Taïti inonde
dans la boue M. de la Roncière côte à côte
avec
l'Empereur
;
dévoilerons dans l'enquête les noms de ces fonctionnai¬
res. Nous
prouverons que tous ces articles émanent de B...,_
X... et leurs amis.
nous
Donc,
au nom de la justice, une enquête à Taïti.
j'ai dit vrai ! Je n'ai pas à tracer la décision à intervenir.
Si j'ai dit faux.... qu'on fasse de moi ainsi
qu'on a fait deM. de la Roncière,
qu'on me destitue !
Si
Louis
JAC0LL10T,
Juge impérial à Tahiti.
Paris, Octobre 1869. Dernières nouvelles.
P.S.— Je reçois à l'instant
un
volumineux courrier de Taïti..
La Reine de Taïti m'envoie
destinée à
une
protestation énergique
l'Empereur, contre les abus
Jouslard. Elle ira à
son
d'autorité de M. de
adresse.
Tous les
négociants de Taïti, excepté quatre du parti B...
Jouslard, ont protesté également contre le sans-gène du nou¬
veau commissaire
impérial.
Ils ont organisé un
banquet où assistait tout ce que Taïti
compte de recommandable parmi les magistrats, officiers,,
fonctionnaires et habitants. M. de Jouslard, le nouveau
gou¬
verneur, n'a pas été invité ; M. de la Roncière et la Reine
présidaient. Le président du tribunal de commerce et les ju¬
ges, le président du Conseil général et tous les conseillers, ont
acclamé M. de la Roncière, en le remerciant des
progrès im¬
menses accomplis sur leur sol
par son administration. Enfin,.
M. le lieutenant de vaisseau
Girardin, méprisant les haines,
du parti vainqueur, s'est levé et a
porté le toast suivant :
«
Je propose de porter un toast à M. de la
Roncière. Ce
toast, je le porte au nom de nos camarades dé la marineréunis ici. Je me permettrai de le
porter également, commeprocureur impérial intérimaire, au nom de la
magistrature.
Nous
vous
remercions, Monsieur le commissaire impérial,.
Société des
Études
Océaniennes
—
97
de la bienveillance et des bontés que vous avez eues pour
nous.
J'espère que la sincérité et le désintéressement de notre
attachement à votre personne vous feront oublier les ingrats
et les méchants.
Quant à
Commandant, quel soit le sort que l'avenir
temps passé sous votre
administration si libérale, si éclairée, restera dans nos cœurs
comme la page la plus belle de notre carrière militaire. »
Bravo, Messieurs ! Bravo, Monsieur Girardin ! c'est quand
un gouverneur est tombé ; quand on n'a plus de faveurs à
espérer de lui qu'il est beau d'avoir le courage de son opinion,
le courage de la justice! Cent cinquante ont protesté ainsi ! ! !
nous
nous,
réserve à tous, le souvenir du
Société des
Études
Océaniennes
—
98
—
QUINZE JOURS EN MONTAGNE
( Suite)
Sept heures au matin du 8 Mai. Nous avons dormi tard,
le temps est couvert. Edouard se précipite vers la cuisine
pour préparer le café matinal. Toilette au ruisseau. Il ne fait
pas froid, mais bon.
Je songe aux immenses bains de la vallée de Papenoo où,
il y a un an tout juste, mes camarades et moi nous plon¬
gions au petit matin. L'eau était glacée, mais le mouvement
faisait réaction. Ici, impossible. Le ruisseau est gentil, mais
l'eau ne vous arrive qu'à mi-mollet.
Vers huit heures, nous déjeunons. Le temps s'éclaircit et
promet une belle journée. Les hommes partent rechercher
et débrousser le chemin
que nous prendrons après-demain
pour franchir le col.
Quant à nous, nous restons au campement. Puis, un peu
plus tard, avec l'historiographe, dont c'est une passion, nous
allons couper des fougères pour améliorer notre couchette.
La journée passe, rapide, tout ensoleillée. Le ruisseau de
notre camp rejoint, un peu plus bas, un autre ruisseau
plus
important, et leur chant sur les pierres égaie notre solitude.
Tout est calme, reposant; on ne songe à rien d'autre
qu'à
se laisser vivre,
qu'à jouir de l'heure qui passe et du plaisir
qu'elle vous apporte. Rien ne compte plus. Le temps est
aboli. On s'intéresse à mille choses qui semblent nouvelles.
Vers quatre heures, voici nos hommes. Ils n'ont
pas en¬
core trouvé le col promis
par NATUA, mais ils nous rap¬
portent quelques oranges cueillies en cours de route. Lundi
car
ils feront
Puis,
une
nouvelle tentative.
chaque soir, c'est le défilé au ruisseau pour
Aujourd'hui, c'est samedi. A la ville, après une
semaine de bureau, on sort, on dîne au restaurant, on va au
comme
la toilette.
cinéma.
Eh
bien, ici aussi
nous
allons
nous amuser.
Un litre de rhum est sacrifié dans
d'orange. Un citron, du
Société des
sucre,
Études
et
un
grand bol de jus
voilà le plus délicieux
Océaniennes
—
99
—
punch. Apéritif. La gaîté monte. Le dîner nous regroupe,
plus gais qu'à l'ordinaire.
Et voilà la nuit à nouveau : elle s'infiltre sous bois, se
glisse entre les arbres, nous prend comme une pieuvre avec
ses tentacules. Vite de la lumière et, sous la case, nous al¬
lons fêter le samedi.
même lorsque c'est pournerien
langues vont-elles bon train.
Puis, sur notre demande, ils chantent. Voix graves, aux
harmonies profondes, aux inflexions douces et lentes, com¬
me la vague venue du large caresse le récif avant de se bri¬
ser dans les algues et les coraux ; voix qui vous prennent,
vous bercent, vous endorment; elles chantent la vie, l'a¬
mour, la joie, les tleurs, la nature.... Elles célèbrent les gé¬
nies millénaires de leurs îles; pour nous, elles sont comme
le parfum capiteux du gardénia tahitien, qui grise et endort.
Tard dans la nuit, le vallon a résonné des chants de nos
hommes. Puis, peu à peu, le silence s'est établi et le som¬
meil a pris tout le monde.
Un chant de coq, très loin, très loin, salue l'aube qui re¬
Le Tahitien adore causer,
dire. Tout l'intéresse. Aussi les
naît et blanchit le ciel.
La température est douce. Graduellement, la lumière pa¬
rait, puis, haut sur le ciel, un premier rayon de soleil venu
d'au-delà des montagnes qui nous entourent.
.9 mai.
Le café pris, quoique ce soit dimanche, les hom¬
mes vont monter au Terata prendre une charge de feis. Je
ne les y accompagne pas. Pour rien au monde, je ne vou¬
drais revenir désillusionné de ce coin que j'ai connu si beau,
il y a quelques années, et dont je reste ravi.
La journée promet d'être splendide. Le soleil pose ses llèches d'or dans le sous-bois. Vers dix heures, la propreté du
—
camp terminée, nous décidons, avec le guide Natua qui est
resté, de monter vers le pied de l'Orohena, rejoindre le lit
du haut Punaruu et, là, chasser et pêcher.
