B98735210103_046.pdf
- Texte
-
Bulletin
DE
Société
la
des
ETUDES OCEANIENNES
N°
46
TOME V
MARS
Anthropologie
Histoire
—
des
—
(N° 5)
1933
Ethnologie
Institutions
—
Philologie.
et
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
—
Sciences naturelles
Tourisme.
IMPRIMERIE
A
DU
GOUVERNEMENT
PAPEKTE
(TAHITI)
iété dès Études Océanien
Lès articles publiés dans le Bulletin, exceptés ceux dont l'au¬
a réservé ses droits, peuvent être traduits et reproduits,
la condition expresse, que l'origine et l'auteur en seront men¬
teur
à
tionnés.
Toutes communications
relatives
au
doivent être adressées au
la Société,
Bulletin au Musée ou à
Président. Boîte no,
Papeete, Tahiti.
Le Bulletin est
Prix Je'
ce
envoyé gratuitement à tous ses
Membres.
V
V
6 fr. so
numéro
2/-d. ou 50 cents.
Cotisation annuelle des Membres
fr. ou
résidents
Cotisation annuelle des Membres
résidents en pays
Prix de
chaque Ny déjà paru: 12
30
francs.
40 francs.
français
Cotisation annuelle des
étrangers... .2 dollars ou 8 shillings.
SOUSCRIPTION UNIQUE.
Membre à vie résidant en,
Membre à vie
France ou dans ses colonies. 500
résidant à l'Etranger, six
fr.
livres sterling ou
trente dollars.
Avantages de se faire recevoir Membre a vie pour cette som¬
versée une fois pour toutes. (Article 24 du Règlement Inté¬
me
N° 29).
1° Le Bulletin continuera à lui êtreadressé, quand bien même
il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
S° L'intérêt de cette modique somme assure à la Société un
revenu supérieur à la cotisation annuelle de 30 fr.
rieur, Bulletins N° 17 et
30 Le Membre à vie n'a plus à se préoccuper de l'envoi ou du
paiement de sa cotisation annuelle, c'est une dépense et un souci
de moins.
I\n conséquence :
soat
invités à devenir
TOUS CEUX
Dans leur intérêt et celui de la
Membre ci vie:
qui, résidant hors Tahiti,
Société,
désirent recevoir le
Bulletin.
Membres de la Société.
CEUX qui, quittant Tahiti s'y intéressent quand même.
TOUS LES jeunes
TOUS
asW&2fci£3?3£&r
DE
LA
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME
IV- 46.
—
V(N°5)
M,vns
SOMMAIRE
Pages
Tourisme.
Excursion en montagne par
Lherbier
149
Histoire.
Journal d'un soldat
d'Infanterie de marine (suite), par
Mullot
161
Folklore.
Légendes tahitienr.es,
traduction par E. Ahnne
170
Divers.
174
175
périodiques reçus
Acquisitions du Musée.
Ouvrages et
Société des
Études
Océaniennes
T@um.EBmm
EXCURSION EN M ONT ACNE.
m'ayant demandé une relation de mon
voyage dans la montagne avec Ferré du "Matin" je veux essayer
de leur donner satisfaction par la voie du bulletin des Etudes
Océaniennes. Pour répondre à de nombreuses questions comme
celles-ci : Comment s'équiper? Quels vivres prendre? Comment
trouver des guides? je donnerai certains détails qui pourront
sembler un peu puérils, j'en indique la raison qui est mon excuse.
Depuis son arrivée à Tahiti j'avais promis à Ferré une excursion
en montagne. Mais toute la seconde quinzaine de Septembre cà
été mauvaise à croire que la saison pluvieuse est en avance cette
année de plus d'un mois. La montagne ne s'est découverte que
de rares moments. Sur la côte Est, les pluies n'ont pas cessé, le
pont de Papara a été démoli une fois de plus et certains jours les
autos de Taravao ont roulé sur une route tranformée en marécage.
Aller au lac Vaihiria dans ces conditions n'est guère possible.
Plusieurs personnes
Toutefois à Papeete,
Faaa, Punaauia
désespérons pas d'essayer
de Fautaua et
il pleut moins et nous ne
l'escalade du col qui sépare les vallées
du Punaruu. C'est un
exercice de montagne que
la
Liot
garnison fit il y a trois ans accompagnant mon prédécesseur
qui cherchait des santaliers.
Nous espérons bien retrouver des traces de son passage et de
ses couteaux à débrousser. Si les lantanas et les fougères n'ont
pas trop repoussé, si la pluie ne nous contrarie pas nous comptons
trois jours pour ce trajet. Nous ne courons qu'un risque, pas
excessif, celui de nous trouver bloqués par la pluie dans quel¬
glissant et impraticable ou de trouver
infranchissable. Nous ne craignons guère
de manquer de vivres car il y a du feï dans les hautes vallées et
puis nos porteurs tahitiens se débrouilleront pour nous trouver
que passage abrupt rendu
le Punaruu grossi et
s'é-
ignames sauvages ou du"ape". C'est décidé si le temps
avec la pleine lune nous tenterons notre chance.
La nuit du 11 au 12 octobre est belle, le matin du 12, l'Aorai et
Marau se profilent sans un flocon de brume à leurs arêtes sur
des
claircit
le
un
ciel
sans nuages.
L'espoir d'une période
Société des
Études
de quelques beaux
Océaniennes
—
150
—
jours est permis Trois braves garçons de Faaa viendront avec
nous et porteront les vivres, Robson le meilleur chasseurde chè¬
vres
du Diadème veut bien délaisser sa vanillière et nous accom¬
préparatifs sont vite faits, une toile de tente et une
petite couverture pour chacun, une chemise, un pantalan long,
une paire d'espadrilles de rechange et un imperméable, c'est tout
pour le vêtement et le campement. Des vivres pour trois jours,
pain et biscuit, conserves variées sel, sucre, café, cacao, lait con¬
densé, rhum et allumettes, voilà de quoi se sustenter d'une
façon peu variée mais suffisante.
Nous prenons un fusil malgré que nous n'ayons sûrement rien
pagner, nos
à craindre des hommes
ou
des animaux. Mais bien que nous ne
pas de chiens
n'aurons pas le temps de
chasser, le hasard peut tout de même nous faire rencontrer une
chèvre, un cochon sauvage, une tourterelle, un épervier. Avec
nos vivres, nous emportons pour le cas d'entorse quelques ban¬
des, un peu de teinture d'iode et de vaseline boriquée en cas de
prenions
parce que nous
plaies, de la citronnelle camphrée pour les moustiques Chacun a
sa poche un peu de ficelle, un canif et uiT'moripata". Un
harpon à chevrettes pour pêcher dans le Punaruu, un couteau à
débrousser, un appareil photographique et un thermomètre.
Aucune espèce de vaisselle, les bambous de la route en fourni¬
ront; comme marmite pour faire le café un bidon à essence qui
sert en cours de route de récipient étanche pour mettre à l'abri
de la pluie les provisions altérables.
Nous débarquons le 13 au matin au pont de Fachoda en voiture
découverte pour ne rien perdre du charme de la basse vallée de
Fautaua, véritable gave pyrénéen encaissé entre ses deux mu¬
railles aux aspects si variés, contreforts donnant l'illusion de
vieilles tours en ruines, pentes verdoyantes arêtes brusques,
coupures profondes d'où descendent des eaux vives.
Chaussés d'espadrilles à tiges qui glisseront moins que toute
autre chaussure sur les roches humides, les jambes protégées du
lantana par des pantalons longs nous n'avons rien de bien re¬
marquable.
Cent mètres avant le pont de Fachoda, le chemin dépasse le
confluent où les deux branches de la rivière se rejoignent au pied
du pic des Français jusqu'au point où elle se bifurque pour de¬
venir à l'Est la rivière du fort qui forme la cascade de Loti et qui
remonte jusqu'au côté droit du pied de l'Aoraj, à l'Ouest la ridans
Société des
Études
Océaniennes
151
—
—
la deuxième cascade et qui reçoit les
du Marau. Aux abords du pont de
Fachoda, pendant que les porteurs préparent leur charge, je
montre à Ferré les curiosités de l'endroit, le transporteur aérien
vière du Diadème qui forme
eaux du Diadème et celles
premier ponceau que l'Administration vient de faire
aller à la cascade de Loti, première réalisation
touristique que d'autres suivront bientôt il faut l'espérer.
Nos porteurs sont prêts et nous appellent, nous franchissons
de Liot et le
construire pour
la branche
nous
droite de la Fautaua sur
engageons
dans le sentier
Fachoda et nous
le pont de
muletier qui serpenteau flanc du
pic des Français pour nous conduire droit au fort.
