B98735210103_060.pdf
- Texte
-
më
■
bulletin
1h|
lu Société des!
1
1Ë
ÉTUDES OCÉANIENNES
60
TOME Y
AOUT
Anthropologie
Histoire
—
des
—
(N° 19)
1937
Ethnologie
Institutions
et
—
Philologie.
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
—
Sciences naturelles
Tourisme.
IHP1UMERIE
A
DU
60UVBRNBMBKT
PAPttETK
(TAHITI)
Etudés Océan
0
Les articles publiés dans je Bulletin, exceptés ceux dont l'au¬
a réservé ses droits,
peuvent être traduits et reproduits
la condition expresse, que l'origine et l'auteur en seront men¬
teur
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se
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vie
fois pour toutes. (Article 24 du
rieur, Bulletins N° 17 et N,J 29).
me
i°
versée
une
Le Bulletin continuera à lui être adressé,
pour cette som¬
Règlement Inté¬
quand bien* même
il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
20
L'intérêt de cette
revenu
modique
somme assure à la Société
un
supérieur à la cotisation annuelle de 30 fr.
30 Le Membre à vie n'a plus à se préoccuper de l'envoi ou du
paiement de sacolisation annuelle, c'est une dépense et un souci
de moins.
lïn conséquence : Dans leur intérêt et
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celui de la Société,
TOUS CEUX qui, résidant, hors Tahiti, désirent recevoir Je
Bulletin.
TOUS LES
jeunes Membres de la Société.
TOUS CEUX qui,
quittant Tahiti s'y intéressent quand même,
Société des
Études Océaniennes
»
3BW3L&33PS&T
DE
SOCIÉTÉ
LA
D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
v
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME V
V
(ï O.
-
(N° 19)
A () U T
t î» 3 7.
S O 3VC 2s/L A. X IR, (E
Pages
Histoire.
Quelques points d'Histoire, par Alain Gerbault
Atimaono, par W. J. Stuart
Le Naufrage de la Clémentine, par J. Cottez, Capitaine
de Corvette
717
728
734
Divers.
Bibliothèque et Musée
Société des
742
Études
Océaniennes
HXS3? 013112
Quelques points d'histoire
Depuis longtemps je voulais justifier par un article le titre
correspondant que la Société des Etudes Océanniennes a bien voulu me décerner. J'avais certes, écrit pres¬
que à mon arrivée en Océanie, il y a douze ans, un article
sur les Gambier,
basé je le sais maintenant sur des do¬
de Membre
cuments très contestables.
Dans
ces
dernières trois années
j'ai beaucoup travaillé,
sur des documents recueillis par d'autres, mais sur
le résultat de recherches personnelles et je me rends compte
non
plus
que l'on sait peu de chose de précis sur
nésienne et j'éprouve de la répugnance
la préhistoire poly¬
à écrire. Cependant
dans deux articles parus il y a quelques années dans le Bul¬
letin de la Société, l'un sous la signature du regretté Anahoa (1), l'autre sous celles du révérend père Chesneau et de
Marcantoni, se trouvent affirmés des laits qui me semblent
en contradiction formelle avec ce que mes recherches sur les
navigateurs d'autan m'ont permis d'apprendre, et je consi¬
dère comme un devoir scientifique d'écrire pour rétablir la
vérité historique.
Je commencerai par l'article d'Anahoa, je ne ferai que rappeller l'intéressante discussion qui se rapporte au nom de la
ville de Papeete. Il semble probable qu'elle n'a jamais porté
d'autre nom. Cependant je mentionnerai que le nom de Mehiti Papeete se trouve mentionné dans la proche descendance
directe du premier Teva dans une généalogie de ma collec¬
tion.
Aussi dans les
légendes de Teariki Tara-are de Rarotonga,
parlé du séjour à Papeete d'un Tagihia-nui qui aurait
été contemporain de Hiro et dans les belles lamentations
(Tagi) du même Tagihia-nui à la mort de ses deux lils Teanuanua et Motoro se trouve cité le nom de Papeete.
il est
(I) Bulletin n°
oo.
—
Novembre lOJo,
Société des
Études
Océaniennes
—
Ka
aroa mea ra e, Ki
Ko Taiti Ka vaio nei
Aku vai
718
taku
—
enua
pai Kovaiiriako Vaitepia ka vaio nei
Aku tapere ko Punaauia e Papeete ka vaio nei
Malgré celà il est vraisemblable que le nom de Papeete a
incorporé clans une récitation ancienne sans quoi on se¬
rait obligé d'admettre que celui de Vaiete est un effort d'ima¬
gination créative et que celui de Papeete aurait toujours
été
existé
sous
cette forme.
Un tel fait
joint à plusieurs autres m'oblige à n'admettre
qu'avec la plus extrême circonspection certains des récits de
Teariki Tara are sur lequel est fondé en
partie le livre de P.
Smith "Hawaiki", ouvrage intéressant certes, mais de
généra¬
lisation un peu hâtive et fondé sur un nombre insuffisant de
généalogies assez contestables. Mais je reviens à l'article
d'Anahoa. Dans cet article Anahoa semble être
sous
l'im¬
pression que les îles ont un seul nom le vrai et que tous les
autres sont faux, et il prend à partie le
Capitaine Cook et
l'accuse d'avoir inventé les noms d'Ulietea, Huahirie et
peutêtre même Porapora, et ce sont d'ailleurs surtout ces accu¬
sations sur le Capitaine Cook qui me font
prendre la plume.
Tout d'abord il semble que les des comme les arii avaient
plusieurs noms, certains esotériques, d'autres exotériques,
certains avaient un sens religieux. 11 semble aussi
que les arii
n'employaient pas les mêmes mots que les gens du peuple
pour désigner les îles. Dans les récitations généalogiques
royales, il n'est pas fait mention du nom des îles, mais des.
marae royaux d'alliance interinsulaire.
Anahoa écrivait que le nom d'Ulietea était une erreur du
Capitaine Cook et que prononcé.à l'anglaise c'était le même
nom que Raiatea. En ceci il était en contradiction formelle
avec Teuira Henry
qui dans son ouvrage "Ancient Tahiti"
nous
dit que le nom d'Urietea est
uri et te
une
abréviation pour Te ao
tea
qui désignaient le monde polynésien à l'est
et à l'ouest de Raiatea. En confirmation de ceci,
j'ai en ma
possession de vieilles légendes des ilesGambier, ayant perdu
malheureusement beaucoup de leur valeur historique par
ao
Société des
Études
Océaniennes
—
719
—
suite de leur passage à travers les écoles de la Mission. Dans
ces
le
légendes Raiatea est désigné à plusieurs reprises sous
nom
de Te
ao
auri
me
te Ao atea et aussi
sous
le
nom
de
Akaragiatea.
Anahoa écrit aussi le vrai
nom
est Raiatea autrefois Ha¬
waii, Taliaa s'appelait alors Uporu, puis il répétela fable bien
la dérivation de
Porapora d'Apooraa, d'indigènes
pris pour les premiers visiteurs
pour le nom de l'île. Il écrit ensuite, on sait qu'à cette époque
l'île s'appelait Faanui et son nom primitif était Vavau. Puis
plus loin, il attribue aussi au Capitaine Cook l'invention du
nom de Huahine et nous dit que l'île s'appelait Matairea.
Tout d'abord il semble bien que les noms de Porapora et
de Huahine soient anciens, Polapola est expressément men¬
connue sur
rendant à des assemblées
se
tionné dans d'anciens mélés des îles Hawaii, et Huahine est
un
nom
souvent
répété dans d'anciens fagus des îles Tua-
motu.
Pour le reste des
que de problèmes, Hawaii dési¬
d'îles, l'île entière de Raiatea, ou seule¬
ment une partie ? Uporu fut-il le nom de Taliaa, ou seulement
d'un de ses marae royaux ? Hawaii, Hiti, Uporu, Oahu, Manua, Ilapai, noms que l'on retrouve à Raiatea et Taliaa, sontils des noms anciens des îles ou ceux de patries primitives
apportés par des navigateurs, en vérité est là tout le pro¬
blème des migrations. Porapora s'est-elle rééllement appe¬
lée Vavau, ou ce nom fut-il apporté d'une autre île? En ce
cas, quel est le Vavau primitif, quel est le plus ancien du
Vavau des Tonga, du Vevauqui est un ancien nom d'Atuona
ou de celui de Porapora?