Nous
partons, chacun de nous se
relayant pour porter les
petite montée, nous atteignons un plateau.
Sous les arbres, de superbes fruits d'or s'offrent à nous. Tou¬
jours affamé, l'historiographe se précipite, en abat quelquesuns à coups de pierres, en pèle un, le porte à sa bouche,
mais horreur ! quelle grimace, mon Dieu ! le jus en est amer,
enfants. Par
une
Société des
Études Océaniennes
—
terriblement
amer.
100
—
Ce sont des limons. Heureusement
qu'un
peu plus loins nous trouvons des oranges, de
là et bien bonnes.
vraies, celles-
Sous les hauts
bancouliers, à travers de ravissantes fou¬
traversons le plateau. Nalua file soudain avec
chiens. Plus bas, près de
l'eau, nous le retrouverons cer¬
gères,
ses
nous
tainement. Par
une
pente assez raide et boueuse, nous arri¬
grand soin, nous préparons nos li¬
vons
à la rivière. Avec
gnes
à natos. Mais,
désagréable surprise, c'est une eau
chevrettes, ni natos, rien. Alors, stoïquement, nous
ramassons nos lignes et, assis sur les
pierres, admirons le
morte. Ni
paysage....
Il est beau comme
toujours, même un peu grandiose. Cette
masse de l'Orohena
qui nous domine, met dans le décor de
la vallée, de la
rivière, une note de
majesté, de grandeur,
quelque chose d'indéfinissable qui vous fait penser instinc¬
tivement à votre fragilité, au néant
que vous représentez.
Deux heures plus tard, le soleil
déjà sur sa pente, et alors
que nous n'y pensions plus, dans un bris de branches
mortes,
Natua nous apparaît soudain, un
magnifique porc sauvage
aux longues défenses d'ivoire
jeté sur ses épaules. Les che¬
veux en broussaille, un
simple lambeau d'étoffe noué aux
reins, immobilisé dans l'encadrement du fourré,
c'est véri¬
tablement Tarzan, l'homme des bois.
Rapidement, la toilette de l'animal est faite. Son charge¬
ment ainsi allégé, Natua
reprend devant nous la route du
retour. Nous flânons, car l'heure est douce. Il
y a, par ici,
beaucoup de "Ava Tahiti", cette plante avec la racine de
laquelle les Tahitiens fabriquaient, autrefois, un
breuvage
énivrant. Il y a aussi
beaucoup de pierres qui semblent
avoir appartenu à des
"joaepae", anciens murs d'habitations
aujourd'hui disparues.
A la
tombée du soleil, nous sommes de retour au cam¬
pement. Un instant après, nos hommes arrivent avec une
charge de feis splendides, vraie coulée d'or rouge sur leurs
torses de bronze.
Mon frère
meilleurs
dépouille le cochon capturé et
morceaux.
en
découpe les
La cuisinière s'affaire autour de
son
feu. Nous aurons, pour dîner, un
somptueux ragoût.
Comme tous les soirs, c'est le défilé au
ruisseau, la loi-
Société des
Études
Océaniennes
101
-
1 ette, le dîner, précédé de la prière. Les appétits se calment,
chacun digère en paix, en regardant venir la nuit.
La fumée du feu monte, toute droite, dans l'air immobile.
Aueiel, la clarté demeure, tandis qu'autour de nous, l'om¬
bre monte. C'est
l'on voudrait
une
belle fin de jour, tellement calme, que
prolonger l'heure qui passe, la fixer. Mais elle
fuit. Et c'est soudain la nuit.
Au travers des
arbres, les constellations s'allument une à
feux de position au vaisseau céleste. Un "ruro', passe
parfois, coupant le silence de cette soirée de son cri roulant.
Une douce torpeur nous prend. On se sent heureux, étran¬
gement heureux de vivre, dans ce coin perdu de vallée.
une,
La nuit est claire et la fraîcheur
nous
offre
un
repos
déli¬
cieux.
10 mai.
chir,
—
Tôt, alors que le ciel
commence
à peine à blan¬
debout. Le café pris, les hommes partent
essayer de trouver le col et tracer la descente vers Papenoo.
Natua est de plus en plus affîrmatif. Le col est là, le chemin
connu, il n'y a qu'à aller de l'avant.. Les porteurs emportent
une
pour
nous sommes
partie de leur charge qui ne nous est pas nécessaire
aujourd'hui. Demain, ils seront, de la sorte, moins char¬
gés.
Léo et moi les accompagnons. Je
voudrais profiter du beau
prendre quelques clichés. A cent mètres du camp,
nous prenons la crête.
La pente est raide et il nous faut souffler souvent. Halte
sous un oranger. Les fruits sont les bienvenus,
quoique as¬
sez acidulés. Puis, à flanc de montagne, nous devons pro¬
gresser lentement, nous aidant des pieds comme des mains.
Un regard en arrière, parfois, vers le paysage qui s'offre,
splendide, sur la vallée et les plateaux.
Après une heure de marche, il semble que ce coi soit tou¬
jours aussi éloigné. A plusieurs reprises, nous demandons
aux hommes s'il y a encore longtemps à marcher. A chaque
fois, la réponse est la môme: - Non, c'est là, tout près, à
cinq minutes d'ici..
Ce sont., hélas, des minutes élastiques et je préfère, avec
Léo, revenir vers le camp.
Au camp, nous flânons. Mille choses nous occupent: re¬
voir les paquets, ranger son linge, mettre de l'ordre dans la
soleil pour
Société des
Études
Océaniennes
—
102
—
case, nettoyer les environs du camp. Puis nous
la construction d'un banc
rustique,
entreprenons
près du feu. Cela nous
demande de longues réflexions et
Mais toute peine n'est
pas
un
sérieux effort.
toujours récompensée
mier
;
le pre¬
qui essaie le banc s'écroule avec et manque de choir
plus bas, vers le ruisseau, parmi les boites vides. A
temps,
Dieu merci ! il se
rattrape, mais notre banc, qui était si joli,
n'existe plus. Tant pis. Il nous a fait
passer le temps.
La journée passe
rapidement et voici cinq heures, déjà,
sans
que nous nous soyons aperçus de la fuite des heures.
Nos hommes apparaissent sur la crête
qui descend vers le
camp. Quelle n'est pas notre surprise de les voir revenir
avec leurs
charges. Leur air morne nous dit assez qu'ils
n'ont pu trouver le chemin de descente vers
Papenoo. Ils
nous le confirment d'ailleurs
aussitôt. Tehaamoana expose
que Natua les a menés sur une crête dominant une
grande
vallée qu'il prétendait être
Papenoo.
