B98735210103_051.pdf
- Texte
-
Bulletin
S"
de
I
.
Société
la
des
B
ÉTUDES OCÉANIENNES
No
51
TOME Y
(No 10)
SEPTEMBRE
Anthropologie
Histoire
—
des
—
1934
Ethnologie
Institutions
—
Philologie,
et
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
—
Sciences naturelles
Tourisme.
IMPRIMERIE
A
DU
GOUVERNEMENT
PAPEETS
(TAHITI)
,
Les articles publiés dans le Bulletin, exceptés ceux dont l'au¬
a réservé ses droits, ^peuvent être traduits et reproduits
à la condition expresse} que l'origine et l'auteur en seront men¬
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au
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i° Le
20
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Kn
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TOUS LES
TOUS
jeunes Membres de la Société.
CEUXqui, quittant Tahiti s'y intéressent quand même.
de
la
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES
(POLYNESIE
OCÉANIENNES
ORIENTALE)
——i-
TOME V
IV* 51.—
(N° 10)
SEPTEMBRE 1934.
SOMMAIRE
Fages
Assemblée Générale.
Compte-rendu de l'Assemblée
Générale du 15 juin 1934. 341
Klhnolocjie.
de P. JOURDAIN
347
l'Aorai (L. JARDEL)
330
Rurutu, notice
Tourisme.
Ascension de
Folklore.
La
légende de Tafai
(suite) traduction de E.
AE1NNE
335
Littérature.
Les
cocotiers, sonnet de
360
R.P
Histoire.
Krusenstern en
361
Océanie (COTTEZ)
NOTE de la Rédaction : Le numéro
cré entièrement à P. LOTI ayant été
naire, nous avons, par mesure
du 2e trimestre.
50 de notre Bulletin consa¬
plus volumineux qu'à l'ordi¬
d'économie, supprime le
Bulletin
Société des
Études
Océaniennes
COMPTE-RENDU
))
)>
)>
6.1/2
th.
217.1 18.1/2 17. •16. /2 15.1/2 14.1/2 12.
14.
17.
16.
17.-1/2 24.1/2 17.1/2 19.1/2 19.1/2 13.1/2
21.
19.
8.
15. 11.
9.
th.
Altiudes
Heures
etaD
m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m. m.
1.575 (iOO 1.610 1.575 1.580 1.60 1.60 1.600 1.600 1.620 1.6 0 1.720 755 1.810 1.880 1.950 970 2.045 2.105 2.172 2.172 2.172
1.
h. h. 11. h. h. h. h. h.
6
13
2(1
14
suite
1
1
15
!ik1c de Monoihere et
de Tafai (Suite).
D'ap rès Tetiira Henry (Ancien Tahiti) et la tradition
par Madame Walker. (Voir Bulletin ir 49.)
recueillie
Quand Hina revint, elle regarda à travers les bambous qui
formaient les parois de la case et elle vit Nona qui dévorait
les mains, les pieds et la tète d'un homme.
Oh, s'écria-t-elle en pleurant, voilà ma mère qui mange
mon époux ! "
Aussitôt, elle courut à la grotte, et, sur le sol. elle aperçut
le cœur de Monoihere qui palpitait encore. Elle le prit, l'avala
tout entier et en devint enceinte. Elle mit au monde un fils
nommé Hema qui fut le père du célèbre Tafai dont la mère
était d'origine divine.
Voici comment Hema devint l'époux de cette déesse.
Un jour, sa mère lui dit : "Lève-toi de bon matin et va
creuser un trou dans la rive droite de la rivière Vaipoopoo à
la pointe de Haapape. Cache-toi dans cette excavation et
bientôt tu verras venir se baigner une femme des régions
souterraines d'une grande beauté. Par derrière, saisis-lui les
cheveux, car elle est très vigoureuse, emporte-la et ne la
laisse pas toucher terre avant d'avoir, sur ton chemin, dé¬
passé quatre maisons.
Ainsi fit Hema: au moment où les premiers rayons du
soleil apparaissaient, il terminait son trou et s'y cacha soi¬
gneusement. Bientôt, il vit paraître la déesse qui entra tran¬
quillement dans l'eau, plongea, nagea, jouant dans l'eau
comme 1111 poisson. Son bain fini, elle dénoua sa longue
chevelure qui recouvrit ses formes admirables et s'assit sur
la berge tournant le dos à Hema.
Ce dernier s'approcha sans bruit, saisit une poignée de
cheveux qu'il entoura vivement autour de son poignet et,
malgré sa résistance, emporta dans ses bras la déesse qui
se déballait. 11 fuyait vers sa maison, mais quand il eut dé¬
passé, deux habitations, elle le supplia de la poser un peu à
terre. Il accéda à son désir pensant qu'elle marcherait tran"
îes
—
356
—
quillement à son coté. Mais, à peine eut-elle touché le sol
qu'elle s'enfuit et disparut dans une crevasse qui se referma
sur
elle.
Heina rentra chez lui
désespéré et raconta à sa mère ce
qui lui était arrivé. Celle ci lui conseilla de retourner le len¬
demain matin
ne
pas
au
même endroit, lui recommandant bien de
déposer la déesse avant d'avoir passé devant quatre
habitations,
à
Hema ne put manger de toute la journée et le lendemain,
l'aube, il était dans sa cachette au bord de la rivière.
La déesse vint plus tôt que le jour précédent pensant ainsi
échapper à son poursuivant; elle se baigna en liàte et, ne
voyant personne, elle s'assit de nouveau sur la berge tout
près de"Hema.
Celui-ci la saisit comme la veille et, malgré ses efforts
pour s'échapper et ses supplications, il l'emporta jusqu'à sa
maison.
