B98735210103_033.pdf
- Texte
-
33
i\°
TOME
(N° 11)
III
1929
OCTOBRE
Anthropologie
Histoire
—
des
—
Ethnologie
—
Antiquités
et
Institutions
Philologie,
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
Sciences naturelles
—
Tourisme.
IMPRIMERIE
A
DU
GOUVERNEMENT
(TAHITI)'
PAPEETE
''
r
Société des
.
'V
Études
.
-
"
*
Océaniennes
publiés dans le Bulletin, exceptés ceux dont l'au¬
réservé ses droits, peuvent être traduits et reproduits
condition expresse, que l'origine et fauteur en seront men¬
Les articles
teur y a
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Membre
s'i
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rieur. Bulletins N° 17 et N° 29).
me
i° Le
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quand bien même
il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
20
ne
qui
dans la Colonie, puisqu'on ne reçoit pas d'abon¬
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30
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qui, résidant hors Tahiti, désirent recevoir le
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TOUS CEUX qui. quittant Tahiti s'y intréressent
quand même
jBW&aœiraw
DE
SOCIÉTÉ
LA
D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME III
IV Uli.
—
(No II)
OCTOBRE 102Î).
S O H/L Is/L .A. T IRIE
F AGES
H istoire.
Journal de Maximo Rodriguez (1774 1775) traduction
de M. Ch. Pugeault (suite) Voir nos 28-29-30-31-32.
294
Folk-lore.
Légende de Kae
par
le R. P. Hervé Audran
343
Philologie.
Chants tahitiens des districts de
Papara, Punaauia,
Mahina, Paea, Mataiea, à l'occasion des fêtes données
au
Croiseur Tourville
343
Divers.
Compte rendu de la fête du Folk-lore à Tautira
Société des
Études
Océaniennes
361
ïns^oim^
JOURNAL DE MAXIMO RODRIGUEZ
Premier
Européen ayant habité Tahiti (Tautira).
1774—1775
(Suite.— Voir
«ps 2 S-29-70-.
(15 juillet).
Ciel couvert et vent violent du Sud. On
me
fait cadeau de vête¬
indigènes et de deux petits cochons rôtis. J'examine les
environs. Je vois un bouquet d'arbres
qu'ils appellent" Etamanu",
ments
dont le bois est très beau et ressemble
au
de tour (4 m. 15),
cèdre. Ils ont 5 varas
d'une belle hauteur et vigoureux. Je vois aussi
une autre sorte d'arbre
qu'ils appelent "Etoa", d!un vara et demi
de largeur. Ces arbres sont
près de la mer. Comme il' se fait tard
et que nous avons
à traverser
Otepua, je décide de rester
un
bras de
encore
mer
dangereux, appelé
la nuit ici.
(16 juillet).
Beau temps et vent du Sud, assez faible.
Je m'achemine par
terre
le
avec
tous
dangereux
mes
bagages et mon précieux
d'Otepua. Ma pirogue
passage
les pagayeurs et la cabine.
Un grand nombre d'indigènes
je crains
transporte que
vase, car
ne
s'attachent à mes pas pendant
promenade dans Papara. C'est ici que l'île se divise en deux
parties, dont l'une appartient à Vehiatua et sa mère et l'autre à
ma
son
cousin
germain.
j'arrive à la limite de Papara et par mer je gagne l'en¬
droit appelé Atimaono où je me vois forcé de
m'arrêter, tant sont
pressantes les invitations qui me viennent du rivage. On me com¬
ble de cadeaux et je repars
pour le district de Vaiuriri où j'arrive
A midi
à la tombée de la nuit..
(17 juillet.)
Beau temps et forte brise du sud.
Je ne pars de Vaiuriri que
vers midi. Je me
dirige sur Taravao et arrivé là, je convoque les
indigènes pour m'aider à transporter mes pirogues le long de
l'isthme. Mauvais
temps la nuit et vent du Nord,
Société des
Études Océaniennes
—
327
—
(i8 juillet.)
Ciel couvert et forte brise du Sud. Les gens
de Taravao se ras¬
les encourager à porter vivement mes pirogues,
je leur donne deux cochons et des vêtements.
Les choses allèrent si bien qu'un peu avant midi je me trou¬
semblent et pour
vais de l'autre côté de l'isthme.
C'est là qu'un messager vint m'annoncer que Vehiatua était
très malade. Comme la brise était forte, je quitte ma pirogue et
après avoir fait des cadeaux à ceux auquels je confie mon char¬
gement. je pars par voie de terre et arrive
à Tautira la nuit.
peine arrivé j'entends le son des tambours au marae de Ve¬
hiatua. ce qui signifie que des prières ont lieu pour le rétablisse¬
ment de la santé de l'Arii. Arrivé à la Mission je ne remarque
rien d'insolite, excepté toutefois la parfaite indifférence des Pères
A
sur
les incidents de
mon
voyage.
(19 juillet.)
Beau temps et calme. Je vais voir Vehiatua qui me reçoit en
pleurant, ainsi que sa inère. Tous deux me racontent que les
Pères n'ont pas voulu le secourir pendant sa rechute. Il était par¬
ti pour un endroit appelé Atinua, mais, deux jours après, il était
revenu, parce qu'il sentait son mal de jambes s'aggraver. Il avait
demandé aux Pères un peu de nourriture mais la leur avait ren¬
voyée, n'ayant pas d'appétit.
Il m'était bien difficile de répondre à tout cela, car je sentais
qu'il avait raison de se plaindre. Aussi, ne voulant pas dire tout
ce que j'avais sur le cœur, je changeai de conversation et parlai
des divers .incidents de mon tour de l'île.
,
(20 juillet).
Beau temps et violent vent du nord. Il y a un court orage.
Vehiatua me demande de lui mettre sur les jambes un peu de
l'onguent qui lui avait fait tant de bien auparavant. Pour ne pas
lui dire que les Pères avaient iefusé d'en donner, je lui dis qu'il
n'y en a plus.
Travail au jardin potager. Nous plantons des choux et des
navets. Nous ramassons quelques haricots " del Valle" dont le
Père Geronimo avait apporté des graines.
(21 juillet.)
Beau temps et
brise du Sud. Les
gens
d'Ohitia viennent
pour
—
des cérémonies de
328
—
pleurs et de sacrifices, à
cause
de la maladie
de Vehiatua.
L'après-midi le pêcheur répare plusieurs gros trous
au
filet.
(22 juillet)
Beau temps et légère brise du Sud. Je vais
porter du poisson
aux Pères
; ils me le refusent : je ne comprends rien à cela. Travail
jardin : on prépare le terrain pour planter. Le pêcheur conti¬
à réparer son filet.
L'après-midi je vais voir Vehiatua : il est très malade. La nuit
il y a concert de flûtes ;
il y a aussi "epure" ou prières dans la
maison de l'Arii; plusieurs
indigènes sont inspirés d'Eatua et
débitent des discours extravagants. Les Pères
qui entendent di¬
sent qu'on parle contre eux. Vehiatua
qui entend tout, puisqu'il
est dans la maison, affirme
que les "inspirés" n'ont fait aucune
allusion aux Pères. Malgré les dire de Vehiatua,
ces derniers ne
au
nue
sont pas
contents. Le reste de la nuit
sans
incident.
(23 juillet.)
Beau temps et
légère brise du Sud. L'état de Vehiatua est très
inquiétant. De tous côtés on rassemble cochons et pousses de
bananiers pour porter au marae et implorer-Ie secours d'Eatua.
Partout règne la confusion ; on entend
que cris et lamentations,
je vais voir Vehiatua
:
il est très bas. Sa mère
larmes
en
me
supplie de m'occuper de son fils et que tout ce qu'il possède
sera à nous.
Je lui dis que nous ne désirons rien autre que leur
amitié.
Les Pères envoient
un
peu
de manger
au
malade
:
il
en
avait
exprimé le désir.
L'après-midi
on nous vole une poule que les serviteurs de Ve¬
rapportent peu de temps après.
Une de nos truies a mis bas sept petits.
hiatua
nous
«
(24 juillet.)
Beau
temps et vent du S.-Est. Nous ramenons à la maison notre
qui avait mis bas au dehors. Les réparations de mon filet
sont terminées. Vehiatua semble aller mieux
puis rechute dans
l'après-midi. Grande agitation et grand tumulte l'après-midi. Ve¬
hiatua a bâillé et les
indigènes disent qu'Eatua est entré en lui
pendant ce bâillement; ils précisent que c'est le dieu d'un de
ses oncles, mort
depuis quelques temps, qui vient le visiter; en
conséquence ils affirment que dans dix jours Vehiatua sera sur
truie
Société des
Études
Océaniennes
pieds et complètement guéri. Nous tâchons de les détromper.
La nuit
se passe sans incident. Le vent est Sud.
Le Père Narciso a été à la chasse
aujourd'hui
les mains vides.
mais est
revenu
(25 juillet.)
La
est dite. Petite ondée
messe
Pas de
ce
matin et vent d'Est.
changement dans l'état de Vehiatua. L'après-midi le
Père Narciso
va
à la recherche d'une de
nos
truies qui doit bientôt
avoir des
petits, mais ne la trouve pas.
indigènes disent qu'ils ont découvert le mal dont souffre
Vehiatua qu'ils le guériront. Mais ils reconnaîtront bientôt leur
erreur, attendu qu'ils prétendent qu'ils le feront marcher dans
cinq jours.
Les
(26 juillet.)
La
est dite. Une de
nos truies met bas six petits. Le Père
Narciso apprend par Taytoa où se trouve une de nos truies. 11
va la chercher et la fait ramener à la maison : elle a trois
petits
vivants et un mort. Vehiatua va de plus en plus mal : les
messe
indigènes
sont très
déçus.
(27 juillet.)
Beau temps et calme. La mère de Vehiatua vient en pleurant
nous dire que son fils va mourir, je vais voir Vehiatua et
le trouve étendu sur une
petite plate-forme de bois, en dehors de la
maison. Je le fais transporter à l'intérieur. Nous apprenons que
cinq partisans de Vehiatua sont partis cette nuit à la recherche
de trois victimes humaines, pour offrir à Eatua.
Nous faisons tous
nos
efforts pour les
détourner de pareils
crimes.
De nouveau la mère de Vehiatua nous supplie
de prendre en
mains le traitement de son fils. Le Père Narciso veut
accepter,
mais le PèreGeronimo n'est pas de cet avis. Il dit
qu'il croit que
l'Arii va mourir, qu'il ne se relèvera pas.
y
L'après-midi des hommes de Vehiatua vont dans la vallée pour
faire trois victimes. Nous tenons nos armes chargées.
(28 juillet.)
Beau temps et bonne biise d'Est.
J'apprends qu'un indigène a été tué pendant la nuit et qu'il a
déjà été transporté au district d'Atehuru pour être offert à Eatua
avec deux cochons. D'autres
envoyés sont partis pour le district
Société des
Études
Océaniennes
—
33Ô
-
deÔhitia pour rechercher des victimes, il leur faut quatre hommes
qu'ils n'ont pu avoir ici, parce que tous les gens ont fui dans les
montagnes.
Nous mettons le filet et faisons bonne
prise de poissons.
de Vehiatua viennent de divers districts de l'île
pour se déchirer la tête avec des dents de requin en signe de
chagrin. Il vient à ma connaissance que les indigènes ont l'in¬
tention et ont convenu de tout piller chez nous, dès que Vehia¬
Des parents
tua sera mort.
Je raconte la chose aux Pères Nous tenons nos armes chargées
garde chacun notre tour. La nuit se passe sans
et montons la
incident.
(29 juillet.;
Ciel couvert
Vehiatua
a
avec
passé
Nombreux coups
forte brise du N. Est.
une très mauvaise nuit.
de vents avec pluie. La nuit est'belle et calme.
(30 juillet.)
La
messe
est dite. Beau
temps et calme. Nous mettons le filet.
de vent et averses.
Le vent passe au N.-Est. Nombreux coups
Nuit calme avec éclairs et tonnerre.
(31 juillet.)
Ciel serein et faible brise du Sud.
apporte Vehiatua sur une litière. Parmi ceux
qui l'accompagnent se trouve une tante de l'Arii qui profite de
l'occasion pour entrer dans notre demeure.