Le bruit du torrent devient de plus en plus faible au
que nous grimpons
demi-heure nous sommes au
mesure
fur et à
dans la vanillière. Au bout d'une
rebord du plateau d'où l'on aper¬
celle
çoit à travers le cirque à pic la principale des deux cascades,
de Loti formée par la rivière de la vallée du fort. Nos porteurs
photo est prise. Nous reprenons
du roc à pic. Le sentier récem¬
ment nettoyé par les T.P., est en bon état, il n'est plus l'inquié¬
tante piste trop étroite surplombant le vide que la brousse et les
éboulements avaient rendue presque impraticable ces derniers
temps. Le fort est vite atteint. Son mur crénelé, à cheval sur la
crête que la cascade franchit un peu plus bas est presque intact.
soufflent un peu et l'obligatoire
notre route maintenant le long
braver la
pierres sans liaison il parait devoii
l'abandon. Le bastion qui commande l'entrée du
le réduit avec son escalier de grosses pierres, n'ont pas
d'aspect.
Formé de grosses
brousse et
fort,
changé
descendre visiter les bassins na¬
avant de former la cascade
directement vers le
fond de la vallée. Au passage nous voyons l'ancien jardin de la
troupe fraîchement débroussé et le sentier qui mène aux restes
Nous ne pouvons aujourd'hui
turels que la rivière creuse dans le roc
et de la hauteur du fort nous descendons
maison du Gouverneur.
fois, cette vallée du fort fut
de l'ancienne
Deux
occupée militairement,
la
vive
première pendant une longue période qui suivit la prise de
force de ce dernier retranchement dissident, la seconde après un
premier abandon pour constituer un réduit dedéfenscau moment
de Fachoda. C'est à cette seconde époque d'ailleurs que le pont
franchi plus bas fut reconstruit et reçut ce nom. Sans incidents par
une
pentetrèsdouce, le sentier qui n'est plus
Société des
Études
maintenant qu'une
Océaniennes
piste de chercheurs de feïs et d'oranges nous mène au pied d'une
rude montée qui franchit à son point le moins élevé l'arête
séparant la vallée du fort où nous sommes de celle du Diadème.
Depuis le fort nous avons marché une heure sans nous hâter et
assez
nous sommes
maintenant à deux kilomètres à vol d'oiseau envi¬
pied de l'Aorai. Pendant quelques minutes la montée est
rude mais le spectacle qui nous attend va nous dédommager de
notre peine.
ron
du
Le Diadème est devant
nous
à
2.000
mètres à vol d'oiseau envi¬
massives, ses dentelures, ses aiguilles fièrement
base verdoyante. L'arête où nous sommes et les
flancs du Marau limitent une magnifique cuvette de verdure de
deux kilomètres de largeur dont le Diadème occupe le fond.
L'air est si limpide que nous distinguons les détails des contre¬
forts du Diadème et de la végétation qui escalade ses pentes. Sur
l'arrête du col qui sépare le Diadème du Marau les panaches des
fougères arborescentes se discernent déjà aisément. Les traînées
d'un vert tendre, sont les vallées à feïs ; les parties plus sombres
ron, ses tours
campées
ce
sur sa
sont les massifs de
fougères, les tâches jaunes, les touffes de
bambous, les ilôts presque noirs ce sont les orangers et les citron¬
niers. Mais des bandes ocreuses, des plages de roc dénudé et gris
marquent à mi hauteur du pied du Diadème une large région où
l'escarpement doit être raide. Actuellement nous pensons dans
notre ignorance que dans une bonne heure sans trop de mal nous
serons au pied du géant. 11 est onze heures et à quatre heures
nous serons à peine au but et nous y camperons résignés à ne
pas aller plus loin et fatigués d'ailleurs de l'effort fourni. Les por¬
teurs nous ont rejoints et nous descendons maintenant dans la
vallée du Diadème le long d'une piste argileuse et grasse. Pres¬
que au fond Robson nous fait faire un léger détour d'une centaine
de mètres en nous écartant de la piste vers le bas pour nous mon¬
trer ce qu'il appelle un "punu" tahitién. C'est une pierre taillée
presque ronde, une grosse boule de cinquante centimètres de
diamètre environ creusée dans le haut d'une cavité d'une dizaine
de litres de
capacité, sorte de grand mortier, de cuisine tahitién.
parois de la cavité ont une quinzaine de centimètres d'é¬
paisseur environ et la mousse recouvre entièrement la vieille
pierre.
Nous atteignons le fond de la vallée et le ruisseau et nous
attaquons nos vivres pour la première fois. Un court repos et
Les
Société des
Études Océaniennes
—
nous
fois à
153
—
enfile indienne, Robson en tête commence cette
jouer du couteau à débrousser. La piste devient de plus en
repartons
plus capricieuse, elle monte, descend, contournant toutes sortes
d'obstacles, arbres morts tombés en travers d'elle, rochers tom¬
bés des flancs du Marau, le fond de la vallée en est semé. Sous
l'un d'eux formant un bon abri une natte et une couverture
abandonnées, ci côté les fourches et les cendres d'un foyer, les
pierres d'un four tahitien indiquent un campement d'une longue
durée.
plus d'une heure et nous sommes toujours
piste s'élève plus rapidement,
gagnons à travers un véritable éboulis rocheux la gauche
vallée et nous nous trouvons bientôt au pied de l'escarpe¬
Nous marchons
au
fond de la vallée, maintenant la
nous
de la
avions distingué du haut de l'arête qui
du Diadème. C'est par là nous dit
Robson en nous montrant une sorte de faille rocheuse que doit
polir l'écoulement des eaux en saison des pluies. Une seconde
nous hésitons avant de nous engager dans ce lit de cascade à sec.
Est-ce qu'il n'y a pas d'autre chemin ? Es-tu bien certain que
c'est par là Robson ? Oui c'est là le meilleur allez ! Nous voilà au
flanc du roc, escaladant de notre mieux, accrochés des deux
mains aux pierres et aux racines, enviant nos porteurs qui peu¬
vent s'accrocher aussi de leurs pieds nus. Assurant un pied avant
de risquer l'autre, ne regardant pas en arrière, nous escaladons
lentement, péniblement.
Derrière nous les porteurs avec tout leur fardeau montent avec
le sourire. Cette montée est-elle de cent, cent cinquante ou deux
cents mètres ? je ne saurais le dire, elle me fait l'effet d'être in¬
terminable. Enfin nous voici sur une étroite corniche au bord
d'un platéau incliné qui borde ici le pied du Diadème. Nous sui¬
vons cette corniche avec précaution et bientôt elle nous mène en
redescendant vers une petite vallée que le plateau forme en s'élargissant vers le milieu du Diadème. Nous y trouvons un joli
ruisselet et tout auprès les traces du campement de la garnison,
la charpente en bambou d'un abri s'y adosse à des troncs de
fougères géantes. Nous nous étions promis d'aller plus loin et de
faire mieux que les anciens mais nous en avons assez pour au¬
jourd'hui.
Nous allumons un feu, nous déballons les vivres, l'un va cher¬
cher un régime de fcïs, l'autre rapporte des brassées de feuilles
ment dénudé que nous
sépare les vallées du fort et
Société des
Études
Océaniennes
—
154
—
troisième prépare une tasse de cacao et surveille la
cendre, un quatrièmefixe les toiles de tente.
heures le soleil n'éclaire plus que les plus hautes aiguilles
sèches,
un
cuisson dufeï dans la
A six
restaurés et nettoyés et nous nous
merles des Molluques
qui ont élu domicile dans la haute vallée se rassemblent en criant
dans les manguiers. Sur les pentes du Marau, de l'autre côté de
la vallée, des chèvres sauvages bêlent. Robson explique que
d'après les bêlements il y a là tout un troupeau composé d'un
bouc, de plusieurs chèvres et de chevreaux "Pua niho oui, pua
niho ufa, pua niho fanaua". Avec des chiens nous pourrions les
chasser mais pas plus demain qu'aujourd'hui nous ne pourrons
les approcher. Pendant que le sommeil nous prend, nous écou¬
tons l'histoire de ce brave garçon tahitien qui, sautant de rocher
en rocher et manquant son pied s'est tué en poursuivant une
chèvre avec son chien sur les pentes du Marau à hauteur de la
deuxième cascade. Pour ramener son corps il fallut le ficeler
avec des cordes de "bourao" autour d'une grosse branche. Heu¬
reusement nous sommes fatigués et nous dormirons quand
même en rêvant de troupeau de "pua niho oviri". Au petit jour
le thermomètre marque 15 degrés dans l'herbe humide auprès
de notre tente, la rosée est intense, notre tente est mouillée
comme s'il avait plu et la toile s'égoutte doucement sur nous
du Diadème ; nous
sommes
étendons sur notre
litière pendant que les
la charpente de bambou. Le
que nous n'avons pas senti.
