B98735210103_004.pdf
- Texte
-
BULLETIN
DE
LA
Soeiété d'Etudes Océaniennes
(POLYNÉSIE OKIENTALE)
publié
le patronage du (Gouvernement
sous
des (Etablissements
4.
—
français de l'fêcéanie.
SEPTEMBRE 1B18
Anthropologie
Histoire
—
des
—
Ethnologie
Philologie.
®
Institutions
et
Antiquités
populations maories.
WVrtAVWUVWW,
Sciences naturelles.
N
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DU
GOUVERNEMENT
Papeete
(Tahiti)
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Études Océaniennes
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AÂ
BULLETIN
DE
Société
LA
d'Etudes
Océan
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
——
Placée
sous
MM. le Président de la
IV» 4.
le Haut
de
patronage
République et le Ministre des
—
SEPTEMBRE 1918
SOMMAIBE
Avis
Colonies
Pages
important relatif aux hauts patronages du Président
République et du Ministre des Colonies
Réunion du 17
avril 1918
160
161
Réunion du
août 1918
162
de la
20
Pages oubliées, de M. F. X.
De Pitcairn à
167
Caillet
Fakarava, par Jack
London, traduit de l'an¬
182
glais par Outsider
Esquisse chronologique de l'histoire de Tahiti et des Iles
de la Société, depuis les origines, par M. A. Leverd. ...
197
Questions d'ethnologie, par M. le Prof. Macmillan Brown. 213
Variétés : Bienvenue (poésie) par M. H. Michas
218
—
Aquarelles: Le lagon bleu. — Les
bres (poésies) par M. F. Hervé
teintes som¬
221
Nécrologie : M. le Myre de Vilers
Bibliothèque de la S. E. O. : Appel
la Société d'Etudes Océaniennes
Publications et ouvrages reçus
219
à MM. les Membres de
222
223
AVIS IMPORTANT
Par lettre du 14
Président de la
mars
dernier M. le
République
à la connaissance du
qu'il accordait
son
la Société d'Etudes
a porté
Gouverneur
haut patronage à
Océaniennes.
M. le Ministre des Colonies avait
lait part
d'une semblable décision
quelques mois auparavant.
Ces deux marques d'estime et de
bienveillance données à notre jeune
Société sont un précieux encoura¬
gement à poursuivre notre program¬
me qui est de constituer en Poly¬
nésie française un centre d'activité
littéraire et scientifique appelé à pro¬
pager dans cette partie du Pacifique
l'influence légitime de notre langue
et de notre génie national.
Le
Gouverneur,
G. JULIEN.
'Société dés Études Océanien ne
—
161
—
PROCÈS-VERBAL
de la réunion du 17 avril 1918.
Sont
présents: M. G. Julien, Gouverneur, Président d'honneur;
Président; M.L. Sigogne, Secrétaire;
M. O. Walker, Trésorier.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la séance du 6 mars est adopté.
M. le Commandant Simon.
•
Correspondance.
Lecture est donnée de la
correspondance comprenant:
Française, du 14 février 1918, ac¬
ceptant l'échange du Bulletin.
Lettre de M. Meinecke, du 20 mars 1918, annonçant
que l'Aca¬
démie des Sciences de Californie accepte l'échange du Bulletin.
Lettre du "Royal Anthropological Institute" de
Londres, du
13 février 1918, acceptant l'échange du Bulletin.
Lettre de M. Henry Hart, de San Francisco, du 8 avril,
accep¬
tant le titre de membre correspondant et demandant certains
renseignements.
Lettre du Queensland Museum, du 31 janvier 1918,
acceptant
l'échange du Bulletin.
Lettre de M. Sidney H. Ray, du 14 février 1918, pour
témoigner
Lettre du Comité de l'Océanie
son
intérêt à l'œuvre de la Société et offrir une notice
gues polynésiennes.
>
Lettre de M. A. Leverd, du 2 mars
sur
les lan¬
1918, présentant M. Edward
Tregear
verses
comme membre correspondant et offrant au Musée di¬
curiosités prises sur les rebelles calédoniens lors de l'in¬
surrection de 1917.
Lettre de la Société Neuchâteloise de
Géographie acceptant
l'échange du Bulletin et
nous adressant le tome XIV de
letin contenant "Raiatea la Sacrée", de Huguenin.
son
Bul¬
Lettre de la "Smithsonian Institution " de
Washington, du 11
janvier 1918, acceptant l'échange du Bulletin.
Lettre de M. Tesseron, du 10 décembre 1917,
acceptant le titre
de membre
correspondant.
"Peabody Museum of Harward University", du 4
janvier 1917, acceptant l'échange du Bulletin.
Lettre de M. Clayssen, Administrateur des
Marquises, annon¬
çant le don au Musée des statues de bois trouvées sur un marae
Lettre du
Société des Études Océaniennes
—
des
162
—
Marquises et l'envoi d'un tiki en pierre, don de M. Pambrun.
Goffic annonçant l'envoi d'un échantillon de
Lettre de M. le
lignite de Rapa qui sera
déposé au Musée.
Gardien du Musée.
consulté sur le choix d'un gardien du Musée poui
des collections.
Les circonstances ne permettant pas d'arrêter actuellement un
choix définitif, le bureau décide de proposer ces fonctions, à titre
Le comité est
veiller à la conservation
provisoire, à M. A. Martin, gendarme,
rentrer à
qui doit prochainement
Papeete.
Commission
technique.
questions scientifiques ou littéraires soumises
désormais confié à une commission de mem¬
bres compétents.
Le bureau propose de faire appel spécialement au concours de
MM. Ahnne, Allard, Bellonne, Bouge, Chazaï, G. Lagarde, Lespinasse, Dr Le Strat, Leverd, Michas, Tati Salmon, Temarii a
L'examen des
à la Société sera
Temarii.
Musée.
adopte le devis présenté pour le mobilier du Musée
charge le Service des Travaux publics de passer la commande
et de vérifier les meubles à la réception.
La séance est levée à 16 h. 30.
Le bureau
et
Le Président,
Le Secrétaire,
J. SIMON.
L. S1GOGNE.
PROCÈS-VERBAL
de la réunion du 20 août
1918.
présents : M. G. Julien, Gouverneur, Président honneur;
Sigogne, Secrétaire;
M. O. Walker, Trésorier.
Le Bureau est assisté de MM. les Membres do la Commission
technique qui ont répondu avec empressement à l'appel de la
Sont
M. le
Commandant Simon, Président; M. L.
Société.
La séance est ouverte
à 16 heures.
Société des
Études Océaniennes
—
163
—
Allocution de M. le Gouverneur.
M. le Gouverneur
fait l'exposé des
résultats très encourageants
nombre les adhésions
solide, et il n'est pas
douteux que le nombre de ces membres pourra être encore aug¬
menté rapidement. La Société d'Etudes Océaniennes a reçu du
dehors de précieux encouragements. Les principales Sociétés de
linguistique et d'ethnologie du monde ont salué sa naissance et
se sont empressées de consentir les échanges de bulletins et pu¬
blications qui viennent enrichir notre bibliothèque.
