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Text
BULLETIN
DE M
SOCIETE
DES ETUDES
OCENNIENNES
©
A
¥
N°199
TOME XVI N' 12/JUIN 1977
�Société des études océaniennes
Ancien musée de
Papeete, Rue Lagarde, Papeete, Tahiti.
Polynésie Française.
B. P. 110
-
Tél. 2 00 64.
CONSEIL D'ADMINISTRATION
M. Paul MOORTGAT
Président
M. Yves MALARDE
Vice-Président
Mlle Janine LAGUESSE
Secrétaire
M.
Trésorier
Raymond PIETRI
assesseurs
Me
M. Roland SUE
Rudolph BAMBRIDGE
M. Henri BOUVIER
M. Temarii TEAI
Dr. Gérard LAURENS
M. Maco TEVANE
Me Eric
M. Raoul TEISSIER
LEQUERRE
Me Jean SOLARI
MEMBRES D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
R. P. O'REILLY
M.
Georges BAILLY
Pour être Membre de la Société se faire présenter par un
membre titulaire.
Bibliothèque
Le
Conseil d'Administration
informe
ses
membres qu'ils peuvent
emporter à domicile certains livres de la Bibliothèque en signant une
reconnaissance de dette au cas où ils ne rendraient pas le livre emprunté à
la date fixée. Les autres peuvent être
consultés dans la Salle de lecture du
Musée.
La
Bibliothèque et la salle de lecture sont ouvertes aux membres de la
de 14 à 17 heures, sauf le Dimanche.
Société tous les jours,
�BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DES ÉTUDES OCÉANIENNES
(Polynésie Orientale)
Tome XVI — N° 12
n° 199 — Juin 1977
SOMMAIRE
ARTICLES
Denys CHOFFAT.— La seconde division de la flotte espa¬
gnole du pacifique à Papeete en mars 1866
720
Paul PETARD.— L'arbre à pain
727
Marc LeriCHE.— Notes sur l'évolution démographique de
Tahiti, jusqu'en 1918
741
L'article de Robert L. Clifford "La fin imprévue du Seeadler" qui a été publié en
traduction dans notre précédent numéro, a paru dans "The American Neptune"vol. XXXVI-No 4. 1976.
Nous nous excusons de cette mention tardive, et nous remercions l'auteur et
l'éditeur de leur aimable autorisation.
719
Société des
Études
Océaniennes
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24
Le
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�La seconde division
de la flotte
à
espagnole du pacifique
Papeete en mars 1866.
En 1866, le Messager de Tahiti, pourtant en général, une source
importante de documentation pour l'histoire locale, était entre les
mains d'un rédacteur qui s'intéressait davantage aux
déplacements de la Cour à Compiègne & aux nouvelles de la
politique parisienne qu'aux événements locaux. Si bien que le
passage & le séjour à Papeete d'une armada espagnole & les
manifestations qui marquèrent l'événement ne lui a pas semblé
mériter une seule ligne dans l'hebdomadaire dont il avait la
charge. Seule la chronique du Port de Papeete signale l'entrée, la
présence sur rade, & le départ des frégates espagnoles.
D'où l'intérêt de cet article, écrit d'après les sources maritimes
espagnoles, par un membre de notre société qui connaît bien
Tahiti, pour y avoir jadis travaillé comme ingénieur. M. Denys
Choffat a découvert dans les archives du Musée Naval de Madrid,
pour illustrer son récit, un fort curieux dessin à la plume signé par
un des membres de l'expédition Javier de Santiago e Hoppe. Cette
œuvre inédite est sans doute la seule trace iconographique du
séjour d'une flotte espagnole à Tahiti en mars 1866.
L'escadre espagnole du Pacifique quitta Cadix
Elle fit escale aux îles du Cap Vert, toucha
le 4 février 1866.
Montevideo, et
emprunta le détroit de Magellan. La seconde division de cette
escadre, après une campagne sur les côtes du Chili et du Pérou,
reçut l'ordre de se diriger vers les îles Philippines. Elle avait à
traverser le Pacifique : une route de près de 12.000 milles marins.
Chemin faisant, on devait relâcher à Tahiti, afin de donner
quelques jours de repos aux équipages. C'est ainsi que le 10 mai
1866, les navires de la seconde division espagnole, alors dans la
rade de Callao, lèvent l'ancre et hissent les voiles.
départ, la marche du convoi s'avéra d'une lenteur
désespérante. Les navires devaient régler leur allure sur celle de la
Numencia, une frégate cuirassée de 2.000 T, actionnée par une
Dès le
machine à vapeur
de 3.700 CV. Le navire sortait tout juste des
"Forges & Chantiers de la Méditerranée", les grands ateliers de
construction navale français de la Seyne, près de Toulon. Il avait
721
Société des
Études
Océaniennes
�96 m de long, 17 m de large et 7,90 m de tirant d'eau. Sa voilure
relativement faible, ne lui permettait pas de marcher à la même
allure que les autres navires du convoi. On avait fait, au départ, le
plein des soutes à charbon, mais l'ordre avait été donné de
ménager au maximum la provision de combustible, de manière à
conserver
suffisamment de charbon pour la traversée du
Pacifique.
Après la seconde semaine d'une navigation de conserve, les
équipages espagnols souffrant du scorbut, le commandant donna
l'ordre de rompre le convoi : chaque navire devait gagner Tahiti
au plus vite, pour y mettre ses malades à terre et leur
procurer les
soins que nécessitait leur état.
Selon la rapidité de leur marche, l'arrivée à Papeete des navires
s'échelonna du 9 au 22 juin. La Berenguela arriva la première,
puis la Marques de la Victoria, la Vencedora, la Mautora & Uncle
Sam jetèrent l'ancre à leur tour, et enfin la frégate cuirassée la
Numencia, bonne dernière. Elle était passée en vue de Fatu-Hiva,
la plus méridionale des îles Marquises, avait traversé les Tuamotu
entre Tikehau et Rairoa. Parvenu trop tard dans la journée en vue
de Tahiti, le commandant avait jugé bon d'attendre une nuit à
l'ancre devant Taunoa, avant de franchir la passe de Papeete.
Dès qu'il eut été informé du mauvais état sanitaire des
équipages espagnols, le gouverneur de la Roncière, commissaire
impérial pour les îles de la Société, fit mettre à la disposition de
leur commandant, l'îlot de Motu Uta afin qu'il y fasse transporter
ses malades. Le commandant don Manuel Pezuela accepta avec
reconnaissance la proposition du Gouverneur. Il fit transformer
en infirmerie un vieux hangar de Motu Uta qui servait de
magasin. Ses nombreux scorbutiques y furent installés, gorgés de
citrons et d'oranges apportés par les Tahitiens et mis au vert ils
trouvèrent rapidement la fin de leurs maux.
Les équipages, par roulement, descendirent à terre. Selon leurs
goûts, certaines bordées parcouraient les rues de la petite capitale
polynésienne à la recherche de compagnie. D'autres matelots,
amateurs de paysages et de scènes exotiques poussaient leurs
promenades jusqu'aux districts. Les premiers trouvèrent dans les
soldats et marins français de la garnison coloniale de joyeux
compagnons. Ceux qui avaient choisi l'intérieur de l'île pour leurs
investigations océaniennes reçurent des Tahitiens des villages
traversés l'hospitalité traditionnelle, dons de nourriture et
cadeaux spontanés, qui mettaient en joie les espagnols qui n'en
croyaient pas leurs yeux de tant de gentillesse. Le soir, tout le
monde se retrouvait chez l'américan Morris, qui tenait un débit de
boissons. De sa vie, l'homme n'avait vu sa maison autant
fréquentée et son chiffre d'affaires se trouva soudain décuplé.
L'arrivée des navires espagnols marqua l'ouverture d'une
succession de réjouissances. Les officiers avaient table ouverte au
Cercle militaire. Le Cercle civil ne voulut pas demeurer en reste :
722
Société des
Études
Océaniennes
�fonctionnaires, notables et commerçants rivalisèrent avec
les
officiers de terre et de mer. Certains espagnols plus libres,
trouvèrent même des habitants leur offrant, qui une chambre, qui
un coin de vérandah pour y passer la nuit.
La société tahitienne organisa des fêtes : elles furent
magnifiques. Au cours d'une de ces réceptions, deux jeunes
personnes des meilleures familles, mesdemoiselles Brander et
Gibson, de leurs belles voix pures et harmonieuses, réjouirent
l'assistance par un
traduction :
chant dont
nous avons
conservé texte et
Sont arrivés
1) Ua tae mai nei to te ari'i o
Paniora
ceux
du roi d'Es¬
pagne
Soyez les bienvenus à Tahiti
O enfants d'Espagne
2) Manava 'outou i Tahiti nei
3) 'E te mau tamari'i Paniora
4) 'A fari'i mai ra i te mana-
Recevez les souhaits de bien¬
vara'a
venue
Des descendants de Tahitiens
5) 'A te hina tamari'i Tahiti
nei
Reva atuatu ai 'outou
'A mana'o mai, 'are'a ho'i e*
I to matou nei fenua iti
'Aue ho'i 'outou e
Ua fatata ho'i te tau
'E mo'e atu ai ho'i 'outou
12) I roto i te ata menemene e
13) 'E'ita ra ho'i 'e mo'e
14) 'Amuri, 'amuri noa'tu e
15) la ora na ho'i 'outou e
Alors que vous serez
16) I to 'outou na revara'a
17) la manuia ho'i o te tere
Qui partez
Qu'il ait une issue heureuse le
6)
7)
8)
9)
10)
11)
partis
Pensez
A notre petite
île
Hélas !
Le temps est
proche
disparaîtrez
Dans les nuages arrondis
Où
vous
Cela
ne
s'oubliera pas
A l'avenir, jamais
Salut à
vous
voyage
18) Tei 'opuahia 'e 'outou
*
Que
e.
vous avez
projeté.
exclamation
Banquets, goûters, soirées se succédaient à un rythme accéléré.
On fut accueilli à la résidence du gouverneur de la Roncière en une
réception officielle bien sûr, mais aussi dans de nombreuses
familles de Papeete, les Miller, les Brander, les Gibson, les Hort...
C'est à peine si les officiers arrivaient à faire face à toutes ces
agréables obligations mondaines.
723
Société des
Études
Océaniennes
�Pour répondre à toutes ces marques de sympathie et d'amitié, le
commandant des forces espagnoles organisa un bal à bord de la
Numencia, la plus importante unité de la division. Le gaillard
d'arrière de la frégate fut transformé
en
salle de bal. Un vaste
prélart servant de toit, avait été tendu entre le grand mât et la
tourelle arrière. Les côtés de cette immense tente furent fermés par
des bâches. La décoration intérieure, aussi sobre qu'élégante,
consistait en de légers tissus agréablement disposés entre les
oriflammes aux couleurs de l'Espagne. Des fleurs, si abondantes à
Tahiti et des feuillages verts, avaient eux aussi trouvé leur place.
Le gouvernail et le cabestan étaient dissimulés par des bouquets
de palmes. Le porte-manteau du tribord avait été transformé en
une sorte d'arc de triomphe de
fleurs et la coupée d'honneur
garnie d'un tapis et éclairée pour la commodité des embarcations
qui amenaient les invités. Quelques cabines d'officiers avaient été
aménagées en vestiaires pour les dames.
La meilleure société de Tahiti avait répondu à l'invitation des
Espagnols. Il y avait là, le gouverneur et la comtesse de la
Roncière, le consul d'Angleterre et madame Miller, le médecinchef Guillasse et le docteur Nesty, son collègue de la marine.
Mesdemoiselles Brander et Gibson, qui interprétèrent le chant
tahitien furent, par leur charme, leur élégance, leur distinction, les
reines de la fête. Celle-ci fut honorée par la présence de la reine
Pomare Vahine IV, qui arriva au bal accompagné de Aimata et de
la princesse royale de Bora-Bora. Aimata, apprîmes-nous, signifie
"mangeuse d'yeux". C'est nous qui la mangions des yeux. Elle se
montra une infatigable danseuse.
Le prince consort
accompagnait la reine et aussi Arii Faaite, son cousin, fervent
disciple de Bacchus. Le régent Paraïta était là, lui aussi, l'égal de
Faaite pour le culte publiquement rendu à Bacchus, mais sans
rival pour des discours dont on ne voyait jamais la fin.
