B98735210103_038.pdf
- Texte
-
ASJÊ
m
Bulletin
DE
f
/à)
Société
la
des m
ÉTUDES OCÉANIENNES
No 38
DECEMBRE
Anthropologie
Histoire
—
1930
Ethnologie
—
Institutions
et
—
Philologie
Antiquités
des populations maories
Littérature
Astronomie
—
et
Folklore.
Océanographie
-7-
Sciences naturelles
Tourisme.
IMPRIMERIE EUE
JUVENTIN
PAPEETE (TAHITI)
té des
Étjides Océaniennes
publiés dans le Bulletin, exceptés ceux dont l'auteur
droits, peuvent être traduits et reproduits à la condition
Les articles
y a
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résidant
Membre à vie
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l'Etranger, six livres sterling
ou
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dollars.
Avantages
versée
une
de
fois
faire recevoir Membre à vie
se
pour
pour
cette
somme
toutes^ (Article 24 du Règlement Intérieur, Bul¬
letins N° 17 et N° 29).
1° Le Bulletin continuera à
lui être adressé, quand bien même il
cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
2° C'est la seule manière de recevoir le
résident pas
dans la Colonie, puisqu'on
ne
Bulletin pour
reçoit
pas
ceux
3° L'intérêt de cette
modique somme assure à la Société
supérieur à la cotisation annuelle de 30 fr.
4° Le Membre à vie
ment de
En
s?
n'a plus à se préoccuper de l'envoi
cotisation annuelle, c'est
conséquence
:
une
dépense et
un
qui
ne
d'abonnements.
un revenu
ou
du paie¬
souci de moins.
Dans leur intérêt et celui de la Société, sont invités
à devenir Membre à vie
:
TOUS CEUX qui, résidant hors Tahiti, désirent recevoir le Bulletin.
TOUS LES jeunes Membres de la Société.
TOUS CEUX qui, quittant Tahiti
s'y intéressent quand même*
de
la
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
NTC
38.
—
Décembre 1930.
SOMMAIRE
Pages
Histoire.
Souvenirs de
Science
et
l'occupation des Marquises en 1843, par X. Oa.il!et
32
industrie
Conservation des fruits par
le froid,
par
Paul Serre.
.
.
.
101
.
110
115
Folklore.
La
légende du maiore, par Yves Malardé
Au
sujet de l'Arc chez les Polynésiens, par
Ildefonse Alazard.
Avis.
111
Ouvrages et périodiques reçus
Société des
Études
Océaniennes
Société des
Études
Océaniennes
liliffefefcifcsfeifciiâMMÊ!iÊiÊiMsàÉgâêâiJà0
PJSTPW
Souvenir de
Foccupation des Marquises
Manuscrit de X. Caillet
Je
nie
rappelle toujours de l'effet
Tout était nouveau
vallées sauvages.
en
1043.
(suite et fin).
produisit la
moi.
que me
pour
vue
de
ces
La
première promenade que je fis fut chez le Roi "Tomouana" né
beaucoup de crédit dans les Marquises; il avait
navigué avec les Américains et, plus tard, appelé à commander une
vallée il avait senti de suite la supériorité qu'il pouvait acquérir sur les au¬
tres tribus en se mettant sous la protection de la France. Cependant,
il conserva toujours pour
les Américains, une amitié qui leur fut très
utile aussi bien qu'à lui, car il se fit payer certains droits. Maintenant
les baleiniers américains venaient très souvent faire reposer leurs scor¬
butiques à la baie de Taiohae. Les équipages descendaient à terre et
pouvaient en sûreté courir dans les vallées de cette baie, Mouaria en
répondait, pourvu toutefois que ces équipages ne dépassassent pas les
d'une famille ayant
montagnes.
Aussitôt
qu'un baleinier américain jetait l'ancre on voyait une quan¬
se jeter à la nage et malgré la distance, sans crain¬
dre les requins abondants dans la baie, elles arrivaient à bord passer
la nuit; le lendemain, les baleinières les ramenaient à terre, elles empor¬
taient pour la prise de leurs faveurs, du savon, une brasse de coton¬
nade, du tabac. Tous les soirs on voyait la rade sillonnée par les
baleinières chargées de femmes allant à bord; bientôt la musique, les
chants et les éclats de rire répondaient aux chants du soir de la plage
où les compagnes dédaignées ou plus capricieuses étaient rassemblées
tité de Nuhiviennes
attendant le souper.
en
A
le canot major et j'eus la permission d'aller
plein, il n'y avait pas encore de débarcadère
il était très difficile de parvenir à terre sans se mouiller
10 heures
1/2
on arma
à terre. En arrivant
de
car
fait, et
au
il fallait choisir l'embellie et sauter
atteint par
sur
les roches avant d'être
la lame suivante. D'autres fois lorsque la mer était très
Société des
Études Océaniennes
93
-
—
belle,
on allait jusqu'à la plage de là baie qui est à gauche de la rade
d'Akapei, et là, nous nous faisions porter sur les épaules des hommes
de l'embarcation.
La
grande baie -de Taiohae ou des Ta.ïs, est divisée en deux baies,
séparées par un promontoire élevé et rocheux; la mer a creusé de
chaque côté une baie profonde. Celle de gauche ou d'Akapei est bordée
d'une plage de sable blanc, tandis que celle de droite ou de Moana,
beaucoup plus grande que la première, est bordée de sable gris, de
corail du de galets; Mais la mer, ayant trouvé des roches, n'a pu que
voûter et agrandir les fentes des roches du promontoire d'Akapei, sur
lequel le fort français s'est élevé et domine toute la baie et la terre
basse qui la sépare des montagnes.
.
Ce fort
composé de quelques pièces est défendu naturellement par
position; la maison du Gouverneur est en bois et appùyée sur les
deux casernes en bois également et dont les façades ne sont que
le
prolongement de la maison principale et sont tournées vers la mer.
C'était une compagnie de marins et quelques sous-officiers d'artillerie
qui faisaient le service de ce fort. Une fois descendus à terre, nous sui¬
vîmes un sentier qui devint route plus tard, ce .«entier contournait le
fort et se rendait dans la plaine d'Akapei que l'Amiral avait désignée
pour l'emplacement de la ville où déjà s'élevait sur le bord de la plage,
une maison entourée de-fossés et
appelée "camp retranché". Une petite
route s'embranchait au sentier et montait
jusqu'au pont-levis du fort,
ce chemiu était
garni de mauvais parapets, des deux côtés; nous sui¬
vions la plage grise de Taiohae, à l'angle de la plage dans le fond du
sa
coté du
C'était
fort,
un
nous
trouvâmes la
de l'Amiral. Sa
de Maki.
case
vieillard ancien chef
sans
toutes les
commandement
et
très estimé
s'élevait au dessus
d'une plate-forme en pierres mais qui n'avait pas l'élévation des autres;
car
souvent les cases nuhiviennes sont élevées sur une plate-forme en
pierres haute de 4 à 5 pieds.
La
case comme
cases
canaques
elle-même ressemble à la moitié d'une
que l'on obtien¬
qui soutient le toit, un plan perpendi¬
culairement au sol, on ferait ainsi deux cases symétriques ressemblant
chacune d'elles à une case de Nuhiva. Nous n'entrâmes pas dans la
case de Maki qui se trouvait sur
la plate-forme à côté de la palissade
Ah! bonjour Makaoni " nous dit-il en nous voyant.
