-
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8d5b8321d800c2f940fafa702d6b7ea8
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�Société des Etudes Océaniennes
Fondée le 1er janvier
1917
Service des Archives Territoriales
Vallée de Tipaerui
BJ5.110 Papeete
Polynésie Française
TéL. 4196 03
Banque Westpac : 012022 T 21
—
CCP : 834-85-08 Papeete
CONSEIL D'ADMINISTRATION
t M. Paul MOORTGAT
Président
t Me Eric
Vice-Président
LEQUERRE
Mlle Jeanine LAGUESSE
Secrétaire
M.
Trésorier
Raymond PIETRI
ASSESSEURS
M. Yvonnic ALLAIN
M. Robert KOENIG
Mme Flora DEVATINE
M. Roland SUE
MEMBRE D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
Société des
Études Océaniennes
�BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ
DES
ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
N° 254-255
JUIN
-
-
TOME XXI
DÉCEMBRE
-
N° 5 et 6
1991
SOMMAIRE
Toponymie et topographie polynésiennes :
François Vallaux; Lieutenant de Vaisseau
La
du
genèse du mythe polynésien ou Le miroir aux alouettes
politique : Philippe Draperi
1
53
de
Projet préliminaire pour la restauration du marae Tetuahitiaa
Papeno'o : C. Orliac
86
Une nouvelle réglementation du travail en Polynésie
française, Evolution d'une société : Laure Ginesty
89
Pape'ete de jadis et naguères : Raymond Pietri
1re suite de la 1re partie : A l'abordage du village de
Pape'ete
La
95
pacification de Taiti (Extrait de L'Illustration, Journal
Universel, du 22 mai 1847)
117
Hommage à Aurora Natua : Jean Montpezat
125
Société des
Études
Océaniennes
�N° 1382
TOPONYMIE
TOPOGRAPHIE
ET
POLYNÉSIENNES
PAR
M.
François VALLAUX,
LIEUTENANT
DE
VAISSEAU
(Extrait des Annales hydrographiques)
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
1955
J. C. 403337. 0.
Société des
Études
Océaniennes
�TOPONYMIE
TOPOGRAPHIE
ET
POLYNÉSIENNES
l'Ali
François VALLAUX
1.1 El TKiNANT
T)K
\AISSEAl
au début du xixe siècle, les hydrographes français, sous la direction
Beautemps-Beaupré, entreprirent la constitution du portefeuille des cartes
marines, leurs préoccupations toponymiques étaient inexistantes et ces nou¬
velles cartes furent garnies de noms recueillis sans aucune méthode et
transcrits sans aucun principe orthographique. Aussi, malgré leur grande
valeur technique, les cartes françaises se sont-elles trouvées déparées par des
négligences regrettables qui, il faut le dire, n'étaient pas moindres dans les
Lorsque,
de
services
hydrographiques étrangers.
Or, depuis quelques années et surtout depuis que deux guerres mondiales
ont amené la coopération militaire de maintes nations, les questions topony¬
miques sont à l'ordre du jour dans un grand nombre de pays et suscitent
un intérêt toujours croissant chez les linguistes comme chez les géographes.
Hydrographique de la Marine s'est donc préoccupé de moder¬
ce point de vue et l'attention des hydrographes a été
attirée sur la nécessité d'accorder aux problèmes toponymiques l'intérêt qu'ils
méritent, notamment dans les régions où s'effectuent de nouveaux levés.
C'est ainsi que, lors de la constitution en 1947 de la Mission Géodésique
des Tuamotu, notre prédécesseur, le Lieutenant de Vaisseau Nay, fut invité
à s'intéresser à la toponymie polynésienne jusqu'alors fort négligée. Les
premières mesures consistèrent à compléter les indications très sommaires
des documents existants et à corriger leurs plus lourdes erreurs mais quand,
en 1951, on commença à préparer la publication des cartes levées jusqu'alors,
il devint urgent de préciser les données du problème toponymique et les
principes qui devaient guider le choix d'une solution. Nous avions, entre
temps, pris les fonctions de chef de mission et il nous revint d'étudier ces
questions dans un rapport dont nous donnons ci-après quelques extraits.
Le Service
niser
ses
documents à
2
j. c. '103337. 0.
Société des
Études
Océaniennes
�__
I.
Il
4
—
POSITION DU
PROBLÈME
certain
qu'il faudrait, à l'occasion du renouvellement presque
portefeuille océanien, se fixer en matière de toponymie poly¬
nésienne une doctrine immuable. Faute d'en avoir une, nos prédécesseurs,
hydrographes et marins, ont été contraints de s'en remettre à leur opinion
personnelle que n'étayait pas toujours une connaissance approfondie des
éléments d'appréciation, et il en est résulté une confusion qui va jusqu'à
l'emploi sur une même carte de deux orthographes différentes pour le même
«
est
total de notre
mot.
« Deux systèmes
principaux s'affrontent en effet; le premier consiste à tran¬
scrire, à l'aide des signes et lettres de l'alphabet français, la prononciation
locale qu'on représente aussi simplement et aussi exactement que possible.
Telle est du moins l'idée de base à laquelle, en fait, il faut apporter bien
des correctifs pour éviter les illogismes trop flagrants. C'est ainsi que, dans
la transcription du tahitien, on serait, pour adopter un signe du pluriel, gêné
par l'absence du son « s » dans cette langue.
« Le deuxième système tend à
l'adoption de la forme locale telle qu'elle
se trouve .fixée
depuis plus de 150 ans que les Européens ont introduit
l'écriture dans ces territoires; plus rigide que le précédent, ce système ne
doit pourtant pas être considéré comme intangible.
« Tant que les
esprits flotteront entre ces deux solutions et leurs variantes,
on aboutira selon l'humeur des exécutants à des
orthographes aussi variées
que
Pomotu, Paumotu, Paumotous, Tuamotu, Tuamotou, Touamotou, Toua-
motous, Touamoutous qu'on trouve employées, plus ou moins fréquemment,
dans les ouvrages concernant ces îles.
« Pour sortir de cette situation
chaotique, il nous faudra, outre des prin¬
cipes généraux qui diront, par exemple, s'il convient d'adopter une marque
du pluriel, une étude particulière de chaque toponyme. L'essentiel en sera
le rassemblement et la confrontation des renseignements recueillis auprès
des indigènes, mais il y faudra aussi des recherches sémantiques et étymo¬
logiques; il est souhaitable, à bien des points de vue, que ce travail soit
pris en main par une Commission locale; cette opinion étant partagée par
de nombreuses personnalités du pays, il semble que la formation d'un orga¬
nisme de ce genre soit imminente; nous ne manquerons pas de solliciter son
avis pour tous les toponymes qui intéressent les cartes marines. »
Après avoir exposé certaines particularités phonétiques et linguistiques des
dialectes polynésiens qui en compliqueraient singulièrement la transcription
française, nous concluions :
« Les considérations
que nous avons développées n'intéresseraient-elles que
les seuls philologues ? La langue n'est-elle pas en train de périr et ne
convient-il pas justement de précipiter cette évolution par des décisions
d'autorité ?
« Nous
pensons qu'il n'en est rien. Si les dialectes
n'ont point de grandes œuvres littéraires pour plaider
Société des
Études
Océaniennes
de l'Océanie française
la cause de leur main-
�—
5
—
ne leur manquent pas pour autant. La Bible et un grand nombre
d'ouvrages d'exégèse sacrée ont été traduits dans tous les idiomes. Ces livres
sont lus par toutes les couches de la population, car tous les Tahitiens et la
grande majorité des habitants des archipels lisent et écrivent leur langue
d'ailleurs fort mal en général, faute d'un enseignement qui a été tantôt
négligé, tantôt proscrit.
« Nous sommes
devant un état de fait sanctionné par de nombreuses
concessions à la langue polynésienne. Citons, entre autres, l'affichage bilingue
des arrêtés, avis et actes divers de l'Administration, l'acceptation du tahitien
dans le trafic télégraphique et sa part considérable dans les émissions de la
tien, les textes
—
radiodiffusion.
place faite au tahitien est au moins aussi impor¬
celle donnée à toute autre langue de nos possessions d'outre-mer.
Bien loin de se rétrécir, son domaine s'élargit au détriment des autres
dialectes océaniens, évolution naturelle, lente d'ailleurs, et que la toponymie
n'a pas à devancer puisque, comme partout, les expressions géographiques
seront les dernières à abandonner les formes du parler original.
« Ainsi, à moins d'un acte d'autorité — qui n'est certes pas du ressort de
la cartographie — l'orthographe « à la française » n'a aucune chance de
prévaloir et son éventuelle adoption sur les cartes marines aurait pour consé¬
«
A l'heure actuelle, la
tante que
quence :
« a.
De
les mettre
en
contradiction
avec
les documents officiels
tous
(administration locale, enregistrement, cadastre, justice) ;
«
b. De vider les
plus grossières
« c.
noms
propres
de leur signification et d'y introduire les
erreurs;
De rendre les cartes risibles
aux yeux
des Polynésiens, de sorte
que
publications nouvelles seraient immédiatement démonétisées auprès de
principaux utilisateurs (il ne faut pas oublier que les états-majors de
la flotille locale sont fournis par le pays dans la proportion d'environ 90 % ) ;
« d. D'entraîner, si l'on veut être logique, la revision de tout notre porte¬
feuille polynésien; comme il n'y a aucun espoir de faire admettre notre
point de vue universellement, il y aurait toujours incohérence, et ceci
d'autant plus que, pour ces régions, les marins français utilisent bon nombre
de cartes anglaises. »
nos
leurs
II.
SOURCES
DE
RENSEIGNEMENTS.
Nous reviendrons in
de
la
fine
sur
—
PLAN DE TRAVAIL
les propositions concrètes que nous tirions
que le Service Hydrographique de
conclusions; disons, cependant,
Marine voulut bien les entériner.
ces
Entre temps, s'était formé le Comité Local de Toponymie
fait allusion plus haut. Sous la direction du Président de
Études Océaniennes,
ce
auquel il a été
la Société des
Comité qui comprend une dizaine de membres, dont
depuis le début de 1952 des réunions
le Commandant de la Marine, tient
hebdomadaires.
2.
Société des
Études
Océaniennes
�-
6
-
Pour comprendre dans quel esprit le Comité a conçu son travail, il
d'avoir une idée de la situation qu'il a trouvée.
En fait de recherches antérieures, il n'existait à peu près rien :
importe
quelques
articles
épars dans la collection des Bulletins de la Société des Etudes
Océaniennes, quelques annotations par ci, par là, toujours sur des points très
particuliers. Quant aux ouvrages d'ensemble, aucun ne traite directement la
question et ceux qui l'abordent incidemment sont fort sujets à caution.
C'est ainsi qu'on note avec étonnement, dans les vieux annuaires de la
colonie, les changements considérables que chaque année — ou presque —
apporte à l'orthographe et à la texture même des noms propres; il n'a pas
paru non plus que plcquenot, dans sa géographie (1900), ait apporté beau¬
coup d'attention aux questions toponymiques. L'auteur avait, il est vrai,
d'autres chats à fouetter, puisque, à cette époque, il existait encore aux
Tuamotu
En
moins
au
île d'existence douteuse.
la terminologie topographique, il n'y avait pratique¬
ment que l'ouvrage de Gaussin : livre assurément
remarquable mais démodé
et qui, d'ailleurs, est
presque uniquement consacré aux Marquises.
ce
qui
une
Devant
concerne
situation, le Comité
a considéré que son premier objectif
toponymiques auprès des indigènes.
Sur la demande de la Marine, il a été décidé de
s'occuper en priorité des
Tuamotu. Fin 1953, plus de 80 témoins venant de 59 îles avaient été entendus,
et environ 1.000
toponymes recueillis.
Par ailleurs, et tout à fait indépendamment du Comité, M.
Bengt
Danielsson, du Bishop Museum d'Honolulu, a, au cours d'un séjour de
plus d'un an à Raroia, réuni beaucoup d'éléments intéressants que sa qualité
d'ethnologue accrédite singulièrement.
cette
devait être de collecter les éléments
Aux
qui
travaux
nous
du
sommes
Comité,
aux
redevables
résultats communiqués
entre autres du schéma
M. Danielsson à
qu'on trouvera à la
par
14, s'ajoute l'expérience de plus de trois ans aux Tuamotu au cours
nous n'avons pas manqué de glaner ou de recouper (1) de nom¬
breux renseignements. Ainsi nous pensons être en mesure de dresser un
premier inventaire de la terminologie topographique de nos territoires
polynésiens. En fait nous nous attacherons surtout à ce qui a trait aux
page
desquels
Tuamotu
qui
successeur,
ront
Gambier. Nous
et
sommes
en
effet loin d'être aussi avancés
en
ce
les Iles de la Société et l'Archipel des Marquises, et notre
le Lieutenant de Vaisseau Bonzon, dont ces régions constitue¬
concerne
le
principal champ d'action,
nous en
années.
parlera probablement dans quelques
Pour l'intelligibilité de ce
qui va suivre il faut maintenant indiquer
quelques caractéristiques des langues polynésiennes.
(1) Notons incidemment que le recoupement des renseignements est
particulièrement
qu'on
trouvera
indispensable
rarement
à
en
court
Océanie, car les polynésiens sont
d'explications.
Société des
Études
Océaniennes
une
gens
précaution
imaginatifs
�—
7
—
ÉLÉMENTS LINGUISTIQUES
III.
Un grand nombre de travaux au premier rang desquels il faut citer ceux
de Gaussin ont prouvé l'existence d'une langue mère dont les langages actuel¬
lement parlés en Océanie ne sont que des dialectes.
Dans les différents dialectes, toutes les lettres se prononcent ou
leur
présence (1). Il n'y
a pas
à insister
sur cette
évidemment due à l'introduction de l'écriture par
Un
autre
caractère
commun
à
ces
langages
font sentir
absence de lettres muettes,
—
les européens.
semble réelle¬
et celui-ci
spécifique — est que, dans la combinaison des sons, le Polynésien ne
peut jamais s'arrêter sur une consonne ou en prononcer deux de suite.
ment
Quant
aux
lois qui ont présidé à la formation des dialectes, elles peuvent
résumer ainsi
se
:
1°
Changement des voyelles dans le même mot;
2°
Changement des
consonnes
dans le même mot;
Suppression de certaines consonnes, la consonne supprimée étant rem¬
placée par un son guttural représenté par le hamza;
3°
4° Absence
en
tel
archipel de certains mots utilisés dans tel autre;
5° ' Différence dans le
sens
attaché
au
même mot.
intéressent, les dialectes ainsi formés sont
le tahitien, le marquisien, le dialecte des Tuamotu et celui des Gambier. Nous disons en gros pour éviter les critiques qu'on
pourrait nous faire touchant les divergences de langage aux Marquises, ou
le parler des Australes qui n'est pas exactement le tahitien; pour la topo¬
nymie, reconnaître l'existence de ces quatre dialectes suffit largement.
Voyons maintenant comment ces langues ont été transcrites.
Partout les voyelles ont été représentées au moyen des caractères a, e, \
o, u, qu'il faut prononcer généralement comme en espagnol (pour un Fran¬
çais l'e est donc accentué et l'u se prononce ou). Elles ne forment jamais
diphtongue. Divers systèmes d'accentuation ont été utilisés dans la langue
imprimée pour indiquer les longues et les brèves. L'indigène ne les emploie
pour ainsi dire jamais et la cartographie l'a jusqu'ici imité. Il en résulte
d'assez grossiers à-peu-près mais aussi une telle simplification qu'il ne semble
pas judicieux de revenir là-dessus.
Dans les territoires
en
gros au
Les
qui
nous
nombre de quatre
consonnes
:
sont :
(k) (m) (n) (s) (t) (h) (r, 1) (p, b) (v, w) (f, h, wh) (g, ng)
chaque parenthèse indique un son consonant original; ces sons, soit
qu'ils varient légèrement entre les archipels, soit du fait qu'ils ne corres¬
pondent pas exactement à notre phonétique européenne n'ont pas toujours
été rendus de la même façon. Chaque dialecte n'en comporte d'ailleurs qu'une
partie.
où
(1) Exception probable
:
le h des Gambier.
Société des
Études
Océaniennes
�K, m, n, s, t, se prononcent comme dans nos langues; d'où
tion invariable. S n'existe pas dans les territoires français et
à Tahiti.
leur transcrip¬
k n'existe pas
A Tahiti le h
a tendance à se confondre avec le f
(exemple : Orohena
plus s'écrit et se prononce Orofena); aux Gambier on
ne trouve
pas de f et le h serait une lettre muette introduite par les Missionriaires, pour des raisons d'homogénéité. Nous l'avons conservé, malgré
l'avis des autochtones, pour nous conformer à l'autorité du seul dictionnaire
qui de plus
de
ce
en
dialecte.
Le r s'écarte assez peu de la prononciation à laquelle nous sommes
habitués. Toutefois à Rapa il tient le milieu entre notre r et notre 1 et
un autochtone écrira volontiers
Lapa.
Le son (p, b) est toujours noté p en
fait apparemment exception à cette règle
Océanie française. Bora-Bora qui
n'est qu'une erreur consacrée par
l'usage.
En Nouvelle-Zélande le
w
est
employé à la place du
v et
le wh à la place
de l'f.
(g, ng) est
dans le
prononcer
A
le
nasal et dur. Pour un Anglais, il se rapproche du ng
dont on prendrait soin de détacher le si initial pour
d'une seule émission de voix.
un son
mot «
singer
reste
»
difficultés viennent s'ajouter celles créées par le changement ou la
suppression des consonnes. Par exemple on peut pour ce son (g, ng), qui est
à la vérité le plus complexe de tous, dresser,
d'après Andrews, le tableau
suivant où le son est noté par convention (g).
ces
Transformation
du
(g)
•
w a
eg
S
.a
O NI
samoa
tahiti
1vawh tonga
haiotng
(9)
(9)
s.
marquises
GAMBIElt
k
Son actuel
(.'/)
(</)
Coup de
glotte
n
n
(9)
(r/) (Taipi-Vai)
k
Ecriture.
ç
n:i
n
9
(ha m /.a)
nfJ
n
(j
Ainsi le
(J
(Taipi—Vaï)
mot qui signifie homme est
tangata en Nouvelle-Zélande et dans
autres dialectes; il s'écrit tagata aux Gambier mais se prononce
de la même façon; il est devenu ta ata à
Tahiti, kanaka aux Hawaï, enata
quelques
aux
Marquises.
Société des
Études
Océaniennes
�—
9
—
A vrai dire, les experts sont loin
s'il faut écrire ng ou g. Les tenants
est celle qui se rapproche le plus de
d'être d'accord sur le point de savoir
de la graphie ng font ressortir qu'elle
la prononciation; à quoi leurs adver¬
saires rétorquent que dans le cas fréquent où cette graphie se rencontre
au début du mot, elle est au contraire particulièrement déroutante pour un
européen; toutefois leur meilleur argument réside dans le fait que le Poly¬
nésien ne pouvant prononcer deux consonnes de suite, ne saurait sans illo¬
gisme écrire ng.
Bien que jusqu'ici la cartographie française ait plutôt penché vers le ng
(il y en a environ 3 fois plus que de g) il semble qu'elle ferait mieux de s'en
tenir à l'autorité des dictionnaires qu'étayent, ainsi qu'on l'a vu, de solides
considérations.
résumé les
Tahiti
alphabets employés
h
f
:
Tuamotu
f
m
h k
Gambier :
g
h k
Marquises : f
h k
bien entendu, les 5 voyelles.
avec,
:
g
sont
:
n
P
r
t
v
m
n
p
r
t
m
n
p
m
n
IV. TERMINOLOGIE
p
r
r
t
t
v
v
(h douteux)
v
(-f
g
à Taipi-Vai)
TOPOGRAPHIQUE
Comme on peut s'y attendre d'un peuple encore très attaché aux formes
de vie traditionnelles, la terminologie est restée extrêmement utilitaire et
elle a acquis, pour se modeler aux besoins, une richesse extraordinaire. Il
y a par exemple une dizaine de noms pour désigner les diverses variétés de
pâtés def coraux; à première vue cela paraît superflu, mais si l'on réfléchit
que le Polynésien sait que sa pirogue s'échouera sur un karena mais passera
sans
encombre sur un marahi, qu'il trouvera un refuge contre la mer
derrière un magarua mais pas derrière un tirare, on ne peut que lui
donner raison. Ajoutons même que « dans certains cas, l'indigène a un terme
que le savant moderne à qui il fait défaut pourrait lui emprunter avec profit.
Voyez par exemple le mot motu qui est d'un usage universel en Polynésie
pour désigner une partie du récif couverte de végétation et entourée par la
mer ou par un sol corallien dénudé. Ilot qui est fréquemment utilisé pour
traduire motu n'en rend pas toutes les implications, par exemple le fait
que le motu peut être entouré par la terre ferme aussi bien que par la mer
et qu'il porte toujours quelque végétation ». (Bengt Danielsson.)
A. Termes
Voici les
1.
principaux
Substantifs
Ati
:
Le
sens
et
généraux
:
verbes.
littéral est tribu; le mot entre fréquemment
Société des
Études
Océaniennes
dans la désigna-
�—
tion du lieu où vivait la tribu
Atituiti
aux
10
-
(Atimaono à Tahiti, Atiheu
aux
Marquises,
Gambier).
Ava : Ava désigne une passe. Les cartes commettent généralement un
pléonasme à ce sujet.
Faga : Le mot faga signifie «vallée se terminant par une baie»; il est
d'un usage fréquent dans les noms de baies, anses, criques. Nous le retrou¬
vons dans
presque tous les archipels avec les variations particulières à chaque
dialecte.
Samoa
Faga/Loa « la Grande » baie.
le Vent : Faga/Nui « la Grande » vallée (district de Bora-Bora).
Marquises : Hana/Vave (Baie de Fatu Hiva).
Marquises : Haka/Hetau (Baie de Lia Pou).
Taipi Vai : Haga/Haa Baie « du Pandanus ».
îles
:
sous
Nouvelle-Zélande
Whanga/Rei Baie « de la Couronne (?) ».
probable, mais non certain, que c'est la même racine qu'on retrouve
dans les toponymes des Tuamotu tels que Fagataufa.
Fare, maison, donne Fare Ute, Fareroa, Fareone, etc.
Fatu: Dans la désignation des îles de peu d'étendue le mot fatu qui
signifie rocher est employé aux îles sous le Vent (Fatu Fatu, près de
Tahaa); aux Marquises il entre souvent dans le corps des noms d'îles, quelle
Il
que
:
est
soit leur taille (Fatu Ulcu, Fatu Hiva).
Fenua (Henua en marquisien) : Ce nom signifie la terre en général; il
peut aussi vouloir dire domaine. II est assez rarement employé dans les
noms
propres.
Gahutu
Très
:
part ailleurs
fréquemment employé
aux
Gambier mais, semble-t-il, nulle
Océanie française, gahutu désigne une baie.
Hiti, se lever (en parlant du soleil) ; très employé aux Tuamotu sous la
forme Hitiaga (et à Tahiti Hitia ' a); s'applique évidemment à un lieu situé
en
à l'Est.
Koutu
:
Mata
Le
mot
yeux
Koutu
(Gambier, Tuamotu), Outu (tahitien) veut dire cap.
mata est œil. Aux Marquises et aux Gambier le
s'intègre souvent dans les noms de pointes (Matafenua à Hiva Oa « Les
:
de la
sens
terre
littéral de
»).
Aux Gambier Mata serait le
cap vu
le promontoire considéré de la terre.
Mauga
:
En maori
et
de la
mer par
dans le langage des Tuamotu
sommet; il se retrouve sous les formes Mouna
Moua à Tahiti et aux îles sous le Vent.
un
opposition à Koutu,
mot désigne un pic,
Marquises et Maua,
ce
aux
Motu : Le mot motu désigne les terres basses formées
par les coraux et
plus spécialement les parties couvertes de végétation. Un atoll est donc un
ensemble de motu et non pas un motu. On
remarquera que, lorsque motu est
employé dans le corps d'un nom d'île (Motutuga, Motuone) il s'agit de
petits atolls ne portant qu'un ou quelques îlots.
Société des
Études
Océaniennes
�—
One, sable. Aux Tuamotu il
y
11
a
—
abondance de Motu One et d'îlots
Oneroa.
Vai
Vai,
:
la rivière
d'eau, est utilisé
eau. cours
donné
a
son
pour
la rivière
ou
le lieu auquel
nom.
A Tahiti vai a dans certains cas été remplacé par Pape le mot vai étant
devenu tapu (sacré et interdit) du jour où PomarÉ I prit le nom de
Vaira'Atoa. C'est ainsi que le chef-lieu Vaiete est devenu Papeete.
Enfin il
importe de connaître, outre les qualificatifs que nous verrons sous
Rose des Vents, Parties d'un atoll, quelques adjectifs et adverbes
qui entrent fréquemment dans les noms de lieux.
les titres
2.
:
Adjectifs
et
adverbes.
(deux): Avapiti (Raiatea) La double passe.
Torn (trois) : Avatoru (Rairoa).
Piti
Rahi, Nui (grand) ) Huahine Nui, Rapa Nui (Pâques) Vairahi (baie
(petit)
\ de Raiatea) et Huahine Iti, Rapa Iti.
Ivorereka (petit) ) Aux Tuamotu l'opposition Nui, Iti est généralement
ïli
(grand)
) remplacé par Toreu, Korereka.
(long, éloigné) \ Takaroa
(court, proche) ) et Takapoîo.
Toreu
Roa
Poto
: I Tai
Papeete).
Tai, Uta
Uta à
vers
la
mer
s'oppose à I Uta,
vers
la montagne (Motu
B. Rose des vents
(Voir
Elle
FEst
ne
et
se
page
du compas. Ainsi, en tahitien,
soleil (Hitia o te ra, lever du
coucher du soleil, Ouest) tandis que les vents
confond qu'en partie avec
l'Ouest ont des
la
appellations liées
soleil, Est et Tooa o te ra,
correspondants ont des noms
12)
rose
au
originaux.
C. Parties d'un atoll
Pour
désigner les différentes parties d'un atoll les habitants des Tuamotu
découlent de plusieurs principes d'orientation complète¬
des termes qui
ment différents :
ont
d'abord Ruga : au vent (par rapport à l'alizé qui est le plus cou¬
Raro : sous le vent. Ils sont le plus souvent utilisés pour marquer
l'opposition entre deux atolls proches (Anuanu ruga et Anuanu raro
par exemple) mais on peut les trouver dans une même île comme à Vairaatea.
Toutefois ruga est assez rarement utilisé dans cette acception pour les rai¬
Ils
rant)
ont
et
sons
que nous
côtés
au
De
indiquerons plus bas. Tauruga et Tauraro désignent
vent et sous
tous
les rhumbs du compas,
couramment
employé
les
le vent d'une passe.
pour
désigner
seul Tokerau qui indique le Nord est
une
partie de l'atoll.
3
J. C. 403337. O.
Société des
Études
Océaniennes
�-
12
ROSE DES VENTS
fiintérieur : Tahitien
intermédiaire:Dialects des Tuamotu
extérieur:Dialecte des Sembler
Société des
Études
Océaniennes
�13
-
sujet desquels M. Danielsson
quils indiquent la position par rapport au principal établissement
humain. Etant au village et faisant face au lagon, Kereteki est la position
la plus éloignée à droite tandis que Gake est la plus éloignée à gauche ».
Cette explication recueillie à Raroia semble bien être la bonne. En tous cas
elle n'est à notre connaissance infirmée nulle part tandis que celles qu'on
nous avait fourni pour Gake « C'est l'Est, c'est la direction du soleil levant,
c'est l'emplacement du village secondaire » de toute évidence ne conviennent
pas à tous les cas.
On remarquera que, du fait que les villages sont généralement établis à
l'Ouest, ces trois modes d'orientation créent une surabondance de désigna¬
tions pour les parties Nord et Est; dans ce cas, c'est en général ruga qui
disparaît. Voici quaire schémas types.
Restent enfin les mots Gake et Kereteki
écrit
au
«
Tauraro
principal
VAIRAATEA
Nota./e "Puka"est un
Société des
Études
Océaniennes
arbre
remarquable.
�Enfin il arrive souvent, dans le cas d'îles peu étendues,
deux termes généraux : Te Oire, le village, le côté du
qu'il n'existe que
village et Gake
l'emplacement opposé.
D.
Caractéristiques de la Terre, du Récif
et
du Lagon
dans les Atolls (1)
Ho a
Récif couvrant
et
découvrant
j
£v;.V
* o
.
S
Soubassement rocheux
ne
couvrant
f
a-ïLît-i
;.T ».
.v*
e.hos
pas ou
exceptionnellement
Talus de galets
>*o
.
coralliens
0."
Sable
Tauto'i
Végétation
Koutu
KOTO
Kaoa
A
va
Caractéristiques
de la terre et du récif
(1) Schéma de M. Danielssom
Société des
Études
Océaniennes
�—
1° Terre et
récif.
Motu,
voir plus haut.
ava,
15
—
Hoa, chenal séparant 2 motu. Les profondeurs souvent assez
côté du lagon (2 à 3 mètres) vont décroissant vers le récif.
Tairua, hoa bouché.
Akau, récif (partie qui couvre et découvre).
Pakokota, soubassement rocheux ne couvrant
vent
des îles
ce
soubassement porte
généralement
fortes du
qu'exceptionnellement. Au
un talus de rochers et de
la mer.
galets coralliens (papa) arrachés du récif par
Tahuna, dune de sable.
Koutu, pointe de la végétation du côté du lagon.
Kikiha, large espace entre 2 motu (couvre et découvre).
Kaoa, éperon rocheux du côté du lagon.
Tauta, éperon rocheux du côté du large.
Koeahe, indentations du côté du large.
2°
Lagon et pâtés de coraux.
Roto, tairoto, lagon.
Moana, désigne une eau assez profonde pour que
pas la couleur.
Au, courant.
Garu, brisants.
le fond n'en dénature
corail atteignant la surface, grande taille.
Teu, puteu, pâté de corail atteignant la surface, plus petit.
Patahora, pâté en forme de champignon.
Magarua, pâté en forme de U.
Tirare, pâté n'atteignant pas la surface mais visible.
Marahi, pâté plus immergé que le précédent mais toujours visible.
Kapuku, pâté invisible.
Purari, pâté isolé.
Vata, groupe de pâtés.
Karena, pâté de
V.
noms propres polynésiens
il n'est pas douteux qu'ils
Les
car
GÉNÉRALITÉS SUR LA TOPONYMIE POLYNÉSIENNE
voudraient sans doute une étude sémantique,
avaient à l'origine une signification précise
concrète. Mais, comme on s'en doute, la langue a considérablement évolué
depuis leur formation; de plus, les réminiscences historiques ou mythiques
(noms de dieux, de rois, de guerriers, commémoration d'une action remar¬
quable), autour desquelles se forment souvent les appellations géographiques,
et
Société des
Études Océaniennes
�-
If)
—
général tombées dans l'oubli par suite de l'absence d'écriture, puis
répudiation des mœurs ancestrales consécutive à l'introduction du
christianisme. C'est pourquoi les autochtones ignorent, dans la plupart des
cas. la
signification des toponymes qu'ils emploient. Ainsi l'étude sémantique
est, dans l'état actuel des connaissances linguistiques et historiques, une
recherche si semée d'embûches que les
spécialistes eux-mêmes y trébuchent.
Le cartographe fera donc bien de se limiter à repérer au passage les termes
les plus généraux. Avec cela et
quelques notions de linguistique, il évitera
déjà bon nombre d'absurdités, pléonasmes et fautes d'orthographe. Dans cet
ordre d'idées, il se souviendra également de l'existence des articles te (devant
un nom commun) et o (devant un nom
propre). Il a fallu un demi-siècle
pour que l'erreur « Otahiti » disparaisse, et cet exemple fameux n'empêche
pas que la majorité des toponymes commençant par O sur nos cartes le font
par accolade abusive de l'o article.
sont
en
de la
•
Bien entendu,
on évitera d'introduire dans la graphie des lettres que
connaît pas. Que Bora-Bora subsiste parce que trop solidement
ancré dans nos livres, nos atlas et nos dictionnaires, cela est
peut-être inévi¬
table, mais qu'on ne rajoute pas de nouveaux b et qu'on corrige tous ces
Motu Tabu qui sont des Motu Tapu ! De même,
puisque l'e est toujours
accentué mais s'écrit sans accent, pourquoi laisser subsister les Kauéhi, les
l'alphabet
ne
Takumé ?
Que dire des pléonasmes ? Certes on ne peut exiger des utilisateurs des
qu'ils parlent les dialeçtes polynésiens. Conservons donc les « Passe
Ave... », les «Pointe Koutu... », mais,
puisque motu est suffisamment
connu pour
qu'en général on se dispense de la doubler par sa traduction,
ne
gardons pas les « Ilots motu...» de quelques anciennes cartes.
Ce ne sont pas là les seules difficultés qui attendent
l'enquêteur. Parmi
les autres types d'erreurs qui le guettent, la confusion entre la
partie ou la
caractéristique d'un élément géographique et l'élément lui-même sera souvent
difficile à éviter. A ce sujet, il lui faudra savoir
qu'aux Tuamotu, dès qu'un
motu est un
peu grand, il n'a pas de nom particulier quoique les dix, vingt
ou
cinquante terres qui le composent soient clairement délimitées et baptisées.
De même, les pointes des atolls
qui se détachent si bien sur les cartes peuvent
être à peine remarquables sur le terrain ou sans intérêt
pour l'indigène
(comme les pointes au vent qui ne marquent pas de changement dans l'état
du vent et de la mer) et rester
anonymes. Le cartographe pourra avoir
besoin de donner au motu le nom de son
emplacement le plus remarquable,
à la pointe celui de la terre la
plus proche; encore doit-il savoir que, ce
faisant, il extrapole et ouvre la voie aux discussions!
cartes
Il convient
également de se méfier des noms de courants souvent confondus
de passes. Chaque courant, en effet, a un nom variable avec
l'état du vent et de la mer. Certaines passes en
comportent jusqu'à huit.