Un repas sommaire, quelques sardines, une tasse de cacao,
le campement est levé et nous reprenons la piste ou plutôt nous
essayons de la reprendre, mais elle est bien difficile à trouver
par tous ses points de contact avec
Diadème nous a protégé du "hupe"
matin escalader i'éboulement formé
tout autour du pied du Diadème même pour le suivre d'aussi près
que possible. Sur le flanc de I'éboulement la végétation touffue
ajoute son enchevêtrement aux difficultés du terrain. Au contraire
au pied du roc nu et aride la végétation est moins dense, une
bande d'éboulis récents mais aussi peu stables forme une sorte
maintenant. Nous allons ce
praticable et relativement peu broussailleux.
prudence serrant au plus près le rocher
abrupt et stérile sans se cramponner aux pierres désagrégées par
le soleil et la pluie. Elles cèdent au premier effort amenant la
de passage
presque
Mais il faut avancer avec
glissade malencontreuse.
Des chèvres ont passé par avant nous, écorçant
Société des
Études Océaniennes
de jeunes ar-
—
1
oo
partout des traces encore plus nettes de
Nous sommes à près de mille mètres d'altitude et
bres et laissant un peu
leur passage.
la
du Diadème se dresse presque verticale quelquefois
surplombante sur notre petite troupe qui se meut lente¬
à son pied. Heureusement aucun bloc ne s'en détache pen¬
masse
même
ment
dant notre passage.
Notre vue s'étend
et sur toutes
vers
maintenant sur toute la vallée du
les croupes
Diadème
Marau
qui descendent de l'Aorai et du
la mer.
Tout
fond, la passe et le récif de Taunoa.
atteignons le pied de l'aiguille de droite
au
et nous mettons
plus d'une demi-heure à la contourner, de loin nous aurions
Nous
ce trajet en quelques minutes.
approchons de l'endroit le plus intéressant de notre
voyage. Un appel de Robson nous avertit de le rejoindre avec
précaution il vient d'atteindre l'extrême point accessible du pour¬
tour de l'aiguille. C'est de là que se détache l'arête qui relie Dia¬
cru
faire
Nous
dème et Marau.
chemin parcouru se détache en entier, en avant
loin sa passe et son récif. Plus près
la rivière descendant de l'Orofena serpente entre les plateaux du
Ruta à nos pieds et des Tamanus sur l'autre bord. Tout au fond,
à notre gauche, la masse de l'Orofena et les plateaux à sa base.
En arrière, le
c'est la vallée du Punaruu, au
La
vue
est
magnifique de toutes parts.
L'aiguille du Diadème
écrase de sa masse qui s'éclaire à plus de deux cents mètres
au dessus de nous et nous surplombons l'abîme vers le Punaruu
où sa base s'enfonce verticalement d'une hauteur qui me
nous
paraît
plus grande encore. Nous ne nous lasserions pas d'admirer tou¬
tes ces magnificences mais l'étape n'est pas achevée. Nous devons
atteindre maintenant le meilleur endroit pour descendre vers le
Punaruu ; il se trouve à moitié chemin environ du col entre le
Diadème et le Marau. Nous cheminons le long de l'arête dans
une mer de fougères ou nous disparaissons tout entiers.
pas grand peine à se frayer
brûlées par un feu de brousse.
Avec un peu d'imagination nous nous rendons compte de la tris¬
te figure que nous ferions sur cette arête à pic si un feu de brousse
11 y a trois ans la garnison n'eut
passage car les fougères avaient été
serions probablement fort ennuyés
créer un refuge que n'atteigne pas le feu. Mais ne pensons
pas trop aux accidents possibles ; la fougère n'est heureusement
se
déclarait maintenant, nous
pour
Société des
Études Océaniennes
—
186
—
littéralement
pas trop sèche cette année. Robson en avant plonge
dans la fougère pour l'écraser de son poids et nous frayer
un pas¬
grand chose contre
sage. Un couteau à débrousser ne peut pas
un enchevêtrement aussi tenu, il en faudrait dix.
Nous atteignons
point choisi pour la descente et nous l'effectuons en majeure
partie sur le derrière, nous retenant aux racines et aux branches,
nous accrochant partout où nous pouvons pour éviter qu'elle ne
se transforme en dégringolade vertigineuse. Une grosse pierre
que Ferré me lance d'un glissement de derrière mal assuré déhale et s'arrête brusquement sur mon kodak en bandoulière. Est-il
fracassé ? Non, seulement un peu bosselé, quelques coups de
pouce remettront tout en état, mais mon cliché du Diadème por¬
tera la rosace de l'objectif.
Plusieurs fois Robson grimpe sur des arbres pour s'orienter.
Sûrement sans lui nous nous serions égarés plusieurs fois et nous
serions arrivés au bord des précipices infranchissables. Enfin la
descente se fait moins raide ; nous traversons en obliquant à
droite les vallées formées par deux petits ruisseaux, sur les bords
le
de l'un d'eux
sont pas
un
des porteurs nous
signale des bananiers qui ne
des feïs, signe de culture ancienne
dit-il. Nous descen¬
pente de plus en plus douce et, tout à coup, nous trou¬
vons une chose à laquelle nous ne nous attendions pas du tout,
un sentier bien débroussé. Heureuse surprise car Ferré fatigué
dons
en
gymnastique n'avance plus que difficilement et parle de
le sentier devient plat
et noussommes au plateau du Rutaoù des chercheurs d'oranges
viennent maintenant régulièrement. Je n'ai pas eu la précaution
de mesurer le temps que dura la traversée du plateau mais je
suis certain qu'elle fut d'environ une demi-heure d'une marche
régulière et sans grands détours. Seuls les premiers orangers
nous arrêtèrent quelques instants ainsi que les traces de cochons
sauvages fouillant à la recherche de vers (toe) ou laissant d'au¬
tres marques de passage. Nous relevons les traces d'un campe¬
ment récent, case de bambou et toit de pandanus et plusieurs
pièges à cochons sauvages, mais aucune trace de clôture en pier¬
res sèches, aucune trace de marae. C'est partout la haute futaie:
mapés, bancouliers, orangers, citronniers et nombre d'autres
essences, le lantana n'a pas encore envahi ce coin. Nous ne trou¬
de cette
s'arrêter. Au bout d'une centaine de pas
vons aucune
la
trace
de santaliers
ou
de tamanu. Quelle peut être
grandeur de ce plateau situé à sept cents
Société des
Études
Océaniennes
mètres d'altitude
—
157
—
environ ? Je ne la crois pas inférieure à deux ou
carrés. Nous arrivons au rebord du Rutaet nous
^dans le sentier qui
descend jusqu'au Punaruu,
tantôt sur le faîte,
les flancs d'une longue croupe boisée
vallées où viennent mourir les pentes du Ruta.
tantôt
trois kilomètres
nous engageons
sur
qui sépare deux
où
nous
quatre heures et demi nous arrivons au Punaruu
cordialement accueillis par TaroLévy le plus grand chas¬
de l'île. 11 a installé ici un campement pour chasser le cochon
Vers
sommes
seur
près de huit heures ; nous n'avons
vol d'oiseau et nous sommes exté¬
nués. Nos porteurs ont fait un effort incomparablement plus pé¬
nible que le nôtre, cependant ce soir après la baignade et le repos
ils iront encore, munis de harpons et de "moripata", pêcher les
chevrettes du Punaruu pendant que nous lessiverons nos pan¬
talons et nos chemises carapacées de boue. Une épaisse couche
de "maa pape" plante verte succulente du bord de l'eau, nous
fera un lit merveilleux, la nuit sera délicieuse, le repos parfait.
Nous serons frais et dispos demain pour traverser et descendre
le plateau des Tamanus. Seule la proximité de l'eau nous vaudra
quelques piqûres de moustiques. Ferré devra s'oindre abondam¬
ment le crâne de citronnelle camphrée après quoi il ronflera agréa¬
blement, le nez sous la couverture, jusqu'au matin. Le thermo¬
mètre marquait iô° au réveil, les chevrettes de la pêche de la
veille sont accommodées à la tahitienne. Elles sont introduites
dans un bambou, saupoudrées de sel, arrosées de citron puis le
bambou est mis dans la flamme jusqu'à ce qu'il soit bien carbo¬
nisé, à l'intérieur les chevrettes mijotent, elles auront un goût
délicieux. Nous repartons, traversant d'abord le Punaruu pour
remonter sur le plateau des Tamanus en face de nous. La mon¬
sauvage. Nous avons marché
fait que quatre kilomètres à
tée est
sommet, nous nous retournons une
embrasser l'ensemble du cirque du Punaruu.
longue mais facile, au
dernière fois pour
le contrefort par lequel nous
Diadème et le Marau. Sans
exagération il est bien incliné à 50°. Est-il possible que nous
soyons descendus là sans corde? Monsieur Laguessc, un ancien
colon du pays, nous dira son étonnementde la chose à notre re¬
tour en ville. Les montagnes dominent le cirque de toutes parts.