Mais, ni Tehaamoana, ni
comme
telle. Nous
nous
ses hommes ne l'ont reconnue
réunissons dans la case autour des
caries
qu'a heureusement apportées mon frère. Chacun émet
idée. Nous finissons par découvrir
que cette vallée aper¬
çue n'est autre que celle de Papara,
plus exactement celle
où coule la rivière Taharuu. Il
faudrait, pour atteindre Pa¬
penoo, traverser cette vallée et franchir un nouveau col. Ce
.chemin, il faudrait le tracer, ce qui nécessiterait de
son
trop
grands efforts et une perte de temps considérable. A
regret,
car la promenade serait
belle, nous en sommes certains,
nous décidons
que, dès demain, et en une seule étape, nous
reviendrons à la route de ceinture. Nous
prendrons la voi¬
ture automobile de quatre heures
qui nous déposera à six
heures à Mataiea où nous passerons la nuit. Le
par
Vaihiria et le col
d'Urufara,
nous
12 au matin,
atteindrons la haute
Papenoo.
Nous
nous
perdu quelques jours, mais tant pis. Nous
rattraperons. Ainsi décidé, nous dînons. La nuit tom¬
aurons
be. Il fait beau. Les hommes sont
de la
sont
Le
nous
silencieux, car la fatigue
journée pèse lourdement à leurs épaules. De plus, ils
vexés de ce que Natua les ait bernés.
repas terminé, ils se couchent aussitôt. Il n'y a
que
qui fumons et causons.un moment. Les étoiles criblent
Société des
Études
Océaniennes
—
103
—
fait frais. Je crois qu'en ce moment,
pensée : l'amertume de revenir en
arrière et de refaire, demain, le chemin du Tamarin.
le ciel de lueurs d'or. Il
nous avons
tous la même
petit jour, nous voilà debout. Toilette ra¬
que nous le quittions, car son
n'y a plus qu'un filet d'eau
claire qui, d'ici deux ou trois jours tarira certainement.
En attendant le café, chacun de nous refait son paquetage.
Vers huit heures, nous sommes lousprêts. Que pensent mes
compagnons? Je ne sais. Mais, pour ma part, je regrette ce
coin vraiment délicieux et où il faisait si calme. De la crête,
11 mai.— Au
au ruisseau. Il est temps
niveau baisse rapidement, il
pide
j'embrasse d'un coup d'œil, ruisseau, case, vallon. Aban¬
donnés sur leurs bois, les beaux régimes de feis vont ser¬
vir de nourriture aux merles. Le ruisseau chante, peutêtre est-ce pour nous dire au revoir? Voici le rocher où, hier,
patiemment, mon frère, secondé de l'historiographe, a gravé
nos noms, la date, l'altitude, et une flèche indiquant la di¬
rection Papenoo. Je ris en songeant à ceux qui, plus tard,
avec ces indications, chercheront le chemin de Papenoo.
A dix heures et demie, nous retrouvons la rivière. Un bain
rapidement pris nous délasse un peu. Puis, la montée abrup¬
te qui nous ramène au refuge de Paahue. Halte. Oranges.
Il fait terriblement chaud et le faux tabac nous éprouve dé¬
jà. Mais il ne faut pas nous attarder et nous reprenons rapi¬
dement le sentier.
pic sur nos têtes, nous liquéfie le cer¬
Nous allons, véritables machines, suant, soudant, nous
Midi. Le soleil, à
veau.
qui nous griffent, nous retiennent.
atteint,
B...
et moi-même, sans attendre les
plateau
Léo-,
autres, fiions en avant. D'une seule traite, nous le traversons
et faisons halte près de la descente. Il nous semble que no¬
tre tête va éclater. Les porteurs nous rejoignent, puis mon
défendant des brousses
Le
frère et
sa
compagne.
prudemment, car nos jambes fatiguées
manquent de souplesse. J'abandonne mes tennis qui glissent
trop. Je préfère aller pieds nus. A deux heures et demie, nous
faisons une dernière halte au pied du plateau ; puis, c'est la
dernière marche, mais forcée, pour ne pas manquer le ca¬
mion. A. vive allure, nous retraversons brousses, cailloux,
yivière, faux tabac, que nous pensions ne plus revoir. Il seinNous descendons
Société des
Études
Océaniennes
—
104
—
ble que le chemin n'en finira
pas. Nous faisons les derniers
kilomètres au pas de course, tant nous avons hâte
d'arriver.
Dans le lointain ; la route, le
pont. Dieu, que nous sommes
fatigués ! Enfin nous y sommes. Un plongeon à la rivière, et
puis, assis dans la poussière du chemin, nous guettons le
camion. Seuls, mon frère et sa
compagne et deux porteurs
sont
en arrière. Une camionnette de
passage remonte la val¬
lée pour les ramener
plus vite.
Le camion arrive, nous embarquons, en
route. AMataiea,
nous arrivons à six heures et
demie, nous dînons
où
rapi¬
dement et
12 mai.
nous
couchons.
Le
temps est radieux, les montagnes très clai¬
chantent. Ce serait l'heure de partir. Mais nous
sommes encore bien
fatigués et les hommes nous deman¬
dent une journée de
repos.
Nous profitons de cette
journée pour faire venir de la ville
différentes choses qui nous manquent, surtout du
pain. Nous
llànons sur la plage, à pêcher. La
journée passe ainsi, et
nous nous couchons tôt
après avoir revu nos paquets.
res.
—
Les coqs
Et voici l'aube du 13 mai. Ciel radieux,
montagnes mer¬
avons hâte de nous
échapper
vers la vallée. Sur la
route, j'étrenne enfin mon Ciné-Kodak.
Et en route pour la montagne. L'air embaume
veilleusement claires. Nous
déjà. Nous
qui vont nous ac¬
compagner jusqu'à Papenoo pour chasser et qui nous quit¬
teront lorsque nous descendrons.
deux garçons du district
avons avec nous
Je connais déjà, comme d'ailleurs la
plupart des membres
de notre groupe, la vallée et le lac de Vaihiria.
C'est au¬
jourd'hui la troisième fois que je refais le même chemin. La
vallée est très encaissée, sinueuse, à
végétation folle et va¬
riée. Mais, sur le sentier,
beaucoup de faux tabac. Je cons¬
tate que depuis deux ans, cette
tes les vallées. Je ne sais à
herbe tend à regagner tou¬
quoi attribuer cette recrudescence.
En trois heures
un quart de marche, B..., Edouard et
moi,
pied du lac. Nous avons passé l'eau soixante
dix-sept fois. Le temps est radieux. La partie du ciel que l'on
voit est d'un bleu émail
superbe.
sommes au
Un bain s'offre à
s'amasse, claire
nous.
comme
Dans une immense vasque, l'eau
du cristal. B,.. et moi ne résistons
Société des
Études
Océaniennes
_
405
—
â la tentation de nous y plonger, tandis qu'Edouard,
toujours placide et la mine ennuyée, fume une cigarette.
Mais voici que tout se gâte soudain. Un nuage noir parait
sur le ciel, puis un deuxième, un troisième, et le bleu dis¬
parait corn plètenient. La pluie tombe, d'abord à larges gout¬
tes espacées, puis plus serrées, jusqu'à être une bonne
pas
averse.
Sous le
attendons la suite de la caravane.
gagnant;
je pars avec Edouard qui porte le petit. B... préfère attendre.