Enfin, il ne faut jamais perdre de vue que l'autochtone a une vue, si
l'on peut dire cadastrale, de son habitat. Sa
description des lieux, extrê¬
mement fouillée dans les
détails, comprend peu d'expressions synthétiques.
avec
les
noms
Société des
Études
Océaniennes
�-
17
—
Quoi de plus frappant, en effet, que l'absence de nom pour les « îles de
»
ou
cette appellation Nukuhivama pour les
Marquises (c'està-dire les « îles qui vont avec Nukuhiva ») qui
dénote l'absence d'un terme
original et la création, sous l'aiguillon des nécessités modernes, d'un mot
sans
grâce et sans originalité.
Le cartographe sera' donc forcé d'utiliser quelques toponymes
européens,
tant pour certaines généralités qui n'ont
pas frappé le Polynésien que pour
tenir compte des cas où les noms européens se sont
imposés. Ils sont d'ailleurs
rarissimes (îles de la Société, pointe Vénus, port Phaéton et
peut-être une
dizaine d'autres). Pour le reste, il devra s'en remettre aux
appellations
locales dont j'espère que les pages qu'on vient de lire lui auront facilité
quelque peu la compréhension et la graphie.
la Société
VI.
TOPONYMIE DES GAMBIER ET DES
TUAMOTU
Les toponymes
des Gambier et des Tuamotu font l'objet des tableaux joints
présente étude. Tous ces toponymes ont été recueillis par le Comité de
Toponymie des Etablissements Français de l'Océanie ou soumis à son examen
mais ceci ne veut pas dire qu'on se soit borné à démarquer les procès-verbaux
de ce Comité pour les adapter aux normes du Service Hydrographique. II
convenait, en effet, d'opérer parmi la masse des noms recueillis une discri¬
mination basée tant sur l'intérêt pour la navigation de l'élément géographique
considéré que sur les impératifs cartographiques.
On a commencé par éliminer, outre les noms des « marae»(l), des cou¬
rants et des parties du lagon, les appellations anciennes, les doublets, ainsi
que les toponymes de localisation incertaine; enfin, de ce qui restait, seule
a été gardée la partie susceptible d'intéresser
les cartes existantes ou sur
le point de paraître.
C'est ainsi que pour les Tuamotu on s'est limité aux noms d'îles, de passes,
de villages et de quelques lieux remarquables, tandis qu'on a donné plus
de détails sur les Gambier dont il existe des cartes à grande échelle. On n'a
d'ailleurs pas jugé utile de remonter aux cartes à échelle plus petite que
1/5.000.000 et on n'a pas mentionné celles dont la suppression est prochaine.
Dans la colonne « Cartes intéressées », les lettres X et Y désignent respecti¬
vement les cartes à paraître à l'échelle approximative de 1/500.000 et celles
à l'échelle de 1/100.000.
à la
L'identification
est
de deux types :
on s'en est tenu au
repérage en X et Y sous forme
chiffres. Les deux premiers indiquent, en centimètres,
qui sépare le coin gauche du cadre intérieur de la
carte et le méridien de l'élément géographique considéré; de même, les deux
derniers indiquent la distance verticale qui sépare ce coin et le parallèle
passant par le point à décrire;
a.
Pour les Gambier
d'un nombre de quatre
la distance horizontale
(1) Anciens sanctuaires de la Polynésie.
Société des
Études
Océaniennes
�—
18
-
6. Pour les Tuamotu, il a paru préférable d'adopter un système à six
chiffres dont les trois premiers sont relatifs à la latitude (unités du nombre
de degrés, minutes, éventuellement astérisque pour marquer la demi-minute),
façon la longitude.
latitude 14° 24', 5 S., longitude 137° 51' W.
(ou 147° 51', l'ambiguïté étant toujours facile à lever).
Dans la colonne « Remarques diverses », on s'est très rarement risqué à
indiquer une traduction française. Il convient, comme nous l'avons dit, de
laisser ce soin aux spécialistes. Nous nous permettons, à ce sujet, de mettre
en
garde ceux de nos lecteurs qui auraient la curiosité de consulter « Ancient
Tahiti », le livre par ailleurs passionnant de Teuira Henry (1). L'auteur y
propose une traduction des noms d'îles que les experts estiment en partie
fantaisiste, tout au moins en ce qui concerne les Tuamotu.
Entre autres indications portées dans cette colonne, on notera celle relative
au peuplement des atolis. Il n'y a plus en effet, croyons-nous, à se préoccuper
des îles inhabitées et non yisitées. Celles qui sont visitées de Tahiti pour
la récolte du coprah ou de la nacre) appartiennent à des particuliers ou sont
domaniales; en règle générale elles n'ont pas non plus de toponymie. Par
contre, toutes les îles qui sont régulièrement visitées d'un atoll voisin,
doivent être inventoriées par les indigènes au même titre que leur habitat
principal, et il y aura à combler les lacunes que nos listes présentent à ce
point de vue.
les trois autres donnant de la même
On écrit ainsi 424*751 pour
Pour faciliter
page
51,
un
la
recherche dans les
tableaux ci-dessous,
index alphabétique des îles étudiées.
Société des
Études Océaniennes
on
trouvera,
�TABLEAUX
Société des
Études
Océaniennes
�—
CARTES
20
—
x, Y
INTERESSEES
NOM
PORTÉ
1
1063-5008-5047.
2
1062-5008
4166-7657.
Pointe Tepeaturu
3
1063-5008
4164-7751.
Akaputu
4
5008
8150
Pointe Teauo-Uo
SUR
(baie et village)
Pointe Metai-Utea
,
(1063)
(5008)
1063-5008
4162-7943.
6
1063-5008
3862-7341
Atirieigaro
7
5008
7946
Baie de Ganheata
8
1063-5008
3962-7447
Mont Terua-Kotuku
Pointe Matai-Utea
(baie et village)..
9
1063-5008
3861-6940
Pointe Mangare-Rai
10
1063-5008
3659-6335
Pointe Kureru
11
5008
6133.
Baie Vaitcatai
12
5047
1853
Pointe Tangairi
13
1063-5008-5047
3453-5834-1458.
Mont Mokotara
14
5008-5047
5831-1450
3457-5730-1147.
Pointe Koutu
piro
(1063—5008).
(5047)
16
5008-5047
5522-0423
Maison Kote
17
1063-5008-5047
3354-5520-0518.
Rikitea
18
1063-5008-5047
3463-5916-1808.
Pointe Teone Kura..
19
1063-5008-4047
3453-5716-1207.
Roruru
20
1063—5008%. v
3353-5116.
Mont Dupe
21
1063-5008..
i..
3051-4612.
Pointe cTAtitooiti.
22
1063^5008.
-.-,v
3252-5112.
Atitoditi
23
5008
6312
Banc Bousses
24
5008
6107
Banc Brisant
25
5008
5307.
Banc Gaveau.
26
5008
4905.
Banc Sainjon.
27
5008
5405
Banc Lavemr
28
5008-1063
4716-3153.
La Selle
29
5008
4317
Mont Moroto
30
1063-5008
2832-5715.
Ganoa.
31
5008
3420
32
5008
2625
.
Société des
. .
Baie Reivaru
Pointe Koutupiro
1063-5008-5047
CARTE
Manga-Revà
5
15
LA
.
(village).
(Pointe et lieu dit).
Études Océaniennes
�21
—
DÉNOMINATION
(adoptée
par
—
LOCALE
REMARQUES
le Comité de Toponymie
des E. F. 0.)
DIVERSES
Magareva.
Pointe Tkpaetgrk.
Akaputu
(baie et village).
Pointe Teauouo.
Pointe Mataiiiu Tea.
Atirikigaro
(baie et village)
Baie de Gaheata.
Te
Mont Terua Kotuku
hua
:
Kotuku
:
le trou.
sorte tic héron.
Pointe Magarereia.
Pointe Kureru.
Baie Vaituatai.
Pointe Tagairl
Mont Mukotaka.
Baie Reivaru
Itsic des «8
couronnes».
Pointe Koutu Pjro.
Maison Kote.
Rikitea.
Pointe Teonkkura
Pointe de «Sable rouge».
Rouru
Sur
50'l7v supprimer les indications S' devant lioillRU et sup¬
primer S1 Couvent.
D'après le uom du bateau des premiers missionnaires. Ce topouyme, bien que d'origiue européenne, est celui utilisé par les
Mont Duke
autochtones.
Pointe Terua Toinu.
Atiïoiti
(village).
Banc Raukiri.
On
Banc Tokarere
suggère do porter sur la carte:
presque
Liane Tckareub (brise
toujours).
Banc Rimaregarega.
3
On
.
n'a
pas
profond
nom indigène ; le banc doit être trop
intéresser les autochtones.
trouvé de
pour
Presque tous les pâtés ont un nom : on s'est limite à ceux
étaient
déjà baptisés
Banc Pori.
Mont Tepuka.
Mont Mokoto.
Ganoa
(P'° et lieu dit).
Kokohue
Sous-district.
Pointe Terimuroa.
Société des
Études Océaniennes
sur
les cartes.
qui
�—
CARTES
INTÉRESSÉES
22
—
x, Y
NOM
PORTÉ
SUR
33
1063-5008
2557-2730
Pointe Kocxu-Pohipuhi.
34
1063-5008
2456-3029
Baie Ganuxu
35
1063-5008
2658-3232
Pointe Kouxu-Poxo
36
1063-5008
2855-3923
Axiaiioa
37
i063-5008
2856-4027
Ilût Rumakec
38
1063-5008
2855-4125
Pointe Tearaorepo
39
1063-5008
3055-4723
GaxavakÉ
40
1063-5008
3059-4636
Pointe Teakaru-Yahiné.
41
5008
4439
42
1063 5008
2961-4441
1063-5008
3259-5235
Kirimiro
44
1063-5008
3362-5445
Ple Teauorogo
45
5008
5942
46
1063-5008
3516-6140
47
5008
6342
.
.
.
Pointe Kaiepe
Apeakava
(baie et village).
(baie et village)
5008
6646
49
1063-5008
3763-6748
Pointe Auxapu
50
5008.....
6648
Ilôt Temoxu Nui
51
1063-5008
3863-6849
Takou
52
5008
7054
P'° Teone Ei
53
5008...'..
7051
54
5008
6955
Ilôt Temoxu-Ixi
55
1,063-5008
3965-7253
Ga.nhcîxu
.
.
(district et baie)
43
48
LA
(baie et village)..
.
(baie et lieu-dit).
( 1063)
Ile Tara-vaï (5008)
Taravaï (village)
Ile Tara-vai
56
1063-5008
57
5008
1405
58
1063-5008
2150-1808
Pointe Maxariei
59
1063-5008
2152-1813
P,I: Teoapu Koxuku.
60
5008
1215
61
5008
1211
62
5008
0611
63
5008
0609
64
5008
0409
65
5008
0605.....
66
5008
0302
67
1063
1549
68
1063
1548
69
1063
1347
70
1063
1346
Société des
.....
Pointe Teakareraga.....
Études
Océaniennes
CARTE
�—
REPÈRE
DÉNOMINATION
(adoptée
par
23
—
LOCALE
REMARQUES
le Comité de Toponymie
des E. F. 0.)
33
Pointe Koutu Puhipuhi
34
Baie Gahutu Puhiplih.
35
Pointe Koutu Poto.
36
Atiahoa.
37
Ilôt RuMAREI.
38
P1' Teanaorepo.
39
Gatavake
40
P" Teakaruahine
41
Grotte Terua Ura
42
Pointe Kaiepe.
(district et baie)
Pointe de la
«Trompette marine».
Jamais d'accent
Le «trou
DIVERSES
sur
les
e.
langoustes ».
43
Kirimiro
44
P1" Teauorogo
L'« hibiscus de Rocoa.
45
Atihoi
Promontoire
46
Apeakava
47
Kairorl
48
Gataha.
49
Plc Autapu.
50
Moru Nui.
51
Taku
52
P" Teone Ai.
(baie et village).
entre
Kintwno
et
Acbaiuva.
(baie et village).
(baie et village).
53
Vaitikoua
54
Moru
55
Gahutu Tenohu
56
Ile Taravai
57
Agakoso
58
P10 Mata Riki.
59
P10 Toapuakotuku.
60
P" Rarotemagaroa.
61
Baie Gahutu Taravai
62
Pointe Paora.
63
Baie Agaopiri.
64
Pointe Mata
65
Aganui.
Autrefois
village
—
aujourd'hui quelques Inities.
m.
(baie et lieu-dit).
Jamais de tréma
sur
les i.
(village).
o
Grande haie du N. 0.
Ruaragi.
66
Agarei.
67
pu Mitiakura.
68
Baie Onemea.
69
Vahiroa.
70
P" Teakarereaga.
a*
graudo baie du N. 0. Emplacement d'un ancien village dans
la baie.
Société des
Études
Océaniennes
�—
CARTES
INTÉRESSÉES
24
_
X, Y
NOM
PORTÉ
71
1003 0008.
2247—1901
Ilôt MoTU-ARf
72
1003
1944
Ile Aca-Kaouitai.
73
1003
1943
74
[.>03
1643
He Tepou-Nui
75
1003
0640
ToKOROtIA
76
1003
3133
He Motor Teiko.
77
1003
3330
Makaroa
78
1003
3827
Ma\oui
79
1003
3624
Kamaka
80
I003 5008.
Aukena
SUR
.
.
.
.
.
.
(1063)
(5008)..
lie Au-Kéna
81
1063-5008.
4451-8810.
Pointe Mata Kciti.
82
1003-5008.
4752-9515.
Pointe Puiraou
.
83
1003
84
1003
4954.
85
1063
4955.
Pointe Mata Karaka
86
1003
5052.
Pointe Teana Koporo
87
1003
4851.
88
1003
4050.
89
1003
4539.
Ile Aka-Marou
90
1063
4840.
Pointe Temotoc
91
1 >03
5041.
92
1003
4541.
93
1003
4430.
Pointe Terouamago.
94
1003
4736.
lie Atoumata
95
1003
4336.
Ile Makapou
96
1003
4442.
Ile Mékiro
97
1003-5008.
2650.
98
1003
99
1003
100
1003
101
1003
.
,
Ile Tenqjîo
Papouri
POUAOUMOU
102
1003
103
1003
Vatatekeoue
Totegegxe
4782.
Poua-Umu
104
1003
105
1003
106
1003
0256.
Aroio
107
1003
5949.
Tau\a
108
1003
5944.
TeakAva
Tarauru-Roa
Société des
Études
Océaniennes
.
LA
CARTE
�—
DÉNOMINATION
(adoptée
71
Motu
72
I. Agarauitat.
LOCALE
REMARQUES
Baie Taramarau.
74
Ilôts Tekoreu.
75
Tokorua.
76
Motu Tetku.
77
Makaroa.
78
Manut.
79
Kamaka.
80
Ile
81
Plc Mata Kuitt.
au ken a.
l'as d'accent
82
Pt0 PuiRAU.
83
Plc Tautoro.
84
Baie Omako
85
Pl<! Mata Karaka.
86
P,e Tkanakoporo.
Baie Tkvaimatarua
88
P,e Teruakara.
89
I. Akamaru.
90
P'c Temotu.
91
Teoiiootepoiiatu.
92
PUNAHENI
93
I)le Terua Mago.
94
I. Atumata.
95
î. Makapu.
96
î.
î.
.
Au Sud-Est do
.
Roclior.
.
Village.
Pas d'accent
Mekiro
sur
I'e.
Tenoko.
Il
98
EAUAONE
a
plus de terre à
cet
endroit.
celte partio est fautive sur la carte 1063
a 3, de Teai/aohk le
qui n'indique qu'un îlot là où il y en
plus Ouest à Tearauamu le plus Est.
Tepapuri.
101
Tearauamu
102
puaumu.
103
Va tatekkue.
104
ToTEGEGIE
)
105
m
(
106
Gaioto.
107
Tauna.
108
Tekava.
arauru
n'y
I Lj topographie de toute
100
I
sur
Baie du Nord-Ouest.
87
1
DIVERSES
O.)
o art.
73
99
—
le Comité de Toponymie
par
des K. F.
97
25
.
Boa
)
Société des
nombreux toponymes
De
au
Études
cours
du levé
au
Océaniennes
de
peu
i/5.ooo de
'
d'importance ont été relevés
ces
îlùts.
�—
CARTES
26
—
INTÉRESSÉES
NOM
109
1063
5939
Passe pour
110
1063
5734
Kouakou
141
(
j
PORTE
SUR
goelettes
.
!
Mataiva 6000—6057.
6000-6057-6036
5878
Matahiva 6036—5878
112
6057-5878
113
6000-6057-6036..
114
6057
500*-812.
Passe Tuiieiava
115
6057
507-8171*.
Tuiikrahera
116
6057
458-805..
Moto Puarua
455-806..
Maiai
452—841..
Tikehau
117
6757
118
6036-6000-6057..
119
6057-3577
458*—737*
Tiputa
120
6057-3577
456*-742*
Avatoru
(village)
Rangiroa
(village) ....
(village) . . .
121
6057
456-751..
Avatika
122
6057
501-745*.
Motu Paio
123
6057
504*—756*
124
6057
513*—746*
Fknuaroa
125
6057
518*-726*
Otepipi
126
6057
515-713..
VAnrruRt
127
6057
513*—715*
128
6057
510-730*.
129
603G—6000—6057..
130
6057
521*-637.
Rautini
131
6057
523-637..
Passe PoROKAt
132
6057
515-636*.
133
6057
517-647*.
Motu Tae
134
6057
518-553*.
Tuatva
135
6057
519-645..
Motu Tutaemaro
136
6036-6000-6057..
Motu Naonao
Arutua
(village).
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
Kaukura
137
6057
540*—652*
Raitahitt
138
6057
549*—640.
Motu Aiai
139
6057
550*—637.
Motu Maaya
140
6057
550-629..
Fa ho
141
6057
543*—639*
Moturaa
142
6057
542*—640.
143
6057
538*—650*
144
6036-6000-6057..
145
6057-3577
(village)
Motu Panao
Apataei
534*-624*
Société des
Niutaiii
Études
(village).
Océaniennes
.
LA
CARTE
�27
—
DENOMINATION
(adoptée
—
I.OCALE
REMARQUES
le Comité de Toponymie
par
des F,. F.
DIVERSES
0.)
Passe Te a van D iotupa
La
«grande
passe
de Tupa».
Kouaku.
111
Atoll inhabité visité de Tjkeuau.
MATAIVA
112
Paiiua
113
Tikehau
114
Passe Tuiieiava.
115
Tuiierauera
116
Motu Puarua.
117
?
118
Ratroa
119
Tiputa
120
Avatoru
121
Avatika.
(village).
Atoll habité.
(village
Atoll habité (IIairoa est une
le Haoiiioa original).
(village).
(village)..
graphie tahitienne qui
a
supplanté
il.es trois jiasses».
122
Motu Paio.
123
To ata t
ilôt le plus
124
Kknuaroa
«La
125
Otkpifi.
126
Vahituri.
127
P'c Tkmiromiro.
128
Motu Naonao.
129
Arutua
130
Rautini
131
Passe M an in a.
132
Tkniiiinuii
Ouest.
grande terre».
Atoll inhabité visité d'ÂPATAM.
(village).
Grand îlot du Nord-Est.
133
Motu Tak.
134
Tuaiva.
135
Motu Tutakmaro.
Atoll habité.
136
Kaukura
137
Raitaiii'jt
138
Aiai.
139
Mahia.
(village)
140
Faro.
141
Moturaa.
142
Passe Faapk.
143
Panao.
144
Apataki
145
Niutahi
Atoll habité.
(village).
de guerre
L'épave indiquée
Sewxeh r.
.
Société des
Études Océaniennes
par
la carte est celle du navire
�28
—
CARTES
146
INTÉRESSÉES
6057—3577.
L.
—
M.
NOM
PORTÉ
534-625.
Passe Pakaka
147
3577
532-625...
Ancien
148
6057
534-615...
Mo
149
6057
520*—611*.
150
6057-3577.
519-624...
151
3577
518*—624.
152
6057
528-626*.
SUR
village de Pakaka.
Tamaro
ru
1 Hisse Te il ere.
Molu Nuutina.
..
Ank 6036-6000.
153
6036-6000-3577-
154
6057-3577
427*—621*.
155
6057
433*-623*.
6057.
ahe 3577-6057.
156
6057
432*—621*.
157
6057
426-551*..
158
6036-6000-6057-
Passe Tiareroa.
Tenukupara
.
(village)
Mamiij.
3577.
159
6057-3577
160
3577
161
6057
426*—556*.
427*-604.
Passe Tairapa
Mamhitautara
162
6057
421-550...
163
6057
423*-559*.
164
6036-6000-5878-
165
6057-5878
442*—515.
166
5878
443-515*.
167
6057-5878
442*—515.
168
6057-5878
436*—508.
169
5878
170
6057-5878
171
6057-5878
172
6036-6000-6051.
173
6057
174
6057
175
6036-6000-6057-
(village).
Takapoto
Fakatopatere
(village)
435*—509.
436-515*.
Okukiaa
TIKEI.
.
.
.
458-433*..
458*-433*.
Takaroa.
3577.
176
6057-3577
428*—502..
Teavaroa
177
6057-3577
429-502...
Passe Teavaroa
178
6057
430*—504..
179
6057
428-457...
180
6057
423*—451*.
Société des
Études
(village)
Océaniennes
.
LA
CARTE
�29
—
DÉNOMINATION
(adoptée
par
—
LOCALE
REMARQUES
le Comité de Toponymie
DIVERSES
des E. F. 0.)
146
Pass
'
11 y » eu
Has ujru
confusion entre les
noms
île la
passe
et île l'ancien
village.
147
Pakaka
148
Tamaro.
149
P,e Teonemahina.
150
Passe Ajmomt
151
Tkiikrk.
152
Mort) Nuujtna.
153
Ahe
154
Passe Tiareroa.
(îlot et ancien village
Confusion entre le nom île la pusse et
Nord <le la passe.
Atoll liabité.
—
Jamais d'accent
sur
celui ilu premier ilôt
les
e.
îlot du Sud.
155
Otetou
156
Tenurkpara
157
Manoatata
îlot
158
Manihi
Atoll liabité.
159
Passe Tairapa.
160
Paeua
161
P,e Otehavark.
(village).
du Nord-Est.
Manihitautaiu est l'ancien
(village)
162
P,c Tamatoki.
163
Taugarau
ilot
164
Takapoto
Atoll liabité.
165
Fakatopatere
166
Matira
167
P,B TeUMIJKURIRL
au
Nord-Ouest.
(village).
Point de
débarquement.
Point de
débarquement.
débarquement.
168
Plc Motcroa.
169
Tuagiagi
170
P'° Tekopara.
171
Oklkina
Point de
172
Tikei
Atoll liabité.
173
Tereporkpo
174
P" Hum
Pointe Sud-Ouest.
175
Takaroa
Atoll liabité.
(village)
Près du
débarquement.
<
176
Teavaroa
177
Passe Teauonae.
178
Fatuia
Ilot du Sud-Ouest.
179
Ofakaiiao
Au milieu de la Côte Sud.
180
Plt Raiimihi.
À rajouter
(village)
Société des
Études
sur
0057.
Océaniennes
nom
de l'île.
au
�30
—
CARTES INTÉRESSÉES
L.
—
M.
NOM
PORTE
181
6036-6057-3577-
182
6057-3577
543*—817..
Temao
183
3577
550*-816*.
M' Aetia
184
3577
552-815...
Mont Tahiva
185
3577
186
3577
550-815*..
Maumu
187
3577
548*-816*.
188
3577.
tarava
189
3577
Vaitepaua
190
3577
191
6036-6000-6057-
Mont PuTIARE.
...
Niau.
5878.
192
6057-5878
608-620...
Tcpana
193
6057-5878
607-622*..
Ofare
194
6057-5878
606*—621*.
195
6057-5878
611-619*..
196
6036-6000-6057...
197
6057
555-552*..
Passe Otungi.
198
6057
553*—553*.
Passe Nepo
199
6057
552-555*..
200
6057
549-600*..
201
6057-3577
548-609...
Anse Amyot.
202
3577
547*—608*.
Motu Matarina.
203
6057
553*—610*.
204
6057
549*—606*.
6057
206
6057
207
6057
208
6057
209
6036-5000-6057..
210
6057
530*—527..
211
6057
529-526*..
212
6057
529-530...
213
6057
534-534*..
.
...
553-600...
556-559*.
.
558*—555*.
Aratika.
214
6057
530*—531..
6057
537*-530*.
216
6036-6000-6057
Passe Temaketa.
Taiaro.
6066.
6057-6066
.
551-604*..
215
217
(village)
(village).
Toac
205
;
LA
Makatea 6036—6057—3577.
Makatéa 6000
6000.
:
SUR
545*—438.
Société des
Études
Océaniennes
CARTE
�31
—
DÉNOMINATION
REPÈRE
—
LOCALE
REMARQUES
(adoptée par le Comité de Toponymie
des E. E. O.)
181
Makatea
(Atoll lialntc.
jamais (1 accent).
182
Temao
A
rajouter
183
Aetia.
184
Taiiiva.
185
puuaumj.
Il
s'agit peut-être «lu même lieu.
186
Moumu.
187
?•
sur
6057.
188
Tetarava.
189
3
190
Teanaomaui
191
Niau
192
Tupana
193
Ofare
194
Tepart
Au Nord.
195
Maiahu !
Au Sud-Est.
196
Toau
Atoll habité.
197
Passe Otugi.
198
Passe Faeatahuna.
199
Maragai
Bon
200
Tavake Roa
Grand îlot du Nord.
.
DIVERSES
.
Atoll habité.
(village).
(village)
A
rajouter sur 6057.
mouillage.
201
Anse Amyot
Le
202
Matariua
Ilot
203
Pagoi
Ilot isolé.
204
Raukuru
ilot
205
Age
Idem.
206
Kitikiti
Idem.
207
Tumatavairua
Idem.
208
Faraeao
Idem.
209
Aratika
Atoll habité.
210
Paparara
211
Pte Pakakuru.
212
Passe Temaeeta.
213
Rapeka
Ilot isolé.
214
Motu Tasutua
ilot dans lo lagon.
215
Vahiturt
Au Sud-Est.
216
Taiaro..
Atoll habité.
217
Paganie
nom
au
indigène n'a
dans le
lagon.
(village).
(village).
Société des
Études
pas
été trouvé.
Nord do l'anse Amyot.
Océaniennes
�—
CARTES
218
INTERESSEES
32
—
NOM
L. M.
6036-6000-6057
PORTE
Fakarava
5227.
219
6057-5227
603*—537..
Rotoava
220
5227
604*—541*.
OlIOTU
illage)
221
6057-5227
605-543...
Passe Ngarue
222
5227
605*—543*.
Maiuru
223
6057
607-547*..
224
6057
608*-549..
225
6057
617*-545..
226
6057
619-544...
227
6057
623-540*..
228
6057
625*—538*.
229
6057
627-536...
230
6057
628-535...
231
6057
631*—531*.
Tkatka
232
6057
631*-528..
Passe Tumakohua
233
6057
631 *-527>*.
Tetamanu
234
6057
628*—524*.
235
6057
626*—522..
236
6057
624*—523*.
237
6057
620*—529*.
238
6057
616*—532..
Utukainga.
239
6057
614*—533*.
240
6057
608-536...
241
6057
611-541*..
242
6057
614*—542*.
Motu Hakono
243
6057
615*—537*.
Motu Vaiiapiapia
.
.
Kauehi, 6036-6057.
244
6036-6057-6000..
245
6057
246
6057
539*—506*.
247
6057
546*—509..
Kauéiii 6000
557-511...
248
6036-6000-6057..
249
6057
605*—457*.
Tkpuna
Raraka.
250
6057
605-457...
251
6057
612-446*..
252
6036-6000-6057..
253
6057
642-521*..
a54
6057
642*—521*.
Faaite
Société des
Passe Porieua.
Études
Océaniennes
SUR
LA
CARTE
�—
DÉNOMINATION
REPÈRE
(adoptée
218
Fakarava
219
Rotoava
220
Ohotu
par
33
—
LOCALE
REMARQUES
le Comité de Toponymie
0.)
DIVERSES
des E. F.
Atoll habité.
(village)
j
Nota
: On n'a
j>os ou la possibilité tie vérifier
de détail de la carte 5227 mais ils paraissent
mément
221
Passe Garuae
222
Maiuru.
223
Tehkko
224
pukutou.
225
Patupàto
Ilot isolé.
226
Kkrkto
Idem.
227
ToPfKITE
Idem.
228
Fagarirk.
Idem.
229
Unumini
Idem.
230
Otekofai
Idem.
231
Kuokuo
Idem.
232
Passe Tumakouua.
233
Tetamanu
234
Kokakoka
235
Hirifa.
236
Tiratoga.
237
Uturaiga.
238
Otktou.
239
Tapauopu.
aux
les topomyncs
écrits confor¬
principes de la graphie polynésienne.
Emplacement du phare
en
construction.
(village).
Ilot isolé.
240
PakuturA.
241
Motu Horahora
Ilot du
242
Motu IIarono.
Idem.
243
Motu Vaiiapiapia.
Idem.
244
Kaukiu
Atoll habité.
245
Passe ARtKn'AMiRO.
246
Tkaravk.ro
247
Taroma'i
248
Raraka
249
Passe Manure va.
lagon.
(village).
Emplacement du phare
ahara
Atoll habité.
250
Motutapu
251
Otemagko
îlot
252
Faite
Atoll habité.
253
Passe Tkporioha.
254
IlrriANAU
(village).
le
plus Ouest.
(village).
Société des
Études
Océaniennes
en
construction.
�—
CARTES
INTERESSEES
34
—
NOM
L. M.
255
6057
641—518*..
256
6057
641*—515..
257
6057
644*—507*.
258
6057
645*—507*.
259
6036-6000-6057.
260
6057
720*—533..
Temarif.
261
6057
720*—530*.
Tukduora
262
6057
724*—531..
Otepipi
263
6057
728-528...
Putuahara
264
6057
730-522*..
Tematahoa
265
266
Tahanea
5227-6000.
CARTE
(toutes, sauf 6000).
Passe Otaho 6057—6066
.
.
651*-439*
Passe cI'Otaho 5227
Passe Manino 6057—6066
6067-6066-5227...
651-441
268
6057-6066-5227...
650-441*
269
6057-6066-5227...
651-^442*
Passe de Manino 5227
Passe Motu Puapua 6057—6066.
Passe de Motu Puapua 5227.
270
6057
647-458*
271
6057
655-448*
272
6057-6066
658*-435*
273
6036-6000-6057-
Katiu
6066.
274
6057-6066
622-421
Passe Aumiro
275
6057-6066
622-421
Toini
276
6057-6066
624-427*
Passe Okarare
277
6057-6066
629-415
278
6036-6000-6057-
(village)
Motutunga
6066.
6036-6000-6057-
Tuanake
6066.
280
6057-6066
640*—413
281
6057-6066
637*—424*
282
6036-6000-6057-
Tepoto
6066.
283
6057-6066
284
6036-6000-6057-
649-416
Hrrr
6066.
285
LA
Tauanéa 6000
267
279
SUR
An a a
6036-6057-6066-
6067-6066-5227.
PORTE
6066
643-411*
Société des
Études
Océaniennes
�35
—
DENOMINATION-
(adoptée
par
—
LOCALE
11EMAUQUES
le Comité de Toponymie
des E. F.
DIVERSES
0.)
fïrand Ilot du Nord.
OTOHIRK
Tomepokoa.
P'c Mararokaro.
O'J'KRt.'tîA
11«.1 le
Aaa
Atoll habité.
|>Ins Ouest.
Tkmarik.
Tijkuhora.
Otepum.
Putuahara.
Tematauoa.
Atoll inhabité.
Taiianea
--
Visité île Katiu et Faite.
Passe Otao.
Passe Tkavatapu.
Passe Motupdapua.
IIotupak
(village, occasionnel).
P'° Katikitiei.
Maketp
Ilot du Sud.
Plc Mahuta
Pointe Sud-Est.
Katiu
Atoll habité.
Passe Pakata.
Hitianau
(village).
Passe Okap.ark.
OrORAIIf
îlot lo plus Ouest.
Motujuoa
Atoll inhabité visité de Katiu et
Tuanake
Atoll inhabité visité de Makemo et Katiu.
Faits.
Passe Tamatefauiikre.
Oteure
îlot dn Nord-Ouest.
Tepoto
Atoll inhabité visité de Makemo et
Katiu.
Passe Maiiitl
inhabité, visité de Makemo et Katiu.
Hiti
Atoll
KUTRllTRU
Cote Nord-Est.
Société des
Études
Océaniennes
�—
CARTES
INTERESSEES
30
—
!.. M.
NOM
286
6060
287
6036-9000-6006.
288
6006
750-304*.
289
6060
752-303*.
290
6035-6000-0066.
291
6066
729*—327.
292
6066
728-32'!*.
293
6066
729-326*.
294
0066
728*—328.
295
0035-6000-6066.
296
6060
297
6066
298
6060
736 -232*.
299
6066
734*—240*.
PORTE
SUR
642+-407.
Reitoru.
IIaraiki.
ITlKUKRU
733—240*.
'
.
Tupapâti
(village).
736-233...
.
300
6036-6000-6060.
301
6066
302
6030-6000-6066.
303
6066
622-3 II...
304
6066
621*-31 I..
305
6066
617*—313*.
306
6066
624-309...
Tekokota
719-234*.