C'était tout le
français qu'il avait appris. Sa figure, fond olivâtre était rendue bleue
d'un côté par la quantité tie tatouages qui s'y trouvaient. Du reste tout
drait
case
en
abaissant de la traverse
"
Société des
Études
Océaniennes
case
—
94
—
son
corps que nous étions à même de voir, car il n'avait pas de pagne,
était tatoué aux articulations; les
lignes de tatouages s'arrondissaient-
en
suivant les contours des
cuisses; sur la poitrine différents signes gravés
rappelaient ses hauts faits ou ceux de ses ancêtres, ou sa position élevée
parmi ses compagnons. Aux reins, des lignes courbes partant du dos
venaient s'y concentrer. Maki avait les mains et les pieds si bien tatoués
qu'on aurait juré que des gants et des bas de soie d'un bleu ardoise,
et a jour couvraient ces parties du
corps. Il vivait presque seul et retiré,
sa figure était
pleine de noblesse et ses manières remplies de dignité
faisaient deviner le Chef, il paraissait très triste et doux, de grands
malheurs avaient passé par là. Le vieillard se leva et nous offrit à
manger de la popoï, fruit de l'arbre à pain que l'on pétrit en bouillie,
Cet homme bien proportionné était petit pour un canaque, cependant
il était de la taille d'un de
grenadiers.
déjà dit, les cases canaques sont des demi-cases
d'un autre pays, un clayonnage soit en bambous, soit en bois blanc
d'hibiscus servait de muraille à la case, excepté l'arrière ou la grande
face qui, se prolongeant jusqu'au toît était garnie de feuilles enfilées
ou de feuilles de cocotiers tressées, comme le toît. Le plus petit côté
ou la
façade de la porte presque toujours dirigé, soit du côté de la mer,
soit du côté du penchant de la vallée se trouvait ainsi par son peu de
hauteur propre à défendre la case des rayons brûlants du soleil, tandis
que l'air entrait facilement par le clayonnage et se répandait dans la
case. L'intérieur de la case se composait de deux parties bien distinctes:
dans toute la longueur, à toucher la base du grand côté, on enlève
les pavés, ce qui forme une plate-forme en terre plus basse que l'autre
partie; on y place parallèlement deux troncs d'arbre à pain: l'un qui
doit servir d'oreiller, l'autre sur lequel reposeront les jarrets: on répand
dans l-'intervalle une quantité d'herbes odoriférantes et fines que l'on
couvre de
nattes et chaque personne se couche sur ce lit frais mais
dur et s'enveloppe dans le manteau ou dans la pièce d'écorce de mûrier
que les femmes portent en guise de manteau. Qulques fusils pendus
au toit, quelques tapas, des costumes de guerre: voila tout ce qui com¬
pose l'ameublement des cases. J'oubliais cependant les bailles a popoï
faites en bois dur et formant une demi ellipse allongée ; quelquefois
un tabouret de, ce même
bois de fer, quelques lances, casse-têtes et
pagaies en bois de fer, sculptés et polis ornent encore la case; on y
voit aussi des flûtes à nez en bambou où sont représentés des modèles
de tatouages. Quelquefois ces modèles sont reproduits sur des bambous
tatoués contenant les " tapas " fines, étoffes qu'ils fabriquent avec l'éComme
nous
nos
l'avons
Société des
Études
Océaniennes
—
de
corce
nures
Ces
—
mûrier, dont ils font
une pâte qu'ils aplatissent ensuite avec
bois de fer dont les faces sont couvertes de rai¬
qui restent marquées sur les tapas.
marteau
un
95
long
en
ustensiles si délicatement travaillés n'ont pourtant
armes ou ces
été faits
qu'avec des oui ils
pierre. Les pierres de la plate-forme qui
place, un ensemble de forces que
nous trouvons
presque impossible, ont également été polies avec ces
instruments. Le pilon de popoi en pierre est un véritable objet
d'art.
Vis à vis la case de Maki, il y avait une case " tabou " où se trou¬
vait le corps embaumé d'un des ancêtres de Maki. Les femmes ne
pou¬
vaient passera côté. Du reste je crois qu'il y a au moins le tiers du
terrain des lies Marquises qui est " taboué "' aux femmes. Partout où
il y avait des cadavres de chefs elles étaient
obligées de faire de longs
détours ce qui allongeait beaucoup le chemin dans les
montagnes. Mal¬
gré cela le tabou était bien observé, car le poison les punissait de
leurs sacrilèges, et ce poison appelé " Eva " était, suivant le " Ta.hua ',
envoyé par Dieu.
ont
en
dû demander, pour être mises en
De même,
il était interdit
aux
lançaient-elles à la
d'ailleurs, n'ayant que
nage pour
vent autour du
une
se
femmes d'aller dans les pirogues, aussi
aller trouver les navires américains;
ce moyen de se promener sur l'eau, elles excel¬
laient dans l'art de la natation et il n'était pas étonnant de
voir sou¬
navire
quinzaine de têtes gracieuses sortir de l'eau.
beaucoup plus à craindre que les animaux dont
parle Fénelon, faisaient 2 milles à la nage et pouvaient rester sous
Ces nouvelles sirènes,
l'eau 2 minutes. Elles folâtraient dans cet élément
offrant leurs charmes
vaient
peut-être
et
arrivaient à bord,
regards des équipages qui, depuis un an, n'a¬
de femmes. Les hommes choisissaient leurs
aux
pas vu
maîtresses.
Nous suivîmes la
mencent
plage de sable gris sur les bords de laquelle com¬
goyaviers et les hautes herbes. Nous n'avions pas fait
qu'un canaque qui nous accompagnait nous fit voir une case
les
200 pas
tabouée où
se
trouvaient les restes mortels de la Reine Faetini. Cette
solitaire et condamnée servait de Marne
Reine de la Vallée.
case
La
et
à
au
corps
de l'ancienne
cessa à moitié chemin de la demeure du roi, au fort français
roche couverte de gazon qui s'avance dans la mer; là commen¬
plage
une
çait la plage de galets ronds, noirâtres et grisâtres qui fatiguent si vite
marcheurs; car, au moment où on croit poser le pied sur quelque
chose de solide, le galet roule et souvent en tombant on peut se faire
Es
Société des
Études Océaniennes
—
96
—
beaucoup de mal. La roche dont je viens de parler est l'origine d'une
grande colline qui se prolonge en s'élevant jusqu'au sommet des hautes
montagnes.
Nous entrions dans un pays boisé couvert de cases sur les revers
des collines. Pour éviter les galets de la, plage contre lesquels la mer
brisait,
prîmes
sentier qui paraissait suivre par l'intérieur
plage: ce sentier faisait une grande quantité de
détours au milieu d'arbres gigantesques, par moment on apercevait par
une éclaircie, la mer et les
navires; d'autres fois, la percée se faisant
du côté de l'intérieur, sur les cimes hachées des montagnes couvertes
se
les
de
nous
contours
roseaux
un
de la
oecs
à la teinte
grisâtre.
Enfin, après plusieurs détours, nous arrivâmes devant un village
s'élevant des deux côtés d'un ravin traversé par un torrent d'eau claire
fond de cailloux. Un grand nombre de canaques
cases et aussitôt que les enfants qui s'amu¬
saient dans l'eau du torrent nous aperçurent, ils prévinrent leurs parents
que les " Farani " (français) arrivaient. Ceux-ci vinrent nous prier d'en¬
trer dans leurs cases et sachant que nous allions voir le roi, plusieurs
d'entre eux se détachèrent pour nous accompagner et nous ne tardâ¬
mes
pas à entrevoir à travers l'échappée de la vallée, la case du roi
assise sur une plate-forme de pierres au bord de la mer. Le torrent se
détournait sur la plage de galets et venait se jetait dans la mer près
qui roulait
sur un
étaient rassemblés dans leurs
de la
case
du roi.
entourée de cocotiers et ovnée d'un mât de pavillon était en
façonnée comme les petites cases européennes, seulement sa toiture
était en feuilles de cocotiers tressées. L'intérieur composé de deux pièces sé¬
parées par une cloison, était très simplement meublé. Les armes et les usten¬
siles nécessaires à la cuisine la plus simple d'un ménage français étaient
épars ça et là au milieu de bouteilles de champagne car le roi avait suivi
l'exemple de son ami le pilote, un Anglais de naissance qui buvait ferme:
tous les appointements que lui donnait le Gouvernement passaient en
boissons ce qui faisait que presque toujours il était ivre et battait sa femme.
Moana se trouvait dans la pièce la plus grande, entouré d'indigènes,
Cette
case
bois et
un homme de taille moyenne pour ces pays, il était bien cons¬
titué, sa tête à l'expression ouverte et franche, garnie d'une chevelure
frisée, ressemblait à celle d'un mulâtre intelligent. 11 n'était tatoué que
sur les reins. 11 nous reçut avec affabilité, la reine couverte à peine du
c'était
était assise Sur un
bord; quant aux autres,
pagne
caisson, tel que les matelots en embarquent a
ils étaient assis ou étendus sur les nattes qui
Société des
Études
Océaniennes
—
couvraient le
plancher de la
97
-
Nous avions très chaud et nous
mer
qui venait nous rafraîchir et
modérer l'odeur
insupportable de l'huile de coco saturée "d'cka" que
les femmes avaient
répandu sur leur corps.
case.
fûmes heureux de sentir la brise de
Un officier s'amusait h
palper la reine qui ne paraissait pas farou¬
regards bien des beautés, car un pagne seulement
lui cachait les reins, ses
épaules étaient couvertes d'épaulettes tatouées ;
elle avait les mains si bien
piquées qu'on aurait juré des gants, ses
pieds de même se distinguaient par la finesse des tatouages, sur ses
lèvres on avait tracé des
lignes courbes en bleu, suivant verticalement
le contour de la bouche.