Nous plaçons Vehiatua sur un lit et alors son orateur pose les
questions suivantes :
Premièrement : « Etions-nous fâchés» A quoi nous répondons
que non, parce que nous n'avions aucune raison de l'être. Deu¬
xièmement « Désirons nous partir? » ce qui les chagrinerait beau¬
coup. Je répondis que la seule inquiétude que nous avions pro¬
venait d'une confidence que nous avait faite le capitaine ou
«tohoa», nommé Parahuoi. Celui-ci nous avait affirmé que les
indigènes avaient l'intention de piller notre maison, après la mort
de Vehiatua. Alors tous ensemble ils nous dirent que celui qui
avait semé cette nouvelle, avait été banni.
Après cela, Vehiatua demanda qu'on le rapporte chez lui et en
partant il nous invita à venir le voir.
A midi
on nous
Société des
Études
Océaniennes
—
331
—
(Ier août.)
Beau temps et légère brise du
de vent. Vers midi le matelot alla
Sud. Nous avons un fort coup
la plage et sous le prétexte
futile que des indigènes s'étaient moqués de lut, blessa l'un d'eux.
Le blessé accourut à la Mission : nous pansâmes ses blessures.
11 n'a aucun désir de vengeance mais nous demande de prendre
le poignard du matelot, parce qu'il a peur d'être tué.
Nous disons tout haut notre indignation et flétrissons l'acte
inqualifiable du matelot.
L'après-midi je vais voir Vehiatua avec le PèreNarciso. L'Arii
est dehors, il est toujours gravement malade. Il nous parle des
tracas que lui cause continuellement notre matelot.
Peu avant le coucher du soleil j'apprends que deux indigènes
d'Ohitia ont été tués pour être offert à Eatua. Avec le Père Narciso et par un sentier secret, nous allons voir les victimes. C'est
le père et son fils. Le père à trouvé la mort en voulant sauver son
fils au moment du «sauve qui peut» des indigènes vers les mon¬
tagnes. Les corps des victimes ont été placés dans des paniers de
feuilles de cocotier tressées. Ces paniers sont suspendus à un bâ¬
ton entre deux arbres. L'enfant peut avoir environ douze ans.
Aussitôt que les «tahua» nous aperçurent au marae de Vaiotaha, ils nous donnèrent l'ordre de nous retirer immédiatement
En revenant par le bord de mer nous rencontrons encore des
«tahua» qui portent une autre victime. Nous faisons semblant
de ne pas les voir et rentrons à la Mission bien attristés. Dans
mon supplément je raconte en détail
l'origine de ces cruelles
pratiques.
vers
(2 août.)
Ciel couvert,
très violent vent du S. Est.-Pluies torrentielles.
J'apprends que les corps des victimes ont été envoyés au dis¬
trict d'Atehuru, territoire d'Otu, où se trouve le grand marae
nommé « Taputapuatea ».
11 ne manque plus qu'une victime pour compléter l'offrande
ordonnée par les «tahua».
(3 août.)
Beau temps et forte brise du S. Est. Des trous qu'avaient faits
nos cochons dans la barrière sont réparés. Nous pansons le blessé.
Deux
poules qui sont sorties de l'enclos ont disparu. Nous les
la suite, grâce aux indications que nous donnent
retrouvons par
les voleurs eux-mêmes.
Société des Études Océaniennes
Nous donnons
en
petit cochon de lait à
un
un
indigène qui
nous
avait fourni un, le samedi saint.
(4 août.)
Beau temps et vent
du Sud.
L'après-midi je vais dans la vallée pour chercher des travailleurs.
Nuit
sans
incident.
(5 août.)
Vent du S. Est. La mère et le
beau-père de Vchiatua viennent
soigner l'Arii. Leurs
supplications ne reçoivent pas de réponse. Je ne puis dire com¬
bien je suis attristé de ne pouvoir leur donner satisfaction, mais
les Pères font bonne garde sur les médicaments.
Les indigènes réparent la barrière du poulailler et je donne
l'ordre de faire une palissade autour de la tombe de notre com¬
à la Mission et
en
larmes
nous
demandent de
mandant.
(6 août.)
Vers minuit
sans
fin. Nous
la crainte
nous
nous
entendons des
sommes
très
pleurs et des lamentations
inquiets, le sommeil nous quitte et
tient renfermés chez
nous.
Au
petit jour, du côté où se trouve ma chambre, j'entends
la voix d'un chef qui m'appelle. Il me dit de me hâter de venir
auprès de Vehiatua qui veut me voir pour la dernière fois.
Malgré cet appel à notre pitié, les Pères, pleins d'appréhension,
veulent en discuter l'opportunité. Je décide d'aller voir Vehiatua
et les Pères referment avec hâte la porte derrière moi.
Une fois dehors, ma peur augmente, d'abord à cause de l'obs¬
curité qui est intense et ensuite en raison de la confusion qui
règne partout.
On entend le bruit des tambours aux marae, (tambours diffé¬
rents de ceux qui servent aux fêtes) ; des cris de porcs dont se sai¬
sissent les indigènes pour les offrir à leur dieu et, par dessus
tdut, un tumulte et des cris indescriptibles.
Un canot m'attendait pour me faire traverser le petit ruisseau
qui sépare notre maison de celle de l'Arii.
Mon arrivée est le signal de cris encore plus intenses ; on
s'accroche à mon cou et je me heurte aux femmes ensanglantées
qui s'empilent presque les unes sur les autres. J'approche de
l'Arii et prends sa main pour sentir son pouls et je vois que Ve¬
hiatua agonise. En effet, moins d'un quart d'heure après, il ex¬
pirait. Sa mère et les personnages les plus marquants le tenaient
Société des
Études
Océaniennes
—
333
leurs girons ; aucune partie
sol. Devant lui sont étalés tous
sur
-
de
ses
son corps ne reposait sur le
trésors chéris, ceux qu'il a
recueillis dans le pays, ceux que notre souverain lui a donnés,
ainsi que ceux des anglais et des français.
Il m'est
impossible de décrire les gémissements de cette pau¬
sa douleur. Ce fils
qu'elle chérissait
tant ! Ce fils qu'elle avait élevé dans toute la
gloire et la magni¬
ficence que méritait son souverain rang!
Vehiatua paraissait avoir dix-huit à vingt ans. Il avait un beau
teint frais, une belle taille et la nature l'avait marqué de taches
bleuâtres aux lèvres, aux paumes des mains et aux plantes des
pieds (i). 11 aimait beaucoup notre pays et fut toujours bon et
arrangeant pour nous. Il avait pour moi une affection particu¬
lière et c'est pour cela que dans tous ses domaines on avait pour
moi les plus grands égards. On m'avait donné le nom d'Oro-itimaheahea qui était celui d'un de ses ancêtres et il voulait que je
réponde à ce nom seul et non pas au mien.
Je passe sous silence les autres cérémonies des funérailles que
je décrirai ailleurs en détail. Dès que je le pus, je m'esquivai pour
vre
mère dans l'abandon de
aller entendre la
avec
messe.
Le saint sacrifice terminé
le Père Geronimo offrir
nos
Nous la trouvons accrochée
maintenant
sur une
nous allons
condoléances à la pauvre mère.
au
corps de son fils qui repose
ses bras sont macu¬
sorte de dais. Sa tête et
lés de sang
et elle se déchire la poitrine et le visage avec une dent
requin. Ce spectacle est loin de nous plaire. Devant tous,
comme me l'avait demandé le Père,
je lui dis combien nous pre¬
nons part à sa peine, mais avec un nouveau flot de larmes et un
accès de colère elle nous reproche notre indifférence et notre
dédain pour le pauvre disparu.
Et elle termine en disant : « Il est mort l'objet de leur aversion
celui que plusieurs fois ils ont refusé de recevoir chez eux et de
soulager de leurs remèdes». Ces dernières paroles furent profé¬
rées avec tant de colère que le Père, qui cependant ne
compre¬
nait pas (et je me gardais bien de traduire) eut peur qu'il n'en
résulte du tumulte et demanda à partir immédiatement.
Nous faisons le geste de nous retirer et voici que la pauvre mère
nous suit et avec
beaucoup de tendresse me demande de rester
de
(1) Vraisemblablement
Maximo les prenne pour
ces
taches étaient des tatouages et il est étrange que
des taches naturelles,
Société des
Études Océaniennes
—
auprès d'elle,
l'avis du Père
car moi, elle
je restai.
me
334
—
considérait
comme son
fils. Sur
Les Pères étaient terriblement
inquiets mais en, voyant com¬
j'étais aimé des indigènes ils me supplièrent d'user de toute
mon influence pour éviter le
pillage de la mission, terrifiés qu'ils
étaient au spectacle de foules sans cesse grossissantes sans ordre
et sans chef. Après entente avec
Opo et quelques-uns de ses
fidèles, il fut convenu que nous tiendrions nos armes prêtes. Mes
craintes augmentèrent encore lorsque j'appris que les gens du
district voisin appelé Ahui, arrivaient armés, suivant la coutume,
bien
de massues, de frondes et d'autres armes ressemblant à des har¬
pons. La mère de Vehiatua voyant mon
"evea" ou ambassadeur pour les prévenir
anxiété dépêcha un
qu'elle voulait que la
cérémonie des funérailles s'accomplisse sans violence et elle or¬
donna à ses fidèles serviteurs d'empêcher toute attaque contre
la mission.
L'après-midi, suivant les rites indigènes, il fut interdit à tout le
pêche et d'allumer du feu. La défense était si
sévère qu'il fallut toute l'influence d'Opo pour nous excuser d'y
avoir contrevenu. 11 aurait pu nous en cuire, comme bien d'autres
fois où nous ne voulûmes pas obtempérer à cette coutume.
La nuit se passe sans incident mais non sans inquiétude.
monde d'aller à la
( 7 août;.
Beau temps et vent du Sud. Je vais vois la mère de l'Arii décédé.
Ceux qui sont avec elle me demandent d'essayer de sortir la pau¬
vre
mère du triste état où elle
se
trouve. Eux n'osent rien lui dire
tant ils redoutent sa colère.
Je profite pour faire mon essai, d'un moment, où l'on dispose
les personnes qui doivent continuellement veiller le
corps dans
petit endroit en plein air comme je l'expliquerai plus tard. Je
accompagné de quelques personnes et je trouve
quIOpo a si changé à cause des pertes de sang qui continuelle¬
ment coule de sa tête et de son corps, que je fus tout alarmé.
En nous voyant elle montra une vive impatience et injuria
les
personnes qui m'avaient montré le chemin. J'arrive cependant à
la calmer un peu et la prie en même temps de pardonner à ceux
qui m'ont accompagné. Elle accepte dificilement mes conseils
d'être patiente et résignée. Dans son désespoir elle ne
pense qu'à
mourir. Depuis la mort de son fils elle n'a pas pris une
goutte
d'eau. Ce fut une grande consolation pour sa suite de la voir
un
m'avance
Société des
Études
Océaniennes
—
s'adoucir
335
—
peu près de moi et tous me demandent de rester
auprès d'elle de peur qu'elle ne retombe dans sa torpeur précé¬
dente. Je restai auprès d'elle tant que je pus. De toutes part des
foules immenses se rassemblent pour pleurer l'Arii décédé; les
femmes des Chefs viennent aussi se déchirer jusqu'au sang, mais
c'est plutôt pour se conformer aux coutumes que par réel cha¬
grin ou affection. En effet, peu après, ces femmes engagent d'in¬
terminables conversations sur leurs affaires privées.
L'après-midi le cadavre de l'Arii est porté au marae. Là, il repo¬
sera au millieu des prières incessantes des tahua. La défense de
pêcher et d'allumer du feu tient toujours. Le plus profond si¬
lence règne parmi la population.
un
(8 août).
Ciel nuageux et calme. Je remarque
et que personne ne va
encore en
cachette et
les tambours
qu'aucun feu n'est allumé
pêcher, sauf pour quelques cas urgents et
se
sans
faire voir. On continue de battre
Les
indigènes apportent un peu de bam¬
bous pour notre barrière, permission spéciale nous ayant été
donnée, afin de ne pas interrompre nos travaux. L'après-midi
Opo prend un peu de nourriture : il m'a fallu bien des efforts
pour l'y faire consentir. Je retourne ensuite à la Mission bien dé¬
primé. La nuit il y a quelques grains mais nous sommes plus
tranquilles!
au marae.
(9 août).