Ta km; A
.
.
307
308
6036-6000-6066
Makkmo.
5227
309
6066-5227
637*-334.
Passe Arimtamiro
310
6066-5227
637*—335.
Pouheva
PuiiEVA
(village.) - 6066.
(village) -5227.
312
6060
631-344..
PUAAIVUKU
313
6066-5227.
627-357*.
Oïl AVA
314
6066-5227
627-358...
Passe Tapuuiria
315
6066
629-359*..
316
6066
045-329*..
317
6066
643*—328*.
318
6066
643*—328..
319
6066
640*322*.
320
6036-6000-6066.
321
6066
645-252*.
322
6066
644-247..
323
6066
638—250*.
.
Nihirij
Société des
Études
.
Océaniennes
I.A
CARTE
�37
a
I.OCAI.IÎ
DENOMINATION
(adoptée
le Comité de
par
des E. F.
-
REMAP,(M'ES
Toponymie
DIVERSES
O.)
286
(.iOlo
287
lÀKITOlUT
A loi 1
288
Tkpkpkrd
289
Tl ! ho l ! Kl!
290
1 ivralki
Nord-Ouest.
inhabité, visité do Hikukiiu.
(village, occasionnel).
.
A loll i il lia li i h'«,
visité do Hikl'Kl'.r.
291
Passe IIotuka.
292
Taumaru
293
Oiiomo
Ilr.t du Sud Ksi.
294
OKAVKU
Uni du Sud-Ouest.
295
IIikdk.ru
Atoll habité.
296
Tupapait
297
Tkkokoc.a
298
P"' THUÏTIUA.
299
Okio
Ilot de l'Ouest.
300
Tkkoijota
Atoll iuh.thilé,
(village occasionnel).
(village).
(village occasionnel).
visité de Hiklf.iuj.
(village oeasionnel).
301
Motdtai'U
302
Ta ko a
303
Passe Tiuitk.pakau.
304
Hkmiaparka
305
Katdia
Gros ilôt le
306
Tkkaiiora
Ilot le
plus Sud.
307
Tkaiiuraoi
Ilôt le
plus Est.
308
Makkmo
Atoll habité
309
Passe àrikitamiro.
310
Pou il kv a
312
punaruku
313
Tikaraoa
314
Passe Tapuiiiria.
315
V ArOA'lTKA
Ilot le
316
Pointe Tkpoiiorori
Pointe Sud.
317
NaPAHKRIÎ 1 raro
318
NAPAIIERE 1
319
pu. Oticpohuk.
320
Niiiiru
321
Okatakk
322
Topiraka
323
O:\eroa
Atoll habité.
(village).
plus Ouest.
(v.»ir nota
apr:-s
repère).
(village).
Ancien
village.
On
parait être le nom du 3°
a va
carte
2
5227 ).
plus Ouest.
ilôts isolés et
remarquables.
MA
Atoll habité.
(village).
Ilôt Sud-Est.
Ilôt Nord.
Société des
Études
Océaniennes
il At
au
Nord de la
passe
(voir
�38
—
CARTES
INTERESSEES
I..
M.
324
6036-6000-6060..
325
6066
700-303..
326
6066
659*—303*
327
6066
058*—306.
328
6066
055*—319*
NOM
PORTE
SUR
I.A
CARTE
Marutea
329
6066
711*—302.
330
6066
706—304..
331
6066
701*-303*
661
—
Rkka Reka
0036-6000-6066
(6036)
(Rekareka) [6000—6066]
Tkhuata
5878
Rkkarkka
333
6066-5878
650-156.
334
6066-5878
051-154*.
335
6036-6000-6066..
336
6066
722-131*.
337
6066
723*—130*
338
6036-6000-6066..
339
6066
757*—213*
340
6006....
757-212..
341
6066
800*—222*
342
6066
802*—223*
343
6066
804*—221*
344
6066
808-213*.
345
6066
809-213..
346
6036-6000-6066..
347
6066
817*—111.
348
6066
815*—207.
349
6066
809*—211.
350
6036-0000-6066..
(5878)
.
Taukrk
Marokau
Vaiori
(village)
Topitike
(village)
Rayaiikre
Nengo Neygo
Nengonengo
351
6066
Banc Puratea
352
6036-6000-6066
Iîao
(6036)
(Negonego) [6000-6066]
5267
353
6066-5767
804*—100.
Passe Kaki
354
6066-5267
806*—054*
Otepa
355
5267
356
6066-5267
357
6066
358
6060-5267
(village)
Baie Boring
812-049..
Tehakoro
823*—049.
Topitere
Ngake
Société des
Études
Océaniennes
�39
—
w
DÉNOMINATION
—
LOCALE
-a
a
(adoptée
REMARQUES
le Comité de Toponymie
par
des E. F.
DIVERSES
0.)
s
Atoll
324
325
inhabité, visite Je Makemo.
Passe Tkpupuraitktai.
326
Koropae
327
OlilJRlAYA
Extrémité Ouest du
328
Tkvuurari
Ilot isolé à l'Ouest.
329
Oakega
Ilot le
330
Ommo.
oj CO
OlIAIIAGA.
332
Rekareka
333
Pupukaiga
334
Pointe Terkpa.
335
Tauere
336
Teanoga
337
Otetou.
338
Marorau
339
Maiiettra
(village occasionnel).
grand ilôt.
|)llls Slltl
Atoll habité.
(village).
Atoll habité.
(village).
Atoll habité.
Vaiari
(village)
est
l'ancien
340
Taiiurua
Ilot du Nord-Est.
341
Oiiomu
Ilôt du Nord-Ouest.
342
Faratahi.
village.
343
Otetou
344
Topikite
345
Chenal ïkgurk
Passage entre Mahokan et Pavaiiere.
346
Ravahere
Atoll inhabité, visité de
347
Tkkaie
Point de
348
Vaitero
Pointe Est.
349
Opkpeti
Au Nord-Est.
350
INegonkgo
Atoll inhabité, visité
Ilôt
351
Ranc Puratea.
352
iiao
353
Passe Kaki.
354
Otepa
(village)
A
rajouter sur 6267
A
supprimer.
Teuakoro.
357
358
débarquement
Atoll habité.
355
356
remarquable.
(village).
Nom
commun.
ïop1tere.
Société des
Études Océaniennes
Marorau.
au
Sud.
«le Tahiti.
�—
REPÈRE
CARTES
6066-5267
360
6036-6000-60665878
361
6066-5878
363
—
1XTÉRESSÈES
359
362
/|0
Imtaki;
750*—05 L
,
5878-6066
750—051
7'l9*-050*
6066-5878
(tillage
l
1
Passe Ororumu (Eaalameru) f 5S78
I
Passe Uorokumu (6066).
v
'
Passe Maxavatuikarim
364
6066-5878
365
5878
KAI
366
5878
AM[IIIA
Marihixi
367
5878
6066
Passe Marihim
369
6066-5878
Kupara
370
5878
OiiHAVA
371
5878
Okumi
372
6066-5878
373
5878
Pointe KouxuKORfGo
Fangaiiixa
6036-6000-6066-
6066-5267
376
5267
377
5267
(Fakaina) [6036]
(6000—6066)
(Fangauixa) [5267]
Faraiiixa
5267
375
FAKAÏNA
378
5267
379
6036-6000-6066...
FAXGatAU
380
6066
MaKupua
CO oo H*
6066
382
6036-6000-6066-
.
(\illage
Raroia
5267.
Passe Ngnaruk 6066
383
6066-5267
601-227*.
384
5267
602*—228*.
Takokk
385
5267
603-228*..
Emaiu.
386
5267
603*—228*.
387
.
KAROA
368
374
.
.
Passe Ngarijk 5267..
Kumickumk
Ngarumaoua 5267
5267-6066
603*—228*.
388
6066
606*—230*.
389
6066
610-232...
390
6066
613-230*-.
Société des
Études
.
.
Ngnarumaoua 6066..
Océaniennes
!.
�'il
DK.NOMIiVVriON
-
LOGAI.U
IIKMAIUIIIKS
1
(ndoplée
pur
le Coinilé (le Topoimuie
des K. K.
359
F ara
360
AMAau
361
111
362
Passe Fakamkru.
363
Passe Tkikariki
364
0.)
l alll.
A lull
kl i a k k
\
habité.
illage ).
Mwwa osl
à lui,
il ut*,
Tcilitiriki
l'uriniilc diu vocation. Lo
>oiis,
ici est
:
«Salut
».
Poinle Tkiiamiko.
365
Katiîa roa.
366
Omaiiia.
Oc loponvnie
367
désigne l'extrémité Ouosl de Ki.'P.mîa comme
ditjiic ÔS7S cl non lu pusse.
368
369
Klil'aha.
370
olian
371
Okumi.
372
P'c Otkkaaa.
373
P'° Routu Korico.
374
Fakaiuna
375
Takioak
376
Vaitothii'O
377
IIokikakika
378
Poinle Puraraih.
379
Fagaïau
380
Teasa
381
Pointe Farariri.
382
Raroia
383
Passe (jarue.
384
Takekk.
385
Tkmari.
386
Kumickumk.
387
Garumaoa
388
Tkputaiti
a.
A lull hubi'é.
(village).
Poinl de
débarquement.
(ancien village).
Aloll li bité.
Marupuu csl probablement
(village)
Aloli habité.
(village).
Grand îlot du Sud-Ouest.
Ilot le
389
390
OIVKHSHS
plus Ouest.
Grand îlot du Sud.
Ol'area
Société des
Études
Océaniennes
le
110111
d'une lerro.
Pin-
�42
—
CAlïTES
INTERESSEES
L.
—
NOM
M.
391
0006
004-221*.
393
0066
550-220..
393
6036-6000-0060...
394
6000
551-210..
395
0006
521-210...
39R
0066
544*-207*.
397
6006
544*-207*.
398
6000
545-210...
399
6030-0000-5878 X.
400
5878 X
449-850..
401
5878 X
449-850..
402
5878
450-840*.
403
0036-6000 X
404
X
405
X
409*—114*.
406
X
4 H*-l 11*.
407
6030-0000 \
408
X
409
0036-6000
410
X
952-500..
411
X
952-500..
412
X
954-457..
413
X
953*-4 50.
414
X
951-450*.
415
6036-6000 X
416
6030-6000 X
TA
417
X
EUMic
PORTE
LA
SUR
0030-0000
j.
\
TakuviÉ 0000
.
Ohomo IvillajjiO
l'UKAPUKA
....
TICONE Maiiima
Texuamahina
luge
.
-NAI'UKA
410-110*..
Tici'oro
405-120.
\
1 llCRKIlKRKTUK
XuKUTMMPt
A\u-A\urunca 0030.
Amanu-Runga 0000.
.
.
.
.
.
.
Anu-Anuraro 0030
6036-6000 X
A
manu
Turicia
-
Raro 0000
( Papark.na) 0030
418
6036-6000 X
419
X
045*—833*.
420
X
048*-830..
421
X
052*—831 *.
422
X
050-834*.
423
6036-6000 X
Tematangi.
424
6036-6000 X
ParAOA..
Turkia 0000
Société des
.
Études
.
Océaniennes
CARTE
�43
—
—
'
■
a
DÉNOMINATION
cz
:
I.OCALE
REMARQUES
•a
CL,
(adoptée
par
le Comité de
des E. F.
se
Toponymie
,M
DIVERSES
0.)
A
pointe (emplacement île l'ancien
391
T etou
392
FANASAO
Le
393
Tarume
Atoll luibité.
394
Temanïa
395
Ohomo
Ilot
396
Manuhi
Gros îlot du Nord.
397
Neke
398
Passe Taheto.
il ne
îlot
village) Tahusà Maru,
mille au Nord. •
irécltouage ilu Kon Tiki, est à 1,5
plus
gros
des îlots du Sud.
(village).
sur
lequel
Pourrait être
(village)
se trouve
une
Tkmania.
corruption de Gakk.
Atoll habile. '
399
pukai'uka
400
Teonemahina
401
P,e Terepa
Pointe Ouevl.
402
Tetuamahixa
À
403
Napuka
Atoll bab'té.
404
Tepukamaruia
405
Kamautktuira
406
P,e Taeroero
407
Tepoto
408
Tehekega.
409
IIerehkretue
410
Otetou
411
Pu Taugauoro
Pointe Ouest.
412
Karapihi
Gros îlot du
4s* h* co
Plc Tepdiua
Pointe Sud-Est.
414
Fararoa
Gros îlot Nord-Est.
415
Nukutjpipi
Atoll inhabité, visité de
416
Amjanti Ruga
Atoll inhabité et non
417
à mi a mi RaRO
Atoll inhabité, visité de
418
Tureia
Atoll habité. Papakkna est
419
Faramaru
420
P'u lllRINAKI.
421
P'" Kaikaveu
Pointe Sud-Est.
422
I Tapai
Ilot
423
Tematagi
Atoll inhabité et
424
Parada
(village).
l'Est.
(village).
Ilot du Nord.
Pointe Est.
Atoll habité.
(village).
Atoll habite.
(village).
Sud.
Tahiti.
visité.
Tahiti.
l'ancien
nom
de Vanavana.
(village).
'
remarquable.
non
visité.
Atoll inhabité, visité de Hao.
Société des
Études
Océaniennes
�44
—
CARTES
INTERESSEES
—
X, Y
PORTÉ
NOM
SUR
LA
I,. M.
425
G036—6000
426
6036-6000 X
X
Manuhangi
427
6036-6000 X
Faxgataufa
428
6036-6000-58.78 X.
429
5878..
3 J 00'" ds le 137.
430
5878..
5000'" ds le 236.
431
5878..
432
5878..
433
5878..
Aiiunui
a
c
^
s
t—«
c/3
C/5
C
o
't <
°
2J
Tkmriupuupu
5878..
436
6036-6000
437
6036-6000
438
X
439
X
916-845.
440
X
917-845.
917-847.
—
PlIRARARO
AllURUA
Otaroa
5878..
-
PUKARUNGA
300'" ds le Nord...
435
.
.
.
3000m ds le 240..
434
r*>
.
918-918
.12
O
V AIR A ATE A.
.
4400"' ds le 217.
Keiiurua
.
4000- ds le 194..
Ogoga
Yasayana
Yanavana
(Kuratkke) 6036.
(6000)
Nukutavakk
916-846.
441
X
442
6036-6000
443
X
444
6036-6000
445
X
846-851*.
446
X
847-848..
447
X
846-847..
448
6036—6000—X
Pin a ri.
923-84 1
Vaiiitaiii.
Aki-Ari
Aria ri
(6036)
(6000).
449
X
833-913..
450
6036—6000—X
149-854*.
Muruhoa
451
6036—6000—X
126*—624.
M vturei-Vayao
452
6036-6000
308-707..
453
Mora ne
Timor
6036-6000
X
318*—429.
454
6036-6000—5878—X.
455
5878—X
I28-538*.
456
5878
128-538*.
457
5878
458
5878-X
129-534*.
459
5878
128*—531.
TKMOK
(6036). .
(6000)..
Marotka
Levy..
Mapuri
Société des
Études
Océaniennes
!
CARTE
�—
DÉNOMINATION
45
—
LOCALE
REMAHOUES
(adoptée
DIVERSES
le Comité de Toponymie
par
des E. F.
0.)
inhabile, visité (Je Tahiti.
Ahunui
Atoll
Manuijagi
Atoll inhabité,
Fagataufa
Atdll inhabité, et non
va ira atea
Atoll inhabité, visité
visité de Tahiti.
visité.
de Nurutavakk.
Pli K A RUG A.
pukararo.
Ahurua.
Teviriupuupu.
Otaroa.
Kehurua.
Ogoga.
visité de Tahiti.
Atoll inhabité,
Vanava.nà
Klrateke est
Nukutavake
Atoll habité.
l'ancien
nom
de Tup.kia.
(village).
Tavava
Pointe IIavaiki
Pointe Nord-Est.
Pointe PoTtOTKVANaga
Pointe
Pointe Tkpatu
Pointe Sud-Ouest.
Pinakt
Atoll inhabité,
Sud-Est.
visité de Nukutavake.
(village occasionnel)
Pakaiiiri
Atoll habité.
Vaiiitahi
(village).
(village).
Temanukaara
Terau
Pointe Tuahak
Pointe Est.
Ariaki
Atoll inhabité,
lIiTiAGA
visité de Vaiutaui.
(village occasionnel).
Atoll inhabité, visité
Mururoa
de Tahiti.
Maturki-Vavao
Atoll inhabité et non
visité.
Mokane
Atoll inhabité et non
visité.
Temoe
Marutea
Auorotim
Atoll inhabité,
visité des Gamdieu.
Atoll inhabité,
visité de Tahiti.
(village occasionnel).
Levy et Mapuki
Auorotim
Motu Manu.
Araumu.
Société des
Études
pçiûjaut Jjpjng^
des éqimres^dé ^plongeoirs.
'' ^
étaient des commerçants qui*.
temps, ont entretenu sur l'île
On disait : le côté (Je Lévy.
le côté de Mapuki.
Vaitutakt
Océaniennes
�—
REPÈRE
CARTES
INTÉRESSÉES
46
—
X, Y
460
5878—X
461
5878—X
131-528
462
5878
132-531
463
5878
132*-532*
464
5878
134-533.
465
5878
133*—537
PORTÉ
NOM
129-529*
.
466
6036—6000—X
Tenararo
467
6036—6000—X
Vahanga
468
6036—6000—X
Tenardnga
469
6036—6000—5878—X.
Maria
470
6036—6000—5878—X.
Reao
471
5878*
828*—627
472
5878
827-627
473
5878
828-626
474
5878
829-622.
Tapuarava
(village)
Hitiaga
475
5878
830*—621
Tegagiefanauatua.
476
5878
832-618
Tehenuataka
477
5878—X
833-618...
478
5878
833*—620*
479
5878
832-620.
Tokanui
480
5878
832*-620
Otairea
481
5878
832-622
Motu Ken a
482
5878
830*-624*
Faremaru..
483
5878
829-626*
Fakahtri
484
5878
907—043.
485
Si:n
486
X
816-704
487
X
821-658
488
6036—6000—X
489
X
724-826
490
X
720-820*
491
X
719-820
492
6036—6000-Y
493
Y
702-933
494
Y.
702-932*
495
Y
702*—932
496
Y
703-932
497
Y
701*—931*
I
Parao\
f!
6036—6000—X
.
Pukarua
(6036)...
(6000).
PUKA-Ruiia
Tatakoto
Tetiaroa
Société des Etudes Océaniennes
J,A
CARTE
�47
—
REÉÈRE
|
LOCALE
DÉNOMINATION
(adoptée
le Comité de
par
des E. F.
—
REMARQUES
Toponymie
DIVERSES
0.)
460
Teupukaiiaia.
461
P,u Tek a va
462
Tivaava.
463
Tiovaava.
464
P'c Vainono.
465
Makoe.
466
Tenararo
Atoll inhabité et
467
Vahaga
Atoll inhabité, visité tie
468
Tenaruga
Atoll inhabité et
non
visité.
469
Marta
Atoll inhabité et
non
visité.
470
Reao
Atoll habité.
471
Tapuarava
472
IIakorea.
473
Hitiaga.
474
Teuriuri.
475
Teg agie f a n'a u atu a.
476
Tehenuaraka.
Pointe Est.
.
.
non
visite.
Tahiti.
(village).
477
Farepari.
478
Gapatateitei.
479
ToKANUI.
480
Otairea.
481
Motu Keiia.
482
Faremaro.
483
Fakaiiiri.
484
Par ao a.
485
pukarua
486
Marautagaroa
487
P'° Temriverevere.
488
Tatakoto
489
Tumukuru
490
Tekaigaina
491
Pointe Tepoeho
Pointe Est.
492
Tetiaroa
Atoll habite.
493
Rimatou.
494
Tahuna Rahi
495
Taiiuna
496
Reiono.
497
Aie.
Atoll habile.
(village).
Atoll habité.
(village).
(village occasionnel).
(
1
iti
Société des
: dune de sable.
Ces îlots, néaminoins, portent de la végétation.
Tahunà
Études
Océaniennes
�—
CARTES
INTERESSEES
48
—
X. Y
498
Y
700-932..
499
Y
659-933*.
500
Y
659-933*.
501
Y
659-934..
502
Y
659*—934.
503
Y
700-935..
504
Y
701-934*.
505
6036-6000—Y
506
Y
NOM
Meiietia.
752-804.
Société des
Études
Océaniennes
PORTE
SUR
I.A
CARTE
�49
—
DENOMINATION
(iidoptée
|>ar
—
I.OCAI.K
HKMAHOl'KS
le Comité de Toponuuie
des E. F. O.)
498
Oroatkr a.
499
I llRAAN AK.
500
AlîROA.
501
Tauim.
502
Tiahainu.
503
1 loMIKA.
504
Onktaiii.
505
MKK'J'IA..
506
M'-l llUHAI.
.
Ilot
.
Société des
Études
volcuniqiip.
Océaniennes
DIVERSES
�50
-
-
DES
INDEX
ÎLES ÉTUDIÉES
Repère
Repère
153
425
448
Niau
191
Nihiru
320
Amanu
360
Nukutavake
437
Ana
259
Nukutipipi
415
Anuanu Raro
417
Paraoa
424
Anuanu
Pinaki
442
Apataki
416
144
Pukapuka
399
Aratika
209
Pukarua
485
Arutua
129
Rairoa
118
Fagatau
Fagataufa
379
427
Raraka
248
Raroia
382
Faite
Fakahina
252
374
Ravahere
Reao
470
218
Reitoru
287
Ahe
Ahunui
Akiaki
Ruga
Fakarava
Gambier
:
Magareva
1
Negonego
350
346
Rekareka
332
Taega
302
Autres îles
Hao
352
Taiaro
216
Haraiki
290
Takapoto
164
Hereheretue
Hikueru
409
Takaroa
175
295
Takume
393
Hiti
284
Tata koto
488
Katiu
Kauehi
Kaukura
273
Tauere
335
244
Tekokota
300
136
Tematagi
423
56
Tahanea
265
.
Makatea
181
Temoe
Makemo
Manihi
308
Tenararo
453
466
158
Manuhagi
426
Maria
Marokau
Marutea (du Nord)
Marutea (du Sud)
Mataiva
469
Tenaruga
Tepoto (près Makemo)
Tepoto (près Napuka)
468
282
407
338
Tetiaroa
324
454
Tikehau
Tikei
111
Toau
......
491
113
172
190
Maturei-Vavao
451
Tuanake
Meetia
504
Tureia
279
418
Morane
452
Vahaga
467
Motutuga
Vahitahi
444
Mururoa
278
450
Vairaatea
Napuka
403
Vanavana
428
436
Société des
Études
Océaniennes
�BIBLIOGRAPHIE
dictionary (London Missionary Society), 1851. (Un premier essai
été publié par la L.M.S. en 1823.)
Du, dialecte de Tahiti, de celui des îles Marquises et en général de la langue polyné¬
sienne, par P.-L.-J.-B. Gaussin, ingénieur hydrographe de la Marine, 1853.
The Maori Polynesian comparative dictionary, par Edward Tregear, 1891.
Grammaire et dictionnaire tahitien de Mgr Jaussen (édition de 1898).
Tahitian and English
de grammaire avait
Géographie physique et politique des E.F.O., par F.-V. PicquenotJ
la langue des îles Marquises, par Mgr
Grammaire et dictionnaire de
Essai de
grammaire des îles Gambier. (Confrérie
Teuira Henry, 1928.
1900.
Dordillon, 1904.
des Sacrés-Cœurs de Jésus, 1908.)
Ancient Tahiti, par
Essai de
A. Drollet, 1934.
Andrews, 1944.
Bengt Danielsson, Atoll
grammaire de la langue tahitienne, par C. Vernier et
dictionary of the tahitian language, par E. et I.
A comparative
topographical terminology in Raroia (Tuamotu), par
D. C., 1954.
Annuaires officiels de la Colonie.
Bulletins de la Société des Études Océaniennes :
Native
Research Bulletin, Washington
N" 5, mars
1919.
—
Notes
sur
le dialecte Paumotu (R. P.
Audran).
septembre 1922. — Rectification à apporter à certains noms mal orthographiés;
N° 55, novembre 1935. — Du nom original de Papeete, par T. Anahoa.
Procès-verbaux du Comité de Toponymie des E.F.O. (années 1952 et 1953).
N° 6,
Imprimerie Natio.nale.
Société des
Études
—
J. C. 403337.
Océaniennes
�52
LA GENESE DU MYTHE POLYNESIEN
ou
LE MIROIR AUX ALOUETTES
DU POLITIQUE
"Dans ton île,
où
pendrait
mon
ô Vénus ! j'ai trouvé debout qu'un gibet symbolique
image... ". Baudelaire (Un voyage à Cythère - 1855)
Le bicentenaire de la Révolution
française est également celui du
mythe polynésien. Le mythe, ce miracle de la raison, est une structure
intemporelle permettant de dépasser les contradictions du réel. Le mythe
tahitien a ceci d'original qu'il est parfaitement situé dans l'espace
et dans le
temps. Sa genèse devient alors possible et souhaitable pour comprendre
l'histoire européenne. Dans ce miroir immobile, un occident tumultueux a
réussi à penser sa politique et orchestrer ses rêves depuis 200 ans.
Cet
archétype de notre imaginaire, conceptualisé
par les philosophes
siècle, découvert à la veille de la Révolution (1), a pu s'installer
définitivement dans nos esprits grâce aux romanciers, poètes et artistes qui
ont pris le relais au XIXe"
lorsque l'exotisme triomphait. Aujourd'hui, à la
fin d'un autre siècle, mieux d'un millénaire, force est de constater que ces
archipels sont encore le symbole du paradis même si les principales figures
de Tailleurs terrestre ont été détruites par un XXe siècle technicien, fonciè¬
du XVIIIe
rement exocide.
Au XVIIIe la
réflexion, de métaphysique, devient physique. Le siècle
précédent avait déjà inauguré le discours de la raison, qui, mené avec
méthode puisque en puissance dans tous les esprits, devait instaurer la
science comme idéologie nouvelle face au verbe religieux et à sa vision du
monde falsifiée. Ce rationalisme critique provoque une
rupture épistémologique profonde, il pose le sujet pensant face à un objet enfin pensable par la
mathématique, et nous exhorte à «devenir les maîtres et les possesseurs de
(1) En fait, pour la plupart, le mythe tahitien naît avec Bougainville et l'édition de
son Voyage en 1771 à Paris. Ce
mythe a donc 220 ans !
Société des
Études
Océaniennes
�53
la Nature». Ce
nouveau
credo, dans le progrès, épargne encore au XVIIe les
sphères religieuse et politique. C'est le siècle des Lumières, cartésien
sentimental, qui s'attaquera avec vigueur à Dieu et à la monarchie.
puis
Dieux tomberont sur la tête et le Roi perdra la
dans tous les aspects
de l'activité humaine. Le XVIIIe siècle n'a d'yeux que pour l'homme sa
véritable nature, ses modes de vie, son évolution. Les divinités sont
bâillonnées et le fils du Père est élu à sa place. De théologiques, les
On connaît la suite, les
sienne. La destruction d'un monde ancien sera vivace
préoccupations deviennent donc anthropoligiques. Les sciences humaines
naissent dans la cendre des icônes, l'alchimie devient la chimie, l'aliénation
cède le pas à l'idée de liberté; en un mot, le monde clos s'ouvre sur l'univers
infini.
Cette vision idéalisée des choses,
qui sombre, oblige le XVIIIe siècle
d'espace et de temps sont-
à tout repenser; aussi les concepts fondamentaux
ils redéfinis. D'un réconfort divin, on passe à une
sécurisation technique
qu'il faut parachever.
été celui des voyages. On sent comme
volonté d'observation, d'expérimentation de ce que
Le siècle de Voltaire a d'abord
une
soif d'ailleurs, une
Montesquieu, Voltaire, Diderot, d'Holbach, même
courir les routes de l'Europe. Les plus folles et
sérieuses expéditions maritimes sont armées. Au nom encore du «Roy»,
bientôt en celui de la Révolution, puis de la Nation, pour la science ou pour
le commerce, l'Europe lance une formidable razzia sur le reste du monde.
Pour ceux qui ne partent pas, mille et un récits, mémoires, journaux,
témoignages et comptes rendus transportent le lecteur toujours plus loin. On
pourrait dire toujours plus «vrai», car si la littérature et la philosophie
utilisèrent souvent à cette époque l'exotisme comme un décor, un masque,
l'écriture se veut réaliste et appelle le lecteur à réfléchir, à ne plus être
«civilisé», européen, français et parisien. Cette fameuse diversité des mœurs
fera que le Tahitien va côtoyer le Huron, le Siamois, le Persan, l'Algondin
et autre Caraïbe. L'Histoire au XVIIIe désire confirmer la Géographie. Alors
chacun frissonne à de nouveaux climats, s'interroge devant de nouvelles
races. Bien sûr, il y a peut-être chez l'homme une nature humaine, univer¬
selle et permanente, chère au XVIIe, mais que ce soit Voltaire (Essai sur les
Mœurs et Esprits des Nations), Montesquieu (Esprit des Lois) ou bien Rous¬
seau (Discours sur l'origine de l'inégalité), chacun s'attache désormais à
saisir l'altérité qui seule permet vraiment de comprendre l'histoire et les
institutions. De l'Esprit on passe aux Esprits, aux climats différents et aux
la raison
a
théorisé.
Rousseau le casanier, vont
Société des
Études
Océaniennes
�54
qui, pense-t-on, en découlent. Ainsi l'idée de race, n'en déplaise à
Monsieur Taine, n'est pas une invention du XIXe, c'est une pensée-force
mœurs
âprement discutée par le siècle des Lumières et qui pénètre la politique, la
philosophie et toute la littérature.
Siècle
«d'étrangéromanie», pour reprendre une expression de l'épo¬
que, l'ère des Aufklàrers, c'est également la mise en place des sciences
expérimentales. Las des explications de la Genèse et du discours scolastique, Buffon, par exemple, écrit en 1751 son Histoire naturelle que la
Sorbonne aurait voulu condamner pour hérésie. Monsieur de Buffon, d'une
sagesse toute galiléenne, abandonnera «tout ce qui pouvait être contraire à
la narration de Moïse» par trop fatigué des «tracasseries théologiques». Ces
sciences auraient pu se contenter des cercles savants et autres salons, elles
intéressèrent, en fait, le grand public autant que les voyages et plus que les
philosophies. Mais les Lumières de ce siècle se perdent également dans les
clairs-obscurs de la contradiction. Les droits de l'homme qui nous paraissent
aujourd'hui si évidents ne le furent pas. On se battit contre l'ignorance dans
le même instant où le procureur philosophe La Chatolais affirmait : «Le bien
de la Société demande que les connaissances du peuple ne s'étendent pas
plus loin que ses occupations» (2).
La
plupart de ces penseurs voulaient des réformes, non pas des révo¬
lutions, pour supprimer des abus si criants que seuls les intéressés les défen¬
daient encore. De fait, «les philosophes n'ont voulu ni faire tout ce qu'on a
fait, ni l'exécuter par tous les moyens qu'on a pris, ni l'achever en aussi peu
de temps qu'on y en a mis», disait déjà Morellet avec beaucoup de lucidité,
et aucun de ses compagnons de l'Encyclopédie ne dira le contraire. Les
révolutionnaires iront toujours plus loin que les théoriciens des révolutions.
Tahiti est
centre de
tumulte, comme un passe perdu et un avenir
espéré, comme cet autre qui offre une plénitude que la Société européenne
croyait avoir abandonnée.
Dans
au
ce
premier temps, il nous faudra exposer les fondements du
mythe polynésien. A cette fin, nous nous attacherons à quelques concepts
symboliques d'une époque qui en produisit beaucoup et avec lesquels et
dans lesquels notre réflexion se poursuit aujourd'hui : Bonheur, Raison,
Déisme, Nature, Droit, Politique, Cosmopolitisme... Puis dans un deuxième
temps, nous cheminerons plus spécifiquement avec les principaux person¬
nages de ce mythe, en remontant l'Histoire : La Hontan, Rousseau, Bougainun
(2) Essai d'éducation nationale. Paris.
Société des
Études
Océaniennes
�55
ville, (Les mutins de la Bounty, Marchand), Diderot qui, chacun à leur
manière, mettent en place au XVIIIe le mythe du bon sauvage renouvelé.
pérennité de cette figure exotique sera assurée au XIXe siècle par des
alors Melville, Loti et Gauguin. Le XXe siècle
verra apparaître Segalen et surtout l'image, nouveau véhicule du mythe.
La
créateurs, nous accosterons
Voyageurs des idées nous pourrons, pour conclure, nous interroger sur
Polynésie d'aujourd'hui. Est-elle toujours cet écart politique et philoso¬
phique qui permet aux sociétés occidentales de se penser ? Cette contrée
imaginaire et pourtant d'une réalité tiers-mondiste, est-elle au bord d'une
révolution ou d'une évolution ? Les nobles idées de la Révolution française
ont encore bien des pays à séduire, les Territoires de l'Outre-Mer français
la
sont de
I.
-
II.
-
Bonheur et Nature...
Les
grands thèmes du XVIIIe ;
Les
pères fondateurs : Rousseau, Bougainville,
au XIXe siècle : Melville, Loti, Gauguin...
—
—
III.
ceux-là.
-
au
Segalen, le cinéma...
XXe siècle :
la
Diderot...
