-
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SOCIETE
DES ETUDES
OCEKNIENNES
N° 236
TOME XX
—
N° 1 /
Septembre 1986
Société des Études Océaniennes
�Société des Études Océaniennes
Fondée
ORSTOM
-
en
1917.
Arue
-
Tahiti.
Polynésie Française.
B.P. 110- Tél. 43.98.87
Banque Indosuez 012022 T
21
—
C.C.P. 834-85-08 PAPEETE
CONSEIL D'ADMINISTRATION
M. Paul MOORTGAT
Me Eric LEQUERRE
Président
Mlle Jeanine LAGUESSE
Vice-Président
Secrétaire
M.
Trésorier
Raymond PIETRI
assesseurs
M. Yvonnic ALLAIN
Mme Flora DEVATINE
M. Robert KOEN1G
M. Roland SUE
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
R.P. O'REILLY
�OM ~ T O M.-PAPE E fE
APWIVÉ l~ E
24 SEPI986
i
im r»r
1 v
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ
DES
ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
N° 236
-
TOME XX
-
N° 1 SEPTEMBRE 1986
SOMMAIRE
Histoire Naturelle du serpent
marin
:
1
I. Ineich
Pacifique comme espace régional autonome.
Australie, Nelle-Zélande, États Insulaires : P. De Deckker
Le
Les sources
d'inspiration tahitienne d'Hector Berlioz : E. Vigneron
du ciel de Tahiti : P. Paoli
A propos
Comptes-rendus
P. Pétard
P. Laudon
69
Polynésie
70
Ua Pou
:
:
Randonnées
Ph. Le Louarn
:
en
montagne
Les psychoses
délirantes aiguës en Polynésie Française
G. Blanchet : Croissance induite et développement
autocentré en Polynésie Française
N.
Pigeot : Typologie d'un matériel en nacre (Huahine)
Barasczus et Liotard : Géochimie des laves du volcan Mac Donald
P. Ottino
:
47
62
P.M.
Plantes utiles de
:
G. Cheval
11
....
Archéologie des îles Marquises (Ua Pou)
Société des
Études
Océaniennes
70
71
71
73
73
74
��1
HISTOIRE NATURELLE
DU SERPENT MARIN
PELA MIS PLATURUS
(LINNÉ, 1766)
De temps à autres, les journaux locaux relatent, en Polynésie
française, la capture d'un serpent de mer à la queue bien particu¬
lière : Pelamis platurus. J'ai jugé utile, de réaliser une petite
synthèse des connaissances sur la biologie originale de cette espèce,
que beaucoup de gens connaissent, sans trop bien savoir ce qu'elle
est
vraiment.
Origine et diversité des serpents marins
La position exacte des serpents de mer dans la classification
zoologique est encore le sujet de nombreux débats entre spécia¬
listes.
On distingue quatre grands types de dentition chez les
Ophidiens :
(1) Aglyphe : à dents pleines, non sillonnées ; morsure inoffensive
pour l'homme, même si le venin existe dans les glandes
parotides, il ne peut être injecté.
(2) Opistoglyphe
: présence de dents sillonnées très en arrière de la
bouche ; morsure généralement sans danger pour l'homme
mais le venin existe et peut, dans de rares cas, être injecté.
(3) Protéroglyphe
:
antérieurement
(4) Solénoglyphe
type seringue.
:
dents venimeuses sillonnées et fines placées
sur
le maxillaire.
dents venimeuses longues, à canal interne du
Société des
Études
Océaniennes
�2
Le
plus communément, l'on considère les serpents marins
Protéroglyphes aberrants, adaptés secondairement à
leur milieu de vie à partir de formes terrestres (présence de valves
au niveau des narines, glandes à sel, queue aplatie latéralement,
etc...). Tous les serpents à dentition protéroglyphe sont regroupés
dans la famille des Elapidae, elle même subdivisée en trois souscomme
familles
des
:
(1) Elapinae
:
serpents-corail et cobras
;
(2) Laticaudinae : serpents de mer ovipares comme les tricots
rayés, fréquents en Nouvelle-Calédonie (genre Laticauda) ;
(3) Hydrophiinae
comme
:
Pelamis
serpents de mer
ovovivipares et pélagiques
platurus.
Certains auteurs
placent tous les serpents marins dans la
Hydrophiidae, mais la monophylie et donc la valeur
exacte de cette famille semble très controversée (McCarthy, 1985).
Nous considérerons ici la dentition protéroglyphe comme un
caractère évolué qui permet de regrouper les serpents qui la
possède dans la famille des Elapidae.
famille des
Les données
morphologiques et biochimiques placent les
Laticauda proches des Protéroglyphes terrestres
africains, asiatiques et américains, tandis que les Hydrophiinae
seraient plutôt à relier aux Protéroglyphes terrestres australiens.
Cependant, d'autres résultats tendraient plutôt à prouver que les
tricots rayés soient une lignée anciennement individualisée ou à
membres du genre
évolution
indépendante.
Néanmoins, tous les auteurs sont unanimes pour reconnaître
trois groupes dans les serpents marins :
(1) le
groupe
(2) le
groupe
Laticauda
;
Laticaudinae Aipysurus - Emidocephalus, avec des
serpents très spécialisés dans leur alimentation composée
exclusivement d'œufs de poissons ;
(3) le groupe le plus évolué, Hydrophis - Lapemis - Pelamis.
Ce dernier groupe se serait développé récemment, à l'échelle
géologique, en un grand nombre d'espèces, à partir de quelques
formes initiales (cladogenèse), dans la région indo-australe.
Il existe environ 55 espèces de serpents marins, réparties en
quinzaine de genres : près de 40 Hydrophiinae, dont plus de 20
espèces pour le seul genre Hydrophis et environ 15 Laticaudinae.
une
Société des
Études
Océaniennes
�3
(Laticauda colubrina),
(McCann, 1974), soit
Polynésie française, mais je n'ai, pour ma part, pas
Il n'est pas impossible que le tricot rayé
mentionné avec certitude aux îles Cook
présent
en
spécimen collecté dans cette
région. Il faut cependant se méfier de la confusion facile de ce
serpent avec certaines anguilles de la famille des Ophichtyidae, qui
possèdent pourtant, entre autres caractéristiques distinctives, une
queue pointue à sa partie terminale, et non pas aplatie latéralement
en forme de palette natatoire comme chez les serpents de mer.
encore
eu
l'occasion d'observer
un
Le serpent marin le plus souvent rencontré en Polynésie
française est YHydrophiinae Pelamis platurus. Il fut décrit par
Linné (1766 : 39) sous le binôme Anguis platura ; cette dénomina¬
tion s'explique par l'absence d'écaillés ventrales élargies permettant
la reptation.
Le venin de Pelamis
platurus
les plages et dès lors
susceptibles d'être
mordues. De plus, l'attrait pour la pêche sportive au mahi mahi
(dorade coryphène) augmente considérablement les chances de
rencontre avec cet animal. Il importe donc d'avoir une connais¬
sance précise sur son venin et sa toxicité.
P.
se
platurus peut
échoué sur
des personnes
se rencontrer
trouver en contact
avec
Les venins des serpents de mer ont fait l'objet, ces dernières
années, d'études nombreuses par des techniques modernes et
variées. Ils sont composés de neurotoxines à structure protéïnique
de faible poids moléculaire, agissant au niveau des jonctions neuro¬
affinité avec les récepteurs post¬
Ces venins sont considérés, à juste
titre, comme près de 50 fois plus dangereux que celui du cobra
asiatique, Naja naja. P. platurus possède un venin d'aspect aqueux,
proche de celui des Elapidae terrestres asiatiques, mais sa structure
est beaucoup plus simplifiée. Chaque animal peut produire de 0,4 à
5 mg de venin, avec cependant une nette différence entre la
sécrétion des glandes droite et gauche. Un calcul de DL 50 pour des
souris blanches adultes mâles injectées de venin frais donne une
valeur de 0.092 mg/kg (Bolanos et al., 1974). Malgré une
neurotoxine des plus dangereuses, ce serpent n'est pas mortel pour
un homme sain. Toutefois, un enfant ou un adulte infirme
pourraient succomber des suites d'une injection de ce venin. Il est
donc beaucoup plus prudent d'éviter tout contact susceptible
musculaires par une forte
musculaires à acétylcholine.
d'engendrer
une morsure par ce
Société des
serpent.
Études Océaniennes
�4
Une
écologie bien particulière
P.
platurus supporte facilement les variations de salinité. Il est
en eau douce
pendant près d'une année,
en le nourrissant de poissons
d'aquarium par exemple (Zeiller,
1969). Sa résistance thermique s'étend de 12 à 36 degrés
centigrades.
même aisé de le maintenir
Ce serpent
possède des glandes à sel dont la localisation est
originale. Ces glandes se trouvent en arrière de l'œil chez les
tortues, entre la narine et l'œil chez les iguanes marins et sous la
langue, l'une antérieure, l'autre postérieure, mais toujours en avant
de l'œil, chez P. platurus (Dunson, 1971).
bien
Sa vision semble peu
performante et sacrifiée pour la seule
perception des mouvements de ses proies.
P. platurus est ovovivipare et donne naissance de deux à huit
serpenteaux, ce qui lui permet un affranchissement total du milieu
terrestre, contrairement aux tricots rayés, qui eux, nécessitent la
terre ferme pour y déposer leur ponte.
P. platurus se nourrit exclusivement de poissons : Mugilidae,
Polynemidae, Mullidae et Carangidae principalement. La taille de
ses proies oscille entre 35 et 70 mm et c'est le seul
serpent de mer à
pouvoir se nourrir en surface. La possibilité d'une nage à reculons,
entraînant la confusion entre tête et queue, semble lui faciliter la
capture des proies déroutées par un tel comportement.
Il ne semble que très peu soumis à la prédation par les
poissons. En alimentant expérimentalement un requin, celui-ci
refuse avec constance tous les morceaux de Pelamis, dépecé,
congelé ou non et quelle que soit leur taille. Un fragment de serpent
placé entre deux couches de crevettes est craché, alors que les
crustacés sont consommés (Heatwole et al, 1974). Cependant,
dans certains cas, les serpents de mer peuvent être victimes d'une
prédation par le requin tigre Galeocerdo cuvieri Lacépède, comme
l'ont noté Rancurel et Intes (1982) en Nouvelle-Calédonie.
Par contre, les poissons de l'Océan Atlantique ne présentent
l'aversion envers cet Ophidien. Rubinoff et Kropach (1970)
observent, en aquarium, un poisson qui consomma 22 serpents, en
31 jours, puis succomba à une morsure interne et ce dernier serpent
fut régurgité, en parfaite santé ! Ce mécanisme pourrait être à
l'origine d'une sélection des individus à venin très toxique. Des cas
de prédation par les oiseaux sont également mentionnés dans la
littérature. Autre prédation spectaculaire, celle du phoque léopard
Hydrurga leptonyx aux Nouvelles-Galles du Sud (Australie), qui
pas
Société des
Études
Océaniennes
�5
fut bien malade
après avoir régurgité
digéré (Heatwole et Finnie, 1980).
Des comportements
adaptés à
une
un
Pelamis partiellement
vie pélagique
platurus peut réaliser des plongées de longue durée,
pouvant dépasser 90 minutes ; son poumon droit unique s'allonge
jusqu'à la base de la queue. Expérimentalement et sous contrainte,
P.
une
durée d'immersion de
cinq heures fut obtenue
par
Pickwell
(1972).
Ce même auteur
(1971) décrit le comportement de "knotting
coiling" qui consiste, chez ce serpent, à s'entrelacer en se
contractant de façon à frotter différentes parties de son corps entre
elles pour se débarrasser des parasites qui se fixent sur sa peau. Ces
parasites peuvent appartenir à différents groupes zoologiques :
Bryozoaires Ectoproctes (Membranipora tuberculata), larves de
barnacles (Lepas sp.) et botaniques : algues.
La fréquence des mues est très grande chez P. platurus :
environ trois semaines entre deux mues successives, alors que chez
Laticauda semifasciata, espèce non pélagique, cette mue s'effectue
tous les quatre à cinq mois. Ces changements répétés de peau,
outre l'élimination des parasites, assurent également une régulation
osmotique efficace et constituent, sans aucun doute, une adapta¬
tion à la vie pélagique.
and
Des
déplacements passifs
P. platurus affectionne tout particulièrement les couloirs
engendrés par les courants marins dénommés "slicks" par les
auteurs anglo-saxons. Ces slicks véhiculent beaucoup de débris
flottants et de matières organiques, offrant abris et nourriture aux
serpents. Ils constituent un véritable écosystème flottant avec sa
biocénose particulière.
Les concentrations de Pelamis peuvent être très importantes
dans ces slicks et comprendre, comme au large des côtes
d'Amérique du Sud et Centrale, plusieurs milliers d'individus qui
se laissent dériver passivement tout en s'alimentant.
Une coloration très variable
P. platurus est un serpent très polymorphe pour sa colo¬
ration ; l'on rencontre quelquefois, au large des côtes d'Amérique
Centrale, des individus presque totalement jaunes et
uniformément.
Société des
Études
Océaniennes
�6
Certains auteurs ont tenté de caractériser des
variétés, mais
ces
distinctions
ne
sous-espèces
ou
semblent pas crédibles et résultent
plutôt d'une grande variabilité. L'on pense actuellement que les
morphes de coloration, chez ce serpent, résultent de la nécessité
d'une protection des prédateurs en les prévenant du danger qu'ils
encourent à l'attaquer (coloration aposématique). Cependant,
même soumis à une coloration artificielle, les prédateurs ne le
touchent pas. Leur reconnaissance du serpent résulte très
certainement d'une combinaison de stimuli visuels, olfactifs et
gustatifs.
Une vaste distribution
P.
indo-pacifique
platurus est le serpent marin le plus largement distribué. On
le rencontre dans tout l'Océan Indien et dans tout le Pacifique,
même en dehors de la zone tropicale. Seuls les courants froids
constituent des obstacles à
progression vers l'Atlantique.
Quelques rares collectes de cet Océan sont cependant mentionnées,
mais proviennent certainement d'individus égarés. L'annonce, dans
les années 1970-1972, du percement d'un deuxième canal de
Panama a entraîné une quantité considérable de travaux sur ce
serpent, car sa colonisation éventuelle des Antilles faisait craindre
des préjudices engendrés par une désertion touristique. Sa grande
distribution, à l'exclusion des nombreuses collectes marginales, se
limite à l'isotherme 20° en février pour l'hémisphère Nord et en
août pour l'hémisphère Sud. Les densités maximales sont atteintes
au large des côtes
d'Amérique Centrale et du Sud où il est le seul
serpent marin présent, alors qu'en Australie, il peut se rencontrer,
avec des densités
beaucoup plus faibles, en sympathie avec près de
20 autres espèces.
Situation
P.
en
sa
Polynésie française
platurus, appelé "tunatore"
polynésien, est signalé de
qui notent à son propos :
"Ainsi, les indigènes en font la pêche vers les îles de la Société et les
recherchent comme une sorte de poisson analogue aux anguilles et
ils s'en nourrissent". Connaissant les mœurs pélagiques de ce
serpent, sa rareté en Polynésie française et la phobie des
polynésiens envers les reptiles autres que les tortues, cette
affirmation ne semble pas crédible et je ne peux, pour ma part,
savoir d'où elle tire son origine. Il faut cependant noter
qu'aux
Philippines, certains serpents de mer, principalement du genre
en
Tahiti par Duméril et Bibron (1836),
Société des
Études
Océaniennes
�7
Laticauda, sont exploités pour leur peau
mais aussi
être
1975).
P. platurus est rarement mentionné de Polynésie française
(Rivière, 1979) et Hecht et al. (1974) en font la remarque. Il m'a
paru important de rassembler toutes les mentions de l'espèce dans
cette région centrale du Pacifique. J'ai pu étudier sept exemplaires,
en plus des trois captures relatées
dans "La Dépêche de Tahiti" et
d'un autre serpent conservé autrefois au Service de la Pêche et
disparu à ce jour :
consommés
•
une
grillés
femelle
fumés (Dunson, 1971
ou
;
Punay
pour
;
bicolore, conservée à l'Institut Malardé de Tahiti. Sa
renseignement sur sa
date de collecte est inconnue et le seul
provenance est
"archipel de la Société" ;
en juillet 1975 sur une plage de
actuellement conservée à l'Institut
femelle bicolore échouée
Huahine (arch, de la Société),
Malardé ;
•
une
•
un
mâle bicolore collecté
au
Nord-Est de Moorea. Il
Montpellier
•
une
•
en 1983 par A. Intes au large de
(arch, de la Société), actuellement en alcool à
femelle bicolore collectée
Montpellier ;
juvénile tricolore collecté en 1984 sur la plage de l'Hôtel Kia
Ora à Moorea par le Dr. Tran Thai Thanh, pharmacien à Pao
Pao (Moorea), qui le détient toujours ;
un grand individu bicolore, collecté en novembre-décembre 1985
au large de la Papenoo (Tahiti) par le bonitier "Raitu", qui me
fut remis par Louise Wrobel, biologiste à l'EVAAM (Tahiti). Il
est en mauvais état du fait de sa congélation tardive et se trouve
un
actuellement
en
alcool
d'Opunohu à Moorea
•
août 1983 par J.P. Augustin à 10 km
se trouve actuellement en alcool à
;
l'atoll de Tetiaroa
•
en
au
Centre
de
l'Environnement
;
juvénile tricolore actuellement en alcool à Montpellier qui me
fut remis par Louise Wrobel et collecté à l'atoll d'Apataki (arch,
des Tuamotu) par Stephen Yen, biologiste à l'EVAAM (Tahiti),
un
juillet 1985,
en
sous
la cale d'un bateau, dans 50 cm d'eau.
Quatre exemplaires capturés sur le Territoire sont mention¬
ne me furent pas accessibles :
nés, mais
•
individu collecté en 1979 dans la passe de Tahaa (arch, de la
Société), conservé par le Service de la Pêche de Tahiti pendant
longtemps, ne s'y trouvait plus lors de mon passage en février
un
1986 ;
Société des
Études
Océaniennes
�8
•
"La
Dépêche de Tahiti" du 30
mars
1982 relate la capture d'un
Pelamis bicolore par les pêcheurs du bonitier "Miki Miki 3",
vers 16 heures, au large de la Punaruu à Punaauia
(Tahiti) ;
même journal, en date du 13 avril 1982, fait part
de la capture
d'un deuxième serpent bicolore à sept ou huit milles au
large de
Mahaena (Tahiti) ;
•
ce
•
toujours "La Dépêche de Tahiti", du 6 mars 1986 cette fois, qui
rend compte de la capture d'un tel serpent bicolore de grande
taille, harponné pendant un concours de pêche sportive au
"gros", alors qu'il traversait, au large de Moorea, un banc de
mahi mahi.
Ces
exemplaires, collectés en Polynésie française, nous
présence à la fois d'adultes et de juvéniles. Comme ce fut
le cas autour de l'archipel des Galapagos (Reynolds et Pickwell,
1984), on ne rencontre que les morphes bicolores et tricolores
parmi la dizaine qui furent répertoriées.
révèlent la
Conclusion
P.
platurus est le serpent marin le mieux connu à l'heure
particularités biologiques lui confèrent
un intérêt
scientifique certain. Très dangereuse, sa morsure ne
semble pas fatale à un homme sain ; il paraît cependant
beaucoup
plus prudent d'éviter toutes manipulations de cet animal qu'il n'est
pas impossible de trouver échoué sur une plage.
Sa grande distribution s'explique surtout par ses déplacements
passifs, au gré des courants, sa reproduction ovovivipare qui
actuelle. Ses nombreuses
l'affranchit de tout contact
avec
la terre ferme et
ses
nombreuses
adaptations à la vie pélagique qui lui permettent de s'éloigner des
continents.
L'un des
points importants à élucider
P.F., est de savoir si
égarés, ou alors s'ils
appartiennent à des populations bien établies. La capture récente,
le 30 août 1983, d'une tortue luth,
Dermochelys coriacea, à
Tautira, au Nord-Est de la presqu'île de Taiarapu, à moins de 100
mètres des côtes de Tahiti, pourrait être expliquée par des
perturbations de la circulation des courants marins durant cette
année caractérisée par un reflux d'eaux chaudes d'Ouest en Est
(Fretey et Lebeau, 1985). Cette anomalie hydroclimatique dans le
Pacifique Sud, appelée ENSO (El Nino Southern Oscillation), fait
dire à Rougerie et al. : "... le déséquilibre
apparu dans le
fonctionnement du couple interactif océan-atmosphère au cours
en
les individus collectés sont solitaires et
Société des
Études
Océaniennes
�9
des
premiers mois de 1982
a
atteint,
au
début de 1983 une ampleur
telle, que tous les schémas descriptifs classiquement proposés et
jusqu'ici vérifiés se sont révélés inutilisables". Certaines, voire
toutes, des collectes de cette étude pourraient être dues aux mêmes
causes
et il
pouvoir faire, à
journaux locaux.
serait intéressant de
des anciens numéros des
ce
sujet,
une revue
Ivan INEICH
Université Montpellier 3
Antenne Museum. EPHE
B.P. 1013
Laboratoire de Zoogéographie
Papetoai
B.P. 5043
Moorea
34032
Montpellier
Cet article se veut également être un appel à la collecte
d'exemplaires et de renseignements divers supplémentaires pour
une meilleure connaissance de la biologie de cette espèce en P. F.
Puis-je me permettre de rappeler que pour conserver ces serpents, il
faut les mettre dans de l'alcool ou du formol et surtout ne pas
oublier de les injecter à l'aide d'une seringue des mêmes produits,
environ tous les 20 cm et sur toute la longueur de l'animal, à
l'exception de la tête et de la queue. Ils pourraient être expédiés au
Centre de TEnvironnement d'Opunohu, B.P. 1013, Papetoai,
Moorea, qui me les ferait parvenir.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier tout d'abord MM. A.
Intès (ORSTOM, Tahiti)
Augustin (enseignant au Lycée Agricole d'Opunohu, Moorea) qui
m'ont permis d'étudier les deux spécimens qu'ils ont collecté et remis en
parfait état de conservation au Prof. Ch. P. Blanc, Directeur du
Laboratoire de Zoogéographie, Université de Montpellier 3.
et
J.P.
mon passage à l'Institut Malardé en février 1986, le Dr.
bien voulu mettre à ma disposition les deux exemplaires qui y
conservés. Je lui adresse ma gratitude.
