Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 07
- Titre
- Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 07
- Description
-
Editorial
Ethnologie - Croyances relatives aux âmes et à l'autre vie chez les Polynésiens Leverd 8
Philologie - Noms d'illustres marins Paumotu des temps passés P. Hervé Audran 19
Sciences naturelles
- Maladies et Médecines à Fiji Abbé Rougier 21
- Ornithologie R. H. Beck 32
Folklore - Deux légendes tahitiennes 35
Histoire
- Résumé chronologique de l’histoire de Tahiti et des îles de la Société de 1521 à 1821 41
- Mémoires d'Ariitaimai (suite) 45
Tourisme - Itinéraire des Iles Marquises (Suite et fin) Le bronnec 52 - Date
- 1923
- Date de numérisation : 2017
- Format
- 1 volume au format PDF (64 vues)
- Identifiant
- PFP 3 (Fonds polynésien)
- Langue
- fre
- Editeur
- Société des Études Océaniennes (SEO)
- Relation
- http://www.sudoc.fr/039537501
- Droits
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- Source
- Société des Études Océaniennes (SEO)
- Type
- Imprimé
- extracted text
-
Bulletin
»
ETUDES OCEANIENNES
Anthropologie — Ethnologie — Philologie.
Histoire
—
des
Institutions^ et Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie — Sciences naturelles.
Tourisme.
IMPRIMERIE
A
DU
GOUVERNr MENT
PAPEETE (TAMiTi)
3BW8>&3S'ttS[sr
de
SOCIÉTÉ
la
D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
•—
IV
7.
—
AVRIL 1923
SOMMAIRE
Editorial
Rédaction
Ethnologie
Croyances relatives aux âmes et à
l'autre vie chez les
Polynésiens...
Philologie
Noms d'illustres marins Paumotu
des temps passés
^
Leverd
P. Hervé Audran
Sciences naturelles
Maladies et Médecines à Fiji
Ornithologie
Abbé Rougier
R. H. Beck
Folklore
Deux légendes tahitiennes.
g
Histoire
Résumé chronologique de l'histoire
de Tahiti et des lies de la Société
de 1521 à 1821.
\
Mémoires d'Ariitaimai (suite).
Tourisme
•Itinéraire des
et fin)
Iles
Marquises (Suite
Le bronnec
Depuis la parution de notre Bulletin en septembre dernier
appliqué, dans la mesure
de ses moyens, à répondre aux directives tracées dans le dernier
le Bureau de la Société d'Etudes s'est
Editorial.
En vue de la conservation des vestiges
du passé maori que
possède encore la Colonie, le Bureau a été amené à demander
l'application stricte des dispositions de l'arrêté du 11 juin 1917,
notamment à l'occasion de la Mission de l'honorable M.
Stokes,
savant du "Bishop Museum d'Honolulu". Cette mission avait
rapporté des Iles du Sud, de Raivavae spécialement, une très
importante et très intéressante collection de statues et de pierres
gravées.
Conformément à la demande du Bureau de la Société, le Gou¬
vernement n'a pas cru devoir autoriser l'exportation de ces objets.
Toutefois sur les instances de M. Stokes qui fit ressortir, au cours
d'une abondante correspondance l'utilité pour le Bishop Museum,
en vue d'un
prochain Congrès, de pouvoir examiner sur pièces le
résultat des recherches de son délégué, celui-ci fut, à titre excep¬
tionnel, autorisé à exporter et à conserver à titre de prêt, pour
une durée de cinq ans, un spécimen de chaque série d'articles.
En présence du Bureau, M. Stokes choisit lui-même ses spé¬
cimens. Les autres articles furent remis au Museum de Papeete.
Ils y figurent actuellement dans une salle récemment aména¬
gée.
Le Musée s'est enrichi également de dons de M. Georges
Biddle. Ce peintre américain, élève de l'école française moderne,
fit deux
.séjours successifs à Tahiti. Au cours du dernier il sé¬
journa près de deux ans dans le district de Tautira.
Bien que son œuvre échappe entièrement à la compétence cri¬
tique de cette publication, notons qu'elle reflète une vision ex¬
trêmement personnelle des couleurs, des formes, et des visages
de ce pays. A ce titre nous sommes heureux de conserver la trace
du généreux artiste. L'exposition des œuvres de Georges Biddle,
dont notre Société a eu la primeur, vient de trouver à New-York
accueil
empressé dont la presse américaine a rendu compte.
à Paris, où elle a lieu
actuellement, le même succès.
L'assemblée générale de la Société réunie le 4 décembre 1922,
pour la réception de M. le Gouverneur Rivet, a donné l'occasion
au Chef de la Colonie de fixer la participation du Gouvernement
à nos travaux dans une allocution que nous reproduisons ici :
un
Il est vraisemblable qu'elle rencontrera
Monsieur ie Président,
Messieurs,
Le
patronage que les statuts de la Société des Etudes Océa¬
niennes confèrent au Chef de la Colonie, s'il est un honneur
dont j'apprécie, comme
il convient, tout le prix, ne m'en appa¬
raît pas moins comme un devoir, agréable mais effectif, dont les
charges, pour nouveau Membre que je sois, ne me sont pas in¬
connues. Les entretiens qu'il m'a été donné d'avoir, avant mon
départ de France, avec le fondateur de votre Compagnie, le Gou¬
verneur JULIEN, dont je salue le souvenir, la lecture attentive des
actes qui ont présidé à la constitution et à l'organisation de votre
Institution, la vue d'ensemble que les Bulletins de la Société
m'ont fourni
sur
ses
directions et
son
fonctionnement m'ont
permis de fixer ma conception du rôle qui m'est imparti de par
vos règlements. Ce rôle, je tiens d'ores et
déjà à vous en donner
l'assurance, m'apparaît déterminé non point par le souci d'exer¬
cer un contrôle administratif sur une Société d'études dont le
caractère et l'objet ne comportent aucune tutelle de ce genre,
mais par la nécessité d'apporter à votre groupement, pour ses
recherches, ses démarches et ses travaux, en vue de ses relations
intérieures et extérieures, l'autorité morale et les moyens maté¬
riels qui assurent son existence et son développement.
Si elle ne trouvait pas, dans le pouvoir qui réglemente, un étai
indispensable dans son œuvre conservatoire, si elle ne disposait
d'autre part que des moyens procurés par ses propres ressour¬
ces, la Société d'Etudes, quels que soient l'énergie, l'activité et
le désintéressement de ses Membres, risquerait de se trouver
démunie et pratiquement dans l'incapacité d'atteindre son but.
C'est donc au Gouvernement de la Colonie qu'incombe la charge
d'appuyer de son autorité et de doter des ressources nécessaires
un groupement qui,
en retour, assure à la Colonie le profit ma¬
tériel et moral de ses travaux. Cette intervention laisse à la So¬
ciété d'Etudes toute l'indépendance nécessaire à ses recherches,
à ses initiatives ; elle facilite ses démarches sans
entraver son ac¬
tion, elle aide à ses réalisations sans leur imposer aucune
marque
officielle, en lui conservant son autonomie et son libre
jeu. Ma
conception personnelle à cet égard correspond, je crois, à la thèse
qui a prévalu depuis la reprise de vos travaux : c'est ainsi que par
un arrêté du 31 décembre
1921 vous avez obtenu le rattachement
du Musée et acquis ainsi le droit d'en administrer et
surveiller
les collections, d'en
désigner le Conservateur et de disposer, au
mieux de vos intérêts, de la subvention annuelle servie
par la
Colonie.
J'ai donc tenu à vous affirmer dès maintenant mon intention
de continuer sur ces bases une collaboration
qui a déjà donné ses
fruits. En effet, les récentes acquisitions faites
par votre Bibliothè¬
que et votre Musée, la très intéressante dernière édition de votre
Bulletin et la propagande poursuivie à cette occasion en France
et à l'étranger, auprès des Institutions et des
personnalités scien¬
tifiques, des revues et des journaux, en un mot l'ensemble de
vos travaux et de vos démarches
depuis la reprise de votre ac¬
tivité, me donnent les plus fermes espoirs pour les résultats à
attendre de notre effort concerté.
Si vous voulez bien, en vue de préciser dès maintenant les as¬
pects pratiques de cette collaboration, nous passerons ensemble
en revue les différents domaines où votre initiative
pourra se trou¬
ver secondée
parles moyens que je serai en mesure de vous don¬
ner.
Le premier des buts proposé par vos fondateurs est la conser¬
vation des vestiges et des témoins de la civilisation maori, des
derniers monuments du passé de ces îles, d'un passé aboli dont
les traces sont d'autant plus précieuses qu'il devient plus diffi¬
cile de les déceler. Cette œuvre est nécessaire et
urgente, car il
s'agit de sauver ce qui demain ne sera plus. Mais elle est difficile
car les
fragments qui demeurent sont dispersés; les plus inté¬
ressants se trouvent dans les îles les
plus lointaines, exposés à
la destruction inconsidérée ou à des fouilles
souvent avides. Les découvrir, les classer les préserver et, dans
la mesure du possible, les rassembler : telles sont les quatre pha¬
la détérioration, à
ses de l'œuvre conservatoire dont vous avez la
responsabilité.
Dans chacune d'elles, je m'efforcerai de vous seconder. Le per¬
sonnel administratif des
Archipels sera invité à joindre son '
investigations que vous voudrez tenter, soit par
correspondance en fournissant les renseignements que vous de-
concours aux
manderez, soit directement à l'occasion des missions que la So¬
de se déplacer
à travers les îles. D'autre part, en ce qui concerne la préservation
des objets offrant un caractère et un intérêt historiques, il sera
possible de reviser la réglementation actuelle en vue de restrein¬
dre leur exportation voire même leur acquisition. Je sais que la
question a été déjà soulevée et je serais volontiers disposé à la
résoudre aussitôt que me seront adressées des propositions
basées sur un classement précis permettant une exacte discri¬
ciété pourrait confier aux Membres susceptibles
mination.
Comme suite à cette
de conservation, vous avez pour
d'approfondir la connaissance de la langue et des cou¬
tumes, des mœurs et des arts, des traditions et du folklore des
populations anciennes et actuelles de l'ôcéanie. A cet effet
vous disposez d'un Bulletin dont les
rubriques s'alimentent d'une
documentation diverse et nourrie, puisant aux sources même
de son sujet, et d'une Bibliothèque qui, grâce aux
échanges du
Bulletin, reçoit régulièrement les publications les plus intéres¬
santes en
matièrepolynésienne. Tous les moyens matériels affé¬
rents à la publication du Bulletin et à sa diffusion continueront
de vous être donnés^ La Bibliothèque continuera de
recevoir, en
outre des publications d'ordre scientifique qui lui sont adressées,
les journaux et les revues dont le service est fait à la Colonie.
En ce qui concerne les rapports que vous avez noués ou
que
vous êtes
appelés à nouer avec d'autres centres d'études du mon¬
de polynésien et les Sociétés de même ordre
d'Europe, d'Amé¬
rique et d'Asie, relations qui font également partie de votre pro¬
gramme et dont tient compte votre arrêté de fondation, je serai
toujours heureux, devant les bénéfices de tout ordre que votre
Compagnie et la Colonie même sont appelées à en retirer, à en¬
courager et à faciliter, dahs la mesure de mes moyens, leur
développement. Les savants envoyés en mission parles Sociétés
correspondantes de la vôtre trouveront un accueil d'autant plus
favorable à leurs recherches qu'ils en
échangeront plus généreuse¬
ment avec vous les résultats, qu'il
s'associeront plus étroitement
à vos travaux, soit en faisant
part à votre Bulletin de leurs
rapports, soit en vous communiquant leurs études, soit en fai¬
sant bénéficier le Musée de découvertes
qu'ils ne seront qu'excep¬
tionnellement autorisés à exporter. C'est dans ce sens, en effet,
que je compte résoudre le problème qui se pose devant la néces¬
sité d'entretenir les relations les
plus amicales avec les Sociétés
mission
œuvre
étrangères, et celle, plus impérieuse encore, de conserver à la Co¬
lonie des richesses qui constituent le patrimoine
historique et
artistique de nos Etablissements.
Enfin, j'ai vu, dans votre dernier Bulletin, s'indiquer vos in¬
tentions au sujet de la mise en oeuvre du tourisme local. Dans
cet ordre d'idées, comme dans les précédentes, un vaste
champ
d'action
est ouvert où
je me féliciterais de voir tous les
qu'une
partie de l'avenir de ces îles repose sur la mise en valeur de leurs
beautés pittoresques, hors de doute que le jour où les globe¬
trotters d'Europe, d'Amérique et d'Asie, attirés par la rénommée
de nos Archipels, prendront le chemin de Tahiti, il en résultera
pour la Colonie une prospérité matérielle et un prestige de nature
à modifier singulièrement sa position. Mais cela suppose toute
une préparation dont une
grande partie vous incombe : tout ce
qui a trait à la divulgation minutieuse de nos richesses touristi¬
ques— cartes, itinéraires, descriptions, tracés, etc., rentre dans
vos attributions. Etablir lè
guide de Tahiti et des Archipels serait
une des manières les plus utiles d'ouvrir la voie au
grand touris¬
me. Ce travail, me direz-vous, comporte
aussi une importante
aide matérielle : les chemins de montagne sont à débrousser, des
pistes sont à ouvrir pour atteindre les sites les plus réputés, cer¬
taines excursions sont de véritables expéditions nécessitant de
la main-d'œuvre, des équipes de prisonniers... Dans toute la
mesure du possible, cette aide, j'essaierai de vous la fournir.
J'ai terminé, Messieurs, cette longue revue des terrains divers
où votre action est appelée à demander au Gouvernement de la
Colonie concours et appui. L'un et l'autre vous sont acquis.
Votre œuvre désintéressée est de celles qui honorent non seule¬
vous
concours se
rallier à votre effort. Il est hors de doute
ment l'Institution qui l'entreprend mais le pays où elle se réalise.
C'est une entreprise
intellectuelle à longue échéance, mais à
seulement à cette Colonie
mais à l'Histoire, à l'Art et à la Science : c'est un honneur et un
devoir que de la commanditer.
vaste portée, dont le bénéfice ira non
Comme suite à l'affirmation de ses intentions le Chef de la Co¬
lonie a adressé aux Administrateurs et Agents spéciaux de Ta¬
hiti, Moorea et des Archipels une circulaire en date du 11 janvier
1923 qui, nous l'espérons,'permettra de réaliser, avant qu'il ne
soit trop tard, la mise à l'abri des derniers vestiges de la civilisa¬
tion Maori. Voici les termes de cette circulaire.
Papeete, le il janvier 1923.
Le Gouverneur des Etablissements français de l'Ocèanie, à Mes¬
sieurs les Administrateurs des Archipels et Agents spéciaux.
La Société des Études Océaniennes, dans une Séance pleinière
du 4 décembre 1922 que j'ai eu l'honneur de présider, et dont
vous trouverez le compte-rendu au Journal officiel du iôdécembre 1922, a attiré de la façon la plus instante mon attention sur
la nécessité d'intervenir sans retard en vue de la conservation
des derniers vestiges de la civilisation maori, dispersés dans nos
îles, exposés à la détérioration, à la destruction inconsidérée ou
à des fouilles souvent avides. En assurant la Société d'Etudes
de l'intérêt que
je prenais à son œuvre, à ses recherches et à
l'effort tenté par elle pour préserver de l'oubli le passé de nos
Etablissements et sauver leurs richesses historiques et artisti¬
ques, j'ai pris l'engagement de lui procurer l'entier concours de
l'Administration des archipels.
Je ne doute pas que vous n'ayez à cœur de prêter votre colla¬
boration la plus dévouée à une œuvre désintéressée destinée à
honorer et à enrichir la Colonie, d'après les directions suivantes :
Vous aurez, dès réception de la présente circulaire:
A établir un relevé
complet et détaillé de tous les monu¬
mea'e, lieux de réunion
et d'assemblées, autels, lieux d'exposition des
morts, enceintes,
statues, pierres de sacrifices, pierres gravées, façonnées ou or¬
nées d'inscriptions ou dessins même rudimentaires, en un mot,
portant des traces de l'art ou de l'industrie primitive) existant
dans l'étendue de la circonscription que vous administrez, soit
Sur des propriétés privées, soit sur des terrains domaniaux. Le
relevé que vous m'adresserez devra comporter toutes indications
de lieux, noms de propriétaires, descriptions des
objets, de na¬
ture à permettre leur classement immédiat. Aussitôt ce relevé
établi vous aviserez les propriétaires ouïes possesseurs
d'objets
en instance de classement,
d'après la liste donnée ci-dessus, qu'ils
i°
ments vestiges ou fragments (marae ou
ne sauraient les aliéner ou les détruire et doivent veiller à leur
conservation. Vous les inviterez également à vous faire connaître
s'ils désirent en consentir la cession au Musée de
Papeete, qui
acquéreur. Vous indiquerez égale¬
ment dansquelles conditions les
objets transportables pourraient
sera seul autorisé à s'en rendre
être amenés au Chef-lieu ;
2° A exercer une surveillance minutieuse sur les
fouilles et les
recherches effectuées par les missions
étrangères qui, trop sou¬
vent mal instruites des dispositions
pourtant formelles de l'arrêté
du 11 juin 1917, transportent au Chef-lieu, en vue de leur
expor¬
tation, la part la plus intéressante du patrimoine historique et ar¬
tistique de la Colonie. Il vous appartiendra de rappeler en temps
utile les dispositions du texte susvisé aux
personnes qui seraient
tentées de les enfreindre, et d'interdire de la
faç'on la plus stricte
l'exportation pour une autre destination, que le Musée de Papeete
de tous les articles visés par l'article 5 de
l'arrêté du 11 j uin 1917.