Alors, voyant que les habitants du monde supérieur l'a¬
vaient aperçue
comme sa
me,
dans les bras de Hema et la considéraient
au jeune hom¬
femme, s'étant d'ailleurs attachée
elle consentit à demeurer
avec
lui. Et elle,
une
déesse
mortel selon les rites religieux de ce temps-là.
On lui donna le nom de Hina Taliutalm (la magicienne) à
cause de son origine inytérieuse et de son pouvoir surnaturel,
car elle guérissait les malades, pouvait lire dans la pensée
et prévoir l'avenir.
Elle donna à Hema deux fils : Arihinuiapua et un géant
blond (fui était poilu comme son grand-père et auquel on
donna le nom de Tafaiiriura (Tal'ai à là peau rouge).
Dès son jeune âge, Tafai montra qu'il avait hérité de sa
mère des dons surnaturels et qu'il était en rapport avec les
dieux ; son frère aîné ne fut jamais qu'un chef simple mortel
éclipsé par la gloire de son cadet.
Sans nous arrêter aux menus incidents de la jeunesse et
de l'enfance de Tafai qui tous cependant témoignent déjà
d'une précocité et d'une intelligence remarquables, nous re¬
laterons quelques-uns de ses exploits quand il fut parvenu à
l'âge d'homme.
épousa
un
C'était alors
un
homme de haute stature,
beau
comme un
dieu. 11 avait des cheveux châtains et lustrés, des yeux
Société des
Études
Océaniennes
bruns
9 ,1' T
—
OD /
—
regard perçant des mains grandes et fortes aux ongles
longs et pointus ; il dépassait de la tète et des épaules tous les
autres hommes. Sa démarche majestueuse gravait l'em¬
preinte de ses pas sur le sol le plus dur. Il devint célèbre
dans tout le pays pour sa sagesse et son adresse. Il excellait
dans tous les arts de ce temps-là. Sa bravoure et sa généro¬
sité lui avaient conquis l'amour elle respect de tout Tahiti,
de sorte qu'il fut élu à l'unanimité chef des guerriers (toaùpootu).
L'amour des voyages était en lui et il se sentait poussé à
accomplir de grandes choses. Il construisit une grande piro¬
gue double qu'il nomma Anuauua (Larc-en-ciel) et poup
l'accompagner dans ses voyages, il choisit un prêtre et de
hardis navigateurs; lui-même était le pilote et l'astronome.
Il prit son Ta'o (lance) qu'aucun autre homme à Tahiti ne
pouvait soulever, sa pagaie que nul que*lui ne pouvait manier
et il prépara une longue ligne de ro'a à laquelle il attacha un
grand hameçon de bois doué d'un pouvoir magique. Ses
hommes préparaient aussi leurs lignes et leurs hameçons
qu'il enchanta et, après avoir accompli les cérémonies reli¬
gieuses habituelles, ils partirent pour la haute mer.
Ils allèrent vers le nord explorant l'Océan sans bornes et
amenant à la surface, avec leurs lignes enchantées, les iles
sous-marines qu'ils devinaient à l'agitation des Ilots. Enfin,
ils arrivèrent à un endroit où la mer brisait plus fortement
que partout ailleurs. Ils s'en approchèrent et découvrirent
au
les îles Ilawai loutes mêlées les unes aux autres
au-dessous
du niveau de la mer.
Tafai jeta sa ligne et la première île qu'il tira fut Ailii, ap¬
pelée aujourd'hui Ilawai dont les deux pics jumeaux mon¬
tèrent, du sein des flots jusqu'à ce que leurs sommets se
perdissent dans les nuages, tandis que les rivages de l'île
s'étendaient jusqu'à l'horizon.
Les Tahitiens la nommèrent plus tard Hawai'ia (Hawaii
embrasée) à cause du feu perpétuel qui sort de son volcan
et pour la distinguer de leur Ilawai du Sud. Tafai pécha en¬
suite Maux qu'il nomma ainsi en l'honneur du héros qui sé¬
para la terre du firmanent. Cette île s'élève également à une
grande hauteur.
Et ils continuèrent ainsi à pêcher jusqu'à ce que toutes les
—
358
—
îles de l'archipel lussent sorties du sein des ilôts. Alors; ces-
intrépides navigateurs revinrent vers le sud pour y chercherdes habitants qu'ils amenèrent dans ce beau pays nouvelle¬
ment découvert, avec leurs dieux, leurs chefs, l'arbre à pain
et d'autres végétaux (1).
Mais un jour vint ou les émigrants du nord et leurs parents
qui vivaient dans les îles du sud regrettèrent d'être séparés
par une si grande distance etTafai qui était retourné à Tahiti
conçut le plan de ramener vers le sud l'archipel de Hawaï.
Avec l'aide de ses compagnons, il prépare de longues et for¬
tes cordes, puis, invoquant les dieux, il amarra chaque île à
sa grande pirogue.
Prenez bien garde, dit-il à ses compagnons, de ne pas
rompre le charme sacré qui doit laire réussir notre entreprise.
Pas une parole, pas un regard en arrière, dès que le mouve¬
"
ment
sera
commencé, sinon les dieux mécontents nous aban¬
donneront ".
ayant été réunies en une seule qui fut
grande pirogue double de Tafai, celle-ci se mit
lentement en marche sous l'effort des pagayeurs silencieux,
courbés sur leur aviron et regardant fixement devant eux.
Et bientôt, les îles aussi se mirent en mouvement et, dans
un ordre parfait, suivirent la grande pirogue.
Toutes les cordes
fixée à la
applaudissements s'élevèrent du rivage; les marins
réjouis de les entendre, mais ils ne se retournèrent pas
et gardèrent le silence.