Elle a recueilli les plus hauts patronages dans le monde offi¬
obtenus par la Société. Elle a reçu en grand
de membres actifs qui lui donnent une base
ciel et dans celui des Lettres et
République
a
Vœu
de
L'Assemblée,
verneur
«
«
'
«
en
reconnaissance de cet honneur, prie M. le Gou¬
adopté à
:
le Président de la
République de vouloir bien accepter l'expression de sa profonde reconnaissance pour l'honneur que lui confère son haut
patronage et elle espère se rendre digne de cet honneur en
contribuant par ses études sur l'Océanie à la Gloire de la plus
grande France ».
((
((
M. le Président de la
République.
reconnaissance a
de vouloir bien lui transmettre le vœu suivant,
l'unanimité
«
Sciences. M. le Président de la
daigné l'honorer de son haut patronage.
La Société
d'Etudes Océaniennes prie M.
Reprenant son exposé, M. le Gouverneur constate que chaque
a marqué un progrès sur le précédent, et le
quatrième Bulletin, actuellement à l'impression, accentuera cette
progression. Bien que les circonstances ne permettent pas d'aug¬
menter actuellement la fréquence des publications, il convient de
susciter des collaborations qui, malgré leur compétence, se sont
abstenues par modestie ou timidité. Il existe chez plusieurs per¬
numéro du Bulletin
sonnes
la publica¬
risquent d'être perdus. Il est bon
des documents extrêmement intéressants que
tion sauverait d'un oubli où ils
rappeler en outre que les documents en langue anglaise peuvent
publiés au Bulletin.
Au point de vue matériel, la Société a pu être dotée de l'indis¬
pensable. Elle a un toit où ses bureaux, sa Bibliothèque et ses
collections de Musée peuvent recevoir toute l'installation désirable.
Le mobilier, encore très succinct, est composé en partie de meu¬
de
être
bles provenant
c^u corsaire allemand "See-Adler", qui sont autant
Société des Etudes Océaniennes
—
de
164.
—
vestiges de l'histoire
sent,
comme
locale à conserver
ainsi, si l'Etat y con¬
la demande lui en a été faite.
Le
canon de la
"Zélée", coulée le 22 septembre 1914, et celui du
"See-Adler" rapporté de
Mopiha par la canonnière "Fantôme",
trouveront naturellement leur
place dans la cour du Musée.
Le reste du
mobilier, notamment les vitrines nécessaires pour
ranger les collections du Musée, pourra être
acquis à mesure que
M. 0. Walker, trésorier de la
Société, aura effectué les recouvre¬
ments des subventions et des
cotisations auxquels il a la
charge
de veiller.
La subvention de 2.000 francs
inscrite au budget du Service
Local pour 1918 est notamment à la
disposition de la Société.
Des'subventions pourront peut-être aussi être obtenues de la
part de certaines Sociétés littéraires et
scientifiques en France, et
M. le Gouverneur a
déjà commencé certaines démarches dans
ce
but.
En
terminant, M. le Gouverneur remercie MM. les Membresde
la Commission
technique de leur précieux concours, grâce auquel
la Société pourra donner à ses
travaux une nouvelle
1
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ampleur.
(ê
"'v
j
Membres d'honneur.
Sur la
suggestion très autorisée qui en a été faite au Chef de
la Colonie par M. Paul
Dislère, Président de Section honoraire
au Conseil
d'Etat, Président du Conseil d'administration de l'E¬
cole Coloniale, Président de la
sous-Commission des monuments
préhistoriques
et Membre d'honneur de la Société d'Etudes Océa¬
que le titre de Membre d'honneur sera offert
niennes, il est décidé
à S. A. le Prince
de
Monaco, Président de l'Institut de Paléonto¬
logie humaine, et qu'au surplus M. Dislère sera prié
d'accepter
de représenter officiellement notre
jeune Société auprès de l'Insti¬
tut sus visé.
Le Bulletin
en
deux
Avenue
Sur la
sera donc
envoyé, à partir de son premier numéro,
exemplaires chaque fois, à S. A. le Prince de Monaco, 10,
du Trocadéro, Paris.
proposition de M. Ahnne, la Société décide d'offrir le titre
de Membre d'honneur
M. Ahnne d'être son
au
Prince Roland Bonaparte, et
interprète à
charge
sujet.
Sur la proposition de M. le
Gouverneur, la Société offre le titre
de Membre d'honneur à M. Alfred
Grandidier, Membre de l'Ins¬
ce
titut.
Société, dès
Études
Océanienne
—
Membres
165
—
correspondants.
La Société décide d'offrir le titre de Membre
M. Léon
correspondant à
Réallon, Administrateur des Colonies, Chef du Cabinet
militaire du Commissaire de la
République
au
Cameroun;
Dornier, Administrateur des Colonies, Officier Chef du
M. G.
Service Maritime
au
Havre ;
M. Guillaume
M.
M.
Dr
M.
Grandidier, Docteur ès-sciences, Explorateur.
Ls Gerbinis, Administrateur en Chef des Colonies.
Bavay, Pharmacien en Chef de la Marine E. R.
B. Glanvill Corney, de Londres.
Sidney H. Ray, M. A. Cambridge.
M. Marius Leblond.
M.
Ary Leblond.
Chayet, chargé des affaires de la légation
M. A.
de France de
Guatemala.
M. H.
Froidevaux, Archiviste-Bibliothécaire de la
Société de
Géographie.
Membres
Sont admis
comme
actifs.
membres actifs
:
commerçant à Fakahina, Tuamotu.
Distel, pisciculteur à Papeete.
Dupire, gendarme à Papara.
MM. Bodin,
I. Smith,
propriétaire à Arue.
Secrétariat.
dé¬
la correspondance et la conservation des Archives et
M. Secretan
voué pour
de la
a
bien voulu prêter à ce
un concours
Bibliothèque.
La Société lui adresse
ces
service
ses
remerciements et le confirme dans
fonctions.
Gardien du Musée.
gardien est toujours à l'étude et les membres de
plus tôt possible les
personnes qui leur paraîtraient convenables pour cet emploi.
La Chambre de Commerce et la Chambre d'Agriculture pour¬
Le choix de
ce
l'assemblée sont invités à faire connaître le
raient contribuer à
sa
rétribution.
Sous-Commissions techniques.
Dans le but de faciliter ses travaux, la Commission technique
désigne les sous-commissions suivantes qui seront plus spéciale-'
ment chargées de chaque branche ;
—
Sciences
naturelles :
466
—
MM. Bellonne, Bouge,
Le Brazidec,
Lespinasse.
Histoire
marii
a
locale :
MM.
Linguistique : MM.
Dr
Lagarde, Tati Salmon, 0. Walker, Te-
Temarii, Mer Hermel.
Lagarde, Leverd, de Pomaret, Tati Salmon,
Williams, Stimson.
Folklore, Art et
Littérature
:
MM. Ahnne, Allard, Le Strat,
Michas, E. Rougier.
Renseignements.
M.
Bouge fait les communications suivantes, reçues par
courrier
dernier
:
1° M.John F. G. Stokes, Curateur en charge du Bernice PauaBishop Museum de Honolulu, se met à la disposition de là Socié¬
té pour tous renseignements ethnographiques qu'il est à même de
hi
fournir.
2° M. Léon
mobilisé
Réallon, Administrateur des Colonies, actuellement
Lieutenant et Chef du Cabinet militaire du Com¬
comme
République au Cameroun, accepte avec plaisir le
correspondant et remercie.