Toutefois, sous cette réserve, les travaux de savants en mission,
à quelque nationalité qu'ils appartiennent,
devront être, dans la
mesure du possible,
largement facilités, en particulier pour ceux
qui auront été accrédités auprès de vous par la Société d'Etudes
Océaniennes ;
30 A contribuer d'une façon générale par vos investigations
personnelles et par des communications aussi fréquentes que
vos fonctions vous le
permettront, à l'œuvre entreprise parla So¬
ciété d'Etudes Océaniennes. Il vous sera tenu le
plus grand compte
de tous les renseignements, rapports et documents
que vous serez
en mesure de m'adresser
pour la Société sur les particularités his¬
toriques, archéologiques, ethnologiques, philologiques ou au¬
tres du groupe que vous administrez, et de toutes démarches
destinées à faciliter les recherches, les découvertes ou les
acqui¬
sitions de la Société d'Etudes.
Vous voudrez bien, en m'accusant
réception de la présente
circulaire, me faire part des premiers résultats que vous aurez
obtenus dans tes différents ordres d'idees.
RIVET.
Nous publierons au fur et à mesure qu'elles nous seront com¬
muniquées les réponses à cette circulaire.
Le passage au Chef-lieu de M. Beck, Naturaliste de 1'' 'American
Museum of Natural History" a permis de demander au
distingué
savant, Correspondant de la Société, des spécimens de ces collec¬
tions d'oiseaux. Avec la plus grande amabilité M. Beck a fait
part
au Chef de
la Colonie de son intention de remettre dans un dé¬
lai peu éloigné au Musée de Papeete, les collections demandées.
A cette occasion nous exprimons de nouveau à nos Membres
correspondants notre espoir de les voir s'associer d'une manière
effective à la constitution de notre Musée et de notre Bibliothè¬
que et à la rédaction de ce Bulletin. C'est par voie d'échanges que
notre jeune société est appelée à assurer et à affirmer
son
exis¬
tence.
Nous voulons être
persuadés que notre appel sera entendu.
Croyances relatives aux âmes et à l'autre vie chez
les Polynésiens.
Par A. LEVERD.
INTRODUCTION.
Les croyances relatives aux âmes et à l'autre vie se retrouvent
semblables dans toute la Polynésie et correspondent même
assez
assez bien aux idées
que s'en faisaient les
Anciens et notamment
les Grecs.
L'âme est une ombre, un double du corps qui, séparée de lui,
conserve
généralement sa forme. Cet esprit, dans l'autre monde,
mange, boit, vit en société à peu près comme les vivants et s'y
livre à toutes sortes de jeux; mais ces aliments, leurs maisons,
ces
jeux ne sont aussi que des ombres.
Au reste, la vie d'outre tombe n'est que l'ombre de la vie pré¬
sente et elle n'est pas une expiation. Nulle idée de sanction des
actions morales n'intervient, mais seulement la punition du man¬
que de respect pour les dieux et les prêtres et du manque de zèle
religieux par inobservation des rites.
Si d'autre part l'on considère le caractère plutôt consolant de
cette vie d'outre-tombe l'on comprendra l'immortalité de ces peu¬
ples, pourtant accessibles à la pitié et à l'amour, et leur indiffé¬
rence
de la mort.
Les âmes subissent seulement, avant d'atteindre leur demeure
définitive, une série de tribulations où elles sont exposées à tou¬
dont seule une connaissance profonde des
tes sortes de périls
rites et de nombreuses offrandes des
Les Polynésiens admettent
parents, pourront les sauver.
que s'échappant comme un fluide
du corps de l'homme en état de
prostration, d'évanouissement
si elle a contact
monde, à
plus revenir, auquel cas il
y a mort réelle. Mais si cette âme rencontre quelque
esprit d'an¬
cêtre bienveillant qui la ramène, la mort n'a été
qu'apparente.
Nombreuses sont aussi les légendes où, comme dans la fable
antique d'Eurydice et d'Orphée, quelque amant est descendu chez
les esprits et en a ramené l'âme de son amie
pour la réincarner.
de coma, l'âme erre à
l'aventure, exposée,
avec les choses de l'autre
ne
ou
Essence de l'âme. — Formes
qu'elle affecte et comment elle se
conduit envers le corps.
Lorsque quelqu'un se trouve dans un état d'inconscience, c'est
que la mort a pris possession du corps et ouvert la
porte à l'es¬
prit (varua) pour s'en échapper.
Nous voyons dans la légende hawaïenne de «Ka-ilio-hae
», que
l'âme descend le long du corps et le quitte
par le « pied gauche».
Sortie de là, elle «bourdonne comme un insecte». Elle
s'effraye
au moindre bruit, à
l'aspect du mort, et volète comme un oiseau,
en se
posant sur les branches.
Dans la légende de « Hiku» et «Kawelu»
(Iles Hawaii), nous
voyons le « Kahuna »(tahuga : prêtre) «Eleio », obliger l'âme de
« Kawelu », déshabituée du
corps après sept jours d'absence et
incommodée par l'odeur du cadavre, à réhabiter celui-ci en la te¬
nant serrée dans ses mains et en la
forçant à rentrer sous l'ongle
de l'orteil, point le plus
éloigné du centre de vie. 11 faut pour cela
qu'il la comprime, ce qui implique un certain degré de substantialité.
L'âme entre péniblement et veut revenir en arrière: le Kahuna
l'en empêche. Elle se débat dans le
corps, mais ne peut en sor¬
tir ; elle atteint le cœur ou
plutôt les entrailles : Kawelu respire,
son cœur bat
; elle est rendue à la vie. (Mid-Pacific Magazine juil¬
let 1912, p. 67, et s);
Ainsi le « Kahuna », voit l'âme de «Kawelu», la saisit, com¬
prime de ses mains « Hiku», d'ailleurs a été la chercher dans le
« Pô »
(Monde inférieur) et l'a saisie pour la ramener. — Toutes
ces opérations sont facilitées
par des incantations.
Aux Samoa, la légende de « Tui-Topetope » ,nous révèle des
croyances analogues :
Tui-Topetope », revenant de « Tutuila » et débarquant à
Upolu », apprend la grave maladie du Chef « Puepue-Mai ». Il
regarde à l'intérieur de la maison et y voit un certain nombre
de dieux du Mont « Fiso ,», assis sur le pas de la porte et se pas¬
sant l'âme du chef mourant. Elle était enveloppée dans une feuille.
L'un des dieux près de la porte dit à « Tui-Topetope » que, dans
l'obscurité, il avait pris pour un des leurs : « Prends ceci et il lui
passa l'âme». «Tui-Topetope» la prit et, le matin suivant, s'offrit
à guérir le chef. Les parents ayant accepté son intervention, il
réintroduisit l'âme et rendit ainsi la santé à «Pue-Pue-Mai » (Tur¬
ner Samoa p. 142 et 143).
L'âme était alors comprimée et enveloppée et n'avait pas forme
«
«
humaine.
«
Dans la légende de « Kaha-Lao-Puna » (Iles Hawaii), l'âme de
Kaha-Lao-Puna », apparaît au jeune chef « Mahana » et suivant
l'ombre, celui-ci rètrouve le corps.
Ici, c'est par des incantations que le « Kahuna » ramène la vie
dans le corps de « Kaha-Lao-Puna ». Lorsque, par la suite, Ka¬
ha-Lao-Puna doit paraître devant le roi pour prouver sa résurrec¬
tion et confondre son meurtrier « Kauhi », l'ami de celui-ci, le
sorcier « Kaea », conseille d'étendre de grandes et tendres feuil¬
les où « Kaha-Lao-Puna » doit, s'asseoir et il dit : « Remarquez
bien si elles sont déchirées ; si elles ne-le sont pas, c'est seule¬
ment l'esprit de « Kaha-Lao-Puna ».
Mais les sœurs-esprits (mortes) de « Mahana », qui accompa¬
gnent « Kaha-Lao-Puna », ayant connaissance du dessein du sor¬
cier, avisent leur vivante compagne de déchirer promptement les
feuilles de chaque côté afin que leur nature spirituelle ne soit pas
décelée.. et qu'elles ne soient pas prises et détruites par le sor¬
cier « attrapeur d'esprits ».
« Kaea », voit les feuilles
déchirées, mais il déclare sentir la
présence de créatures surnaturelles. Le Juge « Akaaka », grandpère de « Kaha-Lao-Puna », sarcastique, avise «Kaea» d'essayer
de voir la face des esprits dans un récipient plein d'eau. Kaea
accepte, se penche inconsidérément sur le vase et voit seulement
la réflexion de sa propre figure. « Akaaka » sachant
que la ré¬
flexion était celle de l'esprit du sorcier, la saisit entre ses mains
et l'écrase. « Kaea » tombe mort à côté du
récipient.
Ainsi l'esprit d'un mort peut revêtir l'aspect d'un vivant, même
en plein jour, au
point de tromper ceux qui n'ont pas la science
—
11
—
'
du « tahuga » (prêtre et sorcier), mais son essence spirituelle ne
lui permet pas d'agir sur la matière,, par exemple de déchirer les
feuilles en les foulant.
Nous avons
«
Pena
»
un cas analogue dans la
légende de « Ura » et
des Iles de la Société relatée dans de « Bovis » (p.
52.)
Tupai ;
« ils vinrent à manquer de vivres. Il fut convenu que Ura irait
« à Borabora, chercher des provisions ; mais pendant son absen« ce, le corps de Pena étant venu à mourir, il l'enterra lui-même« (L'âme enterra le corps). Ura apporta des vivres le
septième
« jour au lieu du cinquième comme ils en étaient convenus ce
« qui avait causé la mort de Pena. Le
spectre de Pena ne fit au« cun reproche à son ami, et se mit à
manger avec lui les vivres
« qu'il avait apportés. Mais pendant le
repas, Ura s'aperçut qu'il
« n'avait plus affaire qu'à l'âme de son ami, il fit donc semblant
« de ne point s'en douter, et lui donna la
coupe en coco pour aller
« chercher de l'eau douce; alors il
profita de son éloignement
« pour s'évader dans sa
pirogue. Pena, à son retour, ne trouvant
« plus Ura, et voyant une ombre au loin sur
l'eau, jugea qu'il en
« était abandonné; saisi d'une violente colère, il entra dans le
« corps d'un otuu (héron bleu),' atteignit
Ura au récif de Raau« oro et le tua à coups de bec ».
Ici, l'esprit du mort non seulement prend la ressemblance du
corps, mais il peut aussi agir sur la matière et même s'incarner
dans le corps d'un animal. Ces incarnations sont d'ailleurs fré¬
quentes et les Tahitiens croyaient notamment que l'âme, peu
après la mort, et quelquefois longtemps après, s'incarne ainsi
dans le corps de quelque animal ou insecte, et vient rôder autour
des lieux qui lui furqnt chers.
A Futuna (Wallis) et aux Samoa, lorsque quelqu'un venait
de mourir de mort violente, les parents étendaient des nattes sur
le sol et s'écartaient quelque peu. Ils attendaient qu'un insecte
vienne s'y poser ou que l'ombre d'un oiseau y passe, et ils pliaient
de suite la natte que l'on enterrait auprès du corps. L'esprit alors
procédait comme celui des personnes mortes de mort naturelle.
Par contre, nous voyons aussi qu'aux Samoa l'esprit ou « agaaga (aller) conservait souvent l'image exacte du corps et qu'il
était souvent visible alors qu'il se rendait au « Fâfâ » (entrée de
l'au-delà), mais ne répondait pas aux questions des vivants.
«
Ura et Pena étaient deux amis, ils allèrent un jour à
Aujourd'hui encore les Tahitiens croient à l'apparition des es-
—
12
—
prits sous leur forme de vie ou sous forme d'animaux tout com¬
me d'ailleurs on y croit communément chez nous.
Migration des esprits. — Retour à la vie « Oromatua ».
—
Mort apparente.
Partout en Polynésie, l'esprit du mort devait faire un
longtrajet pour se rendre à sa demeure définitive, exception générale¬
ment faite pour celui des personnes mortes de mort violente.
Celui-ci en effet, agissait différemment et errait sans but autour
du lieu fatal, harcelant les vivants.
A Tahiti lorsque l'âme quittait
«
le corps, ce qui s'appelait
unuhi te varua ete atua », (l'esprit arraché par le dieu), il était
supposé que le dieu de la mort « Heva » l'envoyait chercher.
Les Tahitiens imaginaient que les « oromatua » (esprits
bien¬
veillants des ancêtres), attendaient souvent près du
corps pour
saisir l'esprit lorsqu'il serait tiré (comme ils le
supposaient)
de la tête, et le conduire vers le Pô (La Nuit, non
générique du
monde inférieur).
Aussitôt après la mort, le « tahuâ tutera » était
employé dans
le but de découvrir la
«
cause
de cette mort.
A cet effet, le prêtre prenait sa pirogue et
pagayait doucement
gisait le corps, afin de
« surveiller le
passage de l'âme qui, il était supposé, devait vo- •
« 1er avec sur elle le
signe de la cause de la mort. Si le mort avait
« été maudit
par les dieux, l'esprit apparaissait avec une flamme,
« le feu étant
l'agent employé dans les incantations des sorciers,
« s'il avait été «
pifao » ou tué par un don de quelqu'ennemi
« des dieux,
sou âme apparaissait avec une plume rouge, signe
«
qui indiquait que des mauvais esprits étaient entrés dans ses
« aliments ».
(Ellis, Polynesian Researches I829. vol. i p. 517518.)
Aussitôt après, l'âme voletait vers deux
pierres placées à Ta¬
hiti au Nord-Ouest de l'île à Tataa
(la pointe actuelle de Fanatea). Si elle se posait sur celle de droite, elle pouvait continuer
sa route vers le
Pô, si elle se posait sur celle de gauche elle
était coupable de quelque
crime contre les dieux"et devait être
purifiée avant d'aller plus loin.
C'est là du moins ce qu'en dit Moerenhout.
Aux Sandwich à l'île Maui nous trouvons
également un pro¬
montoire de Kekaa (les Sandwichiens
changent t en k) où les
âmes se rendaient avant d'aller
plus outre.
«
le long du rivage, près de la maison où
—
13
—
Selon d'autres, l'âme se rendait d'abdrd, après la mort
rente du corps à Vaiare,
appa¬
àMoorea, où se trouvaient deux pierres
«ofai ora» (la pierrç de vie) et «ofai pohe» (la
pierre de mort).
Comme l'âme était aveugle, au début tout au moins, et en tout
cas fort maladroite, elle se posait
sur l'une ou sur l'autre pierre.
Se poser sur «Ofai-ora» lui permettait de revenir dans le
corps
et il n'y avait eu que mort apparente
; se poser sur «Ofai-pohe»
était un arrêt définitif.
De Bovis attribue la même
propriété aux deux pierres de
s'appelaient dit-il «Ofai-ora» et «Ofai-pohe »
et cette explication semble la vraie.
A Raî-atea les âmes se rassemblaient auprès de trois
pierres
«Ofai-ara-riorio» «Ofai-rei-rioiio» et «Ofai-maue-raa » et, delà,
se rendaient sur le
plateau du Te-Mehani, séjour des dieux.
D'après les renseignements que nous avons personnellement
recueillis à Faâa même, il résulte que les deux pierres de
Tata^i sont situées à la limite de Fanatea, un peu à flancs de
colline et qu'elles s'appellent «Ofai-ora» et «Ofai-pohe». Nous
les avons photographiées.
Tataa à Tahiti qui
Les âmes des
«
arii » et des « aito », c'est-à-dire celles de la
classe dirigeante et
des guerriers se posaient sur «Ofai-ora» et
celles des «toea tapu» ou « manahune », c'est-à-dire du vain
peuple qu'on prenait pour les sacrifices humains, se posaient
sur «Ofai-pohe».
La première était ainsi dénommée parce que le tambour y bat¬
tait constamment pour l'arrivée des âmes illustres. Il n'en était
pas de même pour l'autre destinée aux âmes vulgaires.
De là, les âmes se rendaient à Raiatea, les premières sur un pic
appelé : «Pu-ôoro-i-te-ao » (Puôoro du jour) et les secondes sur
un autre dénommé «
Pu-ôoro-i-te-pô » (Puôoro de la nuit). Ce3 i
deux pics sont situés à côté du plateau du Mehani, non loin du '
lieu appelé Vai-pihia. Sur le premier commençaient les réjouis¬
sances sans fin qui étaient le partage des âmes nobles.
Nous n'avons pu savoir ce que les âmes devenaient par la suite,
selon cette source d'information.
Aux Samoa, des esprits spéciaux analogues aux «oromatua»
voltigeaient près des maisons des mourants pour convoyer l'âme
vers le «Fafa» point
extrême de l'Archipel où se trouvent deux
trous, entrées du chemin qui conduisait aux régions inférieures.
Près de ces trous était situé un cocotier appelé «Leosia ». Si une
-
14
—
âme le touchait, elle retournait immédiatement dans le
corps et
là aussi la mort n'avait été qu'apparente.
A Mangaia,
lie Cook, l'âme d'une personne supposée morte,
(Saut des âmes) constitué par
trois pierres à l'Ouest de l'île. Si elle rencontrait une âme
amie,
celle-ci avant d'y arriver la ramenait et le patient était
supposé
se
rendait au « Reinga-vaerua »
s'être évanoui.
