B98735210103_058.pdf
- Texte
-
Bulletin
"EE1
DE
il
Société
la
des
l(
ÉTUDES OCÉANIENNES
515
TOME Y
(N° 17)
DÉCEMBRE
Anthropologie
Histoire
—
des
—
1936
Ethnologie
Institutions
—
et
Philologie.
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
—
Sciences naturelles
Tourisme.
if;
IMPRIMERIE
A
DU
GOUVERNEMENT
PAPEETK
(TAHITl)
Les articles publiés dans le
Bulletin, exceptés ceux dont l'au¬
a réservé ses
droits, peuvent être traduits et reproduits
à la condition
expresse, que l'origine et l'auteur en seront men¬
tionnés.
teur
Toutes communications relatives
Société, doivent être adressées
Papeete, Tahiti.
la
Le Bulletin est
Prix de
ce
Bulletin
au
au
envoyé gratuitement à
au
Président.
tous
ses
Musée
Boîte
10
\
fr.
»
30 francs.
en
français
pays
40 francs.
Cotisation annuelle des
étrangers
3
dollars.
SOUSCRIPTION UNIQUE.
Membre
à vie
Membre
à
trente
résidant
en
vie résidant
dollars.
à
France
ou
dans
ses
l'Etranger, six
colonies. 500 fr.
livres
sterling
ou
Avantages de
se faire recevoir Membre a vie
pour cette som¬
versée une fois pour toutes.
(Article 24 du Règlement Inté¬
rieur, Bulletins N° 17 et N° 29).
me
i° Le Bulletin continuera à
lui être adressé,
quand bien même
il cesserait d'être Membre
résidant à Tahiti.
20
L'intérêt de cette
revenu
modique
somme assure à la
Société
un
ou
du
supérieur à la cotisation annuelle de
30 fr.
30 Le Membre à vie n'a plus à se
préoccuper de l'envoi
paiement de sa cotisation annuelle, c'est une
dépense
et
et celui de
la
de moins.
Kn
sont
à
110,
Membres.
numéro
Cotisation annuelle des Membres résidents
Cotisation annuelle des Membres résidents
ou
conséquence : Dans leur intérêt
invités à devenir Membre à vie:
un
souci
Société,
TOUS CEUX qui, résidant hors
Tahiti, désirent recevoir le
Bulletin.
TOUS LES jeunes Membres de la
Société.
TOUS CEUX qui, quittant Tahiti
s'y intéressent quand même.
a*
DE
SOCIÉTÉ
LA
D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE.)
TOME V
IV"
5 8.-
(N° 17)
DÉCËM1MIE
1S>3 6.
sommaire
Pages
Actualité.
Compte-rendu de la Fête du Folklore tahitien
Allocutions de MM. Bodin et Ahnnc
659
663-666
Folklore.
Origine du Cocotier aux Tuamotu, légende commu¬
niquée par M. J. Malardé
Légende de Kio, recueillie et traduite par le R. P. Paul
Mazé
671
674
Divers.
Bibliothèque et Musée-Dons et achats, L. R
Société des
Études
Océaniennes
681
r
Société des
Études
Océaniennes
Compte Rendu «le la Fête du Folklore Tahiticn
Le mardi 22
Septembre 19-36 le pavillon lahitien fut arboré
parles nombreuses autos se rendant à la fête du Folklore
Tahilien, dans le district de Punaauia.
Le programme avait été élaboré peu de jours avant par le
Président et le Bureau de la S.E.O., auxquels s'étaient joints
MM. Lherbier, Président de la Commission d'organisation,
Henri Juventin et P.I. Nordmann, membres.
Il comportait la visite d'une grotte renfermant des osse¬
ments anciens et une série de "marae", dont les derniers
devaient être ceux de la Pierre Atehi, où la fête se terminerait
par un déjeuner tahitien.
Le rendez-vous eut lieu à 8 h.
30,
en
face du temple protes¬
tant de Punaauia.
Monsieur le Gouverneur Sautot, M. Ahnne,
Président delà
S.E.O., M. Lherbier, Président du Syndicat d'Initiative, de
nombreux invités et environ une centaine de membres de la
voitures et se
dirigent à travers la propriété de la famille Bourgade vers
la montagne, au flanc de laquelle se trouve la grotte, vérita¬
ble ossuaire, où les Tahitiens d'autrefois déposaient les sque¬
lettes de leurs morts, après que le long séjour sur le "paepae"
Société, fidèles au rendez-vous quittent leurs
les avait blanchis.
L'altitude de cette grotte dépasse une centaine de mètres ;
chemin en lacet, nouvellement aménagé, en permet l'accès
un
trop de difficultés. Dès l'entrée, qui est large de 3 à 4
mètres, mais en partie obstruée par l'encombrement des
roches éboulées, on aperçoit une vingtaine de crânes au mi¬
lieu d'ossements humains de toute nature et de débris de
sans
plus petit, contient la tète et les restes
jeune enfant, un autre mieux conservé, mais parfaite¬
ment identique aux autres, est creusé dans un tronc d'arbre
à pain, son couvercle est cousu avec la tresse en fibre de
coco (nape). Phi fémur de grande taille porte une exostose
volumineuse provenant d'une cassure mal soudée. Les den¬
tures des crânes sont complètes et d'une forme parfaite.
cercueils: Un d'eux,
d'un
Société des
Études Océaniennes
—
660
—
Pour
pénétrer au fond, il faut vaincre le sentiment pénible
reptation sur ces ossements, car la voûte n'est
guère élevée que de 80 k 90 cm. : elle continue ainsi sur une
profondeur de 8 à 9 mètres, pour se diviser ensuite, en deux
branches, l'une monte légèrement et est très étroite, l'autre
s'incline et devient plus spacieuse avec une voûte de 2 m.
de hauteur sur une longueur de 30 mètres.
Gênés par la chaleur et l'obscurité, à peine éclairés par
quelques lampes de poche, nous voyons un grand nombre de
crânes joncher le sol et garnir les anfractuosités des parois.
causé par une
Les débris de cercueils sont très friables et les ossements
sont noircis par
l'humidité. Le fond de cetLe salle, devenu
prolonger loin dans la montagne. Le revê¬
tement intérieur montre que nous sommes dans une chemi¬
née volcanique assez commune dans les montagnes de
Tahiti. Ce qui est rare, c'est de pouvoir les visiter aussi faci¬
lement lorsqu'elles contiennent des ossements, soit parce
qu'elles sont difficilement accessibles, soit que le respect
superstitieux dont les entourent les Tahitiens les laissent
inconnues sous les frondaisons qui les cachent.