Lors de
Bagnis
sont
a
Je remercie
également Louise Wrobel et Stephen Yen, biologistes à
m'avoir gracieusement remis deux serpents
l'EVAAM (Tahiti), pour
marins.
Tran Thai Thanh, pharmacien à Pao Pao (Moorea), m'a
permis d'étudier le serpent marin exposé dans sa vitrine. Qu'il en soit
Le Dr.
remercié.
Société des
Études
Océaniennes
�10
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graphie, Notes et Documents n° 27
1-112.
zone
Rubinoff L,
Kropach C., 1970
predators to
sea
Zeiller W., 1969
in
- Differential reactions of Atlantic and Pacific
snakes. Nature 223(5278) : 1288-1290.
-
Maintenance of the yellow-bellied
: 407-408.
sea
captivity. Copeia 1969
Société des Etudes Océaniennes
snake, Pelamis platurus,
�11
LE
ESPACE
PACIFIQUE COMME
RÉGIONAL AUTONOME
AUSTRALIE,
ET
NOUVELLE-ZÉLANDE
ÉTATS INSULAIRES
des îles du Pacifique sud est celui
bordées d'un lagon
aux couleurs turquoises, d'une végétation luxuriante et paradi¬
siaque d'où émergent de splendides vahinés souriantes, offrant aux
visiteurs des boissons tropicales à défaut de les gratifier d'autres
faveurs qui ne sauraient d'ailleurs tarder à l'être... Jardin d'Eden où
les jours paisibles s'écoulent sans histoire, où les problèmes de
notre monde en ébullition sont vite oubliés pour tirer plein profit
d'une existence plus simple, plus proche de la nature.
Cette imagerie romantique excessive s'est atténuée ces
dernières années en fonction d'événements qui ont affecté la
région, l'attirant irrésistiblement dans la mouvance des réalités
d'un monde d'où elle semblait jusqu'alors détachée. Alors que
certains politologues et économistes se sont mis à prévoir que les
années 1980 seront celles du Pacifique, nouveau centre du monde,
une confusion, alimentée par les média, a trop souvent fait que les
pays riverains du Bassin Pacifique ont été synonymes des entités
insulaires situées en son centre. Si de Singapour à Panama se
déploie en éventail 17.000 km de côtes où les rythmes de
production et de croissance économiques apparaissent des plus
fabuleux, face à une force de travail européenne que l'on dit
quelque peu essoufflée, les archipels multiples éparpillés au centre
du Grand Océan ne participent aucunement aux enjeux écono¬
miques qui se développent à Singapour, au Japon ou en Californie.
Le cliché habituel à propos
de cocotiers élancés
sur
de merveilleuses plages
Société des
Études Océaniennes
�12
Toutefois, ces milieux insulaires ont leur intérêt sur le plan straté¬
gique : nombreuses installations militaires américaines situées en
Micronésie et en Polynésie, et les essais nucléaires effectués par la
France dans les Tuamotu. Ils semblent
représenter aussi un enjeu
d'importance sur le plan économique pour un proche avenir : de
par les zones de pêche récemment définies par l'extension des
juridictions territoriales à 200 milles, de par le développement des
bio-technologies comme l'aquaculture, de par l'exploitation des
fonds marins et de leurs nodules polymétalliques. Autant que faire
se peut, nous tenterons d'évaluer les fondements de ces divers
potentiels et leurs implications. Sur le plan politique enfin, les
passions se sont dernièrement exacerbées du côte d'Auckland et de
Sydney à l'égard de la France. Si les événements de NouvelleCalédonie et, surtout, l'Affaire Greenpeace y sont pour beaucoup,
il nous semble toutefois opportun de les examiner comme éléments
d'un contexte global s'étageant dans la longue durée, révélateurs
d'une mésintelligence latente qui meuble l'espace mental des NéoZélandais et des Australiens et qui prit racine lors de l'instauration
du Protectorat français sur Tahiti en 1839 et lors de la prise de
possession de la Nouvelle-Calédonie par l'amiral FebvrierDespointes en 1853.
Pays du Nord situés dans l'hémisphère sud, l'Australie et la
Nouvelle-Zélande ont certes été des satellites anglo-saxons actifs
dans le Bassin Pacifique du fait de l'origine de leur peuplement
et des liens sentimentaux qui les liaient au Royaume-Uni. Toutes
deux ont activement participé aux rivalités qui ont pu opposer
leur métropole à la France lors de son expansion dans le
Pacifique insulaire. Mais, au contraire d'une croyance largement
répandue, leur histoire respective n'est pas celle d'une docile subor¬
dination à l'égard de Londres et de ses décisions affectant le Bassin
Pacifique. Elle est plutôt celle d'un désir précoce et constant de voir
l'Angleterre se dessaisir en leur faveur de certaines de ses tutelles
insulaires et de leur accorder à toutes deux la faculté de jouer un
rôle plus important sur le plan régional. L'entrée de la GrandeBretagne dans le Marché Commun en 1973 et l'indépendance
politique qu'elle accorda alentour de cette date à ses sept colonies
du Pacifique (hormis à Pitcairn pour des raisons humanitaires et
sentimentales) ont définitivement imprimé dans les consciences
gouvernementales australiennes et néo-zélandaises leur vocation de
parrain, voire de gendarme, qu'elles avaient déjà assumée en partie
dans le passé à l'égard des milieux insulaires. Présentes dans le
Pacifique sud et plus proches géographiquement des milieux
archipélagiques que n'importe quelle autre puissance, la Nouvelle-
Société des
Études
Océaniennes
�13
Zélande et l'Australie traitent l'ensemble
nostrum.
régional comme leur mare
Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'identité de la
population néo-zélandaise s'articule plus autour d'un concept de
Pacifique sud que sur celui de ses origines
européennes. Le fait est important et nous verrons comment cette
tendance a pu se renforcer ces dernières années à cause de
l'attitude, jugée par trop désinvolte et arrogante, de la France lors
de l'accession à l'indépendance de Vanuatu, à l'égard de la
Nouvelle-Calédonie et,surtout, face aux essais nucléaires effectués
en Polynésie Française. L'on mésestime trop en France l'opposi¬
tion viscérale des populations néo-zélandaises et australiennes,
toutes classes et appartenances politiques confondues, à l'encontre
du nucléaire d'origine militaire. Il en est de même parmi les
responsables gouvernementaux et religieux dans les archipels. Le
traité signé à Rarotonga en août dernier, traité qui se propose de
faire du Pacifique sud une zone dénucléarisée à l'instar de
l'Amérique latine, est là pour nous le rappeler.
communauté du
Après une brève présentation des caractéristiques géogra¬
phiques et humaine du Bassin Pacifique insulaire, nous tenterons
de retracer une partie de la spécificité historique de ses vingt-cinq
entités politiques distinctes. Neuf d'entre elles ont actuellement
accédé à l'indépendance constitutionnelle et deux autres ont un
gouvernement autonome en association libre avec la NouvelleZélande. Quels sont les facteurs qui y ont préludé et qu'en est-il des
quatorze restantes où persistent, sous des formes diverses, des
survivances coloniales formelles les maintenant fermement dans la
dépendance politique ?
Pacifique prend de plus en plus une dimension
étudierons la genèse, les tenants et les
économique et politique en y incluant
une analyse de l'importance des nodules polymétalliques et des
zones de pêche. Les expérimentations nucléaires françaises en
Polynésie forment donc problème dans la région ; nous les
insérerons dans leur contexte historique global depuis la fin de la
Seconde Guerre Mondiale pour tenter de mieux comprendre les
raisons de l'hostilité régionale qui se dégage à leur encontre. Enfin,
dernier point, qu'en est-il des facteurs d'opposition religieuse qui
font encore qu'aujourd'hui, le terme de protestant est synonyme
d'anglo-saxon et le catholique de français ?
Nous tenons à insister sur le fait que le présent document n'a
aucune prétention à la moindre exhaustivité, il se propose
seulement de poser un regard non détaché sur certaines réalités.
Le Bassin
régionale
propre. Nous en
aboutissants sur les plans
Société des
Études
Océaniennes
�14
1. Des îles et des hommes
Le Bassin du Pacifique insulaire, duquel nous excluons
l'Australie et la Nouvelle-Zélande pour la plupart des considé¬
rations qui suivent, couvre une superficie océanique de quelque
45 millions de km2, soit un peu plus de cinq fois celle des États-
Unis ou, grosso modo, deux fois celle du
milliers d'îles sont éparpillées sur le
continent africain. Si des
Grand Océan, elles ne
représentent toutefois qu'un million de km2 de terres émergées, soit
2% de la masse océanique. Ile continentale de par sa superficie et sa
population, la Nouvelle-Guinée occupe à elle seule les 9/10 de ces
terres.
Plantes, animaux et hommes dans le Pacifique sont origi¬
naires d'Asie. En provenance d'Indonésie, les premiers émigrants
sont arrivés en Océanie par la Nouvelle-Guinée occidentale à une
époque où celle-ci formait avec l'Australie et la Tasmanie une seule
masse continentale (Sahu). Durant le Pleistocène, le niveau
océanique était beaucoup plus bas qu'actuellement et le manque de
connaissance nautique n'empêchait pas de traverser des détroits
sans
perdre la terre de vue. La forte montée des eaux, il y a
10.000 ans, isola les populations aborigènes d'Australie qui, sans
contact avec le reste du monde pendant au moins 50.000 ans,
maintinrent les cadres de leur culture paléolithique, vivant de
chasse et de cueillette en petits groupes sur des territoires étendus.
On estime habituellement que leurs nombres s'élevaient à 300.000,
répartis en quelque 500 tribus, lors de l'implantation européenne
en
1788. Fortement marginalisés, les Aborigènes ne sont plus
aujourd'hui qu'une centaine de milliers parmi les 15 millions
d'Australiens.
La lente révolution
néolithique
que connut
l'Asie influença
par contre les populations installées en Nouvelle-Guinée à la suite
de l'arrivée de nouveaux émigrants. Le développement de
l'agriculture et la domestication des animaux d'abord, les nouvelles
technologies lithiques, la poterie et l'amélioration des techniques
de construction nautique entraînèrent une expansion prolongée
vers l'est et l'installation de
groupes successifs dans les archipels de
Bismarck, les Salomons, Vanuatu, la Nouvelle-Calédonie avant de
se terminer à
Fiji. Cet ensemble d'îles forme la Mélanésie,
dénommée ainsi à la suite de la peau noire de ses habitants. La
grande multiplicité des mouvements migratoires, étagés dans le
temps long, et qui ont préludé au peuplement de la Mélanésie se
reflète dans le fait que s'y parlent plus de 1.100 langues parmi les
quelque 5 millions d'habitants actuels de cette partie de l'Océanie,
Société des
Études
Océaniennes
�15
soit
un
quart du total des langues
parlées
sur
la planète.
Trois milliers d'années environ avant notre ère, de nouveaux
en provenance du sud-est asiatique transitèrent par la
Mélanésie pour se diriger vers le centre du Bassin Pacifique.
Établissant des relations d'échange avec les Mélanésiens (horti¬
culture et poterie), ils purent, grâce à leur compétence nautique
émigrants
(pirogue à double coque), essaimer à partir de Fiji, Samoa et
Tonga vers l'archipel de la Société et les Marquises avant de gagner
par diverses progressions les trois sommets de ce qu'il est convenu
d'appeler le triangle polynésien :Hawai'i au nord, Pâques à l'est et
la Nouvelle-Zélande
au
sud-ouest. Dernière à être touchée par ces
transmigrations polynésiennes, Aotearoa, nom maori de la
Nouvelle-Zélande, fut accostée alentour du 8ème siècle de notre
ère. Au contraire de la Mélanésie, la Polynésie connaissait une
homogénéité linguistique avec certaines légères variations
dialectales. Actuellement, la population de sang polynésien ne
s'élève qu'à quelques centaines de milliers de personnes, réparties
dans les nombreuses îles du triangle.
Située dans le
prolongement oriental des Philippines et au
l'Équateur, la Micronésie tire
son nom de la petitesse de
répartis sur plusieurs millions de km2
océaniques. Plus hétérogène qu'en Polynésie, l'histoire du
peuplement micronésien comporte des origines indonésienne,
philippine, japonaise, mélanésienne et polynésienne. Sept entités
politiques la composent : Nauru, l'île au phosphate (21 km2),
Kiribati (33 îles et atolls représentant 690 km2 de terres émergées
réparties sur plus de 3,5 millions de km2 de juridiction océanique
de par l'extension aux 200 milles de sa zone économique exclusive),
Belau, les États Fédérés, Guam, les Mariannes du Nord et les
nord de
ses
milliers d'îles et atolls
Marshall.
Micronésie, Mélanésie et Polynésie se rencontrent donc à la
ligne internationale de changement de date et de
l'Équateur, croisée partageant le monde entre hier et aujourd'hui,
et le Pacifique entre Nord et Sud. Types idéaux, ces trois ensembles
croisée de la
réalité ethnique puisque l'on
micronésiennes en Mélanésie ;
des populations métissées vivent en bordure de chacune des trois.
97% des terres émergées dans le Pacifique insulaire se
rattachent à la Mélanésie tandis que la Micronésie et la Polynésie
en ont respectivement 0,7 et 2,3%. Au fur et à mesure que l'on se
dirige vers l'est en effet, la superficie des îles diminue, la flore et la
ne
reflètent pas complètement la
enclaves polynésiennes et
trouve des
faune deviennent moins riches.
Société des
Études
Océaniennes
�16
En 1985, la population totale du Bassin Pacifique insulaire
s'élevait à un peu moins de 7 millions d'habitants, l'île continentale
de Nouvelle-Guinée en abritant à elle seule plus de 4 millions. Dix
entités ont une population supérieure à 100.000 habitants, sept
entre 10.000 et 60.000 et six en ont moins de 10.000. A nouveau, la
Mélanésie
se différencie des deux autres
régions avec plus de 80%
population totale du Bassin, la Polynésie en contenant deux
fois plus que la Micronésie. Les densités moyennes sont respective¬
ment de 8 pour la Mélanésie, de 99 pour la Micronésie et de 60
pour la Polynésie. Notons enfin que, depuis la Seconde Guerre
Mondiale, plusieurs archipels polynésiens ont connu des
mouvements migratoires faisant décliner sensiblement leurs
nombres. Le croît démographique important du Pacifique
insulaire (23,9% lors de la dernière décennie) se justifie surtout par
la jeunesse des populations.
de la
Brièvement à propos de la stratification sociale dans les trois
La structure socio-politique des diverses sociétés
traditionnelles en Polynésie s'articulerait autour d'un modèle idéal
de la chefferie : une élite héréditaire, sacrée (mana) et séculaire, à
ensembles.
rangs généalogiques institutionnalisés à
les lignages. Le degré de stratification y
la fois par les individus et
serait directement propor¬
tionnel aux disponibilités favorisant le surplus économique dont le
chef est l'agent ordonnateur et redistributeur ; son prestige
dériverait de sa générosité et, en conséquence, l'étendue de son
pouvoir et de son statut resterait tributaire de l'accumulation de ce
surplus. De forme pyramide, la société polynésienne comporte
plusieurs classes sociales : la haute et la petite noblesse, les roturiers
et les esclaves (1).
En Mélanésie, point de pouvoir hérité. De par sa propre
volition et de sa propre manipulation des disponibilités écono¬
miques et des relations sociales, le chef mélanésien crée sa propre
base politique pour son propre compte. Nous traitons ici d'une
typologie idéale ne reflétant pas les variations qui existent entre les
archipels au sein d'un même ensemble ethnique. Le pouvoir
mélanésien est plus limité qu'en Polynésie puisqu'il est temporaire
et
ne
couvre
habituellement qu'une petite sphère tribale,
n'englobant qu'exceptionnellement plusieurs communautés
voisines. Facteur d'intégration politique et économique en
(1) Le conditionnel
sociétés
est de
polynésiennes
rigueur dans la
mesure
où cette typologie est idéale. Certaines
ce schéma comme Niue. Voir Thomas
Ryan, Niue, l'île sans chefferie, DEA, EHESS, Paris, 1981. Sur l'ensemble de la
question, voir l'excellent ouvrage de Claude Robineau, Tradition et Modernité aux îles
de la Société, livre 11, Les racines, Paris, ORSTOM, 1985.
ne se retrouvent pas
Société des
dans
Études
Océaniennes
�17
Polynésie, le pouvoir y existe aussi indépendamment de son
récipiendaire. Ce n'est pas le cas en Mélanésie.
La Micronésie présente une série de variantes sur le plan de la
hiérarchie, allant de la société sans autorité centralisée dans le
Kiribati méridional à l'organisation très complexe de la chefferie
héréditaire à Yap ou à Ponape.
l'anthropologie sociale par excellence, l'étude de
socio-politique des milieux insulaires est essentielle
pour appréhender leur organisation économique et socio-politique
hier comme aujourd'hui. Pour ne prendre que deux rapides
exemples, trois royaumes séparés coexistent dans l'archipel de
Wallis et Futuna. Si la hiérarchie traditionnelle (roi, ministres,
chefs de district et de village) forme encore la base du fonctionne¬
ment de la société, il faut aussi noter que les représentants du
pouvoir de type occidental imposé avec la colonisation (évêque,
sénateur, etc.) sont issus, même choisis ou élus démocratiquement,
Domaine de
la stratification
Calédonie, les
Mélanésiens, indépendantistes ou non, continuent de gérer leurs
affaires par consensus généralisé. Il faut souvent dépasser l'idée
de la chefferie traditionnelle. De même, en
l'impact européen fut fatal à ces sociétés sur le plan de leur
organisation interne (2).
Par le tableau de données statistiques qui suit, nous avons
voulu préciser la population estimée de chaque entité politique
insulaire, reprise par ordre alphabétique. Nous y avons indiqué
aussi la superficie des territoires ainsi que la zone économique
exclusive dont ils jouissent depuis l'extension de leur juridiction
aux 200 milles (1978). L'on remarquera aussi les fortes densités en
Micronésie et, parfois, en Polynésie. Les densités urbaines ne se
réfèrent pas uniquement aux populations des capitales données
car, dans certaines îles, existent parfois plusieurs centres urbains.
Les statuts politiques ne tiennent pas compte de ceux qui les ont
précédés. Ainsi, les territoires américains en Micronésie (sauf
Guam) ont connu une présence coloniale japonaise et, avant celleci, la colonisation allemande. De même, Irian Jaya était sous
domination hollandaise avant d'être rattachée à la République
indonésienne en 1962. C'est le seul cas de permutation coloniale
depuis le souffle des indépendances dans le Pacifique insulaire.
que
(2) David C. Pitt, Tradition and Economie Progress in Samoa, Oxford,
1970 et The Social Dynamics of Development, Pergamon, 1976.
Clarendon Press,
Newbury, Tahiti Nui, Change and Survival in French Polynesia, Honolulu,
University Press of Hawai'i, 1980.. Ceci à titre d'exemples.
Colin
Société des
Études Océaniennes
�staut
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1945 1965 1945 1970 1898 1898 1979 1945 1945 1968 1974
Indoésie
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63
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COOK
12.120 17.90 73.20
BELAU
�19
2. Un survol
historique...
navigateurs européens qui se sont succédés dans le
Pacifique insulaire de 1521 à 1779 ont pris possession des îles et des
archipels au nom de leurs souverains, il faut attendre l'implanta¬
tion des missionnaires, des colons et des déserteurs de baleiniers
tout à la fin du 18è siècle pour que la prise de contact avec
l'Occident soit permanente. Au début du siècle suivant, certaines
îles apparaissent importantes sur le plan stratégique dans la mesure
où elles peuvent servir de point d'appui pour un ravitaillement
assuré ou de dépôt à charbon pour les tout récents bâtiments à
vapeur des marines de guerre. La France et la Grande-Bretagne
rivaliseront parfois pour la possession de certaines ainsi que les
États-Unis pour asseoir leur influence sur Hawai'i. De l'Australie
et de la Nouvelle-Zélande, l'Angleterre fera des colonies de
peuplement.
Par la suite, des projets de mise en valeur agricole (coprah,
canne à sucre, etc.) s'effectueront avec l'assistance d'une maind'œuvre
immigrée en provenance de certains archipels
(blackbirding) ou d'Asie avant que les richesses minières n'en
viennent à être exploitées. Alentour du Traité de Berlin (1885),
l'Allemagne prend possession de la plupart des archipels délaissés
jusque-là par la France, l'Angleterre et les USA, et développe le
commerce interinsulaire avant d'être évincée de la région durant la
Première Guerre Mondiale. En 1919, la Société des Nations
attribuera ses territoires mélanésiens à l'Australie ; Samoa à la
Nouvelle-Zélande ; ses archipels micronésiens au Japon et Nauru,
dont les réserves de phosphates étaient importantes pour les
agricultures britannique, australienne et néo-zélandaise, fera
l'objet d'un mandat confié conjointement à ces trois pays.
Si les divers
partir des années 1930, les visées expansionnistes japonaises
l'égard du Pacifique sud, dans le but sans doute d'y créer une
Japonésie imaginaire, ont abouti à la guerre du Pacifique. La
victoire fut assurée par les armées américaines, renforcées quelque
peu par des troupes australiennes et néo-zélandaises. La défaite du
Japon préluda aux expériences atomiques américaines et britan¬
niques dans le Pacifique et Washington s'assura la tutelle des
archipels micronésiens dont certains, nous y reviendrons, allaient
servir de champs d'expérimentation atomique et nucléaire.
A
à
bref rappel historique relève de l'histoire écrite. Chez
au fur et à mesure de la pénétration et de l'implan¬
Européens, certes plus tardive en Mélanésie qu'en
et Polynésie, l'édifice social, patiemment bâti au cours
Ce trop
les Océaniens
tation des
Micronésie
Société des
Études
Océaniennes
�20
de siècles de formation et
d'épanouissement, s'en trouva déséqui¬
libré. Ciment des sociétés insulaires, les bases religieuses
traditionnelles furent renversées par la religion nouvelle. S'ensuivit
perte d'identité qu'accompagna un fort déclin démographique
populations au contact des nouveaux venus. Un peu comme si
l'existence s'était trouvé vidée de toute raison de vivre alors que les
maladies et les alcools importés avaient sapé sa résistance
physique. Pour la plupart d'entres elles, les sociétés de l'Océanie,
avec le temps, ont inversé le processus après avoir atteint un
minima apparemment irréversible. Les Maoris de NouvelleZélande, qui n'étaient plus que 40.000 vers 1900, sont aujourd'hui
près de 300.000 (3). La tendance est similaire aux Marquises, en
Calédonie ou dans les Carolines. L'archipel des îles Hawai'i forme
la triste exception à cette faculté de se reprendre, de se retrouver
une
des
une
identité.