Dans la légende de « Ka-llio-Hae » aux îles Hawaii dont il a
été parlé, l'âme de
déjà
celui-ci rencontre celle d'une sœur, morte il
y a longtemps et qui avait le pouvoir de ramener certains esprits
à la vie. C'était un « Au-makua-hoo-ola
(esprit vivifiant). L'esprit
de la sœur conduit celui de « Ka-IIio-Hae » à travers la demeure
des ombres en lui recommandant bien de ne toucher à
n'étant qu'ombres et le contact ou
devant empêcher le retour à la vie.
rien, tout
l'absorption de ces ombres
Mais ceci semble en contradiction avec la
légende de Hiku et
Kawelu où l'esprit de cette dernière est ramené bien que s'étant
mêlé à la vie des esprits. Il est vrai que c'est par un
vivant, à
l'aide d'un stratagème et d'incantations.
Ainsi les esprits « Aumakua-ho-ota»
(oromatua-faa-ora) ne pou¬
vaient ramener d'autres esprits à la vie que si ces
esprits n'avaient
point encore eu de contact avec le monde des ombres, car il n'est
pas douteux, que des vivants ou plutôt leur âme (désincarnée,
aient pu, dans presque tous les archipels, ramener l'âme
d'un
mort, même si cet esprit s'était déjà mêlé à la vie des ombres.
Outre l'exemple de Kawelu cité plus haut, la Nouvelle-Zélande
nous en offre plusieurs autres. Dans la
légende de Hutu et Pare,
l'âme de Hutu désincarnée ramène du inonde
inférieur, celle de
Pare, qui s'était tuée pour lui. Mais là aussi l'intervention d'un
vivant est nécessaire.
Dans la
légende néo-zélandaise de «Te-Atarahi», l'âme de
revenir, après avoir visité le Pô, parce que les
parents l'avaient averti, au moment de la mort, de ne pas toucher
aux mets sacrés, (mets des
enfers).
De Bovis nous dit qu'aux Iles de la
Société, les âmes, dans
leur trajet vers le Pô, cueillaient des fleurs, mais
que certaines
celui-ci peut
fleurs étaient mortelles et les anéantissaient. Ne serait-ce
pas
plutôt qu'en cueillant ces fleurs, elles ne pouvaient espérer de
retour à la vie avec l'aide d'une âme secourable ?
Nous avons vu tantôt que l'âme tahitienne était
aveugle et
qu'ainsi elle se posait indifféremment sur l'une ou l'autre pierre.
*9
—
15
—
I! semble plutôt que l'âme ait été à ses débuts très maladroite et
facile à tromper et assez semblable à l'âme hawaienne que nous
décrit la légende de «Ka-Ilio-Hae».
L'esprit d'un mort récent, selon les croyances hawaïennes ne
pouvait aller que dans une seule direction. Cette direction lui
était imprimée par une force supérieure à la sienne. Si le
gardien
d'une âme (aumataua), la frappait d'un côté, elle
partait et mar¬
chait dans la direction qui lui était ainsi imprimée jusqu'à ce que
la force et l'expérience des âmes lui vienne.
L'âme en général, après s'être posée sur la pierre de mort,
commençait une série de migrations que nous verront par la
suite, mais elle ne se hâtait pas de le faire et hantait parfois pen¬
les lieux qui lui étaient chers.
Les âmes des guerriers tués dans les batailles semblent, un
peu partout dans la Polynésie avoir échappé à cette loi de mi¬
dant longtemps
grations.
De Bovis, dit d'elles, page 40. « Il y avait aussi les âmes de ceux
qui avaient été tués dans une bataille, âmes guerrières mortes
toutes armées et en nombreuses compagnies. Elles paraissaient
exemptes de la commune loi, continuaient à résider dans le voi¬
sinage des lieux où elles s'étaient séparées d'avec leur corps,
revêtaient une enveloppe impalpable en tous points semblable
à leur dépouille mortelle au moment ou elles l'avaient quittée,
portantmême éternellement la trace récente des blessures qu'elles
avaient reçues : spectres hideux et d'un naturel farouche, elles
exerçaient ufïe foule de cruautés nocturnes sur le passant assez
hardi pour s'approcher du lieu de leur résidence. »
Et de Bovis poursuit :
« Il y avait encore, outre cela, les âmes des princes et des héros
capables de devenir à leur tour des divinités et auxquelles on
rendait ensuite un culte inférieur»
« Il y avait enfin, une sorte de croyance vague que certaines
âmes étaient absorbées dans le sein de la divinité, mais il nous à
été impossible
de nous procurer la moindre donnée claire à ce
sujet. »
Nous ferons remarquer que l'âme des princes et des héros
s'incarnaient fréquemment, selon les Tahitiens dans l'âme de
quelque animal : oiseau ou poisson principalement. Beaucoup de
famille ont ainsi des âmes d'ancêtres incarnées dans des requins
qui ont leur nom et l'on dit encore aujourd'hui que ces ancêtres
—
46
—
sont bienveillants à leurs parents vivants. Ces
idées procèdent
de la métempsycose des Hindous.
Dans bien des cas, nous l'avons vu, ces incarnations n'étaient
que momentanées et l'âme reprenait ensuite son chemin vers le
Pô.
Quant à l'absorption de l'âme dans le sein de la divinité aus¬
sitôt après la mort, aussi bien que leur anéantissement
elles touchaient certaines fleurs, nous ne
quand
pouvons rien dire de
positif sus ce point. Les autres archipels ne semblent pas avoir
eu de
croyances semblables et nous pensons qu'il doit y avoir
moins' que ce ne soit le cas des âmes des
gens de condi¬
tion inférieure qui, dans certaines
îles, aux Tonga par exemple
n'ont pas d'âme.
erreur à
Migrations des âmes.
Dans toutes les îles de la Polynésie les âmes se rendaient
au
point le plus nord-ouest ou le plus ouest généralement appelé
«Reiga» ou saut des âmes ou encore comme dans les îles de la
Société « Tere-ia-Varua» (départ
des âmes). Nous trouvons une
pointe de ce nom au point le plus ouest de Maupiti et à la pointe
nord-ouest de Porapora. A Tahiti cette
pointe, également au
nord-ouest s'appelle Tataa.
L'âme se dirigeait vers le Nord-ouest vers
l'Hawaiki, l'enfer
et la terre des ancêtres, la Malaisie et
peut-être l'Asie d'où les
Polynésiens sont venus.
Cette région primitive d'où ils sont
issus, les Polynésiens la
considéraient
« raro »
leur Paradis. Pour eux cette
région est
(en bas) c'est-à-dire du côté où le soleil se couche, et sous
comme
les vents alizés. *
Et de ce double sens du mot «
raro», il est résulté que, pour
beaucoup d'îles, et bien que les âmes se dirigent vers le nord-
ouest, bien qu'ils considèrent la terre ancestraje dans cette direc¬
tion, le monde inférieur, le Pô ou Hawaiki, est situé sous terre,
dans les régions inférieures.
Touchant les îles de la Société nous aurons encore à citer de
Bovis :
« La
route la plus ordinaire consistait d'abord à
s'arrêter dans
l'île Moorea sur la
montagne Rotui pour y faire une certaine
« station ; la seconde avait lieu
dans l'île de Rai-atea au Me« hani,
d'où le convoi se rendait ordinairement à l'îlot de
«
«
Tupai, situé à l'extrémité occidentale de l'archipel qui était
—
«
47
—
à peu près le lieu définitif où les âmes des trépassés étaient
gardées sous bonne garde. Aussi cette île était-elle redoutée
superstition si singulière qu'on n'osait y aborber qu'en
« nombreuse compagnie et personne n'y fixait sa résidence. »
De Bovis fait bien de ne pas affirmer que c'est là le séjour dé¬
finitif des âmes, car si c'était le rendez-vous de celles de presque
tout l'archipel, il'n'en est pas moins vrai qu'après un séjour plus
ou moins prolongé dans cette île, elles passaient outre vers le
«
« avec une
Pô.
A Maupiti, en effet, nous l'avons vu, la pointe «Tere-ia-varua»
d'où les âmes se rendaient au Pô était situé à l'ouest du côté
opposé à Tupai ce qui montre que tout au moins les âmes
de Maupiti ne se rendaient pas à Tupai.
De Bovis nous dit encore : « 1! y avait au contraire, pour les
« âmes de ceux qui avaient vécu dans un respect
convenable des
« prêtres et des «marae», une espèce de ciel appelé «Rohutu« noanoa » : ce paradis était situé au dessus de la plus haute mon« tagne de Raiatea, et les âmes qui faisaient leur migration
« étaient déposées en passant par le chef des génies
convoyeurs
« qui s'appelait «Ure-taetae» (qui parait-être le sauveur des
« âmes, le préservateur contre l'anéantissement). Il n'était donc
« pas besoin pour elles d'aller jusqu'à Tupai. »
Il semble bien que de BoVis et avec lui Moerenhout se soient
quelque peu trompés sur l'interprétation de ces croyances. Mais
nous reviendrons sur ce sujet,
lorsque nous twiiterons des
régions inférieures.
A la Nouvelle-Zélande, les âmes se dirigeaient vers le Nord (iq
en effet la Malaisie, l'Hawaiki est au Nord) jusqu'à ce qu'elles arriventà une colline appelée « Waihokimai ».Là, elles se reposaient,
pleuraient et se lamentaient et là aussi elles se débarrassaient de
leurs vêtements spirituels, feuilles de «YVharangi», «makuku»
et de « horopito » daifs lesquelles elles étaient enveloppées. Elles
se rendaient ensuite sur une
autre colline du nom de Wai-otiot
et delà, tournant pour toujours le
dos au monde vivant, elles se
rendaient au «Reinga-wairua » ou «Rerenga-vairua» (saut des
âmes) situé au Cape Nord. A cet endroit se trouvaient deux ra¬
cines droites dont la partie supérieure était attachée à un arbre
de « pohutukawa », et la partie inférieure plongeait dans la merIl y a là également une ouverture dans les algues flottantes par
où les âmes se rendent au «Reinga» (ire division du Pô).
Elles y aperçoivent une rivière et une grève de sable. Après
—
18
—
qu'elles ont traversé la rivière, leur nom est appelé, on leur sou¬
haite la bienvenue et l'on place des mets devant eux. Si
elles en
mangent, elles ne peuvent plus revenir. (Shortland « Maori Reli¬
gion and Mythotogy » 45. — Voir plus haut Te-Atarahi).
Aux Samoa, l'âme suivait le
rivage jusqu'au point extrême
Nord-Ouest de l'archipel à l'Ouest de Savaii. De là elle
plon¬
geait sous l'Océan pour se rendre au « Pulotu ». C'est ainsi égale¬
ment qu'elle passait d'île en île
jusqu'à Savaii.
11 y avait au point extrême ouest
d'Upolu une pierre du saut
d'où les âmes plongeaient pour atteindre l'île Manono à
l'Ouest
de laquelle se trouvait une autre
pierre où elles plongeaient à
nouveau pour atteindre Savaii à l'extrémité
ouest de laquelle
à Fare-a-lupo était situé le « Fafa » ou entrée du
chemin qui con¬
duisait au Pulotu. Là se trouvaient deux trous
: les âmes des
chefs descendaient par le
grand et les autres par le petit.
Là encore se trouvait le cocotier
appelé « Leosia» qui permet¬
tait aux âmes qui le touchaient de revenir à la vie.
Descendues
dans le «Fafa» ou «Ruao» les âmes étaient
entraînées par un
torrent sur lequel elles flottaient sans
pouvoir revenir en arrière
jusqu'au Pulotu (Turner, Samoa p. 258).
Aux îles Havaii le «Leina Kauhane »
(Reiga tauhane) où les
âmes quittent l'archipel est à la
pointe Kaena à l'extrémité
Ouest d'Oahu.
À Mangaia, il y avait trois pierres à l'ouest
appelées «Reinga-
situées à Oreraa d'où les
esprits partaient pour le
«Avaiki» (Hawaiki). A
Rarotonga le «Reinga» est en un lieu
nommé «Tuoro» à l'ouest
vaerua»
également. (Tregear, Polynesian
Comparative dictionary— mot Reinga).
Enfin aux îles Loyalty
même, près de la Nouvelle-Calédonie
où la population est mêlée de
polynésien, les esprits s'en allaient
vers
l'Ouest en un endroit
appelé «Loeha».
ociété des Études Océaniennes
19
—
—
3P1ÎIS. <01,063^
Noms d'illustres marins Paumotu
des temps
passés.
Par le P. Hervé AUDRAN.
Le
Leur
nom
Rata
Hono
nom
de leur ba¬
teau
respectif
Teao-Pikopiko
Sa
signification
Le monde
qui dort
profondément
Gaire Heinua
Maui
Taitai Aroha
Moëva
Temuri-Henua
Hiro
Taumatini
Rogo
Hotu Taihinui
Tau tu
Teivi o Hotu
Mapu
Tagaroa
Tagohe
Tepapai Gavarivari
L'os de Hotu
Teariki Faukura
Temanu
L'oiseau
Pahoa
Tevaipuna
La
Taumata-Rura
Moemoe Neneva
Tarateihio
Temokio Moreo
Tiki
Temaoroa
Tapuragi
Paga
Tapakia
Tepeva
O Manu-Rura
source
Le long
requin
L'oiseau rouge
Tere Pahei Tau
Hoputao
O Teuto Kahoru
Tehavare
Pugatau
Teuhati
Te Kaero
La queue
0 Taumatakura
Teivi
L'os de Tuma
Maraheara
Tetoi
La hache
Puraga
La perle dans le nuage
Teatu hiva
Tepoe I Ata
Tepuamahu
Pakaranui
Paoro
o
Tuma
La fleur odorante
Tuamea
Tepariaira
Tehikavanaga
Vaha Mea
Tetumu
Tahutahu a Maui
Sorcier de Maui
Pokia
Kapiri
Approche
Igo
Tarai Hau
Tetohu
Tuata
Tepua i Farekia
O Paero
Bouche chose
Tonneau
20
—
—
Le nom de leur ba
Leur
respectif
teau
nom
Maheata
Tevaimea
Taheta
Temurihau
Pou
O Mahina Tepua
Vanaga
Tapu
Temihi
Maehagaririfatu
Temai a Tupa
Kae
Tutunui
Sa signification
Ana Horohia
Piakura
Tearau Henua
Marere Tuohea
Te Puai a Manu
Teunu
Tagikau
Teuho
Arai Te taga
Temaeva
Puatemakaroa
Vaerua
Tetahara
Temagitutake
Tevaka
Hamau
Mahuraro
Le mal de Tupa
La force de l'oiseau
Tupou
Taoroa
Kuporu
Tepotuarau
Tepuhipuhi
Tagihia
Turumanava
Tuma
Muirau
Taiea
Tutu
Fakahau
Tihori
Marihini
Ahupou
Tariahea
Teruahine
Tane
Hotupu
Atea
Tepapai Ahuroa
La vieille
watuxueoulss
Notre Bulletin
s
occupant non seulement d'études tahitiennes
mais d'études océaniennes
en
général, il nous a semblé bon de
reproduire ici une étude très intéressante, à notre avis, sur les
maladies et les médecines de nos voisins les Fijiens.
Nous l'empruntons à la Revue autrichienne "Anthropos" de
içoy. L'auteur un des nôtres, M. V Abbé E. Rougier avait passé de
nombreuses années à recueillir ces documents, fruits de cons¬
tantes et minutieuses observations. Il nous semble que le devoir
nous
incombe de les conserver dans notre Revue, "ne pereant".
Cette étude sera d'ailleurs retouchée par l'auteur et nous espè-
—
21
—
rons même qu'une étude supplémentaire sera ajoutée à la liste des
plantes médicinales fijiennes qui termine ce remarquable travail.
En lisant ces pages, bien souvent le lecteur, au lieu de lire le
fijien croira lire le tahitien ou le samoan ou hawaïen ou tout autre
océanien, tant il est vrai que tous emportaient dans leurs grandes
migrations la science de se bien porter comme étant leur plus cher
bagage. C'est du reste leur fortification la plus forte, parce que la
plus intime, que n'ont pu démolir encore ni la civilisation, ni la
religion.
Maladies et Médecines à
Fiji.
X 1ST T jRO JD TJCTI 01ST •
Si nous comparons dans un court résumé, l'état sanitaire du
Fijien d'autrefois (avant 50 ans) avec celui du Fijien d'aujourd'hui,
nous obtiendrons ce triste parallèle:
Le Fijien
autrefois :
Teint chocolat, cheveux laineux, crâne fuyant,
arqué ou très épaté, bouche large, mâchoires robus¬
tes, forte carrure, taille élevée, belles proportions. Il était natu¬
Son physique :
nez ou très
rellement robuste.
Son habitat: Son pays est tropical, ni froid, ni chaleur exces¬
sive. t)'où: case en roseaux, constituant un simple abri, habits
nuls ou à peu près. On peut donc dire: habitation saine (c'est le
grand air) et vêtements sains (puisque sont nuls !)
Son pays : Il habite quelque 80 îles formant un groupe éloigné
de tout centre européen, par conséquent pays naturellement pro¬
tégé, superbe quarantaine ; aussi les maladies s'y comptaient sur
les doigts des deux mains.
Le Fijien aujourd'hui :
Après 50 ans de contact avec la civilisation, le physique du
Fijien de naturellement robuste est devenu naturellement mala¬
dif.
Son habitat: Sa case s'est modifiée.
civilisation
imposé des
La paix a engendré la paresse. La
a
nattes. Celles-ci donnent un air de propreté mais cachent, pourri¬
ture et immondices ; l'intérieur des
cases, le dessous des nattes
est devenu un véritable fumier, foyer de miasmes et de
microbes.