Polynésie moderne et sur l'Histoire
Réflexions
sur
Au XVIIIe
siècle, les livres sur le
bonheur ne se comptent plus. De
l'Epitre sur le bonheur au Veger die menschlich
gluckseligkeit, en passant
l'Arte di essere felici et of Happiness, chacun aspirait à une félicité
immédiate, loin des absolus et des prières. On exprime, enfin, dans une
pulsion hédoniste qui n'a plus peur de Dieu, le plaisir du corps et de sa santé,
la joie du repos et des jeux. Le bonheur se veut un droit, il est la preuve que,
«l'enfer anéanti, le ciel est sur la terre». Le XIXesiècle laborieux, tayloriste
et producteur, mettra un frein à tout cela. Si le XVIIIe siècle développe des
ouvrages discursifs, il a produit également un nombre incalculable de livres
de fiction (3).
par
Au début des années
1700, voyager étant encore trop
périlleux, on
pensée et par le rêve, et où va-t-on ? Sur une île bien sûr, celle
d'Utopie, celle de Vénusberg ou bien sur "l'île la plus heureuse du monde
s'évade par la
(3) Marquis de Lassay, Relation du royaume desFéliciens, peuples qui
les terres australes,
1727.
Société des
Études
Océaniennes
habitent dans
�56
entier
le pays
du contentement" peuplée de "Féliciens" (4). Dans les
parisiens, on remplaçait la Carte du Tendre par l'Ordre de la Félicité
parfois résonnaient des vers comme ceux-ci :
ou
salons
et
L'Ile de la Félicité
N'est pas une chimère ;
C'est où règne la volupté
Et de l'Amour la mère ;
Frères, courons, parcourons
Tous les flots de Cythère,
Et
nous
la trouverons.
Ils la découvriront cette île
rêvée,
un jour
de 1771, dans la relation de
voyage de Monsieur de Bougainville. Ils la reconnaîtront aussitôt, avec
violence et passion, comme une évidence cartésienne : O ' Tahiti, la nouvelle
Cythère.
Ce désir d'être heureux façonne un
optimisme comme celui de Leibniz
Pope. Lorsque le Marquis de Chastellux affirme dans son Traité de la
Félicité publique : «Il existe, dans toutes les conditions, un attrait irrésistible
qui porte tous les êtres vers le meilleur état possible, et c'est là qu'il faut
chercher cette révélation physique qui doit servir d'oracle à tous les
législateurs.»
et de
On
ments
car
la
comprend que, si cette aspiration est trahie, les pires déchaîne¬
peuvent survenir. Mais, pour l'instant, on croit que tout est possible,
Raison règne enfin, car la lumière se propage sur le monde.
La
raison, cette merveilleuse machine, va connaître au XVIIIe siècle
conceptuelle. Ce n'est plus une étincelle divine, on lui conteste
donc tout caractère d'innéité. Elle est une activité intérieure qui grandit et
dont la fonction principale est de révéler la vérité. Peu importe
son essence
qui la possède suit la bonne route, et sur ce chemin difficile, elle est un signe
de reconnaissance puisque identique chez tous les hommes. Le malheur
apparaissant comme un défaut de connaissances, de jugement, la raison
seule alors nous conduirait au bonheur. Cette
métaphore de la lumière
une
refonte
naturelle
se
retourne dans tout le siècle étudié. Dire les lumières serait
plus
(4) Swift,Le voyage de Gulliver, 1726. - C. de Ransay,Les voyages de Cyrus, 1723.
Rétif de la Bretonne, La découverte australe, 1780, qui
évoque Tahiti. Avec cette
île, la fiction devient toujours plus forte. -1771 : Bougainville. -1772 : Diderot.
-
Société des
Études
Océaniennes
�57
juste. L'obscurité de l'ignorance sera vaincue par les flambeaux de nos
pensées, ces lueurs s'inscrivent partout : sur les drapeaux, les oriflammes,
les bâtiments. Mais «Was ist Aufklarung ?» A la fin du siècle, Kant se posera
cette question avec le recul nécessaire. Emmanuel Kant, ce grand philoso¬
phe, trop reconnu pour être bien connu, est celui qui fera l'analyse la plus
sérieuse du siècle des Lumières. Cette période est celle d'une crise de
croissance, l'occident devient adulte, il pense enfin par lui-même dans une
autonomie de la raison. Sa maxime : Sapere aude, ose savoir. Le champ de
la libération s'est ouvert et cette quête historique ne sera jamais finie. Cet
idéal, Kant sent bien que la Révolution Française l'inaugure et lui, si
ponctuel, fut pour cela un jour en retard. Ainsi, la Raison a ses martyrs :
Bruno, Spinoza, Galilée, Vico, Bayle, Locke... du moins des hommes de
l'ombre et pourtant éclairés. Bayle était dans toutes les bibliothèques et
surtout John Locke, avec son Essay on human understanding, fut l'auteur
au chevet de tous les
penseurs du XVIIIe jusqu'à Kant. Ce philosophe
anglais résume tout un siècle lorsqu'il réduit l'homme à l'homme : un em¬
pirisme qui fait de l'être humain son propre créateur et celui du monde.
Mais,
il est dit par Hazard (5), la place était occupée, Dieu
(monde) depuis si longtemps ! Le conflit était inévitable.
La forme de ce débat sera le procès : le procès de Dieu, le plus grand de
l'histoire. L'Europe entière était émue. Chaque cénacle, chaque cour,
académie, de Potsdam à Paris, parlait des malheurs de la divinité. La raison
s'attaque à la révélation. Pour elle, le plan de la Providence était incohérent
et puis le Dieu des Chrétiens, qui avait si mal usé de son pouvoir, avait
trompé les hommes. La philosophie se jeta dans la bataille, ne supportant
plus les miracles. De l'autre côté, le Christianisme recevait le secours de
l'Etat qu'il servit si constamment. En 1738, au Portugal, Antonio José de
Silva était étranglé, puis brûlé dans un autodafé à Lisbonne. De Rome à
Vienne, en passant par Madrid et Paris, on ne plaisante pas : censures et
sanctions royales se multiplient, au pire s'élèvent contre la philosophie des
textes humoristiques telle YHistoire des Cacouacs en 1757. Pour être précis,
le XVIIIe dans son ensemble a été déiste (6), non pas athée comme on
pourrait le croire. En fait, l'athée reproche au déiste ce que celui-ci blâme
chez le théiste (7). Bientôt, le déisme et l'athéisme qui bataillèrent ensemble
comme
trônait sur la Terre
5) Paul Hazard, La pensée européenne au XVIIe. Fayard.
(6) Déisme : système de ceux qui, rejetant toute révélation, croient simplement à
l'existence de Dieu et à la religion naturelle.
(7) Théiste
Déiste
Athée
+
+ et
-
Société des
Études
Océaniennes
�58
s'opposer avec force. Les déistes sont légions : Voltaire, Lessing, Pope,
bien que chacun y apporte sa nuance. Cette pensée sera une transition sur le
chemin de l'abolition de la notion du divin. L'athéisme se forge déjà, teinté
vont
de matérialisme avecLa
Mettrie, le Baron d'Holbach... La religion est donc
naturelle et le déisme n'est
déjà plus un acte de foi mais une opération de
l'esprit. Pas d'horloge sans horloger. On efface le visage trop chrétien de
Dieu pour un Etre Suprême auquel tout homme raisonnable peut adhérer,
fût-il sauvage. Ce nouveau Dieu, ne serait-ce pas tout simplement la Nature
elle-même?
Nous voici parvenus à
est au cœur de la pensée du
l'un des concepts les plus délicats qui soient. Il
XVIIIe et de ses avatars, à l'exemple du mythe
du bon sauvage polynésien. Nature, mot talisman, vocable presque méta¬
physique, est une notion protéiforme dont la polysémie favorise toutes les
confusions. Le XVIIIe siècle confirme le prestige de la Nature, source des
lumières et garantie de la raison. Elle est la sagesse incarnée, la bonté vivante
aux lois de laquelle il fallait obéir. Cette nature dite rationnelle était un
concept trop riche, truffé d'antinomies : claire/mystérieuse, évidente/se¬
crète, mère/dédain...
On
il y a
50
Les
comprend Voltaire qui s'écrit : «Qui es-tu Nature ? Je vis dans toi;
ans que je te cherche et je n'ai pu te trouver encore !»
plus grands s'affrontent
Condillac et Hume, ce Newton
sur ce
thème : Berkeley, Diderot, Locke,
de la Pensée. Finalement, la pensée du XTVIIP
mélange d'empirisme, de cartésianisme, de leibnizianisme saupoudré
spinozisme. C'est L'Eclectisme, mot de l'époque, dont l'Encyclopédie
sera le symbole. Le
concept de nature attendait plus de clarté et Kant y mettra
bon ordre. La nature, elle aussi, passera devant le grand tribunal. On était
encore un
peu optimiste, notre monde est le moins mauvais des mondes
possibles où, comme le dit Pope, «Tout est bien» (8). Mais la terre tremble
à Lisbonne et Job ne cesse de souffrir (9). Même Rousseau ne croit plus en
est
un
de
la bonté naturelle. Les hommes son devenus mauvais et le seul remède contre
(8) Voltaire, Candide : "Qu'est-ce que l'optimisme ? Hélas! dit Candide, c'est la rage
de soutenir que tout va bien quand tout va mal."
(9) Le 1er novembre 1755, jour de tous les saints, un terrible tremblement de terre
détruisit la très pieuse Lisbonne, troisième port européen de l'époque. Vif émoi
général. Voltaire, dans sonPoème sur le désastre deLisbonne, répond à Pope : "Tout
est bien n'est donc pas fait pour le genre humain." Quand au Job de la Bible, il ne lui
arrive que des malheurs, justifiés par la seule volonté de Dieu. Pour certains, Job est
la preuve
millénaire que l'optimisme n'est pas de mise.
Société des
Études
Océaniennes
�59
acquise» est le Contrat Social. Le XVIIIe siècle ressem¬
le désarroi de ses consciences, par la multiplication de ses
morales, par cette relation fascinée et douloureuse avec la Nature. Comme
le siècle des Lumières constate que tout n'est pas si bien que cela, il
entreprend de refaçonner la société par l'action législative et politique.
cette
ble
«mauvaiseté
au
nôtre par
On assiste à
un
effort sans précédent pour donner à la loi un fondement
l'Esprit
qui découlent de
Montesquieu est au cœur de cette volonté. En 1748, dans
des lois, il précise : «Les lois sont les rapports nécessaires
la nature des choses». Le tout est de faire appliquer ces nouvelles tables
rationnel.
la loi. Pour cela, il fallut une
dans l'histoire de l'humanité.
de
révolution, comme une cassure irrémédiable
Bien que la Révolution française, après avoir
jeté bas un roi, fît le lit d'un empereur, les généreuses idées qu'elle produisit
ne devaient jamais plus s'arrêter. Son universalisme est patent, ses symboles
seront les Droits de l'homme et du citoyen (10). Ce siècle étonnant s'achè¬
vera dans la confusion, le sentimentalisme, la «réaction» voire la «nostal¬
gie» (11). Bientôt Adam Smith proclamera, dans ses Causes de la richesse
des Nations, que "le Dieu suprême c'est le travail; la frivolité, l'amateurisme
cèdent la place à l'ère industrielle".
Après cette fresque générale, nous pouvons nous focaliser sur le primi¬
qui n'est autre qu'une forme du sentimentalisme
dans lequel va pousser, comme une excroissance sublime, le mythe polyné¬
tivisme du XVIIIe siècle
sien.
Imaginez des hommes las d'eux-mêmes, qui ne supportent plus
complications, la perversion et la mollesse de la «civilisation» (11).
les
«simplicité», au changement suscite des
purifiantes ? Ce sentiment est
cyclique et l'Européen du XVIIIe n'y échappe pas. Les solutions s'avèrent
également du même type : le merveilleux et l'exotisme. Du moins, à
l'époque il n'était pas question encore du dérèglement orchestré des sens, ou
de la folie positive. Le voyage, dont nous avons vu l'importance, sera le
moyen le plus simple pour celui qui rêve de changer la vie (12). Justement,
au début du XVIIIe, en 1715 pour être précis, meurt le Baron Louis Armand
de Lom d'Arce de La Hontan. Ce révolté à la vie aventureuse s'était frotté
Une
profonde aspiration à la
volontés d'évasion. Où sont
les eaux vives
(10) Enfin traduits en tahitien dans
le cadre du Bicentenaire.
(11) Concepts du XVIIe, du moins redéfinis par l'époque.
(12) On ne parlera pas de l'exotisme historique ni du merveilleux...
Société des
Études
Océaniennes
�60
Rouges du Canada et avait publié pendant un exil à La Haye en
1703, trois ouvrages (13) qu'il faut considérer comme le terreau du bon
aux
Peaux
sauvage polynésien. On ne dira jamais assez combien ses descriptions de
l'Autre furent importantes pour l'époque. Son œuvre, constamment réédi¬
tée
au cours
du
sièclë, laissera une empreinte, de Diderot jusqu'à Chateau-
briant. Cet homme de Tailleurs, le Baron nous le décrit comme beau, fort,
heureux parce que fidèle aux mœurs et à la religion naturelle, ne possédant
rien et
ignorant l'argent. Face à ce «bon sauvage» vigoureux, La Hontan
portrait féroce du civilisé avec son corps abîmé et sa politesse
excessive. Voilà qui rejoint le premier exote, Homère, sans parler des
Cannibales de Montaigne et de la découverte de l'Amérique, vaste carte
blanche sur laquelle l'Europe transporta un temps sa nostalgie d'un âge d'or
révolu. Ainsi, le présent est toujours une chute. L'idéalisation du sauvage est
formée depuis longtemps et relancée dès les premiers voyages de Colomb,
de Vespucci... La découverte de Tahiti par Bougainville donne un nouveau
souffle au primitivisme européen contre le culturalisme. Même si cet autre
reste confus, il est loin et c'est cela qui est important. "L'âge d'or est toujours
où je ne suis pas, ne suis plus, ce que je n'ai pas, n'ai plus." L'exotisme
apparaît déjà comme un éloge de la méconnaissance. Il ne faut jamais
oublier ce paradoxe constitutif. Ce n'est pas vers l'autre en soi que Ton
s'exporte mais plutôt vers soi par l'intermédiaire de l'Autre. D'ailleurs, pour
l'Européen de l'époque, tous les sauvages se ressemblent. Le Baron de La
Hontan voulait se faire sauvage lui-même et le moyen qu'il préconisa pour
amener le peuple de France à cet état ne fut rien moins que la Révolution.
Peut-être sommes-nous là au cœur du sujet de ce fascicule, à savoir : le mythe
du Bon sauvage est une illusion qui pourtant suscite une révolte, soit pour
y parvenir (Européens), soit pour s'en échapper (Tahitiens).
dresse
un
D'emblée, nous sommes dans une vision de l'autre
qualifier d'égalitariste, minimaliste et naturaliste.
que
Ton peut
Le Bon sauvage vit forcément dans une société égalitaire où il n'y a pas
propriété et où le troc suffit à l'économie. Pour sa part, la politique ne
connaît pas de hiérarchie. Dans cette communauté, un minimum est néces¬
saire. Ces hommes produisent juste assez pour vivre quand la nature ne
fournit déjà l'essentiel. Puisqu'ils sont heureux, ils n'ont pas besoin de l'art,
de la science ni de l'écriture. Pourquoi sont-ils alors emplis de félicité ?
de
(13) Les nouveaux voyages de M. le Baron de la Hontan dans l'Amérique septentrio¬
nale. Mémoires de l'Amérique septentrionale ou la suite de voyage de M. le Baron
de la Hontan. Supplément aux voyages du Baron de la Hontan.
-
-
Société des
Études
Océaniennes
�61
qu'ils obéissent aux lois de la nature, cette fameuse mère divinisée
avons vu l'importance et les ambiguïtés. L'exemple de ce
Parce
dont
nous
comportement naturel spontané, c'est la sexualité et tous les récits de voyage
décriront de tendres et innocentes bacchanales. Pas de manque, pas de
maladies, pas d'autorité, pas de
vices : nous sommes bien dans un Para-
dis(14).
Plein de contradictions, le
XVIIIe siècle
a pu opposer, au
besoin des
origines, un état premier de l'homme où régnait la brutalité. Lessing nous en
donne un saisissant tableau dans son Laocoon. Mais celui dont la philoso¬
phie est liée au mythe du «bon sauvage» pour la plupart, c'est Jean-Jacques
Rousseau. Son Discours sur l'origine de l'Inégalité récuse l'Histoire au
profit de l'homme de la Nature. Cet homme primitif, c'est plutôt en nous
qu'il nous faut le découvrir. Pourtant, le sens commun crut le reconnaître
chez le Tahitien. Rousseau, malgré lui mais mieux que quiconque, nous fait
saisir que la Polynésie a été pensée avant d'être découverte. Son essence a
précédé son existence et ce «bon sauvage», fort utile à l'Occident, par les
hasards de la découverte, lui qui avait finalement un visage anonyme, va
prendre durablement la figure du Tahitien. Mais l'auteur des Confessions
n'est pas si simple, l'occasion est bonne ici pour préciser sa pensée, trop
souvent mal lue.
Ces contresens, Rousseau lui-même les favorise.
De fait, il est imprécis
de «Nature». Pour lui, l'état de nature n'est pas
une période réelle de l'Histoire. C'est une hypothèse opératoire et cela, il le
dit clairement. Son but : "connaître un état qui n'existe plus, qui n'a peutêtre point existé, qui, probablement, n'existera jamais et dont il est pourtant
nécessaire d'avoir des notions justes pour bien juger de notre état pré¬
sentais).
dans l'utilisation du concept
philosophe, le temps est bien irréversible et son désir penche
la perfectibilité et non le passéisme. Il sait «qu'il ne peut se passer de
Pour
pour
vivre
avec
ce
des hommes corrompus comme
Son homme naturel, au
lui».
début de l'humanité, n'est pas encore un
et vertu, il n'a pas de
morale.
l'artifice. Son primitivisme est
bien plus tragique que les autres; la société corrompt certes l'homme, mais
homme, il ne sait pas distinguer entre vice
D'autre part, il refuse la culture outrancière,
elle est
un
mal nécessaire, car
(14) Cette vision connaît une
(15) Préface du Ile Discours.
l'homme n'est rien sans elle.
critique radicale chez Lévi-Strauss.
Société des
Études
Océaniennes
L'idéal serait
�62
peut-être la résultante entre une pure nature et une pure culture. Avec
Rousseau, ni âge d'or, ni âge de fer, mais celui de l'alliage pour ne pas dire
de l'alliance. Ainsi J.-J. Rousseau, mal compris, ambigu, dans un contexte
de récits de voyage (16), devient-il malgré lui le champion du mythe du bon
sauvage qui traverse l'histoire, et les rêves des hommes depuis. Le sauvage
de Jean-Jacques est, en fait, plus proche de l'animal tel que Buffon le propose
à l'époque.
compris que, chez Rousseau, l'état de Nature, c'est le
«degré zéro» de l'histoire, un postulat théorique qui, chez notre philosophe,
prend l'aspect d'une expérience vécue, d'un «fantasme d'enfance perpé¬
tué». Il y a une poétique qui lui permet de retrouver une rêverie millénaire,
et notre «écologisme moderne» à la fin du XXen'est peut-être rien d'autre.
Avec l'auteur du Contrat Social, une nouvelle nature se dénude. Finis les
demi-Dieux, les nymphes et les mythes. La nature, source absolue de
philosophie, de politique et de religiosité, contient un bonheur possible.
Rousseau, au contraire de Voltaire, et retrouvant Montaigne, est sceptique
quant au progrès de l'histoire, mais optimiste à propos de l'homme. C'est un
moraliste à la recherche de l'origine du mal, et celui-là est un fait politique,
historique, qui ne tient pas de la nature humaine. Déjà, fonctionne ici une
dualité Nature/Histoire. L'Etat de Nature est bien ce point fictif et rêvé qui
permet de mesurer une distance, de démêler l'inné et l'acquis dans le magma
de l'histoire. En plus, la nature vibre en nous d'une voix susceptible de nous
aider dans cette grande démarche. Rousseau n'est pas le seul, ni le premier,
à utiliser cet Etat pour retrouver la Genèse de l'humanité, tous les théoriciens
du Droit le firent. Sa particularité est d'avoir utilisé l'Etat de Nature, non pas
comme un commencement de l'histoire, mais comme un au-delà. L'évolu¬
tion de l'humanité est faite sur le mode de la catastrophe, de la rupture qui
étouffe progressivement les sentiments naturels. L'homme devient un
étranger à lui-même et cette aliénation soulignée par Rousseau sera au cœur
de l'hégélianisme (comme nécessaire) et du marxisme (comme inadmissi¬
ble). Le mal, c'est bien l'inégalité; la méchanceté nous est venue avec le
devenir, la société nous a trahis. Le malheur devient réfléchi avec Rousseau,
on se met à rêver à cette véritable jeunesse du monde; rétrograder n'est pas
possible, mais on peut garder la mémoire de l'Etat de Nature, véritable
concept régulateur qui tout à coup, en 1771, devient clair dans le récit de
Nous
avons
(16) Il ne cesse de citer les relations des voyages, parfois après avoir dit qu'elles
,étaient critiquables !
Société des
Études Océaniennes
�63
voyage
de Monsieur de Bougainville.
corps dans l'île de Tahiti.
Cette pensée, croit-on, vient de
trouver son
de Bougainville, dont le buste en marbre de
Bosio (17) nous laisse voir un front large comme un océan, n'accepte pas la
perte du Canada et de l'Inde, refuse à l'Angleterre la maîtrise des mers après
la Guerre de Sept Ans. Ce colonel va se faire capitaine de vaisseau et son
traité de calcul intégral lui servira désormais à faire le point au nom du Roi.
Avec l'appui de Choiseul, de Buffon, du Président de Brosses (18), et sur
Y Etoile et la Boudeuse, il va, de 1766 à 1769, parcourir le Pacifique Sud. Le
6 avril 1768, à côté de Commerson, Véron, du comte de Saint Germain, de
son second Duclos-Guyot, il jette l'ancre à Tahiti.
Louis Antoine, comte
Bougainville ne revendiquera jamais la découverte de l'île, bien qu'il
rédigé un acte de prise de possession (19). Les autres circumnavigateurs
soit ne disent pas grand'chose, soit sont déçus à l'image de Wallis. Avec les
Français, l'île du roi George devient la Nouvelle Cythère, le mythe polyné¬
sien émerge seulement dans le texte de Bougainville. Non seulement ce que
dit le grand navigateur crée une utopie tahitienne, mais, comme il le dit,
jouera également son rôle. Ce soldat-marin, féru de mathématique, avait
reçu une solide éducation humaniste; ses qualités de conteur sont indénia¬
bles, Diderot lui-même sera sous le charme de son verbe. Les latinités de
Bougainville sont visibles dans son vocabulaire, cet homme est plus proche
de Virgile et de Tacite que de Rousseau et Diderot auxquels on l'associe trop
fréquemment. Les références à l'Enéide dans Le Voyage sont nombreuses.
L'aventure de Bougainville est plutôt littéraire, et s'il est le premier dans
l'histoire des voyages à embarquer des scientifiques, le grand savant de la
navigation, des expéditions et de la mesure sera Cook.
ait
de Bougainville est le dernier grand périple romantique. Les
qui reviennent sont bien Vénus, Eden, énéades (les sauvages) et les
cyclopes (les Européens). Après le premier mouvement qui le porte à
idéaliser l'escale tahitienne, Bougainville possède assez d'esprit critique et
les discussions avec Aotourou (20) l'amèneront à corriger son texte et à se
Le voyage
termes
(17) Musée de la Marine. Paris.
(18) Charles de Brosses : Histoire de la navigation aux Terres australes, Paris, 1756.
Un des livres référence du XVIIe en matière de voyages.
(19) Voir son propre texte où il énumère tous ses prédécesseurs dans le Pacifique.
(20) Ahutoru "Louis de Cythère" repartit avec Bougainville, devint la coqueluche
de Paris, fut adopté par la duchesse de Choiseul et mourut sur le chemin du retour
que Bougainville avait réglé d'un tiers de sa fortune !
Société des
Études
Océaniennes
�64
détacher d'un rousséanisme béat. Le mythe polynésien est bien cette
«parole
choisie par l'Histoire»
occidental
dont nous parle Roland Barthes, un récit écrit par un
qui mouilla neuf jours dans les eaux claires des lagons (21).
Les gens
du XVIIIe n'ont puisé dans Le Voyage, une fois encore, que
qui leur convenait et cela peut se résumer en deux citations : «Les pirogues
étaient remplies de femmes qui ne cèdent pas, pour l'agrément de la figure,
au plus grand nombre des
Européennes et qui, pour la beauté du corps,
pourraient le disputer à toutes avec avantage. La plupart de ces nymphes
étaient nues, car les hommes et les vieilles qui les accompagnaient leur
avaient ôté le pagne dont ordinairement elles s'enveloppent. Elles nous
firent d'abord, de leurs pirogues, des agaceries où, malgré leur naïveté, on
découvrit quelques embarras, soit que la nature ait partout embelli le sexe
d'une timidité ingénue, soit que, même dans les pays où règne encore la
franchise de l'âge d'or, les femmes paraissent ne pas vouloir ce qu'elles
désirent le plus... Nos soins réussirent cependant à contenir ces hommes
ensorcelés ; le moins difficile n'avait pas été de parvenir à se contenir soimême !» et plus loin, sur la nature de la Société : «Je me croyais
transporté
dans le jardin d'Eden : nous parcourions une plaine de gazon, couverte de
beaux arbres fruitiers et coupée de petites rivières qui entretiennent une
fraîcheur délicieuse, sans aucun inconvénient qu'entraîne l'humidité. Un
peuple nombreux y jouit des trésors que la nature verse à pleines mains sur
lui... Tous nous saluaient avec amitié... partout nous voyions régner l'hos¬
pitalité, le repos, une joie douce et toutes les apparences du bonheur.»
ce
On
donc lu
apologie du primitivisme, de l'amour libre, du
mesuré toute la nostalgie. Bougainville a
beau préciser et mettre en garde : «J'ai dit plus
haut que les habitants de
Tahiti nous avaient paru vivre dans un bonheur digne d'envie. Nous les
avions cru presque égaux entre eux, ou du moins jouissant d'une liberté, qui
n'était soumise qu'aux lois établies pour le bonheur de tous. Je me trompais,
la distinction des rangs est fort
marquée à Tahiti, et la disproportion est
cruelle. Les rois et grands ont droit de vie et de mort sur leurs esclaves et
a
communisme, dont
une
nous avons
valets...»
Rien n'arrête le désir de
voir que son
désir. Bougainville n'apprécie
ni Rousseau en particulier : «Je suis voyageur
menteur et un imbécile aux yeux de cette classe
ne
pas les philosophes en général,
et
marin, c'est-à-dire
un
(21) Bougainville avait promis de ne rester que neuf jours. Il est, de toute façon, à
remarquer combien tous ces grands navigateurs restèrent peu de temps à Tahiti.
Société des
Études
Océaniennes
�65
d'écrivains paresseux et
superbes qui, dans l'ombre de leur cabinet, philo¬
sophent à perte de vue sur le monde et ses habitants et soumettent impérieu¬
sement la nature à leurs imaginations. Procédé bien singulier, bien inconce¬
vable de la part de gens qui, n'ayant rien observé par eux-mêmes, n'écrivent,
ne dogmatisent que d'après des observations
empruntés de ces mêmes
voyageurs auxquels ils refusent la faculté de voir et de penser.» Parlant des
fameux et contreversés Patagons, il précisait : «Ceux-ci pissent accroupis,
serait-ce la façon de pisser la plus naturelle ? Si cela était, Jean-Jacques
Rousseau, qui pisse très mal à sa manière, aurait dû adopter celle-là. Il nous
renvoie tant à l'homme sauvage...»
Il semble d'ailleurs que, sur la Boudeuse, on retrouve dès le départ
toutes les sensibilités possibles devant cette île du bout du monde. Prenant
Bougainville lui-même comme la position médiane, on peut noter
Commerson, le naturaliste du bord, «impétueux et violent»,
fervent disciple de Jean-Jacques qui parle tout net du «Bon utopien» et, de
l'autre, l'écrivain de navire, l'acariâtre et maladif Comte de Saint Germain
qui mourut à 92 ans en 1823 et dont l'optimisme n'est pas le fort; parlant de
Aotourou : «enrichi de connaissances inutiles, ce pauvre misérable se
repentira longtemps de la sottise qu'il a faite» et de la halte tahitienne : «A
quoi se réduit l'utilité de ce voyage pour les Nations ?» (22).
le récit de
d'un côté
fait, le voyage de Bougainville, mal préparé, sans dessinateur à
bord, négligeant des îles, traçant peu de cartes, rapportant des informations
et spécimens mal exploités, ne fut pas une réussite scientifique ni commer¬
ciale, ni même politique. C'est en cela qu'il est sympathique. Monsieur de
Bougainville finira Vice-Amiral (23) sous la Révolution qui va également
réformer le mythe polynésien. Finie la période des découvreurs, du coup de
foudre, voici celle du roman, de l'écriture totale, bien que, précédemment,
De
ayons souligné l'importance déjà réelle du verbe dans la genèse de cet
archétype (24).
nous
(22) Ses commentaires faisant contre poids à l'enthousiasme officiel ne
publiés à Paris qu'en 1921 !
furent
(23) Pour être précis, il refusa ce poste éminent, dénonçant à la Convention le
manque de discipline. Arrêté sous la Terreur comme "ci-devant", il ne dut la vie
qu'au 9 thermidor. Napoléon le comblera d'honneur. Il meurt en 1811 à 82 ans.
(24) Si Bougainville fut plus connu que Cook, alors que son apport
moindre, il le doit justement à sa plume.
Société des
Études
Océaniennes'
général est
�66
Cependant, avant de clore le XVIIIeavec Diderot et d'aborder le XIXe
ses créateurs, deux événements nous paraissent intéressants, à la
fois pour le mythe étudié et le contexte révolutionnaire : les mutinés de la
Bounty et le périple d'Etienne Marchand en 1791. Une escale dans ces deux
histoires n'est pas inutile dans cette «navigation bibliothécaire» parfois
siècle et
difficile.
plaît à souligner la haute teneur symbolique de la mutinerie
Bounty, le 28 avril 1789. Près de 2 mois et demi avant la prise de la
Bastille, des marins écrasés d'injustice prennent possession de leur navire
et exilent le capitaine, roi après dieu, pour sa tyrannie. Tahiti joua son rôle
(25). Ces hommes, après une traversée des plus dures, avaient connu la
félicité et la douceur de l'île. Les insulaires avaient pansé leurs plaies,
assouvi leurs désirs et l'idée d'affronter à nouveau l'océan, avec le Capitaine
Bligh et sa dureté chronométrée, fit que certains pensèrent sérieusement à
déserter. Le retour entamé, les événements se précipitèrent et chacun joua
un rôle qui ne fut pas toujours celui espéré. Tout est là déjà, révolte et
soumission, contre-révolte et procès. En fait, l'affaire de la Bounty constitua
les prémices d'une crise plus grave qui paralysa certains ports anglais. Elle
obligea l'Amirauté à revoir le trop dur code de la marine. Les marins du XIXe
Chacun
sur
se
la
sont tous
redevables à
révolution
ces
mutins, comme nous sommes redevables
à la
française, au-delà des violences. Mais l'histoire ne
pour autant, au contraire, l'odyssée de Pitcairn,
Fletcher Christian, est tout aussi emblématique.
s'achève pas
île-refuge des partisans de
Etrange destin que celui de ces 9 hommes, qui, pour échapper à la
royale, s'enfermèrent à jamais avec 7 Tahitiens et 12 Tahitiennes
sur une île mystérieusement désertée. L'Eden se transforma rapidement en
enfer, à cause de l'alcool enfin distillé et du partage des femmes. Les marins,
devenus pêcheurs et cultivateurs, s'entretuèrent allègrement et puis, un jour,
le dernier des survivants, John Adams, créa une véritable utopie autour des
réaction
valeurs
bibliques (26).
Moins
Marchand
connu
en
significatif est le voyage d'Etienne
polynésiennes. Après les découvertes, se
mais tout aussi
1791 dans les
eaux
(25) Ainsi l'île miraculeuse devint également source
pouvait générer les plus terribles passions.
d'inquiétude, son charme
(26) L'articulation mythe/utopie doit être pensée. L'utopie est toujours le fruit d'une
raison exacerbée voire aliénante à la différence du mythe, ce qui ne veut pas dire que
l'utopie comme perspective négative ne soit pas nécessaire à la réflexion politique,
notamment dans nos
îles !
Société des
Études
Océaniennes
�67
bousculent
toujours, aux portillons des océans et des comptoirs, des hom¬
âpres aux gains. Après la conquête, la quête; et sur ce terrain pour ne pas
dire ces mers, les Anglais avaient pris une sérieuse avance dans le Pacifique.
Celui-ci devient l'enjeu de luttes commerciales entre les grandes puissances
d'alors et, puisque Cook avait parlé d'intérêts possibles, chacun se plut à les
vérifier. Dès 1785, est fondée à Londres la King George's Company :
désormais des bateaux sillonneront le Pacifique d'Est en Ouest, reliant
Amérique et Asie. Les grands ports seront Macao, Canton, Calcutta, les uns
apportant des fourrures et les autres proposant des épices, du thé et de la soie.
C'est dans ce contexte fébrile que l'on croise le navigateur français
Etienne Marchand, au nom prédestiné, qui entend faire fortune dans le
commerce des peaux. Ce marin est aussi un des liens étroits entre la
Révolution et de la Polynésie Française. Né à la Grenade en 1755, il est
convaincu parle Capitaine Portlock, en 1788, que l'avenir est à la Pelleterie.