3. Décolonisation
Trois
distincts de décolonisation
produits
Pacifique insulaire. Le premier, de 1957 à 1963, fut amorcé
par la France par le biais de l'application de la Loi-cadre dans ses
"Territoires Français de l'Océanie" (Polynésie Française) et en
"Nouvelle-Calédonie et Dépendances". Dans chacune des deux
entités fut établi un Conseil de Gouvernement avec portefeuilles
ministériels ; la présidence du Conseil était assurée par le
mouvements
se
sont
dans le
gouverneur du Territoire. Transitoire, cette mesure semblait
former le prélude à un acheminement vers l'indépendance. Lors du
référendum de
septembre 1958 organisé
tous deux votèrent leur rattachement à la
par Charles De Gaulle,
Communauté française.
En
Polynésie toutefois, sous l'impulsion de Pouvanaa a Oopa et de
parti, le Rassemblement Démocratique des Populations
Tahitiennes (RDPT), la majorité des "oui" fut loin d'être écrasante.
En octobre, le Général abolit le Conseil de Gouvernement, pouvoir
exécutif du Territoire siégeant à Papeete. Il en sera de même en
Calédonie en 1963 par la suppression des postes ministériels.
son
Décidé à doter la France d'une force de dissuasion nucléaire et
suite à l'impossibilité de poursuivre les expériences débutées sous la
4ème République dans le Sahara algérien, Charles De Gaulle prit
la décision de les effectuer sur deux atolls des Tuamotu, choisis par
les experts militaires comme champ d'expérimentation atomique :
Moruroa et
Fangataufa
de relais. L'armée et
avec
son
Tahiti comme base d'infrastructure et
de génie s'y installèrent à partir de
corps
(3) On les estime à 200.000 lors de l'arrivée de James Cook.
Société des
Études
Océaniennes
�21
mai
1963. C'est le 2
juillet 1966 qu'explosa la première bombe
atomique française dans le Pacifique. De pouvoir colonial le plus
progressiste sur le plan institutionnel dans le Pacifique, la France,
aux yeux des autres États de la région, rétrogradait à un rang de
réactionnaire.
Le second mouvement de
quatre
décolonisation, de 1962 à 1970, vit
États accéder à l'indépendance constitutionnelle. Les
Samoa occidentales l'obtinrent
en 1962 pour l'avoir revendiquée au
Conseil de Tutelle des Nations-Unies qui avait confié l'administra¬
tion de cet archipel à la Nouvelle-Zélande dans le but de les
conduire à l'indépendance. Il en fut de même en 1968 pour Nauru
qui, après avoir racheté à l'Australie l'actif immobilisé de
l'industrie d'extraction de ses gisements de phosphate, accéda à
l'autonomie économique en 1970. Cette même année, le royaume
de Tonga, protectorat britannique depuis 1900, se voit restaurer
par Londres son indépendance, et établit la monarchie constitu¬
tionnelle en 1975. Sous l'impulsion du Ratu Mara, la GrandeBretagne accorde aussi aux îles Fiji l'indépendance et le statut de
dominion, membre du Commonwealth en 1970. Pour éviter tout
conflit potentiel entre la communauté fijienne et la communauté
indienne, amenée dans l'archipel de 1879 à 1916 pour le travail des
plantations, Londres fit passer des lois visant à réserver la
propriété foncière aux autochtones. Le dynamisme démogra¬
phique des Indiens fait aujourd'hui ils dépassent les Fijiens par le
nombre (respectivement 270.000 et 320.000). La stabilité sociopolitique depuis l'indépendance doit beaucoup à la diplomatie et
au calibre politique du Ratu Mara, premier ministre depuis 1970.
En 1960, sous la pression constante du Comité des 24 des
Nations-Unies, le gouvernement néo-zélandais soutint la
Déclaration de l'Assemblée Générale des Nations-Unies d'accorder
l'auto-détermination aux peuples colonisés. Trois alternatives
étaient proposées : indépendance totale, intégration à la puissance
coloniale ou tutélaire, autonomie interne avec celle-ci. En juillet
1963, après consultation avec l'assemblée législative des îles Cook
précédente, la Nouvelle-Zélande leur offrit de se prononcer
l'année
leur statut d'avenir. Les îles Cook choisirent l'autonomie
interne avec rétention de la citoyenneté néo-zélandaise pour leurs
ressortissants
ainsi
qu'un chef d'État commun, la reine
sur
d'Angleterre. Cette autonomie interne, en association libre avec la
Nouvelle-Zélande, fut accordée en 1965. Elle prévoit que les
relations extérieures au Bassin Pacifique soient confiées à la
Nouvelle-Zélande ainsi que la monnaie et la défense. La même
proposition fut faite en 1963 aux habitants de Niue mais
Société des
Études
Océaniennes
�22
l'Assemblée
ment.
législative de l'île souhaita la voir reportée ultérieure¬
Annexée à la Nouvelle-Zélande
comme
les îles Cook
en
1901, Niue prit son autonomie interne en association libre avec son
ancienne
métropole
en
1974.
Le troisième mouvement de décolonisation
(1975-1980)
débuta par l'indépendance de la Papouasie-Nouvelle-Guinée,
tutelle de l'ONU administrée par l'Australie. Ce pays choisit la voie
de l'indépendance qui lui fut accordée en 1975 après deux années et
demie d'autonomie interne.
Londres
poursuivit son retrait du
accordant de sa propre volition l'indépendance à ses
colonies et protectorats insulaires. Les Salomon et Tuvalu (Ellice)
y accédèrent en 1978, Kiribati (Gilbert) l'année suivante. Le
condominium des Nouvelles-Hébrides, obtînt la sienne dans la
difficulté et les troubles en 1980 pour former la République de
Pacifique
en
Vanuatu.
A
l'évidence, la Grande-Bretagne s'est retirée du Pacifique
intérêt à maintenir une gestion coloniale
effet, vouloir conserver des poussières
d'îles sans intérêt économique réel (4) ? Déjà au début du 20è siècle,
elle s'était reposée sur ses deux satellites pour leur confier
parce qu'elle n'avait plus
surannée. Pourquoi, en
l'administration coloniale de certaines îles dont elle n'avait
pris
possession que pour empêcher une autre puissance européenne de
s'y implanter. Australiens comme Néo-Zélandais souhaitaient
d'ailleurs jouer ce rôle de second couteau colonial : à la NouvelleZélande, les Cook, Niue et Tokelau ; à l'Australie, la Papouasie.
Après la Première Guerre Mondiale, Londres fit peser de tout son
poids la décision de la SDN d'attribuer à ses deux dominions les
possessions allemandes que tous deux avaient occupées militaire¬
ment au début des hostilités : Samoa occidentales, NouvelleGuinée et archipel Bismarck. Quant à la possession allemande de
Nauru, ses richesses en phosphate, rappelons-le, firent l'objet d'une
répartition équitable entre les trois. Après le démantèlement de son
empire colonial des Indes et d'Afrique, Londres perçoit son avenir
dans le Commonwealth ; à Wellington et à Canberra de prendre le
relais dans l'espace Pacifique.
4. Les survivances coloniales formelles
Seul, un État est passé d'un pouvoir colonial à un autre, de
façon formelle, depuis le début des mouvements de décolonisation
dans le Pacifique : la Nouvelle-Guinée occidentale ou Irian Jaya.
(4) C'est après l'épuisement des gisements de phosphate de l'île Océan
l'indépendance à Kiribati...
Société des
Études
Océaniennes
que
Londres accorda
�23
Possession néerlandaise depuis 1828, cette colonie ne connut ses
premiers établissements qu'alentour de 1900 à Manokwari dans le
nord et Fakfak dans le sud-ouest. Rien ne fut entrepris pour
exploiter ou mettre en valeur le pays avant la fin de la Seconde
Guerre Mondiale si ce n'est y implanter une colonie pénale sur la
côte méridionale pour y détenir les dissidents de Java qui, par la
suite, conduisirent l'Indonésie à l'indépendance, reconnue par les
Pays-Bas en 1949. Lors de sa proclamation d'indépendance en
1945, Sukarno ne préconisait-il pas de reformer le vieil empire de
Mojopahit sous souveraineté javanaise ? En incluant la NouvelleGuinée occidentale dans son slogan "de Sabang à Merauke", il
cherchait à légitimer par le rappel d'un passé l'avenir qu'il
entendait réserver au dernier symbole de la grandeur nationale
hollandaise à laquelle s'attachait La Haye. Mais à Bandung en
1955, les Pays-Bas sont amenés à prendre conscience de l'inanité de
leur attitude anachronique, dans un monde gagné de plus en plus à
la raison anti-coloniale, et font part de leur intention d'accorder
l'auto-détermination aux Papous de l'Irian, tout en mettant en
œuvre des programmes accélérés de développement socioéconomique et politique.
Opposés tout d'abord au transfert de la Nouvelle-Guinée à
l'Indonésie qui le réclamait, Washington adopta par la suite une
attitude plus favorable à cet égard lorsque le colonel Suharto
réussit à mater dans le sang les rebellions communistes en
septembre 1965, fit réintégrer son pays à l'ONU et attira les
investissements étrangers. Infiltrée militairement durant les années
1950, passant sous contrôle indonésien en 1963, la NouvelleGuinée occidentale se vit offrir par l'ONU et les États-Unis la
possibilité de se prononcer sur son avenir par voie de référendum.
Celui-ci eut lieu en 1969 sous l'égide des Nations-Unies. Seuls
furent autorisés à y participer 1.025 représentants sélectionnés dans
toutes les régions de l'Irian, comptant alors 800.000 habitants...
Les contestataires furent emprisonnés. L'Irian fut intégré à la
République d'Indonésie, en tant que province en 1969. Depuis
vingt années aux yeux de Jakarta, l'Irian Jaya doit servir
d'exutoire massif aux pressions démographiques de Java (100 mil¬
lions de personnes dans l'île) et ceci par une politique systématique
de distribution de terres irianaises aux immigrants javanais
contraints de s'y rendre (5). Si cette aliénation foncière forme la
raison principale des mouvements de guérilla s'opposant au
(5) Le dernier plan quinquennal (1984-1989) prévoit une aliénation foncière de quelque 2,5
millions d'hectares de terres arables destinées à un peu plus de 500.000 Javanais.
700.000 ha ont été aliénés en 1984 sans aucune compensation pour leurs propriétaires.
Société des
Études
Océaniennes
�24
pouvoir et aux exactions des militaires indonésiens qui régissent le
pays d'une part, de la présence de milliers de réfugiés irianais dans
des camps situé en Papouasie-Nouvelle-Guinée sur le long de la
frontière d'autre part, il n'en reste pas moins vrai que les visées
indonésiennes d'assimiler les cultures papoues, jugées primitives,
dans le moule musulman dominant sont profondément ressenties
par des populations attachées à leur identité et à leurs traditions.
Sur le plan économique, les multinationales américaines,
japonaises et autres poursuivent l'exploitation des ressources
minières et forestières irianaises avec l'approbation de l'Indonésie.
De crainte sans doute que la pression javanaise n'en vienne à
empiéter sur son territoire, la Papouasie-Nouvelle-Guinée
tergiverse et n'envisage plus, comme en 1975, une réunification
politique de l'île. L'Australie maintient une attitude de passivité,
continue de fournir des fonds pour l'alimentation et l'habillement
des réfugiés irianais installés le long de la frontière papoue. La
masse humaine indonésienne est dix fois plus importante
que les 15
millions d'Australiens. Est-ce la raison justifiant la politique des
petits pas que l'Australie s'évertue à poursuivre sur le plan
diplomatique ? Les intérêts économiques qui la lient à l'Indonésie
en sont sans doute une autre raison et
l'opinion publique
australienne ne comprendrait pas non plus que Canberra mette en
jeu les bonnes relations avec l'Indonésie, pour des Papous.
Annexée en 1888 par le Chili, l'île de Pâques fait aujourd'hui
partie intégrante de la province de Santiago. Sur les 2.000 rési¬
dents qu'elle compte, près de la moitié sont des fonctionnaires ou
des militaires chiliens. Soutenu par ses nombreuses statues que
chérissent les amateurs de faux mystères, le tourisme alimente
quelque peu les fonds d'assistance chiliens à cette île pauvre en
ressources agricoles ou autres.
La puissance coloniale la plus importante dans le Pacifique,
non pas tant par ses possessions mais
bien par son pouvoir régional
et international, est en fait
l'Amérique du nord. Dans la mesure où
les États-Unis ont constamment considéré le Bassin Pacifique
comme une zone de transit vers l'Asie, ses intérêts
n'y ont jamais
été que d'ordre stratégique et militaire. Annexées en 1900, les îles
Hawai'i ont ainsi été converties en base militaire américaine^ la
plus importante à l'extérieur des États-Unis avant de devenir, en
1959, le 50è État américain. Sur les 900.000 habitants de l'archipel,
120.000 y résident de façon temporaire dans le cadre des complexes
militaires. 40% des habitants sont d'origine asiatique non métissée,
26% sont des Américains blancs, 19% sont des Polynésiens
métissés, 1% sont de pure race polynésienne, sans espoir de
Société des
Études
Océaniennes
�25
retrouver
un
jour leur identité perdue dont les débris sont destinés
à l'accueil des centaines de milliers de touristes annuels. Au regard
de l'alternative proposée par l'Assemblée générale de l'ONU en
1960, Hawai'i est donc intégrée aux États-Unis à la suite de son
incorporation à l'Union. Possession des États-Unis depuis 1898 à
la suite de la guerre hispano-américaine, l'île de Guam est, en
revanche, devenue en 1950 un territoire américain non incorporé.
Ses habitants sont des citoyens américains auxquels n'est point
accordé le droit de vote lors des élections nationales.
Importante
partaient d'ailleurs la plupart des bombar¬
diers en direction du Viêt-Nam, Guam est une île à fonctions
stratégiques. Territoire incorporé aux États-Unis depuis 1900, le
Samoa américain, quant à lui, est resté une base navale importante
dans le système stratégique américain jusqu'en 1950, date à laquelle
base aéronavale d'où
l'administration des six îles a été transférée du Ministère de la
marine à celui de l'intérieur. Les conserveries de thon qui y ont été
implantées,
nous en examinerons les raisons plus tard, équilibrent
balance commerciale dans la même mesure que les investis¬
sements militaires auparavant. Enfin, le Territoire sous tutelle des
sa
îles du
Pacifique (Trust Territory of the Pacific Islands),
réparties en trois entités majeures - les
Mariannes, les Carolines et les Marshall - est en voie d'obtenir de
nouveaux statuts juridiques. L'agrément de tutelle, accordé aux
États-Unis par l'ONU en 1947, stipulait de les conduire à
l'indépendance. Quatre États distincts sont en voie d'obtenir de
nouveaux statuts juridiques. L'agrément de tutelle, accordé aux
États-Unis par l'ONU en 1947, stipulait de les conduire à
l'indépendance. Quatre États distincts sont en voie d'émergence
mais non pas vers l'autonomie politique ou constitutionnelle. Au
contraire, Washington s'efforce juridiquement de transformer leurs
statuts actuels pour les retirer de la sphère onusienne et les
maintenir sous l'autorité du Pentagone dans la mesure où de
nouvelles bases militaires sont prévues pour certains atolls.
comprenant 2.000 îles
Précisons que c'est de Kwajalein, tout proche de la célèbre Bikini
dans les Marshall, que partent les missiles chargés d'en intercepter
d'autres mis à feu dans sa direction à partir de la base de
Vanderberg
en
les termes
mémorables du sénateur Goldwater, d'être
Californie, à 4.500 milles de là, afin,
reprendre
capable
d'envoyer le bidule nucléaire (the nuke) dans les latrines du
Kremlin... Ces quatre entités sont le Commonwealth des
Mariannes du Nord, les îles Marshall, la République de Belau et les
États Fédérés de Micronésie (Yap, Truk, Kosrae et Ponape). L'on
comprendra aisément qu'à la suite de son importance stratégique
Société des
Études
Océaniennes
pour
�26
extrême dans le
système de défense américain
-
ou
d'attaque
-
la
Micronésie, peu peuplée, ne fasse l'objet de délicatesse particulière
de la part
des militaires ou des fonctionnaires de Washington, peu
déjà par nature à manifester des scrupules de conscience à
l'égard des aspirations des quelque 120.000 habitants, militaires
inclus, du Territoire encore sous tutelle, alors que la survie de
l'Occident, selon eux, dépend des mises au point technologiques de
l'appareillage nucléaire balistique.
enclins
Enfin, il faut mentionner les îles inhabitées du Pacifique
insulaire qui, suite à l'extension des zones économiques exclusives
étendues aux 200 milles, couvrent des superficies maritimes
extrêmement étendues. L'atoll de Clipperton, par exemple, sous
juridiction française représente ainsi une superficie océanique de
324.000 km2. Les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande en
possèdent également.
5.
La dimension
régionale
Avant de passer à l'étude de la dimension régionale dans le
Pacifique insulaire, il nous paraît judicieux d'examiner brièvement
sa réalité
économique. Les trois principaux secteurs d'activité dans
la plupart des milieux insulaires (plus de la moitié) sont, par ordre
d'importance, l'agriculture (incluant la pêche), les services et le
commerce de gros ou de détail. Mêlant la subsistance à
l'exporta¬
tion privilégiée de quelques produits agricoles, les activités de
production permettent à la plupart des îles engagées dans ce type
d'économie de
conserver les fondements de leur mode de vie
traditionnel auquel elles sont d'ailleurs très attachées tout en les
faisant s'ouvrir quelque peu sur l'économie de marché par
l'intermédiaire d'une métropole ou d'une sphère économique plus
puissante acceptant d'écouler à des taux préférentiels leur
production, peu concurrentielle sur le marché mondial. Le quart de
la production mondiale de coprah provient du Pacifique mais ce
marché s'écroule depuis quelques années face à la concurrence d'un
produit de substitution, l'huile de soja. Si les exportations agricoles
(coprah, fruits, canne à sucre, café, thé, etc.) constituent souvent la
quasi-totalité des revenus propres des archipels polynésiens, il faut
noter qu'en Mélanésie s'y ajoutent les ressources minières et
forestières dont la valeur à l'exportation, comme le cuivre de
Papouasie-Nouvelle-Guinée, le nickel en Nouvelle-Calédonie ou le
bois aux Salomon, dépasse celle de l'ensemble des autres
exportations. Mais cette ouverture des îles sur l'économie de
marché, même lorsqu'elle est faible, perturbe les systèmes
Société des
Études
Océaniennes
�27
traditionnels : émergence de disparités socio-économiques entre
ville et campagne, très forte émigration urbaine des jeunes faisant
vaciller la pyramide des âges dans les milieux ruraux, dépendance
sur l'extérieur pour le développement des infrastructures
urbaines et des activités liées au tourisme, etc. Mises à part
accrue
quelques exceptions notoires, les secteurs de l'industrie et des
activités de transformation sont rares et ne semblent pas former,
lorsqu'ils existent, un facteur déterminant de maintien d'une
domination politique extérieure. Il n'en est pas de même, bien sûr,
avec les implantations militaires* dans le Pacifique nord et sud et
qui, tout en jouant un rôle décisif sur les mutations économiques et
culturelles encourues par les milieux insulaires concernés, forment
la raison intrinsèque de leur dépendance politique.
Dans les tableaux que nous donnons
cherché à examiner les réalités économiques
ci-après, nous avons
statistiques des divers
milieux insulaires dans la mesure des disponibilités des données.
Ces tableaux n'ont pas la prétention de donner une photographie
exacte du commerce extérieur, de l'aide financière et de ses flux
dans le Pacifique ; les chiffres, pour la plupart, portent sur l'année
1980 et ne tiennent pas compte des événements politiques ou autres
qui ont pu affecter certains archipels comme le Vanuatu, par
exemple, accédant à l'indépendance cette même année. Mis à part
pour trois territoires (Nauru, Samoa américain et PapouasieNouvelle-Guinée), toutes les balances commerciales sont défici¬
taires ; celle de la Polynésie Française, archipel stratégique atteint
une ampleur non égalée par les autres. A ce sujet, il est regrettable
que les statistiques concernant les entités de la Micronésie
américaine ne soient pas consultables car l'on constaterait, comme
le suggère nettement les flux d'assistance financière en provenance
des États-Unis, que le déficit de leur balance commerciale est
semblable proportionnellement à celui de la Polynésie Française.
D'autre part, l'on remarque aussi l'importance relative des
exportations en provenance de Mélanésie ; elles sont surtour le fait
des ressources minières. A ce sujet, cette sous-région se différencie
nettement des deux autres qui n'ont que quelques produits
agricoles à proposer sur les marchés extérieurs. Deux exceptions
toutefois : Nauru et son phosphate, le Samoa américain et ses
conserveries de thon. Il est également intéressant de noter que la
Mélanésie, comptant plus de cinq fois la population de la
Micronésie et de la Polynésie réunies (sans tenir compte de Hawai'i
et de Irian Jaya), perçoit une aide financière extérieure égale en
valeur à celle que reçoivent les deux autres conjointement.
L'élément militaire y est pour beaucoup. L'on remarquera enfin
Société des
Études
Océaniennes
�28
l'aide massive que
l'Australie accorde à son ancienne colonie néoguinéenne, elle reflète l'effort de développement dans la dépen¬
dance économique. Le budget de la Papouasie-Nouvelle-Guinée
est alimenté pour plus de 50% par Canberra. Il en est de même avec
nombre d'archipels qui dépendent bien souvent d'un seul donneur,
les rendant sujets à des pressions diverses. L'aide apportée par le
Japon provient principalement des redevances payées aux
gouvernements insulaires leur autorisant d'accéder à leurs zones de
pêche étendues à la juridiction des 200 milles. L'aide en provenance
de la CEE provient des accords de Lomé établis dans le cadre de la
Convention CEE/ACP. L'importance du soutien financier
allemand à la Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Samoa occiden¬
tales ne se comprend qu'au travers de liens historiques anciens
relevant de la colonisation ; pour le royaume de Tonga, des
relations bilatérales lient le roi Taufa'ahau Tupou IV au
gouvernement de Bonn.
