B98735210103_044.pdf
- Texte
-
|~E
Bulletin
DE
111
Société
la
des
ÉTUDES OCÉANIENNES
N°
TOME V
(N° 3)
SEPTEMBRE 1932
Anthropologie
Histoire
—
des
—
Ethnologie
Institutions
—
Philologie.
et Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
—
Sciences naturelles
Tourisme.
IMPRIMERIE
DU
ft PAPEETE
GOUVERNEMENT
(TAHITl)
Les articles
teur
a
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ses droits, peuvent être traduits et reproduits
expresse, que l'origine et l'auteur en seront men¬
réservé
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Membre à
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versée une fois pour toutes. (Article 24 du Règlement Inté¬
rieur, Bulletins N° 17 et N" 29).
me
i° Le
Bulletin continuera à lui êtreadressé, quand
bien même
jl cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
20
modique somme assure à la Société
la cotisation annuelle de 30 fr.
L'intérêt de cette
revenu
supérieur
a
un
3° Le Membre à vie n'a plus à se préoccuper de l'envoi ou du
paiement de sa cotisation annuelle, c'est une dépense et un souci
de moins.
lin
conséquence: Dans leuf intérêt et celui de la Société,
sont invités a
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TOUS CEUX
qui, résidant hors Tahiti, désirent recevoir le
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TOUS LES
jeunes Membres de la Société.
TOUS CEUX
qui, quittant Tahiti s'y intéressent quand même.
Société des
Études Océanien
sBwafcaœœaw
de
SOCIÉTÉ
la
D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME V
I\° 44.
-
(N°3)
SEPTEMBRE
1032.
AIBE
Fages
Coutumes et Institutions.
L'Agriculture, Epopée moderne des Tuamotu
H. Bodin.
77
E. Ahnne..
84
par
Folklore.
Le
Déluge : Version tahitienne. Traduction
par
Histoire.
Prise de Tahiti
par
:
Journal d'un soldat d'Infanterie de marine
88
Mullot
Tourisme.
Rapa, de H. S. Bissel. Traduction par P. Jourdain
98
Divers.
Ouvrages et périodiques reçus..
106
108
Acquisitions du Musée
Société des
Études
Océaniennes
CÛÏÏTÏÏlill
3EjïP
IWSl?IOTJl?î;©If;
Quelques souvenirs des Tuamotu.
L'Agriculture, épopée moderne «les Tuamotu
conquête, que les indigènes
les terres incultes, marque un
La
sur
temps révolus et
des Tuamotu ont accomplie
degré de civilisation entre les
l'avenir de la race.
légendes monotones et puériles chantant les "Kaito
géants", leurs ruses de guerre où souvent un plat plantureux de
poisson empoisonné rendait impuissants les stupides guerriers;
elles invoquaient les génies de la mer et ceux des vents, les "Pahi"
ingénieusement fabriqués de pauvres planches cousues sur une
quille minuscule, remplaçant la légère " Vaha" du bord du récif
ou des lagons,
l'océan des calmes et des brises légères où s'ouLes vieilles
Société des
Études Océaniennes
—
78
—
vraient naturellement des voies faciles, qu'aucun pays ne con¬
naît avec une aussi constante continuité.
Dans
chants, où sans être forcément des proscrits que
population chassait, car la mer ici est généreuse et suf¬
fisait, sans doute à tous, le goût de l'aventure, et la vanité de la
gloire, entraînaient les héros des lies basses : Ils atteignaient
quelque terre nouvelle où il apparaissaient en ennemis redou¬
tables aux imaginations, soudain surexcitées.
Astucieux et prudents, ceux de terre criaient : "Kuraora" (gar¬
dons nos vies sauves). Les nouveaux venus, brûles de soleil et
d'embruns, affamés et fous d'orgueuil, puisque leurs "Teki" ne
louaient jamais que des ancêtres invincibles auxquels ils s'iden¬
tifiaient, répondaient: "Kuramate ' (luttons à mort) et..... on
palabrait sans combattre. ''Les ichtyophages ne sont pas braves".
Les femmes félines et prometteuses servaient d'appât et de
diplomates, la ruse faisait le reste jusqu'à l'extermination con¬
ces
l'excès de
voitée.
Mais les traditions
s'intéressaient guère
ne
à glorifier l'agricul¬
ture: Insouciants du lendemain ils se contentaient des fruits que
la nature offrait.
Le cocotier n'était pas
inconnu : Son "Huto" riche de réserves
racines et dresse sa tige aux feuilles
entières, sans avoir besoin d'emprunter au sol de quoi le nourrir.
L'océan le transporte, le sel ne brûle pas ses racines, on en a
vu se balancer sur la vague à mille milles de toutes terres, dres¬
sant son panache vert, comme une voile, à la conquête lui aussi
germinatives, allonge
ses
d'une île nouvelle.
L'homme blanc est venu, l'insulaire a suivi son
exemple de
paix et de travail, le "Kuramate" ne s'adresse plus qu'à la forêt
clairsemée, qui peu à peu fut vaincue.
Le péril dans l'archipel, en cinquante ans d'occupation fran¬
çaise n'est plus qu'un souvenir.
Il faut remonter à 1856, lorsque la goélette "Sarah Ann" du
capitaine Steven, allait de Tahiti au continent américain, pour
trouver la dernière scène de cannibalisme : Deux jeunes garçons,
un bébé, des femmes et tout l'équipage
furent massacrés et man¬
gés à Tematangi. L'horrible festin ne tut connu qu'un an plus tard
par le capitaine delà "Julia". Une expédition fut organisée, l'île
soigneusement visitée semblait sans habitants, lorsque Teina,
chef de Anaa, commandant les auxiliaires recrutés dans cette île,
Société des
Études
Océaniennes
entendit la chute d'une pierre et vit une main qui sortait d'une
fissure du sol. Seize criminels étaient cachés là. On trouva dans
cet étroit souterrain la moitié du bébé momifiée et
un
plantée
sur
bâton.
"
LesPaumotuans sont avides et entreprenants,
ils
ne craignent
pas leur peine", Leur nature façonnée sur ces mornes atolls par
des siècles de médiocrité où ils ont toujours âprement lutté pour
vivre est
résignée et triste. "Ils ont un fond d'ascétisme d'amer¬
d'énergie", belles qualités pour des agriculteurs.
Passionnés de leurs titres de propriété, ils aiment l'arbre mer¬
veilleux qui satisfait tous leurs besoins.
Moins grands, moins intelligents et surtout moins beaux que
les Marquisiens, les Paumotuans aiment la vie et la race ne dimi¬
tume et
nue
pas.
Le
grand mobile de leurs actes est devenu la conservation et
en valeur des biens destinés aux enfants. Cette
aptitude
est générale mais devient éclatante quand une population entière
a compris un programme de
plantation dans une action com¬
mune.
Lorsque l'idée était latente et qu'un conseil autorisé, tel
que celui d'un haut fonctionnaire ou d'un missionnaire, donnait
un
encouragement, il en résultait une unité de l'ensemble et la
mise en exécution commençait sans redouter les peines et les
la mise
dépenses.
C'est ainsi que
l'île fertile de Pukapuka fut plantée par la popu¬
Voyages pénibles et ruineux pendant de
longues années, privation et travail intense, rien ne les arrêta.
Chez eux l'effort paraît inconscient, léger et agréable lorsqu'il
lation de Fakahina.
est collectif.
Une fois les lots
attribués, égaux
pour
chacun, aussi bien les
parents, les enfants, que les étrangers présents, le bruit sourd
des haches, le fracas des arbres abattus, les crépitements des
feux dévorants les plantes encore vertes, la fumée couvrait l'île
et la nuit les lueurs de ces foyers effrayaient les oiseaux qui
assistaient à la destruction de leur domaine.
Beaucoup travaillaient la nuit à la clarté de la lune. Une fois
le sol mis à nu, enrichi de la cendre de toutes
ces
brousses
on
plantait les noix,germées.
Des méthodes empiriques, dont l'efficacité a longuement fait
ses preuves, sont la règle commune: Un
peu de vieille ferraille
rouillée auprès de chaque plant, l'orientation du coco la tige du
Société des
Études
Océaniennes
—
côté du vent et la noix
comme
80
—
étai pour
la soutenir
verticale,
la
profondeur du trou, variable suivant la résistance et la richesse
du sol, une sélection préalable des fruits et surtout l'alignement
et l'écartement régulier des arbres, suprême progrès dont pro¬
fitent les cocoteraies les
plus nouvelles.
Les anciennes extrêmement serrées, devraient, dans
leurs auteurs,
mais
sans
l'esprit de
raison directe du nombre d'arbres,
lumière, quel que soit le sol, le résultat est
produire
air et
sans
en
toujours mauvais.
Ce n'est pas tout de planter, pendant quatre ou cinq ans au
moins, il faut défendre le jeune palmier, brûler la brousse qui
renaît, soigner les arbres dont la pourriture a envahi les racines
et menace
de les tuer.
On voit alors des initiatives
par
qui ne sont pas toujours guidées
le bon sens et qui tendent surtout à ne pas suivre l'éxemple
général. C'est l'esprit inspiré du " Tabua" qui invente des remèdes
d'illuminé,
avec
l'espoir d'obtenir
un
succès qui lui conférera
renommée de sorcier.