Quelques grandes lignes dessinaient la taille,
che, et livrait à
s'élevaient
aux
nos
seins: du reste toutes les femmes de
ces
pays ont ce
tatouage bleu uniforme.
Us avaient tous des boucles d'oreilles
en
ivoire artistement sculptées
représentant de petits fétiches, seulement cet ornement était trop
gros et devait être lourd à porter. Les hommes ont plusieurs
tatouages
différents et il y en a de si
compliqués qu'ils paraissent noirs tout
d'un côté et souvent même on entrevoit à
peine la couleur première de
leur peau. D'autres au contraire en ont
peu.
et
Malgré la brise de mer qui venait nous rafraîchir, nous acceptâmes
joie les cocos que sa Majesté voulut bien nous donner. Nous offrî¬
avec
du tabac
au roi, c'était du tabac en
tablette; l'allumeur de feu de
qui, dit-on, a les mêmes privilèges domestiques que le roi,
se mit à
couper le tabac et nous offrit, après l'avoir allumée, une pipe
de racine de bambou; mais le roi
voyant notre peu d'empressement à
accepter la pipe de l'amitié, huma lui-même 2 ou 3 bouffées et la fit
circuler parmi les autres canaques qui l'entouraient.
mes
la reine,
Nous
les taillis de goyaviers, ces arbrisseaux ressem¬
jeunes poiriers sauvages et le fruit à la poire, seu¬
lement la goyave est plus dorée; l'intérieur de ce fruit
quand il est mûr,
est rouge rosé et contient une
quantité de petits pépins blancs. Un sen¬
tier étroit devait nous conduire à la
plage de Faetini; nous avions de
l'ombre, mais à chaque instant, il fallait marcher courbé et écarter les
branches qui couvraient le chemin. A moitié chemin nous trouvâmes
un
canaque qui faisait un cercueil en creusant, eu forme de pirogue,
un
arbre à pain. Nous arrivâmes enfin au
camp.
Les officiers étaient logés au milieu des
grandes herbes dans des
tentes que traversaient les
gros grains de pluie, malgré la tension des
toiles. Les militaires avaient réussi à se
loger en partie dans des cases
blent
revînmes
beaucoup
par
aux
Société des
Études
Océaniennes
98
-
—
mal laites, du reste, on avait déjà
expédié une compagnie pour Vaitahou; les autres descendaient à terre en corvée tandis que les cha¬
loupes allaient chercher du corail pour faire une chaux d'une blan¬
cheur éclatante, les manœuvres bâtissaient, les forges fumaient, il y
avait dans le camp l'air d'activité que Fénelon décrit si bien dans
Télémaque.
Cependant on ne négligeait pas non plus les exercices militaires car
on s'attendait
chaque jour à voir les affaires des Marquises s'embrouil¬
ler. Les chefs même de la vallée de la baie s'ennuyaient de n'avoir
plus de victimes à dévorer, et d'être obligés de rester tranquilles lors¬
que leur naturel féroce les appelait non à combattre ouvertement mais
a se
surprendre en continuelles escarmouches.
son
*
Les
jours suivants, je fus occupé soit à faire de l'eau ou du lest, et
toujours dans l'eau, j'appris bien vite à, nager. Souvent, quand nous
nous trouvions 2 ou 3 élèves, ensemble, nous nous amusions à plonger
dans la lame et à faire des traversées très longues malgré les requins
abondants dans la baie. D'autres fois nous allumions un grand feu
dans lequel nous faisions cuire des patates que nous allions prendre
dans le champ d'un Américain. Le soir, lorsque nous descendions à terre
nous nous réunissions sur la plage, écoutant les chants monotones et
sauvages des belles Marquisiennes. Tantôt, elles s'accompagnaient en
frappant dans leurs mains; tantôt elles plaçaient sur leurs cuisses de
petits bâtons secs de différentes longueurs et de grosseurs variées sur
lesquels elles frappaient avec un morceau de bois sec. Elles tiraient
ainsi des sons différents qui s'entendaient jusque dans le fond fies
vallées, car les accidents gigantesques de ce terrain multiplient les échos.
Mais presque toujours, le soir, elles regardaient en chantant une étoile,
et, aussitôt qu'un nuage la voilait, les chants cessaient tout à coup
pour reprendre en faveur d'une autre étoile qu'un nuage menaçait de
masquer.
Quelquefois elles se réunissaient plusieurs, et là, nues entièrement,
en faisant des contorsions voluptueuses que nous trou¬
vions dégoûtantes d'expression, nous, qui certes, n'étions cependant
pas très délicats à ce sujet. Ce n'était plus la passion, c'était le délire
de la brute qu'elles nous montraient; elles ressemblaient à des bacchantes.
elles dansaient
*
*
Je commençais à me
caractère et je voulais
*
lier avec Brou car vraiment j'avais apprécié son
le prendre pour modèle: non seulement c'était
Société des
Études
Océaniennes
—
déjà
99
—
officier distingué, mais aussi
caractère antique et digne
république, s'était dévoilé, tant
dans sa vie privée que dans sa vie d'homme de mer, et il avait le cœur
si bon ; ce fut du reste à Nuhiva que
nous nous liâmes d'une amitié
fraternelle qui a toujours fait ses preuves et qui ne finira
je l'espère
qu'à notre mort.
nu
comme
on
aime à les rêver dans
Brou vînt
lui dans les
demander
me
un
vallées, j'acceptai
Palioko, elle
trouve
se
sur
son
une
jour si je voulais faire une course avec
plaisir, nous visitâmes la vallée de
avec
le sentier qui conduit à la crête des
mon¬
suivîmes pour cela le torrent qui descendait en serpen¬
tant et par petites chutes d'abord puis disparaissait sous un lit de roches;
des hibiscus l'abritaient de leurs larges feuilles dans toute la
longueur
de la vallée. En passant, je dirai quelques mots de cet arbre
qui rend
tagnes; nous
tant de
services
aux
Océaniens: l'écorce
sert de
corde,
on
fait
avec celle
filasse des tresses de
lignes pour pêcher et qui rendent tous les services
que la ligne ou la tresse rendent chez nous. Le tronc est d'un bois 1res
dur, les branches au contraire peuvent remplacer les lignes, c'est avec
ces branches que l'on fait les balanciers de pirogues, et,
une fois écorcées, elles sont si blanches que le treillage des cases neuves resplendit
au
soleil.
Nous suivions, Brou et moi, le bord du torrent et
lorsque nous avions
prenions une feuille d'hibiscus dont nous plissions un des
coins pour en former un vase avec lequel nous puisions l'eau claire
qui coulait à nos pieds. Depuis une heure nous marchions sans avoir
rencontré d'habitations, sauf quelques cases qui nous
apparaissaient au
milieu des arbres et perchées sur le bord d'abîmes sombres et
escarpés.
Enfin nous aperçûmes plusieurs cases placées sur les bords d'une
grande clairière carrée et nettoyée. Des bananiers, des cocotiers et des
arbres à pain ombrageaient cet espace. Les goyaviers, les hibiscus et
les autres arbres sauvages en étaient proscrits. Nous fûmes très bien
reçus de Pakoko, chef de cette vallée et qui plus tard fut condamné
à mort par le Gouverneur français.
soif,
nous
Pakoko était
un
vieillard à la
figure fière, il paraissait très âgé, d'une
taille élevée et d'une constitution
nerveuse,
sa
barbe blanche faisait
paraître sa figure martiale plus imposante.
Malgré qu'il nous reçut bien, nous remarquions que ce n'était pas
le sans façon de Temouana, il y avait plus de froideur, on
voyait que,
nous lui déplaisions, mais qu'il ne
pouvait se dispenser de nous donner
l'hospitalité que l'on respecte si bien chez les sauvages, il nous dit peu
Société des Etudes Océaniennes
100
—
de mots. Son
rappelaient,
tatouage compliqué était très élégant par les dessins qui
ancêtres, la noblesse de son sang et ses faits d'armes.
ses
Nous vîmes dans
en
une
grande
bon état. Le reste des
de haches
nemis
—
armes
râtelier de fusils paraissant
composait de casse-têtes sculptés,
case, un
se
pierre et de massues. Des chevelures de victimes
vaincus, des barbes blanches ornaient ces faisceaux.