C'est un nommé Mendez, mulâtre de Curaçao, qui avait été
chargé de la partie gastronomique de la fête. Son dîner fut
unanimement déclaré succulent, et son buffet à la hauteur des
circonstances. Le bal qui suivit fut animé par la musique d'un
vieux piano, joué par un gentleman anglais, qui fit danser
l'assistance sur les airs de la "Traviata". On ne se sépara qu'aux
premières lueurs du jour. Et Paraïta, complètement ivre et perché
en
équilibre sur le cabestan, continuait encore de pérorer,
célébrant le verre en main, l'éternelle amitié qu'il avait vouée à
l'Espagne, à ses marins, à ses vignobles...
La veille du départ des frégates, les officiers de la garnison
offrirent à leur tour un bal, dans ce qui devait être un jour le palais
de la reine. Sur les balcons de la façade, illuminée a giorno, on
avait disposé les drapeaux entrelacés de la France et de
l'Espagne, dont les armes ornaient le palais. Ce fut vraiment une
fête populaire. Tout Papeete y assistait. La fraternité des sœurs
latines
se
manifesta là
avec
éclat. L'harmonie et l'union des
724
cœurs
�étaient totales. Les toasts exaltèrent les deux nations en faisant
des vœux pour leur prospérité.
Rien ne vint ternir l'agrément de cette escale. Une aimable
concorde régna tout au long du séjour des Espagnols, et les
Tahitiens ne manquaient pas de témoigner du plaisir que leur
causait la présence des étrangers ; la simple spontanéité de leur
accueil allant de pair avec la courtoisie plus raffinée de la partie
européenne de la population. Les Espagnols passèrent à
Tahiti
des jours, pour eux, inoubliables.
Au petit matin du 17 juillet 1866, les frégates abandonnaient
l'une après l'autre, leurs ancrages dans la rade de Papeete. Toute
la population s'était rassemblée sur le bord de mer, pour dire adieu
aux navires espagnols. La Berenguela sortit la dernière, après
avoir salué des 21 coups de canon rituels le pavillon français. Il
restait encore à la flotte espagnole près de 6.000 milles marins à
parvenir aux îles Philippines. La Numencia, ayant
quelques jours de route au charbon, des vents
favorables, laissa tomber ses feux et déploya sa voilure. Sa route
la fit passer non loin de l'archipel des Navigateurs, au sud des îles
Gilbert, et par le nord des Salomon. Elle passa l'équateur par 162
degrés de longitude est. Après avoir dépassé au nord, les îles
Palao, elle laissait tomber ses ancres, le 5 septembre-dans la rade
de Sorsogon, aux îles Philippines.
franchir,
pour
-encontré après
Denys CHOFFAT
725
Société des
Études
Océaniennes
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726
Société des
Études
Océaniennes
�L'arbre à
pain.
(Artocarpus incisa Linee ; artocarpus altilis)
Cultivé depuis des siècles dans tous les archipels polynésiens,
l'arbre à pain fut découvert par les Espagnols aux îles Marquises,
lors de leur passage en 1595. L'Indonésie semble bien, être le
berceau initial du genre artocarpus : on y compte une trentaine
d'espèces la plupart sauvages, mais c'est en Polynésie, et surtout
aux îles Marquises et aux îles de la Société, que l'arbre à pain était
cultivé sur une grande échelle, et avec le plus de soins.
Il fut décrit pour la première fois par Forster en 1776.
Après les voyages de Cook, la renommée de cet arbre se répandit
en Angleterre
et dans son empire. Les planteurs des Indes
Occidentales pensèrent, en l'acclimatant dans leurs îles, pouvoir
se procurer pour leurs esclaves un aliment plus nourrlsant que le
manioc et moins coûteux que le riz. Ils adressèrent au roi Georges
III une pétition en vue d'obtenir des jeunes plants d'arbre à pain.
Le lieutenant William Bligh fut désigné par l'amirauté pour
commander le navire "Bounty", avec la mission de recueillir les
plants à Tahiti et de les transporter aux Antilles. La mutinerie qui
fit échouer l'expédition a été popularisée par le cinéma ; elle fut
provoquée entre autres brimades, par la décision de Bligh de
diminuer les rations d'eau de l'équipage afin d'arroser les jeunes
arbres.
Après son retour en Angleterre, Bligh reçut le commandement
d'une seconde expédition, dont faisaient partie les botanistes
James Wiles et Christopher Smith. Les deux navires "Le
Providence" et L'Assistant", arrivés à Tahiti en 1792,
embarquèrent 212 jeunes pieds qui furent débarqués à la
Jamaïque en février 1793.
En 1792 également, le botaniste de la Billardière, de l'expédition
d'Entrecasteaux envoyée par l'Assemblée Législative dans les
mers du sud à la recherche de La Pérouse embarqua à l'île des
Amis (Tonga) une centaine de jeunes pieds, qui parvinrent en bon
état à Paris. Ils furent élevés dans les serres du Museum, et en 1795
des exemplaires furent transportés en Guyane.
Les premiers plants de Guinée Française furent introduits au
Jardin botanique de Camayenne en 1597 par Maxime Cormu et
Teissonnier.
727
Société des
Études Océaniennes
�Actuellement il y a beaucoup d'arbres à pain aux Antilles
Anglaises et Françaises, beaucoup moins sur les côtes d'Afrique.
Nulle part cet arbre n'a pris une place comparable à celle qu'il
tient en Polynésie.
A
Tahiti, dans les temps anciens, le fruit à pain s'était toujours
appelé uru jusqu'au jour où un roi de Raiatea, mahoru, se fit
appeler uru. Ce mot fut alors frappé d'interdit, pour désigner le
fruit, et remplacé par maiore. Par la suite, l'ancien nom fut rétabli,
mais le terme de maiore s'emploie encore parfois.
L'arbre à pain
:
Tumu uru
Les Feuilles
Les bourgeons terminaux ou jeunes pousses
Pétioles foliaires
Inflorescences mâles
Aux Iles Australes les deux
noms
uru
:
Rau
:
Omou
uru
:
Hiata
uru
:
Popo uru
s'emploient
uru
et maiore
également pour désigner les fruits.
A Rarotonga
—
kuru
Aux Marquises — mei
Aux Hawaï
L'arbre
a
—
ulu
été décrit des centaines de fois et
nous nous
bornerons
à
indiquer les particularités de son anatomie qui permettent de
distinguer entre elles les nombreuses variétés.
Hauteur et port de l'arbre
Épaisseur des feuilles (plus ou moins grande)
Couleur des feuilles (vert ± foncé)
Surfaces foliaires (glabres ou ± pubescentes)
Nombre de lobes (de 5 à 11)
Profondeurs et configuration des sinus qui séparent les lobes
Pétioles foliaires (± longs et épais)
Nervures des feuilles (± développées et saillantes)
Disposition des fruits (isolés ou réunis par deux ou par trois)
Caractère des fruits : taille, forme (sphérique ou ovoïde), couleur
et aspect, consistance et couleur de la chair avant et après
cuisson. Sa saveur : Présence ou absence de graines.
A Tahiti, la plupart des variétés ont des fruits aspermes, par
avortement des graines. Toutes sont monoïques, c'est-à-dire que
les inflorescences mâles (chatons) et femelles (capitules) sont
portées par le même arbre. Le fruit est un syncarpe, formé par
l'agglutination d'un grand nombre d'ovaires fécondés.
Sa surface est rugueuse, portant de nombreuses protubérances
polyédriques, généralement hexagonales, séparées par des
sillons, indiquant les lignes de soudure des ovaires.
PROPAGATION CULTURE ET RÉCOLTE
Le
uru
émet des racines latérales
qui rampent à
728
Société des
Études
Océaniennes
une
faible
�profondeur jusqu'à plusieurs mètres de distance.
Sur leur trajet apparaissent spontanément des rejets, qui
donnent naissance à de nouveaux arbres, soit qu'on les laisse en
place, soit qu'on les sépare de leur racine-mère quand ils ont
développé un système radiculaire suffisant.
Quand on sectionne ces racines, ou simplement qu'on les
écorche, on excite la naissance des rejets. Aussi, pour établir une
pépinière, il suffit de se procurer des fragments de racines, prises
aux extrémités de celles qui se trouvent à une faible profondeur.
Pour obtenir les meilleurs résultats, ces boutures doivent
mesurer de 1,25 à 6,25 cm d'épaisseur, de 15 à 20 cm de longueur.
On les enfonce obliquement dans le sol, jusqu'aux deux-tiers de
leur longueur, espacées de 30 cm, l'extrémité la plus épaisse étant
laissée en l'air. Les rejets ou suckers se forment sur presque toutes
les boutures de racines. Lorsqu'ils ont atteint une hauteur de
35 cm, on les transplante à 13 mètres les uns des autres.
Les plus beaux arbres à pain, les plus productifs, se trouvent
près des habitations où ils reçoivent les soins constants des
indigènes, qui les taillent, les fument, coupent les autres arbres
poussant au voisinage.
En effet le uru a besoin pour être productif de beaucoup de soleil.
S'il est livré à lui-même, au milieu d'autres arbres, comme c'est le
cas dans les vallées marquisiennes dépeuplées par les épidémies
ou abandonnées par leurs habitants, ou dans les plantations en
friche, il pousse en hauteur et ne donne presque pas de fruits.
Il suffit d'abattre les arbres voisins et de couper le sommet de
l'arbre à pain, à une hauteur d'une dizaine de mètres, pour obtenir
de nouveau de belles récoltes.
Il ne supporte pas les terrains marécageux. Les inondations de
février-mars 1968, à Tahiti, ont fait périr de nombreux arbres dans
les endroits qu'il était impossible de drainer où l'eau séjournait
plusieurs semaines.
Dans de bonnes conditions, un pied commence à produire entre
5 et 7 ans, et porte des fruits pendant une cinquantaine d'années.
Aux Iles de la Société, on fait 3 récoltes par an : en mars et avril,
de juillet à septembre, et en novembre.
La première est la plus abondante. On reconnaît que le fruit est
bon à cueillir (stade tepau) quand les gouttelettes de latex blanc
exsudent à sa surface. Il a alors atteint son complet
développementst encore ferme, on peut donc le garder quelques
jours, et le transporter, jusqu'à sa consommation. Quand il se
ramollit, il est trop tard pour le consommer, sa chair a commencé à
se
gâter.
se fait au moyen d'une longue perche terminée par
fourchette, appelée rou uru. Le manche est ordinairement en
purau ou en bambou, l'autre pièce fixée à la première par des
lanières d'écorce de purau, est taillée dans une branche d'un bois
dur, comme le tamanu ou le miki-miki.
La cueillette
une
729
Société des
Études
Océaniennes
�Les chevaux et les porcs sont friands de uru, qu'ils mangent cru.
Pour l'homme, la cuisson est indispensable. On peut le faire
bouillir ou rôtir, c'est le rôtissage dans un four ou au-dessus d'un
foyer, qui donne le meilleur résultat.
CONSERVATION
Autrefois il était vital de pouvoir conserver les excédents d'une
abondante récolte, soit pour une courte période, soit pour une
longue durée
en
prévision d'une disette
maritime. Alors tout
popoi
uru ou
opio
:
Dans
un
ou
d'une grande traversée
soit la
district s'assemblait pour préparer
opio, soit le mahi
ou
tioo.
grand aimaa
on
faisait cuire des centaines de
un
fruits entiers, venant d'être cueillis. Au bout de 48 heures,
le four restant fermé, on creusait sur l'un des côtés un
orifice par lequel chaque famille retirait quotidiennement
la quantité de fruits cuits nécessaires à ses besoins. Ainsi
stockés à l'abri de l'air, les uru restaient comestibles
plusieurs semaines.
C'était une pâté fermentée, analogue à la popoi taro,
préparée de la façon suivante : les fruits, mûrs et crus,
arrivés à maturité, étaient pelés au moyen d'un coquillage
taillé en biseau (poreho), coupés en morceaux, le cœur
était rejeté. Ces fragments étaient jetés dans des fosses,
creusées dans le sol, aux parois tapissées de feuilles de ti
(l).
Quand la couche atteignait environ 1 mètre
d'épaisseur, les Marquisiens la tassaient en la foulant
avec leurs
pieds, la recouvraient d'un lit de feuilles
séchées de uru, puis ajoutaient une seconde, et parfois une
troisième couche, jusqu'à ce que le trou soit comblé. On
recouvrait d'un matelas de feuilles de ti, puis on bouchait
la fosse avec de la terre et des pierres. La fermentation des
hydrates de carbone, avec production d'acide lactique,
empêchait la putréfaction, et les fruits se transformaient
en une pâte aigrelette pouvant se conserver un an et plus.