Dans les îles, la nature entière manifestait sa joie: partout
éclataient les cris d'allégresse et de triomphe des hommes
et des animaux, dominant les sifflements du vent et le bruit
des vagues sur le récif. Les oiseaux chantaient les coqs clai¬
ronnaient, les poules caquetaient, les chiens aboyaient, et,
de temps à autre, les porcs faisaient entendre leurs grogne¬
ments de plaisir, tandis que bien haut dans le ciel, les oiseaux
de mer se poursuivaient avec des cris aigus.
Et toujours, les pagayeurs ramaient en silence, sans regai;Des
furent
(1) Cette légende, comme plusieurs autres, confirme la tradition selon
laquelle l'archipel de Hawaï fut découvert et peuplé par des migrations venant
de Tahiti. Sous une forme imagée, elle décrit avec une vérité saisissante
la manière dont les iles montagneuses de l'Océanic apparaissent peu à peu aux
navigateurs.
der derrière eux, et les iles continuaient à se
mouvoir
sur
les
eaux.
Mais soudain, retentirent les Sourds battements des hum
(tambours de fête) et les sons mélodieux du vivo (llùte de
roseau) accompagnant les chants joyeux du peuple.
Alors à ces accents bien connus, le cœur des matelots fut
ému ; ils ne purent résister à cet appel, Et tous, à l'exception
de Tafai, d'un commun accord, ils se retournèrent et, dressés
sur leurs bancs, ils se mirent à danser et à chanter les hime¬
né
tain tiens.
Aussitôt le charme lu l rompu: les cordes se
dieux irrités refusèrent leur secours.
blasèrent elles
brusque arrêt causa un grand désordre parmi les iles
que remorquait la pirogue : Mawaï continua à avancer tandis
que Kauai etNiihau étaient repoussées en arrière et que les
îles du centre restaient stationnaires entre les deux groupes,
Ce
fragments de rivage détachés par le choc formèrent
petits îlots.
vain, les habitants el les matelots présentérent-ils aux
Et des
autant de
En
supplications. Même les prières de Tafai,
qui n'avait pourtant rien à se reprocher, restèrent sans effet
et il sè vit obligé de renoncer à son entreprise. Et depuis ce
temps-là, l'archipel de ITawaï est resté pour toujours un
groupe d'îles isolées, loin, bien loin, là-bas vers le septen¬
dieux offrandes et
trion.
(A suivre)
■
Société des
Études Océaniennes
360
-
-
VARIÉTÉS.
COCOTIERS.
LES
Comme des promeneurs attardés sur la plage,
Les cocotiers pensifs, sans un frémissement
De leur tête
touffue, enfoncent leur pied blanc
qui plaque le rivage.
Dans le sable d'or fin
Les hauts troncs fuselés
Le
portent nonchalamment
pesant éventail d'un éternel feuillage,
Et les cocos, nichés
en
Somnolent dans leur
l'ombrage,
teint jaune et luisant.
grappe sous
gaine
Tout est calme. La mer,
Près des coraux dressés
au
qui roule
au
large et gronde
barrières profondes,
Pend là le miroir bleu de ses flots attentifs.
—
Amis, si
La douceur
Allez rêver
en
voulez de Tahiti surprendre
langoureuse et le charme si tendre.
auprès des cocotiers pensifs....
vous
R. P.
Société des
Études
Océaniennes
—
36 i
—
&XS&01&JE!
NOTE
sur
L'Amiral de Kruscnstcru
Dans nos notes
(1
770-184:6).
précédentes (1) consacrées à Bellinghausen
Kotzebue, nous avons incidemment parlé de l'Amiral
Russe Krusenstern : nous voudrions aujourd'hui donner quel¬
et à
ques précisions sur la vie de ce marin, qui fut en même
temps qu'un navigateur émérite, un grand animateur, et un
homme de science remarquable dont l'existence a été vouée
à l'Etude de l'Océan Pacifique.
Johann Theodorevitch Von Krusenstern né de parents no¬
bles à Haggund (Esthonie) le 8 Novembre 1770, entre très
jeune à l'Ecole des Cadets de Marine. Il prend part à la guerre
Russo-Suédoise (2) de 1787 à 1789 où il sert sous les ordres
des amiraux Greigh et Tchitcliagoff en qualité d'aspirant de
majorité. La fin de la guerre le trouve Lieutenant.
A cette époque des officiers de marine et des gardes ma¬
rines étaient détachés de temps en temps dans la Hotte bri-
pif Voir les bulletins de la S.Ë.O. du mois de septembre 1933 ir 48,
(3) Guerre, Russo-Suédoise 17HS-1790).
Déclenchée par Gustave lit, roi de Suède qui profite de la guerre engagée
par Catherine II contre les Turcs, ce souverain prend prétexte d'incursions
de cosaques en Finlande pour envahir la Karélie Russe.
La guerre se déroule en deux phases :
1 1788.— L'entrée en guerre du Danemark contre la Suède, la révolte dits
officiers suédois, et des opérations assez mal conduites incitent Gustave III à
regagner rapidement Stockholm.
1789.— Avec l'acte d'Union et de sûreté il se fait déléguer les pleins
pouvoirs par la Diète maigri; la violente opposition de la noblesse suédoise.
Il reprend les opérations, obtient sur terre quelques avantages mais cherche
la décision sur mer.
commandée par le Duc Charles gagne une bataille près
d'Ocland (26 juillet1, la flottille côtière se distingue à Svenksund le 24
La flotte suédoise
de l'Ile
août.
1790 est l'année
décisive
flottes suédoises réussissent à
:
après la victoire de Frédéricksamm, les deux
sortir de la Baie de Viborg ou elles étaient blo¬
quées par les Russes. La nouvelle victoire navale de Svenksund
de^Verlae (14 août 1790) passée sur le "Statu quo aille".
Société des
Études
Océaniennes
amène la paix
—
tannique, où ils pouvaient
m
—
perfectionner dans tous les
se
détails du métier naval.