Encore sous l'émotion de cette poignante évocation des
rites qui accompagnent la mort, la longue file de nos pèlerins,
avides de Folk lore et d'ethnologie, revient sur la plage.
Nous y trouvons les vestiges peu importants d'un marae
n'ayant plus forme de construction humaine.
Les autos repartent emportant la caravane jusqu'au marae
de Puatea où Tenania a Teave, qui fut chef du district, nous
montre un ensemble présentant, malgré l'effondrement des
gradins toutes les caractéristiques de son ancienne impor¬
étroit, semble
se
tance.
Quelques kilomètres plus loin, près de la plage, nous visi¬
un marae mieux conservé
que les précédents et sans
végétation gênant la vue; il constitue le type du monument
k classer et à protéger contre toute
déprédation nouvelle.
Malheureusement pour les photographes le ciel manque de
tons
clarté.
A la Pierre Atehi
dont les
nous
visitons
caractéristiques sont
un
curieux de marae
complètes, au moins
groupe
encore
pour deux de ces monuments. Le troisième
a
dû être utilisé
pour construire des murs de clôture. Près de la Pierre Atej
Société des
Études
Océaniennes
661
—
—
trouve également un simulacre de tombe dit "liuri tapao
ou " huri varua ino " (âme de mauvais chien) qui ser¬
vait autrefois à conjurer une famille contre les calamités
se
uru",
réelles
ou
11 est
imaginaires.
heures
le chef de Punaauia Tèiliotua a Tehei
reçoit fort aimablement M. le Gouverneur ainsi que les convi¬
onze
et leur souhaite la bienvenue. Nous assistons à une joute
d'éloquence à laquelle prennent part M. le Gouverneur
ves
San tôt et M. Ahnne,
avec
toute leur bonne humeur habituelle.
Les
organisateurs du banquet tahitien s'empressent : l'un
d'eux râpe la racine de Kava (piper méthystieum) dont la
pulpe, autrefois, préalablement mâchée, donnait la liqueur
enivrante nommée "ava". Pour la circonstance elle
très proprement
tion.
mélangée à
un peu
sera
d'eau avant la dégusta¬
D'un unanime avis cette boisson
donna
une
idée
assez
fut peu appréciée, elle
détestable du goût des anciens rois
tahitiens qui en recherchaient l'ivresse. Est-ce la consé¬
quence du mauvais procédé moderne de préparation ou le
d'entraînement des dégustateurs ?
assiste à la cuisson du "poë" de manioc,
à l'aide de pierres chaudes, dans un "umete" grand comme
une pirogue. Puis, au roulement des tambours, l'immense
fosse qui constitue le four tahitien est découverte, et, au mi¬
lieu d'un nuage de vapeur odorante, apparaissent, tout dorés
et croustillants, une douzaine de petits ou gros cochons repo¬
manque
Avant le repas, on
sant
sur un
lit moelleux de
bananes, feïs, taro, maiore et
au¬
tres
légumes indigènes.
Sous un long abri en feuilles de cocotier se trouvent deux
tables basses couvertes de feuilles de "purao" en guise de
nappes et d'assiettes. Chacun s'y place comme il le veut, et
comme il le peut, car les sièges sont rigoureusement
pros¬
crits de ce repas essentiellement tahiLien, aussi bien que
couteaux, fourchettes, cuillères et autres ustensiles dont
nous avons
les noix de
Des
coutume d'embarrasser notre existence. Seules
coco
couronnes
sont admises comme bols et comme coupes.
de lleurs sont
convive et le repas se
placées sur la tète de chaque
poursuit au milieu de la plus franche
gaieté.
Voici l'heure des discours
Société des
:
Le Conservateur du Musée
Études
Océaniennes
ex-
l'historique des différentes fêtes du Folk lore tabitien.
Société parle des anciens "marae".
Enfin, Monsieur le Gouverneur San tôt, dont la cordialité
bien connue crée toujours une heureuse influence dans toutes
les assemblées qu'il préside, fait, dans une brillante impro¬
visation, l'éloge de notre dévoué président et des organisa¬
pose
Le Président de la
teurs de cette fête
se
"si bien réussie" et où il est heureux de
trouver.
Il remercie les convives français et étrangers
nombreux à
d'être venus
banquet.
Punaauia qui est la côte la moins pluvieuse de Tahiti est
ce
particulièrement agréable à habiter; C'est aussi le centre
d'une organisation hôtelière très perfectionnée par M. Rivnac ; ces conditions y attirent bien des touristes et concor¬
dent avec le choix judicieux de notre rassemblement.
M. le Gouverneur éprouvant, comme tous les convives,
l'atmosphère de cordialité qui l'entoure, souhaite que ces
agapes instructives et charmantes se renouvellent le plus
souvent possible et entretiennent la joie de vivre en paix et
en bonne entente dans le beau pays de Tahiti.
Les applaudissements se prolongent jusqu'au moment où
la grande taille de M. Rivnac se dresse et domine les convi¬
ves assis sur les nattes posées sur le sol.
J1 s'excuse de son accent étranger, pourtant si sympathi¬
que, et brièvement, mais avec un ton de sincérité émue
remercie M. le Gouverneur des compliments qui lui ont été
adressés.
Bientôt les convives
se
lèvent:
un
"himene", des danses
quelques "patautau" amusants rythmés par les guitares
et les tambours les retiennent encore quelque temps, puis
tous regagnent leurs autos et sous un beau soleil qui toute
la matinée avait été voilé, prend fin la cinquième fête du
et
Folklore tabitien.
Société des
Études Océaniennes
663
—
—
discours dp: m. bodix
Conservateur du Musée
Monsieur le Gouverneur,
Mesdames,
Messieurs,
fui. fondée le 9 septembre
parle très distingué Abbé Rougier, quatrième président
La Fête du Folklore Taliitien
1926
de la S. E. 0.
Son but était; de commémorer la
proclamation du Protec¬
septembre 1842 et aussi de ranimer le souvenir du
passé en faisant connaître les derniers vestiges.
