B98735210103_032.pdf
- Texte
-
1929
AOUT
Anthropologie
Histoire
—
des
—
Ethnologie
Institutions
—
et
Philologie,
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
—
Sciences naturelles
Tourisme.
IMPRIMERIE
DU
GOUVERNEMENT
ft PAPEETE
(TAHITI)
Société des Études Océani
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fois pour toutes.
rieur. Bulletins N° 17 et N° 29).
me
une
i° Le Bulletin continuera à lui être adressé,
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20 C'est la seule manière de recevoir le Bulletin
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30
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En
eottséquciice
:
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TOUS CEUX
Bulletin.
TOUS LES
à vie
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qui, résidant hors Tahiti, désirent recevoir le
jeunes Membres de la Société.
qui, quittant Tahiti s'y intréressent quand même
TOUS CEUX
p
%
DE
SOCIETE
D'ÉTUDES
%.
^vl/.*•€
\0.
LA
V. X
OCEANIENNES
If 4
(POLYNESIE ORIENTALE)
—S-**—-—-
TOME III
IV
32.
—
(N° 10)
AOUT 1929.
S O 3VH Js/L .A. T s, IE
r AGES
Histoire.
Journal de Maximo Rodriguez (1774-1775) traduction
de M. Ch. Pugeault (suite) Voir n0S 28-29-30-31
294
Histoire naturelle.
Noms des
requins des Tuamotu. (A. Hervé.)
317
Folk-lore.
Légende de Kuru (Jonas polynésien)
319
Philologie.
Noms des diverses
dialectes
parties de la pirogue dans divers
polynésiens
322
Divers.
Avis
au
sujet de la Salle de Lecture
Programme de la Fête du Folklore de
Société des
Études
323
1929
Océaniennes
324
i? %$££&$$$&!&»&$&& msmm
BXST.OXZIS
JOUUXAL Ï)E MAXIMO ItOMlIGUEZ
Premier
Européen ayant habité Tahiti
(Tantira).
1774—1775
(Suite.— Voir ncs 2S'-29-30-.3T)
(9 mai suite).
provisions faites nous partons pour le district de
la nuit. Vehiatua se
mieux.
Aussitôt les
Mataoae. Comme il est tard nous y passons
sent un peu
(10 mai).
Ciel serein et beau temps.
Comme la mer est calme j'en profite
pour emmener immédiatement Vehiatua à Vaiaotea :
suivront dès qu'ils auront recueillis les tributs d'usage.
les autres
Vaiaotea reçoivent en pleurs leur Arii qu'ils voient
incapable de se tenir debout. Les "tahua" ou prêtres
se rendent au marae et disent de longues prières. Pendant les
cérémonies du marae. suivant leurs coutumes, aucun feu n'est
Les ^ens de
bien malade et
allumé la nuit
le jour.
ou
A la tombée de la nuit les gens
de la suite de Vehiatua arrivent.
tambours toute la nuit. C'est
Aucun incident sauf le bruit des
une
manière à
eux
de
prier.
(il mai).
Ciel chargé de nuages et pluie. Vehiatua va plus mal. Les
"tahua" déposent tout autour de la maison des pousses de bana¬
niers Un peu plus tard Vehiatua se sent mieux, car j'ai réussi
transpirer, mais pas sans me fâcher avec son entourage,
qui voulait continuellement l'éventer pour inciter Eatua à se
à le faire
manifester.
(12 mai.)
s'apaise un peu et comme
déjà midi je propose à Vehiatua de partir à Tautira. L'arii
p irut très ennuyé de ma proposition et me dit que les "tahua"
ne le laisseront pas partir parce que partout leurs prières ont été
vaines et qu'Eatua ne s'est pas encore manifesté, impossible de
Ciel nuageux et
vent du Nord. Lèvent
il est
Société des
Études
Océaniennes
—
295
—
je pars seul. Je m'arrête la nuit au lieu dit Ahui,
qui fait partie du district de Vaiaotea. Rien d'autre à signaler que
ce qui suit.
Un de mes pagayeurs au milieu de la nuit se réveille saisi de
terreur et en poussant des hurlements. Ensuite il se met à mar¬
cher à reculons vers la mer en indiquant par des gestes pleins
d'effroi qu'il voit le Tupapau ou démon. J'avoue que je n'étais
pas très rassuré, car, j'étais seul avec cet homme dans la case,
mes autres pagayeurs étant allés dormir dans une autre case un
peu plus loin.
Je cherche à calmer mon homme par quelques paroles et quel¬
le dissuader et
ques
vérités d'inspiration chrétienne, mais voyant qu'en reculant
toujours il va tomber à la mer, j'appelle au secours mes autres
pagayeurs.
Dans l'intervalle
je m'aperçois que l'homme est dans un véri¬
extatique et qu'il ne répond plus quand je l'appelle par
son nom. 11 est sous l'empire du démon.
Mes autres pagayeurs arrivent et hésitent à intervenir, malgré
que je leur dise que des chrétiens n'ont rien à craindre du démon.
L'un d'eux s'enhardit et prenant une pousse de bananiers la
dépose aux pieds du possédé en priant le démon de ne pas leur
faire de mal. Le possédé se met ensuite à parler et déclare qu'un
de ses compagnons vient de mourir tout près d'ici dans une case.
11 affirme la chose avec tant d'autorité que je pars avec lui pour
me convaincre. Après avoir parcouru un bon bout de chemin et
traversé plusieurs petits ruisseaux nous arrivons enfin à la case
qu'il avait indiquée et nous fûmes tous déçus de voir que ses
table état
occupants dormaient à
poings fermés.
(13 mai).
Ce matin nous partons pour Tautira. Au port de "Santa Maria
Madgdalena " le vent passe au nord ce qui nous force de mettre
pied à terre à Irimiro.
J'apprends que Manuel est là et demande à me voir. J'y consens
et il vient à moi tout en pleurs et en demandant son pardon. Je
lui dis que nous ne lui conservons aucune rancune.
Il me raconte qu'il arrive de l'île de Tetiaroa, qui appartient à
Otu et qu'il avait quitté cette île parce qu'il s'y trouvait mal. 11
ajouta que lorsque la frégate arriverait il demanderait à retourner
à Lima. (Je doute qu'il soit sincère).
En entendant son discours je lui demande brusquement s'il
Société des
Études
Océaniennes
296
—
—
veut revenir à la Mission mais il
me répondit : Non. Il avait, di¬
après les mauvais traitements que
nous avions fait subir à divers
indigènes, à cela je ne répondis
rien car tout cela était faux, ou peu fondé.
Dans l'après-midi j'arrive à Tautiraet rends
compte aux Pères
de mon voyage. Belle nuit par vent du Sud.
sait-il, peur de
nous, surtout
(14 mai.)
Pluie
ce
matin. La
messe
est
dite, Brise du S. S. W. Rien de
particulier aujourd'hui.
(15 mai).
Beau temps et
douce brise du Sud. Quelques averses. On ré¬
pare une barrière avec des bambous apportés d'Irimiro. Nous
donnons un petit canif à chacun des indigènes
qui ont travaillé
pour nous.
Ils sont
réparé, l'autre
sera
nombre de six. Un côté de la barrière est
fait lorsque nous aurons reçu des bambous
au
de Taiarabu...
(16 mai).
Il
pleut ce matin mais la brise du Sud éclaircit le temps. Je m'or¬
ganise une petite chambre à l'intérieur d'une case en bambous
pour me soustraire aux regards des curieux...
L'après-midi Vehiatua nous envoie un serviteur me priant
d'aller chercher à Taravao la terre spéciale
que nous désirons
avoir pour fabriquer un four. Vehiatua donne des ordres
pour
que les indigènes mettent leurs plus grandes pirogues à notre
disposition.
(17 mai).
Beau temps.
Je pars avec le messager de Vehiatua qui doit
communiquer les ordres de son Arii aux indigènes. Ceux-ci met¬
tent à notre disposition sept pirogues doubles pour
le transport
de la terre pour le four. Je retourne ensuite à Tautira où
j'arrive
le soir avec la pluie. La nuit tonnerre et éclairs. La rivière com¬
mence
à déborder.
(18 mai).
Beau temps et brise du Sud. Nous faisons dire
de
nous
envoyer
aux
indigènes
des bambous.
Nous apprenons que Vehiatua va venir à
Tayarabu pour offrir
sacrifice à Eatua, et qu'il avait donné l'ordre de construire une
un
case sur un
des petits îlots-du havre de "Santa Maria
pour leur dieu et une autre pour
Vent N. W. toute la journée.
Société des
Études
Magdalena"
lui à proximité du marac.
Océaniennes
—
29?
—
(19 mai).
Ciel nuageux et
pluie fine. Je vais chercher du poisson et en
rapporte une bonne p:ovision,ce qui n'empêche pas notre pê¬
cheur de nous en rapporter encore
l'après-midi.
Je vais voir dans la vallée un semis de fleurs que j'avais fait. Rien
n'est sorti. Les indigènes me donnent deux
régimes de bananes
On m'amène, pour la
soigner, une femme atteinte de jaunisse.