A notre droite c'est le Tahiti dont le principal contrefort forme
la crête de la vallée vers Paca. Au fond c'est le bloc de l'Orofena
de plus de deux mille mètres de haut, puis l'Aorai, géant pres-
De profil, nous voyons maintenant
descendîmes hier de l'arête entre le
Société des
Études
Océaniennes
—
158
—
que égal, le Diadème moins haut, un peu plus
mètres seulement, moins grandiose mais d'une
de douze cents
beauté parfaite,
gauche le Marau à plus de quatorze cents mètres dont un .
se détache presque parallèlement à celui du Tahiti pour
encadrer le Punaruu et le conduire à la mer. J'essaie de photo¬
graphier le cirque mais malgré le déploiement de toute la troupe
en tirailleurs je n'aurai qu'un mauvais résultat à cause du contre
jour.
Au pied de ces monts sont des plateaux verdoyants: nous
avons traversé le Ruta, nous allons traverser le Tamanu, tous
sont incultes et fertiles. Leur altitude permettrait sûrement d'y
faire des espaces plats de plusieurs kilomètres carrés, toutes les
cultures semi-tropicales, peut-être même toutes les cultures méditërranéennes. Pendant près d'une heure nous marchons dans
le joli sentier couvert qui traverse le Tamanu, les arbres y sont
les mêmes qu'au Ruta, un peu plus de goyaviers semble-t-il tou¬
tefois et pas mal de Iantana. Les tamanus et les santaliers nom¬
breux autrefois ont disparu. Au dire de Robson et des porteurs,
il en reste cependant sur les flancs des montagnes mais leur
accès est très difficile. Des vanilles s'accrochent aux arbres, quel¬
ques lianes sont fleuries mais ii n'y a pas de fruits. La féconda¬
tion par les abeilles et autres insectes se produit parfois mais
rarement. Chemin faisant Robson montre à Ferré la manière de
enfin à
contrefort
féconder les fleurs.
A
chaque ruisselet traversé, des clôtures de pierres sèches,
si¬
gnes évidents d'occupation ancienne et durable du plateau, se
rencontrent, preuve que Tahiti peut recevoir à l'intérieur des ter¬
res une colonisation aussi complète que ses sœurs, la Réunion,
Martinique, la Guadeloupe. 11 ne faudrait pour cela que des
plus faciles que le sentier par lequel nous allons
avoir à descendre du Punaruu. Des porteurs d'oranges chargés
de huit paquets faisant 50 à 60 kilos de fruits nous dépassent et
s'engagent avant nous dans la descente. Comment font-ils pour
descendre ainsi chargés le casse-cou dont je garde encore une im¬
pression de vertige. L'habitude est une seconde nature dit-on mais
je ne comprends pas encore. Ce sentier difficile à plaisir ne pour¬
rait-il épouser un tracé plus long, plus sinueux mais plus aisé.
Un vieux colon du district Monsieur Sage me dira que d'autres
tracés du sentier sont possibles et qu'il peut en indiquer un pour
sa part, puisse-t-on mettre son expérience à contribution un jour.
la
voies d'accès
Société des
Études
Océaniennes
—
459
—
le bruit du Punaruu de¬
plus distinct. A certains endroits rocheux le passage est
aussi difficile qu'aux plus mauvais endroits au flanc du Diadème,
heureusement ces passages sont brefs. Un peu partout des cor¬
des d'écorce de bourao et des crosses de bois vert fixées aux ar¬
bres aident la marche et servent en quelque sorte de rampe d'es¬
calier. Nos porteurs et Robson ne s'en occupent pas et nous di¬
sent en riant "accroche-toi, c'est fait pour les popaa". En effet
ces cordes et ces crosses ont été placées hier par les hommes de
Taro Lévy à l'usage de ses invités de chasse. Enfin nous voici au
Punaruu que nous n'avons plus qu'à descendre en le longeant et
en le traversant trois ou quatre fois aux coudes de la vallée. Nous
n'avons d'ailleurs d'eau, qu'à mi-cuisse. Nous faisons une der¬
nière halte avant l'endroit où le lit du Punaruu devient sec. La
rivière s'infiltre parait-il dans de nombreuses crevasses pour aller
sourdre loin en mer près des récifs. Nous liquidons nos provi¬
sions y compris la fiole de rhum précieusement gardée pour les
cas graves et qui fut heureusement inutile.
La vallée s'élargit et nous atteindrons la route en marchant à
partir de maintenant sur le sable chaud du lit desséché. Voici des
caféiers, puis des enclos, des bestiaux, des cocotiers, enfin nous
voici au pied des deux anciens fortins, vestiges des temps trou¬
blés où l'entente cordiale n'existait pas et où les dissidents tahitiens sollicités par les deux influences anglaise et française, te¬
naient le cœur de l'île et passaient de vallée à autre par des che¬
Nous descendons indéfiniment sans que
vienne
comme celui que nous venons de parcourir. Puissent ces
chemins être retracés un jour pour la meilleure mise en valeur
mins
l'île, pour la plus grande joie des touristes et pour le bon re¬
de la colonisation française.
A la route, Taro Lévy nous offre obligeamment sa camionnette
Citroën et quelques tours de roue nous ramènent en ville devant
quelques bonnes bouteilles de bière glacée.
de
nom
Nous avons peiné sans excès, grâce au beau temps,
souffert ni du froid, ni d'une chaleur excessive aux
et n'avons
heures les
plus chaudes. Pendant toute la randonnée, nous n'avons pour
ainsi dire rencontré aucune vie animale. Quelques éperviers pla¬
nant très haut, quelques phaëtons, nous avons entendu le rou¬
coulement de la tourterelle, vu quelques rats que notre approche
n'effrayait guère. Nous avons entendu bruire des abeilles dans
les arbres creux ou elles nichent, nous avons vu des traces de
Société des
Études
Océaniennes
—
4 GO
—
chèvres et de cochons sauvages, mais toujours notre marche
troublait seule le calme de la brousse océanienne dont les insec¬
paraissent silencieux. Demain recommencera
plus pénible après ce bain de nature la vie de Papeele, la cosmo¬
polite, la petite ville aux cancans mesquins où les autos trépident
et où les intérêts s'affrontent si brutalement en notre pénible pé¬
tes eux-mêmes
riode électorale.
N B
des?
—
Je
Pour
ne
répondre à la question. Comment trouver des gui¬
puis mieux faire que de dire comment je réalisai deux
autres excursions :
Une
première fois, la traversée de l'île
par
Papenoo, Vaihiria,
Mataiea, fut organisée par Leboucher. Elle dura quatre jours et
les guides et porteurs lui furent indiqués par le plus sympathi¬
des Tahitiens de vieille souche, j'ai cité Teriieroo le si aima¬
Papenoo. Une seconde, celle du lac Vaihiria fut orga¬
nisée par Bernardino le sympathique éleveur de Mataiea qui pro¬
cura chevaux pour les dames, guides et porteurs. Je crois pour¬
voir affirmer que Messieurs Leboucher, Teriieroo et Bernardino
se feront
toujours un plaisir de donner tous les renseignements
qu'on voudra bien leur demander à ce sujet. Pour d'autres ex¬
cursions, dans la presqu'île par exemple, à Vaifofa, notre grand
chasseur Taro Lévy qui aime son île et qui aime à la faire con¬
naître est sûrement l'homme le mieux renseigné et fera j'en
suis certain profiter tous les amateurs d'excursions de sa vieille
expérience en la matière.
que
ble chef de
LHERB1ER, Pharmacien.
Société des
Études
Océaniennes
H'XS^OERE
Voyage
en
Océanie (suite).
PROTECTORAT
Anglais et Français (Iles-Sous-le-Vent).
Il y
avait un an que le pavillon français flottait sur le sol tahiquand on reçut un ordre de notre gouvernement pour hisser
le protectorat. Ce fut le 7 janvier que l'on célébra cette fête, l'une
des plus belles qu'il y ait jamais eue à Papecte. Les canaques de
chaque baie étaient venus assister à cette cérémonie, chacun
avait sa couleur distincte pour les tapas. Les naturels étaient sur
deux rangs, les uns en rouge, les autres en blanc, en bleu ou
jaune. Cette diversité de couleurs offrait un aspect charmant. A
l'heure dite, on hissa le protectorat qui fut salué de vingt et un
coups de canon répétés par tous les navires en rade.
La musique de VUranie" fit entendre ses plus beaux mor¬
ceaux. Les
canaques eux-mêmes prenaient un plaisir extrême à
tien
ces
divertissements.