Certains n'hésiteront pas, par exemple à entailler profondé¬
ment le tronc du jeune cocotier et y placer une poignée de sulfate
de fer. Ils savent très bien que ce remède de la chlorose, doit être
une
répandu sur le sol en petite quantité, que son action, dans les
prodigieuse et que d'un coup d'œil on
peut compter au loin, dans les ilôts plantés, les rangs qui sont
sulfatés, "Tamata", pensent-ils un procédé nouveau et si....
Mais en trois jours les feuilles ont subitement fléchi vers le tronc,
on dirait qu'un incendie atout roussi. II faudra plus d'un an
pour qu'elles repoussent, tandis qu'une large pourriture creuse
îles de corail fertiles est
l'arbre où il fut entamé.
d'expérience et d'apprendre? Oui peut-être, mais sur¬
pauvreté de jugement et espoir de paraître plus éclairé que
tout le monde, y compris l'homme blanc qui a enseigné ce pro¬
duit mystérieux et la façon intelligente de s'en servir.
Dans l'ensemble, la raison, toujours lente à se former finit par
devenir du bon sens, mais il faut longtemps, car si l'indigène
des Tuamotu est capable d'un effort physique considérable son
attention ne peut être soutenue sur tout ce qui nécessite un
raisonnement. Tandis que le Marquisien comprend sans peine
des calculs compliqués, le moindre problème chez le Paumotuan
soulève un si pénible effort qu'il a tôt fait de l'abandonner.
Besoin
tout
Société des
Études
Océaniennes
*
—
81
—
J'ai vu des cours d'adultes, faits par un missionnaire; les ques¬
posées étaient simples et inspirées des actes coutumiers
ou des relations commerciales les
plus courantes, ils étaient là
trente ou quarante grands personnages, transpirant sous l'effort,
humiliés de chercher en vain, prêts à admettre la solution comme
conforme à ce qu'ils n'avaient pas eu le temps d'exprimer, mais
en fait ne trouvant rien, absolument rien.
Pourtant leur aisance pour palabrer ne manque pas de brio.
Qui y a-t-il au fond de leurs discours? Sinon des mots retour¬
nant peu d'idées. Le
geste et l'intonation tout cela fait musique
qui les enchante.
tions
Ce sont
palabres creuses qui souvent créent un obstacle
entreprises collectives. Bien des îles auraient été mises en
valeur depuis longtemps si l'habitant avait dû suivre, sans pa¬
roles inutiles un déplacement comme celui de Fakahina à Pukapuka, car une fois arrivé à pied d'oeuvre il faut continuer. 11 n'en
est pas de même quand ils doivent agir là où ils habitent. Les
Napuka, disait le R. P. Germain, n'ont commencé à réunir les
pierres de son église que lorsque las de les voir faire d'intermi¬
nables commentaires, il cessa de les encourager dans leur langue
et leur parla en flamand ; ne comprenant plus rien, ils se mirent
ces
aux
au
travail
Dans
sans
difficulté.
répartition de terre et la mise en valeur, (comme à
Pukapuka) il y a les lots pour chaque individu. La femme fera
son travail sur celui qui lui est attribué, l'homme de
même,
ceux
une
des enfants bénéficieront de l'effort
L'indigène est sincèrement attaché à
commun.
de son sang et de
parfois mari et femme.
Soit que leurs propriétés les aient fixés dans le pays natal, soit
que l'un d'eux provienne d'une île voisine, soit encore que leur
pauvreté les ait conduits dans tous les points de l'archipel, ils
ne se quittent jamais. Précaution souvent
utile, mais aussi par¬
fois, union réelle et profonde.
Un couple originaire de Reao garde dans mon souvenir une
mention spéciale.
En 1906, venant des Gambier, je visitais Reaô. L'ile abondam¬
ment peuplée avait à cette époque fort peu de cocotiers en
rap¬
port. Les habitants vivaient à peu près nus. Le coprah livré aux
bateaux dans de longs paniers en feuilles suffisait à peine à achesa
ceux
famille. Une affection touchante unit
Société des
Études
Océaniennes
—
ter les carottes de tabac
les
étrangers n'était
82
—
indigène. L'empressement affable
émoussé par les rapports
pas encore
pour
coin
merciaux.
Il y
avait quelques beaux hommes. Les femmes, surtout les
jeunes à qui on avait appris les hontes et la pudeur, avaient une
allure entravée et oblique manquant de naturel et dépourvue de
grâce; les enfants bedonnants formaient autour des inconnus
un groupe silencieux et
attentif. Dans l'ensemble une impression
dépourvue de charme et de beauté.
Au départ, un jeune homme se trouvait sur le pont. Il y avait
eu sur la plage les adieux des parents, sans manifestation exces¬
sive. L'embarcation hissée, le bateau se mit en marche longeant
la terre. Soudain un long cri aigu vint jusqu'à nous, une femme
presque sans vêtement courrait sur le sable de toutes ses forces.
La chevelure flottant dans le vent de
sa
course,
elle franchissait
légèrement les menus obstacles. Son but évident était d'atteindre
la pointe de l'île que le bateau devait doubler, avant de remonter
vers le nord et coûte que coûte arriver à bord.
Chacun suivait
moi
l'impressionnante vision, matelots
capitaine silencieux. Quand au jeune homme, débout au mi¬
lieu du pont dans son pareu serré au ventre, il était immobile
comme une statue, mais son regard
tendu vers la terre, qu'il aban¬
donnait pour une raison inconnue, suivait passionnément la belle
comme
et
fille courageuse.
Il n'y eut pas un
rire, pas un quolibet à bord ; l'immense émo¬
qui gui Jait cette poursuite désespérée nous pénétrait.
Ce fut avec une impression de reconnaissance que chacun
entendit l'ordre du capitaine de border la trinquette et de mettre
tion
en
panne.
Déjà la jeune fille était à l'eau, elle nageait comme elle avait
courru, s'approchant du bord avec tant de souplesse que per¬
sonne ne jugea utile de descendre la baleinière.
Un matelot maître d'équipage, un vieux, se sentant sans doute
par son âge, désigné pour lui tendre la main, l'aida à franchir le
bastingage.
Un instant après le capitaine lui avait donné un pareu et une
robe. Le couple assis côte à côte sur la dunette regardait s'éloi¬
gner la terre natale. Leur immobilité et leur attention trahissaient
seules la force de leurs sentiments.
Société des
Études
Océaniennes
'A'
.
"Sjpk
Y;
•
—
83
—
Je les ai retrouvés cinq ans plus tard à Fakahina, leur attache¬
était exemplaire.
Je les rencontrais sur la plage, près de leur case en feuilles
tressées après la pêche ou le travail. Ils avaient deux enfants et
la grâce éternelle du bébé au sein, de cette forte fille qui savait si
ment
bien courir et si bien nager,
de
l'avenir
le cocotier généreux.
était comme le symbole de
paix et de prospérité desTuamotu, sous
Pukapuka, novembre 1931.
Henri BODIN.
Société des
-
Études
Océaniennes
84
—
—
3F © Jg 33L Ha 'O 33»
Le
Version tahitienne recueillie
Déluge.
en
1829 par le Missionnaire J. M. Ors-
mond de la bouche d'un vieux
Traduction
la
prêtre de Pirae, nommé Tefarua.
:
Ed. Ahnne.
Autrefois, il y a bien longtemps, Tahiti tout entière, l'île et
presqu'île (Tahiti-Nui et Tahiti-Iti) furent submergées par la
mer.
Cochons, volailles, rats, chiens: aucun animal ne fut épargné,
ceux qui furent sauvés par deux personnes. Mais dans les
airs, les dieux recueillirent les oiseaux et les insectes.
Un terrible vent du Nord soufflait en tempête avec des torrents
de pluie et des tourbillons qui déracinaient les plus grands arbres,
les rochers et les emportaient dans les airs.
Un seul couple : l'homme et la femme furent épargnés. La
femme prit ses petits poussins, les jeunes chiens et les rats qui
sauf
autrefois servaient de nourriture. L'homme
prit
ses
petits
co¬
chons, le rouleau de nattes et les vêtements de tapa. Ils partirent
cherchant
un
L'homme
lieu de
refuge.
yeux sur VOrohena et
vissons à la hâte cette haute cime ».
jeta les
dit à
sa
femme :
«
Gra¬
Ce n'est pas
là qu'il nous faut aller, dit la femme.
Pourquoi non? C'est le pic le plus élevé et la mer ne sau¬
rait nous y atteindre.
Non reprit la femme, VOrohena sera bientôt submergé. Mon¬
tons plutôt sur cette montagne en forme de cône le Pito-hiti, là
nous serons en sûreté. Et tous deux gravirent le Pito-hiti.
Ces deux êtres humains et les animaux qu'ils emportaient se
réfugièrent sur le sommet du Pito-hiti et la mer ne put les y at¬
teindre. Mais ils n'avaient pas de maison et étaient exposés à
toutes les intempéries, ils prirent des branches d'arbres pour s'en
—
—
—
faire
un
abri.
Alors tout le pays
eaux du ciel ou de la
Tahiti et Taiarapu furent couverts par les
mer. Le mont Orohena fut submergé, seul
Société des
Études
Océaniennes
émergeait des flots. L'Océan s'étendait sur Moorea
le Pito-hiti
et aucune
montagne n'était plus visible.
Dix nuits
me
passèrent ainsi ; puis la mer se mit à baisser. L'hom¬
regardaient et ils virent reparaître le sommet des
et la femme
plus hautes montagnes.