Matairea ne fut je crois le nom d»e
Huahine qu'en tant que marae royal. On dit aussi que l'île
s'appela jadis I-Iuahua te aru nom qui fut celui d'un des an¬
cêtres des familles royales de Huahine, Rarotoga et Atiu,
dont l'un des proches descendants directs s'appelait Tahito
gnai t—il
noms
un groupe
i te Raiatea. Ce
nom
d'ailleurs de Raiatea
se
trouve très loin
arrière dans les
généalogies royales. Quant à cette fable
absurde sur l'origine du nom de Porapora attribuée à Cook
et que je désire réfuter une fois pour toutes, elle se trouve
en
aussi mentionnée dans les notes du Révérend Père Chesneau
et de Marcantoni
m'occuper
les Iles-Sous-le-Vent, notes dont je vais
maintenant. Il n'existe pas une ligne des
sur
un peu
Société des
Études
Océaniennes
—
720
—
chapitres consacrés à Raiatea et Porapora qui ne soulève les
plus grandes contestations.
«
Il nous est dit : Tau tu règne sur Raiatea sous les noms de
«
Tamatoa, Tautu et de Tapoa, depuis le jour où avec l'aide
«
de Porapora il eut fait la conquête de cette île vers 1770.
«
A sa mort Tamatoa le grand lui succède
une des
filles de Tamatoa le grand va à Tahiti s'unir à la famille
royale et devient Reine sous le nom de Pomare IV ».
Puis au chapitre de Porapora.
«
Porapora s'appelait autrefois Vavau (odeur putride) et
«
peut-être aussi Vauvau (tapis). Un autre de ses noms est
«
«
«
Faanui
».
Puis suit la même fable
Apooraa.
Porapora, deux familles se
partageaient le gouvernement de l'île, la famille des Mai
qui régnait sur Vaitape et Anau et la famille des Puni qui
régnait sur Faanui. Bien reçu par la famille des Mai, Cook
prend un des membres de cette famille, un jeune homme
nommé Raimano et l'emmène avec lui en Angleterre ».
Puis après un long récit de la conquête de Raiatea et de1
«
«
«
«
«
«
sur
En 1769 à l'arrivée de Cookà
Tahaa.
«
«
En
septembre 1773 et avril 1774, Cook revient d'Anglese rend à Porapora. Il veut remettre Teraimano le
jeune homme qu'il avait emmené alors que sa famille détenait la royauté de Vaitape. Il est surpris de voir la fa«
«
terre et
«
mille des Mai déchue de
«
Puni roi
(<
«
«
«
«
«
«
«
ses
droits souverains et de voir
unique de Porapora. Ne pouvant déposer le jeune
Porapora d'où sa famille était exilée, il le transporte à Raiatea. Il ne peut le débarquer car Tautu ennemi
des Mai y était, le roi. Il se rend alors à Huahine
Cook peut laisser Teraimano dans cette île ».
«
Puis plus loin vers 1810 à 1815, le vieux roi Puni de Porapora songe à faire son testament. A cet effet il tue un
homme à
cochon de lait etc...
divise la nourriture en deux parts
égales, puis appelle sa fille Tehea et son fds Temarii. Lorsque les enfants furent rassasiés, le vieux roi s'approche
«
d'eux et leur donne connaissance de
«
sant à
son
testament. S'adres-
fille, il lui dit: toi tu seras reine, à son fils toi Lu
régent. C'est cette même Tehea fille de Puni que
sa
«
seras
«
Mahine de lluahine proposa comme
Société des
Études
femme à Pomare III,
Océaniennes
—
«
«
«
721
—
quand chassé de son trône de Tahiti vers 1812, il s'était
réfugié à Moorea.... La famille Puni gouverna longtemps
la belliqueuse île de Porapora ».
Toutes
ces
affirmations
à la vérité
historique
me
semblent entièrement contrai¬
je crois que Tautu fit la conquête
de Raiatea au moins quatre générations avant l'époque de
Puni, et que son fils Tamatoa a Tautu fut Tamatoa premier.
Au passage de Cook, le roi était Reo arii i Opoa. Je me con¬
tenterai de signaler l'erreur que tout le monde a rectifiée,
res
;
Pomare IV était fille de Pomare II et de Terito
o te rai, donc
petite fille d'un Tamatoa et non sa fille. Je rappellerai que les
expéditions de Cook étaient des expéditions remarquable¬
ment bien organisées avec des savants dont les nombreuses
observations furent publiées sous la direction d'Hawkesworth par le Chef d'expédition. Si l'on se rapporte à cette
édition on verra que le Lieutenant Cook à son premier voyage
en 1769 quitte Tahiti avec Tupaia à son bord. Et. alors je tra¬
duis littéralement de l'anglais.
«
Pendant que l'Endeavour avançait sous voilure légère,
«
Tupia informait le lieutenant Cook qu'à quatre des îles voi¬
ci sines
qu'il distinguait par les noms de Huahine Ulietea,
«
Otaha, et Bolabola, des porcs, des volailles
pou¬
ce vaient être procurés
en abondance. Le lieutenant cepen«
dant était désireux d'examiner d'abord une île qui gisait
«
au nord et s'appelait Teturoa. » Que tout ceci est donc
frappant de vérité. C'est Tupaia qui donne le nom des îles
au Capitaine Cook et ceux que la coutume des "ioa topa"
intéresse, peuvent constater que l'île Tetiaroa s'appelait en
1769 Teturoa et que probablement c'est un peu plus tard pour
Tu dit Pomare dit Vairaaroa que le nom de Tu fut proscrit.
Si nous poursuivons notre lecture nous voyons que Cook dé¬
barque à Huahine où il se lie d'amitié avec le Chef Ori, puis
fait voile
dans le
«
«
«
«
Ulietea où il fait connaissance du Chef Oroo
de Sa
Majesté britannique.
Tupia avait exprimé son appréhension que nos navigateurs s'ils débarquaient sur l'île d'Ulietea seraient exposés aux attaques des hommes de Porapora qu'il représentait comme l'ayant conquise récem-
nom
«
sur
port d'Opoa et il prend possession des quatre îles au
Nous lisons ensuite,
ment et dont il entretenait
Société des
une
Études
formidable idée
Océaniennes
».
Le Lieutenant Cook visite Tahaa et c'est dans
un port de
qu'il rencontre Opoony (Puni) le for¬
midable roi de Porapora et il nous le dépeint comme quel¬
qu'un d'affaibli par le grand âge et, comme il est resté long¬
temps à Ulietea, le capitaine décide de ne pas visiter Polapola qui lui apparaît difficile d'accès, et il se contente de
tirer de très loin un coup de canon vers l'île à la prière de
Tupia.
A son deuxième voyage, Cook ne visite pas non plus Po¬
rapora, mais c'est à l'île Huahine en septembre 1773 que le
Capitaine Furnaux de l'Adventure reçoit à bord. « Un jeune
homme nommé Ornai natif de Ulietea dont on a tant parlé et
écrit». Ce choix fut d'abord désapprouvé par Cook carie
jeune homme « était inférieur à beaucoup d'Indigènes en
«
naissance et en rang acquis et n'avait aucun avantage par« ticulier en ce
qui concerne la beauté du corps et du visage ».
A son troisième voyage Cook ramène Ornai qui en Août
1777 rencontre à Tahiti sa sœur et un beau-frère, et l'installe
à Huahine où il trouve un frère, une sœur et un beau-frère
que Cook estime de trop peu d'importance dans l'île pour lui
rendre quelques services productifs, puis Cook visite de nou¬
la côte ouest de Raiatea
veau
Ulietea où il retrouve Oreo et enfin le 8 décembre 1777
il visite pour
la première fois Bolabola où Opoony (Puni) est
une ancre que Bougainville avait per¬
due à Tahiti et on lui fait récit des expéditions militaires des
gens de Porapora qui avaient fini par la conquête complète
toujours roi et lui cède
de Ulietea et Tahaa.