3° M. le professeur Seurat, de l'Université d'Alger, écrit:
« J'ai été très heureux de voir qu'un arrêté protège désormais les
marae" dont il ne reste plus guère de'traces-. Il en existe encore
quelques-uns en très bon état à Temoe (G'ambier).
« J'en ai figuré dans ma " Notice sur Tahiti" publiée à l'occa¬
sion de l'exposition de Marseille (1906). Ce type de monument
missaire de la
titre de Membre
"
diffère totalement des " marae'' de Fakahina et
«
Fagatau.
Papeete^toutes les publica¬
relatives à la Polynésie. Ce travail est absolument indispen¬
L'idée est excellente de réunir à
tions
sable si
on
d'avoir les
veut éviter les
grands
voyages
redites. Il serait surtout intéressant
de découvertes (Wallis, Bougainville,
Cook, etc.).
«
J'adresserai à la Société celles de
mes
publications dont il
me
reste des doubles. »
Questions diverses.
La question posée par M. Secretan au sujet de l'orthographe à
adopter dans le Bulletin pour les noms tahitiens est l'envoyée à
la sous-commission de linguistique.
L'ordre du jour étant épuisé la séance est levée à 17 h. 30.
pac.es
DE
M.
oubliées
FR.
X.
C AIL LET
Notice biographique
Caillet, François, Xavier, naquit à Nantes en 1822. Il apparte¬
une famille de marins. II passa en 1843 l'examen d'aspi¬
rant volontaire et fut aussitôt embarqué sur la Meurthe qui trans¬
nait à
portait aux Marquises 300 hommes de troupes. Il participa à la
conquête de notre colonie. Dès cette époque, le jeune officier te¬
nait un journal particulier d'où sont extraites les pages suivantes,
dans lesquelles il se montre observateur sagace et sincère. II fut
surtout frappé par les qualités de générosité de la race maorie
dont il devint l'admirateur et l'ami. Après une campagne au Sé¬
négal, vers 1850, il revint dans son pays de prédilection où la
clarté de son intelligence et son activité inlassable le firent remar¬
quer par ses chefs. Nommé lieutenant de vaisseau en 1862, il fut
envoyé en congé en France; mais, au lieu du repos bien mérité
auquel il s'attendait, il y subit un épouvantable accident: dans
un incendie, retirant du feu une victime en danger de mort, luimême tomba dans le brasier. On l'en sortit; son corps n'était
qu'une plaie affreuse; il fallut 6 mois pour le guérir; mais ses
paupières étaient irrémédiablement brûlées et ses yeux appa¬
raissaient dans
une couronne
de chair vive.
de France, il re¬
à la navigation,
il dépensa son activité dans les affaires indigènes. Tous nos ar¬
chipels furent à tour de rôle administrés par lui, et ses services
étaient si prisés, qu'on le nommait de préférence là où surgissait
quelque question difficile à régler. C'est ainsi qu'en 1870, le Com¬
Ne pouvant plus supporter le froid des hivers
vint à Tahiti, sa seconde patrie. Devenu peu apte
qui avait déjà apprécié Caillet
plus tôt à Tahiti, le fit venir en Nouvelle-Calédonie dont
11 était Gouverneur, pour régler une situation délicate aux Loyalty.
Jusqu'à l'âge de 60 ans, il servit»sans relâche son pays; puis,
il se retira dans la vie privée et mourut à Papeete en 1901, âgé
mandant Gaultier de la Richerie
10 ans
de 79 ans.
Il convient
d'ajouter qu'à ses qualités intellectuelles et à sa bra¬
Caillet joignait deux qualités morales qui firent de lui un
homme remarquable : c'est d'abord une droiture inflexible qui le
portait à toujours exprimer sa pensée en toute indépendance, ce
voure,
168
—
qui
fut pas
—
lui créer de vives inimitiés ; c'est ensuite sa
sa discrétion absolue.
Il n'eut pas souvent à s'en
louer, mais il la pratiqua toujours.
C'est de lui qu'on peut
dire, dans la plus large acception : Transiït benefaciendo.
ne
bonté
sans
inépuisable qui n'était égalée que par
*
*
*
EXTRAIT DU JOURNAL PARTICULIER
DE FR. X. CAILLET
Dans la traversée
mes
d'Amérique
aux
tenus parai0
Tuamotu,
nous nous som¬
de latitude. Notre traversée s'en est ressentie,
nous n'avons trouvé
que du calme et des vents variables.
Si on avait consulté Romane, on aurait su
que dans ces mois
la limite des vents alizés du
sud-est, dans le Pacifique, de i8° à
20°.
18 août 1844. —L'île
Disapointennus(iV^^)est, d'après
observations, placée sur la carte de Dumont-d'Urville et
Lottin, dressée en 1833, 36 milles trop dans l'est ctô milles
trop
nos
dans le sud.
19 août.
—
Titei est
sur
cette même carte
placée 20 milles
tient compte du résultat moyen
des distances lunaires observées dans la
traversée, il faudrait
trop dans l'est. Cependant, si
diminuer cette
erreur
de
on
milles.
12
22 août.—Etant à
3 ou 4
milles de Vliegen, nous avons aperçu
goélettes mouillées en dedans de cette île basse, et un grand
nombre de pirogues près de ces.navires. Trois de ces
pirogues
deux
montées par 12 hommes se
dirigèrent vers nous. On mit en
panne pour les attendre. Les indigènes qui les montaient vinrent
à bord. Ils étaient
grands, forts et habillés de pantalons et de
chemises.
Ils parlaient le tahitien et
l'anglais mal, mais ils se faisaient
comprendre; ils nous expliquèrent qu'ils armaient les goélettes
et qu'ils étaient à la
pêche des nacres. Ils échangèrent des co¬
quillages pour du tabac, du biscuit et surtout du lard, sur lequel
ils se précipitaient pour le dévorer cru.
Leurs pirogues étaient grandes et
à balancier; ils pouvaient
avec
cela battre la
mer.
La
pointe nord de Vliegen est placée trop au sud sur la carte
précitée; nos observations la mettent par 140 56'.
Le soir de ce même jour, nous
aperçûmes Makatea. Cette île a
ceci de remarquable, que la
pointe est en est basse et que la terre
Société des
Études Océaniennes
—
169
—
s'élève jusqu'à
par une
la pointe ouest, laquelle
falaise.
23 août.
se
termine brusquemer
Tahiti est
en vue; en nous approchant de terre,
le terrain plat du bord de la mer, des villages
indigènes et des maisons anglaises ou américaines.
Les cases des Tahitiens sont jolies, vastes et bien confortables
pour les pays chauds ; il est malheureux que la mort ait fauché
cette belle race. Une route ombragée d'orangers et de citronniers
fait le tour de l'île. Les vallées y sont profondes; on y aperçoit
des cascades de 2 à 300 mètres de hauteur dont les eaux produi¬
sent en hiver des torrents qu'il serait dangereux de traverser. On
peut se baigner au pied de ces chutes d'eau dans des bassins natùrels de plusieurs mètres de profondeur.
L'île est entourée d'une digue de récifs, mais il n'est pas facile
aux grands navires de circuler dans les eaux calmes, à l'abri de
cette digue.