Sur le plateau, un petit vént glacial nous saisit. Tout est
gris, boueux, sans joie. Nous nous hâtons, dans la boue jus¬
qu'aux genoux, jusqu'à l'abri que je retrouve plus pitoyable
qu'il y a un an. J'avais juré de n'y plus revenir et pourtant
m'y revoilà. Imprévus de la destinée.
En 1933, l'abri qui venait d'être terminé était très conve¬
nable. On pouvait s'y loger très à l'aise. En 1936, les poteaux
ayant disparu, les tôles reposaient à même le sol. Aujour¬
d'hui, elles s'y enfoncent. Il ne subsiste qu'un espace très
restreint où l'on ne peut se mouvoir qu'à quatre pattes. En
attendant les autres, nous nous y blottissons. Mais le froid y
est terrible et nous grelottons. Bientôt, les retardataires ar¬
rivent. Tous claquent des dents et sont crottés jusqu'au men¬
feuillage,
Près d'une heure
nous
nous
restons là. Le froid nous
ton.
l'abri, nous discutons sur la possibilité de
abri de feuilles. Mais le bois manque et la nuit
tombera vite. Améliorons donc celui-ci et nous y passerons
Entassés
construire
sous
un
la nuit. Nous
déblayons tant bien que mal le dessous de l'a¬
bri des vieilles boites et des bouteilles brisées qui y sont.
B... coupe de la fougère, pourrie pas changer ses habitudes.
Maute et moi-même descendons vers le lac pour couper des
"omihi". Il pleut,
il vente, le temps est sombre. Quelle tris¬
s'appesantit sur ce coin de rêve que je con¬
nus si beau, si plein de charme en août 1933 ! Mais les hom¬
mes sont passés, la civilisation a détruit. Nous revenons char¬
gés de brassées de opuhi dont la sève rougeàtre embaume
délicieusement. Ils forment litière. Un peu de fougère, une
natte, et nous serons à peu près garantis de l'humidité. Sur
tesse
sans nom
les bords du lac, nous nous lavons comme nous pouvons.
Mais l'eau est glaciale, et sqle,
Société des
sale,
mon
Dieu, presque plus
Études Océaniennes
—
106
—
la boue qui nous couvre. Retour sous l'abri où nous
entassons. Sur quinze mètres carrés, nous sommes
quatorze grandes personnes, trois enfants, quatre chiens. Un
coin est occupe par le réchaud et la bouillotte ; un autre
par
les bagages. Vous pouvez déduire de cela
que nous man¬
quons un peu d'espace pour nous mouvoir.
Vers cinq heures, la nuit tombe déjà.
La pluie ne cesse
pas une minute. Nous prenons le thé, accroupis. Puis éten¬
dus, nous fumons. Les hommes ont froid, ils sont fatigués.
Demain, vendredi, nous partirons s'il fait beau. Chacun
poursuit son rêve, les yeux ouverts sur les inscriptions qui
balafrent les tôles de leurs traits de charbon.
J'y retrouve
môme l'adieu que j'y avais laissé l'année dernière,
pensant
bien ne plus revenir. La nuit est venue. Pas d'autre bruit
que celui de la pluie tombant sur les tôles et celui des cas¬
cades tombant dans le lac. 11 n'y
a plus de ces oiseaux noirs
au
long bec et aux pieds palmés que l'on appelle "nohas" et
qui silïlent si bien la nuit. Il y a quatre ans, ils étaient nom¬
breux. Aujourd'hui, plus un seul. Là aussi, les hommes ont
passé.
Dans la nuit, peu à peu le sommeil nous
gagne les uns et
les autres malgré l'incommodité de notre couche. Il fait
noir,
il pleut, on se sent perdu aux rives d'un autre monde.
que
nous
(A suivre)
Société des
J.
Études
& Y.
Océaniennes
MALARDÉ.
—
107
—
LISTE DES MEMBRES DE LA S. E. O.
Membres d'honneur.
MM. le Président de la
République,
le Ministre des Colonies, Paris.
Grandidier, Guillaume, 53 avenue Montaigne, Paris.
Ducet, 1 rue Chevreul, Paris XIe.
Chappedelaine, Délégué de Tahiti au Conseil Su¬
périeur des Colonies, 145 rue de la Pompe, Paris.
L. de
Membres bienfaiteurs et à vie.
MM. T. R. P. Bernardin Castanié, Préfet
Apostolique, Raro-
tonga.
Bouge L., 4 rue de l'Armorique, Paris XVe.
Crossland, Cyril, Dept of Zoology, Cambridge, England.
L. R. Gratama C/o Jan Kali'f Cie, 170 Lingel of Amster¬
dam, Hollande.
Izrastsoff, Constantin, Monaco.
Princesse Kawananakoa, Ilonolulu.
Kroepelien, Post box 137, Oslo, Norvège.
Teriierooiterai, T. Chef de Papenoo.
P. V. Rougier, Rougier frères, 32 Bd de la Bastille, Paris.
Rougier, E. Tahiti.
G. Wilder, Ilonolulu.
Ropiteau, A. Meursaulfc, (Cote d'Or).
Zane Grey, Alladina, Californie.
Bodin, Henri, Papeete.
Guild, Eastham, Paea.
Nordhoff, Papeete.
Smitli, Harrison. Papeari.
Gagneux, A. Paris.
Jore, L., Gouverneur de Nlle Galédonie, Nouméa.
Nordmann, P. I. Tahiti (Paea).
Mgr. Décadré, Vicaire Apostolique. Atuana, Marquises.
Lieutenant de Vaisseau Jourdain, P. 19 bis Bd Delessert,
B.
Mme
MM.
Paris.
Société des
Études Océaniennes
—
Enseigne
XVIe.
108
—
de Vaisseau Lanes. 54 Bd Exelmans, Paris
Curtiss, Antonv. Tautira.
William Dixson. 33/39 Hunier street,
Sydney, Australie.
Jaunev, B. Punaauia.
Charles Van Den Broek d'Obrenan. 28 rue
François 1er,
Paris VIIIe.
Dr P. Cassiau.
Papeete.
Membres correspondants.
MM. Mgr. Blanc. Tonga islands.
Kennet Emory. Bishop Muséum, Honolulu.
L. Staehelin. 69
Shirley Road, Roseville, Australia
S. W.).
(N.
Dr Metraux. Musée
d'Ethnologie, Paris.
Vachery, Conservateur du Musée du Cinquan¬
tenaire, Bruxelles.
Dr de la
R. P. Maurice Desmedt. Maison Mère des P. du Sacré-
Cœur, Braine-le-comte. (Belgique).
Alain Gerbault.
Dr H.
Gregory, Director. Bishop Muséum, Honolulu.
Bishop Muséum, Honolulu.
Jaggar, H. V. Observatory, Volcano House, P. 0.
Handv.
T. A.
Hawaii.
J.M.A Ilott-Corner. Jervois Quay, Hariis
St.
Lacroix. Musée, rue de Buffon, Paris.