Je termine là
mes
citations du
Capitaine Cook. On voit
com¬
bien les faits cités dans les récits du R. P. Chesneau et Marcantoni
(1) s'écartent de la vérité. Je
ne
reprendrai
pas
poinj
par point le chapitre sur Porapora, plusieurs numéros du
bulletin
n'y suffiraient pas. Je me contenterai de dire Pora¬
jamais appelé Vauvau (tapis). Vauvau est un
terme employé dans les récitations généalogiques
royales et
s'applique à l'espace qui s'étend autour d'un pu marae,l'on
dira par exemple pour un des neuf pu marae que
je connais
pora ne s'est
dans le district de Fetuna à Raiatea "o te motu Le
Note.— Souvenirs de
Marcantoni, rédigés
par
le R P. J. Chesneau
peete, 1932.
Société des
Études
marae o
Océaniennes
—
Pa-
—.
tai
723
—
te fenua i te vauvau". Faanui
désignait peut-être Pomais en tant que gouvernement comme Washington
désigne le gouvernement des E.U. La conquête de Raialea
et Tahaa par Porapora eut lieu avant 1769 car à l'arrivée de
Cook à Raiatea, Puni était déjà roi de Porapora, Tahaa et
Raiatea et ces îles étaient gouvernées par Faanui.
Tous les détails du festin cités par le R P. Chesneau sont
faux, Cook nous dépeint en 1769 Puni comme un vieillard dé¬
bile. 11 était donc né au plus tard en 1710 et était certaine¬
ment mort en 1810 ou 1815 puisqu'à cette époque là Terii noliorai dit Tapoa était roi. Si Puni était très vieux ses enfants
l'étaient aussi ; or on sait que c'était dans la jeunesse que
les parents faisaient couronner leurs enfants. Tetuanuimaruaiterai surnommé Puniarii n'avait d'ailleurs pas d'en¬
fants et mourut sans postérité, il avait une sœur Tehea atua
aussi appelée Puni vahine, ils étaient tous deux enfants du
roiTeihotu i te mataroa et de Tetua nui Porapora et petits
enfants du grand héros Teihotu i te mata nevaneva dont le
nom me fut donné il y a plus de douze ans par les descen¬
dants de la famille royale de Porapora. On voit que le nom
de Porapora existait avant l'arrivée de Cook. Plus de sept
siècles en arrière, six générations avant Iliro. Il m'est connu
par la citation historique suivante :
oo
rapora
-
"
0 oromahurai
a moe
i te vahine ia Te hiu fanau taraua
Porapora i te fanau tabi no reira mai te ioa ra o Porapora".
Probablement Tehea atua fut-elle la Puni vahine qui fut
assassinée par les assassins soudoyés par Te uhe au cours de
la sanglante bataille de Hooroto livrée vers 1789 par Moohono
et les guerriers de Huahine aux forces de Raiatea et Tahaa,
elle était de trois générations plus vieille que Pomare II, ce
ne pouvait donc être elle queMahine aurait proposée comme
épouse à Pomare III en 1812, je suppose une erreur pour Po¬
mare II, puisque Pomare III est mort à huit ans. Je ne sais
de quelle Tehea il est question, si c'est celle qui épousa Tati
le frère aîné d Opuhara elle était fille d'un Teihotu du marae
royal Nonohaura d'Anau. L'arii rahi Teihotu i te mataroa eut
o
d'une autre femme Toi tua un fils demi-frère de Puni dont
Teinarii était l'un des nombreux
qui porta le surnom
d'Haapoua. Le repas en question fut donné dans l'enfance
de Puni et d'Haapoua par leur père l'eihotu mataroa et m'est
Société des
noms
et
Études Océaniennes
—
724
—
la citation historique suivante : "0 na tarnarii teie
a Teihotu i te puaa e no te mea ua pau ta* Te tu anui maruaiterai tufaa puaa riro atura te toroa arii iana e no
te pau ore ta Temarii tufaa puaa riro atura oia ei Haatere
connu
par
i faamu lha
Hau".
On voit donc que
Puni devint le roi et Haapoua devint ce¬
qui fait naviguer le gouvernement, expression charmante
d'un peuple de navigateurs qu'on ne saurait mieux rendre
que par les mots duce ou fuhrer. Haapoua fit naviguer long¬
temps ce gouvernement puissant de Faanui, exemple d'or¬
ganisation sociale remarquable d'un peuple qui savait si bien
se gouverner lui-même avant l'arrivée de la race blanche.
Toutes ces prérogatives royales Puni arii et Haapoua les te¬
naient respectivement de leurs marae royaux Vaiotalia et
Faretai et aussi Marotitini. Quant aux Mai contrairement à
l'opinion de Chesneau et de Marcantoni je crois qu'il n'en
était pas question à ce moment dans l'histoire de Porapora.
Ils nous parlent de leurs droits souverains, je voudrais bien
savoir sur quel marae. Je pense au contraire q-ue la vérité
est tout autre et que ce n'est qu'au début du dixneuvième
siècle que les Mai firent leur apparition dans l'histoire de Po¬
rapora. On sait qu'à ce moment, depuis une quinzaine d'an¬
nées Terii Nohorai dit Tapoa régnait de Tahaa, sur Porapora
Tahaa et Raiatea. Ayant eu des démêlées avec le gouverne¬
ment de Faanui, Tapoa passa à Porapora avec ses guerriers
et fut battu, il partit pour Huahine chercher l'alliance de son
beau-frère Mahinele mari de sa sœur Vaea perera. Là rési¬
daient déjà les missionnaires anglais. Il revint en force avec
une grande flotte de pirogues
de guerre, de nombreux guer
riers et des armes européennes et attaqua Faanui dont les
guerriers battus se réfugièrent dans l'enceinte de refuge ou
pare. Ce fut la célèbre bataille d'Huriaua. Pris dé pitié Tapoa
lui
accorda
des
aux
princes
vaincus la vie sauve, mais renversa l'autorité
de Porapora et promut à la dignité d'arii
grands guerriers de Mahine res¬
ponsables de la victoire, le géant Tefaaora a Menehune dont
la force et la beauté restèrent légende et Mai metua. Mais
Tapoa restait toujours le seul, le grand arii rahi. Si Tefaaora
était d'humble naissance, Mai pouvait se targuer de descen¬
dre de l'ancien marae Fare ra'i d'Anau à Porapora. Un de ses
royaux
"Faateitei arii", les deux
Société des
Études
Océaniennes
—
725
—
enfants aussi appelé Mai s'allia avec une princesse du ma-
royal Nonohaura, mais c'était là tout de môme comme à
rae
Tahiti, le renversement des droits des anciennes familles,
des
prérogatives attachées aux très illustres et très anciens
de Vaiotahâ, Fare tai etMarotitini. En particulier tout
un côté de la descendance dTIaapoua se trouve frustrée de
ses droits légitimes. Sous l'influence de Mahine, Tefaaora et
Mai devaient adopter la religion chrétienne et la faire em¬
brasser à leurs sujets.
C'était le lils probablement de Mai qui régnait en 1820 lors¬
que Orsmond résidait à Porapora. Il fut le grand-père des
pasteurs Maheanuu de Faaa et Rai mano qui épousa la cheffesse de Tautira. On sait que Maheanuu épousa une petite
fille de Tati le Grand et que les enfants de Maheanuu et Rai
maraes
mano
s'allièrent étroitement
Pomare IV. Je
avec
les enfants de la Reine
crois pas que
Rai mano était l'un des noms
du Mai de Cook. Peut-être le R.P. Chesneau aurait-il confon¬
du
ne
le fils du
pasteur Rai mano époux de la grande chefqui fut emmené à Londres parles pasteurs
anglais, mais c'était vers 1838 plus de-70 ans après Cook.