En cas de disette, les Chefs du district convoquaient la
population et procédaient, en leur présence à l'ouverture du silo,
en donnant à chaque feuille la provision nécessaire à ses besoins
pour une période déterminée. Le vide produit était comblé par des
feuilles sèches que l'on recouvrait de terre.
Le mahi était malaxé pour obtenir des boules ou des rouleaux,
qui étaient enveloppés dans des feuilles et cuites au aimaa. Il
provoquait, chez certaines personnes, des céphalées et de la
diarrhée. C'était un aliment de disette, sa préparation a été
mahi
:
(1) Les plantes utiles de la Polynésie Française - 1ère partie Monocotylédones p. 60
Société des Océanistes
-
Paris. 1960.
730
Société des
Études
Océaniennes
�monde extérieur et
de famine a disparu.
Il y a quelques années Tedder a observé chez les habitants de
Reef Islands, dépendance des Salomons, la dessiccation du fruit
de l'arbre à pain en vue de sa consommation en dehors des saisons
de production. Ce fruit désséché fait l'objet d'un commerce avec
abandonnée dès que les îles ont été reliées au
que
toute
menace
les îles voisines.
Les uru sont cueillis à maturité, cuits pendant 1 heure dans les
cendres d'un feu de bois. Au bout de 24 heures, on les pèle, on retire
les graines, on coupe la chair en tranches minces, qui sont
sur un filet en une couche de 4 ou 5 pouces d'épaisseur.
Le filet est suspendu au-dessus et à distance calculée d'un feu ne
faisant pas de fumée. On remue les tranches de temps en temps,
disposées
pour que
toutes soient chauffées également.
La durée de l'opération est de six heures. Le produit se conserve
12 mois et même plus, si on l'emmagasine dans des paniers en
feuilles de cocotier placées sur des étagères au-dessus du foyer de
la cuisine.
COMPOSITION ET VALEUR ALIMENTAIRE DU FRUIT
DE L'ARBRE A PAIN
Aux Iles Marquises, le mei était le principal aliment
hydrocarboné, car cet archipel rocailleux, au relief tourmenté,
dépourvu de plaines, ne se prête pas aux cultures de plantes à
tubercules. Les bananes venaient en suite.
Aux Iles de la Société, la consommation des diverses variétés de
bananes et des fei, dépassait celles du uru et du taro.
Aux Iles Australes, le taro venait en tête, avant les bananes et le
uru.
Actuellement tous les Polynésiens, même les moins évolués, se
sont mis à manger du pain (faraoa). La Polynésie Française a
importé, en 1967, 10.373 tonnes de farines de céréales (blé et
seigle). La consommation des féculents locaux reste importante
(1230 tonnes en 1968), mais ils ne représentent plus, tous réunis,
que le 1/10e de la ration glucidique. Le uru est presque devenu un
aliment de luxe.
Le prix de vente, au
marché de Papeete, d'un paquet de 3 uru
pesant 4,750 kg bruts, est de 250 F C.F.P., tandis qu'un pain
ordinaire coûte 15 F. D'autre part il est moins pénible d'acheter un
rare,
pain chez le Chinois que de cueillir un uru.
Les Tahitiens adultes restent très attachés à leurs féculents
traditionnels, en sera-t-il de même de la nouvelle génération,
élevée dans la facilité, et manifestant la plus vive aversion pour le
travail de la terre ? A moins d'un revirement fort peu probable,
pensons que la consommation par tête d'habitant des
aliments traditionnels diminuera beaucoup d'ici une dizaine
d'années. Mais, comme la population s'accroît à un rythme
nous
731
Société des
Études
Océaniennes
�accéléré, la consommation globale restera à peu près la même.
Le fruit de l'arbre à pain est un excellent aliment, d'un goût
agréable, très digestible, d'une bonne valeur nutritive. Il a fait
l'objet de nombreuses analyses. Les plus complètes ont été
effectuées par les Biochimistes de l'Université de Hawaï et du
Bishop Museum d'Honolulu, et par Peters, de l'O.R.S.T.O.M. à
Nouméa.
Valeurs trouvées par
Murai, Pen et Miller (fruits frais et crus en
des Iles Marshall).
provenance
Echant.I
Humidité
Protides
68,2 gr.
1,82
0,52
1,55
28,51
0,95
28,8 mg
61,6
1,02
0,101
0,084
1,36
24,7
Lipides
Cellulose
Glucides totaux
Cendres
Calcium
Phosphore
Fer
Thiamine
Riboflavine
Niacine
Acide ascorbique
Valeurs énergétiques
en calories
124
E chant. II
Echant. Il
70,8 gr.
1,36
0,35
1,39
26,58
0,91
25,8 mg
52,9
0,66
0,095
0,063
1,34
19,0
69,5 gr.
1,11
0,50
1,35
27,87
1,02
31,1 mg
35,6
0,40
0,070
0,032
1,30
114
traces
120
(pour 100 grammes)
Par rapport aux besoins de
est très pauvre en Vitamine
l'organisme, le fruit de l'arbre à pain
A, pauvre en Vitamine C, riche en
Vitamine du groupe B.
Au point de vue énergétique, 200 grammes fournissant autant
de calories que 100 grammes de pain blanc, deux fois plus de
calcium et autant de phosphore. Le fruit du uru peut remplacer le
pain
comme
aliment énergétique, hydrocarboné,
pourvu que sa
pauvreté en matières protéïques (1 g 50 p. 100 contre 8 g 50) soit
compensée par un apport supplémentaire de viande ou de poisson,
ce qui est précisément le cas en Polynésie.
La valeur alimentaire globale compte tenu de tous les éléments,
est comparable à celle du taro.
AUTRES PRODUITS FOURNIS PAR L'ARBRE A PAIN
Les chatons mâles (popo uru), avant maturité, sont comestibles.
On les mange comme dessert, confits avec du sucre ou du miel.
Par incisions de l'écorce, il s'écoule un latex blanc (tapau uru),
très
fluide, qui
incolore et
une
sépare en deux parties : un liquide aqueux
partie solide, blanche, élastique, adhérant aux
se
732
Société des
Études
Océaniennes
�doigts,
que
l'on peut étirer et malaxer.
Elle ne possède malheureusement aucune des propriétés du
caoutchouc. Elle se dissout dans l'essence de térébenthine et
fournit un vernis hydrofuge, qui appliqué à chaud sur les étoffes,
les rend imperméables.
Les anciens Polynésiens employaient autrefois cette glu pour
capturer les oiseaux. Ils
utilisaient le latex brut, à l'état liquide,
séparation de la partie aqueuse, comme cosmétique et
comme fixateur pour leurs cheveux, on y ajoutant du monoi.
Actuellement ce tapau uru est d'un usage courant en médecine
pour le traitement des fractures, foulures, contusions et douleurs
articulaires. Appliqué sur la peau, il forme un enduit isolant et
imperméable qui hâte la guérison (raau arafati).
L'écorce des jeunes branches était employée pour la confection
des tapa. Les plus beaux tissus étaient fabriqués avec celles de la
variété pu'upu'u. Ils étaient de couleur blanche et rivalisaient
avec les tapa préparés avec le aute (Broussonetia papyrifera).
Cette même écorce, découpée en lanières, servait à panser la plaie
produite par la supercision.
Le bois du tronc est très employé pour creuser les pirogues.
De nombreux médicaments sont préparés avec les pousses
omou uru (extrémité des tiges et jeunes feuilles encore enroulées
autour de l'axe) de certaines variétés : puero, maire, maohi et
avant
surtout paea,
ainsi qu'avec les pétioles des feuilles (hiata uru)
vertes ou jaunes. Ces organes sont broyés finement, on extrait la
sève et on la mélange à celle des autres plantes. Ces médicaments
servent à soigner les suites de couche, la stérilité féminine, les
fausses couches, les névralgies, l'asthme, les pertes,
convulsions. Employées seules, les jeunes pousses guérissent
les
les
orgelets, les otalgies associées aux pétioles foliaires et à l'écorce
interne des jeunes branches, elles guérissent les angines.
La nature des principes actifs est inconnue. On soignait la
furonculose, dans l'ancien Tahiti par application de pulpe moisie
de fruit de uru. Il est probable qu'à l'action émolliente de la pulpe
s'ajoutait l'action antibiotique de certaines moisissures, peut-être
Pénicillium, ainsi cette pâte jouait le même rôle que nos
pommades à la Pénicilline.
PRINCIPALES
VARIÉTÉS QUE L'ON RENCONTRE
SOCIÉTÉ
AUX ILES DE LA
Aata
:
Feuilles profondément divisées, en 8 ou 10 lobes. Fruit très
allongé,
avec un
médiocre
atiati
:
pédoncule très long (jusqu'à 8,5 cm), de
qualité.
divisées en 7 ou 9 lobes.
petits, sphériques, à pédoncule
pulpe jaune, gluante, d'un goût
Feuilles rugueuses, pubescentes,
Fruits peu abondants,
court. Cuisson rapide,
excellent.
733
Société des
Études
Océaniennes
�Feuilles
lobes.
apuapua : Pousse dans les terrains sablonneux.
rugueuses, pubescentes, très épaisses, à 8 ou 10
Fruits sphériques, cuisson facile, chair blanche,
plutôt
sèche, très appréciée.
aravei: Feuilles épaisses, d'un vert brillant, à surface ondulée.
Fruits ovoïdes, très gros atteignant 30 cm de long et 22 cm
de diamètre, pédoncule très long (jusqu'à 12 cm).
Épiderme jaune-vert couvert de taches brunes. Chair
jaune-pâle, très savoureuse.
afara : Originaire de Raiatea. Feuilles lisses sur les deux faces,
avec 7 ou 9 lobes, les deux lobes inférieurs très développés.
Fruit ovoïde, assez petit. Cuisson rapide, chair insipide.
havana : Arbre immense, fruits suspendus en grappes de 2 ou 3
aux extrémités des branches. Feuilles vert-foncées, très
à pétiole court et
pédoncule court et
rangée de graines avortées de 3
rugueuses sur leur face inférieure,
incurvé. Fruit presque sphérique, à
épais, renfermant une
millimètres de long. Pulpe jaune d'or, gluante, d'un goût
délicieux. Malheureusement lé fruit ne se conserve pas, il
faut le consommer dans les 48 heures suivant la cueillette.
harare: C'est la plus petite variété, ses feuilles et ses fruits sont
également de taille réduite. Feuilles minces, à pétiole
grêle. Fruit ovoïde, à épiderme presque lisse, à pédoncule
court et épais, d'un goût excellent.
huero : Arbre peu élevé, étale, donnant beaucoup d'ombre.
Feuilles très grandes, épaisses. Fruit sphérique, supporté
par un pédoncule long et grêle inséré dans une cavité en
forme d'entonnoir. Épiderme vert-brillant. Cuisson facile.
C'est la seule variété fertile : certains fruits contiennent
des graines de la taille d'une châtaigne, pointues à une
tégument brun,
sont fertiles et
germination est
très lente, et on préfère utiliser les boutures de racines.
huha papae : Arbre de grande taille. Feuilles exceptionnellement
grandes et résistantes, employées pour envelopper les
fruits que l'on cuit dans le aimaa. Nervures très
saillantes. Fruit oboval, à pédoncule long, épais, inséré
peu profondément. Épiderme vert-foncé, pulpe blanche
après cuisson, d'un goût agréable.
maire : Il doit son nom à la ressemblance de ses feuilles à celles de
la fougère maire (Polypodium pustulatum). Elles sont
profondément découpées, en 8 ou 10 lobes longs et étroits.
Arbre de grande taille, très prolifique, poussant jusqu'à
une altitude de 250 m. Fruit petit, presque sphérique,
pédoncule couvert de poils à sa base. Épiderme vertjaunâtre, parsemé de taches brunes. Cuisson aisée, pulpe
jaune pâle de saveur agréable.
extrémité,
arrondies
à
l'autre,
à
comestibles après cuisson. Ces graines
permettent de propager l'arbre. Mais leur
734
Société des
Études
Océaniennes
�PIRIA TI, District
RARE A UTIA,
PUERO, District de Paea.
de Paea.
PAE FEE, District
District de Papeari.
735
de Paea.
�A ATA, District
de Paea.
photographies sont extraites du Bulletin 50-Bernice P. Bishop Museum- qui
être consulté avec profit.
The Breadfruit of Tahiti, by Gerrit Parmile Wilder. Published by the Museum
Les
pourra
Honolulu Hawaii.
marea:
Grand arbre à feuilles épaisses, vert-foncées. Lobes
légèrement ondulés, nervures primaires saillantes. Fruit
ovoïde, à épiderme vert-brillant, pédoncule long, épais,
peu
profondément inséré.