—
22
—
A cela s'ajoutent les flanelles et les
se couvre à
laines, habits dont l'indigène
temps et à contre-temps et il cesse d'avoir une habi¬
tation saine et des vêtements sains.
Son pays : La quarantaine séculaire finit
avec l'arrivée des voi¬
liers et des steamers, la porte est ouverte à tous
les microbes du
vieux monde, le Fijien
effrayé succombe sous cette invasion de
mille maladies diverses,
auxquelles ils n'est pas préparé. 11 s'ac¬
croche toujours à ses vieilles méthodes de
médecines et préfère
mourir que d'adopter nos médecines
maux
européennes contre nos
européens.
Tel est donc le status sanitatis de
Fiji aujourd'hui. La race
résistera-t-elle à cette avalanche de maladies
nouvelles? Il est
probable que non. Aussi me sejmble-t-il bon de
consigner par
écrit pendant qu'il en est encore
temps en un
Ier
2me
Chapitre: La médecinefijienne et les maladies.
Chapitre : La lutte actuelle du Fijien contre l'invasion des
maladies nouvelles,
Laissant à la postérité le 3me
Chapitre qu'on intitulera le Triomphe ou la Mort du Fijien.
Chapitre
i.
La maladie à
Fiji.
garder de croire que le Fijien conçoit la maladie
comme nous. Pour
lui, la maladie est comme un fluide, une
influence extérieure qui vient
peser sur le malade ou même le
posséder. Ce fluide ou cette influence peut venir, ou des dieux
ou des
démons, ou des vivants, mais de causes naturelles comme
du froid, du chaud,
presque jamais.
Il faut bien se
Me voilà donc
obligé pour traiter des maladies et de leur cure
à Fiji, de faire tout un travail sur
les superstitions fijiennes, car
tout est là; pour eux toute maladie
étant
surnaturelle, nécessai¬
remède l'est aussi.
Les superstitions
fijiennes se classent en Idolâtrie, Divinations,
Sorcellerie, Magie et vaines Observances. Tout cela en
général,
est à Fiji de la
pure médecine, c'est en d'autres termes l'art de
se bien
porter.
rement son
I. Partie. Idolâtrie.
L'idolâtrie est le culte absolu rendu à la
matérielle.
Nos Fijiens sont donc des idolâtres
ment dites
créature, spirituelle ou
sans avoir d'idoles
propre¬
; ils rendent un culte suprême à un être
créé, ou démon
—
23
—
qui subsiste sous des formes spirituelles (démonolâtrie et manolâtrie) animales (zoolâtrie) ou végétales (fétichisme). D'où 4 arti¬
cles.
Article I. Démonolâtrie
ou
Manolàtrie.
Le Fijien croit à deux sortes d'esprits, l'un s'appelle tevoro ou
|pro
tuvof0, (de tu « être », et
« craint»); l'autre 1 eyalo ou esprit,
mânes. Occupons-nous d'abord du premier.
L'Etre-craint ou tevoro est un génie. C'est d'après leur concep¬
tion, un être dégagé de toute enveloppe terrestre. Ces génies sont
éthérés et fantastiques, prenant les formes les plus bizarres
d'hommes, de feu, d'animaux.
Ils ne sont pas égaux en puissance.
Il y en a qui errent et d'autres à demeure fixe (yavu). Ce sont
les tevoro qui président aux éléments, ils se mêlent aussi des
détails de la vie privée, sont les vengeurs des mânes et disposent
de la vie et de la mort. Ils ont tous les défauts de nos Fijiens, et
n'en ont pas même les quelques vertus. Les tevoros mangent et
boivent car ils ont
ou
un corps d'un autre genre et ils sont mâles
femelles. Mais pour les connaître, rien de mieux que de les
montrer dans leur rapport avec les indigènes.
Génie des lieux.
Le pays est
infesté de lieux du tevoro
(vanuani tevoro ou yavu ni tevoro). A Nailili c'est Ro Batidua,
qui tue quiconque lui barre le passage. On en cite un bon nom¬
bre et cette semaine, c'est le fils de Tiese qui venait de sortir du
bain ; Batidua l'a étranglé. A Dorokavu c'est Rokola, qui protège
les charpentiers fijiens, Rokola le tevoro charpentier, qui cons¬
truisit l'arche dite munamuna au grand déluge des vieux temps,
déluge qui emporta des montagnes "de l'intérieur la famille de
Waicala et peupla Rewa et de là tout l'archipel
N'allez pas
—
demander un bulagi (nourriture froide)
kavu
à un homme de Doro¬
qui passe par le chemin, vous seriez sûr de votre mort.
A Rewa c'est Bureko Rewa qui réside dans le grand arbre
(Vunidilo) au milieu du village tevoro. A côté c'est un tevoro qui
rendra estropié quiconque jettera une pierre sur son terrain
(yavu). Ailleurs (Vaturua) on sera rempli de poux, si on se gratte
en
passant devant chez lui. Il faut en tous lieux fréquentés des
tevoros être silencieux et très respecteux, ou malheur à l'indi¬
gène.
C'est surtout la nuit que le tevoro se promène et frappe. Aussi
faudra-t-il s'abstenir de saluer (tama) un chef, la nuit, de peur
—
24
—
que le tevoro ne le tue par jalousie.
Ils président à tous les pas
dangereux de l'homme: ils sont à la naissance et à la mort; il y
en a de préposés aux
passes et d'autres à l'endroit ou les che¬
mins sont dangereux. Ce sont des diables gardiens, mais mé¬
chants.
Génie familier.
Il y a les bons et les mauvais. Mais le bon
toujours mauvais pour autrui, c'est lui qui venge l'injure
faite à son protégé ; il est terrible, il frappe de maladie ou de
mort à moins de sacrifices. Les Chefs et Prêtres (Matua
tabu)
ont le leur particulier; le plus souvent c'est le même pour
toute
—
est
la famille. Marairua, famille de Tokatoka, a lé sien : n'allez
pas
pêcher quand un des Marairua pêche, son tevoro changerait tous
vos poissons au bout de votre
ligne... C'est lui qui transporte
à des distances considérables et rend invisible et invulnérable
(Kai Kubulau).
Lutin.
C'est un petit tevoro, un roturier. Un lutin est
capa¬
ble de jouer des tours pendables. Ainsi si quelqu'un ne suit
pas
une mère qui porte son enfant sur son
dos, un lutin sera assez
malin pour voler l'esprit et ne laisser que le corps à la mère...
—
Il surveille l'homme, et si celui-ci manque à un tàbu le lutin
arrive. De même, qui siffle la nuit, voit paraître un lutin!
C'est
encore
le lutin
qui viendrait se blottir dans les nattes
roulées qu'on mettrait dehors la nuit.
Pour lui la mort c'est affaire d'espièglerie,
il se joue des hu¬
mains, et si l'on n'observe pas bien les tabus, il se fera un jeu de
manger les récoltes, et de jouer toutes sortes de tours.
Culte rendu aux Génies.
Lieux sacrés.
Il n'y a pas d'endroits définis. Le
plus souvent
c'est la maison du prêtre où se fait le culte des génies (Bure).
—
11 est rare qu'une caverne ne soit pas un lieu sacré. Des Génies
résident ordinairement en face de toutes lestasses (daveta), si
ony fait naufragec'est toujours lui qui en est la cause. Rencontrer
un chef en ces lieux sacrés et
l'y saluer (tama) serait le faire
mourir: par jalousie le démon le tuerait.
A Toga, il y a un lieu tellement sacré que
personne n'ose y
toucher une igname sauvage. Elles y sont énormes. On croit
que
si l'on en mange le démon du lieu rendra fou! La folie est tou¬
jours à Fiji une possession d'un individu par un génie.
Prêtre.
Le prêtre est bien différent du sorcier et
magicien,
et ceux-ci peuvent ne
pas être prêtres. Le prêtre est le sacrifica—
_
teur,
25
—
l'expiateur,. l'entremetteur, le médecin ou guérisseur par
pouvoir supérieur ou surnaturel, il apaise les esprits irrités, c'est
une sorte de demi-dieu.
Le sorcier lui, en est l'inverse comme on le verra plus loin. Le
succès à la guerre et tout le bien venait par l'entremise du prêtre
qui rendait les démons favorables et les intéressait aux humains
par flatteries, promesses et sacrifices.
Ils consistent en boisson, nourriture et richesses,
Sacrifices.
tabua, (dent de baleine) massis et autrefois cadavres humains.
Quelquefois les sacrifices ont lieu sans le secours du prêtre. Un
bateau file à pleine voile, on voit un requin, la peur saisit l'équi¬
page, vite on jette à la mer un kava ou ce qu'on a de mieux en
fait de nourriture, sans cela Ko mai wai, le génie de l'eau (le
requin), les tuerait tous. Ko mai wai veut dire ici " le Maître de
—
l'eau".
Exorcismes.— Nous en avons vus à Rewa. Il s'en fait partout.
Hier Bati ayant sa fille
malade a laissé une prêtresse exorciste
emporter le tevoro qui mangeait la fille ! Un autre a vu son fils
mourir malgré les exorcismes. Les exorcistes posent des tabus
et ils ont pouvoir de chasser le tevoro ou de le faire venir.
Il y a tout un rituel, ou cérémonial pour chasser les tevoro
qui mangent par le bas les plantations, ou les ignames dans la
terre. Le cérémonial le plus souvent veut que pour chasser le
démon il suffise de l'appeler très haut. Ainsi, un esprit mange-t-il
(c'est l'expression) un indigène, vite on monte sur le toit de la
maison et on crie ; « L'Esprit qui mange le malade, monte ici ». Il
doit monter. Si l'autre ne guérit pas c'est que l'esprit a désobéi...
l'exorcisme en commun. Le 8 Xbre 1901 à Rewa
soir on entendit un tapage épouvantable, on
frappait toutes les cloches de bois (lali) et toutes les ferrailles en
criant: vaevae ! vaevae! C'était pour chasser le tevoro influenza.
En 1903, le Gouvernement envoya une circulaire à tous les chefs
que l'épidémie dite rougeole était à Suva et qu'on devait s'atten¬
dre à la voir ravager tout l'archipel, on y donnait des avis et des
remèdes. Aussitôt la province de Rewa décida d'arrêter le fléau.
Le soir par une nuit des plus noires, chacun ferma sa case, pas
une âme sur les chemins, puis le vacarme commença. Hommes
et femmes, vieillards et enfants frappaient de toutes leurs forces
sur des caisses, des touques vides, du fer, du bois, du zinc. Tout
cela pour arrêter les génies qui apportent ces maladies. J'appris
Il y a aussi
vers
7 heures du
26
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que ces génies à Rewa apparaissaient sous la forme de vieilles
femmes. On en vit deux en 1874, lors de la
première visite de la
rougeole qui emporta en 6 mois 70.000.Fijiens, elles se prome¬
nèrent le soir dans le village de Rewa et portaient une
charge sur
leur dos d'où dégouttait du
sang ! C'était donc pour les éloigner
qu'on faisait tout ce tapage, appelé Vakalilioo, tapage qu'ils
avaient négligé de faire en 1874. Or en
1903 ils firent le vakalilioo
avec un renouveau merveilleux. Résultat: le
lendemain plus de
20 s'alitaient
déjà sous les attaques de l'épidémie ! Cela n'empê¬
che pas que si le
pays était encore menacé demain d'une épidé¬
mie, ils recommenceraient ce soir leur tapage infernal.
Art. II. Manplâtric.
Que croient d'abord les Fijiens au sujet des mânes ? Ils croient
tous que l'âme survit au
corps. Il y a deux âmes dans le corps
humain. L'une, la vraie (yaiodina), va dans le
séjour des âmes,
manger, boire, chanter, être heureuse. Ce ciel là c'est le cobo cobo
cibaciba, précipice généralement vers l'ouest soit à Bua, soit
ici à Rewa, il est à Cakau yaw a (ou lointains
récifs). On y voit au fond de la mer des cases, des tortues toutes
cuites (rouges), on y entend des chants et la
conversation des
ou
à Na Kauvadra;
âmes. C'est le " BUROTU " des Rewiens.
Il ne faut pas passer cette occasion sans dire ici un
ron et de sa
motdeCa-
barque invisible. L'âme arrive pour passer l'embou¬
chure de la Rewa où le rez de marée est terrible
(nasese). « Qui
donc est là ! » crie le Caron des
l'âme.
« C'est un
Fijiens, « Côté bois dur », répond
chef », pense Caron et il donne l'extrémité bois
dur de sa pirogue, car l'autre extrémité n'est
et est réservée à la
qu'en arbre à pain
plèbe.
La deuxième âme erre à l'endroit ou elle a vécu et
où elle est
enterrée, elle s'appelle drau ni m (feuille de châtaigne). C'est elle
qui folâtre sur les nattes et s'amuse des vivants; elle n'est point
méchante et
ne tue
pas comme les tevoros, à peine si elle vole
quelque nourriture ; car ces âmes mangent et boivent. Voilà
pourquoi encore aujourd'hui dans les montagnes on rencontre
sur des tumulus
d'enfants, une tasse remplie de lait. C'est la
maman des pauvres créatures
mortes, qui continue à donner son
lait pendant plusieurs semaines à la deuxième âme
de son enfant.
C'est cette deuxième âme que
gronde le Rewien, lorsque les
chenilles mangent ses taros. Quand il a bien insulté ou
répri¬
mandé l'âme de son père, les chenilles doivent
disparaître. Les
j
—
27
—
mânes sont invisibles quoique pouvant agir sur les
corps. Voici
maintenant qui est à retenir: la deuxième âme ou ombre
(yalo)
des chefs est à redouter. Il peut y avoir tempête à cause d'eux
;
lalunfe se voile-t-elle de rouge, c'est un chef qui est mort. Elle
peut engendrer tous les maux et ravager des familles entières.
C'est que les chefs ont quelque chose de divin.
Les revenants existent aussi, on les voit sous forme d'hommes
ou de
bêtes, ou simplement ils viennent crier ou tapager dans la
case.
Rien de mieux à faire alors que de prendre un pieu le len¬
demain et d'aller l'enfoncer, cent fois dans le tumulus qui s'élève
sur la tombe
du revenant.
Quand on n'a pu s'expliquer la mort de quelqu'un, on appelle
le mort, la nuit, à pleins poumons et s'il a été tué par un malé¬
fice le mort vient le dire.
Les femmes mortes en couches reviennent tracasser les vivants,
elles sont même terribles et peuvent faire mourir si on n'a pas
soin, quand on les enterre, de mettre à côté d'elles un mor¬
figurer leur enfant, afin qu'ainsi
trompées elles laissent tranquilles les vivants.
On ne garde guère des ancêtres que leur nom qui se transmet
de génération en génération. Il n'y a de culte spécial que pour
les ascendants mâles. Les ascendants femelles sont peu invo¬
qués, ou sinon pour obtenir qu'ils laissent les vivants en paix,
car une femme morte peut encore tracasser et
agacer et être la
eu
ceau de bois ou de bananier pour
source de
bien des maladies.
Culte.
Le culte envers les morts consiste en offrandes et en commémoratifs.
Offrandes.
Un esprit vient-il tracasser une famille ou la
frapper de maladie, vite on fera un festin (et un hava) et on l'of¬
frira, avec prière à l'esprit de s'en aller. Quelquefois les Rewiens
ont de grandes contestations ; est-ce un tevoro ? est-ce lame d'un
chef? car autre chose est le culte dû à un tevorq et autre chose
—
celui dû à l'âme d'un chef.
A peine un Rewien est-il mort qu'on dépose une dent
leine (tabua) sur sa poitrine,
de'ba-
c'est pour qu'il ait le repos (nonai
cegu). Ceux qui viendront embrasser le mort porteront aussi une
offrande aux parents du mort. Pendant quatre jours on pleurera
dans sa maison. Le quatrième on fait un festin. Un festin le iome,
un festin le
30ma ou 4Om0 quand on soigne sa tombe (sable ou
balabala), un festin le ioome jour. Toujours les offrandes, mets
et kava, sont offerts pour apaisement de l'esprit du mort, et
pour
qu'il n'y ait pas d'autre mort.
C'est ainsi que lorsque l'on vient d'enterrer quelqu'un, un
vieux prend quelques vivres avec lui et se rend à la case du dé¬
funt. Il doit être le premier à y rentrer après que le mort en est
sorti. Il s'assied au milieu et dit tout haut aux esprits : « Ceci,
c'est pour qu'il n'y ait plus de mort, allez-vous en ! » Cela dit,
le vieux mastique de la nourriture et la crache aux quatre coins
de la case.
Si une famille perd trois enfants en bas âge dé suite, elle
tera
un
plan¬
bananier sur la tombe du dernier enterré comme sacri¬
fice aux mânes des ancêtres qui viennent lui manger ses enfants.
je trouve une manifestation du culte dans ce respect pour leurs
tombes, le respect comporte avec lui un tabu et sa violation une
punition, quiconque donc mangera de la nourriture venue au
cimetière perdra ses dents. Le culte des mânes se manifeste aussi
par la confiance extraordinaire qu'ils ont en elles. Ainsi en boucoup d'endroits le démon singe nos pèlerinages et les saints : à
Dravutu v. g. il y a unetombe'où, après en avoir fait
quatre fois
le tour, guérissent ceux qu'une arrête
étrangle.
Celui qui a mal aux pieds, cors fijiens ou chancres, fait toucher
ses pieds aux pieds d'un mort de sa
famille; on certifie que sou¬
vent il guérit. C'est avoir du culte
pour les mânes que cette habi¬
tude d'aller sarcler le tombeau de ses ancêtres avant d'aller jouer
au
rampeau fijien (veitiqa), afin de se les rendre propices.
Commémoratif.