Ses parents disent que c'est la colère de leur dieu
qui l'a rendue
malade.
Je dis à cette femme que le seul remède de cette maladie était
gaie et qu'elle irait mieux. Cette maladie vient ordinaire¬
d'être
ment de la
tristesse.
Trente et
un
petits poulets sont éclos aujourd'hui
:
nous
(20 mai).
Beau temps et calme. Un serviteur de Vehiatua vient
nous
avions trois
couveuses.
expliquer pourquoi les gens du district d'Afaaiti ne sont pas
venus nous apporter la terre
glaise pour faire notre four: ces gens
sont occupés à monter une maison pour leur
Arii, au district de
Vaiari.
Nous
est
la visite du fils de l'ancien arii Pahairiro. Cet enfant
avons
âgé d'environ dix à douze
ans et a
grand peur de nous parce
11 s'appelle Oteihiotu, ce qui
veut dire élevé au sein. Nous lui faisons de
petits cadeaux dont
il parait très content. L'après-midi
je vais voir notre pêcheur qui
qu'il
me
ne nous
avait pas encore
donne des
cocos.
vus.
Vent du S. E. et ciel clair la nuit.
(21 mai).
La
messe est dite de bonne heure.
Je vais ensuite dans la vallée
quête de bananes. Seize indigènes reviennent avec moi, char¬
gés de régimes ; on me donne aussi des anguilles et deux oiseaux
en
vivants.
L'après-midi je reçois la visite d'un des gens d'Otu. Cet homme
dit que tous redoutaient
beaucoup l'arrivée de la Frégate. Je
lui démontre qu'ils n'ont rien à craindre de nous. Avant de
partir
me
cet homme
me
donne de belles carangues.
(22 mai).
Ciel nuageux. Brise du Sud.
J'apprends que
tôt arriver.
J'apprends
en
Vehiatua
va
bien¬
même temps qu'un homme; du district d'irimiro
Société des
Études
Océaniennes
—
298
—
indigène avait toujours été dévoué pour
en particulière estime. Aussi je l'envoyai
chercher par une pirogue double bien aménagée avec une cou¬
chette, des couvertures et des draps.
Nous avons quelques pluies fines pendant la journée avec faible
était très malade. Cet
nous
et
nous
l'avions
brise,du N. W.
(23 mai).
Notre malade, nommé
Tomahotutao arrive et nous l'installons
PèreNarciso va le voir et
des maisons de Vehiatua. Le
dans
une
nous
lui envoyons
de la nourriture.
aujourd'hui et le pêcheur nous
poissoji, mais nous avertit qu'il ne voulait plus pêcher
avec notre filet parce qu'il en avait un autre appartenant à sa
fiille. 11 dit qu'il nous renverra le nôtre demain matin.
On
nous
apporte des bananes
donne du
L'après-midi
nous
allons voir le malade avec le Père Geronimo
apportons à manger. Le malade va
et lui
déjà mieux.
(24 mai).
journée et vent du Sud, Le pêcheur nous rend notre filet
confions à un de nos voisins. L'après-midi nous allons
porter à manger à notre malade. Le matin nous lui avions donné
une potion d'huile d'amande.. L'après-midi, le Père Narciso va à
la chasse et rapporte quelques canards et d'autres oiseaux.
Belle
que nous
Le malade
se
trouve
mieux. Nuit
sans
incident.
(25 mai).
chargé de nuages et calme. Notre nouveau pêcheur nous
apporte du poisson. Les indigènes nous apportent quatre piquets
de bois d"etoy" pour installer une étagère au-dessus de notre
foyer. Nous voulons ainsi mettre notre sel à l'abri de l'humidité.
Ciel
'(26 mai).
d'huile
pirogue nous apporte
Pluie et vent du Sud-Est. Nous donnons encore un peu
L'après-midi une
glaise de Taravao pour la construction
tuons un de nos cochons de Lima.
d'amande à notre malade.
la terre
Nous
de notre four.
(27 mai).
Pluie et vent du S.E. Le malade va
nous
apporte plusieurs régimes
Société des
de mieux
en
mieux. On
de bananes. Nuit sans incident
Études
Océaniennes
—
299
—
(28 mai).
Je vais ensuite dans la vailée cher¬
L'après-midi notre pêcheur nous apporte des
Messe dite de bonne heure.
cher des vivres.
carangues.
(29 mai).
indigène de Moorca qui avait travaillé quelques temps chez
apporte un petit cochon et des langoustes.
D'autres indigènes apportent des piquets que nous avions com¬
mandés pour réparer notre barrière. Comme ils n'apportent qu'un
paquet (car on ne trouve ce bois que sur les collines), notrematelot se met à les invectiver leur disant qu'ils auraient bien pu ap¬
porter cinq paquets au lieu d'un. A cela les indigènes répondirent
qu'ils étaient très fatigués et qu'ils mettraient cinq jours à apporter
la quantité demandée. Les Pères et moi étions de leur avis mais
pas le matelot. Ce dernier se met à grogner et à la fin dit qu'il
en avait assez de vivre en notre compagnie et qu'il allait nous
quitter. 11 part en effet mais revient à midi sans mot dire, prend
son repas puis repart aver son sac de vêtements sur le dos,
Les indigènes se mettent à réparer la barrière. Le soir le matelot
revient pour le souper. Mais reste muet.
Un
nous, nous
(30 mai.)
calme. Le matelot
quitte de nouveau. Notre pêcheur nous apporte du poisson
Messe dite de bonne heure. Beau temps et
nous
nous
lui donnons
un morceau
de calicot.
Un des serviteurs de Vehiatua
qui habite dans la vallée vient
le matelot est venu habiter chez lui et qu'il a
peur que nous en soyons fâchés. Nous le tranquillisons. A mi¬
di, le matelot revient : nous l'invitons à venir manger. 11 accepte,
et après le dîner s'étend pour faire la sieste. Comme nous pen¬
sons qu'il a envie d'emporter quelque chose pendant notre repos
nous avons l'œil sur lui. Je le prends ensuite à part et lui expose
qu'il serait désirable qu'il se reconcillie avec les Pères. Mes conseils
ne firent que donner coursa sa mauvaise humeur, cependant, le
soir il accepta de diner avec nous et répondit assez poliment aux
questions qui lui furent posées.
Nos cochons ont passé à travers la barrière du jardin et entre
autres dégâts ont dévoré les tiges du maïs que nous avions plan¬
nous
prévenir
que
té.
Société des
Études Océaniennes
—
300
—
(31 mai).
Beau temps et calme. Notre pêcheur nous apporte du poisson.
Nous en faisons frire une portion avec des œufs et les envoyons
à Vehiatua
qui se trouve actuellement dans une
havre de Santa Maria Magdalena (Vaiurua).
petite île du
Le matelot
quitte encore la maison et ne revient que le soir après
Nous le recevons avec bonté et j'essaie encore de le ser¬
monner mais peine perdue; il déclare que désormais il ne fera
plus de cuisine pour moi, et que ce n'est qu'à cette condition
qu'il restera. Je prie les Pères d'accepter la chose puisque ce sont
ses conditions de paix et de réconciliation.
Les parois de la maison sont refaites à neuf: désormais les
rats eux-mêmes ne pourront plus passer.
Le Père Narciso me demande de tenir notre pirogue prête pour
souper.
le lendemain où il veut rendre visite à Vehiatua. Mais les indi¬
gènes
nous
disent
que
demain
nous ne trouverons aucun pa¬
gayeur et que personne ne doit voyager sur
Vehiatua ou allumer du feu.
C'est qu'il paraît qu'un sacrifice humain doit
les territoires de
avoir lieu à l'îlot
Evaiotihi
pendant la nuit.
Ayant raconté la chose
Père, celui-ci décide de partir de
notre indigène convalescent
nous déposons à Irimiro. Sa famille nous reçut tout en
suite. Nous
que
larmes et
ne
au
emmenons avec nous
savait comment
nous
remercier.
Nous tirons deux coups
de mousquet pour avertir Vehiatua
présence et aussi pour qu'il nous envoie chercher. Peu
temps après une piroque vient nous prendre et nous nous
de notre
de
rendons
vers
l'Arii. Vehiatua est couché dans la cabine de
sa
pirogue et paraît très abattu. Il montre toutefois combien il est
heureux de nous voir et après une longue conversation nous
demandons la permission de couper quelques arbres pour réparer
notre maison. Il accorde la chose avec plaisir et après lui avoir
offert des poissons frits et des" biscuits nous nous retirons.
(ier juin).
Beau temps et calme. Nous donnons à Vehiatua, un matelas,
deux draps de coton, une couverture double : toutes choses qui
lui seront très utiles pour se
reux de ces cadeaux.