Beau temps et faible brise du
continuent toujours. Nous avons
pour la barrière. La mère
consolation. Je la ramène
la nuit et coups
S. E. Les mêmes cérémonies
quelques paquets de bambous
de Vehiatua vient nous voir et chercher
ensuite jusqu'à sa maison. Fortes pluies
de vent.
(10 août).
Pluie
ce
palissade
matin et vent du S. E. La
messe
est dite. On fait la
des bambous (1).
Grand concours de partisans de Vaiaotea, les plus heureux de
tous ces insulaires et les plus célèbres pour faire la
guerre ils
sont tenus en haute estime
par tous les Chefs. Ils viennent appor¬
ter leur tribut de vivres au frère de l'Arii défunt,
qui s'appelle
Tetuaunouna ou Guatupua. C'est un enfant d'environ six ans,
avec
il) Il s'agit delà palissade que Maximo avait ordonné de faire autour de la
Commandant, leo août.
tombe du
Société des
Études Océaniennes
336
-
avec une
bonne mine. Il est bien
notre manière
—
disposé à notre égard, suivant
d'agir.
Vers neuf heures du
soir,
nous
observons
une
éclipse partielle
de la lune.
(ii août.)
Beau temps et vent
S. S. Ouest. La palissade est terminée et
ceux qui y ont travaillé ont
reçu un morceau d'étoffe.
Nous apprenons que l'Arii Otu est sérieusement malade et que
les gens de Papara se disposent à faire un sacrifice humain au
grand marae de Taputapuatea, en souvenir de leur Arii Vehiatua. Le soir nous apprenons également qu'Otu nous
dépêche un
de ses serviteurs: nous attendons l'envoyé avec
anxiété. Nuit
sans
incident. Violent vent du S.
(i2 août).
Beau temps et vent
du Sud. On nous apporte quelques pa¬
quets de bambous pour réparer la barrière du jardin potager. Le
reste de la
journée
sans
incident ni rien de remarquable.
(13 août).
Beau temps et
forte brise du S. E. Une grande partie de notre
réparée par les gens de Mataoae. Ceux-ci ont apporté
leur tribut de vivres au jeune Arii. Les gens d'Ohitia viennent
présenter leurs condoléances à la mère de Vehiatua.
barrière
est
(14 août.)
Beau temps.
Fraîche brise du Sud. Une partie de la barrière de
préau est réparée. L'après-midi les gens de Vaiarii viennent
pleurer leur Arii décédé. Les femmes des chefs déposent devant
le cadavre d'énormes paquets de vêtements indigènes. Quelques
notre
ondées la nuit.
(15 août).
Beau temps et légère brise du Sud. Tous les Chefs des domaines
de Vehiatua sont rassemblés et font grand tapage. Les lamenta¬
tions et les scarifications continuent.
Une
pirogue arrive de l'Isla del Parayso autrement appelée
de grandes quantités d'étoffes indigènes
pour offrir au jeune Arii.
Réparation des barrières. Nous faisons des parcs pour nos co¬
Raiatea. Elle apporte
chons. Rien d'autre à raconter.
Société des
Études
Océaniennes
—
337
—
(i6 août).
Ciel couvert et fraîche brise du S. E. On
apporte quelques
paquets de bambous. Nous terminons nos parcs à cochons.
Tonnerre et pluie accompagnée de coups de vent.
nous
(17 août).
Il bruine
ce matin. Violent vent du Sud.
Nettoyage d'une par¬
préau. Les trois principaux conseillers, Tetumanua, Teyeye
et Otitoi (ce dernier n'a pas moins de 70 ans) délibèrent entre eux.
Ils s'agit de savoir quel usage ils feront de la grande pirogue en¬
voyée par l'Arii de Raiatea. Ils décident qu'elle restera à Otahiti
et sera utilisée pour faire la guerre à l'île voisine, Moorea.
Nous avons des coups de tonnerre pendant la journée, lèvent
tie du
est S. E.
(18 août).
Ciel nuageux et vent S.E. On autorise les femmes
d'Ohitia à visiter notre mission. Rien d'autre à dire.
des chefs
(19 août).
Beau temps et
digène de Vaiari
légère brise du S. E. Nous
a
barrière. Dans la soirée
sion
apprenons qu'un in¬
sacrifice. Réparation de
allons chasser tout près de la Mis¬
été tué et offert
nous
en
le Père Najciso. Nous tuons deux oiseaux que ces
idolâtres ne veulent pas manger parce qu'ils représentent un dieu.
avec
(20 août).
La
est dite de bonne heure. Beau
temp et vent du S.
indigènes font des combats de coqs. Nous invitons à dé¬
jeuner le jeune Arii. Mais dès qu'il reconnaît dans le plat les
oiseaux que nous avons tué la veille, il refuse de manger, disant
que ses yeux vont loucher. (Ils disent que cet oiseau représente
un dieu et le nomment
Tuituirau). Nos serviteurs furent moins
difficiles et les mangèrent sans crainte. (1)
messe
Les
On travaille
penses.
encore aux
barrières,
(1) Cet incident montre
avec
quel soin,
été élevé dans la foi et les coutumes de
considérés
nous
donnons des récom.
La fin de la journée est belle.
ses
ce jeune prince de huit ans, avait
ancêtres.. Plusieurs oiseaux étaient
sacrés par
les Tahitiens, entre autres 1' " oovea ",1c " ruro "
oiseaux étaient le véhicule de certains dieux.
Ceux servis par les Pères représentaient peut-être le "totem" de la famille de
Yehiatua (G. Corney).
comme
et 1' " otuu ". 11 semble que ces
Société des
Études
Océaniennes
—
338
—
(2i août).
Fraîche brise du S. E. La barrière
les travailleurs
est terminée et nous récom¬
de menus objets. Le Chef d'Atepleurer la mort de Vehiatua. Ce chef
portait une sorte de masque fait de nacre que l'on appelle" parae".
Des femmes l'accompagnaient qui se scarifièrent avec des dents
de requin. La foule était énorme.
pensons
huru,
avec sa
avec
suite vient
(22 août).
Violent vent du N. E. On nous apporte des piquets que nous
avions demandés et on nous restitue une petite truie qu'on nous
avait volée quelques jours auparavant. La nuit est
tranquille.
(23 août).
Beau
temps et bonne brise du S. E. Le matelot est un peu ma¬
nous apporte encore quelques
piquets. Le beau-père
lade. On
de l'Arii
nous
met
un
manche à
une
hache. Nuit
sans
incident.
(24 août).
(En blanc)
(25 août).
Beau temps, forte brise du S. E.
Cet après-midi grand tumulte : les
indigènes s'arrachent les
provisions qu'à apportées le chef de Vaiuru qui est arrivé avce
toute sa suite.
(26 août)
Même vent violent du S. E. On
nous
apporte encore des piquets
pour nos parcs à cochons. Le temps est toujours mauvais. Nous
sommes envahis par les rats et je suis
obligé de dormir dans une
pirogue-couchette dans la
cour.
(27 août).
-
La
messe
est dite.
à cochons et aussi à
Légère brise du Sud. On travaille aux parcs
appartement pour moi dans la cour. Rien
un
d'autre à dire.
(28 août).
La
messe
est dite. Vent du Sud. Mon
appartement est terminé.
( 29 août ).
Légère brise du ,Sud. Notre chatte a fait cinq petits.
qu'Otu est très malade. Pas d'autre incident.
Nous apprenons
Société des
Études
Océaniennes
—
53§
—
(30 août).
La
temps. On répare uii
jardin potager. C'est par ce trou que des
gens sont passés pour nous voler quelques choux. Grande réu¬
nion des gens de Vaiaotea, venus récemment pour pleurer leur
Arii. Ils offrent de grands rouleaux d'étoffes indigènes.
Pour empêcher d'autres vols, nous faisons coucher notre chien
dans le jardin potager.
messe
est dite. Vent du Sud et beau
trou dans la barrière du
(30 août;.
Beau temps et vent du nord.
On nous vole deux poules. Des
nir
une
indigènes, dans l'espoir d'obte¬
récompense nous dénoncent les voleurs.
(Ier septembre).
Beau temps et
légère brise du Sud. Nous réparons le trou qui
poulailler et nous apprenons que la reine mère
l'indigène qui a volé nos poules. Nous avons plusieurs
pendant la journée et la nuit de grosses pluies. Le vent
a
été fait à notre
a
banni
averses
est variable.
septembre)
(2
trois volailles qu'on nous
le sachions. Beau clair de lune et vio¬
Pluie et vent variable. On nous rend
avait volées
sans
que nous
lent vent du S. E.
(3 septembre).
est dite.
Brouillard
ce matin, puis violent vent du
poulets à la mère et trois au beau-père
de l'Arii. Cette petite attention les a touchés beaucoup.
Je vais à Irimiro, endroit où habite la mère de Manuel. Je dé¬
La
messe
S. E. Nous donnons trois
sirais voir
ce
passer
dernier et lui demander s'il voudrait
renouer
amitié
Malheureusement il n'était pas
là et je fus obligé de
la nuit à Irimiro. La nuit il y eut de nombreuses averses.
avec nous.
(4 septembre).
Violent vent du S. E. Je retourne à Tautira, avec la pluie. J'arrive
vers midi. Je rends compte aux Pères de mon insuccès auprès de
notre
néophite. Rien d'anormal ne s'est passé pendant ces deux
jours.
(5 septembre).
Ciel nuageux et calme. On est
cher et il m'a été volé une pièce
entré dans ma chambre à cou¬
d'étoffe et la clef de ma malle.
Je vais le dire à la reine mère. Le voleur est trouvé c'est un étran-
Société des
Études
Océaniennes
—
34o
—
ger au pays. Les gens
domaines
de Matabay ou de " Puerto del Ingles", des
d'Otu, viennent présenter leurs condoléances à Opo(6 septembre]
Beau temps et vent du S. E. Les gens de Vaiari s'en vont. Dans
la nuit j'entends de grands cris et une grande agitation dans la
maison de la cheffesse
Oviriau, prise d'oppression et de faiblesse
Je cours à la mission chercher du vin et lui frotte les
tempes, les narine et le haut de la poitrine. Je veux lui mettre un
bandeau autour du corps mais cela me fut impossible, car même
avec l'aide de plusieurs personnes
il m'était impossible de la tenir
au cœur.
immobile.
Un de
mari
une
amis
pria de ne pas insister, me disant que son
pourrait avoir quelque inquiétude de mon zèle, car c'était
mes
me
femme d'une beauté extraordinaire. Son teint était celui d'une
blonde,
chevelure était rouge et bouclée et elle avait de beaux
yeux bleus. Elle était l'admiration de son district, Atehuru.
sa
(7 septembre).
Beau temps et vent du Sud. Je vais voir la cheffesse Oviriau. Je
la trouve dans un état de dépression et d'épuisement extraordi¬
naire. Les
ou
en
indigènes attribuent ces sortes d'attaques aux esprits
"evarua"de personnes décédées qui s'emparent des personnes
deuil. Dans le cas présent c'était l'esprit de Vehiatua, cousin
germain de Oviriau, qui s'était emparé de la malade. Impossible
persuader du contraire, tant ils croient aux mensonges de
de les
leurs " tahuas
(8 septembre).
Messe dite de bonne heure. Vent du S.-E. Nous demandons
indigènes de nous aider à fixer un mât de pavillon sur une
petite colline appelée "Tahuareva" qui fait face au port. Tous y
aux
consentirent et aussitôt ils
se
mettent à abattre les arbres et à
détruirç la végétation qui pourrait gêner la vue du mât.
A midi, je pars pour Ohitia, chercher des vivres pour nos tra¬
vailleurs. J'arrive de nuit par beau clair de lune et je rencontre
là
plusieurs chefs de
mes
amis.
(9 septembre).
Je me réveille à Ohitia. Le vent Est S.-E. Les indigènes vont
chercher des vivres dans la vallée. A midi ils en apportent en
telle abondance qu'il m'est impossible de tout charger sur ma
pirogue, qui est cependant double. J'en laisse
Société des
une
Études Océaniennes
bonne partie,
—
car
341
—
j'aurai peur, en trop chargeant, de perdre
deux cochons que
l'on m'a donnés.
A la nuit
j'arrive à Tautira, où rien de nouveau ne
s'est passé.
(10 septembre).
messe est dite. Nous préparons tous les objets, qui nous se¬
nécessaires pour installer notre mât de pavillon sur la col¬
line Tahuareva. Beau clair de lune la nuit.
La
ront
(il septembre).