Quant à Tefaaora il devait épouser Maeva rua petite fille
d'Haapoua et d'une princesse royale de Papara dont le marae était Amo, marae du petit district du même nom dont
avec
fesse de Tautira
Arii tai mai
nous a
entretenu dans
semblablement la deuxième de
ses
ces
mémoires. Ce fut vrai¬
reines célèbres
aux
in¬
comparables manteaux de plumes
la Reine Mae¬
va rua a Tamatoa pae qui disparut récemment portait MaevarualV sur sa bannière royale et n'était donc pas Maevarua II,
comme il est dit dans la généalogie des Tamatoa publiée à
l'intérieur d'Ancient Tahiti. Il dépasserait le cadre de cet ar¬
ticle de reprendre le récit de l'expédition guerrière de Pora¬
pora, où nous est contée une origine du surnom de Tapoa
qui n'est d'ailleurs qu'une des nombreuses explications de
ma connaissance. Le R.P. Chesneau nous dit aussi
que le
dernier des Tapoa serait passé à Iluahine en cachette où
il serait mort. Là encore je doute. D'après un article de
rouges, car
Caillet dans
semblerait
un
ancien numéro de la Revue de la Société il
contraire que par le traité
te araroa" de 1832 dû à Mahine, Tapoa
comme
de "Haupahu nui i
aurait été reconnu
roi de Porapora et Maupiti, Tamatoade Raiatea Taau
Société des
Études
Océaniennes
—
haa
—
Terii tari a de Huahine. La dernière bataille de Vaifut gagnée parTamatoa un frère de Terito o te rai qui
et
toare
fut
726
je crois Tamatoa IV et là encore je ne suis pas
d'accord
généalogie des Tamatoa publiée dans le livre de
Teuira qui nous donne Tamatoa IVcomme le père de Terito
avec
la
et le fds de
Vetearai Uuru. Les Tapoa moururent sans pos¬
térité directe..Ce furent les derniers arii rabi de Porapora.
Je
sais si le Tapoa vaincu à Vaitoare mourut à Huahine. En
tous les cas en haut d'une colline à Porapora et au-dessus
d'une baie dcTahaa, dans des endroits "Tapu", reposent les
ne
grands Tapoa où ils furent transportés
des "teuteu" fidèles à l'abri des blancs profanateurs.
Là encore, je suis en désaccord avec un article de Marcantoni qui nous présente les Teuteu comme des esclaves.
N'y avait-il pas différentes classes de Teuteu? Je m'honore
de compter parmi mes amis une dame indigène qui fut Teu¬
teu de Maevarua IV et un Indigène dont les ancêtres étaient
ossements des deux
par
Teuteu de la famille
Tapoa.
d'après leurs souve¬
qu'en Europe celles
des nobles que les souverains attachent à leur personne.
Je crois aussi que les légendes sont toujours une déformation
de la vérité ; la vraie histoire était écrite sur les pierres des
maraes et dans les généalogies que les familles se transmet¬
Tous deux sont de noble naissance et
nirs leurs fonctions étaient les mêmes
taient
précieusement.
de cette vérité historique subsistent encore,
quelques familles qui possèdent encore des frag¬
ments de généalogies ne les confient à personne et lorsqu'ils
les donnent c'est après avoir changé les noms.
Ainsi dans les généalogies publiées dans le livre de Teuira
Henry, celle des Mai, de Tu a Tarioe est trop courte de 6 ou
7 générations et tous les noms sont transposés; celle des
Maratitini à peu près exacte dans sa partie médiane est er¬
ronée au début et à la fin et ceux qui l'ont donnée n'ont pas
s'ils le savaient dévoilé le mystère qui entoure la création
du marae Marolitini, bien deux siècles avant l'époque que
fixerait cette généalogie. Celle des Tapoa est aussi entière¬
ment erronée et ne s'accorde pas du tout avec celle des Ma¬
rolitini. Et si j'ouvre le livre du Docteur Sasportas sur l'ex¬
position coloniale je lis "Le fondateur du marae d'Opoa fut
Des bribes
mais les
Société des
Études Océaniennes
Hiro
premier roi connu et demi-dieu ; il l'avait consacré à son
père Oro ou Haehi qui était le fils d'Uni Matamata petit-fils
de Raa dont le
"
à
nom
s'écrit
comme
le soleil.
Iliro eut deux fils Haneti et Ohatatama. Le 1er lui succéda
Raiatea, le second lut nommé roi de Porapora. "
Voilà encore un exemple, les noms sont changés de place,
ainsi que le sexe de l'ascendance, dans la citation de Oro
ancêtre de Hiro. Mais je m'arrête car je serais en¬
comme
traîné trop
loin.
Alain GERBAULT
Société des
(Teihotu i te mata nevaneva).
Études
Océaniennes
—
728
—
ATIMAONO
L'aventure commerciale et industrielle la
plus marquante*
Pacifique, au siècle dernier fut certainement, de 1863
à 1873, la création, le succès, puis la déconfiture delà " Com¬
pagnie d'Atimaono " dite aussi "Compagnie Soarès" enre¬
gistrée sous le titre: The TahitiCotton and Col'fee Plantation
Company Limited, 9 Mincing Lane, London
Le principal acteur en fut William Stewart qui lança l'affai¬
dans le
re
et en fut le
directeur à Tahiti.
En 1862, par
suite de la guerre civile des Etats-Unis d'A¬
mérique, le coton avait atteint de très hauts prix; ce qui en¬
gagea William Stewart à visiter Tahiti. Là, il obtint de John
Grifïin Orsmond la cession d'un bail de 385 hectares de terres,
à
Teahupoo, dans la presqu'île de Taiarapu. Orsmond avait
ce bail avec les propriétaires indigènes, pour une du¬
rée de 100 ans pour un loyer annuel de 275 francs.
Sans doute, c'est grâce à cette acquisition que Stewart
conclu
réussit à fonder
une
Société
avec
l'aide de
son
beau-frère
Auguste Soarès, financier portugais de Londres et de Paris :
la " Polynesian Plantation Company
à laquelle succéda en
1863 " The Tahiti Cotton and Coffee Plantation Company, Li¬
mited of London, Capital 100.000 livres sterling, Directeur
Général Auguste Soarès, Directeur à Tahiti William Stewart.
En 1863, Stewart avait obtenu du Gouverneur de
Tahiti, le
Commandant Gaultier de la Richerie, la promesse de
l'aider
acquérir les terrains nécessaires à son entreprise agricole.
Son intention était de faire exproprier un certain nombre de
terres situées dans les districts de Papara et d'Atimaono et
de les acheter au prix fixé par une Commission.
Le Gouvernement du Protectorat s'engageait pour 20 ans
à
à l'exonérer de toute taxe immobilière et de tous droits d'en¬
trée
les machines et autres articles de première nécessité
l'exploitation de sa plantation.
Mais, quand Stewart, après avoir fait un voyage à Londres,
revint à Tahiti au début de 1864, il apprit que le Gouverneur
avait reçu du Ministère de la Marine à Paris des instructions
formelles de ne consentir aucune expropriation de terrains,
jusqu'à nouvel ordre. Cette mesure était le résultat des prosur
pour
Société des
Études
Océaniennes
testai,ions adressées
Ministère de la Marine par
plusieurs
de Tahiti qui, pour des motifs divers, étaient op¬
posées à la nouvelle entreprise,
Stewart qui était un homme d'action, résolut alors de trai¬
ter directement avec les propriétaires.
Le 11 janvier 1864, le Gouverneur informa officiellement,
tous les propriétaires indigènes qu'ils étaient absolument
libres de traiter avec Stewart pour la vente de leurs terres ou,
de refuser ses propositions.
Cependant, il n'est pas douteux qu'il leur lit également sa¬
voir que, dans l'intérêt général, il était préférable de ven¬
au
personnes
dre à Stewart aussi bien les vastes étendues en friche d'Atimaono que les quelques parcelles qui s'y trouvaient com¬
prises et où ils cultivaient des vivres indigènes.