Parmi les brillants organisateurs de ces fêtes je citerai
d'abord la feue reine Marautaaroa Salmon, dont les discours
furent de belles pages d'histoire, animées du glorieux amour
qu'elle eut toujours pour son peuple Taliitien.
La première fête eut lieu à Paea, sous la présidence d'hon¬
torat le 9
neur
du Gouverneur Rivet.
Il y
eut la visite du marae Arahuraliu, situé dans un site
admirable de la vallée, et d'un autre en face de l'école que
regretté sociétaire Orsmond Walker nomma "Piihoro" ;
autre ethnologue M. François Hervé le nomma "Narii". Celte controverse nous a valu l'exposé de 2 magnifiques
légendes publiées dans le Bulletin de notre Société.
La deuxième fête du Folklore eut lieu à Papara le 11
septembre 1927 sous la présidence d'honneur du Gouverneur
Solari. On y visita le marae Taputuarai, situé à 2 kilomètres
notre
mais
un
dans la vallée.
La troisième réunion du 9
naauia où le Gouverneur fut
septembre 1928 eut lieu à Pureprésenté par M. Gentil, Secré¬
taire Général.
quatrième manifestation du 8 septembre 1929 eut lieu
présidence d'honneur duGouverneurBouge.
Le regretté Commandant Lidin exposa les événements de
1774, quand le bateau "Aguila" amena les prêtres espagnols,
premiers Européens qui habitèrent Tahiti.
Ces fêtes ont laissé un brillant souvenir, si brillant même
que pour en dépasser l'importance et offrir un but de pèle¬
rinage et un sujet d'études digne de l'assemblée si distinLa
à Tautirasous la
Société des
Études
Océaniennes
66 i
—
—
guée réunie aujourd'hui, il aurait fallu pouvoir aller au Pari
ou même quitter l'île et par¬
visiter la célèbre vallée Vaiote
tir
vers
Moorea
ou
les Iles Sous-le-Vent. Malheureusement
voyage, si petit soit-il, est impossible a beaucoup de nos
Sociétaires, il fallait donc se contenter d'un pèlerinage moins
éloigné et encore inexploré.
un
#
#
C'est
sous
la direction
particulièrement active et avertie
de M.
Lherbier, Président de la commission nommée par
notre Société d'Etudes Océaniennes pour organiser la fête
du Folklore, que nous avons recherché les marae de Tahiti
à visiter cette année.
Notre attention
porta d'abord sur celui de Pneu. Des
signalé au respect des Tahiliens,
à lui seul, défendre son existence et montrer,
se
événements récents l'ont
car
il
a
su,
disent les
peuples africains, que "plus un fétiche est
vieux, plus il est puissant." Puisque nous avons décidé d'a¬
bandonner Pueu, éloigné de Papeete et trop délabré, per¬
comme
mettez-moi tout
au
moins de
vous en
conter l'histoire.
On voulait, il y a
quelques temps, utiliser les restes de ce
"marae" pour combler les ornières delà presqu'île, les gran¬
des pierres des coins et celles qui forment les assises des
gradins allaient être arrachées les premières, lorsqu'en re¬
tournant un bloc, on se trouva face à face avec un "Tiki".
Il était de taille moyenne
et n'avait
comme
forme humaine
qu'il fallait pour représenter une idée, mais une idée
est toujours une force et il existait encore dans le grain rude
de la pierre un peu de ce que des générations ont adoré, im¬
prégné de leurs angoises, de leur reconnaissance ingénue,
ou de leur confiant désir. Ces ondes
qui autrefois ont péné¬
tré cette idole ne sont certainement pas matérialisées, elles
sont prêtes à renaître après y avoir été si souvent ensevelies.
A la vue de ce "Tiki", les travailleurs de la route eurent
conscience de commettre un sacrilège, certains quittèrent
le chantier, d'autres plus audacieux arrachèrent encore des
que ce
morceaux
du vieux monument, mais ils cessèrent leur dé¬
molition
quand ils s'aperçurent, que ce tiki gardait les
tiges d'un ossuaire.
La foi dans le
symbole et tout
Société des
Études
ce que
le
Océaniennes
sauvage
ves¬
aïeul
a
—
665
—
ce temple jadis sacré, toute l'inquiétude du mys¬
qui nous fait vivre et mourir, tout ce qui prouve que
l'idée n'est pas morte et se renouvelle toujours, sauva le
mis dans
tère
marae
et le tiki de Pueu.
sur le tas croulant des pierres, l'idole
de son prestige ancien. J'espère qu'elle y
restera longtemps car je ne souhaite à personne de tenter la
vengeance de ce petit dieu en l'enlevant de son ' ahu".
Dressé maintenant
a
retrouvé
un peu
Suivant les croyances séculaires, mystérieuses sans doute
mais souvent confirmées par l'expérience, le profanateur
risquerait les pires tourments avant d'attirer sur lui et les
siens la décrépitude et la mort.
Défendons les marae, sauvons-les de la destruction et,
puisque j'ai l'honneur de parler devant M. le Gouverneur
Sautot, notre Chef éminent, devant M. Ahnne, Président de
la S. E. 0. et l'élite intellectuelle de la Colonie, je suis cer¬
tain que ma respectueuse émotion, en pensant au passé, est
largement partagée.
II.
Société des
BODIN.
Études Océaniennes
—
666
—
ALLOCUTION DE M. AHNNE.
Président de la S. E. O.
Mesdames et Messieurs-,
Je crains que
beaucoup d'entre vous n'aient été quelque
désappointés en contemplant les tas de cailloux que
nous leur avons présentés ce matin.
Et, il est évident que
nos pauvres et frustes " marae " ne
rappelent en rien les
ruines d'Angkor ou de "Memphis", pas
plus que les infor¬
mes images de nos dieux
polynésiens ne sauraient être com¬
parées aux statues de la Grèce antique ou même au Sphinx
peu
de Mernnon.
Mais
dant
ce
son
laissées
sont les seuls
charme et
sur
sa
le sable de
vestiges d'un passé qui eut cepen¬
grandeur, les seules traces qu'aient
ces îles riantes ceux
qui y passèrent
avant nous,
trouver
le seul livre où le chercheur et l'érudit peuvent
quelques souvenirs d'un peuple qui ne fut jamais
tourmenté du désir
d'exprimer par l'écriture ses pensées,
joies. C'est à ce titre que ces ruines,
quelque informes qu'elles soient, méritent notre attention et
ses
souffrances et
ses
notre
respect.