Sur la côte, ressortent, par leur blancheur au milieu du feuilla¬
ge, les temples protestants.
De la pointe Vénus à Papeete, nous découvrons une série de
pointes toutes terminées par un bois de cocotiers. Nous rangeons
la côte en admirant le panorama qui se déroulait devant nos yeux.
Nous filions 9 nœuds et nous espérions entrer de suite à Papeete,
le Phaëton y entrant. Nous avions déjà la rade en vue; la belle
frégate de 60, l'Uranie, nous mettait son numéro, nous lui ré¬
pondions en hissant le nôtre. Mais la brise qui nous favorisait
cessa tout à coup ; c'est ce qui arrive
fréquemment à l'entrée de
la passe de Papeete; on voit une zone de calme ou de petit vent
nous
—
voyons, sur
d'ouest terminer
une mer
Un baleinier américain
écumant
se
sous
la forte brise d'est.
trouvait dans les mêmes conditions
Cependant, nous approchions lentement de la passe,
lorsque vers 5 heures un grain très violent de l'est nous força
à mettre le cap au large et à prendre des ris en serrant les voiles
hautes. Nous avions une brise à tout casser, et pendant que nous
tanguions, Y Uranie et les autres navires étaient en calme dans
les eaux dormantes de l'intérieur du récif qui nous séparait de
que nous.
ces
navires.
Entre
Papeete et Matavai, il y a bien le port de Taunoa, dans
lequel les navires peuvent mouiller, mais pour se rendre de ce
mouillage à Papeete par l'intérieur du récif, le canal à suivre est
étroit et sinueux; il faut êtrfe vent sous vergues et avoir un bon
pilote.
Société d es Etudes Océa 11 ie0 nés
—
De tous les
170
—
pratiques de l'île, le meilleur est un indigène qui
pas d'apparence et qui, cependant, pilote depuis 15 ans
les navires sans leur faire d'avaries. C'est un manœuvrier de pre¬
paie
ne
mier ordré. C'est lui qui a conduit l'Artèmise par cette passe à
Papeete en 1839 (19 avril). Cette frégate, qui faisait le tour du
monde, vint se défoncer sur un récif sous-marin à Tiarei (nom
d'un district situé au vent de la pointe Vénus). Elle se déséchoua,
mais arriva coulant bas d'eau à Papeete. La Reine Pomare lui
vint en aide et elle put s'abattre en carène, vis-à-vis l'enclos de la
maison Royale.
lendemain, au matin, le Phaêton vient nous
prendre à la remorque et nous conduire au mouillage. Le Phaê¬
ton part ensuite pour Taravao.
Noiis apprenons que dans le mois de juin dernier, on est allé
en expédition à la pointe Vénus; nous y avons perdu 12 hom¬
mes. Voici un des épisodes du combat :
M. Bruat voulait obtenir du pasteur anglais de ce district des
renseignements sur la position des Indépendants; pendant qu'ils
discutaient tous les deux, les indigènes attaquent nos hommes
de tous côtés, et une des balles tue le missionnaire anglais sous
24: août.
—
Le
vérandah. Cette balle était évidemment adressée à Bruat.
sa
Pendant que le Gouverneur se trouvait à la pointe Vénus, un
indigène vint trouver le Commandant Bonard, de \Urariie, pour
lui dire que s'il voulait surprendre les ennemis à Faâa, rien ne
serait plus facile à faire; d'après lui, les Indépendants du camp
de Punaauia devaient venir s'enivrer pendant la nuit dans la val¬
lée de Faâa.
Le Commandant Bonard fut séduit par la perspective de faire
beau coup de filet ; il forme une colonne expéditionnaire de
un
qui restait de valide à bord, et ne laisse à terre que quel¬
hommes pour garder le Gouvernement. A la tête de cette
colonne, il arrive la nuit vers 11 heures à Faâa. Malheureusement,
les indigènes non seulement n'étaient pas ivres, mais guettaient
en armes la colonne dont ils voyaient les fusils briller au clair de
lune sur la hauteur qui.domine la vallée de Faâa. Les indigènes,
cachés et embusqués dans les bois sombres de cette vallée, lais¬
sèrent passer l'avant-garde française, et attendirent que le milieu
de la colonne, qui s'avançait pleine de confiance dans le guide,
fût par le travers du ruisseau de la vallée ; alors des deux côtés
du chemin des coups de fusil partënt subitement et blessent
beaucoup de monde.
tout
ques
ce
—
171
—
Français, surpris dans l'obscurité par un ennemi, invisible,
obligés de se retirer en emportant leurs blessés parmi les¬
quels se trouvent le Commandant Bonard, atteint au mollet et
l'aspirant Poret, atteint à la poitrine. A propos de M. Poret, ce
jeune homme, quelques jours avant l'affaire de Faâa, causait
.dans le poste des élèves de l'Uranie avec le chirurgien du bord,
et lui demandait si une blessure dans la poitrine était toujours
mortelle; le chirurgien lui avait répondu : « Pas toujours, mais
si l'air sort par la blessure, on est certain d'en mourir. » Lors¬
que Poret fut blessé, la première chose qu'il fit fut de laver sa
Les
sont
blessure dans le ruisseau de Faâa et de s'assurer si l'air en sor¬
«Je suis f
», dit-il; néanmoins, il eut le courage de se re¬
avec la colonne, mais il mourut le lendemain.
Les Français, après le combat de Haapape, incendièrent toutes
les cases et le temple de ce district, par représailles ; ies indi¬
gènes du camp de Punaauia brûlèrent la maison de M. Fergus,
à Faâa, et les bâtiments de la mission catholique élevés entre
Faâa et Papeete ; ils vinrent ensuite se retrancher en vue du camp
tait.
tirer
de l'Uranie.
Ces mêmes
Indépendants font ensuite une treve, se retirant à
Punaauia, où ils plantent des vivres.
26 et 27 août.
—
Le ketch
anglais, Basilic, Commandant
Hunter, appareille ; la Reine quitte ce bâtiment sur lequel elle s'é¬
tait réfugiée et se retire sur la frégate anglaise Karysford, pour
se rendre aux Iles-Sous-le-Vent.
sarde.
fleurs. C'est le plus beau
Grand dîner à bord d'un brick de guerre
Je descends à terre : tout y est en
du monde. Tous les soirs, plus de 200 femmes ornées de
dansent devant la maison de M. Rouge, et sur la place
du Gouvernement les jours de musique. LesTahitiens sont de
très bonnes gens, on ferait facilement la paix avec eux.
28 et 29 août.
Je suis reçu à bras ouverts dans la case
de Potui (jolie femme d'ailleurs). La corvette française de 30, La
Boussole, et la corvette à vapeur anglaise Salamandre mouillent
sur rade. Le brick marchand Jules de Blosseville, sorti le matin,
rentre en avaries à Papeete à la remorque des embarcations de
la Division. Ce bâtiment cherchait à passer au vent de Tahiti et
se trouvait presque en calme, lorsque, vers 9 heures, le capitaine
étant à déjeuner avec son second, le navire surpris par la pre¬
mière rafale d'est s'inclina, le bout des basses vergues dans l'eau.