Une autre nuit passa et les flancs des montagnes apparurent.
Alors ils dirent.
apaisé.
La
mes
ont
«
La colère de Taaroa, créateur de l'univers est
»
est calme et se
retire, le sol apparaît, mais nous som¬
nos amis, nos chefs
péri, la terre est déserte et les montagnes sont dénudées.
mer
abandonnés entre ie ciel et la terre. Tous
Tout est mort.
Même si
nous
serrions
nos
entrailles entre des
que nous attachions notre ventre avec
rirons pas moins.
11 y avait des éboulements
étaient remplies de pierres.
des cordes,
planches
nous
ou
n'en pé¬
dans les montagnes, et les vallées
Quand la terre fut sèche, l'homme et la femme, les cochons,
quittèrent leur retraite ; ils s'en
chercher leur subsistance.
Le pays était couvert de cadavres en putréfaction : êtres hu¬
mains, porcs, chiens, volailles gisaient côte à côte. Les poissons
mouraient dans les creux de rochers où ils avaient vécu lorsque
la mer recouvrait les montagnes.
Toutes les maisons avaient disparu et les marae étaient boule¬
les chiens, les poules et les rats
furent chacun de leur côté pour
versés.
Lorsque le vent cessa et que le calme se rétablissait sur la ter¬
alors les pierres et les arbres qui avaient été déracinés et en¬
levés dans l'espace par la tempête commencèrent à retomber sur
le sol en une pluie drue et persistante. Calamités sur calamités
re,
descendaient du ciel.
La femme dit alors : « Ami, nous avons échappé aux flots de
la mer et des torrents, allons-nous être écrasés maintenant par la
chute des rochers et des arbres ? Où chercher un asile? »
Ils tournaient leurs regards de tous côtés, enfin l'homme dit :
Je vais creuser un trou pour nous y abriter, sinon nous serons
tués par cette pluie de pierres et de branches. »
Et il creusa une grotte dans la montagne, au flanc d'une val¬
«
lée, il
en
le seuil il
recouvrit le sol d'herbe désséchée par l'eau de mer, sur
répandit du sable et en ferma l'entrée avec une dalle de
Société des
Études Océaniennes
—
86
-
pierre. Et ils restèrent là affamés, solitaires, écoutant avec ter¬
reur le fracas causé par la chute des pierres et des arbres et ré¬
percuté par l'écho des vallées. Puis peu à peu, la chute des pier¬
res fut moins serrée, le bruit diminua et enfin ce fut le silence
complet.
Mais ils attendirent encore une nuit et quand reparut le matin
le vent était complètement tombé et la chute des pierres et des
arbres avait cessé. Quand ils sortirent de leur refuge, un ciel sans
nuage s'étendait au-dessus de leurs têtes mais leurs regards ne
rencontrèrent que des montagnes dénudées. Il n'y avait plus au¬
cune végétation, rien que la terre rouge, le roc nu et des parois
de rochers tachetés ; toute la contrée était désséchée.
Alors ils descendirent vers le rivage, ne sachant'où aller car
ils n'avaient plus de maison ; tous les grands arbres étaient rasés
au niveau du sol ; il n'y avait plus de feuilles de cocotier ou de
pandanus, d'écorce de purau ou de rosèaux pour couvrir le toit
de la maison s'ils en dressaient la charpente. Aussi ils se conten¬
tèrent de se faire un abri en dressant de longues perches. Pour
remplir leur estomac ils n'avaient comme nourriture que du pois¬
son
et de la terre rouge.
Une nuit passa et au
meaux : un
voir
matin la femme accoucha de deux ju¬
fille. Les parents se lamentaient de n'a¬
garçon et une
aucune
nourriture à leur donner.
s'épanouissait pas. l'ava ne développait pas ses ra¬
à sucre n'étendait pas ses tiges, le bananier ne
portait aucun régime. On ne trouvait aucune racine. Ah ! si au
moins on avait vu quelques tiges sortir de terre.
Les parents déploraient aussi leur pauvreté ; pas d'écorce d'ar¬
bre à paine de banian ou de mûrier pour en faire des étoffés pro¬
pres à vêtir leurs enfants !
Une nuit passa et au matin la femme accoucha de nouveau
Le taro
cines, la
ne
canne
d'un enfant.
produisait point de nourriture quand les enfants
grands : les rivages de la mer furent alors peuplés de nom¬
breux habitants qui vivaient tous nus. L'aîné épousa l'enfant plus
jeune et la plus jeune épousa l'aîné.
Bientôt ils furent une multitude et la nouvelle génération cou¬
vrit le pays. Un seul couple : l'homme et la femme suffirent à
peupler Tahiti et Moorea après le déluge.
Et la terre
ne
furent
Société des
Études
Océaniennes
—
87
—
aux plantes, elles se mirent enfin à pousser et le pays
verdoyant. En un jour et une nuit, l'arbre à pain forma
ses fruits, le cocotier développa ses grappes et tous les végétaux
produisirent de la nourriture.
Les hommes regardèrent et virent les fleurs se changer en
fruits et après trois nuits le pays fut dans l'abondance ; ils man¬
gèrent les fruits de la terre et furent rassasiés. Alors ils couvri¬
rent leurs maisons, ils battirent les écorces pour en faire des ha¬
bits et ils furent vêtus ; les calebasses couvrirent le sol.
Et maintenant Tahiti existe toujours couvert d'une luxuriante
végétation ! Ses vallées et ses montagnes fertiles sont peuplées;
le poisson abonde dans la mer entre le rivage et les récifs et la
nourriture ne fait jamais défaut !
Le mont Pito-biti se dresse toujours dans la vallée de Papenoo
au Nord de Tahiti et les rocs détachés qui tombèrent du ciel cou¬
vrent encore le pays quoique beaucoup se soient fixés à demeure
Quant
redevint
dans le sol.
Société des
Études
Océaniennes
—
88
-
HXSWOXRE
VOYAGE EY
OCÉAVIE
public par le Journal des Coloniaux et de l'armée Coloniale (1).
Pi*f».e de Tahiti.
Nous étions
nous
depuis 30 jours à Tahuataquand "la D.anaè" vint
aller avec l'amiral Dupetit-Thouars prendre
chercher pour
possession de Tahiti.
Les forces françaises pour faire cette expédition se composaient
de cinq navires de guerre savoir : la frégate "la Reine Blanche"
commandée par l'amiral Dupetit-Thouars, la frégate "ïUranie"
chef supérieur M. Bruat, commandant de vaisseau et gouverneur
des îles Marquises, la frégate "la Da/iaé" commandée par M.
Fournier, la corvette "lEmbuscade" commandée par M. Vallct et
la corvette "la Boussole" commandée par M. Vignaud.
Le 3e jour de notre voyage nous aperçûmes les îles Basses si¬
tuées à environ 60 lieues de Tahiti. Enfin, le 7* jour nous eûmes
en vue la terre dePapcete, que nous avons surnommée le paradis
terrestre, à cause de la beauté et de la richesse de son sol. Dès
le jour de notre arrivée, l'amiral envoya un émissaire, pour pré¬
venir la reine de hisser le pavillon tricolore, ainsiqu'il était con¬
venu, mais elle demanda un délai de 24 heures pour consulter,
disait-elle, les principaux chefs de l'île. Ce délai lui fut accordé,
mais les 24 heures étant expirées et le pavillon n'étant pas hissé,
l'amiral donna l'ordre de charger toutes les pièces et de tenir touSociété a bien voulu nous communi¬
quelques numéros du "Journal des Coloniaux et de l'Armée Co¬
loniale réunis" renfermant un récit de l'occupation de Tahiti qui?
nous croyons complètement inédit et qui nous a paru dénature à in¬
(i) Un des membres de notre
quer
téresser nos
lecteurs.
Sans doute cette narration
contient quelques inexactitudes et des
l'on peut discuter, mais il faut reconnaître que
l'auteur M. Mullot, quoique simple soldat d'infanterie de marine était
un observateur avisé et qui savait exprimer ce qu'il
avait vu en un
style coloré et agréable,
appréciations
que
Note de la Rédaction,
Société des
Études Océaniennes
—
tes les
troupes
89
-
prêtes à débarquer en grande tenue, armes et
bagages.
Les chaloupes armées en guerre reçurent les troupes, et au
premier coup de canon fendirent les eaux bleuâtres de la mer.
A midi, nous étions à terre, les naturels étonnés couvraient tous
les bords de la plage, alors on nous fit former dans l'ordre sui¬
vant: i° les artilleurs, 2° les marins 30 la y compagnie d'infan¬
terie de marine. Cette petite troupe se dirigea musique en tête,
vers le château royal tahitien dont les sapeurs avaient ordre d'en¬
foncer les portes si elles étaient fermées, mais nous n'éprouvâ¬
mes de ce côté aucune difficulté, tout était ouvert et désert. Une
fois dans la cour, on nous fit former en carré, la musique se pla¬
ça au milieu et un orateur tahitien nommé Mare, voulut pronon¬
cer un discours pour protester contre la violence que leur faisaient
les Français. Il fut interrompu par un roulement de tambour,
alors Monsieur d'Aubigny, capitaine de corvette et commandant
particulier de Tahiti fit ouvrir le ban, et commença le discours
suivant:
"Au
nom
du roi
Louis-Philippe Ier, notre auguste maître à tous
présents et à venir salut; nous plantons le drapeau français sur
cette terre et plutôt mourir que de l'abandonner, et vous gens
du pays, nous venons vous protéger, et vous apporter la civilisa¬
tion, et la paix". Après ces paroles, il fit fermer le ban, un ma¬
telot en grande tenue hissa les trois couleurs qui furent saluées
par trois cris de "Vive le roi", la musique joua "la Marseillaise",
et tous les navires en rade tirèrent une salve de vingt et un coups
de
canon.
résistance de la part des indigènes, M. Bruat
une garde au château de la reine qui, dans
sa fuite précipitée, avait laissé tout à l'abandon, et dirigea le res¬
te de la troupe du côté des cases canaques. On en trouva une qui
servait de prison aux malfaiteurs du pays; le Gouverneur les mit
en liberté et nous logea dans cette case de bien triste apparence
qui nous faisait parfois regretter nos belles casernes de France.