Au
petit jour je pars avec le Père Narciso. Il faut
profiter de la
fraîcheur du matin pour notre ascension, encore que
ne soit pas très éloignée de notre Mission. Beaucoup
la colline
d'indigènes
se joignent à nous, les uns pour jouir d'une belle journée et les
autres par curiosité. Nous atteignons le sommet qui est plat. De
là, notre regard embrasse toute la chaîne des collines qui s'étagent
jusqu'à Taravao. Nous mettons le feu à plusieurs endroits et
qui soufflait, la plus grande partie du coteau
nettoyée. Quelques cocotiers gênants sont abattus.
Les indigènes nous apportent un piquet de bon bois appelé
"etoa" qu'ils avaient trouvé sur la colline. Ce piquet qui devait
être notre mât de pavillon fut solidement planté en terre.
Après cela je distribue avec profusion les vivres que j'ai rap¬
portés d'Ohitia. Malheureusement l'orage nous surprend. La
pluie et le vent font rage. Il nous est impossible de descendre et
nous sommes forcés de passer la nuit dans cet endroit, avec les
Arii. Nous sommes trempés jusqu'aux os et il ne faut pas com¬
pter allumer du feu à cause du vent.
avec
lèvent S.-E.
fut vite
(12 septembre).
Toujours le même mauvais temps. Nous décidons avec le Père
abri avec des branches d'arbres
car essayer de descendre maintenant serait mettre nos vies en
péril ainsi que celle du jeune Arii qui nous a accompagnés. Les
indigènes ont bien marqué de l'amitié pour nous, en nous ap¬
portant des vivres d'en bas, et nous avons bien vu combien les
Narciso de faire construire un
porteurs avaient souffert de
leurs chutes et de leurs égratignures.
(13 septembre).
L'orage cesse et nous décidons de descendre. Escortés par de
indigènes nous allons doucement craignant à chaque
nombreux
pas
de rouler dans un précipice. Vers
Société des
Études
midi nous étions dans la
Océaniennes»
—
342
—
vallée, harassés et surtout ennuyés des fatigues de ceux qui nous
accompagnaient. En rentrant à notre maison nous voyons que
quelques cocotiers et autres arbres ont été renversés par le vent.
(14 septembre).
Beau temps et très violent vent du Sud soufflant par coup
vent. Le soir le vent passe au S.-E. avec pluie.
de
(15 septembre).
Beau temps. Les hommes de
Vaiotihi petit îlot, pour dire des
confiance de l'Arii partent pour
prières à leur dieu. Ceux-ci nous
racontent que l'Arii de Moorea a fait tuer divers indigènes qui
traîtreusement avaient tué un homme d Otahiti, alors que la
guerre n'était pas déclarée. L'Arii de Moorea envoyait les corps
à Otu pour qu'il les offre en sacrifice sur le
grand marae. Nous
saurons plus tard la vérité.
Nous faisons présent à l'Arii de trois petits chiens d'une de
nos
chiennes de Lima.
( A suivre ).
Société des
Études
Océaniennes
343
—
HT ®
—
3a® ]E^i Ha
HISTOIRE DE KAE.
Kae est
un grand
magicien, fort renommé en Polynésie. 11 est
originaire de Vavau-nui, île de l'archipel Samoa. Par un
hasard de la navigation, il vint échouer un jour aux îles Marqui¬
ses, au pays de Puturua, épouse de Tinirau. (i) Puturua était
croit-on
mère de trois filles
connues
sous
les
noms
de Rua-tamahine,
Ruakato-uiret Rua-kato-mea.
Elle
possédait, en outre, deux baleines apprivoisées qu'elle
l'égal de ses enfants. Celles-ci avaient leur bassin d'eau
où elles étaient nourries tous les jours. Elles y séjournaient en
paix et y prenaient leurs joyeux ébats, loin de la grosse et forte
houle du large.
Tutunui était le nom de l'aînée et Togamaututu celui de la ca¬
dette. Elles avaient été dressées l'une et l'autre pour exécuter
des voyages en pleine mer et servir de moyen de locomotion à
leurs maîtres lorsqu'ils voulaient se rendre d'une île à l'autre.
Kae, ayant perdu son bateau et ne pouvant retournerchez lui,
s'adressa à Puturua et la supplia de lui prêter une de ses balei¬
nes afin de l'utiliser pour rentrer dans son
pays. Méfiante, Putu¬
rua opposa tout d'abord un refus catégorique à Kae. « Non,
ditelle, je ne veux pas ». Mais sur les instances réitérées de Kae,
elle consentit enfin, mais à contre cœur.
Puturua accompagna donc Kae au bassin où se trouvaient les
deux baleines. Là, elle lui demanda : « Laquelle des deux désirestu? » L'aînée
c'est-à-dire Tutunui
répondit Kae. A l'appel
de son nom, la baleine s'approcha aussitôt de la berge. Kae monta
sur elle, enfonça ses pieds dans les évents et prit le large après
aimait à
—
avoir adressé
Mais
ses
—
adieux à la famille de Puturua.
Togamaututu
Elles naviguèrent
temps favorisa le
voyage qui s'effectua rapidement et sans accident.
Parvenu près du récif de son île, au lieu d'abandonner sa mon¬
ture, Kae par sortilège ou par malice fit monter la baleine à sec
et sans plus de façon appela ses compatriotes pour la tuer et la
partager. Ils ne se le firent pas répéter. Le pauvre animal fut mis
côte à côte
(i).
—
comme
Tinirau
en
accompagna son aînée.
deux inséparables Le beau
N. Z. passe
pour
Société des
être le roi des poissons.
Études
Océaniennes
pièces à l'endroit même où Kae le fit échouer. Son sang coula
rougit les flots. Des morceaux de chair tombés par hasard tu¬
rent entraînés en mer par le flot descendant.
Togamaututu était restée pendant ce temps au large et assistait
de loin en témoin navrée et impuissante au meurtre de sa sœur
aînée. Elle recueillit précieusement les morceaux tombés à l'eau,
ainsi que les caillots de sang sortis de Tutunui et s'en retourna
versPuturua. Celle-ci ainsi que ses trois filles voyant Togamau¬
tutu revenir seule comprirent aussitôt qu'un accident était sur¬
venu. A la vue du
sang coagulé et des morceaux de chair que
Togamaututu avait affectueusement recueillis le long du récif de
Vavau-nui, Pulurua et ses filles comprirent queTutunui avait été
tuée. Un cri spontané de vengeance sortit de leur bouche. Folles
de colère, en même temps que remplies de douleur, Ruatamahine, Ruakatouri et Rua-kato-mea demandèrent à leur mère in¬
consolable la permission d'aller, sans plus attendre, demander
raison à Kae de l'assassinat de Tutunui, dont elles voulaient coû¬
te que coûte venger la mort. Elles s'embarquèrent à cheval sur
Togamaututu et arrivèrent bientôt chez Kae. Il y eut d'abord
échange de politesse et bon accueil de la part de Kae. Pour favo¬
riser leur intention et ne pas éveiller les soupçons du meurtrier
de leur chère amie, les trois sœurs firent bonne figure. L'une
d'elles poussa même la complaisance jusqu'à prendre la tête de
Kae sur ses genoux pour lui chercher les poux. Elles profitèrent
aussitôt de cette bonne occasion pour le ligoter et l'enfermer
dans un filet serré fait de tresses de « karava », corde imputres¬
cible. Ainsi prisonnier, elles l'embarquèrent et l'emmenèrent à
Puturua leur mère. Celle-ci commença par lui demander raison
de sa cruelle et ingrate conduite envers Tutunui. Comme il n'a¬
vait aucune excuse à donner, elle vengea la mort de Tutunui en
tuant Kae. Raffinée dans le supplice, elle coupa Kae morceau par
morceau, les bras d'abord, les jambes et la tête ensuite. Elle vou¬
lait le faire souffrir le plus possible et expier ainsi le crime com¬
mis sur Tutunui: Le corps découpé en petits morceaux fut cuit au
four; elle le mangea, seule, sans consentir à ce que ses filles goû
en
et
-
tassent de cet aliment criminel.
P. Hervé AUDRAN.
Missionnaire
Société des
Études
Océaniennes
aux
Tuamotu.
^iî£02i0@I:
NOT H
Le Bulletin
par
"
publiera successivement douze chants qui ont été composés
les distincts de Tahiti à l'occasion de la visite du croiseur français
Tourville".
linguiste relèvera probablement des différences sensibles avec la pure
langue du passé ; elles pourront être utiles à l'histoire du langage à Tahiti.
L'interprète Alexandre Drollet est l'auteur de la traduction en français.
Le
La
Direction,
HIMENE NO PAPÂEÂ
Ici faaauhia
o
Reo
110
te Taueua
jariiraa
e
i
Papeete.
te arobaraa.
1
Tahiti rahi ê, i te Pûtaurua na oe,
I te Pûtaurua na oe, e te Hau rahi Farani ê,
Fanao te manao i te poroi na oe, teie mai nei matou
Ua otiatia
E te feia
o
mana e
te
mau
Tomite, ia
ora na tatou
ê.
*
*
*
E
pehe
no
tepenna, e reo paripari.
2
O Huriama te matai tauraa roa ê,
O te hei faataha e tau arii ê,
Te tere, o Pouà-Toareva
Piarere i te vai e hî ê,
ê,
E vaiiho râ
oe i te Hau tuana,
Tuturi nohoraa Tamarii ê.
3
Teriiree-i-Outuraumata-tooarai,
O Aroma-i-te-Rai tei mau i ta'na raau,
Oia Tuturu-Matamata-Atua,
E fâ i Mouà-Tamaiti.
Société des
Études
Océaniennes
ê,
346
—
—
4
Tiraha Taharuu ê i te
amaama-nui-atea,
ê, eTauatea tei tai ê,
Pua-aneane i te vai e hî,
I te vai e mahuta noa mai ê,
E Tauauri tei uta
5
Te Horo-i-Raùa te matai o te toà,
E nenei Puahere ê, o te one Taharuu ê,
Te toa tei tai ê, e matai hurihuri ê,
O te pape tei uta ê, Taharuu nui,
O te pape hopuraa ê, no Teriirere,
Te ahu tuiroo ê : "Mahaiatea" ê,
E aâa tei
raro
ê
Popoti iti ê, i te
"Fafatea"
:
au e
ê,
huti ê.
CHANT DE PÂPAEÂ
composé
la Fête «lonnéc à Papeete en
du Croiseur "TOURVILLE".
pour
l'honneur
1
Chant de
réception et de salutations.
Tahiti la Grande s'est levée pour le rassemblement,
Pour le rassemblement en ton honneur, ô France.
Nous sommes heureux de répondre à ton appel... nous voici.
Les autorités et les Commissions, salut à nous tous.
Chant
patriotique.
2
Le vent "Huriama"
Fait
pancher la
qui dure longtemps
couronne,
ô
mon
Roi.
Ton voyage, ô Pouà-Toareva,
Est comme l'eau jaillissante, mais,
Laisse en paix une place pour le refuge
Des enfants.
3
Teriirere-i-Outuraumata-tooarai, Aromaiterai,
Prend
Pour
son sceptre ''Tuturu-matamata-Atua"
apparaître à Mouà-Tamaiti.
Société des
Études
Océaniennes
4
Le Taharuu s'étale au loin en miroitant.
Dans les montagnes est le Tauauri,
Le Tauatea est vers la mer.
La montagne Pua-aneane fait jaillir l'eau,
L'eau qui s'envole sur l'aile du vent.
5
Le vent du Sud "Tehoro-i-Raua" soulève le sable du Taharuu
;
Sur le banc de corail, au large, il tourne sans cesse.
Des montagnes vient la grande Taharuu,
Où
Teriirere, dans
plonge.
ses eaux, se
Le monument célèbre de "Mahaiatea"
Voit à ses pieds le récif de "Fafatea"
Où tourbillonne le
Qui attire
vers
remous
de
"Popoti"
le fond.
REO HIMENE FARIFARI NO PUNAAUIA
18 NO TEUNU
19>2$o
1
la
ora na
la
ora
hoi
oe e
te Tavana Rahi
e
te mau
atoa hoi te feia mana no nia ia
Tomite,
Tourville,
I te farereiraa.