Arrivé à Marseille en août 1789, pas trop troublé par la crise nationale, ce
capitaine de la marine marchande persuade de riches négociants locaux (les
Baux !) de monter une expédition dans le Pacifique. Pour une fois, on ne va
pas lésiner sur la construction et l'armement du bateau (27). Marchand
devait acheter des fourrures en Amérique du Nord-Ouest et les revendre à
Macao, afin de revenir à Marseille avec des produits de Chine. Comme
toujours avec Marchand, les choses sont rudement menées, il fonce, veut
gagner du temps, éviter les Espagnols et le voici, après une dérive, aux
Marquises en juin 1791. A partir de cette date, le navigateur découvre
plusieurs îles de cet archipel. Il corrigera son annexion faite au nom du roi
par l'expression «Nation Française» lorsque la monarchie fut abolie en 1792
(28). Toujours est-il que ce groupe d'îles — Ua Pou, Nuku Hiva (île Baux),
mes
Eiao, Hatutu, et Motu Oa—Marchand les appela Iles de la Révolution. Mais
le Français avait été précédé dans ces eaux marquisiennes en avril 1791 par
l'Américain Joseph Ingraham qui fit avec le Hope un relevé plus sérieux et
systématique. Marchand ne le savait pas : «En abordant ces îles, j'arborais
qui eût pu faire
pavillon tricole me félicitant d'être le premier navigateur
flotter sur cet immense océan ce nouvel étendard, symbole de
le
nous
la liberté que
venions de découvrir.»
(27) Le Solide : 300 tonnes, coque recouverte de cuivre, provisions pour 4 ans
réserves de voiles multiplées par 4 !, avait 50 hommes d'équipes, 5 officiers,
!,
2
chirurgiens.
(28) Précisions à lire chez Fleurieu qui publia un récit en 1798 basé sur le journal du
second de Marchand, Prosper Chanal et le livre de Marchand lui-même : Découverte
des îles de la Révolution, qui servit de base à l'ouvrage de G. Saint-Yves, Paris, 1897.
Société des
Études
Océaniennes
�68
Le
drapeau «tricole», symbole de la révolution et de la monarchie
maîtrisée par une ville, flotta donc pour la première fois aux Marquises.
Marchand acheta ses peaux, partit les vendre mais ne put les écouler à cause
d'un
problème diplomatique.
C'est de Macao
îles de la
qu'il fit parvenir en France un rapport et une carte des
Révolution, que l'Assemblée Nationale enregistra le 17 avril 1792.
Notre
navigateur est à Toulon le 14 août 1792 après un des voyages les plus
rapides et les plus sûrs du XVIIIe ! (29).
Etonnant destin que celui de cet homme qui, avec Bougainville, fut le
Français entre 1714etl818à accomplir le tour du monde d'une seule
traite. Tous deux se positionnèrent par rapport aux Anglais ; le Comte
voulait prouver que l'on pouvait faire de grandes expéditions de découvertes
comme eux, le capitaine Marchand voulut montrer que les Français étaient
d'aussi bons commerçants que nos voisins. Leurs démonstrations ne furent
pas des meilleures. Bougainville fut moins scientifique que Cook, et
Marchand ne fit pas de grands bénéfices mais, enfin, il annonce le mercan¬
seul
tilisme forcené du XIXe siècle.
A la
publication du Voyage autour du Monde en 1771 chez Saillant et
Nyon, Diderot était un homme considéré et considérable, avec la rédaction
de l'Encyclopédie derrière lui. L'existence d'une humanité si différente de
la nôtre ramena son attention sur un problème qui, de tout temps, l'avait
préoccupé : l'origine des valeurs morales sur lesquelles notre civilisation se
fonde. Les propos de Bougainville donnent à Diderot l'occasion de renouer
le dialogue avec Rousseau et finalement le Supplément au voyage de Bou¬
gainville dont l'auteur ne vit pas la publication (30), peut être considéré
comme un véritable résumé de sa pensée.
Ce beau texte, sorte de testament, porte la trace du fameux La Hontan
dans l'utilisation des trois principes du mythe du bon sauvage. Le Tahitien
de Diderot
rejoint le Huron du Comte aventurier. Mais l'auteur des Bijoux
veut pas écrire sur les Polynésiens eux-mêmes. Son texte est
bien un pamphlet contre la société de l'époque, d'autres diront une allégorie,
voire une utopie. Ce discours sur le discours, avec ses distorsions, permet
d'explorer la relation nécessaire entre l'homme et la nature.
indiscrets
ne
(29) Pour la petite histoire, ses peaux pourrirent dans Lyon assiégé par les contrerévolutionnaires et lui-même mourut en 1793 à l'île Bourbon, après un passage dans
la
garde nationale de Marseille.
(30) Le texte circule sous le manteau avant d'être publié en 1796 par l'abbé Bourdet
de Vauxelles.
Société des
Études
Océaniennes
�69
Après un portrait flatteur de Bougainville, le texte
essentiellement un dialogue entre A et B ou l'Aumônier et
de Diderot est
Orou. Denis le
philosophe renoue avec Platon et sa maïeutique faisant la preuve que les
propos de Bougainville servirent surtout à la philosophie. On peut lire
cependant un monologue, celui des adieux du vieillard (31) qui exhorte ses
compatriotes à comprendre que la Polynésie est désormais entrée dans
l'Histoire, brisant ainsi l'harmonie. Orou qui discute avec l'aumônier est
l'occasion pour Diderot d'exposer son athéisme qui se veut une morale sans
dieu et cela dans le cadre des mœurs. L'Européen apparaît, dans cet écrit,
comme le moteur et l'esclave de l'histoire. Sa situation est intenable puisque
soumise à trois ordres : le Naturel, le Religieux et le Social. La civilisation
critique est alors classique, la civilisation est une dénaturation qui conduit
à la perte d'identité. A la différence d'une utopie (ex : More), Diderot expose
tout cela sur un fond de sexualité puisque, à l'aumônier, est proposée la plus
jeune des femmes. Mais le Supplément n'est pas un livre libertin ou une
quelconque apologie de l'amour libre. A lire de près, nous sommes en
présence d'un eugénisme, ce qui revient en fait à l'utopie. Le sexe de notre
bon sauvage vise l'utile, et le nouveau venu n'est rien d'autre que la
possibilité spermaîique de renouveler la race ! Plus de lascivité, tout est
réglementé, \e Supplément n' a rien d'un retour à l'état de Nature (32), le «bon
sauvage» cède la place à un homme vivant selon les lois universelles de la
nature. Diderot évacue le «Principe de plaisir» que Freud confirmera comme
une menace pour la société. Le sous-titre du Supplément ne doit jamais être
oublié : «sur l'inconvénient d'attacher des idées morales à certaines actions
physiques qui n'en comportent pas». L'homme libéré des préjugés moraux
et religieux juge plutôt les choses selon le critère du bon et de l'utile. Ainsi
on peut lire dans ce texte une première critique du mythe tahitien dans son
primitivisme simpliste, générateur d'illusions : «Tu n'accuseras point les
mœurs d'Europe par celles de Tahiti, ni par conséquent les mœurs de Tahiti
par celles de ton pays.»
Nous voilà dans la modernité et l'incommunicabilité des cultures, la
condamnation des réformes, du mimétisme personnel, administratif. Per¬
sonne ne possède la clé du bohneur de l'autre. Le mythe tahitien est ce
miroir, rien qu'un tain dont nous parlions au début, certes pas un paradis,
même pas un paradigme. Pour Diderot, l'avenir des Polynésiens n'est pas
rose et lui, qui fut le héraut du siècle des lumières et la synthèse même de
l'homme de sentiment et de raison, le sait mieux que quiconque.
(31) Segalen reprendra ce personnage, c'est le "Haere Po" des Immémoriaux.
(32) L'abbé Vauxelles a dû déchanté, lui qui voulait éditer un ouvrage leste !
Société des
Études
Océaniennes
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grands découvreurs de la fin du XVIIIe, le mythe tahitien
prend la place du nouveau monde dans l'inconscient collectif européen (33).
Avec les
Pour situer les
choses, nous pourrions dire que Rousseau instaure son
(ontologie), que Bougainville apporte son existence (physique) et
Diderot déduit une distance (métaphysique) (34). Avec l'auteur du
Supplément, nous atteignons une «mythaphysique», personne ne sera plus
exempt de ce «cliché», qui est aussi tenace que les idées de la Révolution.
essence
que
Après Bougainville, les mutins du sloop Bounty, après Diderot et les
Révolution, le mythe polynésien devait connaître, au siècle
de Victor Hugo, un nouveau support, à savoir la littérature au sens large.
D'un exemple politique, comme le confirme Camille Desmoulin à la veille
réformes de la
de
son
exécution
(35), le mythe tahitien du «bon sauvage» devient un sujet
de création.
compte plus les auteurs qui utilisèrent un jour cette référence
(36). Certains le firent avec passion comme Joseph Joubert à la fin
du XVIIIe pour lequel Tahiti devient l'olympe et les navigateurs des demidieux. Pour lui, O'Tahiti nous envoie à son tour sa lumière de beauté et de
bonheur ; il s'endormait tourné vers elle ! Chateaubriand, dans Le Génie du
Christianisme en 1802, ratiocine sur les Tahitiens qui trouvent «le pain et
le lait suspendus aux branches des arbres», tandis que Victor Hugo, dans
Odes et ballades, réalise un fort poème sur «Les Filles d'OTahiti». Pour
illustrer ce travail de l'écriture, nous avons choisi un auteur de langue
anglaise et un Français, Melville et Loti.
On
ne
océane
Le choix d'Herman Melville est
exemplaire pour confirmer la relation
que peut avoir la Polynésie avec l'exotisme européen. Symbolique aussi du
rôle de l'écriture comme grande prêtresse. Melville passe par trois étapes :
fascination, remise en cause et dépassement par et pour l'écrit. En 1842, cet
(33) La date-charnière c'est 1750. Avec les instruments et matériaux nouveaux
(chronomètres de John Harrison, utilisation du chêne...), les navires vont atteindre
une perfection qui
ne sera plus dépassée jusqu'à la fin de la marine à voile, cent ans
plus tard.
(34) On pourrait ajouter une distance "fantastique" avec Rétif de la Bretonne déjà
cité.
sa femme : "O ma chère Lucie, j'étais
défendre les malheureux et pour constituer avec ta
(35) Il écrit à
né pour écrire des vers, pour
mère, mon père et quelques
selon notre cœur, un OTahiti".
(36) Pour citer : Stendhal, A. de Vigny, Byron, Baudelaire, Lecomte de Lisle...
personnes
Société des
Études
Océaniennes
�71
homme, engagé sur un baleinier, profite d'une escale dans l'île de Nuku
Hiva, aux Marquises, pour déserter. Il va passer un mois dans cet «eden
cannibale» dont il tirera
1846 et 1847 les ouvrages
Taipi et Omoo.
plus tard, il délaissera ses qualités d'ethnologue pour
glisser vers le fantastique. Cela se traduit par le remarquable roman Mardi
en 1848. Avec ces trois œuvres, nous passons d'un exotisme classique hanté
par Rousseau, à un exotisme fictif. Si la référence à Rousseau est inévitable
chez Melville, elle est rapidement dépassée, car l'auteur du Vagabond des
îles retranscrit l'ensemble dans une vision nouvelle et romanesque où l'audelà du réel apparaît. Ce marin, qui a lu Thoreau et Emerson, est prêt à
associer ces îles àLa Vallée du Bonheur, mais il constatera que la civilisation
a perverti le «bon sauvage» parce que les hommes sont pervers. Melville, qui
a été ces deux hommes, sait que nul ne peut retourner à la vallée des Taipi.
Chez cet auteur, le thème de la Nature continue son ouvrage. Cette nature
devenue objet de nostalgie, à la fois là et ailleurs, à la fois proche et
inaccessible, constitue désormais un pôle d'attraction pour l'Imaginaire. Le
mythe du «bon sauvage» apparaît lié au mythe classique de l'âge d'or.
L'Occident chrétien ne cesse de tisser Nature/Paradis/Bon Sauvage depuis
le début des temps. Les îles fortunées n'arrêtent pas d'alimenter ce mythe
du «bon sauvage» en référence avec l'idée de paradis terrestre. Lorsque les
Européens découvrent et contaminent l'Océanie, l'événement est aussi vécu
par l'imaginaire comme la fin de l'âge d'or. Ce n'est plus l'expulsion hors
du paradis, c'est la disparition définitive de l'eden. Tahiti confirme et
annonce à la fois la mort du Paradis. Toujours le paradoxe.
en
Comme Stevenson
passion, qui depuis le XVIe jette les hommes sur les mers à la
îles merveilleuses, témoigne du trouble de
l'Occidental qui, par la puissance de son désir, en vient à saccager l'objet
même de son désir (37). Machiavel nous donne une explication de ce
sentiment : «A la vérité, il n'y a point de plus sûre manière de jouir d'une
province que de la mettre en ruine.»
Cette
recherche de l'Eldorado, des
culpabilité qui suit les découvertes et
religieuse (38). L'errance de Melville atteste que
l'image du coupable est celle de la fuite en avant. Ainsi le mythe du bon
On retrouve chez Melville cette
dont la
source
est toute
(37) Ponce de Leon, conquistador espagnol, accoste en Floride en 1513 et s'y livre
aussitôt à un massacre historique.
(38) Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques : " Si l'Occident a produit des ethnogra¬
phes, c'est qu'un bien puissant remords devait le tourmenter."
Société des
Études
Océaniennes
�72
sauvage tahitien nous murmure qu'un ordre s'est défait sous la Révolution
et la conscience se heurte alors à sa
propre liberté, au vide. La Polynésie est
à la fois le
non-paradigme, pour une raison qui cherche un ordre stable de
l'univers, mais elle est aussi ce modèle de notre sentiment exotique, de
l'imaginaire et de l'irrationnel nécessaires. L'exotisme en général, et la
Polynésie, en particulier, ne sont pour Melville qu'un moyen lancé «au fond
de l'inconnu pour trouver du nouveau». Mieux, c'est Tailleurs
qui vient au
secours du moi. Avec Herman Melville, écrire est l'acte
exotique par
excellence, et Mallarmé avait raison : «Le monde est fait pour aboutir à un
beau livre.»
La triade de créateurs
français : Loti, Gauguin et Segalen, relance le
mythe polynésien dans cette période-charnière (1880 à 1920). De plus, au
travers de l'allégorie tahitienne, une profonde réflexion sur l'exotisme est
menée. Au XXe, la figure de l'autre se dessine mieux, sa libération devient
une
réalité.
Lorsque Julien Viaud en 1872 arrive à Tahiti, il aborde un rêve qui le
depuis son enfance. A cette époque, Viaud n'est personne, si ce n'est
un jeune officier de marine un
peu loufoque et qui tient un minutieux journal.
La Polynésie va lui apporter un nom
(39), la gloire, la confirmation de sa
vocation d'écrivain et la découverte des joies du corps. Ainsi, le
Mariage de
hante
Loti, paru en 1880, eut
un
immense succès. Ce marin écrivain renouvelle
l'écriture
exotique par un style simple, impressionniste et non plus hautain
comme chez Chateaubriand. Il sera considéré comme le
plus grand dans ce
genre au XIXe siècle. A tel point que Pierre Loti est encore trop souvent
présenté comme l'adepte d'un exotisme colonial de fin de siècle. Mais celui
qui a dit à propos de la France en Polynésie : «La civilisation y est trop venue
aussi, notre sotte civilisation coloniale, toutes nos conventions, toutes nos
habitudes, tous nos vices et la sauvage poésie s'en va, avec les coutumes et
les traditions...»
Ce militaire de carrière
peut être enfermé dans des catégories aussi
monde océanien, son fameux regard est d'une
grande lucidité et, même si le Mariage est bien une histoire d'amour
romancée, le décor où se déroule cette funeste idylle est décrit avec justesse.
simples (40). Devant
ne
ce
(39) La fraîcheur de son teint lui vaut le surnom de Roti (rose, laurier...) attribué par
les suivantes de la Reine. Viaud,
qui adore se déguiser, en fera Loti.
(40) Il aura d'ailleurs souvent des ennuis avec les autorités militaires pour ses prises
de position favorables à l'autre
(Tonkin...).
Société des
Études
Océaniennes
�73
perçoit aussitôt l'agonie du peuple maohi dont la Reine Pomare
symbolise les dernières forces. Dire la mort qui précisément n'est pas un
concept est un des tours de force de l'écriture lotienne aux quatre coins de
Tailleurs. En Polynésie, Viaud sent, palpe cette forte présence du létal, c'est
pourquoi le Mariage n'est pas une bleuette ordinaire : «C'était toujours ce
silence des biens de Polynésie, sombre pays enchanté, auquel il semble qu'il
manque la vie» (41).
Cet homme
moribond qui dansa ses dernières forces, Loti avoue son
impossibilité de le connaître : «Il ne nous est pas possible, à nous qui sommes
nés sur l'autre face du monde, de juger ou seulement de comprendre ces
L'autre,
ce
incomplètes, si différentes des nôtres, chez qui le fond demeure
mystérieux et sauvage et où Ton trouve pourtant, à certaines heures, tant de
charme, d'amour et d'exquise sensibilité.»
natures
Au lieu de le réanimer,
de le secouer, il ne peut que constater cette mort,
passage dont l'approche chez Loti est toute physique et permanente.
Alors cet homme écrit une histoire crépusculaire, un chant d'adieu. Son
ce
écriture est bien cette
plus délicate machine à sensation que l'on puisse
imaginer. Pierre Loti c'est l'application de l'impressionnisme en littérature,
main emplumée, aucun intermédiaire intellectuel. L'instant
dans
précipité
le mot. Loti, qui détestait revenir sur les termes, invente
une écriture automatique qui piège le perçu. Il écrit plus vite que son ombre,
celle fuyante qu'il poursuit. C'est ce subjectivisme, souvent reproché, qui
justement, dans le cas de ces îles, lui permet d'appréhender quelque chose
de l'âme polynésienne. Son écriture, faite de mots simples, de phrases
courtes, de points de suspension nombreux comme le souffle léger des
Tropiques, cette phrase alanguie et épuisée ont permis à cet écrivain de fixer
mieux qu'on le dit, l'être même de ces peuples enlisés dans le silence et la
mort, dont Gauguin nous fera plus tard le portrait.
de
son
œil à
sa
est
Très conscient de
son
travail d'écrivain, de la demande du public,
Pierre Loti reconnaîtra clairement
qu'il est le principal personnage de ses
s'impose, que
définitivement
tous les sables du monde, Pierre Loti renouvelle et démocratise l'écriture de
Tailleurs. Lui, qui appréciait tant l'amitié des reines et des rois, ne propose
plus un verbe au détachement aristocratique, mais suggère une sorte
livres. Au tournant du siècle, quand la machine à vapeur
l'homme (mais non en masse comme aujourd'hui) piétine
(41) Le critique de l'époque, Jules Lemaître, disait : "Une langueur mortelle s'exhale
de chaque page du Mariage... ".
Société des
Études
Océaniennes
�74
d'intimité sentimentale, que
des générations laborieuses et non encore
pérégrines vont goûter «jusqu'à l'ivresse, jusqu'au délire, jusqu'à la stu¬
peur», nous précise Alphonse Daudet.
profond de Loti c'est le nez. Ce fameux appendice, sujet de
moqueries, permettra à notre auteur d'avoir le génie du lieu. En
trois mots, il sait rendre compte de l'essence d'un espace. Autrement dit, si
nous sommes bien dans une recherche narcissique, le paysage et l'autre nous
sont offerts aussi. Pierre Loti est ce premier grand reporter sentimental et
désenchanté qui, à l'instant où il recherche désespérément son être, n'en est
pas moins capable de nous révéler l'être du monde alentour. Le Mariage est
rédigé dans cette spontanéité qui tient donc du geste pictural, mais égale¬
ment cinématographique. Bien des scènes de cet amour sauvage sont du
Gauguin avant la palette, tandis que le découpage de ce livre tient du
Le
sens
toutes les
scénario.
Enfin, le Mariage de Loti est encore une histoire d'amour entre un
Occidental et la Nature : celle belle et mystérieuse de la Polynésie, où l'être,
trop policé, espère retrouver l'unité panique de l'Age d'Or. Ce
spectacle
grandiose nous intrigue, nous agace l'esprit, quelque chose nous parle que
portent toujours le silence signifiant et le vide infini du ciel et de la mer : «Il
y a dans le charme tahitien beaucoup de cette tristesse étrange qui pèse sur
toutes ces îles d'Océanie... On s'épuise à rechercher, à saisir, à exprimer...
effort inutile. Ce quelque chose s'échappe et reste incompris.»
Voyager ou écrire, c'est partir à la recherche de cet Etre pudique, une
quête douloureuse chez Loti, car le Même et l'Autre ne laissent que peu
d'empreintes sur la pâte à modeler des mots. Avec Pierre Loti dans une
esthétique des Ruines et de la Cendre, sur le mode du décousu, à fleur de
peau, le voyage dans l'écriture offre comme une possibilité de transfigurer
la douleur, comme la sublime occasion de «par' être» : «Toute ma vie a passé
à cela : souffrir de partir et cependant l'avoir voulu.» Ce grand voyageur
masqué ajoutait : «Mon mal, j'enchante.»
Lorsqu'en 1891 Paul Gauguin arrive à Tahiti, ce n'est plus un jeune
ce n'est pas encore un des peintres majeurs de la modernité.
Visiblement, cet homme, jusqu'à 43 ans, n'avait pas trouvé son arbre.
Pourtant ce marin aguerri connaissait Tailleurs multiple : Pérou, Martini¬
que, Panama... Dans le choix décisif de la Polynésie, le Mariage deLoti]o\i2i
son rôle (42). A la lecture de l'académicien et du guide officier de l'expohomme et
(42) Bengt Danielsson : Gauguin à Tahiti Editions du Pacifique, p. 30.
Société des
Études
Océaniennes
�75
sition coloniale de
1889, Gauguin croit enfin avoir trouvé le lieu idéal où
: la peinture et l'argent. Voici donc, selon les
libres, une île «primitive et sauvage» comme lui et son esthétique où «la vie
matérielle peut se passer d'argent», claironne-t-il.
satisfaire
ses
deux obsessions
Bien sûr,
Gauguin se laisse, comme tout un chacun, abuser par le mythe
polynésien déjà séculaire : mythe du «bon sauvage» et du «Paradis perdu»
qu'en disciple de Rousseau il affectionne et dans lequel il va se glisser avec
aisance pour aujourd'hui se confondre avec lui. Après avoir échappé à la
plupart de ses contemporains, il se joue actuellement encore de notre
imaginaire et de notre savoir, dissimulé par un discours mythique. Toujours
est-il, que si la vie était, en effet, déjà onéreuse dans ce territoire, si
l'Occident y avait de fait concentré les plus mesquins de ses fils et ses idées
les plus basses ; Paul Gauguin va pouvoir, en ce point perdu, épanouir son
art, réaliser sa forte sexualité, en un mot, accomplir son être.
Polynésie permet également à Gauguin de s'affirmer comme un
découvrons actuellement,
non sans quelques surprises, que ce grand peintre savait aussi écrire. Par les
sujets qu'il aborde en cette fin de siècle (antimilitarisme, anticolonialisme,
opposition au christianisme, libération de la femme et des mœurs...), par son
style sans style, il fait preuve d'une grande modernité.
La
écrivain. Au-delà du célèbre texte Noa-Noa, nous
Chaque fois que ce peintre ne peut plus étaler des couleurs (elles furent
: ennuis de santé, problèmes matériels, mesquineries...), il
prend sa plume et répand sa haine du monde occidental. Alors que ses
tableaux nous dévoilent une âme polynésienne toute en sérénité, immobi¬
lisme, lenteur, pavane chromatique, inquiétude muette ; ses écrits nous
jettent à la face son être à lui, de provocateur, de révolté, de mystique raté,
de volonté furieuse irradiée d'angoisses abyssales. Gauguin est de ces
hommes que l'on ne peut pas faire taire. Il est bien ce Don Quichotte
moderne qui pourfend sans relâche le vieux monde déclinant des collines de
Montparnasse à celles de Tahiti. Mais dans l'instant où il détruit une maison
vide d'être, au moment où il découvre cet autre qu'il respecte, il s'assume
dans son essence. Dans une lettre à Emile Bernard, il nous confirme ce
programme, mieux, cette espérance : «Ce que je désire c'est un coin de moinombreuses
même
encore
inconnu.»
Gauguin, Tailleurs rejoint l'ici, le «primitif de Tahiti»
rattrape le «sauvage du Pérou». Pour ce faire, il aura fallu répudier un
«Occident pourri» et retrouver la spontanéité d'un enfant devant la nature
Pour Paul
Société des
Études
Océaniennes
�76
vierge. La Polynésie, avec sa lumière, sa magnificence, sa mythologie et sa
féminité, fit dire à Gauguin : «Quelle merveille ! mon cerveau en claque...»
En
1903, au hasard d'une affectation en Océanie, le jeune médecin de
Navale, Victor Segalen, va garder toute sa vie comme un coup de soleil au
cœur. Ce carabin, qui s'offre une typhoïde dès l'escale de San Francisco, ne
verra jamais Gauguin vivant, alors qu'il était prévenu de son importance.
Arrivé en janvier à Tahiti, il repart aux Tuamotu sinistrées par un cyclone,
puis en Nouvelle-Calédonie. Plus il veut se rapprocher et plus on l'éloigné
de son «maître en exotisme» qui, pendant ce temps s'éteint aux Marquises.
Le 4 août 1903, il est enfin à Nuku-Hiva, penché tel un frère attentionné sur
les reliques du peintre : «J'ai pérégriné pieusement vers l'atelier de Gau¬
guin» ou «il me plaît de dépouiller pieusement ses manuscrits».
De
fait, aux Marquises, Ségalen découvre d'abord et surtout un Gau¬
guin écrivain, comme en attestent les nombreux extraits cités dans son
journal. Son témoignage Gauguin dans son dernier décor, pour simple,
émouvant et lucide
qu'il soit, participe de même au mythe du peintre
dit Segalen, et un monstre c'est
qui «nous montre» le chemin à
sauvage. «Gauguin fut un monstre», nous
celui que «l'on montre», mieux ici, celui
suivre.
De retour à Brest, Victor Segalen va rédiger la plupart des Immémoriaux,
qui
se veulent la partie écrite des tableaux de Gauguin : «d'écrire les gens
tahitiens d'une façon adéquate à celle dont Gauguin les vit pour les peindre:
en
eux-mêmes et du dedans
tion
vers
lui que cette
en
dehors. Et
ce
n'est pas ma
illumination de toute
une race
moindre admira¬
répandue dans son
œuvre».
En
1903, Victor Segalen est un jeune homme de 25 ans, médecin de
Navale, plein de promesses, passionné de littérature, avec certes quelques
relations parisiennes, mais il n'est pas encore un écrivain. La Polynésie, sans
être aussi généreuse qu'avec Loti, va tout d'abord éveiller ce moi à la
sensualité et, dans l'instant où cet être se comprend, il sent la présence
féconde de l'Autre.
au
fond de soi
:
Déjà ce voyage au loin n'est rien de plus qu'un périple
«Je t'ai dit avoir été heureux sous les Tropiques. C'est
violemment vrai. Pendant deux
eu
des réveils à
Comme
Polynésie, j'ai mal dormi de joie. J'ai
pleurer d'ivresse du jour qui montait.»
son
illustre
ans en
prédécesseur, après ce premier instant de sensua¬
lisme
béat, Tahiti lui offre la triste vision d'un peuple glissant vers la mort:
«Tout sérum est globulicide pour les hématies des autres espèces. Ainsi
Société des
Études
Océaniennes
�77
toute
civilisation
(et la religion en est une forte quintessence) est meurtrière
pour les autres races. Le Jésus sémite transformé par les Latins qui naviguent
sur la mer intérieure fut mortel aux Atua maori et à leurs sectateurs.»
(43)
Mais l'ivresse est à
jamais entrée en lui. Puisant aux sources de la
volonté, elle le prédispose à l'art. En Polynésie, Victor
découvrant fait pour la joie, se découvre un destin de créateur.
sexualité et de la
Segalen,
se
Cependant, il ne sera pas n'importe quel écrivain. Son attitude aristo¬
cratique, sa prestance d'esprit le poussent d'emblée à récuser l'exotisme
d'un
Loti, Claudel et même de Farrère son ami. Son désir se porte sur un
au IIe degré, ce qu'il appelle une «Esthétique du Divers». L'Essai
exotisme
sur
ce
l'Exotisme
se
veut
un nouveau
discours
sur
la méthode de l'Ailleurs. A
titre, le vocabulaire employé est significatif : «contre-pied, contreune véritable révolution copernicienne d'un exotisme fin de
épreuve»,
siècle entaché de colonialisme. Ce
regard différent, qui se cristallise d'une
Segalen, était déjà dans l'air du temps comme le
confirme Saint-Pol Roux : «J'ai une foi géante, absolue en votre destinée.
Il vous sied d'ériger une sorte d'Homère ingénue et tragique avec votre
Maori. Loti a conté le charme évidemment superficiel, peut-être même faux
de là-bas, à vous de nous en apporter l'épopée, la légendaire et philosophi¬
que vérité, l'âme simple et monstrueuse, le bêlement rugi : les derniers jours
du Jardin !... Un faible peut hésiter, vous non pas !» et comme ne cesseront
de le redire la modernité et ses critiques exotes tels que Bouillier ou Kenneth
White (44).
manière consciente chez
Donc, Victor Segalen a le projet de «faire tout simplement» une œuvre
qui exprimera ce que le Maori ressent face à l'étranger et son monde et qui
ne sera
plus une vision réductionniste du voyageur à l'autre. «Faire simple¬
ment», voilà qui prouve la noble volonté de Segalen pour réaliser un
programme séduisant mais qui paraît difficile, voire impossible, pour
certains, dont Loti justement et toute une anthropologie moderne.
Dans cet exotisme renversé,
a
le subjectivisme reste nécessaire. Segalen
compris qu'il faut «être» et non pas «disparaître» pour accueillir l'autre ou
être investi par lui. Sa grande modernité est là, avec Hôlderlin,
pour
(43) Essai sur l'exotisme, Fata Morgana.
(44) Henri Bouillier, Victor Segalen, Mercure de France, 1986. - Kenneth White,
Segalen. Théorie et pratique du voyage, Alfred Eibel éditeur, 1979. - Et cette pensée
est tellement au cœur de l'ethnologie moderne qu'il faut ajouter : Francis Affergan,
Exotisme etAltérité, PUF, 1987. - Tzvetan Todorov,7Vous et les Autres, Seuil, 1989.
Société des
Études
Océaniennes
�78
Heidegger, Levinas, dans le refus d'un moi mourant sous prétexte de saisir
l'Autre. La reconnaissance d'Autrui passe par un je «ramassé dans son
ipséité de je» (45), autrement dit par l'éloge de l'égoïsme.
De plus, dire cet autre exige une écriture, une forme appropriée, de la
même manière que Gauguin proposait des tonalités nouvelles pour dépein¬
dre l'être polynésien. C'est pourquoi nous dit H. Bouillier : «On comprend,
dans ces conditions, que les Immémoriaux aient surpris autant que les vahine
de
Gauguin.»
Segalen, nous sommes loin en effet des Souvenirs de voyages,
parole vouée à mourir dans «l'universel reportage» (Loti est ici
directement visé), nous ne sommes pas si éloignés d'une recherche ontolo¬
gique inquiète. Pour ce marin, la Chine, après et mieux que la Polynésie, sera
la prochaine étape au bout de son moi. Par ce biais, qui n'est autre qu'un
centre, Segalen rejoint d'après nous et malgré lui l'univers de Loti et de toute
écriture vraie. C'est donc la finalité qu'il faut mettre en avant et non point
les modalités sur lesquelles, en fait, Loti et Segalen s'opposent avec
Si,
avec
d'une
constance.
règne de l'image, quand on regarde les jeux complexes de
depuis Homère, on a l'impression qu'avec
Segalen, la boucle est bouclée. En effet, après le refus brutal de l'autre,
l'amour d'un autrui mystérieux, nous voici maintenant en ses lieu et place.
Du plus grand éloignement nous sommes arrivés, enfin, à sa plus précise in¬
timité, après avoir connu en littérature et en politique toutes les inter¬
relations possibles. Du regard qui tue, en passant par celui qui aime sans
espoir, nous voici rendus à être celui qui nous regarde. Nous pourrions avec
les modernes (46) après Flaubert, Chateaubriand, Segalen... parler de la
dernière tentation, «coquetterie» d'un moi occidental, qui, en fait, avant tout
et toujours, n'a fait que se chercher et pour cela à utiliser l'autre à tous les
Avant le
l'écriture et de l'exotisme
modes. Toutes
ces
non-reconnaissances
ou
reconnaissances affectives
ou
cérébrales confirment, semble-t-il, une glaciale réalité : le désir désespéré
d'un moi qui, malgré (ou à cause de sa !) toute sa puissance technique, sa soif
si incertaine, d'un vécu si douloureux et d'un
manque d'être si patent qu'inlassablement il est à lui-même son propre
d'avoir, est d'une
essence
projet.
(45 Levinas, Totalité et infini, 1971.
(46) Comme Le Clezio qui, en 1989, a découvert la Polynésie. Il dit dans Le Rêve
mexicain (Gallimard) "essayer de se déchiffrer dans le déplacement".
Société des
Études Océaniennes
�79
publiés à compte d'auteur en 1907 et signés Max
Aleny, n'apportent pas à l'auteur le succès. Segalen se contente de l'estime
de certains, comme Gauguin d'ailleurs. Pierre Loti, parmi les premiers, lui
apporte son affection. Dans cette «lettre chaleureuse», on peut lire la preuve
que Loti, loin de réfuter l'exotisme de Segalen, a perçu l'importance du
fond. A l'évidence, la Polynésie n'accorde à Segalen ni un nom dans
l'écriture, ni la gloire, mais l'important n'est pas là. Le médecin de Navale,
après les Immémoriaux, constat tragique d'une joie perdue, voulait parache¬
Les Immémoriaux,
ver son œuvre
polynésienne par le Maître du Jouir. Dans cet écrit ébauché,
il souhaitait, au travers du personnage «Gauguin» soi-même, faire renaître
le bonheur ancien, ressusciter les dieux oubliés, créer une sorte de «dynamythe» maohi.