J'ai été bien étonné de trouver ici le deuil.
Seule la femme porte le deuil de son mari et de son enfant,
jamais des autres. Elle laisse pousser ses cheveux, défense de les
enduire de chaux, ils doivent rester noirs, tabu de se peigner,
tabu d'être coquette, de mettre des fleurs dans ses cheveux, etc...
elle doit être vêtue de noir (i). Elle
juge elle même de la durée
du deuil. Elle fera un festin à la famille et ce sera fini. Si
pendant
qu'elle porte le deuil, un membre de sa famille vient à mourir,
elle est dispensée de porter deux deuils de suite.
En souvenir du mort, un père, une mère se priveront souvent
d'une nourriture que l'enfant aimait, cela durera des années
quel¬
quefois et se terminera par un festin. Est-ce un culte pour le
mort ou est-ce un commémoratif seulement,
toujours est-il que
—
(4) Contrairement à la race jaune dont le deuil est en blanc.
—
29
—
pendant quatre jours les femmes s'assemblent dans la maison
du mort, on y boit, on y chante et on y danse. Avant le lever du
soleil, deux vont pleurer sur sa tombe. Cela s'appelle burua.
N'est-ce pas en souvenir du mort que la porte par où est sorti un
mort reste fermée à tout le monde avant qu'on ait fait un festin
pour l'ouvrir ? Ce sont aussi des commémoratifs de sa mort que
ces entailles que l'o'n fait sur tous les objets en bois qui lui ont
appartenu et qui doivent rester à la famille, ou que l'on brise
tout ce qui a appartenu au défunt et qu'on
le jette devant la case ;
triste souvenir et grande leçon à tous ceux qui passent. Mais au
fond, le but de tous ses Commémoratifs ou Souvenirs, c'est de
prouver à l'esprit du défunt qu'on pense à lui et le prier de
paix les vivants. C'est prévenir les maladies.
en
laisser
Art. III. Zoolàtrie.
Les animaux sont le médium dont se sert le ievoro pour entrer
relation avec l'homme. Le culte des indigènes pour ces ani¬
en
maux se marque par
la crainte et le respect, l'invocation et l'of¬
frande, et la contre-opération.
Le Rewien est en mer, il voit un serpent d'eau
La crainte.
sa
tête
montrer
: aussitôt il fait le tama, c'est-à-dire il pousse les
exclamations de règle quand un chef se présente et cela sous
peine de mort!
—
11 y a trois familles à Nabouciwa,
l'une ne mangera jamais du
serpent ni des anguilles, une autre du requin, une
troisième du
fijiénne). A Dorokavu ce sont les serpdnts que l'on
ne mange pas. Interrogés, les indigènes disent que c'était leur
dieu, ils ont encore peur d'en manger.
Respect. — Un Rewien trouvera-t-il dans ses plantations un
insecte appelé kumnkumure (chenille); vite il l'embrasse, et
seraient-ils trente présents ils l'embrassent tous, car une âme de
mort y est contenue et elle se vengerait. Chez eux le respect se
confond assez avec la crainte, et la crainte se trouve partout.
Invocation.
L'indigène parle à certains animaux comme
bici (caille
—
d'appeler le vent ou le
lui apporter des poissons; v. g. au
poisson appelé bakewa (Rémora) il lui attache à la queue un tapa
et lui dit: «Apporte-moi ici tel poisson, je reviendrai demain le
s'ils étaient raisonnables. Il dira aux uns
beau temps, aux autres de
prendre ».
Offrande. — Nous l'avons vu jeter à l'eau
en
voyant paraître un requin. L'offrande
du kava et des vivres
d'ailleurs se lie à la con-
—
30
—
tre-opération. Il faut savoir que la plupart des maladies viennent
de ce qu'on a mangé des animaux
possédés de démons ou d'es¬
prits. Certains animaux en sont toujours possédés d'où il suit
que pour pouvoir les manger impunément il
y a un rituel à sui¬
vre. Une
femme'qui vient d'enfanter veut-elle manger de l'an¬
guille (bonu), elle passera quatre fois l'anguille sur la tête de son
enfant, sans cela l'enfant serait vidikoso. On ne mange pas le
poisson qitawa sans le retourner, de peur d'avoir les pieds bots.
Un chat miaule hors la case, c'est la mort d'un
individu à moins
manger du tidre (sorte de sala¬
mandre) qu'on se barbouille d'abord le nez, sans cela le nez
aurait la maladie dite karoharo. C'est la
contre-opération.
Les indigènes de Rewa attribuent encore aux
animaux deux
que l'on ne tue le chat. Veut-on
propriétés spécialement singulières et bizarres, ce sont i° les
augures et omens, 2° la cause de maladies.
Augures et omens. — Un canard passe-t-il en chantant
près
de votre tête vous êtes mort. De même si un
perroquet caquète
la nuit, il y a là un tevoro ! Malheur à
celui qui voit un poisson
dit hi ou un crabe
(qari) faire ses œufs, il est mort! Qui rencon¬
tre un bolo
(petit serpent), mort également !
Le martin pêcheur
(sese) vient-il vous friser la tête de son aile
insolente, le fijien crie : Vous êtes mort! Vous êtes encore mort
si un chien ou un chat vient déchirer de
ses
griffes la natte où
vous êtes assis. Encore
mort, si une chouette vient se reposer
sur les bois de la case
que vous construisez. Encore mort si un
poisson saut& vers vous à votre droite. Encore mort si vous ren¬
contrez en votre chemin une chenille
des, forêts (bolo). Encore
mort si un
gros frelon (matavuivui) viens voler autour de
vous,
si un lézard
(moko) se détache du plafond de la case et tombe
au milieu de
l'assistance, si l'araignée se suspend à un fil et qu'ar¬
rivée à quelque distance du sol elle
s'arrête. Alors anxieux on
s'interroge, mo,ntera-t-elIe ou descendra-t-elle? Si elle remonte
c'est bien, mais si elle descend l'un
des assistants est perdu !
Enfin si une poule chante comme un
coq un de ceux qui sont là
va
mourir, c'est infaillible! etc... etc... Ce sont là les animaux
qui devinent la mort, comme il y en a d'autres
pour deviner la
pluie, le vent et l'arrivée des étrangers (le delitoa ou
torea).
Animaux cause de mort et de maladies.
J'ai déjà parlé plus
haut des
contre-opérations, mais le sujet est si fécond que je ne
—
puis être à court d'exemples.
Jette-t-on un coco que l'on vient de boire à la mer sans le
—
31
—
briser en miettes, il s'y
logera une poulpe marine {huila) (je)
le coco sera atteint de la maladie appelée
kuita (mal de tête), il faudra trouver un exorciste
pour expulser
et celui qui aura jeté
cet animal de la tête du malheureux.
Un enfant a-t-il des taches blanches, c'est
qu'il a mangé des
crabes (qari) ou bien une banane blanche. Vos
yeux sourcillentils, c'est, vous disent tous les Rewiens, que vous avez mangé des
fruits qu'un oiseau avait déjà commencés. Une mère
mange-t-elle
poissons rouges, son enfant aura le karokaro, et veut-elle
se régaler d'un poisson,
qu'elle ne le mette point en fricassée
(koso), il doit rester entier, ou son enfant sera atteint de la ma¬
ladie de ce nom {ika koso). Il est donc bien évident
que pour
se bien porter à Fiji il fallait être au courant de toute la
mytho¬
logie et de toutes les observances du pays.
des
Art. IV. Fétichisme.
J'entends par fétichisme un culte rendu à un esprit caché sous
la matière végétale ou minérale.
Ces plantes et ces minéraux ne sont pas dieux, ce serait l'ido¬
lâtrie, mais ils sont medium des dieux, ils sont pleins de dieu
et font comme partie de lui, tellement que quiconque
y touche
est frappé de mort ou de maladies.
Le voyez-vous trembler, ce pauvre Fijien, qui a touché la pierre
qui est à Toga, il se croit lépreux. Et cet autre qui nous arrive,
persuadé que sa barbe va tomber, ils cherchent tous deux une
herbe qu'un sorcier leur procurera ou vendra et qui détruira heu¬
reusement et immanquablement l'effet de ces fétiches.
En voici un qui apporte le pieu dont il s'est servi pour planter
ses
ignames; avant de boire le kava, il fera boire le pieu d'abord
en lui
trempant le bec dans le bassin du kava! C'est un honneur
rendu pour que ses ignames soient grosses.
Se sert-on d'une marmite en terre pour la première fois, on
met un peu d'herbe sur son dos pour qu'elle ne se perce pas,
c'est une offrande.
La matière devine même, car si on fait le kava et qu'il jaillise
peu de la liqueur vers quelqu'un, on dit qu'il a volé ou qu'il
cache quelque chose.
un
Tout filet à poisson et à tortue avant d'être étrenné devra subir
une décoction de
plantes ayant la vertu de porter bonheur au filet.
Vouloir pêcher sans cela serait folie!
La matière inerte produit ailleurs des effets tout-à-fait dispro-
—
32
—
portionnés. L'enfant qui boit de l'eau chaude parlera à tort et à
Cet autre est gourmand parce qu'il a bu
après vous ce qui restait de votre coco. Ainsi même les défauts les
plus naturels trouvent aussi leurs excuses et leur raison d'être.
Quand un uio (arbre à pain) donnera ses premiers fruits on les
mangera en commun (kena vua vua) afin qu'il en ait beaucoup,
et on suspend à ses branches un coco
vide, sans cela il n'aurait
pas de fruits.
Qui passe par dessus les résidus des fruits appelés ivi (châtaigner) aura les jambes ribi, c'est-à-dire écrasées et élargies.
Enfin si exténué de fatigue vous avez
les pieds en compote,
arrachez une herbe et frappez-vous en la
jambe, vous en serez
travers (vosa dranu).
réconforté.
On n'en finirait pas, si on voulait raconter tout ce
buent à la matière. Pourquoi seront-ils
qu'ils attri¬
lépreux les gens qui man¬
gent une igname rouge avant de s'être barbouillés de noir? Et
pourquoi encore porter au ventre, à l'épaule et au dos, la chair
d'un coco qui commençait
à germer, avant de l'avaler? C'est
disent-ils de peur d'avoir mal au ventre.
Voilà donc la matière
végétale et minérale qui frappe de mort
et de maladie, que l'on
honore, que l'on respecte et qui demande
des cérémonies ou offrandes
pour enrayer les effets désastreux
qu'elle pourrait produire.
Le fétichisme, encore une science
qu'il fallait connaître pour
se bien
porter.
(A suivre.)
ORNITHOLOGIE
La mission envoyée en
1920 par le Museum d'Histoire natu¬
relle de New-York pour étudier la faune et recueillir des échan¬
tillons ornithologiques des lies méridionales du
Pacifique conti¬
français de l'Océanie.
La goélette " France", achetée l'année dernière
par le Museum
nue ses
travaux dans les Etablissements
pour faciliter les travaux de la mission est revenue dernièrement
des Marquises et le
chargé de mission M. R. H. Beck, nous dit
qu'il a pu visiter toutes les îles de ce groupe et que dans chacune
d'elles des collections ont été recueillies. Avant ce
voyage, la
France", avait visité Raivavae dans les Iles Australes ; Rapa la
"
—
33
~
plus méridionale des possessions françaises en Océanie; l'Ar¬
chipel des Gambier et quelques-unes des îles Tuamotu. M. Beck,
vient de repartir pour cet Archipel où un
grand, nombre d'îles
n'ont point encore été explorées.
L'expédition dirigera ensuite
ses recherches à l'ouest, vers les îles
anglaises de l'archipel Cook
et le groupe des Fidji.
Le but principal de cette mission est
l'ornithologie, cependant
elle a recueilli également des collections
botaniques et pris un
grand nombre de photographies montrant l'habitat des oiseaux,
leurs nids et certains aspects de la
végétation locale.
Il était grandement temps qu'une mission de ce
genre vint
étudier cette région du Pacifique car, dans les îles
habitées, le
nombre des oiseaux décroît rapidement.
Beaucoup des habitants
de Tahiti ont conservé le souvenir de la chair savoureuse du
rupe
pigeon sauvage (Globicera aurorae) et plus d'un des marchands
de Papeete vous racontera que, dans son enfance, il s'amusait à
abattre avec une baguette ou un petit bâton les «
opea » (Collocalia thespecia) sorte d'hirondelles au vol peu élevé
qui étaient
très communes dans les rues de Papeete.
Or, en janvier 1923, deux chasseurs indigènes auxquels la
ou
chasse du rupe était autrefois très familière
parcoururent pen¬
dant 8 jours, pour le compte de la mission, toutes les vallées en¬
tre Papenoo et Taravao sans
rencontrer un seul échantillon de
cet oiseau. On prétend que l'épervier vorace
qui a été
introduit
dans le pays il y a quelques années pour détruire les rats est cause
de la disparition du rupe, mais on se demande
delle est devenue si
rare.
pourquoi l'hiron¬
C'est à peine si l'expédition a pu se
procurer une douzaine de spécimens de ces deux espèces et il est
probable que les futurs ornithologistes ne verront plus ces
oiseaux vivants.
assez
Le pigeon sauvage qui existe encore en petit nombre à Makatea est-il le même que
celui de Tahiti et l'hirondelle de Uahuku
Marquises est-elle absolument semblable à sa congénère de
Tahiti? c'est ce que les experts du Museum de New-York déter¬
mineront après examen des spécimens qui ont été recueillis.
Pour le profane, il peut paraître inutile de recueillir plus d'un
échantillon d'une espèce pour représenter toute la famille dans
un
musée, mais quand on examine par exemple leruro ou martin-pêcheur (Todiramphus veneratus) de Tahiti et qu'on le com¬
pare avec celui de Moorea, Raiatea ou Borabora la différence de
aux
—
34
—
coloration du plumage de chacun de ces oiseaux saute aux yeux
de l'observateur même le moins informé.
Et si l'on compare uncertain nombre de gobe-mouches femel¬
les des différentes îles de l'archipel des Marquises, la différence
est frappante entre le
petit oiseau au plumage clair de l'île Masse
dans le nord et le grand oiseau d'un noir de jais qu'on trouve à
Fatuhiva dans le sud. De là, la nécessité de visiter chaque île
d'un groupe et d'y recueillir des échantillons, même si ces îles
sont distantes que de quelques milles. M. Beck se loue de
parfaite courtoisie avec laquelle il a été partout accueilli et
de l'assistance que lui ont prêtée toutes les autorités des Eta¬
blissements français de l'Océanie : Le Gouverneur, les Admi¬
nistrateurs des Archipels, les Agents spéciaux et les Chefs,
même dans les îles les plus reculées, ont tout fait pour lui faci¬
liter l'accomplissement de sa mission. Aussi, comme un faible
témoignage de sa reconnaissance, se propose-t-il, au nom du
Muséum qu'il représente, d'offrir au Musée de Papeete qui est
très pauvre au point de vue ornithologique, des spécimens des
différentes espèces d'oiseaux qu'il a recueillis dans les îles du Pa¬
cifique. Mais, au préalable, il est nécessaire que ces échantillons
soient envoyés à New-York pour y être identifiés, car dans plu¬
sieurs îles de nouvelles espèces ont été découvertes qui devront
être décrites et dénommées. Après quoi, les échantillons prépa¬
rés seront envoyés au Musée de Papeete.
ne
la
(Deux légendes tahitiennes).
Le Grand Lézard de Fautaua.
Cette légende est extraite des Notes de Miss Teuira
Henry et
nous est
communiquée par M. Ahnne.
Le terme " Mo o" qui signifie lézard,
désigne par extension les
alligators et les crocodiles qui n'existent pas dans les îles de l'Océanie. Mais cette légende, ainsi que quelques autres où il est
question
de grands lézards, semble être une réminiscence lointaine des con¬
trées habitées autrefois par les Tahitiens.
Dans l'ancien temps, quand les hameaux s'étendaient jusqu'au
fond de la vallée de Fautaua, les habitants descendaient
parfois
jusqu'à la mer, avec des calebasses et des bambous, pour cher¬
cher l'eau salée dont ils se servaient pour assaisonner leurs ali¬
ments. Dans l'une de ces
occasions, il arriva que deux femmes
Rapprochant du rivage avec leurs calebasses, l'une d'elles vit,
dans une touffe de l'herbe appelée "mo'u", un œuf énorme.
Elle le prit, le plaça dans une calebasse à large ouverture dont
on se servait pour mettre le poisson cru et qu'on appelait "
hue
fafaru" et l'emporta en sa maison. C'était une grande caverne où
elle habitait avec son mari et ses deux enfants : un garçon et une
fille. Là, elle plaça
la gourde dans un coin reculé et n'y toucha
plus.
Quelquetemps après, pendant que la famille prenait son repas
dehors, un grand craquement se fit entendre dans la grotte. La
femme alla voir ce que signifiait ce bruit et trouva que son œuf
avait donné naissance à un gigantesque lézard. Elle le prit et le
soigna si bien qu'il atteignît des proportions énormes. 11 était
d'ailleurs très doux et devint bientôt le favori de toute la famille
dont il partageait la demeure.
Mais il survint alors
une
époque de sécheresse et de famine
par tout le pays, en sorte que les gens étaient obligés d'aller très
loin dans l'intérieur pour trouver du féi. Un matin, le père, la
mère, les deux enfants et le lézard partirent pour chercher
vivres dans la montagne. Arrivés sur un sommet, comme
—
36
—
deux enfants étaient très fatigués, leurs parents les laissèrent là
avec
le lézard et allèrent plus loin pour trouver des féis.