Dr
Richard, Directeur. Institut
naco.
D'' Risbec. Les
Pervenches,
(Seine et Marne).
rue
Wellington.
Océanographique. Mo¬
des
Sesçois, Bois le-Roi
Dr Rollin. Tahiti.
D1
Rutlege. British Muséum, London.
Prof.
Schmidt, Directeur du Laboratoire de
Danemark.
M>ie
Verrier, Marie-Louise. Muséum National, 57
Paris.
Garlberg,
rue
Cuvier,
Mme Choffat-Bertrana. Avenide 14 Abril 319, Barcelone.
pagne)MM. W.F. Wilson. P. 0. Box
3235, Honolulu.
Société des
Études
Océaniennes
(Es¬
—
109
—
Dr Rivet. Muséum National, 57 rue
Cuvier, Paris.
Taiohae, Marquises.
Ildefonso Alazard. Séminaire des Missions, Châ-
R. P. Siméon Delinas.
R. P.
Loire).
O'Reilly, Procure des Missions de l'Océanie, 6 rue
de Bagneux, Paris.
Leenhart, Maurice. 59 rue Claude Bernard, Paris VL
Capitaine de Corvette Cottez. Villa Phébus, avenue Vic¬
tor Hugo, Arcachon. (Gironde).
teaudun (Eure et
Pat
Membres résidents en France ou à
MM.
l'étranger.
Alaux, Jean Paul. 12 rue Rennequin, Paris XVIIe.
Alan, S. C. Ross University de Leeds. England.
Branquier, L. 202 Bd de la Madeleine, Marseille.
Bourgeois, R. 2 rue Grillon, Paris.
Brown, Alex. 3427 Chesapeake Avenue, Hampton,
ginia (U.S.A.).
Brouland, Jean. Mussey, (Meuse).
Cury, L. Buno Bonnevant. (Seine et Oise).
Vir¬
Clayssen, Enseigne de Vaisseau "Savorgnan de Brazza", Saïgon.
de Manziarly, Alex. 50 rue Jacob, Paris Ve.
de Polignac, Cli. Villa Maillot, Neuilly (Seine).
de Forceville, Jean, Lieutenant de Vaisseau. G4 rue
François 1er, Paris.
Gallais, Alpli. 3 rue de l'Hôtel de Ville à Vermenton
(Yonne).
Huet, Inspecteur
Général des Colonies. 27 rue Oudinot,
Paris.
Mm°
Ida E. Leeson.
Mitchell Librarian, Sydney.
Ministère de la Marine, Paris.
Kahn Lauzerte, R. chez M. Casella 17 Bd
MM. Jaubert.
Jules Sandau,
Paris XVIe.
Lebon, Emile, Capitaine
cyLe Saint, Commissaire
aviateur. 46 rue StDizier, Eande la Marine, 12e Escadrille
de
Sous-marins, Toulon (Var).
Maucorps, Paul, Enseigne de Vaisseau.
viller, Versailles (Seine et Oise).
Société des
Études
Océaniennes
39 rue d'Adgi-
—
4 10
—
Moquet. C.F.P.O. 2 rue Lord Byron, Paris.
Mégret, Fred. 41 rue de Richelieu, Paris.
Négrié, Louis. Administrateur des Colonies, Conakry,
Guinée française.
Mme Nordmann, C. A. 8
square Port Royal, 15 rue de la San¬
té, Paris Ve.
MM.
Nijoffs, Martinus. Lange Voorliout S'Gravenhage, Hol¬
lande.
Salzani. Château de la
Manche.
Mme
Grimonière, Nehou St. Georges,
Sicard, Pierre. La Florida, 2 cité Fleurie, Parc Chambrun, Nice (A. M.).
Comte Carlo Valenziani. Château de
Laas, Sauveterre
de Béarn. (B. P.).
Poncelet, Fernand. 16 Grande Rue,
Marigny par Etampes (Seine et Oise).
Me Connaughey. C/o Rike
KumberC0, Dayton, Oliio. (U.
S. A.).
MM. Albert Vernier. 102 Boulevard
E.
Yung. Gênes, Ralie.
Arago, Paris.
Membres résidents de droit.
MM. le Gouverneur des E. F. 0; Patron
et Tuteur de la S. E.
0., Papeete.
le Chef du Service
d'Administration Générale et des Fi¬
nances, Papeete.
le Procureur de la
République, Papeete.
le Chef du Service de
Santé, Papeete.
le Chef du Service de
l'Enregistrement, Papeete.
le Chef des Travaux Publics et
des Mines, Papeete.
le Chef du Service de
l'Enseignement, Papeete.
le Directeur de l'Ecole des
Frères de Ploërmel, Papeete.
le Directeur de l'Ecole
Centrale, Papeete.
le Directeur de l'Ecole
Française Indigène des Garçons,
Papeete.
Mn,es la Supérieure de l'Ecole de St
Joseph de Cluny, Papee¬
te.
la Directrice de l'Ecole
la Directrice de l'Ecole
Filles, Papeete.
Société des
Communale, Papeete.
Française Indigène des Jeunes
Études
Océaniennes
—
111
—
Membres résidents à Tahiti.
A
Ahnne Edouard
Cbarousset
Ahnne Georges
Adams Emile
Charpier (Raiatea)
Assaud Léon
Closier
Auffray Hélène (Mlle)
Cordonnier
Closier
(Mme)
(Iiitiaa)
Cowan J.
(Raiatea)
(Mahina)
Coulon M,
B
Bambridge Georges
Bambridge Lionel
Bambridge William
Bambridge Anlony
Banzct (M110)
Curtis
Barrier Marcel
Demay H.
Bervas.(Atuona)
Drollet Alex.
\
1)
Davison J. D.
(Faaa)
De Curton Dr
Bolin Paul
Daniau
Bol ton W. W.
Dreyfus (Mlle)
Bonno A.
B
Boubée Yves
Et il âgé
Bourne J.
Edouard
Bouvier
F
Bouzer Emile
Ferguson D.
Bodin R.
Bodin G.
Ferrand Jean
(Mlle)
Bourigeaud P.
Brachet, Cap. de Corvette
Fondeur R.
Frogier Marcel
Brault Léonce
Brault Hartmann
(i
(Mme)
Gérard Edouard
Bredin W.
Brisson Victor
Giovanelli
Brown Charles
Godfrin
Goupil Jeanne (M"°)
Goupil Louise (MHo)
C
Cabouret A.
Guého R.
Cambazard
Godfroy (Mme)
Carpenter G.
Grand H.
Chabanas
Gaudin Ch.
Société des
Études Océaniennes
—
412
Membres résidents
II
—
t\
Tahiti
(Suite).
Lenormand
Halligan Charles
Lenormand
Ilervé F.
Le Grand
Hennessy Francis
Lewis Ilirshon
(Mm°)
(M"'e)
Heyinann Herald
Hibbert
(Pirae)
M
Hoppenstedt H. (Mme)
I
Iorss M.
J
Jacquier
Jay M.
Malinovski L.
Manhes Ch.
Maraetefau Ch.