Qu'était-ce qu'un "
son
marae " ? Quelle était sa destination,
publique et privée ? Voilà ce que je vou¬
de vous exposer, en quelques mots aujourd'hui.
rôle dans la vie
drais essayer
#
#
*
Les anciens Maoris étaient excessivement
religieux.
Aucune cérémonie de la vie sociale, aucun acte de la vie
privée ne pouvait avoir lieu sans qu'on eût, au préalable,
imploré l'aide et la protection des dieux tutélaires.
Guerres, expéditions lointaines ou simples traversées d'une
île à l'autre, construction d'un marae ou d'une modeste
case,,
lancement d'une pirogue, départ pour la pèche, plantations,
récoltes, amusements, rien n'était entrepris sans les céré¬
monies et les prières rituelles.
Nombreuses étaient les divinités invoquées dans ces dif¬
férentes occasions : il y en avait
pour tous les rangs de la
Société, pour toutes les circonstances, pour toutes les pro¬
fessions. Depuis le sanguinaire Oro
qui demandait sans cesse
Société des
Études
Océaniennes
de nouvelles victimes humaines jusqu'au rusé IIi.ro
plaisait à
qui
se
protéger les voleurs.
T.aaroa le Créateur était le père de 38 dieux supérieurs et
l'ancêtre de nombreux dieux inférieurs; car, comme dans
l'Olympe des Grecs, il
laient volontiers
aux
y
avait des démi-dieux qui
humains.
se
mê¬
pauvres
Tous
ces dieux avaient naturellement leurs
images sa¬
petites ou grandes statues sculptées grossièrement
dans la pierre, ou plus artistement dans le bois,
qui se
dressaient au bord de la mer ou des rivières, à l'entrée des
marae " ou des simples cases.
crées:
"
Ce sont les " tiis "
nombreux
" tikis"
dont vous avez pu voir de
Musée de Papeete et dont quel¬
celui de Pneu dont nous a parlé M. Bodin,
ou
exemplaires
au
ques-uns, comme
veillent encore sur les ruines de leurs anciens "
Quelquefois, et
n'étaient
marae
les moins puissantes et les
moins révérées, ces idoles n'étaient que de
simples pièces
de bois, de quelques pieds rie long, enveloppées de " tapa"
ou de fibres de cocotier et ornées d'une touffe de
plumes
jaunes
ce
pas
ou rouges.
Dans les
grandes occasions, toutes ces idoles étaient pré¬
marae " pour en renouveler la puissance ; nous
dirions aujourd'hui, pour recharger leurs accumulateurs.
sentées
Les "
au
"
marae
" étaient les
On les divise
national, le
temples de ce peuple si religieux.
généralement en trois catégories: le marae
marae
local
ou
de district et le
marae
familial.
Kenneth
Emory qui a passé plusieurs années à Tahiti'et
publié un livre très complet et bien documenté sur les " ma¬
rae " de nos îles (Stones Structures in the
Society Islands. Bisliop Muséum - Honolulu) fait remarquer avec beaucoup
d'à-propos que ces trois s-ortes de " marae " par la position
qu'ils occupent dans trois zones bien distinctes de nos îles,
correspondent aux trois classes de la société tahitienne de
l'époque ;
des promontoires et du littoral appartenaient
princes " les hui-arii ".
Ceux des baies profondes et d'une zone intermédiaire entre
la mer et la montagne étaient élevés par les petits chefs et
Les
marae
aux
les notables " te lmi raatira
Société des
Études
Océaniennes
—
Enfin les
marae
6GB
—
de l'intérieur étaient
ceux
des
prolétaires,
des petites gens
"les manahune".
A l'appui de cette répartition, Emory cite ce passage du
chant de la Création publié par Teuira Henry dans son livre
(Ancien! Tahiti) :
« Les longs promontoires
furent l'héritage de la royauté
« et de la noblesse ; c'est là
que s'élevaient les grands tem« pies qui ne pouvaient être cachés. — Les baies
profondes
« échurent aux chefs
Dans l'intérieur, bordant les pro« priétés des
grands se trouvaient les terres des plébéiens (1).
En somme, il n'y a rien de nouveau sous le soleil et pas
grand chose de changé aujourd'hui.
Les princes, les puissants, les 200 familles de ce temps-là
avaient choisi les meilleures places au soleil : le bord de
mer, les promontoires ; c'est plus agréable, mieux aéré, on
voit passer les bateaux.
—
Derrière eux, mais
au
fond des baies
ou sur
les terres fer¬
tiles du
littoral, s'établirent les chefs et les bons bourgeois.
Enfin, derrière eux, le fond des vallées et les montagnes fu¬
rent laissés aux petites gens.
C'est toujours la même chose : à Papeete comme sur la
Côte d'Azur, les terrains de bord de mer ont le plus de valeur,
ils sont la propriété des privilégiés de la fortune. Puis vien¬
nent les bons bourgeois, les magasins, le commerce. Enfin,
tout à fait en arrière les pauvres diables qui piochent la terre
et font, le coprah.
Seulement, de nos jours, ce ne sont pas toujours les mô¬
mes qui occupent les mêmes marae.
De temps en temps ceux qui sont derrière s'ennuient et
veulent
Mais
avancer
çà, c'est
Tous les
laire
d'un
une
marae se
ou
deux rangs.
autre histoire.
composaient d'une enceinte rectangu¬
par des pierres dressées,
quelquefois pavée et limitée
(1) G te outu roroa te 'ai'a fenua o te hui ari'i, toi reira te marae nui ote
fenua, e.'ore e mo'e. 0 le 'o'o'a hohonu te 'a'ia fenua o te hui raatira. Tei
tai e tei uto te fenua o te taata ri'i, e piri haere ia fenua i to te feia mana.
T.
Société des
Henry
Études
—
Ancient Tahiti,
Océaniennes
p.
403.
—
669
—
l'extrémité de laquelle s'élevait l'autel (ahu) sorte de py¬
tronquée à plusieurs degrés formée de pierres as¬
semblées sans ciment et souvent soigneusement taillées à
à
ramide
la hache de
pierre.