En 1793, Krusenstern a la bonne fortune de faire
partie
d'un
contingent de douze de ces officiers ; il passe six. ou sept
années de sa vie à naviguer sur les vaisseaux anglais, prend
part ainsi
aux guerres
delà Révolution, visite les
et l'Océan Indien. En Extrême-Orient il
se
d'Asie
compte de
mers
rend
l'importance du commerce des fourrures pratiqué par un
grand nombre de nations, entre la côte Nord-Ouest d'Amé¬
rique et la Chine, voit l'intérêt que présente ce commerce
pour son pays, et décide d'essayer de l'en faire profiter.
Rentré en Russie en 1799, il fait part de ses idées à des
personnalités influentes, réussit après bien des démarches,
à intéresser l'Empereur Alexandre 1er à son
plan. Ce Souve¬
rain lui confie le commandement d'une expédition avec
laquelle il va essayer de réaliser ses projets.
A la tète de deux navires il
1803 à 1806,
parcourt le grand Océan de
fait d'intéressantes observations
sur
les îles
Marquises, relâche aux Sandwich, visite la côte Nord-Ouest
d'Amérique, passe par le Japon, les Mers de Chine et rentre
en Russie par le Cap de Ronne
Espérance. Parmi les navi¬
gateurs russes il est le premier à avoir fait le tour du monde
Dans la suite il
reprend plus guère la
ne
mer
si
ce
n'est
en
deux occasions, d'abord en 1809 pour une courte croisière
faite sur le Blagodat(La grâce), et en 1815 dans les mers arcti¬
ques, à la recherche d'un passage Nord-Est entre Arkangel
et le détroit de Behring.
Le reste de sa carrière se déroule dans des postes séden¬
taires où il peut mettre au point ses observations personnel¬
les, rédiger des instructions pour les navigateurs qui conti¬
nuent
son
œuvre,
publier enfin d'importants travaux
sur
l'hydrographie du Grand Océan.
En 1811 il est nommé Directeur de l'Ecole des Cadets de
Marine
; en
1814 il
se
rend
péditionfilu Rurick qui
en
sera
Angleterre
pour
préparer l'ex-
commandée par Kotzebue, son
élève. Au retour de
les
l'expédition il exploite minutieusement
renseignements fournis par Kotzebue pour compléter ses
travaux
:
promu Contre-Amiral en 1826, Vice-Amiral trois
Société des
Études
Océaniennes
—
363
—
après, il prend en 1827 la Direction du Corps des Cadets (1)
qu'il exerce quinze ans: il est enfin nommé Amiral en 1841.
Correspondant de l'Institut de France dès 1810, Membre
de l'Académie de Saint-Petersbourg, titulaire d'un prix aca¬
démique important (Demidoffj, Membre du Conseil d'Ami¬
rauté et de plusieurs comités techniques, il meurt à lie val en
ans
1846. comblé d'honneurs.
Conformément à
ses vœux,
il repose dans la cathédrale
de
Reval, auprès de l'Amiral Gréigh, sous les ordres duquel il
avait commencé sa carrière.
Une statue en bronze lui a été élevée en 1876 devant l'Ecole
des Cadets à
Saint-Petersbourg.'
autour du monde demeure le grand événement
de sa vie, celui qui oriente toute sa carrière vers les recher¬
ches océaniennes. L'idée de ce voyage lui était venue lors
d'un séjour à Canton, au Lenips où il servait sur les vaisseaux
de S.M. Britannique. Krusenslern en effet avait été frappé
de constater qu'un petit bâtiment marchand d'une centaine
Son voyage
de tonnes, armé à Canton, après une campagne à la côte
Nord-Ouest d'Amérique, et une absence totale de cinq mois
avec un chargement
de fourrures qu'il vendait
piastres (2). Il savait par ailleurs, que certains objets
de ravitaillement transportés de Russie en Amérique parla
revenait
60.000
route de Sibérie et Oekotsk, arrivaient à coûter 16 fois leur
valeur initiale. 11
mer,
une
entre la Russie Européenne et ses
au
relation directe, pat-
colonies,
pour
les
ra¬
farine, eau de vie, poudre, câble, apparaux, etc...
lieu de faire revenir les bâtiments sur lest d'utiliser
vitailler
et
l'idée d'établir
a
en
leur voyage
de retour pour le transport des fourrures vers la
perspective un immense bénéfice.
Chine. D'où.en
Dès
lui,
un
sa
rentrée
travail
en
sur
Russie il remet
aux
Amiraux
connus
de
cette question qui lui tient tant à cœur:
après avoir vainement sollicité Soimonol'f alors Ministre du
Commerce, et l'Amiral Comte Kruscheleff, Ministre de la
Marine, Krusénstern, à tout hasard, adresse son mémoire à
l'Amiral Mordvinoff (devenu sur les entrefaites Ministre de
(1) Le corps dos
dets de marine.
cadets comprenait plusieurs écoles dont une pour les pa-
«(2) La piastre valait environ o frs, or.
la
Marine) puis, de
téresse de
à coup, en
reur
g'iie rre lasse, notre navigateur se désin
projet ; en 1801 il commande une frégate. Tout
1802, le Comte Romanzoff l'informe que l'Empe¬
son
Alexandre l,:r,
a
bien voulu retenir
son
idée et
va
lui
confier le commandement d'une
expédition.— " ma surprise
ne fut pas mince ", nous avoue-t-il, nouvellement marié
et sur le point de devenir père, rien ne pouvait me rendre
plus heureux que ma position présente. Ma situation était
indépendante j'avais l'intention de demander un congé délinilif et de vivre tranquillenienl dans ma maison. Mon cœur
répugnait à accepter une charge qui était cependant si honorable pour moi. Mais le Ministre me déclara que je ne
devais pas me récuser, ou que dans ce cas mon projet serait
définitivement abandonné, .le décidais alors de partir
Je pensais longuement au sort de ma malheureuse femme.