Tahiti. Arbre très
grand, à feuillage dense, fruits sphériques, de 15 cm de
diamètre, à épiderme vert-jaunâtre avec des trainées de
couleur brun rouille, laissant exsuder une forte quantité
de latex. Pédoncule profondément inséré. Ces fruits ne
sont pas isolés, mais réunis en grappes de 2 ou 3. La
cuisson est assez longue. Chair blanche d'un goût
agréable.
matateoa : Grand arbre aimant les terrains secs. Feuilles
épaisses, à surfaces lisses peu profondément découpées,
pétioles longs et incurvés. Fruit oboval, atteignant 25 cm
de long et 15 cm de diamètre, à pédoncule très développé,
épiderme vert-jaunâtre légèrement teinté de brun.
Cuisson rapide. Saveur insipide.
maohi: C'est la variété la plus commune à
736
Société des
Études
Océaniennes
�paea
:
Arbre petit, aux branches étalées, disposées
symétriquement. Grandes feuilles divisées en 7 ou 9 lobes,
parfois 10, peu profonds, nervures saillantes. Pétiole
court, épais, incurvé. Fruit énorme, atteignant 27 cm de
long et 22 cm de diamètre, pédoncule de 10 cm de longueur,
épais, glabre, incurvé, profondément inséré dans une
cavité irrégulière. Pulpe jaune brillante, peu compacte, se
divisant en fragments. Goût agréable. Autrefois le uru
paea était réservé à la caste des nobles. Actuellement c'est
la variété médicinale.
fee : Arbre de grande taille préférant les terrains secs. Feuilles
épaisses à 7 ou 10 lobes, profondément divisées. Nervures
primaires saillantes à la face inférieure. Fruit sphérique,
de 15 cm de diamètre, tronqué au sommet, porté par un
pédoncule épais et aplati. Epiderme vert-pâle taché de
brun. Cuisson rapide. Pulpe blanc-crème de goût
agréable.
paru ou paparu : Feuilles vert-jaunâtres assez minces, lisses sur
les deux faces, à 8 ou 10 lobes très grands, irréguliers,
parfois divisés en lobes secondaires. Pétiole long et grêle.
Fruit volumineux, sphérique ou légèrement ovoïde, à
pédoncule très long. Épiderme vert-jaunâtre. Pulpe
blanche, assez savoureuse.
pei
: Grand arbre à branches étalées. Feuilles épaisses, vertfoncées, rugueuses, pubescentes, à lobe terminal très
développé. Fruit volumineux, légèrement ovoïde, à
épiderme vert-pâle et pédoncule court profondément
inséré. Il faut le faire cuire dès qu'on l'a cueilli, car il se
gâte très vite. Il cuit facilement. La chair, après cuisson,
est jaune-pâle, sucrée et aromatique. C'est la variété la
plus précoce, donnant des fruits en mars.
peti : Feuilles lisses sur les deux faces, légèrement ondulées,
nervures primaires saillantes à la face inférieure. Fruit de
petite taille, sphérique, aplati au sommet, à pédoncule très
court, glabre, profondément inséré. Epiderme mince,
jaune-verdâtre, taché de brun. Cuisson rapide, pulpe
jaune-canari, fine, d'un goût sucré et un peu acidulé, très
appréciée.
piri ati : (piri : curieux — ati : uni). Les fruits sont disposés par
paires au bout d'un pédoncule commun court et épais le
plus gros est ovoïde, le plus petit sphérique. Grand arbre
élancé à branches grêles. Feuilles minces, vert-bronzées,
légèrement rugueuses, pancilobées (5 à 8 lobes), le
terminal très développé. La chair est de couleur crème,
d'un goût délicieux.
pae
puaa :
le port du piri ati, mais les feuilles sont vertdivisées en 7 à 11 lobes. Beaucoup
possèdent 4 lobes symétriques de chaque côté et le lobe
L'arbre
a
foncées, profondément
737
Société des Études Océaniennes
�gauche divisé en deux segments. Pétiole court et
grêle. Nervures saillantes des deux côtés. Fruit globuleux,
épiderme vert-brun, pédoncule long et épais inséré sur un
bourrelet saillant. Le fruit mûrit très lentement, on peut le
conserver 10 à 12 jours et l'embarquer sur les goélettes
pour la nourriture des équipages.
inférieur
puero :
Grand Artocarpus à feuillage dense. Feuilles vertfoncées, souples, ayant 8 à 12
puero
rare
lobes, le terminal très
développé. Nervure centrale jaune brillante. Fruits
sphériques, volumineux, à surface très rugueuse, jauneverdâtre, parsemée de taches brunes disposées
irrégulièrement. Goût excellent.
ouiri : (oviri : sauvage). Variété de petite taille, à branches
étalées, poussant à l'état sauvage au fond des vallées.
Feuilles petites, minces, ternes, peu profondément
découpées en 7 ou 9 lobes. Nervures secondaires opposées.
Fruit sphérique, aplati aux deux pôles, de qualité
:
médiocre.
Arbre très haut, à feuillage peu fourni, disposé en touffes
aux bouts des branches. Feuilles luisantes, vert-foncées,
épaisses, à 8 ou 10 segments, rétrécis à leurs bases, élargis
au milieu, délimitant des sinus de contour oval. Fruit
oboval, long de 17 cm, tronqué au sommet, à surface très
rugueuse. Les facettes sont des pentagones réguliers,
aplatis vers la base du fruit, convexes et même pointus
vers le sommet. Le cœur est peu développé, il porte une
multitude de petites graines brunes avortées. Pulpe jaunepâle, à petits grains, d'un goût excellent.
rare autia : Arbre élancé. Feuilles ternes, vert-foncées tachetées de
brun, ovales, acuminées, légèrement ondulées, entières,
non divisées en lobes. Fruits sphériques de 15 cm de
diamètre profondément déprimés autour du pédoncule, à
surface vert-terne avec des traînées brunes. L'une des
meilleures variétés, réservée autrefois aux arii et raatira.
tatara: Variété localisée dans la petite vallée de ahui, dans le
district de Tautira. C'est un Artocarpus géant, le tronc
peut atteindre 2 mètres de diamètre à sa base, les
branches ne se forment qu'à une hauteur considérable.
Feuilles
épaisses, lisses, brillantes, profondément
découpées en lobes longs et étroits délimitant de larges
sinus. Les uru sont énormes, certains ont la taille d'une
pastèque et atteignent le poids de 4 kg 500. Ils ressemblent
aux fruits du Jacquier (artocarpus integrifolia) leur forme
est ellipsoïdale, les facettes convexes et apiculées. La
chair est de bonne qualité.
vai paere : Très grande variété à tronc droit et branches étalées,
portant des bouquets de feuilles et de fruits à leurs
extrémités. Feuilles épaisses, brillantes, toujours
738
Société des
Études
Océaniennes
�asymétriques (6 ou 8 segments), segments ondulés et
découpés au sommet. Fruit oboval, volumineux, surface
vert-jaunâtre avec des taches brunes, facettes irrégulières
à 4 ou 6 côtés, présence de quelques graines avortées.
Pulpe ferme, lisse, plutôt sèche, légèrement aigre au goût.
DESCRIPTION DE QUELQUES REMÈDES TAHITIENS
PRÉPARÉS AVEC ARTOCARPUS ALTILIS
otalgies : Piler un bourgeon de uru, placer la pulpe dans une étoffe,
après l'avoir mélangée à du monoi tiare. Chauffer
légèrement au-dessus d'une flamme, frotter le pourtour de
l'oreille non malade, en faisant 7 fois le tour, puis faire de
même autour de l'oreille douloureuse, ensuite instiller
l'intérieur quelques gouttes du liquide d'expression.
toux, bronchites (raau ouma) : Absorber chaque jour une infusion
préparée avec 4 feuilles vertes et 4 feuilles jaunes de tou et
4 bourgeons de urupaea, que l'on broie avant de les traiter
par l'eau bouillante.
Asthme (raau parari ahopau) (l).
Dyspnées : 12 pédoncules de uru paea (6 mûrs et 6 verts)
1 poignée de patoa purahi
L'eau d'un coco.
Avec les plantes broyées
et l'eau de coco préparer une décoction
l'on boit en trois fois dans la journée.
Angines avec dysphagie (difficulté d'avaler)
4 pétioles de feuilles jaunes
4 pétioles de feuilles vertes
de uru
4 jeunes pousses
Les broyer ensemble.
Une jeune branche de uru de la longueur du bras. Rejeter
l'écorce externe, râcler l'écorce interne, pour libérer les fibres.
Placer la pulpe à l'intérieur de celles-ci, pour former un paquet.
Remplir un bol d'eau, y tremper le paquet, le retirer, l'exprimer
fortement dans le bol et parfaire l'épuisement en répétant encore 1
ou 2 fois ces opérations. Employer les trois-quarts du liquide en
gargarismes et boire le dernier quart.
Orgelets
Une poignée de aretu. Une pousse de uru paea dont on rejette
l'enveloppe externe. Ouvrir légèrement l'orgelet et le tamponner
avec le suc retiré des deux plantes mélangées. Il est recommandé
de déboucher le canal lacrymal, à l'angle interne de l'œil, au
moyen d'une fibre de coco.
que
Paul PETARD
(1) Dans la croyance tahitienne, l'asthme comme la toux seraient souvent causés
par un traumatisme (parari) parfois très ancien par exemple un coup reçu sur le
dos ou la poitrine.
739
Société des
Études
Océaniennes
�,
,
.
■
■
'
■
'
740
Société des
Études
Océaniennes
�Notes sur l'évolution
de Tahiti,
démographique
jusqu'en 1918.
locale
La préparation d'un fascicule de documents d'histoire
destiné aux élèves et maîtres du Service de l'Enseignement
Territorial nous a amenés, Madame Dupuy, Directrice du Bureau
Pédagogique à Papeete, et l'auteur de ces lignes, professeur à
l'École Normale de Papeete, à rechercher des renseignements
précis sur un certain nombre de sujets, dont l'évolution
démographique. Pour pallier l'imprécision ou les erreurs (i) des
rares publications sur ce sujet nous avons repris dans le détail, les
recensements effectués à Tahiti et nous nous sommes efforcés de
les confronter avec les données de l'État Civil que nous avons
recueillies au Palais de Justice de Papeete. L'exploitation
pédagogique de ces renseignements sera assurée prochainement
dans le cadre du S.E.T. Mais il a paru utile à l'auteur de ces
quelques pages qu'un "digest" en soit publié à l'intention des
lecteurs du B.S.E.O., et suscite, si possible, renseignements
complémentaires et critiques.
I
-
LES
PREMIÈRES ESTIMATIONS
Pour ce court chapitre, notre
de Norma Me Arthur, Island
référence essentielle est l'ouvrage
Populations of the Pacific (1968,
Canberra, Australian National University Press) où sont étudiés
avec beaucoup de soin les témoignages des premiers navigateurs
et missionnaires européens sur la population des îles de Polynésie,
de Tahiti en particulier.
Les premières estimations
écarts
étude
de ces visiteurs présentent de tels
qu'il est hasardeux de les prendre comme bases d'une
démographique. Ainsi, en 1777, lors de son troisième
voyage,
par
Cook,
se
fondant sur le nombre de guerriers rassemblés
de Matavai pour une expédition à Eimeo,
Pomare 1er en baie
bibliographie établie par Robert C. Schmitt (B.S.E.O., Tome XIII, N° 156-157,
septembre 1956, pages 651 à 656) fait mention d'un recensement établi en 1916, cité dans
l'ouvrage du docteur Sasportas "Dans les eaux du Pacifique, Tahiti et ses Archipels",
Commissariat des E.F.O., 1931, pages 64 et 65. Or le docteur Sasportas a seulement repris
les nombres exacts du recensement de 1911 en les datant de 1916. Voir aussi pour le
recensement de 1863 réalisé en fait en 1862 (tableau N° 1).
(1) Ainsi la
741
Société des
Études
Océaniennes
�estimait abusivement la population de Tahiti, à 240 000habitants ;
ses
calculs faisaient intervenir des éléments manifestement
l'île de Tahiti.
utile de
reprendre, sont beaucoup plus vraisemblables ; mais, écrit fort
justement R. Teissier : "Les navigateurs ont certainement exagéré
erronés,
comme
le nombre de 43 districts
pour
D'autres estimations, qu'il ne nous paraît évidemment pas
leurs chiffres. A l'arrivée de ces bateaux étrangers, les indigènes
de chaque district devaient, comme ils le font aujourd'hui (l'auteur
écrit en 1953) se transporter au lieu de mouillage de ces navires, ce
qui créait forcément de la confusion et des erreurs" (B.S.E.O.,
1953, n° 102, page 16). Incontestablement Tahiti était très
peuplé, probablement surpeuplé si l'on considère les ressources
naturelles de l'île et les possibilités d'exploitation par une société,
fort évoluée par ailleurs, mais de niveau technique faible. Il est
aussi incontestable que l'arrivée des Européens fut à l'origine
d'une dépopulation rapide.