Mais ils différaient sensiblement par la grandeur de
ceinte, la hauteur de l'autel et le choix des matériaux.
l'en¬
grand marae royal de Mahaiateaà Papara dont Wilson
laissé une description très complète et qui ne l'ut dé¬
finitivement détruit qu'en 1865 pour construire, un pont, sur
le Taharuu avait une cour entièrement pavée de 125 m. de
long sur 90 de large. L'autel qui mesurait 90 m. sur 30 com¬
prenait 15 degrés s'élevant à une hauteur de 17 mètres et
était formé de blocs de corail et de pierres balsatiques soi¬
gneusement taillés, ce qui devait avoir nécessité un labeur
considérable étant donnés les instruments primitifs seuls
alors employés.
Le
nous a
Les
marae
des restes
de Nuurua et Umarea dont
assez
on
trouve
encore
bien conservés à Moorea mesuraient 115
m.
de
long sur 66 de large. L'autel avait 6 à 7 étages.
Mais, à mesure que l'on s'éloigne du rivage et que le ma¬
rae diminue d'importance la cour se rétrécit et l'autel s'a¬
baisse de plus en plus.
Dans les
marae
intermédiaires des " liui raatira
"le
ahu " n'a
plus que deux ou trois degrés, cependant il est par¬
fois travaillé avec beaucoup de soin. Ainsi le marae de Arahurahu situé à Paea, au 23° km, à 2 km environ du rivage de
la mer et où eut lieu une précédente fête du Folklore.
Enfin les marae familiaux de l'intérieur étaient parfois très
rudimentaires : une cour rectangulaire indiquée par des
pierres dressées et un " ahu " de 30 à 40 centimètres, sans
degrés ni pierres taillées.
#
#'
#
Dans la cour du marae, en face de l'autel étaient plantées
les " unus " pièces de bois sculptées en l'honneur des chefs
dont les os étaient déposés dans le marae ou dont les crânes
garnissaient les
murs,
Dans les classes
supérieures, les corps après avoir été em¬
simplement enduits d'huile et déssécliés au so¬
exposés sur une claie surélevée, sous un petit
abri. C'était le " tupapa'u " dont on n'approchait qu'avec
baumés ou
leil étaient
Société des
Études
Océaniennes
—
670
—
crainte. Puis, placés dans un cercueil tait d'un tronc d'arbre
péniblement creusé à la hache de pierre, ces restes mortels
étaient déposés sous la voûte du marae à moins
qu'ils ne
fussent secrètement
transportés dans quelque grotte de la
montagne comme celle que nous avons visitée ce matin.
Précaution utile pour éviter toute profanation
des .restesmortels, à cette.époque où les guerres entre districts ou îles
voisines étaient aussi fréquentes qu'implacables.
En cas de défaite, les vaincus
qui n'avaient pu fuir dans
la montagne ne pouvaient attendre aucune
pitié ; les cases
étaient brûlées, les arbres fruitiers
coupés, les marae ren¬
versés et les sépultures profanées.
*
En résumé:
*
*
temples et cimetières, voilà
ce
qu'étaient les
pour les Tahitiens d'autrefois.
Ici encore rien de nouveau : l'àme humaine est la
dans tous les temps et sous toutes les latitudes. Et
marae
la mort cherche à s'abriter à l'ombre du sanctuaire.
S' Denis et le Panthéon, les cathédrales
môme,
toujours
gothiques dont le
petites églises de
campagne où les tombes se serraient autour du.clocher, ne
pourrait-on pas les appeler aussi des marae '?
Et permettez-moi de vous dire que nous
tous, qui sommes
réunis ici aujourd'hui, quelle
que soit notre patrie; nous
avons nos trois
marae, comme les anciens Maoris.
Notre marae national, c'est la patrie
que nous vénérons.
Le marae local, c'est le
village qui nous a vus naître ou la
ville où nous avons fait nos premiers
pas, l'école où nous
avons appris à lire, le clocher
qui.a abrité notre enfance.
Le marae familial est la maison
paternelle, la terre que
nous avons cultivée, le
foyer que nous avons fondé, les en¬
chœur est pavé de dalles funéraires,
nos
fants que nous avons créés et élevés.
Nous pouvons quitter tout cela, partir bien loin au delà
des mers. Mais, comme les Tahitiens d'autrefois
qui empor¬
taient avec eux quelque pierre du marae familial
quand ils
leurs expéditions lointaines, nous aussi
emportons dans notre cœur le souvenir et l'amour de
s'embarquaient
nous
pour
la terre natale.
Société des
Études
Océaniennes
—
671
—
LÉGENDE
Communiquée
par
M. «J. Malardé.
Origine du cocotier
Une
rait,
aux
Tuamotu.
anguille gigantesque nommée Faarnaianun demeu¬
femme Teipotutemcirama dans la vallée de Vai-
avec sa
hiria.
Par crainte et par
femme résolut de le
au
héros
dégoût de son mari l'anguille, cette
quitter et d'aller demander protection
Maui qui habitait la grotte Faana dans le district
de Vairao.
Maui l'accueillit
en
lui disant: "Iiaere
mai,
e tere to
oe"
(Viens, quel est le but de ton voyage ?) - "Aroha mai oe ia'u"
(aie pitié de moi) lui répondit-elle."
-"Que désires-tu de moi"?- Je voudrais que tu tues mon
mari l'anguille."
"J'accepte, dit Maui, mais, jusqu'à ce jour, aucun guerrier
n'a pu tuer Facivuaianuv. 11 faut que je trouve un
moyen".
Après avoir réfléchi, Maui dit à la femme: "Voici ce que
je ferai, je couperai des troncs de cocotiers pour faire à cette
anguille un chemin qui lui permette de venir à terre."
Comme il parlait, l'anguille apparut au large, se dirigeant
vers la terre et suivie par des nuées d'oiseaux dé mer.
Maui prit son "otnore" (massue) et se rendit sur la plage
pour attendre l'arrivée de l'anguille.
"Faaruaianuu, lui cria—t—il, haere mai."
L'anguille répondit: "Ma femine Teipotutemarama n'estelle point venue vous voir?"
Oui, elle est ici.
-
-
-
Rends-la moi*
Je
Le la rendrai pas. Nos
sort. Va la chercher,
forces respectives décide¬
elle est dans ma grotte.
L'anguille se dirigea donc vers la grotte en utilisant comme
chemin les troncs de cocotiers placés en travers par Maui.