Mille fois je me reprochai la résolution prise. Et comment
rester insensible aux larmes d'une femme aimée, que je
devais voir pleurer chaque jour pendant près d'une année.
"Mais l'idée d'être utile à ma patrie me soutient dans ma
"résolution, L'espérance de conduire mon voyage à bonne
fin me donna du courage, et je commençai à faire mes préparatifs de départ
L'expédition dont il reçoit le commandement en chef, a
pour but :
1° de ravitailler directement par voie de mer les établisse¬
ments Russes d'Asie et d'Amérique.
2° de transporter au Japon une Ambassade Russe (1) char¬
gée d'une mission commerciale.
3° de protéger et de surveiller le commerce national le long
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
des côtes des établissements Russes.
4°
de profiter de son retour par la Chine pour y vendre
chargement de fourrures précieuses, loutres marines en
particulier, rassemblées dans les comptoirs de la Compagnie
d'Amérique.
Sa division se compose de la "Nadiejeda" (l'Espérance)
un
(1) Lue Ambassade Russe avait été envoyée en 1792 mais son chef Laxmann
n'était pas un
pas
homme de
cour
les résultats escomptés.
il n'avait que le rang de Lieutenant et il n'obtient
qu'il commande personnellement et de la "Neva " Capitaine
Lisiansky.
La " Nadiejeda" est un vaisseau du port de 450 tonnes (1)
l'Etat-Major compte 14 officiers (2) l'équipage 49 hommes,
dont 30 marins " tous jeunes, robustes et volontaires". 5
Japonais, 6 passagers allant à la côte Nord-Ouest d'Améri
que, l'Ambassadeur Resanofï (3) et sa suite, en tout 85 per¬
sonnes.
Parmi les membres de
l'Etat-Major signalons au passage
Bellinghausen, Lieutenant, les deux jeunesKotzebue
cadets de marine, embarqués par faveur spéciale de l'Em¬
pereur, le naturaliste Langsdorl'f auteur d'une intéressante
relation de l'expédition.
Nous ne nous étendrons pas surles incidents de navigation
du voyage. 11 suffit de savoir que les navires appareillent de
Cronstadt le 4 août 1803, sont séparés par le mauvais temps
dans la région du Cap Horn et se retrouvent aux Marquises.
Bien que visité par Ingraham, Cook, llergest, VanCouver,
Wilson, Marchand et d'autres, cet archipel était encore assez
peu connu. Krusenstern en dresse une nomenclature géogra¬
phique précise, rectifie les positions des différentes terres,
les unes par rapport aux autres, fait, en outre, une descrip¬
le baron
tion très fidèle des habitants et de leurs
mœurs.
A défaut du
intégral dont
saurions trop recommander la
lecture (4) qu'il nous soit permis, à l'aide de quelques
citations, de donner, comme l'on dit aujourdliui, l'atmos¬
phère du voyage.
texte
nous ne
(1) La "Neva" 370 tonnes.
(2) 5 lieutenants, 2 pilotes, 1 médecin. 1 chirurgien, 1 astronome (Horner)
Langsdorff), 2 cadets, 14 personnes.
(3) Rcsanoff, nommé pour la circonstance Chevalier de Sainte-Anne et
2 naturaliste (Tilesius,
Chambellan.
Il est bon de savoir que Resanofï avait épousé la fille du Marchand Schclikov,
laquelle avait reçu une riche dot consistant uniquement en action de la Société
Commerciale fondée par son père en groupant les intérêts particuliers des
Commerçants et chasseurs russes d'Amérique. L'Empereur Paul l81' avait
décidé de supprimer les privilèges de cette Société. On comprend toute l'ac¬
tivité que déploya Resanofï', tant par lui-même que par le moyen d'amis
interposés pour maintenir et même accroître les privilèges de cette Société,
qui devint finalement la Compagnie Russe d'Amérique.
(4j Chapitre VII, VIII et IX de la Relation du voyage de Krusenstern.
—
306
—
"Le 10 avril fut la
première journée véritablement chaude
depuis notre départ de Sainte Catherine. Je fis monter la for¬
ge tant pour les besoins divers du bateau que pour fabriquer
des couteaux et des clous, pour donner un échange aux in¬
sulaires. Je fitréparer les embarcations et remettre les canons
à leur poste et le comte, de Tolstoï (1) se chargea de faire
faire l'exercice militaire à une partie de l'équipage".
Pour gagner du temps, Krusenstern renonce à visiter l'île
de Pâques et fait route directe sur les îles Washington (2).
"Je tenais constamment un marin, de jour sur la vergue
du grand mât, de nuit sur le beaupré avec la promesse de 10
piastres au premier et de 20 piastres au second quand ils
verraient la terre.
Le 6 mai
point du jour nous vîmes l'Ile Fétégu, appelée
à une distance
grande et con¬
siste en un rocher un peu incliné vers le Sud.
A 5 heures du soir nous aperçûmes l'Ile Nukahiva telle¬
ment couverte et entourée de nuages que nous ne pûmes esti¬
au
par Cook lie de llood, dans le S. 50 Ouest et
de 35 à 38 milles. Elle est haute, mais pas très
mer sa
distance.
Sur la fin du jour je fis gouverner sur la pointe S, O. de l'Ile
de Nukahiva. Les rochers pointus la faisaient ressembler de
loin à
une
étions
en
vieille ville
hérissée, de tours. A 10 heures
face de la Baie du Contrôleur. Je fis mettre
en
nous
panne
et y
envoyais deux embarcations avec le Lieutenant Golopilote-pour la reconnaître.