A
son
tour il
bien soigner: L'Arii fut très heu¬
fait présent d'un petit cochon de lait cuit à
indigènes qui ont conduit notre pirogue il
nous
leur manière ; aux
Société des
Études
Océaniennes
—
301
—
donne
également un gros porc tout prêt à être mangé. Après
prévenons Vehiatua que nous allons repartir puisqu'il
ne sera pas permis d'allumer du feu pendant toutes les cérémonies
qui doivent avoir lieu sur le marae d'un petit îlot consacré à
cela
nous
leur dieu Eatua.
Partout dans les environs
on ne voit aucune femme : leur pré¬
jamais tolérée pendant les cérémonies aux marae.
Par contre, tous les chefs appartenant aux territoires de Vehia¬
tua sont présents.
Au moment de quitter, un indigène que l'on disait possédé de
dieu, s'élance hors de sa pirogue, une pierre à la main. Le Père
Narciso, qui à ce moment examinait attentivement la nature du
sol environnant, ne vit pas venir le possédé avec sa pierre. Mais
des indigènes voyant qu'il allait tuer le Père s'emparent de lui et
le maintiennent. Mais déjà le Père Narciso se tenait sur la défen¬
sence
n'est
sive.
Je n'étais
là quand cet incident survint : je causais à Vehia¬
prières et cérémonies sur les marae des dis¬
tricts et je lui disais que le seul résultat visible de toutes ces
cérémonies était la rafle de tous ses cochons, sans amélioration
notable de sa santé. Et Vehiatua qui reconnaissait la justesse de
mon observation décidait de venir
prochainement à Tautira. C'est
à ce moment que le possédé entra dans la case de Vehiatua, en
grande surexcitation. Aussitôt on lui avance un siège et il com¬
mence à faire toutes les singeries et grimaces qui lui passent par
la tête. Vehiatua me dit alors que cet homme était teriible quand
leur dieu était en lui, que tout ce qu'il faisait ou disait était ins¬
piré. Il ajouta que celui qui l'empêcherait de parler ou d'agir serait
frappé de maladie.
Je dis alors à Vehiatua qu'on allait se rendre compte du degré
de sa puissance et, à haute voix je demande qu'on m'apporte
mon mousquet. Aussitôt il se met à me supplier de ne pas le
tuer, tandis que les assistants me demandent de ne pas insister
et de ne plus rien dire, parce que Vehiatua en subirait le contre¬
coup par une aggravation de maladie.
Après cela nous nous mettons en route, ne voulant pas être
témoins d'actes de barbarisme et nous gagnons la terre. Puis nous
nous dirigeons sur la baie de Santa Maria Magdalena.
pas
tua des incessantes
(2 juin).
Belle
journée
avec
brise du Sud. Pour éviter les discussions
Société des
Études
Océaniennes
—
avec
de
302
—
le matelot
je prends ma ration à part : le matelot est en effet
grincheux et morose. Je vais chercher des bananes
cochons.
nouveau
pour nos
(3 juin).
Ciel calme mais couvert. Nous refaisons avec soins les
parois
de notre maison. Vers midi le pêcheur nous
apporte du poisson.
Au repas
les Pères m'appellent pour me donner une portion de
leurs mets. Le matelot bondit et déclare
que s'ils font cela il re¬
fusera de faire la cuisine. Je voulais refuser ce qu'on m'offrait mais
l'insistance des Pères j'acceptai.
Brise du Nord le soir et vent N Ouest la nuit. Pas de
sur
pluie.
(4 Fa¬
ciei nuageux avec vent du S.S.O. et
peu après pluie et tonnerre.
se nettoie un
peu au S.E.
Les parois de notre maison sont terminées. Les six
A midi le ciel
indigènes
qui ont travaillé pour nous reçoivent, chacun un morceau de
cotonnade de Tocuyo et des boutons de verre. Le pêcheur nous
apporte du poisson.
La nuit, coups de vent, et averses. Le vent est si violent
que
l'on craint que la maison s'effondre.
(5 juin).
Messe dite de bonne heure. Beau temps et calme. Je remarque
que la mer n'est pas agitée et que la rivière malgré les pluies
torrentielles de la nuit, n'a pas grossi.
Vers midi
indigène vient
dire, de la part de notre pê¬
recevoir ma
part de vêtements et de victuailles. Cette réunion s'appelle un
'taurua". Pourma part j'eus trois manteaux d'étoffes indigènes
cheur de
me
un
rendre à
une
me
certaine réunion pour y
et du
porc rôti.
A la tombée de la nuit Vehiatua arrive de Vaiaotea avec sa
suite. On nous avait dit cependant qu'il n'arriverait que dans
trois
jours. Nous allons le recevoir sur la plage ; il a une très forte
nous faisons transporter sa pirogue-cabine dans un
grand hangar qu'il possède près de chez nous. 11 se laisse arran¬
ger comme nous voulons. Sa toux est profonde et ne lui laisse
fièvre, aussi
aucun
repos.
Au milieu de la nuit
de lui deux coques
ture très indigeste.
je retourne le voir et j'aperçois tout près
de noix de coco pleines de " popoi'', nourri¬
On cherche bien à faire disparaître le popoi,
Société des
Études
Océaniennes
—
303
mais trop tard. Je semonce ses
suivre mes conseils
—
serviteurs qui me promettent de
(6 juin ).
Ciel nuageux. La rivière à grossi.
La maison et le lit de Vehiatua sont
arrangés de façon qu'il soit
malade un pectoral qu'il
absorbe sans difficulté. Nous tuons aussi un poulet pour lui faire
du bouillon. Il est si content qu'il nous fait cadeau d'un énorme
bien abrité du vent. Nous donnons
porc...
Le soir
nous
donnons
au
malade
au
un
œuf battu et aromatisé de
canelle...
Lorsque nous nous retirons, la fièvre est tombée.
(7 juin)Beau temps et vent du Sud. Le breuvage pectoral que nous
donné à Vehiatua a fait bon effet. Le mieux s'accentue.
avons
Nous faisons
Père Narciso
un
de poulet. Pendant ce temps le
grand favori de Vehiatua, Taytoa.
autre bouillon
la barbe du
rase
indigènes s'amusèrent beaucoup de la chose.
L'après-midi on nous apporte des régimes de bananes du fond
Les
de la vallée. Le soir
nous
donnons
au
malade
une
bouillie de maïs
préparée à la mode de Lima....
(8 juin).
Beau temps
et calme. Je suis un peu
malade.
de fièvre ce matin mais comme il dit qu'il
a faim nous lui donnons un peu de bouillon de poulet. Nous
apprenons qu'il a encore mangé en cachette des mets indigènes.
Vehiatua
a un
peu
Nous lui disons notre mécontentement et
cesserons
mère
sa
l'informons
Mais
en
que nous
entendant cela
supplie de continuer à le soigner, que sans cela il
long ù se remettre....
faisons une étagère pour sécher notre sel qui coule con¬
nous
mourrait
Nous
de l'alimenter à notre façon.
ou
serait très
tinuellement.
L'après-midi nous préparons un peu de "quinua" (i), pour le
jper de Vehiatua. Il l'apprécia plus que toutes les choses que
nous lui avions servies jusqu'ici. Nous frottons ses jambes avec
so
du baume de Buda...
(1) Céréale cultivée
sur
les hauts plateaux des Andes, au Pérou.
Société des
Études Océaniennes
(9 juin).
Beau temps et vent du S. S. Ouest. Pas de changement appré¬
ciable dans l'état de santé de Vehiatua. Nous lui donnons un
peu
de chocolat : c'est ce qu'il aime le mieux.
L'étagère pour faire sécher le sel est terminée. Le pêcheur nous
apporte du poisson. Pou;* souper nous donnons un peu de poulet
à Vehiatua... Nous faisons une application de vin mélé d'anis
sur les jambes du malade, il n'a
plus de fièvre. Vent du Sud la nuit.
(10 juin)
Au
petit jour, légère brise du S. E. Vehiatua se sent mieux.
poulet au déjeuner.
Les indigènes nous apportent de grosses lianes pour réparer
la barrière de notre jardin. L'après midi le Père Narciso va à la
chasse. Pour souper nous donnons du riz à Vehiatua ; nous
faisons encore une application de vin et d'anis sur ses
jambes.
Il n'a pas de fièvre. Le soir le vent fraîchit. Un serviteur de Ve¬
hiatua vient me chercher, le malade tousse beaucoup et a de
Nous lui donnons du
nouveau
la fièvre.
(II juin)
La
messe
est dite de bonne heure.
Nous donnons à Vehiatua
peu de sirop de violette, ce qui le fait transpirer.
Le pêcheur nous apporte du poisson. Vehiatua se lève un peu
et marche sans trop de fatigue.
un
Après diner des pirogues doubles partent à Taravao pour y
qui doit nous servir à construire notre four.
Entre temps nous faisons remarquera la mère de Vehiatua
l'état de délabrement de la barrière de notre jardin: elle donna
aussitôt des ordres pour qu'il nous soit apporté des bambous
du district de Tipari.
Nous donnons un peu de riz à Vehiatua pour collation ; nous
lui faisons aussi une application de vin tiède et d'anis sur les
jambes.
chercher la terre
(12 juin).