Depuis 50 ans, c'est l'image qui a pris le relais de l'écrit pour propager
mythe polynésien. Photographies, films, spots publicitaires (publi-cythère ?) n'ont cessé d'entretenir ces îles du Pacifique Sud sur les plus hautes
marches de notre imaginaire. Mais il s'agit d'un Tahiti vide de toute chair,
une structure tissée de préjugés et du désir occidental. A ce point l'image
n'apporte aucun mieux. La Polynésie dans ce qu'elle est, reste occultée par
ce qu'on veut qu'elle soit. Le tragique est là dans cet écart : on ne cesse de
voir Tahiti mais c'est un Tahiti abstrait, sans savoir, sans corps. L'imaginaire
fonctionne à la place du réel qui devient ainsi étranger à toute connaissance
et reconnaissance. Nous parlerons d'un solli/sisme exotique.
le
Avec l'empire
res
de l'image, la sédimentation du mythe dans nos structu¬
globale et affective.
mentales est devenue radicale,
point de se confirmer comme un archétype de l'imaginaire
européen... ont véhiculé cette vision au-delà du cercle européen. Surtout la
publicité quand elle veut susciter le sentiment d'évasion, d'ailleurs, de liberté
voire de pureté écologique, ette utilise l'île, le lagon, le soleil tropical, le
sable blanc et quelques nymphes. Ceux-ci ne sont pas forcément polyné¬
siens d'ailleurs (Seychelles, Maldives, Martinique...) mais les neurones oc¬
cidentaux ont d'abord le réflexe de dire : Tahiti. La dernière publicité en date
est celle d'un savon liquide tout simplement nommé Tahiti. Pas un person¬
Radicale
au
Enfin si l'affectivité est déjà inscrite
nage, pas un paysage n'est polynésien.
dans l'illusion tahitienne avec l'audio-visuel
ment dit le
mythe polynésien qui
elle devient première. Autre¬
n'avait déjà rien de "raisonnable" avec
moins. La raison s'efface et nos îles n'agissent plus que
sur le sensible, l'immédiat et l'évanescent. Dans le même instant où l'image
assure un vaste public au mythe, elle le fragilise, le réduit au furtif, le
l'image l'est
encore
Société des
Études
Océaniennes
�80
condamne au répétitif car faute de rationalité qui l'instaure en sentiment,
l'image fait du mythe une émotion. On comprend alors pourquoi nos
publicitaires doivent acheter des flashes fréquents dans les médias du monde
entier : pour maintenir l'émotion.
Mais l'émotion est un choc qui épuise, il est préférable de lui substituer
le sentiment le plus durable. Nous pourrions émettre l'hypothèse suivante :
si à présent le mythe tahitien se délite c'est parce qu'il s'appuie trop sur la
seule image et non plus l'écrit comme avant. Ainsi pour relancer le désir
faudrait-il revaloriser l'écriture sous toutes ses formes (bourses, création
d'un prix du roman océanien, de l'essai...) et promouvoir des
images plus
élaborées (films de qualité, reportages sérieux...). Loti, Melville, Segalen et
Brando dans les Révoltés de la Bounty ont plus fait pour le tourisme
polynésien, semble-t-il, que toutes les campagnes de publicités modernes.
A côté de cette image régnante, on retrouve un
"espace littéraire"
étonnant mais essoufflé. En plus des trois auteurs susnommpés, se croisent
en Polynésie Stevenson, London, Somerset
Maugham, Simenon, Reverzy,
Gary Chadourne... Le dernier créateur est Brel (47).
Alors que Pierre Loti se prosterne immobile et douloureux sur les
cendres d'un être au monde polynésien, Victor Segalen souffle avec vivacité
sur les derniers tisons du feu,
pour faire s'illuminer à nouveau la vie
exubérante sur les îles du Grand Océan. La Polynésie affleure tout entière,
avec pudeur, sous les pluies de Loti et Segalen,
sous le pinceau de Gauguin.
Ce ne sont pas les navigateurs et autres conquistadors qui découvrent les
terres et les hommes de Tailleurs, c'est l'artiste et lui seul qui rend visible,
qui
invente, invite un jour la vraie figure de l'autre. Tahiti est le symbole d'un
désir
sans cesse
renaissant.
Ainsi le
mythe tahitien connut, avec Loti et Gauguin, une sorte d'apo¬
gée, il était même le paradis des créateurs. Baptisé par Bougainville le 6 avril
1768, nous l'avons pisté au travers de toutes sortes d'écrits jusqu'aux
prémices de notre siècle, le XXè siècle, que nous pouvons juger à présent, à
été profondément exocide. La technique, les moyens de communication
développés, ont mis Tailleurs dans tous les salons ; les tropiques sont
(47) Notamment Oasis avec Carlos, Tahiti Douche, agences de voyage... Dans ce
cadre, il ne faut pas oublier la photographie. Puisque nous venons de parler de Loti,
il faut savoir que son frère Gustave Viaud
(qui hante littéralement Le Mariage) est
considéré comme l'un des premiers photographes de Tahiti dans
laquelle il séjour¬
nera
de 1859 à 1862
comme
chirurgien de la Navale. Enfin de quoi
d'utopiste.
Société des
Études
Océaniennes
se
faire taxer
�81
devenus tristes et l'univers stellaire, le nouvel
objet de notre désir. Cepen¬
dant, de tous ces rêves qui s'évanouissent, le «bon sauvage» polynésien reste
le plus solide. Autrement dit ce mythe au XXè siècle finissant fonctionne
encore comme un des
principaux archétypes de l'imaginaire occidental.
Cette pérennité, il la doit peut-être à sa capacité d'utiliser toujours le
meilleur véhicule du moment. Après l'écrit, le mythe tahitien sut utiliser
l'image, presque dès le début du cinéma, puis celle de la télévision, riche de
reportages et de publicités (48).
Régulièrement depuis les années 30 et le Tabou de Murnau, le territoire
polynésien est balayé par des caméras. Il est à noter que, dans l'ensemble,
cette production reste de qualité médiocre, cela confirme que le mythe
polynésien résiste même à de mauvaises images. Si les Bounty de 1935 et de
1960 (49) sont visibles, celle de 1984 l'est moins et l'horreur est atteinte en
1958, 1978 et 1983 avec Houla Houla, Hurricane, et Le Bourreau des
Cœurs qui fut également celui de la pellicule (50).
La
monde
son utilisation, le fait d'être venu au
les contreforts de la Révolution favorisent une réflexion sur
genèse du mythe tahitien,
sur
l'Histoire. Mais
si l'on
ne
parvenue
l'analyse de ce devenir n'a d'intérêt que politique. Même
comprend pas tout, on sent bien que la Polynésie française est
à la croisée des chemins.
Résumons-nous
:
le bicentenaire de la Révolution c'est aussi celui du
—
mythe tahitien
qui fait partie intégrante de la nouvelle pensée du XVIIIe.
mythe tahitien va devenir le symbole même du mythe du "bon
sauvage" qui, plus qu'un rêve, est l'écart théorique permettant de penser les
méfaits de la société monarchique.
le
—
(48) A la lecture des écrivains du XIXe et de ceux du XXe dont le sujet est l'Océanie,
il est surprenant de constater à propos de "ce paradis" que le thème récurent de tous
ces ouvrages est la "mort".
(49) 1935, de Lloyd avec Clark Gable. -1960, de Milestone avec Marlon Brando,
Tarita. -1984, de Donaldson, avec Mel Gibson.
(50) Houla Houla de Darene avec Fernand Reynaud. -Hurricane de Troell avec Mia
Farrow.
-
Le bourreau des
cœurs
de Gion avec Aldo Maccione.
-
Mais aussi : Le
passager clandestin de Habib avec Martine Carol en 1957. - Tendre Voyou en
de Becker avec Jean-Paul Belmondo. Ces films sont cités à titre indicatif,
1966
mais
beaucoup d'autres de toutes sortes ont été tournés. Une filmographie générale de la
Polynési serait aujourd'hui la bienvenue.
Société des
Études
Océaniennes
�82
image idyllique s'installe fortement dans l'inconscient occi¬
un rôle, les Tahitiens n'auront pas d'autre
identité que celle du «bon sauvage». Par cette perversion des esprits mêmes
et au-delà de l'aliénation politique et économique, le mythe tahitien apparaît
—
cette
dental et océanien. Condamnés à
comme
la forme achevée du colonialisme occidental.
chaotique de l'Europe (Révolution - Empire République), la Polynésie oppose une immobilité chronique
puisque mythique. Seule l'Europe charge et pas le miroir sur lesquel elle se
réfléchit. La statique de l'autre est non seulement pensée mais voulue et
—
à
une
Restauration
histoire
-
maintenue.
la «Révolution est finie» selon l'historien français Furet,
mythe de Tahiti, lui, persiste mais ne signe plus aucune révolte, plus
aucune réflexion politique. Il est devenu un rêve, une simple habitude mais
qui n'illusionne presque plus personne. Pourquoi ne pas l'utiliser à nouveau,
mais, cette fois-ci, pour penser la société capitaliste et ses échecs ?
Le mythe tahitien est le fruit d'un complot général et souvent incons¬
cient des hommes du XVIIIe siècle (navigateur, philosophe, scientifique...)
La découverte des îles du Pacifique Sud invite le Tahitien à rentrer dans la
géographie mais non point dans l'Histoire, c'est-à-dire dans l'évolution
possible. Enfermé dans un «adorable» mythe, le voici obligé de jouer depuis
200 ans le rôle du Naturel, nécessaire à nos fantasmes ludiques et à nos
théories politiques.
—
alors que
le
A
présent, cette image
vitesse dans les deux
commence à se déchirer mais pas à la même
Il est heureux que ce soit dans l'esprit
cerveaux.
polynésien que l'évacuation soit la plus forte, il en va de sa propre survie.
Aujourd'hui la raison occidentale (créatrice du mythe) ne croit plus que par
paresse au bon sauvage tahitien : paresse ludique avec le Club Méditerra¬
née, facilité politique afin de maintenir sa place dans le Pacifique Sud. Le
destin de ces îles est étrange, nées pour et par la Révolution française, les
idées de ladite Révolution viennent à peine d'arriver dans ces archipels. La
Polynésie est toujours à contretemps. Dans l'instant où l'on coupait la tête
de la monarchie en Europe, les Occidentaux fondaient la dynastie des
Pomare. Au moment où le monde s'ouvre et où les idées se propagent, la Po¬
lynésie s'enferme. A l'insularité géographique s'ajoute l'insularité de la
pensée, c'est-à-dire la mort (51).
(51) C'est pourquoi les créateurs ne cessent de parler de cette mort, celle du peuple
maohi, celle de la culture occidentale diluée dans
Société des
Études
ces
îles, celle de la nature...
Océaniennes
�83
Mais le 23 octobre 1987, les Tahitiens sont entrés dans l'Histoire
(52).
Par la porte de la violence certes, ils ont crié
qu'ils étaient des hommes
comme les autres, avec leurs génies et leurs faiblesses. Descendus dans les
mes de
Papeete, leur Bastille ne fut que le saccage des temples de la consom¬
mation... De fait, revenir dans l'historicité ne suffit pas, faut-il encore savoir
quelle histoire
Les
on va
vivre.
Polynésiens sont face aujourd'hui à un nouveau complot
: on leur
propose un autre habit de scène, celui du bon consommateur, et ils sont sur
le point de l'endosser pour les 200 ans à venir ! L'océan de l'histoire est
parsemé d'amers, mais ce n'est pas une raison pour retomber dans l'amer¬
tume et c'est bien ce qui va arriver, si les Polynésiens,
après s'être débarras¬
sés du vims mythique, sont assez aveugles pour enfourcher l'idéologie de
l'avoir.
La situation polynésienne est actuellement comparable à celle des pays
de
l'Est, à la différence
(Pologne, Hongrie, URSS...) ont
leur perestroïka. L'écueil est le
même: abandonnant enfin le mythe communiste, ils s'engouffrent dans la
société de type capitaliste dont la crise est patente ailleurs. Sortis d'une
aliénation, ils sont sur le point de tomber dans un autre mirage, par
précipitation. A sa manière et à sa mesure, la Polynésie est dans la même
problématique et c'était précisément celle de la Révolution Française : être
capable de créer ses propres valeurs (53). Aujourd'hui dans ce Territoire
nous sommes plus proches que jamais des idées de la Révolution, il nous
faudra beaucoup de travail, de patience et d'imagination. Dans l'ensemble
les soi-disant valeurs polynésiennes, que certains proposent aujourd'hui de
réinvestir, ne sont que des pratiques locales revues et corrigées par un judéochristianisme marchand. Le chemin politique à parcourir ressemble à cet
réellement
et
que ces pays
consciemment entrepris
(52) Alors que le très hégélien Fukuyama annonce la "fin de l'Histoire", car après la
chute du communisme la thèse libérale n'a plus d'antithèse opposable (voir l'article
retentissant dans la revue Commentaire, n° 47, Julliard). La Polynésie, toujours une
Révolution de retard ?.
(53) "Changer la vie", disait-on en mai 1968. Pour cela, il semble nécessaire de
remplacer la classe politique actuelle, trop compromise dans l'avoir, et de repenser
le rôle du religieux dans la société polynésienne. Une "révolution" également dans
l'acte de foi qui ne doit plus être source d'ignorance, de réalisations ostentatoires et
finalement de paralysie d'un système aux tendances déjà immobilistes. Une moralisation générale du politique, de l'économique et du religieux pour une société
miniature où honnêteté et générosité domineraient.
Société des
Études
Océaniennes
�84
étroit sentier
qui domine nos crêtes. D'un côté, l'attirance pour une culture
la fascination pour le monde du paraître et des objets.
morte; de l'autre,
Dans les deux cas,
la vie n'y trouve pas son compte. Puisque
la
revient à son point
d'origine, cette fin de siècle est tout à fait révolutionnaire dans tous les sens
du terme. Nous voici à nouveau devant la question fondamentale : comment
vivre ensemble et bien ? Reste à savoir si la Polynésie sera capable
d'apporter une réponse originale et adaptée au monde insulaire, si notre
territoire aura le courage de changer les mentalités sans tuer les hommes. La
Révolution française dans les îles du Pacifique Sud Français n'est pas
révolution c'est aussi le mouvement par
lequel
on
terminée...
Philippe DRAPERI
Octobre 1989
Société des
Études
Océaniennes
�85
PROJET PRELIMINAIRE
POUR LA RESTAURATION DU
MARAE TETUAHITIAA DE PAPENO'O
Le
Tetuahitiaa situé à
Papeno'o, côté mer, face à la mairie, sur
l'Eglise catholique, faisait partie d'un vaste ensem¬
disparu. Ce monument, qui occupe une superficie
d'environ 1.100 m2, a fait l'objet de recherches archéologiques dirigées par
C. Orliac (UA 275 du CNRS) en 1984-85-86 et 87; malheureusement
l'édifice fut en grande partie détruit en 1989 par le passage de bulldozers lors
de travaux de remblaiement. Il fut pourtant possible en juin-juillet 1991,
avec l'aide du C.N.R.S., du Département d'Archéologie et l'autorisation de
l'Eglise catholique, de reprendre les travaux archéologiques et de retrouver
les soubassements du monument et des structures qui l'accompagnaient.
marae
terrain appartenant à
ble cultuel aujourd'hui
un
Tetuahitiaa, tel qu'il se présente dans sa phase finale datée
du début du XIXe siècle, se compose d'une vaste cour pavée (12,50 m et 15
m de large sur 30 m de long), délimitée par un mur vraisemblablement peu
Le
marae
0,60 m. Sur le ahu, constitué par un coffrage de corail, se
pierres dressées dont la plus impressionnante mesure plus de
1,50 m de haut. Dans un angle de la cour, un ensemble de 5 pierres dressées,
dont une sertie dans un alignement de corail, associé à d'autres pierres
dressées et une pierre dossier, fait de cet édifice un ensemble architectural
original et imposant. Au sud, une plate-forme de pierre peu élevée surmon¬
tée de trois pierres dressées, accotée à une seconde plate-forme en partie
pavée, complète ce remarquable monument. Un petit fare sur plan rectan¬
gulaire se dresse non loin de ces deux plates-formes (fig. 1).
élevé d'environ
trouvent trois
La restauration du marae
données recueillies lors de
ces
Tetuahitiaa permettrait, sur la base des
5 campagnes
de fouilles, de
conserver
l'image de ce qui est sans doute le dernier et le seul marae de la côte est de
Tahiti. Situé à l'embouchure de la vallée de la Papeno'o, ce monument
Société des
Études
Océaniennes
�Fig.1
Projet de restauration du marae Tetuahitiaa de Papeno'o
Société des
Études
Océaniennes
�87
constitue
excellent
préambule aux richesses archéologiques de la plus
grande vallée de l'île dont la mise en valeur a déjà nécessité la restauration
de plusieurs édifices semblables. Dans le cadre du musée de Papeno'o, les
travaux archéologiques effectués sur le marae Tetuahitiaa en collaboration
avec les élèves du Centre de Jeunes Adolescents (CJA) seront présentés au
public ainsi que plusieurs objets parmi les plus représentatifs (séries de poids
de pêche et de pilons notamment). Les habitants de la commune de Papeno 'o
ont suivi avec intérêt les recherches effectuées durant les campagnes de
fouilles; la restauration du site pourrait être conçue avec la participation de
tous ceux (jeunes du CJA, habitants de Papeno'o employés par le départe ¬
ment d'Archéologie) qui ont participé aux travaux; parmi eux, M. R.T.
Graffe, du département d'Archéologie, a activement collaboré aux recher¬
ches et connaît parfaitement les problèmes que pose la restauration de cet
un
édifice.
Afin de faciliter les travaux de restauration, un dossier
complet
comprenant notamment les formes et les dimensions des principales unités
architecturales, celles des pierres dressées, de soubassement et de parement
et des plates-formes, est en cours d'élaboration. Il faudrait
envisager
également
de planter aux abords du monument (soit une vingtaine
de mètres au nord, au sud et à l'est du marae) certains arbres et végétaux
connus dans la tradition pour leur valeur sacrée.
des
murs
dernier rescapé d'un ensemble mo¬
imposant qui s'étendait jusqu'à la pointe de Papeno'o, puisse à
nouveau surgir de terre pour rappeler aux jeunes Tahitiens d'aujourd'hui la
Il est à souhaiter que ce monument,
numental
grandeur du passé polynésien.
C. ORLIAC
au
Chargé de recherche
Laboratoire d'Ethnologie préhistoire,
UA275 du CNRS
Société des
Études
Océaniennes
�88
UNE NOUVELLE REGLEMENTATION
DU TRAVAIL EN POLYNESIE
FRANÇAISE
Evolution d'une société
Avec le vote à l'Assemblée territoriale de 34
délibérations, la Polyné¬
un nouveau dispositif du droit du travail, reflet
d'une évolution certaine des relations du monde du travail et des relations
sie
française
sociales
en
a
complété
général.
L'application du code du travail d'outer-mer de
1952
Jusqu'en janvier 1991, le code du travail des Territoires d'outre-mer,
à 1952, puisque créé par la loi du 15 décembre 1952, continuait
à s'appliquer. La Polynésie française, avec Wallis et Futuna, était un des
derniers Territoires à appliquer ce code.
remontant
Territoires avait
commencé à se concrétiser lors de la conférence de Brazzaville en 1944. Ce
L'idée d'un code du travail
commun
à tous
ces
l'ensemble des Territoires d'outre-mer ou sous tutelle de
l'époque, s'appliquait, à l'origine, dans les territoires d'Afrique, à Madagas¬
car, ainsi que dans les îles des océans Indien et Pacifique sous administration
française.
texte, voté pour
travail étaient
tropicale mais
lointaine sur le plan géographique, datant des années 50 et 60 où le code avait
Jusqu'à ces derniers mois, les praticiens du droit du
amenés à référer à des jurisprudences d'origine tout aussi
aussi été
appliqué.
Une centaine d'arrêtés et de décisions
d'application avaient été prises
pour les Etablissements français de l'Océanie. L'ensemble de ces textes
régissait les relations de travail d'une collectivité dont l'activté était essenSociété des
Études Océaniennes
�89
tiellement
agricole, tournée vers les cultures du coprah, de la vanille et du
exploitation de type industriel existante était celle des mines
de phosphates de Makatea dont l'exploitation s'est achevée en 1966.
café. La seule
L'esprit de ces textes était caractérisé par un souci assez protecteur des
salariés et leur côté un peu paternaliste. Sur le plan doctrinal, certains
domaines étaient
particulièrement novateurs ou protecteurs par rapport aux
ce domaine à cette époque en métropole.
textes existants dans
Pour fixer la main d'œuvre, une
prime d'ancienneté avait été instituée
réglementaire, s'appliquant aux salariés ayant plus de trois
années d'ancienneté. Il n'existe pas de disposition réglementaire de cette
sorte en métropole, la mise en place de clause de ce type relève toujours
d'une volonté des partenaires sociaux dans la négociation des conventions
de manière
collectives.
Les salariés
«expatriés», recrutés à l'extérieur du territoire, se voyaient
avec des clauses particulières prévues par la réglemen¬
tation : modalités de prise en charge financière par l'employeur du transport
aller et retour à l'issue du contrat, pour le salarié et sa famille, durée de
congés plus longue, paiement d'indemnités diverses. La réglementation ou
des dispositions des conventions collectives allait même jusqu'à fixer le
poids des bagages autorisés dont l'acheminement était à la charge de
attribuer des contrats
l'employeur.
place de délégués du personnel était prévue dans des
métropole; compte tenu de l'absence de
d'entreprise, de délégués syndicaux et de comité d'hygiène, de
La mise
en
conditions similiaires à celles de la
comité
(sauf à Makatea où une institution de
place), les attributions des délégués du
personnel étaient légèrement plus étendues; cette institution représentative
du personnel était aussi, pour les organisations syndicales, l'unique moyen
de mesurer l'importance de leur audience dans les entreprises et de participer
au
dialogue social à l'intérieur de celles-ci.
sécurité et des conditions de travail
cette nature avait été mise en
En
cas
de différend individuel entre un
employeur et un salarié, ceux-
travail, saisir l'inspecteur du
concialiation. Le passage devant l'inspecteur du
travail était aussi expressément prévu en cas de résiliation de contrat
d'apprentissage ou de transformation des contrats de travail d'expatriés en
contrat de travail local. L'inspecteur du travail jouait alors un rôle de
conciliation entre les parties ou prenait acte de leur intention.
ci
pouvaient, avant de saisir le tribunal du
travail pour une tentative de
Société des
Études Océaniennes
�90
En matière de
règlement intérieur, sorte de règle de discipline de
non seulement de la discipline mais aussi des instruc¬
les conditions de travail dans l'entreprise, l'inspecteur du travail
l'entreprise, traitant
tions
sur
pouvait, dès cette époque, demander le retrait de clauses contraires aux lois
et règlements en vigueur, alors que ce contrôle de l'exercice du pouvoir
patronal ne lui a été donné en métropole qu'en 1983.
grève ne pouvait être déclenché qu'après une longue
période de préavis où la négociation, présidée par l'inspecteur du travail,
était obligatoire.
Le droit de
dispositions en matière d'hygiène et de sécurité du travail étaient
succinctes, les pénalités à l'encontre des employeurs ne respectant pas
Les
assez
ces
dispositions étaient assez faibles, le montant des amendes n'ayant pas
depuis de nombreuses années.
été révisé
Le domaine
d'application du code du travail de 1952 était particuliè¬
puisqu'il s'étendait à tous les salariés de droit privé que sont
les personnels employés par les communes, l'administration du territoire et
une partie de
l'Etat.
rement vaste
En l'absence de
système généralisé de protection sociale, comme il en
place en Europe occidentale sous l'influence du plan
Beveridge britannique, la protection sociale du salarié, qui préoccupait le
législateur pour l'outre-mer, relevait directement des attributions de l'em¬
ployeur.
avait été mis
en
Ainsi, lorsque le travailleur est malade, son employeur doit assurer son
alimentation, sans qu'il soit question de remboursement. Cette obligation
alimentaire préfigure
ment par
le principe de l'indemnité journalière versée actuelle¬
la C.P.S.
L'employeur doit aussi fournir gratuitement les soins et les médica¬
le salarié, sa femme et ses enfants. Si les moyens dont dispose
l'employeur ne sont pas suffisants pour les malades et les blessés, il a
l'obligation de les faire évacuer à ses frais, sur la formation médicale la plus
proche.
ments pour
La médecine du travail d'outre-mer présente encore un caractère à la
préventif et curatif, surtout dans les grandes entreprises. Chaque matin
après l'appel, nous dit l'article 141 du code du travail d'outre-mer, dans les
établissements de plus de cent salariés, une visite des travailleurs se
déclarant malades est passée. Les femmes et les enfants de travailleurs, s'ils
fois
Société des
Études
Océaniennes
�91
le
demandent, peuvent aussi se présenter à cette visite pour y être examinés
et, le cas échéant, recevoir les soins et traitements nécessaires.
La remise
en cause
L'ensemble de
ce dispositif particulièrement pro- tecteur
sera pro¬
remis
en
au
bénéfice
l'introduction
gressivement
cause
de
d'un dispositif
conventionnel transitoire dès le début des années 1970. En effet, la décen¬
nie précédente, celle des années 60, est marquée par un grand bouleverse¬
ment à la fois
sur
économique et social qui voit la Polynésie française s'ouvrir
Extérieur
avec :
—La construction de
l'aéroport international de Tahiti-Faaa en 1962,
métropole en vingt-deux heures d'avion (au lieu d'un
long mois de traversée maritime) et en moins de dix heures aux pays
riverains tels que la Californie, le Chili, la Nouvelle-Zélande, les îles
Hawaï. C'est un important chantier de travaux publics qui utilisera la main
d'œuvre locale et celle d'entreprises venues de métropole. L'aéroport rend
possible l'arrivée de nombreux touristes.
reliant Tahiti à la
—
la
La décision
première
d'implanter le centre d'expérimentation du Pacifique,
de tirs a lieu en 1966.
campagne
Ces deux
grands chantiers apporteront une augmentation du niveau
de vie des habitants et un accroissement des échanges humains et commer¬
ciaux
avec
l'extérieur.
époque, la caisse de protection sociale, créée en 1956,
principe d'une gestion paritaire, s'étend aux différents
risques : maternité en 1956, allocations familiales en 1956, accidents du
travail en 1961, maladie en 1974, une caisse de retraite est créée en 1968.
Par cet essor économique, une socialisation des risques sociaux, le dispo¬
sitif juridique du code du travail de 1952 est remis en cause.
A la même
fondée
sur
le
syndicats salariés, dont l'action est principalement concen¬
public ou parapublic à l'origine, orientent leur action
en direction des salariés du secteur privé. Ils aspirent à un développement
des institutions représentatives du personnel, à l'image des pays industria¬
lisés. Parmi ces syndicats, certains vont même jusqu'à demander la mise
en place,
pure et simple, du code du travail métropolitain.
Certains
trée dans le secteur
Société des
Études
Océaniennes
�92
sociaux, par les accords tripartites en 1983, mettent en
place, dans l'attente de l'intervention du législateur, dans les entreprises les
plus importantes (plus de cent salariés) :
Les partenaires
—
—
un
comité social
une
d'entreprise,
commission consultative
L'exercice du droit de
La mise en
d'hygiène et de sécurité.
grève est assoupli.
place progressive d'une nouvelle régle¬
mentation du travail
répartition des pouvoirs et des attributions entre l'Etat et le
fixation
des principes généraux du droit du travail relève de
Territoire, la
l'Etat, aors que celle des modalités d'application relève du Territoire.
Dans la
Après dix années de gestation et l'élaboration de plusieurs projets tant
qu'en métropole, la loi relative aux principes généraux du
droit du travail et à l'organisation et au foncionnement de l'inspection du
travail et des tribunaux du travail en Polynésie française est adoptée en juillet
1986 par le Parlement à Paris, avec la participation acties des élus polyné¬
sur
le Territoire
siens à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Cette loi
jette les bases d'une nouvelle réglementation du travail,
adaptée à un Territoire d'outre-mer qui se dote peu à peu d'entreprises in¬
dustrielles dont la production est destinée essentiellement à la consomma¬
tion locale et
d'équipements hôteliers, grands utilisateurs de main d'oeuvre.
d'application devaient intervenir dans le délai d'un an à
compter de la loi de 1986. Les trente-quatre délibérations ont été votées par
Les textes
janvier 1991, après une longue préparation, de
arbitrages entre les partenaires sociaux et le
gouvernement et la mission de plusieurs mois en 1990, à la demande du
Territoire et des partenaires sociaux, d'un haut-fonctionnaire du ministère
du travail métropolitain.
l'Assemblée territoriale
en
nombreuses discussions et
d'application conservent certaines dis¬
antérieures,
positions
correspondant à des caractéristiques locales des
relations sociales, telles que la procédure de différend individuel devant
l'inspecteur du travail, équivalent des procédures de conciliation des con¬
seils de prud'hommes de métropole.
La loi et cet ensemble de textes
Société des
Études Océaniennes
�93
d'expatrié conserve certaines de ses spécificités.
L'hygiène et la sécurité du travail sont maintenant régies par un ensemble
de onze délibérations, dont une, votée dès 1987, est relative au travail des
scaphandriers; les plongeurs sous-marins professionnels sont nombreux
dans les fermes perlières de perles noires des atolls de l'archipel des
Le contrat de travail
T uamotu-Gambier.
travail, jusqu'à maintenant confiée à la Caisse de pré¬
sociale, sur le modèle des Caisses de mutualité sociale agricole de
métropole, a maintenant vocation à être confiée à des services de médecine
du travail interentreprises à créer.
La médecine du
voyance
d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, pour les
entreprises de plus de cinquante salariés, se voit confier des attributions
voisines de celles de la métropole.
Le comité
représentatives du personnel sont complétées par la
place de comité d'entreprise dans les entreprises de plus de
cinquante salariés, l'institution de section syndicale d'entreprise et de
délégués syndicaux. L'unique institution existante dans le code du travail
d'outre-mer, le délégué du personnel, s'est transformée sous la forme de
quatre institutions distinctes, mais complémentaires. Les modalités d'exer¬
cice du droit de grève sont à nouveau assouplies, mais l'existence d'un
préavis, pendant lequel les parties sont tenues de négocier, constitue
toujours un préalable obligatoire pour l'exercice licite de ce droit.
Les institutions
mise
en
professionnelle est dotée d'un cadre qui devrait permet¬
place d'actions concrètes plus nombreuses dans ce domaine
de la part des employeurs et des salariés en vue d'une meilleure adaptation
des salariés aux emplois.
La formation
tre la mise en
L'ensemble de
mois
la
ou
ces
délibérations est appelé à être
années à venir, par
complété, dans les
des textes d'application sur l'intéressement
et
participation des salariés ainsi que les modalités d'indemnisation des
privés d'emploi, dont les principes sont pré¬
travailleurs involontairement
vus
dans la loi-cadre de 1986.
sujets n'ont pas encore recueillis, à ce jour, le consensus de
partenaires sociaux, pour leurs conséquences financières,
fiscales et aussi sociales. La mise en place de ces deux mesures devra faire
l'objet de nombreuses réflexions...
Papeete, novembre 1991
Ces deux
l'ensemble des
Laure GINESTY
Société des
Études
Océaniennes
�94
PAPE'ETE DE JADIS ET NAGUERES
1ère suite de la 1ère partie :
A
19.
-
l'abordage du village de Pape'ete
La ville
se
développe
Toutefois, la L.M.S.
a déjà financé la construction, en bois sur
maçonnerie avec toit rauoro, de la maison de la Reine dite
Palais Royal, sur la terre ancestrale des Pômare (bâtiment à étage du TrésorFinances-Conseil de Gouvernement encore en 1958, actuel emplacement de
l'Assemblée Territoriale), époque où a été appelée Taraho'i la place
publique devant cette nouvelle résidence royale, du nom du marae principal
à 'Arue, bordée par la rue rectiligne partageant l'agglomération de Mama'o
à Pâ'ofa'i. Cette rue, populairement appelée Broom Road (poroumu,
purumu) parce que régulièrement balayée, après avoir été rue LouisPhilippe, aura son tracé rectifié et deviendra rue de Rivoli et plus tard
fondation de
Avenue du Général de Gaulle...
Mais si la
plaine littorale a été vite occupée, les collines de l'arrièreprimitivement parsemées d'arbres à fruits savoureux (oranges,
citrons, maiore, ahi'a...), sont maintenant envahies par la végétation dense
des goyaviers qui donnent aux cochons s'y nourrissant de leurs fruits un
pays,
fumet délicieux.
Le
long rapport circonstancié, — au-delà du phénomène de la pêche
baleine, — remis par Peti-Tua nui à son retour en France (début juin
1839), promu contre-amiral et commandant de la station navale du Pacifique
détermine le Gouvernement français, plutôt que d'établir un protectorat,
à envoyer périodiquement un navire de guerre dans cet Océan. D'abord, la
frégate YArtémise : 2 mois en 1839, qui subit des avaries sur le récif à Ti'arei,
faisant séjourner 465 marins à Pape'ete, où ils laisseront une impression
à la
—
94
Société des
Études
Océaniennes
�95
favorable des Farani. Ensuite, la corvette YHéroïne : en 1840, le comman¬
dant Cécille, se trouvant en bonne entente avec la Reine Pômare IV et
Moerenhout, soutenu par Paraita (1787-1865), — nouveau chef de Pare, de
modeste
origine sociale, de la lignée inférieure des ari'i de Pare, devenu
Royaume : il est désigné par ses pairs en 1830, à 43 ans,
comme successeur du chef de Pare qui a été écarté du pouvoir en raison de
ses sympathies pour les Mamaia. En juin 1839, Laplace commandant
YArtémise a obtenu de la Reine «le libre exercice de la religion catholique
et la jouissance des mêmes droits et privilèges que ceux accordés aux
l'homme fort du
protestants».