Les activités commerciales dans les îles sont opérées surtout
des compagnies australiennes (Burns Philp par exemple) qui
jouissent d'une main-mise totale sur le commerce de gros dans les
milieux insulaires comme le révèle une étude des profits réalisés.
L'Australie et la Nouvelle-Zélande vendent en valeur trois fois plus
qu'elles n'achètent aux îles. Peu importants pour elles deux, au
regard de la masse globale de leur commerce, ces échanges n'en
sont pas moins vitaux pour les économies insulaires dont les
gouvernements s'efforcent d'accroître les volumes de production
au détriment parfois de l'auto-suffisance alimentaire locale, d'où
les importations croissantes de nourriture congelée ou de conserve.
Par exemple, la Nouvelle-Zélande importe plus de banane en
provenance d'Équateur qu'elle ne le fait à partir de ses voisines
par
insulaires.
En
qui concerne les activités liées au tourisme que la
plupart des gouvernements insulaires s'efforce de promouvoir
(troisième source de revenu du Pacifique insulaire), les
infrastructures hôtelières sont habituellement possédées par des
compagnies transnationales (Quantas, Air New Zealand, UTA,
Club Méditerranée, etc.). On estime habituellement que 25% des
revenus provenant de cette forme de tourisme restent dans les îles.
Pourtant, un tourisme pensé et opéré localement, sans hôtels de
luxe dispendieux, est réalisable comme l'expérience effectuée à
Rarotonga le démontre. Alors qu'un consortium regroupant le
gouvernement des Cook, Air New Zealand et une association
hôtelière néo-zélandaise a englouti des millions de dollars pour
implanter une infrastructure touristique de luxe dans l'île, de petits
ce
Société des
Études
Océaniennes
�29
hôtels et motels à capitaux rarotongiens privés se sont montés et
connaissent un taux d'occupation nettement supérieur au seuil de
rentabilité. Mais
initiatives sont
ces
rares
et
n'obtiennent pas
toujours l'aval des milieux politiques sur place comme le démontre
Vanuatu qui, clamant son statut de non-aligné lors de toutes les
assemblées et conférences régionales, s'est empressé récemment de
confier son développement touristique à des consortiums transna¬
tionaux australiens.
COMMERCE
EXPORTATIONS
EXTÉRIEUR ET AIDE FINANCIÈRE DANS LE PACIFIQUE (1980)
IMPORTATIONS
BALANCE
COMMERCIALE
AIDE TOTALE
PER CAPITA (AUS
MILLIERS
AIDE TOTALE
$)
AUS
$
AIDE
BILATERALE
PNB
PER
CAPITA(AUS $
BELAU
COOK
■
3.612
20.353
328.557
493.284
-
16.741
FEDERATED STATES
FIJI
-
164.727
GUAM
520
9.300
8.700
1.101
150.615
150.615
705
47
29.600
27.700
1.084
791
83.772
83.772
4.125
287
16.800
16.300
HAWAI'I
941
8^.473
IRIAN JAYA
2.407
16.851
77.354
10.558
266
2.916
NOUVELLE-CALÉDONIE
350.060
398.191
PAPOUASIE-NLLE-GUINÉE
890.338
888.536
KIRIBATI
-
14.444
762
MARIANES DU NORD
MARSHALL
NAURU
NIUE
+
-
+
66.797
0
0
2.650
970
3.200
2.900
216
48.131
1.234
173.400
173.400
3.905
9.002
95
285.400
251.600
519
451.028
0
19.500
PÂQUES
PITCAIRN
POLYNÉSIE FRANÇAISE
26.589
477.617
944
139.000
139.800
4.784
111.533
83.491
28.042
1.091
35.351
35.351
4.097
SALOMON
64.000
64.784
784
137
30.900
27.200
382
TOKELAU
32
318
286
1.063
1.700
1.600
438
6.764
30.135
23.371
134
13.100
11.300
431
SAMOA
AMÉRICAIN
TONGA
TUVALU
VANUATU
WALLIS & FUTUNA
V/ESTERN SAMOA
86
3.147
31.397
63.804
0
6.136
15.525
56.
-
+
-
-
.
421
-
3.061
573
4.300
3.900
32.407
325
38.000
38.000
452
6.136
676
7.300
7.300
870
40.096
135
21.000
12.000
351
306
La notion d'espace régional dans le Pacifique apparaît de
façon précise avec la création de la Commission du Pacifique Sud
(CPS) en 1947, lorsque les six puissances coloniales occidentales
du Bassin décidèrent de
se doter d'une instance institutionnelle
visant à promouvoir le développement socio-économique dans les
territoires insulaires sous leur tutelle respective. Investissant tous
les pouvoirs décisionnels entre les mains de commissaires
métropolitains et s'interdisant de traiter de questions d'ordre
politique, la CPS devint une instance quelque peu anachronique
dès que se mit à souffler, à partir de 1960, le vent des indépen¬
dances. Participant aux conférences triennales, les élites des
milieux insulaires se voyaient restreintes à ne pouvoir émettre que
des avis consultatifs. Elles s'efforcèrent pourtant, mais sans réel
succès, à secouer les structures coloniales lourdes de l'organisation,
pour tenter de les aménager en fonction de préoccupations qu'elles
jugeaient plus importantes.
Société des
Études
Océaniennes
�30
flux
PAYS DOWEURS
:
AUSTRALIE
CANAM
FRANCE
RFA
1000)
d'aide financière au developpement/ 1980 (fus s
JAPON
NZ
PAYS-BAS
USA
GB
AEB
CEE
UNDP
TOTAL
RÉCIPIENDAIRES
COOK
183
34
FIJI
15.341
64
GUAM
-
-
3.933
KIRIBATI
69
17
-
-
-
-
-
-
-
802
-
1G3
3.631
163
-
1.985
"
7.796
-
240
44
-
-
R.358
569
i 3.772
-
11.940
-
3
7.482
-
3.975
"
-
8.726
41.479
83.772
-
535
"
549
1.094
351
"
NAURU
-
20
NIUE
NLLE-CALÉDCNIE
-
POLYNÉSIE FRANCAI
SE
SAMOA AMÉRICAIN
-
SALOMON
1.234
-
-
-
TONGA
3.058
TUVALU
1.159
VANUATU
3.057
WALL IS & FUTUNA
PROJETS RÉGIONAUX
-
3.148
272.387
TUTAJX
source
:
-
92
4.064
-
-
-
-
34
8.655
-
-
-
"
"
283
420
-
-
-
-
-
-
-
-
716
196
353
575
19
20.361
-
-
17
-
-
20.000
-
7.300
-
-
-
1.418
-
2
165
-
1.646
-
-
9.579
37
15.126 ,341.546
7.417
36.379
1.078
:
-
-
"
-
-
282
-
173.404
-
325
12.230
3.189
2.193
257.054
-
"
139.8CC
-
-
35.351
-
3.215
2.208
1.265
487
3.154
389
687
30.269
209
150.824
-
-
-
-
1.914
63
2.568
324
17.666
18
1.208
-
-
150.615
-
-
82
1.080
35.351
-
-
2.310
572
F, Sevele, South Pacific Fccnomies 1930
-
-
-
3.664
96
-
-
-
-
-
4.178
-
-
51
-
2.506
-
-
-
31
-
286
139.800
-
-
2.220
TOKELAU
173.40)
-
38
2.849
-
-
2.390
-
-
SAMOA OCCIDENTALES
TTPl
-
-
-
235.624
P.N.G.
19.056
-
-
2.370
64.635 274.652
1.225
4S8
17
262
4.929
4.826
460
47.673
-
"
27.350
1.466
20.121
2.232
-
-
-
-
22.651
-
-
7.30C
2.443
3.212
22.651
16.950
11.110
1.068.913
statistical Suwry, Nouméa, cps, 1382, p. 25
micro-États indépendants et l'archipel des Cook,
d'associé libre avec la Nouvelle-Zélande, fondent
parallèlement à la CPS le South Pacific Forum auquel ils invitent
l'Australie et la Nouvelle-Zélande à se joindre. Non seulement dans
cette enceinte sera-t-il possible d'évoquer et de traiter de questions
à caractère politique, comme les essais nucléaires effectués par la
France en Polynésie ou des mouvements de décolonisation d'autres
entités insulaires, mais aussi de définir les priorités à donner au
développement socio-économique selon les aspirations propres des
territoires concernés. En 1972, le Forum se munit d'un levier
économique, le South Pacific Bureau for Economie Cooperation
(SPEC) pour coordonner les diverses actions décidées parmi ses
membres, qui se doivent d'être indépendants ou à gouvernement
autonome en association libre (6).
En 1971, les
de par son statut
(6) Alors que la CPS est financée à 97% par les pouvoirs métropolitains, le Forum l'est par
la Nouvelle-Zélande et l'Australie à
reste
étant
répartis
concurrence
entre les 11 autres
Société des
de 66% de ses besoins
États.
Études
Océaniennes
budgétaires, le
�31
En offrant la
possibilité à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande
États nouvellement indépendants le font en
fonction de trois raisons majeures. Premièrement, par leur
situation géographique, toutes deux font partie du Bassin
Pacifique Sud ; deuxièmement, elles représentent le pouvoir
économique dominant dans la région avec lequel il faudra compter
de
se
joindre à
eux, ces
et, enfin, au sein même de la CPS, toutes deux ont montré, lors de
diverses négociations, leur solidarité avec les milieux insulaires qui
souviennent aussi de leurs
prises de positions officielles
respectives à l'ONU à l'égard de la décolonisation. En se rattachant
se
Forum, la Nouvelle-Zélande et l'Australie accroissent leur rôle
grand frère que nous avons déjà évoqué, concrétisant ainsi des
aspirations anciennes sur un plan institutionnel.
au
de
L'annuaire des institutions régionales du Pacifique (7) indique
l'existence de près de 200 organisations à caractères gouvernemen¬
religieux, culturels, sportifs, commerciaux, économiques ou
scientifiques, reflétant nettement le dynamisme de la coopération
régionale collective. Sans doute, faut-il voir dans ce nombre
important d'organisations et d'associations instituées le désir
profond de briser les isolements insulaires et de mettre en commun
les ressources humaines, culturelles et économiques afin d'accroître
le sentiment de communauté du Pacifique insulaire au détriment
des identités sous-régionales (Mélanésie, Polynésie, Micronésie) et
de servir les intérêts mutuels (Convention CEE/ACP (8),
pêcheries, navigation aérienne et maritime, etc.). Si les neuf États
indépendants et les deux archipels en association libre avec la
Nouvelle-Zélande forment un bloc soudé à l'égard des relations
avec les puissances extérieures, la réalité est quelque peu différente
au niveau des relations intra-Pacifique. Ancien centre de l'empire
britannique dans le Pacifique insulaire, Fiji a su tirer profit de la
formation de ses élites et de son statut d'indépendance acquis en
1970 pour attirer à Suva la plupart des organismes régionaux et
taux,
institutions internationales. Une certaine amertume, voire certains
ressentiments delà part des autres États à l'égard de cette attitude
fijienne, jugée
par trop
gloutonne, permet de songer à un
(7) Institute of Pacific Studies, Directory of Pacific Regional Institutions, University of the
South Pacific
ESCAP, Suva, 1982.
-
(8) L'un des premiers rôles du SPEC fut ainsi de permettre aux Samoa occidentales, à Fiji
et au royaume de Tona de former un front commun de négociation pour la première
Conférence de Lomé
en
1975.
Société des
Études
Océaniennes
�32
redéploiement plus équilibré de l'implantation des institutions
régionales. D'autre part, les fondements de leurs structures socioéconomiques traditionnelles (9), ainsi que leurs ressources minières
et forestières, laissent présager pour la Mélanésie à moyen terme
un démarrage économique qui, même limité la différenciera de plus
en plus des micro-États polynésiens à ressources agricoles souvent
unique.
L'avenir économique des
t-il dans les fameux nodules
États insulaires du Pacifique réside-
polymétalliques ou dans les zones
économiques exclusives étendues aux 200 milles ? Dépassons
l'imaginaire...
Les nodules
Une
polymétalliques
centaine
d'années
après leur découverte lors de
l'expédition du navire océanographique HMS Challenger (18721876), les nodules polymétalliques ont été présentés comme un
pactole fabuleux du fait de leur présence en quantité incommen¬
surable sur tous les fonds océaniques. Se présentant sous des
formes et des dimensions voisines de la pomme de terre, ces
concrétions contiennent en proportion variable une trentaine de
métaux dont quatre sont intéressants sur le plan économique de
par leur concentration moyenne : manganèse, cuivre, nickel et
cobalt. A la suite de milliers d'échantillons de nodules récoltés
les fonds de tous les
océans, l'on
des nodules varie selon la
zone
sur
a pu établir que la teneur en métal
où ils se trouvent, que les nodules
ayant une valeur économique suffisante gisent sur des grands fonds
marins situés entre 4.500 et 6.000 m de
est d'environ 5.000 tonnes par m2 et la
profondeur où la pression
température voisine de la
congélation. Les plus importantes concentrations de nodules
potentiellement exploitables sont localisées dans le Pacifique dans
trois zones : la première est située entre Hawai'i et la côte ouest du
Mexique (Clarion-Clipperton), la seconde entre Hawai'i et les
Marshall et la troisième en Polynésie orientale.
(9) Voir à
ce
sujet, B.R. Finney, Big-Men and Business, Entrepreneur ship and Economic
Highlands, Honolulu, Unit Press of Hawai'i, 1973.
Growth in the New Guinea
Société des Etudes Océaniennes
�33
teneur moyenne
Cu
en
métal
(%)
Co
Ni
Mo
Pacifique
1
0,25
1,2
29
Atlantique
0,15
0,32
0,42
16
0,28
0,50
14,7
0,4-1
40-50
0, 19
Indien
Réserves
continentales
O, 5
0,07-0,1
indique clairement que la teneur des nodules du
Pacifique dépasse celle des réserves continentales pour les trois
premiers métaux. Si la demande de manganèse, de cobalt et de
nickel est relativement récente dans la mesure où elle est associée
au développement des industries sidérurgiques et la métallurgie des
métaux non ferreux, la consommation de ces métaux s'est accrue
de façon exponentielle et, selon les estimations, devrait atteindre
Ce tableau
entre
deux et trois fois le niveau actuel en l'an 2000.
Pour les pays
développement possédant ces métaux dans leur sous-sol en a
découlé une menace, ressentie à tort ou à raison (11), selon laquelle
les pays industrialisés, détenant la capacité financière permettant
de résoudre les problèmes technologiques liés à l'exploitation des
nodules, se passeraient de leurs ressources minérales et mettraient
donc en péril leur développement économique. S'y ajoute aussi la
croyance que la rentabilité des opérations de valorisation des
nodules est très élevée. Les problèmes financiers, technologiques et
industriels (raffinage) que posent l'exploitation minière des
nodules sont tels qu'aucune société industrielle n'est à même, seule,
d'en assumer les coûts et les risques. De là sont nés les consortiums
en
: United Nations, Economie Significance in terms of seabed mineral resources
of the various limits proposed for national juridiction. A/AC, 138/87, June 1973. J.
(10) Sources
Kruger et K.-H. Schwarz, Processing of Manganese Nodules, Review of the Activities,
Metallgesellschaft AG, Edition 18-1975, p. 37.
(11) Les spécialistes consultés à ce sujet considèrent qu'au lieu de perturber le marché
mondial, les métaux extraits des nodules seront nécessaires pour satisfaire la demande
statistique croissante, d'où, selon eux, la fonction de complémentarité des nodules et
non
pas
de remplacement.
Société des
Études Océaniennes
�34
engagés dans ce domaine (12) et qui ont élaboré les
systèmes permettant la récolte des nodules.
actuellement
divers
Si les Conférences successives
aboutir à résoudre certains
sur
le Droit de la Mer ont pu
points juridiques nécessaires comme,
par exemple, l'extension des juridictions nationales à 200 milles des
côtes et les droits des États à y réglementer les activités de pêche, la
question de l'exploitation des richesses minérales des fonds marins
dans les eaux internationales, déclarées en 1967 "Patrimoine
commun
de l'Humanité" est restée
sans
solution valable. Sur
ce
point, en effet, les positions sont polarisées. D'un côté, les pays en
développement qui considèrent que ce patrimoine se doit d'être
exploité par la communauté internationale au profit de ses
membres les plus démunis et, de l'autre, les pays hautement
industrialisés qui souhaitent que soit attribuée individuellement
une licence d'exploitation aux pays et aux compagnies intéressés.
C'est aussi la raison pour laquelle les pays en développement
demandent que l'exploitation des nodules soit confiée par
monopole à une institution internationale qui accorderait des
licences selon le "système des deux champs" : avant d'exploiter une
zone déterminée, le consortium doit indiquer à l'instance
internationale une zone équivalente qui serait exploitée par un
groupe de pays en développement à qui seraient transférées par le
biais de l'instance connaissances technologiques et une partie des
bénéfices réalisés par les pays industrialisés. En l'absence de traité
international ratifié, des propositions de lois unilatérales sont
préparées pour les parlements des pays industrialisés concernés.
Dès que ces lois nationales sont votées, l'exploitation commerciale
peut débuter, avec ou sans l'aval des pays en développement. La
crise mondiale de la sidérurgie contraint à l'attentisme.
La
question des pêcheries
Par
ampleur économique, le thon est le second produit de
monde (après les crevettes). 70% des prises mondiales
de thon (bonites, thons rouges et thons blancs) sont effectuées dans
le Bassin Pacifique. Sa partie occidentale, où est située la plupart
des États insulaires, en donne deux fois plus que sa partie orientale.
Il est généralement accepté qu'un régime juridique spécial soit
appliqué à certains produits de la pêche comme les saumons par
la
pêche
(12) 4
son
au
groupes de droit américain avec participation
2 groupes nationaux, l'un japonais, l'autre
européenne, australienne et japonaise
français : AFERNOD (Association
Française pour l'Exploration et la Recherche des Nodules composée du CNEXO,
BRGM, CEA, SLN, Chantiers France-Dunkerque).
et
Société des
Études
Océaniennes
�35
en rivière mais passant leur vie en haute mer, ils
théorie de la juridiction de leur pays d'origine et ne
devraient pas être péchés en haute mer car le seul moyen de
déterminer les quotas de prise à ne pas dépasser ne peut se faire
exemple. Frayant
relèvent
en
qu'à l'entrée de leur rivière d'origine. Certains pays préconisent que
les poissons à long parcours migratoire fassent l'objet de tels
régimes juridiques spéciaux, sous l'autorité d'une instance
internationale qui serait seule à même de déterminer les quotas de
prise à l'intérieur des zones des 200 milles et dans les eaux
internationales de façon à ne pas mettre en danger le renouvelle¬
ment naturel des espèces concernées. C'est le cas des États-Unis
qui
ne reconnaissent toutefois pas
la validité des juridictions nationales
étendues aux 200 milles pour les poissons migrateurs. En ce qui
concerne le thon et sa
pêche, les zones côtières des territoires
américains ne sont pas sujettes à cette réglementation et ceci tant
que ne sera plus instituée, selon le souhait de Washington, une
instance internationale visant à définir et à régir les quotas de prise.
La consommation américaine de thon est la plus importante au
monde
et
la législation des États-Unis impose une taxe
d'importation élevée lorsque le traitement des produits de cette
pêche n'est pas effectuée en territoire américain, raison pour
laquelle les conserveries de thon sont installées principalement à
Pago Pago au Samoa américain (107 millions de Aus $ à l'expor¬
tation en 1980) (13). Toutefois, Washington laisse à la discrétion
des entreprises de pêche américaines, réunies sous l'égide de l'ATA
(American Tunaboaî Owners Association) de négocier des accords
bilatéraux avec les États insulaires pour ce qui relève des zones
sous leur juridiction. Mais sur les 400 millions de US $ qu'ont
représenté en 1981 les captures de thon dans ces eaux territoriales,
seuls 13 millions ont été payés en redevance aux gouvernements
insulaires.
Se concertant à
l'Agence des Pêcheries du Pacifique Sud,
créée à
Suva pour promouvoir la conservation et l'utilisation
rationnelle des ressources régionales en poissons, les États
insulaires du Forum ont un point de vue diamétralement différent
de celui des Américains. En effet, le thon leur offre la seule
possibilité de retirer un bénéfice immédiat de l'extension de leur
juridiction à la zone des 200 milles. Certes, certains archipels sont
en mesure économiquement de pouvoir établir une petite industrie
(13) A titre de comparaison, les exportations de thon des autres archipels s'élèvent à 41
millions de Aus $ en Papouasie-Nouvelle-Guinée, à 24 aux Salomon, à 9 aux Fiji, à
0,06 à Tonga et à 0,04 à Tuvalu, seuls exportateurs de la région. South Pacific
Economies 1980 : Statistical Summary, 1982, p. 11.
Société des
Études
Océaniennes
�36
de
pêche côtière, mais l'environnement est tel qu'il ne peut
une
pêche intense au-delà des besoins d'autosubsistance. En ce qui concerne la pêche hauturière, les mêmes
archipels n'ont pas actuellement la capacité de maintenir une flotte
de pêche (au moins dix navires) ni la technologie, les finances, l'eau
et l'électricité nécessaires à la transformation des produits en
conserve. L'on comprend donc l'importance que représentent pour
eux les redevances à percevoir des sociétés qui pèchent dans les
zones sous leur juridiction. Mais quel moyen de pression ont-ils ?
Lorsque les îles Salomon confisquèrent en 1984 un bâtiment de
pêche américain, surpris à braconner à l'intérieur de la zone sous
juridiction solomonaise, les États-Unis imposèrent un embargo sur
les exportations de poisson de cet État où est d'ailleurs basée
aujourd'hui la South Pacific Fisheries Agencies (Honiara),
installée précédemment à Fiji. Le même cas de figure s'était produit
en 1982 en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Le rôle de l'Agence de Honiara ira croissant car si un pays
comme les États-Unis peut se permettre d'être interdit autour d'un
archipel, il lui sera difficile de poursuivre ses activités de pêche
dans le Pacifique Sud si l'ensemble des micro-États se solidarise
pour l'exclure d'une énorme étendue océanique. Mais quels sont les
moyens pour rendre effective cette exclusion ? Il n'en existe sans
doute pas. Mais certains États peuvent recourir à d'autres types de
pression comme la voie empruntée par la République de Kiribati.