En 1790, Tahiti pouvait compter environ 30 000 habitants si l'on
en croit James Morrison qui y séjourna près de deux ans. Cette
population, relativement nombreuse encore, avait certainement
diminué notablement depuis 1767. (2)
D'autre part, Norma Me Arthur pense que le plus ancien
dénombrement ayant des bases sérieuses est celui effectué par le
missionnaire Wilson en 1797 lors d'une visite à pied autour de l'île,
accompagné d'un interprête et de trois Tahitiens : il estimait à
16 050 personnes la population de Tahiti. Or le recensement
effectué par Davies à la fin de 1829 dénombre seulement 8674
personnes. Il pouvait donc sembler, quel que fût le nombre pris
comme référence, que la population indigène de Tahiti fût en voie
mars
d'extinction. Les missionnaires le constatèrent et
en
donnèrent
parfois les raisons.
Avant le dénombrement de 1797 "les Tahitiens avaient souffert
d'épidémies, peut-être la grippe en 1772 et en 1774, et une maladie
probablement infectieuse, que nous ne pouvons plus aujourd'hui
déterminer, d'origine péruvienne, qui sévit pendant quelques
années. Il y eut au moins une épidémie de dysenterie qui entraîna
une très forte mortalité en 1792, et des manifestations résiduelles
de maladies vénériennes... Il y eut aussi de nombreux combats,
surtout lors du séjour des mutins du Bounty en 1790..." (3).
L'importance de l'infanticide est difficile à mesurer ; la pratique
n'en disparut pas aisément, et en 1847 encore le Gouverneur Bruat
pouvait écrire : "... l'extirpation de l'infanticide, détestable
coutume dont les effets se font déjà beaucoup moins sentir depuis
(2) Journal de James Morrison, Traduction de B. Jaunez, Publications de la Société des
Océanistes, Paris, 1966, page 141.
(3) Norma Me Arthur, ouvrage cité, page 262.
742
Société des
Études
Océaniennes
�deux ou trois ans..." (4). Quoi qu'il en soit nous pensons que les
effets de maladies (grippe, dysenterie, syphilis...) transmises par
les nouveaux arrivés à une population non immunisée, renforcés
une
par
excessive consommation d'alcool, expliquent
essentiellement une mortalité très forte que ne compensait pas
une faible natalité. Ce phénomène fut certainement renforcé par
l'état de démoralisation d'une population qui vit s'écrouler tous
les cadres traditionnels de son univers et qui, n'ayant pas encore
trouvé de nouvelles raisons de vivre au sein d'une société et d'une
culture nouvelles, sembla avoir perdu son énergie vitale.
Dans quelle mesure et jusqu'à quelle date cette décroissance
démographique s'est-elle prolongée ? Les recensements et
mouvements de l'état civil donnent des éléments de réponse.
II
-
LA POPULATION
Dans le recensement
les
INDIGÈNE DE TAHITI JUSQU'EN 1861
établi le 1er février 1848, sont dénombrées
8 557 personnes, dont 475 étrangers, arrivés souvent après 1829, et
8 082 indigènes. Les résultats du recensement de 1857 ne peuvent
être pris en considération ; ils furent annulés. En
effet "Les
de 1860, ayant été opérés par des
officiers, sont les seuls à offrir des garanties. Il n'en est pas de
même de celui qui a été ordonné en 1857 ; car ce sont les autorités
indiennes qui en ont été chargées, et on ne peut avoir de confiance
dans un travail de cette nature, fait par des personnes aussi
inexpérimentées et aussi insouciantes que le sont, en général, nos
indiens de l'Océanie..." (X. Caillet, dans Messager de Tahiti, 9 juin
1861). En 1860, on dénombrait 7169 indigènes de Tahiti, et 7 642 le
1er janvier 1863. En 1881, tous les anciens sujets du roi Pomare V
sont devenus de plein droit citoyens français. Le recensement
effectué cette année dénombre seulement 7 299 citoyens français,
dont environ 900 sont d'origine européenne.
Il semble donc que la population indigène de Tahiti ait presque
constamment diminué entre 1829 et 1881. Les renseignements que
nous possédons
par ailleurs confirment-ils les résultats des
recensements indiens de 1848 et
recensements ?
Norma Me Arthur rapporte,
dans l'ouvrage déjà cité, des
témoignages faisant état de diverses maladies (coqueluche en
1840, variole en 1841, dysenterie en 1843, scarlatine en 1847) qui
expliquent une forte mortalité. Ainsi une épidémie de variole eut
origine l'arrivée à Tahiti en juin 1841 d'un navire américain
Cinq Hawaïens et le frère du
capitaine moururent avant l'arrivée à Tahiti, mais les chefs
acceptèrent que le navire mouille en baie de Matavai, à la suite
d'une déclaration suivant laquelle il n'y avait pas de malade à
pour
allant d'Hawaii à Valparaiso.
(4) Lettre de Bruat au
Ministre de la Marine et des Colonies, 3 novembre 1847, Fonds Océanie,
A. 52.
743
Société des
Études
Océaniennes
�TABLEAU N° 1
La population indigène de TAHITI d'après les recensements.
DATE
♦
NOMBRE
1829
8 674
01.02.1848
fin
1860
8 082
01.01.1863
7 642
1881
6 400
7 169
*
Date fréquemment indiquée par les divers auteurs : en fait, ce recensement fut
effectué en 1862, les résultats, incomplets toutefois, figurent dans le M.T. du
30.11.1862.
bord. Deux semaines plus tard, le navire allait à Papeete où
étaient débarqués deux passagers ; l'un d'eux mourut en quelques
jours,
et en
contaminés.
peu
Le
de temps beaucoup d'indigènes
navire
américain
providentiellement avec du vaccin,
grande partie de la population (5).
ce
"Yorktown"
qui permit de
étaient
arriva
sauver une
L'ÉTAT CIVIL A TAHITI
Le 11 mars 1852 l'Assemblée Législative de Tahiti votait une loi
dont le premier article stipulait : "Il sera tenu dans chaque district
un registre pour
l'inscription des actes de mariage, de naissance et
de décès". Les registres devaient être tenus par les juges de
district, vérifiés trimestriellement par le Directeur des Affaires
Indigènes, puis, une fois remplis jusqu'au dernier feuillet, déposés
aux archives de la Haute Cour Indigène. L'application de cette loi
ne fut pas aisée ; nous lisons dans une ordonnance de 1866 :
"Considérant que les registres tenus depuis cette époque (1852) en
langue tahitienne sont incomplets et présentent des irrégularités
et des lacunes, qu'il est urgent de faire disparaître..." Cette même
année 1866, les fonctions d'officiers d'état civil furent transférées
des juges aux chefs de districts, puis dévolues progressivement,
entre 1873 et 1876, à des autorités métropolitaines, souvent les
chefs des brigades de gendarmerie.
Nous avons eu l'autorisation de consulter ces registres au
Palais de Justice de Papeete, mais trop peu de temps pour les
feuilleter tous : aussi nous sommes-nous penchés essentiellement
sur les actes d'état civil établis pour la seule île de Tahiti à partir
de 1871, nombre de registres antérieurs à cette date ayant disparu.
Néanmoins les données de l'état civil nous sont connues par
ailleurs pour certaines années, ainsi pour la période 1852-1860.
(5) Renseignements tirés de l'ouvrage précité de Norma Me Arthur,
744
pages
250
-
251.
�Nous nous efforcerons de comparer les résultats des
recensements à ceux des mouvements de l'état civil de Tahiti,
sans oublier pour autant que les données fournies par les uns et les
autres sont le produit d'opérations autrefois effectuées avec une
certaine imprécision.
DÉBUT DE L'ANNÉE 1861
SITUATION AU
a fait paraître dans le Messager de Tahiti du 9.06.1861
"Rapport sur les recensements et les mouvements de la
X. Caillet
un
1848 à 1860".
depuis 1852, il établit
population océanienne des îles Taïti et Moorea de
Ayant dénombré les naissances et les décès
le tableau suivant
:
TABLEAU N° 2
État Civil de Tahiti et Moorea.
Décès
Années
Naissances
1852
1853
157
191
171
213
251
249
245
278
266
246
259
.1854
1855
1856
1857
1858
1859
1860
912
218
158
196
217
192
160
Une épidémie de rougeole
Pour les trois premières années l'excédent
naissances s'établit à 821. "... La cause de cette
des décès sur les
mortalité (en 1852
1853) est attribuée à une rougeole mal combattue, qui commence
indiens. En 1854, cette maladie prend le caractère
d'une épidémie très intense..." (X. Caillet, article précité). Cette
même explication est confirmée par d'autres textes. Dans le
et
à sévir sur nos
compte rendu d'une visite du Gouverneur Page dans les districts
de la côte Ouest en 1854 nous lisons : "Cette visite du Gouverneur
avait pour objet de porter des secours ou tout au moins des
consolations aux malheureux habitants qu'une épidémie funeste
décime. Le mal commence par la rougeole qui, répercutée sur les
entrailles, produit une dysenterie presque toujours suivie d'une
inflammation de poitrine. Ce sont les adultes que le fléau atteint
avec le plus de rigueur ; la mort frappe sur eux à coup redoublés.
Les enfants échappent plus aisément. Quelques districts, entre
autres celui de Papara, ont été particulièrement ravagés ; on
compte aujourd'hui près de 70 morts dans ce district. Le pays offre
745
Société des
Études
Océaniennes
�spectacle navrant ; cette population, naguère si vive, si animée,
Grand nombre de cases
sont complètement désertes ; les autres paraissent transformées
en hôpitaux..." (M.T., 09.07.1854). L'épidémie touchait alors à sa
fin, mais elle avait été dévastatrice : "... Bien que nous ayons
encore à enregistrer chaque jour quelques cas de mortalité en
diverses localités, et particulièrement à Papeete, cependant le mal
n'a nulle part un caractère de recrudescence ; il n'y a plus guère de
victimes que parmi les malheureux dont une longue lutte contre la
maladie a épuisé toutes les forces... Nous ne pouvons pas dès
aujourd'hui donner le chiffre exact de nos pertes ; elles sont
grandes, car si certains districts ont à peine quelques morts à
déplorer, dans d'autres, comme celui de Papara, par exemple, la
mort a frappé le septième de la population (soit environ 120 décès
du fait de l'épidémie)... Pendant quelque temps la vie publique du
pays a pu sembler paralysée. Les soins à donner aux malades,
l'ensevelissement des morts absorbait le temps de ceux qui
restaient encore valides ; à peine trouvait-on en certains lieux des
mains capables d'inscrire les décès dans les registres de l'état
un
si riante, est réduite à l'état de fantômes.
civil. Les écoles étaient désertes... les travaux des routes et des
enclos sont demeurés suspendus ; les vivres étaient rares... Mais la
vie renaît dans le pays..." (M.T., 30.07.1854).
État civil
et recensements de 1848 et de 1860
De 1855 à 1860, l'excédent des naisances sur les décès est
constant. Néanmoins les mouvements de l'état civil entre 1852 et
1860 font apparaître un déficit de 427 personnes pour Tahiti et
Moorea. Or le recensement de 1860 (pour les mêmes îles) dénombre
1 171 habitants de moins que celui de 1848. X. Caillet expliquait
ainsi cette différence : elle "ne peut provenir que d'une grande
mortalité, avant la tenue des actes de l'état civil, d'erreurs dans les
1860, ou d'une émigration dont on
n'aurait pas tenu compte. Cette dernière hypothèse est la seule
admissible ; car il n'est pas supposable qu'une épidémie ait pu
sévir dans le Protectorat sans que personne ne s'en soit aperçu,
tandis qu'il est encore aujourd'hui très difficile de suivre les
indiens dans leurs mouvements... On a du comprendre (dans le
recensement de 1848) tous les indiens habitants des Iles Sous le
Vent venus à Taïti, soit pour combattre avec ou contre nous
pendant la guerre de l'insurrection, soit pour assister aux fêtes de
la paix, lors de la rentrée de Pomare à Papeete en 1847..." (M.T.,
30.07.1854).