Le Jules de Blosseville ne fut dégagé que par la perte de son mât
pays
couronnes
—
472
—
—
de hune. Un
capitaine plus expérimenté n'eut
pidement surpris.
30 août.— La Salamandre
néral de Sandwich M.
cée de
ce
Miller,
a comme
son
pas
été aussi stu¬
passagers
le Consul gé¬
fils, Consul à Tahiti, et la fian¬
Consul.
M. Bruat
prête des meubles du Gouvernement pour orner la
mariage va se faire.
.31 août au 3 septembre. — Je visite les
fortifications; le
camp de l'Uranie est rendu imprenable pour des indigènes sans
artillerie. Les blockhaus sont armés de pièces
de 8o (obusiers).
Je vais ensuite visiter le cimetière où déjà tant de braves sont
enterrés. Ce lieu est d'une grande tristesse. Je dis une prière au
maison du Consul Miller dont le
nom
4r
des familles de
au
7
ces
septembre.
braves marins et soldats.
Le Pbaéton revient de
sa tournée ; rien
Papeete, dans une charmante
vallée, un village appelé Ste-Amélie, que l'on destine aux ouvriers
civils engagés en France.
7 au 10 septembre. — Moorea est en révolution. On
pré¬
tend que les Anglais travaillent la population de cette île en lui
promettant de grandes forces pour les soutenir dans leur lutte
contre nous. On ajoute que les
guerriers de cette île auraient ré¬
pondu qu'ils se f.... des Anglais comme des Français. Ce qu'il
y a de certain, c'est qu'ils se fortifient dans la montagne ; un chef
de
nouveau.
—
On construit derrière
de Moorea est
venu avec sa
femme demander du
secours
à Pa¬
peete (i).
Les indigènes, au nombre de 2 ou 300, se fortifient,
dit-on, dans
le haut de la vallée de La Fautaua. C'est dans le bas de cette val¬
lée qu'on se baigne journellement.
en
Le Commandant Guillevin quitte la Meurthe
pour retourner
France. Le Commandant Le Frapper le remplace dans son
commandement. M. Bouchan
qui s'est distingué au combat de
congé de convalescence ; je regrette cet officier
distingué. Ballier passe sur YUranie. MM. Bru et Favier passent
Mahaena part en
sur
la Meurthe.
Aujourd'hui
7 sept.,
grand dîner à bord de la Boussole, donné
(1) J'ai su plus tard par Tairapa, grand juge de Moorea, que
ciers d'une corvette à vapeur anglaise
avaient, au
aux
chefs de l'île de
que
l'Angleterre
ne
hiti. C'est de cette
au
les offi¬
contraire, conseillé
s'arranger avec les autorités françaises, parce
contrarierait pas la politique delà France à Ta¬
époque que date la soumission de Tairapa faite
Gouverneur Bruat.
Société des Etudes Océaniennes
—
173
—
à tous les frères d'armes de la division de Tahiti. Nous
nous
dis¬
posons à faire la tournée des Gambier et des Marquises.
Nous prenons comme passagers M. Caret,
provicaire des Gam¬
bier, et M. François de Paul, missionnaire décoré, provicaire des
Marquises.
11 septembre. — Nous sortons de
Papeete avec une brise
d'ouest et à la remorque des embarcations de la Division. Cette
brise nous conduit jusqu'à la pointe Vénus; mais,
par le travers
de cette pointe, nous rencontrons les vents alizés,
lesquels nous
forcent à louvoyer pendant 3
jours pour doubler la pointe s.-e.
de Taiarapu.
Du 13
15
au
septembre.
—
Les pointes de la presqu'île
Tahiti; des montagnes vertes y domi¬
plat, défendu au large par un récif interrompu
ressemblent à celles de
nent
un
terrain
endroits.
Aperçu Rurutu, îlot assez élevé et entouré d'un liston boisé.
Je ne sais si elle est, comme Tupuai, entourée d'un récif. L'île
Rurutu est habitée; nous y avons vu un
grand nombre de feux.
Du sommet le plus élevé de cette petite terre, sortait une
épaisse
fumée, tantôt noire, tantôt blanche, comme celle qui sort de la
bouche d'un volcan. N'ayant ni montre à secondes, ni chro¬
nomètre à ma disposition il me fut
impossible de vérifier la po¬
par
sition de cette île.
Du 16
au
19
septembre.
Nous
—
recevons
les vents
va¬
riables par le 230.
Du 1D
au
25
septembre.
—
Mêmes vents, tantôt forts
avec
de la
pluie, tantôt faibles.
Le 25 septembre, nous apercevons le Mont Duff des Gambier.
Les Gambier composent un atoll dans
lequel apparaissent au
milieu d'un vaste lagon plusieurs îlots et rochers élevés dont le
plus considérable est Mangareva que domine le Mont Duff. Cette
île est habitée, ainsi d'ailleurs que 3 pefits îlots. En
peu de mots,
c'est un cercle de récifs madréporiques, dont'les
parties émer¬
gées sont couvertes de pandanus. C'est en dedans de cette cein¬
ture que se trouvent des bancs riches de nacres et des îlots et
rochers élevés.
.
Les bâtiments mouillent dans cette enceinte
gareva que des autres îles.
On entre par 3 passes dans ce vaste
la passe du s.-e.
Passe dit-
s.-e.
—
plus près de Man¬
lagon. Je
11 faut mettre les deux
ne
connais que
pitons du Mont Duff
—
174
—
à gauche de l'au¬
devant, en la
presque l'un par l'autre, celui du n.-o. un peu
tre. On gouverne alors à ranger l'île qui se trouve
laissant par tribord.
Attention ! — Le lagon
ê
est
encombré de bancs qui ne décou¬
Le débarcadère de Mangaréva est difficile à atteindre ;
arriver la ligne d'eau bleue qu'on aperçoit
entre la plage ët les têtes des rochers.
Mouillage de la Meurtbe :
Pointe est de Mangaréva. n. 11° est.
vrent pas.
il faut suivre pour y
8° ouest.
9° est.
26 septembre. —Je descends à terré avec Brou.
27 septembre. — Filé jusqu'à i lobrasses de chaîne ;
Pointe ouest
n.
s.
La cheminée
le temps
grains.
septembre. — Je passe la journée à terre. Les indigènes
veulent échanger des perles, des nacres et de beaux coquillages
pour des cravates et du savon.
Je visite trois colons français: Marion, Jacques et
;
ils sont mariés à de jolies femmes du pays et ont plusieurs en¬
fants. Je suis très bien accueilli par ces familles.
M. Caret, aussitôt à terre, est porté en triomphe. Beaucoup
d'habitants pleurent en le revoyant.
Les femmes baisent les mains du R. Père François.
Un vieillard, ancien grand-prêtre de l'île et père adoptif du
père Caret, pleure à chaudes larmes en le voyant
Les indigènes bâtissent des maisons en pierre. Ils ont de jolies
embarcations. J'en ai vu jusqu'à 7 le long du bord.
Mangaréva ne paraît rien produire ; tout y paraît
pendant, d'après ce qu'on raconte, il y a eu dans
arbres, mais ils onttous été abattus parle vent d'un ouragan en
1840. Pendant cette horrible tempête dont le souffle
soulevait, dit-on, des pierres énormes, tous les insulaires s'étaient
réfugiés, pleins de frayeur, dans l'église dont le
enlevé par le vent.