On
din
répare les parties les plus délabrées de la barrière du jar¬
avec
des bambous.
Nous donnons
mère de
ce
un peu de chocolat à Vehiatua. La sœur de la
dernier fut autorisée à visiter notre mission. Les pi¬
rogues parties pour Taravao arrivent l'après-midi. Pour souper
faisons manger une tourterelle à Vehiatua.
Les chefs des divers territoires de Vehiatua retournent chez eux.
nous
Société des
Études
Océaniennes
—
308
—
(13 juin).
Beau temps et faible brise du S. Ouest.
Nous donnons un peu de chocolat à Vehiatua. Ce dernier quel¬
ques instants après, vient nous voir avec sa mère pour nous
annoncer qu'un homme du district de Mataoae avait été
surpris
en train de voler dans sa demeure de Vaiari. Son
gardien avait
tué le voleur, dont le cadavre allait être transporté
près du marae
de Taputupuatea, qui est le plus ancien de tous les marae de
l'île
( ).
indigène de Moorea est arrivé ici essayant de provoquer
une querelle, mais personne ne fait attention à lui.
Nous portons au bord de la rivière, la terre qu'on nous a ame¬
née de Taravao, afin de l'humecter. On débrousse le
jardin pota¬
ger : nous donnons quelques boutons de verre aux indigènes
qui ont travaillé.
L'après-midi le Père Narciso va à la chasse mais revient bre¬
Un
douille.
(14 juin).
Beau temps, forte brise S, Est. Nous donnons du chocolat à
Vehiatua dont la santé s'améliore de jour en jour.
Grande affluence de monde aujourd'hui : on
présente à l'Arii
jeunes hommes que l'on engraisse et que l'on nomme "Ehuapipi".
J'apprends ce jour qu'un vase de pierre noire qui a été fabriqué
à l'île de Maurua, est en possession de l'Arii Otu. Ce vase artistement travaillé lui a été offert en présent par l'Arii de Raiatea.
A midi le vent passe au nord. J'apprends encore
qu'une ancre
est au fond de la baie d'Arahero, tout près de chez nous. Les
indigènes disent qu'il ne serait pas bien difficile de l'avoir car il
n'y a pas grand fond. Il paraît établi que cette ancre a été aban¬
donnée par un vaisseau anglais qui, un jour de forte houle et de
vent violent, quitta précipitemment cette baie
pour se réfugier
les
dans celle de Matavai.
Pendant la nuit la brise passe au
S. Est. On vient me réveiller
aller voir Vehiatua repris par la fièvre et une toux sans arrêt.
Je lui donne un potion de sirop de chicorée.
pour
(15 juin).
Au
petit jour le vent est S. Ouest. La
(1) II, y avait un grand charnier attenant
déposait les victimes humaines.
messe est
au marae
l'ou
Société des
Études Océaniennes
de
dite.
Taputapuatea où
—
Nous habillons
dans
viel habit
un
306
—
e petit frère de Vehiatua nommé Guatupua,
qu'avait abandonné Manuel. La mère de l'en¬
fant est très touchée de cette attention...
Le Père Narciso est
peu souffrant. Je vais me promener
petit frère de Vehiatua, revêtu de son habit, jusqu'au
district d'Ahui : les indigènes s'amusèrent beaucoup de le voir
un
le
avec
ainsi vêtu.
Le soir à
que
retour, j'apprends que le matelot, pour chercher
Pères, leur avait demandé de la nourriture, alors
tout est à sa disposition, qu'il ne demande jamais rien et se
sert
comme
querelle
mon
aux
il veut.
(16 juin.)
Beau temps et calme. Nous donnons une potion de sirop de
chicorée a Vehiatua. Celui-ci nous fait envoyer un petit cochon
cuit
au
four.
Cet
la
après-midi cinq petits poulets s'échappent
barrière du poulailler.
par un trou
de
(17 juin).
De bonne heure
donnons
purge à Vehiatua: deux
magnésie dissoute dans un peu d'eau. Nous lui faisons
un
ragout avec un poulet qu'il nous a envoyé. Nous lui faisons
cadeau d'un petit cochon de notre élevage. Les gens du district
d'Ahui viennent apporter des présents à leur Arii: vêtements,
porcs et autres victuailles.
Un des étrangers de l'île Matahiva, vient nous rendre visite et
nous raconte que l'Arii de Vaiuru, nommé Tuivivirau, lui a volé
quatre belles perles.
Le surplis qui nous avait été volé nous est restitué grâce à l'in¬
nous
une
ônces de
tervention de Vehiatua.
La purgea fait beaucoup de bien à notre malade.
Vers deux heures de l'après-midi un indigène s'est
introduit
poulailler. Le Père Geronimo en entendant le vacarme
fait par nos poules couveuses, nous appelle aussitôt. Nous nous
précipitons, mais trop tard pour attraper le voleur qui a réussi
à se cacher on ne sait où. Nous ignorons ce qu'il a volé.
dans notre
(18 (uin).
la messe je vais voir
de poules mais me
dit de faire des recherches et de questionner les indigènes comme
si je ne savais rien. Je fais comme il me dit et le coupable avoue
Beau temps et fraîche brise du S. Est. Après
Vehiatua. Il médit qu'il connaît notre voleur
Société des
Études
Océaniennes
—
307
—
faute. Le voleur
me
supplie de ne rien dire à Vehiatua et aux
Je lui promets et aussitôt il se met en route pour aller
chercher nos poules à Afaaiti.
sa
Pères.
Nous donnons du chocolat à Vehiatua. Les
indigènes
nous
apportent des bambous pour la barrière du jardin potager dont
répare une bonne partie.
grande danse ou " heyba" a lieu en l'honneur de Vehiatua.
Les voleurs rapportent deux des cinq poules volées mais elle
sont dans un état complet de décomposition car ils
les avaient
tuées en les prenant. Vehiatua connaît le voleurde poules. Devant
les Pères je lui demande quel va être le châtiment du
coupable
mais il me fait signe de me taire et de ne pas le questionner à ce
sujet.
Taytoa son favori, nous révèle ses intentions et nous dit que le
coupable sera tué, qu'on lui arrachera les yeux qui seront portés
en offrande au marae. Quant à son
corps il sera précipité dans la
mer avec une
grosse pierre pour l'empêcher de venir à la surface.
Quand j'appris tout cela aux Pères ils me dirent d'aller en toute
hâte vers Vehiatua et de lui demander de changer la peine en un
autre châtiment, le banissement par exemple.
Pendant la nuit nous croyons entendre des voleurs dans le
grenier mais ce n'est qu'un effet de notre imagination.
on
Une
( 19 juin}.
Beau temps. Le vent S. E. continue à souffler.
Vehiatua me fait demander et me remet une poule volée sans
me dire quelle sera la punition du
coupable. Sur nos instances
le voleur est condamné au bannissement immédiat...
(20iuin).
Beau temps et faible brise du
à Vehiatua qui continue à aller
S. E. Nous donnons du chocolat
mieux. Nous lui portons aussi à
à midi.
Je pars ensuite pour "Puerto de la Virgin" dans le but d'y
trouver une pirogue-cabine : le Père Narciso a en effet, le dessein
de faire le tour de l'île. A mon arrivée je fus reçu par les deux
Arii de Vaiuriri et d'Atimaono. Ces deux chefs se rendaient
auprès
de Vehiatua pour le féliciter d'être de nouveau en bonne santé.
Ils me firent de nombreux présents entre autres une natte très
finement tissée que je ne voulais pas accepter parce que
je ne
pouvais rien leur offrir en retour. Ce que voyant ils me la roulèrent
manger
Société des
Études Océaniennes
—
autour du corps.
308
—
Après cela, je retournai à la maison
:
il faisait
nuit.
(21 juin).
Beau temps par vent
mets
indigènes. Il y
Dans l'après-midi
du Sud. J'autorise Vehiatua à manger des
danse ou"heyba" aujourd'hui.
un groupe d'indigènes des territoires d'Otu
a encore
viennent rendre visite à Vehiatua..
(22 juin).
Faible brise du Sud
petit jour. Une foule énorme arrive de.
Vaiuriri. Ils se livrent à toutes sortes de jeux en l'honneur de
Vehiatua. Mais surviennent des rixes et des bagarres qui nous
nous obligent à nous tenir à l'intérieur de notre maison,
prêts à
au
toute éventualité. La mère de Vehiatua vient toute
en
larmes
nous
demander de
prendre son fils sous notre protection, ce que nous
acceptons volontiers...
L'après-midi nous autorisons les Arii de Vaiuriri et d'Atimaono
à visiter notre demeure avec leurs épouses.
(23 juin).
Belle
journée et brise du Sud. Le pêcheur nous apporte du
poisson.
Nous donnons du chocolat à Vehiatua qui va toujours de mieux
en mieux ce dont tous s'émerveillent. Une
partie de la barrière
du jardin potager est refaite. Un oncle de Vehiatua malade vient
se faire
soigner chez nous.