La famille de Paraita
(Temoehuatea) possède des terrains au centrecommerçants étrangers, lui assurant des revenus
ville
qui sont loués aux
confortables. Paraita lui-même
exerce un commerce
très lucratif en taro, ufi
'umara, tubercules de longue conservation appréciée des baleiniers ;
Reine lui donne pleins pouvoirs (lors de ses
fréquentes absences pour se rendre à Ra'iatea) comme 'auvaha, porte-parole
de ari'i. Il agit véritablement en «régent», ainsi que le désignent les docu¬
ments anglais et français de l'époque, en même temps qu'il gère les affaires
et
homme d'affaires rusé, la
de la ville
en
vrai
précurseur de premier maire de Pape'ete.
Dupetit-Thouars ayant préconisé au Gouvernement
français de se servir des avantages qu'offrent les «Iles Marquises comme
lieu de déportation pour les criminels endurcis dont les prisons de France en
regorgeaient», comme point d'appui militaire et comme relâche commer¬
ciale, la flotte d'expédition pour l'installation française dans l'archipel
quitte Brest (20 décembre 1841), via Valparaiso comme port de ralliement
(7 mars 1842), pour Vaitahu-Tahuata (28 avril 1847). Dupetit-Thouars, y
mouillant sa belle unité Reine Blanche est accueilli par le vicaire Joseph Paul
Baudichon (1812-1882) — arrivé 3 ans auparavant par la goélette anglaise
Friend (3 février 1839), amené avec 5 autres missionnaires par Mgr Rouchouze, pour implanter la Mission Catholique— qui sert, en la circonstance,
d'interprète au colossal Roi Iotete de Tahuata (que Dupetit-Thouars avait
reçu à bord de la Vénus en août 1838).
Le futur amiral
La
Royale formant
une
escadre de 7 frégates et corvettes, la prise de
possession a lieu, sans effusion de sang, «avec de grandes démonstrations
militaires, religieuses et pyrotechniques, le 1er mai 1842» (feux d'artifice,
salves d'artillerie, gala, cadeaux-verroteries).
Société des
Études Océaniennes
�96
En
particulier, Xavier-François Rouge (1810-1870), colon du Jura,
vers 1840, devient
commerçant coté à Pape'ete (négociant et
propriétaire, planteur et usinier en sucre à Fautau'a). Parmi les adversaires
déclarés de Moerenhout, il est signataire de la pétition réclamant (17 mai
1842) protection au consul des Etats Unis à Tahiti, Blackler, «en attendant
la déchéance de Moerenhout». Célibataire, Rouge mourra à l'hôpital de
Pape'ete (28 février 1870).
arrivé à Tahiti
Ainsi est
proclamée la souveraineté française et hissé le drapeau fleur¬
delisé, après Vaitahu, àTaioha'e (1er juin 1842), cérémonies appréciées par
les chefs
marquisiens,
car
accompagnées de magnifiques cadeaux et de
somptueux repas avec bons vins.
20. - Dupetit-Thouars réapparaît pour négocier son
protectorat
La Reine
Blanche, en arrivant à Tahiti (27 août 1842), reçoit un soir
Pape'ete la visite de Moerenhout, venu à bord informer DupetitThouars de la situation anarchique à terre et que le moment est particuliè¬
rement opportun pour prendre possession de l'île au nom de la France. En
effet, Pritchard s'est absenté (depuis le 2 février 1841) pour se rendre à
Londres (juillet) avec son rapport sur l'événement de la visite de DupetitThouars en septembre 1838, en y joignant une lettre de la Reine Pômare IV
demandant pour Tahiti le protectorat de l'Angleterre. Son audience minis¬
térielle à Londres ( mars 1842) laissant le Foreign Office dans l'attentisme,
il quitte l'Angleterre (11 août 1842) avec des dons pour la Reine, étant assuré
de son emprise sur celle-ci pour empêcher l'acceptation d'un protectorat
en
rade de
français...
Début
septembre 1842, donc 4 ans après les engagements pacifiques
politico-catholiques vis-à-vis des sujets français, l'ambiance fait intervenir
de concert Dupetit-Thouars et Moerenhout. Avec l'assentiment de l'in¬
fluent trio Tati, Hitoti et Paraita, ils proposent une demande de protection
française à la signature de la Reine Pômare IV, alors installée à Mo'orea en
instance de son 4ème accouchement. Cependant, écoutant son premier mari
Tâpoa et sa «seconde mère» Ari'ipaea Teri'itaria, elle n'accepte pas dans un
premier temps ; mais sa soeur adoptive, l'influente Ari'i'oehau, devenue
épouse Ari'itaimai Salmon (début 1842), étant favorable à la signature, la
Reine donne finalement son accord, sur le conseil de son hôte Tairapa, chef
de Papeto'ai, à l'ultime nuit du 9 septembre 1842.
Société des
Études
Océaniennes
�97
Sorte de
premier statut d'autonomie interne du Territoire, le traité
organisant le nouveau Protectorat attribue à la France la défense et les
relations extérieures du Royaume, l'administration du port de Pape'ete (au
grand dam de la Reine, ainsi dépossédée des revenus provenant des droits
d'accostage et des amendes diverses). Est installé à Pape'ete un conseil
provisoire de gouvernement composé de 3 membres : Moerenhout comme
Commissaire du Roi de France avec un rôle prépondérant; le jeune Edouard
Jules Gabrielli de Carpegna (1816-1883) comme Capitaine de port — à 26
ans, enseigne de vaisseau sur la Reine Blanche, déjà venu à Tahiti sur
YArtémise (en 1839), en ménage avec Teina Poro'i dont les descendants
joueront des rôles importants dans la vie politique locale ; — et Dominique
Reine, lieutenant sur la Reine Blanche, ainsi installé comme gouverneur
militaire de Pape'ete. Désormais, le drapeau tahitien porte en jack dans
l'angle supérieur de la hampe la superposition tricolore, quand DupetitThouars quitte Tahiti (26 septembre 1842), via les Iles Marquises, pour
Valparaiso-Chili (29 octobre)...
Parenthèse.
-
L'écrivain aventureux Herman Melville
(1819-1891)
avec un autre matelot Richard Tobias Greene, YAcushnet en relâche
àTaioha'e (juin-juillet 1842), quand Dupetit-Thouars est en train d'occuper
quitte,
Marquises. En août, il est sur le rôle d'équipage du baleinier Lucy
Ann, capitaine Ventom, qui vient à Tahiti (21 septembre) en rade de Pape'ete
les Iles
subversion dans l'équipage du baleinier
auxquels se solidarise Melville, à la
carabossa de Tipaeru'i où ils sont maintenus alors que 1 e LucyAnn est parti
(15 octobre). Melville s'échappera de la prison, pour être cultivateur à
Mo'orea, puis barreur sur le baleinier Charles & Henry de l'île-base de
Nantucket (Massachusetts), capitaine J.B. Coleman (7 novembre), direction
Rurutu et dans les parages de pêche jusqu'à Honolulu (2 mai 1843). Il est
encore matelot sur la frégate United States, passant aux Iles Marquises puis
Tahiti (12-19 octobre 1843, en rade de Pape'ete), Valparaiso (21 novembre),
enfin Boston, Massachusetts (3 octobre 1844), et ne reviendra pas en
Océanie. Mais notre turbulent voyageur laissera dans son sillage un intéres¬
sant témoignage documentaire dans ses récits romancés : Typee 1846 ([Taipi
1951), 'Omo'o 1847 (1951), Moby Dick 1851.
où est ancrée la Reine Blanche ; une
conduit les marins récalcitrants,
Auparavant, signalons que l'amiral américain Charles Wilkes (17981877) a effectué des voyages d'exploration pour la découverte de l'Antarc¬
tique, l'expédition scientifique opérant plus d'un mois dans les Tuâmotu
(août 1839); tandis que l'énergique Wilkes «stormy petrel» sur le VincenSociété des
Études
Océaniennes
�98
nés
séjournera à Tahiti (10-25 septembre) ... publiera les résultats de son
(1844 à 1858) et participera brillamment à la Guerre
voyage en 27 volumes
de Sécession...
Par
ailleurs, la L.M.S.
a
envoyé
en
Océanie de
nouveaux
missionnai¬
res :
Camden via Sydney arrive à
(12 mars 1839); nommé officiellement pasteur pour Pape'ete, est
affecté à Vai'uriri en 1840, le poste de Pape'ete étant retenu pour Pritchard;
la nouvelle situation politique locale de 1844 étant rendue mal commode aux
missionnaires protestants anglais, Joseph est de retour en Angleterre (jan¬
vier 1845);
—
Thomas
Joseph (1816-1863)
: par
Tahiti
(1797-1863) : pasteur irlandais arrivant via Sydney
(3 août 1839), est affecté à Mo'orea-'Afare'aitu, puis la situation
politique locale le fait rentrer en Angleterre (janvier 1845), où son collègue
Joseph l'assiste dans la révision de la Bible en tahitien et son impressionpublication. Son retour toutefois à Tahiti (5 août 1847) le met en compéti¬
tion, pour la charge de la paroisse indigène de Pape'ete, avec son collègue
Thomson (de 1844 à 1850) ; mais il officie au temple de Béthel, dirige
l'imprimerie et l'école des enseignants de la mission... on le retrouvera plus
—
William Howe
à Tahiti
tard ;
Joseph Johnston (1814-1892) : arrivé par Camden (12 mars 1839),
Papara ; demeurant à Tahiti après les événements de 1844,
retournera en Angleterre (29 mai 1850) pour terminer pasteur en Australie;
—
est nommé à
(1816-1851) : arrivé par Camden (12 mars 1839),
rejoindre ses collègues John Rodgerson (1803-1847)
et George Stallworthy (1809-1859), tous deux arrivés à Tahiti (23 mars
1834) pour être affectés aux Iles Marquises (11 septembre 1834) avec
l'ancien Ecossais, depuis 1816 en Océanie, David Darling ; mais tous les 4
abandonneront cette mission (décembre 1841), tandis que Thomson, malgré
les événements de 1844, affrontera l'ambiance pour assurer son ministère
indigène de Pape'ete jusqu'à fin 1850, et que Rodgerson et Stallworthy,
après leurs 7 années de mission marquisienne, rejoignent d'abord Papara...;
—
va aux
Robert Thomson
Iles Marquises
—John Thomas Jesson
(1806-1857) : prêtre catholique puis pasteur de
arrive à Tahiti (28 février 1842) pour occuper la station de
Pape'ete, puis celle de Tautira (début 1842), et retourner après les événe¬
la L.M.S.,
ments de 1844 à la
case-départ
en
Société des
Angleterre (27 janvier 1845)...
Études
Océaniennes
�99
Commandant du Talbot,
arrive une première fois à Pape'ete (14 janvier
1843-15 février
1844) Sir Thomas Thompson (1804-1865), «chargé d'une
enquête au sujet des événements de septembre 1842». Refusant de reconnaî¬
tre et de saluer le pavillon du Protectorat français, il reçoit à bord la Reine
exprès venue de Mo'orea en «baleinière battant l'ancien pavillon». Il assiste
même à une assemblée organisée par la Reine (8 février 1843) qui y «déclare
que le protectorat a été établi contre son gré,» et le lendemain le pavillon
du protectorat n'est pas hissé sur sa résidence... incident à reproches qui la
fait s'en aller à Puna'auia.
de Thompson reçu à Londres (juillet 1843), objectif,
indique que «l'abandon par la Reine de ses droits souverains, bien qu'obtenu
par des intrigues déloyales et, partiellement, par intimidation, n'en a pas
Le rapport
moins été volontairement consenti et ratifié en due forme»
invitera
à
ses
officiers «à
ne
pas
...
Et l'Amirauté
soulever de difficultés qui seraient de nature
engendrer des conflits internationaux»...
1842), Pritchard apprend
qu'en son absence le Protectorat français a été établi à Tahiti. Il obtient du
gouverneur de la N.S.W. de rejoindre son poste par le navire de guerre
Vindictive, commandant John Toup-Nicolas (1788-1851) de la Royal Navy
quittant Sydney (22 janvier 1843) direction Tahiti pour débarquer Pritchard
à Puna'auia (25 février). Sans mandat du Gouvernement britannique de
Londres pour intervenir dans les affaires de Tahiti, se sentant frustré dans ses
agissements alors que ses fonctions de consul exigent neutralité, Pritchard
déclare que le Gouvernement français n'a pas ratifié le traité de DupetitThouars et que le peuple de la Reine Pômare IV peut compter sur le soutien
Sur son voyage-retour par Sydney (décembre
Son comportement vient envenimer une
depuis septembre 1842, Pritchard ayant amené
la Reine «dans une attitude de protestation et de résistance», conforté par
la présence du navire de guerre anglais, dont le pacha Toup-Nicolas a
proclamé aux sujets britanniques de ne point «se soumettre aux règlements
prescrits par les autorités françaises», ayant d'ailleurs adressé à Londres un
sombre rapport (15 mars 1843) sur l'action des représentants de la France...
du Gouvernement
situation
anglais
revenue au
...
calme
l'ordre (29 juillet) de son amiral se
Valparaiso, son navire Vindictive quitte Pape'ete (6 août), et sa
relation désobligeante des faits à l'Amirauté devra s'incliner ultérieurement
devant la version de Dupetit-Thouars sur les affaires de Tahiti.Le capitaine
Mais, Toup-Nicolas ayant reçu
trouvant à
Société des
Études Océaniennes
�IOC
de vaisseau Armand Joseph Bruat (1796-1855), nommé gouverneur des Iles
Marquises (ordonnance du 8 janvier 1843), arrive à Taioha'e, Nuku-Hiva,
sur la frégate YUranie (14 octobre 1843),
avec le titre également de
Commissaire du Roi auprès de la Reine de Tahiti : «Les Iles Marquises
doivent demeurer le chef-lieu du gouvernement, mais le gouverneur peut
fixer
sa
résidence habituelle à Tahiti si les circonstances le réclament». Il
communique également à Dupetit-Thouars, alors de passage à nouveau aux
Iles Marquises, la lettre du Roi Louis-Philippe à la Reine Pômare IV (25
mars 1843) ratifiant le Protectorat français... et nos deux vecteurs du traité
se rendent à Tahiti pour notifier l'officiel message, Dupetit-Thouars arri¬
vant dans un climat tiraillé à Pape'ete (1er novembre 1843).
21
-
Froissements de
drapeaux - Prise de posses¬
sion
Mais la Reine fait hisser, en signe de protestation, son drapeau à MotuUta au lieu du pavillon du protectorat (4 novembre), influencée par Pritchard. Alors
Dupetit-Thouars réagit aussitôt en faisant hisser le drapeau
français et déposer la Reine en annexant Tahiti. Ainsi il est arrivé «à
l'abrogation du protectorat, auquel il substitue une prise de possession pure
et simple, le 6 novembre 1843». Et ce faisant, il installe Bruat pour
gouverner l'île au nom de la France, Dupetit-Thouars devant reprendre la
mer après
son coup de force abusif et maladroit...
(47 ans) avait, en effet, estimé déplorables les conditions d'ins¬
après la prise de possession des Iles Marquises. Il vient ainsi
d'arriver à Pape'ete avec une escadre de 4 navires {ReineBlanche, Uranie,
Danae, Embuscade) et dispose, en outre, d'un bateau à vapeur le Phaéton
pour la desserte entre Tahiti et les Iles Marquises. Héritant des nouvelles
consignes, il a abandonné le projet d'établir une colonie pénitentiaire aux
Iles Marquises, pour débarquer de YUranie à Pape'ete un important matériel
avec 63 ouvriers civils spécialisés (maçons,
charpentiers, charrons, tailleurs
de pierre, briquetiers et carriers), dont 5 avec épouses et 3 enfants : les
premières familles françaises installées à Tahiti. Leur camp est installé près
du lieu occupé aujourd'hui par le cimetière municipal, à proximité de
l'embouchure de Tipaeru'i.
Bruat
tallation
un an
Dans le
nouveau
Gouvernement, d'ancien Commissaire du roi de
France Moerenhout devient directeur des affaires
Société des
Études
Océaniennes
indigènes (nov. 1843).
�101
Mais
ultérieurement,
rapports avec la communauté anglaise étant
marqués du souvenir anti-britannique lors des événements récents, il sera
relevé de ses fonctions et nommé consul de France en Californie (26 avril
1845) : il quitte Pape'ete par la Brillante (6 juin 1846) pour son poste de
Monterey (1er octobre 1846). Relevé de ses fonctions par le Gouvernement
Français de 1848, Moerenhout est renommé à ce poste consulaire (11 mars
1852) par le Prince Louis-Napoléon bientôt Empereur Napoléon III (18081873) ; ce poste est transféré en 1859 à Los Angeles où il prendra sa retraite
à la fermeture de ce consulat (30 janvier 1879). Il a 83 ans et meurt à Los
Angeles (11 juillet 1879), où il repose au cimetière catholique Calvary ; cet
ancien propriétaire de Fâri'imâtâ aura assisté à la ruée vers l'or et à la
ses
création de l'Etat de Californie...
Le premier gouverneur, Bruat, se préoccupe d'abord de préparer la
défense du site de Pape'ete, qu'il a choisi pour emplacement de la capitale,
préférence à Matavai (trop exposé) et à Port-Phaéton (excellente rade,
difficile), contre d'éventuelles attaques de navires de guerre,
anglais notamment, pour empêcher l'occupation française. Il fait installer
deux batteries stratégiques : l'une sur l'îlot Motu-Uta côté passe, l'autre vers
la plage de Tipaeru'i en face de la passe ; ainsi que 5 blockhauss comme
postes d'observation, sur les hauteurs derrière la ville.
de
mais d'accès
Mais
ce
sont les chefs
tahitiens
venus
du côté de la Presqu'île qui,
comprenant que les troupes françaises viennent de s'installer pour de bon
dans leur île, ont réuni leurs guerriers pour les en chasser. Espérant les
prendre de vitesse, les soldats de Bruat gagnent rapidement par merTaravao,
en vue de construire un fort, vite fait sur l'isthme, afin d'empêcher les
guerriers de Tai'arapu de passer dans Tahiti-Nui.
Cependant, Hippolyte Foucher d'Aubigny (1799-1848), capitaine de
(1837) arrivé sur l'Uranie (4 novembre 1843), avec le titre de com¬
mandant particulier, est chargé de la défense de Pape'ete (8 novembre).
C'est lui qui, dans l'affaire des pavillons (6 novembre), lorsque DupetitThouars a proclamé le protectorat, fait descendre, à la tête de ses sapeurs, les
couleurs tahitiennes amenées selon la déclaration rituelle de prise de
possession de ce pays au nom de Sa Majesté Louis-Philippe, Roi des
Français, aux sons des tambours ; ceci en présence de la Reine Pômare IV,
humiliée par le refus de prendre en considération sa lettre de protestation,
d'inspiration pritchardienne du clan protestant (résidents britanniques et
habitants convertis) selon l'Histoire...
corvette
Société des Etudes Océaniennes
�102
période de tension latente qui a suivi entretient la résistance de la
sous l'influence des missionnaires anglais, qui espère que
l'Angleterre ne l'abandonnera (lettre aux chefs du 10 janvier 1844, jugée
séditieuse et saisie par Bruat). Elle se réfugie, en effet, dans leur fréquen¬
tation entre le consulat britannique et les navires de guerre anglais dans les
parages, «l'ex-Reine ayant renoncé volontairement à la protection» que lui
accordait le gouverneur Bruat (incident de Piapa, 30 janvier 1844). Henry
Samuel Hunt, commandant le ketch Basilisk, est arrivé à Pape'ete (8 janvier
1844) porteur de l'ordre de Londres d'avoir à reconnaître le protectorat
français, d'où l'ambiance tendue qui règne, Pômare Vahine se réfugiant à
son bord, et d'où la teneur de la lettre de Bruat à Hunt (31 janvier) : «... je
n'ai aucune objection à faire à l'asile que vous lui donnez, mais... puisque
vous acceptez la responsabilité de la prendre, je regarderai comme un acte
d'hostilité son débarquement sur un point des Iles de la Société»... Hunt, sur
sa Basilisk de rendez-vous stratégiques, s'en ira en juillet 1844.
La
Reine
22.
déchue,
-
D'Aubigny coffre Pritchard, le conflit s'ag¬
grave
Bruat parti à Taravao comme relaté plus haut, la situation
effervescente
oblige l'autoritaire d'Aubigny à déclarer l'état de siège, à Pape'ete, et
l'attaque d'une sentinelle au Camp de l'Uranie (Tipaeru'i) sera le prétexte
pour arrêter le consul anglais Pritchard, qu'il soupçonne d'être «l'instiga¬
teur de la révolte canaque» (31 mars 1844).
Dès apprise cette maladresse impulsive de l'arrestation arbitraire de
Pritchard, Bruat est de retour à Pape'ete (7 mars) et, «en estimant qu'il serait
néfaste pour le prestige de la France de désavouer d'Aubigny», le gouver¬
neur prend la décision, après cet enfermement de 5 jours en la carabousse de
Tipaeru'i, d'atténuer la captivité du sélect prisonnier, en le transférant à
bord de la Meurthe à l'ancre, comme véritable hôte du capitaine, diplomatie
oblige. Et Bruat invite le commodore gentleman George Thomas Gordon,
arrivé le jour même où sera arrêté Pritchard, à embarquer son compatriote,
«en liberté surveillée pour de bonnes raisons», sur sa frégate à vapeur
Cormorant
Par
(13 mars).
Valparaiso (24 avril), Pritchard rejoint Londres (fin juillet), pour
y apprendre sa mutation (depuis le 16 avril 1844) de Tahiti à Samoa (en poste
de fin juillet 1845 à fin décembre 1856)... rentrant ensuite définitivement
Société des
Études
Océaniennes
�dlàPl'déapopoarsereméiqsinun.uc,
dB'Eaymieeo,
Taï—ti.
Iles
�104
Grande-Bretagne, en activité pour la L.M.S. : retraité en 1877, il mourra
âgé de 87 ans à Hove (6 mai 1883). L'affaire Pritchard a défrayé la chronique
politico-religieuse de Tahiti au-delà des mers ; cet imbroglio est laconique¬
ment signalé, dans le PetitLarousse Illustré, en regard de George Pritchard:
«missionnaire anglais 1796-1883 ; la destruction de ses biens à Tahiti fut à
l'origine d'un conflit franco-anglais (1843)»!... Entre la France et l'Angle¬
terre, la guerre de Bruat n'aura pas lieu.
en
Edward Lucett
(1815-1853), négociant du Middlesex, est commer¬
çant à Pape'ete quand débute le protectorat français. Il a publié Rovings in
the Pacific 1837-1849, où il raconte la prise de possession sus-relatée, en
résident de longue date à Tahiti
depuis le 29 septembre 1853...
tant que
:
il gît
au
cimetière de l'Uranie
Entretemps à Pape'ete, Bruat par prudence a
défense de la ville par l'érection d'un mur bastionné
ment actuel de la rue du Dr Fernand Cassiau) et
fait renforcer la
à l'Est (emplace¬
d'une palissade
clayonnée en goyavier qui enclôt le Camp de l'Uranie à l'Ouest. Il entre¬
prend aussi de construire une caserne et un hôpital (en bois)... travaux qui
traînent en longueur.
A
Mâhâ'ena, les combattants tahitiens de Teaharoa ont construit des
fortifications défensives
parallèlement à la plage
...
qui
ne
résisteront
pas
gros calibre des 5 navires de l'escadre française (17 avril 1844).
Les résistants retranchés, une sanglante bataille est engagée à terre où 15
aux canons
militaires
dont
l'enseigne de vaisseau Max de Nansouty de la Reine
(lieutenant de 26 ans)—ont rendu l'âme et la poudre zigouillé 102
insurgés.
—
Blanche
Les chefs tahitiens durcissent alors leur
position pour pratiquer la
des descentes de petits commandos de nuit à partir de leurs
en montagne, en allant attaquer les garnisons de la côte ; ils
incendient les maisons et détruisent les cultures des colons et des indigènes
piri-farani. Réagissant par exaspération contre les insurgés disséminés à
l'intérieur de l'île, Bruat dirige sur Ha'apape vers Papeno'o (29 juin 1844)
ses troupes (450 hommes). Les guérilleros de la Côte Ouest (Fa'a'a)
saisissent l'occasion pour envahir Pape'ete le lendemain (30 juin) mettant
à feu magasins et maisons privées, tandis que les habitants paniqués se
réfugient à Motu-Uta ou sur les navires français et anglais en rade : ils ne
regagneront la terre ferme que plusieurs jours après le retour de l'armée de
Bruat... Pômare Vahine exceptée, laquelle en raison de son accouchement
guerilla,
repaires
par
Société des
Études
Océaniennes
�105
prochain est à bord du navire Carysfort (Craysford) commandant Lord
George Paulet (1803-1879), arrivé à Pape'éte (11 juillet 1844) sans entrer
dans le port. Elle souhaite se rendre à Ra'iatea, avec d'autres personnes, où
le pair de l'Amirauté les débarque (18 juillet), le Gouverneur ayant toutefois
fait savoir à ce dernier «qu'il considérerait le départ éventuel de la souve¬
raine Pômare comme une atteinte à la pacification des Iles de la Société»...
éloignement à Ra'iatea (à l'abri des menées des autorités
françaises) empêche par là même que la situation ne se retourne en faveur
des missionnaires anglais, lesquels quittent Tahiti, à quelques exceptions
près.
Mais cet
23.
-
Rétablissement du protectorat
-
Réinstalla¬
tion de la Reine
complique encore lorsque Bruat reçoit (3 août 1844) une
dépêche officielle du Gouvernement français, annonçant le refus par LouisPhilippe de ratifier l'annexion hâtive de Tahiti prononcée par l'Amiral Dupetit-Thouars de son propre chef (novembre 1843). Elle enjoint Bruat à ré¬
installer la Reine Pômare V sur son trône. Ce désaveu a entraîné le
remplacement (juillet 1844) de l'annexeur, promu vice-amiral (1846),
député (1849) et à l'Académie des Sciences (1855) : il mourra à Paris à 71
ans (1864), parle contre-amiral Ferdinand-Alphonse Hamelin (1796-1864)
promu au commandement de la station navale française du Pacifique, à bord
de la frégate Virginie. A son premier séjour à Pape'ete (21 décembre 1844fin février 1845), Hamelin constate que Bruat a exécuté loyalement les
instructions par l'envoi d'un émissaire sur le Phaéton pour faire revenir la
La situation
se
Reine installée à Ra'iatea, où elle se cantonne dans la dissidence : tentatives
infructueuses, même Ari'itaimai et Alexander Salmon ont tenté vainement
la persuasion. Après la réception organisée par Hamelin (7 janvier 1845) y
invitant les officiels britanniques de la place, dans le cadre de sa venue pour
restaurer le Protectorat, les approches de réconciliation n'ont pas davantage
réussi à faire revenir l'absente volontaire.
espérant que le choix se porterait sur Tati, propose aux
désigner, à la place de la Reine, un roi parmi eux ; mais ceux-ci font
une contre-proposition pour laisser le régent Paraita continuer à diriger les
affaires du Royaume, ce qui est accepté néanmoins. Le rétablissement du
Le Gouverneur,
chefs de
Protectorat est solennellement célébré par une grande fête Place Taraho'i (7
janvier 1845).
Société des
Études
Océaniennes
�106
L'idée «de restaurer le protectorat hors de la présence de la Reine et
d'en hisser le pavillon après avoir remis le pouvoir aux chefs « n'est pas du
goût britannique. «Les navires anglais refusent de s'associer en pavoisant et
en tirant des salves d'artillerie à la cérémonie» (17 janvier 1845), Hamelin
n'ayant pas consenti à ce que le pavillon anglais du consulat soit hissé ...
(1795-1861), consul général d'Angleterre, est venu à
(séjour 10 août 1844 -15 février 1845) sur la Thalie «pour étudier sur
place la situation politique causée par les agissements des Français». Les
susceptibilités diplomatiques dans les froissements de drapeaux n'ont pas
entamé la courtoisie de son comportement dans ses relations francoamicales avec le Gouverneur, après les tensions sous Pritchard, et il a
William Miller
Tahiti
rencontré à l'occasion la Reine à Ra'iatea.
Et Hamelin
repart (fin février 1845), accompagné de Y Héroïne et de la
Triomphante, direction Callao-Pérou (21 mars). Bruat annonce la création
d'une Assemblée Législative, où siégeront tous les chefs qui seront désor¬
mais consultés afin de mieux gouverner le pays. Les ouvriers civils métro-politains sont autorisés à s'installer en famille dans la vallée sise entre Mont
Faiere et Pic Rouge : ce premier quartier, entièrement réservé auxpapa'a,
deviendra Sainte-Amélie. Quant à d'Aubigny, malhabile dans sa fermeté
envers l'Anglais, il est rentré en France par l'Embuscade à Lorient (1er juin
1845), où il est promu capitaine de vaisseau peu avant de mourir la santé
gravement altérée (17 mars 1848).
François Antoine Boyer (1813-1891), natif de Cusset (Allier), sert
enseigne en Océanie sous les ordres de Bruat ; lieutenant de
vaisseau, son navire Clémentine, fait naufrage à l'entrée de la passe de
Tapueraha (Port Phaéton, 1843). Second sur YUranie (1846), sa conduite
des opérations notamment à Tahiti lui vaut la rosette d'officier de la Légion
d'Honneur, après un séjour de 5 années en Océanie. Capitaine de vaisseau
en retraite, il mourra à Toulon
âgé de 78 ans.
comme
Guerre encore à l'Ouest
dème par Fautau'a
24.
-
-
Ascension du Dia¬
La trêve de
récupération permet aux contestataires batailleurs de
préparer une nouvelle attaque (19 mars 1846), un millier de guérilleros du
chef Teaharoa encerclant le fort de Tefauroa (Pointe Vénus) à Mahina. Par
Société des
Études
Océaniennes
�Société des
Études
Océaniennes
�108
lassitude de ces guerillas et décidé à en finir, Bruat s'y précipite avec presque
troupes ; alors les rebelles de la Côte Ouest aussitôt envahissent
Pape'ete (20 mars), les harcèlements se prolongeant pendant plu¬
sieurs semaines. La situation est toujours critique (fin avril 1846), quand est
de retour à Pape'ete la magnifique frégate Virginie de l'Amiral Hamelin,
rejoint quelques jours après lui, sur ses ordres, par 3 navires de guerre sans
affectation précise à l'ancre aux Iles Marquises.
toutes ses
encore
Les effectifs ainsi renforcés de 200 hommes, avec une
douzaine de
soit globalement une armée de 800 militaires plus 200 auxiliaires
disposent d'un taux de pénétration capable d'occuper les
vallées de Papeno'o (mai 1846), Fautau'a et Punaru'u et de les verrouiller
en y construisant des forts et de bloquer les descentes sur le littoral.
canons, —
tahitiens,
—
particulier, Bruat confie, à son compagnon Louis Adolphe Bonard
(1805-1867), la charge de s'occuper de la vallée de Fautau'a (décembre
1846). Ce polytechnicien de Cherbourg, devenu, après la campagne d'Al¬
ger, capitaine de frégate (1842), commandant VUranie, arrivé avec
Dupetit-Thouars et Bruat à Tahiti (4 novembre 1843), s'est signalé particu¬
lièrement à Mâhâ'ena (avril 1844), à Fa'a'a (30 juin 1844) où il sera blessé,
puis à Huahine. Le capitaine de corvette Bonard réussira alors, grâce à une
colonne de 150 voltigeurs (dont la plupart des volontaires indigènes con¬
quis, guidés par Maitoro de Rapa accoutumé dans cette vallée), l'incroyable
exploit d'escalader, au moyen de cordes et lianes, le pic escarpé du mont
Diadème (Te-tara-o-Mai'ao) de 600 m à force de bras. Les escaladeurs
arrivent ainsi, par ce passage inattendu, à surprendre d'assaut le camp
retranché des insurgés tahitiens, conquête sans déplorer d'actes d'inhuma¬
nité, leur capitulation entraînant la reddition des deux autres vallées.
En
Embarque sur la gabarre La Recherche (30 avril 1842) comme
passager à ses frais, Sébastien-Charles Giraud (1819-1892), et comme
peintre officiel de l'expédition (séjour 1843-1847 aux Iles Marquises et à
Tahiti). H assiste à la prise du fort de Fautau'a (septembre 1846) mettant fin
à l'insurrection tahitienne, et qu'il immortalisera en témoin oculaire (Musée
du Palais de Versailles) avec un portrait à l'huile grandeur naturelle de la
Reine Pômare IV.
pacifiquement les autochtones restants, — assagis après 3 ans de
paix aux épanchements
canonnés, — se résignent à la soumission en allant déposer les armes à la
résidence de Bruat. Un gigantesque tâmâ 'ara 'a achève l'épisode historique
Et
conflit mêlant faucons de Dieu et messies de la
Société des
Études
Océaniennes
�109
tranquille retour chez soi pour tout le monde, après cette assemblée
générale de la réconciliation (22 décembre 1846). La paix instaurée, est
célébrée la fête commémorative du 2ème anniversaire du rétablissement du
Protectorat, avec un éclat tout particulier (7 janvier 1847).
et
un
demeurée réfugiée à Ra'iatea depuis juillet 1844, est
convaincue par son entourage qu'elle perdrait sa couronne en ne se soumet¬
tant pas aux «nouveaux maîtres du pays», d'où l'entrevue avec Bruat au
Pômare Vahine,
Temple de Papeto'ai à Mo'orea (6 février 1847). C'est là, hors de l'enceinte
sacrée, que Bruat déclare publiquement à la foule que, au nom du Roi LouisPhilippe, Pômare IV est rétablie «dans ses droits et dans son autorité et
qu'elle l'exercerait dorénavant sur toutes les terres du Royaume comme
du Protectorat». En effet, en début de
année, Bruat a reçu la dépêche datée du 6 septembre 1846 annonçant
nouvelle, en même temps qu'il est relevé de ses fonctions.