Durant leur absence qui dura
longtemps, les enfants et le lé¬
zard eurent très faim, de sorte que ce dernier, ouvrant sa large
gueule, engloutit successivement le petit garçon et la petite fille ;
puis, il se coucha confortablement sur la fougère et s'endormit.
Quand les parents revinrent chargés de féis ils cherchèrent
vainement leurs enfants, mais ne trouvèrent que le lézard tou¬
jours endormi. Remarquant alors les proportions inusitées de son
ventre, ils devinèrent bien vite ce qui était arrivé, et, remplis de
fureur, ils cherchèrent une grosse pierre pour assommer le
monstre.
Mais celui-ci s'éveilla
prit la fuite et, poursuivi par les pa¬
rents, il se mit à gravir la montagne jusqu'à ce qu'il arriva sur
la plus haute
cime de l'Aora'i. Là voyant que ses poursuivants
étaient près de l'atteindre, il se précipita du haut d'une paroi de
rochers élevée de mille pieds et fut réduit en pièces.
Mais dans sa chute, sa queue se détachant sauta de côté et douna
naissance à un massif de bambous qui s'est conservé jusqu'à
jours, unique de son espèce, car ces bambous se brisent si
facilement qu'ils ne sont propres à aucun usage.
nos
On peut voir encore, dans la vallée de Fautaua, un rocher qui
porte les empreintes des pattes de ce grand lézard.
—
37
—
Histoire des Ainanu (1), Pipiri-ma.
Pipiri ma e
Hoi mai e ! »
«
«
Rita maua e e ho'i atu, »
Tautai ino te rama ;
Tautai faati tamarii e !
Ua riro a'enei pupa ura i te rai'i e...
« O
petits frères,
Revenez-nous ! »
«
Non, jamais nous ne reviendrons »
Pêche mauvaise est la pêche au flambeau ;
—
Qui ne laisse rien aux petits enfants !
Ils sont partis : grappes jumelles de fleurs
[rouges dans le ciel...
Cette chanson qui est encore aujourd'hui dans la bouche des
enfants tahitiens s accompagne d'une jolie légende qui relève de
de l'astronomie tahitienne. Les Pipiri-ma sont les deux dernières
étoiles de la constellation du Scorpion. La légende que voici recueil¬
lie. par M. G. Cuqent dont le livre sur Tahiti est presque introuvdle aujourd'hui nous a été communiquée par le Docteur Chassaniol.
Par
une nuit splendide, Taua Tiaroroa et Rehua, sa femme,
quittent à pas légers leur demeure où, sur de moelleuses et fraî¬
ches nattes, dorment paisiblement leurs petits enfants Pipiri et
Rehua, sa sœur.
La pirogue gisante sur le sol, promptement dépouillée de son
abri de feuilles sèches, est mise à flot; les deux époux s'y élan¬
cent et allument un Rama (2). En quelques coups de pagaie les
voilà au large où ils vont pêcher au flambeau.
Les poissons de la baie et jusqu'au plus petit crabe viennent
se prendre dans leurs filets. Aussi nos heureux pêcheurs ne
tardent-ils pas à regagner le rivage.
Taua Tiaroroa
" e l'Umu (3) en toute hâte et bientôt, dis-
(1) Ai, manger, Nar^i, non conviés à.
(2) Rama, lumière, torche, faisceau formé de feuilles sèches de co¬
cotier ou de vieux bambous provenant de la démolition des clôtures
et qu'on allume la nuit
pour pêcher.
(3) Umu, trou creusé dans le sol et qui sert de four.
—
38
—
posé sur des cailloux rougis au feu, le poisson
dant au loin une odeur appétissante.
grille en répan¬
Cependant Pipiri Ma (i) ne dorment pas.
Impatients d'apaiser la faim qu'excite en eux le parfum du pois¬
son cuit, ils sont déjà assis sur leur
couche, munis chacun d'un
morceau de Maiore (2) et d'une
coupe en coco pleine de Pape
Miti (3).
Comment se fait il qu'on ne les
appelle pas encore à manger?
Ils s'inquiètent et leurs yeux se mouilent de larmes.
Rehua, la mère, fait diligence pourtant, et, en guise d'assiettes,
étale avec symétrie sur l'Aretu (4) de la Fare Noa
(5) de larges
feuilles de purau, (6) où elle
dispose le Maiore cuit, leTaioro, (7)
le Miti Noanoa, (8) la Popoi Feï et des vases
pleins d'eau pure.
Des cocos dépouillés de leur
enveloppe fibreuse sont ouverts et
et laissent voir leur doux nectar
limpide.
« Tout est
prêt, dit-elle joyeuse à son mari, va, maintenant,
va éveiller nos
petits amis. »
Mais Taua Tiaroroa craint
d'interrompre le sommeil de ses
chers enfants. 11 hésite et répond :
« Non, ne les éveillons
pas, ils dorment d'un si profond som¬
meil. »
Et pourtant Pipiri Ma attendent et se consument
d'impatience
dans la Fare Moa (9).
Les paroles de leur père les attristent et les blessent
profondé-
(1) Ma se met pour indiquer un pluriel.
(2) Maiqre, fruit de 1' " Artocarpus Incisa", qu'on mange en guise
de pain.
(3) Pape Miti ou simplement miti, eau de mer; assaisonnement
habituel du poisson.
(4) Aretu, c'est l'herbe sèche que les tahitiens répandent à l'intérieur
des cases pour atténuer les
aspérités
du sol.
(5) Fare Noa, c'est la case dans laquelle on se réunit pour causer
et prendre les repas.
(6) Purau, feuilles larges et cordiformes de 1' " Hibiscus Tilia ceus ".
(7) Taioro, assaisonnement préparé avec de l'eau de mer, de la
noix de coco râpée,
des chevrettes ou du poisson menu. On ne peut
mieux comparer ce
mélange qu'à du riz crev^.
(8) Miti Noanoa (eau de mer parfumée). C'est une sauce qu'on
pré¬
pare en faisant fermenter dans des calebasses bien bouchées de la noix
de coco dans de l'eau de mer : c'est un
régal pour les
indigènes.
(9) La Fare Môa, est la case réservée pour se livrer au sommeil.
—
39
—
ment. Eux que l'on appelle toujours pour venir se
régaler du
produit de la pêche au flambleau, on les délaisse aujourd'hui !...
Rehua, toute pensive, mange à peine et songe à ses petits amis.
Le repas achevé, elle se dirige avec son mari vers la Fare Moa.
Et les entendant approcher : « Sauvons nous », disent Pipiri Ma.
Mais la porte s'est fermée » alors ils se fraient un passage à tra¬
les branches sèches de purau qui forment le
pourtour de
la case et vont se blottir au dehors sous l'auvent qui la
protège.
Les parents s'avancent à pas comptés et palpent doucement
dans l'obscurité les nattes encore chaudes... Mais où sont donc
vers
les enfants ?
« Nos
petits amis n'y sont réellement pas ! » s'exclame Rehua
d'une voix brisée par l'émotion.
Ils palpent ils palpent de nouveau et leur inquiétude est à son
comble, car le couche est déserte !
Mais d'où vient que la clarté du ciel pénètre dans la case?.
Taua Tiaroroa et Rehua aperçoivent alors l'ouverture par la¬
quelle les enfants se sont échappés; ils s'élancent au dehors en
appelant : « E Pipiri Ma ! Pipiri Ma ! ».
Les enfants, se voyant découverts, s'enfuient à toutes jambes
et ne s'arrêtent hors d'haleine, que sur le sommet d'une monta¬
gne.
Le frère précède sa sœur plus faible, qu'il entraîne par la main.
« Retourne vers nos
parents, lui dit-il, retourne. »
pleure et ne répond pas, car c'est son frère qui
est l'auteur de cette belle équipée.
Les parents s'approchent toujours !
Un cerf-volant flottait par là d'aventure, Pipiri Ma se crampon¬
nent à sa queue et se laissent emporter vers les deux.
A cette vue, les parents se lamentent et s'écrient :
« E Pipiri Ma !
Pipiri Ma ! Revenez, revenez vers nous ! »
Mais celle-ci
Mais les enfants ;
Non, nous ne reviendrons pas la pêche au flambeau serait
serait pas une pêche pour les enfants ! »
Certain Mahu (i) qu'ils rencontrent les encourage dans leur
«
encore mauvaise, ce ne
fuite.
«
Gardez-vous, leur dit-il» gardez-vous de retourner sur vos
pas ».
(1) Mahu, esprit trompeur.
—
40
—
Puis s'adressant aux parents,- ce
méchant Mahu les appelle
trompeurs !
Et les parents de crier encore, de crier toujours :
«
E Pipiri ma? Pipiri Ma! Revenez revenez vers nous! »
Mais les enfants :
Non, nous ne reviendrons pas, la pêche au flambeau serait
mauvaise, ce ne serait pas une pêche pour les enfants. /
« C'est assez crier », dit Taua Tiararoa à sa femme, « tu vois
«
encore
bien que nous ne pourrons jamais les rejoindre:
Retournons et
obstinons pas davantage. »
Rehua n'entendait plus son mari: folle de douleur, elle répé¬
ne nous
tait :
«
E Pipira Ma ! ^Revenez, revenez vers nous ! »
Et dans le lointain allaient s'éteignant ces
paroles si cruelles
pour la pauvre mère :
Non, nous ne reviendrons pas, la pêche au flambeau a été
mauvaise, elle n'a pas été une pêche pour les enfants. ».
« Depuis ce temps, lorsque les belles constellations du Sud
«
apparaissent dans tout leur éclat sur le ciel pur de
tahitiennes montrent du doigt le Scorpion et disent:
Tahiti, les
« Voilà Pipiri Ma, les Ainanu (i) changés en étoiles. Un soir,
ils furent emportés ii la queue d'un cerf-volant qui, lui aussi, fut
métamorphosé en un brillant flambeau rouge (2) ». L'âme attris¬
tée par cette légende, un instant elles s'arrêtent ; puis après avoir
considéré le ciel, elles reprennent leur marche en murmurant à
demi-voix cette parole plaintive:
^
« E Pipiri Ma ! »
(1) Les deux dernières étoiles de la queue du Scorpion représentent
Pipiri Ma. Pipiri est l'avant dernière, et la suivante plus petite figure
sa sœur.
(2) Le flambeau rouge est l'étoile rouge ou Antarès, cœur du scor¬
pion.
—
41
—
Résumé chronologique clc l'histoire de Tahiti et
des Iles de la Société de 1521 à 1821.
à l'esquisse chronologique depuis
septembre igi8 dans le Bulletin par le
regretté M. A. Leverd. Nous en poursuivrons la publication jusqu'à
Ce travail anonyme fait suite
les origines publiée
en
l'époque contemporaine.
1521
Magellan découvre les lies Larrons et Mariannes après
avoir vraisemblablement passé entre les Marquises
et les Tuamotu.
1595
\
P_e.„Qniros, Compagnon de Mendana découvre les Iles
Marquises.
1600 Epoque approximative oùTahiti, constitué en royaume,
aurait eu sa première organisation. (Moerenhout)
6janv. 1606
Voyage de découverte du navigateur espagnol Fer¬
nandez De Quiros à l'archipel des Tuamotu.
Maire découvre plu¬
1616
Un négociant français Issac Le
sieurs îles de l'archipel des Tuamotu.
1722
Roggewen, navigateur
hollandais découvre un autse
groupe dTles des Tuamotu.
1765
17 juin 1767
1768
avril 1768
Byron passe aux Tuamotu entre la route de Le
et celle de Roggewen.
Maire
aborde
Le Capitaine Samuel V|^lis à bord du Dauphin
à Tahiti à la baie de Vénus et donne à l'île le nom
de " George III
Bougainville à bord de la frégate la Boudeuse lou¬
che l'archipel des Tuamotu qu'il dénomme " Archi¬
pel dangereux
Bougainville découvre à son tour Tahiti et en rapporte
le vrai nom en Europe.
1768-1770
bord de F Endeavour.
reconnaissance de
\l'archipel qu'il nomma Iles de la Société en l'honneur
Premier voyage de Cgpk à
Le célèbre navigateur achève la
s—Ijle la Société de Géographie de Londres.
1769 Cook visite les lles-Sous-le-Vent et mouille dans la
baie d'Opoa.
1772-1775
Deuxième voyage
de Cook. Le naturaliste allemand
Fôrster qui l'accompagne étudie spécialement l'ar¬
bre à pain.
\
42
_
1772
—
Premier voyage du Capitaine
espagnol Dominguo Boenechea qui amena à Tahiti les
premiers missionnaires
catholiques.
1774
Deuxième voyage
à Tahiti le 26
1775
Les prêtres
Tahiti.
de Domingo Boenechea qui mourut
janvier 1775 et y fut inhumé.
espagnols venus avec Boenechea quittent
1776
Découverte de Pitcairn par Carteret.
1788
Passage du Bounty à Tahiti. 11 mouille en rade de
1789
Le
tavai.
mars
Bounty embarque à son bord 1.015 pieds d'arbre
destinés aux Indes Occidentales (Antilles).
à pain
28 avril 1789
L'équipage du Bounty se révolte contre son chef le
capitaine Bligh qui, abandonné sur une chaloupe
18 autres personnes arriva à Timor
48 jours
après ayanl ainsi parcouru 1.206 lieues sans/perdre
avec
un
23 janv.
1790
seul homme.
7
Les révoltés du Bounty avec leurs chefs
Christian,
Alexander Smith et Adams réduits à huit dont
français nommé Martin abordent à Pitcairn
un
et brû¬
lent le navire.
23 mars 1791
Le
Capitaine Bligh revient à Tahiti avec la Pandore
il fait exécuter
ceux qui étaient restés dans l'île.
L'explorateur français Marchand visita les Iles Tuamotu, Mangareva et Marquises qu'il dénomme "Iles
pour châtier les révoltés du Bounty,
1791
de la Révolution ".
f
22 déc. 1791
Vancouver relève l'île Rapa qu'il
baptise du nom de
10 avril 1792
La Providence et 1' Assistance
Oparo (contesté),
commandées par Bligh
2.630 plants d'arbre à pain,
d'autres grands végétaux et deux
indigènes. En cours
de-traversée 10 plants furent laissés /à
Timor, 300 à
S' Vincent et les autres
plantés à la Jamaïque.
emportent de Tahiti
1793
Pomare I se fait reconnaître Roi de Tahiti.
1795
A l'instigation
du D1' Harvies, chapelain de la com¬
tesse Hutingdon, la Société des Missions de Londres
dont il était un des
fondateurs, résolut
des missionnaires dans les Iles du
7 mars 1797
d'envoyer
Pacifique.
Arrivée à Tahiti
sur
le
Duff Commandant Wilson,
des 18 premiers missionnaires de la Société des Mis¬
sions de Londres.
1797
6 mars 1798
Etablissement sans succès des premiers missionnaires
protestants aux Marquises.
Passage du Nautilus.
Société des Etudes Océanienne
—
mars
43
—
1798
Onze missionnaires quittent Tahiti.
1798
Passage du Cornwall et Sally. Présent de poudre à
Temaré et sa mort, 1798.
1798
Guerre entre les deux Pomare. Pomare II soutenu par
Manimani jusqu'au moment où celui-ci est assassiné
en
23 nov. 1799
mars 1800
décembre
1798. Réconciliation du père et du fils,.
Assassinat du missionnaire Lewis.
Construction de la
première église protestante. Pas¬
sage du Porpoise apportant un présent du Gouver¬
neur de la Nouvelle Galles.
1801
30 mars 1802
Arrivée de nouveaux missionnaires
miral.
sur
le Royal-Ad¬
Passage du Norfolk et de la Vénus.
1802
Perte du Norfolk.
1802
Tentative par les Pomare d'enlever l'idole d'Oro à Pu-
«MWWk
naauia, une guerre s'ensuivit.
avril 1802
Défaite de Pomare àTautira. Sa fuite à Matavai. Mas¬
sacre d'Atahuru. Arrivée du Nautilus. Intervention
des anglais. Invasion du district d'Atahuru. Mort de
Rua, suspension des hostilités, départ des anglais.
1802
nov.
1802
1803
Voyages du Margaut et du Porpoise. Disette parmi
la population. Nombreux décès.
Mort de Hapé, père de Pomare I.
Mort du fils de Pomare I, Roi de Tairapu Teriinavahoroa. Soumission d'Atahuru et remise du Dieu Oro.
1803-1806
3 sept. 1803
Voyage de Krusenstein aux Marquises.
Mort de Pomare I, fondateur de la dynastie, Pomare II
lui succède.
1804-1805
Voyage de Pomare II à Eimeo (Moorea).
Mort de Tetua femme de Pomare, fille de Motuaro
1806
Pomare II apprend des Missionnaires à lire et à écrire
d'Eimeo.
•
—
Mort d'Andrew, le suédois qui avait servi la cause
des Pomare — Nouveau massacre d'Atahuru, Poma¬
impose la paix à Atahuru.
Mort de Jeferson, Président des missionnaires.
re
23 sept. 1807
1808
Révolte et guerre (Tamai
rahi i Arahurai ia), Pafai
Chef.
10 nov. 1808
Départ des missionnaires, quatre seulement restent à
22 déc. 1808
Défaite de Pomare Haapaianoo (Papenoo). Pillage des
districts de Matavai et de Pare. Deux seuls mission¬
Tahiti.
îles. M. ïTTHayward qui se
réfugie à Huahine et M. Nott à Ëimeô. Opufara est
le Chef des insurgés — Prise et reprise du Schooner
naires restent dans les
Vénus.
_
1809
44
—
Nouvelle défaite de Pomare à Tahiti
1810-1811
(à Mahaena).