Après-midi, à la suite d'une altercation, Vehiatua et les Pères
font la paix. Le motif de la dispute était que Vehiatua avait re¬
fusé de donner au Père Narciso une chaise de pierre sculptée en
retour des bons soins qu'il lui avait prodigués. Le même Père
va ensuite à la chasse et rapporte un canard.
(24juin).
La
messe
est. dite. Vent du Sud très vif.
J'assiste à
Vehiatua et
nous
un
combat de coqs. Nous donnons du chocolat à
préparons un gargarisme pour son oncle qui
nous
est arrivé du
district d'Atehuru
gorge. Les deux oncles
visiter notre maison.
avec
un
violent mal de
de Vehiatua reçurent la permission de
(25
juin)
Toujours vent du Sud. Nous donnons une potion calmante
gargarismes ont soulagé.
malade d'Atehuru que nos
Société des
Études
Océaniennes
au
—
On
nous
309
—
apporte du poisson. Grandes danses aujourd'hui en
se couvre de nuages dans
la soirée
l'honneur de Vehiatua. Le ciel
et le vent passe au
Sud-Est.
(26 juin).
Vent du Sud S. Ouest. Le Père Narciso à
son
réveil
se
trouve
très
la
fatigué. Vehiatua retombe malade. Ciel couvert presque toute
journée.
(27 juin).
Le Père Narciso
mieux. Vehiatua aussi.
Je mets en état
visiter les territoires d'Otu avec
me faire un présent
pour me ré¬
compenser d'avoir guéri son parent, mais je refuse en disant
que nous considérons comme un devoir de leur porter assistance
dans la maladie. J'ajoutai que notre souverain lui-même soignait
et assistait les pauvres et avait créé des hôpitaux pour ceux qui
ne pouvaient se soigner chez
eux. Ces paroles les remplirent d'ad¬
va
pirogue-cabine
pour aller
le Père Narciso. Vehiatua veut
une
miration.
(28 juin).
Beau
temps et brise du Sud. Le pêcheur nous apporte du pois¬
son.
Les
indigènes font aujourd'hui un grand concours
Le Père Narciso et Vehiatua vont bien.
de tir à l'arc.
(29 juin).
Beau temps et vent du Sud. La messe est dite.
Au petit jour nous trouvons notre singe mort.
gènes pleurèrent (1). Le Père Narciso souffre
lence.
Tous les indi¬
de sa flatu¬
encore
'
(30 juin).
Beau temps et fraîche brise du Sud.
Le Père Narciso va mieux et Vehiatua
plus mal. Ce dernier à
indigestes. Sa mère et son beau-père viennent
nous présenter un
petit cochon de lait et une pousse de bananier
demandant d'excuser Vehiatua et de ne pas lui en vouloir.
Nous ne les reçûmes pas, nous excusant d'être très occupés.
Je termine la réparation de ma pirogue puis j'administre un sudoriflque à Vehiatua.
abusé de leurs mets
(1) C'est la seule fois qu'il est fait mention du singe de la Mission. C'était
probablement le premier que voyaient les habitants de Tahiti.
Société dès
Études
Océaniennes
—
310
—
Forte brise du Sud la nuit. Vehiatua est
épuisé par sa toux
Je lui donne une potion calmante. Sur ses instances, je
la nuit près de lui.
tenace.
passe
(ier juillet).
Beau
temps et bonne brise du Sud. Vehiatua va mieux
je monte la cabine sur
rogue, car demain je partirai faire le tour de l'île.
lui donnons du chocolat. A midi
: nous
ma
pi¬
(2 juillet).
La
messe
est dite de bonne heure. 11 fait beau et
nous avons
brise du Sud.
Je pars pour mon tour de l'île. A midi j'arrive à
Afaaiti, où je rencontre la mère de Vehiatua avec un groupe d'in¬
digènes occupés à couper du bois de construction. On donne à
manger à mes pagayeurs et je repars pour Ohitia où je passe la
nuit. Je suis l'hôte du chef et de sa famille.
(3 juillet).
Beau temps et vent du N. Ouest. Je quitte Ohitia et vais rendre
visite à l'Arii Oreti. Ce dernier m'offre deux cochons cuits à la
mode tahitienne et aussi divers vêtements indigènes.
Comme
vent debout je décide d'attendre un temps
qui me donne le loisir d'explorer ce district
très étendu et très peuplé. Je vais vois le havre où deux vaisseaux
français ont séjourné. L'un de ces deux vaisseaux perdit une
grosse ancre, qui, je l'ai dit plus haut, fut transportée à Raiatea.
Le vent ne mollissant pas, je me rends par terre jusqu'au lieu
appelé Ohaena où commençent les territoires d'Otu. J'arrive après
le coucher du soleil, mais mes pagayeurs qui ont lutté contre
une mer démontée me
rejoignent très tard dans la nuit. Le chef
de l'endroit me reçoit avec beaucoup
d'égards. La nuit se passe
nous avons
plus favorable,
sans
ce
incident.
'(4 juillet).
Beau temps et violent vent du N. Ouest qui m'empêche de
par¬
tir. Je visite le district d'Ohaena qui n'est pas bien
grand puis¬
possède qu'une vallée. A cet endroit la mer n'a pas de
récifs (i), la plage a un beau sable et un ruisseau descend de la val-
qu'il
ne
(1) Maximo se trompe ; il y a un récif mais à une profondeur de 2 ou 3
brasses, suivant les endroits. C'est ce récif que toucha l'Aguilla en 1772 ; c'est
au même endroit
que la frégate française },Artémise ", faillit se perdre en 1839.
(Note du Dr Corney).
Société des
Études
Océaniennes
—
311
-
qualité : je donnai quelques graines
chef. Ce dernier me montra une chatte qui avait
les anglais. Lorsque je lui eus dit que nous possé¬
dions de semblables animaux, il me donna la chatte pour qu'elle
puisse avoir des petits.
A midi je repars malgré le vent contraire ; nous accostons à
une pointe de récif et en peu de temps nous gagnons le district
d'Otiarei, dont Hinoy, frère d'Otu est l'Arii. Hinoy est absent,
mais ses gens me rendent tous les honneurs dus à un Arii. On
me fait présent de vêtements et de porc rôti. Nuit sans incident.
Ce district est très peu peuplé : ses bords de mer sont très es¬
carpés et rocheux.
lée. Le sol est d'assez bonne
pour essais au
été laissée par
(5 juillet.).
jolie brise du S. Ouest. Accompagné par un fort
groupe d'indigènes, je gagne par terre le district de Nonohea,
propriété de la mère d'Otu. A cet endroit je remonte en pirogue
parce que que le chemin par terre est trop accidenté. 11 y a une
Beau temps et
rivière dans la localité
avec un
bon débit d'eau.
Il n'a pas
de récif extérieur.
A midi j'arrive au district d'Apayano, dont un frère d'Otu est
Arii. Celui-ci vient me saluer et m'invite à me reposer chez lui.
En attendant que mes pagayeurs aient pris leur repas, je visite
les lieux, à pied. Il y a une gorge profonde avec des sentiers
courant dans diverses directions ; il y a aussi une rivière assez
profonde que peuvent utiliser les pirogues. C'est tout ce que j'eus
le terrtps de voir, car il se faisait tard et je voulais aller passer la
nuit à Matavai. L'Arii chargea ma pirogue de deux cochons, de
deux filets et de divers vêtements indigènes. Apayano est un dis¬
trict très étendu et peuplé. Ses bords de mer sont assez bons,
mais ne sont pas protégés par un récif extérieur.
A la tombée de la nuit j'arrive à Matavai et suis reçu par l'Arii
et son peuple. La foule est si dense que j'en suis accablé. Chacun
veut m'adresser la parole et cherche à venir au premier rang. Il
m'est impossible de comprendre ce qu'ils me demandent à
cause
des cris et des hurlements.
de ma gêne m'entraîne dans une de ses
place des sentinelles tout autour. Ecœuré de voir une
cohue si répugnante je déclarai à l'Arii que j'allais repartir pour
Tautira, parce que je craignais que de semblables scènes se re¬
nouvellent à Opare. Alors l'Arii envoya prévenir Otu de venir me
L'Arii s'apercevant
cases
et
Société des
Études Océaniennes
—
3l2
—
prendre et, en effet, vers minuit, Hinoy (non Otu) vint me cher¬
cher, et, les yeux en larmes et en m'appelant par son nom, il me
supplia de venir à Opare, où toutes précautions seraient prises
pour me soustraire au vacarme de la foule, j'acceptai donc et la
nuit
se
passa sans
incident.
(6 juillet).
Beau temps et calme. Une grande foule
d'indigènes se rassem¬
blent de nouveau. Pour en tirer partie, je les fais asseoir et
passa
ainsi un bon moment à causer avec eux. Puis
je vais dans les
environs pour examiner l'étendue du district de Matavai. Mon avis
est que
c'est le plus beau des districts que j'ai vu et ce, aussi
bien pour sa superficie que pour la richesse de son sol et la den¬
sité de sa population. Les indigènes,
me montrèrent l'endroit où
l'Anglais construisit
sa
terre resserrée entre
un
maison. C'est
petite langue de
petit ruisseau et la mer. A part un mor¬
ceau de câble je n'ai rien retrouvé de la
construction, car il fit raser
la maison avant de partir. Deux vaisseaux ancrèrent à cet
endroit
et les indigènes appellent l'un deux Otute et l'autre
Opono.