Pendant toute l'année 1864 et les années suivantes, Stewart
réussit à acheter en toute propriété, une étendue de terres
qui, d'après le plan levé en novembre 1867 par l'arpenteur
John Turnbull mesurait, sur le bord de la mer, une longueur
de 3 milles et demi et de plus de 7 milles vers l'intérieur:
soit 7.000
hectares, dont une grande partie en montagne.
Toutefois, quand en 1875, le domaine fut vendu aux enchè¬
res publiques, la superficie totale
indiquée n'était que de
3.950 hectares, dont 1450 hectares de terrain cultivable et le
reste
en
montagne. Le tout libre de toute charge, sauf 105
hectares appartenant à la chefferie d'Atimaono comme ter¬
rain communal et loué pour une période de 50 ans, renou¬
velable pour 49 ans, au loyer annuel de 414 francs.
Le domaine
prit le nom de "Terre Eugénie", en l'honneur
l'Impératrice Eugénie, femme de Napoléon III.
Il esta noter que tous les titres de propriété étaient au
nom de William Stewart, bien qu'il reconnût faire cette ac¬
quisition pour le compte de la Compagnie.
La superficie totale des terres cultivées, lorsque la Société
cessa ses opérations en 1875, était approximativement, d'après le relevé fait parle Tribunal de 1300hectares se décom¬
posant comme suit:
de
Colon
" Sea
Island "
1.000
Café
»
Hectares.
150
»
50
»
Canne à sucre
Cocotiers
50
»
Riz, maïs, légumes
50
»
1.300
Société des
Études
Océaniennes
Hectares
En
1864, 1000 Chinois furent importés
ainsi qu'un certain
d'Indigènes des Iles G-ilbert et Kingsrnill. De nom¬
Tahitiens et habitants des Iles Cook étaient égalenlent
nombre
breux
occupés comme travailleurs;
plus de 60 Européens ou métis étaient employés
plantation comme surveillants, comptables ou artisans.
En septembre 1867, une enquête officielle fixe à 1239 le
nombre des travailleurs: soit, 916 Chinois et 323 Océaniens
dont 108 femmes. Ce chiffre fut dépassé en 1869, époque où
En outre,
sur
la
plantation occupait plus de 1500 personnes,
cultivé et de nombreux bâtiments furent
construits, la plupart avec des matériaux pris du grand ma¬
rne de " Mahiatea" qui s'élevait sur la plantation. Ils com¬
prenaient une usine à égrener le coton, une machine à vapeur,
un séchoir pour le coton, une fabrique de sucre et une usine
à préparer et décortiquer le café.
On y trouvait également des logements confortables pour
les employés, un hôpital avec des chambres séparées pour
les blancs et les gens de couleur, des cases pour les ouvriers
et enfin une très belle résidence pour Stewart qui recevait
très largement, du moins pendant les premières années de
la
Le sol était bien
sa
direction.
Par la
suite, le Gouverneur, Comte de
la Roncière lin lit
sentir que cette trop large hospitalité détournait les
naires et officiers des devoirs qui les retenaient à
A
une
fonction¬
Pupeete.
trois navires à voile étaient cons¬
recrutement des travailleurs océa¬
certaine époque,
tamment
employés au
niens.
travailleurs qui variaient de 30 à 100 frs
mois étaient très régulièrement payés en monnaie locale,
principalement en argent.
Les ouvriers de la plantation étaient bien nourris et bien
traités, sous la surveillance d'un médecin français, résidant
sur la plantation et dépendant du Chef du Service de Santé
Les salaires des
par
à
Papeete.
quoique très strict au point de vue de la discipline
; et, si, comme cela a pu être parfois le cas, des
surveillants firent preuve d'une certaine sévérité, il ne man¬
qua point de les réprimander.
Quiconque a eu à diriger de la main-d'œuvre de couleur,
Stewart,
était humain
Société des
Études
Océaniennes
—
731
—
les meilleures
qui paraissent
contrat, sait combien il est difficile, avec
intentions, d'éviter des mesures de discipline
sous
souvent excessives.
Evidemment, lesTahitiens
travail régulier ayant lieu
un
avaient de la peine à accepter
à des heures régulières. D'au¬
acquis que les
part, ce fut.bientôt un fait généralement
Chinois et les Indigènes des Iles Gilbert étaient
tre
traités comme
des esclaves.
Stewart, et ils étaient nombreux, —
stick was good enough to beat a dog with".
Certains prétendaient que les terres acquises des Indigè¬
nes avaient été payées bien au-dessous de leur valeur. Ils
ne considéraient pas qu'à l'origine, la plus grande partie du
domaine d'Atimaono était en friche et n'avait pratiquement
Pour les ennemis de
"
any
aucune
valeur.
D'ailleurs, il ressort des
yés aux Indigènes
priétés acquises.
rapports officiels que les
prix pa¬
correspondaient bien à la valeur des pro¬
Parmi les ennemis de Stewart se
trouvaient également
plusieurs négociants de Papeete, jaloux de l'influence qu'il
avait acquise et qui gênait leurs intérêts particuliers.
Certains fonctionnaires français s'effrayaient, non sans rai¬
son peut-être, car l'affaire Pritchard était encore récente, de
l'importance qu'une société anglaise prenait à Tahiti.
Non moindre était l'hostilité du Consul Anglais qui avait
des griefs personnels contre Stewart. 11 avait même, à l'oc¬
casion d'une lettre que celui-ci lui avait adressée, porté
plainte devant le Tribunal pour insulte, plainte qui n'avait
d'ailleurs*eu aucune suite.
Enfin Stewart avait contre lui toute la foule qui aboie, sans
savoir pourquoi, quand passe la caravane.
Stewart était un caractère fortement trempé et peu conci¬
liant à l'égard de ses ennemis dont quelques-uns, d'ailleurs,
n'avaient aucun scrupule. Ainsi, ils se servirent d'un hom¬
me de rien qui avait autrefois passé à Tahiti, pour déchaî¬
ner dans la presse américaine une campagne de diffamation
accusant Stewart de cruauté envers ses travailleurs, avec
l'appui et la complicité de
l'Administration.
reproduites par des
journaux anglais et français, le Gouverneur nom ma une comA la suite
de
ces
attaques qui furent
Société des
Études
Océaniennes
—
732
—
mission d'enquête composée de 14 membres savoir:
du Service Judiciaire, le Directeur de l'Intérieur, un
le Chef
officier
commerçant français, trois
planteurs français, un commerçant et un planteur anglais,
deuxcapitaines américains et le Consul allemand qui était
également un des principaux négociants de la place. Le
Consul anglais avait été également désigné, mais il refusa.
Cette commission, après enquête faite à Atimaono remit
son rapport au Gouverneur le 27 septembre 1867.
Elle était unanime à reconnaître que les 1239 travailleurs
de la plantation étaient bien nourris, bien logés et bien trai¬
tés ; un docteur français disposant d'un hôpital bien installé
leur donnait des soins médicaux nécessaires. Aucune plainte
n'avait été faite touchant la nourriture, mauvais traitements
ou châtiments corporels et cependant de nombreux Chinois
ou Indigènes avaient été interrogés en particulier par divers
membres de la Commission. Tout ce qu'on reprochait à cer¬
tains surveillants français et anglais c'était d'employer un
langage injurieux.
La seule plainte sérieuse, si l'on peut l'appeler sérieuse,
fut portée contre Stewart par les Chinois qui lui déniaient
le droit de chercher à restreindre le suicide parmi leurs
compatriotes.
11 était arrivé, en effet, que plusieurs Chinois s'étaient pen¬
dus après avoir perdu de l'argent au jeu. Stewart, pour pré¬
venir le retour de ces faits, avait condamné à une amende
les compagnons de jeu des suicidés.
Les Chinois reconnaissaient que cette mesure avait eu de
l'effet, mais ils soutenaient que le suicide est un moyen lé¬
gal de sortir de difficulté et de régler tous les comptes ; par
conséquent Stewart n'avait pas le droit d'imposer des amen¬
de marine, deux docteurs, un
des.
partagea pas cette manière de voir.