Malgré la présence des guerriers de Huahine sous
les ordres de leur chef Mahine, venus lui prêter main
forte. Il est obligé de fuir à Eimeo (Moorea) où vient
le retrouver Tapoa, Roi de Borabora, son
beau-père.
Pomare II séjourne à "Eimeo.
1812
Conversion de Pomare parles missionnaires d'Eimeo.
1813
Introduction du goyavier à Tahiti.
M. Nott fait son instruction.
1810 ou 1813
1813
Naissance de la Reine Pomare IV.
L'Américain Porter s'installe
empare au nom
aux
Marquises et s'en
de son Gouvernement qui ne ratifie
pas cette prise de possession.
1813
Soumission du district de Matavai
Les missionnaires
de Eimeo communiquent avec Tahiti. Destruction
1814
Retour de Pomare à Eimeo.
1814
Les descendants des déserteurs du Bounty sont décou¬
—
des idoles à Eimeo.
verts à
1813
Pitcairn, Adams seul était encore vivant.
Projet de massacre des chrétiens à Tahiti, découvert et
avorté.
1813
Voyage de Pomare II à Tahaa, Raiatea, Huahine sur
la Mathilda, on lui remet la souveraineté de ces îles
1813
Le
et de celle de
Borabora.
parti d'Opufara reprend la campagne à Tahiti et
dévaste le pays.
nov.
1813
1816
Débarquement de Pomare à Tahiti, combat de Tahiti
ou de Feipi, vallée d'Orofero au lieu
appelé Paea.
Triomphe définitif de la cause Pomare — Soumission
d„e l'Ile et conversion générale.
Le premier colon cultivateur nommé Gyles s'établit à
Tahiti.
1817
Installation de la
1817
Les Iles Tuamotu,font partie du royaume de Pomare.
aV/ïif 4.*
•tvt'v".- <• ; »>
.
13 mai 1819
première imprimerie à Afareaitu
(Eimeo), par M. Ellis.
Promulguétion d un premier Code de lois.
1819
Refus des chefs de s'associer aux vues commerciales
de Pomare, que secondaient les missionnaires.
1820
Naissance de Pomare III.
1821
Promulguation de Codes pour Huahine, Raiatea, etc..
7 déc. 1821
Mort de Pomare II.
—
Mémoires
45
—
0
d'Ariitaimai.
Chapitre III.
Il y a huit générations, vers le milieu du i8me
siècle, survint
récit va suivre, s'il faut en croire
l'histoire, les hommes ne se battirent jamais pour eux-mêmes.
Cependant, l'on ne saurait guère blâmer la femme qui causa les
la grande révolution dont le
malheurs et le renversement de Tautira, qui déplaça le centre du
pouvoir des Teva.
J'ai dit que Tautira était une grande chefferie de la côte Est de
la péninsule deTaiarapu, dont la puissance était contre-balancée
par Teahupoo, autre chefferie de la côte Sud. Si Cook et Forster
avaient eu raison de penser que Taiarapu pouvait contenir au
moins 40.000 habitants, le Chef de Tautira, dont l'autorité s'éten¬
dait sur Pueu et l'ancien district d'Afaahiti, représentant une
superficie de 20 milles^de côte depuis l'Isthme de Taravao jusqu'à
la palissade et comprenait une population de 25.000 habitants
environ, pouvait facilement lever une armée de 6 à 8 mille hom¬
mes. C'était certainement un grand CheA dont le pouvoir mili¬
taire égalait celui de Papara.
Vers l'année 1650, Tavi était Chef de Tautira, et se flattait d'être
aussi généreux que fort Tout Chef était tenu à être généreux s'il
ne voulait pas perdre le respect et la considération de son peu¬
ple; mais Tavi fut le plus généreux de tous les Chefs.de Tahiti.
Il avait une femme, Taurua de Hitiaa, la plus belle femme de son
temps et un fils Tavi-hauroa, Le Chef de Papara, et la tête des
Teva à cette époque, était Tu-i-te-rai ou Teura-ite-rai. Ainsi que
Hurimaavehi de Papeari, Tu-ite-rai ne pouvait entendre parler
d'une jolie femme sans la désirer; mais la femme de Tavi, était
bien trop importante pour être approchée autrement qu'avec les
formes de la courtoisie requise entre Chefs. Tu-ite-rai envoya par
conséquent ses messagers à Tavi pour lui demander de lui prê¬
ter sa femme avec la promesse
formelle qu'elle lui serait rendue
sept jours après. Les usages polynésiens (je dirai plutôt
tahitiens)
demande, lequel refus
aurait amené la guerre. Elle ne pouvait même pas être éludée sans
créér
ressentiment qui créérait des ennuis. Tu-ite-rai aurait-il
rendaient impossible le refus d'une telle
un
demandé l'enfant de Tavi ou tout autre choseplus précieuse en¬
core, le don devait être fait, à titre de
réciprocité bien entendu,
*
_
46
—
car tout Chef était tenu de rendre un don
voulait pas prêter sa femme, mais son
équivalent. Tavi ne
orgueil, ou peut être bien
son intérêt en demandait le
sacrifice. Avec la meilleure
grâce du
monde, en grand seigneur qu'il était, il l'envoya à Papara.
Ap¬
paremment, elle ne fit aucune objection ; si le mari était
satisfait,
le code tahitien n'avait rien à
reprocher à la femme. •
Taurua vint à Papara, pour rendre visite à
Tu-ite-rai, lequel de¬
vint immédiatement éperdûment
amoureux, le manifestant d'a¬
bord par des actes amusants,
ensuite
par d'autres d'une portée
trop sérieuse pour nous pour que nous puissions en rire, même
après huit générations. L'un de ces actes amusants fut de pren¬
dre le nom de Arorua
(aro, poitrine, rua, deux) en honneur des
charmes de Taurua et ce nom de Tu-ite-rai aro-rua
lui est resté
jusqu'à nos jours. L'acte plus grave fut qu'à la fin de la
il ne tint pas sa promesse et refusa de rendre
semaine,
Taurua à son mari.
Ceci était un outrage de la
plus grave conséquence, outrage qu'il
aurait pu infliger à un homme de la
plus basse extraction, bon
mais non pas à un chef, en¬
core moins à un chef de
rang égal. C'était un défi, une déclara¬
tion de guerre,
Tu-ite-rai, ne chercha pas d'autre excuse que sa
passion. Les Teva chantenttoujours le chant de Tu-ite-rai aro'rua
tout au plus au sacrifice humain
;
répondant au messager de Tavi, venu pour réclamer Taurua.
Pourquoi renoncerai-je à Taurua? Je ne la rendrai pas, moi,
; elle, qui est devenue à mes yeux com« me le Ura
apporté de Rarotoa, mon cher Trésor. Elle me fut
« aussi
chère, et elle m'est encore aussi chère que le ura de Faau,
« je ne m'en
séparerai pas ! Non, je ne m'en séparerai pas. Pour« quoi m'en
séparerai-je? Moi, Tu-ite-rai des six cieux; elle, qui
«
«
«
T u-ite-rai des six cieux
m'est devenue comme le ura de Rarotoa.
Ce chant est un morceau fameux de
»
l'histoire et de la littéra¬
ture des Teva, et
cependant, je ne suis pas sûre, ni de son texte,
ni de sa traduction exacte.
Je le donne comme je l'ai souvent en¬
tendu chanter, mais rien n'est
plus difficile que de rendre la si¬
gnification exacte d'un tel langage. Léchant, tel que lechantent
les Teva, se compose
de deux parties, la première est le refus de
Teura-ite-rai de rendre Taurua.
Dès que le refus de Tu-ite-rai fut connu de
Tautira, Tavi se
mettant à la hauteur de sa
réputation fit appel à ses guerriers et
les envoya contre
Papara avec l'ordre de détruire et de tuer son
Chef. Papara n'avait pas les
murs de Troie pour soutenir unsiè-
—
47
—
ge, ses forces furent détruites en bataille. Tu-ite-rai fut pris et
Taurua reprise.
Parmi les nombreuses guerres des temps anciens occasionnées
par les femmes et qui devinrent l'objet de la poésie et de la légende,
le charme propre de la variété tahitienne consiste en ce qu'elles
ne se terminent pas comme beaucoup de ces histoires par la ven¬
geance du parti injurié et vainqueur. Elle aurait dû se
de la façon ordinaire et l'intention de Tavi était bien
terminer
de faire ce
que tout chef grec aurait fait à sa place : tuer son rival et enva¬
hir ses villages; mais l'affaire prit une autre tournure. Tu-ite-rai
fut blessé, capturé et ligotté; mais lorsque ses capteurs furent
sur le point de le tuer, il protesta. Cette protestation ne fut pas
un appel à la pitié, mais ce fut l'objection beaucoup plus forte
pour un Tahitien qu'un grand Chef comme lui-même ne pouvait
être mis à mort par un inférieur. Personne qu'un égal ne pouvait
porter la main sur lui. Personne que Tavi ne devait tuer Tuiterai.
Les guerriers de Tavi, malgré ses ordres sentirent la force de
l'objection, qui était, en réalité et sans aucun doute, un appel à
la peur religieuse car Tuiterai, comme grand Chef des Teva, était
un
personnage du caractère le plus sacré. Ils le portèrent ligotté
et un bandeau sur les yeux le long du rivage à quelques trente
milles vers Tavi. Le voyage était long, et le Chef blessé, sentant
ses forces faiblir, les poussaient en avant. En traversant chaque
ruisseau, il réussissait à tremper sa main dans l'eau, pour se rendre
compte du progrès du voyage par la sensation que lui donnait
l'eau de chaque ruisseau dont il connaissait toutes les variations.
Lorsque Tavi apprit que ses guerriers avaient apporté Tuiterai
vivant, "il leur reprocha de lui avoir désobéi. Il trouva même dur
d'avoir à se mettre à la hauteur de sa réputation. La générosité
dont il se faisait gloire lui avait déjà coûté et sa femme et la guerre ;
et cependant, il porterait atteinteà son caractère s'il tuait Tuiterai
de ses propres mains et dans sa maison. Les guerres de Tahiti
furent aussi cruelles et aussi féroces que les guerres de toute au¬
tre race primitive, mais un acte pareil aurait choqué la moralité
et la décence tahitiennes. Tavi se vit obligé d'épargner la vie de
son rival, mais entre une vengeance et un pardon complet, la loi
ne connaissait pas de milieu. Un Chef épargné devenait un hôte
et un égal. Tavi donna à Tuiterai sa vie et sa liberté et Taurua
par dessus le marché. La légende répète ses paroles en un chant,
qui est, de même que la réponse de Tuiterai, toujours chanté,
comme l'une des ballades des Teva les plus connues.
—
48
—
Prenez donc la femme Taurua, ma chère amie,
«
avons
elle et moi
été séparés.
Tu étais pour moi la Vénus du matin.
Ta beauté est cause de notre malheur.
«
«
Tu étais à moi, mais maintenant....
«
«
Prenez Taurua, ma chère amie.
«
Nous sommes vraiment séparés elle et moi. »
Malgré cela, la défaite de Papara était une révolution trop sé¬
rieuse pour ne pas avoir une répercussion sur la politique de l'île.
Tavi devint par son triomphe le Chef le plus
puissant de tout
Tahiti, il confirma son pouvoir par un rahuiau bénéfice de son
jeune fils Tavi-hauroa. Un rahui, était un acte d'autorité, c'était
un droit plus que royal. Le rahui
qui pouvait durer une année
ou
davantage, était un ordre général, pour une époque détermi¬
née qui englobait toute la production du territoire entier
sujet à
l'influence du Chef et la rendait tabu ou sacrée au profit du jeu¬
ne prince. Pas un porc ne
pouvait être tué ; pas une étoffe de ta¬
pa ou une fine natte ne pouvait être faite; « Pas un coq ne pou¬
vait chanter » si ce n'est pour l'enfant ; à la fin du rahui, le tout
devait appartenir à l'enfant.
L'autorité directe et entière de Tavi ne s'étendait que sur sa
chefferie de Tautira, mais en raison de son rang, ou
par courtoi¬
sie, par sa parenté ou son influence, elle s'étendait sur toute l'île
et Eimeo ou Moorea seul en était
exempt. Un rahui était une sorte
de corvée que les grands Chefs acceptaient
rarement; mais alors
même qu'un Chef aurait été anxieux d'éviter une
guerre qui au¬
rait été la conséquence de la rupture du rahui, sa femme ou ses
sœurs ou
même sa famille étaient toujours
prêtes à le pousser
le
grand ChefdeTeahupoo, lequel district est au Sud, dos à dos de
Tautira. Vehiatua avait une fille qui avait épousé le Chef de PareArue, le district de l'extrême Nord où se trouve la Ville de Pa¬
peete, et cette fille Tetuaehuri, était sur le po'int de donner nais¬
contre cette mesure. Le rival
principal de Tavi était Vehiatua,
sance
à un enfant.
Ceci est la première apparition, dans l'histoire, d'une famille
qui est devenue depuis fameuse et royale sous le titre accidentel
et missionnaire dePomare. Ainsi
qu'il est connu detous, Pomare
n'était qu'un des nombreux surnoms pris
par Tunuieaite atua,
petit-fils deTetuaehuri. Tout Chef Tahitien prenait ces surnoms,
habituellement pour commémorer quelque chose, et très souvent
par affection pour un enfant, mais ces surnoms n'étaient pas per-
—
49
—
manents comme un titre officiel, auquel étaient attachés le rang
et les biens.
Le titre officiel du Chef de Pare-Arue, mari de Tetuaehuri, était Taaroa manahune qui descendait de Fakarava, une
île des Tuamotu. Par le rang, Taaroa manahune appartenait à la
troisième ou quatrième classe, du moins dans l'opinion des Chefs
de Vaiari ef Punaauia qui portaient le maro ura et de Papara qui
portait le maro tea (voir notes au sujet du maro ura et du maro
tea) de Vehiatua, de Taiarapu et de Marama de Haapiti à Moorea
et de Vaetua de Ahurai. Si ce n'est comme mari de Tetuaehuri,
il ne faisait pas grande figure. Des cheffesses comme Tetuaehuri
faisaient ce qu'elles voulaient lorsque leur mari était moins im¬
portant que leur père. Tetuaehuri attendait son enfant et ses sa¬
ges femmes lui avaient dit qu'elle devait manger du porc tous
les jours. Si Vehiatua fut consulté, il donna son consentement,
car Tetuaehuri
rompit le rabui et mangea du porc. Tavi agit im¬
médiatement comme si ceci avait été une déclaration de guerre,
il passa àTeahupoo avec ses guerriers
et fut complètement dé¬
fait.
La querelle dut être exceptionnellement violente car ce fut un
des rares cas où une grande famille
fut entièrement chassée de
l'île. Vehiatua n'imita pas Tavi en générosité, mais saisit ses biens.
Quelques-uns disent que Tavi alla aux Tuamotu, mais il est cer¬
tain qu'après la guerre du rabui, il ne fut plus jamais vu à Tahiti
où l'on n'entendit plus parler dé lui. Son fils Tavihauroa, la cause
du désastre revint et fut protégé par ses vieux voisins et parents,
les Chefs de Hitiaa, Mataoae et Vaiari. En lui donnant des terres
et des domestiques, ils lui formèrent un petit district, le moderne
Afaahiti, cinq ou six milles de côte au-delà de l'Isthme de Taravao.
11 avait aussi pour noms Teriitua
à Hitiaa et Teriioiterai à
Vaiari.
Un jour l'infortuné jeune Chef faisait voler son cerf-volant, un
les hommes fai¬
maison, et les fai¬
amusement habituel des temps anciens, lorsque
saient des cerfs-volants aussi grands qu'une
saient lutter les uns contre les autres. Le fort vent du Sud-Est,
qui souffle à travers l'Isthme de Taravao emporta le cerf-volant
à quelques milles à l'ouest, le jeune Chef le poursuivit jusqu'à ce
que le cerf-volant s'abattit sur un arbre du marae de Farepua à
Vaiari. Une grande cérémonie avait lieu sur le marae où le grand'
prêtre officiait. En un moment pareil l'intrusion d'un étranger
était puni de mort. Teriioiterai monta sur l'arbre pour prendre
son cerf-volant et fut instantanément tué.
—
50
—
L'extinction de cette lignée eut une conséquence considérable
sur l'île.
Elle donna à Vehiatua un tel accroissement de
pouvoir
que ce n'eut été qu'une question de temps pour qu'il fit à Papara
Papara avait fait à Vaiari et devint la tête politique des
Teva, par conséquent le Chef le plus puissant de l'île. Le Chefde
Papara ne pouvait échapper au danger que par une alliance avec
Vehiatua ; aussi à la génération suivante, Vehiatua eut-il pour
femme Teeva Pirioi, sœur aînée des Chefs de
Papara Aromaiterai et Tuiterai. Papara réussit à conserver sa
suprématie pour
cette génération, mais le danger était
toujours là ; l'heure devait
sûrement venir, la femme aussi.
La révolution à Taiarapu fut le point de départ de ce
que nous
pourrions appeler l'histoire de l'île. Elle eut lieu environ cent ans
avant la découverte de Tahiti par Wallis; car la belle Tauruaet
Tetuaehuri étaient contemporaines, et alors queTaurua, parson
second mariage avec le Chef de Papara, Tuiterai arorua, devint
la source de notre famille de Papara, Tetuaehuri parson
mariage
avec Taaroa manahune, devint la source des Pomare.
Amo de Papara, l'ami de Cook, était un homme grisonnant
en 1774 et sa femme devait avoir
45 ans en 1767(1). Amo avait dû
naître par conséquent vers 1720 puisque Cook le croyait être le
père de Hapai ou Teu qui avait dû naître vers la même époque.