Quoi qu'il en soit la population indigène de Tahiti a
certainement diminué jusqu'à un chiffre peut-être inférieur à 7 000
en 1855. Le problème créé par cette régression démographique
était assez net pour que les autorités s'en émeuvent et organisent
des campagnes de vaccination et d'initiation à l'hygiène,
campagnes menées non sans difficultés : "Le Commandant,
recensements de 1848 et de
746
Société des Etudes Océaniennes
�Commissaire Impérial, invite les Chefs des districts de Taïti à lire
attentivement le rapport suivant sur la vaccination pendant
l'année 1860. Il espère que la coupable indifférence que les Indiens
ont
opposée à l'amélioration de la santé publique, à
l'accroissement de la population et de ses forces, cessera à l'avenir
et qu'ils comprendront que la vaccination est une garantie pour
eux, pour leurs familles, et pour le bien-être général de leur pays,
dont ils doivent se montrer jaloux" ; suivait le rapport du chef du
service de santé Guillasse : "... la négligence, l'indifférence de ces
populations, à l'endroit de l'hygiène et des moyens préventifs des
maladies, nous font toujours craindre l'invasion de quelque
épidémie... Le nombre des enfants vaccinés, dans l'année 1860,
s'élève à 409 pour l'île de Taïti seulement. Nous avons pu en outre
envoyer du vaccin aux diverses îles qui nous environnent et en
conserver encore pourfês éventualités..." (M.T. 13.01.1861).
III
-
L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DE 1861 à 1881
Cette action fut-elle efficace ? Pour 1861 et 1862 l'excédent des
naissances sur les décès se chiffre à 187 pour Tahiti et Moorea.
L'épidémie était donc, au moins provisoirement, enrayée. Le
recensement effectué peu après manifeste ce phénomène. Mais
l'augmentation de la population indigène pour Tahiti
seule est
chiffrée à 473 personnes en deux ans ce qui ne correspond pas aux
187 précitées pour Tahiti et Moorea. Cette différence s'explique
immigration d'océaniens comptés par les recenseurs
indigènes de Tahiti : "... l'attrait que les Océaniens
trouvent dans leur séjour à Taïti, où ils vivent sous des lois
régulières appropriées à leurs mœurs..." (A.T., 1863, p. 337).
Pour la période comprise entre 1863 et 1870 nous n'avons pu
rassembler les données complètes de l'état civil. Quelques
registres, tels ceux de Mahina, font apparaître des excédents
fréquents de décès sur les naissances ; mais c'est une donnée trop
partielle pour que nous en puissions tirer une conclusion. A partir
par une
comme
de 1871 nous avons pu dénombrer les naissances et les décès pour
l'ensemble des districts de Tahiti. Pour les dix années comprises
entre 1871 et 1880 ce dénombrement nous permet de constater un
déficit de 271 personnes dans le mouvement naturel de la
population. Le recensement de 1881, dénombrant environ 6 400
citoyens français indigènes de Tahiti, manifeste ce déficit par
rapport à ceux de 1860 et de 1863, et nous confirme que,
nonobstant l'imprécision de ces recensements comme des
inscriptions des registres d'état civil, la population indigène de
Tahiti a encore diminué sur l'ensemble de la période 1863-1880
pour atteindre un minimum, cette dernière année, très nettement
inférieur à 7 000 personnes.
Les raisons de cette décroissance
semblent les mêmes que celles
signalées plus haut : une épidémie de rougeole, ayant entraîné une
747
Société des
Études
Océaniennes
�forte mortalité infantile, est signalée par M. Bonnet, l'Officier
d'état civil centralisateur pour les États du Protectorat, dans
l'annuaire de Tahiti pour 1876, comme étant la cause unique de
l'excédent des décès sur les naisances en 1875 ; mais nous sommes
enclins à envisager la même cause pour l'ensemble de la période
considérée.
TABLEAU N° 3
État Civil de Mahina
Années
Naissances
Décès
1863
7
4
1864
1865
1866
1867
3
9
8
13
14
9
10
3
9
10
1868
6
3
6
1869
1870
TABLEAU N° 4
État Civil de Tahiti
Années
Naissances
Décès
1871
1872
1873
221
311
315
198
247
236
1874
1875
1876
1877
1878
1879
1880
IV
-
L'ÉVOLUTION
243
224
222
279
318
234
274
268
262
282
260
292
369
236
DÉMOGRAPHIQUE
DE 1881 à 1917
Après 1881, il devient hasardeux de vouloir considérer
l'évolution de la seule population indigène de Tahiti : les différents
distinguent bien parmi les citoyens français ceux
d'origine indigène des autres, mais cette distinction ne peut
qu'être progressivement de plus en plus artificielle et nous
préférons envisager l'évolution de la population totale de Tahiti ;
nous
soulignerons cependant, quand cela sera possible, pas
toujours malheureusement car les tableaux de recensements sont
recensements
alors
établis
souvent
différemment
et
ne
comportent
pas
systématiquement les mêmes rubriques, certains groupes de
population, population flottante et immigrants asiatiques ou
océaniens, dont les dénombrements expliquent parfois de grandes
748
Société des
Études
Océaniennes
�variations de la population totale (tableau N° 5)
TABLEAU N° 5
Recensement de la population
principaux
.
,
Années
r,
,
Population
groupes
1902
A
.
.
307
347
7 299
580
11 830
1921
11 746
14 154
1926
1931
1936
1941
,,
.
803
396
1 105
400
247
1 700
984
10 113
10 750
1911
,
fran.
9 380
11 191
1907
^
.
.
9 486
11 682
12 102
:
Européens
Citoyens
et
Populatioi
J
Asiatiques Océaniens
«
français Américains
flottante
non
1863
1881
1887
1892
1897
de Tahiti
de population
16 781
19 029
23 133
463
505
550
300
10 593
9 804
620
369
556
795
153
452
10 347
12 462
255
2 652
2 988
359
551
739
484
288
14 107
395
344
186
271
3 794
4 722
3 376
1946
1951
24 820
17 672
19 715
30 500
25 144
448
4 908
1956
36 326
30 924
253
5 081
411
la population totale de Tahiti a augmenté entre
si la population indigène a diminué très
nettement, diminution compensée par un mouvement
d'immigration portant sur des Européens ou Américains, plus
nettement sur des Asiatiques et des Océaniens.
Rappelons
que
1863 et 1881 ; même
De 1881 à 1902
On peut constater pour les recensements suivants, jusqu'à celui
de 1902 la difficulté d'exploiter des données aussi peu détaillées,
même si l'on déduit de la population totale la population flottante
composée essentiellement de militaires et de marins.
Les registres de l'état civil sont plus explicites que les
recensements sur l'évolution démographique.
Négligeant les importantes variations d'une année à l'autre
dans le nombre des naissances comme dans celui des décès, nous
constatons une augmentation naturelle de la population de 231
personnes entre 1881 et 1886, puis un déficit de 35 personnes entre
1887 et 1891, un excédent de 144 personnes entre 1892 et 1896, un
excédent plus faible de 78 personnes de 1897 à 1901.
Si nous comparons ces résultats avec ceux des recensements,
dont nous avons déduit la population flottante, nous constatons
de considérables écarts qui ne peuvent s'expliquer que par
749
Société des
Études
Océaniennes
�d'importants déplacements de populations d'origine asiatique ou
océanienne, dont ne rendent pas compte les dénombrements.
L'accroissement naturel de la population durant cette période de
21 ans reste très faible, 418 personnes seulement : c'est au cours de
ces années semble-t-il que le mouvement naturel de la population
à Tahiti tend vers un accroissement régulier, tout en demeurant
fortement instable.
TABLEAU N° 6
État civil de Tahiti
Années
Naissances
Décès
1881
1882
1883
1884
1885
1886
1887
1888
1889
1890
1891
280
272
235
238
260
201
308
247
262
272
331
275
286
302
285
319
256
329
296
289
335
327
278
326
310
1892
1893
1894
297
297
319
1895
1896
337
311
241
1897
322
253
280
1898
1899
1900
1901
374
322
325
307
346
396
374
334
TABLEAU N° 7
Variations de la population
de Tahiti
(Population totale moins population flottante)
recensement
Mouvement de
l'état civil depuis
le recensement
précédent
précédent
Différence par
rapport
1887
1892
1897
1902
+
-
au
+ 231
358
362
-
+
35
+ 144
+ 1 158
+
890
78
750
Société des
Études
Océaniennes
�De 1902 à 1917
TABLEAU N° 8
État civil de Tahiti
Années
Naissances
Décès
1902
1903
451
360
402
368
428
441
353
325
373
424
407
453
348
291
401
388
366
349
387
1904
1905
1906
1907
492
469
1908
512
1909
1910
522
1911
1912
1913
1914
1915
1916
1917
304
506
498
553
538
572
550
605
446
Les dénombrements effectués de 1902 à 1917 dans les registres
d'état civil font apparaître une croissance, sinon régulière, car
l'excédent des naissances sur les décès varie d'une année à l'autre
du simple au quintuple, du moins continue, de la population
Tahiti. L'année 1903 seulement, est marquée par un excédent des
décès sur les naissances : la cause en réside probablement dans
une nouvelle et brève épidémie, de grippe ou de rougeole peut-être,
sur laquelle nous n'avons pas de renseignements. Cette même
année se signale, en outre, par un taux minimum de natalité ; le
de
entre 1902 et 1917 est d'environ 40 p. mille avec de très
grandes variations, approximativement de 30 p. mille en 1903 à
46 p. mille en 1912, taux en augmentation sur ceux que nous avons
pu estimer au cours de la période précédente.
Le recensement de 1907 confirme à peu près cette augmentation
de la population tahitienne depuis 1902 : l'état civil donne une
augmentation de 368 personnes, le recensement de 486.
Cependant, le recensement de 1911, s'il fait apparaître une
augmentation de la population des E.F.O., due à l'installation à
Makatea d'immigrants japonais et à l'arrivée à Tahiti même de
nouveaux immigrants chinois, dénombre cependant pour Tahiti
une population moins nombreuse qu'en 1907 (-313) tandis que
l'état civil présente un excédent de 502 personnes. Nous pouvons
seulement comme plus haut expliquer cette contradiction par des
mouvements inverses de population entre Tahiti et les autres îles
de Polynésie, mouvements dont nous n'avons pas de traces par
taux moyen
ailleurs.
751
Société des
Études
Océaniennes
�Néanmoins, l'accroissement naturel de la population de Tahiti
semble alors acquis et il se poursuivra jusqu'à nos jours sans
heurt
notable, sinon la crise de 1918.
V
-
L'ANNÉE 1918
Quelques lignes du J.O.E.F.O. en date du 15 novembre 1918,
999, expriment ce qui allait être la cause probable d'une
terrible épidémie : "En cours de traversée entre San Francisco et
Papeete, la goélette "Roberta" a perdu deux hommes de son
équipage, morts, semble-t-il, de la grippe espagnole". Ce même
journal, d'ordinaire bimensuel, ne parut de nouveau que le 31
décembre suivant ; le Gouverneur des E.F.O. y exprimait ses
condoléances aux familles touchées par la récente épidémie. Il ne
semble pas inutile de donner quelques détails sur une catastrophe
qui causa la mort de près de 1 500 personnes à Tahiti seulement.
Les renseignements précis sur ce sujet ne sont guère nombreux ;
nous avons pu cependant utiliser deux documents officiels de cette
époque, et encore inédits, semble-t-il, à ce jour. Il s'agit d'un
rapport du Directeur du Service de Santé des E.F.O., le Docteur
Allard, daté du 1er février 1919, et d'une lettre du Gouverneur au
Ministère datée du 17 janvier 1919. Nous en citerons de nombreux
page
extraits.
Deux tableaux dressés par le Docteur Allard
de l'importance de l'épidémie :
Répartition des décès
Tahiti
1 250
253
95
900
Moorea
Makatea
Iles Sous-le-Vent
Répartition
par
...
par groupe
décès
décès
pour
pour
décès pour
décès
pour
donneront une idée
d'îles.
7 000 habitants
1 500 habitants
800 habitants
6 000 habitants
journée des décès de la ville de Papeete.
01
02
10 décembre
11
26
26
27
28
05
06
12
13
11
29
30
09
14
14
18
07
03
03
25 novembre
1er décembre
24
15
16
2
3
44
17
79
71
18
19
20
4
5
6
71
50
21
7
37
Du 22
8
9
40
14
05
07
01
03
au
31 décembre
TOTAL
28
752
Société des
Études
19
Océaniennes
11
609
�Quelques remarques s'imposent à propos du premier tableau.