Commission, sans aucune réserve
se déclarèrent entièrement satisfaits de tout ce qu'ils avaient
vu et entendu à Atimaono et déclarèrent que les faits repro¬
chés à Stewart étaient " d'infâmes calomnies".
La Commission ne
Tous les Membres de la
Le
rapport en français de cette
commission se trouve' in¬
imprimée en anglais, en 1867, par
l'Imprimerie du Gouvernement et qui a pour titre "An out
séré dans
une
brochure
Société des
Études
Océaniennes
—
733
—
line of how it came topass that so niany absurd stories hâve
been curculated about the Cotton Plantation of "Terre En-
génie
Le coton
égréné était en grande partie exporté en Angle¬
le prix élevé se maintint, le succès de la
Compagnie parut assuré. Mais, à partir de 1869 les prix qui
avaient atteint 3 et même 4 shillings la livre tombèrent à 1
shilling et même au-dessous. Dès lors, la réussite de l'entre¬
prise était impossible et sa faillite inévitable.
terre et tant que
(A suivre).
Société des
Études
Océaniennes
734
—
Le
Naufrage de la "Clémentine"
à Tahiti
Nous
—
en
1844.
évoqué dernièrement (1) le souvenir du Com¬
pris une
négligeable aux campagnes océaniennes de 1842 à
avons
mandant BOYER, un des Officiers de Marine ayant
part non
1846.
intéressant de faire connaître aujourd'hui
le naufrage survenu en 1844, non loin de
Taravao, à la goélette " La Clémentine " que commandait cet
Il
nous
a
paru
quelques détails
sur
Officier, alors Lieutenant de Vaisseau.
#
#
#
A cette
époque la Marine détachait des forces importantes
du Sud. Outre la station de l'Océan Pacifique
(2), commandée par un Contre Amiral (DUPETIT-THOUARS),
ensuite HAMELIN, la Marine entretenait aux Marquises, puis
dans les
mers
à Tahiti, une station locale, aux ordres du Gouverneur, com¬
posée semble-t-il, en 1844, de la Frégate " Y Uranie
et au
moins à titre provisoire, des deux Corvettes " VEmbuscade"
et " Y Ariane ", sans compter divers bâtiments de charge ou
servitude : transports, goélettes, cutters, navires hydrogra¬
phes etc...
Il existait en outre une "Station de la Nouvelle Zélande ",
destinée à protéger les intérêts de nos nationaux : colons et
baleiniers, particulièrement nombreux à la Baie des Iles (Ile
N. de la Nouvelle
Zélande).
Enfin la Marine assurait le fonctionnement des divers
ser¬
vices de la Colonie d'Océanie.
#
A titre d'indication
#
#
donnons
ci-après la constitution
(avant l'occupation), et en 1843
(après l'occupation). Rappelons que le protectorat sur l'Ar¬
chipel des Iles de la Société demandé par les Chefs de l'Ile
le 9 Septembre 1842 avait été ratifié par le Gouvernement
de
ces
forces navales
nous
en
1841
Français le 25 Mars 1843.
(1) Numéro 57 du Bulletin de la S.li.O., pages 625 et suivantes.
(2) Devenue en 1844 Station du Pacifique et des Côtes Occidentales d'Amé¬
rique,
Société des
Études
Océaniennes
A)
1841
en
:
I—. Station de l'Océan
2
Pacifique.
Frégates :
(50 canons) Contre Amiral Dupetit-Thouars
Reine Blanche
Commandant la Station.
Thetis
(40 canons) Capitaine de Vaissseau Buglet
4 Corvettes
:
Boussole
(30 canons) Capitaine de Corvette Vrignaud
Embuscade
(30 canons)
—
—
Mallet
Triomphante (24 canons)
—
—
Baligot
Camille
(20 canons)
2 Bricks
—
—
Coude
:
Adonis
(20 canons) Capitaine de Corvette Billehaest
de S1 Georges
(20 canons)
—_
—
Bernard
Pylade
1 Gabare :
Bucéphale
(300 tonnes)
—
—
Julien Lafférière
II
—
Sfations locales des Etablissements d'Océanie
Pour mémoire.
—
non
:
crées.
III.— Station de la Nouvelle-Zélande
:
2 Corvettes de
charge :
(800 tonnes) Capitaine de Vaisseau
Layaud
(800 tonnes) Capitaine de Corvette de Bourret
Aube
Allier
B) en 1843.
I.— Station de l'Océan
2
Frégates
Reine blanche
Pacifique
:
:
(50 canons) Contre Amiral Dupetit-Thouars
Commandant la Station.
Charte
(40 canons) Capitaine de Vaisseau Penaud
4 Corvettes
Ariane
Boussole
Embuscade
Triomphante
1 Brick
Adonis
:
(30 canons) Capitaine de Corvette Dutaillis
(30 canons)
—
—
Vrignaud
(30 canons)
—
—
Mallet
(24 canons)
—
—
Postel
:
(20 canons) Capitaine de Corvette Billehaest
de S1 Georges
Société des
Études
Océaniennes
—
736
—
1 Gabare :
Bucéphale
(300 tonnes)Capitaine de Corvette Julien Lafferière.
II.— Stations locales d'Oeéanie
:
a) Iles Marquises.
1
Frégate :
Uranie
(60 canons) Capitaine de Vaisseau BruAT
Gouverneur
de
l'Océanie
(1842) puis Gouverneur des
Iles Marquises (1843).
4 Officiers détachés par l'Amiral
(Capitaine de Corvette Col¬
et Vrignaud).
let,
Chirurgiens auxiliaires Le Bâ¬
tard
et Helie.
h) Tahiti.
2 Officiers détachés par
L V Reine E V
l'Amiral
Gabrielle de
Carpegna.
2 Corvettes de
charge !
Somme
(800 tonnes) Capitaine de Corvette Allatin
Meurthe
(800 tonnes) Capitaine de Corvette Guillevin
Commandant.
Commandant.
III.— Station de Nouvelle-Zélande:
1 Corvette de
charge:
Capitaine de Vaisseau Bérard
Rhin
Commandant la Station.
devaient d'ailleurs recevoir
gabare "la Lamproie", remplaçant sans doute le
"Bucephale", et le navire à vapeur le Phaëton " commandé
par le Capitaine de Corvette Maissin..
En 1843 la Marine administrait entièrement les Etablisse¬
ments d'Oeéanie, dont le Chef-lieu se trouvait aux Iles Mar¬
quises.
Ce commandement administratif et diplomatique était
exercé par le Capitaine de Vaisseau BRUAT, " Gouverneur
Les Etablissements d'Oeéanie
en
1843 la
\
Société des
Études
Océaniennes
—
737
—
d'Océanie et Commissaire du Roi près
de la Société ".
de la Reine des Iles
Le Gouverneur disposait d'un Etat-Major de 6 Officiers
(1 Capitaine de Corvette, 3 Lieutenants de Vaisseau, 1 Capi¬
taine d'Etat-Major et un Sous Ingénieur Hydrographe), de
deux directions militaires (Artillerie et Génie) et de quatre
services: Administration, Subsistances, Santé, Ports, enfin
d'un détachement des Troupes de la Marine, ainsi constitué.
Artillerie de Marine : Un Chef de Bataillon (Commandant
FAVEREAU) 17meCompagnie, détachements de la 18me Com¬
pagnie et de la Compagnie d'Ouvriers Militaires.
Infanterie de Marine : Un Chef de Bataillon (Commandant
de BREA) et 4 Officiers-Major, Trésorier etc, 5 Compagnies
d'Infanterie (26llle, 27me, 28me, 29m0, 30® Compagnie), une com¬
pagnie de Grenadiers (7me Compagnie), une compagnie de
Voltigeurs (7me Compagnie).
La Marine équipait aussi les goélettes assurant les services
locaux : cet usage s'est d'ailleurs maintenu assez tard : en
1886 les Etablissements d'Océanie possédaient encore quatre
goélettes (1) (Aorai, Orobena, Nuhiva et Taravao).