Alors celui-ci frappa à différentes reprises la tète de l'an¬
guille avec sa massue. Mais impossible d'en venir à bout,
-
ne
ront de
son
Société des
Études
Océaniennes
—
672
—
elle était
toujours pleine de vie et continuait son chemin en
garde Maui, tâche de réussir."
La tête touchait déjà l'ouverture de la grotte, alors que le
bout de la queue quittait à peine la plage.
C'est alors que Maui se souvint que chez les anguilles, le
point vulnérable est la queue. Il lui asséna alors un coup si
disant: "Prends
formidable
le "hiu"
(queue d'un poisson) que la queue
séparée et rebondit au loin. - "Tu as gagné, Maui, cria
l'anguille, tu m'as tuée"...
Maui sépara alors la tête de l'anguille du reste du corps,
puis il fit un panier où il la plaça et donnant le paquet à Teipolutemarama: "Tiens, lui dit-il, prends cela (taua), em¬
porte-le et ne le dépose que quand tu seras parvenue à l'en¬
sur
fut
droit d'où tu viens."
Cette femme
se
mit donc
route
en
portant la tête de
son
mari, l'anguille. Mais arrivée à Pani dans le district de Vaiari, se sentant fatiguée, elle oublia la recommandation de
Maui, posa son panier à terre et se baigna dans la rivière
qui coule en cet endroit. Mais elle eut beau se frotter, elle
parvint pas à se nettoyer.
Elle sortit de l'eau et, sans penser à son paquet reprit sa
ne
route
vers son
lieu de naissance.
Arrivée à l'embouchure d'une nouvelle
rivière, elle se bai¬
de nouveau et se sentit purifiée.
C'est pourquoi depuis ce temps-là, cette rivière s'appelle
"Vaima" (eau pure).
Bientôt elle parvint à l'embouchure d'une autre rivière et
c'est là seulement qu'elle s'aperçut qu'elle avait oublié le
panier contenant la tête de son mari. Aussi cette rivière pritelle le nom de "Vaille" (l'eau où on se souvient).
Teipotutemarama revint alors sur ses pas jusqu'à Pani
pour reprendre son paquet. Mais la tête de l'anguille avait
disparu et, à la place, il n'y avait qu'un jeune cocotier.
Elle se prit alors à regretter de n'avoir point suivi à la let¬
tre les ordes de Maui, car, dit-elle, si je lui avait obéi, je pos¬
séderais aujourd'hui tous les cocotiers.
Elle se mit en route mais, arrivée à Mataiea, son pays d'o¬
rigine elle mourut parce quelle avait enfreint les ordres de
gna
Maui.
#
Société des
#
#
Études
Océaniennes
—
673
—
Cependant le jeune cocotier ayant grandi produisit deux
fruits
qui tombèrent à la mer. L'un était mâle et l'autre fe¬
melle, pourtant tous deux étaient bien des "opaa."
Portés par les flots, ils partirent à la dérive et, atteignirent
ainsi l'île d'Anaa, dans les Tuamolu. Le mâle mourut, et
seule la femelle aborda sur la plage. •
"Qu'est-ce que ce fruit étrange? se dirent les habitants
d'Anaa, essayons de le planter; nous verrons ce qui en sor¬
tira;
Le
germa, donna une tige, puis des feuilles: il gran¬
porta des fruits.
Les habitants d'Anaa prirent ces fruits et les
plantèrent
jusqu'à ce que l'île fut toute couverte de cocotiers. Ils eurent
alors 1 idée de manger ces cocos et les trouvèrent délicieux.
Le cocotier se répandit ensuite dans toutes les îles et les
habitants d'Anaa prétendirent que cet arbre était origi¬
naire de leur île, car ils ne pouvaient savoir qu'il venait de
Vaiari et qu'il était sorti de la tête d'une anguille.
coco
dit. et
Société des
Études
Océaniennes
Légende de Kio.
(Récit de Huarei
C'est
ches,
un
a
Raka, de Vahitahi traduit parle R.P. P. Mazé)
conte. Je connais ce
récit, de
par mes
deux bran¬
branche Maragai
(la mère) et ma branche Tapuhoe
(le père). Je vous rapporterai ce que j'ai retenu.
L'homme, dit-on, s'appelait TU, la femme KUHIKIAVE.
(Kuhikiave dans le récit Maragai, et Roi dans la légende
Tapuhoe). Les deux époux habitaient leur demeure. Un jour,
ils allèrent chercher de quoi rassasier leur faim. I,a femme
ma
était enceinte.
Ils montèrent à bord de leur
pirogue et partirent à la rame,
pâte de rochers, ils y fixèrent leur ancre. Tous
deux commencèrent à pêcher. La femme
plongeait ses bé¬
nitiers (tridacnes) par le fond, et remontait sur la
pirogue
les ouvrir. Le mari lançait son hameçon, et
quand il attra¬
pait le poisson, le hissait à bord pour le décrocher. Ils con¬
tinuèrent ainsi jusqu'au bout.
Alors Tu appela sa femme: Viens, dil-il, retournons à la
maison. La femme répondit: "Oui, encore un seul
plongeon."
La femme plongea donc.
Distrait, par ailleurs, Tu la vit émerger du sein des flots ;
il pensa que c'était bien sa femme. Or c'était Kio, celte femme
qui émergea.
Kio avait emprunté totalement la forme de Kuhikiave. Elle
grelottait de froid, paraissait enceinte. Et Kio d'inviter Tu à
ramer à terre. (Elle porte deux noms, celui de Kio et
la Femme-qui-hante-la-pierre à chaux).
Us se préparèrent donc à partir, levèrent leur
ancre, et ils
arrivés à
un
ramèrent tous deux. Ils n'étaient pas encore
éloignés du pâté
Kuhikiave émergea à son tour. Elle regarda,
pirogue était partie! Aussitôt la. femme de crier à son
de rochers que
la
mari
:
'Tu, Tu, reviens
me
chercher. C'est
une
étrangère
tu
que
emportes là. C'est La femme-hante-pierre à chaux; me
voici, moi Kuhikiave.
Kio, de son côté, dit à Tu: "C'est moi, Kuhikiave, celle
Maragai — signifie autochtonne, daiis la bouche des Vahitahi.