En 1976 déjà, le royaume de Tonga s'était proposé d'accorder
l'accès de ses eaux territoriales à l'URSS ainsi qu'une île pour y
servir de base de ravitaillement, ceci contre redevance. L'oppostion
catégorique des Néo-Zélandais et des Australiens à cette initiative
tongienne et un surcroît soudain de fonds d'assistance accordés au
royaume par la République Fédérale d'Allemagne firent capoter le
projet soviétique. Mais face à l'intransigeance du gouvernement
américain qui se refuse à reconnaître les zones économiques
exclusives des États insulaires, et contre lequel viennent s'ajouter
depuis quelques années d'autres griefs ou doléances, à savoir les
tergiversations de Washington à l'égard de la décolonisation de ses
territoires micronésiens, son refus de condamner les essais
nucléaires français à Moruroa et sa brouille avec la NouvelleZélande au regard du Traité de l'ANZUS, il était prévisible qu'un
des États du Forum allait relancer, tôt ou tard, les
négociations
avec l'URSS pour tenter de
débloquer l'impasse dont ils rendent
Washington responsable. Insistons bien sur le fait que les microÉtats insulaires sont plus concernés par leur fragilité économique
que par les rapports de force à l'échelle mondiale tels que les
supporter
Société des
Études
Océaniennes
�37
envisagent Washington et Moscou, qu'ils ne peuvent comprendre
pourquoi les thoniers américains, avec le soutien plus que tacite de
leur gouvernement, les privent d'un revenu auquel ils jugent avoir
droit et qui leur permettrait d'accroître leurs ressources financières.
Le Président de la République de Kiribati, Ieramiah Tabai a
donc signé un accord en août 1985 avec les Soviétiques, tout en
précisant que l'accès aux eaux territoriales de son pays serait
uniquement d'ordre commercial, qu'il ne tolérerait pas de présence
physique soviétique permanente dans l'une des trente-trois îles de
la République, que cet accord n'impliquait pas de changement
idéologique chez les 60.000 habitants de Kiribati... L'accord s'est
effectué sur la base d'une redevance avoisinant les 10% du budget
national annuel de Kiribati. Tuvalu et Vanuatu ont déjà laissé
entendre qu'il procéderaient de la sorte si la convention liant
l'Union Soviétique
dans les faits.
à Kiribati venait à être positivement entérinée
Certaines îles sont donc amenées à prendre des positions
radicales pour tenter de forcer les États-Unis à tenir compte de
leurs revendications légitimes. S'il peut paraître surprenant qu'un
État de 60.000 personnes soit à même d'exercer des pressions sur
les États-Unis, il faut se rendre à l'évidence que les enjeux
dépassent le cadre même de ce micro-État et les quelque 3,5 mil¬
lions de km2 que représente sa zone maritime exclusive. En effet,
admise à pêcher dans les eaux sous juridiction étendue d'une île du
Pacifique, l'Union Soviétique pourrait accéder aux assemblées
régionales se tenant à Honiara et y partager avec les autres
partenaires insulaires des données concernant les pêcheries et
améliorer dans le même temps son image de marque avec tout ce
que cela peut impliquer aux yeux de Washington... (14).
6. La
question du nucléaire
Si Y Affaire
Greenpeace aura fait surgir la Nouvelle-Zélande
l'espace mental des Français, il reste toutefois surprenant
d'analyser le contenu du discours médiatique qui s'est alimenté à
son propos. Si les conditions d'incarcération des deux officiers
français ont fait l'objet de nombreux commentaires de presse, au
même titre que le caractère supposé fluctuant de David Lange le
Premier Ministre néo-zélandais, on ne peut que constater l'absence
dans
(14) Je dois à l'amitié de Benoît Antheaume de l'ORSTOM un article de R. Herr, South
Pacific Islanders Question US Friendship, Far Eastern Economie Review, 16 janvier
1986, p. 26-7, qui m'a permis de compléter mes données sur la question des pêcheries et
de
ses
développements récents (Kiribati).
Société des
Études
Océaniennes
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Iles
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130'
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O.R.S.T.O.M.
J-C.J.
Société des
Études
Océaniennes
PAPEETE
03/86.
�38
réelle d'ouverture
sur le vécu néo-zélandais ou sur la façon dont le
nucléaire y est ressenti. Ces sujets paraissent quelque peu frappé
d'un tapu au profit d'arguties juridiques ou de critiques dirigées
contre l'ancien appareil politique de la Gauche. En se cantonnant
dans des débats
superfétatoires, les médias français, au-delà de la
incriminée, semblent inférer
néanmoins que la France ait agi pour la défense de son bon droit :
celui de procéder à des expérimentations nucléaires sur une terre de
souveraineté française. En mettant constamment en avance cette
argumentation juridique, Paris paraît refuser de prendre en compte
l'interférence de points de vue divergents du sien. Le procédé est
inhabituel à l'égard d'un pays allié ; il est sans doute aussi
inconscient. Résulterait-il d'un blocage réactionnel à l'égard de la
remise en cause potentielle d'un des fondements de la Cinquième
République, à savoir l'indépendance nucléaire de la France ? Si le
postulat est valable, il permettrait d'expliquer le malaise actuel de
la classe politique, gauche et droite confondues, et des milieux
médiatiques. Mon propos ne vise aucunement à détailler ce
phénomène pourtant intéressant, il se propose plutôt de lier
l'évolution historique des contextes néo-zélandais et français à
propos du nucléaire, même si cela sera plus bref dans le cas de la
France où une large part des données reste couverte par le secret
d'État, et ceci de façon à tenter de comprendre comment on a pu en
condamnation nuancée de la bavure
arriver là.
Lorsque les États-Unis se mirent à effectuer leurs expérimen¬
atmosphériques et sous-mârines dans le
Pacifique nord à partir de 1946, peu de réprobation, hormis celle
du Japon pour des raisons historiques plus qu'évidentes, ne s'éleva.
Pourtant, conséquence d'une certaine insouciance, des accidents
eurent parfois lieu. La mémoire
populaire dans le Pacifique se
rappelle principalement des retombées radioactives après la
formidable explosion au-dessus de l'atoll de Bikini en 1954. Les
populations des deux atolls voisins, Ongela et Uterik, ainsi que les
23 marins d'un bateau de pêche japonais se trouvant à quelque
tations nucléaires
130 km du lieu de la détonation s'en trouvèrent contaminés. L'un
décéda, selon les statistiques officielles. Émue par cet acident,
l'opinion internationale - Japon en tête - souhaita que prissent fin
ces essais
atomiques atmosphériques et sous-marins dont les effets
s'avéraient dangereux pour les populations et l'environnement.
L'explosion américaine du 1er novembre 1952 n'avait-elle pas
en
entraîné l'anéantissement total d'un atoll des îles Marshall ?
Plus
effectuées
discrète, les expériences atomiques et thermonucléaires
en atmosphère par
la Grande-Bretagne ne connurent pas
Société des
Études
Océaniennes
�39
même intensité de réprobation. Néanmoins, les risques
potentiels d'accidents dont la probabilité se voyait renforcée par les
retombées imprévues dans les îles Marshall et par les déplacements
de populations autochtones de certains atolls, conduisirent à la
création d'une Commission royale d'enquête en Australie et à une
mission scientifique sur l'île Christmas. Mais aux préoccupations
liées à la pollution atmosphérique, marine .ou atollienne, vinrent
s'ajouter bientôt les craintes de voir se développer un arsenal
nucléaire dilaté qui, en période de crise ou de tension entre les deux
Grands, pourrait s'avérer lourd de destructions désastreuses pour
la planète. Un des autres dangers majeurs fut celui de la
prolifération, signalé par le rapport Baruch. Les pressions de
l'opinion internationale et les débats qui s'ensuivirent aux NationsUnies, débats portant sur les conséquences des retombées
radioactives dans l'hémisphère nord, contraignirent Soviétiques,
Américains et Britanniques à s'accorder dans un premier temps sur
un moratoire d'octobre 1958 à septembre 1961, suivi deux années
plus tard par un traité leur interdisant toute expérience nucléaire
atmosphérique et sous-marine. Dans cet intervalle de temps
séparant la fin du moratoire de la signature du traité, ces trois
puissances menèrent d'intenses campagnes de tirs atmosphé¬
riques (15).
Comme, la Chine, la France ne signa pas ce traité. En effet, dès
son retour au pouvoir en
1958, Charles De Gaulle décida de
poursuivre les travaux visant à mettre au point la bombe atomique
française, lancés sous la Quatrième République. Pour être à même
de compter sur l'échiquier mondial, la France se devait, aux yeux
du Général, de se doter de cette arme dissuasive. La première
bombe atomique française explosa le 13 février 1960 à Reggane
dans le Sahara algérien. Les événements d'Algérie ne permettant
pas à moyen terme de poursuivre les essais de mise au point à
Reggane, De Gaulle décida de les faire effectuer sur les atolls
inhabités de Moruroa et de Fangataufa, situés aux confins de
l'archipel des Tuamotu. Le premier champignon atomique français
s'éleva dans le ciel polynésien le 2 juillet 1966. Quarante autres le
suivirent jusqu'en 1975, date à laquelle débutèrent les expérimen¬
tations souterraines. Si le choix du Général De Gaulle s'est porté
sur les deux atolls des Tuamotu, c'est en partie à cause de leur
isolement relatif dans l'immensité océanique, de la possibilité
d'établir aisément une base arrière à Tahiti et, enfin, du fait que
toute la Polynésie française profiterait des retombées économiques
la
(15) J. R. McClelland, The Report of the Royal Commission into British
Australia, Conclusions and Recommendations, Canberra, 1985.
Société des Etudes Océaniennes
Nuclear Tests in
�40
qui ne manqueraient pas de résulter des activités du Centre
d'Expérimentation du Pacifique. Le nucléaire se voulait facteur de
développement économique et social.
Dès 1963, le Japon s'opposa aux expériences atmosphériques
françaises prévues dans le Pacifique oriental comme il l'avait fait
précédemment à l'égard des trois autres puissances nucléaires. A
ces protestations
nippones s'ajoutèrent bientôt les voix de
l'Australie et de la Nouvelle-Zélande qui firent part à Paris, de
leurs craintes d'assister à un accroissement prévisible de cas de
leucémie
et
d'autres formes de cancer, non seulement dans leur
respectif mais aussi dans les territoires insulaires sur lesquels
toutes deux exerçaient ou avaient exercé des
responsabilités
formelles. Ce dernier élément est d'importance dans la mesure où il
permet d'invalider l'argument, trop souvent avancé par la France,
de la distance séparant Moruroa d'Auckland pour
ne pas avoir à
tenir compte de l'objection émise. De surcroît, et ce point de vue est
sans doute mal
perçu à Paris, les critères de distance appliqués en
milieu marin ne correspondent pas dans la réalité à ceux appliqués
en milieu terrestre
; il en est de même pour la question des
frontières. Ainsi, un banc de poissons contaminés par des déchets
radioactifs dans un lieu du Pacifique peut être péché à des
centaines de milles de là pour y servir d'aliment. Ce n'est qu'un
exemple. C'est une des raisons pour laquelle des scientifiques néozélandais et australiens se mirent à mesurer de façon
systématique
l'importance des pluies et retombées radioactives en prélevant des
échantillons d'air, d'eau et de lait aux îles Samoa et Cook pour ne
citer qu'elles.
pays
Les craintes ressenties
en
Australie et
en
Nouvelle-Zélande à
l'égard des risques que représentaient les essais nucléaires français
pour les populations et l'environnement se propagèrent dans la
plupart des archipels du Pacifique sud. Elles s'accrurent encore à la
suite du secret militaire ou d'État que Paris
imposa sur l'ensemble
de ces opérations. Si certains groupes de
pression privés, comme
les puissants syndicats de dockers néo-zélandais et australiens,
lancèrent des opérations de boycottage des relations économiques
entretenues avec la France, Wellington, de conserve avec
Canberra, intenta l'année suivante une action devant la Cour
Internationale de Justice à La Haye visant à faire cesser les
expériences atmosphériques françaises en Polynésie. A la suite du
jugement rendu, Georges Pompidou décida de les faire poursuivre
dans la masse basaltique de Fangataufa et de Moruroa à partir de
1975. Les ressentiments australasiens n'en diminuèrent pas pour
imposé par les militaires et l'État français sur
autant. Le secret
Société des
Études
Océaniennes
�41
les opérations de tir souterrain ne cessa d'alimenter les
appréhensions dans le Bassin du Pacifique Sud, Polynésie
Française incluse, quant aux risques potentiels de fissures
géologiques dans la masse basaltique, provoquant une contami¬
nation de l'environnement et, par voie de conséquence, des
calamités irréversibles pour les populations. Si la rumeur publique
dans le Pacifique n'en finissait pas de renchérir sur le nombre de
toutes
cas
de leucémie
ou
autres
formes de
cancer
résultant des essais
nucléaires, celle-ci se voyait entretenue et renforcée dans ses
le mutisme des autorités. Une brèche entama
quelque peu ce mur du silence lorsque François Mitterrand, en
1983, autorisa une mission d'enquête scientifique australienne,
néo-zélandaise et néo-guinéenne à se rendre à Moruroa pour
certitudes par
examiner l'atoll. Ces experts ne purent se rendre à Fangataufa.
Constatant la très faible radioactivité locale des lieux où il leur
avait été permis de procéder à leurs analyses, ces experts
n'écartèrent toutefois pas l'éventualité à long terme (de 500 à
1.000 ans) de fuites radioactives au travers de structures
géologiques venant à se fissurer.
En parallèle à la montée de ces craintes à propos des effets
néfastes du nucléaire militaire français sur l'environnement du
Bassin Pacifique, a émergé dans les esprits d'une proportion
toujours plus large de la population néo-zélandaise, tous âges et
bords politiques confondus, la préoccupation constante de voir se
développer, selon le mode de la spirale inflationniste, l'incroyable
arsenal des technologies nucléaires. La cadence des expérimen¬
tations françaises aux confins des Tuamotu a démontré aux NéoZélandais que l'arme nucléaire, pour que la dissuasion qu'elle
représente soit crédible, se doit d'être constamment perfectionnée
sur le plan technologique et que ces améliorations ou mises au
point entreprises dans le Pacifique Sud impliquent pour la région
entière, et donc pour la Nouvelle-Zélande, de se trouver dans la
mouvance nucléaire. Ce constat établi, l'on peut sans doute mieux
comprendre la volonté de Wellington, et de Canberra qui s'y
associe, de faire promouvoir annuellement dans l'enceinte des
Nations-Unies
une
résolution devant conduire à la conclusion
rapide d'un traité interdisant toutes les expérimentations nucléaires
à l'échelle planétaire.
Alors que le monde entier est pris dans le champ de force de la
dissuasion nucléaire et que les traités de non prolifération nucléaire
restent insuffisants pour prémunir le monde contre ses effets
potentiels, est apparue l'idée de la création de zones dénucléarisées.
L'Amérique du Sud en est une officiellement depuis le Traité de
Société des
Études
Océaniennes
�42
Tlatelolco, l'Afrique paraît en être une autre officieusement. Le
projet que le Pacifique Sud en devienne la troisième s'est développé
parmi les politiciens et les diplomates de la région puisque le 6 août
1985, les treize membres du South Pacific Forum se sont réunis à
Rarotonga dans l'archipel des îles Cook pour signer un traité
rendant illégal dans la région la fabrication, le dépôt, l'acquisition,
les expériences et les déploiements d'armes nucléaires. Ce traité
autorise toutefois le transit des navires à propulsion ou munis
d'armes nucléaires en laissant à l'arbitrage individuel des treize
États la visite de ces bâtiments dans leurs ports. Seul pays nonaligné des treize, Vanuatu est opposé aux implications militaires
américaines dans la zone et n'autorise pas l'entrée et le séjour dans
ses ports, de navire comportant un armement nucléaire.
La France n'est pas la seule visée par ce traité qui, notons-le,
ne
possède aucune force contraignante légale applicable à ses
territoires polynésiens. Mais il n'est pas improbable que Paris,
dans son souhait de maintenir son influence dans la région, pour
d'autres raisons que celles d'ordre purement militaire, n'en vienne à
en tenir compte dans un proche avenir. Le Japon, qui a parfois
déversé
ses
déchets faiblement radioactifs
7. D'une
par
le
traité,
au
nord de la
zone
plus contraint
juridiquement par le texte de Rarotonga, mais le Premier Ministre
Nakasone a déjà fait savoir que son pays prendra d'autres
dispositions quant au déversement de ses déchets. Les relations
qu'entretient le Japon avec certains des États du Pacifique insulaire
sont, en effet, essentielles pour son avenir économique et politique
dans la région.
couverte
ne
sera
pas
non
religion à l'autre ?
Le Pacifique insulaire est également un univers religieux où se
pratiquent divers cultes, principalement d'obédience chrétienne
comme nous le démontre le tableau
ci-après. Notons d'emblée que
seule Fiji (16) révèle une forte proportion de non chrétiens, les
Hindous. Le tissu social de l'ensemble des archipels est fortement
empreint de l'autorité des Églises à qui est bien souvent dévolue,
encore aujourd'hui, une bonne
partie de la scolarisation des
enfants. L'emprise des Églises sur les mentalités est également très
prononcée par le biais des offices et des organisations
communautaires chrétiennes auxquels participent avec assiduité
les populations insulaires, fortement attachées à leurs options
(16) Nous regrettons le manque de données pour Hawai'i et ses populations originaires
d'Asie, pour Irian Jaya qui subit de fortes pressions de l'islam.
Société des
Études
Océaniennes
�43
religieuses, surtout dans les milieux ruraux. Sauf pour Wallis,
Kiribati, et les Marquises, le protestantisme forme la religion
dominante dans les archipels chrétiens même si, parfois, il a fait
l'objet de mouvements syncrétiques divers (les protestants
marginaux dans nos chiffres).
distribution des religions dans le pacifique insulaire
chrétiens
protestants
cook
99.0
79,9
fiji
99.7
38.8
kiribati
95.7
95,3
nauru
81.6
59.5
niue
99.8
79.8
nouvelle-calédonie
90.6
18,1
northern solomon
98.8
19,9
papouasie
96,6
58.9
-
ng
100
pitcairn
polynésie française
99.2
anglicans
protestants
marginaux
9.9
1.9
0.2
13,2
9
90,9
29
1,6
16.1
0.8
0.2
7.3
71.5
83,7
32.8
5.9
100
96.6
7,9
37,2
19.1
21.3
salomon
95.3
37.8
33.6
samoa occidentales
98.3
67.6
0.5
8.7
ttpi
97.5
99,2
tokelau
95
70
tonga
98.5
51.9
tuvalu
95.2
93
vanuatu
99.7
59,6
wallis 8 futuna
99.7
:
hindous
99
2.0
source
catholiques
95.6
25
1.1
21.0
17.9
2.2
16.9
19.8
99.7
D. Barrett, world christian encyclopedia, oxford university press, 1982.
percevoir, dans ce monde majoritai¬
l'espace mental des autorités
ecclésiales et les courants de pensée qui s'y développent et s'y
affirment, pour être à même d'en appréhender une partie des
répercussions, dans les sociétés et les communautés insulaires. Si
les rivalités religieuses, voire les guerres de religion, qui ont pu
opposer un temps les catholiques français aux protestants anglais,
Il faut donc s'attacher à
rement
ont
protestant et anglo-saxon,
laissé des traces indélébiles
au
niveau des réflexes et des
stéréotypes, il n'est pas certain que celles-ci se soient amenuisées ni
avec le temps, ni avec l'apparition de l'esprit oecuménique. La
formation en anglais, des prêtres et des pasteurs originaires de la
région entière s'effectue à Suva depuis une vingtaine d'années. Au
contraire, les référents du passé se sont renforcés, à juste titre ou
Société des
Études
Océaniennes
�44
la volonté qu'affiche la France de se maintenir en
Nouvelle-Calédonie, et par la poursuite des essais nucléaires,
malgré les protestations émises de toutes les îles du Pacifique sud à
leur encontre. Les responsables religieux protestants en NouvelleCalédonie et en Polynésie Française sont depuis longtemps gagnés
à ce point de vue. Chez les catholiques, sans doute faut-il distinguer
les prêtres originaires de la région et formés pour la plupart à Suva,
non, par
provenance de France : les premiers participent à la
dynamique de la mouvance régionale, les seconds paraissent avoir
plus de peine à se démarquer d'un ordre des choses jugé dépassé.
de
ceux
en
Par réfèrent du
passé, nous entendons VAffaire Pritchard qui
présente dans les esprits des responsables religieux et
politiques, des intellectuels intéressés par l'histoire ou la sociologie
du Pacifique. George Pritchard (1796-1883) était un missionnaire
de la London Missionary Society qui fut nommé, à sa demande,
consul britannique pour les îles de la Société en 1837. En tant que
tel, il tenta vainement de lutter contre la présence française
croissante dans l'archipel qui, jusque-là, était resté nominalement
indépendant malgré l'influence européenne qui s'y développait. En
1884, la souveraineté fut proclamée par la France sur les
Territoires de la reine Pomare malgré les efforts déployés par
Pritchard en faveur d'une annexion britannique. Le consulmissionnaire protestant fut emprisonné et expulsé de Tahiti en
est encore
1844. Des clameurs s'élevèrent bien sûr à Londres mais aussi en
Australie et en Nouvelle-Zélande contre cette "main-mise"
sur les îles de la Société et contre l'expulsion de
Pritchard. Le principal reproche à l'encontre de la France fut
d'avoir pris possession d'un archipel déjà mis sur les voies de la
civilisation grâce au patient labeur effectué par un groupe de
missionnaires britanniques protestants à partir de 1796. Avec et
française
papistes, la France accaparait par le pouvoir des armes
qui était déjà attachée au protestantisme et à la GrandeBretagne. Si ce morceau d'histoire coloniale ne dépare pas outre
mesure du corpus des enjeux et rivalités entre les puissances
occidentales au siècle dernier, il reste remarquable par la façon
dont il a pu façonner une certaine vision manichéenne de la France
dans le Pacifique anglophone (17).
pour ses
une
terre
(17) Nous
avons
édité le manuscrit retrouvé de Pritchard, The Aggressions of the French in
Tahiti and Other Islands in the
Pacific, Auckland-Oxford University Press, 1983. Les
comptes rendus de cet ouvrage, émanant de certains collègues néo-zélandais, m'ont
beaucoup surpris par leur virulence quant au fond ; certains indiquant même que dans
ce texte
de 1844 étaient
déjà prévus les essais nucléaires français à Moruroa...