Nous
en
ou
d'en¬
restâmes que peu de temps, car ce Chef paraissait déjà se
Français et il avait raison; là où un peuple civilisé prend
pied, le peuple de ce pays perd, non seulement son indépendance mais
ne
méfier des
trop souvent il devient le paria ou l'esclave des hommes civilisés.
Nous allumâmes
une
pipe et Pakoko malgré sa raideur ne crut pas
dignité de nous demander du tabac à fumer.
Nous reprîmes bientôt notre route en tirant sur la gauche et nous
quittâmes le terrain frais de la vallée pour prendre un sentier qui nous
au
dessous de
sa
fit traverser des crêtes desséchées et
nous
amena sur une
colline
sur¬
montée d'un blockaus
qui dominait les vallées les plus habitées de la
baie. Ce fort était inattaquable surtout pour des sauvages.
Nous nous reposâmes quelques instants à respirer la brise du large;
les montagnes nous entouraient de toutes parts, mais entre deux arbres
à pain nous avions une échappée de vue magnifique et nous aperce¬
vions la baie dans toute
son
étendue.
En
contemplant ces montagnes sauvages et complètement en friche,
plage presque déserte, nous nous demandions si jamais les grands
projets de notre Amiral se réaliseraient.
En effet, le jour même de notre arrivée à Taiohaé, l'Amiral du
Petit-Thouars avait appelé l'Escadre à l'ordre et j'avais copié moimême l'ordre qui détaillait tous les noms des rues de Saumurville,
Capitale de Nuhiva, car l'Amiral avait voulu lui donner le nom de
cette
sa
ville natale.
Le soir
en
descendant à terre, nous
avions cherché dans l'herbe cette
grande ville dont j'avais copié les noms et
France faisait croire à
des poteaux sur
Somme etc.
Pauvre France!
la
dont le plan envoyé
en
petite Sydney: nous n'avions trouvé que
lesquels étaient gravés: rue de la Meurthe, rue de la
toute
une
la ville
plage et du Fort placé
sur
se composait d'un
le promontoire.
Société des
Études
Océaniennes
camp
retranché
sur
101
—
—
Conservation des fruits par
le Froid.
Rapport de Mr Paul Serre
Consul de France à Auckland.
En février et
1930, j'ai rédigé deux monographies intitulées
exportation des pommes et poires en Nouvelle Zé¬
lande" et "Culture et importation d'oranges, eitrons et
pamplemousses
en
Nouvelle-Zélande". Bien qu'ignorant encore si ces rapports ont
mars
"Standardisation et
présenté quelque intérêt aux yeux de 110s producteurs et exportateurs
de fruits, je viens d'écrire une troisième étude intitulée "Conservation
des fruits par le froid" et il me restera, pour terminer
la série avant le
Congrès qui se tiendra à Paris en Octobre prochain et si on m'en laisse
le temps, à étudier les maladies des arbres fruitiers et des fruits, la
création du "Fruit Control Board" etc... etc...
aux
Antipodes.
le froid est plus compliqué que
ne le croit l'homme de la rue. La
preuve en est qu'un grand nombre de
spécialistes: biologistes, chimistes, bactériologistes, ingénieurs, archi¬
tectes navals et terrestres, mécaniciens etc... ont dû
joindre leurs efforts
pour arriver à le résoudre en partie seulement.
En effet, chacune des marchandises qu'il
s'agit de conserver et trans¬
porter au loin doit être l'objet d'un traitement approprié.
Ce n'est point d'aujourd'hui que l'on s'intéresse au
problème du
froid. L'homme primitif, bien que très
rapproché du singe, remarqua,
vite que la viande d'ours ou d'auroch
qu'il plaçait dans une grotte se
conservait plus longtemps qu'à l'air libre; plus tard,
le grand singe
évolué découvrit qu'il était pratique de descendre les aliments
périssa¬
bles au fond d'un puits. Plus tard encore, Néron fit descendre de la
neige des montagnes, par ses esclaves, afin de refroidir son vin. Enfin,
Richard Cœur-de-Lion reçut un pot
de confiture glacée de Saladin et
Lord Bacon, pour conserver la volaille morte, la faisait
remplir de neige!
Puis vint Tellier. Mais les Anglais et les Américains doivent
bien avoir
découvert un Anglo-saxon précurseur du
père du froid.
Les produits les plus faciles à conserver sont les viandes de
mouton,
agneau et porc et le beurre, car il suffit, en ce qui les concerne, de faire
Le
problème de la conservation
Société des
par
Études
Océaniennes
102
—
tomber, aussi prompiement qu'il est possible, la température un peu
au dessus de zéro.
Mais, quand il s'agit d'œufs, fromages, pommes et
poires, il faut tenir compte de nombreux facteurs: Sélection du fruit,
maturité, emballage, température, humidité, ventilation ; difficultés qui
n'ont pas, toutes, été vaincues encore.
Au début, le fromage voyageait de Nouvelle-Zélande en Grande-Bre¬
tagne dans des chambres refroidies à 40-45 degrés Fahrenheit; mais
011
s'aperçut bientôt que la transformation chimique indispensable ne
s'accomplissait pas, et, qu'à son arrivée à Londres, l'imitation locale de
"Chester" ressemblait assez à du savon. Aussi, le "standard" de tem¬
pérature fut-il porté à 45-50 degrés. De plus, comme le fromage laisse
échapper beaucoup d'acide carbonique (ce qui oblige les matelots à
prendre certaines précautions quand ils descendent dans les cales) une
active ventilation fut
reconnue
nécessaire.
Par contre, pour
zéro. La coquille
les œufs, la température doit se rapprocher du point
qui est poreuse, laissant passer non seulement de
l'acide carbonique, mais aussi, des vapeurs sulfureuses dues à la lente
décomposition de l'albumine ou "blanc" l'atmosphère doit être renou¬
velée; enfin, quand l'air frais est trop sec, il se charge alors d'humi¬
dité aux dépens du contenu de l'œuf.
Concernant les poires, une attention spéciale est indispensable dans
le choix du fruit, l'emballage et la manutention; ensuite, il suffit de
les tenir un peu au-dessous du point zéro.
Pour les pommes il a fallu tout d'abord trouver les variétés qui sup¬
portent le mieux un long voyage et le degré de maturité auquel elles
doivent être arrivées avant d'être refroidies le plus rapidement possible.
La plupart des variétés s'accommodent de 32-34 degrés Fah., mais les
"Stunners" exigent 38°. La température moyenne ici, dans les vergers,
est de 75 degrés.
Si, dans les chambres froides la température est trop haute, ou si
l'humidité de l'air est trop grande, alors apparaissent les excroissances
fongoïdes et la pourriture. Quand l'air est trop sec, le fruit se ride.
sont des organismes vivants qui respirent; elles
et rejettent de l'acide carbonique. Aussi, l'air
des chambres doit-il être renouvelé en vue d'eviter la suffocation du
Les pommes et poires
absorbent de l'oxygène
l'oxydation lente de la chair. Comme tout ce qui vit sur terre,
chargées d'électricité. Le galvanomètre est là
pour le prouver. Que cette électricité positive disparaisse et le fruit
commence à pourrir.
fruit et
les cellules du fruit sont
Société des
Études
Océaniennes
—
103
-
Sur la
plupart des navires possédant des chambres froides, existe le
de tuyautage réfrigérant, ainsi que des ventilateurs ac¬
tionnés par l'électricité.
Cependant sur certains navires, on trouve la même installation mo¬
système
connu
derne que
dans les "cold stores" de terre, c'est-à-dire une chambre spé¬
ventilateur est refroidi grâce à un tuyautage intérieur, et, en même temps, séché par une solution saline tom¬
bant en pluie, qui a, comme on le sait, le
pouvoir d'absorber l'humi¬
dité; enfin, attiré à l'autre bout de la chambre par un aspirateur et
distribué dans les chambres réfrigérantes.
Ainsi, on peut régler facile¬
ment la
température et le degré d'humidité. En effet, plus la saumure
est forte et
plus elle est active.
Grâce à ce système, on ne voit pas d'eau ruisseler sur les cloisons
et les planchers, notamment dans les chambres où sont
placées les car¬
casses
d'animaux qui perdent toujours
une certaine quantité, d'eau
durant l'opération de la congélation.
Certains ingénieurs spécialisés se sont montrés partisans de la méthode
du "pro-cooling" qui consiste à refroidir le fruit à
terre, aussitôt que
possible après la cueillette ; mais il semble que cette coûteuse méthode
n'est utile que pour les fruits particulièrement
périssables, comme les
raisins, les cerises, les fraises, etc... aussi, à grande distance du marché
d'écoulement, pour les oranges et citrons.
ciale où l'air introduit par un
L'ingénieur de navire frigorifique ne peut accomplir des merveilles
s'il reçoit du bon fruit, dont la croissance a été aidée et surveillée
que
avant
teurs
d'être cueilli dans les
qui entrent
eu
règles et bien emballé. Le nombre de fac¬
ligne de compte est d'ailleurs plus grand qu'on ne
le croit.