Après la cérémonie, il y eut un joli banquet offert à tous les
Après le repas il y eut plusieurs orateurs tahitiens
qui prononcèrent des discours, qui étaient tous en faveur des
français. On leur répondit réciproquement et tous furent pleinnement satisfaits. Le repas se fit dans une grande case placée au
milieu de la cour du Gouverneur, et construite à cet égard quel¬
ques jours auparavant par les naturels, M. l'Amiral Hamelin, le
Gouverneur et leur état-major en faisaient partie, tous les prin¬
cipaux chefs de l'île étaient attablés ainsi avec ces Messieurs au¬
tour d'une table, au milieu de cette case et bien servie, car rien
n'y manquait. Ce qui excitait la curiosité c'était le reste des na¬
turels placés tout autour des cochons rôtis sur les cailloux et
encore saignants, avec des cocos d'un côté, des bananes de l'au¬
tre. La pomme à pain n'y manquait pas ainsi que les
oranges et
presque tous les autres fruits du pays. M. le Gouverneur leur
avait fait distribuer trois à quatre cents bouteilles de vin et ce fut
je crois, ce qui leur plut le mieux.
Les troupes se mêlèrent aussi à cette fête car les Tahitiennes
n'avaient jamais été plus jolies et de plus M. le Gouverneur avait
engagé tous les français de la Colonie, tant civils que militaires
chefs de l'île.
Société des
Études
Océaniennes
à assister à cette fête, pour que,
disait-il,
ces pauvres gens se
dé¬
trompent delà mauvaise opinion qu'on avait pu leur donner des
Français, et qu'ils voient que ces derniers n'étaient pas des bar¬
bares, ainsi que les Anglais avaient voulu le leur persuader.
Le repas entièrement terminé, tous les chefs se rendirent au
Gouvernement et tous les naturels firent leur Upa-upa qui est
la danse favorite des Tahitiens. La
le
canon
sur
musique se faisait entendre,
grondait et les feux d'artifices tombaient en pluie d'or
les naturels étonnés.
Les
Anglais
ne
virent point
sans
jalousie, l'établissement du
protectorat, aussi prirent-ils le parti de ne point le saluer, pour
prouver aux indigènes qu'ils nous méprisaient. M. Bruat voyant
leur manière
d'agir fît défendre aux navires de la Grande-Breta¬
d'entrer en rade sans saluer le protectorat. Deux bâtiments
de cette nation ayant été informés de cet ordre préférèrent pas¬
ser outre que de s'y conformer ; cependant le commandant d'un
de ces bâtiments, envoya un de ses officiers à bord d'un brick
de guerre anglais qui était en rade. Non content d'avoir été à
bord du brick, cet officier dirigea sa baleinière sur la terre, mais
le commandant du stationnaire l'ayant aperçu envoya un canot,
commandé par un élève, avec l'ordre de ramener cet officier qui
répondit au commandant du stationnaire qu'il ignorait qu'il lui
était défendu d'aller à terre. Après avoir entendu sa réponse on
le renvoya à son bord avec une lettre pour son commandant qui
gne
l'excusa de
son
mieux.
Pour terminer tous
ces
différends, l'Amiral français Hamelin
ayant rencontré à Calao, l'Amiral anglais, il fut convenu que ce
dernier irait à Papeete et qu'il saluerait le protectorat; en effet le
8 août on signala une frégate anglaise portant le pavillon du
Commodore. Cette frégate resta quelques jours en panne: l'A¬
miral descendit à terre pour
visiter la prison où avait été enfermé
anglais M. Pritchard, enfin il se décida à entrer en rade
et à saluer le nouveau pavillon tahitien.
Nous espérions que les canaques ayant vu les Anglais s'abais¬
ser se rendraient enfin, mais au contraire, les guerres qui suivi¬
rent prouvèrent que non. Dans le courant du mois de février
1845, profitant de la tranquillité qui régnait à Tahiti, le bateau
à vapeur "Phaëton" quitta la rade de Papeete pour aller arborer
le drapeau tricolore à Raiatea, l'une des lles-Sous-le Vent, où
s'était réfugiée la Reine Pomare. Pendant que les matelots du
le Consul
Société des
Études
Océaniennes
—
163
—
"Phaèton"
plantaient notre drapeau les canaques ne firent aucu¬
résistance mais, à peine furent-ils à bord que les couleurs
nationales furent abattues. Le Commandant du "Phaèton" en¬
ne
voya
quelques boulets à ces sauvages, puis il repartit de suite
pour Tahiti. Dans le courant du mois de mars, le même bâti¬
ment, partit pour les mêmes îles avec l'intention de ramener par
la douceur ces hommes à qui les Anglais avaient tourné la tête,
ils leur avaient assuré que nous voulions les rendre esclaves. Le
2 avril le bateau à vapeur rentrait à Papeete ayant laissé 12 artil¬
leurs et
2
pièces de canon à bord du trois-mâts 1 e" Marie-de-
Bordeaux" restant
suite 1' "Uranie"
en
croisière devant Huahine. On envoya en¬
espérant qu'elle obtiendrait de meilleurs résul¬
tats.
Affaire de Huahine.
premiers jours du mois de janvier 1846, plusieurs
indigènes, alliés des Iles-Sous-le-Vent, portèrent plainte à M.
Bruat Gouverneur Général des possessions françaises dans l'Océanie contre les habitants de Huahine qui ne cessaient de leur vo¬
ler leurs poulets, leurs cochons, patates, etc. Le Gouverneur en¬
voya la frégate 1' "Uranie" pour rendre les pillards à la raison, mais
la présence de ce bâtiment n'ayant pu rétablir l'ordre, le bateau
à vapeur le "Phaèton" fut expédié, ayant à son bord une section
de la 28^ Compagnie, détachée de Taravao et commandée par
M. le Capitaine Dcnisot. A l'arrivée du bateau à vapeur M. Bonnard, Commandant la frégate, imposa une rançon aux naturels
de Huahine pour réparer le tort qu'ils avaient fait aux canaques
alliés, mais la somme demandée ayant été apportée trop tard, on
en
exigea une beaucoup plus forte en les menaçant de brûler
leur île et de mettre tout à feu et à sang, si la rançon n'était pas
arrivée à bord de la frégate le lendemain 16 janvier à l'heure de
hisser les couleurs nationales (huit heures du matin). Mais cette
somme, demandée du reste à dessein, qui montait à 3 .000 pias¬
tres ne pouvant pas être remise par les indigènes dans si peu de
temps, ne fut point apportée. C'est pourquoi après avoir hissé
le pavillon, la frégate leva l'ancre et sous la direction d'un pilote
américain habitant depuis longtemps Huahine, fut mouiller près
Dans les
de la terre où elle s'embossa.
Déjà tout le monde était à
Société des
son poste
Études
de combat,
Océaniennes
on
allait
com-
l'attaque, lorsqu'un Anglais habitant aussi depuis long¬
temps Huahine approcha de la frégate, demanda à parter au pi¬
lote et l'apostropha en ces termes : « Je viens te
prévenir que ta
baleinière mouillée près des récifs va se briser si tu ne la rentres ».
Il dit et partit. A cette nouvelle, le
pilote alla trouver le Com¬
mandant de la frégate pour le prier de lui donner une embarca¬
tion et 4 hommes afin d'aller trouver sa baleinière et
pouvoir la
sauver; M. Bonnard fit d'abord quelques difficultés mais enfin
il céda aux instances du malheureux
pilote. Arrivés à terre nos
4 matelots et l'Américain, se dirigeaient vers le lieu où était
mouillée la baleinière, mais à peine furent-ils rendus,
que plu¬
sieurs coups de fusils furent tirés sur eux. Aussitôt nos matelots
coururent à leur embarcation
pour prendre leurs armes, mais
pendant leur absence l'Anglais qui était venu prévenir le pilote
du danger que courait sa baleinière, se
précipita sur lui, lui brûla
la cervelle, et prit
la fuite. Au bruit de la fusillade on rappela
les nôtres à bord, et le feu commença. Après
quelques bordées, •
on mit nos
troupes à terre, les naturels épouvantés de toutes
parts fuyaient, nos soldats incendièrent et pillèrent toutes les
cases, en commençant par celle de l'Anglais où on trouva des
valeurs considérables en vin et en étoffes de tous
prix. On dis¬
tribua sur le champ le vin et les étoffes aux
troupes, mais on
porta 4.000 fr. en or qui se trouvèrent dans cette case, à bord de
1' "Uranie" ; on
compta cette somme sur le pont et on la jeta à
mencer
la
mer.
Après avoir
couru toute la journée, notre petite colonne vint
camper et passer la nuit sur la grève en face de 1' "Uranie". Le
lendemain 17, dès la pointe du jour, nos
troupes se mirent de
marche, mais les insurgés ayant reçu des secours
des îles voisines, loin de fuir comme la veille se battaient avec
d'autant plus d'acharnement qu'ils nous étaient
supérieurs en
nombre et que nos troupes composées en
grand nombre de ma¬
telots commandés par des officiers de marine et
par conséquent
très mal dirigées, allaient à la débandade.
nouveau en
Joignons à cela la faim,
soif, et les fatigues de toute espèce et on ne sera pas étonné
de voir des hommes, d'ailleurs peu habitués à des manœuvres
de terre, reculer devant l'ennemi.