Société des
Études
Océaniennes
�45
Nous
nous
sommes
volontairement abstenu de traiter des
évolutions politiques récentes que Wallis &
Calédonie et la Polynésie Française ont eues
Futuna, la Nouvelleà connaître. Nous en
avons évoqué certains aspects autre part (18). Au travers de la
présente approche du Pacifique insulaire, notre propos a été de
sortir des cadres habituels d'analyse des Territoires Français du
Pacifique et de présenter, même succinctement, un ensemble
régional et sa réalité dont la France se doit de tenir compte pour
l'avenir qu'elle entend s'y réserver.
Paul De Deckker
(18) P. De Deckker, Mutations et Développement, Wallis & Tahiti, Civilisations, Vol.
XXIX, 1979, p. 312-21 ; (avec B. Papilio), La Nouvelle-Calédonie, pluriethnique et
inégalitaire, Projet, 192, 1985, p. 96-100 ; Indépendances et dépendances dans le
Pacifique insulaire, Vingtième siècle, Revue d'Histoire, Paris, n° 6, 1985, p. 23-37 et
l'édition du colloque avec P. Lagayette, Etat et Pouvoirs dans les Territoires Français
du
Pacifique, Paris, L'Harmatta, fin 1986.
Société des
Études Océaniennes
�46
BIBLIOGRAPHIE SUCCINCTE
Ne sont pas
repris les
ouvrages
:
déjà cités
en notes
de bas de page.
Amarshi, K. Good, R. Mortimer, Development and Dependency, the Political
Economy of Papua New Guinea, Melbourne, OUP, 1979.
A.
Baré, Le Malentendu Pacifique, Paris, Hachette, 1985.
J. F.
P. Bellwood,
Man's Conquest of the Pacific, Auckland, Collins, 1978.
R. Crocombe & A. Ali
(ed.), Foreign Forces in Pacific Politics, Suva, USP, 1983.
Faivre, L'expansion française dans le Pacifique (1800-1842), Paris, NEL,
J.P.
1950.
C.
Heine, Micronesia at the Crossroads, Canberra, ANU, 1974.
K. R.
Howe, Where the Waves Fall, Sydney, G. Allen & Unwin, 1984.
E. Hoyet, Pacific Destiny, The Story of America in the Western Sea from the
Early 1800s to the 1980s, New York, W.W. Norton & Co, 1981.
C. Huetz de
D.
B.
Lemps, Les îles Salomon, Bordeaux, CRET-CEGET, 1984.
Martin, Armed Neutrality for Australia, Melbourne, Drummond, 1984.
Narokobi, The Melanesian Way, Suva, USP, 1980.
B. Whitaker & R.
Morgan, Rainbow Warrior, Victoria, Arrow, 1986.
Société des Etudes Océaniennes
�47
LES SOURCES
D'INSPIRATION TAHITIENNES
D'HECTOR BERLIOZ
Il peut paraître vain et désuet de s'attacher
littéraires anciens traitant de la Polynésie ou
à relever des textes
de tout autre lieu.
Outre qu'il se trouve dans ces pages jaunies une langue plus belle,
plus riche, plus émouvante, en un mot plus juste que dans bien des
textes contemporains, l'édition critique de ces textes participe à
l'épistémologie des sciences humaines par le truchement d'une
analyse d'un regard sur l'Autre. Plus encore, ces textes appar¬
tiennent à l'imaginaire exotique de l'Europe et certains, au moins,
méritent réellement de ne pas être oubliés. Ainsi voilà justifiée
l'entreprise en même temps que validée la critique d'une exhu¬
mation par trop systématique de ces textes. Acceptant a priori la
critique, loisir nous avons de nous jeter dans la mêlée et de nous
intéresser à l'un de
ces
écrits d'Hector Berlioz
textes. Et
même à deux d'entre
eux
! Deux
composés entre 1852 et 1855 et inspirés par
Tahiti.
Certains seront
sans
doute étonnés et amusés de savoir que
Berlioz, le grand compositeur romantique français, écrivit sur
en scène et l'acteur et l'argument, avant que de
présenter et de commenter les textes, permet de rappeler que nous
ne devons pas être surpris en raison de la personnalité de Berlioz,
Tahiti. Mettre
qu'était, au milieu du XlXè
siècle, Tahiti pour les français. Cela ne suffit sans doute pas à
comprendre les textes présentés. Afin d'en approcher la significa¬
tion pour nous, il convient de rechercher les sources d'inspiration
de ces textes. L'imaginaire collectif se saisit mieux lorsqu'il est
possible de remonter aux sources communes de l'imaginaire
de la nature même de
ses
écrits et de
ce
individuel.
Société des
Études Océaniennes
�48
I
•
-
Mise
en
scène
Berlioz écrivain
Un texte est
toujours le fait d'un individu et si l'on ne peut
invoquer, par exemple, la surdité de Beethoven pour expliquer
l'importance dévolue aux percussions dans ses symphonies, il n'en
demeure pas moins qu'un texte comme une musique est nécessaire¬
ment le
fruit d'une ambiance, d'un moment où évolue son créateur
et de sa
personnalité. Ainsi pour ce qui nous intéresse ici, on se
le romantisme musical français, beaucoup plus
qu'en Allemagne ou en Pologne fut baigné de littérature et d'art
plastique. Dans le cas de Berlioz cela est particulièrement évident.
Non seulement parce qu'en tant que musicien il eut sans cesse, ou
presque,recours à la littérature pour affirmer son discours musical
mais aussi parce qu'il était aussi et peut-être tout autant écrivain.
Sa vie durant il partagea ses activités entre la création musicale
-composition ou direction d'œuvres- et la critique musicale,
écrivant pour de nombreux journaux, publiant en dix ans, trois
livres, tandis que trois autres, dont ses Mémoires, parurent après sa
mort. On sera moins surpris encore si l'on se rappelle que le
musicien comme l'écrivain usèrent toute leur vie de la provocation,
de la violence des sons et des mots et d'un langage, aussi bien
musical que littéraire, contrasté à l'extrême.
souviendra que
Un
pamphlet de journaliste
Ainsi, membre de l'Institut, unanimement salué en Europe,
Berlioz était aussi ce type d'homme pour qui le pamphlet fait office
•
de sacerdoce et fonde les relations sociales. Les deux textes dont il
sera ici question sont extraits d'un ouvrage pamphlétaire -et
délicieux-
publié en 1859 sous le titre des "Grotesques de la
Musique". Berlioz, alors âgé de 56 ans s'y montre une fois de plus
provocateur. Provocateur si l'on songe au rôle tenu par la musique
dans la société bourgeoise du Second Empire et que l'on sait qu'à
l'aide de soixante-huit textes incisifs il éreinte tout le monde, ou s'y
emploie : les musiciens de l'orchestre, les amateurs, les cantatrices,
les solistes, les organisateurs et le sociétés de concerts, les théâtres
de province, les saisons musicales, les facteurs d'instruments, ses
collègues compositeurs, ses collègues critiques ; en un mot tous,
sauf lui. Pour atteindre tout
Berlioz
ce
monde
en
ralliant le lecteur à
sa
lésine pas sur les moyens littéraires pas plus qu'il
ne le fait en musique avec les moyens de
cet art. Des textes souvent
courts, un style direct, beaucoup d'adjectifs, des comparaisons et
des images audacieuses puisées dans l'actualité du temps
-l'industrialisation, la guerre en Crimée, la colonisation- voilà ses
cause,
ne
Société des
Études
Océaniennes
�49
procédés, bien sûr journalistiques. Aussi s'agit-il là d'un recueil de
textes et non pas d'un livre, dont l'unité n'est que de mettre en
scène des "grotesques de la musique".
•
Tahiti,
une
valeur sûre
A
procédés journalistiques, sources d'inspirations de la vie
quotidienne. L'ouvrage de Berlioz est ainsi un bon révélateur de ce
qui habite l'imaginaire collectif de la France du début du Second
Empire. Et d'abord, chez Berlioz poussé à l'extrême, un sentiment
de supériorité universelle sur fout ce qui est autre. Un autre qui
dans les années 1850 s'élargit d'un coup considérablement avec les
entreprises coloniales et qui permet à ce sentiment de supériorité de
demeurer quand l'exemple de la proximité -en Angleterre, en
Allemagne- le démentit par trop. A comparer les "Grotesques de la
Musique" à de lointains représentants de peuples encore peu
connus, Berlioz met sans risque les rieurs de son côté. L'histoire
belge ou chinoise est toujours moins coûteuse que de rire de soimême. Ainsi reviennent lancinantes ces évocations qui montrent
bien la supériorité des Français sur "ces gens des antipodes qui ont
tous la tête à l'envers" (p. 78), sur ces "peuples intertropicaux et
plus ou moins anthropophages" (p. 237). D'ailleurs est-on "obligé
de tenir compte de ce qui se passe aux antipodes" (p. 252) et "quel
besoin de musique peuvent avoir les sauvages" (p. 237). Il est fort
utile cet étranger dont on peut rire sans risque. Ainsi plutôt que de
comparer tel mauvais soliste à tel trompettiste d'orphéon de
province n'est-il pas préférable décrire qu"7/ joue faux comme un
Chinois et chante comme un cygne noir d'Australie" (p. 112).
D'ailleurs d'où viennent-ils "ces dignes virtuoses ?" Ils arrivent "de
Russie, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne, des Indes, du Japon, de
la Nouvelle-Calédonie, du Congo, de Monaco, de San Francisco,
de Macao, de Cuzco" (p. 215). Cela suffit : si l'actualité des années
1850 contient ces noms, hors les pays européens nul soliste ne
vient, en ces années là, du Congo, de Nouvelle-Calédonie ou du
Japon. Seul compte pour H. Berlioz l'effet et non le procédé.
Il en est de même à propos de Tahiti. Plus encore qu'à la fin du
XVIIIè siècle et que dans la première moitié du XlXè siècle le nom
de Tahiti circule en Europe et particulièrement en France. Et avec
lui s'amplifie le mythe né de Diderot. Dans les années 1840 et 1850
la bibliographie de Tahiti s'enfle et se pare de nouveaux ouvrages.
Se fondant sur une expérience directe des îles polynésiennes, ces
livres viennent remplacer ceux du premier XlXè siècle qui étaient
souvent le fruit de très brèves escales quand ils n'étaient pas de
pures compilations (6). Si ce nouveau genre d'ouvrage vient -en
Société des
Études Océaniennes
�50
décrivant les
épidémies dont sont alors la proie les îles des Mers du
idyllique des choses, demeurent toujours les
"vahine" et les "rives enchantées". Le mythe pour durer a toujours
besoin de misère, ici la dépopulation et le dramatique état sanitaire
des Océaniens. Quoiqu'il en soit, en termes publicitaires, Tahiti est
dans les années 1850 une valeur sûre, une image qui marche, sur
laquelle il est facile de bâtir des rêves. Ainsi si Tahiti est bien aux
antipodes, au bout du monde elle n'en est pas pour autant
amalgamée aux autres terres intertropicales. Et Berlioz le sait bien
qui précise qu'à la différence des "femmes sauvages d'Amérique...",
les "gracieuses Taïtiennes... ne sont point sauvages du tout" (p. 69).
Ainsi l'on comprend mieux que Berlioz ait pu évoquer Tahiti dans
ses œuvres. Lui même porté à
l'exagération trouvait là un mythe
lointain se pliant à sa volonté et du fait de la notoriété dont
jouissait alors Tahiti en France (7), un effet facile de littérature
journalistique. C'est en se rappelant tout cela qu'il convient de lire
les deux textes suivants dont le ton obligeait à ces précautions de
lecture, en se souvenant aussi que Paris s'amusait sous la
Monarchie de Juillet et le Second Empire de cette "reine exotique",
la brocardant même dans une chanson égrillarde (4,5).
Sud- atténuer la vision
II
-
"Lettre à
sa
Majesté Aimata Pomaré ..."
Correspondance diplomatique
A
sa Majesté Aima ta
Pomaré, reine de Taïti, Eimeo,
Ouaheine, Raïatea, Bora-Bora, Toubouaï-Nanou et autres îles,
dont les
oeuvres
viennent d'obtenir la médaille
d'argent à
l'Exposition Universelle.
Majesté, reine gracieuse
Exposition bientôt finie. Nos amis les juges du
concours
des
nations et moi bien contents.
Beaucoup souffert, beaucoup sué, pour entendre et juger les
musique, pianos, orgues, flûtes, trompettes,
instruments de
tambours, guitares et tamtams.
Grande colère des
fabricants de pianos,
et
juges contre les hommes des nations
flûtes, trompettes, tambours, guitares
orgues,
tamtams.
Les hommes des nations vouloir tous être le premier et tous
demander que leur ami soit le dernier ; offrir à nous de boire de
Société des
Études
Océaniennes
�51
l'ava, d'accepter des fruits et des cochons. Nous juges très-fâchés, et
cochons, bien dit quels étaient les meilleurs
fabricants de pianos, flûtes, trompettes, tambours, guitares et
tamtams. Ensuite, quand nous avoir bien étudié, examiné, entendu
tout, nous les vrais juges être obligés d'aller trouver d'autres juges
qui n'avaient pas étudié, examiné ni entendu les instruments de
musique, et de leur demander si nous avions trouvé les vrais
meilleurs. Eux répondre à nous que non. Alors nous encore une
fois très en colère, très-fâchés, vouloir quitter la France et
l'Exposition.
Puis redevenir avec les autres juges tous tayos, tous amis ; et
pour nous rendre notre politesse, ceux-là qui avaient bien examiné,
bien étudié, les mérés, les maros, les prahos, les tapas (massues,
tabliers, pirogues, nattes), les couronnes exposés par les gens de
Taïti, nous demander s'ils avaient bien fait de donner le prix à la
Taïti-Ouna (Reine de Taïti). Nous bons garçons, qui ne savions
rien, répondre tout de suite que oui. Et les juges décider qu'une
médaille d'argent serait offerte à Majesté gracieuse, pour les
couronnes en é cor ce d'arrow-root que belle reine a envoyées à ces
pauvres hommes d'Europe qui n'en avaient jamais vu. Alors aller
tous kaï-kaï, tous manger ensemble ; et pendant le déjeuner, les
juges des nations beaucoup parler de gracieuse Taïti-Ouna,
demander si elle sait le français, si elle a plus de vingt ans... Les
juges des nations, même les ratitas (les nobles), bien ignorants ; pas
connaître un seul mot de langue kanake, pas savoir que gracieuse
Majesté s'appeler Aïmata, être née en 1811 (moi rien dire de cela),
avoir pris pour troisième mari un jeune arii (chef), favori de votre
père Pomaré III, qui lui donna son nom par amitié. Ne pas se
douter que po veut dire nuit et maré tousser, et que votre arrièregrand-père Otou, ayant été fort enrhumé et toussant beaucoup une
nuit, un de ses gardes avait dit le lendemain : "Po maré le roi" (le
roi, tousser la nuit), ce qui donna à S. M. la spirituelle idée de
prendre ce nom, et de s'appeler Pomaré 1er.
Les hommes de France savoir seulement que reine gracieuse
avoir quantité d'enfants, et eux beaucoup rire de ce que gracieuse
Majesté ne veut pas porter des bas. Eux dire aussi que belle Ouna
trop fumer gros cigares, trop boire grands verres d'eau-de-vie, et
trop souvent jouer aux cartes seule, la nuit, avec les commandants
de la station française qui protège les îles.
pourtant, sans fruits ni
Après déjeuner, juges des nations monter ensemble dans les
galeries du palais de l'Exposition, pour voir l'ouvrage de vos belles
mains, auquel ils venaient de donner le prix sans le connaître, et
trouver aussitôt l'ouvrage charmant, et convenir que les couronnes
Société des
Études Océaniennes
�52
de Taïti bien
quantité de
légères sont pourtant bien solides, plus solides
d'Europe.
que
couronnes
Les juges des nations, aussi bien les arii que les boué-ratiras
(les cultivateurs, les propriétaires), recommencer en descendant à
parler de belle reine et de la médaille d'argent qu'elle pourra
bientôt pendre à son cou ; et chacun avouer qu'il voudrait bien être
une heure ou deux à la place de la médaille. Très-bon pour belle
Ouna-Aïmata que soit pas possible, car nous juges des nations bien
laids.
Pas
tatoué, pas un comparable aux jeunes hommes de
Bora-Bora, encore moins au grand, beau, quoique Français,
capitaine, qui commandait le Protectorat il y a trois ans, et qui,
un
convenez-en,
protégeait si bien.
Adieu, Majesté gracieuse, les tititeou-teou (serviteurs) de
l'Exposition sont occupés déjà à faire la médaille d'argent, et jolie
l'enfermer, avec beaucoup gros longs cigares et deux
paires de bas fins brodés d'or. Tout sera bientôt en route pour les
boîte pour
îles.
Moi avoir voulu d'abord écrire à Ouna-Aïmata
mais ensuite pas oser, trop peu savant dans la douce
écrire alors simplement en français comme il est parlé à
Taïti.
en
kanak,
langue, et
la cour de
Nos ioreana
(salutations, bonjour) et nos bonnes amitiés aux
français du Protectorat ; que rien ne trouble vos
houpashoupas (menus plaisirs), et que le grand Oro (Dieu) vous
délivre de tous les Pritchards. Je dépose deux respectueux comas
(baisers) sur vos fines mains royales, et suis, belle A ïmata, de Votre
Majesté, le tititeou-teou.
amis
Hector BERLIOZ,
l'un des juges
des nations
Paris, le 18 octobre 1855.
P. S.
J'ai oublié de dire à gracieuse
joints à la médaille et
aux
Majesté que les bas brodés
cigares peuvent se porter sur la tête (1).
La vraie rencontre d'Hector Berlioz
avec
la reine Pomaré
Laissons de côté pour un moment le ton du texte
surprendre voire choquer
pour nous
Société des
Études
intéresser
Océaniennes
aux
qui peut
circonstances et
�53
sources utilisées par H. Berlioz pour écrire cette lettre
imaginaire. Berlioz, cet impie, ce provocateur est aussi vers 1850
l'un des tout premiers parmi les caciques de la musique, un artiste
officiel. Cela lui valut d'être nommé au jury de l'Exposition
Universelle de Paris en 1855 comme il l'avait déjà été à celui de
l'Exposition Universelle de Londres en 1851. A ce titre il eut à se
prononcer en compagnie des six autres membres du Jury de la
Musique sur l'ensemble des œuvres adressées à l'Exposition de
toutes les parties du monde. La rencontre entre H. Berlioz et la
reine Pomaré eut lieu par objets d'artisanat local interposés.
En effet la reine Pomaré fut récompensée pour avoir adressé à
l'Exposition Universelle des couronnes tressées. Dès le 26.XI. 1854
le "Messager de Tahiti" se faisait l'écho d'une demande du
gouverneur du Bouzet de lui adresser au plus vite des envois pour
l'Exposition afin de répondre au "désir de S.M. l'Empereur... de
voir figurer... des échantillons de produits provenant de ses
colonies et particulièrement des îles de la Société placées sous son
aux
protectorat" (10).
Le 2.IX.1855, comme le 15.IX. de la même année et le
24.11.1856, le Messager de Tahiti évoquait le déroulement de
l'Exposition en reproduisant des articles parus quelques mois plus
tôt dans la presse parisienne sans faire aucune allusion aux envois
de Tahiti évidemment submergés par la masse des autres envois
pour le journaliste parisien rédacteur. Le 13 avril 1856 enfin, le
"Messager de Tahiti" publiait la liste des exposants tahitiens
primés qu'il vaut sans doute de reproduire ici (10) :
2è classe
-
Art
forestier, chasse, pêche et récolte de produits
obtenus
sans
culture.
Tauirua, médaille de 2è classe,
Feutray, mention honorable.
19è classe
-
Industrie des
cotons.
Administration de Taïti, mention honorable.
25è classe
-
Fabrication
d'objets de fantaisie.
Reine Pomaré, médaille de lè classe,
Teina Poroï, médaille de 2è classe,
Taamu, médaille de 2è classe,
Paraïta, mention honorable,
Parauhia Teahoroa, mention honorable,
Tauirua, mention honorable.
Société des
Études
Océaniennes
�54
Outre que l'on voit ici le rôle déjà tenu dans l'économie de
Tahiti par l'artisanat de "curios" voilà posé le prétexte utilisé par
Berlioz pour écrire une lettre imaginaire à la Reine Pomaré. Cela
Ne connaissant ni Tahiti ni la reine
incapable par lui-même de donner autant de
précisions. N'ergottons pas sur les imprécisions nombreuses
contenues dans ce texte. Que Pomaré-tane n'ait pas été le troisième
mari mais le second (légitime) de la reine Pomaré et que celle-ci ne
soit pas née en 1811 mais en 1813, que Otou n'ait point été son
arrière grand-père mais simplement son grand-père, que Pomaré
III ait été son frère et non son père, tout cela importe peu ici.
Berlioz n'en savait rien. Reste donc le problème des sources.
Berlioz avait à sa disposition en 1855 près de deux milles ouvrages
traitant de la Polynésie qui eussent pu l'aider à parler de Tahiti
sinon bien sûr de la reine Pomare pour les ouvrages antérieurs à
son avènement en
1827. En dépit de ce stock d'ouvrages déjà
considérable il est plus que probable que Berlioz n'utilisa qu'un
seul livre, celui d'Eugène Delessert publié en 1848 à Paris sous le
titre de "Voyages dans les deux Océans Atlantique et Pacifique de
1844 à 1847" (3). Les preuves en sont nombreuses dans la lettre
adressée à la reine Pomare. L'orthographe et la traduction des
ne
lui suffisait évidemment pas.