On
a
remarqué qu'au
même district
se
Un "orchardist" de
considérées
cours
comporte de
de deux saisons différentes, le fruit d'un
façon différente.
Hastings expédia,
jour, deux caisses de pêches,
keepers" à deux offi¬
relâche dans le port voisin de Napier (côte
ici de conservation
ciers amis d'un vapeur en
un
difficile "poor
orientale).
Quelques mois plus lard, cet horticulteur eut la surprise d'apprendre
que la plus grande partie de ses pêches étaient arrivée en Angleterre
en excellent état de conservation,
après avoir passé 38 jours en cham¬
bre froide.
Afin de lutter contre l'active
vilig'iés,
en ce sens
concurrence de certains
producteurs priqu'ils sont rapprochés des marchés de consomma-
Société des
Études
Océaniennes
—
104
—
tioji
anglais, les NéorZélandais doivent donner une grande attention à
question du froid, surtout en ce qui concerne les fruits.
A cet effet, l'Institut Cawtliorn, de Nelson, le
Département des re¬
cherches scientifiques et industrielles en Nouvelle-Zélande et en GrandeBretagne, l'Institut local de recherche des produits de laiterie, le Board
néo-zélandais des producteurs de viandes de boucherie et la "Cambridge
low temperature research Station" de Cambridge (Angleterre) ont pro¬
cédé à de nombreuses expériences.
Nonobstant les «lires de Rivière et Bailbache, les Britanniques pen¬
sent que la présence de C. 0. dans un "cold store" est plus préjudi¬
ciable que profitable au fruit; par contre, il semble que la piésenee de
la
l'ozone soit utile.
Sur la,
proposition de Mr le D' E. Marsden, Directeur du Départe¬
des Recherches scientifiques et industrielles nouvellement orga¬
nisé dans ce Dominion, un Comité spécial a été créé, il y a quelque
ment
temps, en vue de procéder à des expériences de transport de fruit, à
grande distance, en chambres froides.
Ce Comité comprend deux techniciens du Département précité, un
entomologiste de l'Institut Cawthorn (établissement scientifique créé par
un Mécène,
dans l'île du Sud), deux fonctionnaires du Département
d'Agriculture (L'un d'eux est Président du Comité) et deux membres
du "New Zealand Fruit Export Control Board".
D'autre part, le Docteur Vickery du "Low Temperature Research
Station" (Laboratoire du froid) de Cambridge (Angleterre) est venu en
mission en Nouvelle-Zélande et a visité les grands districts producteurs
de fruits, notamment celui de Nelson (île du Sud).
Grâce aux subventions obtenues du "New Zealand Fruit Export
Control Board" de "l'Empire Marketing Board" et du Gouvernement
le Wellington, on vient dé faire l'acquisition, à Nelson, d'une propriété
•
de 72
acres en
vue
de permettre au
Département des Recherches scien¬
tifiques et industrielles, à la Division d'Horticulture du Département
d'Agriculture et à l'Institut Cawthorn de procéder à de nouvelles expé¬
riences: Choix des arbres, influence des fertilisants et de la, chaux,
taille, lutte contre les insectes et les fongus, etc... etc...
Le procédé d'enfumage et celui qui consiste a enrober le fruit dans
une pellicule de caoutchouc ne convenant point, aux antipodes, on s'est
limité à étudier le procédé de réfrigération.
Une fois de plus, il a été prouvé que la manutention du fruit dans
le verger, puis, dans les magasins, doit etre faite avec soin. Un fruit
blessé, c'est la porte ouverte à l'altération des tissus. Bien plus, on a
remarqué que l'emploi de certains fertilisants a un effet marque sur la
vitalité des arbres et la bonne conservation du fruit.
Société des
Études Océaniennes
—
A
105
—
Nelson, les expérimentateurs conservèrent des pommes d'une demi-
douzaine de variétés
reconnues comme les
plus résistantes, dans un
magasin réfrigérant à terre où l'on surveilla attentivement la tempé¬
rature et l'humidité, pendant huit semaines, ce
qui est approximative¬
ment le temps que passe le fruit dans les chambres des navires. La
moitié de chaque lot fut examinée à sa sortie du
magasin et l'autre
moitié, après avoir passé trois semaines à l'air, ce qui est à peu près
le temps qu'il faut aux détaillants anglais
pour écouler leur stock.
Le lot de pommes
de l'espèce "Cox's Orange", maintenu à une
température de 38 degrés Fait, accusa un rebut de 12 °/0, et, trois
semaines plus tard, de 16 °/o.
La même expérience faite en fin de saison donnait
respectivement
16
°/o et 37 °/n. La perte, en ce qui concerne l'espèce "Cox's Orange"
s'est élevée, au cours de certaines
saisons, à £ 10.000 soit
seule
1.250.000 francs.
En suite de
des
expériences (certaines tenues secrètes), on obtint
Compagnies de navigation qu'elles procédassent, dans les cham¬
ces
bres froides de leurs
navires, à diverses améliorations.
En
Juillet 1930, le paquebot-poste "Tahiti", qui devait couler en
plein Pacifique un mois plus tard, est arrivé à Wellington avec deux
jours de retard, ayant à bord un chargement de bananes, oranges
et tomates (prises à Rarotonga et
Papeete) "surchauffées" (boiled)
dans les
cales, c'est-à-dire à moitié pourries. Cinquante pour cent des
oranges
furent jetées à la
Un lot de cerises
Dira-t
après cela,
responsables?
on
mer.
prises à San-Francisco arrivèrent invendables.
les Compagnies de navigation ne sont pas
que
La
complication des expériences auxquelles on a procédé à Nelson,
qu'on a dû étudier, séparément, vingt variétés de pommes,
qui, toutes, se comportent différemment: Dimensions, degré de ma¬
turité, âge de l'arbre, tronc et système de racines, soi, culture, saison,
ressort du fait
délai dans l'envoi
chambre froide,
le
magasin, composition de l'atmosphère de la
température, humidité, nature du papier enveloppant
au
fruit, etc...
On
a
aussi découvert que la variété "Sturmer" doit être mise
chambre froide aussitôt
après l'emballage, alors
Société des
Études
que
Océaniennes
en
la variété "Jo-
—
106
—
nathan " doit être conservée pendant irois ou quatre semaines
endroit frais avant d'être placée en "cold storage".
dans
un
Le
leur,
degré de maturité qu'on ne peut reconnaître seulement à la cou¬
influence marquée sur la bonne conservation du fruit.
a une
On
de données sûres, concernant la relation qui
manque encore
existe entre
l'emploi de certains fertilisants et la bonne conservation
du fruit, mais on sait que la culture forcée, soit par excès de ferti¬
lisants, soit par emploi de mélanges mal balancés, donne de grosses
pommes
à chair molle et de mauvaise conservation, même
en
cham¬
bre froide.
La distance des "orchards"
aux
ports d'embarquement n'est pas
grande en Nouvelle-Zélande pour faire voyager le fruit en
wagons frigorifiques comme on le fait, par exemple, aux Etats-Unis
où les bananes du Centre-Amérique, reçues à la Nouvelle-Orléans,
assez
sont
expédiées à Vancouver et les pommes de Californie expédiées
à New York.
n'a point ici, où il ne fait jamais très froid, à lutter
qu'au Canada où les Compagnies de che¬
min de fer doivent avoir trois types de wagons qu'on utilise selon
la saison, pour le transport des fruits: Wagons réfrigérants; wagons
simplement ventilés et wagons chauffés à la vapeur.
De
plus,
on
contre les mêmes difficultés
Laboratoire biologique de
Nelson et en Compagnie
Agent du Département .d'Agriculture, à diverses expériences en
y a quelque temps, le Directeur du
Wellington a procédé, dans le district de
11
d'un
vue
de découvrir la
cause
du "flesh collapse"
(écroulement interne
stores" à terre.
facteurs princi¬
paux; Température, humidité, circulation d'air, ventilation, des spé¬
cialistes surveillèrent la perte en poids du fruit.
Des pommes de la variété "Stunner" furent cueillies et placées dans
18 caisses pesant chacune 40 livres anglaises.