Le père d'Amo, Tuiterai, a dû naître vers 1690 ou 1700 et le
père
de Tuiterai, Teriitahi, le fils de Taurua, serait né entre 1660 et
1670, cette date ne pouvait être très éloignée de celle du rahui
ce que
et de la naissance du fils de Tetuaehuri.
Malheureusement ces dates diffèrent de deux générations en¬
tières de celles de la généalogie des Pomare. Conformément à
celle-ci, le fils de Tetuaehuri était Teu ou Hapai, et vécut jusqu'en
1802(2) où il mourut très âgé. Il fut bien connu pendant plus de
trente ans par tous les Européens qui visitèrent Tahiti. Il avait
environ 70 ans en 1797 d'après les missionnaires qui le connais¬
saient intimement (3). On croit qu'il était l'homme le plus âgé de
l'île lorsqu'il décéda, mais personne ne semble
supposer qu'il fut
né avant 1720. Même en raccourcissant de 10 ans
chaque géné¬
ration de la génération de Papara, on ne peut la faire coïncider
avec celle des Pomare. Tetuaehuri ne devrait
pas être la mère,
(1) Observations de Foster.
(2) Ellis.
(3) Duff.
mais la grand'm'êre de Teu. Amo et Teu étaient contemporains,
leurs grand'mères auraient dû être contemporaines mais suivant
les généalogies, la mère de Teu, Tetuaehuri et Taurua labisaïeule
d'Amo portaient leur premier enfant vers
la même époque. Le
rahui, imposé après la naissance du premier fils de Taurua, fut
rompu par la naissance du preplier fils de Tetuaehuri.
Enfin la rupture du rahui et l'arrivée de Wallis en 1767, la fa¬
mille Pare-Arue disparaît, et il me faut les mettre de côté jusqu'à
que j'arrive à la génération d'Amo et Purea, Teihotu et Vavea,
Auri et Tetuaraenui, Tutaha et le reste des amis de Cook. Dans
ce
la famille de Papara, la période qui intervint fut remplie par un
vif conflit entre une branche aînée et une branche
cadette, un
quelques jolis et
gracieux fragments de la tradition de notre famille.
La belle Taurua de Hitiaa qui avait eu son premier né, Tavihauroa de Tavi, eut un second fils, Teriitahi de Tuiterai de Pa¬
para. Tous ces événements dans la vie de Taurua ont dû se pas¬
ser dans une période très restreinte. La beauté ne dure pas long¬
temps à Tahiti. Taurua a dû se marier, avoir son premier fils,
aller à Papara, être reprise par la guerre de Tavi avec Tuiterai,
être rendue à Papara et probablement avoir son second fils de
Tuiterai avant l'époque de la guerre du rahui. Cet enfant, notre
ancêtre à la 6me génération s'appelait Teriitahi a Marama ; Te¬
riitahi épousa une fille du Chef de Vairao à Taiarapu et en eut
4 enfants, deux filles et deux garçons. Les deux filles étaient les
aînées des garçons. L'aînée Teeva Pirioi, ainsi que je l'ai dit épou¬
sa le Vehiatua de sa génération, et était utilement occu pée à main¬
tenir la paix de ce côté. Quant aux deux garçons, nous ne pou¬
vons pas en dire autant.
(A suivre.)
Aromaiterai et un Ruiterai, qui nous a laissé
,
—
52
—
Itinéraire des Iles
Marquises.
(Suite et fin)
ILE TAHUATA
Les indigènes
de cette île viennent à peu près toutes les se¬
maines à Atuona et on prendra place dans leur baleinière. Deux
heures de trajet à
la voile ou à la rame et on aborde à la plage
de Motupu.
La vallée et les coteaux qui l'entourent sont plus elevés mais
nourrissent un important troupeau de moutons. Comme ils n'ont
que des sources insignifiantes ces terres sont peu fertiles. Malgré
cela Motopu à une population assez nombreuse dont la
pêche
principales ressources. Les chevaux de Moto¬
pu sont très renommés dans l'archipel et le touriste pourra se
payer des randonnées dans les alentours.
La route de Motopu à Vaitahu (15 kilomètres) s'engage
dans
l'intérieur et par le haut des vallées Iva-Iva et Kinui arrive au col
de Vaitahu d'où l'on domine toute la vallée. Le
coup d'œil est
superbe, une chaîne de montagnes de 1.000 mètres toute tapissée
et la chasse sont les
de verdure, de nombreux coteaux recouverts de roseaux à teinte
dorée en portent vers le bas de la vallée pour aboutir à la forêt
de cocotiers qui borde la baie.
Vaitahu.
—
Possède la
plus grande et la meilleure baie du
groupe sud-ouest, à cause de son orientation à l'ouest, la mer y est
presque toujours calme. 11 y a un village indigène d'une centaine
d'habitants grands amateurs de pêche à la bonite
pour¬
qu'ils
suivent à plusieurs miles au large. Sur un mamelon dominant la
baie et le bas de la vallée, on visitera un fort en ruines bâti
par
les Français en 1842 lors de l'occupation et des deux côtés de la
vallée, une redoute assez bien conservée.
On ira en pèlerinage au cimetière ou dorment le
Capitaine de
Corvette Halley et une trentaine de marins tués en 1842 dans un
engagement avec les indigènes.
Hapatonl. — A 5 kilomètres 500. Rade longue mais peu pro¬
fonde aux eaux bleues presque toujours calmes. La vallée consiste
en une mince bande de terre entre la mer et la
montagne pres¬
que à pic. Une jolie route d'un kilomètre' environ, longe la plage
et est bordée de tamanus
superbes.
—
S3
—
Pour aller de Hapatoni à Havateio à 6 kilomètres 500, la route
l'île en un col situé à 500 mètres de hauteur. De là on
voit cette vallée allongée dans la direction est-nord bordée au sud
traverse
par la chaîne centrale qui lui fait un décor vert sombre. C'est la
plus grande et la plus fertile vallée de l'île, mais n'est plus habitée
que par deux vieillards. Quelques plantations de cocotiers sont
en train de disparaître dans la forêt.
La plage exposée à l'est, est sans cesse battue par des vagues
écumantes.
Oq remonte la vallée d'un bout à l'autre, une pente conduit le
voyageur sur le flanc de
la chaîne centrale d'où il découvre les
petites vallées de Hanatetena et Haoipu comme écrasées au
pied d'une muraille à pic de 1.000 mètres de hauteur. Il y a une
très grande baie, mais pas de plage, partout la falaise à pic.
Hanatetena.
Bien arrosée possède une importante pal¬
meraie, mais Haoipu a peu de plantations. Les indigènes de ces
deux vallées sont des buveurs de cocos enragés, ce qui, joint à
la tuberculose n'en a laissé qu'une vingtaine.
Toute la pointe sud de Tauata n'est qu'un bloc élevé de pierres
noirâtres sans végétation. Des quantités de chèvres sauvages
seules y peuvent vivre.
2
—
,ILE MOTANE.
Les goélettes passent fréquemment à côté, carelleestàmi-route
de Hivaoa et Fatu-Hiva. Peu élevée et nue dans
sa
partie nord,
elle nourrit un troupeau de moutons de 2 à3.000 têtes. Si le na¬
vire n'est pas pressé le
au
touriste'assistera du large à une chasse
mouton. Les matelots vont à terre et chacun doit prendre son
mouton à la courroie. Le propriétaire prélève une taxe de 3 francs
par animal.
'
La partie centrale de l'île est couverte d'une forêt de tamanus
tous et mios qui sont de beaux bois d'ébènisterie mais
les bras
manquent pour l'exploiter.
La partie sud de l'île assez élevée tombe à pic dans la mer, les
parois tâchetées de verdure lui donnent l'aspect d'un château
fort en ruines couvert de lierre.
Des milliers d'oiseaux marins y ont établi leur demeure.
ILE FATU-HIVA.
La baie des Vierges ou d'Hananave a été souvent décrite par
les voyageurs qui l'ont visitée. Si l'on y parvient du côté nord on
—
54
—
longe une falaise très élevée et aiguisée entièrement de verdure,
tombant à pic dans l'eau sombre. Le côté sud, aussi élevé a une
forme moins régulière et disparaît sous des champs de roseaux
à teint jaune pâle. De place en place des petites cascades sourdent.
La plage se voit entre des pans énormes de lave noire ou rous¬
sie ; ces pans surmontés de blocs erratiques aux formes étranges
.forment un cadre fantastique, certains ressemblant à de barbares
statues de la Vierge, d'où sans doute le nom de la baie.
La vallée a une excellente rivière, et est bien plantée de coco¬
tiers, d'orangers et de manguiers. Une archaïque petite église en¬
tourée de lauriers roses complète cet étrange décor.
Omoa.
—
La vallée de ce nom est l'une des
plus agréables
que nous avons à visiter. Elle est plate sur une grande profondeur
et possède une superbe avenue bordée de manguiers. Les maisons
indigènes des deux côtés disparaissent à demi parmi les cocotiers,
bananiers, et autres arbres fruitiers. Une grande rivière ou four¬
millent anguilles et crevettes est recouverte en plusieurs endroits
de cresson.
&
La baie est malheureusement peu profonde et devient intenable
aussitôt que la houle passe au sud.
Les indigènes de Fatu-Hiva sont connus pour
leur habileté à
sculpter cannes, bols, pagayes, pirogues en style marquisien. Ce
sont les derniers dépositaires de cet art. Ils sont aussi d'incorri¬
gibles buveurs de jus de coco,
ILE UA-UKA.
Cette île a un peu la forme d'un croissant, elle est peu élevée
aussi on ne voit partout que coteaux rougeâtres et pelés. Dans
plaine au centre s'ouvre la baie invisible ; il faut en effet ar¬
prêt pour voir une coupure de 200 mètres environ
donnant accès à la vallée de Vajpae.
La vallée de Vaipae ne ressemble à aucune autre aux Marquises.
C'est une sorte de couloir plat, large de 3 à 400 mètres qui s'en¬
une
river bien
fonce à l'intérieur de l'île en suivant sa forme recourbée. Les 2
côtés de la vallée sont absolument nus, terres rougeâtres ou ébou¬
lées de roche. L'espace
plat dans la vallée seul laisse pousser
maiorés et cocotiers, grâce à un ruisseau intarissable qui le par¬
court d'un bout à l'autre. On
une oasis dans un
ne
peut s'empêcher de penser à
désert.
Les falaises à pic de la baie abritent des centaines de pigeons
55
—
—
sauvages et offriront l'occasion d'un bon coup de fusil. Un im¬
portant troupeau de moutons vit en liberté dans les environs.
Les valléé de Haane et Hokatu dominés par le point le plus
élevé de l'île ont de jolies plantations de cocotiers.
Deux îlots à l'entrée de la baie de Chavez sont couverts d'oi¬
mer" Kaveka", en marquisien. A l'époque de la ponte
de juin à juillet, ils sont tellement nombreux qu'ils vont nicher
seaux de
sur la colline en face et occupe
bien i /2 kilomètre carré se touchant
presque. Les indigènes de Vaipae et les équipages de goélette qui
passent ont alors l'occasion d'avoir des omelettes à bon compte.
Pour donner une idée de la multitude de ces oiseaux nous allons
indiquer le procédé employé pour la cueillette des œufs. Sur un
espace large de 2 mètres vous jetez tous les œufs pondus, de
crainte qu'ils ne soient pas assez frais, vous continuerez ainsi
pendant 200 mètres et vous revenez ramasser des œufs qui ont
été pondus au fur et à mesure que vous débarrassiez le chemin.
Les œufs de votre allée suffiront à remplir une touque à gazoline.
ILE UA-POU.
leurs montagnes
Les sommets de
Ua-Pou sont bien au centre. De place en place d'énormes aiguilles
de pierres jaillissent du fouillis de verdure qu'est le centre de l'île.
Ces aiguilles dressées toutes droites et nues dans le ciel semblent
Alors que les autres îles ont le sommet de
tantôt au centre, tantôt d'un côté ou d'autre.
les cloches d'une cathédrale engloutie.
Les deux contreforts qui se détachent de la chaîne centrale
descendent en coteaux peu élevés vers la mer, ce qui a permis
de construire une route qui fait entièrement le tour de l'île.
Les vallées sont très nombreuses mais ont peu de végétation,
sauf dans les hauteurs malgré de nombreux cours d'eau qui les
arrosent, aussi on peut dire d'Ua-Pou qu'elle est l'île la moins fer¬
tile de l'Archipel.
Ua-Pou.—Est le pays des ânes. Ils se sont reproduits par mil¬
liers dans le centre de l'île et'dansles endroits abandonnés. Ces
animaux sont devenus un fléau, ils déboisent l'île pour manger
l'écorce des arbres et ravager les nouvelles plantations.
ILE NUKA-HIVA.
île de l'archipel et avec Hiva-Oa, l'avenir des
Marquises. Elle possède les meilleures baies et quoiqu'ayant une
grande partie de" ses terres enfermées à une grande hauteur, elle
La plus grande
-56-
possède quelques vallées qui sont parmi les plus grandes de
l'Archipel.
Taiohae. —.Un superbe bassin naturel presque fermé, une
plage de sable de près de 3 kilomètres et une grande vallée en
amphithéâtre tout autour. Une arrivée à Taiohae le matin au petit
jour, quand l'air est imprégné du parfum des mimosas en fleur
et que le soleil commence à éclairer le cirque des
montagnes qui
entoure la vallée laisse une impression inoubliable.
Hélas, aussitôt débarqué, on est assailli par des quantités de
moucherons minuscules mais à piqûre cuisante « les nonos »,
et on perd bientôt l'enthousiasme de tout à l'heure.
L'Administration possède à Taiohae 2 ou 3 bâtiments impor¬
tants datant de l'époque de l'occupation. La Société
Française
des lies Marquises y a son Agence principale.
La vallée est dépeuplée et a peu de plantations. Cela tient a ce
que jusqu'à ces temps derniers la plus grande partie de terres
appartenait au Domaine. Il y a plusieurs sources d'eau minérale.
Taipivai. — La plus grande vallée des Marquises et aussi la
plus fertile, peu de plantations, mais d'immenses forêts de buraos.' Une grande rivière
navigable pour des petites embarcations
pendant 1 kilomètre. Un énorme paepae considéré comme le
plus grand des Marquises. Une belle cascade au fond de la val¬
lée. Une vingtaine d'habitants.
Houmi.
Cette vallée comme la précédente donne
baie du Contrôleur. Il y a un important village et
dans la
beaucoup de
—
cocotiers.
Auahoo.
Grande baie
décrit les beautés.
au
Nord de l'île dontR. L. Ste¬
ses habitants ont disparus.
Quelques indigènes y viennent de temps à autre y faire du co¬
prah et pêcher.
venson a
Tous
Hatiheu.
La baie d'Atiheu est un grand bassin rectangu¬
laire aboutissant à une large vallée. Jusqu'à mi-hauteur la vallée
—
est couverte de cocotiers, plus haut c'est une forêt de buraos jus¬
vallées
qu'au sommet. C'est une des
les plus verdoyantes. A droi¬
te de la plage s'élève un imposant bloc de roche dont le sommet
se termine en
aiguilles. Du navire à l'ancre le touriste ne se lassera
pas d'admirer le beau paysage d'Hatiheu.
Akapa. — La rade d'Akapa en forme d'équerre et ouverte au
houleuse et rarement les navires y
mouillent. Au pied de la montagne la plus élevée de l'île, la valNord est presque toujours
—
57
—
lée peu plantée est couverte d'une intense végétation.
Une suc¬
cession de pitons de pierre forme le côté ouest de la baie.
Hakahu.
—
Grande vallée plate aux bords bien ouverts et d'une
direction très régulière. Les alignements de cocotiers
d'un bout
à l'autre sont d'une jolie perspective.
TERRE
DÉSERTE.
Elle s'étend sur toute la partie Ouest de l'île. Elle montre d'a¬
bord une plaine ondulée, herbeuse, de plusieurs kilomètres d'é¬
tendue, où vivent des milliers de chevaux et mulets sauvages.
Puis succèdent de nombreuses vallées et coteaux nus aux falai¬
ses de lave presque
partout à pic. Un vrai paysage volcanique.
C'est le domaine des chèvres sauvages, on estime leur nombre
à lo.ooo au bas mot. Quelques bœufs se voient encore, survivants
d'un immense troupeau détruit par les Marquisiens. Ce
qui fait
le charme de la Terre déserte c'est une mer calme, des côtes pois¬
sonneuses
et ses milliers d'animaux sauvages.
Hakaui.
—
C'est une des grandes curiosités des Marquises.
Une vallée profonde étroite et encaissée
dominée du côté ouest
par une énorme falaise de lave. Les innombrables contreforts qui
en descendent semblent adosser une gigantesque cathédrale.
La vallée est bien arrosée et bien plantée. Beaucoup d'indigènes,'
jeunes presque tous ; c'est un des seuls endroits ou l'on voit de
la vie aux Marquises.
La baie d'Hakaui est divisée en deux parties ; celle de droite
forme un bassin tranquille et profond ou les navires sont à l'abri
des vagues et du vent. On se croirait dans un lac suisse. Le tou¬
riste qui aura la chance de coucher une nuit à Hakaui et d'assis¬
ter au lever du soleil sur un étrange contrefort ou jouent des trou¬
peaux de chèvres blanches et noires et d'entendre de tous côtés
dans la brousse qui l'entoure le chant des komaos et des coqs
sauvages emportera d'Hakaui un souvenir divin.
LE BRONNEC.
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- Bulletin de la Société des Études Océaniennes
Fait partie de Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 07