Martin E.
Martin Y.
Manlius (Mme)
(Marquises)
Ménard Ch.
Miller L. (Mme)
Juventin H.
Miller Pedro
Juventin
Miller Pedro
Auguste
(Mme)
Millaud Jules
Maireau
K
Kassel R.
Krainer M.
IV
Klima R.
Kenneth
Nappé (Huahinc)
Nippert J.
Kelley
Noble M.
L
Laguesse (Mme)
Laguesse E.
Lagarde G.
Lagarde E.
Lagarde A. (Mlle)
Lagarde R. (Ml,e)
Pétard Paul
Le Bronnec
Pierson
V
Pailloux R.
Pambrun G.
Paraita Tehanai
Perrier (M"e)
(Marquises)
Léontieff
Pool Max
Lévy J.
Poroi Alfred
Lévv Ch.
Pomare Terii
Lherbier
Liauzun
(M"e) Princesse
0
Langomazino Paul
Quérangal des Essarts (Com1)
♦
Société des
Études
Océaniennes
—
113
—
Membres résidents à Tahiti
(suite).
Q (suite)
Tauraa Hugues
Quesnot
Temarii Teai
Temauri Henri
R
Raoulx Louis
Thirel H. (Père)
Rey Lescure
Tondon (Gatnbier)
(Punaauia)
Tranchant (Mmc)
Rost(Mme) (11 Bd Chave Mar- Taran
Rivnac
seille).
V
Vernier Charles
S
Senesse
Vidal Paul
Smith Irwing
Sin Kung Po
Viénot Edmond
Vinot Marie (Mme)
Spitz G.
Villierme Henri
Stimson F.
(Mme) (Poste resW
M.)
Walker Isaac
Walker Edmond
(Dentiste)
Wilmet J.
Saint Mard
tante, Cannes A.
Sandford Francis
Simonet
Williams Johnston
(M®6)
T
Tambrun F.
(Raiatea)
SOCIÉTÉS
ET
RIREIOTHÉQUES COR-
RESP OMEWTES.
Académie Malgache,
Tananarive, Madagascar.
Ilistory, 77 th. Street and Cen¬
American Muséum of Natural
tral Park,
New-York.
Archives de l'Institut Oriental
de Prague, Tchéco-Slovaquie.
Librairie Leroux, 28 rue Bonaparte,
Musée d'Histoire
Paris VI0.
Naturelle de Bàle, Augustïnergasse, Bàle,
Suisse.
American
Geographical Society, 156 th. street Broadway,
New-York.
Annales Coloniales, 34 rue du
Société des
Mont-Thabor, Paris.
Études
Océaniennes
Anthropos, St Gabiel Nodling, près Vienne, Autriche.
Archives, Bibliothèque du Ministère des Colonies, Paris.
Asialic Society of Bengal, 1 Park street, Calcutta.
Auckland 1 nsli Lu te, 8 Muséum Auckland, N. Z.
Australien and New-Zealand Society for the Advancement
of Science, c/o Council for Scientific and Industrial Re¬
search, 314 Albert street, East Melbourne, Australia.
Australian Muséum, Sydney.
R. Batavia Society (Muséum), Library Konings plein West,
12
Batavia, Java.
Bernice Pauahi
Britisb Muséum
Bishop Muséum, Honolulu T.H.
(Natural Iîistory), Cromwell Road.
London,
S. W. 7.
Bulletin du Comité d'Etudes, Dakar,
Bibliothèque du Musée d'Histoire
Sénégal.
Naturelle, 8 rue de Buffon,
Paris Ve.
Nouméa.
Academy oi Science, Golden Gâte Park, San-Fran-
Bulletin du Commerce, Route 1,
California
cisco.
Comité de l'Océanie Française, 42 rue
Dominion Muséum, Wellington,
Pasquier Paris VIII0.
N.Z.
Ethnological Survey, Manila, Philippine islands.
Agence Economique des Colonies Autonomes et des Terri¬
toires Africains sous Mandat, 11 rue Tronchet, Paris.
Fidjiàn Society, Suva. Fiji.
d'Ethnologie, 191 rue St Jacques, Paris.
Institut Ethnographique International.j 28 rue Bonaparte,
Institut
Paris.
Kininglight Institut. 14 Van Galenstraat, La Haye, Hollande.
Marine Biological Library, Wooes Ilole, Mass, U.S.A.
Muséum d'Histoire Naturelle, 57 rue Cuvier, Paris.
Monde Colonial Illustré, 11 rue Keppler, Paris.
Na Mata Editor, Fiji.
National Muséum Library, Washington, U.S.A.
New-Zealand Institute, Wellington, N.Z.
Peabody Muséum of Archeology Haward, Cambridge, U.S.A.
Polynesian Society, Box 523, Wellington, N.Z.
Queensland Muséum, Brisbane, Queensland.
Institute fiir VolkerKunde der Universitv Wien, 1 Neue Ilofburey, corps de logis, Vorstand,
Société des
Études
Océaniennes
Natural History Muséum,
Institut des
Balboa Parle, San Diego, Cal.,
de Perm, Zainika, U.
Recherches Biologiques
R.S.S.
Royal Geographical Society,
Kensington Gore, London S.
W. 7.
Smithsonian, Washington, U.S.A.
Royal Colonial Institute,
Northurnberland Avenue, London,
W.C. 2.
Royal Geographical Society, Kintore Avenue, Adelaide
Royal Antropological Institute, 52 Upper Bedford Place,
S.A.
Lon¬
don W.C.I.
Science Library,
Kensington, London S.W. 7.
Italiana d'Antropologia,
Firenze, Italia.
Societa
Via del Proconsolo, 12
Société Zoologique de France, 195 rue St Jacques, Paris.
Société de Géographie de Paris, Bd. St Germain, Paris.
Société Neuchâteloise de
Géographie, Neuchatel, Suisse.
University of California, Library Exchange department, Ber¬
keley, Cal.
Société des Océanistes, 15 rue de l'Ecole de Médecine, Paris
VI0.
Vanderbilt Marine Muséum,
Huntington, Long Island, New-
York.
Hocken Library,
N.Z.
Société
University Muséum, King Street,
d'Océanographie de France, 32 rue
Bordeaux.
Président du
Syndicat d'Initiative de la
Papeete.
University of Washington
Dunedin,
de Lisle-ferme,
Colonie de Tahiti,
Library-Seattle.
d'Ethnographie du Trocadéro, Paris.
Geographical Society of New South Wales, Sydney.
Washington University, U.S. A.
Musée
Société des
Études
Océaniennes
—
lie
-=>
BIBLIOTHÈQUE
Ouvrages
reçus.
Livres français.
Dons
de M.M. Ropiteàu
:
:
Voyage de découvertes dans la partie septentrionale de l'O¬
céan Pacifique. 2 vol. 1807. —
Broughton.
Voyages autour du monde et à la Nouvelle-Hollande.
—
Turnbull & Grant.
Tablettes d'un ancien fonctionnaire de la Nouvelle-Calédo¬
nie. — Ch. Godey.