2
Topa te
Tei vai
Te
maru i tau Faatea ê, te hio nei au i Ataura,
mai ê, tei manaohia e au ê, ta'u i tai mai,
noa
manu
iti, tai petea
ê.
navenave
3
To mata nehenehe e Matai-Rua-puna i te hio-raa-hia e au ê,
î te piiraa mai e Tiare-ura ê : Rua-puna iti ê hoi mai ê,
Faatoro mai na to oe rima, tera mai tau nohoraa ê.
4
E putu
itî teraè
Tei Toatini
o
e
tai
noa
mai ê,
o
Nahoa-te-pairu ê,
Maramatini ê, tei te one iti ia i Anini ê,
5
Te Toofa-ura i Mahurau ê, e Taurua teraè e haere iho,
Tei faaterehia na nia i te Tufararii, tâua i te
Tapea to rima i te
raau, te
putaurua ê,
Atae-ura Mahutaa.
Société des
Études
Océaniennes
Teie
te Fare-tuaana : hio mai i te taeae ra,
piti tairaa te reo himene ei faanavenave atu ê,
Tia mai to tino i nia, Mamanu pofai i te maire rau rii ê.
te parau e
E
no tau àià e taupe noa i raro,
pofaihia e te Oropaa ê, ta rautîhia e au ê,
te hope iti mata nûnâ ê o te ià tapoa ia'na.
E mâa teraè
Tei
Tei
Te vai ra te pape i Piia ê, pâti te ura i Vaireva ê,
Teie te parau e te mau potii : a tii a taipu atu ê,
Inai te maa na oe, te paea i te uru ava ê.
9
Teie te parau e te Hau Farani, mai te rua vini mai au ê,
O te Hatara ura i te tiaraa mai, ua tai te meho i te Aute,
Tei tiraha i te
Vaiopera. Farani ê ia ora i te farereiraa.
PUNAAUIA
la visite du Croiseur "TOLJRVILLE"
CHANT PATRIOTIQUE BE
composé pour
18 JUIN' 1828.
i
Salut à toi, ô Gouverneur,
Commissions.
major du "Tourville"
Aux Membres des
Salut à l'Etat
En cette entrevue.
i
Le voile de la nuit descend
Sur ma claire vallée ;
J'aperçois encore le "Ataura"
Qui se dresse devant moi,
Auquel je songe sans cesse,
Où j'entends le chant de l'oiseau,
Le chant harmonieux du "petea". (Paille-en-queue
Société des
Études
Océaniennes
ou
Phaéton).
—
—
3
Ton beau visage, ô Matai-Rua-puna,
Je contemplais quand Tiare-ura appelai'
Cher Rua-puna, reviens !
Donne-moi la main, voici ma demeure.
4
J'entends le cri du "Putu" (oiseau).
Le peuple se réunit pour la paix.
A "Toatini"
Sur le
se
tient "Maramatini"
rivage de sable de "Aniani.
5
O
grand Chef de "Mahurau",
grande troupe s'avance
Transportée sur de petits "tuPara" (bateaux)
La
Rendons-nous
Prends
en
au
milieu de la fête,
main ton bâton de "Atae" rouge
"Mahutaa
6
Ecoute moi, ô Branche aînée,
Prends soin de ton frère.
Deux fois le chant s'est fait entendre
Pour te charmer.
Dresse ton corps, ô "Mamanu"
Pour cueillir la fougère odorante
"maire-rau-rii".
7
Voyez les fruits de mon pays ;
Ils font ployer les branches,
Ils sont cueillis par les gens d'Oropaa
Et moi, je les recouvre de feuilles de Ti
Pour les retrouver quand j'aurai péché
Le premier.poisson de la saison.
8
Il y a de l'eau à "Piia",
Où les oiseaux à plumes rouges de
Se rassemblent en grand nombre.
"Vaireva"
Ecoutez-moi, ô jeunes filles,
Allez en prendre beaucoup pour les consommer
Avec vos fruits à pain.
Société des
Études
Océaniennes
35Ô
—
9
Ecoute-moi, ô France,
Je
sors de l'antre du "Vini" (oiseau)
Le "Hatara"
rouge s'est levé,
Le "Meho" a poussé son cri
près du "Aute"
Faisant face à
"Vaiopera"
France, je te salue
en cette entrevue.
DISTRICT
DE
PUNAAUIA
Texte tahiticn du chœur chanté
sur
un
air
européen.
1
la
ora na
i te
farereiraa,
la ora na hoi oe e te Tavana
E te Faatere Hau, te Tavana
la ora atoa hoi e te mau
E tae
la
atu i te
noa
ora na
Rahi,
Oire,
Tomite,
feia mana, (bis),
ê.
2
E ia
ora
hoi
No nia ia
oe e
te feia mana,
"Tourville",
Teie to Tahiti, te farii atu nei,
1 to oe taeraa mai i Tahiti
nei, (bis),
la
ora
tatou.
(au trio).
Aue râ hoi ê, i te aroha rahi,
1 to oe ratereraa mai na te moana
rahi,
Teie hoi matou, te farii atu
nei,
1 to oe taeraa mai i Tahiti nei.
(bis).
DISTRICT DE PUNAAUIA
Chœur tahiticn chanté
sur
un
air
1
Salut
en
cette
entrevue;
Salut à vous, ô Gouverneur,
Secrétaire Général, Maire;
Salut aussi
Ainsi
Salut.
aux
Membres du Comité
qu'aux hauts personnages, (bis).
Société des
Études
Océaniennes
européen.
2
Salut à l'état
Les tahitiens
major du "Tourville"
;
souhaitent la bienvenue
vous
Pour votre arrivée à Tahiti,
(bis).
(au trio).
Salut à
tous.
nous
Oh ! combien
nous sommes
touchés
De la traversée que vous avez
Sur le grand Océan.
faite
Nous
sommes tous là pour vous
A votre arrivée à Tahiti, (bis).
recevoir
PARIPARI NO
HIMENR
18
NO TIUNU
MAHINA
i9>2S>o
1
la
ora
hoi
Te feia
oe e
mana
te Tavana
Rahi,
atoa ê.
la
ora
atoa hoi te
la
ora
i te farereiraa.
Tâmatoa,
2
Auê teie Tiurai ê i te
la ori mai
oe
i te
manaonao
maru
la ori atoa atu hoi
na'u,
ahiahi
au.
3
E
pahi râ ia "Tourville",
E faaau nei
au
e au i te fetia taiao
i te tere mai te uira iti patiri.
Mai te hinano iti
opû apîto
reo e te mau
!
Tomite.
4
Poe rii
au
Ua taa te
Tau tara
e
i te maire, te
maire rii huà te maire,
hupe i Orohena
mamê hoi
au.
5
E moùà teitei
Outu tei tai
o
Orohena,
Tefauroa,
e
tahua tei raro Matavai,
To taua ia hereraa ê.
Société des
Études
Océaniennes
352
—
—
6
Fira ino â
te fira
Piana maitai ta
auri, fïra ofati te manao,
Ruanuu, ua au ta oe.
oe
7
Mouà râ ia Aorai teraè tiraha
noa
mai,
Outu râ ia Tefauroa, ua pererau manu i te
Fenua râ Niufa, tei vai i roto i te manao.
tai,
8
Haere rii
Tahiri
i tai i te
au
mai te
noa
one
haua i Haavai,
hupe petohiti, hupe iti herehia
e au,
Taata râ ia Ruanuu ê i te fataitai ia'u ê.
9
Te haere atu
Na tahatai
ra
Ruanuu
na
nia i te taura
Tehoho, tieri hanoa i te
noa o
pohue,
one
ê.
E taata râ ia Ruanuu i te faataitai ia'u ê.
10
Te mihi-noa-raa Marautaaroa i te tai fenua i
Area râ hoi ia imi
au
i te ààra
Vaimuna,
Maire-rau-rii.
o
11
Te tia
E
noa ra
Maire-rau-rii i
mau'tura i te
au
raro
aè i te
haurâ, i te haurâ iti
tafano ê.
maru
e
tui ê.
12
Ua tahe te pape i Aanoha, te àà nei na moora ura,
E rua "hatara" i Orohena, ua tau na moora ura ê.
13
Teuraheimata
Tei tai te matai ite pâ, faaite
Na tahatai
0
Taraia,
noa
o
,
te fara-rau-rii te manao,
hurihuri rii
Tefaurao, outu taihia e au ê.
au
i Tahara ê,
14
"I
na
rui hoi
au
i aroha noa'i i te tai rii
Tai rii torea ta'u i faaroo, te
Ua hape au e o te arevareva
maoaè,
tai mai ra i Tahuma
i nia i te aito tâupe.
;
15
E taata râ ia Tauirai i te
Ahiri
haapeapea i to'u nei tere !
noa ae ia'u,
uta, i te ara na tai,
oe e
Haere rii au i te
Tauirai tuu iti
1 teora onohi te
manao.
paha
ara na
Société des
Études
Océaniennes
—
353
—
16
i te pua no oe e Toimata ê,
Toimata ê, no te vahine iti maitai.
Tuitui rii
No
oe e
au
Ua faataha
Te
Te
o
Toimata,
ua
tanini
rouru
ê.
paheie iti tamau, ua tapeapea rouru ê,
pahere iti tamau ê.
CHANT
DE
MAHINA
composé pour la visile du Croiseur
18 JUIN
"TOURYILLE
1929.
1
Salut à toi, ô Gouverneur,
Aux personnages
officielles.
Salut
au
Commandant,
Salut
en
cette entrevue.
2
Que cette fête est belle !
Elle me fait songer à tes promenades du soir
Quand je vais à ta rencontre.
3
Quel beau navire que le "Tourville",
Beau
comme
Ta vitesse est
l'étoile du matin.
comme
celle de l'éclair.
Comme la fleur nouvelle du
Est ta voix
au
pandanus
Comité.
4
Je porte à l'oreille le "maire" (fougère)
Le "maire" fin.
La brume s'est
dissipée
Dont la cime fait
mon
sur
l'Orohena
admiration.
5
Orohena, montagne altière,
La plaine de "Matavai" est à tes pieds,
Tefauroa est la
pointe qui s'avance.
C'est là que nous
connûmes l'amour,
Société des
Études
Océaniennes
6
Violon de fer, mauvais violon
Qui change les idées.
piano est bon, ô Ruanuu,
Ton
Il
me
plaît.
7
Montagne de l'Aorai qui s'étale
au
Pointe de Tefauroa d'où l'oiseau
Niufa, doux pays, toujours tu
loin ;
prend
seras
son vol ;
dans
mon cœur.
8
J'irai
sur le rivage de sable de "Haavai"
Où la brise fraîche se fait sentir,
La brise que j'aime tant,
Mais "Ruanuu" me fait toujours
pleurer.
9
Ruanuu marche
sur
la corde de
"pohue" (volubilis tahitien)
le sable.
Tandis que Tehoho sur la place fait voltiger
Mais Ruanuu me fait toujours pleurer.
10
Marautaaroa
lamentait et pleurait sa terre de
Tandis que je cherchais le doux parfum
Du "maire-rau rii".
se
Vaimuna,
11
Le "maire-rau-rii" croissait à l'ombre du "tafano".
Il ressemblait à l'espadon, à l'espadon qui
transperce.
12
L'eau coule
avec
force à Anoha,
Les canards
au rouge plumage y prennent leurs ébats
Et dans l'air du "hatara", sur l'Orohena,
Se sont posés les canards au rouge plumage.
13
Teuraheimata ère sur le rivage
Cherchant le "fara-rau-rii" (pandanus à feuilles
La brise bienfaisante vient du
large.
fines)
Je dirai, en hésitant, quand je serai à Tahara,
Que Taraia et Tefauroa sont les terres que je pleure.
Société des
Études
Océaniennes
—
355
—
14
Toute la nuit, je songeais avec amour
Au doux murmure de l'alizé.
J'entendais le cri de la bécassine
Venant du côté de Tahuma.
J'ai
cru que c'était le "arevareva" (oiseau)
Sur la branche penchée du "aïto". (Casuarina ou bois de
fer).
15
Quel homme que Tauirai, qui s'oppose h mon voyage !
Daigne au moins, ô Tauirai, me laisser partir.
J'irais par la route sur terre ou sur mer,
Par le chemin qui procure l'oubli.
16
De la fleur du
"pua" je te ferai une couronne, ô Toimata,
Pour toi, Toimata petite femme gentille.
Toimata se détourne, enroule ses cheveux
Et de son peigne fait tenir son chignon.