Six de ces caisses furent maintenues à une température de 34 degrés;
six à 37 degrés et six gardées dans le hangar où l'on procédait à
de la chair du
A cet
fruit) dans les "cool
effet, et tout
en
tenant compte des quatre
l'emballage.
Ces caisses furent
la
intervalles afin de constater
et l'on put ainsi constater.
pesées à différents
perte en eau et gaz,
Société des
Études
Océaniennes
—
107
—
1° que 40 livres de "Slurmers"
peuvent perdre une livre de poids
(2 1/2"/° sans qu'il se produise aucun changement dans leur appa¬
extérieure;
rence
2° que
40 livres de "Stunners" peuvent perdre 2 livres de poids
sa valeur au point de vue commer¬
(5 °/o) sans que le fruit perde de
cial ;
3°
Quand 40 livres de "Sturmers"
ont
perdu 3 livres de poids
(7 1 /2 °/o) elles se rident légèrement;
4° Quand 40 livres de "Sturmers"
ont
perdu 4 livres de poids
( 10 7„) elles subissent
une
moins-value;
5° Plus la
température est élevée et plus la perte
grande (On s'en doutait un peu).
en
poids est
Cinq mille caisses de pommes conservées en "cool storages"
quatre semaines perdirent non moins de 5.000 livres d'eau,
soit 500 galions, ce qui semblera énorme à ceux
qui ignorent que
la pomme contient, en moyenne, 33 °/0 d'eau.
La quantité d'eau exhalée varie d'ailleurs selon le "cold
storage";
aussi, selon l'installation, et, un peu, selon le spécialiste en charge.
durant
On
espère arriver à extraire suffisamment d'eau du fruit, sans pro¬
de rides, afin d'augmenter la résistance au "flesh collapse"
qui peut être causé par un micro-organisme.
voquer
Mais la ventilation doit être bien
midité
A
de l'air
une
ne
certaine
soit
pas
assurée afin que le
degré d'hu¬
trop grand.
époque, on a perdu, dans certains endroits, jusqu'à
"Stunner", par suite de "flesh collapse".
50 °o des pommes
Mais, depuis que les horticulteurs cultivent leurs
vergers et con¬
effectuer, en temps voulu, plusieurs cueillettes; depuis qu'ils
sentent à
savent que
le fruit récolté sur les collines où le sol est moins riche,
toujours retardé dans son développement, et que, parfois, il a
mûri avant d'être complètement formé;
que le fruit envoyé au "cold
storage" doit être arrivé à un certain degré de maturité, d'ailleurs
plus ou moins avancé, selon l'élo gnement du marché de vente; qu'il
doit être exempt de fongus et de toute blessure causée
par les mor¬
sures d'insectes, les ongles des cueilleurs. les
branches cassées, l'arra¬
chage du fruit au lieu du brisement de la queue, les coups, etc
le pourcentage de perte a grandement diminué.
est
Société des
Études
Océaniennes
—
108
Dans certains
magasins, on prend, la précaution de projeter sur le
pulvérisation et avant emballage, un fongicide composé de
chaux, soufre et formaline.
■
fruit,
par
En suite
d'expériences auxquelles il a été procédé à bord de queb
navires, certains estiment que la pourriture brune du cœur du
ques
fruit
{Brown Heart) serait due à un excès d'acide carbonique (15
%) dans les cales. Au dessus de 10 °/0 le fruit commence à
en danger.
Mais d'autres accusent un micro-organisme.
16
ou
être
Les croyants
ont le miracle qui explique tout: Les savants qui,
en doute, parlent de micro-organismes, qu'il s'a¬
gisse de rhumatismes, de maladies des plantes ex des fruits, etc.. etc..
sont souvent
eux,
Mr L. W.
procédé à diverses
les six variétés récoltées dans le district de Nelson:
Tiller,
de l'Institut Cawthorn,
a
expériences avec
Sturmer; Jonathan; Delicious; Dun's Favourite; Cox's Orange Pippin
et Statesman. Il a pu ainsi s'assurer que le "flesh collapse" se ma¬
nifeste surtout en fin de saison dans les stores où règne une tem¬
pérature de 32 degrés
Le "Bitter
au
lieu de 38 degrés.
pip" (Pépin amer) apparaît au début de la saison, (cer
sols) et se développe sous l'effet d'une
tains incriminent les mauvais
haute température.
résumé, il semble qu'il faiile cueillir le fruit à l'état de
Eu
quasi
placer, aussitôt que possible, en chambre froide.
infortunés horticulteurs ont à lutter ici contre un grand nom¬
maladies sans omettre le "black spot" (point noir) des pom¬
maturité et le
Les
bre de
poires, la rouille, la moisissure du cœur, la pourriture du
oranges et citrons, etc. . . Certains assurent que "Flesh
collapse". "Brown Heart " et " scald "(teigne de la peau î sont causés
par un même fongus " Pythiacystris".
mes
et
collet
des
Dernièrement, le Gouverneur-général, qui a son
franc-parler, s'est
public que dans les pommes qu'on lui servait à son petit
déjeuner du matin, il trouvait toujours un ou deux Saint-Gothard
(Brown tunnel). Mais ce fruit-grnyère n'est pas exporté.
plaint
en
Agents spécialisés du Département
côtes, de bons avis. Ils sont sur les
Les
tous
gros
d'Agriculture prodiguent,
quais quand on procède
de
fruits:
aussi,
du
retour
des navires afin d in¬
chargements
lors
terviewer les officiers.
Société des
Études
Océaniennes
—
109
—
On n'a point encore oublié, ici, le
désappointement des expédi¬
chargées à bord du paquebot
Remuera", qui arrivèrent à Londres pratiquement "cooked" c'est-àdire pourries, surtout à l'intérieur des caisses
qui avaient été placées
dans la cale au milieu de blocks et
par conséquent hors de l'action
des courants d'air. Au lieu d'obtenir de 26 à 30
shillings par caisse,
on
reçut de 5 à 29 shillings et une partie du fruit dut être envoyé
teurs de
13.200
caisses de pommes,
"
à l'incinérateur.
Aucun blâme
pouvait être infligé aux producteurs et aux em¬
qui avaient pris toutes les précautions possibles; mais il est
probable que, dans l'intérieur des caisses, la température avait été,
ne
balleurs
notamment
sous
les
tropiques, de 20° trop élevée. Au surplus, le
fonctionnement des thermomètres, hygromètres et détecteurs d'acide
carbonrique laisse à désirer sur certains navires.
Dans plusieurs cas, les
Compagnies d'Assurances ont tenu les Com¬
pagnies de navigation responsables des dégâts survenus au fruit par
faute de ventilation des caies.
En
Nouvelle-Zélande, on possède le bois qui convient pour les
fruit; mais, parfois, ce bois est mal débité; en Australie où
règne le plus pur nationalisme, on a, faute de l'essence nécessaire,
employé un mauvais " substitute ", alors qu'il eût convenu d'ache¬
ter du bois étranger (suédois,
norvégien ou canadien) comme on le
fait dans la Colonie du Cap. 11 est des économies "
qui ne paient
point", comme disent les Américains.
Qu'on le veuille ou non, le fruit (bien qu'absolument nécessaire
caisses à
en
certains
limitée,
en
cas) est un aliment de luxe. Aussi la vente en est-elle
période de dépression économique générale, comme celle
que nous traversons en
ce
moment.
Société des
Études
Océaniennes
—
no
—
fPH^HW
La
C'était
légende du Maiore
Juillet dernier, à Tautira.
en
Devant la maison de
yaient
sous
d'une teinte
comme
hôte, deux beaux arbres à pain, plo¬
le poids des maiorés. Les fruits arrivés à maturité, et
légèrement jaunâtre, se couvraient de larmes blanches,
mon
attristés de sentir
Le vieux Terii,
direction de
mes
proche, l'époque de la récolte.
de qui je recevais cette fois l'hospitalité, suivant la
regards, me demanda:
Connais-tu la
—
(Arbre à pain)
légende du maiore? Sais-tu comment
nous
le
possédons aujourd'hui?