Enfin, après bien des traversées, nos matelots qui composaient
à eux seuls la colonne
d'attaque (la section d'infanterie était dis¬
posée en tirailleurs), atteignirent la crête de la montagne qui
la
Société des
Études
Océaniennes
—
16d
—
traverse l'île et
s'emparèrent sans beaucoup de résistance d'une
occupée par les insurgés qui prirent la fuite. Les marins
ne trouvant rien à piller dans cette petite fortification, se mirent
à la poursuite de l'ennemi, mais cette manœuvre commandée
par des officiers de marine, à qui on avait voulu laisser tout
l'honneur de cette journée, faillit nous faire perdre tout notre
monde. En effet, à peine les nôtres eurent-ils abandonné la re¬
doute, que des canaques embusqués de chaque côté du retran¬
chement se précipitèrent sur eux : Les fuyards firent volte-face, et
toutes nos forces furent prises entre deux feux. Les matelots es¬
sayaient bien de fuir mais leur mouvement enhardissait les in¬
surgés qui déjà les chargeaient à bout portant. Alors M. Denisot,
qui avait rallié ses tirailleurs, vint se placer au pas de course en¬
tre les nôtres et les indigènes, puis par une retraite bien soute¬
nue, donna le temps aux matelots de réembarquer et retourna
lui-même à bord avec sa petite troupe qui s'était si bien conduite.
Cette malheuseuse affaire nous a coûté 70 hommes dont 17
tués et 53 blessés. La section d'infanterie n'eut que 2 morts et 2
redoute
blessés.
On faisait des
préparatifs pour aller venger la mort des nôtres,
quand les affaires suivantes sont venues changer la face des cho¬
ses.
Affaires de
Iïaapape, Papeete et Papenoo.
Le 19 mars 1846, les insurgés comptant sur l'absence de la fré¬
gate "/'Uranie", violèrent le traité de paix qui avait été conclu
et qui ne devait expirer qu'au retour de cette même frégate dé¬
pêchée à la reine Pomare pour connaître ses instructions derniè¬
res
relatives
les hostilités
aux
en
Iles-Sous-le-Vent. Les naturels commencèrent
attaquant à Haapape, le 19 mars à 1 h. 1/2 du
soir; ils étaient plus de 1.000 venus de Papenoo.
Ils entourèrent le blockhaus et commencèrent
une
fusillade
bien nourrie à
laquelle il fut répondu jusqu'à 5 h. 1/2 du soir.
Les 30 braves enfermés dans le blockhaus et embusqués dans
les fossés qui l'entourent se défendirent avec tant de valeur, que
les insurgés n'osèrent pas approcher, et l'arrivée par mer d'une
section de grenadiers fit cesser le feu.
Dans la nuit, l'ennemi creusa un fossé à moins de 130 pas
Société des
Études
Océaniennes
du
—
166
—
blockhaus et plaça une pièce anglaise de
9 qui avait été amenée
dans une brouette derrière un gros arbre
qui la protégeait, mais
Le lendemain le feu reprit avec encore plus
de chaleur que la veille, les
insurgés tiraient à boulets et à mi¬
traille sur le blockhaus, mais il
paraît que les artilleurs canaques
n'avaient pas beaucoup fréquenté le
polygone car les boulets
passaient assez loin du blockhaus, et c'est à peine si la mitraille
touchait les murs. Tandis que l'artillerie manœuvrait
ainsi, les
autres insurgés embusqués derrière les
cases, les arbres et le re¬
ne
la
masquait
pas.
tranchement faisaient un feu continuel. L'obusier du blockhaus
s'attacha à démonter la pièce ennemie. Au
premier coup il tua et
blessa les fameux artilleurs, au deuxième
coup il toucha l'arbre
et au troisième
coup il enleva le tourillon gauche de la pièce et
l'artillerie ennemie fut enfoncée. Mais la fusillade continuait tou¬
jours.
Le feu
cependant et les deux jours suivants l'ennemi ne
reparut point, il était probablement en délibération. Le 22, le feu
recommença mais "Le Phaéton", arrivé de Raiatea fit son appa¬
cessa
rition,
envoya quelques boulets aux insurgés et les mit en fuite.
Alors M. le lieutenant Testard
qui commandait à Haapape, sou¬
tenu par le feu du bateau à
vapeur, fit une soitie avec 15 grena¬
diers et 15 canaques alliés. Ils poursuivirent l'ennemi
qui prit la
désordre, s'emparèrent de sa pièce de canon, pillèrent
et brûlèrent toutes les cases
qui servaient d'embuscade aux in¬
surgés, ainsi que toutes celles situées entre Taharaa et Haapape.
Nous n'eûmes dans cette attaque
que quelques légères blessures,
tandis que l'ennemi éprouva des
pertes considérables, causées
principalement par le choix de sa position qui était très mauvaise.
Victoria, un des matelots de" l'Uranie ", qui avait déserté, trouva
fuite
en
la mort dans cette escarmouche. Cette victoire
d'honneur
car nous
nous
fait
beaucoup
n'étions que 80 hommes.
PAPEETE
Le
20 mars à
5 heures quelques minutes du soir à peine, après
les hommes étaient revenus du travail, le camp de "l'Ura¬
nie", et le blockhaus furent attaqués. Sans s'attendre positive¬
ment à cette attaque on
pressentait bien quelque chose, et cepen¬
dant on n'avait pris aucune précaution, le
camp était même pres¬
que désert, les matelots passaient aux billets, ce fut un quartier-
que
Société des
Études
Océaniennes
—
167
maître
—
occupé à se laver les mains, sur lequel les canaques tirè¬
plusieurs coups de fusil sans l'atteindre qui donna l'alarme.
Les insurgés s'étaient glissés furtivement le
long des cocotiers
situés derrière le camp et en se baissant d'autres étaient venus
par la vallée du jardin, étaient passés sans être vus au milieu des
brousses et étaient arrivés jusqu'à la gendarmerie. Ils avaient tiré
sur le chef de la
gendarmerie M. Prat, avaient mis le feu à la mai¬
son Fergis, et déjà l'habitation de M. Brissot, lieutenant se trou¬
vait à portée de leurs balles, quand on battit la
générale.
En moins de cinq minutes, tout le monde fut rassemblé. Les
voltigeurs partirent au pas de course pour le jardin, quelques
hommes d'artillerie les suivaient avec un obusier, quand ils arri¬
vèrent le feu était déjà fortement engagé. Dans le
trajet du gou¬
vernement au camp, un
sergent et un brigadier d'artillerie furent
blessés et pansés de suite par le docteur au milieu des balles
ennemies. Enfin, après avoir longtemps combattu, les voltigeurs
rentrèrent dans le camp, l'obusier y fut placé et le feu continua
avec acharnement
jusqu'à 7 h. 1/2 du soir. Les canaques étaient
tellement enragés qu'ils essayaient de grimper dans le camp mais
ils étaient reçus à coups de baïonnette et de crosse de fusil, d'au¬
tres étaient parvenus dans le jardin de l'Uranie mais la 27e com¬
pagnie qui occupait les hauteurs du blockhaus des tombeaux les
repoussa avec pertes. Enfin, à 8 heures du soir, l'ennemi battu
sur tous les points
prenait la fuite en désordre. On ne put con¬
naître au juste les pertes de l'ennemi, car tous les morts et bles¬
sés furent enlevés par eux, à l'exception de trois que l'on trouva
dans le jardin de l'Uranie; l'un d'eux était un grand chef de Punaauia, c'était un homme superbe. La nuit se passa sur le quivive, les insurgés assassinèrent le vieux Mamoeet incendièrent
sa case: le lendemain et les jours suivants, ils recommencèrent
à tirer sur la petite redoute, mais ils n'osèrent
approcher. Dans
cette affaire nous n'eûmes qu'un mort et quatre blessés,
parmi
lesquels était le sergent d'artillerie Bussière à qui on a fait l'am¬
putation d'une jambe. Pendant cette attaque et celle qui suivit,
nous étions ainsi organisés : Une
ligne de tirailleurs partait du
jardin de la troupe, suivait la crête de la montagne jusqu'au block¬
haus des tombeaux, passait par le blockhaus des signaux, con¬
tinuait jusqu'à l'hôpital et finissait à la maison de
Tiby. Il y avait
un poste à la pointe des cocotiers, "La Fortune " était embus¬
quée vis-à-vis le chemin deTaunoa et" l'Héroïne", près du camp.
rent
ciété des
Étudi
—
168
—
Nos troupes étaient ainsi disposées quand les insurgés de Fauun détachement de ceux de
Papenoo vinrent nous atta¬
taua et
quer. Ils occupèrent l'autre côté du ruisseau, situé vers l'hôpital,
les uns se tenaient sur la route, et près du pont ; les autres étaient
embusqués derrière les arbres, le combat fut très chaud, car on
se battit pendant
3 heures à bout portant, au bout desquelles
l'ennemi
se
retira fort mal traité emmenant
sés, et laissant
ses
tués et
ses
bles¬
le champ de
fils tous deux tués près
bataille le grand chef de Fautaua
de la maison Guittard, " La For¬
tune" fit beaucoup de mal aux insurgés, c'était un plaisir de la
voir tirer, la maison du boucher anglais en tremblait. Un boulet
traversa les magasins de M. Rousseau, nous ne souffrîmes pres¬
que pas de cette affaire.