Celui-ci tient compte seulement des décès enregistrés pendant la
période limitée où la grippe espagnole fut active, non de ceux
causés antérieurement (depuis le mois de mai 1918) par d'autres
formes de grippe. Les nombres mêmes inscrits dans ce tableau
paraissent discutables. Ainsi un rapport du Docteur Bellone sur
sa
tournée à Moorea, fin décembre 1918, conclut, après un
dénombrement district par district des décédés et des malades :
"En tout environ 273 décès et 60 malades, quelques décès à
prévoir..." (Rapport daté du 30 décembre 1918). Pour Tahiti, sa
population, estimée par le docteur Allard à 7 000 personnes,
s'élève en fait en 1918 à près de 12 000 personnes. D'autre part les
dénombrements effectués à l'état civil font apparaître un total de
décès pour 1918 supérieur d'environ 1 500 au nombre moyen des
décès pour la dizaine d'années précédentes, au cours desquelles la
mortalité semble en décroissance (cf. Tableau N° 9). Tahiti aurait
donc perdu du fait de la grippe 12,5 % de sa population en 1918.
Cela justifie les détails qui vont suivre.
TABLEAU N° 9
Nombre de décès à Tahiti
1908
1909
1910
1911
1912
1913
424
407
1914
453
1916
348
1917
1918
388
366
349
387
1915
291
401
Moyenne des décès de 1908 à 1917
1913
381
"Depuis le mois de mai 1918, la grippe n'avait cessé de se
manifester, non seulement à Tahiti, mais aussi aux Tuamotu et
aux
Iles Sous-le-Vent. C'est surtout aux mois d'août et de
septembre que les cas les plus nombreux furent observés. Pour
Papeete, le chiffre des décès en août 1918 est exactement le double
de ce qu'il était en août 1917. A Makatea, le rapport de septembre
signale 73 cas de grippe dont 11 avec complications pulmonaires
graves. De Tatakoto, le Président du Conseil de district écrivait le
16 septembre : "Ici tout le monde est grippé ; impossible de trouver
des travailleurs". Enfin le médecin des Iles Sous-le-Vent signalait
le 20 août que la grippe était générale dans l'archipel. Toutefois, la
maladie évoluait d'une façon généralement bénigne et semblait
même près de s'éteindre, lorsqu'à la suite du passage d'un navire
venant de San Francisco éclata l'épidémie dont nous allons
relater la marche et les effets.
753
ociété des Etudes Océaniennes
�Navua de l'Union Steam Ship Cy arrive à Papeete le
La visite du médecin arraisonneur révèle la
présence, parmi l'équipage, de 3 malades présentant un état mal
Le vapeur
16 novembre
...
défini et, en apparence, peu grave.
L'un des malades, un Tahitien, est débarqué et hospitalisé ;
ordre est donné d'isoler les deux autres malades. Mais la situation
du "Navua" se modifie dès le lendemain de son arrivée ; le 17 à 7
heures du matin, un des deux malades isolés à bord succombe
brusquement avec des phénomènes asphyxiques ; plusieurs cas
nouveaux se déclarent dans la journée, particulièrement parmi le
personnel de la machine, en sorte que le Capitaine se voit dans
l'impossibilité de prendre la mer. Nous ordonnons alors au navire
d'aller mouiller en rade, de s'isoler rigoureusement et de
débarquer ses malades à l'îlot de Motu Uta où ils seront soignés
dans de meilleures conditions qu'à bord.
A terre cependant, on ne constate encore que des cas très peu
nombreux et qui ne semblent pas devoir évoluer autrement que
ceux que nous observions depuis plusieurs mois.
Puis, coup sur coup, sont atteints le médecin arraisonneur (qui
contamine sa femme), les matelots du port et plusieurs autres
personnes qui, les premières, ont été en relation avec le personnel
du navire. Alors, brusquement, les cas se multiplient avec une
rapidité inouïe et s'aggravent à mesure qu'ils s'étendent.
Déjà les écoles ont été licenciées (25 novembre), les salles de
spectacles fermées ; mais toute mesure de protection vis-à-vis des
districts est vaine désormais ; par suite de leurs relations
incessantes avec le chef-lieu, ils ont été atteints presqu'en même
temps que lui ; pour les mêmes raisons, Moorea et les Iles Sous-leVent sont prises dès le 20.
Au bout de 15 jours, c'est-à-dire dans la première semaine de
décembre, l'épidémie est à son apogée ; tous les services sont
arrêtés ; les rues sont désertes, les magasins fermés ; on peut
estimer que les deux tiers de la population sont atteints plus ou
moins gravement ; dans certaines maisons où plusieurs familles
se sont entassées, c'est à peine s'il se trouve une personne valide
pour assister les autres.
La deuxième semaine de décembre est presque aussi terrible,
puis l'épidémie s'atténue et finalement s'éteint à la fin du mois.
Quant au "Navua" il avait quitté notre port dès le 30 novembre
après avoir perdu un officier et quatre hommes d'équipage sur 22
malades traités.
Notre impression sur l'origine de cette épidémie est que toutes
les conditions les plus défavorables se sont trouvées réunies pour
mettre la population tahitienne en état de réceptivité. En dehors
du réveil de virulence incontestable apporté à la grippe locale par
les malades du "Navua" il faut noter l'état nerveux résultant de
l'annonce toute récente de la victoire et des fêtes qui s'en étaient
suivies ; une température excessive et un état atmosphérique
754
O
es
Océan
�particulièrement pénible dû au retard de la saison des pluies ;
enfin des secousses sismiques fréquentes et assez accentuées qui
avaient fortement impressionné la population tahitienne
prompte, par nature, à s'inquiéter...
La grippe observée à Tahiti, a présenté tous les degrés
d'intensité depuis la simple indisposition jusqu'à l'attaque
foudroyante enlevant le malade en moins de 48 heures...
La maladie a frappé plus particulièrement les adultes, et, parmi
eux, les "forts" et les individus précocement gros que l'on
rencontre fréquemment dans la race tahitienne. Par contre, les
vieillards et les jeunes enfants ont été relativement peu touchés.
Par un étrange privilège, les soldats tahitiens provenant de
l'armée d'Orient et tous plus ou moins entachés de paludisme ont
été épargnés. Alors que tout le détachement de Papeete était
terrassé par la grippe, les seuls "saloniquards" sont restés debout
et c'est presque exclusivement parmi eux que nous avons pu
trouver du personnel auxiliaire. Comment expliquer cette
immunité ? Est-elle le fait, non pas du paludisme, mais de la
quinisation intensive dont ces soldats ont été l'objet ? Nous
serions plutôt enclins à penser qu'elle résulte des nombreuses
vaccinations (anti-typhoïdique, antiparatyphique et
anticholérique) qu'ils ont subies. Il est, en tout cas, certain qu'il ne
s'agit pas d'une simple coïncidence car la constatation faite sur 40
sujets ne comporte qu'une seule exception. Encore s'agit-il d'un
"malin" qui s'était vanté de s'être dérobé à toutes les séances de
vaccinations pendant son séjour en Orient et qui a succombé à une
grippe à forme pneumonique.
On peut dire que la maladie s'est attaquée indifféremment à
toutes les races : Européens, Tahitiens, Asiatiques ont été
également atteints mais très inégalement éprouvés... Si la
mortalité a été si élevée parmi les Tahitiens c'est, il faut bien le
dire, à cause de leur insouciance et des imprudences qu'ils ont
commises comme à plaisir malgré les conseils donnés. Beaucoup,
suivant les prescriptions de sorciers-médecins (dont le plus célèbre
a
d'ailleurs été victime de ses propres
méthodes)
(6) se
sont
des bains de rivière glacés avec des températures de 39
et 40° ou même par des applications directes de glace sur la
poitrine et le dos. D'autres, inquiétés par l'éventualité d'un
tremblement de terre, passaient les nuits sur les vérandas ou en
dehors de leurs demeures sur le gazon humide. Dans beaucoup de
soignés
par
maisons, à mesure que l'épidémie devenait plus intense et plus
meurtrière, familles et amis se groupaient en nombre excessif
dans des pièces exigûes, moins pour s'y soigner que pour y mourir
ensemble.
L'œuvre d'assistance, vis-à-vis de tels malades, était immense.
Insouciant et généralement dépourvu de tout ressort, le Tahitien
(6) Le célèbre Tiurai, décédé
le 5 décembre 1918 à
Punaauia.
755
ill
�toujours prêt
pour
les fêtes et les chants est désarmé devant la
maladie. On peut dire que dès que l'épidémie a été déclarée il a
fallu venir en aide à toute la population indigène, non seulement
pour
lui donner des soins et des médicaments, mais aussi pour
l'alimenter...
Les indications générales sur
suivre étaient
traitement à
les précautions à prendre et le
également répandues aussi
fréquemment que possible. Enfin, une potion antigrippale
pouvant s'appliquer à tous les cas était distribuée par les soins des
Sœurs, des Frères, des Pasteurs et de diverses personnes à tous les
malades que le médecin n'avait pas encore pu voir.
En effet, sur trois praticiens que compte l'île de Tahiti, deux ont
été atteints par la grippe dès le début ; l'un, le docteur Bellone, est
resté indisponible pendant presque toute la durée de l'épidémie ;
l'autre, le docteur Le Strat, a pu reprendre son service au bout de
dix jours, à peine rétabli et dans un état d'extrême faiblesse.
En sorte que pendant cette période, il n'y avait à Papeete et dans
toute l'île de Tahiti qu'un seul médecin à qui incombait la tâche
écrasante de répondre nuit et jour à d'incessants appels en ville et
de régler les importantes questions de police et de surveillance
sanitaires et enfin, d'assurer seul le service de l'Hôpital colonial
bondé de malades, du lazaret et de l'Hôpital auxiliaire angloaméricain.
Dans ces conditions, il ne pouvait être question d'aller visiter les
districts et l'île de Moorea : des circulaires en français et tahitien
donnant des conseils pratiques ont été envoyées par le Service de
Santé à tous les chefs de districts. En outre, des tournées
organisées comme il avait été fait pour la ville ont permis aux
malades de recevoir des médicaments en attendant l'arrivée d'un
renfort médical, M. Danes, Officier de Santé à Rangiroa. Le côtre
"Noélina" avait été, en effet, envoyé par nos soins aux Tuamotu
dans le double but de s'enquérir de la situation sanitaire de cet
archipel particulièrement riche et peuplé et de ramener M. Danes
à Tahiti si sa présence n'était pas absolument indispensable à
Rangiroa.
Le navire avait des instructions formelles pour ne pas
communiquer avec la terre. L'archipel était encore indemne, M.
Danes a pu quitter son poste et arriver à Papeete dans la nuit du 7
au 8 décembre dans des conditions qui faillirent être tragiques : le
côtre dont tout l'équipage était terrassé par la fièvre se perdit sur le
récif. (7)
(7) "Le côtre Noélina, de 24 tonnes nettes, muni d'une machine de 24 chevaux, construit à
Papeete en 1914, appartenant à M. Nicolas Tuhiva, fut envoyé, au plus fort de l'épidémie,
en mission à Rangiroa et Tikehau pour y prendre M. Danes, Médecin des Tuamotu, et le
ramener à Papeete où sa présence était nécessaire. En cours de route, le patron et
l'équipage, composé de 3 matelots et d'un mécanicien, furent pris par la grippe. Le retour de
Tikehau à Papeete en fut rendu assez pénible.
M. Danes et un autre passager, M. Sylva, furent obligés de surveiller la machine et de
faire la barre de concert avec le capitaine qui était le moins atteint des malades.
Le samedi 7 décembre, à 10 heures du soir, après avoir dépassé Tetiaroa, le capitaine prit
756
Société des Études Océaniennes
�Des tournées médicales ont été aussitôt organisées, du 8 au 13
la côte Ouest, du 14 au 16 sur la côte Est. Sur ces entrefaites de
mauvaises nouvelles étaient parvenues des Iles Sous-le-Vent où
sur
l'épidémie faisait rage et où le Docteur Conil était lui-même alité.
M. Danes est parti pour visiter cet archipel du 17 au 22 décembre ;
à la même date une tournée fut faite à Moorea par le docteur
Bellonne...
Quant à l'Hôpital colonial, il a eu surtout à traiter des cas
souvent désespérés.