Sur la plage nous vîmes quelques insulaires mais aucun
ne vint à bord bien que
le vent fût faible, ce qui ne donne
pas une grande idée de leur navigation, que nous reconnû¬
mes dans la suite, être
peu de chose.
washeff et le
Toute la côte est rocheuse et
se
réunit à
une
chaîne de
mon¬
tagnes à l'intérieur: les terres ont un aspect sauvage, égayé
seulement par de belles et nombreuses cascades dont la
hauteur n'est certainement pas inférieure à cent pieds. Sur le
sommet: de l'une de ces montagnes nous vîmes un édifice
quadrangulaire de pierres massives semblables à une tour
mais basse, sans toiture et entourée d'arbres. Je la pris pour
(1) Chef d'État Major de l'Ambassadeur.
(2) lies Marquises.
—
tin "marae"
307
--
cimetière mais
n'ayant vu aucun marae sem¬
Tayo-Hae que j'ai visitée, je croirais
plus volontiers que c'est une espèce de forteresse, bien que
je n'en aie pas rencontré d'autre de cette sorte. Sur les ro¬
chers voisins de la plage nous vîmes de nombreux insulaires
venus probablement par curiosité, et dont la plus grande
partie péchait.
ou
blable clans la vallée de
A 11 heures, un canot à
balancier vint
vers nous:
il por¬
pavillon blanc que ceux-ci montrèrent,
me permit de croire qu'il y avait parmi eux quelques Euro¬
péens et en fait je reconnus un Anglais que nous prîmes
d'abord pour un naturel du pays, car à l'exception d'une es¬
pèce de ceinture il était nu comme les autres. Il me présenta
les certificats de deux bateaux américains, qui attestaient
sa bonne conduite, au cours de leur ravitaillement en bois
et en eau. Il m'offrit ses services que j'acceptais bien volon¬
tiers espérant tirer de lui quelques renseignements que je
tait huit hommes:
un
n'aurai pas pu me procurer sans
interprète. Cet homme
trouvait depuis déjà
sept ans dans celte île, après en avoir passé deux dans l'Ile
Sainte Cristine, où il avait été débarqué d'un bâtiment mar¬
chand anglais pour ne pas avoir voulu entrer dans un com¬
plot contre le Capitaine. 11 me dit d'autre part avoir épousé
depuis peu de temps une parente du Roi, ce qui le mettait
nommé Roberts
en
mesure
me
raconta
qu'il
se
de rendre d'utiles services. 11 me prévint de me
garde contre un certain Français (1) qui se trouvait
après avoir déserté d'un bâtiment marchand anglais.
Ce Français, son ennemi mortel, à ce qu'il disait, cherchait
tenir
en
aussi là,
tout les moyens possibles de lut nuire
insulaires, et menaçait même sa vie.
(i) Joseph
auprès du roi et des
Cabry de Bordeaux: embarqué tout jeune
sur un
bâti¬
anglais destiné pour les Mers du Sud, Cabry tit nauff'rage sur les côtes deNukahiva et allait probablement être offert en
sacrifice aux Dieux du pays et mangé par les naturels lorsque la
fille du Roi demanda sa grâce, l'obtint et l'épousa. 11 s'était fait ta¬
touer comme les sauvages était devenu un de leurs grands guerriers.
En i8or Krusenstern l'enleva de cette île et le porta en Russie. 11
rentra en France en 1817, fut présenté à Louis XVllI et au Roi de
Prusse, puis finit par se montrer avec son tatouage dans "le Cabinet
des Illusions" à Paris. Enfin devenu hydropique il mourut subitement
baleinier
ciété des Etudes Océa
—
368
—
Au milieu du
jour nous jetâmes l'ancre dans le Port Anna
brasses de fond à un demi mille de la plage
septentrionale et à un quart de mille de la plage occidentale.
Maria par 16
*
*
*
"A peine avions-nous jeté la première ancre, que nous
fûmes entourés par une centaine de ces insulaires qui ve¬
naient nous vendre des noix de coco, des bananes et des
fruits à
pain. Nous n'avions rien d'autre à leur donner en
que des morceaux de vieux fer long de 4 à 5 pouces,
dont j'avais fait une provision à Cronstadt pour les deux
vaisseaux. Un de ces morceaux de fer valaitcinq noix de coco
ou bien trois ou quatre fruits à pain. Mais une liache ou une
cognée était le comble de leurs vœux. A la vue du plus petit
morceau de fer ils témoignaient une joie enfantine : leur satis¬
faction se manifestait par de grands rires prolongés, ils mon¬
traient leur nouvelle richesse d'un air de triomphe. Cette
joie extraordinaire semble prouver qu'ils avaient rarement
eu l'occasion de .se procurer un métal si
précieux: en fait
Roberts nous dit qu'en sept ans on n'avait vu à Nukahiva
que deux petits bâtiments américains.
A quatre heures de l'après-midi, le roi vint à bord avec
sa suite, composée presque
uniquement de parents à lui. Il
s'appelait Tapega Kettenovee, (1) bel homme de 40 à 45 ans,
robuste, le col épais, sombre de peau, presque noir même
et couvert de dessins sur tout le corps jusque sur la
tête,
dont quelques parties avaient été rasées exprès. Il était nu
comme tous les autres et portait le simple tsciabou (2).
Je le
conduisis à ma chambre et lui offris un couteau et une ving¬
taine de brasses d'étoffe rouge. Quand il fut remonté sur le
pont, de petits perroquets du Brésil attirèrent son attention
et lui causèrent autant d'étonnement que de plaisir. Il s'assit
échange
meut
en
septembre 1822 à l'âge de
Plus tard la Ville de Douai
elle voulait orner son musée.
enterré.
^Lettres
me
trère
sur
—
42 ans
ne
à Valenciennes et y tut
son corps, dont
put obtenir
les lies Marquises par leP. MATHIAS G... chez GauParis 1843).