HIMENE
o
tei faaauhia
no
NO
FAEA
te fariiraa i te
palti
ra
ia
"TOURVILLE"
18 NO TEUNU
19>29c
1
la
E te
la
te Tavana
Rahi, ia ora i te farereiraa.
Tomite, te feia mana, ia ora i te farereiraa,
ê, ia ora na ê. ia ora i te farereiraa.
ora na oe e
mau
ora
2
Faaineine
e na "Mano" e rua, e tia taua e haere,
mata-huà tei tahiri mai ei te tahua rahi i Tarahoi.
1 reira hoi manaonao ai i te aroha i to'u àia.
0 te
rau
3
Parutu teie te tairaa miti, tei nia i te Tauroa ra,
Te taiô-ura teie i Parutu, aahi pepererau ra.
Hio mai râ
oe e
te mau Tomite i ta'u tairaa himene ê,
Société des
Études
Océaniennes
—
356
—
4
Te
i nia i te mouà ta'u
mea tai rahi ê,
Te afaa iti i Teruarâô teraè e tiraha noa mai ê,
E tahua tei raro, o Teanuanua, tena te
parau i Ahui ê.
rua araea
o
Te mààraa èà i nia i
Te Faaroa
O te ofe rii
Uriuri, ape tahi te mata i Ri ri fa-,
parahiraa mapura o te Hitoa ra,
para no Puataha ra, tauhia e te hupe toetoe.
tau
ra
6
Auê te miti i Toofaroa ra, tei fati tauà noa mai ê,
Hape aè nei au i te tai otiri ta'u i faaroo aè nei ê.
la hurihuri au e hurihuri aè nei, e tamau apiti taua ê.
7
E
pii tamai ê tei Vainiania te vahine Faraatua ra,
o te mau
potii Atitara i te ao marama ê.
E maha tiaraa
8
Te
tai i Putiaio ra, te vahine purouroa ra
Te Puarâtâ tenâ i to rima, e tiare manaonaohia,
manu e
E tii'na
vau e
pafai
noa
mai
e poe
CHANT
composé
pour
ê,
i to'na uaà.
BE
P AE A '
les fètcs «lu Croiseur "TOURVILLE
18
JUIN
1920
c
1
Salut à toi, ô Gouverneur, salut en cette entrevue.
Les Comités et personnages officiels, salut,
Salut, salut
en
cette entrevue.
2
Apprêtez-vous, les deux tribus de "Mano", levez-vous et allez.
qui nous convie sur la place de "Tarahoi",
Là, je songerai avec amour à ma patrie.
'
'
C'est la fête
3
La
gronde à "Parutu", sur le récif de "Tauroa".
Parutu, comme un banc de thons.
Voyez, Membres du Comité comment je chante.
mer
Le rassemblement est à
Société des
Étiides
Océaniennes
4
C'est ma colline de terre rouge que
je regrette le plus,
Et le vallon de "Teruaraô" qui s'etale à mes
yeux.
Au-dessous est la plaine de "Teanuanua" dont l'histoire
Prit naissance à Ahui.
5
Au détour du
chemin,
sur
le haut du "Uriuri",
Tournant les regards sur "Ririfa",
La grande vallée où croît librement le "Hitoa"
(genre d'ixora)
Vient aussi le bambou jaune de Puataha couvert de rosée froide.
6
La vague qui déferle sur le récif de "Toofaroa"
Ressemble à la plainte que je viens
d'entendre;
Je
me
tourne et
me
retourne
vers
toi, unissons-nous.
7
Un cri de guerre, à Vainiania, a été poussé parla femme Faraatua.
Quatre fois se sont levées les filles d'Atiara.
Dans le courant de la journée.
8
L'oiseau
qui chante à "Putiaio",
C'ést la femme drapée d'un long manteau.
La fleur du "Puarâtâ" que tu tiens en
main(Puarata
Est
Metreside-
:
[ros collina)
fleura
une
J'irai la cueillir
laquelle
pour
on songe
la porter à
HIMENE NO
o
tei fnaauliia
te
no
souvent.
oreille.
mon
MATAIEA
fariiraa i
le
palii
ra
"TOURVIIXE"
18
NO TEUNU
1 Q9:Q\
1
la
ora na
la
ora
oe, e te
atoa hoi
o
Tavana Rahi, e te Tavana Oire ê,
te mau Tomite i te farereiraa tatou ê.
E poroi na oe, e te Tavana Rahi, teie mai nei matou ê,
Teie mai nei to mau Tamarii, tei te tahua rahi Tarahoi ê.
Hurihuri manaonao ê, te manao o te Tavana Rahi ê,
E
ua
uvaa
te tiare
no oe e
te Hau Farani ê.
Société des
Études
Océaniennes
la
—
358
—
2
la
ora
na oe e
Ua tui to
E
ua
roo
tui to
te Tâmatoa
i Tahiti Nui
roo
ê,
ê,
i Tahiti Nui
ua rau o te oto o te manu
ra
ê,
ê,
0 Tahiti teie i te vai uri rau, ua rau o te oto o te manu ê.
3
la hio
mai Teriirere
ê, tau fenua iti o Mataiea ê,
Te mouà ra hoi Tetufera nei ê, te pape
i Vaite ê.
Tera ra ua ê, a iriti aè na ia vai noa mai te mouà rahi ê:
Auê te pape Vaihiria ê, piri iti tuiroo ê.
Topatapata ua te vai uta ra, te vahi tuhia e te anuanua,
noa
Teie ta'u
mea e
tai nei ê, e mea aroha rahi te fenua ê.
4
Torea ê tai navenave, te tai mai ra i Totini ê,
Faatopa iho ra raro ê, i Atiroo ê.
Auê o te mata o te mau manu o te reva ê.
Torea iti ê, faahipahipa na raro i Mairipehe ra
ê.
5
Mouà tei nia
Faaheetepairu,
tei tai Taunoa ê,
pairu ê.
E tupiti te pahu Taputapuatea, tapu tahi tei Outuroa ê.
Toaroa tei tai ê, i te ia poa roa ê, mea tahirihia ê
1 té uru atoa e vai ahunahuna ai o Marama ê,
O Mairipehe ê, Tehoro-i-rairiri ê.
Te remu ura no nia iho i Tetufera, ua tiraha noa ê
Te ava i Rautirare ra ê, e fenua tei tai Puurumapiti,
E arii tei uta ê, o Mouàroa ê.
Tahua tei
raro
tauraa
e
e outou
torea otooto te
6
.
Atia i te rai, te umere o te mataeinaa ê,
Mai uta roa mai hoi au, mai Niu-Tafaratea mai ê,
Hiohio na vau i te piri ê, mai Tauraapirae mai ê,
Ruro-vahine-i-Paui
o
te
piri tei Araiteva.
Tai rii toere ta'u i faaroo, te tai mai ra te Aute ê.
7
Tiare maohi
tei
poehia mai
ê,
Farani (bis).
mau
e
Teva ê.
Purumu nehenehe tei Tarahoi
No
oe e
te Hau
Ei oriraa ia
no
Teva ê.
Société des
Études
Océaniennes
CHANT
composé
pour
DE
MATAIEA
les fêtes du Croiseur " T0URV1LLE".
IS
JUEN
f.9 20.
1
Salut à
toi, ô Gouverneur,
Salut aussi
au
Comité
en
au
Maire,
cette entrevue.
A ton
appel, ô Gouverneur, nous accourons.
sur la place de "Tarahoi",
(Papeete)
Grâce à ton esprit d'initiative, ô Gouverneur,
La fleur de la France s'est épanouie.
Voici tes enfants
2
Salut à
Ton
toi, ô Commandant;
est partout connu à Tahiti la grande,
nom
Aux chants variés des oiseaux ;
nom est connu à Tahiti la
grande,
Voici Tahiti aux eaux multicolores,
Ton
Aux chants variés des oiseaux.
3
Teriirere
contemple mon petit pays de Mataiea,
montagne "Tetufera" et la rivière "Vaite".
Oh ! cette pluie, retire-toi donc et découvre la
grande montagne,
Et le lac de "Vaihiria", énigme bien connue,
Où les gouttes de pluie sur lesquelles se dresse l'arc-en-ciel,
Pays que je pleure et regrette le plus.
La
4
O bécassine dont la douce voix
Et
se
fait entendre à "Totini"
à terre à "Atiroo".
J'aime les yeux des oiseaux du ciel,
Petite bécassine qui sautille sur la grève de "Mairipehe".
se
pose
o
En haut est le mont
"Faahee-te-pairu",
Taunoa, la pointe qui s'avance,
En bas la plaine où chante la bécassine.
Le "pahu" résonne à Taputapuatea pour le sacrifice humain.
Le récif de "Toaroa" est plein de poissons aux grandes écailles,
Cernés dans les roches, tandis que la lune est cachée sur "Mairi[pehe" et "Tehoro-i-rairiri".
Société des
Études
Océaniennes
—
360
—
La
mousse rouge du haut du
"Tetufera",
En face est la terre de "Puurumapiti"
Sont les domaines du
la passe de "Rautirare"
prince de "Mouàroa".
6
Le ciel retentit des acclamations de la
foule;
Je viens de "Niu-Tafaratea",
J'ai vu l'énigme de "Tauraapirae",
Ruro-vahine-i-Paui, l'énigme de "Araiteva",
J'ai entendu des pleurs, ce sont les pleurs du "Aute".
7
Teva porte à l'oreille la vraie fleur indigène.
Les rues sont belles à "Tarahoi", (Papeete)
Elles sont à
Pour les
toi, ô Gouvernement de la France, (bis)
promenades de Teva.
Société des
Études
Océaniennes
—
361
—
mRwmms
COMPTE RENDU
de la
quatrième Fête du Folklore Tahitien.
Le dimanche 8
septembre, le pavillon Tahitien tut promené
grande Tahiti et jusqu'aux extrémités de la petite
Tahiti, à Tautira.
Le programme publié dans le Bulletin n° 31 tut suivi à la lettre.
De bonne heure, arrivèrent au célèbre village, des
groupes de
pèlerin s, les uns dans des autos de luxe, d'autres en camion¬
nettes, et voici également au mouillage del ' Agiiila, le MAHINA
ITE PUA battant pavillon du Bishop Museum (Honolulu), et orné
des couleurs françaises et tahitiennes.
A midi, un spectacle très pittoresque s'offre aux regards de
ceux qui savent voir.
Ça et là. un peu partout, sous des man¬
guiers touffus, ou sous des vérandahs fleuries, s'égaient et se ré¬
galent, et comment! des amis que cette fête réunit.
autour de la
Tautira tout entier est
en
liesse !
M. le
Gouverneur, Madame Bouge et M. l'Inspecteur Moretti,
hôtes distingués de M. le Commandant Li din.
On se procure des desserts tahi tiens dans des stands :
oranges,
bananes, cocos etc, et comme digestif, du ava (Piper methysticum).
La foule tahitienne est respectueuse et bien habillée et malgré
soi, on se reporte à trois générations en arrière, où sur cette mê¬
me plage
grouillaient plus de deux mille sauvages nus, et armés
de flèches et de lances, recevant les Espagnols avec défiance, mais
sont les
avec
courtoisie.
A 13 h. 30 les divers groupes se
donné aux missionnaires.
Un abri est élevé à
son
rassemblent près du terrain
entrée.
En y
pénétrant, M. le Gouverneur et sa suite, voient à leurs
pieds toute une rangée dedallesqui venaient nous dit l'histoire,
du Marae voisin " Vaitaha ", afin de daller le pourtour de la mai¬
son.
Chaque pierre porte sur ses côtés une entaille de 5 à 6 cm.
afin d'y loger un caillou qui empêcherait le dallage de se gon¬
doler.
En face de nous, s'élève
une
Société des
croix, que les
catholiques de Tau-
Études Océaniennes
—
tira ont
362
—
pieusement et artistiquement fleurie. Elle est plantée
aussi exactement que possible, à l'endroit même où fut
érigée
celle que Bœnichea, salua avec les canons de
XAgiiila, le Ier jan¬
vier 1775, portant sur'ses bras
l'inscription : Cliristus Vincit,
et sur son montant: Càrolus 131
Imperat 177-4; la même
Croix que Cook retrouva le 15 août 1777 à la même
l'autre face de
Annis
place et sur
laquelle il fit graver: Georjjius Tcrtius Rcx.
1 767-1
76ÎJ-1773-1 774-1 777.