Non
—
fait
fis-je, mais peux-tu
Attends
—
vieille, et
Assis
sur
un
instant que
mon
une
cerveau
me
la dire?
je regroupe mes souvenirs; ma tête se
oublie bien souvent.
natte, il réfléchit un instant, roule une cigarette de
ses doigts, et semble chercher dans là fumée bleue
délicieux, les souvenirs qui lui font défaut.
pendanus entre
à l'arôme
Puis
il
me
"
au
bout d'un moment,
C'était il y a
nos
paraissant avoir regroupé ses' idées,
raconte, de sa voix lente et grave, et avec des
îles, à
une
arrêts:
très longtemps, bien avant l'arrivée des Blancs dans
époque où la famine et la sécheresse désolaient tou¬
les îles océaniennes.
tes
Les fleurs étaient mortes;
les arbres agonisaient. Les cocotiers eux-
de grands oiseaux morts, laissaient pendre leurs
feuilles roussies, au long de leurs troncs rugeux. Les champs de
mêmes,
comme
taros et
d'ignames, de patates et de bananiers, privés de la fertilisa¬
soleil inclément. Le sol refusait aux plan¬
tion de l'eau séchaient au
tes
la
devenu
tait
au
vie
un
nécessaire,
pour
croître et produire. Dans ce paradis
réponse. Le ciel res¬
désert, les tribus se mouraient sans
vide, et tout semblait être
irrémédiablement voué à retourner
néant.
*
*
Société des
Études
*-
Océaniennes
Ill
—
l'intérieur d'une
A
danus
Moe
redressa
s'abondonner à
une
case
de bambou. Sur
ses yeux
retrouvé;
sur
la natte de pen-
buste de bronze.
son
rêve infini. Ses
un
royale,
parure
d'un Eden
fraîche
—
Puis, debout, elle parut
longs cheveux noirs lui faisaient
alanguis semblaient entrevoir les délices
des dents de
nacre
s'entr'ouvraient
ses
lèvres
sanglantes. La gorge palpitait comme une tourterelle qu'on égorge,
son
regard errait au loin sur la ligne indécise de l'horizon, à la
poursuite de l'Amour, monté en croupe de la vie.
A
quelques pas, Aratua, son fiancé depuis la dernière lunaison,
contemplait muet. Qu'il la trouvait belle et désirable, celle qui,
dans peu de temps, serait sa femme. Et
pour accompagner le rêve
de sa douce fiancée, il chanta son
amour;
la
"
Moe, Moe, la nuit est plus claire que ta chevelure d'ébène, et
moins fraîche que ta gorge. Que la nuit nous
enveloppe pour nous
cacher cette terre où meurent les fleurs du hinano et du tiare.
Moe, Moe, je sais
et
mon
bras est
pirogue parmi les récifs du lagon,
puissant à l'usage de la hache de guerre.
mener ma
devenu
Mais
nous
qu'importe, ô Moe, d'être fort
manquer?
et
audacieux, si la vie doit
Moe, Moe, tu m'es plus belle que le soleil qui se lève, plus dési¬
le fruit frais à la gorge altérée du voyageur. Je chercherai
dans tes cheveux, ô Moe, le parfum du monoi
pat fumé au tiare. "
rable que
Moe avait
écouté le chant de
son fiancé. Ce chant l'avait
péné¬
quiétude et comme exorcisée de ses sombres pen¬
sées. Elle ne songeait plus à la mort qui
les guettait. Elle voulait
vivre, vivre encore pour toujours entendre la voix bien-aimée de Ara¬
tua, toujours sentir près d'elle sa force et son amour. Alors, à son
tour, elle dit: " Aratua, tu es mon aimé. Tes lèvres chantent comme
trée d'une douce
le vent du soir dans
le feuillage des aito de la
plage. Tu es, ô Ara¬
l'incarnation
de
tua,
la Vie, qui nous est aussi précieuse que les ruis¬
seaux aux vallées, que l'air aux oiseaux.
Tu restes pour
moi, dans cette nature qui meurt, l'incarnation de
l'amour. Par notre désir de vivre ô Aratua, nous
résisterons à la mort qui rôde autour de nous. Devrions-nous en
appeler aux puissances du ciel, nous sortirons de la nuit, comme
l'étincelle jaillit de la pierre.
la vie ressuscitée par
Société des
Études
Océaniennes
112
-
Je connais dans la montagne, Taaroa, un sage vieillard. Au jour
ma
naissance, il dit à ma mère que je serais belle comme l'étoile
du matin et que pour pouvoir réaliser une seule de mes
volontés,
de
il sacrifierait
Ils
vie. Allons donc le trouver,
sa
partirent
vers
la montagne où vivait Taaroa.
*
*
*
Les tribus voisinent avaient bien vite
rendre
connu l'idée de Moe, de se
près de Taaroa. Ayant appris la prédiction faite à la nais¬
de Moe, elles avaient foi dans la réussite de la démarche de la
jeune fille, et cette confiance leur redonnait le goût de vivre.
Tous les regards se tournaient vers Moe, comme vers la
délivrance,
sance
le salut.
vers
Sa
modeste
de
bambou, blottie sur la plage, dans le feuil¬
devenait un but de pèlerinage pour ces pauvres êtres
si las de souffrir. Ils venaient puiser à la resplendissante beauté de
Moe, la force et le courage d'attendre le prodige.
lage des
case
puraos,
Cependant Aratua et Moe cheminaient dans les gorges profondes
des vallées à la recherche de la demeure de Taaroa. Course
longue
et
fatigante,
des
sous un
soleil de feu,
se
réverbérant
aux
parois
nues
montagnes.
A
leur
suite, la longue file des tribus, ondoyait, gigantesque rep¬
tile à travers les sinuosités de la vallée.
Elle suivait les
deux fiancés dans leur ascension
la
Vie, et
longue et déchirante supplication, cri de détresse et de déses¬
poir, ou olutôt d'espérance en la jeune fille, montait dans l'air sur¬
vers
une
chauffé: ô
Moe Moe.
.
.
.
*
*
Vers le
*
soir, Taaroa leur apparut enfin.
Longue chevelure de neige auréolant de lumière sa figure osseuse.
s'appuyait sur une branche d'oranger, dégarnie de ses épines.
Il avait un tel air de sérénité, de calme et de force, qu'à sa vue,
les tribus affamées comprirent vraiment que de lui viendrait leur
Il
salut.
Société des
Études
Océaniennes
—
113
—
Seule, Moe continua
vée où
elle
sa marche ascendante, jusqu'à une pierre éle¬
s'arrêta, silhouette déssinée sur l'azur pâle du couchant.
A celte heure divine entre toutes
détachait
se
qu'est celle du crépuscule, elle
sculpturale, dans l'air du soir.
Ce fut
parmi la foule lamentable des tribus, un long cri d'admi¬
vers la Vierge
qui allait les sauver.
s'écria: " Sage vieillard, je me suis souvenu delà promesse
ma naissance; et je suis venu te trouver
pour que tu nous
la vie, nous voulons vivre et nous aimer. "
et de reconnaissance
ration
Moe
faite à
donnes
Taaroa lui
"
répondit:
Salut à toi, Moe. Je t'ai connue au berceau belle comme le teina
[gardénia] et fraîche
comme
la fleur du tiare. Pour toi, je ferai la
qui
ton compagnon dans la vie. Son corps
soulève d'amour lorsqu'il te contem¬
beauté éternelle.
Tu
choisi celui
as
vibre de désir,
et
son
sera
cœur se
ple. Pour toi je ferai l'amour éternel.
Tu
as
su
arrêter tes désirs
tout les fruits de la terre.
Et le
prodige attendu
au
baiser. Pour cela, tu cueilleras par¬
Pour toi,
se
je ferai l'abondance éternelle;
réalisa.
Le corps
du soir
du sage Taaroa sembla se fondre, se dissoudre dans l'air
qui descendait des vallées. Puis il révêtît d'étranges et indé¬
finissables formes.
Son buste devint
noueux
comme
l'écorce des vieux arbres. Ses
jambes se soudèrent au sol, s'y incrustant pour devenir les racines,
tandis que sur ses bras, allongés, ramifiés et devenus rameaux, nais¬
saient feuilles et fruits. C'est ainsi que naquit le maioré.
Le miracle fut complet. L'eau coula à nouveau dans le lit désséché des torrents, les champs reverdirent. Parfois les fruits juteux fai¬
saient ployer les branches sous leur poids, et les tribus revinrent à
leurs cases en chantant les louanges de Moe.
'
Toute la
célébré le
nuit
passa en réjouissances, et dès le lendemain, fut
mariage d'Aratua et de Moe; dès lors, ils vécurent d'heuse
Société des
Études
Océaniennes
—
reux
case
Le vieux ïerii s'est tu,
même
blent
—
—
je
ne
—
jours, cachant leur jeune mais grand bonheur, dans la modeste
tapie sur la plage, parmi les puraos."
rette
—
114
perdu dans
longue rêverie; sa ciga¬
depuis longtemps entre ses doigts et il ne songe
pas à la rallumer; Puis il ajoute; contemplant les deux arbres :
C'est pour cela qu'ils ont les feuilles dentelées. Elles ressem¬
une
s'est éteinte
aux
lèvres humaines.