Libraires
—
(1) La traduction française lui donne le
(2) Sorte de ceinture mince.
nom
de Tapega Keatanui.
—
el
resia
369
—
quelque temps
offrir un, comme
a les considérer. Je crus devoir en lui
le moyen le plus sûr de gagner son affection.
Au coucher du soleil tous les hommes retournèrent à terre
il resta
:
centaine de femmes dans le
voisinage du navire,
autour duquel elles nageaient depuis cinq heures, en em¬
ployant tout leur art à faire connaître le but de leur visite.
11 était impossible de ne pas les comprendre: leur attitude
et leurs gestes étaient trop significatifs.
Tant qu'il y eut du travail à bord j'avais formellement in¬
terdit l'accès du navire a qui que ce fût, à l'exception de la
famille royale. Mais quand la nuit fut faite, je me laissais
fléchir par les prières el les lamentations de ces pauvres
créatures. Je levai mon interdiction, d'autant plus facilement,
«pie je savais tout mon monde en bonne santé: Roberts de
son côté me donna l'assurance que l'île était exempte de
maladie. Je limitai cependant cette autorisation à deux jours,
passés lesquels je ne voulais plus voir de femmesà bord, bien
que chaque soir nous eussions au moins une cinquantaine
de femmes qui nageaient autour du navire: il n'y avait d'autre
moyen de les chasser que de leur faire voler, au dessus de
la tête, quelques feux de mousqueterie.
une
*
♦
*
Le 11 mai
j'avais expédié le Lieutenant de Lowenstenî
de Ki.ika.hiva à l'Ouest de la
qu'il me fit à son retour d'un
port, (1) découvert par lui à une distance de trois milles de
pour visiter la côte méridionale
baie de Tayoliae, La description
la baie m'incita à aller le visiter.
je pris avec moi le Capitaine Lisiartsky, le Lieute>
Lowenstern, le Docteur Horner, M.M. Tilesius et Langs-
Le 15
nant
quelques officiers de la Neva, dans deux embarca¬
espérant obtenir aussi des vivres je me munis de ce
qui pouvait m'êlre utile pour faire des cadeaux et des échan¬
ges. Nous arri vâmes à 10 heures, après un voyage d'une heu¬
dorff et
tions
re
;
et demie. A l'entrée de la baie nous trouvâmes 20 brasses
d'eau, fond de sable et d'argile. La côte occidentale de cette
baie est hérissée de roches d'un aspect sauvage mais très
beau, à l'intérieur et vers l'Est je vis une autre baie
qui
sem-
(1) Anse d'Hakatea dans la baie d'Hakahui (Instruction Nautique/.
blait semée de rochers et ouverte à l'Ouest, aussi la houle y
est-elle assez forte. Passé la pointe de cette secondé'baie,
bassin qui se puisse soir, celui-ci est
long de 200 toises du Nord-Est au Sud-Ouest, et large de plus
de 100. La plage au fond de la baie est de sable fin et lisse,
terminée par une grande place verte comparable au plus beau
Bouling Green " (1) anglais.
Nous trouvons de l'eau douce en abondance qui descend
des montagnes. Un ruisseau assez considérable coule dans
s'ouvre le plus beau
"
une
vallée voisine située
au
Nord de l'entrée et habitée, les
indigènes appellent cette vallée Seegra. Le ruisseau se jette
dans la baie septentrionale. Cette baie n'est pas à l'abri des
vents: son accès est rendu difficile par le ressac qui s'y fait
sentir. Je crois cependant qu'à mer haute un canot de moyen¬
ne grandeur pourrait entrer dans la rivière. Au reste, on fait
de l'eau très facilement, il ne s'agit que d'amarrer les canots
près des brisants, les insulaires, comme je l'ai dit, se char¬
gent pour quelques morceaux de fer de remplir les barriques
nageant à travers les brisants.
L'entrée du bassin est tellement resserée entre les terres
et de les ramener en
que l'eau y est à peine remuée par les bourrasques les plus
violentes : il n'existe certainement pas un meilleur port pour
un bâliment qui a besoin de se radouber. A la distance de
50 toises et
encore
moins de la plage orientale, la
est de 5 brasses et à 10 toises de l'autre
est encore
mis
en
profondeur
plage la profondeur
de 10 à 12 brasses. Les bâtiments peuvent être
avec la plus grande facilité et même sans tra¬
carène
vail de radoub, je
préférerai toujours ce port à celui où
nous
étions ancrés,
Quant aux ressources, comme à Tayo-Hae, même_manque
provisions animales, même abondance de fruits du pays ;
ce nouveau port présente un autre avantage ; on y mouille à
cent toises de terre: les habitations du roi et des indigènes
sont sous le tir des canons ce qui rend impossible toute agres¬
sion de la part des naturels. Il n'est pas non plus nécessaire
de donner une escorte à chaque embarcation qui va à terre.
La plage en dehors de cet endroit est accidentée et rocheuse ;
là où elle est plane on peut facilement établir un hôpital ou
de
(i; Gazon.
—
371
—
d'aventurer les malades ou
voisinage de la grosse bou¬
le, comme cela pourrait arriver ailleurs.
.le n'ai pas vu de plus belle promenade que celle de la val¬
lée de Seegra : de plus on y est à l'abri de toute surprise car
ce lieu est entièrement découvert et fermé du coté de la mon¬
tagne par de gros rochers.
L'unique défaut de ce bassin est l'étroitesse de son goulet
qui n'est pas de plus de 120 toises dans la partie la plus res¬
serrée. Gela, à dire vrai, est une chose un peu incommode
mais ne présente pas de danger parce que l'on trouve partout
15 à 20 brasses d'eau, et l'on peut toujours se louer sur une
ancre, en cas de vent trop frais : cette manœuvre est souvent
nécessaire aussi dans la baie de Tayo-Hae.