Alors que tous les autres services étaient désorganisés, il a
continué à fonctionner sans interruption avec son personnel
réduit à un médecin et à trois infirmiers atteints eux-mêmes par la
maladie. Quoique exténués par la fièvre et le manque de sommeil,
graves,
soutenus par
l'exemple de l'infirmier-Chef Adge, ils ont assuré
interruption, en plus du service des malades, celui de la
pharmacie extrêmement chargé et de la cuisine qui n'avait plus
sans
Faute d'infirmiers volontaires vainement
a utilisé comme auxiliaires deux soldats de
bonne volonté dont les services ont été appréciables.
A la pharmacie, dont le médecin-Chef avait pris la direction par
suite de la maladie grave du pharmacien-major Lespinasse, le
nommé Tehuiatua a Huioutu, soldat libéré de la section des
infirmiers, revenant de l'Armée d'Orient, a rendu bénévolement
des services remarquables.
Les deux infirmières du Service des femmes ont été malades
pendant toute la durée de l'épidémie. Une seule infirmière
auxiliaire s'est présentée pour les remplacer.
Malgré tant de difficultés de toutes sortes, les malades n'ont
jamais manqué de soins.
La question des inhumations a été à un moment donné
extrêmement difficile à résoudre. Faute de bras, il ne pouvait plus
être question de creuser des fosses individuelles, ni même des
fosses communes. Pendant la période où l'on relevait dans la
petite ville de Papeete plus de 70 cadavres par jour, il a fallu se
résoudre à brûler les corps dans une vaste et unique fosse après }es
avoir enduits de goudron.
Cette pénible détermination a été prise le 2 décembre au cours
d'une réunion du Comité exécutif d'hygiène et de salubrité
publique institué par le Gouverneur. (8)
son
personnel.
demandés, l'hôpital
reposaient. On suppose que le capitaine,
le côtre s'échoua sur le récif près de la
passe de Papeete. Les passagers et le mécanicien traversèrent le récif et arrivèrent à terre
au moyen de l'embarcation du bord, bien que celle-ci fût défoncée et pleine d'eau. Ils
informèrent de l'événement quelques matelots plus ou moins valides de la goélette "Tere
ra" et les envoyèrent prendre le capitaine et les 3 hommes qui étaient restés sur le récif
auprès de l'épave. Le sauvetage du personnel prit fin vers 2 heures, et le bain prolongé que
durent prendre les malades fut cause de la mort du capitaine et de 3 hommes de l'équipage.
Le mécanicien seul put guérir." (J.O.E.F.O. — 1er janvier 1919 — page 5).
la barre pendant que les
hommes valides
se
fatigué et malade, s'endormit, car, vers 11 heures,
(8) "Le Chef du Service de Santé s'inquiète
de la question des inhumations. Il pense qu'il y a
757
o
�Nous avons dit qu'il n'avait pas été possible de prendre à Tahiti
des mesures efficaces pour la protection des districts en raison de
la grippe déjà existante et de la brusquerie du réveil de virulence
"Navua". Pour la même raison,
purent être épargnées ; mais dès
que la nouvelle allure de l'épidémie fut manifeste, la sortie du port
le passage du
Moorea et les Iles Sous-le-Vent
que provoqua
ne
archipels.
permis de tenir hors de la contagion le groupe
fut interdite à tous les naivres à destination des autres
Cette
mesure a
des Tuamotu dont nous venons
récemment des nouvelles excellentes.
Il en est sans doute de même pour les Marquises,
important
d'avoir, tout
les Gambier et
les Iles Australes dont nous sommes sans nouvelles depuis trois
mois.
A l'heure où nous écrivons ces lignes, l'épidémie est absolument
éteinte depuis plusieurs semaines, mais le mois de janvier étant
habituellement un mois de vacances à Papeete, la rentrée des
classes n'a eu lieu dans les écoles que le 1er février.
Le Service d'Hygiène s'occupe actuellement de parfaire les
inhumations qui, sur bien des points, ont été faites hâtivement, et
à une profondeur insuffisante. Une sorte de tumulus fait de chaux
et de caillasse constituera une protection efficace au-dessus des
corps..." Rapport du Directeur du Service de Santé, le Docteur
Allard, daté du 1er février 1919 à Papeete.
Le rapport du Gouverneur contient beaucoup d'autres rensei¬
gnements sur les circonstances de l'épidémie et les moyens mis en
œuvre pour la combattre. Nous en extrayons les citations
suivantes, négligeant car tel n'est pas notre sujet, de nombreuses
informations sur les attaques portées contre la personne même du
Gouverneur et les réponses qu'il y apporta.
"Depuis le 21 novembre, des secousses sismiques, fréquentes,
avaient répandu l'inquiétude parmi les populations de
des districts ; les gens d'église exploitant la crainte
Papeete et
innée des
indigènes leur laissaient volontiers croire qu'après la guerre, la
fin du monde était une catastrophe inéluctable de telle sorte qu'un
affaissement moral considérable, surtout dans la population
maorie et métisse, s'observait un peu partout.
A ce moment, j'avais compté que les fêtes de la victoire
viendraient à point détourner les idées vers de fortifiantes réalités
mais je pus constater que la dépression morale marchait
parallèlement avec la prolongation des mouvements sismiques,
lesquels devaient d'ailleurs être ressentis jusqu'aux premiers
jours de janvier 1919...
Comme nous étions sous la menace d'une épidémie, j'évitai de
lieu d'envisager la création d'une fosse commune, la crémation, ou bien de recourir à
l'immersion des corps comme cela a eu déjà lieu pour les malades décédés au lazaret.
M. Ahnne fait remarquer que l'immersion aurait de fâcheuses conséquences pour
l'avenir. Les indigènes, très superstitieux, n'oseraient plus, pendant de longues années,
aller à la pêche ni naviguer dans toute la région de l'avant-port. Cela entraînerait sans
aucun doute la suppression d'une part importante de l'alimentation indigène et rendrait
758
Société des
Études Océaniennes
�information
leur (des notables de Papeete) faire connaître une
lancée le 21 novembre par la T.S.F. de Samoa et disant que,
dans
archipel, "l'influenza sévissait terriblement, que tout le monde
était atteint, qu'aucun valide n'était disponible pour enterrer les
morts". Je pensais qu'une telle nouvelle, même atténuée, à la
veille du banquet de la Victoire, eût constitué un coup de massue
pour les populations déjà si émues, comme je l'ai dit plus haut. Je
recommandai donc le secret absolu au Chef de Station qui avait
reçu l'information et, d'accord avec le Directeur du Service de
Santé, je décidai que les réunions préparées de longue main
auraient lieu mais que ce serait les dernières. Après le banquet de
la Victoire du 23 novembre et la cérémonie d'actions de grâces au
temple protestant, le lendemain dimanche, non seulement je
refusai toutes autres autorisations mais sous des prétextes divers
je déconseillai les réunions d'une société de danse qui sollicitait
cet
très vivement mon patronage.
Dès le 26, la radio de presse, diffusée par les soins du
gouvernement et qui tient lieu ici d'organe de publicité, conseillait
à la population de garder les enfants à la maison, d'éviter les
agglomérations et de prendre quelques précautions telles que
lavages fréquents de la bouche et des fosses nasales. Semblables
avis, sous des formes appropriées aux nécessités du moment,
n'ont pas cessé, durant tout le cours de l'épidémie d'être répandus.
Ils étaient généralement rédigés ou inspirés par Monsieur le
Médecin-Directeur et quelquefois accompagnés de leur traduction
en langue tahitienne.
N'ignorant pas que les secousses sismiques avaient sur le moral
des malades la plus fâcheuse répercussion, je rédigeai moi-même à
deux ou trois reprises quelques explications uniquement destinées
à donner confiance à ceux qui en manquaient. Car, il faut le dire,
entre le 26 et le 31, l'épidémie qui avait paru devoir rester bénigne
et se limiter à des manifestations purement sporadiques, envahit
tout à coup la ville entière et se propagea comme une traînée de
poudre dans les districts.
Les médecins ont évalué à 90 pour cent la proportion des
personnes atteintes au même moment ; eux-mêmes, au nombre de
trois seulement au début, tombèrent, à l'exception du Directeur du
Service de Santé, de telle sorte que l'organisation des secours pesa
sur un très faible nombre de gens valides et dépassa pendant
plusieurs jours tout ce à quoi les forces humaines pouvaient faire
face.
Le 2 décembre,
j'instituai
un
comité exécutif d'hygiène et de
plus difficile encore la question des approvisionnements du marché au poisson de Papeete.
Son opinion est partagée par plusieurs membres du Conseil
abandonnée, à moins d'urgente nécessité.
Monsieur le Gouverneur dit que cette dernière mesure ne sera
et l'idée d'immersion
envisagée que s'il est
absolument impossible d'agir autrement. Il charge le Chefdu Service des Travaux
Publics d'examiner immédiatement la possibilité de creuser une fosse commune."
(J.O.E.F.Ô., 15 janvier 1919, page 11).
reconnu
759
�publique et lui donnai tous pouvoirs pour prendre telles
que les circonstances commanderaient ainsi que les
moyens financiers d'y pourvoir. Le Secrétaire Général en était
président, le Chef du Service médical, vice-président ; le droit de
réquisition dans des cas strictement spécifiques était délégué à
santé
mesures
chacun des membres...
A noter qu'à la même période
Station de T.S.F. signalaient le 7
des nouvelles interceptées à la
décembre, d'Apia à Rarotonga :
plusieurs milliers d'indigènes sont morts ici de "l'influenza"
laquelle diminue maintenant mais la terreur règne en NouvelleZélande : et le 12 suivant, de Samoa, cette autre : l'épidémie sévit
très cruellement dans tout le territoire insulaire des Fidji. Le
Gouverneur devait garder pour lui ces informations dont la
divulgation n'eût fait que déprimer le moral de ses administrés et
le seul intérêt de démontrer que notre sort n'était pas plus terrible,
en somme, que celui de nos voisins de l'Ouest...
Le besoin de personnel fut tel que, le 1er décembre, le central
téléphonique ne disposant plus de ses employés, je chargeai mon
secrétaire-général de rallier autour de lui les quelques
fonctionnaires valides qui restaient pour maintenir en activité un
service public que l'entrepreneur s'avouait incapable d'assurer
plus longtemps..." (Rapport du Gouverneur au Ministre daté du 17
janvier 1919 à Papeete).
Des mesures rigoureuses avaient permis l'isolement des
Tuamotu, des Marquises et des Australes qui échappaient ainsi
au désastre. Mais, comme Makatea et Moorea, les Iles Sous-leVent furent dévastées et le bilan fut lourd :
"Le Gouverneur a quitté Papeete sur l'aviso Kersaint le 18
février dernier, à destination des Iles Sous-le-Vent, et est resté
neuf jours absent. Il a eu l'occasion de visiter rapidement les
centres des principales Iles de l'archipel, de voir les populations
encore tout émues des désastres récents, mais pleines de courage
recommencer la lutte quotidienne pour laquelle
l'Administration leur a promis tout le concours possible. Le
chiffre de la mortalité totale se tient aux environs de 900 pour
l'ensemble du groupe et ne modifie en rien les premières
évaluations. Toute trace de grippe infectieuse a disparu
maintenant, mais au moment de la tournée du Gouverneur, une
autre épidémie sévissait sur les enfants ; tous étaient pris, presque
à la fois, de forts rhumes accompagnés de fièvre, mais à évolution
pour
rapide et guérison assurée dans la majorité des cas." (J.O.E.F.O.
1.03.1919, p. 75).
Avant même la fin de l'épidémie, on s'était préoccupé de la
reprise des activités, le Gouverneur avait envoyé à Paris un
télégramme exposant la situation : "... Épidémie de grippe a
revêtu caractère particulièrement violent... Toutes mesures
humainement possibles prises mais colonie sortira très affaiblie
cette épreuve... Tous services plus ou moins paralysés. Épidémie
760
Société des Etudes Océaniennes
�—
Vais pouvoir assurer reprise affaires par
fortune, mais vous prie instamment donner suite
immédiatement à demandes personnel déjà adressées
département. Main-d'œuvre étant réduite à proportion infime par
disparition nombreux travailleurs — Colonie serait
reconnaissante à Métropole lui retourner plus tôt possible
contingents ayant cessé être utiles France. (Télégramme du 15
décembre 1918, cité dans J.O.E.F.O., 15 janvier 1919 page 14).
en
décroissance
moyens
Marc LERICHE
761
Société des
Études
Océaniennes
�.
'
■"
.
■
■
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 199
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Articles
- Denys Choffat - La seconde division de la flotte espagnole du Pacifique à Papeete en mars 1866 720
- Paul Petard - L'arbre à pain 727
Marc Leriche - Notes sur l'évolution démographique de Tahiti, jusqu'en 1918 741
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1977
Date de numérisation : 2017
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