Pomaré il était bien
trente-six mots et
noms
tahitiens contenus dans
son texte se
quel pour trente-deux d'entre eux dans l'ouvrage de
(p. 255). Quant à des détails moins importants comme les
nombreux enfants de la reine, son dégoût des bas et son goût pour
les plaisirs de la vie, ils se trouvent tout entiers aux pages 269, 274
et 287 du livre de Delessert (3).
trouvent
tels
Delessert
Source bien banale et un peu mince, mais
l'effet recherché, elle n'embarrasse pas Berlioz.
qui enfin suffit à
Critique de l'ordre établi
d'inspiration de la lettre aident à l'exposé
phrasé amusant revient le thème
de l'iniquité de l'ordre établi. Un peu comme si Berlioz avait écrit
ce texte comme une brève œuvre musicale. Imposture de l'ordre
social où "les hommes des nations vouloir tous être le premier et
tous demander que leur ami soit le dernier" ; imposture de tous les
tribunaux et des juges "nous les vrais juges être obligés d'aller
trouver d'autres juges qui n'avaient pas étudié...", fragilité et vanité
des "couronnes d'Europe", entendons royales, moins solides que
les couronnes d'écorce adressées par Aïmata Pomaré, scandale du
militaire ce "grand, beau, quoique Français, capitaine, qui
Le ton et la
source
du fond. Au-delà de la forme et du
Société des
Études
Océaniennes
�55
commandait le Protectorat il y a trois ans, et qui convenez-en
protégeait si bien" -il s'agit du Gouverneur Page dont la conduite
allait à Fencontre de la morale (affichée.) du temps. Imposture
suprême, celle de la religion importée qui impose sa férule. Berlioz
souhaite "que le Grand Oro la délivre de tous les Pritchards", c'està-dire des pasteurs anglicans, nommés ici du nom de celui dont les
agissements avaient provoqués en 1842 l'intervention de la France
à Tahiti. Imposture enfin que ce titre de reine dont Berlioz se
gausse tout au long du texte.
Alors Berlioz
chez lui
envers
nous
semble mieux
compris. Nulle acrimonie
la reine de Tahiti et même de l'alacrité pour cette
vahiné
parmi les vahiné mais simplement, en les choisissant elle et
Tahiti pour sujets, un bon moyen d'enfourcher un cheval de
bataille et de ferrailler contre l'ordre. Étrange paradoxe tout de
même que
celui qui émane de cet artiste officiel et qui accepte les
règles de jeu social tout en les décriant, en se croyant persécuté et
en
se
III
-
lamentant.
Les "lamentations de Jérémie"
Les "Lamentations de Jérémie" sont dans les
"Grotesques de
long. Comme le Livre de la Bible auquel
le titre renvoie il se compose de cinq élégies. Toutes traitent de la
difficulté d'être critique musical. Deux d'entre elles évoquent
Tahiti. La quatrième ne fait que s'y référer dans une comparaison
entre Saint-Valéry-en-Caux et Tahiti. Saint Valéry en Caux où
Berlioz, critique musical, est sûr d'être loin de tout concours
musical, de tout théâtre lyrique, de tout confrère et qui lui apparaît
comme "un Eldorado pour les
criques, une île de Taïti en terre
ferme, entourée d'eau d'un seul côté ; moins les ravissantes
Taïtiennes, il est vrai, mais aussi moins les ministres protestants, les
cantiques nazillards, la grosse reine Pomaré qui enfle dans sa case,
et le journal français ; car on imprime un journal en langue
française à Taïti, ce qu'on se garde bien de faire à Saint- Valéry"
(p. 101).
la
Musique" un texte
assez
Si l'on retrouve ici le même ton que dans la lettre à la Reine
Pomaré, la même critique de l'ordre établi, l'autre élégie curieuse¬
ment retrace l'arrivée du Gouverneur Page à Tahiti en 1852 sur un
ton beaucoup moins combatif :
"... Trop misérables critiques ! Pour eux l'hiver n'a point de
feux, l'été n'a point de glaces. Toujours transir, toujours brûler.
Toujours écouter, toujours subir. Toujours exécuter ensuite la
Société des
Études
Océaniennes
�56
danse des
œufs, en tremblant d'en casser quelques-uns, soit avec le
pied de l'éloge, soit avec celui du blâme, quand ils auraient envie de
trépigner des deux pieds sur cet amas d'œufs de chats-huants et de
dindons, sans grand danger pour les œufs de rossignols, tant ils
sont rares aujourd'hui !... Et ne pouvoir enfin suspendre aux saules
du fleuve de Baby lone leur plume fatiguée, et s'asseoir sur la rive et
pleurer à loisir !...
Quand je songe qu'aujourd'hui 3 juin, très probablement, le
Page entre dans la baie de Papeïti ! que les canons de
ses navires saluent la rive taïtienne,
qui leur renvoie, avec mille
parfums, les cris de joie des belles insulaires accourues sur la plage !
Je le vois d'ici, avec sa haute taille, sa noble figure bronzée par les
ardeurs du soleil indien ; il regarde avec sa longue-vue la pointe des
cocotiers et la maison du pilote Henry bâtie à l'entrée de la route de
Matavaï... Il s'étonne qu'on ne lui rende pas son salut... Mais voilà
les canonniers accourant à droite et à gauche de la maison de
M. Moerenhout ; ils entrent dans les deux forts détachés. Feu
partout ! Hourra ! c'est la France ! c'est le nouveau chef du
protectorat ! Encore une bordée ! Hourra ! Hourra ! - Et voilà les
casernes qui se dépeuplent, les officiers français qui sortent précipi¬
tamment du café, et M. Giraud qui paraît sur le seuil de sa case, et
tous prenant ensemble la rue Louis-Philippe, se dirigent du côté de
la maison du capitaine du port. Et ces deux ravissantes créatures
qui sortent d'un bosquet de citronniers, où vont-elles en tressant
rapidement des couronnes de feuilles et de fleurs d'hibiscus ? Ce
sont deux filles d'honneur de la reine Pomaré ; au bruit du canon,
elles ont brusquement interrompu leur partie de cartes commencée
dans un coin de la case royale pendant le sommeil de S. M. Elles
jettent de furtifs regards du côté de l'église protestante. Pas de
révérends Pères ! Pas de Prit chards ! On ne le saura pas ! Elles
achèvent leur toilette en laissant glisser à terre le maro, vaine
tunique imposée à leur pudeur par les apôtres anglicans. Leur beau
front est couronné, leur splendide chevelure est ornée de
guirlandes, les voilà revêtues de tous leurs charmes océaniques ; ce
sont deux Vénus entrant dans l'onde. "O Pagé ! O Pagé ! (C'est
Page ! C'est Page !)" s'écrient-elles en fendant comme deux sirènes
les vagues inoffensives de la baie. Elles approchent du navire
français, et, nageant de la main gauche, elles élèvent la droite en
signe de salut amical ; et leur douce voix envoie à l'équipage des
ioreana répétés (Bonjour ! Bonjour !). Un aspirant de marine
pousse un cri de
d'admiration à cet aspect, et s'élance du côté des
néréides. Un regard du commandant le cloue à son poste,
silencieux, immobile, mais frémissant. M. Page, qui sait la langue
commandant
...
Société des
Études
Océaniennes
�57
kanaque
comme un naturel, crie aux deux naturelles en montrant
de son navire : Tabou ! Tabou ! (interdit, défendu). Elles
cessent d'avancer, et élevant au-dessus de l'eau leur buste de statue
antique, elles joignent les mains en souriant d'un air à damner
Saint Antoine. Mais le commandant, impassible, répète son cruel
tabou ! Elles lui jettent une fleur avec un dernier ioreana tout plein
de regrets, et retournent à terre.
L'équipage ne débarquera que
dans deux heures. Et, M. Page, assis à tribord, contemple, en
attendant, les merveilleux aspects de ce paradis terrestre où il va
régner, où il va vivre pendant plusieurs années, respire avec ivresse
la tiède brise qui en émane, boit un jeune coco et dit :
"Quand je
songe qu'il y a maintenant à Paris, par trente-cinq degrés de
chaleur, des gens qui entrent à l'Opéra-Comique, et qui vont y
rester encaqués jusqu'à une heure du matin,
pour savoir si Pierrot
épousera Pierrette, pour entendre ces deux petits niais crier leurs
amours avec
accompagnement de grosse caisse, et pour pouvoir le
surlendemain informer les lecteurs d'un journal des difficultés
vaincues par Pierrette pour épouser Pierrot ! Quels enragés antiabolitionnistes que ces directeurs de journaux !"
le pont
Oui, quand je songe qu'on peut faire cette judicieuse réflexion
à quatre milles lieues, à nos antipodes ! Dans un
pays assez avancé
en civilisation pour se
passer de théâtres et de feuilletons ; où ilfait
si frais ; où les jeunes belles portent de si élégants costumes sur leur
tête ; où
une
vivre chez
un
reine peut dormir ! Je me sens cramoisir de honte de
de ces peuples enfants que les savants de la Polynésie
daignent pas même visiter
Trop misérables critiques ! Pour eux l'hiver n'a point de feux,
l'été n'a point de glaces. Toujours transir, toujours brûler.
Toujours écouter, toujours subir. Toujours exécuter ensuite la
danse des œufs, en tremblant d'en casser quelques-uns, soit avec le
pied de l'éloge, soit avec celui du blâme, quand ils auraient envie de
trépigner des deux pieds sur cet amas d'œufs de chats-huants et de
dindons, sans grand danger pour les œufs de rossignols, tant ils
sont rares aujourd'hui !... Et ne
pouvoir enfin suspendre aux saules
du fleuve de Baby lone leur plume fatiguée, et s'asseoir sur la rive et
pleurer à loisir !" (1).
A journaliste sources journalistiques
ne
...
Tout
paraît opposer ce texte à la lettre à Aïmata Pomaré. Le
qui est ici nullement agressif, le récit ensuite qui
s'apparente tout à fait à un reportage journalistique, la morale
enfin qui n'est pas ici une critique tout azimut de l'ordre mais
simplement une jérémiade sur la condition du critique musical qui
ton
d'abord
Société des
Études
Océaniennes
�58
doit rendre compte, dans un Paris surchauffé, des inepties
musicales du moment.
Selon toute vraisemblance H. Berlioz utilisa pour ce récit un
article paru dans l'Illustration du 7 août 1852 évoquant l'arrivée du
Commandant Page à Tahiti illustré de deux gravures (9). Trop
article ne pouvait servir seul à Berlioz. Il est certain ici
qu'il eut recours à l'ouvrage de Eugène Delessert utilisé
également pour la lettre à la reine Pomaré. Si les premières lignes
sont tirées de l'Illustration ce qui suit nous permet d'imaginer le
procédé d'écriture employé par Berlioz. L'ouvrage de Delessert
ouvert à la carte de la page 200 figurant un plan de la baie de
Papeete en 1846, Berlioz met en situation le Commandant Page à
l'aide de ce qu'il lit sur la carte et par une lecture cartographique
des plus banales puisqu'aussi bien il entame sa lecture par le coin
supérieur droit et l'échève au coin inférieur gauche pour retenir les
principaux noms portés sur cette carte (fig. 1). Plus loin qui sont
donc "ces deux filles d'honneur de la reine Pomaré" qui "achèvent
leur toilette en laissant glisser à terre le maro vaine tunique
imposée à leur pudeur par les apôtres anglicans" et dont le "beau
front est couronné, leur splendide chevelure est ornée de
guirlandes, les voilà revêtues de tous leurs charmes océaniques ?"
Sans aucun doute, pour ce que nous savons de l'iconographie de la
période considérée, ces deux néréides comme les appelle Berlioz
sont les "Jeunes filles taïtiennes" de la gravure de la page 266 des
"Voyages" de Delessert (fig. 2).
court, cet
encore
Société des
Études
Océaniennes
�59
L'arrivée du Cdt Page a Tahiti
d'après Hector Berlioz il
Aoraï
•
Diadème
J
|
Mont Mar au
£. Vigneron- ORSTON
Lieux cités par
H.Berlioz,
dans l'ordre du récit
1
-
Baie de
3 Juin 1 852
.
8- maison de M.Giraud
Papeïti
2-Poi nte des Cocotiers
9-rue
3- M5LQdu pilote
10-M^LQdu Cpte du Port
Henry
Louis-Philippe
4-route de Matav8ï
11 -case
5-M^Hde Moerenhout
1
6-Fort3 détachés
13-"révérends
7-Café
14-"jeune3 filles è la nage"
routes et rues
rivières
royale
2-église protestante
■
pères","Pritch8rd3"
bâtiment
H fortin
Société des
Études
• temple
Océaniennes
�60
Comme la lettre à la reine
Pomaré les "Lamentations de
Jérémie" contiennent de nombreuses
erreurs chronologiques. Ce
juin 1852 mais le 16 juin que le commandant Page
ses
fonctions au départ de son prédécesseur
Bonard (10). Quant au Papeete que le nouveau gouverneur
découvrait ce n'était plus celui figuré par Delessert en 1846 qui lui
n'est pas le 3
entra
dans
même datait de 1843
au
moins. En effet dès 1844 l'administration
française avait profondément modifié le plan de la ville de
Papeete (3). Le Papeete de Delessert et Berlioz n'est pas celui de
Page mais celui de Moerenhout, Du Petit Thouars et Herman
Melville. Ces erreurs n'enlèvent rien à ce que veut montrer
H. Berlioz car si son texte s'affiche comme un reportage il vise non
à informer sur Taïti mais à chercher l'antithèse la plus forte à la
dure condition de critique.
Tahiti,
mythe commode
effet, Tahiti apparaît ici comme à l'opposé, aux antipodes
intellectuelles de la vie parisienne toute faite de bruits, de modes et
de clinquant. C'est au spectacle d'un Age d'Or "assez avancé en
civilisation pour se passer de théâtres et de feuilletons", "où une
reine peut dormir", que Berlioz, à travers l'arrivée du commandant
Page, nous convie. Un pays où tout d'un coup tout devient félicité,
"où il fait si frais ; où les jeunes belles portent de si élégants
costumes sur la tête". C'est là un Tahiti à l'opposé de celui présenté
dans la lettre à la reine Pomaré. C'est là enfin le signe de l'ubiquité
et du polymorphisme du mythe qui peut servir n'importe où et
pour n'importe quoi, en ce qu'il est lointain et donc inattaquable,
extraordinaire et donc prompt à se plier aux exigences du rêve, si
profondément différent du vécu des lecteurs que l'on peut en user
sans
risque de se voir accusé de léser tel ou tel. En cela Tahiti est un
mythe commode. Il offre enfin l'utilité majeure d'offrir une part de
rêve à un public en proie aux difficultés nées de la Guerre de
Crimée, au doute que procurent les mutations économiques et
industrielles du temps, à l'incertitude sur l'avenir des régimes dans
une France qui en une décennie a connu, une monarchie constitu¬
tionnelle, une République démocratique, un système présidentiel
puis l'Empire. Tout se passe comme si, en périodes de doute, les
seules valeurs sûres restaient celles de l'imaginaire collectif tant les
textes de Berlioz ne sont pas les. seuls et loin de là à évoquer Tahiti
au début de la deuxième moitié du XlXè siècle. Et si
l'opinion
publique française est parfaitement indifférente à ses colonies (à ce
moment là seulement ?), elle n'en est
pas moins satisfaite de trouver
en elles de faciles
objets de ses rêves.
un
En
Emmanuel VIGNERON
Juin 1986
Société des
Études
Océaniennes
�61
BIBLIOGRAPHIE
(1) Berlioz (H.)
Nouvelles
-
1859
-
Les Grotesques de lâ Musique. Paris, Lévy frères,
Éditions, 1871.
(2) Dauvergne (R.) - 1959 - Les débuts du Papeete français
Paris, t. XV, n° 15, pp. 113-146.
(3) Delessert (E.)
1843-1863. JSO,
1848 - Voyages dans les deux Océans Atlantique et Pacifique,
Paris, Franck, 326 p.
-
1844 à 1847.
(4) O'Reilly (P.)
:
-
1975
-
La vie à Tahiti au temps de la reine Pomaré. Papeete,
l'homme/les Éditions du Pacifique, 239 p.
Société des Océanistes Musée de
(5) Poillue de St. Mars (Ctesse Anne) - 1855 - Impressions de voyages. Journal de
Mme Giovanni... Le siècle, Paris du 31/03 au 23/XI/1855.
(6) Vigneron (E.) - 1985 (a) - Recherches sur l'histoire des attitudes devant la
en
Polynésie Française. Toulouse, thèse de 3è cycle, 600 p.
mort
(7) Vigneron (E.)
- 1985 (b) - Victor Hugo et les îles Marquises ou le poète, le
géographe et la politique. BSEO, Papeete, t. XIX, n° 10, pp. 55-66.
(8) L'Illustration du 25 mars 1843. La France
description géographique de l'archipel.
et
l'île de Taïti. Histoire et
(9) L'Illustration du 7 août 1852. L'"Artémise" à Tahiti.
(10) Messager de Tahiti. Troisième année : 26 novembre 1854 n° 48.
Quatrième année : 2 septembre 1855 - n° 35.
Quatrième année : 9 septembre 1855 - n° 36
Cinquième année : 24 février 1856 - n° 8
Cinquième année : 13 avril 1856 - n° 15.
-
(11) Annuaire des Établissements Français d'Océanie, 1877, p. 138.
Société des
Études
Océaniennes
�62
A PROPOS DU CIEL DE TAHITI
...
"Ce modeste Guide du ciel s'adresse à tous les habitants de
l'hémisphère Sud, principalement aux habitants de la Polynésie, de
la Nouvelle-Calédonie et du Vanuatu. Il a été fait pour
répondre à
un besoin.
Jusqu'à présent, il n'existait pas de guide pratique en
langue française qui permette à chacun de s'initier très facilement à
la connaissance du ciel austral. Les livres
d'astronomie, trop
complexes, découragent les débutants, leurs cartes du ciel sont
faites pour les gens du Nord, c'est-à-dire à l'envers de ce que nous
voyons, nous, dans le Sud".
Telle est la présentation du Ciel de Tahiti et des Mers du Sud*,
Monsieur M. Graindorge, paru cette année. Deux idées se
de
dégagent de
•
•
ces
quelques lignes
:
l'inversion des aspects
célestes d'un hémisphère à l'autre.
cartographie céleste spécifique à l'hémisphère de l'observateur.
Inversion des aspects
L'auteur tente
célestes
démonstration peu
convaincante (page 15)
le schéma reproduit en figure 1.2. : les 3 bonshommes ne
peuvent voir qu'une pleine lune. En réalité les différences
d'inclinaison d'un croissant ou quartier de lune n'apparaissent
qu'au voisinage de l'horizon, comme indiqué sur la ligne 1.1., où les
3 bonshommes, vus de dos, observent comme le lecteur une lune
située au-delà du plan de la feuille.
une
par
L'inversion d'une constellation n'est apparente
nage
du méridien. La figure 2.1.
(*) Maurice Graindorge : Le ciel de Tahiti
1986, 114 p., ill., cartes, bibl.
Société des
et
expose
qu'au voisi¬
"naïvement" le problème.
des Mers du Sud, Haere Po
Études
Océaniennes
no
Tahiti, Papeete
�yudrftezr vue de
!'
hemisphere Nord
Là lune
vue
cle.
L<2 lune
I'
âu
I'
même instant
Equateur
Vue
de
hémisph ère Sud
LB
Co.
les
schema
nous
montre, bien
les,
NORD
Vues
AUX
ANTIPODES
du Nord et du Sud
ini/arSee.s.1/ en
co/isùzlfâii'ùns.
Ficjurue d.2.
( Tauter
t£ dauùi d'épris M. GHAiubORGE)
Fl^lù 1.1
ft
~Vll pan. A :
Fitjwit.
2.. i
'•70
Ctn.trcdi.li Terre
HepiCSC/italcaK
Société des
7i£iL\Je
(didteULùi4 fi/uizs)
Études Océaniennes
est de
marne
pour
�64
La
figure 2.2. permet l'explication correcte : une même
apparaît inversée à 2 observateurs quand elle peut
être contenue entre les 2 verticales de ces observateurs (numérique¬
ment : les déclinaisons sont comprises entre les latitudes), ou
constellation
quand
encore,
un
observateur la voit face
au
Nord et l'autre face
Sud.
*
%
CL
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1
N
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71
\w/
> B
0
(l^VLS&fda&oh- caVtQctr. (dLLAtouiùPÀ cfr-kr^lte )
Finare
2.2
Société des
Études
Océaniennes
au
�65
L'inversion n'est donc liée qu'à la différence de latitude et
non
à la différence d'hémisphère. Ainsi page 107 une gravure
représente la Croix du Sud vue des îles Hawaii donc de
l'hémisphère Nord. La constellation a le même aspect qu'à Tahiti
car, comme à Tahiti l'observateur la regarde face au Sud.
pas
De même
quand
la Grande Ourse à Tahiti elle se
à Honolulu, sous l'aspect d'une
casserole renversée. En revanche une inversion
peut se produire
entre 2 observateurs du même
hémisphère : le petit trapèze
présente face
nous voyons
Nord
au
comme
du
corbeau, de déclinaison moyenne 18°S, est vu face au Sud à Eiao
(Marquises latitude 8°S) et face au Nord à Rapa (latitude 28°S).
Si l'inversion d'une constellation se reconnaît à des détails
celle d'un quartier de lune
s'apprécie à la forme d'ensemble (forme
de C ou de D majuscules) : dans les zones au Nord du
parallèle
28°N le passage de la lune au méridien est
toujours vu face au Sud.
Au 1er quartier, c'est le côté W de la lune
qui est éclairé. Face au
Sud, l'Ouest est à droite : la lune a la forme "D". Le dernier
quartier
se
présente
Inversement
méridien face
au
"C".
comme
au
Sud du
parallèle 28°S la lune passe au
inverses des précédents.
N. Les aspects sont
Entre 28°N et
28°S,
qui est le
de la Polynésie, la lune
L'aspect des quartiers n'est
prévisible que si l'on connaît la déclinaison de la lune : l'aspect est
celui de l'hémisphère N quand la lune est vue face au
S, et vice
versa. Il est donc
parfaitement illusoire d'affecter aux phases de la
lune
du calendrier polynésien des
signes typographiques
déterminés ; c'est pourtant la bévue commise par l'association la
ora te natura à la
page 95 : "les phases de la lune telle que nous la
voyons dans notre hémisphère". Bévue d'autant plus comique que
les formes conventionnelles
adoptées sont celles des zones
tempérées N !
peut culminer face
au
N
ce
ou
face
au
cas
S.