Cook, Bougainville et moi. — Gavault.
Sous d'autres cieux.
Mérillon.
Paradis.
Gouzy.
—
—
La guerre des Iles Sous-le-Vent.
Pi. La Bruyère.
Supplément
Les
amours
("Les
au voyage de Bougainville.
folles.
J. Havlasa.
œuvres
—
taux
—,
—
Diderot.
—
Les falaises et les récifs coralliens de Tahiti.
Recherches
libres")
—
W. M. Davis.
l'origine et la provenance de certains végé¬
phanérogames observés dans les Iles du Grand Océan.
sur
H. Jouan.
Kroepelien
:
En Océanie. Paris 1888.
E. Cotteau.
Relation des voyages de Banks. Paris 1774. 4 vol.
Essai d'histoire de la Mission des Iles
Marquises. —R. P.
Siméon Delmas.
Une visite chez
Supplément au
—
—
Soulouque. Paris 1859.
—
P. Dhormoys.
voyage autour du monde. Tome 3. Paris 1711.
Dampier.
R. P. Mouly
:
Cannibales à genoux. L'extraordinaire conversion des Iles
Gambier. —R. P. Mouly.
R. P. Desmedt
:
Mangareva. L'histoire ancienne d'un peuple Polynésien.
R. P. Laval.
Société des
Études
Océaniennes
—
117
-
Berthelier
-
(Marseille):
Ilisloire
générale des voyages : Tome77. Voyages deByron,
Carteret, Wallis. - Tome 79. Premier voyage de Cook. —
Abbé Prévost.
Louis Drollet
Fantômes des Iles.
—
:
Titaua.
Souvenirs d'un colonial
Egypt Lives.
Ris bec
en
Océanie.
—
F. Guillot.
E. Mvers.
—
:
Recherches analomiques sur les Prosobranches de NoUe Calédonie. — J. Risbec.
Observations
sur
la circulation d'eau
ropodes prosobranches.
F. Hervé
—
palléale chez les Gasté¬
J. Risbec.
:
Oiseaux, des Iles Paracels.
—
Delacour & Jabouille.
La forme des récifs coralliens et le
nants;
—
A.
P.I. Nordmann
Tahiti.
—
régime des vents alter¬
Krempf.
:
P.I. Nordmann.
Dr Stephen Chauvet:
Il
n'y a jamais eu de "coup de-poing", de
de "hache à main". — Dr S. Chauvet.
Présentation d'un hameçon de l'Ile de
tions.
D1' S. Chauvet.
"massues à main",
Pâques. Considéra¬
—
Outils anciens et de formes inédites (en obsidienne éclatée)
ressortissant à la civilisation de l'Ile de Pâques. —Dr S.
Chauvet.
A. Lacroix
:
Notice historique sur les
Lacroix.
Cinq de Jussieu (1712-1853).
—
A.
Notice
historique sur les membres et correspondants de l'A¬
cadémie des Sciences ayant travaillé en Guyane et aux
Antilles, de la fin du XVIIIe siècle au début du XIX0.-- A.
Lacroix.
Notice
historique sur les membres et correspondants de l'A¬
cadémie des Sciences ayant travaillé aux Mascareignes et
à
Madagascar
au
XVIIIe et
au
début du XIXe siècles.
A. Lacroix.
Société des
Études
Océaniennes
—
lis
—
B. Grasset
La
(Editeur)
—
:
gerbe des forces. (Nouvelle Allemagne).
teaubriant.
—
A. de Châ-
Institut d'Ethnologie (Paris) :
Les instruments de
musique de Madagascar. — G. Sachs.
Catalogue des manuscrits Ethiopiens de la collection Griaule.
—
S. Grébaut.
Institut d'Ethnologie de Varsovie
Le chanvre dans les croyances et
Sara Benetowa.
:
les coutumes populaires.
—
Les éléments raciaux des chinois.
Echange
Avec M. Sicard
I. Michalski.
—
:
:
Voyage d'Anson. 1740 à 1744.
Voyage de La Pérouse. 1831.
4 vol.
De Lesseps.
Voyage de la "Vénus" autour du monde. 1836 à 1839. 2 vol.
Capt. Abel du Petit-Tbouars.
Dumont d'Urville. Sa vie intime pendant son troisième
voya¬
—
—
ge autour du monde. — A. Soudrv.
Le cachalot blanc. — Melville.
Bougainville et
Marquises
Desgraz.
Iles
ses compagnons.
ou
Fantômes des Iles.
Nouka-Hiva.
—
Sous le ciel tahitien.
—
Yvone
Iles d'enchantement et de mort.
du
:
& Lucien
paludisme est vaincu à Tahiti.
Bibliothèque
J. Lefranc.
Vincendon-Dumoulin &
Titaua.
Achats
Le
—
—
—
—
René Vanlande.
Dr Cassiau
Voyage à la recherche de la Pérouse.
—
Viney.
E. Colas.
:
2 vol. et 1 atlas. An 8.
Labillardière.
Voyage autour du monde (in quarto).
Voyage à la mer du sud. — Bligh.
L'équipage révolté. — Soulié.
Voyage aux Iles de la mer du sud.
—
Histoire de la
mer
du sud.
—
Société des
—
Bougainville.
Dillon.
De Fréville.
Études
Océaniennes
—
Voyage en Océanie.
—
119
—
Blin.
Voyage d'une famille autour du monde. Brassev.
50.030 milles dans l'Océan Pacifique. — Davin.
La dernière croisière de l'Amiral Von Spee. —H. Pochhammer.
Sur la route du retour.
Tahiti.
—
Le Cliartier.
Tahiti.
—
Seurat.
Rapa-nui.
Taïti.
Les
—
—
—
Alain Gerbault.
Armand y.
Méténier.
Polynésiens orientaux au contact de la civilisation.
—
Caillot.
Planches de "L'Océanie". 3 vol.
Les
Les
Les
De Rienzi.
—
Polynésiens et leurs migrations.
Polynésiens. 4 vol. — Lesson.
Marquisiens. — DrClavel.
—
De Quatrefages.
E Ilamani Haatuhuna.
Le dialecte de Tahiti.
—
Gaussin.
Vocabulaire Océanien-Français. —Mosblech.
Les Enfants du Ciel. — Jouan.
La Polynésie, ses productions. — Jouan.
Géographie des E.F.O. — Picquenot.
La France coloniale.
La
—
Rambaud.
politique française en Océanie.
—
Déchanel.
Codification des actes du Gouvernement. (1867).
mazino.
Procès-verbaux du Conseil Général. (lre session
Annuaire de Tahiti.
Bulletin Officiel des
—
Lango-
de 1888).
(1863 à 1877) 2 vol.
E.F.O. (1847 à 1891) 23 vol.
3 numéros du "Mercure de France".
19 extraits de différentes revues, se
Mare va.
—
Livres
anglais.
Dons
de M.M. Kroepelien
:
:
The Western Pacific. London 1883.
A woman's
rapportant à l'Océanie.
Varaynes.
—
Walter Coole.
journey round tlie world. London 1850.