Ce port n'a pas de nom particulier auprès des habitants
de la vallée de Seegra et je l'ai appelé port Tchichagoff, en
l'honneur du Ministre de la Marine. Il est situé à 8° 57' de
latitude Sud et 139° 42' de longitude Ouest.
La vallée de Seegra me paraît plus belle que tout le pays
de Tayo-Hae, tant par l'aspect de sa rivière, dont le cours
sinueux embellit toute la contrée que part l'état des cultures,
et peut-être aussi des habitants. Car tous ceux que j'ai vus
étaient d'une classe supérieure à ceux que j'avais rencontrés
jusque-là. Les habitations des naturels sont toutes sur la ri¬
ve gauche de la rivière: elles ont également une meilleure
apparence que celles de Tayo-Hae. Nous vîmes encore des
plantations plus importantes et fréquemment des champs de
"taro" et de mûriers, mais ce qui est plus intéressant et cons¬
titue la meilleure part de leur richesse, un plus grand nom¬
bre de ces cochons, dont ils sont si avares, qu'il n'y eut pas
moyen d'en acheter, môme un seul.
Le Roi de cette vallée se nomme Baunting: il se distingue
par sa taille gigantesque : il fut le seid qui nous apporta un
animal, sans pouvoir d'ailleurs se résoudre à s'en séparer,
si bien qu'après avoir fait des marchés de plus en plus avan=
tageux, il rompit finalement ces tractations, nous restitua
notre bien et partit avec son cochon.
Notre arrivée avait fait plaisir à tous les naturels: ils sou¬
riaient et nous regardaient avec un air de bienveillance, sans
adcun de ces hqrlements frénétiques et t}e ces gestes désopun observatoire sans péril
d'abîmer les instruments, parle
ériger
donnés qui, sont le propre des sauvages, quoique nous fus¬
premiers Européens débarqués dans cette partie
de l'île. Tous portaient des bananes et des fruits d'arbre a
pain pour lesquels nous donnions en échange des morceaux
sions les
de fer. Les femmes aussi semblaient
assez,
différentes de
celles de
Tayo-Hae : elles étaient mieux vêtues et parmi elles
j'en vis qui auraient pu passer pour très jolies, même en
Europe: toutes étaient enveloppées dans de longs "châles"
d'une étoffe jaune et portaient sur la tête, à la différence de
leurs voisines une sorte de turban blanc, mis coquettement
et qui leur allait à ravir. Elles étaient frottées et refrottées
d'huile de coco: la peau luisante doit sans doute être pour
elles un grand ornement : en fait nous ne les vîmes pas aussi
brillantes à notre premier débarquement dans le port Tchitohagofï parce qu'elles n'avaient peut être pas eu le temps
de s'oindre d'huile, mais quand quelques jours après nous
retournâmes à Seegra elles étaient déjà huilées de pied en
cap. Leurs mains, leurs bras et la partie inférieure de leurs
oreilles étaient absolument couverts de dessins et même
leurs lèvres étaient ornées de'stries transversales. Quand
à leur contenance et h la modestie de leur sexe il n'y avait
pas de différence entre elles et leurs sœurs de Tayo-Hae.
Elles témoignaient un désir certain de faire plus ample con¬
naissance
leurs
hôtes, tant était incandes¬
expressive leur pantomime, d'ailleurs hautement
approuvée par la foule à l'entour ; et si elles étaient excitées
à jouer ce rôle, comme tout le faisait présumer, il faut avouer
avec
nouveaux
cente et
qu'elles s'en acquittaient parfaitement bien.
Passant dans la vallée à cent pas de l'habitation du Roi,
nous vîmes une grande place avec un soubassement de pierre,
de un pied de haut et large de cent, fait avec un art si parfait
(pie je n'en ai sm nulle part de pareille à Tayo-Hae. Les
pierres étaient unies si étroitement et avec une telle perfec¬
tion qu'on ne pourrait pas faire mieux-en Europe. Roberts
m'indiqua que ce lieu était réservé aux spectateurs à l'occa¬
sion des danses solennelles.
A quatre heures de l'après-midi nous nous embarquâmes
mais ayant le vent debout nous ne regagnâmes le bord qu'à
huit heures du soir. Les Docteurs Tilesius et Langsdorff qui
voulaient retourner à
pied à Tayo-IIae se fatiguèrent telle-*
escaladant la montagne, qu'ils durent passer la
qui leur avait ser¬
de guide et rentrer le matin suivant assez contents dé
ment,
en
nuit dans la maison d'un ami de Roberts,
vi
leur voyage.
(à suivre)
Société des
Études
Océaniennes
SOCIÉTÉ
BUREAU DE LA
Présidant
M. E. Ahnnë.
Vice-Président
M. G. LagarOe.
i...
Trésorier
M. A. CaboureT,
ta
Secrétaire-Archiviste
M. Y. Malardè
Bibliothécaire et Conservateur du Musée M. H. Bodin.
Pour être reçu Membre
membre titulaire.
de la Société
se
faire présenter par
un
BIBLIOTHÈQUE»
Le Bureau de la Société informe ses Membres que dé^
sonnais ils peuvent emporter à domicile certains livres de
la Bibliothèque en signant une reconnaissance de dette au
cas
où ils
ne
rendraient pas
le livre emprunté à la daté
fixée.
Le Bibliothécaire
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Bibliothèque est ouverte aux membres de la Société
et à leurs invités tous les jours de 15 à 17 heures,
Le Dimanche de 14 à 17 heures.
La
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LE BULLETIN
Le Bureau de la Société accepte l'impression de tous les articles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
épouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien les
commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls, en
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Aux lecteurs de former leur appréciation.
La Rédaction.
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 51