TapnJwe — habitant de l'Ouest, particulièrement Amanu, Hao.
Société des
Études
Océaniennes
—
67 H
—
qui appelle là, c'est La fem.me-liante-pierre à chaux. Il y
eut donc contestations, et Tu se trouva induit en erreur. Il
continua de ramer, et tous deux, ils arrivèrent à leur de¬
meure.
Cette femme. Kio,
pénétra dans la maison, se vêtit des
Kuhikiave, et chez elle désormais, tressa les
nattes avec les feuilles depandanus apprêtées par Kuhikiave.
Elle demeura avec son mari (?), et quand arrivait l'heure de
faire cuire les aliments, elle allait les faire cuire. Elle servait
d'abord les enfants, puis Tu.
Elle agit ainsi, soir et matin, environ trois jours. Il arriva
qu'au moment où mangeait leur père, les deux enfants sur¬
vinrent à point. Ils s'assirent tous deux et voyant que leur
père mangeait une nourriture convenable, ils le questionnairent: Tu manges une nourriture excellente? C'est ce que
nous mangeons tous. Notre nourriture à nous deux est d'ex¬
créments, notre boisson de l'urine.- Alors Tu comprit que
cette femme n'était point la sienne, que c'était bien La-fem
me-liante-pierre calcaire.
Aussitôt, Tu alla fermer toutes les issues de la maison.
Ce qu'entendant Kio interpella Tu: "Qu'est cela, dit-elle,
pourquoi fermer ainsi la maison? L'obscurité m'arrête en
mon travail de tressage (de natte)." Elle s'imagina que Tu ne
voulait, tout simplement, que fermer les issues.
Tu frotta vigoureusement les deux pièces de bois pour pro¬
effets
secs
de
duire le feu et embrasa la maison tout autour. La maison de¬
vint la
proie des flammes, et La femme-hante-pierre à chaux
longtemps en spectateur. Une
détonation se fit entendre dans la maison, et quand ils allè¬
rent en chercher la cause, ils découvrirent que c'était la chaux
qui avait éclaté.
(Un autre nom de Tu, est Iliro.)
Revenons à la femme Kuhikiave. Abandonnée par Tu, elle
se dirigea à la nage du côté du levant. Elle était grosse de
l'enfant qu'elle portait dans son sein. Elle nagea, et nagea
longtemps. Elle ne se reposa que sous le refuge du soleil.
Là, elle mit au monde son enfant, lui prodigua ses soins. Ils
y établirent leur demeure.
Retournons au mari et aux enfants. Ceux-ci étaient ju¬
meaux. l'un s'appelait Te-Pukihiti, l'autre Te-Ra-Marama.
Ils partirent tous deux sur l'ordre de leur père, à la rechersubit le même sort. Tu assista
Société des
Études Océaniennes
—
676
—
che dé leur mère. Ou ignorait si ellé était vivante ou morte.
Ils obéirent donc et
Au pays
se
mirent
en
route.
où ils arrivaient, ils demandaient: "N'avez-vous
la nage de ce côté ci ?" On
elle s'est dirigée à la nage
pas vu la femme qui est venue à
leur répondait: "Voyez plus loin,
du côté du levant." Ils continuèrent tous deux à nager, sans
discontinuer. En trois pays,
et même davantage ils posèrent
question et reçurent la même réponse. Enfin, au dernier
îlot, on leur répondit : " Venez prendre un peu de repos, et
demain vous continuerez. Ils se reposèrent là et le lende¬
main matin, on leur dit : "Continuez votre marche jusqu'au
lieu de repos du soleil (c'est-à-dire, la mer) Allez donc
tous deux, et quand vous verrez votre mère, rampez'en sa
demeure, ne bougez pas, vous ne l'attraperiez pas, elle est
transformée, elle jouit d'un pouvoir magique. Mais quand
vous verrez qu'elle rampe en dehors de sa demeure, plon¬
gez, saisissez-la; du coup vous l'aurez." Les deux enfants
allèrent à l'endroit indiqué monter la garde. Ils ne virent pas
leur mère ramper en dehors de chez elle, mais la voyant
ramper à l'intérieur, ils plongèrent sur elle et la saisirent.
Elle s'évanouit sous le coup de la violente surprise. Les deux
enfants lui prodiguèrent des soins si dévoués qu'elle revint
leur
à elle.
Ils
les
pleurèrent de joie en retrouvant leur mère et celle-ci
accueillit par ce refrain (pelie)
C'est bien Te-Pukihiti, et Te-Ra-Marama, vous deux
Et c'est bien moi Hiro (Elle s'identifie à son mari)
a
C'est moi Roi
Après ces témoignages réciproques d'attachement, la mère
aux deux jeunes garçons d'aller chercher leur petit
frère, au fond, dans la demeure. Ils obéirent sur le champ.
Les voilà parés pour le retour au pays. Ils se mirent en
route évitant de marcher le jour. Ils rougissaient de ce que
leur mère n'avait pas devêtements. Lejour, ils se cachaient et
la nuit ils avançaient. Ils agirent ainsi jusqu'à leur demeure.
ordonna
Fin
Société des
Études
Océaniennes
—
677
—
Légende de Kio
Huarei
par
a
RAKA
de
VAHITAHIAoût 1935,
i taua kerere ra i taku na kapakapa e i te, i teku kakapa Maragài, e i taku kapakapa TapuE kerere îa.
Ua rogo vau
hoe.
E fakakite
ra vau
kia koe tei maii mai iaku.
(Kuhikiave no te kapakapa Maragai ïa, ta to Tapuhoe ra
ïa) Nolio ai raua i te raua lienua, e e rnahana haere
ko 11 oi
atura ki te oge.
ki ruga i te raua vaka,
ki ruga i te karena ; liakamau atu
ra i te manogi. Hakamata'tu ra i te ravakai raua ga rurua.
Ka ruku atu ra te moliine i raro i tana toroio, hoki mai ki ruga
Ua tama hia te moliine. Katu atu ra
hohoe atu
ra.
Tae atu
ra
kapoka'i. Na reira hoki te kaefa, hakaruke i tana kaneliu ki
raro, e kia roaka, e more mai e liakahemo ki ruga i te vaka.