Depuis que la guerre est entamée, on n'entend que fusillades,
canonnades et générales; on ne voit que postes, barricades et
patrouilles; en un mot, c'est un désordre général.
Les insurgés battus se tenaient entre la grande rivière et Tahara, ils brûlèrent tous les ponts, incendièrent toutes les cases,
parmi lesquelles il faut compter celles de MM. Brémont et Lerouge, ils ravagèrent tout, sans excepter les pauvres colons dont
deux furent tués, les autres ne durent leur salut qu'à la fuite.
Le 27, nous fîmes une sortie par derrière les brousses, mais
avertis de notre approche les ennemis avaient pris la fuite. De
temps en temps, nous échangions quelques coups de fusil, prin¬
cipalement lorsque nous accompagnions nos alliés allant cher¬
cher des vivres, mais chaque fois nous battîmes l'ennemi ; quel¬
quefois nous fîmes des prisonniers.
Le jour de Pâques, les voltigeurs furent par mer jusqu'à Tapuna de l'autre côté de Faâa ils descendirent à terre et se trou¬
vèrent au nombre de 56 devant une redoute où étaient renfermés
plus de 600 insurgés. Ils attaquèrent et combattirent l'ennemi
pendant 3 h. 1/2 mais il fallut céder au nombre et réembarquer
à la hâte avec 18 blessés et 4 morts ; l'ennemi eut 65 hommes
et
son
sur
hors de combat dont le matelot déserteur Etienne était du nom¬
bre. L'Uraivie, arriva de Borabora le 23 après avoir signé avec la
reine un traité de paix pour les Ilcs-Sous-le-Vent. Le 29, la fré¬
gate " La Virginie", mouilla en rade dcPapectc. L'arrivée de ces
deux frégates augmenta de beaucoup nos forces, aussi se pré¬
para t-011 à une grande expédition.
Société des
Études Océaniennes
—
16$
—
PAPENOO
Le 8 Mai à 4
heures du matin, nous partîmes pour Papenoo,
deux colonnes : la première commandée par M. de Bréa,
M. le commandant de " La Fortune". Nous formions
un total de plus
de 1200 hommes, nous marchions dans l'ordre
suivant: grenadiers, une demi-section de la26° Cie, la 27e, les
voltigeurs, 80 hommes d'artillerie, puis les matelots appartenant
aux deux
frégates et aux deux corvettes; enfin, 175 canaques
alliés de Bora-Bora et de Tahiti, que l'on avait
placés par pelotcn
avec les
troupiers. Nous marchâmes jusqu'à Fautaua, où l'enne¬
mi avait une redoute, mais il avait pris la
fuite. Nous fûmes
coucher à Haapape, le 9, nous reprîmes notre
course, nous arri¬
vâmes jusqu'à Noama dont la redoute était aussi abandonnée.
il y avait
la 2e par
Nous continuâmes et
nous
arrivâmes devant la fameuse redoute
deTapahi ; c'était une position admirable et avec une demi-heure
de défense, l'ennemi nous aurait massacrés mais il
prit la fuite.
C'est dans cet endroit, que nous avons monté en trois
jours, un
superbe blockhaus entouré d'une fortification en cocotiers, il
fallut monter à dos d'hommes les arbres ainsi
que la pièce prise
à Haapap?, .aussi le gouverneur nous dit qu'avec des hommes
tels que nous, tout était possible à un chef.
(A suivre).
Par
MULLOT,
soldat à la 3e
du
Iev
compagnie
régiment d'infanterie
de marine.
(Journal des Coloniaux).
Société des
Études
Océaniennes
470
—
—
^OJaSK. 3Ei.OjO.SE
LÉGENDES TAHITIENNES
Extrait des notes écrites
en
1837
par
le Rév. J. M. Orsmond.
Le mot "Aai" ou "Aamu" désigne un récit légendaire,
quel¬
quefois d'origine historique. Nombreuses étaient ces légendes à
Tahiti. En général une seule personne ne connaissait que celles
se rapportant au même individu, relatant ses hauts faits ou ses in¬
fortunes. C'était le diseur de légendes "te taata papai aamu".
11 est regrettable, disait Orsmond il y a déjà
près d'un siècle,
que ces légendes n'aient pas été écrites il y a 20 ou 30 ans car
aujourd'hui beaucoup sont oubliées et elles auraient pu fournir
des renseignements précieux touchant les mœurs, les coutumes,
les aliments, les événements du passé.
Les principaux personnages auxquels se
rapportaient ces lé¬
gendes sont:
Te aai ia Pai
Fanoura
Rehia
"
Hiro
"
Tanemanu
Turi
"
Monoi Here
Tafai
"
Maui
Rata
"
Voici deux
légendes qui sont
La
Ruanui était
cette terre
ne
Paiheotuu
un
assez peu connues.
Légende de Ruanui
dieu
trouva pas
qui pour passer du monde invisible sur
d'autre chemin que le corps d'un " rori"
(tripang).
11 s'introduisit dans
son
Société des
intestin et arriva sain et sauf
Études
Océaniennes
en
ce
—
monde. Il était
mère Nioru et
47 4
—
originaire de Faaha à Raiatea, on lui donnait pour
ses ancêtres étaient parmi les chevrettes (salico-
ques).
Mais dans le passage
il perdit ses cheveux et quoique de belle
prestance il avait un crâne allongé, chauve et brillant de sorte
qu'aucune femme
la
vue
de
sa
ne
voulait de lui. Toutes étaient éffrayées à
tête.
par ruse et grâce à la nuit, il obtint les faveurs
qui s'appelait Teahotauniua, il lui défendit de tou¬
cher sa tête prétendant qu'il en souffrait.
Le matin il se leva le premier et se rendit à la rivière pour se
baigner. Mais tôt après la femme avec laquelle il avait dormi y
Cependant,
d'une femme
vint aussi
avec une
amie.
Ruanui plongea aussitôt pour se cacher sous
l'eau jusqu'à leur départ. Mais la rivière n'était pas assez pro¬
fonde de sorte que son crâne chauve dépassait la surface.
Teahotauniua dit à son amie: « Quel est cet objet que nous
voyons surnager? Prenons cette boule et coupons-la pour voir
ce qu'elle contient».
Ruanuu en entendant ces paroles sortit de l'eau et s'enfuit fu¬
En les voyant,
rieux.
Il alla
se
plaindre à sa mère de ce
que sa
tête était si longue
et si chauve.
Celle-ci intercéda
auprès des dieux qui changèrent la forme de
tête, mais elle était toujours chauve.
Sa mère lui dit alors : « Tu auras une chevelure, mais prends
garde de bien choisir et rejette les cheveux qui ne te convien¬
sa
dront pas ».
Tout d'abord les dieux lui donnèrent la barbe
(te pito parau)
perlière, mais il n'en voulut point. Ils lui offrirent
alors le poil du rat, mais il le rejeta encore.
Enfin ils lui donnèrent une belle chevelure noire et épaisse et
l'ajustèrent sur sa tête.
Il était alors si beau que toutes les femmes l'aimèrent et la plus
amoureuse de toutes fut celle qu'il avait connue. Elle désirait
ardemment cet époux dont elle admirait la beauté.
de l'huître
Sa mère lui conseilla d'aller à la rivière où elle avait
vu
Rua¬
baigner et de s'emparer de la première grosse chevrette
qu'elle verrait et en qui elle trouverait une ressemblance avec
nuu se
son
amant.
Société des
Études
Océaniennes
Elle y fut, et voici, la rivière fourmillait de chevrettes.
Elle retourna vers sa mère et lui dit: « jamais
je ne vis chose
pareille, la rivière est remplie de chevrettes, et il en arrive sans
cesse.
Prends-en
une,
lui dit
sa
mère, étends-la
sur tes
genoux et tu
y trouveras Ruanuu.
Ainsi fit-elle et elle
reprit son époux.
Tahiti, on compare à Ruanuu celui qui est chauve. 11 paraît
d'ailleurs qu'il n'est pas encore mort et vit dans différents dis¬
A
tricts.
La
Paiheotuu était
de dévora
un
Légende de Paiheotuu.
un
héron
audacieux
petit héron qui, d'après la légen¬
gigantesque qui vivait dans une grotte à
Raiatea.
On
l'appelait Otuu nunamu et il avait enlevé la femme de
Tuoropaa. Ce dernier qui était roi envoya des messagers tout au¬
tour de Raiatea et de Tahaa pour
les
rassembler tous les hérons et
guerre contre Otuu nunamu.