La tranquillité qui régna à Tahiti pendant quelque temps,
nous permit de visiter le pays. Tahiti est la plus grande des îles
de la Société, elle a environ 35 lieues de tour, sa population est
à peu près de 20.000 âmes, son sol possède les mêmes produc¬
tions que celui des îles Marquises mais les fruits sont meilleurs et
plus délicats. De tous côtés l'oranger et le citronnier répandent
Ne voyons aucune
se
contenta de
laisser
Société des
Études
Océaniennes
—.
90
—
leur odeur suave et douce, on se croirait volontiers dans une île
enchantée. Les habitants sont grands, bien faits et plus jolis que
ceux des îles Marquises. Ils sont presque tous vêtus à l'euro¬
parfaitement le prix de l'argent. Je dirai
combattre l'opinion des navigateurs
voulu les faire passer pour les plus belles femmes de
péenne et connaissent
deux mots des femmes pour
qui ont
l'univers.
plutôt grandes que petites : leur taille est
exagération, telle que l'auraient toutes les femmes qui
portent des corsets, si dès leur enfance, on ne les avait pas con¬
damnées à un supplice ridicule qui souvent les tue. En cela, les
Tahitiennes rappellent les femmes d'Orient. Nos Françaises lors¬
qu'elles marchent, projettent leur corps en avant, signe de débi¬
lité, les Tahitiennes au contraire, fortement cambrées, renversent
le haut du corps et portent leur tête droite signes certains d'une
constitution robuste. Leur allure est ferme et assurée, même har¬
die, mais pesante. Elles ignorent l'art de marcher sur la pointe
des pieds, par conséquent de donner aux mouvements du corps
une grâce
tout empruntée, car rien n'est moins dans la. nature :
leur pied repose à plat, ce qui les oblige lorsqu'elles veulent, le
mouvoir, à se faire levier des bras et à les agiter longuement.
Leur peau est on ne peut plus soyeuse, sa couleur marron, très
souvent aussi jaune sale.
Leurs cheveux que j'entends très souvent qualifier de magni¬
fiques sont d'un noir admirable, mais ils ont l'inconvénient d'ê¬
tre gros, rudes au toucher, et onduleux ce qui n'est pas gracieux
chez une femme. Malgré cela ils sont longs ; quand elles les
abandonnent sur leurs épaules, on dirait qu'elles portent une for¬
Les Tahitiennes sont
forte sans
te perruque
plutôt qu'une chevelure vivante.
C'est ainsi qu'elles
Européens. Aujourd'hui à l'imitation
de nos femmes, elles séparent leurs cheveux sur le milieu de la
tête et les divisent en deux tresses qui tombent sur leurs épaules.
Le soin de leur coiffure est un des plus grands points de leur
coquetterie, à chaque instant de la journée elles s'arrosent la tête
étaient avant l'arrivée des
parfumées d'Europe qu'elles ado¬
rent, refont leurs tresses et les garnissent de fleurs d'un rouge
éclatant ou d'un blanc de neige, parfois elles se font des couron¬
nes de ces fleurs. Pendant les chaleurs de la journée elles repo¬
sent dans leur case, mais si elles ont à aller au soleil, elles se
défendent de ses rayons brûlants en s'entourant la tête de feuild'huile de coco ou de nos eaux
Société des
Études
Océaniennes
—
91
—
les de
pandanus ou de cocotier, ce qui les fait ressembler aux statuesantiques représentant les naïades. En dépit du soin qu'elles
prennent de leur chevelure, ces femmes ont la tête sale, elles
entretiennent des poux qu'elles mangent; tous les sauvages de
l'Océanie ont cette mauvaise habitude. Le front des Tahitiennes
n'est pas bien fait, il est élevé mais plat; en revanche, leurs yeux
ronds, très ouverts et noirs sont superbes, leurs paupières om¬
bragées de longs cils sont moins mobiles que les nôtres aussi le
regard de ces femmes, regard plein de feu, respire-t-il la fierté,
presque la domination. C'est qu'à Tahiti l'article 213 de notre
code civil n'existe pas, le mari doit protection à sa femme, mais
la femme loin de lui devoir l'obéissance, est plutôt en droit de
l'exiger de lui. Le nez est ce qu'il y a de plus défavorable dans
le visage d'une Tahitienne il est large et épaté, la bouche a des
perfections, des couleurs et des défauts, ainsi les lèvres sont
épaisses, mais les dents des femmes de Tahiti défient le voca¬
bulaire des épithètes louangeuses d'un poète. Le menton et les
oreilles ne sont pas mal, en guise débouclés d'oreilles, ces fem¬
mes portent des fleurs naturelles et certes c'est plus joli que des
pierres. Une perfection encore des Tahitiennes, c'est le cou, il est
toujours parfait d'une ligne pure et bien liée aux épaules, mais ce
qui en elles sur passe tout ce qu'elles ont de bien c'est assuré¬
ment la gorge. Il est rare d'en trouver qui ne soient irréprochables.
Leurs bras dans leurs dimensions et dans leurs contours sont
leur main est jolie ainsi que je l'ai déjà dit, leur taille est
exagération, leurs hanches sont luxueusement déve¬
loppées, la partie inférieure de leur corps mériterait aussi des lou¬
bien ;
forte
sans
anges si leurs pieds n'étaient pas
elles ont le défaut des Anglaises.
aussi grands; sous ce rapport,
esquisse, il y a certainement de quoi composer un
agréable, mais toujours un correctif ; je ne saurais au
juste à quoi l'attribuer, mais l'ensemble si harmonieux qu'il soit
n'est pas flatteur. Pour que la beauté d'une femme soit complè¬
.
Avec cette
tout assez
te, il est souvent
besoin de trois conditions
d'abord la blancheur
avec
en
dehors des détails :
je ne sache pas
des teintes roses, or
qu'une couche uniforme de couleur chocolat puisse jamais flat¬
ter l'œil; en second lieu, sans pudeur et sans décence, une
femme n'est qu'une triste anomalie, et cela est si bien senti que,
chez nous, les femmes sont soumises à la nécessité d'emprunter
Je masque de la vertu ; troisièmement enfin, le plus beau chef-
Société des
Études Océaniennes
—
92
—
fait de femme, s'il n'est couvert d'uni
qui laisse tout à deviner sans jamais rien laisser voir, perd
infailliblement son prestige. Ces trois perfections manquent tota¬
lement à la Tahitienne dont la peau est de couleur sale, qui au
lieu de pudeur et de décence, n'affiche que l'effronterie et le dé¬
vergondage et de qui enfin rien n'est caché pour personne. Près
d'elle l'œil se lasse en un jour, et le cœur est vide. J.J. Rousseau
avait raison de dire que chaque fleur, chaque ruban qu'on enlève
à la toilette d'une femme, lui ôte de sa beauté ; l'art a été créé
pour en parer la femme, sans lui, elle n'est et ne peut être qu'une
perfection manquée.
Libre à un anatomisteou à un peintre d'admirer comme objet
d'étude la grossière beauté de ces femmes chez qui tout n'est
que matière : tous deux peuvent en tirer du profit, l'un au point
de vue de la science, l'autre de son art. Mais quand on n'est ni
peintre ni anatomiste et c'est la généralité des hommes, on doit
exiger des femmes autre chose que quelques formes. Enfin, ce
complément indispensable, une Tahitienne ne l'a jamais soup¬
çonné. Ce sont des sauvages me dira-t-on et on ne doit jamais
leur demander plus que la nature ne leur a donné en les mettant
au monde; d'accord mais alors qu'on ne les vante pas comme
l'ont fait la plupart des navigateurs qui ont écrit sur Tahiti. Qu'on
n'en fasse pas des femmes délicieuses des sylphides et des naïa¬
d'œuvre de la nature en
voile
des de théâtre à la fois.
prétendu portrait de la Reine Pomare ; ces
images étaient charmantes, séduisantes. Oh! je saurais bien un
châtiment que mériteraient les dessinateurs, ils seraient plus ré¬
Tout Paris
servés
une
a vu
le
autre fois.
petite-fille de la
de Pomare III, qui
mourut très jeune de la dysenterie, Pomare re avait épousé en
première noce, le roi de Pora-Pora qui est aujourd'hui un hom¬
me d'environ trente-cinq ans, d'une corpulence énorme. Ce ma¬
ri mécontent de la mauvaise conduite de sa femme, la reine, la
Pomare est
une
célèbre Pomare
femme de trente-deux ans,
iru,
fille de Pomare II,
sœur
retira dans son île de Pora-Pora qui est
de la Société et peu de temps après, au
sujet d'un différend avec les naturels de Raiateail eut à subir une
attaque de tous les indiens des îles du groupe.