Cartographie
Les
figures 3 et 4 reproduisent les 2 premières "cartes" page 20
l'ouvrage. Seuls les traits pleins et les caractères gras, ainsi
que les étoiles sont d'origine. Les traits tiretés ou pointillés, et les
caractères fins appartiennent au commentaire.
Au total 6 couples de cartes face au N et face au S couvrent
l'ensemble du ciel à la latitude 20°S. Ces couples sont
séparés par
des intervalles de 4 heures (soit 60° de rotation
terrestre).
et 22 de
Société des
Études
Océaniennes
�66
Les
aspects
intermédiaires sont censés s'obtenir par incli¬
naison des "cartes"
vers
l'E
ou vers
l'W.
Page 18 l'auteur donne un exemple d'emploi : aspect de la
un 15 février à 21 h. La carte reproduite figure 3
indique, entre autres, que l'étoile Sirius est visible face au Sud. Ce
qui est faux : Sirius est sur la carte N (fig. 4), car son azimut est 2°5.
voûte céleste Sud
Apparemment l'auteur ne s'inquiète nullement de la présence
simultanée d'une même étoile face au N et face au S. Dans son
système les étoiles sont censées rester dans le 1/2 horizon N ou S
où elles
se
sont
levées.
figure 5, qui représente le mouvement diurne sur la sphère
20°S, montre que Sirius peut passer le 1er vertical
(vertical Est-Ouest) pour culminer au Nord.
D'une façon générale le mode de représentation adopté n'est
pas cohérent : les étoiles ont été placées par coordonnées polaires
avec méridiens rectilignes ; alors, le cercle d'horizon ne peut pas
être représenté par une droite. Le cercle qui sur les "cartes"
représente la voûte céleste devrait être le 1er vertical. On constate
qu'il ne désigne pas la même région du ciel sur les cartes N et S et
que les arcs horaires ont des longueurs différentes (comparer sur
les figures 3 et 4 les longueurs de l'arc horaire 6h-7h encadrant
Sirius).
La
locale de latitude
Société des
Études
Océaniennes
�67
Le choix arbitraire d'un horizon
rectiligne entraîne les
semble plus haut que
distorsions suivantes (fig. 3) : le corbeau, qui
la Croix, est en réalité à la même hauteur
:
26°.
plus à l'Est, la figure 3 fait apparaître une étoile de 1ère
grandeur l'Epi qui, avec une hauteur calculée de 8°, semble aussi
haute que la Croix.
L'auteur fait radicalement disparaître ses distorsions en
tronquant les coins Est et Ouest.
En tout 8 étoiles de 1ère grandeur proches de leur lever ou
coucher sont ainsi sacrifiées, sur l'ensemble des 12 cartes.
Encore
En résumé toute cette "cartographie" n'est qu'un laborieux
bricolage. Elle permet peut-être d'expliquer, l'affirmation assez
démagogique du préambule : "cartes faites pour les gens du Nord"
à la lumière des "cartes" proposées "à tous les habitants de
l'hémisphère Sud". M. Graindorge commet en réalité une erreur de
terminologie : les "cartes" sur lesquelles figure un horizon sont des
"aspects du ciel à la latitude..." Elles ne sont exactes que pour cette
latitude, et leur validité diminue quand on s'en écarte. Les "cartes"
proposées pour tout l'hémisphère Sud ne sont valables, avec les
restrictions signalées, que pour la latitude 20°S.
marquisien, un rapanais, et à fortiori un néo-zélandais, n'y
leur ciel.
Les seules cartes d'usage général sont du type de celles que l'on
trouve dans le Larousse : projection stéréographique de chaque
Un
retrouvent pas
Société des
Études
Océaniennes
�68
hémisphère autour de son pôle. Leur emploi ne demande que la
connaissance des lois du mouvement diurne (fig. 5). Ce mouve¬
ment, le plus quotidiennement évident de tous les phénomènes
astronomiques n'est pas évoqué dans l'ouvrage.
"Ù étotfe.
?r
tkr ttodjL
A
de decLùna/Àûh. S enLjwuMxM.
77
dt.
il
dLJuJinldDr^ J!.
îoùit clt cxjtrYujvaîio*.
En dehors de
à. Ea. PaXcCu-dt.
■ir.-fiueunt
h
.
aju. S du. 1e*- /eiXicaE.
au.JJ du. Ie*-
Tou-jùunA vue.
Vui.
OU
S
ûu
Ttrujouflô vtie nu. _/V~ oLu. -Ie*- ilenJticxxE.
(fuxA^a.^ eue. meAiditrC)
toute
considération cartographique, l'auteur
affecte de voir dans l'origine
dans l'hémisphère Nord" un
même des constellations "imaginées
obstacle à leur identification dans
l'hémisphère Sud, où, selon lui, elles sont systématiquement
inversées (page 15). Il oublie que quelques lignes plus haut il
écrivait qu'on ne pouvait "reconnaître dans le ciel une forme
quelconque ressemblant à un bélier, à un lion, ou à une vierge".
Mais alors quel inconvénient y-a-t-il à voir inversée une image qui,
droite, ne représente rien ?
P. Paoli
Société des
Études Océaniennes
�69
COMPTE-RENDU
P.M.
Paul PÉTARD
Plantes utiles de Polynésie Française, et Raau Tahiti.
Éd. Haere Po no Tahiti, Papeete 1986, édition revue et augmentée par
D. & R. Koenig, avec la collaboration de J. Florence, M. Guérin,
E. & T. Neuffer, J.F. Pétard.
350 p., bibl., photos et très nombreuses illustrations.
Ouvrage remarquable qui mérite le plus grand succès. L'originalité
plantes et dans une
présentation très illustrée de la flore locale.
du livre réside dans les utilisations médicinales des
La trame
P. Pétard fort
est
d'ailleurs
en
thèse d'un ancien pharmacien
à Tahiti ces dernières décennies et dont la
est une
connu
évoquée
par
l'un de
ses
militaire,
biographie
fils.
publiée autrefois par la Société des Océanistes, ont été
ajoutés de nombreux textes publiés dans diverses revues spécialisées, ainsi
que des inédits de l'auteur. Tous ces documents ont été revus et annotés,
ce qui donne une idée de l'ampleur
de la tâche réalisée. De nombreux
schémas permettent de mieux connaître oti reconnaître les plantes utiles
ou
dangereuses de la Polynésie Française. Des index bien conçus
facilitent la recherche d'une plante, d'un médicament, voire d'un auteur.
A cette thèse
critique de la nomenclature scientifique et de la typographie,
en page sera probablement formulée dans les revues
spécialisées, mais, pour nous grand public, ce sont des fautes vénielles qui
n'effleurent pas notre grande satisfaction.
Une
voire de la mise
Le riche avant-propos de R. Koenig, évoque le vocabulaire et
l'histoire des plantes, les tahua et raau, la conception traditionnelle du
Société des
Études Océaniennes
�70
de la maladie, l'évolution du raau tahiti etc. Ces prolégomènes
grand intérêt et familiariseront le lecteur avec des notions
rarement explicitées.
corps et
sont
d'un
En bon professeur de philosophie, il se devait de citer Platon, mais
Jean-Jacques Rousseau n'est pas oublié. "Le premier malheur de la
botanique est d'avoir été regardée dès sa naissance comme une partie de la
médecine. Cela fit qu'on ne s'attacha qu'à trouver, ou supposer, des vertus
aux plantes, et qu'on néglige la connaissance des plantes mêmes".
Gérard CHEVAL
Ua Pou, fleur
Édition Haere Po
- Te pua o te henua enana.
Papeete 1986, 168 p., ill., bibl.
des Marquises
no
Tahiti ;
L'auteur, professeur de mathématiques, a effectué un séjour de 6 ans,
dans cette île de 2.000 habitants. La rareté des livres sur les Marquises
valorise
cet ouvrage,
qui vaut surtout par les données contemporaines,
marquisienne.
vivantes et vécues d'une île
Après un aperçu synthétique sur le passé de l'archipel, on découvre
agréable reportage sur la vie quotidienne de ce microcosme, sur sa vie
économique, ses difficultés, son avenir et ses possibilités touristiques. La
misère nous dit l'auteur, n'existe pas et malgré l'avancée de la civilisation
occidentale, on peut encore "parler d'art de vie marquisien et d'âme
marquisienne".
un
agrémentent ce sympathique travail ;
quel grimoire, l'auteur a-t-il pu dénicher "en 1791, la mission
catholique fraîchement installée, fait état de 32.000 habitants".
De nombreuses illustrations
mais dans
Paule LAUDON
Randonnées en montagne.
Édition du Pacifique. Papeete 1986, 150 p., ill., bibl.
Ce
premier guide de la montagne de Tahiti, fort bien présenté et
la collaboration de Henri Jay, satisfera les mânes de son père
Maurice Jay, le roi de la montagne de ces dernières décennies,
aujourd'hui disparu.
publié
avec
bonne synthèse
les différentes
randonnées sont décrites avec précision, mais le style généralement assez
sec de ce genre d'ouvrage est, ici, émaillé d'observations sur la végétation,
l'archéologie, la géologie, sans oublier la petite histoire locale.
Après
de
nos
une
longue introduction, qui
connaissances
sur
nous donne une
la montagne tahitienne,
Société des
Études
Océaniennes
�71
Des croquis clairs, malheureusement sans échelle, illustrent le texte
chaque excursion. Il nous semble objectif d'augmenter légèrement la
durée indiquée des parcours, qui laisse peu de temps pour goûter les
framboises. Mais ne gâchons pas notre plaisir : le randonneur sera
heureux de retrouver sa montagne au fil de ces pages accompagnées de
fort belles photographies, et l'habitué des plages ne pourra résister à cette
de
séduisante invitation à la découverte de l'intérieur de l'île.
LE LOUARN
Philippe
Les
psychoses délirantes aigiies en P.F. : caractéristiques et
essai d'approche transculturelle.
Thèse Médecine. Faculté de Tours 1986, 86 p.
Avant sa découverte par les Européens, la civilisation polynésienne
connaissait la maladie et la folie,contrairement au mythe que cette région
suscita ensuite.
Mais ce n'est qu'à une époque récente que l'ethnopsychiatrie
intéressée à la pathologie mentale dans le Pacifique sud.
s'est
Il n'existe pas
de syndromes psychiatriques particuliers au pays, et les
grandes entités nosologiques de la pathologie mentale y restent
observables. Les hallucinations auditives et visuelles sont prépondérantes.
L'étude des psychoses délirantes aigiies en P.F., montre que leur
fréquence est plus élevée qu'en Métropole, mais qu'elle est aussi inférieure
à celles constatées dans d'autres pays tropicaux francophones où cette
pathologie a été étudiée. Leurs caractéristiques sémiologiques les
distinguent des observations métropolitaines mais elles sont semblables à
celles observées dans des sociétés ayant subi des processus acculturatifs
récents (Guadeloupe, Guyane, Madagascar, Sénégal). La référence à la
possession, la prépondérance des thèmes persécutifs et mystiques sont un
des reflets de la persistance de modes de pensée hérités de l'ancien système
culturel.
Gilles BLANCHET
Croissance induite et développement autocentré en
nésie Française : l'évolution de l'économie et le rôle
Poly¬
de la
petite production marchande.
d'État. Faculté des Sciences Économiques de
Thèse pour le doctorat
Rennes I, 1986, 681 p.
Au moment où la théorie et la
rôle
pratique s'accordent à reconnaître le
positif d'une petite production émanant de la base et soulignent
Société des
Études
Océaniennes
�72
qu'un développement véritable doit être assumé de l'intérieur, cette étude
se propose de voir dans quelle mesure de telles propositions s'appliquent
en
Polynésie française. Elle commence par approfondir la notion de
secteur informel,par laquelle on désigne de petites activités mal connues
qui sont considérées comme des facteurs d'emploi et de croissance dans
une conjoncture morose. Elle choisit comme champ d'investigation la
petite production marchande et l'envisage comme la fraction de ces
activités qui accède au marché et semble la plus facile à appréhender et la
mieux à même de se développer.
Elle retrace, au préalable, l'évolution de l'économie polynésienne qui,
depuis le début des années 60, est dominée par le Centre d'Expérimen¬
tation du Pacifique (CEP) et voit aujourd'hui son avenir obéré par
l'incertitude qui s'attache à une présence provisoire qui se prolonge. Sa
croissance reste tributaire de la métropole qui essaie de promouvoir une
production autochtone capable de relayer, le jour venu, le CEP. Le souci
de mettre en œuvre un développement plus autocentré s'est d'abord
orienté
vers
le renforcement et la modernisation des activités existantes
afin de les faire passer du stade artisanal au stade industriel grâce
investissements appropriés. A partir de 1975, les effets conjugués
à des
de la
crise et d'un repli relatif du Centre d'Expérimentation conduisent à
davantage tenir compte d'un environnement moins favorable. Ils font
privilégier des opérations de dimensions plus restreintes et encourager les
initiatives
prises à la base.
Celles-ci
sont
examinées dans deux domaines considérés
comme
le Territoire : le tourisme et l'exploitation des ressources
de la mer. En ce qui concerne le tourisme, à côté d'une infrastructure
hôtelière de dimension industrielle et de caractère international, a émergé
une hôtellerie artisanale de taille modeste qui, depuis quelques années,
fait l'objet d'un soutien effectif. Son évolution et certains de ses établis¬
sements jugés représentatifs sont étudiés avec attention.
essentiels pour
l'approche se rapporte à la pêche qui, contraire¬
tourisme, est depuis longtemps pratiquée sur place. Les
Le second volet de
ment au
modalités de
son
exercice sont examinées dans des domaines où le
produit récolté est destiné à la commercialisation plus qu'à l'autoconsommation et. où l'effort de production peut être cerné de façon
satisfaisante. Pour mieux
en
refléter la diversité, en sont, tour à tour,
forme traditionnelle, la pêche aux ature au grand filet, une
forme moderne, l'aquaculture de la chevrette, et une forme mixte qui met
en rapport une société semi-industrielle et des pêcheurs artisanaux et
illustre les relations entre Tahiti et les îles périphériques.
évoquées
une
une troisième partie, l'importance et le rôle des petites activités
appréciés dans chacun des deux secteurs et le propos est élargi à
l'ensemble de l'économie pour porter un jugement sur leur devenir et les
politiques qui veulent les promouvoir. Le poids de l'État, la permanence
du CEP et les difficultés rencontrées par les petits producteurs inclinent à
penser qu'un développement autocentré,fondé sur des activités impulsées
Dans
sont
Société des
Études Océaniennes
�73
localement,ne saurait être
une panacée susceptible d'éclipser l'interro¬
gation que pose une dépendance qui est loin de se cantonner au ras du sol.
S'y ajoute le rôle que joue de plus en plus l'environnement géographique
du Territoire au moment où, dans les pays voisins, se développe la prise
de
conscience d'intérêts
convergents et se révèle l'utilité d'un
raccordement aux réseaux de solidarité qui se tissent dans le Pacifique
Sud.
Les perspectives qu'offre l'avenir ne semblent pas, en définitive, se
résumer à l'alternative d'une croissance excentrée tributaire de la
métropole et d'un développement autocentré qui se libérerait progressive¬
ment de son emprise,en s'appuyant sur la petite production et les
ressources du cru.
Elles se situent plutôt dans un co-developpement
tenant compte d'une interdépendance croissante même si la composante
politique, liée aux expériences nucléaires et à l'enjeu qu'elles représentent
sur le plan national, continue de peser sur les autres données de la
situation.
Nicole PIGEOT
Éléments de typologie et technologie d'un matériel en nacre
du site de Fa'ahia. (Huahine)
Dép. Archéologie du Centre des Sciences humaines. Punaauia 1985, 35 p.,
ill.
sur un matériel en nacre, appelé provisoire¬
"domestique" par opposition aux instruments de pêche. Plusieurs
tendances typologiques se sont dégagées montrant l'existence d'au moins
quatre types d'outils polis pour lesquels on choisissait des supports bien
spécifiques. L'analyse technologique de ce matériel a permis de rendre
compte des différents procédés utilisés pour travailler la nacre,
aujourd'hui disparue de Huahine.
Essai de classification
ment
Sinoto situe
l'occupation du site entre les années 850 et 1100.
Hans G. BARSCZUS et J.M. LIOTARD
Géochimie des laves du volcan sous-marin Mac
: coexistence de tholéiites
basaltes alcalins et de basanites.
C.R. Acad. Se. Paris, t. 300, série II, n° 18, 1985.
Polynésie Française
Donald,
à Olivine, de
L'étude géochimique (éléments majeurs et traces) d'échantillons
provenant du volcan sous-marin Mac Donald situé au SE de l'archipel
des Australes (Polynésie Française) permet de constater la coexistence
Société des
Études
Océaniennes
�74
des tholéiites de basaltes alcalins et de basanites. Ce
premier résultat est
comparable à celui établi sur le volcan sous-marin Loihi, situé en position
analogue au SE des Iles Hawaii.
Pierre OTTINO
Archéologie des îles Marquises
: contribution à la connais¬
de l'île de Ua Pou.
Thèse de 3ème cycle en Ethnologie préhistorique - Université de Paris I Panthéon Sorbonne. 581 p., fig., ill.
sance
Cette thèse
présente des travaux consacrés à l'étude archéologique
Marquises et plus particulièrement à celle de Ua Pou. Ces
recherches ont été orientées selon deux axes principaux : l'étude de
structures encore réparables en surface et la recherche de sites à
stratigraphie profonde pouvant livrer des informations sur le plus lointain
passé de l'île.
des îles
présentation générale de l'archipel, de l'île de Ua Pou et de
marquisienne à l'époque des premiers contacts avec les
occidentaux, viennent les études effectuées sur le terrain. Cette vallée de
Hakaohoka a été choisie parce que inhabitée et désertée depuis la période
européenne. Les structures se sont donc trouvées fossilisées à partir de
1860-1870. Elle présente en outre une relative abondance de paepae, ce
qui pouvait permettre l'étude de l'organisation spatiale d'une vallée
marquisienne à la veille et au temps des premiers contacts.
Après
une
la société
Le paepae ou upe (le terme diffère si l'on se trouve
Nord des Marquises) est une plate-forme lithique
dans le groupe
quadrangulaire
surélevée, elle était destinée à recevoir une structure d'habitation le plus
souvent. Cette construction est particulière aux îles Marquises bien que
l'on en trouve d'approchantes dans quelques points de l'Océanie, dont les
Samoa. Ce paepae a connu, aux Marquises, un développement très
important et somme toute originale, surtout à partir du XVème siècle. Ce
n'est qu'un élément des structures d'habitation, mais c'est le principal et
aussi le plus courant. L'étude de ces structures a permis de préciser des
nuances dans leur mode de construction, leur
emplacement, leur
spécificité.
Sud
ou
La vallée fut donc découpée en 6 zones dont les rôles s'avèrent
intimement complémentaires. La vallée, avec les appoints tirés de la mer
offrait à la tribu qui l'abritait, les "aavahopeoa", les ressources nécessaires
à son autosubsistance. Ce schéma est, bien sûr, simplifié et il ne faut tout
de même pas
Les contacts,
s'imaginer
que le Marquisien restait confiné dans sa vallée.
les relations entre vallées, voire entre îles, devaient être
fréquents. La vallée n'en demeurait pas moins l'unité, l'entité territoriale
dominante.
Société des
Études
Océaniennes
�75
La deuxième
partie du premier volume est consacrée à un site
remarquable : il s'agit de Anapua, abri-sous-roche, qui est un site de
pêcheurs d'un grand intérêt par la richesse de ses dépôts et par
l'ancienneté du gisement. Les dépôts archéologiques sont accumulés sur
plus de 3,50 m. Un prélèvement de charbon, effectué à 3,35 m de la
surface actuelle a donné une datation au carbone 14 de 150 ± 95 BC. Il
s'agit de la date la plus ancienne que l'on connaisse aujourd'hui en
Polynésie Orientale. Elle se rapproche fortement de celle avancée par
Suggs mais qui fut critiquée par Sinoto (le prélèvement de Suggs ne s'était
pas effectué dans un niveau d'occupation certain).
Dans
un
second volume sçnt
réunies deux études documentaires,
l'une
archéologique présente l'analyse d'une importante collection de
lames d'herminettes, l'un des principaux "fossiles directeurs" de la
préhistoire océanienne ; l'autre ethnographique, présente sous la forme
d'un glossaire commenté des termes marquisiens, des documents relatifs à
l'aménagement de l'espace. Ces documents classés par thèmes, intéressent
notamment la première partie de
cette thèse : l'aménagement de la vallée
de Hakaohoka par les anciens Marquisiens. Ce glossaire anime et
complète ainsi les données archéologiques par des informations recueillies
dans divers ouvrages, dont notamment les deux dictionnaires de
Mgrs. Dordillon.
Société des
Études
Océaniennes
�*
■
•
.
...
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Études
Océaniennes
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POLYNÉSIE FRANÇAISE
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Société des
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Océaniennes
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes (BSEO)
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La Société des Études Océaniennes (SEO) est la plus ancienne société savante du Pays. Depuis 1917, elle publie plusieurs fois par an un bulletin "s’intéressant à l’étude de toutes les questions se rattachant à l’anthropologie, l’ethnographie, la philosophie, les sciences naturelles, l’archéologie, l’histoire, aux institutions, mœurs, coutumes et traditions de la Polynésie, en particulier du Pacifique Oriental" (article 1 des statuts de la SEO). La version numérique du BSEO dispose de son ISSN : 2605-8375.
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2605-8375
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 236
Description
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Articles
- Histoire Naturelle du serpent marin : I. Ineich 1
- Le Pacifique comme espace régional autonome.
- Australie, Nelle-Zélande, États Insulaires : P. De Deckker 11
- Les sources d'inspiration tahitienne d'Hector Berlioz : E. Vigneron .... 47
- A propos du ciel de Tahiti : P. Paoli 62
Comptes-rendus
- P. Pétard : Plantes utiles de Polynésie 69
- G. Cheval : Ua Pou 70
- P. Laudon : Randonnées en montagne 70
- Ph. Le Louarn : Les psychoses délirantes aiguës en Polynésie Française 71
- G. Blanchet : Croissance induite et développement autocentré en Polynésie Française 71
- N. Pigeot : Typologie d'un matériel en nacre (Huahine) 73
- Barasczus et Liotard : Géochimie des laves du volcan Mac Donald 73
- P. Ottino : Archéologie des îles Marquises (Ua Pou) 74
Source
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1986
Date de numérisation : 2017
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