Reine
cette
cette
reconnue
dans le gouvernement
Exilée volontaire à Ra'iatea, Pômare IV est de
retour à Tahiti
25.
-
Prenant passage avec Bruat sur le Phaéton,
la Reine revient à Pape'ete
(9 février 1847), accompagnée de Tâpoa, son principal conseiller et ex-mari,
de l'actuel mari Ari'ifâite, de sa mère Teremoemoe et de sa soeur d'adoption
Ari'itaimai avec son mari Alexander Salmon — mais sans sa tante Ari'ipaea
Teri'itaria. Saluée par 21 coups de canon à sa descente du navire, la Reine,
les pieds nus et la tête ceinte d'une couronne de fleurs, traverse la foule
d'accueil dense mais silencieuse vers une chaleureuse réception à la
Résidence du Gouverneur. Dans cette euphorie cependant transparaît une
certaine tristesse.
Louis-Philippe et ses ministres, analysant la situation de
Tahiti, rendent en effet Bruat responsable d'une guerre aussi
prolongée et coûteuse ... sanction simultanée néanmoins avec une promo¬
tion au grade de contre-amiral. Parmi les derniers actes de Bruat, citons la
création à Pape'ete d'un marché aux poissons à tâtahi et un marché aux
fruits, légumes, volailles et viandes à l'emplacement du Marché municipal
Le Roi
rebellion à
actuel.
excellente entente
quitte Tahiti sur YUranie (31 mai 1847), en
la Reine Pômare IV, laissant à son successeur un pays
Bruat
avec
Société des
Études
Océaniennes
pacifié. Préfet
�110
maritime à Toulon,
puis gouverneur des Antilles, il aura le commandement
suprême en Crimée et mourra en mer du choléra (19 novembre 1855), ayant
sa tombe au cimetière du Père-Lachaise à Ménilmontant
(Paris).
Le deuxième gouverneur, Charles-François Lavaud (1798-1878),
franc-
maçon notoire du Grand Orient de France et d'origine bretonne, capitaine
de corvette en 1840, est déjà passé à Pape'ete en quittant en janvier 1843 la
Nouvelle-Zélande
(en cours de possession anglaise) de retour en France sur
le Cap Horn, à l'époque de Moerenhout. Arrive à
Pape'ete, avec un détachement de sapeurs parti de Brest (28 octobre 1846)
par la frégate La Sirène (23 mai 1847), son prédécesseur Bruat partant 6jours
plus tard.
YAllier via Tahiti par
Le jeune lieutenant
des sapeurs, polytechnicien, Louis Lecucq (18221855), jugera sévèrement les 4 années de séjour de Bruat sur les travaux de
la fondation de Pape'ete, qui ne laisse à son successeur qu'un pays ruiné, un
mesquin commerce de détail ayant richement rétribué marchands, amis,
chefs et autres spéculateurs ou exploiteurs, dans un contexte de préoccupa¬
tion belligérante (Lecucq a quitté Pape'ete le 8 juillet 1848 ; il sera tué à
Sébastopol le 31 juillet 1855).
Le
capitaine Pierre Félix Ribourt (1811-1895), aide de camp du
gouverneur, procède rapidement à un recensement plus précis de
la population de Tahiti (qui avait été estimée par les missionnaires, avant
cette récente guerre, approximativement à 7.000 âmes) : 8082 indigènes +
475 colons européens = 8.557 habitants, dont à Pape'ete :
nouveau
Répartition
Cumul
Garçons au-dessous de 15
{■ Femmes adultes
•
Indigènes
701
{■ Hommes adultes
■
zr
Filles au-dessous de 15
ans
ans
TOTAL
Société des
Études
+
451
+
170
=
140
+
871
=
591
+
401
=
593
+
172
=
164
+
573
=
557
+
1444
=
1 148
+
Océaniennes
Colons
européens
250^
30 >
280J
81
4
îej
296
�Société des
Études
Océaniennes
�112
Pape'ete compte aussi : 834 cochons, 1045 volailles, 102 chevaux. Il
y a autant de chevaux dans les districts, indice de la première phase de mo¬
dernisation du transport à Tahiti. A cette population urbaine, il faut ajouter
environ 1600 militaires pour la garnison de Pape'ete — chiffre attesté par
les documents d'archives
donc plus nombreux que la population civile.
—
26.
-
Déviation de la rivière Pape'ava
—
Les rem¬
parts
Pour parer à toute éventualité de reprise des hostilités, Lavaud se
consacre à renforcer la défense de Pape'ete et entreprend d'abord d'étendre
plus à l'Est, au-delà de la Rivière de la Reine, une nouvelle ligne de
fortifications allant de la Pointe des Cocotiers (Fare-'Ute) vers la montagne.
La rivière Pape'ava, débouchant alors directement en rade (à hauteur de
l'actuel quai d'honneur à paquebots), est sujette de temps en temps à
débordements qui occasionnent des inondations avec dégâts. Lecucq est
chargé de réaliser le creusement par les sapeurs du lit actuel fortifié sur la
berge occidentale, d'où l'appellation restée des Remparts dénommant la rue
longeant la rivière (aujourd'hui grandement souterraine dans sa traversée de
la ville).
L'imprimerie du Gouvernement, qui existe à partir de 1847, publie dès
un hebdomadaire du jeudi en tahitien {Te ve'a nô Tahiti 'eiha'apararera'a i teparau ri'i 'âpi 'e faufa'ahia ai tô Tahiti) pour mettre en valeur
l'oeuvre dynamique du Gouverneur.
1851
En août 1847, Pape'ete apprend la nouvelle d'un massacre perpétré fin
novembre 1846. Ribourt commande une petite expédition punitive à bord de
la Gassendi, pour la capture, sans effusion de sang, des coupables (originai¬
res de
Takume-Raroia) qui ont tué Eugène Riccardi (1804-1846), — abattu
d'un coup de harpon lors d'un assaut par surprise de son bateau à l'ancre
dans le lagon, — et presque tout son équipage. Marseillais commerçant
installé
les années 1840 à
Huahine, faisant du trafic dans les archipels
goélette La Sérieuse, port d'attache Fare, fréquenté des baleiniers à
l'époque, Riccardi avait été nommé par le gouverneur Bruat comme
Résident avec justice de paix... Le Conseil de Guerre siégeant à Pape'ete (13
septembre 1847) a condamné à mort 8 coupables : 3 seront exécutés, 5 ayant
eu leur peine commuée en travaux forcés à perpétuité... mission accomplie
«sans tirer un coup de fusil». Tibourt, entre autres travaux, a composé une
vers
avec sa
Société des
Études
Océaniennes
�113
grammaire tahitienne, durant son séjour jusqu'au 31 décembre 1849, travail
remis à l'Académie des Sciences; il termine sa carrière général de brigade
et
mourra
En
à Paris.
1848-1849, les sapeurs de Lecucq construisent les premiers bâti¬
dur de la ville, dont une caserne occupée plus tard par l'édifice
ments en
judiciaire (démoli en 1974) et le bloc hospitalier à l'Ouest de la rivière Vaihi
descendant de Sainte-Amélie (ce bloc subsistant en 1990 comme dernier
vestige de ces bâtisseurs, au lieudit Vaiami).
disséminées
Mais longtemps encore co-existent les cases indigènes
des constructions durables de la civilisation extérieure,
dans un
contexte d'urbanisme géométrique formant un pôle d'attraction en agglo¬
mération militaire, administrative et commerciale, Pape'ete évoluant vers
son destin de ville copiée, inspirée dans son originalité de ressemblances
importées (cf. l'excellente étude du professeur Robert Dauvergne : Débuts
du Pape'ete français).
avec
A Londres a été
dite de Jarnac (19 juin
signée entre l'Angleterre et la France une Convention
1847). De son côté, après le départ de Moerenhout (6
juin) et du dernier stationnaire anglais Calypso,
le commandant Lavaud,
estimant «nécessaire de définir les conditions dans lesquelles fonctionnerait
le Protectorat, soumet à la Reine
PômareJV la signature d'une Convention»
(5 août 1847), qui demeurera théoriquement en vigueur jusqu'à la cession,
en 1880, par le Roi Pômare V, de la souveraineté de ses Etats, à la France.
Mais Lavaud subira le contrecoup de la Révolution de 1848, devenant
commissaire de la République aux Iles de la Société, en même temps que se
forment à Pape'ete des groupes d'esprit d'opposition (affaires Masset, de
Giroux, Fondras, Rousseau ; libelle du sergent Labouret...). En particulier,
dans l'affaire Auguste Marceau (1806-1851), où le neveu du célèbre général
et polytechnicien, venu en voyage océanien-missionnaire (catholique)-
1845-août 1849) pour créer
archipels des comptoirs d'expansion de la Société Française de
l'Océanie, le comptoir commercial à Pape'ete est confié à un certain
Gustave Touchard lequel, au sujet de la vente des vins, se met en conflit avec
le gouverneur,
entraînant Marceau ainsi soumis à une commission
commercial
sur
l'Arche d'Alliance (novembre
dans les
...
d'enquête de France, qui dégagera
Lavaud de toute critique
pouvoir...
Société des
Études
Océaniennes
d'abus de
�114
Lavaud a engagé, pour sa connaissance des lois, l'orateur
instruit Mare,
généalogies et coutumes tahitiennes—celui-là même qui,
au service de la Reine Pômare IV, déclama une harangue de protestation
contre l'amenée du pavillon tahitien, pour que fût hissé le drapeau français,
commandée par d'Aubigny (6 novembre 1843), mais son discours fut
couvert par les 20 tambours du commandant de Bréa...
érudit en langue,
quitte son poste en cordiales relations avec la Reine (novem¬
1849), satisfait de «laisser à son successeur une position libre d'embar¬
ras, un pays en voie de progrès avec de belles routes». Contre-amiral (en
1853), préfet maritime de Lorient puis commandant d'escadre en second, né
à Lorient, il mourra à Brest (14 mars 1878).
Lavaud
bre
(à suivre)
Société des
Études
Océaniennes
�115
PACIFICATION DE TAITI
Le gouvernement a reçu
de M. le contre-amiral Bruat, gouverneur de
Taïti, un rapport adressé à M. le ministre de la marine et des colonies, sous
la date du 1er janvier dernier, qui annonce la soumission complète des
insurgés et l'entière pacification de l'île. Ces résultats ont été obtenus à la
suite de la prise du fort de Fautahua, qui passait pour inexpugnable, et qui
a été enlevé, le 17 décembre,
par nos troupes et nos Indiens auxiliaires. Nous
extrayons d'un rapport de M. Bonnard, capitaine de corvette, adressé à M.
Bruat le 21 décembre, un passage intéressant sur ce fait d'armes.
«Le fort de Fautahua est situé
le
piton d'une montagne très
escarpée. Par le côté qui fait face à la vallée de Fautahua, que nous
occupions, il n'y a d'autre moyen de monter que par des trous pratiqués dans
le roc vif, dans lesquels on peut à peine poser le pied. Au-dessous, un
précipice de plus de deux cents mètres; au-dessus, une muraille droite,
élevée aussi de deux ou trois cents mètres. Ce sentier, si je puis lui appliquer
ce mot, est
pris en flanc et en tête, pendant toute sa longueur, qui est de deux
ou trois cents pas, par une redoute crénelée qui se trouvait occupée par
l'ennemi. Le sommet de la muraille de roche au-dessus du sentier était aussi
occupé parl'ennemi et des masses de pierres et de roches. C'est là que devait
monter la colonne pour prendre l'ennemi à revers, pendant qu'on simulerait
une attaque par l'autre côté. Aussitôt les bivouacs établis, je fis demander
sur
Je ne leur dissimulai point le
danger et les privations qui devaient les attendre pour monter d'abord et
occuper ensuite ce piton, pendant que je disposerais tout pour leur porter des
renforts. Aucun de ceux qui se sont présentés n'a senti son courage mollir;
au contraire, j'ai été obligé de refuser beaucoup de volontaires pour cette
dangereuse opération, commandée par le deuxième maître Bernard.
des hommes de bonne volonté par compagnie.
Société des
Études Océaniennes
�Société des
Études
Océaniennes
�117
«Ces hommes sont allés immédiatement
rejoindre l'Indien Tariirii, qui
hommes, et qui, avec le charpentier civil Henriot, qui m'a demandé
de partager le danger des soldats, formaient un total de 62 hommes. Ces
braves ont tout laissé au pied de la montagne, sacs et habits. Ils sont montés
tout nus, n'ayant que des cartouches et leurs fusils. Après des peines inouïes,
ils sont parvenus, à onze heures du matin, à se hisser au haut de la montagne.
Ce premier obstacle surmonté, nous avions chance de succès, mais il pouvait
avait 25
être chèrement acheté.
hommes gravissaient, le commandant Masset, avec
voltigeurs, s'avançait avec précaution contre le fort, feignant
une attaque sérieuse. Toute l'attention des Indiens était portée de son côté,
et des avalanches de pierres ne cessaient de crouler du haut de la montagne
aussitôt qu'il s'en approchait.
«Pendant que ces
la 31e et les
compagnie de YUranie, prenant le chemin des volontaires,
s'occupa immédiatement de rendre praticable la route aérienne pour la
compagnie de voltigeurs qui devait, avec la compagnie de YUranie, prendre
l'ennemi à revers. Presque toute la journée fut employée à cette opération.
Seulement, l'après-midi, craignant de voir nos volontaires compromis,
j'expédiai M. Brue (qui jusqu'à cette heure avait travaillé, avec le zèle et
l'intelligence que vous lui connaissez, à tout préparer), avec une section de
YUranie en renfort, gardant l'autre section pour finir le travail commencé.
«La 3e
«Des cordes et des échelles
en
cordes amarrées aux
plantes sortant des
fissures des rochers, tel était le chemin que devait suivre toute la colonne.
Le pic a à peu près six cents mètres d'élévation, et cent cinquante mètres
devaient être faits
pieds
que
en se
les roches
hissant à force de bras,
nues ou
n'ayant pour appuyer les
quelques touffes de joncs.
indispensable, se sont
dominent l'ennemi, alors entièrement occupées
par le commandant Masset. A cheval sur des crêtes de montagnes comme
sur un toit, un précipice des deux bords et le fusil en bandoulière pendant une
partie du trajet, ils ont enlevé la position avec ardeur, malgré leur horrible
fatigue. En un clin d'œil le pavillon taïtien est renversé, et, chose admirable,
ils se contentaient de coucher en joue l'ennemi déconcerté, en lui disant de
mettre bas les armes, qu'il aurait la vie sauve.
«Nos
avancés
sur
volontaires, après avoir fait un repos
les hauteurs qui
imprévue a entièrement découragé l'ennemi; pas un n'a
qui ne s'est pas rendu a pris la fuite.»
«Cette attaque
osé tirer
:
tout
ce
Société des
Études Océaniennes
�118
après l'occupation du fort, nos avant-postes se sont portés à
l'intérieur, sur un sommet appelé le Diadème, d'où l'on
découvre le camp et la vallée de Punaroo, avec laquelle se relie celle de
Fautahua. Malgré d'énormes difficultés de terrain et malgré la saison des
pluies, immédiatement furent concentrés dans les montagnes les troupes et
Aussitôt
deux lieues
vers
les vivres nécessaires pour descendre dans la vallée de Punaroo. Alors le
contre-amiral envoya le principal chef de Fautahua, fait prisonnier, pour
à se rendre et à remettre leurs armes. Après des réponses
évasives, les insurgés, saisis dans une gorge dont les deux extrémités se
trouvaient fermées, ont mis bas les armes et ont fait leur soumission au
inviter les insurgés
gouvernement du protectorat.
Les
armes et
été livrées, le contre-amiral Bruat
rendrait, le 22 décembre, à Punaavia pour tenir une
les munitions ayant
annonça qu'il se
assemblée où les soumissions
seraient reçues.
matin, le Phaëton mouilla devant Punaavia.
Il avait à bord le contre-amiral gouverneur, sont état-major, le régent Paraïta,
A dix heures et demie du
principaux chefs indiens fidèles au protectorat. A onze heures, tout le
le cortège se forma immédiatement et se rendit dans le
temple, où se trouvaient déjà les chefs de l'insurrection et la plus grande
partie de la population de Punaroo, nouvellement soumise.
les
monde était à terre;
Après la prière d'usage, l'orateur d'Utaia, Taiora, se leva et dit :
«Louis-Philippe, Bruat régent, et vous tous, officiers et chefs qui vivez sous
le gouvernement du protectorat ! nous voici, nous les chefs, les Huiraatira,
jeunes et vieux, forts et faibles, femmes et enfants, nous voici tous en votre
présence ! Nous entrons tous aujourd'hui dans le gouvernement du protec¬
torat, dont nous ne nous séparerons jamais. Nous voici tous entre vos mains;
vous pouvez nous détruire ou nous sauver; mais écoutez notre prière :
donnez-nous la paix et recevez-nous dans le gouvernement du protectorat.»
Arahu, orateur du gouvernement à Moorea,
commissaire du roi et du régent :
répondit
au nom
du
gouverneur,
«Que le Seigneur
répande
«Salut à vous, chefs et
sur vous tous sa
bénédiction !
peuple des deux districts du Te-Oropaa dans le
Nuu, chefs et peuple de Te-Faua-Ahurai dans le Nuu, chefs et peuple de
Moorea dans le Nuu, chefs et peuple du Teva dans le Nuu ! Voici les paroles
de S. M.
Louis-Philippe, du gouverneur Bruat, du régent et de tous les chefs
Société des
Études Océaniennes
�Habitants de Taïti
Société des
Études
Océaniennes
�120
«Nous sommes très satisfaits que vous
remettiez entièrement entre les mains du
dans le gouvernement du protectorat :
désiriez la
paix et
que vous vous
gouverneur pour n'en plus sortir. Voici la paix, prenez-la ! Voici l'Evangile
et les missionnaires, recevez-les ! Voici les lois de cette terre, observez-les!
pirogues, les filets de pêche, les plantations et les fruits;
biens, allez sur vos terres, refaites vos maisons, vos
entourages, et observez les lois !»
Voici
encore
les
prenez tous ces
Pendant
ce
d'étoffe étendue
discours, l'orateur d'Utala s'est levé, et, tenant une pièce
vers
l'orateur du protectorat, il semble recevoir tous les
a été faite. Puis il replie avec soin l'étoffe, comme
biens dont l'énumération
quelque chose de précieux. Et reprenant la parole avec
«Louis-Philippe, Bruat régent, vous tous, gens d'autorité dans le
protectorat, grandes sont notre satisfaction et notre gratitude : cette paix que
je tiens là dans une étoffe, nous ne laisserons point échapper, nous ne nous
séparerons jamais d'elle. Nous recevons avec reconnaissance l'Evangile,
les missionnaires et les lois. Nous irons en paix sur nos terres, nous referons
nos maisons de dix brasses, nous tresserons nos filets, et nous observerons
les lois !» Se tournant vers le peuple du camp de Punaroo : «Puna te rai tua,
chefs et peuple des huit districts de Moorea dans le Nuu, voici votre portion
de la paix qu'on vient de nous accorder en ce jour; voici l'Evangile, les mis¬
sionnaires et les lois. Allez sur vos terres, cultivez-les, faites vos maisons,
tressez vos filets et conservez les lois ! Te arii vae atua, chefs et peuple du
Te fana i ahurai dans le Nuu ! Te arii rere i Toooa rai chefs et peuple du Te
ra iuta dans le Nuu ! Pohuetea et Tetoofa, chefs et peuple du Te oropaa dans
le Nuu ! voici votre portion de la paix et des biens qu'elle amène; prenez et
allez en jouir à l'ombre des lois et du protectorat !»
si elle contenait
émotion
:
reprend la parole au nom du gouverneur et du régent : «Chefs et
peuple de Teoropaa, du Te ra i uta, de Te fana ahurai ! et de Moorea dans le
Nuu, voici le bien que je vous apporte : le gouverneur et le régent vous
pardonnent toutes vos fautes passées au nom de Sa Majesté Louis-Philippe.
Ils considéreront votre conduite dans l'avenir, et ils espèrent que Taïti ne
formera plus qu'un parti comme il ne forme qu'un peuple. Que la paix et la
tranquillité couvrent ces îles !»
Arahu
Maro, chef du Nuu, s'avance au milieu de l'assemblée et dit : «La joie
moi depuis le sommet de mon crâne jusqu'à la plante de mes pieds !
est en
tourmenté par le souvenir de mes crimes, je ne pouvair fermer
je voulais fuir dans les montagnes pour y vivre seul, ou partir
Avant ce jour,
mes
yeux;
Société des
Études
Océaniennes
�121
secrètement
navire,
abandonnant cette terre où je suis né; et
le passé et que vous n'examine¬
rez que l'avenir. Cette parole nous remplit de reconnaissance et de
joie. Nous
vous donnons l'assurance que vous n'aurez jamais à vous plaindre de notre
conduite à venir. Aujourd'hui nous faisons partie du protectorat, et nous ne
sur un
maintenant vous
l'abandonnerons
Se tournant
me
en
dites que vous oubliez
jamais !»
le
peuple nouvellement soumis : «Chefs et peuple du
Nuu, n'est-ce point votre désir de vivre à jamais sous le protectorat ? S'il en
est ainsi, levez la main en témoignage de votre irrévocable engagement.»
vers
D'un mouvement unanime toute l'assemblée lève la main.
Chaque
ensuite, par l'organe de son orateur particulier, la paix et le
pardon donnés au nom du roi.
district accepta
chez le régent Paraïta, une assemblée du
dans laquelle treize messagers de l'armée de Papenoo, qui
depuis sa défaite du 10 mai 1846 avait continué à demeurer dans cette vallée,
vinrent, au nom de tous les chefs sans exception, demander la paix et faire
leur soumission au gouvernement du protectorat. La soumission fut reçue et
la paix accordée.
Le 24 décembre s'est tenue,
même genre,
Enfin, le 1er janvier, les chefs sont venus eux-mêmes à Papeete,
suivis
indigènes, effectuer une première remise d'armes et
de munitions, s'engageant à livrer tous le surplus avant le 7 du même mois.
de deux
ou
trois cents
«Ainsi, ajoute M. le contre-amiral Bruat en terminant son rapport, se
en droit et en fait, et du consentement de tous les chefs et du
trouve établi
peuple, le principe du désarmement.
principaux chefs qui ont fait aujourd'hui leur soumission sont :
Farehau, Fanahue, Pisomai, Taviri et Nutere; la grande cheffesse Be-aru-tua
était représentée par son mari, et doit venir elle-même à l'assemblée du 7
janvier, fête commémorative du rétablissement du protectorat. Les quatre
premiers sont ceux qui, en 1843, ont appelé le peuple à la révolte et ont
toujours eu la plus grande part d'influence dans l'insurrection. Leurs
soumissions faites publiquement, solennellement, et auxquelles les popula¬
tions qu'ils commandent ont adhéré, sont les dernières que le gouvernement
du protectorat aura à recevoir.
«Les
Société des
Études
Océaniennes
�122
frappé, c'est que, dans toutes les assemblées
qui ont eu lieu, un seul chef, Fanahue, a prononcé le nom de Pomaré et a été
désavoué par tous les autres.
«Une circonstance m'a
«Je m'estime fort heureux de
avant de remettre
à
mon successeur
annoncer à Votre Excellence,
la mission que je tenais de la confiance
pouvoir
les îles de Taïti et Moorea sont complètement
pacifiées, et que je ne prévois pas de nouveaux troubles à l'avenir.»
du gouvernement, que
(Extrait de L'Illustration, Journal Universel, du 22 mai 1847, pp. 187-189,
d'après un rapport du Capitaine de Corvette Bonard, commandant la colonne
expéditionnaire à Fautau'a le 21 décembre 1846.)
ERRATA
le bulletin S.E.O., n° 249-250, mars-juin 1990, p. 87:
"Hiro, avec toi nous sommes" (John Mairai), 3e ligne, lire : douleur
au lieu de douceur.
concernant
Société des
Études
Océaniennes
�Femmes de
Société des
Études
Taïti.
Océaniennes
�PHOTO: LA DEPECHE
Société des
Études Océaniennes
�125
ELOGE
DE
AURORA NATUA
Vous êtes
dame si discrète,
si réservée, qui écrit si peu mais que
qui ont pour ce pays un amour si
profond, une science si exacte, une relation si intense, qu'ils ne les galvau¬
dent pas. Ainsi, sur la véranda d'une simple mais charmante maison des
hauteurs de Pirae, à voix douce, bien timbrée mais avec des éclats qui
traversent le regard, se dit l'histoire vraie des temps anciens et que vit
simplement une femme exceptionnelle qui est la mémoire de son peuple,
c'est ce que l'on m'a dit, Madame, je n'invente pas...
une
connaissent et ô combien estiment
ceux
Papeete - le présent siècle s'affirmait - de Marua a
Maupiti - île dont on dit qu'elle occupe une place particulière dans
la cosmogonie polynésienne, île habitée de longue date puisque les herminettes, hameçons et leurres, pendentifs en dent de cachalot sont compara¬
bles, mais antérieurs à ceux du site de Wairau en Nouvelle-Zélande, et donc
antérieurs à notre millénaire. On comprend que cette origine ait pu marquer
la suite de votre vie, et notamment votre goût pour l'ethnologie.
Vous êtes née à
Natua de
Votre père, fils de pasteur, est d'une famille de Raiatea et Bora Bora,
qui sont vos lieux de référence. Votre mère, Pauline Drollet, de cette autre
grande famille très estimée, fait de vous la petite fille d'un édile municipal
connu et d'un Conseiller général, Edouard Drollet. Je ne vois pas dans votre
vie pour autant d'ambitions politiques. Faut-il le regretter ?
Société des
Études
Océaniennes
�126
Ala sortie de vos
études, une vocation bien particulière s'affirme. Vous
fréquentation naturelle de l'élite locale.
Quand dans nos sociétés, la place des
femmes n'était pas naturellement faite à l'égal des hommes, les
plus belles,
les plus intelligentes, les plus cultivées se retrouvaient comme par
un
phénomène de nature dans les cercles de ceux qui comptent, ou qui vont
compter dans la culture, l'art, la littérature et même la politique. Au XVIIè
siècle, en France et en Europe, vous auriez tenu salon, quitte à y rester
silencieuse, mais les plus savants et les plus fins seraient venus vous y
allez vivre, comme on dit, dans la
C'est un trait qui ne trompe pas.
retrouver.
Je n'aurai
garde d'oublier votre voyage en Europe qui juste avant la
emmène en France, en Algérie, en Italie mais hélas pas à
Londres, ce que vous regrettez du fait de la guerre car vous vouliez y étudier
les richesses polynésiennes de la London
Missionary Society. Ces huit
années ont compté malgré ces temps difficiles, tant votre curiosité inlassable
et votre sens de la recherche ont
pu nourrir vos propres préoccupations
intellectuelles, historiques et ethnologiques.
guerre vous
En
Polynésie, vous avez accueilli, connu, conseillé et accompagné les
plus éminentes, en 1952 la Pacific Science Board Expedition
aux Tuamotu. Vous êtes
depuis 1959 correspondante des missions du
Bishop Museum d'Honolulu et en particulier de Margaret Titcomb, la
bibliothécaire, et de Kenneth Emory. Conseiller technique de la Metro
Goldwin Mayer pour le film Les Mutinés de la
Bounty vous en gardez, je
missions les
,
crois,
et
un
bon souvenir.
Si vous fûtes l'amie fidèle d'Alain Gerbault recueillant les
généalogies
d'Alfred Métraux, c'est le pasteur Rey-Lescure
vous
la
qui
attire à
Société
des Etudes Océaniennes dont vous devenez secrétaire et bibliothécaire.
Vous faites vivre le Musée de Mamao, puis celui de la Rue
Lagarde veillant,
jalousement et comme il faut, à conserver en fiches et à éviter les pillages
qui sont la ruine des pays encore trop peu connus, et dans lesquels certains
perdent quelque fois leur honneur de chercheur ! Mais çà, vous savez le dire,
ce n'est pas le moindre de vos mérites. Vers vous
vont, et vont encore les
chercheurs de connaissances exactes. Vous êtes d'une curiosité
inlassable,
d'un jugement très sûr et quelque fois définitif !
Et puis,
il y a la langue, cette langue tahitienne pour laquelle vous faites
autorité ; nous avons tout lieu de le penser.
Vous savez dispenser autour de vous cette
joie de la langue maîtrisée,
de l'écho des sonorités anciennes, de la traduction
exacte, y a-t-il un exercice
plus difficile et plus exaltant !
Société des
Études
Océaniennes
�127
Ne pas
conserver à
laisser effacer par le temps les traces vraies des peuples,
pays la mémoire de la langue, de ses généalogies et
parentèles, les noms, les mots, les prononciations et les sons, ce qui vit, qui
a une image, une signification et un sens, décrire ce qui a été et reste la
grandeur des hommes, l'impression que laissent sur notre terre les marques
de l'esprit des hommes et de leur savoir faire, si cela n'a pas été pour nous
une œuvre écrite, du moins jusqu'à présent, cela a été une vie, notre vie, et
je dirai un chant, un chant retenu, profond, une mélodie continue, clairement
prononcée mezzo-voce, un peu rieuse, marquant ses valeurs avec soudain un
éclat dans la voix qui écarte le faux, qui salue ce qui est droit, qui dit avec
exactitude ce qui est, et donc très poliment et seulement par différence, ce
qui n'est pas...
un
Madame, comment l'âme et le cœur de la France, sa vocation vraie de
hommes, les peuples et leur patrimoine, notre révérence
voir respecter les
naturelle pour la
science, la découverte, la linguistique qui est notre art,
la République de vous décerner son
deux siècles a distingué les services
plus éminents rendus à la France et au monde, la Légion d'Honneur.
auraient-ils pu plus longtemps retenir
Ordre le plus élevé qui depuis près de
les
Soyez certaine qu'en ce moment, au moment de vous remettre cette
croix, j'ai le sentiment le plus profond de saluer au nom de la République,
une grande dame de ce
pays, une grande Polynésienne et une grande
Française.
JEAN MONTPEZAT
Société des
Études
Océaniennes
�PUBLICATIONS DE LA SOCIETE
DES ETUDES OCEANIENNES
EN VENTE AU SIEGE DE LA SOCIETE
Dictionnaire de la
langue tahitienne (T. Jaussen)
Etat de la société tahitienne à l'arrivée des
1.200 F
Européens (E. de Bovis)
Journal de James Morrison
Alexandre Saimon et
Les
cyclones
en
sa
1.500 F
femme Ariitaimai
(Ernest Salmon)
Polynésie Française (R. Teissier)
Chefs et notables des E.F.O.
au
français
temps du Protectorat, 1842-1880
800 F
en
Polynésie Orientale - B.S.O.
n° 221
(P.Y. Toullelan)
Etablissements
800 F
Français de l'Océanie
Moruroa 1767-1964
-
1885
-
B.S.O. n° 231
(C. Beslu) - B.S.E.O. n° 232
Généalogies commentées des arii de
la Société
à n° 10
1.500 F
800 F
(Maiarii)
-
B.S.E.O. n° 239-240
Choix de textes
1.500 F
800 F
(R. Teissier)
Colons
800 F
1.000 F
(reproduction des numéros
1er
mars 1917
juillet 1925) - B.S.E.O. n° 248
Société des
Études
1 000 F
Océaniennes
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Bulletin de la Société des Études Océaniennes (BSEO)
Description
An account of the resource
La Société des Études Océaniennes (SEO) est la plus ancienne société savante du Pays. Depuis 1917, elle publie plusieurs fois par an un bulletin "s’intéressant à l’étude de toutes les questions se rattachant à l’anthropologie, l’ethnographie, la philosophie, les sciences naturelles, l’archéologie, l’histoire, aux institutions, mœurs, coutumes et traditions de la Polynésie, en particulier du Pacifique Oriental" (article 1 des statuts de la SEO). La version numérique du BSEO dispose de son ISSN : 2605-8375.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
2605-8375
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Établissement
Université de la Polynésie Française
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 254-255
Description
An account of the resource
Articles
- Toponymie et topographie polynésiennes : François Vallaux
Lieutenant de Vaisseau 1
- La genèse du mythe polynésien ou Le miroir aux alouettes du politique : Philippe Draperi 53
- Projet préliminaire pour la restauration du marae Tetuahitiaa de Papeno'o : C. Orliac 86
- Une nouvelle réglementation du travail en Polynésie française, Evolution d'une société : Laure Ginesty 89
- Pape'ete de jadis et naguères : Raymond Pietri 1re suite de la 1re partie : A l'abordage du village de Pape'ete 95
- La pacification de Taiti (Extrait de L'Illustration, Journal Universel, du 22 mai 1847) 117
- Hommage à Aurora Natua : Jean Montpezat 125
Source
A related resource from which the described resource is derived
Société des Études Océaniennes (SEO)
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Société des Études Océaniennes (SEO)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1991
Date de numérisation : 2017
Relation
A related resource
http://www.sudoc.fr/039537502
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
2 volume au format PDF (132 vues)
Rights
Information about rights held in and over the resource
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Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
Imprimé
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
PFP 3 (Fonds polynésien)