J'examinai aussi le port, mais ici je n'ose exprimer une opinion,
car je n'ai pas de connaissances
nautiques. Je peux toutefois dire
que ce port me semble bon, à cause de ses eaux tranquilles et
profondes.
Je pars ensuite pour Opare où j'arrive à midi. Je suis reçu par
Otu, sa famille et tous les Arii présents. Tous viennent me souhai¬
ter la bienvenue et me drapent d'étoffes
indigènes, ce qui indique
le plaisir qu'ils ont de me voir (surtout
qu'Otu m'appelle son
frère). 11 y avait également grande foule mais l'ordre était si par¬
fait qu'il me fut aisé de causer très
longtemps.
Otu ordonna de placer ma pirogue à coté de la sienne, dans un
endroit où il est interdit de passer. La nuit se
passa sans incident.
sur
une
(7 juillet).
On
montre tous ce que
l'anglais a laissé ici. Il y a des épagneuls, des chèvres, des cochons, une oie, deux moutons, de
menus objets de quincailerie et de mercerie.
Ces derniers objets
pendent aux poutres d'une grande maison de 105 pieds de lon¬
gueur élevée à la gloire de l'Arii Otu.
L'après-midi, je distribue des graines de fleurs et de fruits, dans
l'espoir qu'elles donneront quelque chose dans un terrain si fer¬
me
tile. Nuit
sans
incident.
Société des
Études
Océaniennes
—
313
—
(8 juillet).
Beau temps et
calme. Je fais une distribution de menus objets,
canifs, etc. L'après-midi on vient m'offrir des filets de pêche,
des pirogues et un tas de victuailles et de vêtements
indigènes.
J'emporterai tout cela avec moi demain matin. Belle nuit, sans
de
incident.
(9 juillet).
Beau temps et calme. Je pars par voie de terre avec tous les
Arii et leurs gens. C'est en effet la coutume à Tahiti, d'accom¬
invité, jusqu'aux confins du district voisin, de renou¬
ses provisions et de prendre congé de lui avec
force larmes. C'est ce qui eut lieu en effet. J'eus ainsi l'occasion
de traverser le district d'Opare dans toute sa
longueur, c'est un
district pittoresque et très peuplé. J'ai vu là, les plus belles mai¬
sons de l'île. Le sol est excellent, il
y a d'immenses vallées très
peuplées et la partie inférieure des coteaux, est parsemée de
belles plantations. Les montagnes sont moins boisées que celles
pagner un
veler, à cet endroit
des territoires de. Vehiatua. A midi
nommé
Efareura, où je
passe
la nuit
nous
sans
arrivons à l'endroit
incident.
(IO juillet).
Beau temps et calme.
Je prends congé des chefs et pars accom¬
pagné d'un frère d'Otu, qui doit me ifaire remettre un vase de
de pierre noire artistement travaillé. C'est un trésor
unique. Les
indigènes m'en avaient souvent parlé. Propriété del'Arii Otu, ce
dernier, sur mes instances, avait consenti à m'en faire cadeau. Ce
précieux vase se trouve au district d'Atchuru, au grand marae
Cette
photographie du UMETE de Maximo fut envoyée en hommage
Papara, par le D1' Gamville CORNEY qui avait
photographier le précieux vase au Musée de Madrid où il est encore.
Chef TATl SALMON de
Société des
Études
Océaniennes
au
pu
où l'on prête serment à l'Arii. Le frère d'Otu, dont je viens de
parler, venait avec moi pour ordonner au gardien du marae, de
me remettre
l'objet, et, comme il avait été déjà offert en présent
à Eatua, j'avais grand peur de ne pouvoir l'obtenir.
Le marae en question s'appelle " Taputapuatea" ; le dieu au¬
quel il est consacré est"Oro", et la localité s'appelle" TePunaauia". L'après-midi j'arrive au district d'Otetaha (Faâa) où je
m'arrête, d'abord parce que l'Arii est oncle d'Otu, ensuite parce
que cet Aril possède les perles, qu'à Lima, Thomas Pautu et
Manuel Tetuanui, nous avaient déclaré être la propriété de la
belle-sœur de l'Arii Potatau, chef du district d'Atehuru. Après
avoir été volées, ces perles sont actuellement entre les mains de
Tetuahutia, épouse de Teapu, chef du district d'Otehaha.
Ce sont trois belles perles. L'une d'elle est semblable à celle
que j'avais achetée pour notre regretté Commandant. Les deux
autres sont rondes, d'un bel orient, mais bien moins grosses
qu'on nous avait dit. Elles ont la grosseur d'un poids chiche.
Tetuahutia en fait grand cas, elle m'a même demandé une pe¬
tite boite pour les renfermer. Malgré tous mes efforts, il m'a été
impossible de m'en rendre possesseur.
La nuit se passe sans incident, malgré la foule. Otetaha est un
district très peuplé. Il y a de jolies maisons ; l'une d'elle, celle du
Chef ne mesure pas moins de quatre-vingt trois pas de long. Les
bords de mer sont plats et intensivement cultivés. Les collines
ne sont pas
du tout boisées.
(il juillet).
Beau temps et calme. Dès que j'ai trouvé des provisions pour
les gens de ma suite, je pars pour le district d'Atehuru. où nous
arrivons l'après-midi. L'Arii Potatau me reçoit dans sa demeure,
mais
je suis si incommodé par la foule, que remontant dans ma
pirogue avec mes hommes je vais ancrer au large. Le soir je re¬
viens à terre. Pendant que je causais avec le Chef, une lueur
rouge apparut dans le ciel. Les indigènes terrorisés déclarèrent
que c'étaient une manifestation de leur dieu. (C'est cependant
un
phénomène très commun que j'ai souvent observé à Lima,
pendant les grandes chaleurs).
Le reste de la
nuit,
sans
incident.
(12 juillet).
Je pars pour " TePunaauia ", où
Société des
nous
Études
arrivons à midi. Le frère
Océaniennes
—
315
—
de l'Arii Otu
(i), met pied à terre et prenant à la main une pousse
bananier, s'avance vers une petite case située dans le marae.
Aussitôt le vase de pierre m'est remis et je le fais porter
par
quatre hommes sur ma pirogue.
Ce marae est très grand. C'est là que "l'on prête serment à
de
l'Arii".
Pendant cette cérémonie, une partie des assistants l'acclament
criant: " Arii, Arii", tandis qu'une autre partie pousse le cri
de : " Maeva, Maeva ".
en
Je
le
grand nombre de crânes et d'os¬
des restes d'hommes
qui ont été sacrifiés à Eatua. Je remarque aussi trois cochons
rôtis placés sur une plate forme, pour le dieu. Il y a aussi une
petite case faite de lianes, où l'on dit que Eatua vient prendre
remarque sur
sements humains
:
marae un
on
me
dit que ce sont
son
repos.
Le frère d'Otu retourne ensuite à
voyage.
rement
sans
Opare et je poursuis mon
Je m'arrête chez l'Arii Teahatu, vieillard extraordinaicorpulent, qui me donne l'hospitalité. La nuit se passe
incident.
(13 juillet).
Beau temps
mais violent vent du Sud, qui retarde mon départ.
Accompagné d'indigènes, je visite les lieux. De retour à mon
campement je m'aperçois que l'on m'a volé mon vase de pierre. Je
suis si furieux, que je menace tous ceux qui m'entourent. Cepen¬
dant, après une courte enquête,« j'apprends qu'un oncle de Vehiatua, qui se trouve dans la région, a pris le vase et l'a enterré
dans le sable, pour l'emporter par la suite. Je fais immédiate¬
ment creuser à l'endroit indiqué et, après bien des émotions, je
retrouve
mon
trésor.
Pour le coup,
je passe moi-même la nuit auprès du précieux
objet. Le vent est toujours sud, mais moins violent.
(14
juillet).
Beau temps et
forte brise du Sud. Je pars pour Papara qui est
après Atehuru. Ce dernier est le plus grand de tous
les districts de l'île. Il est assez peuplé. Les bords de mer ont du
sable blanc, tandis qu'à partir de Papara, le sable devient noir.
Nous voguons pendant une partie de la nuit. Nous mettons
le district
(i) C'est Hinoy
ou
peut-être Arii-paea, tous deux demi-frères d'Otu.
Société des
Études Océaniennes
—
316
—
pieds à terre au centre du district où réside l'Arii. Ce dernier me
reçoit avec beaucoup d'affabilité, me donne une jolie maison
pour me reposer et
la nuit
se passe sans
incident.
(2) Maximo décrit bien sommairement et bien imparfaitement Papara.