Au
pied de cette croix fut inhumé le Commandant Bœnichea,
le 27 janvier 1775 et nous avons devant nous une fosse de six
pieds... On se croirait au jour de l'enterrement et en présence
d'un vaste cimetière, avec ça et là des tombes fouillées de frais.
Ce sont les travaux de recherches du Commandant Lidin.
Cet aspect funèbre oppresse et commande le
recueillement;
aussi c'est au milieu d'un silence
Société lit l'adresse suivante :
Monsieur le
religieux
le Président de la
que
Gouverneur,Mesdames, Messieurs:
La Société des Etudes Océaniennes
vous remercie d'être ve¬
assister à notre fête annuelle •
Cette fête revêt cette année un intérêt tout
particulier puisque
nous sommes debout sur
l'emplacement même, qui, il y a 154
ans, fut témoin des premiers efforts pour introduire dans ce beau
pays, la civilisation.
La civilisation, nous dit Larousse, est: l'état
nus
opposé à celui de
sauvage.
Ces efforts devaient être faits, comme d'ailleurs dans le mon¬
de entier, depuis les Gaules jusqu'au centre africain et les îles
perdues
au
ques.
La croix
„
C'est
sur
sein du Grand Océan, par des missionnaires catholi¬
précédait le drapeau.
le sol que nous foulons
aujourd'hui que fut plantée
première Croix, et c'est au pied de cette Croix que fut cou¬
ché pour toujours, le commandant Bœnichea à
qui avait été
confiée cette glorieuse mission.
Hélas, ni la foi du commandant Lidin, ni sa science n'ont pu
cette
retrouver les traces
chair et
ses os
pensée qui
et
sont
de la tombe du valeureux
devenus
commodore; sa
partie du sol tahitien et c'est cette
impose à tous
religieux recueillement.
nous
Société des
en ce
Études
moment, un respectueux
Océaniennes
s
—
363
—
Ici, quatre européens: deux prêtres, un matelot et un marin,
Maximo, (le Matimo de Cook) furent témoins, une année durant,
de l'état sauvage où étaient les tahitiens de cette époque. Nous
rendons-nous compte de leur serrement de cœur quand dispa¬
rurent à l'horizon leurs bateaux, TAguila" et le "Jupiter"? Les
voilà seuls, isolés pour de longs mois, au milieu d'un peuple in¬
connu
dont les
les
mœurs
sirs
ou
marae
étaient ornés de crânes humains et dont
indiquaient à première vue, une différence totale avec la civilisation qu'ils
voulaient, qu'ils devaient introduire. Pas
d'autre Loi que ta volonté du Chef, et celle-ci dépendait des dé¬
visions des Tahua, ainsi que des coutumes souvent bar¬
bares, toujours bizarres, de tout un Pays où ils ne pouvaient
qu'à tâtons, tant au sens naturel qu'au surnaturel.
Heureusement Vehiatua régnait.
avancer
Si la Croix
plantée ici même par Boenichea portait sur une
Imper at Vehiatua aurait pu, avant Cook, y
inscrire, sur l'autre face, Vehiatua, Régnât.
Monsieur le Gouverneur, Mesdames, Messieurs, rendons hom¬
mage à ce grand Chef qui, lui aussi, dort son dernier sommeil
ici, tout à côté, sur l'îlot que fait la Vaitepiha.
Ce grand sauvage pourrait en remontrer à plus d'un grand ci¬
vilisé par la délicatesse de ses sentiments, sa gratitude profonde
et son désintéressement. Nul ne lira le Journal de Maximo sans
conclure que Vehiatua était une belle âme et un grand cœur.
Il n'est pas téméraire de dire que s'il avait vécut, et si les deux
missionnaires avaient été plus robustes, (car leur mauvaise san¬
té nuisait à leur mission.) Tahiti se serait réveillée un jour ca¬
tholique et Espagnole, sœur des colonies de l'Amérique du Sud.
Or, il était écrit que ce beau Pays serait français et qu'il le de¬
viendrait grâce toujours à des missionnaires catholiques mais
cette fois français.
Enfin nous, membres d'une Société avide de Folklore et d'eth¬
nologie, nous sommes aujourd'hui reconnaissants à ces pion¬
niers de la foi et de la civilisation qui nous laissèrent tant de do¬
cuments précieux, écrits au jour le jour, pendant onze mois et
qui sont et resteront les témoins les plus sûrs et les plus irré¬
futables de ce qu'était alors la société tahitienne.
Nos remerciements s'élèvent là où ils répandirent leurs sueurs
et où. tour à tour ils passèrent par toutes les transes de la peur,
de la souffrance, et si rarement de la joie.
face: Carolus III
Société des
Études
Océaniennes
364
—
—
Je ne veux pas terminer sans adresser nos félicitations au com¬
mandant Lidin qui a mis tout son zèle à taire les recherches et à
trouver les restes
tout
son cœur
ou
reliques qui
et sa science de
nous
environnent. Il y
a
mis
marin.
Merci, Commandant Lidin, vous nous avez procuré l'occasion
un
pèlerinage d'un genre tout nouveau.
Voulez-vous maintenant nous donner un aperçu de vos tra¬
de faire
vaux
et de
vos
succès ?
Le Commandant
nous
donne les
obtempérant à l'invitation qui lui est faite,
précisions qui suivent :
Emplacement de la
concession
aux
Rit, PP.
Espagnols à Tautira (1774-1775).
-
Habitant Tautira, j'ai été chargé dernièrement de retrouver, si
possible, l'emplacement de la Maison des P. P. Missionnaires
Espagnols (Les premiers blancs ayant habité Tahiti) et-celui de
la sépulture du Commandant Bœnechea qui commandait la fré¬
gate Espagnole ayant amené les Pères.
Mr L'Abbé Rougier, Président de la Société des Etudes Océa¬
niennes, en me demandant ce travail, me fit parvenir les noS du
Bulletin de cette Société donnant la traduction ,du
journal,
tenu pendant son séjour à Tahiti par
l'interprète des Pères,
le soldat d'Infanterie de marine Espagnole; Maximo
Rodriguez,
ainsi que le volume n° 2 de "Quest and occupation" ofTahiti par
le Dr Glanville Corney. (Hakluyt Society). A ces documents vin¬
rent s'ajouter les Ier et 3me volume de "Quest and
occupation " le
3me volume donnant le journal de Maximo Rodriguez dont le
Bulletin delà Société d'Etudes Océaniennes n'avait pas terminé la
traduction et enfin, 5 numéros du Messager de Tahiti (année
1867), donnant le récit du 2mB voyage de la frégate " Aguila" à
Tahiti et des événements qui se passèrent pendant le
séjour de
cette frégate à Tautira (1).
C'est dans ces divers documents que j'ai puisé, (après avoir
comparé entre eux ceux de même nature), les renseignements
qui m'ont servi à déterminer, aussi exactement qu'il était possi-
(1) C'était une traduction de EL VIAGERO UNIVERSAL, Tomo XVII par
ESTALA, publié à Madrid en 1798 et qui donnait une compila¬
tion trôg résumée des divers journaux de l'Expédition,
Don Pedro
Société des
Études
Océaniennes
36o
ble de le
—
faire, l'emplacement de la concession, de la maison et
au pied
de laquellefut enterré le Commandant Bœne-
de la Croix
chea.
J'ai donc dressé 2 plans, le ier (d'ensemble) au i/1000, le second
(d'agrandissement) au 2/1000, permettant de se rendre compte
de ces emplacements dans l'état actuel du terrain.
Pour dresser ces plans je n'ai eu à ma disposition qu'une
chaîne d'arpenteur de 10 mètres formée par une corde et aussi
une petite boussole
de poche. Cependant l'exactitude de ces plans
est très-suffisante, car mon travail terminé j'ai trouvé et sur le
terrain et sur mon plan la même distance de 130 mètres de la
croix au rivage de mer, ce qui est bien la distance indiquée par le
Messager de Tahiti de la concession au bord de mer (1 cuadra
soit 130 mètres).
Ceci dit, pour arriver à situer sur ce plan la concession il m'a
fallu trouver sur le terrain actuel des points dont l'emplacement
était le même qu'au temps des Espagnols.
J'en ai déterminé deux. Le Ier est le marae de Vaiotaha qui se
trouvait si près de l'emplacement choisi par les Espagnols que
la mère de Vehiatua (l'Arii de Tautira) tout en accordant le terrain
demanda que l'emplacement de l'établissement fut éloigné de
quelques dizaines de varas de ce marae.
Situé à 40 mètres environ derrière la re maison du village en
venant de la Vaitepiha, ce marae a été détruit à la demande des
Missionnaires protestants par ordre de Pomare II, en 1813. Mais
son emplacement a toujours été respecté et est indiqué encore
aujourd'hui par un petit amoncellement de pierres et recouvert
par la végétation.
Le deuxième point a été l'embouchure de la rivière Vaitepiha au
temps de l'occupation Espagnole.
En examinant en effet la carte levée par le Lieutenant Hervé de
la frégate " Aguila" pendant le séjour que fit cette frégate à Tau¬
tira où elle avait amené les Pères on constate que la pointe Sud
de l'embouchure à cette époque était bordée par des roches à
fleur d'eau qui en rendaient l'approche dangereux.
Or si on suppose prolongé jusqu'à la mer, suivant la courbure
actuelle, le bras d'eau morte qui se trouve au Nord de l'embou¬
chure actuelle de la Vaitepiha on se trouve avoir en face de soi
à 10 mètres du rivage la ire roche presque à fleur d'eau. Ce bras
d'eau est donc le lit de la rivière Vaitepiha au temps des Espa-
Société des
Études
Océaniennes
—
366
—
gnols et les bords actuels de ce bras sont les rives de la Vaitepiha à l'arrivée des Pères
.missionnaires, la roche à fleur d'eau
indiquant la pointe Sud de l'embouchure à cette époque.
Le plan d'ensemble
ayant alors été établi il m'a fallu faire un
choix judicieux par les
renseignements que j'ai trouvés dans
mes documents,
renseignements ne concordant pas toujours
entre eux,
C'est ainsi que j'ai
rivière fournies par le
dû rejeter les indications de distance à la
journal de Don Thomas Gayangos pour
adopter celles données à la page 4 du numéro du Messager de
Tahiti du 16/2/1867 ne retenant
par ailleurs, des renseignements
de ce même officier sur le terrain de la
concession, que l'orienta¬
tion donnée (vol. 2 page
128) pour la direction du front et de la
profondeur.
J'ai pris pour longueur de la cuadra celle donnée par la note 2
de la page 128 (vol. 2), soit
129 m. 9 ou 130 mètres de 150 varas
ou paces, ce
qui donne comme longueur de la vara ou du pace:
o in.
668.
La concession
se
trouvait donc à
130
mètres (cuadra) du
rivage de la
mer et à 65 mètres (1/2 cuadra) du bord de la rivière.
Son orientation étant connue, son
emplacement se précisait. Pour
le fixer d'une façon certaine il ne suffisait
plus que d'avoir sa
distance au Marae.
Or, page 127 (vol. 2)
on
lit dans le journal de Don Thomas
Gayangos:
«
Mentioning, however, to her son that we should
keep the building some tens varas farther away from an oratory
that stand hard by ».
«
Déclarant à son fils cependant
que nous devrons
« mettre l'établissement
(la concession) quelques dix varas plus
« loin d'un marae
qui est à la toucher ». {celle demandée par les
.Espagnols).
La note
1
de cette même page
indique que l'oratory était le
Vaiotaha, détruit depuis lors en 1815, par Pomare 11, et
les restes subsistent encore ainsi
que je l'ai dit ci-dessus.
marae
dont
Ce marae est actuellement connu sous le nom de Puanii.
Faut-il entendre par la phrase ci-dessus
que c'était la maison
(building) elle-même qui
se serait trouvée près du marae et que
la mère de Vaihatua demandait à reculer de
quelques dizaines
de varas. Cette interprétation n'est
pas possible car si on admet
Société des
Études
Océaniennes
—
que
367
c'est la maison elle-même qui
tout le
jardin de la concession
rais, ce qui est inadmissible.
se
—
se
trouvait à toucher le
tnarae
serait trouvé être dans le
ma¬
Il faut donc bien admettre que c'est la concession elle-même
qu'il fallait éloigner de quelques dizaines de varas du marae, et
dans ce cas l'emplacement se précise de plus en plus.