Na reira ihe
e
ra
Tè ki te moliine
hono atu
va'tu
ra
ra
:
tae noa'tura i
te-fakaealiaga. Poro atu
ra
Ka haere mai, ka hoe taua ki te henua. Pa-
te moliine :
taua moliine
E, kerari ra toe mariavahaga. ManaNevanevalura e TU, ki te atu ra i
ra.
te punaha mai ra ki ruga i te teau, manake
ko tona iho moliine. Ko KIO ra teie moliine, ua
taua moliine ra,
ilio
ra o
TU
e
hakatau i tona faite taatoa kia Kuhikiave, hakapeu loketoke,
hakapeu moliine tama hia. Reko atura e Kio : E hoe ake taua
ki uta. (E i te ona igoa, o KIO, e ko te Mohine-tihoro-puga).
Fakaineine atu ra raua, liakahemo i ta raua manogi, Hohoe
ake ra raua, e kaore i ate te karena, punaha niai ra o KUHI¬
KIAVE ki ruga, hipa'tu ra oia ua reva to raua vaka. Te poroliaga a te moliine : E TU, e TU e, ka toki mai iaku, moliine
MOAIME-T11IORO-PÙGA tena, teie vau ko
KUHIKIAVE, Reko atu ra o KIO Kia kiI u : Teie vau ke KUHI¬
KIAVE, tera e poroporo mai ra ko te MOHINE-TIHORO-PUGA.
Taumaro atu ra, e vare mao ti o TU. Hoe atu ra i- uta, e ua
ke tena, ko te
tae raua i te henua.
Haere taua moliine
taua mohie
tau
ra.
ra
ki te fare, tamaro ki te liaga o KU¬
i te tare, raraga'tu rai te rau l'ara a
Nolio atu ra i to raua galii, e kia tae ki te liaga
HIKIAVE. Tomo atu
ra
neki i le maga, ua haere e neki i te maga. Ua laagai oia
Société des
Études
Océaniennes
678
—
i
—
tamariki na mua, e na mûri ta TU maga, na reira e ruki
pogipohi, e toru palia ra Ka kai to raua mohea kaefa i te
maga, tano atu ra to na tamaiti taeliaga. Noho atu ra raua,
e kite ake ra e e maga viru ta to raua mohea e kai
ra, ui atu
ra : E maga maori ta au maga e gau nei
Na maga iho a
ta tatau e gau nei.-Ta maua maga e tutae, ta maua kami e
rigirigi. - I reira e TU i pago ai, e ere teie mohine nei i te
na
e
mohine
rnau
MOHINE-TIHORO-PUGA
nana, o te
ra.
To TU
haerehaga e kopanipani i te mau uputa. Fakarare
KIO, tuporo mai ra kia TU : E aha tena, kepanipani ai
i te kàmaru, e mea po uri toku nei vekeveke. Oi lie taua
mohine ra, e e meo kopanipani noa o TU i te haga uputa.
Hikahika'tura o TU i te ahi, tutugi aturai te kamarn. Kama'tu
ra te kamaru,
tutugi e liakataka roa te katnaru. Kama'tu ra
te kamaru. e taua MOHINE-TIHORO-PUGA ra. Te noho haga
aLu
o
ra o
TU
e
mea roa.
Poko atu
ratou rokohia'tura
ra
e
ra
puga
i roto i te kamaru. Ka mataki
tei poko.
(Te tahi igoa o TU o IilRO ia).— (E lioki tatou ki te mohine).
haga hia e TU, kau atu ra o KUHIKIAVE ki te
I taua titiri
hitihaha
ki te
o
hitiga
te
ra.
o
te
Ua turaha tana tama
fanau tona tama
raua
;
kau noa'tu kau noa'tu
Noho atu ra ki raro ake i maru o te ra. Ua
i reira, koukou atu ra iana. Noho atu ra
ra.
ki reira.
(Hoki tatou ki te kaefa e ki na tamariki.)
E nau maehaa, o TEPUKIHITI te tahi, o TE-RA-MARAMA
te tahi. Ua haere raua, fakaue hia e to raua mohea e kimi i te
mohine. Kaore i pa mai te rogo e e mea ora anei, ka kore
ra ua mate. Hakarare raua e ua haere e i tahi hehua, ua ui
raua:
Ua
Kaere koutou i kite i te mohine i kau ake
pahono ratou: Tena
haere
ua
kau atu ki te hitiga
i
na
o
ko nei?
te ra. Ua
te kimi, e ua kau atu, e ua kau. E geti, e rahi
pera'i raua, c i na reira hoki te pahono haga. I
te motu liopega na ko mai ra ratou : Ka haere mai, ka moe,
e kia pogipogi ka vavi ai. Ua noho raua i reira, ua moe, e kia
pogipogi. Ua na ko atu ra ratou kia raua : Haere korua ki
raro i te maru o te ra (e teau iho a), e haere korua, e kia ki
te koruai, i te korua mohea mohine te konekeneke atura i
tona gahi ra, auraka e hauti, e kore ïa e roaka ia korua, ua
hoahoaatua hia oia. (Oia hoki, ua manamana nia oiu).
atu
a
raua
henuai
Société des
Études
Océaniennes
—
679
—
Kia hipa ra korua e ua konekoneke ra
ka haru iana. I taua haruhaga e roaka'r
ki vaho, ka ruku, e
Haere atu ra raua i
taua galii ra e tia'i. E kaore hoki raua i ki te i te koneke nekehaga na vako, kua ki te raua iana i t e konekene ke liaga na
roto, e ruku aLu raraua i te raua mohea mohine, hititika tura
oia. Tabutu hia'kera oia e taua nau tainaiti, oia i tu mai ki
ruga. Tutagi atura raua i te fakarereiliaga i to raua mohea
mohine, ua huakuku (pehe) atura ra to raua mohea ia raua :
KO TE-PUKIHITI, ko TE-RA-MARAMA
Ko
vau
ko
Hiro, Ko vau ko ROI.
Oto akerato ratou
ia
raua e
liaere
e
tutagi. uakakaue to
mohea mohine
raua gahi. Ua
hoki ki to ratou henua. Ua hoki ratou,
toki i to
peraraua. Ua ineine e
kaore i haere i te aoina,
kaore
e
teina i
raua
raua
raro
i to
uahakama i to raua mohea mohine,
kopiripiri, et kia ruki, ua liaere, e
harni. Kia aoina,
tae noa'tu i te henua.
Note «le la R
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 58