Terehe, il dut être reçu par le Chef Tevahitua-i-Palea
mieux connu de Cook et de J. Banks, sous le nom d'" Amo
époux d'" Obcrea " (Purea), "la reine de
Wallis
Il est bien regrettable qu'il ne nous donne
pas plus de détails sur les deux
ournées passées sous le toit
hospitalier du Chef de Papara.
Je profile de l'occasion pour dire le plaisir
que j'eus, cent trente-Irois ans
après Maximo, d'être reçu par l'Arii de Papara, Chef des Teva et Président
du Conseil de district. Lui aussi " me reçut avec
beaucoup d'affabilité, me don¬
na une
jolie maison pour me reposer, où je passai plusieurs nuits sans inci¬
dents " autres que de très agréables..
J'eus aussi d'intéressantes et instructives conversations avec mon
hôte, sur
Maximo, ses promenades et ses contemporains de Tahiti. (Note du Dr Corney).
Arrivé de nuit à
(à suivre).
Société dés
Études
Océaniennes
HISTOKSS
Les
(Communiqué
par
IfATllirilliXXIO
requiias «les Tuamotu
M. F. Hervé Administrateur des Tuamotu).
Harava. Gris clair uniforme,
allongé, atteint trois brasses.
répandu dans les lagons et les passes et de mœurs pacifi¬
ques. (Il n'ouvre jamais les hostilités contre l'homme mais on as¬
sure que sa
vengeance est implacable quand il a été attaqué et
blessé).
Raira. Gris sombre, gros ventre blanc; sa peau est très
fine;
n'attaque pas l'homme. Espèce très nombreuse qui réside dans
les lagons et les passes. Atteint deux brasses.
Maori ou Vaki. Gris pâle avec un triangle
noir au bout des
ailerons. Il n'attaque pas l'homme mais il est redoutable au pê¬
cheur dont il détruit voracement le poisson. Atteint deux bras¬
ses et habite les
lagons.
Très
Ruruki. Gris sombre
avec
les ailerons tout noir. Atteint
une
brasse
1/2 n'attaque pas l'homme et vit dans les passes et lagons.
Rohoi. Grand requin gris sombre, ventre blanc,
peau épais¬
se, larges ailerons. N'attaque pas l'hômme (il n'a d'ailleurs qu'u¬
ne petite bouche en forme de mufle, seulement
apte a la succion)
Il serait très paresseux au point de s'endormir au soleil, en trou¬
pe la tête de l'un sur le dos du voisin. C'est le moment que choi¬
sissent les pêcheurs pour les attraper au moyen de nœuds cou¬
lants passés aux ouïes. Les indigènes sont très gourmands du
foie qui n'est pas empoisonné. Il atteint de deux à trois brasses.
Il y a une espèce qui vit au large et qui est gris sombre, et une
autre gris blanc qui vit dans les lagons.
Torirc. Gris sombre, petite taille ; il n'atteint pas
une brasse.
Le plus doux des requins. Il vit au large près des côtes,
Tapete. Gris blanc, le bout des ailerons blanc; très méchant
il attaque l'homme. Environ une brasse et demi. Il vit dans les
lagons.
Maire. Gris, peau très lisse et brillante, grande taille trois bras¬
ses; les indigènes prétendent que sa chair est sans odeur et ils la
mangent.
Tagulukau. Requin noir
Société dés
a
tête très pointue, féroce pour
Études Océaniennes
—
l'homme, réside
et demi à trois
au
318
—
large et près des côtes. Atteint deux brasses
brasses.
Tamataroa. (ou requin marteau) gris pâle uniforme, tête aplatie paraît très rare et habite le large. Très méchant et redouté.
Très grande taille (3 brasses).
Parata. Gris clair uni, atteint deux brasses et demi, habite le
large; féroce et anthropophage. Il est si hardi qu'il vient coller
sa
tête
au
flanc des bateaux.
Les
indigènes appellent aussi Mao (requin) une immense bête
(de 6 à 7 mètres) aussi large que longue qu'en rencontre dans
les îles de l'Est et qu'ils appelent le Paloke, il est brun rouge a
grands cercles noirs parsemés. Naturellement il habite le large.
Il est extrêmement redouté. Je le cite pour son caractère téroce et
la crainte qu'en ont les indigènes; et bien que ce ne soit pas un
requin, (sa queue est régulière et il a de grandes dents.)
NOTE: Aux requins ci-dessus, M. Hervé aurait pu ajouter le
Ityncodon typus (Whale Shark) puisque c'est grâce à lui que
nous avons au Musée une peau de ce requin si rare et extraordi¬
naire.
RARE, puisque à peine 7 à 8 Musées ont la bonne fortune d'en
posséder un spécimen.
EXTRAORDINAIRE, parce qu'il diffère tellement des autres
requins.
Voici ce qu'en disent M. M. E. W. Gudger et W. H. Hoffman
dans le New York Américan Museum Novitates du 5 juin 1928.
Ils décrivent un Ryneodon pris près du port de Havana, Cuba.
Il mesurait, disent-ils, 32 pieds de long et son poids fut estimé à
9 tonnes.
Sa peau
avaitdeux
tonne. Son foie
43
ne
pouces
pesait
d'épaisseur et devait bien peser une
moins de 300 livres et son cœur
pas
livres.
L'épaisseur du
corps à son-plus grand diamètre était de 6 pieds.
Sa tête était très large et les yeux étaient fixés juste aux coins
de la bouche, laquelle était immense.
Ses dents semblaient faire partie de ses lèvres; 20 rangées lon¬
gitudinales et 300 transversales, les plus longues dents ayant
1/8 de pouce, ce qui donne environ 6000 dents pour chaque mâ¬
choire, et sont toutes légèrement recourbées vers l'intérieur, de
telle sorte qu'elles sont plutôt pour retenir la nourriture que poui
la couper ou la broyer.
Société des
Études
Océaniennes
La peau était mouchetée de larges taches blanches et extrême¬
rugueuse,
Le Ryneodon Typus que- nous avons au MUSEE fut pris à TAKAROA (Tuamotu) en mai 1928.
ment
Les
plongeurs avaient soudain vu apparaître ce monstre tout
comme un tigre et lorsqu'ils le virent avaler un de leurs
chiens, tout vivant, sans qu'une tâche de sang colora l'eau, ils
furent saisis de frayeur, la plonge fut arrêté et elle ne reprit qu'a¬
près la capture du monstre.
Ce n'était pourtant qu'un jeune Ryneodon. il mesure 5 mètres
20 centimètres et son poids ne devait pas dépasser une tonne.
A Takaroa ce requin n'a pas de nom puisqu'il y est nouveau
mais il se peut qu'il existe dans d'autres parties de nos Archipels
et que là il ait un nom.
tacheté
Abbé ROUG1ER.
iwrsslori:
LA
LÉGENDE DE KUDU
(•louas Polynésien.)
VAHITAHI NUKUTAVAKE
légende de Kuru. Elle est bien connue dans
de Vahitahi.
Kuru est le Jonas de ces îles. Il est originaire, dit-on, de Nukutavake même. Son père s'appelait Tchuraihaga et sa mèreTeipoitemarama. De Kuru, à notre époque se sont écoulées environ
treize générations.
Un jour, de bon matin, il faisait la toilette de son enfant en lui
démêlant les cheveux. Ce travail terminé, il en avait réuni
les touffes, et s'amusait à les orner, quand soudain il aperçut un
accouplement de tortues à la surface de l'eau, un peu en dehors
Voici la curieuse
tout le groupe
du récif. Par une
ment à
l'oreille
vieille habitude, Kuru avait presque constam¬
"fahu", autrement dit un rasoir fait d'une
son
simple dent de requin bien aiguisée. Elle était fixée à un morceau
forte ligature.
Prompt comme l'éclair, sans même penser à enlever, son fahu
il s'élança à la mer au lieu dit: TEFURAVA pour capturer les
de bois mince par une
Société des
Études Océaniennes
—
tortues.
Hélas!
320
—
autre sort l'attendait.
Captivé par la vue des
qu'un énorme requin déjà le guet¬
peu avancé que le squale se précipita
sur lui et l'avala d'un seul
trait, sans même le blesser avec ses
dents (i). Kuru se trouvait ainsi en vie dans le ventre du
requin.
un
chéloniens, il ne s'aperçut
tait. A peine s'était-il un
pas
Il méditait sur son sort dans les entrailles du cétacé
quand, tout
à coup, il crut entendre un bruit semblable à celui d'une
vague
déferlant sur le récif. Tiens! se dit-il à lui-même : Est-ce une terre!.
Alors, entrevoyant la liberté, il saisit son"fahu", resté derrière
oreille et se mit à déchirer avec activité les intestins de l'ani¬
mal. Mais bientôt le bruit s'éteignit et Kuru cessa de scier. Un
son
grondement sourd, prolongé, qu'il connaissaitbien, celui du flot
déferlant sur le récif se fit de nouveau entendre.
Alors, Kuru,
avec
plus d'entrain que jamais se remit à couper, persuadé qu'il
se trouvait dans les
parages d'une nouvelle terre.