Ces navires armés d'une vingtaine d'hommes comptaient
de 3 à 5 Européens
La " Clémentinene figure ni en 1843, ni en 1844 sur la
liste des bâtiments armés de la flotte : ''goélettes, cutters,
bâtiments de flottille et autres ". Elle ne portait peut-être pas
les quatre bouches à feu : canons, pierriers ou simples espingoles, nécessaires pour ^tre inscrite sous cel te rubrique (2).
(!) La station locale comprenait en outre l'aviso transport "Lire" ; la Divi¬
Pacifique dont le centre était à Papeïti, se composait du bâti¬
ment amiral "croiseur à batterie de 1.700 chevaux et 24 canons", do deux
croiseurs de 2me rang, et d'un croiseur de 3mC rang.
sion Navale du
(2) La " Clémentine", appelée "Brick" par DUPET1T-TH0UARS trans¬
portait les dépêches de Tahiti à Valparaiso en 1843 ( cf Vincendou Dumoulin :
lie Tahiti page 1000).
On trouve en 1837, naviguant entre les llawai et la Côte d'Amérique le
brick goélette : "Clémentine" Capitaine DUD01T (Affaire Bachelot-Short )
Dupetil-Thouars, pages 32o et suivantes.
Il n'est donc pas impossible que ce navire ait été acheté par le Gouverne¬
ment provisoire de Tahiti au Capitaine DUDOIT.
Société des
Études
Océaniennes
—
A la suite de l'accident de
tion
un
peu
verneur
738
—
dont
mer
donnons la rela¬
nous
plus loin, le Capitaine de Vaisseau Bruat, Gou¬
des Etablissements d'Océanie, avait nommé
un
Con¬
seil
d'Enquête pour examiner les causes de la perte de la
goélette locale la "Clémentine" et la manière de faire du Ca¬
pitaine Boyer, Lieutenant de Vaisseau, avant et après le nau¬
frage.
Réuni le 9 octobre 1844 à 11 heures à bord de "VAriane",
sur rade de Papeïti, sous la présidence du Capitaine de Cor¬
vette Dutaillis Commandant de
les
"l'Ariane", le Conseil écouta
dépositions de M. Bauzan, volontaire remplissant les
fonctions de Second à bord de la "Clémentineet celles des
nommés Silvestre Second Maître de Manœuvre de 2e classe,
et
Collineau, Matelot de
manœuvre
de 23 classe, tous deux
embarqués à bord de la "Clémentine", puis donna lecture
de renseignements pratiques sur la navigation dans l'archi¬
pel, recueillis auprès de Henry Pilote Chef, employé par le
Gouvernement.
Après examen et discussion des divers rapports établis,
le Conseil concluait à l'unanimité qu'aucune faute dans cet
accident n'était à retenir à la
ainsi
charge du Capitaine Boyer,
qu'il résulte de l'extrait suivant du Procès-verbal dressé
à cette occasion.
"La goélette la Clémentine expédiée de Papeïti le 5 sep¬
tembre pour porter des vivres àTaravao n'est arrivée que le 8
au matin devant les passes qui conduisent au port Pliaéton.
La traversée avait été contrariée par
des calmes. Le vent
partie du N.E.ejolie brise, et la goélette
louvoyait pour approcher les passes. A 10 heures, une balei¬
nière de l'Embuscade vint à bord prendre les lettres, le ca¬
pitaine Boyer, l'expédia et fit dire à M. le Commandant de
l'Embuscade qu'il allait entrer au mouillage de Taana. Le
mouillage est ai 6 milles environ du port Phaéton avec le¬
quel il communique par des canaux intérieurs la passe de
Tapuera, qui y conduit est plus belle et plus praticable que
celle par laquelle on entre directement dans la baie de Taétait alors établi de
ravao.
La Clémentine continua
sa
route et
se
après, devant le
trouva bientôt
passage de Tapuera, le passage a
deux encablures et demie de large depuis la pointe
de l'Est
environ
du récif
(à droite en entrant) jusqu'à la pointe la plus voi-
Société des
Études
Océaniennes
739
—
sine du récif de l'Ouest. La
mer
rieur des récifs. Ces brisants
une
dernière lame
récif de l'Est, et la
qui
se
—
brise
se
sur
tout l'accore exté¬
terminent d'ordinaire par
roule et brise
sur
l'extrémité du
est
tranquille aussitôt qu'on a dé¬
passé cette lame. Sur la pointe Ouest au contraire, la houle
arrivant de front, se déploie davantage et
après s'être bri¬
sée se fait encore sentir au dedans de la passe. Dans ce pas¬
sage comme dans tous ceux qui conduisent aux mouillages
mer
dans les récifs dont toutes les îles sont entourées, les
cou¬
rants sortent presque
toujours, ils sont très irréguliers dans
leur vitesse qui dépend non seulement de l'heure de la ma¬
rée, mais encore de l'état du temps et de la mer ; leur direc¬
tion est généralement oblique et porte tantôt sur un des cô¬
tés de la passe et tantôt sur l'autre.
Ces circonstances étaient
il avait
connues
du
Capitaine Boyer mais
déjà donné trois fois dans la
passe de Tapuera avec
la brise contraire dans des circonstances de temps
moins
belles. La brise établie du N.E. au N.E. était fraîche mais
maniable et égale, le calme des jours précédents ne faisait
prévoir des courants plus forts que d'ordinaire. Le na¬
sous toutes voiles, le liunier, le
perroquet et les
trois focs. Le Capitaine Boyer fit amener la baleinière :
cinq
canotiers qu'il choisit lui-même y furent embarqués, ainsi
qu'un patron; une touline fut préparée devant. Deux biltures furent prises sur le guindeau, l'une
de vingt brasses à
pas
vire était
tribord, l'autre de 25 à bâbord, les ancres mises sur leurs
simples, un homme était prêt à mouiller l'ancre de
tribord, un autre était à la sonde dans les porte-haubans de
bosses
tribord devant. Ces
dispositions prises, la Clémentine donna
elle était bâbord amures et vint virer à pe¬
tite distance, du récif de l'Est, au dedans de l'extr;émité où
dans la passe :
brise la dernière lame
ficulté
;
sa
; l'évolution eut lieu sans aucune dif¬
bordée tribord amures vers le récif de l'Ouest se
termina par un
virement de bord qui fut également facile et
le premier eut lieu sans qu'il fut nécessaire de
se faire aider par la baleinière. En
reprenant bâbord amures
la Clémentine se dirigea de nouveau sur le récif de l'Est,
qu'elle ne doublait pas encore à la bordée, mais qu'elle at¬
teignait au vent dp.point où elle avait viré la première fois.
Malgré cet indice que le courant n'avait pas trop grande vj.qui
comme
Société des
Études
Océaniennes
—
740
—
tesse, le Capitaine Boyer ayant déjà reconnu l'existence de
ce courant, ne s'approcha pas autant du récif que la pre¬
mière fois, et envoya vent devant. Les estimations de dis¬
tances sont toujours très difficiles et très incertaines : le Con¬
seil d'après les diverses dépositions pense que la goélette
était alors à environ trois longueurs de navire du récif. Dans
cet endroit, le récif forme un enfoncement que la goélette
avait alors par tribord. L'extrémité sur laquelle la mer dé¬
ferle était par le travers. Sur l'accore du récif, devant, la
mer était calme, elle commençait à se tourmenter dans l'en¬
foncement de tribord et un peu au delà se joignait par de la
houle à la grosse lame, du dehors. Le navire lancé au vent
par sa barre et sa grande voile vint debout au vent; les voi¬
les de devant masquèrent, les écoutes de foc étaient filées.
La. baleinière cette fois prit la touline et nagea avec force.