Le roi de Pora-Pora dont le nom est Tapoa ne voulut pas cédei
bien qu'il eut à faire à un parti si nombreux que la victoire pour
un beau jour et se
des îles de l'Archipel
quitta
une
Société des
Études Océaniennes
—
93
—
impossible. Il se retira au sommet de son île, et la, en¬
siens, il attendit l'ennemi. L'engagement fut
chaud, Tapoa blessé, et l'ennemi vainqueur. Il reçut de ce dernier
le surnom de grand guerrier. Pomareprit pour un outrage l'aban¬
don de son mari; mais elle se consola bientôt en épousant un
beau jeune homme, du nom deTenaniaqui atout au plus vingtcinq ans à présent et qui est avec elle à bord du navire anglais en
station à Papeete, navire sur lequel elle s'est retirée avec sa mère.
Ce second mariage fut une seconde cause de trouble à Tahiti et
dans l'archipel. Une guerre s'ensuivit, Pomare triompha, elle
garda son jeune mari. Cette reine, dont on a tant parlé en Fran¬
ce, est assez haute de stature pour une femme, mais elle est fort
grosse, et massive ; de beaux yeux cependant la relèvent. Elle
eut beaucoup d'enfants, sept je crois, quatre seulement existent,
trois garçons et une fille. Elle habitait une grande et belle case
occupée aujourd'hui par le Gouverneur. Cette case est dans une
très jolie position, au milieu et derrière le village de Papeete,
mais toutes les fois qu'elle le voulait elle courait dans une gran¬
de case fermée assise sur un monceau de pierres et située à
l'ouest de la baie, au nord de la mer, c'était le lieu de ses plaisirs,
lui était
touré de tous les
de
ses
upa-upa.
première fois que j'ai vu Pomare, je ne me serais pas douté
qu'elle était reine de ces lieux. Elle était vêtue de la même maniè¬
re et des mêmes étoffes que les autres Tahitiennes les plus vul¬
gaires, ses jambes et ses pieds étaient nus.
Dans ce pays rien ne distinguait le chef suprême de ses sujets.
Pomare avait donc conservé le goût de la liberté en tout et
pour tout. Vêtue d'une simple chemise elle allait avec les
autres femmes à bord des bâtiments baleiniers qui mouil¬
laient en rade, et toute la journée se baignait avec elles ; on
la reconnaissait à une suite nombreuse de princesses, de dames
d'honneur et de courtisanes qui l'accompagnaient toujours. Quel¬
La
ques
Anglais à la tête desquels était M. Pritchard, missionnaire
agent consulaire de la Grande-Bretagne, envieux de dominer
cette reine, tentèrent auprès d'elle tous les moyens qui pourraient
lesconduireàleur but. Ils la comblèrent de présents et ensuite ils
et
imposèrent l'obligationd'agiren reine européenne. Ils voulu¬
qu'elle s'habillât à l'anglaise, qu'elle mit des bas et des sou¬
liers, que l'accès de sa case royale fût difficile, que ses sujets ne
l'abordassent qu'avec humilité, qu'ils marchassent à reculons.
lui
rent
Société des
Études
Océaniennes
Pomare n'osait pas se révolter contre les exigences de ses domi¬
nateurs et elle en souffrait horriblement. Pour se soustraire à eux,
elle
elle
employait toutes les ruses. On l'a vue à bord des navires où
se présentait en reine demander la permission d'ôter ses bas
et ses
souliers.
jour de la prise de possession, Pomare avait été entraînée par
ses conseillers anglais chez M. Pritchard, qui la logea, non chez
lui, mais dans une toute petite case à côté de sa somptueuse de¬
Le
meure.
anglais, où elle languit
depuis quelque temps.
Tahiti est le plus beau pays, c'est le pays par excellence d'une
liberté absolue, et comment n'en serait-il pas ainsi? Le climat est
le plus admirable du monde, l'année compte douze mois d'été.
Là, l'homme n'a pas besoin de vêtement, les Tahitiennes allaient
nues, un toit de paille suffisait pour les garantir contre la pluie,
elles couchent encore sous un toit léger que supporte quelques
bambous. Le sol ne nourrit pas une seule bête dangereuse et ne
produit pointau delà des besoins des habitants. Or, donc point de
nécessité de travailler pour vivre, se loger, et c'est à tel point que
dans la langue des Tahitiens, il n'existe pas un mot pour rendre
l'idée de travailler. Le travail n'existait pas, la propriété n'existait
pas non plus. Ainsi le vol était-il inconnu, sans organisation de
travail, sans propriété, sans vol, sans besoin autre quele plaisir
pourremplir les heures du jour, l'autorité du chef était inutile.
La paresse, l'insouciance, la débauche étaient indispensablement le fond du caractère tahitien. Les missionnaires anglais ont
voulu réformer ces états de choses ; ils ont fait beaucoup, mais
le terrain était ingrat ; cependant, ils sont parvenus à faire adop¬
ter l'usage des vêtements, à leur apprendre à lire et à écrire,
et à les moraliser un peu. Maintenant les hommes sont vê¬
tus d'un morceau d'étoffe appelé "pareu" qui tombe de la cein¬
ture aux genoux, et d'une chemise. Les femmes ont le même
pareu, et par-dessus, une chemisepluslongue.il faut avouer quec'est loin d'être gracieux. Quant au travail, c'est une chose in¬
compréhensible encore ; seulement, pour se procurer des vête¬
ments, des colifichets et de l'eau-de-vie à elle, à son mari et à ses
Enfin, elle
a
été attirée à bord du brick
enfants, la femme s'est mise à vendre aux navires baleiniers ce
qu'auparavant elle donnait gratis. La morale est encore ce qui
progrès, et qui saurait dire combien il faudra
fait le moins de
Société des
Études Océaniennes
d'années de patience, de
mœurs
sollicitude pour arrivera réformer des
celles des Tahitiennes.
aussi dissolues que
Il y a à peu près quaranteans et encore aujourd'hui de même,
femme naissait, faisait des enfants, et mourait sans s'in¬
une
quiéter de rien, libre comme l'oiseau dans l'air. La jeune fille ne
connaît aucune autorité dans sa famille, elle dispose de sa per¬
sonne comme bon lui semble ; si elle se marie, le mariage n'est
à ses yeux qu'une formalité qui ne l'assujettit à rien, qui ne lui
ôte rien de sa liberté. Mère de famille, personne ne cherche à s'in¬
quiéter de qui est l'enfant, il est toujours le bienvenu, la mère le
soigne jusqu'à ce qu'il puisse courir sans aide et se tirer d'affaire.
Vieille, la femme est délaissée, et lorsque l'âge la fait s'éteindre,
on la met en terre en disant ; elle était vieille, elle devait mourir,
et le lendemain elle est oubliée ; avec cela les liens de famille ne
peuvent être que très faibles. D'après ce que je viens de dire on
ne jugerait pas assez des mœurs des Tahitiennes : avant l'arrivée
des missionnaires, une femme avait le droit d'avoir autant de
maris qu'il lui plaisait d'en avoir, c'est-à-dire point en réalité ; les
missionnaires n'ont pu tolérer qu'un mari, mais les prescriptions
ont été éludées, et les chefs ont continué comme devant. Quand
un jeune homme aime une jeune femme ils partent ensemble,
ils vont dans la montagne; au bout de quelques jours ils redes¬
cendent, le jeune homme va de son côté et la jeune fille du sien
ils ne s'aiment plus, la coutume est ainsi un phénomène.
Nous avons des Européens qui pour retenir une femme ont fait
des efforts et des sacrifices inouis, sans pouvoir réussir. Il n'y a
pas longtemps de cela, il existait à Papaoua, à une lieue de Pa-
et tous les Tahitiens et les
faire partie. Les statuts de
cette société étaient si monstrueux qu'il est impossible d'en par¬
ler ici. Tout ce que je puis dire, c'est que la jeune fille qui devenait
grosse, sous peine d'être expulsée, ce qui était une tache, devait
peete, une société secrète de débauche
Tahitiennes briguaient l'honneur d'en
enfant, aussi l'infanticide était-il d'une fréquence extrêmeeequin'apas peucontribué à la décroissance delà population.
Aujourd'hui, Papoua est toujours un rendez-vous de plaisir, les
hommes et les femmes vont toujours s'y enivrer malgré la sur¬
veillance des chefs indiens, des missionnaires et de l'autorité
française. Les naturels font, avec l'orange une liqueur détestable,
enivrante, qu'ils aiment parce qu'elle est forte et ils boivent à en
rouler. Qu'on donne à une femme une bouteille d'eau-de-vie, elle
tuer son
Société des
Études
Océaniennes
—
la boira tout entière ;
elle
pas. Ces femmes aiment
elles partent au galop et
exercice.
Le tabac est
96
—
en mourra, et cette pensée ne l'arrêtera
beaucoup monter à cheval, sans étrier
elles ne songent pas au danger de cet
grand bonheur ici, l'homme, la femme et les
à la mamelle, tous fument, et de quelle
manière ils aspirent et avalent coup sur coup d'énormes bouffées
sans sourciller. Cet usage immodéré du tabac et des liqueurs spiritueuses a altéré chez la femme le son de la voix, qui serait har¬
monieuse, car la langue de ces pays, toute composée de voyelles,
est infiniment douce. Chose digne de remarque, c'est que leur
haleine est toujours fraîche et pure, bien que très ordinairement
elles soient la proie d'une horrible maladie, résultat de leur dé¬
vergondage.