Depuis cette epoque, on a replanté des arbres,
trop jeunes pour produire.
Le débarquement officiel de M. Caret est salué de 5 coups de
est à
28
Guilloux
si malade.
dénudé. Ce¬
l'île de beaux
puissant
toit fut bientôt
mais ils sont
canon,
et son
Philippe.
Le roi
arrivée à terre d'un coup
de la caronade du Fort
Maputeoa (Grégorio) vient visiter
de canon à son départ. Le Père
de 5 coups
Société des
Étiid'
le bord ; il est salué
Cyprien, Chef de la
—
175
—
Mission des Gambier et
dans
ces
Représentant de notre Gouvernement
îlots, vient à bord recevoir 7 coups de canon.
28
septembre. — Reçu, une presse pour Tahiti. D'après les
renseignements qui me sont fournis à la Mission, la population
du groupe des Gambier s'élève à 3.000 âmes, et il; n'y a pas à man¬
ger pour 1.500 habitants sur tous ces rochers. Bien plus, cette
population croît d'une manière alarmante.
30
septembre. — Nous appareillons par embossure dans
grain violent du n.-e.
Le pilote me donne les renseignements suivants :
Passe du s.-e. ou de Mahabo : Il faut s'élever dans l'est jusqu'à
ce que la pierre percée de la pointe Makabo de l'île Akamaru
soit par le plus à l'est des deux pitons du Mont Duff. On range
deux petites îles basses qui sont en dehors et ensuite Makabo.
Si on n'a pas de pilote, on mouille sous Akamaru, le plus près
possible de terre, par 25 ou 30 brasses. On peut, si on y est forcé,
mouiller sur les bancs de la passe par 30 et 35 brasses. D'Aka¬
maru, en peut appareiller par tous les vents et louvoyer, en
ayant soin de veiller les bancs de coraux.
un
30
septembre. — Les vents varient du n.-e. au n.-n.-e.
Aperçu le soir l'île Crescent par bâbord. Ce n'est qu'un récif
boisé, mais habité.
1er octobre.
comme
récif
—
Les îles Hood' sont
toutes les îles
placé
au
Tuâmotu; la
large de ces îles.
2 et 3 octobre.
4: et 5 octobre.
—
en vue
mer
;
brise
elles sont basses,
avec force sur un
Belle brise d'est à l'e.-n.-e.
Temps orageux. Je fais le quart d'officier
remplacer Favier; ce service me donne plus d'expérience.
J'ai la responsabilité du quart.
6 octobre.
Nous apercevons au matin Fatuhiva (la Made¬
leine). Cette île, la plus sud du groupe s.-e, est très élevée,
comme toutes les autres îles de l'archipel des Marquises ; elle est
sillonnée par des vallées étroites et profondes.- Nous passons par
l'e. de cette île pour ne pas avoir les calmes de la partie sous le
vent ; c'est le côté le plus aride mais le plus pittoresque. La
montagne y est terminée par une crête très étroite et percée vers
le milieu d'un trou à travers lequel on voit le jour. De Fatuhiva
on aperçoit dans le lointain Tahuata (Christine) et Hiva-Oa(Do¬
minique).
7 octobre.
Vers 1 heure du matin nous passons par le
pour
—
—
—
—
176
—
canai du Bordelais. Ce passage entre Tahuata et Hiva-Oa est lar¬
ge et les côtes sont accores.
Pendant toute la journée du 7 nous restons en panne et à lou¬
de Vaitahu.
petite et l'eau y est profonde. Il est difficile
mouillage, surtout lorsque le temps est à grains,
voyer devant la baie
Cette baie est très
de
s'y tenir
car
dans
au
ce cas
de bien lourdes rafales tombent de la montagne
dehors.
et vous chassent
Ici,
ce
n'est pas comme aux Gambier ; la population manque
et les vivres sont en
abondance. De l'extérieur de la baie
nous
distinguons les maisons de Vaitahu, le fort Philippe (bâtisse
carré.e) les blockhaus, la caserne.
Hiva-Oa est beaucoup plus peuplée que Tahuata, mais aussi
cette île, tout en étant aussi élevée que Tahuata, est beaucoup
plus grande que cette dernière et les vallées y sont beaucoup
plus larges.
Il paraît qu'un trois-mâts français a passé ici il y a 3 jours, fai¬
sant route pour Nuka-Hiva. Vers 4 heures du soir, nous nous
dirigeons sur Taiohae, ayant à bord un missionnaire de 40 à 45
ans : M. Dumonteil. Le soir, nous voyons se dessiner Ua-Pou à
l'horizon.
8 et 9 octobre.
—
Le 8 octobre
nous
mouillons à Taiohae
(Nuka-Hiva).
Du ÎO au 20 octobre.
La Somme, que nous remplaçons
dans la station des Marquises, est une
La Meurtbe est une cor¬
vette de charge, à batterie couverte(portant 18 pièces. Cette cor¬
—
s'empresse de faire ses préparatifs de départ pour Tahiti, où
plus de ressources qu'à Nuka-Hiva.
Mes courses sont très limitées. Je visite la baie Collet (nom
d'un capitaine tué à Tahuata) ; la vallée qui termine cette baie
n'est habitée que dans le haut. Près de la baie, je grimpe sur un
énorme rocher de 4 m. sur 5 m.; il a ceci de remarquable, c'est
qu'il s'appuie sur un plan très incliné et qu'il ne tient que par
un miracle d'équilibre.
Le lendemain, je fais une excursion de l'autre côté des mon¬
tagnes qui bornent la baie de Taiohae. Je visite la vallée des
Manutini, située entre les vallées de Taipi et celle des Tai ; les
Manutini sont peu nombreux ; ce sont des alliés des Tai ; la
vallée qu'ils habitent n'est qu'une étroite et profonde fissure.
20 octobre.
Excursion aux Taipi Kaikai. Je grimpe par
le chemin de Porter (nom d'un commodore américain qui a travette
l'on trouve
—
—
177
—
versé la
montagne avec ses pièces de campagne pour aller com¬
Taipi). Arrivé sur le sommet de la montagne, sous un
soleil ardent, je trouve, sur le versant de
l'intérieur, de l'ombre
et un petit ruisseau dont l'eau est froide comme
de la glace.
J'avais les pieds enflés par le soleil ; ce fut pour moi une grande
jouissance de pouvoir me mettre les pieds dans cette eau froide.
Je n'avais pour déjeuner qu'une galette de biscuit et du fromage.
Néanmoins, je ne me rappelle pas avoir mangé avec autant d'ap¬
pétit.
Après m'être reposé, je suivis le sentier de la crête jusqu'à la
baie du Contrôleur. Je ne pus dans cette excursion
visiter que
les Taipi, qui habitent le bord de la
plage, près de l'embouchure
d'une petite rivière profonde à cet endroit.
Cette partie de la tribu s'appelle
Taipi vai.
21 octobre.
Je souffre d'une angine. Je suis très sujet à
cette maladie, quand je m'expose
au soleil brûlant.
battre les
—
Arrivée du baleinier américain President.
3 novembre.