Pfeiffer.
Société des
Études
Océaniennes
—
Ida
120
—
—
CuriosiLies of savage liCe. London 1865.
The soutli
sea
Whaler. London 1879.
—
J. Greenwood.
W. H. G.
Kingston.
Originand migrations ol the Polynesian nation. Sydney 1877.
John Dunmore Lang.
My first voyage to southern seas. London 1860.
W. H. G.
Kingston.
Rambles in Polynesia. London 1897.
Sundowner.
Log letters froni the Challenger. — Lord G. Campbell.
Cruises in Melanesia. 1886.
Capt. Cyprian Bridge.
Journal of a voyage to the south seas. London "1745.
Pas—
—
—
—
—
—
coe
Thomas.
Old New-Zealand. London 1884.
The southern world. London 1855.
—
Lord Pembroke.
Rev. Robert
—
Young.
Ducorron:
The Boy
King of the Cannibal islands.
Rey Lescure
—
Ducorron.
:
Narrative of the. voyage of H.M.S. "Rattlesnake". 1846-1850.
2 vol.
John Macgillivray.
—
Achat
Bibliothèque
du
:
Dr Cassiau
:
Cook's first voyage. (1773). 3 vol.
Cook's second voyage. (1777). 2 vol.
Cook's third voyage. (1785). 3 vol.
Cook's voyages. Atlas.
Cook's voyages. — Kippis.
Narrative of a voyage to the Pacific. 2 vol.
—
Beechey.
Captain Bligh's second voyage. — Ida Lee.
Voyage of "Pandora". — Edwards.
Voyage round the world. 2 vol. — Belcher.
Notes of "Challenger". — Moosley.
Researclies in Polynesia and Melanesia. — Buxton.
Four years in the Pacific. 2 vol.
Walpoole.
Polynesian researclies. 4 vol. — Ellis.
—
Polynesian réminiscences.
Melanesians and
The Maori. 2 vol.
—
Polynesians.
—
Pritchard.
—
Brown.
Elsdon Best.
Rough notes of Rarotongan.
Société des
—
Bond James.
Études
Océaniennes
121
—
To the south
seas.
Pinchot.
—
Eastern Pacific Lands.
The
Christian.
—
story of the south seas.
Tahiti.
—
Tahiti.
—
Lad y
Tahiti.
—
Senn.
—
—
Cousins.
Hort.
Polynesia.
—
Brassev.
Russel.
The island world of the Pacific.
Island world of the Pacific.
Pacific triangle.
—
Cheever.
—
Tyler.
Greenbie.
—
Manga-Reva. — Eskridge.
A century in llie Pacific. — Colwell.
Atools of the Sun.
—
O'Brien.
The Book of Puka-Puka.
The
romance
seas.
Adventures in the Pacific.
Sailor and beaelicomber.
South
sea
foam.
—
Frisbie.
—
of the south
—
—
Wragge.
—
Coulter.
Saffroni.
Saffroni.
Gems from the coral islands. 2 vol.
—
Rev. Gil.
In the
strange south seas. — Grimshaw.
The tapu of banderrah. — Becke.
Kidnapping in the south seas. — Palmer.
Jottings from the Pacific. — Rev. Gill.
Night of toil. (1849).
Life after deatli in Oceania.
South
sea
bubbles.
—
—
Moss.
Lord Pembroke.
Autobiographv of Rev. Gill.
Missionary lieroes in Oceania.
Tahiti receiving the Gospel.
Livres allemands.
Don:
de M. Kroepelien
Die
:
Entdeckung der Inseln des Salomo. Stuttgart 1925.
—
Alvaro de Mendana.
Challenger briefe. Leipzig 1877. — Willemoes-Suhm.
Im lande des Paradies-vogels.,
Leipzig 1916. — Cari Leidecker.
Société des
Études
Océaniennes
~
Nachrichten
von
122
—
den Pelew inseln. Zeitscliri f t fur Ethnologie.
Hambourg 1789.
—
Capt. H. Wilson.
Gesammelte reise berichte. Vienne 1885.
F.V. Hochstetter.
Eine Reise nach Neu-Guinea. Vienne 1873. — Dr A. B.
Meyer.
—
Beitràge zur flora von Mikronesien und Polynésien. — Diels.
Mittheilungen der Geographischen Gesselschaft in Hamburg.
Hambourg 1827. — L. Friederichsen.
Tapinowanne Torondoluan. Braunschweig 1902. — Dr 0.
Finsch.
MUSÉE
Dons
:
m'ies Higgins & C. Goltz: Lave provenant de l'Ile Mehetia.
M. G. Lagar.dk :
Un lot coquillages de Nllc Calédo-
nie.
M. Ralph Ghapman
:
M. Alain Gerbault:
Deux oreilles de baleine.
1 hache de
pierre nommée "Tau-
rata".
1
Echange :
pièce d'embarcation ancienne de Rapa.
AVIS
On demande à acheter au prix de 10 frs
l'un, les numéros
6, 11, 20, 25 et 29 du Bulletin de la S.E.O.
S'adresser au Bibliothécaire de la Société, Musée de Mamao, de 14 h. à 17 h.
Société des
Études
Océaniennes
BUREAU DE LA
SOCIÉTÉ
Président....
M. E. Ahnne.
Vice-Président
M. G. Lagardr.
Trésorier
Ai. A. Cabouret.
Secrétaire-Archiviste
M. le d1' Eollin.
Assesseur
M. M. Rey-Lescure.
Assesseur
M. W. Malinowski.
Secretaire-Bibliothécaire-Conservateur du Musée
Pour être reçu
Membre de la Société
se
M. Bouvier.
faire présenter par
membre titulaire.
un
BIBLIOTHÈQUE.
Le Bureau de la Société informe ses Membres que dé¬
sormais ils peuvent emporter à domicile certains livres de
la Bibliothèque en signant une reconnaissance de dette au
cas
où ils
ne
rendraient pas
le livre emprunté à la date
fixée.
Bibliothécaire présentera la formule à signer.
Bibliothèque est ouverte aux membres de la Société'
et à leurs invités tous les jours, de 14 à 17 heures, sauf le
Le
La
Dimanche.
La salle de lecture est ouverte
de 14
à
17
au
public tous les jours
heures
■
misée.
Le Musée: est ouvert tous les jours, sauf le lundi de 14 à 17 h.
Les jours d'arrivee et de départ des courriers : de 9 a 11 et de 14
à 17 h.
Pour tout achat de Bulletius. échanges ou donation dé livrés
au Président de la Société,
ou au Bibliothécaire du
s'adresser
Musee, Boîte
1 10.
Pa.peete.
LE BULLETIN
Le Bureau de la Société accepte
l'impression de tous les articles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
épouse les théories qui y sont exposées, on qu'il tait sien les
commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls, en
prennent toute la responsabilité.
Aux lecteurs de former leur
appréciation.
La Rédaction.
.
K
,
■'
■
:y^p
'
-
••ï-'v-:
Y:-
-
â
"r*^0%
■ »■
*
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 64