Les femmes ne sont pas sujettes à une plaie dégoûtante trop
fréquente chez les hommes de Tahiti : l'éléphantiasis, du moins
je n'en ai pas rencontré depuis que je suis à Papeete. A part l'é¬
léphantiasis, le rhume qui se déclare chez les Tahitiens, à la fin
de la saison des pluies par suite de leur entêtement à dormir com¬
plètement nus, après avoir été couverts dans la journée, et quel¬
ques cas de dysenterie causés par la quantité d'oranges qu'ils
mangent avant la maturité, sont je crois, les seules maladies des
naturels. Comment en serait-il autrement ? Ils n'est pas douteux
que les trois quarts de nos maladies à nous, sont le produit de
enfants même
un
encore
nombreux besoins à satisfaire et de notre sensualité. Dans l'état
de nature
ici et
climat
qui est d'un bout de l'an¬
toujours le même, toujours chaud, l'homme qui
s'observerait devrait mourir, sans savoir ce que c'est que la ma¬
ladie et la souffrance. Les naturels des îles de la Polynésie igno¬
rent leur âge, et pourquoi s'en soucieraient-ils, il n'est point d'offi¬
cier civil qui dresse des actes de naissance, et jamais pendant le
cours de leur vie, on ne leur demande d'établir quand et de qui
ils sont nés. Ne les en plaignons pas: La nubilité est pourtant
une époque jusqu'à laquelle, dans les mœurs de Tahiti la jeune
fille doit garder sa virginité. Ce moment venu, par exemple, elle
fait sans restriction tout comme ses devancières, elle s'abandonne
à tout venant Ces femmes se conservent fraîches assez longtemps
ce qui est dû probablement à leur genre de nourriture qui se
compose de poissons crus ou cuits, de fruits de l'arbre à pain,
de racines detaro, de bananes, de goyaves, d'oranges et dans les
comme
sous ce
née à l'autre
Société des
Études
Océaniennes
—
97
—
grandes occasions de cochon rôti. Jusqu'à un fige très avancé,
leurs cheveux restent noirs et dans leur grande vieillesse, elles
n'ont pas un aspect repoussant. Le tatouage existait chez les na¬
turels de Tahiti
comme
les missionnaires l'ont
dans toutes les autres îles de l'Océanie,
proscrit
sans
pouvoir le détruire entière¬
ment.
La religion dominante à Tahiti est le protestantisme et les
jours de fête, ils ne manquent jamais d'aller aux offices.
(A suivre).
AlULLOT.
So7dat à la 3me
du Ier
Compagnie
régiment dyinfanterie de marine.
Société des
Études Océaniennes
—
98
—
EN CROISIÈRE SUR LE "WANDERLUST"
E'cscalc de "RAPA"
(octobre 1928).
A bord du
"IVanderlust", goélette en acier de 53 tonneaux,
Harvey S. Blssel accompagné de sa famille a parcouru deux
fois, en 1927 et en 1928, les mers du Sud.
11 est repassé par Tahiti en Janvier 1932 à bord de son nouveau
bateau 1' "Ariadne". C'est alors que je lui fus présenté et il me
M.
remit
en
souvenir
son
livre
:
"CRUISING W1TH THE WANDERLUSTERS "
qui est plutôt un recueil d'impressions personnelles qu'un récit
de
ses voyages.
M. Bissel m'autorisa à traduire et à
publier dans des revues
françaises des passages de son ouvrage.
Je suis heureux de pouvoir offrir à la Société d'Etudes Océa¬
niennes cette première traduction au sujet d'une de nos îles ac¬
tuellement trop délaissée: RAPA.
P. J.
RAPA est
à
une
merveille! Site unique quejenepeux comparer
autre, vu jusqu'à présent, mais, si nous avions visité
d'abord RAPA et ensuite MOOREA, j'aurais dit que Moorea res¬
semblait à Rapa en moins grand et en moins accidenté.
aucun
Par endroits, le
hauteur de
en
rivage s'élève à peu près verticalement à une
plus de deux mille pieds redescendant vers l'intérieur
vallées. Les sommets sont aussi tranchants et aussi déchi¬
quetés que des dents de scie. L'île tout entière est formée de hauts
pics réunis par de longues cimes vertes dans lesquelles surgis¬
sent de grands rochers et monolithes de basalte noir et dont quel¬
ques-uns forment au milieu de l'île comme les clochers d'une
cathédrale.
Pendant tout notre séjour, des nuages d'orage semblaient tom¬
ber du haut des montagnes pour être ensuite rapidement disper¬
sés par le vent. Dans la brume, les clochers de basalte disparais¬
saient par
intervalles et apparaissaient de
Société des
Études
nouveau en
Océaniennes
pleine
99
—
—
nuages. Je n'étais jamais las d'admirer
splendide. Ces pics avaient l'air de se déplacer et de
changer de formes et j'ai toujours pensé que derrière ceux que
nous voyions il devait y en avoir d'autres, invisibles pour nous.
beauté dans
cette
ciel
un
sans
vue
★
*
*
Les montagnes, sauf les falaises escarpées et les rochers, sont
recouvertes d'une herbe verte et luxuriante, mais seuls, les ver¬
grandes falaises, les pics
aiguilles de basalte sont aussi dépourvus de végétation
qu'un pavé de pierre.
A cette latitude, quelques bananiers poussent encore mais on
ne voit plus de cocotiers. 11 y a des citrons en petite quantité et
beaucoup d'oranges ; mais les indigènes vivent presque exclusi¬
vement de poisson et de poi-poi. Cepoi-poi est fait avec un taro
d'une espèce différente de celle que nous avons vue dans les au¬
tres îles situées plus au Nord. Il est rond, lourd, glutineux, d'une
couleur pourpre ou lavande,
sants Ouest sont boisés. Par
et
contre, les
les
*
*
RAPA est
centaines de milles d'une autre
produit qu'elle exporte, d'ailleurs en petite quan¬
une
terre et le seul
île isolée, à des
tité, est le café.
Par suite les habitants sont pauvres et rien n'attire les bateaux
dans cet end oit où il n'en vient qu'à de rares intervalles. Peut-être
.
passe-t-il un par an, quelquefois deux
années s'écoulent sans aucune visite.
en
et parfois aussi deux
*
*
*
approchions de l'île, je faisais remarquer que la
provoquerait sans doute une certaine agitation
parmi les habitants. Le capitaine répondit qu'ils ne nous verraient
qu'une fois le " Wanderlust" entré dans le port, car, aujourd'hui
dimanche, la population tout entière devait être à l'église en train
de chanter. C'était exact et le pilote ne se présenta pas a bord.
Comme j'avais entendu dire qu'un yacht visitant RAPA quel¬
ques années auparavant avait été mis au sec sur le récif par le
pilote, je n'ai pas regretté l'absence de ce dernier.
Dès que nous fûmes entrés dans le port, toute la population
du village se massa rapidement sur la petite jetée de pierre, nous
attendant pendant des heures, et deux hommes seulement vin¬
rent à bord en pirogues.
Comme
vue
nous
d'un navire
Société des
Études Océaniennes
—
100
—
j'ai trouve les habitants de Rapa accueillants, sales et pares¬
seux.
Ce sont les gens
les plus primitifs que nous ayions jamais ren¬
grossières huttes de chaume.
contrés. Ils vivent dans de très
Leurs vêtements sont
un
ramassis hétéroclite de tissus
en
lam¬
beaux. Si les
indigènes s'en tenaient à leurs "pareus" ils ne ga¬
gneraient pas seulement une apparence mille fois meilleure,
mais en plus, ils perdraient cette navrante physionomie de po¬
pulace de mauvais aspect.
Quand vous voyez un bel indigène revêtu d'un tricot en lam¬
beaux et une femme mal fagotée se traînant sur le sol dans des
guenilles malpropres et en plus quand vous savez que ces vête¬
ments, marques de la civilisation, mis en votre honneur, seront
remplacésdès votre départ par les modestes et pittoresques pa¬
reus, ce triste spectacle vous fait beaucoup de peine.
Quant aux hommes, ils sont si paresseux qu'ils cultivent à
peine assez de légumes pour leur nourriture et pèchent seulement
le poisson nécessaire pour apaiser leur faim. Ils n'en auraient
jamais péché pour nous le vendre, ni même n'auraient cueilli les
oranges qui poussent dans la cour de leur maison afin de nous
échanger ces produits contre du tabac. Tout le travail est fait par
les femmes et les enfants. En voici un exemple :
Quand les hommes vont à la pêche en pirogue, ils rapportent
souvent des fagots de bois pris dans les baies du voisinage et
j'ai vu un gros et fort gaillard revenir avec environ cent livres
de bois et peut-être dix livres de poisson. Arrivé au rivage il em¬
porta son poisson chez lui en laissant une petite fille de dix ans
prendre toute la charge de bois sur son dos et la transporter en
seul voyage.
Les filles sont toutes
un
robustes, terriblement fortes. La somme
qu'elles peuvent fournir est surprenante mais ce n'est
que rarement qu'elles produisent un tel effort.
de travail
*
*
*
TINO, un des matelots que nous avions l'année dernière était
originaire de Rapa. Son père Roi, ami de Brisson, était pilote.