—
Nous allons Brou et moi faire
une
chez les
excursion
Taipi Kaikai. Ce qui nous attire chez cette terrible tribu,
c'est qu'au dire des indigènes des autres vallées ces
Taipi sont
tous des hommes féroces et sanguinaires.
Nous ne pouvons arriver que dans le bas de la vallée en
ques¬
tion,
car il se faisait tard et nous devions rentrer à bord le
soir
même. Nous fûmes bien reçus par les habitants.
Da 3 an 11 novembre.
Brou et moi nous
—
à construire
nous
décidons
Nous arrivons facilement à tailler les
mon¬
tants et les
de notre hutte, mais nous sommes
inca¬
pables de la couvrir et nous dépensons inutilement des écheveaux
de fil pour amarrer les paquets d'herbes devant servir
comme le
chaume en France.
une case.
11 novembre.
Le
President, parti la veille de Taiohae,
jette à la côte à Hiva-Oa. On expédie le brick Anna, armé en
guerre, et on y embarque une compagnie pour faire le
sauvetage
—
se
de
ce
baleinier.
17 novembre.
lt> novembre.
—
Le President est relevé de la côte.
Le Commandant Le
Frapper, accompagné
Roquancourt et du chirurgien Boran, se
dans la baie du Contrôleur.
Depuis 15 jours,
—
du Commissaire de
rend
en
baleinière
l'île est continuellement
en
feu et notre pont couvert de
cendres
apportées par la brise de la montagne. Tous les ans, à
pareille
époque, on brûle partout, dans les îles Marquises, les herbes
—
sèches et les
roseaux
pour
178
-
*
assainir et détruire les insectes et la
vermine.
20 novembre.
établissement,
on y
Le feu étant arrivé
jusqu'à 1 mille de notre
envoie la garnison armée de pompes pour
—
l'éteindre.
21 novembre.— Le Commandant revient de
il amène le fils de
son
excursion ;
taio
(1), grand-prêtre de Huapua. Le
qui l'accompagnaient ont été bien
reçus par ce grand-prêtre ; il leur a donné la permission de tuer
poules et cochons qu'ils rencontreraient sur ses terres, et à leur
départ, ils ont reçu en cadeaux des tambours, des casse-têtes et
des sagaies.
22 novembre. —Je fais une promenade dans les vallées de
la baie. Je trouve dans le haut de l'une d'elles, au pied d'une
cascade, un bassin de 6 mètres de profondeur; l'eau y est d'une
fraîcheur exceptionnelle.
En sortant de prendre un bain dans ce bassin, j'entends le
bruit sourd du canon dans la direction du cap Martin. J'apprends
que le: bruit que j'avais entendu avait été causé par un baril
de poudre que les indigènes de Ua-Una portaient dans une
baleinière. Par imprudence, il avaient mis le feu à quelques grains
de poudre qui coulaient du baril. Le tout avait éclaté et lancé à
la mer bris de canot et bris d'hommes. Deux d'entre eux, moins
gravement blessés, avaient pu atterrir au cap Martin dans la nuit.
C'est par eux que l'on aurait appris l'événement. Malgré leurs
blessures, ils avaient nagé pendant io heures au moins.
25 et 26 novembre.
Le 25, je quitte le bord à 6 heures
du matin, je prends le chemin de Porter ; et, sans m'arrêter pour
souffler, j'arrive au bout d'une heure sur la crête. J'avais, en
partant de. bonne heure, évité les retards causés par les Tai,
qui cherchaient toujours à nous dissuader d'aller chez leurs en¬
nemis les Tàipi.
J'arrivai sur la crête ver^ 7 h. 1/2 ; le soleil éclairait obliquement
la baie de Taiohae, entourée de montagnes dont les contre-forts
son
Commandant et les officiers
—
se terminent aux deux îlots, sentinelles de l'entrée de
baie. Près de la plage blanche à gauche, je distingue les
maisons de Saumurville, et à droite, près de la plage noire, les
extrêmes
cette
nombreuses
cases
s'avance dans la
et
au
des indigènes. Entre ces deux agglomérations,
la pointe élevée couronnée du fort Collet,
mer
large de ce fort les navires sont au mouillage.
(1) Taio : ami, frère.
—
179
—
j'entends le bruit des maillets, battant en
employées pour faire le tapa. Ce bruit s'éle¬
vait de toutes les vallées de la baie, même de celles qui abou¬
tissent au mont Moak. (i)
Je retrouvai un repli de terrain inhabité, situé à gauche des
Manutini, et j'arrivai ainsi à la crête qui domine la longue et
large vallée des Taipi. Pour me rendre dans cette belle vallée
qui traverse l'île, de la terre déserte à la baie du Contrôleur, j'allai
au plus court
en profitant du lit d'un torrent desséché sûr lequel
je me laissai glisser; mais la pente en était si grande, que le bâ¬
ton qui me servait d'appui pour modérer mes élans s'étant
échappé de mes mains, prit une vitesse vertigineuse que je crai¬
gnais d'acquérir. Je m'accrochai alors aux pierres, mais elles
s'arrachaient et s'éboulaient sous moi. Enfin, je fus arrêté dans
De tous les côtés,
mesure
les écorces
glissade par un obstacle provenant du relief d'une grosse
qu'un mètre de hauteur, mais la mèche
était parfaitement d'aplomb; au-dessous d'elle, le plan incliné
continuait, et je ne voyais rien au pied de cette roche pour me
ma
roche. Cette roche n'avait
cramponner.
J'hésitai à prendre mon élan, et je regardai s'il n'y avait pas
de remonter; je vis bien vite que c'était impossible car
moyen
j'avais nettoyé le lit du torrent qui m'avait servi de chemin, en
faisant tomber les pierres et les morceaux de bois mort. J'avais
été heureusement aperçu des Taipi, et j'entendis les cris de
Hahaiki Kairi (chefs qui têtent) et je vis 3 hommes grimper rapi¬
dement vers moi. Je n'avais qu'à les attendre. A leur arrivée,
l'un d'eux se mit le long de la roche et me dit de me placer sur
ses épaules. Je descendis ainsi porté au bas de la vallée; je fus
immédiatement conduit à une grande place rectangulaire élevée
sur le bord de la petite rivière qui court dans cette vallée sur un
lit de cailloux.
Les côtés de
ce
et formaient une
grand rectangle étaient élevés de 1 métré
chaussée de 4 mètres de largeur.
1/2
Sur certains
points, cette chaussée avait 6 mètres de largeur et servait dans
ces endroits de base à des cases sacrées dont la plus haute, en
forme de pyramide, était placée sur le petit côté du rectangle et
en
amont.
Toutes ces cases étaient couvertes en feuilles de palmier sy¬
métriquement entrelacées. Les pierres de la chaussée étaient en
(1) Sans doute Moake.
—
énorme basalte nivelé
180
—
les
pavés de France. C'était un
rectangle était en terre unie et tassée.
pyramide où on étendit une natte pour
moi. L'entrée de cette case était
étroite, basse et fermée par une
natte pour empêcher le
jour et les moustiques de pénétrer. Un
tronc de cocotier divisait la case dans toute sa
longueur. La par¬
tie du fond en était
dégarnie de pierres et couverte d'aretu ou
de joncs odorants. C'était sur cette
partie qu'on avait mis une
natte en m'invitant à
m'y étendre. Au fond de la case un autre
tronc de cocotier servait
d'oreiller, en sorte que, couché, on avait
comme
beau travail. L'intérieur du
On m'amena dans la
tronc de cocotier sous la tête et un autre sous les mollets.