Mais malgré tout cela le navire ne franchit pas et resta im¬
mobile. Le Capitaine Boyer s'aperçut bientôt qu'il était maitrisé par le courant, et s'était rapproché du récif, il fit son¬
der, la sonde rapporte 4 brasses. Parce fond on a du corail,
seulement il n'était pas possible ni de reprendre du même
bord, ni de virer vent arrière. Il restait deux moyens; mouil¬
ler ou culer. Dans l'appréciation du Capitaine Boyer il jugea
que s'il mouillait par un fond incertain de corail, à la dis¬
tance devenue très courte
où il était du récif, etsi son ancre
il talonnerait sur le récif dans l'enfonce¬
ment qui se trouvait alors sur sa droite et où la mer se tour¬
mentait et montait sur le récif, que le navire crèverait et cou¬
lerait à pic. Il pensa que puisque le courant l'aidait à sortir
et que la brise facilitait également cette manœuvre il par¬
viendrait à culer et à parer le récif. Ayant pris celte déter¬
mination, jl fit masquer le hunier, et donna l'ordre à la ba¬
leinière de prendre une touline par derrière, ce qu'elle fit
après les retards inhérents à un pareil mouvement. La goé¬
lette n'avait pas d'avirons de galère; le Capitaine Boyer en
avait demandé autrefois, mais on ne lui en avait pas don¬
nés. Le Conseil ne doute pas que s'il en eût été pourvu leur
aide n'eût donné de grandes chances de salut dans cette cir¬
constance. La goélette obéit bien à l'impulsion qui lui était
ne
le tenait pas,
donnée. Elle cula
vait
en
abattant
sur
tribord, et elle
ne se
trou¬
plus qu'à quelques brasses de la pointe du récif de l'Est
Société des
Études
Océaniennes
—
741
—
laquelle se brise la mer, quand une série de trois lames
plus fortes que les précédentes et qui se développèrent plus
loin, vinrent jusqu'à elles lancèrent et brisèrent la baleinière
sur le tableau de la
goélette firent tourner la goélette ellemême et la jetèrent l'avant sur le récif. Dès
qu'elle y eut
touché, elle s'y élongea par son flanc de bâbord, l'avant au
large et se coucha sur le côté, les lames qui suivirent la fi¬
rent monter sur le récif, la
dérangèrent, et elle prit une très
grande inclinaison. Elle était naufragée.
Le Capitaine Boyer pensant que le
poids de la mature et
de la voilure en augmentant l'inclinaison
déjà si forte du na¬
vire, pourrait contrarier le sauvetage qui était désormais le
devoir à remplir. 11 fit couper les mâts qui tombèrent à la
mer sans blesser
personne il ne resta que la moitié environ
du grand mât. Le navire allégé de ce poids se releva un
peu,
sur
et monta
il
.
sur
le récif. Pour éviter que par un retour de mer
fut
rejeté au large, ce qui dans la supposition assez
fondée que le navire était crevé, aurait entraîné sa
perte totaie, le Capitaine Boyer fit mouiller une ancre de bossoir de¬
vant et une ancre à jet derrière. On procéda alors au sauve¬
tage qui s'est fait dans le plus grand ordre, malgré les diffi¬
cultés qu'il présentait. Un premier canot mis à la mer du côté
du récif fut défoncé ; la yole, lancée ensuite, réussit à faire
deux, voyages, mais la mer grossissant et la yole ne pouvant
continuer ce service, on a construit un radeau qui après
avoir débarqué les mousses et les effets de
l'équipage a por¬
té une ancre à jet sur laquelle on a établi un va et vient avec
le récif. Au moment où le navire a été jeté sur le récif le Ca¬
pitaine Boyer voulu prévenir "l'Embuscade" de son nau¬
frage en faisant tirer un coup de canon, mais la lame qui bat¬
tait le navire ne le permit pas. Au reste, l'avis était donné
par la petite goélette, "l'Hydrographe" mouillée à l'entrée
du PortPhaétan, en vue des deux navires, et M. le Comman¬
ne
dant Malletde l'Embuscade arriva aussitôt
avec ses
canots
et ses moyens.
C'était
au moment où le radeau faisait son
premier voyagé.
Dès lors le sauvetage fut définitivement
organisé. Les ob¬
jets les plus précieux mis à terre et à la nuit sur l'ordre de
M. le Commandant de l'Embuscade le navire fut évacué
par
l'équipage, M. le Capitaine Boyer le quitta le dernier. Tels
sont les faits tels qu'ils résultent de
l'enquête à laquelle le
Conseil a procédé. L'opinion unanime du Conseil fondée tant
sur
l'examen de
ces
faits et
Société des
sur
Études
la connaissance
Océaniennes
qu'il
a ac-
742
—
—
quise des lieux, que sur les particularités des interrogatoi¬
qui ne peuvent être rendus ici dans leurs détails est :
1° qu'en donnant, dans la passe de Tapuera le 8 septembre
le Capitaine Bover faisait une manœuvre qu'aucune circons¬
tance de temps ou de mer ne rendait hasardée, et que cette
res
détermination était dans les limites ordinaires de hardiesse
et de
prudence où le marin doit se tenir.
toutes les mesures étaient prises pour assurer les
mouvements du navire et pour le mouiller au besoin.
3° que si le navire n'a pu virer au troisième virement de
bord c'est par des causes qui ne pouvaient être ni prévues,
ni combattues et telles que les chances de la navigation en
présentent souvent.
4° Que dans l'alternative où s'est trouvé le Capitaine Boyer,
quand la Clémentine a manqué de virer, de mouiller ou de
sortir en culant, la détermination qu'il a prise pouvait le
sauver, qu'en effet, il a été sur le point de réussir, que d'ail¬
leurs il est douteux, qu'en mouillant, le navire eut tenu sur
son ancre, ni
paré le récif, et qu'alors non seulement le na¬
vire eût été perdu, mais encore, et probablement, une par¬
2° que
tie de
l'équipage.
qu'une fois le navire échoué et naufragé, le Capi¬
Boyer a montré un calme, un courage et un dévoue¬
qui ont assuré le salut de l'équipage et du matériel
5'' Enfin
taine
ment
du navire.
■
#
*
*
Bibliographie
Papiers de famille communiqués par Commandant Boyer.
Etat du personnel de la Marine (1842-1843-1844)
Les Colonies Françaises - IV (Menrique) 1889.
J. Garnier- Océanie
1889
Instructions nautiques sur
A n n al es h y dr o gra phi q u e s.
l'Océan Pacifique
Vincendon Dumoulin
etDegraz - Ile Taïti 1884.
Dupetit-Thouars-Voyage autour du monde 1841.
#
*
*
Capitaine de Corvette J. COTTEZ
Membre de la Société de
Géographie,
S.E.O,
Membre correspondant de la
Société des
Études
Océaniennes
713
_
—
BIBLIOTHÈQUE
Ouvrages
Livres
Bons
de M.
reçus.
français.
:
R. L. Stevenson.— Les
Gilberts, les Mar¬
quises et les Paumotous.
Bogat :
Traduction: H. Varlet.
Dr Genin et Mme:
La Pérouse.—
M. F. Hervé
F. Hervé.— L'Huître
:
le dans
Voyage autour du monde.
perlière et la Per¬
les lagons de l'Archipel des
Tua m o tu.
Institut
Chine
Océanographique de l'Indo-
1936.
M. Alfred Lacroix: A. Lacroix.— Les Roches Alcalines de
Professeur
Tahiti.
au
Muséum d'Histoire
Naturelle.
La Constitution
îithologïque des Iles
Volcaniques de la Polynésie Aus¬
trale.
Classification des Roches
Eruptives.
Minéralogie-.
Sur quelques roches volcaniques mélanocrates des Possessions françai¬
ses du Pacifique.
La systématique des roches grenues.
La constitution Iithologïque des vol¬
cans du Pacifique central austral.
La
Nouvelles observations
des Iles
sur
les laves
Marquises et de l'île Tuhuaï..
Sur la Constitution des laves de Mehetia.
Conséquences générales à tirer de l'é¬
tude de la constitution pétrographique de Tahiti.
Achat
:
A. T. Serstevens.— Taia.
Roman
contemporain
-
Edit.
Société des
Études
Océaniennes
Albin Michel
-
Société des Études Océaniennes
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Rédaction.
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 60