Mais tous redoutaient d'attaquer le géant et ils s'en retour¬
naient chacun à son île, son îlot ou son pâté de corail
quand ils
mener en
rencontrèrent le
—
«
Où
petit Paihe otuu.
avez-vous
été, leur demanda-t-il ?
Ils lui
—
«
expliquèrent l'affaire.
Et pourquoi retourner
nunamu
au
lieu d'aller combattre Otuu
?
« 11 est si grand, lui dirent-ils, qu'à la seule
pensée de l'at¬
taquer la peur tord nos entrailles».
« C'est bien, dit Paihe otuu, maintenant c'est son ventre
que je vais tordre, et il partit à tire d'aile vers la retraite du géant.
Il arrive et se pose sur le bec de Otuu nunamu. Celui-ci essaie
de le secouer, ouvre le bec et et le petit héron s'y engouffre,
descend par sa gorge et commence tranquillement à lui dévorer
—
—
les intestins.
Oh! Oh! s'écrie le
gigantesque oiseau, quelle est cette dou¬
J'ai englouti la baleine, le dauphin, le marsouin,
le poisson noir, le requin, le thon, j'ai avalé des bancs entiers
de maquereaux mais je n'ai jamais éprouvé semblable peine».
—
«
leur intérieure ?
Société des
Études
Océaniennes
—
Il fait
un
effort et
173
—
expulse Paihe otuu qui fut projeté jusqu'à Ta-
haa.
Remis de ce choc, le petit héron va se baigner dans la rivière,
puis retourne au combat. De nouveau il se pose sur le bec du
géant, et pénètre de la même manière dans son estomac.
Expulsé plusieurs fois il revient sans cesse et finit par dévorer
complètement les entrailles du gigantesque oiseau.
Il délivre alors la femme deTuoropaa et la rendit à son
époux.
Tous les hérons se réunirent et le proclamèrent roi. C'est un
grand guerrier, dirent-ils, que ce petit héron car à lui seul, il a
triomphé dans un combat que tous les hérons n'avaient pas mê¬
me osé
entreprendre.
Traduction E. AHNNE.
Société des
Études
Océaniennes
—
OUVRAGES ET
De Paris
174
—
PÉRIODIQUES REÇUS
Annales de Marie
:
Le Monde Colonial
(illustré).
(illustré).
Coloniales (quotidien).
Les annales Coloniales
Les annales
La Revue des Valeurs Coloniales.
L'Océanie
Française.
Bulletin de l'Institut
Océanographique.
Critique d'Histoire et de Littérature.
Bulletin de la Société Centrale d'aquicul¬
Revue
ture et de Pêche.
Divers
Le
De Nouméa
De
catalogues.
Temps.
Le Bulletin du Commerce.
:
Le
Papeete :
Journal Officiel des E. F. O.
d'agriculture
Le Bulletin de la Chambre
de Tahiti.
Le Réveil.
De Calcutta
Asiatic
:
Society of Bengal.
Mémoirsofthe Asiatic Société of Bengal.
De Londres
United
:
Empire.
Man.
The
De New-York
Geographical Journal.
Deep-sea Angler-Fishes (Ceratioidea)— by
C. Tate Regan.
Natural History.
:
Américan Muséum Novitates.
De
San-Diego
De
Berkeley
De Manila
Transaction of the
Natural history.
:
Qualitative expression of cultural Relationship - H. E. Driver and A. L. Kroeber.
:
The
:
De Honolulu
San-Diégo Société of
Philippine Journal of Science.
Bulletin of the Pan-Pacitic Union.
:
The Volcano Letter.
De Suva
Na Mata.
:
De Gravenhage:
Bijdragen tôt de taal-land-en Volkcnkunde van nederlandsch -Jndiç.
Société des
Études Océaniennes
Acquisitions de la S. G. O.
BIBLIOTHÈQUE
Dons.
De M. P. Cancel
De l'auteur
De l'auteur
De Patrick
O'Reilly
De Librie E. Leroux
L'Archipel aux Sirènes. — Somerset Mau¬
gham.
La Mer (Encyclopédie par l'image).
Megalithic Remains in the South-Sumatra.
(2 vol.) — Van der Hoop.
L'Evangile du Soleil. — Alain Gerbault.
La Croix dans les Iles du Pacifique. — Vie
de Mgr. Bataillon. — R. P. Mangeret.
Histoire des Religions de l'Archipel PauA. C. Eugène Caillot.
motu.
New Standard Encyclopédia of Universal
Knowledge (25 vol.) — Funk & Wagnalls
—
De Dr V.
Bergère
De l'Institut d'Ethno¬
logie
Dictionnaire de la langue des Iles Marqui¬
ses. (Français-Marquisien). — Mgr Dordillon.
Achats.
Voyage autour du Monde par une femme — Ida Pfeiffer.
Voyage à Madagascar.
—
id.
Tahitische Trauergevander. — Dr Hans Plischke.
MUSÉE.
Achats
1
plat
en
pierre (creux).
Dons.
De Mme
Coppenrath
De M. Terii
a
1
Manea 3
1
crabe.
dieux en pierre provenant de Tautira.
pierre h aiguiser les haches.
De M. M. Théo Meier
et Lucas Stachelin
1
1
1
dieu
en pierre
rouge des Iles Marquises.
pierre à tapa.
maillet à tapa (fabrication récente).
1
bol
1
petit dieu
en
bois servant à boire le kawa,
pour
la pêche.
■
«0 ,vl ê FÛ
*
-
-
--
.
'
..
'
t
;
0
•
•
'
•
.
•
-
.
■
irîOvfei
-
.
v"
•
W
-V 0
'
.
■
'
•
.'
.
■
'
siàiïJv i
1
H
.
.
>
Société des
Études
Océaniennes
'.
•■
.
;
: '
I
^
BUREAU DE LA
SOCIÉTÉ
Président
M. E. Ahnnè.
Vice*Président.
M. C. Bérard.
Trésorier..
M. A. Caboureti
Secrétaire-Archiviste
M. Y. Malardé
Bibliothécaire et Conservatrice du Musée Mlle E. Bodin.
Pour être reçu Membre
membre titulaire.
de la Société
se
faire présenter pat
un
bibliothèque/
Le Bureau de la Société informe
Membres que
dé>
peuvent emporter à domicile certains livres de
la Bibliothèque en signant une reconnaissance de dette ait
cas où ils ne rendraient pas le livre emprunté à la date
ses
sormais ils
fixée.
Le Bibliothécaire
présentera la formule à signer.
Bibliothèque est ouverte aux membres de la Société
et ù leurs invités tous les jours de 9 à 11 heures et de 15
à 17 heures.
Le Dimanche de 14 à 17 heures.
La
musée.'
Le Musée est ouvert le
et les
Jeudi et le Dimanche de 14 a 18 heures •
jours d'arrivée et de départ des courriers. Mêmes heures.
Pour tout achat de Bulletins, échanges ou donation de livres
au Président de la Société, ou au Bibliothécaire du
s'adresser
Musée, Boîte 110. Papecte.
LE BULLETIN
Le Bureau de la Société accepte l'impression de tous les articles
qui paraissent dans le Bulletin triais cela n'implique pas qu'il
épouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien les
commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls, en
prennent toute la responsabilité.
Aux lecteurs de former leur
appréciation.
La Rédaction.
S&s4^«S»r»i3Rv.
sÉISPÏ••■'
...
''
■
Ife^:
....
"
;.
'
-
i»
:î^V*
i.'WÈ;
;s%: ^'-£ï
w£Ès 48»;
Ki^.tn:"jfi
M
'
'
-
-
-
"
-
.
.;-v:S:v>
"'
•
r '
« SPU ■
-
,v '
',
'
'**"■/
'
.-1" '•*
\
-
-
■
■."■■'.■
..
-te.
g
-
■
'
,.,M
,,
;
^âKX>*
SP5WSS
•
:-•;\ ; .:. •.-'..
•
'■ ,
i^SSî
feas%y:
-•/
„...«»■ T.
'
'.
V
.^v'w
,
^
M
.
•'■■■"
r"-"-;
.
;
■'
.'
■
>-
•
'•••
'■:
.
..
.
-,
AV.
VV-Jv-V.
,v
;.■•■■.
..
,
'
,
-
'
:
>v'
_
•.-
.
,vJ--.*"- ;- ? t.
.•..-:-.
V
.
>0
:
,
.
>
'.
V
; .-A -A .'•'.
"
•'.-< •••:,
.,v. ■,...,..
S $3$|g3a
,v ;-V~v:
•
S/». »4aït-KAï®t
.
■/..■-.-
.
.
■"*•*-*
-
-
isii
-
i..-:
'
■
"
-
...;..;^fevï
\
^
• '
m
.
:~T
'■
-..
.vv
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 46