C'est maintenant un vieillard solitaire et presque aveugle ; nous
allés le voir et l'avons trouvé dans la misère. C'est
sommes
d'ailleurs
absence
un des plus vilains caractères des indigènes que cette
complète de devoir filial vis-à-vis des parents âgés et in-
Société des
Études
Océaniennes
loi
—
firmes. Nous
donné à
—
vieillard les
quelques secours
indispensables en nous promettant de dire à T1NO ce que nous
pensions de son abandon.
Sur le chemin d'aller, nous vîmes un groupe de femmes assises
par terre et bavardant, l'une d'elles allait accoucher d'un moment
à l'autre. Nous leur avons donné des cigarettes et la tuture ma¬
man fumait avec les autres paraissant gaie et à son aise. En re¬
venant l'événement s'était accompli et la femme était de nou¬
veau assise tranquillement. Dire que nos femmes paient un si
lourd tribu à cause de leur système nerveux trop développé et
trop éduqué.
avons
ce
*
*
*
Le chef civil et
religieux du village et de l'île est MATUA PA¬
TIRA. 11 est Gouverneur, juge, agent de police, directeur de la
poste, instituteur et bien d'autres choses encore. Pour toutes ces
fonctions, il reçoit du Gouvernement un salaire magnifique : un
peu moins en une année que ne touche par mois un de mes
matelots. Néanmoins il paraît prospère et fait vivre une grande
maisonnée. Je crois que les fonctionnaires sont les mêmes dans
le monde entier.
Matua Patira est
En
un
homme bienveillant et
fait, il ressemble à un patriarche. C'est
plein de dignité.
le' chef de l'église et
grand bâtisseur de temples que j'ai complimenté
après avoir vu ses travaux qui feraient honneur à des villes d'A¬
mérique deux fois plus grandes que ce village.
Apparemment le seul travail auquel les hommes de Rapa ont
l'air de consentir est la construction de temples et l'entretien des
terrains qui les environnent. Ceux-ci, propres et bien soignés
font un contraste frappant avec le reste du village.
On lit dans un livre qui a des prétentions au titre d'ouvrage
scientifique :
« La religion semble avoir pénétré profondément dans la
nature des peuples
Il y a une sévérité de tenue (à propos de
la chasteté assez semblable à celle de nos puritains d'autrefois....
Les pasteurs indigènes me rappellent par leur maintien sérieux
et leur intelligence vive mêlée d'une piété réelle, ceux que j'ai vus
et que je vénérais dans les Basses Terres d'Ecosse
»
Cela me fait rire !
Ces peuples sont de véritables enfants
de la nature et en ce qui concerne l'empire de soi-même, ils n'en
savent pas plus que moi, je ne connais le Sanscrit.
lui-même
un
Société des
Études Océaniennes
—
Il fut
un
102
—
temps où Rapa possédait une grande population, pro¬
bablement environ
cinq mille âmes.— mais aujourd'hui elle n'est
que de deux cent quarante-sept personnes.
Trois ans auparavant, au dernier voyage de Brisson, ils n'é¬
taient que cent trente. Cet accroissement notable est dû aux en¬
fants et ce fait se remarque dans toutes les îles, excepté aux Mar¬
quises où la population est pratiquement en voie de disparition.
A RAPA comme à RAPA NUI, l'île de Pâques et dans bien
d'autres îles qui sont déjà du passé, et n'auront plus d'histoire,
il a dû y avoir une âpre lutte pour la vie quand l'île était très
peuplée. L'étendue du sol cultivable est limitée et il reste des
traces de vieilles plantations de taro allant jusqu'à une hauteur
de cinq cents pieds sur le flanc de la montagne. Ces terrasses
cultivées à la main étaient arrosées par un système de fossés
amenant l'eau de sources situées plus haut. La plupart de ces
plantations sont maintenant abandonnées et recouvertes d'une
herbe luxuriante, excellent paturage pour une centaine de che¬
vaux plus ou moins sauvages, ainsi que pour les chèvres et le
bétail laissés ici par un Australien il y a quelques années.
*
*
*
La dernière fois que Brisson est venu (en 1925), il y avait sept
lépreux et à son retour à Papeete il avait insisté .vivement auprès
des au'orités pour qu'on envoie chercher ces lépreux avant qu'ils
ne contaminent la population entière. Malgré cela on ne fit rien
et maintenant les lépreux sont au nombre de vingt-et-un (octo¬
bre 1928). La plupart d'entre eux sont isolés jusqu'à un certain
point dans un village à part, mais quelques-uns ne le sont pas,
notamment les cas de début de maladie.
Quand nous reviendrons
Papeete, nous déposerons une ferme protestation. Si on ne
prend pas d'urgence'des mesures énergiques, l'île entière sera
à
contaminée.
Les
indigènes n'ont aucun sens de leurs responsabilités et très
de sympathie et de reconnaissance envers leurs propres pa¬
rents. La plupart de ces lépreux sont incapables d'assurer leur
nourriture et les gens s'en occupent quand il y a du surplus, ce
qui n'arrive pas souvent.
Nous nous sommes arrangés avec le marchand et le chef de
village pour leur faire délivrer de la farine quand ils en auraient
peu
Société des
Études
Océaniennes
—
103
—
besoin. lisseront ainsi assurés de nourriture
six mois.
Autrefois les
réunis
en un
indigènes, guerriers
certain nombre de tribus
les différentes vallées. Chacune de
ces
pendant
au
moins
par nature, devaient être
ou de classes vivant dans
vallées aboutit à
où l'on peut
voisine par
une
baie
pêcher au bord de la mer et est séparée de la vallée
des arêtes escarpées. Les sommets de ces arêtes à
l'endroit où il y a une passe ont été fortifiés et il y a eu des forts
en pierres ou bien des villages sur beaucoup de pics. Les Instruc¬
tions Nautiques américaines (U.S. pilotH.O. Number 166) disent
que les forts et les tours sont assemblés au ciment dur. Les in¬
digènes prétendent au contraire qu'il n'entre pas de ciment dans
leurs constructions faites de pierres sèches. John Stokes, qui
passa dix mois dans l'île, envoyé par le Bishop Muséum pour
étudier Rapa n'a pas encore fait paraître son ouvrage.
Avec beaucoup de difficultés et de temps il fit tailler un sentier
pour aller au plus grand de ces forts autour duquel on coupa les
arbres et les brousses de façon à pouvoir le photographier. J'avais
hâte de visiter cet endroit mais le sentier avait disparu en beau¬
coup d'endroits et mon genou, pas encore rétabli, n'aurait pu
supporter cette escalade longue et dure.
On me montra un autre fort beaucoup plus près sur le mont
Tepiahu, haut de neuf cent vingt-huit pieds dont la base se trou¬
vait juste de l'autre côté de notre mouillage. Je décidai de m'attaquer à celui-là et les jeunes filles désiraient aussi venir.
Nous partîmes de bonne heure après le déjeuner avec un hom¬
me pour porter l'appareil de cinéma, du sentier à la passe, et trois
femmes du village nous suivaient. Le chemin était escarpé glis¬
sant, mais pas trop difficile. Du haut nous apercevions l'autre
vallée, les maisons au milieu des arbres et les taros dont les
champs en terrasses s'étageaient sur la pente de la colline. Nous
nous arrêtâmes un moment pour reprendre haleine et grimpâmes
le long de l'arête dans la direction du pic à environ cent mètres
d'un grand obélisque naturel de basalte. Cette pierre s'élevait
noire et nue hors de la verdure de la montagne. Nous avons
remarqué cela après avoir quitté Rapa alors que le bateau était à
cinq milles au large.
De l'endroit où nous nous étions arrêtés la pierre ressemblait
à une idole, et j'étais sûr qu'elle avait été entièrement ou en par¬
tie taillée à la main. Mais quand nous arrivâmes au pied je me
Société des
Études
Océaniennes
—
104'
—
rendis compte qu'elle était naturelle et fus
surpris de ses grandes
dimensions. Hauteur : 30 pieds,
était
petit tertre et à
sur un
largeur: 6 pieds. Cette pierre
base il y avait deux terrasses ar¬
tificielles. L'une d'elles était creusée dans la colline et
murée de
pierres sèches. L'autre surplombant la pente, était bordée
ment d'un mur de
sa
pierres de façon
égale¬
que
le sol arrivât
de la cime de la colline. Ce
mur, construit
avec
art
au
niveau
avait environ
cinquante pieds de long et de deux à quatre pieds de haut.
Je
n'ai pu le
photographier car une espèce d'herbe très longue avait
poussé dans toutes les fissures.
Nous
alors repartis dans la direction du
pic et finale¬
le sommet d'un tertre à environ cent
mètres du pic principal. De cet
endroit, nous l'avons examiné
sommes
ment nous avons atteint
soigneusement avec des jumelles et nous nous sommes aperçus
que ce qui paraissait être un fort— et qui était
supposé l'être
par les indigènes — n'était qu'un rocher naturel. Nous n'avons
pu voir aucune espèce de trace de travail humain sur ce
pic. Nous
avons
obtenu
une
jolie
vue, non seulement du
pic mais aussi du
allés plus loin. En regardant la baie
de cette hauteur, nous
distinguions très bien les pâtés de coraux
d'après la coloration de l'eau, nous nous demandions comment
nous avions pu entrer et surtout
avec plus d'intérêt de
quelle
port et nous
manière
ne sommes pas
nous en
sortirions.