Trois jours et trois nuits s'écoulèrent ainsi. A force de
scier,
le troisième jour, ce nouveau Jonas parvint à tracer une ouver¬
ture assez large pour lui permettre de sortirde sa vivante
prison.
Il s'échappa ainsi sain et sauf, et gagna
rapidement le rivage tout
proche.
Cette terre sur laquelle il aborda, non sans joie,
après tant
d'émotions et de péripéties était Nuku-mautoru, île inconnue
maintenant, car rien ne permet d'en établir l'identité.
Kuru, en allant vers l'intérieur, aperçut un groupe de femmes
qui se dirigaient vers la haute mer, soi-disant, pour chercher des
maris. Or, fait extrêmement curieux, les maris
qu'elles désiraient
n'étaient autres, dit la légende, que des "Rori" ou holothuries
vulgairement désignées sous le nom de " Biches de mer" Kuru,
arrivé auprès d'elles, les interpella en ces termes:
"Où allez-vous de ce pas?".
Nous allons aux " Rori", lui répondirent-elles.
Que voulez-vous en faire? répliqua Kuru.
Nos maris, lui fut-il répondu d'un ton décidé.
Ce n'est pas la peine d'aller plus loin osa timidement
—
—
—
—
Kuru
me
voici moi.
Sur ce, elles rebroussèrent chemin et rentrèrent au
village où
Kuru devait demeurer durant son
séjour à Nuku-mautoru.
(i) Probablement le RHINEDON TYPUS sorte de requin-baleine qui n'ayant
de dents avale sa proie sans la mâcher. Le Rbincdon peut peser jusqu'à
pas
9 tonnes.
Société des
Études
Océaniennes
-
321
—
Tegutuhau et Na "Hina toa" étaient les reines ou princesses du
pays. La nouvelle de l'arrivée, du nouveau débarqué fut vite
répandue dans toute la contrée Aussi, dès qu'elle leur parvint,
les reines conçurent le projet de le tuer, car le sexe masculin
était prohibé dans le pays. Chose bizarre, il n'y avait que des
femmes à Nuku-mautoru. La loi en vigueur était que à leur nais¬
sance les filles aient la vie sauve; etque les
garçons soient aus¬
sitôt exécutés. Même parmi les êtres irraisonnables de la créa¬
tion, il n'existait dans toute l'île que deux sortes de mâles: les
Moenau et les Rori
biches de
ou
Cependant Kuru connut
dinaire. Il
une
mer.
des femmes de
ce pays
extraor¬
eut des enfants, dont certains furent des
prodiges.
Parmi eux, il y avait de deux espèces : les unsétaient absolument
constitués comme tout le genre humain, tandis que les autres
portaient sur leur corps des ailes comme on en représente aux
en
anges.
Au bout de
quelque temps, Kuru eut la nostalgie et désira
natal, Nuku-tavake. Il se construisit une grande
pirogue qu'il baptisa du nom de "Gahukahuka". Il y embarqua
sa femme et ses enfants et mit le
cap sur Nuku-tavake. Ils y arri¬
vèrent effectivement après une longue et bonne traversée.
Le retour de Kuru, que l'on croyait à jamais disparu fut, com¬
me on
peut le penser, un événement mémorable. Toute la popu¬
lation accourut plongée dans une vive admiration mélangée de
surprise à la vue de leur compatriote accompagné d'une nom¬
breuse famille. Dès que le bateau toucha le récif la foule se pré¬
cipita et en un instant il fut hissé a terre comme par enchante¬
ment au milieu des clameurs joyeuses.
Mais les enfants ailés de Kuru, fortement déçus par la grande
différence qui existait entre la population du pays qu'ils venaient
de quitter et celle de la patrie de leur père, ne tardèrent pas à la
surprise générale, à prendre leur vol et à retournera Nuku-mau¬
toru, le pays merveilleux, où il n'y avait que des femmes.
revoir
son
pays
P. Hervé AUDRAN.
Missionnaire
NOTE.
—
1° Kuru
A noter
—
nom
2° Nuku-tavake
3° Gahukauka
Yuka
comme
traces Mélanésiennes dans
mélanésien
—
—
nom
nom
aux
—
récit
:
tonnerre.
d'île de sable
se
(qui vole).
Études
aussi aux Fijis.
pirogue Ga (canard) VukaER.
trouvant
bien choisi pour une
Société des
ce
Tuamotu.
Océaniennes
i»m2t©3&oGa:B
POLYNÉSIE WE.
LINGUISTIQUE
Noms
En
comparés «les diverses parties de la pirogue.
En Taiiitien
Français
En Nko-
En Samoa
En Fijien
Zélandais
Pirogue
vaa
ara'a
waka
waqa
Quille
tacre
la'elc
la k ere
takele
Cale
drekc
intérieur
ou
Avant
mua vaa
laumua
ihu
mualiu
Arrière
mûri
taumuli
kci
muaemuri
Pont avant
rci
Pont arrière
rei mûri
Balancier
amaa
ama
ama
Support du balancier
iato
'iato
hokai
tialia
tiatia
vala
vana
vaa
laumua
mua
Pont du balancier à la tiatia
(tradition)
rara
clin
rara
emuri
cama
(dzama)
(trad.)
pirogue
Mât
lira
fana, lira
tila
Voile
io
la
ra
Ancre
tutau
tailla
Ecope
tàtà
lata
Gouvernail
hoc faatere
Cordages
tau ra
Panics
hoc
Les
tala, tiheru
Samoa
en
nimahima
uli
sila
voce
Néo-Zélandàis ont été donnés par
M. Tavae Anahoa
; en
(ladza)
kelekele
pumga
,
noms en
Tahilion par
laça
Fijien
Société des
par
l'Abbé Rougier.
Études Qcéaniennes
(vodze)
M. Peter H. Buck;
en
—
323
—
AVIS
Notre Salle de Lecture étant aménagée et le Gouverneur en
ayant garni la table de Revues diverses : Illustration, Petite illus¬
tration, Revue des Deux Mondes, Revue de Paris, etc, le Public
peut désormais en profiter.
La Salle est ouverte tous les
Le silence est de rigueur.
jours depuis 8 h. jusqu'à
Le Président.
Société des
Études
Océaniennes
21
h.
—
324
—
programme:
de
quatrième:
la
frtf du folklore: tahïtïfn
(Le çfDimanshe 8 (Qeptem^res 1929
(Sous le (Haut
de
a
(T^autira,
patronage
(Monsieur le (Gouverneur
bouges?.
Cette fête revêtira cette année la forme d'un PIQUE-NIQUE.
Aucune cotisation
Les membres sont
bres
ou
non) et de
priés de
se
ne sera
réunir
se porter en masse
demandée.
d'amis, (Mem¬
à Tautira, soit par terre
par groupe
soit par mer.
Rallye général à Tautira à 13 h. 30, sur l'emplacement
probable de la tombe du Commandant BŒNICHEA (27 janvier
1775)DISCOURS, NARRATIONS, HISTORIQUES,
LÉGENDES.
mise gracieusement à la disposition des visiteurs
imtempéries.
Autos et Bateaux devront être pavoisés aux couleurs tahitiennes (Bandes longitudinales, 1 blanche entre 2 rouges).
Le Chef RAIARII promet qu'il y aura des FARE TAMAARAA
et des STANDS où seront vendus à bon compte des fruits et
des rafraîchissements indigènes : cocos, oranges et mêmes du
L'Ecole
sera
contre les
AVA.
Au Dimanche 3
Septembre. Tous à Tautira.
VIVE TAHITI ! VIVE LA FRANCE !
Papeete
—
Imprimerie
Société des
Études
du
Gouvernement.
Océaniennes
BUREAU DE LA SOCIETE
Abbé Rougier
M. Deflesselle
Mme E. LagUESSE.
M11® F. Brault
M. M. Mauney
M. Y. Malardé
M. E. Ahnne
Président
Vice-Président
Conservatrice du Musée
Bibliothécaire
Trésorier
"
Secrétaire-Archiviste
Secrétaire de rédaction
Pour être reçu Membre
membre titulaire.
de la Société se faire présenter par
un
BIBLIOTHÈQUE.
Le Bureau de la
Société informe ses Membres que
dé¬
emporter à domicile certains livres de
la Bibliothèque en signant une reconnaissance de dette au
cas où ils ne rendraient pas le livre emprunté à la date
sormais ils peuvent
fixée.
gardien de la Bibliothèque présentera la formule a
signer. Il est à la disposition des Membres toute la jour¬
née, excepté de 11 heures à midi.
Le
LE BULLETIN
Le Bureau de la Société accepte l'impression de tous les articles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
epouse les théories qui y sont exposeés, ou qu'il fait sien les
commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls, en
prennent toute la responsabilité.
Aux lecteurs de former leur apprécia'ion.
.La Rédaction.
Pour tout
s'adresser
au
achat de Bulletins, échanges ou donation de
Président de la Société, Boîte no, Papeete.
livres
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 32