Les parois de la pyramide étaient
garnies de casse-têtes et de
lances. Un filet était paqueté dans un coin, un râtelier de fusils
était fixé dans un autre ; enfin un baril de
un
au-dessus de
ma
poudre était suspendu
tête.
Mon arrivée avait été annoncée de
accourait voir
case en case
l'Européen, mais personne n'osait
et la
population
Enfin, le
entrer.
grand-prêtre de la tribu, orné de son bonnet en feuilles tressées
et de son pagne
aux bouts flottants, vint prononcer le tapu sur
ma
personne. Je devenais à partir de ce moment
quelque chose
de sacré et de, respecté.
Après avoir bu du coco et mangé du kaaku (pate de mei ou
maiore, fruit de l'arbre à pain, qu'on sert dans le
jus de la noix
de coco) j'allai prendre un bain dans la rivière et
visiter les cases
des environs.-Dans l'une d'elles,
je vis une bière qui contenait une
momie enveloppée de tapa et
qu'on venait de descendre, non du
plafond, mais des pièces de bois qui soutiennent les
à l'intérieur.
Je fus invité à entrer
à
conserver un
et
cadavre.
j'assistai ainsi à l'opération qui consiste
Celui
qui était devant moi était le corps d'un chef, mort depuis
jours, et aux funérailles duquel on avait sacrifié deux victimes
surprises chez les Haapaa. C'était une tête grise ornée d'une
longue barbe blanchissante ; il avait la peau parcheminée et cou¬
verte de
tatouages dont la teinte bleu-ardoise était dévenue d'un
bleu plus clair.
Il n'y avait que des femmes dans la case du mort.
Après avoir
dégarni la momie de tous les tapa qui la préservaient du con¬
tact de l'air, elles la frottèrent
longtemps et doucement avec la
paume de la main imprégnée d'huile de coco aromatisée. Ce
manège terminé, elles remirent les tapa en place, et la momie
15
Société des
Études
Océanienne
—
fut rehissée à son
181
—
famille
des autres dans
place d'honneur
poste. Chez les Nuka-Hiviens, toute la
amis de passage couchent les uns à côté
toute la longueur de la case. On me donna une
et les
enviable. Jusqu'à 11 heures du soir, il y eut près de moi mu¬
sique et chants de jeunes filles. Les chants étaient sur un ton
grave et triste, et l'accompagnement en était fait sur 3 ou 4 mor¬
ceaux de bois sec dont la grosseur et la longueur différaient.
Chaque artiste femelle les retenait croisés sur les cuisses et
frappait en mesure avec un autre morceau de bois sec; cela
produisait différents tons dont le plus sonore était celui qu'elle
obtenait en frappant sur le plus long et le plus mince des mor¬
peu
ceaux
de bois.
musique sauvage ne manquait pas d'une certaine har¬
monie bizarre. Le lendemain matin, je me disposai à revenir à
Cette
désiraient me garder 5
Je les remerciai en leur
expliquant qu'il m'était impossible de remettre mon départ.
bord, malgré l'invitation des chefs qui
jours pour me donner une grande fête.
On m'offrit alors des cochons, des poules et des fruits ; je
n'acceptai en fait de cadeaux qu'une tête de mort, dont l'une des
orbites était garnie d'un rond de nacre, et une pipe faite d'un mor¬
ceau de tibia humain. Ces deux reliques provenaient de victimes
sacrifiées et mangées. Les chefs, me voyant décidé à partir, me
firent accompagner par un fort gaillard portant des cocos. Nous
suivîmes un sentier moins dangereux que le chemin que j'avais
pris en venant. Lorsque mon guide me voyait fatigué, il s'asseyait,
ouvrait un coco qu'il me présentait sans vouloir en boire, pré¬
tendant que les cocos avaient été rendus tapu par le grandprêtre.
Aune petite distance des Manutini, mon guide me dit qu'il ne
pouvait aller plus loin sans danger pour lui. Il me montra une
colline que j'avais à traverser et me fit ses adieux. Les Taipi et les
Manutini sont toujours en guerre, ou plutôt toujours à l'affût
pour saisir des victimes au passage sur la colline que je parcou¬
rais. Chez les Manutini, on me dit que j'étais fou d'aller chez
les Taipi qui m'auraient tué et mangé, s'ils avaient eu besoin de
comme victime à la mort d'un chef.
Je les laissai dire, car j'étais persuadé que toutes les tribus
exercent les lois de l'hospitalité comme le font tous les peuples
primitifs.
{A suivre.)
moi
—
482
—
DE PITCAIRN A FAKARAVA
Extrait de "South Sea Tales
Traduit de
l'anglais,
par
par
Jack LONDON.
Outsider.
Le Pyrénées, avec ses flancs de fer enfoncés
profondément dans
l'eau par le poids de son
chargement de blé, roulait paresseuse¬
ment, ce qui facilita son ascension à l'homme qui grimpait à bord,
sortant d'une étroite
pirogue à balancier. Quand ses yeux furent
au niveau de la lisse et
qu'il put voir l'intérieur, il lui sembla
percevoir
légère, presque immatérielle vapeur. C'était plu¬
illusion, comme une pellicule terne qui se serait
répandue brusquement sur ses yeux. 11 éprouva le désir de la
chasser, et au même instant il pensa qu'il devenait vieux et que
le moment était venu dé commander à San Francisco une
paire
tôt
une
comme une
de lunettes.
Comme il arrivait au-dessus de la
lisse, il jeta un regard en
vers les mâts
supérieurs, et de là vers les pompes. Elles ne
fonctionnaient pas. Rien ne paraissait anormal sur ce
haut
grand na¬
vire, et il s'étonna que l'on eût hissé le signal de détresse. Il son¬
gea à ses heureux insulaires, souhaitant qu'il n'y eût
pas de ma¬
ladie. Peut-être le bâtiment était-il à court d'eau ou de
provisions.
Il serra la main au capitaine dont le
visage émacié et le regard
soucieux ne cachaient pas le
trouble, quelle qu'en fût la cause.
En même temps, le nouvel arrivant sentait une
faible, indéfinis¬
sable odeur, ressemblant à celle du
pain brûlé, mais avec une
nuance.
11
regarda curieusement autour de lui. A vingt pieds de dis¬
un marin, à la
figure fatiguée, était en train de calfater le
pont. Comme son œil s'attardait sur cet homme, il vit soudain
tance
s'élever de dessous
ses mains une faible
spirale de vapeur qui
s'enroulait, se tordait et disparaissait. Il avait alors atteint le
pont. Ses pieds nus ressentirent une lourde chaleur qui péné¬
trait rapidement leur épaisse
callosité. Il comprit la nature de la
détresse du bateau.
Il promena
des matelots
regard de
rapidement les
aux
yeux vers l'avant où tout l'équipage
traits lassés le dévisageait avidement. Le clair
ses yeux
noirs s'étendit
sur eux comme une
bénédic-
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tion, les calmant, les enveloppant dans le manteau d'une grande
paix.
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 04