Marjoriea acheté ici une quantité de jolis paniers et notre collec¬
tion d'objets en pierres,
pilons pour le poi-poi et herminettes
s'augmenta de quelques unités. Nous nous procurâmes chez le
Canadien du sucre, de la farine, et
trente-cinq pains.
Après deux jours de flatteries et de marchandages, nous finî¬
mes
par obtenir des indigènes deux douzaines de
lapins, deux
chèvres, deux poulets et une douzaine de poissons de telle sorte
que nous partîmes avec un office bien garni.
Les lapins se trouvent sur une
petite île près de la grande terre.
Il y a quelques années on
y déposa un couple et maintenant ils
pullulent. Il est heureux qu'il n'y en ait pas sur la grande île, caï¬
ds auraient avec le temps, chassé les
indigènes qui n'ont jusqu'ici
souffert d'aucune rapine.
La chasse durant deux jours, cela
m'intéressait de savoir com¬
ment les indigènes
s'y prenaient pour attraper ces animaux. J'ai
appris qu'on les poursuivait à la course jusqu'à ce que les
lapins
tombent de fatigue et alors on les ramasse.
Société des
Études
Océaniennes
10S
_
A notre
—
départ,
nous sommes passés à toucher l'île aux lapins.
sol inégal et escarpé, je me suis étonné qu'on
réussisse même à en prendre un seul.
Quand j'ai
vu ce
*
*
*
Après avoir fait de l'eau, du pain et récupéré notre blanchis¬
sage, des vents d'orage soufflaient avec force et j'avais peur de
dériver sur les pâtés de coraux. A midi la brise mollit et nous
appareillâmes. Je dois avouer
que
je
ne
fus tranquille qu'en pleine
à fait sorti des passes, disant alors au Capitaine que
j'étais content d'être venu une fois en cet endroit mais que je ne
voudrais pas y retourner pour mille dollars. Si nous avions eu
une avarie dans la
coque, nous pouvions rester là un ou deux ans
mer, tout
avant
qu'un bateau
ne
vienne,
semaines seulement avant
car
il
en
était passé
un
quelques
nous.
H. S. BISSEL
(Cruising with the Wanderlusters)
Traduit de
l'anglais par l'Enseigne de Vaisseau.
PIERRE JOURDAIN.
Société des
Études
Océaniennes
—
OUVRAGES ET
De Paris
106
—
PÉRIODIQUES REÇUS
Annales de Marie.
Le Monde Colonial.
:
Les Annales Coloniales
(illustrées).
Les Annales Coloniales
(quotidien).
La Revue des Valeurs Coloniales.
L'Océanie Française.
Bulletin du Comité d'Etudes
Historiques
Scientifiques de l'Afrique Occidentale
Française.
et
Mémoires de la Société Zoologique de
France.
Bulletin du Muséum National d'Histoire
Naturelle.
Bulletin de la Société
France.
d'Océanographie de
Bulletin de la Société Centrale
ture et de pêche.
Les Archives
De
Madagascar
De Nouméa
De
Papeete
:
Contemporaines.
Mémoires de l'Académie
Malgache.
Le Bulletin du Commerce.
Le
Journal Officiciel des E. F. O.
Le Bulletin de la Chambre de Commerce
:•
de Tahiti.
Le Bulletin de la Chambre
de Tahiti.
Tahiti Tourist Guide.
Bulletin du S. A. T.
De Calcutta
De Londres
:
Asiatic
Society of Bengal.
United
Empire.
Man.
The
De New-York
:
Geographical Journal.
History.
Natural
American Muséum Novitates.
Geographical Review.
D'Australie
:
d'Aquicul¬
Australian Statistics.
Société des
Études
Océaniennes
d'Agriculture
—
107
—
De Manila :
De Camberra
:
Officiai Dear book of the Commonwealth
of Australia.
De Honolulu
:
Bulletin of the Pan-Pacific Union.
The Volcano Letter.
Na Mata.
De S uva
De
The
:
Wellington
De Batavia
:
De Lan cas ter
:
:
Philippine Journal of Science.
Journal ofthe Polynesian Society.
Tijdschrift Voor Indishe Taa-Land-En Volkenkunde.
The Biological Bulletin.
BIBLIOTHÈQUE
LIVRES
Achats.
Dictionnaire
Anglo-Tahitien.
jours du Pacifique.—- Daye.
Bougainville et ses compagnons. — Jean Lefranc.
i
Beaux
Dons.
De M. le Gouverneur Etablissements
Jore.
français du Pacifique Aus-
tral et Etablissements français de l'Océanie.
Territoirés Africains
France. Cameroun
sous
et
mandat de la
Togo.
—
Victor
Chazelas.
Catalogues des Plantes de Madagascar.
(10 brochures).
—
Atlas des Plantes Ornementales et curieu¬
ses de
Madagascar.
De M. R. Maunier
Sociologie Coloniale.
De M. André Peyrc- Roman d'un Spahi
(Conférence de M. J.
fi -te.
Ducros pour le cinquantenaire du roman
de Pierre Loti).
De M. P. Nordmann. Grammaire et Dictionnaire de la
Iles Marquises.
langue des
Marquisien-Français.—
Mgr. Dordillon.
Société des
Études
Océaniennes
108
—
De M.
J. Risbec.
—
Etude de quelques Gastéropodes opisthobranches. J. Risbec.
De M. R. Bruueau.
O'Tahiti.
—
Henri Lebeau.
En Océanie.
De M.
De
Ropiteau.
Mgr Lecadre.
Le baiser
—
Aylic Marin.
les palmes.
— Dorsenne.
Grammaire et Dictionnaire de la langue des
lies Marquises. Marquisien-Français. —
Mgr Dordillon.
sous
De M. le Gouverneur Divers illustrés et
journaux.
Bouchet.
De l'Institut d'Ethno- Documents Néo-Calédoniens.
logie.
—
M. Leen-
hardt.
Proverbes et Maximes Peuls et Toucouleurs.
H. Gaden.
—
Du
Bishop Muséum. Ethnologia of Tongareva
—
Te
Rangi
Hiroa.
Fishes obtained at Samoa, in 192g.
W. Fowler.
—
H.
Notes
on Pritchardia.— Harold S1
John.
Report of the Director for 1931.
Pteridophytes of the Society Islands. —
Adwin
Patrick
O'Reilly.
Bingham Copeland.
Essai de Bibliographie des Missions Maristesen
Océanie Occidentale. —P.
O'Reilly.
MUSÉE.
Achats.
1
Tiki double.
3
Tiki tahitiens.
4 penus.
1
Tableau (porteurs de feïs).— Goowe.
Dons.
De M.
Bergman
23
articles divers indigènes — Penus, ha¬
en pierre, pierres
pour la pêche etc
ches
Société des
Études
Océaniennes
—
109
—
Exposition Coloniale ïntereoloiiiale.
Objets retournés.
tableau
(Case Tahitienne) de Mac Donald.
grandes toiles (panneaux) de Mme Thoinot.
1
photo d'Alain Gerbault.
2 grands tiki en bois.
2
plaques en bois —tableaux d'honneur.
i
plat à couvercle sculpté — lies Marquises,
ï bol
(kooka) à popoi des lies Marquises,
i
écope (tata) — Iles Marquises.
4 dieux en bois — Marquises et Tahiti,
i casse-tête
Marquises (sculpté) — Uu.
i canne de Chef
(teho-teho) — sculptée.
1
pagaie (hoe) — sculptée.
4 cannes simples en différents bois.
3 grands hameçons en bois avec dent de cachalot.
2 grands hameçons (nacre
blanche).
7 petits hameçons (nacre blanche).
1
2
—
*
Société des Etudes Océaniennes
BUREAU DE LA
SOCIÉTÉ
M. E. Ahnne.
Président
Vice-Président
M. C. Bérard.
Trésorier
M. A. Cabouret.
M. Y.
Secrétaire-Archiviste
Bibliothécaire et Conservatrice du Musée
Pour être reçu Membre
membre titulaire.
Malardé
Mlle E. Bodin.
de la Société se faire présenter par
un
BIBLIOTHÈQUE
Société informe ses Membres que
Le Bureau de la
dé¬
sormais ils peuvent emporter à domicile certains livres de
la Bibliothèque en signant une reconnaissance de dette au
cas où ils ne rendraient pas le livre emprunté à la date
fixéei
Le Bibliothécaire présentera la formule à signer.
La
Bibliothèque est ouverte aux membres de la Société
invités tous les jours de 9 à 11 heures et de 15
et à leurs
à 17 heures.
Le Dimanche de 14
à
17
heures.
MUSÉE.
Jeudi et le Dimanche de 14 à 18 1t
jours d'arrivée et de départ des courriers. Mêmes '
Le Musée est ouvert le
et les
Pour tout achat de
s'adresser
au
Bulletins, échanges ou
Président de la Société, ou au
donation
Bibliothéu.
Musee, Boîte 110, Papeete.
LE BULLETIN
Le Bureau de la Société accepte l'impression de tous les articles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas q.u'i
epouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien les
commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls, en
prennent toute la responsabilité.
Aux lecteurs de former leur appréciation.
La Rédaction.
iété des Etudes Océaniennes
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 44