Terii, connais-tu d'autres légendes jolies comme celle-ci?
Ane ! J'en connais bien d'autres,
mais ma mémoire vieillit, et
me les rappelle plus aujourd'hui; mais je teles dirai la pro¬
chaine fois que tu viendras à Tautira. Puis il reprend:
venir
avec
moi
au
—
Veux-tu
récif, pêcher le tarao et le patiu ? (poissons des
récifs)
—
Oui Terii,
pareu, comme
le
je veux bien. Ce sera avec plaisir. Et, en simple
indigène, je pars en pirogue, avec Terii. chercher
nous mangerons tout-à-l'heure, macéré dans le miti
un
poisson que
haari, avec des maiorés chauds.
Yves Malardé
Secrétaire-Archiviste de la S. E. O.
Tautira le
Société des
Études
16
Juillet 1929.
Océaniennes
—
Au
115
--
sujet de l'Arc chez les Polynésiens
'
Braine-le-Comte le lpv Octobre 1930.
A Monsieur le Président
de la Société d'Etudes Océaniennes à
Papeete.
Monsieur le Président,
Je viens de lire
avec
sacré à l'"Arc cliez les
le plus vif intérêt l'article que vous avez con¬
Polynésiens" dans le numéro de Juin 1930 des
"Etudes Océaniennes".
Je n'ai pas
grande autorité en la matière, mais comme elle m'inté¬
depuis fort longtemps, je prends la liberté de vous soumettre
quelques petits renseignements qui pourront peut-être vous être de
quelque utilité.
J'avais lu, il y a bien 35 ans, l'affirmation de Monsieur de Quatrefages représentant les Maoris comme ignorant l'écriture, la cérami¬
que, l'arc et la flèche- Pour l'arc et la flèche, il faut entendre évidem¬
ment qu'ils les ignoraient en tant qu'armes de combat.
Or, presque au même moment, mes yeux tombaient sur ce passage
des Mémoires du Père Laval sur l'Ancien Mangaréva : « Les armes
des Mangaréviens dans les combats étaient l'arc, la lance et les
pierres » ; L'affirmation ne pouvait pas être plus contradictoire. Le
resse
Père Laval est arrivé
aux
Gambier
en
1834, il
a
entre 1864 et
écrit
ses
mémoires
1871, étant sur les lieux et plus à même que personne
pour se renseigner.
J'ai poursuivi la lecture des Mémoires et j'ai trouvé
que le Père
revient à trois reprises sur l'emploi de l'arc comme arme de combat.
La phrase mentionnée plus haut se trouve dans le Xe
Chapitre où
il parle des événements ayant précédé le
règne d'Apeïti, 25° ou 26e
roi des Gambier. Dans ce même
chapitre, il écrit qu'un certain Tuahuau fils du roi Reitapu
était toujours occupé à guetter, un arc à
la main le long des caps de l'île ». Une pirogue
étrangère étant arri¬
vée à Taravaï, « le voilà qui bande son arc. H y avait deux manières
de tirer une flèche; debout, le genou droit à terre et l'arc
appuyé sur
le rocher, ou le genou droit à terre et l'arc appuyé au
pied gauche,
Tuahuau, lui, appuya son arc à une grosse pierre ».
Un peu plus loin, Chap. XII, le Père Laval écrit: « A cette
épo¬
que (sous le roi Apeïti) on ne dormait ni le jour ni la nuit, et les Chefs de
guerre, à toute heure de la nuit tiraient de l'arc de l'intérieur de leurs
cases au dehors pour imposer à ceux
qui auraient eu dessein de les
surprendre ».
Société des
Études
Océaniennes
116
-
Enfin au Chap. XVI, le Père Laval rapporte que sous le règne de
Maihara, il y eut un complot où on préparait les flèches avec les¬
quelles les conjurés se proposaient de mettre à mort tous les mem¬
bres de la famille d'Apeïti. Le complot fut éventé.
Ces renseignements ne sont pas sans doute péremptoires pour
prouver que les Polynésiens usaient de l'arc et des flèches comme
armes de combat; ils montrent
cependant qu'ils ne les excluaient pas
complètement.
Quant à la forme des flèches de Mangareva, elle répond exacte¬
ment à celle que vous avez décrite : un léger bambou se terminant
par une pointe de bois dur, mais sans arêtes.
Si les
Polynésiens avaient mis un point d'honneur à écarter toute
frappant de loin, pourquoi auraient-ils eu recours à la fronde
que nous trouvons dans la plupart des Archipels?
Si ces quelques lignes ne vous apportent pas grande lumière, elles
vous prouveront au moins le très grand intérêt que je porte aux
"Etudes Océaniennes", précieuse publication qui honore certaine¬
arme
ment notre chère Colonie de Tahiti.
Je
vous
prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de
mes
sentiments respectueux.
Le Père Udefonse Alazard,
de la
Congrégation des Sacrés- Cœurs de Picpus.
*
'
*
Nous publions avec plaisir cette intéressante lettre du P. Alazard
qui, par son long séjour dans nos archipels et les études qu'il a
publiées est certainement une autorité. Du choc des idées jaillit la
lumière.
Note de la Rédaction.
Société des
Études
Océaniennes
117
—
OUVRAGES ET
De
Paris
:
Le Monde Colonial ;
—
PÉRIODIQUES
Août, Septembre, Novembre 1930.
(illustrées) ; Juillet, Août, Oc¬
Les Annales Coloniales
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(quotidien); Juillet, Août, Sep¬
tembre, Octobre, Novembre 1930.
La Revue
des
Valeurs
Coloniales, Nos 128 à 141.
L'Océanie Française, Juillet, Août
Bulletin de la Société
1930.
Centrale
d'Agriculture et de
Juillet, Septembre 1930.
Pêche
Bulletin de la Société
Zoologique de France, Juillet,
Septembre 1930.
Bulletin
du
Comité
de
l'Océanie
Française,
Mai,
Naturelle,
Mai,
Juin 1930.
Bulletin
du
Muséum
d'Histoire
Juin 1930.
Mémoires de la Société
Zoologique de France 1930.
Ce qu'on Doit-Dire Nos 27-28-29-30-31.
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Le Bulletin du
De Lancaster:
The
Commerce, Juillet, Août, Septembre,
Octobre, Novembre 1 930.
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Philippine Journal
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July, Août, September,
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De Honolulu:
The Volcano
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N°s 290,
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Journal of the Pan-Pacific Research Institution, Oc¬
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Société des
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Julai, Okosita, Sepiteba, Okotoba 1930.
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Bijdragen Tot de Taa-Lan
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Bulletin de la Chambre de Commerce.
d'Agriculture.
Bulletin de la Chambre
Journal Officiel.
Vea Maori.
Brochures
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Cours d'Enseignement Professionnel,
Livres
3 brochures: Etudes de Monsieur
le Docteur Bisbec.
d'Ethnologie Néo-Çalédonienne — par Maurice Leenhardt.
Carver's Art of the Indians of Northvestern California (by Isa¬
Notes
The
bel T.
Kelly 1
Société des Etudes Océaniennes
119
New-Zealand
Birds
Cruise of the
"Alert"
The Island of
Lanai
—
by W. li. B. Oliver..
by 1». W. Coppinger M. D.
by Kenneth P. Emory.
or
Early Man — by Aiès Hardlicka.
-
—
The Skeletal
Romains
Le Domaine
Colonial
( 4 volumes
—
don
—
de Monsieur le
Gouverneur Jore
)
La Nouvelle
Le Beflux
Cythère
—
Fesche.
B. L. Stevenson.
—
Bulletin of die Vanderbilt Marine Muséum
Tijdschi;ift Voor Indische Taal
Land
-
(Crustacea) Lee Boone
Volkenhunde.
en
-
Oudheidkundig Verslag - 1929 - Desde en Vierde Krvartaal.
Archaeology of the Dalles Deschutes Idégion — W. Duncan Strong;
W.
Egbert Schenck
Julian H. Steward.
ana
Yokuts Mono Chiefs and Shamans
The excavation and
Verdadera Relacion
Le
—
repair of Betelakin
—
by A. H. Gayton.
Neil Menton Judd.
—
Nicolao de Albenino.
livre de Recette d'un
Dabtara
Die Kunst des Erzahlens bei den
Abyssin — M. Griaule.
Dayaken — from 1'{
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Société des
Études
Océaniennes
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 38