Mais de combien de dizaines de mètres
a
t-ellc été reculée? Il
est
impossible de trouver une réponse exacte à cette question!.
sans me préoccuper de cette distance ai-je tracé l'em¬
placement de la concession en me servant de la distance à la
plage et au bord de la rivière, puis de son orientation. Et j'ai cons¬
taté, ceci fait, que ladistance delà concession au marae se trou¬
vait être de 30 mètres, distance qui me paraît répondre parfai¬
tement à l'interprétation de : some ten varas, soit quelques di¬
zaines de mètres.
On pourrait peut-être faire remarquer que dans le n° du Mes¬
sager du samedi 9 mars 1867 on trouve une phrase qui au
premier abord paraît contredire ce que je viens d'avancer:
«
Il fit changer l'oreiller de place parce que, disait-il
(Vaihatua) c'était un manque de respect d'avoir les pieds tour¬
nés du côté du marae qui était tout près. Mais comment inter¬
préter l'expression tout près? Lejournal des Pères (vol. 2 du quest
page 337) nous donne la réponse. On y lit en effet:
«
Car les gens qui se trouvaient sur le bord de la rivière
« qui était tout près (quite close) de la maison que nous habi¬
Aussi
tions
Or
».
le plan on trouve la maison située à 66 mètres de la
rivière, la limite extérieure de la concession en étant à 61 mètres
[70 varas (Maximo Rodriguez) ou environ 1/2 cuadra (Messager
de
sur
Tahiti).]
Sur
marae.
par
ce
plan également la maison
Si donc
une
se trouve à 76 mètres du
distance de 66 mètres était qualifiée tout près
les Pères je crois qu'on peut penser, sans grande erreur, que
76 mètres devait recevoir également la même qua¬
la distance de
lification.
Je suis donc conduit à dire que, à moins d'apport de nouveaux
renseignements plus précis, les PP. missionnaires devaient occu¬
per l'emplacement indiqué sur mon plan.
L'emplacement de la Croix et par suite de la tombe du Com_
mandant Bœnechea est déterminé par les Pères eux-mêmes
Société des
Études
Océaniennes
—
(page
200.
vante
:
«
Le
vol.
308
—
du Quest) on y trouve en effet l'indication sui¬
2
jour suivant ier janvier 1775 à 8 heures du matin la
apportée à terre et élevée à environ 12 paces
Sainte Croix fut
«
face de la maison.
en
La note
de cette même page
dit:
prise pour 150 paces. Donc 1 epace et la vara
longueur soit 130 mètres: 150 = om. 866.
Les 12 paces représentent alors 10 m 40 à partir et en avant de la
maison. C'est l'emplacement indiqué sur le plan par la croisée
1
cuadra peut être
ont même valeur de
I
des bras de la croix.
Quant à la
disposition et
sont données dans le
aux dimensions de la maison, elles
Journal de Don Thomas Gayangos ( Vol 2
Quest, page 140) :
«
Les sections de la maison furent assemblées
Elle a un front de 6 varas sur 10 varas en profondeur,
(5m20 de front et 8m65 de profondeur). En outre on trouve
page 480 de ce même Vol. 2 :
« La maison qui était en bois était divisée en 2 chambres l'une
«
«
derrière l'autre
Et ceci
».
permis également le tracé de la maison sur le plan et
suite l'emplacement de la croix. Des fouilles ont été faites de¬
vant et derrière la croix et aussi à partir d'elle dans l'axe de la
concession en allant vers le jardin. Poussées jusqu'à 2 mètres
de profondeur elles n'ont donné aucun résultat.
II est bon de noter que les parcelles de terrain désignées sur
le plan de l'enregistrement sous les nos 44 et
45 ainsi que les
parcelles 2 et 3 ont été habitées jusqu'au cyclone de 1906. J'ai
trouvé à 10 °/m sous terre une ligne de démarcation faite avec
des cailloux dans la parcelle 45 et sur le bord d'un des trous
creusés. Dans les parcelles 2 et 3 on trouve encore des aligne*ments de pierres ayant servi certainement à des maisons. Or
les parcelles 44 et 45 sont celles sur lesquelles se trouvaient la
maison et la cour qui s'étendait devant, cour qui ainsi qu'une
partie de la maison étaient pavées.
Que sont devenues toutes les pierres de ce pavage.
Elles ont servi ainsi que celles du marae aux
maisons(piliers
de support) qui ont été construites depuis l'attribution des
terres royales aux habitants de Tautira, elles ont servi à l'entou¬
rage des pieds des maiores et des manguiers. Et c'est dans la
a
par
t
Société des
Études
Océaniennes
-
369
—
parcelle 44, 45 actuelle qu'ont été trouvées les pierres que j'ai
rassemblées et dont plusieurs sont percées sur les cotés de trous
faits avec un instrument en fer pour servir à l'assemblage d'un
dallage. Or ces trous n'ont pu être faits que par les Espagnols
quand ils ont pavé l'entourage de leur maison.
On trouve une énorme pierre percé comme première marche
de l'escalier de la maison du propriétaire de la parcelle 43, qui
m'a déclaré avoir pris toutes ces pierres sur la parcelle 44-45. J'en
ai trouvé deux autres sous la Maison du Cinéma (construite en
1887) à l'extrémité de la parcelle 45.
J'en ai vainement cherché ailleurs et je n'ai trouvé qu'en face
de l'Eglise catholique dans l'entourage d'une tombe une petite
pierre percée d'un trou fait avec un instrument en fer.
N'y a-t-il pas dans la présence de ces pierres, ainsi travaillées,
dans la seule parcelle 44-45 une indication de l'emplacement de
la maison et de la cour dans cette parcelle ?.
Je le juge ainsi et je vois là une confirmation de l'exactitude de
l'emplacement de la concession.
Que les fouilles n'aient donné aucun résultat je n'en suis point
étonné! L'habitude prise de faire des trous dans la terre pour y
jeter les détritus a du conduire certainement à creuser de nom¬
breux trous sur l'emplacement de la concession et dans ce cas,
il est peu probable que les tombes du Commandant Boenechea
et du matelot aient pu échapper à ce bouleversement du terrain.
G. LIDIN.
Capitaine de frégate
en
retraite
à Taut ira.
Des
applaudissements vifs et répétés disent au Commandant
l'assistance se rend compte du grand travail qu'il a entre¬
pris et mené à si bonne fin.
Le silence rétabli, M. le Gouverneur Bouge nous délecta de
l'allocution qu'on va lire:
que
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis d'autant plus heureux de patronner la quatrième fête
du folklore tahitien que les obligations de ma charge m'empê¬
chèrent d'assister à la troisième qui eût lieu à Punaauia pendant
que je voguais dans les Tuamotu sur une goélette dont le nom
est aussi gracieux que ses mouvements sont capricieux, quand
Société des
Études
Océaniennes
—
le vent souffle
en
tempête,
370
comme
—
il est fréquent
en ce
mois de-
septembre.
Grâce à
sa
ceinture de récifs et à
pendant le même temps, reste
son
lagon protecteur, Tahiti,
calmes et en perpétuel
en eaux
sourire.
Notre
distingué Président, aussi actif que pénétré du but de la
Société des Etudes Océaniennes
a eu, cette année, l'idée heureu¬
Tautira, sur l'emplacement de la mission Es¬
pagnole qui vécut dans cet agréable site de novembre 1774 a
novembre 1777. Pour situer, avec exactitude, cette place histo¬
rique, M. l'Abbé ROUGIER a eu la bonne fortune de rencontrer
M. le commandant L1D1N dont le savoir, la conscience et la per¬
sévérance ont eu raison d'une tâche particulièrement difficile.
Le travail précis, dont il vient de nous donner lecture, a nécessité
des recherches minutieuses; elles ne pouvaient être faites, avec
succès, que par un ancien du pays. Si vous deviez être étonnés
de ce titre donné à M. le Capitaine de Frégate LID1N, je rappelle¬
rais que l'enseigne de vaisseau LIDIN fit dé longues stations à Ta¬
hiti, de 1882 à 1885, que le souvenir de ces séjours fut si impérieux
que, devenu Commandant aux Messageries Maritimes, l'officier
de marine continua, sans interruption, de s'intéresser à l'Océanie
de sa jeunesse et que lejouroù, après une belle carrière sur mer,
il songea à la retraite, ce fut à Tautira qu'il dressa sa tente. Ainsi,
fortement imprégné de la nature et de la vie tahitienne, il était
indiqué pour mener à bien la tâche que lui confia notre Président.
se
de
nous
réunir à
Nous devons l'en féliciter cordialement.
Egalement nous devons nos félicitations à M. Charles Pugeault
qui, en cinq numéros du Bulletin de la Société des Etudes Océa¬
niennes, nous a donné, dans une excellente traduction, jusqu'au
14 juillet 1775, le journal de Maximo Rodriguez, premier euro¬
péen ayant habité Tahiti et particulièrement Tautira où il servit
^d'interprète â la Mission espagnole installée, il y a 155 ans, sur
remplacement où nous sommes réunis aujourd'hui.
Ce journal écrit sans prétention, qui nous dit, avec la direction
journalière du vent, l'éclosion des poussins et les "nuits sans
incident" n'en a pas moins le charme d'un récit d'aventures et
d'un document de psychologie. Nous y voyons que si le Tahitien
s'est transformé sur quelques points, il est resté profondément le
même
sur
d'autres.
Notre regret est que
ximo
le supplément au journal dans lequel Ma¬
Rodriguez décrivait les coutumes, les rites et les usages
Société des
Études
Océaniennes
371
—
—
des habitants de l'île, tels qu'il lui avait été donné de les observer,
durant une année, avec sa connaissance de la
langue, n'ait pu
être retrouvé. Ces observations, recueillies à une époque où la ci¬
vilisation européenne n'avait pas encore touché la race tahitienne,
auraient mis,dans une lumière favorable, un certain nombre de
questions ethnographiques livrées aujourd'hui à
tions et à
nos
nos
supposi¬
déductions.
Je fais des vœux pour que les travaux des savants et les inves¬
tigations de la Société des Etudes Océaniennes parviennent à
nous renseigner, le plus exactement
possible, sur un passé qui
mérite et qui a toute notre attention. Les loisirs des uns et des
autres, dans nos îles, ne sauraient trouver une meilleure utilisa¬
tion.
Je remercie le Président et le bureau de la Société de l'intéres¬
laquelle ils nous ont invités et, au nom de toutes
les personnes présentes, je leur renouvelle l'expression de notre
sante réunion à
très vive reconnaissance.
Des applaudissements prolongés retentissent
guiers et l'on va se retirer quand le Chef Raiai ii
sous
nous
les man¬
fait tous
remercier par son orateur.
Il est 14 h. 30. Les artistes et savants
du Bishop Museum, les
Wilder, les Emory, ont enfin fini de tourner.. Aurons-nous l'in¬
signe privilège de voir ces films à notre Salle de conférences?
Nous le souhaitons.
De petits groupes de pèlerins se dirigent vers le terrible marae
de Vaitaha, il n'y reste plus qu'un tas de pierres dispersées.
D'autres s'attardent à méditer sur l'emplacement de la maison,
indiqué
par
des feuilles de cocotier; d'autres enfin, font le tour
de l'enceinte de la concession
:
100 m. x 20 m.
Bientôt la
longue file d'automobiles reprit le chemin de Pape¬
ete, distant de 80 kilomètres, et les Tautira purent s'asseoir et
méditer sur ce qu'ils étaient il y a 150 ans encore.... Assuré¬
ment, l'évolution chez eux paraît aller plus vite encore que celle
de
nos
modes de locomotion..
.
Au revoir Tautira !
Au revoir Membres de la Société des
année
sur
Etudes, à
quelque autre point intéressant du passé !
une
autre
Le Président.
NOTE de la
RÉDACTION
:
Le Commandant
découverte extrêmement intéressante
le
Lidin nous communique une
qu'il vient de faire. Elle paraîtra dans
prochain n° du Bulletin.
Papeete.
—
Imprimerie
Société des
pu
Études
Gouvernement.
Océaniennes
Élfe
.
■
"
Société dès Etudes Océaniennes
BUREAU DE LA SOCIETE
Président
Abbé Rougier
Vice-Président
M. Deflesselle
Conservatrice du Musée
Mme E. Laguesse.
Bibliothécaire
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Trésorier
M. M. Mauney
,
Secrétaire-Archiviste..
M. Y. Malardé
.
M. E. Ahnne
Secrétaire de rédaction.
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ne
dette au
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Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 33